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Examen du dossier des discussions
constitutionnelles
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Cardinal): Messieurs, nous reprenons une
deuxième séance, qui est une séance différente de
celle d'hier, de la commission élue permanente de la présidence
du conseil et de la constitution. Je dois donc recommencer
d'énumérer les membres et les remplacements, s'il y a lieu et
cela, pour toutes sortes de fins comme le droit de vote, de parole et autres.
M. Bédard (Chicoutimi).
M. Morin (Louis-Hébert): II s'en vient, il est
là.
Le Président (M. Cardinal): M. Bisaillon (Sainte-Marie);
M. Charbonneau (Verchères) est remplacé par M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes); M. Clair (Drummond) qui préside une autre commission
est remplacé par M. le ministre, à ma droite, M. Morin
(Louis-Hébert).
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, monsieur,
présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Forget (Saint-Laurent).
M. Forget: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton) est remplacé, pour cette séance, par M.
Biron (Lotbinière); M. Laberge (Jeanne-Mance); M. Levesque (Bonaventure)
sera remplacé aujourd'hui comme membre par M. Raynauld (Outremont); M.
Paquette (Rosemont) est toujours notre rapporteur.
M. Raynauld: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y en a pas. À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
M. Raynauld: C'est avec les autres droits dont le
président avait parlé au début.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît. Il n'y a pas de question de privilège en commission
parlementaire. M. Roy (Beauce-Sud).
M. Roy: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).
Intervenants: M. Bertrand (Vanier), M. Brochu (Richmond).
M. Fontaine: Remplacé par Fontaine.
Le Président (M. Cardinal): Bon, merci. M. Ciaccia
(Mont-Royal) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M.
Dussault (Châteauguay), M. Guay (Taschereau).
M. Guay: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Lavoie (Laval) est
remplacé aujourd'hui par M. Gratton (Gatineau); M. Lévesque
(Taillon) est remplacé aujourd'hui par M. Michaud (Laprairie).
M. Michaud: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Louis-Hébert)
qui aurait été intervenant, en fût-il autrement, est
remplacé, à ce titre, par M. Charron (Saint-Jacques).
Avant de commencer ces travaux, quelques remarques
générales. Nous avons le même mandat qu'hier et,
très brièvement, je rappelle qu'il s'agit de l'examen du dossier
de la discussion constitutionnelle présentement en cours.
M. Morin (Louis-Hébert): On ne peut rien vous cacher.
M. Forget: Est-ce qu'on peut connaître l'horaire de la
journée, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Un instant. J'ai
souligné que le rapporteur était le même. Justement,
à cette question, M. le député de Saint-Laurent, ce n'est
pas la présidence qui va se prononcer sur l'horaire de la
journée. Je n'en ferai pas une question hypothétique au
début. Nous siégeons normalement jusqu'à treize heures et
nous verrons où en sont alors rendus nos travaux. Nous pourrons
procéder par motions, dans un sens ou dans l'autre. Est-ce que cette
réponse vous convient?
M. Forget: II le faut bien, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Quant au représentant
du gouvernement, tous savent l'évidence que c'est le
député de Louis-Hébert. Je lui cède
immédiatement la parole pour éviter toute autre
procédure.
Remarques générales M. Claude Morin
(suite)
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président.
Excellente idée d'éviter toute autre procédure. Je me
souviens d'hier soir, alors que j'avais évidemment un certain nombre de
choses à ajouter, ce que je vais faire ce matin, brièvement,
à la suite du tour de table que nous avons entendu. Je vais commencer
par ce qu'a dit le député de Beauce-Sud; ensuite, je passerai
à ce qu'a dit le représentant de l'Union Nationale qui, ce matin,
est remplacé par le chef de l'Union Nationale qui est reposé;
ensuite, je passerai au député de Saint-Laurent. Le
député de Beauce-Sud a proposé déjà
on l'a mentionné, et il l'a dit lui-même d'ailleurs une
commission parlementaire, l'an dernier, même plus que l'an dernier, en
1977.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le ministre.
On vous entend mal, non pas qu'on vous comprenne mal. Votre micro est trop
éloigné.
M. Morin (Louis-Hébert): On va le rapprocher.
Voilà! Le député de Beauce-Sud a proposé une
commission parlementaire à laquelle serait invité le public pour
qu'enfin au Québec, selon ce que souhaitait le député de
Beauce-Sud, on sache quelle est l'opinion de la population et qu'on puisse, une
fois pour toutes, déterminer l'orientation que les citoyens veulent
prendre.
Je pense qu'en ce qui concerne le souci fondamental qui anime le
député de Beauce-Sud je ne peux pas être plus d'accord que
je ne le suis avec lui, car c'est essentiellement vers cette direction qu'il
faut nous en aller, c'est-à-dire découvrir ce que pensent les
citoyens. Mieux qu'une commission parlementaire, nous avons un projet qui sera
réalisé d'ici à la prochaine élection,
c'est-à-dire un référendum sur cette question.
Par conséquent, je répondrai oui et non à sa
suggestion. Oui à une commission parlementaire, mais non à une
commission parlementaire où on réécouterait le public,
pour les raisons suivantes: ce n'est pas du tout parce qu'il ne s'agit pas de
savoir ce que les gens pensent, mais cela ne se présente plus
aujourd'hui de la même façon.
D'abord, il y aura plus tard le référendum dont j'ai
parlé. Ensuite, en 1963, 1964, 1965 et 1966, il y a eu la commission
parlementaire de la constitution qui a reçu un tas de mémoires.
Entre-temps, il y a eu aussi la commission Laurendeau-Dunton; il y a
actuellement la commission Pepin-Robarts; il y a aussi et cela est
très intéressant beaucoup de groupes qui prennent parti,
il y a eu la Chambre de commerce de la province de Québec qui a
présenté un excellent travail et il n'y a pas très
longtemps, de telle sorte que je ne pense pas que ce soit faire erreur que de
croire que nous avons une idée pas mal juste de ce que certains groupes
organisés, en tout cas, ont comme option politique et comme orientation
politique ou si vous voulez comme orientation
constitutionnelle.
Nous ne sommes pas, je pense, du tout dans la situation où nous
étions il y a maintenant 15 ans, en 1963, où la question
était relativement nouvelle pour les raisons que j'ai expliquées
hier. Or, je suis d'accord avec la commission parlementaire et nous sommes
d'accord avec la commission parlementaire; nous la tenons aujourd'hui dans le
but d'informer le public mais je ne pense pas que cela puisse être, en
tout cas pour le moment, une commission parlementaire du genre de celle que
suggère le député de Beauce-Sud. Sa suggestion est donc,
dans son esprit, excellente mais d'application peut-être un peu
difficile.
Quant aux autres remarques que le député a faites, nous
aurons l'occasion de les reprendre en cours de route lors de l'examen de chacun
des sujets à l'ordre du jour. Je dois le féliciter de son esprit
positif. Il n'a pas à être d'accord avec nous, comme gouvernement
surtout, je pense que c'est son droit le plus fondamental, mais je pense que
l'attitude qu'il a prise en matière constitutionnelle est une attitude
positive et constructive. Il n'a pas besoin d'être d'accord avec tout; il
n'a qu'à être, si vous voulez, pas nécessairement dans le
même bateau que nous, comme je l'ai dit tantôt, mais au moins dans
la même rivière. C'est cela qui est important pour les
Québécois présentement.
Je dirais un peu la même chose de l'attitude du
député qui représentait hier l'Union Nationale et de
l'Union Nationale en général. C'était une attitude
positive qui est critique. J'ai écouté les critiques qu'on a
faites je vais y revenir dans un instant mais qui recherchent, je
pense, ce qui nous a manqué très souvent au Québec, une
sorte de je n'aime pas l'expression front commun parce que ce n'est pas
vraiment ce que nous cherchons au moins une sorte de consensus sur des
choses qui doivent normalement unir les Québécois et non les
diviser; des choses qui vont de soi. À cet égard, je pense que
son attitude est positive.
Il m'a attribué une déclaration et m'en a
blâmé et que je voudrais corriger. Je l'avais faite d'ailleurs
dans ma petite présentation, ma longue présentation selon les
interprétations. Il a dit que j'ai dit que je condamnais d'avance tout
fédéralisme renouvelé je ne me souviens pas
exactement de ses mots mais c'était le sens que c'était
voué à l'échec. Je veux dire ceci: II y a deux types de
fédéralisme renouvelé; je le répète, il y a
celui qui est proposé par le gouvernement fédéral,
c'est-à-dire le bill C-60 qui est en fait une réforme ou une
codification actuelle des vieilles lois ou de vieux règlements ou de
vieux comportements mais qui n'est, au fond, qu'une correction tronquée
d'un statu quo, de toute façon, inacceptable.
Or, ce genre de fédéralisme soi-disant renouvelé,
il est sûr qu'il peut fonctionner dans le système actuel. C'est
d'ailleurs celui que propose Ottawa et avec lequel sont d'accord, en gros, les
Canadiens anglais, pour des raisons historiques valables pour eux. Voici ce que
je continue de prétendre, cependant; je ne veux pas faire un
débat là-dessus ce matin, mais je pense qu'il faut qu'on soit
clair et honnête. Le fédéralisme renouvelé qui
suppose un vaste réaménagement de pouvoirs au Canada, celui, au
fond, que pas mal de Québécois qui pensent à ces questions
et qui ne sont pas de notre avis partagent comme option, je pense
honnêtement parce qu'on a un tas de raisons et de faits qui
peuvent le démontrer, on pourra toujours revenir à cela et en
reparler davantage que ce fédéralisme ne peut pas
fonctionner dans le système actuel et ne peut pas être
accepté, parce qu'il met en cause les bases du système dans
lequel on vit aux yeux du Canada anglais.
De deux choses l'une: ou le fédéralisme renouvelé
change beaucoup la situation actuelle et modifie les rapports de forces entre
les provinces et Ottawa, et par conséquent il est inacceptable au Canada
anglais. C'est un fait, ce n'est pas un souhait. Il ne faut pas qu'on nous
attribue des souhaits, alors que nous, comme gouvernement, formulons des
observations à partir d'une réalité qui est fort
vérifiable et qu'ont vécue plusieurs
partis qui se sont succédé au pouvoir ici à
Québec. Ou bien le fédéralisme renouvelé, c'est une
opération cosmétique superficielle; à ce moment, c'est
sûr que cela peut fonctionner. Je voulais faire cette distinction.
Le représentant de l'Union Nationale a dit aussi qu'il faudrait
s'entendre sur un minimum vital. Je pense que c'est une saine réaction.
J'ai une question à lui poser. Il n'est pas ici aujourd'hui, mais on
pourra y revenir plus tard. Le minimum vital doit-il s'arrêter aux dix ou
treize points dont plusieurs sont d'ordre formel, que nous avons devant nous,
ou s'il doit englober des choses pour lesquelles l'Union Nationale s'est battue
dans le passé avec Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand, et avant
cela Maurice Duplessis? Là, il faudrait peut-être clarifier cette
question. Si le minimum vital je donne tout de suite mon avis ne
touche que les quelques points que nous avons devant nous, je pense que ce
n'est pas un minimum vital. Personnellement, je pense que c'est bon de
s'entendre là-dessus. Comprenons-nous, je ne dis pas qu'il faut se
chicaner pour autant. J'aimerais savoir de l'Union Nationale si cela
s'arrête à cela, parce que si cela arrête à cela,
cela va loin en deçà de leur propre expression d'opinion
constitutionnelle parue il y a quelques mois, que j'ai d'ailleurs lue avec
beaucoup d'intérêt, et que nous avons ici. Alors, ce sera une
question qu'on pourra peut-être clarifier plus tard. C'est ce que je
dirais maintenant sur l'Union Nationale.
En ce qui concerne le Parti libéral, on nous a dit,
première chose, que la commission venait trop tôt ou trop tard.
Trop tôt, parce que les conférences n'ont pas eu lieu et qu'on ne
connaît pas encore les résultats, ou encore qu'on ne peut pas
encore dévoiler les positions des autres provinces, et trop tard, parce
que cela aurait dû venir avant que mon collègue de la Justice et
moi allions représenter le Québec.
À cela, je veux dire que nous tenons une commission parlementaire
selon le souhait même du député de Saint-Laurent,
formulé dans le journal Le Soleil le 5 septembre dernier. Ce qui m'a
toujours étonné on s'en est même
étonné entre nous c'est qu'il ne soit jamais revenu
à la charge pour proposer de nouveau la commission que lui-même
avait proposée en dehors de la Chambre. Cela nous a un peu surpris. On
attendait la suggestion. On aurait été prêt. On
était prêt à l'accepter. Cela a été
mentionné, d'ailleurs, à l'époque.
M. Forget: Non, vous n'étiez pas prêts. Vous l'avez
avoué en commission.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je pourrais
continuer?
Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous prierais de
continuer.
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais continuer parce que
je n'ai pas fait d'interruptions hier et je ne voudrais pas qu'il y en ait
aujourd'hui. Je veux garder ce débat malgré certaines
incartades d'hier après-midi qui n'étaient pas de mon fait
à un niveau assez élevé. Je pense que c'est utile pour
tout le monde.
Donc, je veux premièrement relever qu'elle a lieu, la commission
parlementaire qu'il a demandée. Je pense que c'est une attitude normale
des Oppositions de s'opposer. Si on n'avait pas tenu la commission, on se
serait fait blâmer pour ne pas l'avoir tenue. On la tient; on se fait
blâmer de ne pas l'avoir tenue au bon moment. On nous demande d'aller aux
conférences fédérales-provinciales il y a des
grandes motions en Chambre et de grands débats là-dessus, des
déclarations selon lesquelles on est obligé d'aller aux
conférences fédérales-provinciales nous disons que
nous y allons et on nous blâme d'y aller maintenant en disant: Vous avez
une option différente de celle que les autres présentent. Si nous
n'y allons pas, on va se faire blâmer de ne pas y aller. Une des choses
que longtemps, comme observateur de la scène politique, j'ai
déplorée, c'est ce parti pris systématique de trouver que
celui qui exerce des fonctions est nécessairement de travers parce que
les fonctions ne sont pas exercées par celui qui les critique. Cela fait
peut-être partie des règles du jeu que moi, personnellement, je
déplore. Je trouve cela absolument stérile, mais en fait, si
c'est avec cela qu'il faut vivre, bien sûr, on va le faire. (10 h 30)
II nous a dit que les positions que le Parti québécois
avait prises là-bas, ce sont les positions traditionnelles du
Québec et qu'il n'y en avait pas de nouvelles. Il y a deux raisons
à cela. La première et je l'ai précisé dans
mon intervention d'hier c'est que si nous en avions pris de nouvelles,
orientées selon les objectifs de la souveraineté-association
carrément, je n'ai pas besoin de vous dire qu'hier après-midi, on
aurait eu une critique en règle disant qu'on avait assumé des
positions que la population n'avait pas encore approuvées par
référendum. La première chose qu'on a faite, on l'a faite
à dessein, de telle sorte qu'on ne puisse pas se faire accuser de
fausser le débat constitutionnel en cours en introduisant des
éléments que le débat ne peut pas accepter.
Mais il y a une autre raison aussi. J'aimerais bien qu'il écoute
parce que cela va lui rappeler des choses. C'est que si les positions que nous
avons prises sont en substance, avec les quelques exceptions que je donnerai
tantôt, les mêmes que celles des gouvernements antérieurs,
c'est que fondamentalement je souligne fondamentalement les
problèmes sont essentiellement les mêmes. Et ce, je pourrai le
démontrer tantôt. Tout ce dont nous parlons maintenant, sauf pour
de très rares exceptions, sont des choses dont on parlait il y a dix ans
dans les mêmes termes. Par conséquent, nous avons pris les
mêmes positions parce que cela s'applique aux mêmes
problèmes.
Alors, dans cette perspective, venir nous dire qu'on n'a pas
inventé des nouvelles positions est une critique qui porte à faux
puisque à quoi sert d'inventer des nouvelles positions alors que les
problèmes n'ont jamais été réglés depuis les
dix ou quinze ans qui se sont passés et que nous sommes encore aux
prises avec ces mêmes problèmes. Alors, on applique exactement les
propositions que les autres ont proposées avant nous. Si elles sont
acceptées ou refusées, on verra, mais on en tirera les
conséquences, évidemment. Celles du Québec n'ont jamais
été acceptées jusqu'à maintenant et on pourra les
voir plus en détail tantôt.
Il y a aussi une autre chose que je veux relever très
brièvement. Je veux dire tout de suite ceci: dans ce qui a
été mentionné hier, pour la première fois, nous
avons présenté à l'usage du public des positions, un
historique et un état de la question qui peut être consulté
par n'importe qui, et qui n'a pas besoin d'être un spécialiste du
droit ou de la constitution. Nous avons fait exprès pour que ce soit
simplifié et résumé. C'est ce qu'on nous reproche. Si on
les avait compliqués avec 2000 annexes et avec un tas de documents
techniques et des références à des jugements, on nous
aurait dit que c'était trop compliqué et qu'on voulait perdre les
gens là-dedans. Alors, là, je ne relève même pas
cela, mais je veux cependant souligner que nous avons donné,
objectivement et aussi honnêtement que possible j'ai même
dit que l'objectivité parfaite n'existait pas un texte pour
l'usage de ceux que cela intéresse.
Une autre chose que je ne peux pas accepter je ne fais qu'une
mention en passant ce sont ces vagues allusions à un sens de
l'éthique que j'aurais, semble-t-il, étant donné mes
fonctions antérieures, plus ou moins enfreint. Je me demande à
quel moment. Tout ce que j'ai dit est connu déjà. Je vais dire
une autre chose. Si je manquais d'éthique ou si je voulais aller plus
loin que ce que normalement, sans être obligé de le faire, j'ai
fait hier et ce que je ferai à d'autres moments, je pense que ce serait
un peu plus corsé comme explication des situations réelles qui se
sont passées au Québec par rapport à Ottawa que ce qu'on
en connaît maintenant dans le public. Il y a peut-être des choses
que le public aurait intérêt à connaître. Il y a
peut-être des attitudes qui ont été prises par des
représentants du Québec que connaît très bien notre
ami qu'il aurait été utile de connaître à
l'époque et à propos desquelles je me suis, tout le temps que
j'étais dans l'Opposition, abstenu de faire des allusions qui auraient
pu être comprises de travers. J'ai toujours respecté, à cet
égard, dans la mesure du possible, un sens de l'éthique. J'ai
même mieux que cela. La meilleure preuve c'est que j'ai travaillé
avec quatre premiers ministres, les uns à la suite des autres, et si
j'ai pu réussir à travailler avec quatre premiers ministres,
c'est justement qu'ils savaient qu'il y avait de ma part une loyauté et
une discrétion à toute épreuve parce que, autrement, cela
n'aurait pas pu durer très longtemps. Je pense que c'est un
élément qu'on peut peut-être, au moins en passant, men-
tionner. Je dois dire et c'est la seule allusion que je ferai, à
moins d'être provoqué encore que ce genre d'interventions
que j'ai entendues de la part du député de Saint-Laurent hier m'a
donné une idée de l'immensité de sa petitesse!
Je voudrais maintenant terminer par deux citations. C'est toujours
commode, les citations. On m'a accusé d'avoir été odieux
dans certaines déclarations que j'avais faites en fin de semaine
dernière à Chicoutimi. Je vais lire un texte ici. C'est une
devinette, vous me direz qui a dit cela? "À supposer que la thèse
souverainiste subisse un échec écrasant, on retomberait vite, par
contre, dans l'immobilisme constitutionnel. L'opinion anglo-canadienne serait
trop heureuse de conclure "business as usual". La possibilité de
changements sérieux pourrait s'en trouver reculée pour
longtemps". Il y a un prix à gagner. Question: Qui a dit cela et quand?
Je répète pour que ce soit très clair. Ce sera utile pour
tout le monde. "À supposer que la thèse souverainiste subisse un
échec écrasant, on retomberait vite, par contre, dans
l'immobilisme constitutionnel. L'opinion anglo-canadienne serait trop heureuse
de conclure "business as usual". La possibilité de changements
sérieux pourrait s'en trouver reculée pour longtemps ". Je
donnerai la réponse plus tard aujourd'hui si personne se doute qui a dit
cela.
Je peux vous dire que c'est en février 1977 que cette parole
célèbre a été écrite. J'ai une autre
citation.
M. Bédard: Le député de Saint-Laurent semble
savoir.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Non, non. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est un gars qui écrivait
beaucoup et qui parle peu maintenant.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, revenez à la pertinence du débat. La
question, oui. Le reste...
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que c'est très
pertinent. Maintenant j'ai une autre citation. Hier, d'avance, et j'ai cela ici
dans le texte, on nous a dit: Si on réussit quelque chose, cela va
être à cause des autres provinces. C'est sans vous que cela veut
dire. Et, si on manque notre coup, la première cible de tout le
blâme, si la négociation actuelle devait échouer, c'est le
gouvernement actuel. Je cite. "Il est futile d'attendre et encore plus
d'espérer un développement ou un déblocage quelconque sur
le plan des options constitutionnelles, soit de la part du gouvernement
fédéral, soit de la part d'un parti politique
fédéral, avant l'échéance du
référendum." Je répète: "II est futile d'attendre
et encore plus d'espérer un développement ou un déblocage
quelconque sur le plan des options constitutionnelles, soit de la part du
gouvernement fédéral, soit de la part d'un parti politi-
que fédéral, avant l'échéance du
référendum." Il y a une autre devinette: Qui a dit cela?
Il est dans cette salle. C'est un indice de plus. Cette citation, on
pourra la trouver facilement, si cela intéresse les gens de l'entendre.
Pour éviter toute recherche, c'est notre bon ami de Saint-Laurent qui a
dit cela dans un texte qu'il a publié dans le Devoir qui a
été accompagné de commentaires d'une autre personne que
vous connaissez bien qu'on pourrait très bien aussi citer. Cela
démontre au moins une chose, c'est que ou bien ce qu'il a dit là
est vrai, ou ce n'est pas vrai. Si c'est vrai qu'il n'y aura pas de
déblocage c'est lui-même qui l'a dit pourquoi nous
blâmer d'avance qu'il n'y en ait pas? C'est lui qui l'a dit, bien avant
qu'il soit question de révision constitutionnelle. Ou ce n'est pas vrai,
et j'aimerais qu'on nous en parle davantage aujourd'hui.
M. le Président, c'était la petite intervention que je
voulais faire pour le moment, pour rétablir certaines choses dans leur
perspective. Il y a d'autres citations, à un moment donné, qui
vont peut-être servir. Enfin, on verra. Quoi qu'il en soit, je
proposerais je ne sais pas si c'est à moi de le faire, en tout
cas, je le pense, donc je le dis qu'on entreprenne l'examen du dossier
que nous avons devant nous, comme l'a suggéré le
représentant de l'Union Nationale, dans l'ordre qui est là, parce
que celui-là ou un autre, on doit commencer quelque part.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, merci, M. le
ministre. Je rappelle, pour ceux qui n'étaient pas membres de la
séance d'hier, que nous avons treize documents, suivis de cinq annexes,
si je ne me trompe pas, évidemment, du journal des Débats d'hier.
Sur ce, pour suivre l'entente que nous avons obtenue à cette
séance d'hier, je donne la parole à M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton:... avant que nous ne terminions la phase dite
préliminaire de nos travaux, le député de Saint-Laurent,
hier, avait exprimé un voeu, auquel le ministre des Affaires
intergouvernementales n'a pas encore répondu. C'est que les membres de
la commission puissent consulter, par un dépôt de la part du
ministre, les documents qui ont été déposés au
cours des conférences, aux conférences mêmes...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison, je viens de
voir cette note. Je m'excuse, j'ai oublié d'en parler...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, permettez-moi, M. le
Président... Votre intervention, M. le député de
Gatineau... Je soulignerais que ce ne sera pas un dépôt à
cette commission. Ce sera une remise de documents ou un dépôt
à l'Assemblée nationale. Sur ce, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr. Je m'excuse, je
l'avais ici. Seulement, je ne l'ai pas vu dans mes notes. Quand j'ai
parlé du dossier qui était ici, c'est ce que je devais ajouter.
Je l'ai oublié.
Vous avez ici la substance des positions prises par le gouvernement du
Québec. Il y a deux façons de procéder qui ont
été suivies depuis des années dans ces discussions
à huit clos. Pour ma part, j'en ai fait pendant 40 mois, de 1968
à 1971 et par la suite aussi. Il y a deux façons de
procéder; enfin, il y en a plus de deux, mais on peut faire deux
catégories de façons de procéder. D'une part, vous pouvez
très bien et il vous est loisible de le faire faire
circuler autour de la table des textes que vous soumettez à vos
collègues des autres provinces qui les critiquent, que vous changez, que
vous resoumettez, etc. Quelques provinces procèdent comme ça et
aussi, parfois, le gouvernement fédéral.
Plusieurs autres provinces procèdent autrement et le font
verbalement, à partir d'une position de principe, en vertu de la
considération suivante qui est, je pense, facilement
compréhensible, que certains documents peuvent circuler et être
modifiés trois minutes après, de telle sorte que ça ne
sert pas à grand-chose d'avoir des successions, comme ça, de
papiers autour de la table. Le Québec a, depuis à peu près
toujours, procédé par l'énoncé d'un principe qu'il
explicitait longuement ça dépendait des cas autour
de la table auprès des participants.
Il y a beaucoup de provinces, et non les moindres, qui ne distribuent
pas de document et qui en parlent cependant. Nous sommes intervenus sur chacun
des sujets, sauf un, celui que vous connaissez, "rapatriement et amendements
constitutionnels", à partir de positions que nous avons exprimées
verbalement, qui sont dans le texte ici ou à partir, comme c'est le cas
dans certains domaines, de textes proposés par d'autres provinces,
auxquels nous nous rallions et à propos desquels nous exprimions des
opinions.
Donc, vous avez en substance devant vous ce dépôt de
document, selon la méthode qui a toujours été à peu
près celle suivie par le Québec et que nous n'avons pas voulu,
cette fois-ci, changer, parce que c'était celle qui était
traditionnellement suivie. Voilà la réponse que je vous fais.
M. Forget: Pour être bien sûr qu'on comprend la
réponse du ministre, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... il faut donc conclure que, lors des rencontres des
premiers ministres et des rencontres des ministres ou des fonctionnaires qui
ont eu lieu depuis la fin d'octobre, le Québec n'a déposé
aucun document officiel sur aucun des sujets à l'ordre du jour. Il s'est
borné à faire des remarques verbales.
M. Morin (Louis-Hébert): Si elles étaient aussi
verbales que celles que vous faites ici et que vous avez l'intention de faire,
d'après ce qu'on nous a
dit, ce ne serait pas très utile effectivement, vous avez raison.
Cependant, il y a deux choses que je veux ajouter, que je n'ai pas dites
encore. Nous avons pris la peine, et aucune autre province ne l'a fait, de
préparer un document comme celui-ci qui a exigé une énorme
étude pour retrouver tout sur les positions traditionnelles prises par
les gouvernements du Québec dans le passé. Nous avons d'abord
fait cela. Deuxièmement, nous avons participé à tous les
comités et sous-comités qui ont été mis sur pied.
Nous avions plusieurs fonctionnaires avec nous qui participaient à
chacun de ces sujets. Troisièmement, dans chaque cas, sans exception,
sauf le rapatriement et l'amendement constitutionnel, nous sommes
intervenus.
Vos informateurs fédéraux ont certainement dû vous
dire, par exemple, qu'en ce qui concerne le pouvoir de dépenser je suis
intervenu assez clairement. En ce qui concerne, par exemple, le droit de la
famille, mon collègue de la Justice est intervenu, de même qu'en
ce qui concerne les droits fondamentaux. Si vous voulez d'autres
détails, on verra au fur et à mesure et nous n'avons aucune
espèce d'objection à vous donner verbalement comme ce sera
consigné sous forme écrite dans le journal des Débats,
vous l'aurez davantage les positions que nous avons prises. Nous avons
participé tout le temps et vous pouvez même le demander à
nos collègues des autres provinces, ils vont vous dire, je pense, qu'on
a fait une tâche qui correspond et même qui dépasse en
intensité celle de la moyenne des provinces, je dois le dire, et qui
correspond pas mal aussi à celle que le gouvernement
fédéral peut mettre.
M. Forget: Je remarque que c'est parfois long pour dire non, M.
le Président. Cela va être plus court au moment du
référendum.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. M. Bédard:
Oui, sûrement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière et chef de l'Union Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Seulement quelques remarques, surtout pour poser une
question précise au ministre. Cela peut nous éclairer dans nos
discussions d'aujourd'hui. Le ministre, tout à l'heure, dans sa courte
déclaration, a dit et, d'ailleurs, il en a parlé à
la Chambre de commerce de Montréal cette semaine que le
fédéralisme renouvelé, tel que le Québec l'entend,
le minimum que tous les partis politiques au Québec, je pense bien, ont
toujours exigé, c'est inacceptable par le gouvernement
fédéral ou par les autres provinces. C'est à peu
près ce qu'il a dit.
On a vu, au cours des derniers mois, un certain déblocage de la
part du gouvernement fédéral. Je voudrais savoir pourquoi il nous
dit que c'est inacceptable comme cela. Spécialement au cours des deux
dernières réunions des ministres responsables qui
préparent la réunion de février, est-ce qu'il y a eu
quelque chose de fait ou des attitudes prises par le gouvernement
fédéral ou par d'autres provinces, qui font croire au ministre
que c'est inacceptable? Est-ce que c'est à cause de ces deux
réunions? Est-ce que le ministre peut nous en parler un peu plus?
Ce serait important de le savoir, parce qu'on a en face de nous la
position du Québec, mais on sait aussi, par les médias
d'information, la position des autres provinces et du gouvernement
fédéral sur des points précis. Là-dessus, je veux
tout simplement répondre au ministre sur ce qu'il nous disait tout
à l'heure, en demandant si l'Union Nationale disait que c'était
tout simplement ce qu'il nous faut comme minimum vital. C'est sûr que
c'est non. D'ailleurs, je pense bien que c'est la position du Parti
libéral aussi. C'est sûr que c'est la position du Parti
québécois. C'est la position aussi de l'Union Nationale: ce n'est
pas assez.
Mais, d'un autre côté, c'est un déblocage dans une
certaine direction. Au lieu de prendre le problème entier, on a voulu le
prendre par pièces détachées, soit treize points bien
précis qui peuvent peut-être nous amener finalement à plus
long terme à la révision constitutionnelle globale et
entière que nous voulons avoir. (10 h 45)
C'est sûr que ce n'est pas tout ce que nous exigeons, tout ce que
nous désirons, mais ce serait, à mon point de vue, si on
acceptait quelque chose de la part du gouvernement fédéral, des
autres provinces et du Québec sur ces treize points, et si on pouvait en
venir à un consensus avec les autres provinces sur ce que nous voulons,
ce serait un pas important, ce serait faire montre, à la fois de la part
du gouvernement du Québec et à la fois de la part du gouvernement
fédéral et des autres provinces, d'une bonne volonté
d'agir dans la bonne direction. Alors, dans ce sens, je vois que la
révision constitutionnelle c'est-à-dire une nouvelle
constitution canadienne est irréversible; peu importe la
réponse que nous aurons au référendum, la révision
est irréversible dans ce sens mais la preuve serait encore plus grande
si on pouvait s'entendre sur des points précis et en particulier sur ces
treize points.
C'est pour cela que je demande au ministre pourquoi il nous dit que
c'est inacceptable pour les autres provinces. Est-ce que, dans ces treize
points, avec les discussions et surtout les deux dernières
réunions, est-ce qu'il croit qu'il y a des points là-dedans, ou
la majorité de ces points, qui pourraient être acceptables? Sinon,
pourquoi n'est-ce pas acceptable par les autres provinces et le gouvernement
fédéral?
M. Morin (Louis-Hébert): Je remercie beaucoup de cette
question le chef de l'Union Nationale. Je vais dire une chose qui va
peut-être être étonnante. Il est exact qu'une nouvelle
constitution est irréversible au Canada; cela je le crois. Mais le
problème n'est pas là; le problème est:
qu'est-ce qu'il va y avoir dedans? C'est justement et il est
regrettable que vous n'ayez pas pu, pour des raisons antérieures
être ici hier et cela est compréhensible là tout le
problème: Qu'est-ce qu'il va y avoir dedans? Quand vous dites qu'il y a
un certain nombre de points ici sur lesquels on pourrait s'entendre, c'est
possible. Notre attitude est très claire. S'il y a des choses
acceptables dans ce qui nous est offert, c'est bien sûr qu'on va les
prendre; il n'est pas question de bloquer et de dire: Ce n'est pas bon.
Cependant, il y a deux choses qu'il faut éviter et nous allons
être très vigilants comme vous l'auriez été
vous-mêmes, de l'Union Nationale, et comme, je l'espère, les
libéraux le seraient aussi et n'importe quel parti. Il y a deux choses
qu'il faut éviter: d'une part, que les "concessions" qui seraient faites
ne soient pas seulement des apparences mais des substances. En d'autres termes,
on va voir des cas tout à l'heure, on va se poser des problèmes
concrets pour chacun des cas: qu'est-ce qui est acceptable ou qu'est-ce qui est
inacceptable. On peut très bien prétendre qu'on règle le
cas du pouvoir de dépenser en apparence, mais en réalité,
le gouvernement fédéral peut très bien conserver le
pouvoir d'intervenir dans des domaines provinciaux. Ce genre de
déblocage qui consiste en apparence plutôt qu'en substance, je
pense qu'il faut se fier à nous, comme gouvernement représentant
tous les Québécois, pour ne pas tomber dans ce piège et
laisser croire que des choses sont changées qui ne le seraient pas.
C'est notre premier devoir de vigilance.
Malheureusement, je ne peux pas vous dire aujourd'hui c'est une
règle du jeu et je la déplore mais que voulez-vous quelle
est la réaction des autres provinces et surtout quelle est la
réaction du fédéral sur certains points.
Évidemment, il y a des réactions antérieures du
fédéral qu'on pourra peut-être évoquer, qui sont
dans les livres et aussi du domaine public, on y reviendra tout à
l'heure. Ce n'est qu'au mois de février qu'on verra, sur les points
limités qui sont là, qu'est-ce qu'il en est.
L'autre chose qu'il faut éviter, notre devoir de vigilance, c'est
que sur ce premier bloc de choses qui sont discutées, est-ce qu'il va y
avoir une sorte de "package deal" qui va nous dire ceci: Vous prenez tel ou tel
pouvoir à condition d'accepter aussi telle affaire. Je vais l'exprimer
très clairement. Vous prenez tout cela et on vous donne cela. Il y a
quelques concessions là-dedans mais il faut être d'accord avec une
formule d'amendement constitutionnel, cela fait partie de l'ensemble. Comme
pour la charte de Victoria, si c'est cela, ce genre de piège à
ours, ou si vous voulez, ce genre de carcan, l'Union Nationale serait la
première à refuser cela, et je pense que vous seriez
d'accord.
Je ne peux pas vous dire d'avance qu'il va y avoir un déblocage
ou non; je ne le sais pas encore. On va voir le 5 février. Si on
respecte ces deux exigences, que ce soit vraiment des changements et qu'il n'y
a pas de "strings attached" et que ce ne soit pas des pièges, on est
assez ouvert pour dire: Bien sûr, on va le prendre. C'est le devoir que
nous avons comme gouvernement et c'est l'article 4 de notre programme
de défendre et d'accroître l'économie du
Québec tant que le système marche.
Est-ce qu'il y aurait éventuellement un déblocage tel
qu'il y aurait un vaste réaménagement de pouvoirs vers les
provinces? Ce n'est pas moi qui ai dit que cela ne se peut pas; c'est M.
Lalonde lui-même qui dit que ce n'est pas de ce côté qu'il
faut chercher la solution. Je ne fais que rapporter ce que les autres disent.
Il y a évidemment une attitude bizarre du côté du Parti
libéral; hier, il nous a dit: On ne participe à aucun front
commun. D'accord, je ne m'attendais pas à cela non plus. Mais il dit:
Cependant, il y a plusieurs des positions traditionnelles du Québec qui
furent élaborées par le gouvernement libéral
précédent et nous ne renions certes rien de ce que nous avons dit
à l'époque. Nous nous servons de ces positions. Alors, on nous
dit: On ne change pas nos positions mais on ne fait pas de front commun.
C'est à peu près comme le gars qui dit: Oui, il fait
soleil aujourd'hui, mais je refuse de dire qu'il fait clair. Ce n'est pas
intelligent. Si vous êtes d'accord avec vos anciennes positions, vous
êtes d'accord avec ce que nous disons. Alors, c'est inutile de poser le
problème du faux ou du vrai front commun. C'est une parenthèse
que j'ouvre à l'intérieur de cela.
Pour ce qui est de répondre à l'Union Nationale, c'est ce
que je dirais. Il y a deux considérations. Il faut que ce soient des
choses substantielles et pas de cordes attachées. Si ce sont des
pièges qu'on tend aux Québécois pour les coincer, je pense
que vous seriez les premiers à nous blâmer de nous laisser
embarquer là-dedans. Deuxièmement, vous l'avez dit, c'est
sûr qu'il y a bien d'autres choses que cela. J'en ai mentionné
hier dans mon petit exposé. Il y a une quinzaine ou une trentaine
d'autres sujets. Rien que pour le partage des pouvoirs on ne parle pas
des institutions vous avez tout cela ici et qui n'est à peu
près pas touché par ce qui est mentionné dans... Si cela
doit se continuer, on verra. On garde une attitude ouverte à ce sujet,
mais on ne se fera pas attraper dans des pièges.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Oui, j'aurais une question à poser au ministre,
à ce moment, et je pense que c'est bien important avant d'aller plus
loin dans nos travaux. On a parlé de réaménagement
constitutionnel, de fédéralisme renouvelé, de nouvelle
constitution. Quand on parle de fédéralisme renouvelé et
de réaménagement constitutionnel, d'amendements à la
constitution, cela pose le problème du rapatriement de la constitution,
à mon avis. À partir du moment où on pose le
problème du rapatriement de la constitution, il est évidemment
question de la formule d'amendement. Il n'y a jamais eu d'entente
jusqu'à maintenant à ce niveau. Puisqu'on parle de plus en plus
d'une nouvelle constitution, ce qui
suppose qu'on laisserait là la vieille constitution et que cette
nouvelle constitution pourrait être rédigée à partir
des ententes qui seraient faites, j'aimerais demander ce matin au ministre si,
comme gouvernement du Québec, on entend prendre une position très
ferme relativement au rapatriement de la constitution, ou si on a l'intention
de s'en tenir à l'élaboration d'une nouvelle constitution.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Je peux très bien
comprendre. Vous nous demandez, en somme, si notre attitude en ce qui concerne
le rapatriement et l'amendement, qui sont, au fond, reliés...
M. Roy: C'est cela.
M. Morin (Louis-Hébert): ... sera une attitude ferme. Je
voudrais bien comprendre. Je m'excuse...
M. Roy: Je m'excuse, je vais m'expliquer, je vais tenter
d'être plus clair.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui.
M. Roy: Puisqu'on parle de remaniement de la constitution, de
réforme constitutionnelle et ainsi de suite, je dis qu'à partir
de ces thèses cela suppose évidemment le rapatriement de la
constitution. Quand on parle de rapatriement de la constitution, ce sont des
discussions qui ont duré depuis assez longtemps, cela suppose aussi une
formule d'amendement avant le rapatriement de la constitution. D'ailleurs, on
se souviendra de la Charte de Victoria...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.
M. Roy: Cela avait tourné à rien. Cela a toujours
tourné à rien. Compte tenu de ces faits, compte tenu du nombre
considérable d'années qui ont été perdues à
ce niveau, est-ce que la position du Québec est ferme, à savoir
qu'il n'est pas question pour le gouvernement du Québec du rapatriement
de la vieille constitution, mais qu'il serait plutôt question de
rédiger une nouvelle constitution?
M. Morin (Louis-Hébert): La position du gouvernement
actuel du Québec à cet égard est une des plus solides qui
soient, en même temps par conviction et en même temps aussi par
histoire, si je peux m'exprimer ainsi. Nous prenons exactement à cet
égard, et cela est identique, la position prise par les gouvernements
antérieurs, concrétisée à Victoria par le refus du
Québec exprimé par M. Bourassa de ne pas accepter la charte dans
laquelle il y avait cette formule d'amendement. À l'époque, il y
avait une chose en plus, c'est qu'on n'a même pas daigné
reconnaître certaines des aspirations normales du Québec dans le
domaine de la politique sociale, qui ont été défendues
avec beaucoup de vigueur par M. Claude Castonguay, à l'époque,
pendant plusieurs mois; il y a mis une intensité remarquable
là-dessus. D'autre part, nous nous raccrochons aussi intensément
à la position de l'Union Nationale en 1968 il y a une
série de citations qu'on sortira peut-être tantôt, si vous
voulez qui démontre clairement que le rapatriement et
l'amendement constitutionnel sont un sujet important, mais qui ne viennent
qu'après, comme, si vous voulez, terminaison d'un processus à
l'intérieur duquel on a revu et fait le tour de l'ensemble de la
répartition des pouvoirs. En cours de route, alors que vous
définissez le statut politique et constitutionnel d'un État
fédéré je parle toujours à
l'intérieur du système comme le Québec, vous ne
pouvez pas le geler en déterminant la formule d'amendement. Cela a l'air
bien technique, cette affaire, et cela l'est effectivement, mais on va essayer
quand même d'y voir clair en deux mots. D'ailleurs, on a une page qui
porte là-dessus. On a quatre arguments pour lesquels le Québec,
traditionnellement, a refusé cela. Le Québec a refusé que
son statut soit gelé avant que le processus de révision
constitutionnelle soit terminé. Il est évident qu'il refuserait
qu'il soit gelé maintenant, avant que le référendum ait eu
lieu. Les Québécois, au référendum,
décideront ce qu'ils voudront. On n'a pas le droit de nous obliger,
comme gouvernement du Québec, à accepter le statut quo qui sera
probablement remis en cause par la population du Québec, plus tard.
Comme gouvernement c'est un deuxième élément
comme conviction, on n'a pas le droit de faire cela. Par-dessus le
marché, on est tellement à l'aise là-dessus, et c'est
là-dessus que M. Lesage, à l'époque, en 1965, après
une tournée de l'Ouest, a changé d'avis sur la formule
Fulton-Favreau. C'est une des conditions fondamentales qu'avait mises l'Union
Nationale à la discussion constitutionnelle, que cette question ne
vienne qu'après, comme d'ailleurs la question de la charte des droits.
C'est là-dessus que la Charte de Victoria, au fond, a achoppé et
M. Bourassa à l'époque on le sait très bien
d'ailleurs a dû refuser ce "package deal" qui gelait
l'évolution du Québec, attitude à propos de laquelle,
d'ailleurs, il a été félicité par tous les milieux
dans tous les éditoriaux à l'époque.
Notre attitude là-dessus est très ferme et tellement
ferme, d'ailleurs, que nous avons honnêtement et là, cette
fois-ci, on n'a pas fait ce qui avait été fait avant, on n'a pas
laissé croire aux autres que peut-être bien, on ne sait pas, que
c'est une question qu'on considérait éventuellement comme valable
dit, par la voix du premier ministre, nettement: Nous allons discuter de
tout. Il y a une chose, cependant, à propos de laquelle nous nous
raccrochons aux autres, c'est le rapatriement et l'amendement constitutionnel.
Cela, nous n'en parlons pas maintenant, nous ne participons pas aux discussions
là-dessus.
On nous a dit: Vous auriez peut-être dû rien qu'aller voir
et discuter un peu sans vous engager. C'est exactement ce qui est arrivé
en septembre
1970 à M. Bourassa, alors qu'il était premier ministre. On
lui a dit: Viens voir, il n'y a pas de problème, on verra après.
Cela a été écrit dans les journaux à
l'époque. Le résultat? Il s'est trouvé pris avec cela.
Cette fois-ci, il ne faut pas de malentendu. C'est une question qui, pour nous,
vient après. Par-dessus le marché, elle vient après le
référendum. Si les Québécois décident de
garder le système actuel, d'accord, cela se posera comme
problème. Mais je pense qu'on serait dans l'illogisme politique par
rapport à nos options qu'on ne cache pas et, pire que
cela, dans l'illogisme historique, même à l'intérieur du
fédéralisme canadien tel qu'il existe maintenant, en s'embarquant
là-dedans et en nous gelant au moment où, depuis quelques
années, la remise en cause constitutionnelle se fait au Québec
plus qu'ailleurs. Je ne sais pas si cela répond à votre question,
mais en gros, c'est notre position.
M. Roy: Cela répond en partie à ma question, mais
disons qu'étant donné qu'il peut y avoir des ententes qui peuvent
être faites...
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! Excusez.
M. Roy: ... pour en venir à certain consensus, on sait
très bien que si on part du principe qu'on retient l'idée de la
vieille constitution, du réaménagement de la vieille
constitution, cela posera toujours le problème du rapatriement, et le
problème du rapatriement posera toujours la question de la formule
d'amendement. Il y a toujours eu des échecs à venir
jusqu'à maintenant. J'ai l'impression et je pense que cette
impression est partagée par un très grand nombre qu'aussi
longtemps qu'on se raccrochera ou qu'on tentera de se raccrocher
derrière la vieille constitution qui est à Londres, on va
toujours tourner en rond parce que même si on fait des ententes sur le
partage des pouvoirs, la question va toujours accrocher là-dessus et
c'est là que nous allons achopper. Je me demande s'il ne serait pas plus
sage qu'on en vienne, autrement dit, à établir comme
préliminaire que, pour le Québec, il ne serait pas question du
rapatriement de la vieille constitution. À ce moment on va mettre la
question de la formule d'amendement de la vieille constitution de
côté, et il faudra en prévoir une, évidemment, dans
la nouvelle constitution. On ne peut évidemment pas y échapper.
Mais à ce moment-là, on partira sur une base plus solide. On
posera ce qu'on pourra appeler une pierre angulaire et on partira vers
l'avenir. Sinon, j'ai la nette impression que nous tournerons en rond et qu'on
va toujours se retrouver dans la même situation.
Pendant ce temps, les années passent et au fur et à mesure
que les années passent, c'est le statu quo qui prévaut et ce sont
les empiétements du fédéral que nous devons subir. Il y a
toujours une stratégie là-dedans qui vise à faire en sorte
que de l'autre côté, on cherche à gagner du temps. Il ne
faudrait pas jouer le jeu de tenter ici au Québec de toujours avoir
l'espoir de gagner du temps et de nous retrouver tout simplement à subir
la situation qui prévaut à l'heure actuelle. Cela fait
évidemment des sujets de campagnes électorales. Cela fait des
sujets de campagnes politiques, des sujets électoraux, mais cela ne
règle pas le problème.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela va être très
bref. Je suis pas mal d'accord avec ce que dit le député de
Beauce-Sud et je pense qu'il a bien raison de dire que le temps joue contre
nous et que nous trouvons cela n'est pas nouveau le Québec
dans une situation absolument invraisemblable où nous serions
obligés d'accepter un gel de notre statut politique pour régler
le problème du statu quo. Mais en réglant le problème du
statu quo, nous nous cristallisons en quelque sorte dans le statu quo
lui-même. Je ne sais pas si c'est clair, ce que je suis en train de dire
là, mais c'est une absurdité. C'est que si on voulait
débloquer le problème constitutionnel canadien, tel qu'il se
présente dans le cadre fédéral et selon l'optique
fédérale, l'optique d'Ottawa, on dirait demain: On est d'accord
avec une formule d'amendement. (11 heures)
Là, il y aurait un vrai déblocage, mais ce serait au prix
de toutes les choses auxquelles, bien avant qu'on existe vous et moi, les
Québécois tenaient, je pense. On peut se tromper
là-dessus, mais je ne le crois pas. C'est un principe de base de tous
les gouvernements et c'est peut-être une des choses les plus sûres
qui existent: on ne veut pas être gelé dans un carcan. En
même temps, ce carcan et le fait de ne pas vouloir être
gelés bloquent les discussions, c'est sûr, mais qui nous met dans
la situation où on est obligé de se défendre si ce n'est
la problématique fédérale telle qu'elle est
énoncée et qu'on retrouve encore là-dedans, qu'on a
retrouvée en 1970 et qu'on a retrouvée, en 1973? En somme, le
problème est posé d'une façon qui ne nous convient pas et
il y a des pièges tout le long. C'est ce contre quoi on essaie de se
défendre.
Cela étant dit, je suis d'accord avec votre analyse que le temps
presse. C'est justement parce que le temps presse qu'il restait une chose
à faire, demander au monde au Québec ce qu'il en pense. Et
là, on verra. Ils décideront ce qu'ils voudront. On comprendra.
Ce sera la fin de ce genre de discussions effrayantes "time consuming"
je n'ai pas le mot qui font que nous autres, au Québec, on est
poigné là-dedans alors que le reste du Canada ne se
préoccupe pas de cela et peut progresser et se préoccuper
d'autres choses. C'est un désavantage du système qui est
très sérieux et qui a des effets économiques.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le ministre. Si
vous me le permettez, pour vous aider dans votre traduction, pour "time
consuming", on pourrait dire en français et je ne participe pas
au fond du débat il faut prendre son temps, mais sans le
perdre!
M. le député de Nicolet-Yamaska et, ensuite, je reconnais
le député de Vanier.
M. Scowen: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Cela m'a été
demandé auparavant. Est-ce que... Bon, nous allons recommencer. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le député
de Nicolet-Yamaska, M. le député de Vanier.
M. Scowen: Je m'excuse, je ne pensais pas...
Le Président (M. Cardinal): Non. Je pense que c'est un
jugement qui va satisfaire tout le monde. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Est-ce que cela vous satisfait? M. Fontaine:
Oui. D'accord. M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, je voulais simplement
renforcer un peu la position du député de Saint-Laurent en ce qui
concerne notre refus de nous associer avec un front commun dans ce domaine. Je
pense qu'on a refusé de s'associer dans un front commun parce que, en
effet, il n'y a pas de position du gouvernement. Personnellement, j'ai
été frappé de voir, lundi, la faiblesse du dossier qui
nous a été présenté par le gouvernement pour cette
rencontre.
M. Morin (Louis-Hébert): Faites attention à ce que
vous dites!
M. Scowen: Je fais très attention. Je m'excuse.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne fait pas longtemps que
vous êtes là-dedans, vous.
M. Scowen: Cela me rappelle certaines études que je fais
maintenant dans le domaine des locataires-locateurs sur la loi 107. On peut
simplement dire que la position traditionnelle de tous les gouvernements du
Québec dans le domaine des relations locataires-propriétaires est
de trouver un juste équilibre entre les droits des deux. Si,
aujourd'hui, le ministre Tardif était entré avec un document
comme celui-là en disant: C'est notre position et tout le monde doit
l'appuyer, on aurait certainement dit oui, mais ce n'est pas du tout une
contribution au débat actuel. C'est cela que nous avons devant nous.
Nous avons une liste de treize sujets très importants pour l'avenir du
Québec et du Canada sur lesquels le gouvernement, franchement, M. le
ministre, ne nous a presque rien donné comme position. Il a donné
un document de quelques pages, que nous avons ici, qui fait l'historique. Je
pense, à titre personnel au moins, que vous pouvez tenir pour acquis que
tout le monde qui s'implique dans un tel sujet, dans une commission
parlementaire, est déjà très conscient de l'historique de
ce fait. On n'a pas besoin d'écouter pour la dixième fois les
positions traditionnelles parce qu'elles ont été
dévoilées depuis longtemps. Beaucoup d'articles et même des
livres ont été écrits là-dessus. Ce qu'on cherche,
c'est à savoir, dans le contexte fédéraliste, aujourd'hui,
quelle position concrète découle de cela.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qu'on veut dire!
M. Scowen: Ce que nous avons donné et je veux
simplement citer les chiffres c'est sur le pouvoir de dépenser,
la position du Québec en quatre lignes.
M. Morin (Louis-Hébert): Attendez qu'on commence.
M. Scowen: ... le pouvoir déclaratoire, cinq lignes; la
péréquation, sept lignes sur la position du Québec;
l'impôt, dix-sept lignes sur la position du Québec; droit des
familles, deux lignes. Je pense franchement...
Le Président (M. Michaud): À l'ordre.
M. Scowen: Je ne veux pas charrier, mais demander aux
parlementaires de venir à Québec pour une commission
parlementaire sérieuse sur une question qui est certainement la plus
sérieuse de toutes les questions actuelles, pour 1979 au moins, et nous
présenter deux lignes sur les pêches, dix-huit lignes sur la Cour
suprême, 23 lignes sur le Sénat, cinq lignes sur le rapatriement,
22 lignes sur les ressources, et nous demander de donner notre opinion et de
partager un front commun envers les autres gouvernements, franchement, je
trouve que c'est ridicule. De plus, arriver aujourd'hui et savoir...
M. Guay: On n'a rien demandé.
M. Scowen: ... qu'il n'existe aucun document qui ait
contribué, par le gouvernement, aux négociations, aux discussions
qui ont découlé depuis la dernière conférence,
aucune contribution écrite qui ait été faite, je dis
simplement que, pour moi, ce n'est pas possible de s'associer avec un front
commun sur zéro. Je prends, à titre d'exemple, seulement les
pêches. Je cite la position actuelle du Québec, la section H de
votre dossier: "Le Québec croit que les provinces devraient avoir
compétence exclusive en matière des pêcheries sur leur
territoire."
Le Président (M. Michaud): À l'ordre, s'il vous
plaît. Le droit de parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce. C'est à vous la parole.
M. Scowen: M. le ministre, je veux demander, voulez-vous parler
sur une question de règlement, est-ce que je dois continuer ou quoi?
Le Président (M. Michaud): C'est à vous la parole,
M. le député.
M. Morin (Louis-Hébert): Allez-y.
M. Forget: II n'a pas dit un mot. M. Scowen: Merci.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai rien dit. Je vais en dire
tantôt, par exemple.
M. Scowen: Deux lignes sur les pêcheries. Je
répète: "Le Québec croit que les provinces devraient avoir
compétence exclusive en matière de pêcheries sur leur
territoire." Je pense que tout le monde peut accepter que la question des
pêches, parmi toutes les questions économiques, c'est une question
où les mesures d'association, de réglementation en commun sont
essentielles. Premièrement, les pêches, les pauvres pêches
ne parlent aucune langue officielle, elles ne respectent aucune
frontière, elles sont prises par les courants des mers sur lesquels la
territorialité est très confuse et qui a des aspects
internationaux soit dans un fédéralisme, soit dans une
association. C'est clair, dans mon esprit au moins, qu'on doit avoir une
réponse précise à une question comme: qui va prendre la
responsabilité de la mise en marché des pêches dans les
marchés internationaux? Qui va prendre la responsabilité de la
surveillance de la limite de 200 milles avec des avions et tout le
système de radiocommunication, le ministre de la Défense et les
bateaux marins que cela implique? Qui va prendre la responsabilité de la
recherche dans les pêcheries qui implique non seulement l'étude
des pêches, mais l'étude des mouvements des pêches?
Est-ce que ce n'est pas un exemple clair d'un secteur où nous
devons avoir une politique très élaborée sur laquelle on
peut négocier avec non seulement le gouvernement central, mais avec nos
gouvernements voisins qui ont des intérêts très
étendus là-dedans? Non, tout ce que nous avons à discuter
dans le domaine de la politique sur les pêches c'est deux lignes: "Le
Québec croit que les provinces devraient avoir compétence
exclusive en matière de pêcheries sur leur territoire." Le
ministre nous demande de s'allier dans un front commun sur une telle
politique...
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne m'attends pas à cela
du tout. Vous êtes le parti fédéral provincial...
M. Forget: II ne parle pas.
M. Scowen: Dans mon esprit au moins, c'est pourquoi c'est
impossible. C'est impensable de s'associer à quelque chose qui n'existe
pas. J'ai posé la question: comment est-il possible que le ministre soit
arrivé à cette commission parlementaire si mal
préparé? Hier, nous avons traité pendant une heure et dix
minutes d'un historique, que tout le monde, je le répète, qui est
un peu là-dedans connaît déjà, mêlé un
peu avec ses réflexions personnelles sur ce qui est passé. Je le
trouvais très intéressant.
Par exemple, j'ai déjà entendu ce qui s'est passé
à Victoria de la bouche de cinq ou six personnes qui étaient
là. La chose qui me frappe, c'est que même les
Québécois qui étaient là n'étaient pas
d'accord sur ce qui s'est passé. Vous avez donné une autre
perspective de l'affaire qui était intéressante, mais je me
demande franchement, M. le ministre, si ce n'est pas quelque chose qui serait
plus valable, plus juste de faire à une émission de
télévision plutôt qu'à une conférence
où on est censé étudier la position de Québec.
Vous avez dit au début que la faiblesse de votre
présentation était en partie parce que ça vient tout de
suite après les Fêtes. Vous avez dit: Je ne pouvais rien faire
depuis Noël, deux semaines de vacances pour tout le monde. Je l'accepte
parce que j'ai pris des vacances à Noël aussi. Tout ce que je vous
dis, c'est que la population de Québec attend de vous et du
ministère des Affaires intergouvernementales du travail dans ce domaine.
C'est une année très importante, c'est un moment très
important. Je pense que de donner l'excuse qu'on avait des vacances, pour la
faiblesse de cette présentation, le manque de détails, ce n'est
pas tout à fait un bon gouvernement, pour arriver à ce point.
En terminant, M. le Président, ce que j'ai entendu,
c'était, je pense, un bon argument, de votre bouche, hier, pour le
système fédéral. J'attendais et je pense que M. Forget
l'attendait aussi, de la publicité pour l'option
souveraineté-association. Mais vous avez dit vous-même que vous
n'aviez pas l'intention de le faire, et je suis complètement d'accord,
vous ne l'avez pas fait. De cette perspective, c'était absolument nul,
ce n'était certainement pas de la bonne publicité pour l'option
péquiste.
D'après moi, c'était une bonne publicité pour le
système fédéral. Vous avez décrit, pendant une
heure et dix minutes, la perspective de quelqu'un qui était vraiment
impliqué d'une façon clé, pendant des années, dans
le déroulement des négociations continuelles entre onze parties
différentes, chacune avec ses perspectives et ses objectifs
différents, des négociations perpétuelles qui ont eu pour
effet, d'après moi, je pense que vous serez d'accord, de nous rendre au
point où nous sommes actuellement aujourd'hui au Québec, qui
n'est pas mauvais.
Comme vous l'avez dit vous-même, les dépenses et, par
conséquent, les pouvoirs provinciaux ont augmenté
énormément depuis les dernières années; les
provinces sont plus fortes que jamais, la langue, la culture
québécoise est plus forte que jamais, nous sommes parmi les plus
riches de tous les pays du monde, il y a du travail pour les fonctionnaires en
masse. Ce n'est pas la pire des choses que nous avons réalisée,
par vos efforts, par vos propres efforts que vous avez décrits. Je suis
certain que vous, M. le ministre, êtes conscient que, si demain on
réalisait une espèce de souveraineté-association, ces
négociations ne se termineront pas, elles continueront. Je suis certain
que vous, étant réaliste, savez très bien qu'elles ne
seront pas plus faciles.
Si, avec une déclaration d'indépendance, alliée
à une association, c'est possible de changer
l'équilibre des pouvoirs entre les provinces, je suis certain que
les autres provinces, qui ne sont pas stupides et leurs leaders ne sont pas
stupides, vont dire très vite: Écoutez, on veut avoir notre
propre référendum pour pouvoir faire la même chose que
Québec, avoir plus de pouvoirs à l'intérieur de notre
Confédération. Si, avec une simple déclaration
d'indépendance ou quasi-indépendance, on peut changer
l'équilibre des pouvoirs dans la Confédération, c'est
quelque chose qui peut se faire pour les dix autres. C'est un jeu qui peut se
faire par tout le monde.
Alors, vous êtes réaliste, vous savez autant que moi que ce
ne sont pas que des jeux de mots, un référendum gagné, une
souveraineté-association gagnée ne changera pas la
réalité des problèmes que vous avez vécus, que vous
avez, je suis certain, étudiés, au nom des
Québécois, avec une grande compétence. (11 h 15)
Ce que vous avez fait, pour moi, cela a été de la bonne
publicité pour le fédéralisme et je vous remercie. Je vous
félicite également. D'un autre côté, M. le ministre,
en terminant, je vous répète qu'on ne peut pas s'associer avec un
front commun, quand la politique de ce front commun n'existe pas.
Le Président (M. Michaud): M. le ministre, prenez-vous un
droit de réplique?
M. Morin (Louis-Hébert): Cela va être très
bref, parce que je voudrais qu'on commence les sujets. On va perdre du temps
autrement. On ne vous demande pas un front commun. Vous l'avez
déjà dit en Chambre, que vous vous opposiez à tout ce qui
était fondamentalement québécois. Que voulez-vous que j'y
fasse? Je le sais, je l'admets. C'est une attitude que je considère
stérile. C'est une des rares fois au Québec où un parti
important d'Opposition décide d'être le porte-parole d'autres
partis qui ne sont pas ici dans cette Chambre. Qu'est-ce que vous voulez que
j'y fasse? Je le regrette. Ce n'est pas le Parti libéral que j'ai connu
alors que j'en faisais partie. Et je n'aurais pas je pense, à
l'époque de M. Lesage, entendu ce genre de commentaire. Mais qu'est-ce
que vous voulez? Les choses évoluent. Je ne demande pas ce front commun.
Vous m'avez dit hier, dans votre texte, M. le député de
Saint-Laurent, que vous gardiez les positions que vous aviez exprimées
à l'époque. Cela me suffit. Merci... Vous reconnaissez qu'il fait
soleil et vous ne voulez pas reconnaître qu'il fait clair. D'accord. Mais
moi, cela me suffit.
Je propose, M. le Président, qu'on commence l'examen, comme l'a
suggéré l'Union Nationale hier, dans l'ordre qui est
là.
Le Président (M. Michaud): II y a deux personnes, M. le
ministre, qui ont été reconnues par le président, soit le
député de Nicolet-Yamaska et le député de
Vanier.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, excusez-moi, je l'avais
oublié.
Le Président (M. Michaud): Après cela, on pourra
peut-être procéder article par article.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
M. Forget: M. le Président, avec la permission du
député de Nicolet-Yamaska...
Le Président (M. Michaud): Un moment, s'il vous
plaît!
M. Forget: ... je voudrais juste faire un petit point de trente
secondes et je lui remets la parole. Comme le ministre a fait un certain nombre
de remarques qui m'étaient personnellement adressées, à la
fois lors de sa grande réplique et de sa miniréplique d'il y a un
instant, j'aimerais, en vertu de l'article 96 puisqu'il faudrait le
faire immédiatement après qu'il ait cessé de parler, M. le
Président rappeler que j'aimerais, en laissant toutefois le droit
de parole prioritaire au député de Nicolet-Yamaska, corriger
certains faits qui ont été allégués par le ministre
tout à l'heure.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est vous qui avez
commencé hier.
M. Forget: Je préserve mon droit. Le Président
(M. Michaud): Oui. M. Serge Fontaine
M. Fontaine: M. le Président, je voudrais, avant qu'on
aborde chacun des treize points en discussion, revenir sur une critique qui a
été faite hier par le député de
Mégantic-Compton au sujet de la prise de position de M. le ministre qui
disait: Toute forme de renouvellement du fédéralisme est
vouée à l'échec d'avance.
Ce matin, il arrive et il donne deux explications à cela. Il dit:
II y a une première forme de renouvellement du fédéralisme
qui ne peut pas être acceptable par les Québécois, c'est
celle qui est prévue dans le bill C-60. Je pense que nous, de l'Union
Nationale, nous sommes d'accord là-dessus, à savoir que ce n'est
pas une véritable réforme constitutionnelle.
Il nous parle, d'autre part, de l'autre forme de réforme
constitutionnelle qui serait, celle-là, une véritable
réforme et là-dessus, je pense qu'on pourrait
peut-être tout de suite, ce matin, essayer de voir... Je pense que tous
les Québécois, tous les partis québécois devraient
pouvoir s'entendre pour dire qu'avant toute discussion, il faudrait discuter le
partage des pouvoirs.
Le ministre nous dit ce matin là-dessus que cela n'est pas
acceptable par le Canada anglais. Il nous dit, d'une part, que les
Québécois ne peuvent pas accepter une réforme comme le
bill C-60, d'autre part, que le Canada anglais ne peut pas accepter une
véritable réforme constitutionnelle.
Il tient pour acquis que ce n'est pas acceptable par le Canada anglais.
Sur quoi se base-t-il pour affirmer cela? Il se base probablement sur
l'historique qu'il a fait hier. Cependant, nous, de
l'Union Nationale, nous sommes prêts à l'accepter. Depuis
1976, depuis l'élection du Parti québécois, il y a eu,
tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec et
surtout dans les provinces anglaises, certains changements d'approche
vis-à-vis de la réforme constitutionnelle.
S'il fallait que le ministre se trompe, est-ce que cela veut dire qu'il
accepterait, tant comme gouvernement que comme parti politique, une
véritable réforme constitutionnelle? À cela on doit
répondre non, parce que dans un article de journal d'hier, on rapportait
ceci: II a toutefois affirmé que le Québec, même s'il
participe à des discussions et qu'il pourrait en tirer quelques
avantages dans le cadre du régime actuel, ne pourra se satisfaire du
résultat, quel qu'il soit.
On se demande: Comment peut-il prétendre être un vrai et un
bon gouvernement provincial, comment peut-il honnêtement prétendre
se présenter aux conférences constitutionnelles pour
représenter les intérêts des Québécois alors
qu'il nous dit qu'à l'avance tout cela est voué à
l'échec? C'est un peu ce à quoi je voudrais que le ministre
réponde.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, c'est une question
intéressante.
Quand je dis qu'un certain type de fédéralisme
renouvelé ne peut pas être accepté par le Canada anglais ni
par Ottawa, je parle je pense que vous avez fait la distinction
de quelque chose qui serait significatif, d'accord? Un peu comme ce que l'Union
Nationale proposait à l'époque de M. Johnson et qui est repris en
substance dans votre papier. Je pense que cela ne peut pas être
accepté par Ottawa. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. C'est M. Lalonde,
c'est M. Trudeau, c'est d'autres porte-parole fédéraux et ce sont
d'autres gens des autres provinces qui, d'une part, sont peut-être
prêts à des ajustements dans le système cela va de
soi, que voulez-vous, c'est bien sûr mais qui ne veulent pas d'un
changement de substance et ils l'ont dit. Je ne fais que répéter
ce qu'ils disent.
Maintenant, j'ajoute à cela non pas mon expérience
à moi, Claude Morin, mais ce que j'ai vu et ce que tout le monde a vu
pendant les années où quand même des gens compétents
ont essayé de modifier l'attitude fédérale. M. Castonguay
a tenté de le faire en ce qui concerne la politique sociale. À
l'époque aussi, M. Johnson a essayé dans son cas de modifier
l'attitude fédérale en ce qui concerne d'autres choses, comme le
partage général des pouvoirs. Je ne veux pas recommencer tout ce
que j'ai dit hier. M. Bourassa lui-même. Ce sont des faits. Vous me dites
qu'il y a quelque chose de nouveau. S'il y a quelque chose de nouveau,
j'attends de le voir. Au contraire, j'ai des citations. Mon Dieu! que je suis
donc tenté. Il y a des gens qui ont observé la
réalité et qui ont dit qu'il n'y avait rien qui se passait.
Tantôt, j'ai donné un élément de citation de notre
ami, M. le député, mais il était commenté par un
autre qu'on connaît bien et je continue. Je pense qu'on va avoir la
réponse. Je ne lis pas ma citation de tantôt du
député, mais les paroles de celui qui commente: "On voudrait
que
M. Forget eût tort. Malheureusement, les événements
des dernières années et encore davantage ceux des derniers mois
lui donnent raison. Il y a, en effet, plus de dix ans que le Québec ne
cesse de proposer une révision du régime actuel; rien ne s'est
pourtant produit. Même la victoire électorale du PQ n'a
semblé incité aucun parti à entreprendre à ce
stade-ci la moindre démarche inédite." Ce n'est pas de moi, que
voulez-vous!
M. Raynauld: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question sur le même sujet seulement pour faire avancer le
débat?
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que cela avance, on voit
les choses. Il y a mon collègue ici...
Le Président (M. Michaud): Je m'excuse, mais
présentement, c'est le député de Nicolet-Yamaska, ensuite
le député de Vanier. Ensuite, si vous avez...
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux dire que ce n'est pas moi
qui ne veux pas que cela marche. Pendant des années, j'ai voulu que cela
marche. Pensez-vous que cela a été bien intéressant
à un moment donné quand je me suis rendu compte que cela n'allait
pas? Je ne veux pas qu'on m'accuse de parler d'états d'âme; je ne
le ferai pas. Devinez par vous-mêmes qu'à un moment donné
il a quand même fallu que je me pose des questions et que j'apporte mes
réponses. Cela n'a pas été facile, cela a
été une période difficile. Ce n'est pas moi.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'il faut en
conclure que cette attitude de l'autre côté de la clôture
est due aux hommes en place ou au système?
M. Morin (Louis-Hébert): Non. Je vais demander à
mon collègue de répondre. Je ne pense pas que ce soit une
question d'hommes. Ce ne sont pas nécessairement des vilains qui sont de
l'autre côté; il y en a, évidemment quelques-uns qui
charrient dans l'autre sens, dirait-on, pour se faire pardonner des choses.
J'ai ici une citation intéressante à cet égard, là
encore: "Quant à ceux qui réussissent sur la scène
fédérale, ils y parviennent généralement en
s'associant, de manière parfois encore plus dure à l'endroit du
Québec que leurs collègues anglophones, à une vision qui
rabaisse fatalement le Québec au rang d'une province comme les autres."
C'est toujours notre grand expert qui parle. Que voulez-vous, c'est lui qui le
dit: Nos Québécois qui sont à Ottawa sont pires que les
autres à cet égard.
Cela dit, c'est deux systèmes, deux continuités en
présence. Je ne les blâme pas, les Canadiens anglais, d'avoir la
leur; je pense qu'ils ont raison. Nous aussi avons raison. C'est cela qu'il
faut modifier. C'est substantiellement ce genre d'orientation et de situation
qui fait que nous proposons une chose qui s'appelle la
souveraineté-association qui n'est pas l'objet du débat ce
matin.
Je demanderais à mon collègue d'ajouter quelque chose qui
peut éclairer le débat.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, sur cette question, le
député de Nicolet-Yamaska dit: Les attitudes ont changé
depuis le 15 novembre; il semble y avoir plus d'ouverture qu'avant. Je pense
justement que cela ne tient pas aux hommes qui sont là. Tous les partis
politiques fédéraux ont fait des déclarations qui sont
contradictoires avec les aspirations du Québec. Cela ne dépend
pas des hommes.
M. Trudeau prétend que le régime fédéral
canadien est l'un des plus décentralisés au monde. Il l'a dit
dans son document "Le temps d'agir". Le 30 septembre 1977, M. Broadbent disait
ceci: "En ce qui concerne la distribution des pouvoirs constitutionnels et
financiers, le Canada est déjà l'un des États les plus
décentralisés au monde, sauf dans les questions culturelles,
linguistiques, et peut-être l'immigration et les communications. Je ne
vois aucun besoin de changement constitutionnel majeur." Les chefs
conservateurs réunis à Kingston, le 19 septembre 1977, disaient
ceci, dans leur déclaration conjointe: "Le gouvernement
fédéral doit être suffisamment fort financièrement
pour influencer l'économie, réaliser l'égalité des
chances. Nous sommes prêts à étendre les secteurs de
juridiction concurrente sur une base de coopération afin d'inclure le
domaine du développement culturel. "
En fait, le modèle qu'il y a au Canada anglais, c'est l'extension
des domaines de juridiction concurrente pour mettre sur pied un
fédéralisme de concertation où les provinces vont avoir un
mot plus grand à dire dans les politiques fédérales et
vont pouvoir administrer certains programmes. Quand on parle de
décentralisation, au Canada anglais, on parle d'arrangements
administratifs, alors qu'au Québec on parle de transferts de pouvoirs
politiques et permanents au sein de la constitution. Je pense que c'est pour
cela qu'un fédéralisme décentralisé, cette forme de
fédéralisme renouvelé que vous proposez ne peut pas
fonctionner. Si cela réussissait, on demanderait au Canada anglais de
vider le gouvernement fédéral de sa substance, qui en fait un
gouvernement national et qui donne au Canada sa cohésion et lui permet
une certaine résistance à l'américanisation, une certaine
identité nationale. C'est pour cela qu'un fédéralisme
renouvelé est incompatible. C'est une chose qu'on ne demande pas, soit
dit en passant, dans un régime de souveraineté-association,
puisqu'ils pourront se donner le régime fédéral qu'ils
voudront. Ceci dit, je pense qu'on a le droit, en tant que parti, de dire: On
ne pense pas que cela va fonctionner, ce n'est pas dans l'intérêt
du Canada anglais.
Par contre, s'il y a moyen d'avoir des ententes sur des pouvoirs
particuliers qui sont dans l'intérêt du Québec, on va les
faire. C'est notre position. Je pense qu'elle est très claire. Ce n'est
pas une position d'observateur. C'est une position de participant, mais qui ne
s'illusionne pas sur la possibilité du Canada anglais. Si M. Trudeau
voulait que les Québécois disent non au référendum,
il mettrait à l'ordre du jour, en première tête de liste,
la répartition des pouvoirs. Il arrêterait de dire que le
régime fédéral est le plus décentralisé au
monde, puisque la majorité des Québécois veut un
fédéralisme décentralisé. Il ferait des concessions
aux revendications traditionnelles du Québec avant le
référendum. Mais il ne peut pas le faire et il ne le fera pas. Il
ne faut pas s'illusionner là-dessus.
M. Fontaine: M. le Président, le député nous
dit qu'il n'y a pas eu de changement d'attitude depuis 1976. Comment
explique-t-il le fait, si je ne me trompe, qu'à la conférence de
Régina, il y a eu un front commun de toutes les provinces pour demander
un nouveau partage des pouvoirs? Peut-être que le ministre pourra me
corriger...
M. Morin (Louis-Hébert): II faut préciser les
choses historiquement. Il y a eu un front commun, c'est exact, sur plusieurs
points. Je pense que c'était déjà arrivé dans le
passé. Le front commun était cela a été dit,
d'ailleurs, à l'époque surtout fondé sur le fait
qu'on demandait au gouvernement fédéral d'étudier ces
questions, mais que les autres provinces ne se prononçaient pas pour une
large décentralisation des pouvoirs du genre de celle que Québec
désire. Alors, il y a des choses sur lesquelles on était
d'accord, et il y a des choses sur lesquelles ils étaient d'accord, avec
nous. Je ne pense pas on va le voir d'ailleurs bientôt que
les autres provinces désirent le même genre de
décentralisation que le Québec désirait il y a vingt ans,
ou quinze ans. C'est un fait de la réalité politique
contemporaine. Ce n'est pas par mauvaise volonté qu'on insiste pour le
mentionner tout le temps, c'est pour le rappeler, tout simplement. Je
proposerais je m'excuse, je ne voudrais pas couper la parole à
mon collègue qu'on commence l'examen...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Nicolet-Yamaska a terminé? Le député de Vanier maintenant,
s'il vous plaît!
M. Bertrand: Je laisse aller.
Le Président (M. Michaud): Vous laissez aller. Il y avait
une dernière intervention en vertu de l'article 96. Très
brièvement, M. le député de Saint-Laurent.
M. Raynauld: M. le Président...
M. Forget: C'est parce que je reprends... M. le Président,
j'ai voulu intervenir parce que le ministre, à la suite de propos que
j'ai tenus, a donné une réplique qui laisse croire que les
affirmations que j'ai faites, dans deux cas, sont soit contradic-
toires ou complètement fausses. Je vais me limiter à deux
points. Le ministre évidemment et moi-même avons touché un
plus grand nombre de points, mais on y reviendra plus spécifiquement
lors de l'étude des points détaillés. (11 h 30)
La question de l'éthique relativement à des informations
dont il a pris connaissance alors qu'il était fonctionnaire et il y a un
deuxième point, toutes les citations qu'il a tirées hors contexte
ou en contexte, selon les cas, d'un article que j'ai publié en
février 1977 et des commentaires du chef actuel du Parti libéral.
J'aimerais revenir là-dessus. Je pense qu'il a très bien compris,
mais la façon dont il a cherché à faire la réplique
laisse croire qu'il y a des confusions qui n'existent que dans la façon
qu'il a d'en parler. Relativement à la question d'éthique, en
premier lieu, je veux simplement citer les propos que le ministre tenait ici
hier, et c'est ce qui a alerté mon attention. À 16 h 5, il y
avait à ce moment-là quelque 40 ou .45 minutes que le ministre
parlait, il attire notre attention en nous disant ceci: Je vais peut-être
parler de choses qui sont moins connues.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est grave, cela.
M. Forget: C'est une indication claire, étant donné
qu'il parle d'événements alors qu'il était fonctionnaire,
qu'il a des révélations à faire, qu'il dit des choses qui
n'ont pas déjà été dites. D'ailleurs, un peu plus
tard et toutes ses autres déclarations sont en sandwich avec
celle-là il nous fait un aveu qui est indicatif de la même
intention. Il nous dit: Tel matin où il y a eu tel
événement, il neigeait. M. le Président, un homme...
Des voix: M. le Président, cela est grave!
M. Forget: Ne vous énervez pas. Un homme qui prend soin de
nous rappeler la sûreté de sa mémoire...
M. Bédard: Une chance que ce n'est pas vous autres qui
êtes dans les négociations!
M. Forget: ... qui prend soin de nous rappeler qu'il a une
mémoire infaillible pour un événement totalement
insignifiant qui s'est déroulé il y a huit ans vient de nous
avertir que pour le reste qu'il nous a raconté et qui était moins
connu entre guillemets on peut probablement lui faire confiance,
n'est-ce pas? Il se souvenait qu'il neigeait, donc il se souvenait probablement
de toutes sortes de conversations, de toutes sortes d'événements
qu'il vient d'ailleurs de nous relater. Parmi ces choses-là, qu'y
a-t-il? Il y a des faits qui ne sont connus que de fonctionnaires comme, par
exemple, le fait que certains documents sont préparés au niveau
des fonctionnaires ou certains sentiments existent au niveau des
fonctionnaires. À la page suivante, rouleau 1044-BPC, page 2, à
peu près au milieu de la page, on a dit: "On a commencé à
cette époque, au niveau des fonc- tionnaires, à rédiger un
texte qui allait devenir", etc. Donc, on fait une distinction entre ce qui
arrive au niveau politique et au niveau des fonctionnaires. C'est une
information privilégiée. Je ne dis pas que c'est catastrophique
de la connaître, mais c'est quand même privilégié et
cela peut quand même parfois avoir une importance capitale lorsqu'on veut
inviter son auditoire à porter un jugement sur des comportements
politiques. Un peu plus loin, on fait un commentaire: Je doute que ce soit
connu par d'autres sources à l'effet qu'à la conférence de
septembre 1970 à laquelle assistait le premier ministre de
l'époque celui-ci croyant que le sujet n'était peut-être
pas terriblement important... Je ne peux pas me souvenir qu'il y ait eu un aveu
de la part du premier ministre à l'effet qu'il croyait que ce
n'était pas important. C'est donc une information qui vient d'une
confidence ou d'une remarque privée que le ministre a eue.
M. Morin (Louis-Hébert): D'un discours d'avril...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais excusez... D'un
discours...
Le Président (M. Cardinal): Un instant!
M. Forget: M. le Président, il y a deux choses...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je m'excuse.
M. Forget: II y a deux choses qu'il disait.
M. Bédard: Heureusement que vous n'êtes pas dans les
négociations. Cela n'avancerait pas beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): Non! À l'ordre, s'il
vous plaît! Tout s'est bien déroulé jusqu'à
présent. On va continuer. M. le député de Saint-Laurent a
invoqué l'article 96.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): L'article 96 vous
permet...
M. Forget: Oh! Excusez. Je croyais que vous aviez
terminé.
Le Président (M. Cardinal): ... lorsque vous avez
prononcé un discours, sans interrompre le ministre qui l'a
prononcé, vous avez le droit de rétablir les faits. Je cite la
fin de cet article qui dit: "Les explications doivent être brèves
et ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion
et elles ne peuvent engendrer un débat." Je désire le souligner.
Je ne voudrais pas qu'il y ait un débat entre M. le député
de Saint-Laurent et M.
le ministre, en vertu de l'article 96. D'ailleurs, l'article 163 nous
dit que les règles applicables à l'Assemblée nationale
s'appliquent aux commissions parlementaires.
M. Morin (Louis-Hébert): Je retire mes paroles quant
à cela.
Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas à
retirer quoi que ce soit, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Je regrette d'avoir dit qu'il
neigeait.
Le Président (M. Cardinal): Bon! M. le
député de Saint-Laurent, si vous voulez bien finir.
M. Forget: Oui, brièvement, M. le Président. Le
Président (M. Cardinal): Oui, rapidement.
M. Forget: Je ne suis revenu là-dessus, M. le
Président, que pour ajouter que je ne sais pas, comme je n'étais
pas là, quelles sont les informations privilégiées que le
ministre peut avoir et qu'il peut révéler ou ne pas
révéler. Je ne peux que déduire de ses paroles hier qu'il
nous annonçait qu'il nous parlait de choses moins connues, qu'il nous
avertissait de la sûreté de sa mémoire et qu'il nous
fournirait un certain nombre d'indications, ce qui nous portait à croire
qu'il s'agissait là d'informations privilégiées.
Peut-être que ce n'en étaient peut-être pas, et
à plus forte raison, M. le Président, si cela n'en était
pas, par l'interprétation qu'il donnait aux événements, en
donnant encore à croire qu'ils étaient basés sur une
information que lui seul possédait, il avait tendance à leur
donner une crédibilité qu'ils n'auraient pas dans d'autres
circonstances. Alors, qu'il ait donné l'information ou non, il y a
là un abus, je pense, d'une source privilégiée. Qu'il ait
déclaré quelque chose qui n'était pas connu ou non, il
reste qu'il donne l'impression qu'il nous a, pour la première fois,
ouvert la porte du saint des saints, nous a permis de voir ce qui était
inconnu du commun des mortels et qu'à cause de cette connaissance
privilégiée il en arrive à des conclusions
différentes de celles de certains d'entre nous. Je pense que c'est un
abus d'une information privilégiée. Qu'on l'ait
communiquée ou pas, je ne suis pas en mesure d'en juger, une
enquête seule pourrait le déterminer.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis d'accord avec tout
cela.
M. Forget: Le deuxième point, mais très
brièvement celui-là, j'espère, ce sont les citations qui
sont faites d'un texte de février 1977, le rapprochement que le ministre
en a fait d'une partie de notre déclaration préliminaire
relativement aux conséquences possibles d'un référen- dum,
à la responsabilité du référendum, à la
situation créée par la tenue d'un référendum, et
l'utilisation qui en a été faite dans une déclaration
récente du ministre. Je m'étonne que le ministre cherche à
éviter la responsabilité qui, nécessairement, incombe au
Parti québécois, au gouvernement actuel, pour le
référendum, qui est un événement politique sans
aucun doute important. Je pense que le ministre sera d'accord avec moi
là-dessus. Si c'est un événement important, il crée
une situation. Il crée d'abord une situation avant le
référendum et il crée une situation politique après
le référendum. Il est tout à fait légitime
d'attirer l'attention là-dessus. Pour ce qui est d'avant le
référendum, je me suis expliqué là-dessus dans
l'article de février 1977 qu'a cité le ministre et je crois
toujours que tant que le référendum n'a pas eu lieu, on est dans
une espèce de vacuum, de vide politique, puisqu'il est évident
le ministre lui-même l'a dit à plusieurs reprises
qu'il n'était pas intéressé à de véritables
négociations avant le référendum sur les positions qu'il
veut vraiment défendre, donc qu'il n'est pas intéressé
à négocier sérieusement sur aucune position avant le
référendum. Je me demande en vertu de quoi, dans un contexte
comme celui-là, on pourrait s'attendre à des déblocages
quelconques, à une évolution positive quelconque.
Bien sûr, il faudra décider, du côté du
ministre, si les discussions ou les exercices constitutionnels actuels
constituent un déblocage ou non. Je serais porté à croire
qu'il est d'avis que ce n'est pas un déblocage. Je serais porté
à être d'avis que, quant à moi, personnellement, aussi, ce
n'est pas un véritable déblocage. Il s'agit là d'un effort
pour démontrer que le mouvement est possible. Au moins cela est
réussi, puisque le ministre a convenu tout à l'heure que,
désormais, il paraissait irréversible que le Canada serait
doté d'une nouvelle constitution.
M. Morin (Louis-Hébert): Mais laquelle?
M. Forget: Oui, laquelle? Mais c'est déjà un
progrès par rapport à la position qu'il aurait tenue il y a deux
ans, où il aurait dit qu'aucune espèce de modification n'est
même envisageable.
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. Je soulève
une question de privilège.
M. Forget: II a fait maintenant cette concession qu'il y aura des
choses qui seront possibles. C'est la limite de ce qui voulait probablement
être accompli par le gouvernement fédéral.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, je m'excuse, je l'ai répété
à plusieurs reprises, il n'y a pas de questions de privilèges en
commission parlementaire.
M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas! N'importe quel
règlement, là...
Une voix: L'article 96.
M. Morin (Louis-Hébert): L'article 96? Bon!
Le Président (M. Cardinal): Non. Vous qui avez bonne
mémoire... Non, non! Si vous avez tous bonne mémoire, vous vous
rappellerez qu'hier j'ai indiqué que le ministre n'avait jamais besoin
d'invoquer l'article 96 parce que, à tout moment, il a le droit de
s'exprimer, sans limite de temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux juste dire que je n'ai
jamais dit ce qu'il est en train de me faire dire et que je ne considère
pas qu'il y a progrès quand le progrès consiste en un carcan
comme pourrait l'être une nouvelle constitution dans les circonstances
actuelles, dans la perspective fédérale. Fin de l'intervention,
en vertu de l'article X.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Laissez faire les
articles, parce que...
M. Forget: Normalement, l'article 96 permet de faire des
remarques après que les remarques qui y ont donné lieu sont
terminées, mais je suis tolérant à cet égard, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Laurent, de m'informer sur le
règlement!
M. Forget: M. le Président, la dernière partie de
la citation qui est attribuée non pas à moi, mais à M.
Ryan, le chef actuel du Parti libéral...
M. Morin (Louis-Hébert): Actuel?
M. Forget: ... à savoir qu'il aurait dit exactement la
même chose est-ce qu'on peut avoir un peu d'ordre, s'il vous
plaît? que le ministre Morin a dite. Là-dessus, M. le
Président, il ne faut pas pousser la naïveté trop loin de la
part du ministre. Il sait très bien qu'il y a une différence
considérable entre constater une conséquence possible d'un
événement et, de façon partisane, vouloir grossir cette
conséquence de manière à en faire l'équivalent
d'une menace. La même différence était faite dans l'esprit
du ministre, j'en suis sûr, lorsque l'on pouvait dire, à la veille
de l'élection de 1976: Si vous votez pour le Parti
québécois, vous allez voter pour un parti qui veut
l'indépendance du Québec.
M. de Bellefeuille: Question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes soulève une question de règlement.
M. de Bellefeuille: Je voudrais savoir en vertu de quel article
du règlement le député de Saint-Laurent intervient
à l'heure actuelle.
M. Forget: 96. Je l'ai dit au début.
Le Président (M. Cardinal): II continue sur 96. Il y avait
deux points. Non, écoutez...
M. Forget: C'est le même point.
Le Président (M. Cardinal): C'est terminé?
M. Forget: Pas avec les interruptions que j'ai eues, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant.
M. Paquette: Est-ce qu'on pourrait commencer?
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît. J'ai
cité l'article 96 tantôt.
M. Gratton: On va siéger ce soir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gatineau s'il vous plaît, ne revenez pas là-dessus. Cela a
été décidé hier que c'était une autre
séance.
M. Gratton: Le ministre est nerveux.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne suis pas nerveux.
Le Président (M. Cardinal): Je voudrais dire simplement
ceci: J'ai cité l'article 96 quant au texte et j'inviterais M. le
député de Saint-Laurent à conclure.
M. Forget: Je conclus, M. le Président. Je veux simplement
souligner que nous pouvons condamner le ministre sans contradiction. Nous
sommes d'accord avec lui que, bien sûr, un résultat négatif
à un référendum pourrait donner à certaines
personnes l'impression que le problème est réglé, mais
l'histoire ne s'arrêtera pas le lendemain du référendum. Il
y a d'autres possibilités qui existent d'action et ce n'est pas
indifférent non plus quant aux conséquences qui vont
résulter du référendum, la façon dont la question
va être formulée et la possibilité qu'il y aura à
travers cette formulation d'envisager des alternatives. Le gouvernement a une
responsabilité très grande dans la formulation de la question
d'éviter justement d'assumer cette responsabilité dont il menace
les Québécois à l'heure actuelle. Cela devrait être
un argument non pas pour faire voter les gens comme le gouvernement le veut,
mais, au contraire, il devrait s'en inspirer pour formuler la question de
façon que toutes les issues soient constructives.
M. Morin (Louis-Hébert): Parfait. C'est excellent
ça.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Est-ce que nous commençons nos
travaux?
M. Raynauld: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: ... j'avais demandé tout à l'heure
à poser une question sur un sujet qui me paraissait assez important et
je voudrais avoir l'occasion de poser cette question. Le ministre nous dit
qu'il est d'accord avec les positions d'un certain nombre de Canadiens à
savoir qu'un fédéralisme renouvelé authentique ne serait
pas accepté par les autres provinces et le gouvernement
fédéral. Comme il s'agit d'un fédéralisme
renouvelé qui représente une transformation beaucoup moins
profonde du régime politique canadien que la
souveraineté-association, comment peut-il dire, d'un côté,
que le fédéralisme renouvelé, authentique, ne sera jamais
accepté par les Canadiens anglais et, en même temps, aller dire
aux Québécois que sa souveraineté-association va
être acceptée par les Canadiens anglais? J'aimerais savoir cela
et, s'il s'agit de prétendre qu'avec la souveraineté-association
on a plus de pouvoirs qu'à l'intérieur du
fédéralisme, renouvelé ou non, à ce moment, cela
veut dire qu'un régime de souveraineté-association va pouvoir
imposer aux partenaires des choses que des compatriotes ne peuvent pas
s'imposer les uns aux autres.
Là, je rappellerai seulement une petite citation d'Abraham
Lincoln qui a dit: Comment se fait-il qu'il serait plus facile de passer des
traités entre voisins que de passer des lois entre compatriotes? C'est
cela, ma question.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est une question
intéressante qui est en dehors du sujet, mais à laquelle je
répondrai très brièvement par une autre citation prise
ici: "Quoi qu'il advienne, le Québec doit retenir deux leçons des
tentatives antérieures: pas de rapatriement sans une ouverture
réelle vers un ordre constitutionnel mieux accordé à ses
exigences légitimes et, surtout, pas d'engagement ferme sans que
l'opinion publique ait clairement eu l'occasion de se manifester." Cela veut
dire le facteur déterminant des prochaines années, des prochains
mois, c'est le référendum. Si cela n'était pas
déterminant, il n'y aurait pas tellement d'excitation du
côté fédéral pour tout faire pour nous faire manquer
notre coup, y compris entreprendre une propagande qu'on vient de
déplorer, d'ailleurs, au Conseil de l'unité canadienne. (11 h
45)
C'était utile de le signaler en passant, propagande qui vise
à montrer aux Québécois qu'ils sont nés pour un
petit pain, qu'ils sont dépendants et qu'ils sont impuissants. Le
référendum est un élément majeur de la dynamique
politique, il n'y en a pas d'autres. C'est la seule réponse que j'ai
pour le moment, le sujet n'étant pas, et n'essayez pas de le faire
modifier, l'étude de la souveraineté-association, mais
l'étude d'une proposition qui nous a été faite par le
gouvernement fédéral, qu'on n'a pas demandée, à
laquelle on participe honnêtement et pour laquelle on a
présenté des positions que je proposerais, M. le
Président, qu'on regarde à partir de maintenant.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le ministre. Je
veux seulement, pour les prochaines heures que nous serons ensemble, non pas
rappeler le mandat que j'ai souligné à trois reprises, mais
à la première page du document que vous aviez remis à
chacun des membres de la commission, on indique que treize textes ont
été préparés en vue des travaux de cette
commission. La commission peut les prendre un après l'autre ou les
prendre en bloc, enfin, faire ce qu'elle désire. J'attendrais une
collaboration particulière des membres pour que nous puissions observer
le règlement et construire un débat d'une façon aussi
élevée que, en général, cela s'est produit
jusqu'à présent.
M. Paquette: M. le Président, question de directive. Je
pense qu'on adopte un mode de procédure relativement en dehors des
règles à cette commission. J'aimerais savoir si vous allez
considérer chacun des treize points comme un sujet particulier,
c'est-à-dire que chaque député aura un droit de parole de
vingt minutes sur chacun des sujets.
Le Président (M. Cardinal): C'est une très bonne
question. Nous faisons présentement du droit nouveau. Les commissions
parlementaires avaient été prévues, à l'origine,
pour étudier des projets de loi, article par article, des postes
budgétaires, à l'occasion de la défense des
crédits. Avec des commissions du genre où on étudiait les
problèmes de la United Aircraft, Commonwealth Plywood, le
problème constitutionnel, nous sommes obligés de procéder
par analogie. C'est pourquoi je demande un avis à la commission, ne
voulant pas faire un débat.
Je serais disposé à prendre chacun des points et à
considérer que sur chaque point, l'article du règlement
s'applique et que chaque député, sauf le représentant du
gouvernement, a droit à vingt minutes, et par analogie avec l'article
par article ou le poste budgétaire par poste budgétaire.
M. Roy: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Sur le point de règlement que vous venez de
soulever...
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas moi qui l'ai
soulevé.
M. Roy: Non, mais sur le point de règlement qui a
été soulevé, je pense qu'il faudrait tenir compte d'une
situation. Selon les informations que je possède, les travaux de la
commission parlementaire vont se terminer aujourd'hui. Nous avons treize points
à étudier. Il serait bien important, à mon avis, que les
différentes formations
politiques ici présentes puissent s'exprimer sur chacun des
points. C'est évident qu'avec le règlement tel qu'il doit
s'appliquer, vingt minutes pour chaque député, on va
étudier deux points, trois points, et il va y en avoir huit, neuf ou dix
qu'on ne pourra pas aborder.
Je me demande, pour le bénéfice de tout le monde, s'il n'y
aurait pas lieu de faire un regroupement, diviser ça en une ou deux
parties, c'est-à-dire les regrouper en une partie ou diviser en deux
parties et en venir à une espèce de consensus pour limiter le
temps et permettre d'aborder tous les sujets. C'est une suggestion que je
fais.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, c'est une suggestion, ce n'est pas une motion; je
préfère un voeu à une motion. Parce qu'un voeu n'est pas
débattable, il est toujours accepté par la présidence.
Dans le cahier que nous avons devant nous, nous avons treize sujets
divisés en points a), b) et c), c'est-à-dire en trois groupes
différents. Comme serviteur de cette commission, je me rendrai au voeu
de la commission.
M. Forget: M. le Président, je me demande si ça
ferait une grosse différence, parce que malgré tout, les sujets
sont différents, même à l'intérieur d'une même
catégorie. Je ne vois pas comment on peut en discuter par
catégories sans se mélanger constamment, surtout dans la
deuxième catégorie, le partage des compétences. Ce sont
des compétences tellement incomparables, sur des sujets qui n'ont rien
en commun, que je ne vois pas comment on peut en discuter ensemble.
Dispositions concernant la pratique du
fédéralisme
Pouvoir de dépenser
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Saint-Laurent, vous avez répondu à la
question. Parce qu'il suffit qu'un membre de la commission n'accepte pas une
suggestion pour que nous tombions sous la règle générale.
Je vais simplement appeler, pour autant qu'on puisse le faire dans une
commission semblable, le premier sujet soumis à l'étude du
comité ministériel fédéral-provincial qui porte un
titre général, "Dispositions concernant la pratique du
fédéralisme", mais qui, à la page 5, s'appelle "Le pouvoir
de dépenser ".
Suivant la règle normale, est-ce que M. le ministre veut
s'exprimer?
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux m'exprimer, M. le
Président, très brièvement. Vous avez un texte très
bref que je pourrais lire, mais je n'ai même pas besoin de le faire. Je
suppose qu'il a été lu. Si ce n'est pas le cas, il faudrait
peut-être quand même qu'on le fasse.
Je vais seulement essayer de dégager la substance, ensuite de
décrire notre position. Par la suite, on discutera. D'abord, qu'est-ce
que le pouvoir de dépenser? Je le prends dans le livre blanc
fédéral publié en 1969, sous la signature du très
honorable Pierre Elliott Trudeau, cette définition: "En termes
constitutionnels, l'expression "pouvoir de dépenser" a une signification
qui est propre aux institutions canadiennes, savoir le pouvoir qu'a le
Parlement de verser certaines sommes aux individus, aux organisations et aux
gouvernements à des fins au sujet desquelles le Parlement canadien n'a
pas nécessairement le pouvoir de légiférer." Ce qui est
important, c'est "à des fins au sujet desquelles le Parlement canadien
n'a pas nécessairement le pouvoir de légiférer."
C'est une très vieille question. Déjà, en 1969
je ne veux pas révéler de secret d'État, mais c'est
dans le rapport du secrétaire de la conférence constitutionnelle,
qui est public nous avons passé plusieurs semaines et plusieurs
mois à discuter de cette question. Elle a bloqué à cause
d'une chose sur laquelle je vais revenir tantôt. Mais, avant cela,
quelles sont les positions traditionnelles du Québec?
Les positions traditionnelles du Québec, d'abord, prenons
l'entonnoir. Au point de départ, il faut limiter le pouvoir de
dépenser. Je pense bien qu'il n'y a pas de doute là-dessus. Tout
le monde l'a dit. Même dans d'autres provinces, cela se dit, quoiqu'avec
beaucoup moins d'intensité, certaines provinces, et c'est du domaine
public, tenant au contraire à ce que le pouvoir de dépenser soit
maintenu.
Ce pouvoir de dépenser, vous le savez, permet au gouvernement
fédéral d'entreprendre des programmes conjoints,
c'est-à-dire d'intervenir carrément dans la juridiction
provinciale. La difficulté était, jusqu'à maintenant, et
encore, que quand le gouvernement fédéral lance un programme
comme celui-là, à l'envergure du Canada, si vous n'acceptez pas
d'embarquer dedans, vous êtes privé de sommes auxquelles vous
auriez droit normalement et vous êtes privé de sommes parce que
vous respectez la constitution ou votre conception de la constitution du
Canada. Cela a été le cas du Québec pendant les
dernières années et pendant toutes les années de M.
Duplessis, où le Québec a été
pénalisé.
Les gouvernements qui se sont succédé ont pris des
positions très claires à cet égard et elles sont
résumées à la page 2; cela part de M. Duplessis à
M. Lesage ensuite, etc., jusqu'à M. Bourassa. Et M. Bourassa a dit ceci:
Ce pouvoir ne disparaîtrait pas complètement en ce qui concerne
les domaines provinciaux, mais il ne serait exercé, par exemple, dans le
cas du Québec, que si cette province y consentait expressément.
Ceci revient à dire qu'il disparaît en réalité,
puisque le pouvoir de dépenser doit nécessairement supposer
l'acceptation de la province à laquelle s'adressent les sommes.
Nous avons, nous, comme position elle est là en quatre
lignes, elle est résumée parce qu'elle est très simple:
Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser
devrait être limité aux seules
matières énumérées de compétence
fédérale exclusive ou concurrente, c'est-à-dire que nous
ne voulons pas que le pouvoir fédéral de dépenser s exerce
dans des domaines provinciaux, ce qui va à l'encontre, d'après
nous, de l'autonomie provinciale.
En somme, le pouvoir de dépenser, c'est la permission qu'on donne
à Ottawa d'intervenir, par ces priorités, dans des domaines
provinciaux et de pénaliser les provinces qui ne veulent pas.
Mais il restait un problème, en 1969, très sérieux,
ce qui n'a pas été résolu à l'époque et
à propos duquel il y a eu beaucoup de discussions. Comment une province
manifeste-t-elle son désaccord? Comment décide-t-elle qu'elle ne
participe pas à un programme dit fédéral-provincial? Et
deuxièmement, le cas échéant, si elle ne participe pas,
comment se verse la compensation à laquelle elle a droit?
S'il s'agit d'un programme de $1 milliard dont le Québec aurait
25%, c'est $250 millions. Si le Québec ne veut pas participer à
ce programme, le Québec va-t-il perdre $250 millions, purement et
simplement, qui vont aller ailleurs au Canada ou qui n'iront nulle part? S'il
ne perd pas, c'est-à-dire que si on décide que le principe est
que la province ne doit pas être pénalisée parce qu'elle
exerce son droit constitutionnel, à qui va le montant de $250
millions?
Il y a eu plusieurs propositions faites à cette époque. Le
fédéral, à l'époque, en favorisait une qu'il a mise
en oeuvre d'ailleurs et qu'il a appliquée, il y a quelques mois,
à l'occasion de I histoire de la taxe de vente, c'est-à-dire de
remettre aux citoyens les sommes qu'il aurait versées au gouvernement
pour établir un programme conjoint. Cette façon de voir les
choses a toujours été refusée par l'ensemble des provinces
et elle l'est encore aux nouvelles publiques. Je ne donne pas de position
récente, puisque je n'ai pas le droit. Mais cette position n'est pas
celle qui est favorisée et qui était favorisée,
jusqu'à ce que la conférence constitutionnelle commence, par les
provinces.
Deuxièmement, qui détermine et comment se détermine
le refus? Il y a eu aussi des propositions fédérales à
l'époque dans ce livre, je ne veux pas tout le résumer. On
demandait quasiment aux provinces de réunir l'Assemblée nationale
et de faire décider l'Assemblée nationale ou, encore, on a aussi
proposé une méthode en vertu de laquelle ce seraient les
divisions sénatoriales qui se présenteraient et qui se
prononceraient; en somme, une méthode très compliquée de
refus, telle que cela posait l'odieux à une province d'exercer son droit
constitutionnel.
Nous avons alors décidé comme position, imitant en cela
nos prédécesseurs, que pour le pouvoir de dépenser, le
principe est et cela est très clair qu'il ne s'applique
pas dans les domaines provinciaux.
Deuxièmement, ce que nous avons dit, c'est que l'argent dont une
province serait ainsi privée va au gouvernement de la province qui
l'utilise à des fins qui lui semblent convenables selon ses
priorités. De deux choses l'une: nous vivons dans un système
fédéral ou non. Si nous vivons dans un système
fédéral, il doit y avoir ce qu'on appelle l'autonomie des
États membres. À ce moment-là, les États membres
ont à utiliser comme ils le veulent et selon leurs priorités
si cela ne fait pas, les gens les mettront dehors, les gouvernements qui
prendront une mauvaise décision les sommes qui seraient ainsi
disponibles. Ou on ne vit pas en régime fédéral et,
à ce moment, le gouvernement central peut justement intervenir dans les
compétences provinciales. Nous n'acceptons pas cette deuxième
façon de voir les choses.
Notre proposition est donc là. Il reste un problème
à résoudre. Nous refusons donc le pouvoir de dépenser dans
les domaines qui sont de compétence provinciale et nous avons
demandé que la compensation s'effectue à la province
elle-même, au gouvernement lui-même, et, troisièmement, que
la décision de ne pas participer à un programme soit celle du
gouvernement purement et simplement. En démocratie, c'est ainsi que les
choses doivent fonctionner. Cela est notre position. Je serais
intéressé à savoir ce que les autres pensent de cette
position, ce qu'ils ont à en dire.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le ministre,
merci. Je souligne au début de ces travaux précis sur ces treize
articles ou sujets que j'appliquerai aussi strictement que possible et avec le
plus de justice possible le règlement. C'est donc 20 minutes par
député sur chacun des sujets.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Pour obtenir un peu plus d'information, M. le
Président, j'aimerais poser des questions au ministre. Il m'en vient au
moins trois à l'esprit.
Si je comprends bien, le gouvernement du Québec, dans cette
discussion, aborde le problème de la limitation du pouvoir de
dépenser comme un problème ad hoc, c'est-à-dire comme un
problème particulier et non pas comme une application
particulière d'un problème plus général quant
à la nature, à la qualité de la répartition des
compétences.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
député de Saint-Laurent et M. le ministre? Est-ce qu'on pourrait,
si la commission est d'accord, poser toutes les questions dans le temps qui est
imparti sur ce sujet? M. le ministre a toujours le droit de réplique
ensuite, si on peut appeler cela un droit de réplique, non pas au sens
textuel, sans quoi le temps va devenir quelque chose de joliment difficile
à tenir.
M. Forget: D'accord.
Première question: Est-ce que c'est une solution ou une cheville
carrée pour un trou carré, si vous voulez, une solution ad hoc au
pouvoir fédéral de dépenser ou si c'est inspiré par
une conception plus générale de la nature de la
répartition des compétences? Si je comprends bien, les
articles 91 et 92 sont interprétés par les tribunaux comme
une répartition des compétences législatives. On pourrait
imaginer leur équivalent pour la répartition des
compétences fiscales et les compétences administratives, etc.
C'est donc une réponse particulière.
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je peux vous
interrompre parce que je ne comprends pas?
M. Forget: Est-ce que la solution à ce problème du
pouvoir fédéral de dépenser, vous la présentez
comme une solution qui vaut elle-même, pour ce problème
particulier, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser
dans les champs de juridiction provinciale, ou si c'est présenté
dans un contexte plus large où l'ensemble du problème de la
distribution des compétences, de façon plus
générale, est abordé? Comme vous le faites verbalement
plutôt que par un document écrit, j'ai l'impression que vous allez
me répondre que c'est dans le contexte d'une solution ad hoc à ce
problème particulier.
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous connaissez la
réponse...
M. Forget: J'ai dit que je présume, mais je n'en suis pas
sûr. Je vous demande de confirmer. Comme vous ne comprenez pas la
question, j'essaie de me rendre plus explicite.
M. Bédard: Comme les autres provinces, comme nos
prédécesseurs.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'accorde à chaque député 20 minutes et je voudrais
que les autres écoutent pendant que le député
s'exprime.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, monsieur.
M. Forget: Réellement, pour ce qui est des
modalités de la compensation, vous avez donné des indications
à savoir que le paiement se ferait non pas aux résidents
ce ne serait pas analogue aux $85 récents mais que cela se ferait
au gouvernement. (12 heures)
Est-ce que vous pourriez enrichir cette description des modalités
en nous donnant des indications quant au mode de calcul de cette compensation?
Il y a plusieurs possibilités auxquelles on peut penser de ce
côté. Est-ce que vous êtes allés à ce niveau
de détail? Deuxièmement, vous avez parlé des
modalités du refus. Vous avez dit: On peut envisager deux façons,
soit les divisions sénatoriales, un processus qui avait
été envisagé lors de la ronde de discussions
interprovinciales de 1976, ou alors que chaque province décide, chacune
pour elle-même, si elle veut se joindre ou non, une espèce
d'opting-in en quelque sorte au pouvoir de dépenser. Est-ce que c'est
l'essentiel de votre réponse ou est-ce qu'il n'y a pas, en somme, deux
questions qu'il faudrait distinguer? Il y a d'abord la question de savoir si le
programme fédéral de dépenses dans un domaine particulier,
au niveau canadien, devrait être autorisé ou non par un consensus
quelconque, une majorité qualifiée des provinces pour pouvoir
devenir opératoire. Deuxièmement, même s'il devient
opératoire, la possibilité de ne pas y participer, malgré
tout, d'une province qui aurait exprimé un avis défavorable. Il
me semble que la distinction qu'a faite le ministre en disant: On veut que ce
soit le régime fédéral qui prévale n'est une
réponse qu'à la deuxième question. Est-ce qu'une province,
compte tenu que le programme fédéral de dépenses dans un
domaine X existe, va participer ou non? L'autre question à laquelle
s'adressait, dans le fond, l'exercice de 1975-1976 était de savoir:
Est-ce que même le pouvoir du gouvernement et du Parlement
fédéral d'édicter un programme de dépenses ne
devrait pas être soumis à une modalité, à un
processus de décision faisant intervenir les provinces, ce qui est un
autre problème entièrement?
M. Morin (Louis-Hébert): Cela vient de me faire penser
à quelque chose.
Le Président (M. Cardinal): M. le
député.
M. Forget: Pour l'instant, ce sont les trois seules questions que
j'ai modestement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, M. le
ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Je lui réponds maintenant
et, ensuite, aux autres?
Le Président (M. Cardinal): D'accord, nous allons faire le
tour.
M. Morin (Louis-Hébert): Parfait, excellent. Il s'agit,
à la première question, d'une solution ad hoc, puisque le
problème est posé ad hoc. La liste des sujets que nous avons ici
est un peu disparate; elle n'est pas arrivée nécessairement selon
un ordre logique énoncé par M. Trudeau. D'ailleurs, sur place,
deux provinces ont ajouté trois sujets. M. Trudeau en a ajouté un
autre le soir au dîner. Donc, il n'y a pas de grande philosophie
derrière cette liste. Ce sont des sujets qui sont arrivés comme
cela. Cela aurait pu en être d'autres. Donc, c'est une solution ad hoc
pour le problème qu'on nous pose et qui se pose à l'ensemble des
provinces du Canada. Elle est fondée je tiens à le
signaler sur une conception du fédéralisme que vous
connaissez, à l'intérieur du système actuel, et qui est
celle de la continuité québécoise. Je pense que cela
répond à la première question. Quel est le mode de calcul
à être utilisé? C'est assez simple. On n'a pas besoin de se
compliquer la vie. Il y a toutes sortes de modes de calcul. Là, on
pourrait très bien compliquer les choses et mêler tout le monde,
mais je ne veux pas le faire. On peut très bien prendre la portion du
programme qui aurait été attribuée à la province si
elle avait
participé. C'est la méthode qui a été
utilisée pour les programmes conjoints en 1965; cela peut très
bien être cette méthode. Je pense qu'elle a fait ses preuves. C'en
est une. Il peut y en avoir d'autres plus mécaniques, comme la
proportion de la population, sauf que cela peut être injuste dans un sens
ou dans l'autre. Si c'est un programme de soutien au blé, si le
Québec demande sa part selon la proportion de la population, les gens
vont chialer, avec raison. Vous voyez le genre!
Comment se manifeste le refus? Vous avez soulevé un grand
problème. C'est à cela que vous m'avez fait penser, parce que
c'est justement une des possibilités. Nous pensons que le refus doit
être exprimé par le gouvernement de la province concernée.
C'est sa responsabilité. Cependant, il y a une suggestion qui circule.
À toutes fins utiles vous allez voir juqu'à quel point les
questions sont reliées les unes aux autres, malgré tout il
a été suggéré à quelques reprises que le
mode de refus s'exprime j'ai parlé de divisions
sénatoriales tantôt, mais il y a une chose aussi que je n'ai pas
mentionnée de la même façon que s'exprimerait un
amendement constitutionnel, c'est-à-dire par une majorité
qualifiée de provinces. En d'autres termes, on appliquerait
peut-être c'est une possibilité au refus d'un
programme dit national ou pancanadien, la même méthode que celle
qu'on appliquerait à l'amendement constitutionnel. Cela permet de voir
jusqu'à quel point les modalités qui pourraient être
retenues sur l'amendement constitutionnel sont "gelantes", si je peux
m'exprimer ainsi, et peuvent être un carcan. Ce ne sont pas celles que
nous acceptons. Nous n'acceptons donc pas celles-là.
En réponse aux questions je me résume c'est
une solution ad hoc pour un problème qui nous a été
posé ad hoc, mais fondé sur une conception du
fédéralisme qui prévaut au Québec.
Deuxièmement, le mode de calcul. Il y en a un qui a été
utilisé en 1964/65 qui peut très bien valoir encore avec les
modifications qu'il faut selon les cas en cause. Troisièmement, le refus
se manifeste par le gouvernement. Vous n'avez pas soulevé un autre
problème qui est important. C'est: Comment se fait le remboursement? Je
réponds: II se fait, d'après nous, au gouvernement du
Québec. Devant les trois ou quatres questions que vous avez
posées, je vous en pose une maintenant et j'aimerais bien avoir une
réponse: Croyez-vous que le gouvernement fédéral peut
dépenser de l'argent dans des domaines provinciaux?
M. Forget: Nous ne sommes pas ici pour répondre aux
questions.
Des voix: Ah!
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Le
gouvernement peut quand même provoquer l'Opposition par des questions,
mais...
Des voix: Ils ne veulent pas.
Le Président (M. Cardinal): ... c'est à
l'exécu- tif de répondre devant une commission parlementaire.
M. Morin (Louis-Hébert): Vos prédécesseurs
le savaient.
Le Président (M. Cardinal): L'Opposition peut
répondre.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Lesage le savait, lui.
M. Bédard: On va se fier aux
prédécesseurs.
M. Forget: On ne sait pas ce qu'est la
souveraineté-association. C'est une grosse différence. Il n'y en
avait pas avant.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas ce dont on
parle.
M. Bédard: Ce n'est pas ce dont on parle. C'est un autre
débat, cela.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vais reconnaître maintenant un représentant de
l'Union Nationale.
M. Biron: M. le Président, je voulais presque apporter
sans le savoir la réponse à la question du ministre. Le pouvoir
de dépenser du gouvernement fédéral, bien sûr, cela
aide ou cela peut établir certaines priorités communes et faire
un certain équivalent à travers les provinces. Mais lorsque le
gouvernement fédéral intervient dans un domaine qui est
strictement de compétence provinciale, il peut aussi faire en sorte que
la province doive changer ses priorités à la dernière
minute. On l'a d'ailleurs vu dans le cas de la taxe de vente provinciale en
particulier. C'est peut-être tout simplement la réponse la plus
logique possible à la question du ministre qui dit que lorsque le
gouvernement fédéral intervient dans une compétence d'un
autre gouvernement et qu'il force l'autre gouvernement à changer toutes
ses priorités, on doit refuser, à mon point de vue, toute
intervention du gouvernement fédéral dans des domaines qui sont
de compétence provinciale. Ce serait tout simplement faire le jeu de
changer les priorités à la dernière minute. Finalement,
une province avec une intervention fédérale, ce n'est
peut-être pas si mal mais lorsqu'on en vient à cinq, dix ou 25
interventions du fédéral, il n'y a plus aucune priorité
qui peut tenir au niveau des gouvernements provinciaux. Je crois qu'à la
fois M. Duplessis et M. Lesage ont compris les premiers cette
attitude-là des gouvernements fédéraux à
l'époque et se sont opposés à des interventions du
gouvernement fédéral dans des domaines de juridiction
provinciale.
On parle aussi de remettre ces sommes. Je pense que c'est un point
important que le député
de Saint-Laurent, d'ailleurs, a aussi touché, de même que
le ministre. Si le gouvernement fédéral veut intervenir dans un
domaine en particulier et que cela revient aux provinces ou à la
province d'accepter ou pas, on peut être devant une situation où
il y aura neuf provinces, cinq provinces ou quatre provinces qui vont accepter
de laisser une intervention du gouvernement fédéral parce que
cela fait leur affaire au point de vue priorité. Je pense bien que le
Québec n'a pas le droit de s'opposer à ce que cela fasse
l'affaire de l'Île-du-Prince-Édouard d'accepter une intervention
du gouvernement fédéral. On n'a pas le droit de s'opposer
à cela. Mais il ne faut pas que ce soit non plus au détriment des
"payeurs de taxes" du Québec. Cela revient, à mon point de vue,
au gouvernement de la province qu'on l'aime ou pas, le gouvernement,
c'est lui qui a démocratiquement été élu à
la tête de la province pour gouverner, et trois ans, quatre ans, cinq ans
après, si les citoyens ne sont pas contents, ils changeront le
gouvernement sans complication aucune par des représentations
régionales au Sénat ou autrement de décider.
Je ne crois pas non plus que cela revienne à la compétence
des assemblées législatives ou de l'Assemblée nationale de
prendre des décisions sur chacun des points. Je pense bien qu'en
régime démocratique, le gouvernement est élu, et au nom de
l'efficacité aussi, c'est au gouvernement de décider. Si la
population n'est pas contente, elle saura quoi faire à l'élection
qui viendra. Mais une fois que le gouvernement d'une province a
décidé de refuser l'intervention du gouvernement
fédéral dans un domaine, un point bien précis, je crois
que les sommes d'argent devraient être remises au gouvernement de la
province pour qu'il puisse les appliquer selon ses priorités, toujours
en disant que si les citoyens ne sont pas contents, ils prendront la
décision lorsque le temps des élections viendra. Le fait de
remettre directement de l'argent à chacun des citoyens d'une province
lorsqu'un gouvernement provincial a refusé une intervention du
fédéral, je juge cela ridicule. Ce qui est arrivé dans la
question de la taxe de vente fédérale, cela a été
tout simplement d'un ridicule consommé de faire parvenir des
chèques à tous les citoyens. Et le gouvernement du Québec,
le gouvernement de la province cela aurait pu être une autre
province aussi est obligé de percevoir ces sommes d'argent six
mois, un an ou deux ans plus tard.
Je pense bien que, si l'on fonctionne dans un régime
démocratique, on a confiance aux gouvernements qui sont là et on
a confiance au bon jugement de la population pour les élire ou les
changer. Si l'on a confiance à ce régime-là, si une ou des
provinces refusent l'intervention du gouvernement fédéral dans
certains domaines, ces sommes doivent être remises au gouvernement de la
province concernée pour que ce gouvernement concerné puisse les
distribuer à son gré ou selon ses priorités.
Maintenant il s'agit de savoir, et je pense que c'est un point important
qui a été apporté tout à l'heure par le
député de Saint-Laurent, comment ces sommes vont être
calculées. Est-ce que cela va être sur la base des citoyens, sur
la base des taxes payées par la province, selon les douanes sur certains
produits s'il arrive une priorité que le gouvernement
fédéral veut établir, qu'on ne sait pas encore, mais qui
va sur un produit qui serait à peu près totalement
importé? C'est possible. Il s'agirait de définir certains
paramètres dans les négociations pour faire en sorte qu'on puisse
s'entendre sur une façon de redistribuer ces sommes d'argent. Certaines
provinces, les provinces riches en particulier, qui paient plus d'impôt
vont peut-être dire qu'il faut que cela soit redistribué selon les
sommes d'argent payées. D'autres provinces plus pauvres vont dire que
cela doit être selon le nombre de citoyens. D'autres peuvent dire que, si
l'on intervient dans le domaine économique, en particulier
vis-à-vis des entreprises, c'est au niveau des taxes payées par
les entreprises. Il y aura lieu, dans les discussions futures, lorsqu'on en
viendra à appliquer une telle philosophie, de discuter de ces
différents problèmes.
M. le Président, je redis en terminant que le gouvernement
fédéral doit dépenser de l'argent dans des zones de sa
compétence, ne doit jamais intervenir lorsque c'est de juridiction
provinciale. Il peut intervenir, bien sûr, lorsque c'est de juridiction
concordante, à la fois du gouvernement fédéral et
provincial, mais doit respecter l'acceptation ou le refus, lorsqu'il
décide d'intervenir, du gouvernement de la province concernée. Il
doit remettre les sommes d'argent nécessaires au gouvernement de la
province concernée afin de respecter les priorités
définies par les différents gouvernements.
Mais je pense bien que dans ce cas, comme dans tous les autres cas qui
vont venir, il faut peut-être s'en tenir à une décision de
principe, parce que cela ne revient pas à cette commission de
l'Assemblée nationale de négocier à la place du
gouvernement. Le gouvernement a été élu et c'est sa
responsabilité d'agir comme un bon gouvernement provincial et de
négocier les décisions ou les principes acceptés par
l'Assemblée nationale ou par la commission de l'Assemblée
nationale, mais ce n'est pas à nous de négocier chacun des points
en détail. Je pense bien qu'une fois que la commission s'est
prononcée sur un principe cela revient au gouvernement de prendre ses
responsabilités et d'aller au bout. Nous de l'Union Nationale en
particulier sommes donc contre toute intervention du gouvernement
fédéral dans les domaines qui ne sont pas de sa juridiction. Il
faut limiter réellement le pouvoir de dépenser et que le
gouvernement fédéral respecte l'autorité des provinces au
niveau de son pouvoir de dépenser.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: En vertu de l'article 100, puis-je poser une
question au chef de l'Union Nationale?
Le Président (M. Cardinal): S'il désire y
répondre.
M. Bertrand: Elle est simple, mais pour mol elle est Importante.
Je voulais simplement demander au chef de l'Union Nationale pourquoi II accepte
de répondre aussi clairement à la question que le ministre lui
pose, à savoir si oui ou non il considère que le
fédéral peut dépenser dans des champs de juridiction
strictement provinciale.
M. Biron: Parce que notre position, sur les problèmes
constitutionnels, est établie clairement et on peut se fier sur cette
position qui a été établie.
M. Bertrand: Et cela ne vous gêne pas de le faire en
commission parlementaire!
M. Biron: Pas du tout.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Ne dépassez pas... Parce que c'était une
question...
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense, M. le Président,
qu'on n'a jamais besoin d'être gêné quand on est en faveur
du bon sens!
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Oui, M. le député de Gatineau. Sur une question de
règlement, ou une intervention?
M. Gratton: Je voulais simplement dire que nous poumons
facilement, nous, du Parti libéral, répondre à la question
du ministre. On y mettrait beaucoup plus de temps et de nuances que ne le
souhaiterait peut-être le ministre!
Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord. Avant que je
donne la parole à M. le ministre, je veux éviter un incident
comme celui d'hier. En vertu de l'article 150, alinéa 1, de notre
règlement sessionnel, les commissions élues peuvent siéger
en tout temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a
ajourné ses travaux pour plus de cinq jours. C'est notre situation. Une
décision a été rendue hier. (12 h 15)
L'alinéa 2 du même article ne s'applique pas. Nous ne
pouvons pas siéger après minuit à moins d'un consentement
unanime. Je voudrais éviter qu'il y ait une motion qui nous ferait
perdre du temps. Oui, M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Du côté gouvernemental, on serait
intéressé à étudier cela le plus longtemps
possible, prendre tout le temps nécessaire aujourd'hui. On n'a pas
d'objection à se rendre à 13 heures.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que tout le monde est
d'accord pour que nous siégions jusqu'à 13 heures? Ce qui veut
dire que je suspendrai jusqu'à 15 heures. Accepté, merci à
tous. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, M.
le Président, je le rappelle parce que c'est bon de temps en temps, je
pense que la position du chef de l'Union Nationale est vraiment une position de
bon sens dans le régime actuel, compte tenu des aspirations normales du
Québec jusqu'à maintenant, historiquement. Je rappelle à
cet égard un texte de 1966 de Daniel Johnson: Le Québec souhaite
que l'on comprenne une fois pour toutes que pour des raisons socio-culturelles,
il tient de façon absolue et intégrale au respect de ses
compétences constitutionnelles et qu'il n'accepte à leur propos
aucune ingérence fédérale directe ou... Et cela continue
sur le pouvoir de dépenser. Je vous fais grâce de la suite. C'est
à la page 6 d'un document qui s'appelle: Le gouvernement du
Québec et la constitution. Je remercie le chef de l'Union Nationale de
cette prise de position.
Je réponds à une question technique sur la compensation.
Il n'y a pas vraiment de problème en ce qui concerne la compensation.
Nous nous étions posé la même difficulté en 1965
pour savoir quel type de compensation s'appliquerait aux programmes conjoints
dont nous devions nous retirer. À ce moment le principe a
été retenu que le Québec avait droit aux sommes qu'il
aurait reçues s'il avait participé aux programmes. Cela peut se
calculer. Il n'y a aucune difficulté. Cela fait 1965
quatorze ans que cela dure et il n'y a jamais eu de drame. Maintenant, il y
aura peut-être des cas particuliers. Si c'est un programme de soutien, je
ne sais pas, moi, à la pèche à la baleine, je ne sais
plus, mais ce n'est pas cela qui devrait nous arrêter. Maintenant, sans
dévoiler le secret des discussions à huis clos, nous ne sommes
pas entrés dans des considérations techniques comme
celle-là sur le calcul de la compensation. Sur le type de compensation,
c'est un autre problème. En terminant cette intervention, à la
suite de ce que le chef de l'Union Nationale a dit, je redemande au
député de Saint-Laurent, s'il est d'accord que le gouvernement
fédéral dépense dans des domaines de compétence
provinciale.
M. Forget: M. le Président, c'est un peu avec amusement
que je vois les efforts désespérés du ministre pour
obtenir des réponses parce que, tout à l'heure, il protestait
fortement...
M. Morin (Louis-Hébert): Ce sont "les efforts
désespérés" qui m'amusent, moi.
M. Forget: ... à savoir qu'il ne souhaitait pas, il ne
souhaitait rien de tel qu'un front commun. Ce genre de question nous montre
très clairement qu'il brûle d'avoir un appui ou d'avoir une
confirmation sur chacun des points détaillés, qu'il ne peut pas
en avoir, ou Dieu sait quoi. M. le Président, il y a une question
préalable à celle que pose le ministre, c'est qu'il a
affirmé qu'il défendait la position traditionnelle du
Québec, et nous avons dit dans nos remarques initiales que
c'était beaucoup une question d'interprétation. Il me semble
personnellement là-dessus, il faudrait peut-être que je me livre
à un travail d'archives, mais mes impressions, malgré tout, sans
être aussi fortes,
aussi fidèles que celles du ministre, parce que je ne me souviens
pas s'il neigeait ou s'il faisait soleil ce jour-là, sont que je me
souviens malgré tout que j'ai siégé à un
comité ministériel du précédent gouvernement sur
les questions constitutionnelles.
Dans ce cas, je pense que le ministre n'aura rien à me reprocher.
Il me semble que la position qui a été celle du gouvernement
précédent relativement au pouvoir de dépenser allait plus
loin que celle actuellement défendue par le gouvernement, et
c'était la nature de la troisième question que je lui posais tout
à l'heure, dont il a dit: C'est une question intéressante... Mais
ce n'était pas seulement intéressant, c'était aussi une
question de divergence possible entre la position qu'il a prise et la position
du gouvernement précédent. Essentiellement, c'est ceci: II ne
s'agit pas seulement de savoir si le Québec, par exemple, va participer
ou non à un programme de dépenses fédérales,
à un programme conjoint, comme on les a appelés. Il s'agit de
savoir également si l'exercice par Ottawa de son pouvoir de
dépenser dans des domaines où il n'a pas la compétence
législative doit être astreint à des restrictions ou
à des modalités, à des formalités d'approbation de
la part des provinces. Ce sont deux questions.
L'impression que j'ai, encore une fois, c'est que là où le
gouvernement précédent a pris position relativement à
cette question, c'est que l'on voulait astreindre l'exercice du pouvoir
fédéral de dépenser vis-à-vis de toutes les
provinces ou de chacune d'elles prise individuellement à un
mécanisme d'approbation des provinces. Le gouvernement actuel semble
dire que c'est un problème où chaque province doit prendre sa
décision quant à elle-même.
Mais ce n'est pas pareil, parce que la question qui est
préalable, c'est de savoir s'il doit y avoir un programme
fédéral de dépenser dans tel ou tel domaine. Dans cette
décision, est-ce qu'on a affaire à une décision purement
fédérale ou à une décision
fédérale-provinciale, dans le fond? Je pense que, de ce
côté, la position traditionnelle du Québec, dans la mesure
où on veut dire que la tradition s'est créée par un
événement qui était une position élaborée en
1976, tendait à nous rapprocher d'une solution où le pouvoir
fédéral lui-même devenait fédéral-provincial,
et pas seulement l'exercice du refus ou de l'acceptation par une province d'un
programme de dépenses qui est déjà
décidé.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...
Le Président (M. Michaud): M. le ministre, avez-vous un
commentaire?
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, j'ai des précisions
amusantes. Sur la décision prise par le Conseil des ministres de
l'ancien gouvernement, à Saint-Félicien, il y a un texte qui a
été publié à l'époque. Je suis absolument
atterré de constater que, sur le pouvoir fédéral de
dépenser je vais vous le lire dans une seconde il n'y a
qu'à peu près quatre lignes.
M. Forget: Cela s'ajouterait à vos quatre lignes.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est assez inquiétant,
par rapport aux remarques qui ont été faites.
M. Forget: C'est un communiqué de presse, ça?
M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce temps-là, vous en
faisiez beaucoup, oui.
M. Forget: Oui, mais ce n'est pas un document, justement, de
négociation.
M. Morin (Louis-Hébert): Je lis le texte. M. Forget:
II y a une certaine nuance.
M. Morin (Louis-Hébert): "Une garantie constitutionnelle
relative au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral
qui pourrait s'inspirer des propositions faites par le gouvernement
fédéral sur ce sujet en 1969." C'est ce que vous disiez. Il y a
un commentateur très connu qui continuait: "Cette condition est
importante. Si le Québec pouvait obtenir, à ce sujet, des
garanties constitutionnelles nettes, il ferait un pas capital, car un grand
nombre de difficultés sont venues du pouvoir fédéral de
dépenser depuis le dernier conflit mondial." C'est ce que je dis depuis
ce matin. "En matière de remboursement aux provinces qui refuseraient de
participer à un programme à frais partagés, les
propositions fédérales de 1969 comptaient toutefois un
élément peu intéressant. Ottawa tenait à
rembourser, dans ces cas, les citoyens eux-mêmes d'une province non
participante, non le gouvernement de la province intéressée. Cela
comporte un risque de chantage évident et permanent." M. le
député de Saint-Laurent, qu'est-ce que vous pensez de cette
expression d'opinion?
M. Forget: Oui, mais cela ne répond pas à ma
question, M. le Président.
M. Gratton: M. le Président...
M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne répond pas
à la mienne non plus.
Une voix: M. Ryan.
M. Forget: Tout le monde sait qu'il y a eu des problèmes
avec le pouvoir de dépenser. C'est de l'histoire ancienne. Mais quel est
précisément...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est de l'histoire
très actuelle.
M. Bédard: C'est actuel, on en discute, c'est un des
points.
M. Forget: Elle est aussi actuelle, parce que cela n'a pas
été résolu, mais ça fait longtemps qu'on en parle.
Donc, on n'a pas besoin de s'entretenir pendant une heure sur cette
question.
En termes de solution, est-ce que c'est une solution qui vise à
un pouvoir conjoint d'Ottawa et des provinces quant au pouvoir
fédéral de dépenser ou s'il s'agit simplement d'un pouvoir
d'abstention, en quelque sorte, des provinces prises individuellement? Il me
semble, encore une fois, que la position actuelle, pour autant qu'il y en ait
une, au-delà des quatre lignes qui sont dans le texte qu'on nous a
remis, comme le ministre l'a dit, vise simplement à régler le
problème pour une province, pour les provinces prises une à une,
mais qui ne vise pas à modifier ou à qualifier le pouvoir de
décision du Parlement fédéral relativement à des
programmes de dépenses, en dehors des champs de compétence
législative d'Ottawa.
M. Gratton: Bravo!
M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, je
m'excuse, mais la position prise par les gouvernements antérieurs
à ce sujet-là et le vôtre visait à régler le
problème de fond dont vous parliez, le principe étant que le
gouvernement fédéral n'intervient pas dans des domaines de
compétence provinciale par son pouvoir de dépenser. C'est
ça, la difficulté. Je vois mal comment on nous demanderait
maintenant, alors que cela ne s'est jamais fait avant, que cela n'a jamais
été la position, de régler le problème des autres
provinces, alors que c'est du nôtre qu'il est question.
Cette position qui a été prise antérieurement,
c'est celle que nous avons répétée et j'ai des textes de
1976 qui confirment la position dans ce sens. Je ne voudrais pas qu'on
mêle le sujet. La question, ce matin le chef de l'Union Nationale
a parfaitement raison; on n'est pas pour entrer dans toutes les
technicités c'est de savoir: Pensez-vous que le gouvernement
fédéral a le droit d'intervenir dans des domaines de
compétence provinciale par son pouvoir de dépenser? C'est
ça, la question de substance. Le reste, c'est de la dentelle, dans une
certaine mesure.
M. Forget: Une fois qu'on a dit non, on n'a rien
réglé.
M. Morin (Louis-Hébert): Êtes-vous d'accord pour
dire non?
M. Forget: Si c'est comme ça que vous arrivez à une
conférence, que vous parlez de principes généraux...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, je m'excuse.
M. Forget: ... et de "motherhood statements", vous n'irez pas
très loin.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, non, non. Bien, je m'excuse,
on en a parlé très longuement à la conférence, mais
ce qui m'inquiète... De deux choses l'une: ou bien vous ne savez plus ce
que vous voulez à ce sujet, ce qui est fort inquiétant...
M. Raynauld: Ne vous inquiétez pas.
M. Forget: Je me demande si vous le savez vous-même.
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous le savez, c'est quoi?
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Michaud): Messieurs, nous avions un ordre
préétabli...
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est vrai, ça.
Le Président (M. Michaud): Le député de
Lotbinière, chef de l'Opposition de l'Union Nationale, avait
terminé son droit de parole.
M. Biron: J'avais posé une question au ministre.
J'attendais sa réponse. Je veux tout simplement terminer en disant ceci:
La position de l'Union Nationale, ce n'est pas de dire oui au Parti
québécois comme tel, mais de dire oui à une position
traditionnelle du Québec.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. C'est cela qui est
intelligent.
M. Biron: Cette position, traditionnellement, l'Union Nationale
l'a eue depuis M. Duplessis. Elle n'a pas changé. L'Union Nationale au
pouvoir, l'Union Nationale dans l'Opposition officielle ou l'autre opposition
après, la position de l'Union Nationale n'a pas changé. On a dit
oui à une position du Québec. Et on a été heureux
dans le fond, à la fois M. Lesage et M. Bourassa ont conservé
à peu près la même position. C'est dire oui à une
position du Québec, et c'est important.
En terminant, je voudrais dire au député de Saint-Laurent
qu'il faudrait que le gouvernement du Québec arrive à Ottawa, ce
qui donnerait passablement de pouvoir, en disant: La position du Québec,
traditionnellement et encore aujourd'hui, c'est la continuité. On ne
représente pas un gouvernement qui est séparatiste ou
indépendantiste à l'heure actuelle. On a été
élu avec un mandat clair d'être un gouvernement provincial, le 15
novembre 1976. C'est cela. Et dans le courant du mandat, faire un
référendum, et après cela, les citoyens décideront
ce qu'ils veulent. À l'heure actuelle, le mandat du PQ n'est pas de
faire la séparation du Québec, mais c'est d'agir comme un bon
gouvernement provincial et de respecter surtout les positions traditionnelles
du Québec là-dedans.
Je voudrais demander au député de Saint-Laurent s'il ne
croit pas que le Parti libéral, comme les autres partis, devrait dire
oui à une position du Québec. En fait, il ne s'agit pas
d'être à la remorque d'autres partis ou à la remorque du
fédéral ou autrement. Il s'agit tout simplement de servir les
meilleurs intérêts du Québec, de donner un mandat clair et
précis au gouvernement, pour qu'il n'outrepasse pas son mandat. Mais sur
ce point-là en particulier, qu'il représente la mentalité
du Québec. En fait, théoriquement, si le gouver-
nement du Québec obtenait cela, ce serait une défaite pour
le Parti québécois pour son option indépendantiste,
à la fin, parce que ce serait une victoire pour les citoyens du
Québec qui veulent un fédéralisme renouvelé, clair
et précis là-dessus. Ce serait peut-être dans
l'intérêt du Parti québécois d'agir à
l'encontre d'une décision des Québécois ou des partis
politiques du Québec, ou d'une continuité historique du
Québec pour gagner son référendum,
éventuellement.
Le Parti libéral fédéral est peut-être, par
exemple, dans de l'eau chaude, c'est possible. Mais ce qui va arriver au Parti
libéral fédéral, je m'en fous, je suis ici pour
représenter les citoyens du Québec. Il faudrait faire en sorte
d'adopter une position traditionnelle du Québec et la conserver, et
donner un mandat au gouvernement du Québec qui respecte une position
traditionnelle de tous les partis politiques qui ont présidé
à la gouverne du Québec.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis bien d'accord sur cela.
Et je veux souligner, pour qu'on s'entende bien, qu'il n'y a personne ici qui
demande d'appuyer le Parti québécois. Ce n'est pas cela du tout.
On a exprimé nos positions et à l'occasion de cette expression
d'opinion, je pense qu'il est d'intérêt public de savoir ce que
les autres pensent sur une position, pas du Parti québécois, pas
des libéraux fédéraux, pas de Pierre, Jean, Jacques, de
cela.
Si on obtient un gain dans ce domaine, conformément aux
aspirations traditionnelles du Québec, cela veut dire que nous, le
gouvernement que nous représentons, avons obtenu ce que les
gouvernements fédéralistes n'ont pas obtenu avant. Ce sera aussi
une réalité que les Québécois mesureront.
Cela dit, je pense que vous avez exactement la bonne attitude. On ne
vous demande pas de participer à des fronts communs pour aller brasser
Ottawa. Ce n'est pas cela le problème. On va prendre nos
responsabilités. Ce qui m'étonne, c'est qu'un parti important
d'Opposition refuse, encore une fois, tout en sachant que le soleil brille, de
dire qu'il fait clair.
Une voix: M. le Président, il refuse d'être d'accord
avec lui-même.
Le Président (M. Michaud): Oui.
M. Forget: M. le Président, comme on m'a cité
abondamment et qu'on met en cause le Parti libéral, il semble que c'est
l'objet de la commission parlementaire, si je ne m'abuse, de savoir ce que le
Parti libéral pense. Il faudrait peut-être que la population,
d'abord, nous élise, et après cela, comme le fait le
ministre...
M. Bédard: C'est seulement une fois élus que vous
allez dire ce que vous pensez? Seulement une fois élus?
M. Forget: ... décide, au moment venu, quelle sera la
position, quels documents il va publier, etc. On pourrait jouer ce
jeu-là aussi.
Le Président (M. Michaud): Excusez. Nous avons un ordre
préétabli. Le député de Lobtinière a
terminé. C'est maintenant au tour du député de
Beauce-Sud.
M. Forget: II y avait l'article 96, M. le Président. Je ne
veux pas inviter des articles pour rien.
Le Président (M. Michaud): Oui, mais de toute
façon...
M. Forget: Mais le député de Lotbinière m'a
posé une question, j'ai même cru entendre qu'il s'adressait
directement à moi. En plus de cela, il fait de l'interprétation.
Le ministre réplique et renchérit en faisant des
interprétations, nous mettant directement en cause. Je pense qu'on peut
au moins dire que malgré le désir d'unanimité ou
d'unanimisme qui anime l'Union Nationale à tout prix, je peux comprendre
qu'il serait souhaitable, si on avait une position, si on en avait une qui
était présentée par le gouvernement, qui soit
développée, qui aille au-delà des voeux pieux, sur
laquelle on peut s'entendre mais qui ne signifie rien à moins de savoir
comment cela s'articule. (12 h 30)
Si on en avait une, on pourrait peut-être être d'accord ou
en désaccord, cela dépendrait de son contenu, mais nous ne sommes
pas en face de cela; on est en face de quelque chose de très vague. Les
méthodes de compensation, combien d'argent on recevrait? Cela
n'intéresse pas le gouvernement parce que ce sont des technicités
qu'on discutera un jour.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, je pense que...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: La question de savoir si, en face d'une
décision fédérale, le Québec devra exercer...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... ses droits en étant toujours en
désaccord ou si on pourrait avoir un droit sur cette décision
même...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît!
M. Forget: ... cela n'intéresse pas non plus le ministre
des Affaires intergouvernementales. Je comprends, parce que c'est dans un cadre
fédéral. On ne lui demande pas de faire cet effort; on ne
s'attend pas à ce qu'il le fasse mais il reste qu'il ne nous a pas
donné de réponse là-dessus, comment être d'accord ou
pas d'accord avec quelque chose qui est essentiel pour comprendre le
fonctionnement de quelque chose qui devrait exister. On l'a
dit 20 000 fois qu'on n'était pas d'accord avec le pouvoir
fédéral de dépenser; il faut aller au-delà de
cela...
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Merci!
M. Forget: ... M. le ministre, parce que, si c'est tout ce que
vous avez à dire, c'est zéro votre position, absolument
zéro.
M. Morin (Louis-Hébert): C'était la
vôtre.
Le Président (M. Michaud): Messieurs, messieurs!
M. Forget: Non, ce n'était pas la nôtre.
M. Bédard: Si le fédéral dit oui à
cela, on aura fait un grand pas.
M. Morin (Louis-Hébert): On est deux zéro à
ce moment-là.
M. Forget: Comment va-t-il dire oui? C'est cela qu'on voudrait
savoir, comment? Dans quels termes? Avec quel...
M. Bédard: C'est son problème de dire oui.
M. Forget: C'est votre problème d'y réagir
aussi.
M. Bédard: Ce n'est pas toujours au Québec de dire
oui ou non; c'est au fédéral de dire de temps en temps oui ou non
aux positions traditionnelles du Québec.
M. Forget: Vous pourriez peut-être faire des
propositions.
M. Bédard: Elles sont là nos propositions.
M.Forget: Elles sont incomplètes.
Le Président (M. Michaud): Est-ce qu'on pourrait revenir,
messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre préétabli?
M. Bédard: Vous n'avez jamais eu cette transparence.
M. Morin (Louis-Hébert): Les positions de 1976 que j'ai
citées tantôt ne seraient jamais sorties s'il n'y avait pas eu un
coulage.
Le Président (M. Michaud): M. le ministre, s'il vous
plaît, à l'ordre!
S'il vous plaît, M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président.
Je pense que, dans tout cela, il faut d'abord se référer
à une question de principe général. On demande aux
citoyens de respecter les lois. Les corporations municipales, qui sont les
premiers gouvernements, sont régies par ce qu'on appelle le Code
municipal ou la Loi des cités et villes. Il y a même une
commission municipale qui surveille l'administration et l'application de la
loi. Ce qui régit les gouvernements, ce sont les constitutions. Une
constitution, on la respecte et, lorsqu'on ne la respecte pas, on crée
des problèmes multiples. Si la constitution avait été
mieux respectée jusqu'à ce jour, il y a bien des choses qui ne se
seraient pas produites, peut-être même que le Parti
québécois ne serait pas au pouvoir et peut-être même
qu'il n'existerait même pas comme parti politique parce que les partis
politiques naissent de besoins, de réalités. Je ne dis pas cela
pour un appui inconditionnel au Parti québécois. Il faut regarder
les choses telles qu'elles sont.
Si le fédéral s'était moins comporté comme
une fille de joie j'emploie le terme; je pèse mes mots il
y aurait moins de problèmes.
M. Raynauld: Quelles conditions mettez-vous au Parti
québécois?
M. Roy: M. le Président, le pouvoir de dépenser, on
sait que le gouvernement fédéral la utilisé sur le plan
législatif et sur le plan administratif; il l'a utilisé aux deux
niveaux. Il faudrait qu'on examine la question, je pense, aux deux niveaux
parce que, lorsqu'on a créé le ministère des Affaires
urbaines, pour ne pas dire interurbaines, cela a été une
décision législative et il y a eu une loi qui a été
votée par le gouvernement fédéral. Je prends un petit
exemple pour être bien compris de tout le monde. Lorsque le gouvernement
fédéral décide de créer un programme
d'économie d'énergie, un programme d'isolation des maisons, cela
est une décision administrative. Le fédéral est intervenu
aux deux niveaux. Il est évident, M. le Président, que je ne peux
faire autrement et je le dis sans aucune hésitation, je le dis
même avec beaucoup de conviction de dire que le gouvernement du
Québec actuel doit absolument, c'est fondamental, maintenir les
positions antérieures du gouvernement en ce qui a trait aux pouvoirs du
gouvernement fédéral de dépenser. Il va falloir que toute
cette question soit revue.
Le ministre a parlé tout à l'heure d'une
répartition proportionnelle relativement à des programmes si la
province ou plusieurs provinces décident de ne pas y participer; je suis
bien d'accord là-dessus mais il faudra aller beaucoup plus loin. Il y a
des secteurs d'intervention du fédéral dans lesquels il n'y a pas
d équivalence. Je vais prendre un autre exemple, M. le Président,
pour que ce soit plus facile de se faire comprendre: Lorsque le gouvernement
fédéral décide d intervenir, par exemple, dans une
politique de développement de l'énergie dans le domaine
pé-trolifère, on est sûr qu'il ne peut pas y avoir de
compensation pour la province. La province n'est même pas libre d'y
participer ou de ne pas y participer; il n'y a pas de pétrole dans le
Québec jusqu'à maintenant. Alors, lorsqu'on intervient à
coups de dizaines et de centaines de millions dans les autres provinces pour
développer ce secteur d'activité économique, pour
développer cette
énergie, on a l'impression je pense que cela est dans les
faits d'assister à ce qu'on pourrait appeler un virement de fonds
puisqu'on prend l'argent des contribuables du Québec, qui paient des
taxes, des impôts au gouvernement fédéral, et on va
développer un secteur d'activité économique, un secteur de
pointe dans une autre région du pays.
J'aimerais qu'on me cite les gros investissements ou les grosses
interventions au Québec de la part du fédéral dans
lesquels on aurait débordé le pouvoir de dépenser qui nous
aurait servi économiquement. Prenons, par exemple, tout le domaine de la
mise en valeur des richesses de la Côte-Nord, les richesses près
du Labrador, dans l'Ungava. Où ont été les interventions?
On n'a même pas été capable d'avoir l'équivalent des
chemins de fer qui ont été mis à la disposition des autres
provinces lorsqu'il s'est agi de développer leurs ressources naturelles.
Cela a toujours été ainsi. Les interventions dans le pouvoir de
dépenser sur le plan économique pour mettre en valeur
l'économie ne se font jamais. On intervient surtout dans des
juridictions strictement provinciales comme telles, comme sur le plan
administratif. On dirait que c'est pour aller chercher les faveurs de
l'électorat pour permettre aux policitiens fédéraux
d'offrir quelque chose à l'occasion des campagnes
électorales.
Je pense qu'il n'y a pas seulement le problème d'obtenir une
équivalence lorsqu'il s'agit d'une intervention, d'une intrusion
fédérale en vertu de son pouvoir de dépenser dans les
provinces, mais il faudrait examiner cela, aller beaucoup plus loin, parce que
ce n'est pas suffisant. Il y a des interventions qui ont été
faites qui ont défavorisé le Québec et pour lesquelles le
Québec a payé. On pourrait rapprocher cette attitude de ce qu'on
pourrait appeler des virements de fonds.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement. Ce
que le député de Beauce-Sud vient de dire est tout simplement une
constatation à partir de la réalité des dernières
années, à laquelle je n'ai pas vraiment beaucoup à
ajouter. Encore une fois, il n'a pas il le sait, il l'a dit, il le sait
très bien d'ailleurs à approuver le Parti
québécois. Ce n'est pas le Parti québécois qui est
présent aux conférences constitutionnelles. C'est le gouvernement
des Québécois, quel qu'il soit. À ce moment, nous
exerçons notre responsabilité en connaissance de cause, par
rapport à ce facteur. Je tiens compte de ce qu'il a dit. Je pense que
sur ce plan, il n'y a pas de précision supplémentaire à
ajouter, sauf une, et je comprends que la question de la compensation se pose.
Elle s'est posée dans le passé. Il y aurait des
difficultés dans certains cas précis. Aucune n'est insurmontable
avec un peu de bonne volonté. Je dirais seulement que comme le
problème vient d'être soumis au début d'octobre, qu'il y a
eu trois réunions de ministres, qu'il y a tout de suite une
conférence fédérale qui vient, il y a donc une sorte de
sprint constitutionnel actuellement. C'est un petit peu à cause de cette
rapidité qu'un tas d'hypothèses de remboursement ne peuvent pas
être examinées techniquement, comme elles l'avaient d'ailleurs
été avec beaucoup plus de temps dans les années 1969. Il y
a un tas de documents que je n'ai pas apportés ici pour ne pas ennuyer
les gens; il y a un tas de documents techniques qui avaient été
préparés par des experts de l'extérieur à
l'époque sur ces choses, comme le mode de compensation. Actuellement,
cela n'a pas été abordé. Je ne veux pas dévoiler de
secret, mais cela n'a pas été l'objet de la discussion à
huis clos. Cela a été surtout ce que nous faisons ce matin, le
principe même de l'affaire.
M. Roy: M. le Président, puisque le ministre a
apporté un petit point, j'aimerais aussi ajouter...
Le Président (M. Cardinal): Vous avez encore du temps.
M. Roy: ... quelque chose pour dire tout simplement que devant
une question aussi fondamentale pour le Québec, je conçois mal
qu'à une commission parlementaire comme celle-ci, il y ait des
abstentions, voire même des dissidences. Compte tenu de l'attitude qui a
été adoptée tant par le gouvernement de l'Union Nationale
dans le passé, tant par le gouvernement du Parti libéral dans le
temps de M. Lesage, même dans le temps de M. Bourassa, j'estime qu'on
devrait avoir suffisamment le sens des responsabilités pour faire un peu
ce que nous avions fait dans le domaine de la taxe de vente lorsqu'il
s'est agi, par une motion qui avait été débattue à
l'Assemblée nationale, motion qui avait été
proposée par le Parti libéral et qui avait été
amendée, dont l'amendement avait été accepté pour
faire un voeu unanime que cela devienne aussi une question
d'unanimité pour permettre au Québec, non pas au Parti
québécois, lors de cette conférence, de présenter
un front uni je ne parlerai pas de "front commun" de
présenter une position unanime qui émane de la commission
parlementaire. Pour moi et pour le Québec, c'est extrêmement
important. J'ose espérer que mon collègue de Saint-Laurent, qui
est le porte-parole officiel du Parti libéral, et ses collègues
qui sont ici à la commission se raviseront, et que, de ce
côté, on fera un front commun pour au moins conserver ce que nous
avons et maintenir les positions qui ont été tenues, quitte
à aller plus loin et à préciser davantage dans un autre
temps.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le ministre a
quelque chose à ajouter?
M. Morin: Non. Je pense que ce qui vient d'être dit est
complet en soi.
Le Président (M. Cardinal): J'avais reconnu auparavant M.
le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'effectivement,
pour partir de la remarque du député
de Beauce-Sud, on n'est pas ici pour établir un consensus, mais
pour confronter des positions. Tous les partis autour de cette table, sauf un,
ont accepté de le faire. On constate que la position que le gouvernement
du Québec prend dans les négociations actuelles est conforme
à ce que souhaitent la majorité des Québécois et
l'ensemble des partis réunis autour de cette table quant à un
fédéralisme décentralisé, parce que c'est tout ce
qu'on peut faire dans le régime actuel avant le
référendum. Même si le Parti libéral ne l'a pas dit,
je pense que c'est également sa position. Le Parti libéral ne l'a
pas dit peut-être parce que son chef n'est pas autour de cette table.
C'est, d'ailleurs, pourquoi on souhaite qu'il arrive très bientôt,
pour qu'on puisse peut-être avoir des positions du Parti libéral
qui soient exprimées. Mais ses écrits sont là.
En 1967, M. Ryan disait ceci et je pense que c'était
très clair et que c'est conforme à la position actuelle du
gouvernement du Québec dans ses négociations constitutionnelles
"II faudrait même préciser qu'en dehors de situations
très graves comme l'état de guerre ou la rébellion le
Québec pourrait être libre de se dissocier sans
pénalité financière de décisions prises par Ottawa
en vertu de ses pouvoirs de dépenser." Un peu plus tard, en fait,
après l'élection de 1976, au congrès d'orientation du
Parti libéral, la position était un peu moins claire, un peu plus
ambiguë, tout en allant à peu près dans la même
direction. M. Ryan disait ceci au congrès libéral: "II y aura
lieu non pas d'abolir tous ces pouvoirs fédéraux en
particulier le pouvoir de dépenser mais d'en entourer l'exercice
de précautions et de sauvegardes plus fortes que par le
passé."
On constatera la nature extrêmement vague de cette prise de
position, beaucoup plus vague que la position que M. Ryan avait prise dix ans
auparavant. Quand on compare cela avec la position du Québec, qui, elle,
est extrêmement claire, on se demande comment le député de
Saint-Laurent peut affirmer que le gouvernement du Québec adopte des
positions timides, des positions qui ne sont pas claires. Le problème
qu'on a, M. le Président, c'est qu'on est obligé de
définir le fédéralisme renouvelé à la place
du Parti libéral parce qu'il ne veut pas le faire. Et on va être
obligé de le faire pour chacun des points, en attendant
l'éventuelle position qui viendra peut-être un jour.
Évidemment, le député de Saint-Laurent, pour motiver son
refus de se prononcer, se cache derrière des précisions qui
seraient peut-être absentes sur des modalités. Je pense qu'avant
d'entrer dans des modalités administratives concernant le pouvoir de
dépenser et même législatives il faut quand
même savoir quelle position de base nous allons défendre. Je pense
que c'est à ce stade qu'en sont rendues les négociations
actuelles avec Ottawa. Là-dessus, la position du gouvernement du
Québec, encore une fois, dans une optique de fédéralisme
décentralisé est beaucoup plus précise que la position la
plus récente en provenance du chef du Parti libéral.
Mais l'important, ce n'est pas cela, M. le Président. On est en
train d'étudier actuellement les arbres de la forêt un par un. Et
un très petit nombre d'arbres. On en a treize devant nous, on a treize
sujets devant nous, alors qu'il y en aurait peut-être une centaine
à discuter. Et on regarde les arbres un à un. Devant cela, le
député de Saint-Laurent nous propose d'étudier les
branches. Il voudrait qu'on entre dans les petits détails. Je voudrais
qu'on regarde la forêt. Je voudrais qu'on situe ce point particulier
qu'on est en train de discuter dans le contexte de la discussion
générale sur la révision constitutionnelle. La position
traditionnelle du Québec, encore une fois sur laquelle s'entendent tous
les partis réunis autour de cette table et, je pense, la majorité
de la population du Québec, c'est-à-dire l'abolition du pouvoir
fédéral de dépenser dans un champ de compétence
provinciale avec compensation automatique aux provinces, que va donner cette
position de base? Dans le contexte général, en termes de pouvoirs
du Québec, en termes d'autonomie, en termes de possibilité de
maîtriser notre avenir, de développer l'économie du
Québec, de développer également nos autres domaines de
compétence en fonction des aspirations des Québécois,
qu'est-ce que cela donne exactement? (12 h 45)
Je pense que c'est évident, comme la plupart des autres points
que nous allons étudier, que c'est tout simplement une mesure
défensive. Elle vise à empêcher, stopper, ralentir
plutôt, à ralentir la centralisation au niveau du
fédéral. On pourrait faire l'histoire de toutes les
négociations constitutionnelles, comment le fédéral a
envahi le champ des politiques sociales, le champ des affaires urbaines, le
champ des affaires culturelles, et plus récemment la fiscalité
avec la question de la taxe de vente, en bouleversant les priorités
provinciales, et tout cela c'était des choses qui, par le pouvoir de
dépenser du fédéral, venaient à l'encontre de ce
qui existe au niveau de la question fondamentale dans la constitution,
c'est-à-dire la répartition des pouvoirs.
Alors, si le gouvernement fédéral accédait à
la position traditionnelle du Québec, tout ce que cela ferait ce serait
de ralentir la centralisation. Cela ne donnerait pas d'outils
supplémentaires au Québec. Cela ne permettrait pas une
maîtrise de notre avenir, une réorientation de notre
économie, une réorganisation sociale afin de résoudre tous
les problèmes qui confrontent la société
québécoise. Je voulais souligner ce point. C'est un arbre parmi
la forêt.
J'aimerais également revenir sur le fait que même en ayant
un oui et je pense, encore une fois, que ce serait la meilleure
façon, pour le gouvernement Trudeau, d'obtenir un non au
référendum québécois, ce serait accéder
à cette demande traditionnelle du Québec et montrer qu'il est
prêt à ralentir le processus de la centralisation au niveau du
gouvernement fédéral même si le gouvernement
fédéral accédait à cette demande, qu'est-ce que
cela changerait? Est-ce que cela
empêcherait la minorisation du Québec au sein de la
fédération canadienne? Est-ce que cela nous donnerait la
maîtrise de notre avenir? Je pense que la réponse est
évidente. C'est non, M. le Président. Par contre, bien sûr,
s'il est possible d'obtenir un gain là-dessus, on va essayer de
l'obtenir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, lorsqu'on prend connaissance
des quatre lignes qui constituent ce qu'il est convenu d'appeler la position
actuelle du Québec face aux négociations présentement en
cours, on y lit que le Québec croit que le pouvoir fédéral
de dépenser devrait être limité aux seules matières
énumérées de compétence fédérale
exclusives ou concurrentes. Avec cela, on ne peut pas être en
désaccord, compte tenu qu'on dit à la deuxième ligne: II
faudra cependant statuer sur le mode de compensation applicable aux provinces
éventuellement abstentionistes. Il s'agirait du pouvoir de
dépenser du fédéral dans une juridiction concurrente, il
va sans dire. L'Union Nationale et le député de Beauce-Sud
disent: Pourquoi ne pourrait-on pas avoir l'unanimité des membres de la
commission autour de cette position?
J'aimerais poser une question précise au ministre, mais
hypothétique parce que je ne suis pas en mesure de savoir si une telle
formule a été proposée au cours des discussions. D
ailleurs, le député de Saint-Laurent a posé la question
à deux reprises sans obtenir de réponse du ministre. Supposons
qu'il y aurait une formule quelconque qui limiterait le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral à un
contrôle des provinces, quelle que soit la formule, et que tout cela
serait inclus, inséré dans la constitution de façon qu'il
n'y ait pas de méprise sur l'interprétation. Si le gouvernement
fédéral voulait dépenser dans un tel domaine qui est de sa
compétence exclusive ou de compétence concurrente, il soumettrait
le tout à l'approbation des provinces et on aurait une formule
quelconque qui permettrait aux provinces d'abord de décider si oui ou
non le gouvernement fédéral a le droit de dépenser dans ce
domaine.
En supposant qu'on ne satisferait pas aux critères de la formule,
ce serait non, le gouvernement fédéral n'aurait pas le droit de
dépenser. Et en supposant que les provinces diraient oui, à ce
moment, il y aurait dans cette même formule une possibilité
"d'opting out", avec une formule de compensation au gouvernement plutôt
qu'aux citoyens. Devant cette possibilité, quelle serait la
réponse du gouvernement du Québec au mois de février?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Je prends la question par la fin.
Vous dites compensation aux provinces plutôt qu'aux citoyens, ce qui est
un élément majeur. Évidemment, c'est notre position. Votre
question, cependant, en soulève une autre parce que vous avez dit qu'il
y a un contrôle des provinces. Cette suggestion a été faite
en 1969, qu'il y ait un contrôle des provinces. Malheureusement, on
demandait en somme aux provinces de se prononcer, à toutes fins utiles,
selon une formule qui ressemblait à celle qu'on voulait faire appliquer
à l'amendement constitutionnel lui-même. La question, quand vous
parlez de contrôle des provinces, je suis obligé de vous la
retourner en vous demandant: Est-ce que vous voulez dire une acceptation de
chaque province en particulier? En somme, il y a un programme
fédéral qui est proposé et on dit au Québec et aux
autres provinces: Voulez-vous, oui ou non? Et si le Québec dit non,
à ce moment, il a sa compensation. C'est cela votre question? La
réponse, c'est oui, on va accepter cela, c'est évident et le
versement va se faire au gouvernement.
Cependant, j'ai l'impression que votre question veut dire que ce serait
un autre mode de consultation des provinces que de connaître l'opinion de
chaque province individuellement et d'agir par rapport à chaque province
individuellement; vous semblez introduire dans le mode de décision des
groupes de provinces, des régions sénatoriales, par exemple,
quelque chose qui ressemble à la formule d'amendement constitutionnel.
Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?
M. Gratton: Pas nécessairement... M. Morin
(Louis-Hébert): Non, mais...
M. Gratton: ... je n'ai pas de formule précise. Ce n'est
pas à moi d'en formuler non plus. Je pense que le ministre en
conviendra.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais vous venez d'en
formuler une. Je veux des précisions pour répondre à votre
question, c'est seulement ça.
M. Gratton: Non, écoutez, on n'est pas pour
négocier ici, entre nous, ce qui, tout le monde en convient, doit
être négocié avec les autres provinces.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
M. Gratton: Je parle en termes hypothétiques, il faut
qu'il le fasse.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, bien sûr. Si
ça veut dire, votre question il y a le "si", je le souligne de
trois traits rouges, parce qu'il peut y avoir d'autres hypothèses, j'en
prends une des multiples si ça veut dire que le gouvernement
fédéral arrive avec un programme, dans un domaine donné,
qui est de compétence provinciale et qu'il dit aux provinces, en
général: Si vous le voulez, je vais dépenser dans votre
domaine, genre programme conjoint; si vous ne le voulez pas, vous allez avoir
à votre disposition, comme gouvernement, les sommes que j'aurais
normalement consacrées chez vous à l'exercice de ce
programme, si c'est ça la position fédérale, c'est
la position que le Québec défend.
Par conséquent, c'est sûr qu'on va dire oui à
ça. Pas de problème.
Maintenant, la difficulté, l'autre "si" que je souligne encore
avec trois traits rouges, c'est que si ça veut dire un mode
d'approbation qui va mettre les provinces dans une situation telle qu'elles
vont avoir l'odieux de se défendre devant une intervention
fédérale dans leur domaine à elles et,
deuxièmement, de prouver au grand frère fédéral que
ça les dérange dans leurs priorités; en somme, qu'on ait,
dans un domaine de notre compétence, à prouver qu'on a le droit
d'exercer une compétence, la réponse, à ce
moment-là, est non. Il ne faut pas être humilié, tout de
même.
M. Gratton: M. le Président...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous, est-ce que vous seriez
d'accord avec ça?
M. Gratton: Quand on parle des positions traditionnelles...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je veux dire, ça
aiderait...
M. Gratton: Laissez-moi répondre. Quand on parle des
positions traditionnelles qu'on veut défendre, que le gouvernement dit
vouloir défendre au cours de ces négociations présentement
en cours, il ne faut pas oublier qu'il y a une formule semblable, une
ébauche de formule semblable qui a été proposée en
1976 par le gouvernement du Québec. Ce que je dis au ministre,
contrairement à ce qu'il vient d'affirmer, c'est que la position
actuelle résumée dans les quatre lignes que nous avons au
document qu'il nous a remis, ne permettrait pas, à mon avis c'est
mon interprétation de cette position au ministre de dire, comme
il vient de l'affirmer, qu'on pourrait dire oui à une formule
semblable.
M. Morin (Louis-Hébert): Comment ça?
M. Gratton: Parce qu'effectivement, quand on dit que le
Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser
devrait être limité aux seules matières
énumérées de compétence fédérale,
exclusives ou concurrentes, à un moment donné, il faut se
brancher.
Soit qu'on accepte qu'il y ait un pouvoir de dépenser du
fédéral conditionnel à une formule quelconque, ou on ne
l'accepte pas. Dans votre énoncé, vous ne l'acceptez tout
simplement pas. C'est une raison qui fait que ce n'est pas à cette
commission...
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais qu'on se comprenne.
Il ne faudrait pas mêler les choses exprès. Nous nous
prononçons contre le pouvoir fédéral de dépenser
dans les domaines de compétence provinciale. C'est clair, tel que c'est
écrit ici, dans les domaines de compétence provinciale.
Il faut, en d'autres termes, que cela s'applique aux domaines de
compétence énumérés, fédérale,
exclusive ou concurrente, ce qui pose incidemment c'est amusant de
mentionner cela le problème de savoir ce qui est concurrent. Ce
n'est pas réglé. C'est une preuve que cela ne touche pas à
tout. Ce n'est pas résolu, ce qui est concurrent. Ce n'est pas
abordé. Le pouvoir résiduaire n'est pas du tout abordé
dans les négociations actuelles.
C'est la position de principe. Vous m'arrivez avec une autre situation.
Vous nous dites: Si le fédéral vous offrait demain de vous
compenser, comme gouvernement pour un programme qu'il veut faire dans tout le
Canada, est-ce que vous accepteriez cela? Est-ce que vous accepteriez
d'être compensés? C'est ce qu'on a demandé pour la taxe de
vente, exactement. C'est le même principe. Il n'y a pas de contradiction
entre les deux. Vous avez pris une application d'une situation administrative.
On parle ici d'une modification de la constitution.
M. Gratton: Moi aussi.
M. Morin (Louis-Hébert): Alors, on s'est mal compris.
M. Gratton: Quand je vous parle de soumettre le pouvoir de
dépenser du fédéral dans quelque domaine que ce soit;
à l'approbation des provinces, je n'en parle pas en termes
administratifs, j'en parle en termes de la constitution. La constitution le
prévoit, la formule aussi.
M. Morin (Louis-Hébert): II faudrait que vous soyez...
M. Bédard: Et si la constitution n'est pas claire? Les
tribunaux?
Le Président (M. Cardinal): Un à la fois, s'il vous
plaît!
M. Forget: C'est pour cela qu'il faut en dire plus que quatre
lignes.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Et c'est pour cela qu'il faut
aborder bien plus de sujets que ceux qui sont là. C'est un des
problèmes fondamentaux.
M. Gratton: On en convient, de cela aussi.
M. Forget: Après cela, on parlera de consensus.
M. Gratton: On en convient.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous en convenez. C'est
très bien. Vous devriez répondre plus souvent, vous.
M. Gratton: Je pense bien qu'il n'y a pas de contradiction entre
ce que je viens de dire là et ce que le député de
Saint-Laurent a dit.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, non. Il n'y a pas de
contradiction. Il n'y a aucune contradiction. Seulement, vous, vous commencez
à reconnaître qu'il fait clair quand le soleil brille. C'est
déjà cela.
On va entrer dans du byzantinisme. La position est là. Nous
sommes contre l'intervention fédérale dans les domaines de
compétence provinciale via le pouvoir de dépenser et, en cela, on
rejoint pas mal de monde.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît,
à l'ordre!
M. Gratton: Vous ne voulez sûrement pas, à ce
moment-ci, avoir un front commun, comme le souhaitent le député
de Lotbinière et le député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!
M. Morin (Louis-Hébert): Vous en avez assez dit pour que
je me doute un peu de la position que vous avez.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je m'excuse.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est gênant pour vous de
le dire, mais..
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre. Si vous le
permettez, M. le député, je reconnaîtrai le prochain
intervenant. Je voudrais quand même rappeler quelque chose.
M. Gratton: Vous avez raison, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): La première
règle, c'est que le président a raison et la deuxième
règle, c'est que, s'il a tort, l'article 1 s'applique.
M. Gratton: C'est cela.
Le Président (M. Cardinal): Je dois, malgré la
patience que doit avoir la présidence, conserver à ces travaux un
certain ordre. Je me rappelle d'autres commissions parlementaires. Quand on
commence à tenir le temps de 20 minutes par trente secondes et que trois
s'expriment en même temps, cela devient difficile. Je dois conserver une
certaine rigueur et une cohérence certaine dans la conduite de ces
travaux, c'est pourquoi je reconnais le député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. J'ai également
quelques questions supplémentaires à poser. Mais, auparavant, je
voudrais peut-être essayer d'expliquer davantage les raisons pour
lesquelles nous refusons de répondre aux questions auxquelles le
ministre voudrait bien nous voir répondre.
La première, c'est une position du gouvernement exclusivement que
celle de dire que cette commission parlementaire est une commission pour
confronter des points de vue. Cela n'a jamais été notre position.
Il ne faudrait pas interpréter, quand même. Il ne faudrait pas que
ce soit le côté ministériel qui décide pour nous
comment nous interprétons la marche des travaux d'une commission
parlementaire. Ce serait quand même un peu extraordinaire que dans une
commission parlementaire, tout à coup, on dise que c'est à
l'Opposition d'exprimer des points de vue et que c'est à l'Opposition de
prendre position lorsque c'est le gouvernement qui est au pouvoir.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Le deuxième point, je voudrais expliquer
et ceci va répondre à la question du député
de Nicolet-Yamaska qui s'inquiète qu'on n'ait pas de position que
nous avons une position. Notre position est la suivante: Nous ne collaborerons
pas avec le gouvernement du Parti québécois. La raison en est
bien simple...
M. Guay: Vous allez collaborer avec Ottawa.
M. Raynauld: ... le gouvernement actuel, qui prétend
défendre les positions traditionnelles du Québec, ne
défend pas les positions traditionnelles du Québec; toutes les
positions du Québec ont été des positions
fédéralistes à venir jusqu'à maintenant. Ce ne sont
pas des positions fédéralistes; je vais vous montrer
pourquoi.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Une position fédéraliste
reconnaîtrait le bien-fondé...
M. Bédard: M. Johnson n'était pas un
fédéraliste? M. Lesage non plus? (13 heures)
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Je m'excuse,
M. le député d'Outremont. Comme plusieurs, je me permets de vous
interrompre. Je le fais pour que vous puissiez continuer jusqu'à 13
heures sans être interrompu.
M. Raynauld: Merci, M. le Président, de m'avoir interrompu
pour me permettre de continuer. Ce que j'allais dire, c'est que si le
gouvernement du Parti québécois prétend défendre
les positions traditionnelles du Québec, est-ce qu'il ne devrait pas
reconnaître, dans la position qu'il défend aujourd'hui, le
bien-fondé de l'existence de pouvoirs fédéraux?
Il devrait, puisque traditionnellement le Québec a défendu
le bien-fondé de pouvoirs fédéraux. Or, le gouvernement
actuel conteste l'existence de tous les pouvoirs fédéraux. Nous
l'avons encore entendu ce matin de la part du député de Rosemont,
qui nous dit: De toute manière, ce sera
inacceptable, parce que cela ne nous donne pas des outils additionnels.
Le ministre se plaît à répéter cela depuis qu'il est
ministre. Il nous a dit: Ce ne sera pas satisfaisant. Qu'on vienne nous dire
qu'on défend des positions traditionnelles du gouvernement du
Québec, je pense que c'est une blague. Ce ne sont pas... Je m'excuse, M.
le Président, je pense que j'ai la parole.
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux faire une
déclaration formelle et solennelle.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! La parole est
à M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: J'ai la parole.
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai une déclaration
formelle et solennelle à faire.
M. Raynauld: Je pense que le gouvernement du Parti
québécois ne défend pas les positions traditionnelles du
Québec. C'est pour cela que nous ne pouvons pas nous associer à
une opération qui dit la chose suivante: Nous allons, pour les fins de
la discussion, et sous toute réserve, admettre qu'il existe une
constitution, mais en même temps nous disons à tout le monde au
Canada: Nous refusons l'existence de cette constitution, nous refusons
l'existence de pouvoirs fédéraux. Quelle sorte de
négociation peut-on entreprendre dans des conditions comme cela lorsque
le négociateur se présente et dit: Je vais, pour les fins de la
discussion, reconnaître que vous existez, mais, aussitôt qu'on aura
accepté quelque chose, nous dirons: Vous n'êtes même pas
légitimes, enlevez-vous de là, nous voulons tous les pouvoirs.
C'est un cul-de-sac, la position du Parti québécois à
l'heure actuelle, un cul-de-sac qui n'est absolument pas crédible.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est épouvantable.
M. Raynauld: On dit, d'un côté, qu'on va
négocier et qu'on va respecter des positions traditionnelles du
Québec, qui ont toujours été fédéralistes,
et ce gouvernement nous dit: Nous ne sommes pas fédéralistes,
nous voulons supprimer ce système de gouvernement. Nous voulons le
remplacer par un régime de souveraineté-association et vous allez
collaborer avec nous, parce que vous avez déjà dit qu'un peu plus
de pouvoirs au Québec, ce serait bon. Pensez-vous! C'est une
supercherie. Vous voulez qu'on collabore avec cela, qu'on vous appuie, qu'on
vous donne un consensus lorsque c'est vous qui avez brimé le consensus
historique...
M. Morin (Louis-Hébert): En étant élus.
C'est effrayant.
M. Raynauld: Le consensus historique a été
brisé par le Parti québécois. Ce consensus a
été brisé parce que la position du Parti
québécois est une position qui n'est pas traditionnelle, elle
représente une cassure historique par rapport à tout ce qui a
existé jusqu'à maintenant. C'est pour ces raisons...
M. Bédard: II est rendu au référendum.
M. Raynauld: ... que nous n'accepterons pas de nous associer
à des positions qui sont des positions de stratégie ou de
tactique temporaires, provisoires où, en même temps, l'on dit: On
va accepter une proposition à condition que cela fasse notre affaire,
mais n'oubliez pas, ne vous trompez pas, nous n'acceptons aucun des pouvoirs
fédéraux. Et on va nous faire croire qu'il faudrait qu'on appuie
une position comme celle-là lorsque nous sommes
fédéralistes? C'est la raison pour laquelle nous n'allons pas
donner des réponses partielles comme celles que le gouvernement propose
à l'heure actuelle.
Le deuxième point plus général, et qui est
également plus particulier, c'est à propos de la position telle
qu'elle nous est présentée. Je pense que le député
de Saint-Laurent a déjà souligné que c'est une position
incomplète. Je pense que l'hypothèse qui a été
soulevée par le député de Gatineau confirme que la
position telle qu'elle nous est présentée est une position
tellement schématique que donner notre consentement à appuyer une
position comme celle-là, en quatre lignes, correspond, à toutes
fins utiles, à donner un chèque en blanc au gouvernement, dans le
sens suivant. Il est dit ici qu'on refuse toute intervention du pouvoir
fédéral de dépenser en matière provinciale. Or, le
député de Gatineau soulève le cas où les provinces
dans leur ensemble, en vertu d'un article de la constitution, pourraient se
prononcer sur le bien-fondé d'une intervention dans un champ de
juridiction provinciale et où, au cas où une des provinces
refuserait son consentement, il y aurait une compensation à la province.
Le ministre répond: Oui, nous accepterions une position comme
celle-là. Je m'excuse. Je trouve que cette position est
complètement différente de celle qui nous est
présentée. Elle n'est peut-être pas incompatible,
peut-être pas contradictoire. Elle est complètement
différente de celle-ci. Je pense, à ce moment-là, que cela
prouve justement que la position telle qu'elle nous est présentée
représenterait un chèque en blanc. On ne sait pas du tout comment
elle pourrait être utilisée.
Enfin, le ministre lui-même a admis que tout le domaine des
juridictions concurrentes était un domaine qui était
laissé plus ou moins en friche, qu'on ne savait pas exactement ce que
cela serait. Quelle position le gouvernement prend-il sur ces domaines de
juridiction concurrente? Refuse-t-il qu'il y en ait, par exemple, ou
reconnaît-il l'existence de domaines de juridiction concurrente?
Trouve-t-il qu'il est opportun d'en avoir dans la constitution qu'il envisage?
Je pense que cela a été laissé sans réponse. Enfin,
je voudrais terminer...
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-
vous? Justement, il reste 30 secondes, et nous avons une entente
à cette commission.
M. Morin (Louis-Hébert): Je continuerai à parler
tantôt. J'aurais une suggestion à faire...
M. Raynauld: Puis-je terminer ou si je demande l'ajournement?
Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas d'ajournement, je
m'excuse. Je suis obligé, à la suite de l'entente de cette
commission et de nos règlements cela fait deux jours que nous
invoquons l'article 150 de déclarer qu'après toutes ces
pièces d'éloquence que j'ai entendues ce matin les travaux de
cette commission sont suspendus au même endroit, jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 8)
(Reprise de la séance à 15 h 9)
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît. D'accord, nous pouvons poursuivre cette même deuxième
séance de cette commission de la présidence du conseil et de la
constitution, qui autrefois avait comme ajout: et les affaires
intergouvernementales. Au moment où nous avons suspendu, à 13
heures, M. le député d'Outremont avait la parole.
M. Raynauld: M. le Président, j'avais, je pense,
présenté l'essentiel des questions que je voulais poser,
l'argumentation que je voulais faire. Si vous me permettez, je vais simplement
résumer en deux ou trois mots. La première proposition est la
suivante: La continuité historique, à mon avis, du Québec
est une continuité qui s'inscrit au sein d'un système
fédéral de gouvernement. La deuxième proposition est celle
que le gouvernement du Québec, à l'heure actuelle, brise cette
continuité historique, ne peut pas en même temps déclarer,
d'une part, que le gouvernement va aller négocier de bonne foi une
nouvelle constitution fédérale et, du même coup,
récuser le bien-fondé de ce régime au Canada et promettre
au contraire de faire tous ses efforts, suivant des étapes qui sont
prévues, y compris un référendum, pour modifier ce
système de gouvernement que nous avons au Canada et au
Québec.
Par conséquent, je pense que cette position du gouvernement du
Québec est une position qui nous conduit à un cul-de-sac, une
quadrature du cercle où on essaie de concilier des inconciliables. Je
pense qu'on touche du doigt ici tout le jeu de stratégie que le
gouvernement du Québec essaie de faire dans le cadre de ces
négociations constitutionnelles. Et parce que cette position nous
conduit à un cul-de-sac, nous ne pouvons pas nous y associer, même
si, sur le fond d'un certain nombre de ces questions, à
l'intérieur d'un cadre fédéral, nous pourrions
individuellement être d'accord.
C'est, je pense, une formulation qui vient préciser les raisons
pour lesquelles nous ne pouvons pas appuyer le gouvernement du Québec
dans l'opération préréférendaire qu'il est en train
de conduire, parce qu'encore une fois toutes les propositions qui sont faites
ici le sont avec une réserve fondamentale, que le régime
fédéral doit être brisé, au Canada, tandis que nous,
nous voulons étudier une modification à la constitution actuelle,
dans un cadre fédéral. Cette antinomie, cette différence
est trop fondamentale pour qu'on l'affaiblisse et on l'efface au profit d'une
opération de pure stratégie et de tactique de la part du
gouvernement du Québec.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le ministre désire-t-il intervenir
ou si je continue?
M. Morin (Louis-Hébert): Quatorze secondes seulement,
peut-être. Il y a seulement une chose qui me frappe, c'est qu'il faudrait
un peu de rigueur du côté de l'Opposition libérale. D'une
part, ils ont insisté à maintes reprises pour que nous nous
présentions à des conférences
fédérales-provinciales et ils semblent aujourd'hui regretter que
nous y allions. Je ne comprends pas très bien cet illogisme. C'est tout
ce que je veux dire pour le moment.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai dit plus tôt, M. le Président, que
je trouvais que la matière grise dans le document que nous avions ici
n'était pas très forte. Je pense que, sur cette question de
pouvoir de dépenser, nous avons un bon exemple. Vous dites, M. le
ministre: "Le Québec croit que le pouvoir fédéral de
dépenser devrait être limité aux seules matières
énumérées de compétence fédérale
exclusive ou concurrente".
C'est bien beau, je ne suis pas contre. Mais, pour moi, c'est
plutôt un slogan qu'un programme ou une politique. Je vais vous dire
pourquoi. Je vois un fédéralisme dans lequel nous avons deux
gouvernements souverains, un gouvernement du Québec et un gouvernement
du Canada. Le principe même va demander un remaniement fondamental de
notre fédéralisme. Si nous le réalisons, nous serons face,
avec cette politique que vous énumérez, à deux
gouvernements égaux, souverains dans leurs endroits respectifs, chacun
avec une liste de responsabilités énumérées de
leurs compétences exclusives ou concurrentes. (15 h 15)
On va éliminer, bien sûr, le pouvoir de dépenser
dans les domaines autres que de compétence fédérale, du
gouvernement fédéral, et, bien sûr, le gouvernement du
Québec n'en aura pas, parce qu'il n'a jamais eu la compétence de
dépenser à l'extérieur de sa propre juridiction...
Mais c'est à ce moment-là, je pense, qu'on doit commencer
à se poser des questions. Il y a deux aspects de cette situation qui
m'inquiètent.
Je le répète, nous avons deux gouvernements souverains,
chacun avec une liste de compétences dans lesquelles il peut
dépenser. Et vous proposez, nous proposons de dire que ni l'un ni
l'autre n'a le droit de dépenser un seul sou dans une compétence
qui n'est pas la sienne.
C'est très simpliste, c'est très facile et les slogans
peuvent s'appliquer parfaitement jusqu'à ce point-là.
Mais pour prendre la prochaine étape, il faut nuancer, je pense,
un peu les choses. Je vous pose la question, M. le ministre, dans deux sens.
Premièrement, il me semble qu'on peut accepter, parce qu'on le vit
aujourd'hui, que la constitution, une liste des pouvoirs
énumérés, est toujours en retard avec la
réalité du monde, de quelques années ou même de
quelques décennies.
Je cite un exemple que vous connaissez très bien: la
télévision et la radio, qui sont soi-disant de compétence
fédérale, à cause du fait qu'il y a, à l'article
91, une clause qui touche le télégraphe.
Les problèmes qui découlent des compétences dans le
domaine de la télévision et de la radio sont loin d'être
les mêmes que ceux qui découlent du télégraphe. Mais
110 ans après que cela a été écrit, c'est encore le
point de référence.
Si quelque chose arrive, un nouveau problème, une nouvelle
situation qui n'est pas couverte par la constitution comme telle, dans un
domaine où nous avons et où j'espère que nous aurons deux
gouvernements complètement souverains dans leurs compétences,
avec des listes où elles sont énumérées, qui va
dépenser là-dedans? Et sur quelle base?
Deuxièmement, étant représentant du gouvernement
québécois, j'ose dire provincial simplement pour qu'on puisse se
comprendre dans cette discussion. Je ne suis pas persuadé à 100%
que je dois limiter dans un sens aussi strict que ce que vous proposez ici
l'idée qu'on ne peut pas dépenser un seul sou dans un domaine de
la liste fédérale. Je pense que ce serait peut-être une
bonne idée d'avoir quelque chose qui nous permettrait au moins de faire
des études, de faire des dépenses comme telles, de faire des
petites choses au moins dans un domaine qui relève actuellement de la
compétence fédérale, comme il est dit dans la
constitution, parce que je sais très bien que, même avec cette
limitation du pouvoir de dépenser, ce sera toujours possible de trouver
des intérêts qui sont probablement, si vous allez jusqu'à
la Cour suprême, de la compétence de l'autre gouvernement.
Quant au pouvoir de dépenser, parce que, premièrement, il
faut prévoir, avec deux gouvernements égaux, certainement des
nouveaux sujets qui ne sont sur ni l'une ni l'autre des deux listes,
deuxièmement, à cause de tout ce qui se passe dans le monde, et
les choses changent assez vite ces jours-ci, j'aimerais avoir, de mon
côté au moins, un peu de flexibilité pour faire des choses
qui sont peut-être strictement de la compétence de l'autre
gouvernement; j'aimerais avoir une flexibilité minimale. Je
soulève ces deux questions, M. le ministre, premièrement, pour
deman- der votre opinion là-dessus, mais, deuxièmement pour
servir comme illustration, si vous voulez, du fait que c'est bien difficile
pour moi d'appuyer ou de rejeter le point de vue du gouvernement du Parti
québécois dans tous ces documents-ci parce que, soit à
cause des faits, soit à cause du manque d'intérêt, selon
moi, vous n'êtes pas allés très en profondeur dans les
détails de cette affaire. Parce que nous connaissons toute l'histoire,
tout le cadre général; ce sont surtout les détails qui
sont importants.
Je termine mon intervention, mais j'aimerais avoir du ministre un peu
son idée sur les deux questions que j'ai soulevées.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, monsieur.
M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, merci. Je
donnerai tantôt, pendant un instant, après que j'aurai fini de
parler, la parole à mon collègue.
M. Bédard: On se comprend.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je n'insiste
pas.
M. Morin (Louis-Hébert): II va falloir que quelqu'un me
parle de ces règlements, un de ces jours. La question que le
député de Notre-Dame-de-Grâce pose est une question
très intéressante. Je suis content qu'on la soulève, parce
qu'il y a vraiment un problème de substance. Avant d'aller plus loin, je
voudrais préciser une chose. Évidemment, c'est probablement une
erreur de présentation. Ce que nous avons, ce ne sont pas les positions
du Parti québécois, et personne ne demande d'appuyer les
positions du Parti québécois. Il faudrait quand même
s'entendre. Ce sont les positions exprimées par les autres, dont le
Parti libéral, à l'époque, que nous avons reprises pour la
solution de problèmes qui demeurent essentiellement les mêmes
qu'ils étaient avant. Je voulais préciser cela. Je ne voulais pas
qu'il y ait de confusion là-dessus, parce que si c'étaient les
positions du Parti québécois, on nous blâmerait de prendre
des positions de notre parti dans l'optique de la
souveraineté-association, alors que ce n'est pas le sujet.
Aux deux questions que vous avez posées on peut répondre
par une réponse et par une considération de fond. Ce que vous
avez soulevé, c'est au fond tout le problème de ce qu'on appelle
les pouvoirs résiduaires. Une question majeure beaucoup plus importante
que celles qui sont abordées au cours des discussions présentes,
et justement qui démontre jusqu'à quel point ce que nous avons
comme optique ou comme champ d'investigation, si je peux m'exprimer ainsi
présentement, étant de cela une amélioration même du
fédéralisme courant, sans compter que c'est loin de ce que
certains peuvent considérer être le fédéralisme
renouvelé. La difficulté qui se présente, c'est
que vous avez à décider d'un principe que nous avons
proposé et que nous acceptons, qui provient des gouvernements
antérieurs. Mais en même temps, vous devez penser qu'une autre
question n'est pas résolue, celle du pouvoir résiduaire. Les
pouvoirs résiduaires, ce sont tous ceux qui n'ont pas été
attribués au moment où la constitution a été faite
ou, par la suite, à l'un ou l'autre gouvernement, c'est-à-dire
tous les pouvoirs importants de l'époque moderne et que le gouvernement
fédéral, parce que le pouvoir résiduaire lui appartient, a
réussi, dans bien des cas, à s'approprier. Je me sers de votre
question pour illustrer jusqu'à quel point est partiel l'exercice auquel
on a été convié maintenant. C'est une des choses que nous
avons dites dès le point de départ. Je voulais d'abord faire ce
commentaire qui s'impose.
Cela étant dit, il demeure quand même une chose. Je ne veux
plus vous poser la question là-dessus. Au-delà de tout cela,
est-ce que le gouvernement fédéral a le droit de dépenser
dans des domaines de compétence provinciale? Je ne vous pose pas la
question, je la rappelle seulement, parce que c'est cela qu'on a à
décider maintenant.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, pour
éviter des questions de règlement, M. le ministre, j'ai promis
que, suivant l'ordre qu'on suit habituellement, M. le député de
Nicolet-Yamaska serait le prochain intervenant. J'ai, du côté
ministériel, deux demandes d'intervention, l'une de M. le ministre de la
Justice, l'autre de M. le député de Taschereau.
Je laisse le soin au parti ministériel d'établir l'ordre.
Je rappelle qu'il n'y a qu'un représentant officiel du gouvernement et
que les autres sont ici comme députés membres de la commission
parlementaire. Cela étant dit, M. le ministre, comme vous le dites si
bien, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Sans vouloir revenir
sur tout ce qui s'est dit au sujet de ce premier point, si on regarde les mots
"position actuelle du Québec" à la page 2 du document, il me
semble y avoir quelque chose qui cloche un peu dans l'énoncé qui
y est fait. On dit: "Le Québec croit que le pouvoir
fédéral de dépenser devrait être limité aux
seules matières énumérées de compétence
fédérale exclusive ou concurrente." Par la suite, on ajoute une
phrase qui dit: "II faudra cependant statuer sur le mode de compensation
applicable aux provinces éventuellement abstentionnistes." Il me semble
qu'il y a quelque chose, qu'il a un lien qui manque. Si on dit que selon la
compétence fédérale exclusive ou concurrente le
fédéral pourra dépenser dans ces domaines-là, par
contre, on doit penser qu'à ce moment-là les provinces ne peuvent
pas le faire. Si on accepte le dernier membre de la phrase, cela voudra dire
qu'en plus de cela le gouvernement fédéral aurait des pouvoirs de
dépenser dans les domaines de compétence provinciale et, à
ce moment-là, il faudrait une compensation pour les provinces
absentionnistes. Il me semble y avoir une contradiction entre les deux
phrases.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a une chose vraie dans ce
que vous dites et je pense que j'y ai fait allusion ce matin. C'est ceci. Ces
deux phrases sont là pour des raisons très précises. La
première est la position que nous prenons, c'est-à-dire que nous
ne croyons pas et cela, en s'inspirant de tous ceux qui nous ont
précédés qu'Ottawa devrait dépenser dans nos
domaines. Et nous parlons de compétence fédérale exclusive
ou concurrente pour régler le problème que le
député de Notre-Dame-de-Grâce mentionnait tantôt. Il
peut cependant arriver je pense que l'expérience est là
pour le démontrer que d'autres provinces disent: Nous aimerions
que continue le pouvoir fédéral de dépenser dans nos
domaines de compétence. Il y a des provinces qui demandent cela. Si cela
arrive et c'est pour cela qu'on l'a exprimé comme ceci; le mot
"éventuellement" est la clef et c'est pour cela qu'on n'a pas
été très loin dans ce détail-là si
jamais la position que nous avons avancée n'est pas retenue et qu'on
retient une autre position qui est: On va diminuer notre pouvoir de
dépenser ou on va le faire contrôler un peu mieux, mais il y en
aura encore, à ce moment-là, le problème de
l'abstentionnisme se posera. Je pense que vous avez souligné quelque
chose qui est vrai, et c'est l'explication que je vous donne pour essayer de
clarifier un peu les choses. Mais nous sommes parfaitement conscients de
l'apparent décalage entre les deux phrases, mais l'une se
réfère à notre position et l'autre à ce qui
arriverait si elle n'était pas intégralement acceptée. Il
fallait prévoir le cas.
M. Fontaine: Est-ce que cela veut dire que ce serait
négociable? Que le Québec croit que le pouvoir de dépenser
devrait être limité aux seules matières
énumérées de compétence fédérale
exclusive ou concurrente? Est-ce que cela veut dire que le gouvernement du
Québec accepterait de négocier autre chose que cela, pour autant
qu'il y ait une compensation pour les provinces abstentionnistes?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est un peu ce qu'on mentionnait
ce matin. Nos premières préférences et ce que nous avons
dit, c'est: Pas de dépenses fédérales dans les domaines
provinciaux. Cependant, il faut être réaliste. D'autres provinces
ne tiennent pas autant à leur autonomie que nous. C'est un fait.
D'ailleurs, c'est un problème qui se présente tous les jours.
Nous ne voulons pas et jamais nous ne voudrons dire aux autres
provinces quoi faire. Si elles veulent ce à quoi nous tenons, dans ces
conditions-là, on va le voir, là, on va le savoir la semaine
prochaine, vraisemblablement, si elles tiennent à ce que ce
pouvoir-là s'exerce, si elles tiennent à ce que pour elles cela
marche, mais que nous ne voulons pas, en ce qui nous concerne, que le
fédéral intervienne dans nos domaines de compétence,
à ce moment-là le problème de la compensation se pose pour
nous. C'est cela que cela veut dire. Le principe n'est pas négociable en
ce qui concerne
le Québec. Je pense qu'on est d'accord là-dessus. C'est
pour cela que ce matin je n'avais pas de difficulté à suivre le
député de Gatineau.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, du
côté ministériel? M. le ministre de la Justice ou M. le
député de Taschereau? M. le député de Taschereau,
je vous reconnais.
M. Guay: Merci, M. le Président. Très
brièvement, je m'en voudrais de ne pas relever quelques
éléments des propos du député d'Outremont que je
trouve assez spéciaux. Je trouve assez étonnant que des
élus du peuple québécois, rémunérés
à même des impôts payés par les
Québécois, puissent venir dire en commission parlementaire ou
à l'Assemblée nationale ce qui revient au même, au
fond parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le gouvernement, ce qui est
leur privilège, qu'ils ne contribueront en rien c'est leur
attitude à améliorer la position que le Québec doit
défendre au sein du fédéralisme actuel. Je trouve cela,
franchement, un peu indécent. On ne leur demande pas d'être
d'accord avec le gouvernement, c'est bien évident. On ne leur demande
pas non plus d'être d'accord avec le résultat du 15 novembre 1976,
ce serait trop leur en demander. Mais enfin, on pourrait au moins être
respectueux du résultat du 15 novembre 1976 et de la volonté
populaire qui a confié au Parti québécois le soin de
diriger les destinées du Québec pendant au moins quatre ans. (15
h 30)
À partir de là, on pourrait au moins,
démocratiquement respectueux de la volonté populaire, se
comporter en bons parlementaires québécois. Est-ce que les
députés du Parti libéral sont élus à
l'Assemblée nationale pour contribuer à l'amélioration du
sort de la nation et du peuple québécois ou s'ils sont
élus ou s'estiment élus pour d'autres fins? D'après les
réflexions du député d'Outremont, je dois en conclure,
pour l'instant en tout cas, que c'est à d'autres fins qu'ils sont ici.
Il n'est pas étonnant, à ce moment, que le député
de Saint-Laurent hier nous ait dit d'emblée, d'entrée de jeu:
Nous ne participerons pas à un front commun. Et le député
de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, nous disait: Le front commun auquel
vous nous demandez de participer, on n'y participera pas. On n'a jamais
demandé au Parti libéral de participer à un front
commun.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît.
M. Bédard: On parlait d'un Parti libéral
québécois.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau, vous avez la parole
M. Raynauld: Dites-le donc ce que vous demandez.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: On n'a jamais demandé au Parti libéral de
participer à un front commun, mais, si le Parti libéral ou les
membres du Parti libéral ont des idées c'est un gros si,
enfin, s'ils en ont sur la façon d'améliorer les positions
du gouvernement du Québec dans le débat actuel, il me semble que
c'est un peu indécent, irresponsable de leur part de ne pas en faire
profiter, de ne pas en faire bénéficier les membres de la
commission et, par le fait même, le gouvernement qui pourrait ensuite
aller défendre des positions bonifiées par l'apport du Parti
libéral et de ses membres.
Au contraire, il n'est pas étonnant que le député
de Saint-Laurent ait fait cette déclaration tout de go hier parce
qu'effectivement il est difficile de participer à un hypothétique
front commun ce que personne ne leur a demandé, lorsqu'au fond on
participe à un autre front commun qui est incompatible. Parce
qu'effectivement, M. le Président, à voir l'attitude du
député d'Outremont et des députés libéraux
en général depuis hier, on se rappelle facilement la rencontre,
la visite ad limina de M. Trudeau chez M. Ryan l'autre jour où il a
été question du débat constitutionnel. Puisque les membres
du Parti libéral dans cette assemblée ne veulent pas contribuer
au débat, nous faire part de leurs lumières, à moins
qu'elles ne soient éteintes, on doit en conclure qu'ils font partie d'un
autre front commun, d'un front commun où ils sont ici chargés de
défendre d'autres intérêts, les intérêts du
grand frère, les intérêts de la maison mère, les
intérêts du Parti libéral du Canada.
Le Président (M. Cardinal): Je ne sais pas si tout est
enregistré au journal des Débats, c'est un vieil usage
parlementaire que les partis puissent s'attaquer. M. le député de
Taschereau.
M. Raynauld: On est des traîtres... M. Guay: Si vous
voulez...
M. Raynauld: Pour le moment, c'est vous qui le dites.
M. Guay: ... vous qualifier vous-mêmes de traîtres,
je vous laisse le soin de vous qualifier vous-mêmes de ce que vous
voudrez.
M. Raynauld: Qu'est-ce que ça veut dire, servir les
intérêts des autres?
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît,
à l'ordre!
M. Guay: Libre à vous de vous qualifier de ce que vous
voudrez.
M. Raynauld: Servir les intérêts des autres, cela
veut dire quoi?
Des voix: On n'a jamais pensé à ça.
M. Scowen: Tout le monde reconnaît que M. Trudeau et M.
Ryan ne sont pas d'accord.
M. Bédard: Vous voudriez bien qu'on vous le dise.
Dites-vous-le vous-même.
M. Guay: Un autre argument du député d'Outremont,
M. le Président...
M. Scowen: ...
M. Guay: ... le député de Notre-Dame-de-Grâce
aura l'occasion de répliquer. Entre-temps, il peut continuer à
calculer les lignes, c'est un exercice auquel il est très fort.
M. Scowen: M. le Président, il faut corriger les
faits.
M. Guay: Un autre argument...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Taschereau, c'est parce que j'entends un
député...
M. Guay: II marmonne.
Le Président (M. Cardinal): ... qui se situe pour le
moment à ma gauche, et je suis obligé de vous interrompre pour
rétablir les faits. J'ai déjà insisté sur le fait
que nous bénéficions tous d'une immunité parlementaire et
qu'entre partis politiques, à moins que l'on ne désire faire un
front commun, il est normal que l'on s'attaque.
M. Guay: Je n'attaque personne, M. le Président, je
constate un certain nombre de choses.
Le Président (M. Cardinal): Non, j'ai dit que les partis
s'attaquent.
M. Guay: Ah! s'ils veulent attaquer... M. Scowen: Les
faits.
M. Guay: ... libre à eux. Il y a un autre sophisme du
député d'Outremont que je voudrais relever, celui suivant lequel,
pour bien participer aux conférences constitutionnelles, il faut d'abord
et avant tout faire une profession de foi fédéraliste. En
d'autres mots, il est impossible de participer à une conférence
constitutionnelle dans le cadre fédéral si, au départ, on
a de sérieuses réserves à l'endroit du
fédéralisme canadien. C'est dire que, normalement, à
partir de cette logique, les gouvernements antérieurs qui étaient
fédéralistes auraient donc dû réussir, puisqu'on
nous dit qu'on s'en va dans un cul-de-sac. On s'en va dans un cul-de-sac parce
qu'on a une option de souveraineté-association. Les gouvernements
antérieurs qui n'avaient pas nécessairement cette option auraient
donc dû réussir dans cette même logique. Or, c'est
allé de catastrophe en catastrophe.
Le gouvernement Lesage était fédéraliste, le
gouvernement Johnson, le gouvernement Bertrand, et Dieu sait si le gouvernement
Bourassa l'était. Comment se fait-il qu'au bout de quinze ans de
négociation de gouvernements fédéralistes avec le
fédéral, on soit toujours au même point? Cela n'a pas
évolué d'un iota. La seule chose qui a évolué,
peut-être, ce sont certaines positions du gouvernement du Québec,
sous M. Bourassa, qui ont régressé. J'en veux à titre
d'exemple simplement ce que je lis ici, en 1972. M. Ryan disait: "Au rythme
actuel en 1972 l'équipe Bourassa risque de se faire
dévorer petit à petit par le gouvernement central. " En 1979,
elle s'est à ce point fait dévorer qu'elle est disparue de la
circulation.
Il y a un gouvernement dans tout cela qui a eu, à l'endroit du
fédéralisme, des réserves très nettes. Il y a un
premier ministre qui, dans tout ça, à un moment donné, a
dit: Si on ne l'obtient pas, on va faire l'indépendance. C'était
M. Johnson. C'est d'ailleurs le seul gouvernement, jusqu'à aujourd'hui,
qui a réussi à faire amorcer des négociations qui ont
abouti comme toutes les autres, au bout du compte. M. Johnson n'étant
plus là, M. Bourassa ayant pris la place, cela a fini à Victoria,
en 1971, le fédéral ayant réussi à tasser le
Québec et à négocier ses propres priorités en
oubliant les priorités historiques du Québec.
Mais, au moins, lorsqu'un gouvernement, celui de M. Johnson, a dit
"égalité ou indépendance", on a dit: Peut-être qu'on
devrait négocier. Et on a négocié de manière
à tourner toute l'affaire à l'envers, et M. Bourassa s'est
laissé faire comme un amateur.
Il n'est donc absolument pas essentiel, au contraire cela est même
historiquement faux si on se fie aux résultats, qu'il faille faire une
profession de foi fédéraliste avant d'aller négocier avec
le gouvernement du Canada. Les résultats des quinze dernières
années sont là pour démontrer que, toute profession de foi
fédéraliste que l'on fasse, on n'aboutit pas
nécessairement.
Qu'on se souvienne de 1970, lors de l'élection de M. Bourassa,
qui contestait les méthodes de l'Union Nationale. Il suffisait,
paraît-il, d'avoir de bons dossiers pour qu'Ottawa écoute. Et
c'est un peu ce que nous disait le député de Saint-Laurent hier.
Il suffit d'avoir des bonnes idées, au fond, et d'être
fédéralistes en même temps, ce qui, au départ, est
tout de suite une bonne idée. Il suffit d'avoir des bonnes idées,
des bons dossiers pour que tout cela soit accepté spontanément,
dans de grandes générosités. Allons donc! S'il le croit,
il est naïf; s'il veut le faire croire à la population, il cherche
à la tromper.
Il est évident que, dans tout rapport entre gouvernements, il
existe un certain nombre de choses qui s'appellent les rapports de forces. M.
Bourassa s'était isolé dans une position
fédéraliste: Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, quel que
soit le nombre de claques que je reçoive de M. Trudeau, je reste, je
resterai toujours, serai toujours et suis encore un fédéraliste.
Résultat: Le gouvernement fédéral a dit: C'est parfait,
mon vieux, tu n'auras rien. Et il n'a rien eu, malgré les bons dossiers
bien constitués, malgré les brillants jeunes technocrates qui
l'accompagnaient à Ottawa pour aller négocier. Le bilan, c'est
zéro. Non, c'est après 1971, après Victoria.
Le bilan, M. le Président, au bout du compte... M. Scowen:
Je pensais qu'il parlait de vous.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est quelqu'un à qui on
avait laissé des hot-dogs.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je n'ai pas entendu cette phrase. M. le député de
Taschereau.
M. Scowen: M. le Président, est-ce que je peux vous
demander une...
M. Guay: Le bilan, au bout du compte, cela a été
zéro. Ceci veut donc dire que...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, je m'excuse. Vous
pouvez soulever une question de règlement, mais pas de
privilège.
M. Scowen: C'est ni l'une ni l'autre. Je voudrais poser une
question de clarification, si le député me le permet.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez droit, en vertu de
l'article 100, si le député le permet, de l'interrompre.
M. Scowen: C'est simplement une clarification.
Le Président (M. Cardinal): Et s'il le permet.
M. Scowen: J'essaie de vous comprendre. Si je vous comprends
bien, votre pensée est que, depuis des années, le Parti
libéral a suivi une ligne de pensée qui est traditionnelle et qui
est conséquente avec la politique que vous proposerez d'ici dix jours,
mais qu'avec l'arrivée de M. Ryan nous avons trouvé, au Parti
libéral, un leader qui est maintenant allié dans un front commun
avec le fédéral, qui est plus proche des positions
fédérales que les autres partis libéraux avant. Est-ce que
c'est cela qu'on est devenu seulement...
M. Guay: M. le Président, pour répondre à la
question du député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est
précisément ce que nous cherchons à élucider depuis
ce matin. Quelle est la position du Parti libéral? Ils ne veulent pas
nous la dire. C'est un secret bien gardé, parce que, s'ils nous la
disait, ils se trouveraient peut-être à collaborer avec le
gouvernement et permettre aux Québécois de
bénéficier de leurs lumières constitutionnelles. Mais non,
ils le gardent pour eux. Ils ne veulent pas nous le dire.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant. J'aimerais qu'on...
M. Guay: On ne peut pas le savoir. Quelle est la position de M.
Ryan? On peut simplement en déduire, d'après un certain nombre
d'écrits, certaines rencontres, certains énoncés, que cela
a l'air à être à peu près cela.
Si ce n'est pas cela, qu'ils nous le disent et qu'ils nous disent
surtout ce que c'est. Qu'ils nous disent ce que c'est.
M. Scowen: C'est vraiment votre conclusion?
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: Tout cela, M. le Président, pour dire que le
cul-de-sac dont parlait le député d'Outremont ou le
député de Notre-Dame-de-Grâce, je ne me souviens pas
très bien, qu'on nous promet.
Effectivement, on ne se fait pas d'illusions, on le sait très
bien, sur les négociations constitutionnelles en cours, cela n'a
rigoureusement rien à voir avec l'option fondamentale du gouvernement.
Le cul-de-sac existe depuis 15 ans et il est dans la nature même du
fédéralisme canadien. Un gouvernement qui irait négocier
demain matin à Ottawa avec une profession de foi préalable en
faveur du fédéralisme se casserait la gueule exactement comme
d'autres gouvernements avant lui se sont cassé la gueule.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le ministre de
la Justice désire s'exprimer?
M. Bédard: C'est seulement une réflexion qui m'est
venue à l'esprit en écoutant le représentant de
Notre-Dame-de-Grâce qui, à un moment donné, se disait
prêt à céder au fédéral sur le pouvoir de
dépenser dans des juridictions provinciales. Il me venait la
réflexion suivante à l'esprit. Puisqu'il est dans un tel
état d'esprit, heureusement que c'est nous, le gouvernement actuel, qui
avons à négocier avec le fédéral parce qu'au moins,
même en étant souverainistes, nous respectons les positions
traditionnelles du Québec qui ont toujours représenté un
minimum vital pour l'autonomie du Québec. Je me demandais quelle serait
on parle du pouvoir de négociation du gouvernement actuel
étant donné son option souverainiste la force de
négociation du Parti libéral s'il formait le gouvernement,
vis-à-vis le fédéral s'il avait à négocier
alors que le fédéral saurait qu'à l'heure actuelle il
n'est même pas prêt à endosser au moins les positions
traditionnelles du Québec. À mon sens, la position de force pour
le Québec, c'est que c'est nous qui négocions, avec l'option
qu'ils savent que nous avons et aussi avec l'assurance qu'ils ont que tant que
nous sommes dans le système actuel, nous allons travailler pour essayer
d'obtenir du gouvernement fédéral le plus de concessions
possible.
Également, j'écoutais le député d'Outremont
qui disait ne pas croire au gouvernement actuel dans les présentes
négociations, étant donné son option souverainiste. C'est
son opinion, je la respecte, mais je lui demanderais au moins de croire au
fédéralisme, de croire au fédéral. Il ne faut pas
oublier que ce que nous véhiculons à l'heure actuelle, ce sont
les positions traditionnelles du Québec; ce sont les positions non pas
de partis politiques mais les positions de gouvernements qui se sont
succédé les uns aux autres, de
quelque parti politique qu'ils aient été, et qu'à
l'heure actuelle, face à ces positions traditionnelles, c'est au
fédéral à faire la preuve de sa bonne volonté. Dans
ce sens, je lui dit: S'il ne croit pas à nous qui véhiculons les
positions traditionnelles du Québec, qu'il croie au moins au
fédéral qui, à l'heure actuelle, a l'occasion, la
possibilité de dire oui ou non à ces positions
traditionnelles.
M. Raynauld: Est-ce que je peux poser une question? Je veux
répondre...
Le Président (M. Cardinal): Certainement, toujours en
vertu du même article, mais il n'est pas obligé d'y
répondre. M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Je veux juste lui demander s'il croit à ce
que... Est-ce que, comme ministre, vous croyez à ce que vous
présentez actuellement?
M. Bédard: Dans le cadre actuel, assurément, nous y
croyons.
M. Raynauld: Vous y croyez? (15 h 45)
M. Bédard: Nous croyons que nous devons adopter l'attitude
que nous adoptons à l'heure actuelle pour essayer, et cela, le plus
rapidement possible, d'obtenir des concessions du gouvernement
fédéral, concessions qui n'ont jamais été obtenues
dans les quinze années précédentes, alors que
c'étaient, comme on l'a fait remarquer tout à l'heure, des
gouvernements fédéralistes qui assumaient la direction du
Québec.
M. Raynauld: Vous n'y croyez pas. Vous dites que cela ne
fonctionne pas.
M. Bédard: C'est que vous n'êtes pas capable de
faire...
M. Raynauld: Vous dites que la souveraineté-association,
c'est votre position. Le ministre a dit tout à l'heure: Nous
véhiculons ici des idées des gouvernements
précédents. C'est un gouvernement d'intendance. C'est du
"caretaker".
M. Bédard: Pardon! Nous les véhiculons et nous les
défendons.
M. Raynauld: Oui, mais vous n'y croyez pas.
M. Bédard: C'est ce que vous dites. Nous les
véhiculons et nous les défendons en disant clairement à
Ottawa que ce sont les positions traditionnelles du Québec. C'est le
minimum vital dont les Québécois ont toujours exprimé le
besoin et, effectivement, c'est au fédéral, à l'heure
actuelle, de dire oui ou non au Québec, à ces positions
traditionnelles. On est toujours dans la dynamique du gouvernement du
Québec qui aura, le 5 février ou plus tard, à dire oui ou
non au fédéral. Je m'excuse, mais la dynamique est
peut-être différente. Cela fait assez longtemps que ces positions
sont véhiculées par des gouvernements autres que nous qui
n'avaient pas d'option souverainiste, il me semble que cela a assez
duré. Ils savent exactement ce que nous voulons. C'est à leur
tour de faire le mouvement qui serait peut-être de nature à
influencer l'avenir du Québec et l'avenir du Canada.
Le Président (M. Cardinal): Si M. le député
d'Outremont veut intervenir, je lui soulignerai que nous sommes toujours
à l'article 1 et qu'il lui reste cinq minutes.
M. Raynauld: D'accord.
M. Scowen: Je veux répondre, car je pense que vous m'avez
un peu posé une question. Sur la question de force dans le pouvoir de
négociation avec le fédéral, premièrement, pour
moi, M. le ministre de la Justice, il y a plusieurs façons de
négocier. La force, c'est un aspect, mais ce n'est pas le seul. La
question que je posais, c'est que oui, on peut accepter très facilement
le slogan "vous ne devez pas dépenser un cent dans aucune
catégorie qui n'est pas sur la liste de 91". On peut le dire, on peut
être d'accord. Si vous le voulez, pour les fins politiques, allez-y,
mais, dix secondes après que le gouvernement fédéral aura
accepté ce point, vous serez face à face avec les nuances. Quand
j'ai posé les deux questions au ministre des Affaires
intergouvernementales, j'ai parlé des nuances, parce que pour moi, au
moins, il y a longtemps que nous avons dépassé cet aspect
"sloganeux", s'il existe un mot officiel dans la langue française.
Le Président (M. Cardinal): C'est un
néologisme.
M. Scowen: Nous avons le droit de vous demander des
détails sur les nuances. J'ai soulevé deux points qui sont
très importants pour une réglementation du pouvoir de
dépenser, deux aspects très importants que, pour moi, au moins,
en fonction d'un bon gouvernement, au ministère des Affaires
intergouvernementales, vous auriez dû développer ici en
préparation de cette conférence à laquelle tout le monde
est convoqué. Pour les slogans, si vous voulez, que tout le monde
accepte, très bien, mais je m'intéresse beaucoup plus à la
manière de le réaliser. Je pense, M. le ministre de la Justice,
que M. Morin qui a vécu ces expériences sait autant que moi que,
soit dans un système fédéral, soit dans une association,
ce sera très important de développer des nuances, parce que
finalement c'est tout ce qui compte. Les slogans ne sont pas très
utiles. Du côté de la force, dans les négociations, une
fois qu'on s'est servi de la force, on s'est rendu à la raison et
à la praticabilité du fonctionnement du système. C'est
pour moi l'essentiel qu'on aurait dû développer et discuter
aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre des
Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. C'est intéressant,
ce que vous dites, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Vous insistez beaucoup sur les nuances et la mise en oeuvre, le détail
et tout. Il y a quelque chose dans ce que vous dites. Savez-vous à quoi
cela me fait penser? Je pense que c'est important. On a commencé
l'exercice auquel le fédéral nous a conviés jusqu'au
sprint que nous vivons maintenant, à la fin de novembre. Il y a eu deux
réunions de ministres. Il y a dix provinces, plus le
fédéral, cela fait onze. Il y a deux ministres par province,
trois au fédéral. Cela fait pas mal de gens. Deux réunions
de deux jours et demi. Il va y en avoir une autre de deux jours et demi.
Treize sujets, dont certains sont moins importants que d'autres, mais
quand même treize sujets. Or, au moment où je vous parle, sans
rien dévoiler, il n'y a qu'un calcul chronologique qui peut nous en
rendre compte, on n'est jamais allé dans les détails que vous
mentionnez. Ce qui veut dire ceci, qui est très significatif: selon
votre logique, toutes les provinces du Canada seraient amenées à
se brancher il va peut-être y avoir une sorte de "forcing"
au mois de février sans que tout cela ait été
examiné Vous me posez des questions que je vais poser, je pense,
dès la semaine prochaine je le dis tout de suite, il y a des
observateurs ici à mes collègues fédéraux.
C'est très important ce que vous venez de dire. Je vous remercie et
c'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet.
Une voix: Vous auriez dû y penser avant. Pouvoir
déclaratoire
Le Président (M. Cardinal): Messieurs, je n'ai pas
à précipiter les travaux de cette commission. Nous sommes sur ce
que j'appellerai, pour les fins de la discussion, le sous-alinéa petit
a) du grand A, c'est-à-dire le premier sujet sur treize. J'ai tenu le
temps de chacun des intervenants. À moins que quelqu'un ne demande la
parole, il n'est pas question de voter sur un sujet semblable. Il n'y a pas de
motion devant nous. Est-ce que je puis suggérer à cette
commission, avec son accord unanime, que nous prenions maintenant le
deuxième sujet: le pouvoir déclaratoire? J'ai l'accord de la
commission auparavant? M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il n'y a
qu'une page sur le pouvoir déclaratoire parce que nous avons voulu,
là aussi, simplifier les choses pour qu'elles soient facilement
compréhensibles, mais il y a des livres entiers qui ont
été écrits là-dessus. J'en ai un qui a
été préparé, à la demande de la commission
parlementaire de la constitution, en 1967 ou 1968, par l'Institut de droit
public de l'Université de Montréal. Il a à peu près
200 ou 300 pages.
En deux mots, vous avez le résumé ici: Le pouvoir
déclaratoire, c'est ce qui permet au gouvernement fédéral,
à partir d'une déclaration unilatérale, de se donner
juridiction sur des ouvrages de nature locale qui relèveraient
normalement de la compétence provinciale. De ce fait, Ottawa peut, les
circonstances s'y prêtant, accroître le domaine de ses
activités aux dépens des provinces. Ce sont les articles 91,
alinéa 29 et 92, alinéa 10 c) du BNA Act qui permettent cela.
Positions antérieures. Il y en a une, très
catégorique, qui a été émise, en plus de celle de
Mercier, en 1887. On a dépassé un peu la date de 1900, mais de
l'autre côté. Ensuite, par d'autres premiers ministres, plus tard,
et par M. Johnson qui est cité là et qui dit carrément
qu'on n'en est plus maintenant à l'époque où on devrait
conserver un tel pouvoir. La position que nous avons prise, c'est que, comme
les provinces sont des États qui jouissent de leur souveraineté
interne dans leurs domaines de compétences, nous avons demandé
l'abolition du pouvoir déclaratoire fédéral. Voilà!
C'est ce que j'avais à dire pour le moment sur ce sujet qui est
présenté, ce qui veut dire, en termes techniques, si on tient
absolument à des références, que c'est une modification
des articles en cause de la constitution mentionnés au deuxième
paragraphe de la feuille que vous avez devant vous. Voilà!
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais, M. le président, poser une ou deux
questions au ministre là-dessus. C'est un peu le même genre de
problématique. Le pouvoir déclaratoire est détestable,
bien sûr, puisqu'il équivaut essentiellement à une
modification unilatérale de la constitution. Ceci étant dit, je
crois savoir que plusieurs provinces dans le passé, et c'est
probablement toujours le cas, ont également déploré
l'existence de ce pouvoir déclaratoire. Il a été brandi
parfois un peu comme une menace par le gouvernement fédéral. Il a
été utilisé dans un certain nombre d'autres cas sans que
la logique de ces interventions soit toujours absolument limpide. Mais les
problèmes que soulève l'utilisation du pouvoir
déclaratoire ne sont pas tous entièrement fictifs. Il y a,
malgré tout, des problèmes réels, dans une
fédération, qu'on peut vouloir régler autrement que par
l'utilisation d'un pouvoir déclaratoire. Il existe là-dessus un
très grand nombre de possibilités. J'aimerais savoir du ministre
des Affaires intergouvernementales ne serait-ce que pour préparer
des réponses à des objections possibles sans aucun doute, qu'il
serait dans la nature des choses de voir soulever par d'autres provinces ou,
plus vraisemblablement, par le gouvernement central quelle est
l'alternative qu'il envisagerait à cela?
Je peux donner un exemple. Il n'est pas difficile d'imaginer des cas
où l'intérêt du Québec, dans une
fédération et même j'irais jusqu'à dire dans une
association soulèverait la question d'opportunité que des
entreprises d'une autre province ne soient pas tout à coup
utilisées de manière à frustrer le Québec de
certains droits ou de certaines expectatives. S'il y a un gouvernement
fédéral qui n'a pas de pouvoir déclaratoire et, à
plus forte raison, s'il n'y a pas de gouvernement fédéral, il
faut prévoir d'autres règles du jeu. Par
exemple, on a annoncé hier, à grand renfort de
publicité, un projet considérable pour acheminer le gaz des
îles de l'Artique vers le Québec, vers l'Est du pays. Il
était à un moment question de construire un gazoduc dont un des
tracés aurait franchi le territoire du Manitoba et de l'Ontario, si je
comprends bien. Est-ce qu'il n'est pas possible d'envisager des circonstances
où, dans un contexte de souveraineté absolue de chacune des
provinces sur des installations de cette nature-là, les provinces en
question pourraient prendre des positions qui seraient très
préjudiciables aux intérêts du Québec?
Encore une fois, s'il y a un pouvoir déclaratoi-re et un
gouvernement fédéral, on a une solution facile. Supposons qu'on
adopte cette position de principe qu'on refuse ce moyen parce qu'il y a des
implications constitutionnelles désagréables à d'autres
égards. Quelles sont les solutions de rechange aux actions
unilatérales parce que par hypothèse il n'y a plus de
pouvoir déclaratoi-re d'autres États, d'autres provinces
de la fédération ou de l'association qui portent atteinte
gravement aux intérêts du Québec? Quelles règles du
jeu y substituer? On ne peut pas toujours prévoir ce que ce sera. Cela
peut être dans le domaine du transport de l'énergie, cela peut
être dans toutes sortes de domaines imprévisibles. Qu'est-ce qu'on
fait?
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, la
question, on peut y répondre assez brièvement. Je vais partir de
ce qui nous a été exposé; en d'autres termes, la
problématique est la suivante: Une province veut poser un geste qu'on
trouverait préjudiciable, ce qui suppose aussi que le Québec
pourrait, de son côté, poser des gestes qui seraient
préjudiciables à d'autres. Il ne faut pas seulement penser que
nous sommes toujours les victimes de quelque chose, il y a quand même
d'autres possibilités aussi. Bon. On pourrait prendre le raisonnement
que vous faites, sur lequel vous fondez je ne voudrais pas
interpréter vos paroles la nécessité d'un
gouvernement fédéral, mais la nécessité d'un
pouvoir déclaratoire...
M. Forget: Ou de quelque chose d'autre.
M. Morin (Louis-Hébert): ... ou de quelque chose d'autre,
donc du pouvoir d'intervention d'une autorité suprême. On pourrait
partir de cela et faire deux commentaires. Le premier est que cette
façon de voir les choses, je pense, suppose que les provinces sont, au
fond, sujettes d'une sorte de monarque fédéral qui, lui, a le
droit de venir mettre de l'ordre dans les principautés qui se chicanent.
Première chose. Mais on pourrait aller plus loin que cela parce que, si
c'est vrai au plan du Canada, la logique veut que cela soit vrai au plan du
monde et que, par conséquent, il devrait y avoir, au plan de l'univers,
une possibilité d'intervention de Dieu sait qui, dans les petites...
M. Forget: De Dieu.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais...
M. Forget: De Dieu lui-même!
M. Morin (Louis-Hébert): ... dans les petites
principautés que sont les États-Unis ou l'URSS ou autres babioles
du genre. En conséquence, je pense qu'il y a une autre
considération qui entre en ligne de compte. Si ce que vous dites est
vrai pour le Canada, c'est vrai pour le monde. Si c'est vrai pour le monde, le
Canada devrait laisser tomber sa souveraineté, et je n'ai vu personne
qui propose cela actuellement. C'est peut-être une innovation, mais en
tout cas il faudrait être logique pour le Québec et pour le Canada
en même temps. Ce que je trouve toujours frappant dans ceux qui nous
attaquent je ne parle pas de vous, là, je voudrais bien qu'on se
comprenne comme étant nationalistes et "parochial" comme on dit
en anglais, c'est que ce sont les mêmes qui sont nationalistes canadiens
et qui ont, a bien des égards, des comportements identiques aux
nôtres sur un plan géographiquement plus étendu. C'est la
même chose, la même problématique, au fond. Voici, en
réalité, ce qui a manqué dans le système
fédéral, et c'est un peu ce qui a amené Daniel Johnson
à dire à l'époque ce qu'il a dit, de même que Robert
Bourassa en 1976 ce n'est pas de l'ancienne histoire et ce qui a
amené bien du monde au Canada à le dire. C'est que le
fédéralisme, pour être un système intelligent, doit
être fondé sur la confiance et la coopération
réciproques. (16 heures)
Vous allez me dire: S'il y a des chicanes, qu'est-ce qu'on fait? S'il y
a des chicanes, on se déprend. De la même façon que ce
n'est pas parce qu'il y a, si vous voulez, des conflits entre familles ou entre
individus qu'on va demander à l'État de venir mettre de l'ordre
comme cela. J'espère que ce n'est pas cela que vous proposez...
M. Forget: II y a un Code civil au moins. M. Morin
(Louis-Hébert): II y a une similitude. M. Forget: II y a un
Code civil. M. Bédard: II y a une autorité.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, je parle de l'intervention
de quelqu'un. Je pense que ou on est dans un État fédéral
dans lequel les provinces sont des États membres de la
fédération avec leur souveraineté interne et on doit les
respecter, qu'elles se comportent bien ou mal, ou bien encore on n'est pas dans
un État fédéral et nous sommes, ici au gouvernement du
Québec, la subdivision administrative du pouvoir central ou la "branch
plant" de l'administration fédérale, ce qui n'est pas ma
conception du système. Dans cette perspective, nous pensons que le
pouvoir déclaratoire est un reliquat d'un impérialisme
fédéral qui, je pense, n'a plus sa raison d'être, que
beaucoup de provinces, ont rejeté et que le gouvernement
fédéral, d'ailleurs, n'utilise pas souvent. C'est pour cela que
ce n'est pas une énorme question dans
un sens. D'ailleurs cela a été abordé en 1968 et en
1969 aussi. J'oubliais de le mentionner tantôt.
Encore qu'il y a certaines provinces qui désirent le garder, qui
aimeraient que le gouvernement fédéral vienne prendre des
responsabilités qu'elles ont et qu'elles ne veulent pas assumer
elles-mêmes. C'est la difficulté dans laquelle nous sommes. De ce
côté, notre position est claire: nous ne souhaitons pas la
présence du pouvoir déclaratoire et nous pensons que s'il y a un
pouvoir déclaratoire pour venir mettre de l'ordre dans les provinces,
pourquoi n'y aurait-il pas un ministère fédéral de
l'Éducation pour venir mettre de l'ordre dans les programmes
d'enseignement? C'est la même logique. Cette logique, nous ne nous
embarquons pas dedans et aucun gouvernement du Québec jusqu'à
maintenant, à ma connaissance, n'y a embarqué. C'est la
réponse que je donne à votre question.
M. Forget: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais
y revenir, parce que la réponse du ministre est simpliste, à mon
avis. Il suppose que l'alternative au pouvoir déclaratoire devrait
prendre la forme d'un pouvoir fédéral de même nature.
M. Morin (Louis-Hébert): Voilà.
M. Forget: Ce qui ne fait que replacer le problème
à son point d'origine. Il y a dans n'importe quelle situation
concrète la reconnaissance d'intérêts communs ou la
non-reconnaissance d'intérêts communs. Je suppose que l'analogie
que le ministre a faite entre le gouvernement mondial et ce qui relie entre
elles les différentes régions ou provinces du Canada n'est pas
tout à fait une analogie à prendre sérieusement.
Même dans l'hypothèse de l'association, je le
répète, il trouverait probablement nécessaire qu'il y ait
certaines règles du jeu. On ne traite pas avec l'Ontario de la
même façon qu'on pourrait traiter avec l'Afrique du Sud. Mais
peut-être que c'est une hypothèse qui n'est pas justifiée
de notre côté. Peut-être qu'on traiterait effectivement de
la même façon avec l'Ontario qu'avec l'Afrique du Sud, mais
à ce moment, il va falloir que le Parti québécois
révise un certain nombre de ses positions quant à
l'association.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne sais pas ce que l'Afrique
du Sud vient faire là-dedans, mais en tout cas.
M. Forget: L'Afrique du Sud ou n'importe quel autre pays. Le
Liechtenstein, si vous voulez, ou n'importe quoi.
M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr.
M. Forget: L'Afrique du Sud, c'est probablement ce qu'il y a de
plus loin.
M. Morin (Louis-Hébert): La République islamique de
Mauritanie.
M. Forget: C'est probablement ce qu'il y a de plus loin. C'est
probablement aux antipodes. À moins que ce soit l'Australie, je ne suis
pas versé en géographie.
M. Morin (Louis-Hébert): Le Liechtenstein, ce n'est aux
antipodes, c'est à côté de l'Autriche.
M. Forget: Non, c'est moins loin. Mais quelles que soient les
préférences quant aux comparaisons du ministre, il reste que s'il
n'y a pas de reconnaissance d'intérêts communs, on peut admettre
sa réponse à savoir qu'il faut faire confiance, et si la
confiance n'est pas justifiée, "just too bad", comme on dit en anglais,
c'est bien dommage, mais il faut se contenter de la situation. Je crois que
s'il y a reconnaissance d'un intérêt commun, à la fois il
doit y avoir reconnaissance que cet intérêt commun peut être
menacé, compromis par l'action assez souvent égoïste des
gouvernements vis-à-vis de leur propre population. Après tout
tout le monde se fait élire un peu partout. Il y a donc un danger qui a
été reconnu dans d'autres regroupements de provinces,
d'États ou d'associations quelconque. S'il n'y a pas un pouvoir
déclaratoire parce qu'on renonce justement à cette
présence impérialiste, selon l'expression du ministre, il va
falloir imaginer quelque chose d'autre.
On ne peut pas, par exemple, concevoir qu'une province qui est entre
deux autres, l'une productrice d'une ressource et l'autre consommatrice d'une
ressource prélève une espèce de droit de passage, comme
les brigands du XVIIIe siècle faisaient sur les grandes routes en
disant: Pour passer ici, messieurs, il faut payer telle somme. C'est la bourse
ou la vie. Et après cela, on peut procéder. Je pense qu'il y a
quand même certaines règles de civilité qu'il ne faut pas
simplement laisser à la bonne foi et au hasard, mais qu'il faut
aménager.
À plus forte raison dans une constitution fédérale
dont c'est la raison d'être. S'il n'y a pas d'alternative, on peut nous
dire: Oui, il n'y a pas d'alternative parce qu'on a discuté du pouvoir
déclaratoire indépendamment des autres questions. À force
de dire ça sur tous les sujets, on va se demander: Comment se fait-il
que le gouvernement croit qu'il vaut la peine de faire ces propositions, de
défendre des positions traditionnelles, dans un contexte ad hoc, comme
le ministre nous a dit qu'il le faisait ce matin? S'il le fait dans un contexte
ad hoc, ma foi, je peux comprendre que les positions soient extrêmement
sommaires. Elles ne sont pas satisfaisantes pour autant.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, j'ai
répondu tantôt à une partie de la question. Il y a un autre
élément de réponse et j'ai un commentaire à faire
après, un commentaire question. L'autre élément de
réponse, c'est qu'il existe des ententes entre gouvernements. Ce n'est
pas nous qui avons inventé ça; ça existe depuis
déjà plusieurs générations dans plusieurs pays du
monde. Donc, les gouvernements peuvent s'entendre et je vois mal comment il
faudrait constamment supposer qu'on est tellement enfantin, tellement
dépendant et tellement borné que les gouvernements de provin-
ces ne peuvent pas se rendre compte que, si nous, on bloque le fleuve
Saint-Laurent, il y a quelqu'un qui va chialer à l'autre bout et
inversement.
Je pense qu'il y a des choses qui vont de soi. Chaque fois qu'on discute
du pouvoir déclaratoire, ce qui me frappe toujours, je ne parle pas
d'aujourd'hui, c'est que ceux qui y tiennent invoquent toujours des
catastrophes du genre tremblement de terre ou des choses absolument
invraisemblables, des sinistres auxquels personne n'a jamais songé. On
imagine des absurdités et, après ça, on dit: S'il y a
telle absurdité qui arrive, qu'est-ce qu'on fait pour la
résoudre? Si c'était la façon de raisonner par rapport
à tout ce qui se passe au monde, on n'en sortirait jamais et on vivrait
constamment inquiet.
Mais est-ce que je dois comprendre des interventions que vous faites,
parce qu'elles me semblent un peu curieuses, étant donné qu'il en
découle nécessairement des choses, que vous êtes d'accord
pour qu'il existe un pouvoir déclaratoire fédéral,
c'est-à-dire une possibilité d'Ottawa d'intervenir pour prendre
à sa charge des domaines de compétence provinciale? Est-ce
ça que ça veut dire?
M. Forget: Non, ça ne veut pas dire ça. M. Morin
(Louis-Hébert): Ah!
M. Forget: Cela veut dire que, si on est contre, il faut penser
aux problèmes. Certains problèmes étaient illusoires au
moment où on a invoqué parfois ce pouvoir déclaratoire. Je
suis prêt à admettre que certains de ces problèmes sont
illusoires, mais il y en a quelques-uns qui sont réels. Ils sont
réels du point de vue de l'intérêt même du
Québec face à ses voisins. Je dis que, si on doit renoncer
à ce pouvoir, et on doit y renoncer, il serait important pour le
gouvernement qui veut y renoncer de trouver des solutions aux autres
problèmes, parce qu'autrement il n'a que la moitié d'une
solution.
M. Morin (Louis-Hébert): J'en prends bonne note. Je pense
que c'est une intervention intéressante. Vous rejetez le pouvoir
déclaratoire; vous voulez le remplacer par autre chose. Certainement, on
peut regarder ça. C'est une avenue que nous avons commencé
à explorer et qui est intéressante.
M. Forget: Mais dont vous n'êtes pas prêt à
faire état pour le moment.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, parce qu'encore une fois on
va beaucoup plus loin dans certaines questions que nous ne sommes allés
aux réunions ministérielles. Je ne dis pas que c'est le cas
précisément là-dessus; je ne veux pas dévoiler quoi
que ce soit. On est toujours embarrassé dans ce cas-là. Mais le
peu de temps qu'il y a eu pour ces négociations constitutionnelles ne
vous a pas permis d'aller dans toutes sortes d'hypothèses qu'il aurait
fallu regarder davantage, c'est bien sûr.
Je pense que je vais, pour le moment, m'abstenir de faire d'autres
commentaires là-dessus. C'est une question assez simple. Il y a quand
même, je le remarque et je le note, quelques provinces qui tiennent
à un pouvoir déclaratoire. Je vais ajouter une chose: Si
c'était si important, le pouvoir déclaratoire, pourquoi est-ce
que ça fait tellement d'années que le fédéral ne
l'utilise plus ou à peine? Mais ça... C'est tout ce que je veux
dire là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Michaud): C'est au tour du
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je suis heureux de
constater qu'on a une certaine forme d'unanimité autour de ce point.
L'Union Nationale continue à dire ce qu'elle a toujours dit concernant
ce pouvoir déclaratoire. Nous sommes d'accord avec la position que le
Québec entend adopter face à l'abolition de ce pouvoir
déclaratoire.
Cependant, il y a des questions que j'aimerais poser au ministre. Si on
se réfère à la lettre qui était adressée
à M. Trudeau par M. Lougheed à la suite de la conférence
de Banff, on y voit que les provinces s'étaient entendues entre elles
sur certains points qui faisaient l'unanimité et, entre autres, sur
cette question du pouvoir déclaratoire. On disait: "Une disposition
garantissant que le gouvernement fédéral n'usera de son pouvoir
déclaratoire, lui permettant d'établir qu'un ouvrage
précis est à l'avantage général du Canada, qu'avec
le consentement des provinces concernées."
Je trouve assez difficile de comprendre le fait, étant
donné qu'il y a eu unanimité des provinces et que le
Québec faisait partie de cette entente, que maintenant, elles puissent
revenir avec une autre proposition, avec laquelle nous sommes d'accord,
d'ailleurs. Cela voudrait dire que les discussions n'auraient pas
été fermées à ce sujet et qu'on pourrait y revenir.
Est-ce que c'est cela qu'on doit comprendre dès...
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne voudrais pas de malentendu,
M. le Président. Dites-moi donc où vous voyez cela, parce que je
sais à quoi vous faites allusion.
M. Fontaine: C'est la traduction de la lettre de M. Lougheed
à M. Trudeau, qui est datée du 14 octobre 1976.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est quelle annexe,
celle-là?
M. Fontaine: C'est l'annexe C.
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux dissiper le malentendu
que je vois. Je comprends ce que vous voulez dire. Le pouvoir
déclaratoire, une seconde: ... qu'avec le consentement des provinces
concernées." En pratique, si vous utilisez le pouvoir
déclaratoire avec le consentement de la
province, vous n'avez plus de pouvoir déclaratoire. Il n'y a pas
de contradiction.
M. de Bellefeuille: S'il y a consentement, il n'y a pas de
viol.
M. Morin (Louis-Hébert): Entendons-nous. J'imagine une
situation X. Supposons que le gouvernement fédéral dit: Telle
industrie en Ontario, on veut mettre la main dessus pour une raison X.
L'Ontario dit: Bien sûr, cela a du bon sens. À ce
moment-là, ce n'est pas le pouvoir déclaratoire tel que nous le
connaissons maintenant, où le fédéral,
unilatéralement, peut le faire. Je pense qu'il n'y a pas de
contradiction. Est-ce qu'on se comprend?
M. Fontaine: Oui. Je ne le sais pas, mais cela règle
peut-être le problème du député de Saint-Laurent qui
dit qu'il faudrait trouver un système de remplacement.
M. Morin (Louis-Hébert): Je le sais bien. Moi aussi, cela
règle le problème, si tout le monde est d'accord.
M. Fontaine: Si tout le monde s'est entendu, on passe à un
autre point.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: J'aurais une réflexion analogue à
celle du député de Nicolet-Yamaska. Je pense que, tout d'abord,
il faut s'entendre sur la définition. Le pouvoir déclaratoire,
c'est ce qui permet au gouvernement fédéral d'intervenir dans des
champs, reconnus par la constitution, de compétence provinciale, sans
l'accord du gouvernement de la province. Vous êtes d'accord avec cette
définition?
M. Forget: Oui.
M. Paquette: D'autre part, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, tantôt, nous a dit: Moi je vois, dans le
fédéralisme renouvelé, deux paliers de gouvernement: le
gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux, en particulier le
gouvernement du Québec. Ils sont tous les deux souverains dans leur
sphère de compétence respective. Qu'est-ce que c'est, la
souveraineté? La souveraineté, dans une sphère de
compétence donnée, c'est l'autorité exclusive d'un
État de légiférer sur son territoire, sans
ingérence extérieure, à moins qu'il n'y consente. Vous
allez retrouver cela partout, c'est la définition de la
souveraineté.
Maintenir un pouvoir déclaratoire, c'est nier la
souveraineté des provinces dans leur sphère de compétence
respective. Tout autre mécanisme le député de
Saint-Laurent cherchait un autre mécanisme pour permettre au
gouvernement fédéral d'intervenir...
M. Forget: Ce n'est pas cela que je cherche.
M. Paquette: Si ce n'est pas cela que vous cherchez, vous
n'êtes pas dans le sujet.
M. Forget: Oui, je suis dans le sujet.
M. Paquette: Si vous pensez à des mécanismes comme:
les provinces pourraient mettre une commission conjointe sur pied pour
régler certaines questions, ou pourraient passer des ententes entre
elles, c'est prévu, cela se fait et cela n'a rien à voir avec le
pouvoir déclaratoire.
Le pouvoir déclaratoire est une atteinte directe à la
souveraineté des provinces, dans leur champ de compétence. Je
suis d'accord avec le député de Nicolet-Yamaska. On n'a pas
à trouver une formule de remplacement.
M. Forget: Pas pour le pouvoir déclaratoire.
M. Paquette: On peut chercher une formule permettant d'harmoniser
les politiques des provinces, de faire en sorte que les provinces ne se
marchent pas sur les pieds les unes des autres. Mais cela n'a rien à
voir avec le sujet dont nous discutons. C'est tout ce que j'avais à dire
là-dessus.
M. Forget: Cette intervention brillante du député
de Rosemont a permis de comprendre qu'il ne comprend pas la question que j'ai
posée au ministre. Cela ne m'étonne pas plus qu'il le faut.
M. Paquette: Je l'ai très bien compris.
M. Forget: II reste qu'il ne s'agit pas de trouver un substitut
au pouvoir déclaratoire. Il s'agit de trouver une façon de
résoudre des problèmes, une fois le pouvoir déclaratoire
disparu. Je n'ai pas l'impression que vous avez une idée très
claire des problèmes qui peuvent être soulevés.
M. Morin (Louis-Hébert): Ne faites pas de
personnalité.
M. Paquette: Je pense que j'en ai une assez claire, pas mal plus
claire que celle du député de Saint-Laurent qui nous
évoquait des problèmes de transport où une des provinces
située entre deux autres pourrait percevoir des droits de douane. (16 h
15)
Vous savez très bien que cela est réglé par les
compétences fédérales actuelles, le transport
interprovincial relève du gouvernement fédéral et le
commerce interprovincial aussi. Actuellement dans un
fédéralisme, si on se place toujours dans cette optique
cette question est réglée autrement que par le pouvoir
déclaratoire.
Je vais vous donner un exemple où cela pourrait intervenir.
À un moment donné, une province comme le Québec on
l'a fait récemment décide de protéger le fait
français au Québec et de faire en sorte que tous les citoyens qui
n'ont pas fait leurs études au Québec dans la langue anglaise
n'aient pas accès aux écoles anglaises. Une autorité
extérieure, comme le gou-
vernement fédéral ou les autres provinces, pourrait bien
prétendre que cela nuit à sa juridiction. Voilà un bon
exemple. Comment une affaire comme cela peut-elle se régler? On n'a pas
besoin de pouvoir déclaratoire ni d'un autre mécanisme; cela peut
se régler par des ententes interprovinciales, et on en a proposé
une; on a proposé aux autres provinces de passer des accords de
réciprocité en vertu de quoi l'école anglaise serait
ouverte aux ressortissants des autres provinces à condition que la
même chose soit faite pour les ressortissants de la province de
Québec lorsqu'ils vont dans les autres provinces.
À moins que vous précisiez ce que vous avez dans
l'idée, je ne vois vraiment pas ce que vous voulez dire quand vous dites
que vous avez besoin d'une solution de rechange au pouvoir déclaratoire
du gouvernement fédéral.
M. Forget: Si vous ne le prévoyez pas, tant mieux pour
vous.
M. Paquette: Si vous le voyez, cherchez un meilleur exemple que
celui que vous nous avez donné.
Le Président (M. Michaud): À l'ordre!
M. Bédard: C'est seulement une manière de ne pas
être d'accord.
Le Président (M. Michaud): Excusez, vous voulez
intervenir?
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Michaud): D'accord.
M. Fontaine: Est-ce que j'ai perdu mon droit de parole?
Le Président (M. Michaud): Non. Pardon. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Je comprends que vous cherchiez des poignées
pour justifier que vous ne voulez pas donner votre position et vous voulez
faire voir que cette question est très compliquée, et elle n'est
pas compliquée du tout. La position n'a pas besoin d'être
détaillée par 36 considérations.
M. Gratton: C'est comme vous autres, cela.
M. Bédard: Heureusement qu'ils n'ont pas à
négocier.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Nicolet-Yamaska, j'avais cru que vous aviez terminé et j'avais
donné le droit de parole au député de Rosemont; si vous
voulez continuer, vous avez encore au moins 15 minutes, sinon 17.
M. Fontaine: Je vais tout simplement demander son avis au
député de Saint-Laurent sur la proposition qui a
été...
M. Gratton: Quand partez-vous pour Ottawa?
M. Fontaine: ... adoptée avec les autres provinces du
Canada à l'effet que le pouvoir déclaratoire serait aboli mais
que, si jamais le gouvernement fédéral voulait s'en servir avec
le consentement d'une ou des provinces concernées, il pourrait le faire;
est-ce que, à ce moment-là, cela pourrait satisfaire ses
préoccupations?
M. Forget: Je souscrirais à la réponse que vous a
faite le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Si tout le monde est d'accord, on
pourrait peut-être prendre d'autres sujets. Le prochain est vraiment
simple.
Péréquation et inégalités
régionales
Le Président (M. Michaud): D'accord. Avec l'approbation de
la commission, on pourra passer au point c: la péréquation et les
inégalités régionales. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Ici, c'est vraiment un des
quelques cas très simples qui se présentent devant nous, celui de
la péréquation et des inégalités régionales.
Il est très simple. Je vais lire seulement quelques lignes du
deuxième paragraphe. Tout le monde sait qu'il y a un régime de
péréquation qui existe au Canada depuis 1957 et qu'il existe des
subventions inconditionnelles fédérales. Alors, je lis: Plusieurs
provinces tiennent à ce que ce principe c'est-à-dire ce
qu'on vient de dire ne soit pas transformé et aimeraient bien
voir la péréquation en quelque sorte cristallisée dans la
constitution elle-même, ce à quoi personne ne s'oppose vraiment
puisqu'il ne s'agirait que de confirmer une situation qui existe depuis plus de
20 ans. Certaines provinces jugeraient également opportun de mentionner
une formule précise de péréquation dans la constitution,
mais là-dessus les avis sont beaucoup plus partagés. En
substance, c'est très simple, on voudrait... Cela est une vieille
question, je pense qu'elle date elle aussi de 1969; je me demande si elle
n'était pas dans la Charte de Victoria. Je ne veux pas lire le texte
juridique qui est là mais le principe, tenons-nous en au principe.
Est-ce qu'il y a un article de la constitution qui pourrait dire qu'il y a un
régime de péréquation qui existe, qu'il y a des
subventions inconditionnelles données aux provinces pour qu'elles
égalisent, en quelque sorte, la nature de leurs services? Le
Québec a toujours été d'accord avec cela à la
condition je pense que tout le monde pourra la comprendre facilement
qu'on ne donne pas plus de pouvoirs au gouvernement
fédéral qu'il n'en a maintenant. À cette condition, aucune
objection on peut l'écrire demain si on veut parce que
cela ne change strictement rien en pratique à la situation qui
prévaut depuis vingt ans au Canada.
Il y a peut-être une ou deux provinces qui n'aiment pas beaucoup
qu'on reconnaisse que la péréquation existe, mais c'est une
vieille histoire. Au moment où l'on parle, en ce qui concerne le
Québec, aucune difficulté. C'est une vieille affaire
déjà acceptée depuis toujours. On était
déjà d'accord là-dessus. C'est même une des
premières choses sur lesquelles on a été d'accord à
Victoria ou ailleurs, je ne peux m'en souvenir au moment où je vous
parle. C'est cela le problème. Est-ce qu'il y a un article dans la
constitution qui dit qu'il y a un régime de péréquation?
C'est cela.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Est-ce
que quelqu'un désirerait s'exprimer sur le sujet? Oui? M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je veux simplement poser une question au ministre.
Dans votre projet d'association avec les dix autres provinces du Canada actuel,
est-ce que vous prévoyez un système de
péréquation?
M. Morin (Louis-Hébert): Dans notre projet de
souveraineté-association, on prévoit un système de
coopération. Il me ferait plaisir de vous en parler, mais ce n'est pas
le sujet à l'ordre du jour aujourd'hui. Je pense qu'il ne faudrait pas
sortir de la sorte de questions que nous nous sommes fixée.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
ministre...
M. Scowen: On va donner le consentement, si vous voulez...
M. Morin (Louis-Hébert): Même si on me donnait le
consentement...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Me permettez-vous,
M. le ministre!
M. Morin (Louis-Hébert): Je permets n'importe quoi.
M. Scowen: Ce n'est pas exclu.
Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de
consentement pour sortir du mandat d'une commission. Je m'excuse.
M. Scowen: Je pense que tout le monde s'intéresse à
cette question.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais on pourra en
discuter à côté...
M. Scowen: II faut admettre que c'est un peu lié
à...
Le Président (M. Cardinal): J'ai eu une certaine largesse,
mais il ne faudrait pas quand même qu'on en vienne à un autre
sujet.
M. Scowen: Oui, très bien, ce n'est pas tout à fait
le sujet.
Le Président (M. Cardinal): Nous discutons, si je ne me
trompe, de ce qui va être discuté, si ce l'est, le 5
février prochain. Oui, M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, j'aurais également
quelques éclaircissements à demander. Est-ce qu'au-delà du
principe de la péréquation qu'il s'agirait de consacrer dans la
constitution, il y a déjà eu des discussions sur les
modalités d'application de ce principe, sur les modalités
d'expression de ce principe dans la constitution? Je pense, en particulier,
à celle-ci. Est-ce que, si on établit ce principe dans la
constitution, le gouvernement fédéral conserve la
possibilité de modifier la formule? Est-ce que, dans ce cas, il est
prévu un consentement des provinces ou non? Est-ce qu'il y a un certain
nombre de considérations ou d'applications qui ont déjà
été discutées à cet égard?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Réponse très
facile. La seule chose qui est discutée dans la ronde constitutionnelle
actuelle, c'est vraiment, dans cette matière comme dans d'autres, le
principe même. Il y a eu des suggestions de faites dans le passé.
Je ne manque pas au secret en disant qu'il y en a qui sont revenues cette
fois-ci, selon lesquelles il pouvait y avoir une formule précise de
péréquation dans la constitution. Nous, du Québec, on
n'aime pas qu'il y ait une formule précise parce que cela peut varier
selon les époques. Nous n'avons pas accepté cette suggestion. Il
n'y a pas eu de discussion technique jusqu'à maintenant, parce que la
base même de toute l'affaire, c'est: Est-ce qu'on met dans la
constitution qu'il y a de la péréquation, oui ou non, le
système s'appliquant comme il s'applique maintenant, purement et
simplement? Cela ne change rien. Vous n'êtes pas obligés de me
croire, mais cette partie, ce sujet parmi les X autres ne change rien à
ce qui existe maintenant. Ce n'est que la reconnaissance que la
péréquation existe. C'est tout ce qui a été...
M. Raynauld: Cette question m'a été inspirée
par un des commentaires que M. le ministre a faits tout à l'heure,
à savoir qu'il ne faudrait pas qu'à l'occasion de l'insertion
d'un principe comme celui-là dans la constitution, on vienne limiter
d'une façon indirecte ou directe les droits des provinces, reconnus par
ailleurs. Alors, je me demandais, étant donné cette condition qui
peut être mise, qui d'ailleurs est inscrite ici...
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela. Il est
là, le texte.
M. Raynauld: ... dans le document de travail de 1968, si,
parallèlement à une précaution de ce genre en faveur des
provinces, il avait été question de précautions
parallèles en faveur du gouvernement fédéral ou non. C'est
seulement une question d'information.
M. Morin (Louis-Hébert): Votre souci de prendre les
intérêts du gouvernement fédéral vous honore, mais
il n'en a pas été question. C'est très simple, cette
discussion-là. On est à la veille de prendre plus de temps
là-dessus qu'on en a pris là-bas. Mais en tout cas. Non, il n'en
a pas été question. Je le répète: C'est simplement
pour mettre dans la constitution qu'il existe une péréquation et
que les gens s'occupent les provinces et le gouvernement
fédéral de lutter contre les inégalités
régionales. C'est cela, le principe. Ce sont les provinces maritimes
qui, dans le passé, ont beaucoup insisté là-dessus. Ce
sont des positions qui datent d'il y a longtemps et c'est à cause de
cela que cela a été repris cette fois-ci. Cela fait partie du
"carry-over" de toute la discussion constitutionnelle antérieure.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière et chef de l'Union Nationale.
M. Biron: M. le Président, je crois que tout le monde est
d'accord pour inscrire dans la constitution une formule de
péréquation ou un principe de péréquation pour
lutter contre les inégalités régionales. Je voudrais quand
même voir un peu plus loin et demander au ministre si, à travers
les discussions qui ont eu lieu, on a discuté d'un partage non seulement
des pouvoirs, mais des revenus. Cela pourrait changer d'une façon
considérable le mode de calcul. À l'heure actuelle, le calcul est
fait sur le revenu des particuliers et on distribue la richesse avec cela.
Finalement, si on redistribue les impôts d'une autre façon et si
les provinces ont beaucoup plus d'impôts directs, d'impôts sur le
revenu des particuliers et que le gouvernement fédéral a d'autres
sources de revenus, on changera d'une façon considérable, je
pense bien, en même temps, le mode de calcul des richesses des citoyens
des différentes provinces. Y a-t-il eu des discussions en ce sens? Le
ministre pourrait-il parler aussi un peu de ce mode de calcul qui pourrait
éventuellement changer en fonction des richesses des individus ou de la
façon de percevoir certaines taxes qui existent aujourd'hui et qui
n'existeront plus lorsqu'on aura d'autres sources de revenus?
M. Morin (Louis-Hébert): Je dois répondre non
à la première question et non à la deuxième, mais
pas pour les mêmes raisons. Je réponds non à la
deuxième, c'est-à-dire que je ne voudrais pas entrer dans
l'explication de la péréquation, dans les modes de calcul. C'est
outrageusement ennuyeux et cela n'est pas nécessaire à cause du
premier non. On n'a pas parlé de cela. Je répète que la
discussion constitutionnelle en cours n'est pas une discussion d'ordre
administratif. À cet égard, ce qui a été
présent dans notre esprit et dans celui de tout le monde, c'est: Est-ce
qu'on met la péréquation dans la constitution et l'obligation
pour les gouvernements de s'occuper des inégalités
régionales? Si on le met, est-ce qu'on prend la précaution
tout le monde est un peu d'accord là-dessus que cela ne vienne
pas changer quelque répartition de compétence anté- rieure
que ce soit? C'est tout. On n'a pas parlé des modes de calcul, ni des
formules de péréquation, cela étant laissé à
la discussion des arrangements fiscaux quinquennaux réguliers. Donc, on
n'est pas allé là-dedans, sauf qu'il y a un sujet qui m'est venu
à l'esprit tantôt sur l'imposition indirecte, sujet aussi
antérieur, pris dans la discussion constitutionnelle de 1968 ou 1969
qui, lui, changerait un peu la répartition des ressources fiscales au
Canada. Cela affecterait peut-être la péréquation, mais
cela n'a pas été calculé. Ce n'est pas du tout cela qui
s'est passé. Ce n'est que la confirmation du statu quo en cette
matière par une phrase constitutionnelle. C'est ce qui se passe
maintenant dans cette question. On est intervenu là-dessus, mais
vraiment brièvement. C'est peut-être le sujet sur lequel on est
intervenu le plus brièvement. On a dit: Oui, cela va, pas de
problème.
M. Biron: Quand même, pour continuer le statu quo actuel
sur la formule de péréquation, cela prend des revenus au
gouvernement fédéral. C'était le but de ma question
puisqu'un peu plus tard on discute du partage des revenus. Une fois qu'on a
discuté du partage des pouvoirs, on a dit aussi: II faut avoir les
sources de revenus correspondant aux pouvoirs qu'on a. Si le gouvernement
fédéral a beaucoup moins de revenus, par contre, il va distribuer
beaucoup moins d'argent au niveau des provinces. Est-ce que cela va affecter la
redistribution avec la péréquation? Si le gouvernement
fédéral n'a plus d'argent, théoriquement, il ne peut pas
faire de péréquation.
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. J'avais
peut-être mal compris votre question. Actuellement, il n'est aucunement
question, à aucun endroit, d'un partage fiscal
fédéral-provincial tel qu'il diminuerait même
légèrement la part du partage fiscal qui revient au gouvernement
fédéral. Ce n'est pas du tout dans l'ordre des discussions que
nous avons présentement. Ce n'est intervenu à aucun moment. Il
n'est pas question d'un nouveau partage fiscal présentement. Il n'en est
pas question. Ce n'est pas intervenu. Personne ne s'est demandé
en fait, c'est la première fois qu'on le fait aujourd'hui si le
gouvernement fédéral aura assez d'argent pour continuer. La
réponse est oui, il en a beaucoup, mais cela n'est pas en cause. (16 h
30)
II y a une chose qui est en cause, c'est quelque chose que je dirai
tantôt sur l'imposition indirecte, avec une nuance très importante
que je vais apporter, pour ne pas qu'on se méprenne sur la portée
de l'imposition indirecte qui vient comme prochain sujet.
M. Paquette: Si le député de Lotbinière le
permet, juste une petite remarque. Je trouve son intervention
intéressante parce que cela nous permet de voir que, peut-être,
aller plus loin qu'une position de principe nécessite au
préalable une entente quant à la répartition des pouvoirs
et des fonds qui sont affectés à chaque gouvernement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je remarque que le
titre de la rubrique est double. On parle de péréquation et
d'inégalités régionales. C'est comme cela que c'est
libellé. Sauf erreur, la position du Québec porte sur le premier
membre, la péréquation. Sur les inégalités
régionales, il n'y a pas d'autres observations là-dessus.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison de signaler que
le titre est un peu bizarre. C'est la péréquation en tant
qu'instrument pour diminuer les inégalités régionales.
C'est cela, au fond, qui aurait dû être dit, mais on n'a pas voulu
changer les titres. C'est comme tantôt, on va avoir: ressources
naturelles et commerce interprovincial. Ce ne sont pas les ressources
naturelles et le commerce interprovincial d'autre part, ce sont les aspects
interprovinciaux des ressources naturelles. On a pris l'appellation
déterminée au cours de la conférence et on n'a pas voulu
la changer. C'est surtout la péréquation en tant qu'instrument de
lutte aux inégalités régionales, encore que je doive dire
qu'il est question de mettre un paragraphe ou deux dans la constitution pour
dire que le gouvernement fédéral et le gouvernement des
provinces, parmi leurs responsabilités normales et sans changer la
répartition des pouvoirs, doivent s'occuper de lutter contre les
inégalités régionales. C'est essentiellement cela. Mais il
n'y a pas grand-chose là-dessus. Vraiment pas.
Imposition directe
Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il d'autres
interventions sur ce deuxième sujet? Alors, est-ce que nous pourrions
dire tertio et... Nous sommes rendus à l'imposition indirecte.
M. Morin (Louis-Hébert): L'imposition indirecte est un
sujet un peu plus complexe sur le plan technique et un de ceux qui, en 1968,
ont provoqué le plus de travaux d'experts de l'extérieur à
cause d'une difficulté que je vais mentionner dans une seconde. Mais je
veux tout de suite dire une chose que j'ai notée dans le
troisième paragraphe de la première page de votre dossier. C'est
que ce n'est pas parce que, juridiquement, une province ou des provinces
auraient accès à des éléments de l'imposition
indirecte que cela donne nécessairement plus d'argent aux provinces. Je
pense qu'on règle là un problème juridique et non pas un
problème de partage effectif des ressources. Je veux m'exprimer plus
clairement encore parce que là il peut y avoir un plus grand malentendu
possible dans cette ronde constitutionnelle, celui de croire ce qui
n'est pas encore une chose sûre, évidemment que s'il y a
une possibilité pour les provinces de recourir à l'impôt
direct, elles vont pouvoir, effectivement, advenant le cas, y recourir, le
gouvernement fédéral étant déjà
présent dans ces domaines. C'est très clair que ce n'est pas le
partage, que cela n'est pas un don d'impôt indirect du
fédéral qui va dans les poches des provinces. Ce n'est pas ce
dont il est question, je souligne. Ce dont il est question c'est,
théoriquement, la possibilité pour les provinces d'avoir
accès à l'impôt indirect.
Or, l'impôt indirect est cet impôt si je peux lire la
définition quelque part qui est exigé d'une personne autre
que celle que le législateur entend faire payer. C'est une vieille
définition qui ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui, et je
l'explique dans le deuxième paragraphe; cela part de certaines notions
d'économistes du siècle dernier, à l'époque de la
Confédération; cela n'a pas été très
révisé depuis. Donc, cela n'a plus l'actualité que cela
avait à l'époque, à l'époque où les
gouvernements n'avaient pas tellement de sources de revenus comme celles qu'on
connaît aujourd'hui.
Ce que le Québec a demandé dans le passé, c'est
l'application du principe de l'accès à l'ensemble des ressources
fiscales. Avec une nuance double. L'impôt foncier et les droits
successoraux continueraient d'être exclusifs aux provinces, les revenus
de la douane exclusifs au gouvernement fédéral. Alors, à
l'époque, impôt foncier, droits successoraux je parle de
67, 68, à l'époque de M. Johnson droits successoraux
c'était plus important qu'aujourd'hui comme préoccupation
gouvernementale. Je ne veux pas faire l'historique fiscal, il y en a qui les
ont abandonnés.
Notre position actuelle est inspirée de cela, en tenant compte de
l'évolution, bien sûr. Notre position, c'est la suivante: L'ordre
du jour du présent exercice constitutionnel n'aborde pas le
problème de la taxation directe c'est encore plus important. Il
ne touche que la taxation indirecte. À ce propos, le Québec a
demandé que le paragraphe 2 de l'article 92 du BNA Act soit
modifié pour permettre aux provinces c'est là la substance
l'accès à toutes les formes de taxation, sauf toutefois
les droits douaniers. Je reviendrai au reste après. Je pourrais
peut-être m'en tenir à cela pour le moment et je voudrais
éviter dans cette matière, si on est le moindrement capable de le
faire, de devenir hautement technique. L'idée générale,
c'est qu'on a droit comme province à toutes les formes de taxation, sauf
que la douane reste au fédéral. C'est cela que cela veut
dire.
La difficulté pratique et celle qui a fait achopper beaucoup de
discussions en 1968, 1969, c'est que, si vous aviez droit aux impôts
indirects comme province, le fédéral exigeait que ce droit soit
limité donc, le droit vous l'avez, mais limité par
deux considérations. La première, c'est que vous ne devez taxer
que les citoyens de la province dans laquelle vous êtes et,
deuxièmement, que votre application de la taxation indirecte ne doit pas
constituer une barrière tarifaire masquée. La difficulté
qui s'est présentée, qui a demandé beaucoup de travail,
qui n'était pas résolue, c'est comment vous pouvez concevoir que
l'impôt indirect va aller aux provinces sans que ces difficultés
surviennent. Et le problème, au moment où je parle, va être
repris la semaine
prochaine. Je ne sais pas exactement où nous en sommes
présentement. C'est cela la position. C'est la même position qu'il
y a dix ans.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, il serait peut-être
intéressant de faire préciser une chose un peu dans le même
esprit que le ministre l'a fait tout à l'heure lorsqu'il a dit que la
péréquation, essentiellement, c'était d'inscrire dans des
textes une pratique vieille de 20 ans. C'est un peu la même chose dans le
cas de l'imposition indirecte dans les provinces. Même je pense que la
ville de Montréal, la première, dans les années vingt ou
quelque chose dans ce genre, a innové avec une taxe de vente et que, par
un subterfuge juridique, cette taxe indirecte a été
considérée comme une taxe directe.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.
M. Forget: Ce qui veut dire que, même avec un changement
constitutionnel, on se retrouvait le lendemain exactement dans la position
qu'on connaît aujourd'hui.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est exact. J'ai oublié
de le dire, c'est au milieu de mon premier paragraphe, M. le
député. Les provinces ont de plus en plus recours à des
formes de fiscalité qu'on pourrait facilement qualifier d'indirectes.
C'est déjà le cas maintenant. C'est une discussion qui peut
être fort technique. Cela ne changera pas énormément le
statu quo. Je ne le dis pas par esprit de parti, je le dis parce que c'est la
réalité. Vous venez d'ailleurs vous-même de le dire. Mais
je pense qu'il est quand même bon de faire le tour de la question. Je
n'ai pas autre chose à ajouter que cela.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière et chef de l'Union Nationale.
M. Biron: J'ai une question à poser au ministre. Est-ce
que dans les nombreuses discussions...
M. Morin (Louis-Hébert): Parce que M. le président
est en train de me dire qu'il est un expert en taxation indirecte. Il me dit
qu'il a enseigné cela pendant 25 ans.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas dit que
j'étais un expert. Je dirai simplement, à la suite de
l'intervention du ministre, que je me retiens beaucoup aujourd'hui pour de
multiples raisons, mais c'est mon métier et mon rôle. M. le
député de Lotbinière.
M. Biron: Le ministre a dit tout à l'heure, je crois avec
justesse, que, même si on donnait aux provinces des sources
théoriques ou constitutionnelles de revenus, de taxation, elles ne
pourraient employer ces sources qu'en fonction de la capaci- té de payer
du contribuable. Est-ce qu'il y a eu des discussions tout dernièrement
ou au cours des dernières rencontres vis-à-vis de certaines
sources de taxation indirecte qui pourraient être réservées
aux provinces et d'autres réservées au gouvernement
fédéral? Il y a toujours, à l'autre bout, Jean-Baptiste,
le "payeur de taxes" dont la capacité est limitée. Il est
déjà surexploité à l'heure actuelle. Ce serait
peut-être intéressant de savoir s'il y a eu une discussion dans ce
sens en particulier au cours des dernières réunions.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais vous répondre
très vite. Non, le but de la discussion n'étant pas de refaire le
partage fiscal, mais de rendre la constitution plus cohérente avec la
pratique. Celle-ci fait que déjà des gouvernements provinciaux
sont dans la taxation indirecte. La taxe sur l'essence pourrait très
bien, si on voulait faire des discussions, être qualifiée de taxe
indirecte. Il y en a une série d'autres. Cela n'a pas été
l'objet de la discussion, le partage fiscal. Ce qui a été l'objet
de la discussion, c'est: Est-ce qu'on écrit dans la constitution ce que
vous faites déjà dans une bonne mesure et, si on le fait, quelle
limitation met-on pour ne pas qu'il y ait de problème découlant
de l'application éventuelle de reconnaissance juridique? Ce n'est pas de
ça dont il a été question.
M. Biron: Est-ce qu'on a exploré aussi de nouvelles
sources de revenu, de taxation indirecte? Comme au dernier budget provincial,
on a imposé une taxe sur la publicité à la
télévision, tout ça.
M. Morin (Louis-Hébert): Non.
M. Biron: On n'a exploré aucune nouvelle source possible
où on pourrait dire: Cela relève du provincial, ça du
fédéral?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, carrément non. On a
mentionné ces choses, parce que dans la nomenclature, il a
été question de ces sujets, mais il n'a pas été
question... On est en train de faire l'inverse. Au lieu de dire: Tel secteur de
gouvernement a droit à telle taxe et tel autre à telle taxe,
comme tout le monde est de toute façon présent dans tous les
domaines, l'idée est de dire: Tout le monde a droit à toutes les
sources de revenu, sauf telles ou telles petites exceptions. C'est ça
dont il a été question. C'est le contraire de la procédure
adoptée jusqu'à il n'y a pas très longtemps d'ailleurs, en
vertu de laquelle on essayait mécaniquement de donner telle source de
revenu aux provinces, telle source au fédéral, et arrangez-vous
avec.
Ce n'est plus ça maintenant. Maintenant, la doctrine nouvelle,
depuis dix ou quinze ans, c'est que la distinction technique et juridique
datant du siècle dernier en taxation directe et indirecte, à
l'époque où les gouvernements étaient beaucoup plus
insignifiants non significatifs dans le sens d'intervention
étatique qu'aujourd'hui, cette
distinction n'a plus de raison d'être et la constitution n'en
tient pas compte, alors ajustons-|a. Ce n'est pas la recherche de nouvelles
sources de revenu. Il n'y a personne qui s'attend à faire $100 millions
quand ça va être adopté, si cela l'est.
M. Biron: Est-ce que ça voudrait dire aussi, si on accepte
la position du Québec aujourd'hui, que dans certains domaines en
particulier, je pense à l'amiante, on pourrait imposer une taxe, tant
par tonne d'amiante et finalement, ça deviendrait une taxe à
l'exportation, parce qu'on exporte 60%...
M. Morin (Louis-Hébert): Bon, très
intéressante question.
M. Biron: ... ou 80%? Ce serait peut-être
intéressant de voir quelle sorte de revenu additionnel on peut avoir, au
Québec, de matériaux qu'on exporte à l'extérieur du
Québec.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qui vient à la
question g), la propriété des ressources et le commerce
interprovincial, c'est exactement ce genre de problème. Ce n'est pas la
taxation indirecte.
M. Biron: À l'heure actuelle, selon notre formule de
taxation, le Québec n'a pas le droit de taxer des matériaux pour
le commerce interprovincial ou international, donc imposer une douane sur ses
propres produits. Si on accepte votre position, est-ce que le Québec
aurait le droit d'imposer une telle taxe?
M. Morin (Louis-Hébert): Je dirais que si on accepte la
position que l'Union Nationale avait eue, dont nous nous sommes
inspirés, ça ne donne pas ce pouvoir, ça n'est pas la
question. La question vient tantôt, avec la taxation des richesses
naturelles. Cela viendra, mais pas tout de suite. En réponse à
votre question, non ça ne donne pas ce pouvoir, ce n'est pas ça.
Peut-être que c'est moi qui ne suis pas clair.
Cela ne règle pas le cas du jugement de la Saskatchewan, avant
les élections en Saskatchewan, selon lequel il y avait une
impossibilité causée par le système actuel pour la
province de Saskatchewan d'agir comme elle l'aurait voulu dans le cas de la
potasse. Cela ne règle pas ce cas-là, ni l'amiante, ni rien.
M. Biron: Ne prenons pas les richesses naturelles. Si vous
voulez, on va prendre le meuble. On expédie beaucoup de meubles à
l'extérieur. À l'heure actuelle, une vente de meubles du
Québec vers l'Ontario, ce n'est pas taxable, avec la taxe provinciale.
Le meuble est taxable si on le vend au Québec. Est-ce qu'avec votre
formule de taxation indirecte on aura le droit d'imposer la taxe, non pas
simplement sur les meubles vendus au Québec mais aussi sur ceux vendus
en Ontario?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça. C'est
intéressant, ce que vous dites, parce que c'est tout le problème.
Il s'agit de donner si ça se peut, parce que ce n'est pas fait
techniquement aux provinces la possibilité de taxer ce genre de
choses. Mais, en même temps, il ne faut pas que la taxe qui est
imposée par une province soit payée par un citoyen d'une autre
province.
M. Biron: Cela ne nous donne pas plus le droit de taxer les
produits qui sont manufacturés dans une province et
expédiés à l'autre province, votre formule de taxation
indirecte. Cela donne simplement le droit de taxer certains produits qu'on
n'avait pas le droit de taxer auparavant, pour usage au Québec, au
niveau de chacune des provinces.
M. Morin (Louis-Hébert): Pour usage au Québec. Ce
n'est pas facile, sur le plan administratif, mais je pense que vous avez bien
décrit le problème avec les meubles, l'affaire des richesses
naturelles étant plus complexe, mais vous avez raison, c'est ça
le problème. Il ne faut pas que la taxe soit transférée
à une autre province; il ne faut pas non plus qu'elle serve à
toutes sortes de douanes internes pour bloquer le commerce interprovincial.
Dans quelle mesure l'application de ces restrictions va-t-elle annuler
le droit juridique nouveau, s'il y en a un? Je ne le sais pas.
C'est-à-dire que je le sais, c'est que ça va le réduire,
c'est évident. Vous avez parfaitement raison, c'est le problème.
(16 h 45)
M. Biron: Je voudrais terminer, M. le Président,
là-dessus, parce que c'est important, ce sont des taxes, des sources de
revenus.
M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce cas-là, ce serait
une source de revenus qui pourrait être plus substantielle.
M. Biron: II y a une taxe fédérale.
M. Morin (Louis-Hébert): Attention, M. le chef de l'Union
Nationale, encore faudrait-il que le fédéral s'en tasse. Il
faudrait que la capacité de payer permette qu'on s'y intéresse
activement.
M. Biron: On va prendre un meuble avant la déduction des
8%. Il y avait une taxe fédérale de 11% qui était
appliquée à la grandeur du pays, peu importe où
c'était manufacturé. Et même si c'était
manufacturé au Québec, si on l'expédiait en Ontario ou en
Colombie-Britannique, c'était la taxe de 11% qui s'appliquait quand
même, que ce soit vendu n'importe où. Et, en plus, il y avait une
taxe de 8% tout simplement pour les meubles vendus au Québec, dans ce
secteur en particulier.
Or, en ouvrant le pouvoir de taxer, même indirectement, sur le
commerce interprovincial, on pourrait peut-être finalement faire en sorte
qu'on puisse percevoir un certain montant de taxes sur ce qui va à
l'extérieur, comme on serait peut-être obligé de payer une
taxe pour les automobiles fabriquées en Ontario, dans le fond.
M. Morin (Louis-Hébert): Comme réponse à
votre question, oui, il y aurait une possibilité théorique que
nous utilisions ce nouveau champ fiscal, dans la mesure où il est
nouveau. Je dis bien théorique parce que, en pratique, si vous ajoutez
des taxes à ce qui existe déjà on va tous
être d'accord ici, autour de cette table. Il n'y a pas besoin de faire un
front commun c'est assez haut, les taxes, maintenant que je ne pense pas
que le citoyen en accepterait davantage sous prétexte qu'on vient
d'avoir une ouverture à un champ non exploité par les
provinces.
En pratique, je ne pense pas que cela ait cet effet. En théorie,
oui, et, éventuellement, dans X années, si le système
continuait tel quel. Je ne voudrais induire personne en erreur. Il ne faut pas
espérer de ceci une sorte de pactole fiscal.
M. Biron: Vous dites quelque chose qui peut être dangereux.
Vous dites, en théorie, oui. Cela veut dire que les provinces
manufacturières riches pourront imposer des taxes indirectement aux
citoyens des provinces manufacturières pauvres. On a parlé de
l'automobile tout à l'heure. Pour le meuble, c'est nous qui allons y
gagner, mais, pour l'automobile, c'est nous qui allons y perdre.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que je suis en train de
vous dire.
M. Biron: C'est pour cela qu'avant d'accepter de changer la
formule de taxation indirecte il faudrait peut-être y penser
sérieusement. Même si on pense pouvoir en profiter au
Québec d'une façon temporaire, on peut peut-être y perdre
dans l'échange, si nous ne sommes pas une province manufacturière
riche.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, M. le chef de l'Union
Nationale, parce que la restriction qui est prévue vise justement
à éviter ce que vous dites. La restriction qui est prévue
vise à éviter que vous n'ayez une taxe à payer sur des
autos provenant de l'Ontario.
M. Biron: Commerce interprovincial.
M. Morin (Louis-Hébert): Et eux ne paieront pas nos taxes
sur les meubles. C'est plus compliqué que cela, mais c'est cela que cela
veut dire.
M. Forget: Est-ce qu'on doit déduire des remarques que
vient de faire le ministre que le Québec accepte ces restrictions?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est celles que nous avons
mises ici.
M. Forget: À ce moment-là, l'objection que
soulève le député de Lotbinière tient.
M. Morin (Louis-Hébert): Entendons-nous bien. Il y a un
principe. Là où il y a un malentendu dans ce que nous sommes en
train de faire c'est pour cela que j'ai dit tantôt de faire
attention c'est que la discussion qui a cours maintenant n'est pas une
discussion de partage des pouvoirs. C'est une discussion qui n'a pas abouti en
1968-1969 à cause de complications comme celle que vous venez de nous
dire. C'est clair.
Aujourd'hui, on nous dit: Est-ce que les provinces devraient avoir
accès à la taxation indirecte, peuvent avoir accès
à la taxation indirecte? La réponse que nous donnons est: Oui,
les provinces doivent comme principe avoir accès à la taxation
indirecte. Nous croyons, comme principe, que oui.
Nous croyons aussi comme principe que la douane doit rester
fédérale, très bien. Si vous ajoutez tout de suite des
restrictions comme celle que vous mentionnez, vous venez de nier le pouvoir qui
vient d'être donné. Je ne sais pas si vous me suivez.
Avant d'en arriver là il faut dégager, s'il y en a un, un
consensus de la part des provinces. Est-ce que, en principe, vous pensez que
c'est une bonne idée que les provinces puissent taxer indirectement? Ce
n'est que cela qui est discuté maintenant. D'accord?
M. Biron: C'était le but de ma question et c'est pour cela
que, à l'heure actuelle, parce que le Québec importe plus qu'il
n'exporte, on serait pénalisé si on laissait les autres provinces
imposer une taxe interprovinciale.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais généraliser
votre problème. Le Québec et l'Ontario seraient gagnants,
globalement, par rapport aux autres. C'est plutôt cela qu'il faut dire.
Les provinces devraient se préoccuper de cela. Je ne veux nommer
personne, mais il y en a d'autres qui sont... Mais on n'en est pas là.
Tout le monde est conscient de cela.
M. Biron: Vous ouvrez un principe et cela vaut la peine d'aller
au fond des choses là-dessus. Cela peut nous causer préjudice,
comme cela peut peut-être nous rapporter. Avant d'accepter un tel
principe, je pense que c'est peut-être mieux de ne pas avoir le droit
d'imposer indirectement des taxes aux citoyens des autres provinces. Ce serait
peut-être mieux, mais je ne le sais pas. Si le ministre des Finances
était ici, il nous donnerait des chiffres justes et on pourrait
peut-être voir mieux. Mais je ne pense pas qu'aujourd'hui on soit
prêt à accepter un tel principe.
Tout à l'heure, le député de Saint-Laurent posait
le point d'interrogation lui aussi.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne veux pas que cette affaire
prenne trop de temps mais vous confondez deux choses qui n'ont pas lieu en
même temps: la négociation fiscale et la reconnaissance de
l'accès; en somme, si vous voulez, l'adaptation de la constitution au
statu quo. C'est cela que cela veut dire.
Le Président (M. Laberge): M. le député
d'Outremont avait demandé la parole.
M. Raynauld: Je vais, ici aussi, demander deux informations mais
peut-être, auparavant, je pourrais poursuivre un peu sur ce dernier
sujet.
Le ministre semble vouloir tenir séparée une
déclaration de principe disant que les provinces ont droit à la
taxation indirecte du principe qui pourrait venir à en limiter
l'application. La position, telle qu'elle est écrite dans le cahier ici,
ne comporte pas de restriction du tout. Les restrictions nous ont
été présentées comme étant soit des
obstacles qui se sont manifestés en 1968 et qui n'ont pas permis d'en
arriver à un accord...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est-à-dire que cela
s'est arrêté avant qu'on en arrive à un accord. On ne sait
pas ce qui serait arrivé.
M. Raynauld: ... ou bien des préoccupations qui peuvent
venir d'autres gouvernements mais sur lesquelles, compte tenu du libellé
de la position actuelle du Québec, le gouvernement à ce stade-ci
ne retient pas de restrictions à l'application...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, certainement pas à ce
moment-ci, mais la discussion est loin d'être terminée sur ce
sujet. Si j'en juge par les mois que les experts ont pris l'autre fois...
M. Raynauld: La question que je pose sous une autre forme est la
même que celle...
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis parfaitement conscient...
Je ne voudrais pas qu'il y ait de chicane inutile. Je suis bien conscient de
tout cela.
M. Raynauld: Je ne veux pas faire de chicane. Je veux seulement
savoir si le gouvernement du Québec, à la prochaine
conférence constitutionnelle, accepterait, pour faire passer le principe
de l'accès des provinces à la taxation indirecte, de mettre des
limitations à l'application, comme par exemple, que chaque province ne
peut taxer que ses propres citoyens et non pas ses voisins. Ce genre de
restrictions...
M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr, c'est le genre de
questions qui sont soulevées là-bas. Ce que je vais faire, je
vais, comme dans d'autres domaines qui peuvent venir ou comme cela a
été le cas depuis ce matin, prendre note de cela. C'est
évident qu'on est parfaitement conscient de cela. Mais nous avons, dans
cette matière, tenu exactement le même raisonnement que dans les
autres. Nous avons pris les positions telles qu'elles étaient
exprimées par les gouvernements avant nous et nous les avons reprises
là où elles étaient laissées. C'est cela qu'on est
en train de discuter maintenant. Vous dites qu'il faudrait peut-être
accepter des limitations, même en proposer nous-mêmes; d'accord, on
va regarder ce que les autres ont à dire aussi. Ce n'est pas, au point
où nous en sommes, une question qui va être résolue demain
matin, d'accord. Je suis parfaitement conscient de cela.
M. Raynauld: Très bien, merci. Deuxième question:
On reconnaît ici que le gouvernement fédéral aurait
accès exclusif aux tarifs douaniers comme source de taxation. Or, depuis
une dizaine d'années, les gouvernements ont trouvé des
méthodes alternatives d'obtenir les mêmes résultats que les
tarifs douaniers mais qui ne s'appellent pas du tout comme cela. Je fais
allusion ici aux subventions à l'exportation et, en
général, à tous les programmes subventionnés de
promotion des importations. Cela a les mêmes effets économiques
que le tarif douanier.
M. Morin (Louis-Hébert): Exact.
M. Raynauld: Est-ce que cela veut dire que si on doit faire une
constitution pour quelques années, on accepterait en même temps
des restrictions sur ces programmes de subventions aux exportations?
M. Morin (Louis-Hébert): Cette question n'est pas du tout
discutée présentement. C'est une de ces autres grandes questions
qui ne font pas partie de la ronde de discussions présentes et qui en
démontrent le caractère incomplet. Je suis conscient de ce que
vous dites mais cela n'est pas du tout le sujet. Ce n'est pas mêlant,
c'est l'article 92 je ne sais trop quoi qui est discuté
maintenant ou l'article 91 et c'est tout. Il n'est pas du tout question... Ce
n'est qu'une discussion juridique présentement à partir d'un
texte qui date de 111 ans. C'est cela. Il reste tous les problèmes que
M. le chef de l'Union Nationale a mentionnés auxquels on fait allusion
je ne sais trop où mais dont nous sommes conscients, ceux
qui ont été l'objet d'un tas de travaux d'experts, qui sont
restés en plan en 1970-1971 parce qu'il n'y a pas moyen d'arriver.
L'autre problème, les subventions et tout, c'est une autre paire
de manches. Ce n'est pas dans la ronde constitutionnelle. Ce n'est pas un sujet
qui est discuté.
M. Raynauld: Quelle est la position du gouvernement du
Québec sur ce sujet? Est-ce qu'il a l'intention de faire des
recommandations, de préparer des papiers là-dessus ou quoi que ce
soit? Est-ce qu'il entend participer activement à cette
renégociation?
M. Morin (Louis-Hébert): Si les sources d'information que
vous avez vous ont bien renseigné, vous savez maintenant que nous avons
participé à tous les sujets de discussions, sauf un, et que nous
allons continuer à le faire. Je dois vous dire une chose. Je pense que
vous allez vite comprendre. Il y a eu trois réunions de ministres
maintenant, deux avant la fin de l'année, une autre la semaine
prochaine, de deux jours et demi chacune. Je ne veux pas répéter
ce que j'ai dit. Il y a un tas de monde autour de la table. Il y a des sujets
dont certains peut-être pas selon nos priorités à
nous intéressent beaucoup les autres; je pense à la
monarchie, par exemple, qui a demandé du temps. Conséquence de
cela: II n'y a personne qui
est allé, au moment où je vous parle, encore dans tous ces
détails. Ce n'est pas une critique que je fais au processus qui est en
cours. C'est une constatation qui ne règle pas le problème, mais
qui fait qu'il y a certaines difficultés encore à
résoudre. On en est totalement et entièrement conscients.
M. Raynauld: Comme je...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est peut-être une de
celles dont je suis le plus conscient, parce que j'ai eu le devoir absolument
emballant, en 1968-1969, de suivre ces questions. Je peux vous dire que
c'étaient des discussions qui étaient dépourvues de
l'intérêt qu'on retrouverait normalement dans un film
policier.
M. Raynauld: Comme je n'ai pas...
M. Morin (Louis-Hébert): Pour être clair, c'est
à peu près le sujet le plus "plate" que je connaisse dans toute
la constitution.
M. Raynauld: Comme je n'ai vu aucun document relatif à la
taxation indirecte depuis au moins deux ou trois ans, je voudrais savoir si le
gouvernement du Québec a préparé un document sur la
taxation indirecte ou non...
M. Morin (Louis-Hébert): À l'époque, il y en
avait, il y en avait même un immense...
M. Raynauld: ... dans les négociations depuis quelques
mois.
M. Morin (Louis-Hébert): Personne n'en a depuis quelques
mois.
M. Raynauld: Depuis quelques mois, non. Personne n'a
examiné cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Personne n'en a, que je sache. Je
ne voudrais pas me tromper. Je peux bien dire cela: Est-ce qu'il y a quelqu'un
qui a fait des grands topos dans les autres provinces, ou le
fédéral, sur la taxation indirecte? Vous n'en avez pas eu
connaissance.
M. Bédard: Même dans les autres provinces...
M. Raynauld: Vous n'avez pas l'intention d'en préparer non
plus?
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais être honnête
avec vous. Je pars dimanche pour Vancouver. Réponse à votre
question: Non, vous m'en voyez fort contrit, mais non. C'est "plate" à
mort comme sujet.
M. Raynauld: Cela dépend des personnes. Je ne trouve pas
cela "plate" tant que cela.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a des gens qui ont certains
traits de tempérament qui les font s'intéresser... Il y a des
déviations comme cela. Qu'est-ce que vous voulez!
M. Bédard: M. le député de
Lotbinière, le chef de l'Union Nationale...
M. Biron: Je dirais au ministre que c'est peut-être "plate"
à mort, mais c'est le nerf de la guerre. C'est une question d'argent, et
c'est bien important de savoir exactement où on va.
M. Morin (Louis-Hébert): Encore une fois, ce n'est pas de
cela qu'on discute. C'est la formulation juridique de cette possibilité,
avec toutes les petites et grosses complications qu'on vient de mentionner.
M. Biron: Pour le ministre, je voudrais seulement faire... J'ai
regardé son document. Son document prévoit même qu'on ne
peut pas taxer, qu'on ne peut pas aller à l'encontre non plus de
l'article 121 de l'actuelle constitution qui prévoit qu'il n'y aura pas
de douane entre les échanges provinciaux.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit cela.
M. Biron: Cela veut dire que, si on est plus clair à la
fin, on a le droit à des sources de taxation indirecte au niveau de la
province, mais certainement pas pour faire indirectement ce qu'on n'a pas le
droit de faire directement en vertu de l'article 121.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison de vous
référer à l'article 121, qui n'est pas d'une clarté
limpide, mais qui est surtout une disposition transitoire, dans laquelle il y a
un esprit. Le problème que vous mentionniez tantôt, à tort
ou à raison, on a supposé qu'il était mentionné
dans l'article 121. J'aurais peut-être dû tantôt entrer dans
des technicités. Je n'ai pas voulu ennuyer tout le monde, mais l'article
121 est là.
M. Biron: En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que vous
prévoyez, par la position à l'heure actuelle, qui est en
continuité, comme vous dites, le droit de taxation indirecte, mais tout
simplement au niveau des citoyens de chaque province.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que nous
prévoyons à cause de 121.
M. Biron: On ne peut pas taxer les meubles pour aller à
l'extérieur ou l'amiante pour aller à l'extérieur et ainsi
de suite.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, et l'inverse non plus. On
pense que l'article 121 règle ce problème. Il y a peut-être
des avis juridiques différents. C'est cela qu'on est en train de
regarder. Peut-être que j'aurais dû le dire tantôt. Je vous
remercie de me le faire penser. J'aurais peut-être dû lire le texte
en entier. On aurait accroché ce passage, mais il est à l'article
121. Je ne sais pas si M. Raynauld...
M. Raynauld: Oui.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que l'article
121...
M. Raynauld: L'article 121, oui. M. Biron: Qui limite le
droit...
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Je ne veux pas faire de
discussion là-dessus.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela va pour... M.
le député de Saint-Laurent. (17 heures)
M. Forget: Juste une brève remarque, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II y a un mot qui a été utilisé
à plusieurs reprises je n'en fais grief à personne
mais qui, au fond, porte à confusion. Quand on parle des restrictions,
on dit qu'on veut reconnaître un droit dans la constitution, par
hypothèse, relativement au pouvoir d'imposition indirecte, mais le
fédéral exige un certain nombre de restrictions. À mon
avis, il s'agit moins de restrictions que d'un choix nécessaire au
niveau des provinces quant aux principes qu'elles veulent utiliser dans
l'exercice de ce pouvoir d'imposition indirecte. Ce que j'ai à l'esprit
est peut-être un peu technique, mais c'est le même genre d'exercice
et de choix, finalement, qui s'est imposé il y a environ une dizaine
d'années à l'intérieur du Marché commun lorsque,
à la suite d'un document sur les principes d'harmonisation fiscale
à l'intérieur du Marché commun, on a établi une
distinction dans le cas de l'imposition indirecte entre l'imposition qui se
fait sur le principe de l'origine des biens et celle qui se fait sur la base de
la destination. Or...
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je peux vous
interrompre?
M. Forget: Pas maintenant, vous le pourrez tout de suite
après, parce que j'ai un raisonnement et cela va me couper le fil.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! Mon Dieu Seigneur! On ne vous
dérangera pas.
M. Forget: Oui.
M. Morin (Louis-Hébert): On ne bourrassera pas la
table.
M. Forget: Ce que je voulais dire, c'est...
M. Morin (Louis-Hébert): Que personne ne fasse de
bruit.
M. Forget:... qu'il y a un choix nécessaire des provinces
qui font partie d'un marché commun par définition entre l'un ou
l'autre de ces principes d'utilisation du pouvoir d'imposition indirecte. Ou
elles doivent toutes utiliser l'imposition indirecte selon le principe de
l'origine, ou elles doivent toutes l'utiliser selon le principe de la
destination. On ne peut pas se retrouver dans un marché commun avec
certaines provinces qui le font sur le principe de l'origine et d'autres sur le
principe de la destination parce qu'à ce moment-là, il y a des
incompatibilités; il y a double imposition sur certains biens au moment
du passage d'une province à l'autre et aucun imposition sur certains
autres biens dans le cas du passage entre deux autres provinces ou deux autres
États. Donc, ce n'est pas tellement une restriction, mais c'est un
principe de cohérence dans une fédération que, s'il y a un
droit d'imposition indirecte qui est reconnu, il va falloir, malheureusement,
que tout le monde l'utilise de la même façon parce que, autrement,
cela va résulter en une espèce de charabia
incompréhensible. Dans ce sens, si tout ce que l'on veut faire, c'est
légaliser le statu quo, c'est-à-dire le fait qu'on a des taxes de
vente provinciales, il faut non seulement, de façon sommaire, dire qu'on
utilise un droit constitutionnel à l'imposition indirecte, mais aller
une phrase plus loin et dire qu'on reconnaît aux provinces le droit de
lever des impôts indirects selon le principe de la destination,
c'est-à-dire selon l'identité de l'usager qui est un
résident de telle ou telle province et pas d'une autre, plutôt que
selon la nature du producteur ou du vendeur du bien qui est un
établissement industriel ou commercial dans telle ou telle province.
Effectivement, c'est ce qui se fait dans le moment. C'est sur la base de la
destination du bien, de l'usager et c'est cela qu'on veut légaliser.
Maintenant, cela pose tout le problème. Est-ce qu'on voudrait changer de
système et imposer les biens sur la base de l'origine plutôt que
la destination? Les provinces vont devoir se décider. Elles ne pourront
pas faire les deux.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est pour cela que je voulais
vous interrompre tantôt. Je savais ce qui s'en venait. Si vous me le
permettez, je n'entrerai pas là-dedans maintenant. Je tiens compte de ce
que vous dites et on est parfaitement conscient de cela.
M. Forget: Ce n'est pas une restriction... M. Morin
(Louis-Hébert): Oui, enfin...
M. Forget: ... d'un niveau de gouvernement sur un autre. C'est la
restriction que constitue simplement la simple logique.
M. Morin (Louis-Hébert): Alors, disons que...
M. Forget: II faut choisir entre deux possibilités
mutuellement exclusives.
M. Morin (Louis-Hébert):... je serai très gentil.
Le fédéral ne veut rien restreindre. Il ne veut pas prendre de
risque. Point.
M. Forget: Mais les provinces ne devraient pas en prendre non
plus dans ce contexte pour les raisons qu'a indiquées le
député de Lotbinière. Elles doivent choisir. Elles doivent
exiger que les autres choisissent en même temps de la même
façon qu'elles.
M. Morin (Louis-Hébert): Parfait.
Droit de la famille
Le Président (M. Laberge): Voulez-vous passer au sujet
suivant qui est le droit de la famille qu'on a identifié comme
cinquième article ou article e)?
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais donner la parole à
mon collègue de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je résume
très rapidement. Depuis longtemps, on parle de l'urgence de la
création d'un tribunal de la famille. On sait que la commission de
refonte du Code civil en fait état. De nombreux mouvements, de
nombreuses associations dans le Québec ont également fait
état de cette urgence de la création d'un tribunal de la famille
intégré qui puisse traiter globalement de l'ensemble des
problèmes de la famille à partir des problèmes des enfants
en difficulté en passant par les problèmes du couple, divorce,
séparation, pension alimentaire, etc., dans un même forum, devant
un même tribunal.
Étant donné, à l'heure actuelle, la situation
constitutionnelle qui fait que le gouvernement fédéral a
compétence en matière de mariage et de divorce, alors que les
provinces sont compétentes en matière de
célébration des mariages et de propriété de droit
civil, ceci amène comme résultat qu'au Québec il n'y a pas
moins de cinq tribunaux qui sont habilités à entendre les litiges
en ce qui regarde le droit de la famille, entre autres la Cour
supérieure, la Cour des sessions de la paix, la Cour municipale, le
Tribunal de la jeunesse et la Cour provinciale, ce qui donne comme
résultat que le citoyen s'y retrouve difficilement. Depuis longtemps,
cette urgence de la création d'un tribunal de la famille a
été réclamée par le Québec et par les autres
provinces. Maintenant, les problèmes constitutionnels ont bloqué
et bloquent encore un projet de cette nature-là.
Pour résumer rapidement, disons qu'en 1968 le Québec
demandait que le mariage et le divorce relèvent de la compétence
provinciale; en 1968 également, le Québec proposait aussi que les
provinces nomment à l'avenir les juges de la Cour supérieure, des
cours de comté et de district, ce qui correspondait à toutes fins
utiles à la disparition des articles 96 à 100 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Essentiellement, si le
fédéral disait oui, ceci nous permettrait de répondre
à cette urgence de la création d'un tribunal de la famille. Ce
sont essentiellement ces positions que nous véhiculons à
l'intérieur des discussions constitutionnelles qui ont lieu et que
substantiellement j'ai véhiculées précédemment dans
deux conférences interprovinciales et dans une conférence
fédérale-provinciale.
Le Président (M. Laberge): Cela résume votre
explication, M. le ministre?
M. Bédard: Je pense que oui, à moins qu'on ne me
demande d'aller dans des explications techniques constitutionnelles.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'aurais une question pour le ministre de la Justice,
précédée d'un très bref commentaire. Je pense qu'il
s'agit là d'une possibilité très intéressante sans
peut-être aller jusqu'à dire que, s'il y avait seulement cela qui
résultait des présentes séries de conférences, ce
ne serait déjà pas si mal, étant donné que cela
fait longtemps que c'est en suspens et que cela réglerait quand
même un certain nombre de problèmes d'intérêt direct
pour des individus, des personnes placées dans des situations
difficiles. J'aimerais savoir du ministre de la Justice s'il est exact,
malgré tout, que, même si le Québec avait une
entière juridiction suite à des modifications constitutionnelles
sur les questions de droit de la famille, il reste qu'on ne passerait pas de
cinq tribunaux à un seul. On passerait, j'imagine, à deux
tribunaux au moins ou peut-être à un tribunal avec deux divisions.
Parce qu'il y a quand même les matières civiles et les
matières pénales qui relèvent du droit de la famille
interprété très largement. Les questions de refus de
pourvoir, les questions de "délinquance juvénile" entre
guillemets, parce qu'on donne à cela un autre nom, mais il reste que
c'est bien connu comme cela seraient traitées par une division
pénale ou criminelle et les questions de séparation, de
détermination de pension alimentaire, d'adoption seraient
traitées par une division civile. Le minimum, ce sont deux forums de
délibération judiciaire et pas un probablement, même si,
bien sûr, le fait d'avoir un greffe commun et des services connexes
communs à la même cour, avec deux divisions, améliorerait
les choses. Je voulais m'assurer que c'était bien là la
perception du ministre aussi.
M. Bédard: Oui, c'est ma perception. Ceci nous permettrait
un tribunal de la famille avec des divisions qui s'occuperaient, d'une part, de
juridictions concernant les affaires civiles et, d'autre part, concernant les
affaires pénales. Cela nous permettrait la création d'un tribunal
de la famille unique.
Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: J'ai écouté avec attention ce que le
ministre nous a dit au sujet du droit de la famille. Je pense que les positions
qui sont exprimées là, encore une fois, sont issues la plupart du
temps de l'Union Nationale. Je souscris
à ces propositions. Seulement, j'aimerais entendre le ministre
nous dire où en sont les discussions actuellement.
Sur certains autres points, tout à l'heure, on a vu qu'il y avait
déjà eu des ententes préalables entre les provinces face
au gouvernement fédéral. Je ne sais pas, ici sur ces points,
où en sont rendues les discussions actuelles. Est-ce que le ministre
pourrait nous dire s'il y a de ce côté une ouverture d'esprit des
autres provinces qui pourrait nous amener possiblement, à la prochaine
conférence, à une entente qui pourrait déboucher sur ces
points?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Bédard: Je peux difficilement discuter des positions
fédérales, jusqu'où en est rendue la position
fédérale, la position des autres provinces, étant
donné la règle du huis clos. Je dirais, d'une façon
générale, qu'il y a lieu de continuer la discussion, qu'il y a
lieu d'espérer des modifications appréciables.
M. Fontaine: Mais on a vu, par exemple, comme tout à
l'heure, sur le pouvoir déclaratoire, qu'il y avait une entente quasi
formelle entre les provinces, et cette entente a été
formulée au gouvernement fédéral par une lettre de M.
Loug-heed à M. Trudeau, et parce que cette lettre touche plusieurs
points, je ne crois...
M. Bédard: Disons que là-dessus, je ne suis
malheureusement pas en mesure de vous dire que toutes les provinces ont
exactement la même position. Cela fait l'objet de discussions. Il reste
qu'il y a une même préoccupation, tant au Québec que dans
les autres provinces, c'est la nécessité, l'urgence d'en arriver
à la possibilité de la création d'un tribunal unique, le
tribunal de la famille. Maintenant, si on parle du rapatriement, pour employer
l'expression, des juridictions concernant le mariage et le divorce, je ne suis
pas en mesure de vous dire que toutes les provinces ont les mêmes
vues.
M. Fontaine: D'accord.
M. Forget: II y en a qui aimerait mieux ne pas s'occuper de
divorcer.
M. Bédard: Je pense que cela infère des
propos...
Le Président (M. Cardinal): Une chance que le Code civil a
été adopté avant la Confédération!
M. Bédard: Ce n'est pas sûr.
M. Fontaine: Encore là, si, par exemple, des provinces
veulent que ce champ de compétence continue à être
occupé par le gouvernement fédéral, est-ce qu'il y a des
possibilités qu'une entente intervienne, à savoir que ces
provinces pourront se prévaloir de ce droit ou de ce privilège,
si on peut l'appeler ainsi, et que les autres provinces décideront
d'occuper ce champ de compétence?
M. Bédard: Cela fait partie des possibilités, des
hypothèses qui sont envisagées à l'heure actuelle.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Une seule autre question. Au risque d'être
accusé de soulever des détails techniques, je présume
qu'il y a des modalités d'application. Un transfert de juridiction,
normalement, s'accompagne d'une règle, d'une espèce de clause
grand-père. Les lois promulguées par le Parlement qui avait
juridiction au moment du transfert continuent de s'appliquer jusqu'à ce
qu'elles soient modifiées par le Parlement qui a nouvellement
juridiction.
M. Bédard: Si transfert il y avait...
M. Forget: Cela ne devient pas caduc automatiquement.
M. Bédard: II s'infère nécessairement qu'il
y a une continuité légale qui doit être
respectée.
Communications
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que sur ce
cinquième chapitre il y a d'autres interventions? Dans ce cas, l'article
6, si on peut l'appeler ainsi, les communications. Je rappellerai cependant
qu'à la séance d'hier j'ai indiqué que les pages 13 et 14
avaient été corrigées et que le texte avait
été distribué par le secrétariat des commissions
à tous les membres de la commission.
M. Morin (Louis-Hébert): Sauf que moi, je n'ai pas eu le
mien.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Ma
générosité a fait que je l'ai donné à
quelqu'un.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, vous
êtes très bien servi. M. le ministre des Affaires
intergouvernementales. (17 h 15)
M. Morin (Louis-Hébert): Sur le sujet qui vient, qui
était un des importants sujets non réglés des
dernières années, celui des communications, il y aurait beaucoup
à dire; je ne veux pas entreprendre ça, parce que ce serait trop
long. C'est justement un des sujets les plus discutés et c'est celui
où il y avait eu des prises de position très claires de la part
de l'ancien ministre des Communications du gouvernement
précédent.
Je ne veux pas, aujourd'hui, prouver l'importance des communications,
d'accord? On n'entrera pas là-dedans. Je pourrais faire un grand topo,
j'ai un droit de parole illimité, mais je pense que tout le monde va
être bien content si je ne m'en sers pas pour montrer que les
communications, c'est un domaine important. On est d'accord là-dessus;
à moins qu'on y tienne, je n'en parlerai pas. Je suppose que les gens en
sont conscients.
Deuxièmement, ça n'est pas un domaine à propos
duquel il y a quoi que ce soit d'écrit dans la constitution, sauf qu'il
y a quand même eu des décisions de cour qui ont eu un impact
considérable sur le partage des pouvoirs. Troisièmement, c'est un
sujet qui a été abordé pour la première fois
et les gens furent peut-être un peu surpris à l'époque
par Daniel Johnson, dans une déclaration, la première de
toutes qu'il a faite, d'ailleurs, à la conférence
constitutionnelle interprovinciale de novembre 1967, à Toronto, qui est
devenu, par la suite, un sujet d'actualité. Il y a eu un
ministère des Communications créé à Québec,
etc. Je laisse passer l'histoire, j'ai fait mon cours d'histoire hier
après-midi. Alors, ça suffit.
Le Président (M. Cardinal): Sous M. Bertrand.
M. Morin (Louis-Hébert): Sous M. Bertrand, c'est
ça, vous avez raison. Bon. Il y a eu entre 1970 et 1976, je ne me
souviens pas de la date exacte, un livre blanc présenté par le
ministre des Communications à l'époque. Ce livre blanc contient
fondamentalement la position qui est celle que le Québec défend.
Je dois cependant dire c'est la cause de la petite erreur technique
d'hier que, vers 1976, une proposition avait été faite
conjointement par la Saskatchewan et le Québec, qui n'a jamais
été traduite en français officiel, et c'est pour
ça, je m'en excuse, qu'elle est en anglais, nous vous la remettons
aujourd'hui. Ceux qui l'ont eue hier l'ont déjà. Le Québec
s'est rallié à cette proposition. Il demeure rallié
à cette position saskatchewano-québécoise, si je peux
m'exprimer ainsi.
La positioin était la suivante, elle est résumée
à la page 2 de notre texte, je le lis, parce qu'il s'agit de cinq
lignes, c'est l'avantage d'avoir des petits textes. Le Québec ne fait
que reprendre les positions exprimées en 1975/76, en acceptant cependant
la demande de la Saskatchewan de préciser davantage le partage des
compétences sur l'octroi des fréquences et autres questions
techniques du genre. Le texte cité plus haut - celui qui vous a
été ajouté a donc été modifié
en conséquence, sans que sa portée politique en soit
diminuée.
Nous nous sommes donc ralliés à la position de la
Saskatchewan et la nôtre, c'est bien évident puisque nous en
faisons partie, sauf que si, évidemment, la Saskatchewan laissait tomber
cette position, ce dont je n'ai pas d'indication maintenant, nous reviendrions
à la position de M. L'Allier prise en novembre 1973 dans son livre
blanc.
Est-ce que ça vaut la peine que je lise le texte en anglais? Je
ne pense pas.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que la commission en
dispense le ministre?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que comme il n'est
pas arrivé en même temps... Disons que je ne le lirai pas.
Le Président (M. Cardinal): II a été
distribué hier.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça, voilà. Il
a été distribué d'une façon telle, vous allez
remarquer notre souci, qu'il prend exactement ou à peu près le
même espace que votre texte erroné que vous avez maintenant et
qu'il suffira dans tous les partis, il y a des gens habiles pour le
faire de mettre du "scotch tape" et de coller ça là ou de
faire une photocopie.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, on fait des
papillons.
M. Morin (Louis-Hébert): Des papillons, voilà,
c'est ça, c'est exact.
Cela étant dit, au-delà de toutes les
considérations d'ordre technique ou anecdotique, il demeure que, sans
entrer, encore une fois, dans une élaboration de l'importance des
communications, il s'agit d'un sujet majeur pour le Québec. Cela a
peut-être été le grand sujet des années 70 à
76, sur le plan fédéral-provincial, ça faisait partie de
la souveraineté culturelle à l'époque, c'était un
des éléments. Les autres, je ne les ai jamais trop connus, mais,
en tout cas, celui-là était connu.
Je m'excuse de cette remarque d'ordre partisan que je retire à
l'instant. Je la transforme en remarque d'ordre historique. C'est la position
de ces années que nous avons carrément reprise, parce qu'elle est
plus précise que celle adoptée avant par l'autre gouvernement,
que je ne blâme pas, parce que le problème se posait
différemment.
Donc, la question a évolué, nous avons repris cette
position et voilà, c'est là où nous en sommes maintenant.
Si on veut partir la discussion, je pourrai revenir avec d'autres
précisions par la suite.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
l'Opposition officielle. M. le député de Saint-Laurent, je vois
que vous avez une envie...
M. Forget: Est-ce que le gouvernement s'est satisfait des
implications de cette position traditionnelle du Québec? Par exemple,
relativement au réseau téléphonique, si je comprends bien,
cela suppose une juridiction provinciale complète. Il y a certaines
implications, j'imagine, au niveau des réseaux de communication dits
nationaux, sur le plan téléphonique, système de
micro-ondes et ce qu'on appelle le "trunk system" des grandes lignes de
communication téléphonique, téléinformatique, etc.,
et la détermination des tarifs sur ces lignes.
Est-ce qu'il n'y a pas là une zone un peu grise
malgré tout, dans une position qui fait reposer cela sur la
juridiction exclusive de chacune des provinces? Je comprends que pour les
tarifs domestiques, ce que je fais pour mon téléphone, etc., il
n'y a pas de problème. Mais qui va s'occuper de déterminer le
coût d'un appel entre Vancouver et Montréal? Étant
donné les décisions qui seront prises à ce niveau,
étant donné ce qu'on allègue être le cas dans le
moment je ne sais pas si c'est vrai que les compagnies de
téléphone subventionnent, à même les profits des
appels interurbains, les services locaux est-ce qu'il n'y a pas
là des problèmes extrêmement délicats?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez vu la note qui
accompagne la position. Il y a certaines précisions techniques qui nous
ont été apportées, que nous n'avons pas maintenant. On va
les avoir la semaine prochaine, pour reprendre la discussion, parce que nous
travaillons cela de concert avec une province et nous avons donné notre
parole de le faire avec elle. De ce côté, on pourra comprendre que
je ne fais que mentionner qu'il y aura des précisions. Mais cela ne
change pas la partie politique, je veux bien le dire.
Il y a eu une distinction de faite entre quatre sujets, tous
reliés aux communications, les spectres de fréquence, les
transporteurs de communication, les émissions de radio et de
télévision et la câblodistribution elle-même.
Une des complexités de tout le problème des communications
au Québec est peut-être le fait que le monde n'a pas toujours
compris de quoi on parlait. Par moments, il était question de
câblodistribution, par moments de Radio-Canada, par moments de
télévision, par moments de téléphonie, par moments
de transports de données, par moments de spectres de
fréquence.
Tout cela est discuté actuellement. Il y a eu deux temps. Premier
temps, discussion quant au principe, parce que c'est comme cela qu'on
procède. J'ai oublié de dire cela hier ou ce matin, j'aurais
peut-être dû le dire. Nous ne sommes pas les seuls à parler
de principes. Je découvre qu'il y a aussi beaucoup de nos amis
anglophones qui aiment beaucoup discuter de principes, qu'ils soient politiques
ou juridiques. De ce côté-là, je pense que nous sommes un
peu tous dans le même bateau.
D'abord, il y a eu une discussion de principe sur les communications
comme telles, où chacun a dit son mot. Une fois la discussion de
principe bien entamée, sont venues des considérations d'ordre
plus technique, spectres de fréquence, transporteurs,
téléphonie, émissions courantes, "broadcasting" habituel
et câblodistribution.
Sur ces points, nous appliquerons, quant à chacun des domaines,
une position inspirée des positions antérieures du Québec,
avec cette nuance-ci. Nous savons très bien, ce n'est pas une
nouveauté, que dans un système fédéral, bien
sûr, il faut qu'il y ait quelqu'un qui attribue des spectres de
fréquence. Autrement, ce qui va se passer, c'est que les postes de radio
et de télévision, s'il y a une anarchie, peuvent très bien
se marcher les pieds les uns sur les autres, dans la mesure où des
postes de télévision peuvent se marcher sur les pieds. Je ne sais
pas comment on fait cela, techniquement, mais cela peut arriver. Il peut y
avoir du chevauchement. Cela chatouille les ondes. Et quand
l'électricité arrive par mottons dans des films qui ont des
noeuds, cela bloque.
M. Bédard: L'exemple est technique.
M. Morin (Louis-Hébert): Mon exemple est technique, je
m'en excuse. Une des choses que nous avons dites, c'est qu'il peut y avoir des
attributions faites par le gouvernement fédéral je ne sais
pas quel est le mot technique de portions de fréquence,
lesquelles seraient attribuées, au niveau provincial chaque
spectre à l'intérieur de cela par l'autorité du
gouvernement provincial en cause.
C'est une des considérations qui fait que nous tenons compte de
la nécessité d'éviter, de ce côté-là,
une certaine anarchie. Il y a aussi tout l'aspect international qui entre en
ligne de compte.
Je peux continuer, évidemment, dans des domaines techniques,
mais, je voudrais l'éviter. Je peux le faire si vous le voulez, mais le
principe est là; il est exprimé ici. La différence qu'il y
a entre ce qui va venir la semaine prochaine et ce que nous avons maintenant,
c'est que nous ne modifierons pas la portée politique de cela. Nous
tenons compte de certaines contingences à l'intérieur du
système actuel qui font qu'il peut y avoir des incompatibilités.
C'est sûr que, si vous êtes dans un système
fédéral, vous ne pouvez pas pour autant ne pas tenir compte de
ceux qui sont autour de vous et qui peuvent chevaucher vos fréquences.
Il faut qu'à ce moment-là il y ait entente et, là-dessus,
la discussion n'est vraiment pas entamée. Je pense qu'elle a
peut-être été abordée au niveau des fonctionnaires
brièvement et elle reprend la semaine prochaine. C'est un des sujets les
plus compliqués qui existent.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: De la part du gouvernement du Québec, on ne va
pas au-delà des positions qui ont été définies
d'une façon quand même assez précise il y a deux ou trois
ans. Il n'y a pas de travail écrit qui pourrait nous permettre de voir
jusqu'à quel point l'étude en détail a progressé
par rapport à cela, c'est-à-dire sur les aspects techniques qui,
malgré tout, à un moment ou l'autre, vont devenir des pierres
d'achoppement. Je pense, par exemple, à ma règle du contenu
canadien dans les émissions. Si le fédéral ne le fait
plus, est-ce que chaque province acquerrait le droit de déterminer la
portion de contenu canadien ou de contenu provincial à la limite?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.
M. Forget: Est-ce que cela ne peut pas causer des
problèmes dans le domaine...
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je
reviens à ma considération de tantôt. Si les provinces sont
des États, avec une souveraineté interne dans les domaines de
leur compétence et que la communication est un des domaines de leur
compétence, ils prendront, ces États, leurs
responsabilités. Cela est une position à laquelle je pense qu'il
est logique de tenir en ce qui nous concerne.
Deuxièmement, nous n'avons pas modifié les positions,
mais, à mesure que la discussion a avancé, nous l'avons
technicisée en quelque sorte parce qu'on a été longtemps
au Québec à émettre des préoccupations d'ordre de
principe. Cela a commencé avec l'Union Nationale en 1968; par la suite,
avec M. L'Allier, cela s'est précisé davantage et, au cours des
dernières années, cela s'est précisé encore
davantage. Nous avons évolué. C'est pour cela que je viens de
faire cette distinction. Peut-être pas au moment où on parle, mais
ces jours-ci, il y a des rédactions de textes qui se font comme celui-ci
pour tenir compte des modifications techniques dont je viens de parler.
Cependant, je veux vous dire ceci: II est impossible aux onze
gouvernements de faire actuellement des études techniques pour arriver
à des conclusions constitutionnelles sur les discussions en cours. Je
répète qu'il est impossible de le faire chronologiquement et
humainement parce que nous n'avons pas le temps de le faire. La ronde
constitutionnelle a commencé au mois de novembre 1978 et elle se
termine, pour cette première vague, le 5 février 1979,
c'est-à-dire qu'il y a exactement novembre, décembre et janvier,
la période de Noël là-dedans. La première
réunion des ministres a eu lieu le 23, 24 ou 25 je ne m'en
souviens pas novembre.
Par conséquent, personne n'a fait je ne pense pas
dévoiler de secrets d'études techniques comme celles qu'on
aurait peut-être pu faire ou qu'on aurait peut-être dû faire
si on avait eu beaucoup plus de temps. Je pense que là-dessus le
Québec est exactement sur le même pied que les autres provinces et
que le gouvernement fédéral qui, lui, a évidemment ses
études antérieures, comme nous d'ailleurs. Nous prenons celles du
ministère des Communications, mais il n'y a pas de grands experts
communicateurs ou de communications qui sont autour de la table. Nous avons
spécialement je ne sais pas si c'est une caractéristique
des ministres, cela tenu à ce que les réunions se tiennent
au niveau des ministres pour éviter de se perdre dans des
considérations qui seraient trop techniques comme cela a pu être
le cas dans le passé. Cela a le désavantage c'est une des
choses que vous soulevez que nous ne disposons pas maintenant de grandes
études que nous aurions préparées avec des experts de
l'extérieur pour nous dire quoi faire. C'est le choix qui a
été fait non pas par nous; encore une fois, je le
répète, cela a été le mode, de procéder qui
nous a été proposé au mois de novembre dernier à la
conférence constitutionnelle. Ils nous ont dit que cela pressait et nous
avons dit: D'accord, si cela presse, on va regarder cela avec vous. Il ne faut
pas nous demander aujourd'hui d'avoir fait, entre-temps, des études. Il
n'y en a pas, ni de nous, ni des autres, sauf celles qui étaient
déjà disponibles, évidemment.
M. Forget: M. le Président, seulement pour revenir un peu
sur ce point.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Forget: La raison pour laquelle je pose ces questions, c'est
que, bien sûr, quand on touche aux communications, on touche à un
problème qui est soulevé depuis longtemps sur le plan politique
et qui, même sur le plan des difficultés techniques on
aurait pu le supposer aurait dû faire l'objet d'une étude
intense et peut-être d'autant plus intense depuis un an ou deux. (17 h
30)
Je crois que c'est le député de Rosemont qui, dans son
livre, suggère qu'il y aurait dans une association un secrétariat
des communications, j'imagine, qui serait là pour résoudre un
certain nombre de problèmes tels que, par exemple, la tarification sur
les réseaux interprovinciaux de communications, les problèmes de
savoir à quel niveau serait établie la tarification pour
éviter que certaines provinces ne fassent les frais des services dans
d'autres provinces, etc. Ce sont des questions extrêmement
concrètes qui devraient être résolues, je
présume.
Si ce ne sont pas ces questions qu'on voudrait résoudre, il y en
aura d'autres, mais il y aura sûrement un certain nombre de
problèmes. Si on envisage la possibilité de réseaux, au
niveau des communications, télévision ou radio, il y aura
également la nécessité de formuler des normes communes
d'un organisme pour les formuler. La question de la publicité
commerciale se pose justement, et la réglementation de la
publicité commerciale sur des moyens de communications de masse pose
également un problème dans la mesure où il y a des
réseaux. Si les réseaux franchissent les territoires provinciaux,
cela pose immédiatement un problème d'autorité sur cette
tarification qui déborde les frontières. Jout cela, j'aurais
imaginé que dans le contexte même d'une association, on ferait des
études pour départager les questions d'intérêt
territorial, strictement d'intérêt et de compétence
territoriaux, et les questions d'intérêt et d'importance, en
quelque sorte, supra ou extra-territoriaux et communs à un certain
nombre d'unités associées, parce que dans une certaine mesure,
ces problèmes sont des problèmes technologiques.
Le droit essaie bien imparfaitement de les circonscrire, mais la
réalité technologique ne changerait pas, quel que soit le
régime politique du Québec. Comme ce sont, par définition,
des réseaux de communication, c'est fait pour communiquer, donc cela va
nous amener à communiquer avec d'autres que nous-mêmes. Cela
pose
tout de suite la question des règles de réglementation sur
les tarifs, sur la publicité, sur le contenu, etc., dans la mesure
où on s'implique dans des communications qui dépassent nos
frontières. Tout cela, ce sont des problèmes auxquels le
gouvernement actuel va devoir se confronter, quelle que soit l'issue de la
conférence et, prati-quemment, quelle que soit l'issue du
référendum. Je suis un peu étonné qu'on nous dise:
On n'a eu que quelques semaines pour y penser. Dans le fond, vous avez
certainement eu deux ans pour y penser.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Saint-Laurent, votre question est très vaste. Je
sais que le ministre est désireux d'y répondre et que d'autres
députés veulent intervenir.
M. Paquette: En vertu de l'article 96 tout simplement, je suis
heureux de voir que le député de Saint-Laurent s'est mis à
des lectures sérieuses. Je pense qu'il a mal lu, parce que nulle part,
dans le livre que mon collègue de Verchères et moi avons
écrit, nous n'avons proposé de secrétariat de
l'association Québec-Canada. C'était dans le cadre de
l'association, et non pas du régime fédéral actuel.
Même dans ce cadre, nous n'avons aucunement proposé de
secrétariat conjoint pour s'occuper d'une espèce de réseau
Québec-Canada de communications.
M. Forget: Dans votre diagramme, il y a une boule avec
"communications, transports".
M. Paquette: Vous n'avez regardé que le diagramme.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! J'ai
déjà indiqué que l'article 96 ne permettait pas de
débat. Comme nous en sommes à l'heure qu'il est, à cette
horloge officielle, je voudrais éviter un autre débat de
procédures. Si vous permettez, je vais faire comme j'ai
procédé ce matin, et vous demander si la commission est
unanimement d'accord pour que je suspende ses travaux à 18 heures pour
les reprendre à 20 heures.
Des voix: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Par
conséquent, je vous informe immédiatement qu'à 18 heures,
d'office, je quitterai ce fauteuil et que nous nous reverrons à 20
heures au même endroit.
M. Morin (Louis-Hébert): On vous dira au revoir.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Très rapidement, il
faudrait encore une fois dissiper une confusion. Je pense qu'il n'est pas exact
de dire qu'on n'a pas ce qu'il faut pour discuter sur le plan des
communications dans le cadre des dossiers de négocia- tions relatifs
à la souveraineté-association. Ce n'est pas ce dont il est
question présentement. Je ne voudrais pas qu'on nous incite toujours, du
côté libéral, à mêler les sujets pour ensuite
nous dire que nous faisons de la souveraineté-association dans le cadre
du fédéralisme actuel. On fait bien attention de ne pas le faire.
Il ne faudrait pas qu'on nous le reproche maintenant. Je comprends qu'on a
toujours tort, mais quand même.
Deuxièmement, j'ai dit en Chambre, à plusieurs reprises,
qu'en plus des études que nous avons rendus publiques à
peu près toutes, il en reste quelques-unes à venir il y en
avait d'autres aussi qui étaient des dossiers normaux de
négociations, et nous en avons sur à peu près tous les
domaines, y compris, donc, les communications.
Ce qui se passe présentement, c'est que nous avons pris le relais
des positions antérieures exprimées par M. L'Allier pour nous
rendre à une conférence constitutionnelle à laquelle nous
étions convoqués purement et simplement. Et on ne peut pas nous
blâmer de ne pas avoir préparé dans le cadre actuel, dans
le régime actuel des études pour ce qui est de la
répartition des compétences en matière de communication,
alors que nous n'avons, en définitive, que deux mois et demi pour en
arriver à quelque chose. Le danger cependant et je suis content
de le signaler est qu'il peut y avoir une tentation
fédérale je pense que le député de
Saint-Laurent vient de montrer les complexités du sujet de dire:
C'est tellement compliqué que c'est mieux que cela reste
fédéral en vertu du principe que quand c'est important, quand
c'est compliqué et quand cela touche beaucoup de monde et quand c'est
significatif, par essence, c'est fédéral. Il y a un danger de ce
côté que nous verrons aboutir ou non, se manifester ou non au mois
de février ou la semaine prochaine peut-être. Je passe la parole
à... Excusez. Je vous donne à nouveau la parole, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je la prends avec
plaisir. Je reconnais que M. le député de Taschereau avait
demandé la parole.
M. Guay: Je me rappelle les années que j'ai passées
au ministère des Communications, j'étais justement responsable de
ce dossier. Le député de Saint-Laurent exagère
considérablement la difficulté technique et en invente même
des aspects. À l'heure actuelle, dans la situation actuelle, le
système téléphonique canadien est morcelé de
plusieurs façons, certains morceaux étant sous juridiction
fédérale, d'autres, sous juridiction provinciale. Par exemple, un
appel téléphonique entre Edmonton et Winnipeg via la
Saskatchewan, donc entre trois provinces, part d'une société
d'État albertaine, passe par une société d'État de
la Saskatchewan pour aboutir à une société d'État
du Manitoba; le fédéral n'est absolument pas concerné dans
tout cela. Cela n'empêche pas les provinces d'avoir convenu entre elles
d'une tarification qui fonctionne très bien. Il n'y a aucune
espèce de problème au fait que la téléphonie
puisse être de compétence exclusivement provinciale et que
les compagnies établissent entre elles comme c'est le cas
à l'heure actuelle avec le réseau téléphonique
transcanadien la tarification en usage, le tout sujet à
confirmation par les organismes de réglementation provinciaux. Le
problème vient, par contre, de la compétition que fournissent les
services sous juridiction fédérale, CN et CP, au réseau
téléphonique transcanadien, ce qui met les provinces de l'Ouest
notamment, qui sont propriétaires de leurs propres compagnies de
téléphone, en fusil. Ce n'est pas étonnant que la
Saskatchewan ait collaboré avec le Québec à cette
proposition parce que malgré deux points de vue différents, l'un
pour des raisons culturelles, l'autre pour des raisons techniques et
financières, le point de vue culturel n'excluant pas le point de vue
technique et financier et le point de vue technique et financier n'excluant pas
le point de vue culturel, les deux provinces ont une similarité de vues,
une coïncidence de points de vue qui n'est absolument pas
étonnante. Si cela peut se produire pour la téléphonie,
cela peut également se produire pour le système de
radiotélévision canadien dans la mesure où ce qui a
toujours été, si ma mémoire est bonne, la position du
gouvernement du Québec depuis des années le gouvernement
du Canada conserve la juridiction sur la Société Radio-Canada. Il
n'y a absolument rien qui empêche que d'autres réseaux de
radiotélévision soient créés ou existent comme il
en existe déjà, que ceux-là, eux, soient sous juridiction
provinciale. C'est ce que vise notre proposition. Il n'y a pas de
complexité technique épouvantable dans tout cela. Tout cela est
parfaitement réalisable. Le député de Saint-Laurent voit
des choses là où elles n'existent pas.
M. Forget: C'est très simple, vous irez avec le ministre
aux conférences.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous le
permettez, pour reprendre le schéma habituel de ces travaux, je
reconnais M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, n'étant pas un expert
dans le domaine, je n'ai pas l'intention de poser beaucoup de questions, sauf
que je dois dire au départ que l'Union Nationale appuie, encore une
fois, la position du Québec qui, cette fois-ci, vient plutôt d'un
ancien gouvernement libéral provincial. Nous continuons à appuyer
cette position...
Des voix: Bravo!
M. Fontaine: ... malgré qu'elle vienne d'un autre parti
parce qu'il y a moyen quand même d'être Québécois et
Canadien à la fois. Je voudrais tout simplement demander au ministre si
le...
À mon souvenir, il y aurait eu une entente entre Mme Jeanne
Sauvé et le ministre québécois des Communications au sujet
des communications. Est-ce que le ministre peut nous dire si cette entente
touche les droits constitutionnels ou si elle y fait allusion, et est-ce que
cette entente peut s'inscrire dans le cadre de la proposition qui est faite
ici?
M. Morin (Louis-Hébert): La réponse est non. Ce qui
a été l'objet de discussions entre les deux ministres en
question, ce sont ce que j'appellerais des ententes d'ordre administratif ou
des délégations administratives très partielles. Nous
avons, depuis toujours d'ailleurs, considéré, au gouvernement du
Québec, sous quelque parti que ce soit, que des ententes d'ordre
administratif ou des délégations administratives ne pouvaient pas
remplacer des dispositions constitutionnelles de transfert de
compétences. Par conséquent, ce qui a été
mentionné entre le ministre des Communications, M. O'Neill, et Mme
Sauvé, ne sont pas des propositions constitutionnelles. Elle a
même dit que la Cour suprême ayant reconnu la juridiction
fédérale en cette matière, il s'agissait maintenant
ce problème réglé de procéder à des
arrangements avec les provinces et le Québec à l'époque.
Donc, ce n'est pas ce genre de discussions. Ce dont nous voulons discuter
maintenant, ce n'est pas des arrangements administratifs. Il y a toujours moyen
d'avoir des arrangements administratifs partout. C'est vraiment et c'est
l'objet de l'exercice des discussions constitutionnelles qui doivent
toucher le partage actuel des pouvoirs pour le changer en autre chose. Il
restera à savoir si cela va assez loin ou pas assez loin, c'est un autre
sujet. Mais la nature de l'exercice n'est pas administrative, mais
constitutionnelle, ou politique, si vous voulez.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. C'est seulement pour
demander une précision parce qu'on nous a remis un texte,
évidemment en anglais, concernant la position de la Saskatchewan. Je ne
suis évidemment pas assez versé en cette langue pour pouvoir
examiner et mesurer toute la portée des termes strictement
juridiques.
M. Morin (Louis-Hébert): Surtout que c'est écrit
par des avocats!
M. Roy: Oui, surtout quand c'est écrit par des avocats!
Parce que, entre deux avocats, normalement, cela prend un juge pour
trancher!
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'en suis pas un. M. Roy:
Alors, dans les positions...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Roy: ... actuelles du Québec...
Le Président (M. Cardinal): C'est un notaire qui
préside! Allez-y, je vous en prie.
M. Roy: Je n'ai pas parlé des notaires, M. le
Président, je me suis limité.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela va nous mêler encore
davantage!
M. Fontaine: Cela ne vaut pas la peine d'en parler.
M. Roy: Je tiens à dire tout de suite que je ne m'associe
pas aux propos de mon collègue. La position actuelle du Québec ne
fait que reprendre la position exprimée en 1975-1976, en acceptant
cependant la demande de la Saskatchewan de préciser davantage le partage
des compétences sur l'octroi de fréquences et autres questions
techniques du genre. D'après l'article II de la page
précédente, sous-paragraphe no 2, "le Parlement du Canada peut de
temps à autre légiférer sur les communications ou les
réseaux de communication, mais aucune loi édictée ne peut
porter atteinte à l'application de quelque loi présente ou future
d'un corps législatif provincial, faite en vertu du paragraphe 1." Ce
que je voudrais demander au ministre, c'est si, malgré la modification
qui a été apportée, ce principe est retenu de façon
intégrale.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est justement là le
changement, M. le député. Dans le texte anglais, à la
fin... Vous vous souvenez qu'hier j'avais en tête cette
idée d'ailleurs quand j'y ai fait allusion j'ai parlé d'un
article 94a qui s'applique aux pensions...
M. Roy: C'est cela.
M. Morin (Louis-Hébert): ... dans lequel on a une
formulation comme celle-là qui, au fond, ne veut rien dire pratiquement.
On a voulu éviter ce problème et c'est exactement pour cela
et, là, on s'est trompé, d'ailleurs, dans la reproduction
que, dans le texte anglais, vous allez voir, à la fin du premier
paragraphe, deuxième ligne avant la fin, l'expression "as far only as it
is not repugnant to any Act of the Legislature of the province". Cela va
beaucoup plus loin. La Saskatchewan a vu ce problème et nous aussi. Je
ne sais pas comment on traduit cela en anglais, par exemple.
Le Président (M. Cardinal): En français.
M. Morin (Louis-Hébert): En français. Ce n'est pas
répugnant, non. C'est peut-être cela aussi.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez...
Une voix: Incompatible.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Les mots anxieux
ou répugnants, faisons attention. (17 h 45)
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne sais si on a le droit de
demander un conseil à la présidence dans ces cas.
Le Président (M. Cardinal): Comme ce n'est pas une
question de fond, mais de forme uniquement, la présidence vous dit que
c'est "incompatible".
M. Morin (Louis-Hébert): C'est bien, cela. On a un
président utile, merci.
M. Bédard: Cela prenait un notaire.
M. Roy: Si j'ai bien compris, on donne priorité à
la législation provinciale.
M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, clairement dans ce
cas.
M. Roy: Clairement.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. C'est exactement la
raison pour laquelle on a changé votre texte.
M. Roy: Merci de cette précision, M. le Président.
Inutile de vous dire que je suis d'accord avec la position qui avait
été prise en 1975-1976 qui est maintenue aujourd'hui, qui,
j'espère, sera maintenue.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur le même article?
M. Roy: Même si les libéraux ne sont plus d'accord;
remarquez bien, c'est pour cela que j'ai dit sera maintenue.
M. Bédard: ils ne sont plus d'accord avec
eux-mêmes.
Propriété des ressources et commerce
interprovincial
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît à
cette heure-ci. Est-ce que nous pouvons passer au sujet suivant? Il s'agit du
septième: La propriété des ressources et le commerce
interprovincial avec, M. le ministre, l'intervention que vous avez
déjà faite pour expliquer le titre de cet article
M. Morin (Louis-Hébert): C'est un sujet difficile à
résumer, celui-là. On a eu pas mal de problèmes parce que,
d'abord, il est beaucoup plus récent que les autres. Il est très
ancien en même temps. C'est qu'il y a toujours eu une
préoccupation québécoise et on a des positions qui datent
de longtemps au Québec pour ce qui a trait à la
propriété provinciale quant aux ressources. C'est une chose. Mais
le problème a pris une actualité contemporaine en quelque sorte
à cause des ressources de l'Ouest canadien et de problèmes
très nombreux, dont tout le monde est au courant, que certaines
provinces de l'Ouest ont eus avec le gouvernement fédéral en ces
matières. Tout cela s'est terminé par un jugement de la Cour
suprême dont tout le monde sait aussi la portée et qui a
particulièrement touché la Saskatchewan.
Je pourrais toujours lire le texte; c'est que je
ne veux pas oublier d'éléments qui peuvent être
importants dans ce domaine. Il s'agit de savoir en quelque sorte... Je veux
essayer de résumer cela. D'abord, je ne suis pas un avocat. Ce n'est pas
du tout une excuse que je présente; c'est une constatation.
M. Bédard: C'est un atout?
Le Président (M. Cardinal): Votre collègue pourra
vous aider.
M. Morin (Louis-Hébert): Je dirais des choses là,
mais j'ai toujours peur.
M. Bédard: Ce n'est pas pour rien.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a tellement d'avocats dans
ces groupes qu'on ne sait jamais si on est en minorité ou non. Je n'ose
pas dire certaines choses qui seraient amusantes; je vais m'en passer. Je ne
suis pas du tout spécialiste en droit. Je vais essayer de vous expliquer
le problème politiquement en ce qui concerne la compétence
fédérale dans le domaine du commerce international et, de
façon dérivée en quelque sorte, dans le domaine du
commerce interprovincial. Là, il y aurait des questions qu'on pourrait
se poser parce qu'il s'agit de savoir jusqu'à quel point il y a une
compétence dans le domaine interprovincial enfin, j'assume que
c'est le cas selon le point de vue fédéral. Dans quelle
mesure cette compétence peut-elle empêcher l'exercice de ce qui
est, par ailleurs, une responsabilité exclusive des provinces, en
matière de ressources naturelles?
Vous avez le cas typique de conflit entre une compétence
fédérale je ne la remets pas en cause pour les fins de mon
exposé qui existe et une autre compétence provinciale.
Dans quelle mesure l'une a-t-elle préséance sur l'autre, et dans
quelle mesure, par conséquent, en pratique, le pouvoir provincial
peut-il, à la longue, ne rien signifier? Par exemple, s'il y a une
compétence fédérale en matière de commerce
international et qu'une province a compétence en matière de
richesse naturelle, si la province ne peut pas fabriquer des richesses
naturelles pour les exporter, parce que le fédéral ne veut pas
parce qu'il est compétent en commerce international, cela veut dire, en
pratique, que la compétence interne de la province ne veut pas rien
dire. C'est tout un vieux problème qui est d'actualité
aujourd'hui et il est décrit succinctement ici.
Les positions antérieures du Québec à cet
égard. Je ne voudrais pas prendre celle des autres provinces. Je n'ai
pas besoin de vous dire qu'il y a eu une élection en Saskatchewan sur
cette question, et la décision de la Cour suprême est
arrivée juste avant la campagne électorale, en plein milieu de la
campagne électorale. Cela a été un élément
majeur de la dispute et cela a été un facteur important dans le
résultat de cette élection, alors, il y a une actualité
plus intense de ce côté que de chez nous. Nous, puisqu'on n'a pas
eu ce genre de dispute récemment, à cet égard, on est
quand même en train de suivre l'évolution des choses, à
partir des provinces de l'Ouest.
Lors des discussions constitutionnelles de 1968 à 1971, le
Québec a réclamé la compétence provinciale
exclusive sur l'exploration, la conservation et la mise en valeur des
ressources naturelles. Cela veut dire, en français, la compétence
dans l'ensemble des richesses naturelles. Cette position a été
reprise, par la suite, par le ministre des Richesses naturelles du gouvernement
libéral, notamment le 4 décembre 1973, devant la Chambre de
commerce du district de Montréal, et le 26 avril 1976 devant l'Institut
canadien des mines et de métallurgie. Là, il y a une
continuité que je pourrais peut-être développer, mais qui
est présente.
Cette question des ressources naturelles touche le territoire. C'est
pour ça que quand on arrive aux positions actuelles du Québec, il
y a une chose qui s'appelle le projet de loi C-60 dans notre document, et plus
important encore le paragraphe B, les ressources et le commerce
interprovincial.
Donc, clarifions tout de suite une chose, la discussion
constitutionnelle ne porte pas sur le commerce interprovincial en tant que
responsabilité ou les richesses naturelles en tant que
responsabilité, mais sur l'impact de l'un par rapport à l'autre.
Prenons le cas du projet de loi C-60, le premier cas qu'on va régler
vite. Dans la constitution actuelle, si je la retrouve, elle est ici,
voilà, il y a un article compliqué, l'article 127... à
moins que je saute ce bout, c'est ennuyeux à mort, je pourrais
peut-être prendre l'autre. Je ne sais pas, comment voulez-vous qu'on
procède? Si vous voulez que je me mette à lire l'article 109. Ce
n'est pas vraiment celui-là qui est problématique.
En tout cas, c'est une question qui a été soulevée.
L'article 109 donne la propriété des mines... Je vais vous le
lire, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse. Article 109 de l'Acte de
l'Amérique du nord britannique: "Les terres, mines, minéraux et
redevances appartenant aux différentes provinces du Canada, de la
Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, lors de l'Union, et toutes les
sommes d'argent alors dues ou payables pour ces terres, mines, minéraux,
redevances appartiendront aux différentes provinces de l'Ontario, de
Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans
lesquelles ils sont sis et situés ou exigibles sous réserve des
fiducies existantes et de tout autre intérêt que celui de la
province à cet égard. Je ne comprends rien à la
dernière partie. Mais ce que cela veut dire au début,
cependant...
Le Président (M. Cardinal): C'est la traduction
française d'un texte anglais.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je retiens que cela veut
dire, c'est que vous avez donc une précision dans ce texte-ci de la
constitution en ce qui concerne la propriété des terres, mines,
etc. Très bien.
Dans le bill C-60, il y a un article 127. Je vais
me mêler, je vois venir cela, mais en tout cas. En cas de conflit
ou d'incompatibilité entre les dispositions de la loi de 1867 que je
viens de vous lire et les textes constitutionnels subséquents et A: Les
dispositions de la première partie, à l'exclusion des
dispositions spéciales, ou B: Toute disposition de la première
partie qui a été rendue applicable après que l'une
quelconque des dispositions spéciales de la première partie ait
été rendue applicable, les dispositions de la première
partie visées à l'alinéa a) ou b), selon le cas,
l'emportent dans la mesure nécessaire pour résoudre
l'incompatibilité ou le conflit.
Tout le monde a saisi. Pas besoin d'explication. Cet article
établit une règle en cas de conflit entre la première
partie et la législation actuelle. La première partie de quoi,
déjà? Du bill C-60.
Les dispositions de la première partie l'emportent dans la mesure
où elles ont pris effet. Cela a bien l'air compliqué pour tout le
monde.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a tellement d'avocats de
l'autre côté.
Le Président (M. Cardinal): Une chance que la suspension
s'en vient.
M. Morin (Louis-Hébert): En ce qui concerne l'article
109...
M. Roy: Cela a été rédigé par des
avocats.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, et par des spéciaux,
à part cela.
M. Bédard: II y a du travail pour d'autres dans cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui. En ce qui concerne l'article
109 de la constitution, le Québec croit que l'article 127 du projet de
loi C-60, celui que je viens de lire avec beaucoup d'insistance, ne devrait pas
avoir d'application. Le Québec ne peut accepter que les dispositions
d'une loi fédérale priment sur la constitution écrite du
Canada. C'est cela, le point. J'aurais peut-être dû dire cela au
départ.
Vous avez une loi fédérale qui change la constitution et
on ne veut pas que cela prime sur la constitution écrite du Canada. Le
Québec maintient d'ailleurs cette position à l'égard de
toute question qui ne relève pas de l'autorité exclusive du
Parlement, notamment le partage des pouvoirs.
Là, je pense que cela devient plus clair. Il y a un article dans
cette loi qui a une application constitutionnelle et, tant que toute la
constitution n'est pas refaite, nous n'acceptons pas que cette loi ait
préséance vous me corrigerez, je suis peut-être
à côté de la coche sur la constitution en
vigueur.
Je pense avoir fait un bel effort de clarification, M. le
Président, sur cet article absolument majeur du bill C-60, mais qui,
blague à part, a quand même sa portée à cause du
principe qui est en cause.
Est-ce que je continue avec le reste tout de suite ou si on suspend?
M. Bédard: Ce ne serait pas long.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez le temps qui vous
convient, monsieur.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais tout de suite prendre
l'autre sujet parce que c'est vraiment... Dans le premier cas, c'est un
principe de droit qui est en cause et, par conséquent, politique
à cause de certaines de ses implications. Là où c'est plus
sérieux, c'est que nous croyons que la compétence exclusive des
provinces en matière de richesses naturelles devrait être
assurée sur toutes les ressources situées dans le territoire
d'une province. Le Québec croit encore que les provinces devraient
être seules compétentes relativement à la
propriété, l'exploration, l'exploitation, le
développement, la conservation, la gestion, le commerce et
l'aménagement des terres, mines, minéraux, forêts et
ressources hydrauliques.
D'autre part c'est très important ce que je vais dire
le Québec veut éviter que certaines modifications
constitutionnelles possibles ne restaurent, en matière de ressources et
de commerce des ressources, la théorie dite des "dimensions nationales"
tour à tour énoncée et modifiée par les tribunaux
depuis 1867 au gré de cas spécifiques.
La théorie des dimensions nationales, c'est en somme toute cette
disposition ou pratique constitutionnelle qui permet au gouvernement
fédéral, lorsqu'il juge que quelque chose est important ou
important pour lui, d'intervenir. Nous ne voulons pas que, par suite de
modifications constitutionnelles possibles dans cette matière, cette
théorie reçoive une application qui est en voie de
désuétude présentement, premièrement.
Deuxièmement et là, notre position est très
simple nous croyons que les provinces sont et doivent être
responsables de leurs richesses naturelles nonobstant tout autre
compétence fédérale qu'on voudrait mettre en conflit avec
cette disposition. C'est la position du Québec et je pense que je ne
dévoile aucun secret en disant que c'est celle des provinces de l'Ouest
aussi puisque la question est à l'ordre du jour. Cela a
été dit publiquement pendant la campagne électorale de M.
Blakeney et en Alberta à maintes reprises par M. le premier ministre
Lougheed. C'est aussi la...
Par conséquent, nous sommes d'accord avec les provinces de
l'Ouest si on veut avoir ce renseignement.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire sur la
propriété des ressources, et ce en rapport avec le commerce
interprovincial, plus la petite affaire concernant les territoires que j'ai
mentionnée avant.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent en vous rappelant que dans quatre minutes
et trente secondes, je suspendrai.
M. Forget: M. le Président, je peux toujours aller de
l'avant. Je me demande s'il serait considéré indigne de
l'Assemblée nationale qu'au lieu d'entreprendre tout de suite une
discussion, on se donne rendez-vous à 20 heures.
M. Morin (Louis-Hébert): Parce qu'on est très
gentil, on va consentir à cela.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Messieurs les
membres de la commission parlementaire de la présidence du conseil, nous
nous retrouverons à 20 heures, au même endroit...
M. Bédard: On peut laisser nos affaires ici, non?
Le Président (M. Cardinal): Cela, on ne peut pas le
savoir. Je ne le vous conseille pas. Nous nous retrouvons à 20 heures au
même endroit. Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 17 h 58
Reprise de la séance à 20 h 10
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate qu'il y a quorum et nous continuons cette même
deuxième séance, sinon seconde, de la commission élue
permanente de la présidence du conseil et de la constitution. Au moment
de la suspension, je m'en souviens quelqu'un reconnaîtra cette
phrase M. le député de Saint-Laurent avait la parole.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je vais
énumérer mes questions. J'imagine que c'est la procédure
préférée de la présidence de manière
à permettre de tenir compte du temps. En premier lieu, j'aimerais savoir
du ministre, sans qu'il ait besoin, là-dessus, d'identifier les
opinants, si les différentes provinces ou même le gouvernement
fédéral, ainsi que le Québec ont la même opinion sur
ce que sont des richesses naturelles. C'est une expression qui, bien sûr,
a l'air connue, mais jusqu'à quel point peut-on être sûr
qu'on la définit tous de la même façon? Est-ce qu'elle
porte sur les mêmes objets? Relativement à chacun des objets,
à partir de quoi une richesse naturelle cesse-t-elle d'être
considérée comme une richesse naturelle pour devenir un produit
manufacturé, si l'on veut, qui a les mêmes caractéristiques
que n'importe quel autre produit?
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
voudrais pas que ma première remarque soit l'objet d'un malentendu. La
nature de la question que vient de poser le député de
Saint-Laurent, si j'en avais besoin comme preuve ce n'est pas le cas
démontre clairement qu'il a eu l'avantage de
bénéficier d'un excellent "briefing" de la part de ses amis
fédéraux, ce dont je le félicite parce qu'en plus il a une
excellente mémoire. Il est effectivement exact qu'il y a une certaine
difficulté en ce qui concerne la définition du mot ressource et
c'est une des questions qui actuellement sont à l'étude entre les
provinces et le gouvernement fédéral. On a essayé de le
définir pour couvrir pas mal de choses et, ce faisant, des
difficultés d'ordre technique ont été rencontrées.
Au moment où je vous parle, la définition n'est pas encore
agréée par tout le monde, pour autant que je me souvienne, sauf
erreur, et c'est un des sujets qui seront repris la semaine prochaine.
La semaine dernière, au niveau des fonctionnaires, il y a eu une
réunion, une rencontre, une conférence et, là aussi, cette
question, si je me souviens bien, a été abordée.
Alors, réponse à la question: II n'y a pas de
définition encore d'établie, définitive.
M. Forget: Mais est-ce que le Québec a sa
définition? Une définition complète qui tient compte des
différentes dimensions?
M. Morin (Louis-Hébert): On va voir quand il arrivera des
documents la semaine prochaine.
M. Forget: J'espère que le ministre va savoir, un jour, si
le Québec a une définition, mais j'aurais imaginé qu'il
n'attend pas des documents pour lui dire quelle sera sa position
là-dessus.
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse, je croyais que vous
m'aviez demandé c'est parce qu'on parlait d'autre chose si
on attendait une définition prochainement. La réponse est oui, il
y en aura une la semaine prochaine. Mais, bien sûr qu'on a une
définition des richesses naturelles.
M. Forget: C'est laquelle?
M. Morin (Louis-Hébert): II y a des exercices grammaticaux
qui viennent d'être faits tout à l'heure, qui me feraient
peut-être référer le ministre au dictionnaire.
Mais je pense, M. le Président, que ce qui compte et c'est
encore le problème qu'on avait cet après-midi ce n'est pas
essayer de faire, ici, dans cette commission, la tâche qu'un
comité fédéral-provincial de ministres et de
fonctionnaires est en train d'essayer de réaliser. C'est plutôt
d'essayer de s'entendre sur certains principes fondamentaux. Le danger est
toujours de se perdre dans des considérations hautement techniques, qui
intéressent, au fond, les spécialistes, alors que, au
départ ce qu'il faut déterminer entre nous, ici, si on veut
déterminer quelque chose, à partir de la position que le
Québec a prise quant aux richesses naturelles, c'est de savoir si, en
plus d'informer le public, cette position, pour des raisons qui peuvent
être partageables ou non, convient ou non à nos amis des partis
d'Opposition. (20 h 15)
En avez-vous une définition? Cela pourrait peut-être
aider.
M. Forget: II est difficile, à défaut d'avoir une
définition, d'éviter des problèmes de nature politique. Il
ne faut pas être un grand prophète et bénéficier de
beaucoup d'expérience pour se rendre compte que toutes les provinces ne
sont pas également dotées au même degré des
mêmes richesses naturelles, quelle que soit la définition qu'on
veuille adopter.
Pour donner un exemple, si on parle de ressources
hydroélectriques, le Québec est bien pourvu. J'imagine que c'est
une richesse naturelle, selon la définition du Québec. Est-ce que
la force marée motrice, par exemple, est également une richesse
naturelle?
M. Morin (Louis-Hébert): Ou le vent.
M. Forget: Ou le vent, si on veut. Il reste que c'est plus
relié au territoire, peut-être que le vent l'est aussi. Mais on
peut s'imaginer que, selon la définition qui est adoptée, une
province, par exemple, comme le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse
prendra des attitudes différentes vis-à-vis des richesses
naturelles selon que la force marée motrice est incluse ou non
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
M. Forget: Si on prenait la définition la plus strictement
adaptée à la source immédiatement du problème,
comme l'a dit le ministre, il s'agit des inquiétudes de l'Alberta,
largement, et de la Saskatchewan face à des décisions d'il y a
quelques années, la crise de l'énergie, on pourrait dire que les
richesses naturelles sont des richesses énergétiques, les
fossiles, le combustible de fossiles, le gaz naturel, le charbon et le
pétrole. À ce moment-là, cela ne concerne pas beaucoup le
Québec.
On ne peut pas confiner dans le domaine purement technique des
considérations comme celles-là parce qu'elles ont un impact
distributif très inégal selon la solution technique. J'imagine
qu'avant de prendre une position sur les principes le Québec voudra
être sûr de sa définition parce que, selon la
définition, il sera plus ou moins impliqué.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, on
assiste à un drôle de processus, et c'est peut-être la
dernière chose que je dirai là-dessus. On en est rendu à
un représentant d'un parti de l'Opposition important qui se demande ce
que sont les ressources. Cela ne m'étonne pas qu'il ne sache pas quelles
sont ses positions à lui et qu'il ne reconnaisse pas les positions de
son parti, celles que nous utilisons maintenant dans notre discussion avec
Ottawa.
Il y a toujours une façon et elle est évidente
de mêler les choses au point que des solutions sont impossibles
à atteindre, c'est de compliquer les sujets de discussion jusqu'à
la huitième décimale. Je suis vraiment très
étonné que cette question survienne ce soir; il n'y a personne
autour de la table, je pense, qui, a priori, et nous aussi, a soulevé le
problème de la définition des ressources naturelles puisque c'est
d'un principe à propos duquel il fallait parler.
Il y a effectivement puisque vous avez ouvert la discussion sur
ce sujet une difficulté de définition du contenu de
l'expression "richesses naturelles" sur le plan juridique qui a lieu maintenant
et qui s'est produite entre les provinces et le gouvernement
fédéral. Que le député de Saint-Laurent apporte
cette notion ici est une démonstration évidente qu'il a des
sources...
M. Forget: Qu'on s'est informé.
M. Morin (Louis-Hébert): ... que vous êtes
informé, oui, qu'il y a des sources de renseignements qui...
M. Forget: Un minimum.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, justement... sont telles que
je suis en train de me demander dans quelle mesure...
M. Bédard: ... fédéral, aussi.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis à me demander dans
quelle mesure vous êtes en train de donner un coup de main ou d'essayer
de donner un coup de main à vos amis fédéraux; je
m'étonne de ce procédé. Je ne voudrais pas qu'on change la
nature de cette discussion, on n'est pas ici pour définir ou fabriquer
un dictionnaire fédéral-provincial; on est ici pour savoir une
chose: Êtes-vous d'accord, vous et nous le sommes que les
richesses naturelles, selon l'acceptation courante, sont de compétence
provinciale, oui ou non? J'espère que vous êtes capable de nous
dire cela; sinon, je vais vous aider, il y a des citations de M. Lesage. Cela
ne m'étonnerait pas, sait-on jamais, que j'en aie de votre excellent
collègue, notre ami de la... Vous savez qui n'est-ce pas?
qui a déjà eu certainement l'occasion de se prononcer sur ce
sujet.
Je refuse d'entreprendre un sujet technique ici, qui est justement
l'objet de discussions au niveau de la conférence
fédérale-provinciale. Je pense qu'on dévie du sujet et on
perd du temps, parce que ce n'est pas le problème, c'est le principe
même. Ce qui sera ressources est-il, à votre avis ou non, de
compétence provinciale? C'est cela la question. Nous pensons que oui.
Dans les positions antérieures, l'Union Nationale a déjà
dit oui. Tout à l'heure on verra ce qu'elle va mentionner. Le Parti
libéral aussi, que je connais bien, d'ailleurs, a déjà dit
oui. Est-ce que vous autres, vous dites aussi oui? C'est à vous de
répondre à la question.
M. Forget: M. le Président, on dira oui ou non quand on
saura exactement de quoi on parle.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous ne savez pas de quoi vous
parlez. Merci, c'est cela que je voulais savoir.
M. Forget: M. le Président je n'ai pas
terminé j'ai consulté le document que le ministère
a déposé à l'Assemblée nationale, les positions
traditionnelles du Québec sur le partage des pouvoirs de 1900 à
1976. 76 ans, trois quarts de siècle sont couverts là-dedans.
Quelle n'a pas été ma surprise de constater que parmi la bonne
vingtaine de sujets qui sont énumérés dans la table des
matières, les richesses naturelles, comme rubrique, ne paraissent pas.
Je les ai cherchées dans des rubriques autres, comme
l'aménagement du territoire, l'environnement, les droits miniers
sous-marins, encore que ce soit une définition très
étroite qui n'a pas une très grande signification pour le
Québec. Enfin, pas autant que pour le reste, du moins. Je les ai
cherchées dans autre chose et il n'y a pas d'autre chose qui serait
même rattachée de loin à la question des richesses
naturelles. Je dois donc en conclure, puisqu'on a dit qu'on a fait des
recherches exhaustives, qu'il n'y a pas de position traditionnelle du
Québec sur la question des ressources naturelles. J'ai peine à le
croire, M. le Président, mais cela indique...
M. Morin (Louis-Hébert): On aura tout vu!
M. Forget: ... malgré tout que lorsqu'on se livre à
un exercice sur la position traditionnelle du Québec, il y a quand
même des trous, des difficultés, même, de retrouver,
semble-t-il, un énoncé cohérent et concis
là-dessus. À plus forte raison de dire qu'on est en face d'une
vérité à laquelle il faut donner son adhésion sans
se poser même la question de savoir si toutes nos richesses naturelles,
selon notre définition, seraient couvertes par une telle garantie ou
seulement certaines d'entre elles. Si le ministre revenait de la prochaine
conférence...
M. Morin (Louis-Hébert): Toutes, toutes. M. Bédard:
... naturelles...
M. Forget: Mais vous ne le savez pas. Vous venez de dire que vous
ne le savez pas. Vous attendez que la définition soit
agréée par tous.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: Alors, je ne vous dirai pas oui d'avance qu'on est
d'accord, si la définition avec laquelle vous arriverez dans trois
semaines est insuffisante.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je n'ai pas à m'excuser pour le faire. J'avais
indiqué le titre du chapitre qui avait été d'ailleurs
annoncé. C'est la propriété des ressources et le commerce
interprovinciai.
M. Morin (Louis-Hébert): Mais monsieur est poigné
dans son dictionnaire à lui, que voulez-vous que j'y fasse?
Le Président (M. Cardinal): Attention!
M. Morin (Louis-Hébert): Voici: Ce qui actuellement, hier,
demain, dans l'avenir, maintenant, plus tard ou jamais est, risque
d'être, a la chance d'être, peut-être
interprété comme étant ou donnant l'impression
d'être une richesse naturelle est pour nous de compétence
provinciale. Est-ce correct? Est-ce que cela est assez clair? Je ne vous en
demande pas tant. Cela demande un effort d'imagination. Je vous demande: Ce que
le monde appelle les richesses naturelles normalement, pensez-vous que c'est de
compétence provinciale? Laissons les juristes se démêler
avec une définition, parce que les juristes auront des
définitions sur le mot communications, sur le mot droits miniers
sous-marins, sur le mot agriculture, même sur le mot homme. On le sait,
cela. Ce sont des choses que je ne connais pas beaucoup en droit, mais j'ai
entendu parler de cela. Les juristes, des fois, ont des problèmes
d'existence. Est-ce que le droit existe? Alors, on ne commencera pas cela.
Le Président (M. Cardinal): N'attaquez pas la
présidence.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, vous êtes notaire.
Est-ce que c'est la même chose?
M. Bédard: Vous venez de l'attaquer.
M. Morin (Louis-Hébert): Blague à part, soyons
sérieux. Quand on nous dit que l'expression "richesses naturelles"
n'apparaît pas dans la liste, c'est qu'elle est ailleurs dans d'autres
sujets. On a pris les sujets traditionnellement utilisés comme
expression: aménagement du territoire vous en avez
là-dedans droits miniers sous-marins. Si ce ne sont pas des
richesses naturelles, je m'excuse, c'est peut-être de l'agriculture. On a
de l'agriculture sous-marine, c'est vrai, c'est peut-être cela. Blague
à part, c'est très simple.
M. Forget: Ah bon, vous plaisantez. Heureusement!
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, il faut savoir distinguer
quand quelqu'un fait une boutade ou non.
Essentiellement, nous considérons de compétence
provinciale les richesses naturelles, point. Le monde, au Québec, a une
notion de ce qui est richesse naturelle. Avant que les savants physiciens de
l'avenir, dans l'an 2014 en inventent d'autres, on va se contenter de celle
qu'on connaît maintenant. À partir de ce qu'on connaît
maintenant, nous déterminons et nous croyons et nous avons toujours cru,
les autres ont cru et votre parti lui-même a cru que c'était de
compétence provinciale, d'après la constitution. Nous
répétons cela aujourd'hui et nous pensons que, cela étant,
le gouvernement fédéral ne peut pas se servir de son pouvoir dans
d'autres secteurs pour venir nier notre compétence propre. Cela dit, il
peut y avoir
des arrangements, comme il y en a entre pays souverains, entre le
Québec et d'autres provinces et d'autres gouvernements pour que, de part
et d'autre, on exploite les richesses naturelles à notre avantage et
à celui des autres. Voilà, c'est simple. Cela ne sert à
rien de compliquer les choses et de fendre les cheveux en quatorze.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... si cette réponse est si simple, pourquoi le
ministre, quand je lui ai posé la question au début, s'est-il
emporté et étonné qu'on lui pose la question: Donnez-nous
votre définition des richesses naturelles? Il vient de la donner.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vous lai dit
tantôt...
M. Forget: C'est tout.
M. Morin (Louis-Hébert): ... à cette
époque-là...
M. Forget: C'est sa définition. Très bien.
M. Morin (Louis-Hébert): ... au moment dont on avait
parlé...
M. Forget: II n'est pas nécessaire de faire un
esclandre...
M. Bédard: Quand M. Lesage disait que...
M. Forget: ... et un scandale au sujet d'une demande dont la
réponse est si simple, selon le ministre. Pourquoi s'indigne-t-il?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, ce n'est pas
là-dessus que je fais un "scandale" entre guillemets. Ce sur quoi
je fais un scandale, c'est que vous arriviez avec une notion hautement
technique qui n'est pas résolue maintenant pour mêler le
débat.
M. Forget: Elle est résolue dans l'opinion du ministre. Il
a dit: C'est tout, sans exception...
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela.
M. Forget: ... et quel que soit le niveau de fabrication.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, peu importe!
M. Forget: Peu importe.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon!
M. Bédard: Quand M. Lesage disait que les richesses
naturelles étaient de juridiction provinciale, il n'arrivait pas avec
une définition toutes les fois.
M. Forget: L'acier rendu dans les voitures, c'est encore une
ressource naturelle. On est d'accord là-dessus. C'est encore une
ressource naturelle. Ceci étant réglé aussi
élégamment, M. le Président...
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne pense pas que vous soyez
une richesse naturelle.
M. Forget: ... j'aurais une autre question.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais même
si c'est le soir, je demanderais qu'une seule personne à la fois
s'exprime. M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre pourrait-il me dire, puisqu'il y a
malgré tout, dans son interminable liste de ressources naturelles
il va cependant probablement concéder que certaines de ces ressources
naturelles, le Québec n'en dispose pas...
M. Morin (Louis-Hébert): ...
M. Forget: En effet. Malheureusement. Si la liste est très
longue, il est fort probable que la plupart des éléments sur
cette liste ne sont pas des ressources dont dispose le Québec, mais des
ressources dont disposent d'autres provinces ou d'autres États. À
ce moment-là, si le ministre insiste sur une compétence
provinciale absolue sans aucune espèce de restrictions, il place les
intérêts du Québec au deuxième rang et place au
premier rang une position absolue sur le plan des principes, mais un principe
plutôt arbitraire à ce moment-là. Cela ne se confond pas
avec l'intérêt du Québec. C'est une vision doctrinaire de
ce qui doit être fait plutôt que le reflet des
intérêts du Québec. Par exemple, dans le cas du
pétrole je pense qu'on n'en a pas encore beaucoup dans notre
sous-sol, du moins on n'en a pas trouvé ce qu'il nous dit, c'est
qu'il se désintéresse complètement de l'usage que peuvent
faire d'autres provinces de leur juridiction absolue et sans limites
relativement à cette ressource.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai jamais dit cela.
M. Forget: Si c'est le cas. Et si ce n'est pas le cas nous
allons donc le prendre sous forme d'alternative quelle est la nature des
restrictions qu'il envisage à cette juridiction provinciale sur les
ressources naturelles?
En particulier, conçoit-il que les provinces lorsqu'elles
transigent, lorsqu'elles exportent des ressources naturelles devraient
être au moins astreintes, à l'intérieur d'une
fédération, à une règle de non-discrimination quant
au prix? Autrement dit, à la suite d'une politique de conservation
quelconque, que ce soit l'exploitation de notre énergie
hydroélectrique, que ce soit l'exploitation de réserves
épuisables de pétrole, de charbon ou de gaz naturel, si c'est
vendu à un rythme donné, conçoit-il que ce soit vendu au
même prix à tous
les Canadiens, quelle que soit leur province de résidence? S'il
me dit non, je vais lui demander de quelle façon il entend
protéger les intérêts du Québec eu égard
à ces ressources dont nous ne disposons pas et dont disposent d'autres
provinces.
M. Paquette: Vous voulez mettre cela dans la constitution?
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre des Affaires intergouvemementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui. Il y a une chose qu'on ne
sait quand même pas encore, c'est si le Parti libéral est d'accord
que les richesses naturelles sont des richesses qui appartiennent aux
Québécois. Le fait que cela appartienne aux
Québécois, ce que nous croyons, n'a jamais voulu dire que les
Québécois s'asseyaient stupidement dessus, premièrement.
Dans la même mesure, les richesses naturelles qui appartiennent à
l'Ouest comme celles qui appartiennent au Venezuela, cela n'a jamais voulu dire
que ce monde là s'asseyait dessus. Je pense qu'on est assez
civilisé dans le monde, et nous particulièrement ici, pour savoir
qu'il n'y a personne qui vit seul au monde. Nous n'avons pas d'oranges,
actuellement, les producteurs d'oranges nous en vendent et on s'en tire quand
même. Ce n'est pas une richesse naturelle dans le sens traditionnel du
terme, mais c'est quand même une ressource qui peut être
considérée... (20 h 30)
M. Forget: Cela vient du sol, les oranges!
M. Morin (Louis-Hébert): Un instant! ... comme
étant un bien d'exportation et un bien d'usage pour d'autres êtres
humains. C'est comme cela que nous raisonnons et il n'y a personne actuellement
qui a envie de couper qui que ce soit de quoi que ce soit en ce qui concerne
certains biens essentiels comme ceux-là. Par conséquent, j'en
reviens à ma question, a), b), comment se fait-il qu'on ne sache pas si
les libéraux sont d'accord avec des choses avec lesquelles ils
étaient d'accord il n'y a pas très longtemps?
Deuxièmement, comment se fait-il que, dans beaucoup de sujets, je
m'aperçois que le représentant libéral me tient exactement
ou à peu près mot pour mot le raisonnement de certains de nos
collègues fédéraux? Sans que je ne dévoile quoi que
ce soit, il se trouve à y avoir une sorte de répétition
ici d'arguments utilisés ailleurs. Je ne savais pas que j'avais
l'avocat, ici, de la position fédérale en ces
matières.
Je suis obligé de le reconnaître. Je le regrette, c'est la
première fois de plus en plus d'ailleurs on s'aperçoit de
cela que non seulement on ne reconnaît plus ses positions
traditionnelles, mais qu'on essaie de faire reconnaître celles des autres
qui justement étaient opposées aux positions traditionnelles.
C'est bizarre, mais c'est ainsi. Je le déplore. Cela dit, je m'attends
toujours à ce qu'on m'enlève cette inquiétude que j'ai en
ce qui concerne la principale partie de l'Opposition. Estelle à la
veille de reconnaître qu'on doive dans un domaine aussi important que
celui-là concéder à un autre gouvernement la gestion de
nos affaires?
M. Forget: M. le Président, je pense que si le ministre
était un peu moins défensif, alors que son gouvernement, son
premier ministre a lui-même convoqué de son plein gré cette
commission parlementaire soi-disant pour éclairer le public, il pourrait
très facilement prendre le loisir de répondre intelligemment
à des questions tout à fait naturelles. Il ne s'agit pas de se
mettre la tête dans le sable, de faire l'autruche. Tout le monde a vu la
position qu'a prise l'Alberta dans un domaine qui nous intéresse, qui
met en jeu des intérêts québécois, pas seulement des
théories de constitution-nalistes, à savoir comment on peut
définir un État constitutionnel idéal en fonction de
théories juridiques.
Les intérêts réels des Québécois, ce
n'est pas seulement de satisfaire des théories juridiques, c'est de
satisfaire des intérêts concrets. Comme, par exemple,
l'accessibilité à des ressources énergétiques
à des conditions avantageuses. Avec les sornettes que le ministre nous
raconte à savoir que tout le monde est de bonne volonté, que les
gens de l'Alberta ou du Venezuela ne resteront pas assis sur leurs ressources,
veut-il nous faire croire que ces gens n'essaieront pas de maximiser pour
eux-mêmes les gains qu'ils peuvent retirer de leurs ressources
naturelles? Veut-il nous faire croire qu'un gouvernement qui joue son
rôle au Québec peut tout simplement se baser sur des affirmations
de bonne foi et de bon-ententisme universel pour assurer les
Québécois que leurs intérêts seront
protégés, pas seulement des théories légales et
constitutionnelles abstraites?
Il ne s'agit pas d'être informé par qui que ce soit. On n'a
qu'à lire les journaux pour se rendre compte de ce qui se passe
actuellement dans le monde. On nous parle, du côté
énergétique, de pénurie possible dans un avenir pas
tellement éloigné. Son collègue à l'énergie
s'emploie à nous démontrer qu'il faut désormais
économiser l'énergie. Il y a un réel problème qui
se pose. De quelle façon le gouvernement actuel du Québec
s'assure-t-il que le cadre fédéral, dans la mesure où il
subsiste, nous permettra de maximiser nos possibilités de ce
côté et dans quelle mesure, par exemple, lorsqu'un collègue
à lui nous parle de possible pénurie alimentaire pour l'an 2000,
s'assure-t-il que de ce côté également, s'il y a encore un
cadre fédéral, ce cadre fédéral serve d'instrument,
de levier pour le Québec pour obtenir une accessibilité
avantageuse? Pas être traités comme de purs étrangers, mais
être traités de manière qu'il y ait quelque avantage
économique pour le Québec de cette association avec le reste du
Canada. Ce n'est pas seulement par l'affirmation que les gens ne resteront pas
assis sur leur blé ou leur pétrole qu'il va nous rassurer. Qu'il
ne s'imagine pas cela.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président... Le
Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): ... ce qui est terrible dans ce
que j'entends là, c'est que le représentant de l'Opposition
officielle non seulement réplique, mais en les soulignant davantage,
avec les positions fédérales, mais il ne serait même pas
d'accord avec les positions des autres provinces. On en est rendu au point
où on pourrait déjà comprendre que, pour des raisons
politiques, il ne soit pas d'accord, parce qu'il ne veut pas l'être,
alors que quand même au fond c'est leur position qu'on défend avec
les positions que nous défendons nous-mêmes, mais il est en train
de rejeter celles des autres provinces. Je pense qu'il est peut-être seul
à avoir le pas, premièrement.
Deuxièmement, il y a une autre chose qui me frappe aussi
il faut bien que j'y fasse allusion et je ne veux pas faire de
personnalités cela fait trois ou quatre sujets qu'on aborde
aujourd'hui où tout devient soudainement très compliqué.
Tantôt, c'étaient les communications; ce matin, c'était le
pouvoir de dépenser; là, ce sont les richesses naturelles. Vous
êtes en train de vous mériter le titre de M. Catastrophe. Chaque
fois que l'on parle de quelque chose, il faut toujours faire appel aux
tremblements de terre. On parle pourtant d'une chose très simple. Vous
parlez de théories juridiques; qui a soulevé, ce soir, la
définition juridique des richesses naturelles? Est-ce que le vent est
une richesse naturelle? Est-ce que ceci est une richesse naturelle?
Nous partons d'une position beaucoup plus pragmatique que cela. Ce qui
sera ou est considéré comme richesse naturelle appartient aux
provinces qui pourront en disposer comme elles l'entendent et qui, cependant,
comme elles ne sont quand même pas seules au monde, en disposeront avec
leurs voisins. Il n'y a personne dans l'Ouest canadien, qui nous a
menacés de ne pas nous envoyer de pétrole, pas plus que nous ne
menaçons qui que ce soit de lui couper le courant. On en vend partout;
on est un monde civilisé. Il est inutile de faire appel à des
catastrophes effrayantes pour défendre des vues fédérales
et des dogmes fédéraux, parce que celui-là en est un.
Je regrette que cela vienne d'ici. Je m'attends toujours que cela vienne
de gens d'Ottawa, mais entendre répéter cela à
Québec, je connais pas mal de personnes, dans votre parti, qui n'ont pas
tenu les mêmes positions dans le passé et même très
récemment.
M. Forget: Une fois le scandale passé dans l'esprit du
ministre des Affaires intergouvernementales, il reste encore qu'il y a un
problème qu'il n'a pas réglé. Peut-être peut-il
croire lui-même et ses quelques collègues que sa façon de
parler du sujet, de tourner alentour du sujet sans vraiment s'y adresser, va
satisfaire l'opinion publique qu'il prétend vouloir informer. Il reste
qu'il y a des intérêts très concrets auxquels j'ai fait
allusion. Je pense qu'il ne peut pas les nier, quels que soient sa surprise,
son état de choc ou son état d'âme, dont il fait un
vigoureux étalage à chaque occasion. Ceci nous importe peu dans
quel état d'âme se trouve le ministre des Affaires
intergouvernementales; cela ne nous intéresse même pas de le
savoir.
M. Morin (Louis-Hébert): Là, vous charriez
légèrement.
M. Forget: Ce que nous voulons savoir, c'est si le gouvernement
actuel du Québec, à part de se préoccuper de doctrines
constitutionnelles, se préoccupe d'intérêts concrets.
L'intérêt des Québécois, malheureusement, n'est pas
identique, n'est pas superposable en tout à l'intérêt des
gens de l'Alberta, si gentils, aimables et recevants qu'ils soient.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce qui veut dire que, comme il y
a des intérêts divergents d'une province à l'autre, il en
découle qu'il faut le gouvernement fédéral pour mettre
tout le monde d'accord et qu'on serait beaucoup mieux de dépendre
totalement du gouvernement fédéral. Est-ce que c'est ce que je
dois interpréter comme étant la position du représentant
du Parti libéral?
M. Forget: II en découle qu'il y a des
intérêts divergents, comme il l'a très bien compris et je
le félicite là-dessus, et qu'il va falloir, d'une façon ou
d'une autre, pour ce qui reste de vides que le gouvernement et le ministre
doivent combler dans l'argumentation, trouver des moyens de concilier les
intérêts divergents. Qu'il le fasse comme il l'entend ou comme il
le voudra, mais au moins qu'il ait une solution. Si sa solution est un
traité international, comme il semble vouloir le suggérer,
implicitement au moins, par ses allusions au fait que les gens trouvent
toujours moyen de s'entendre, qu'il dise que c'est cela qu'il a à
l'esprit. Mais il faut quand même trouver des moyens de combler des
écarts réels entre des intérêts réels et qui
s'opposent très souvent, malheureusement. Ce n'est pas parce que c'est
une province qui le dit si province qu'elle soit qu'elle a
nécessairement des intérêts identiques à ceux du
Québec. On y reviendra, d'ailleurs, sur d'autres sujets, parce que ce
n'est pas le seul sujet autour duquel une question comme celle-là se
pose. Dans quelle mesure le gouvernement actuel du Québec sacrifie-t-il
les intérêts concrets et réels des Québécois
pour satisfaire un souci d'esthétique constitutionnelle avec lequel la
plupart des gens n'ont rien à voir?
M. Morin (Louis-Hébert): En aucune façon, M. le
Président. C'est tout le contraire qui se passe. L'esthétique
constitutionnelle vient plutôt des gens qui inventent des
définitions ou qui essaient d'inventer des définitions de
richesses naturelles qui ne sont même pas établies à ce
moment-ci et qui n'ont comme objet, quand c'est soulevé, que de
compliquer le problème. C'est beaucoup plus dangereux de mal
défendre les intérêts du Québec
quand on est systématiquement le porte-parole des
fédéraux dans cette salle.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez...
M. Forget: Vous savez mieux que nous ce que les
fédéraux veulent là-dessus; je ne le sais pas, pour ma
part.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: Ce que je sais très bien, c'est ce que les gens
de I'Alberta veulent et je ne suis pas convaincu, dans le cas du pétrole
et du gaz naturel, que c'est dans notre intérêt. Là-dessus,
vous n'avez aucune réponse.
Le Président (M. Cardinal): Ayant suivi de très
près...
M. Raynauld: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes toujours...
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): ... contre tout ce qui ressemble
à la dignité!
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je m'excuse,
comme les autres. Depuis 20 h 12 que je suis très attentivement ce
débat et que je tiens le temps. Nous avions convenu et c'est une
convention qui dépend du règlement qu'un
député, sur le même article, ne pouvait parler que vingt
minutes. Je dois donc souligner que le député de Saint-Laurent a
épuisé son temps. À ce moment-là, je passe soit
à M. le ministre, s'il a quelque chose à ajouter parce que
pour lui, on connaît la règle soit à M. le
député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais laisser la parole
à M. le député de Lotbinière et chef de l'Union
Nationale.
Le Président (M. Cardinal): Alors, M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: M. le Président, la position de l'Union
Nationale n'a pas changé depuis les années. Je retrouve,
d'ailleurs, dans le volume qui nous a été remis, la position
traditionnelle du Québec de 1900 à 1976. Tout au début,
lorsqu'on parle d'un nouveau partage des pouvoirs, on y dit même que lors
de la conférence constitutionnelle fédérale-provinciale de
septembre 1950, M. Duplessis proposait, dans un mémoire
préliminaire, un nouveau partage des pouvoirs entre les deux
gouvernements, demandant entre autres que les pêcheries, le mariage,
l'agriculture, etc. relèvent de la compétence exclusive des
provinces.
On voyait un peu que, déjà, certaines richesses naturelles
s'en venaient au niveau des provinces. Un peu plus loin, dans ces pouvoirs des
autorités provinciales, on voit: Les ressources naturelles de la
province: mines, forêts, pouvoirs d'eau, etc., devaient être de
juridiction exclusive provinciale. Depuis ce temps, bien sûr, la
société a évolué cela fait 29 ans de cela
alors il y a certainement de nouvelles richesses naturelles, de
nouvelles définitions des richesses naturelles qu'on a trouvées,
bien sûr. La position de l'Union Nationale, c'est que les ressources
naturelles, les richesses naturelles devaient relever exclusivement des
provinces.
Il y a quand même quelque chose d'intéressant avec la
présentation du ministre et même les questions du
député de Saint-Laurent, tout à l'heure, lorsqu'on veut
avoir une définition plus précise de ce que sont les richesses
naturelles, d'abord s'il y en a une et si le Québec en a
présenté une. Là-dessus, je me base sur la
présentation du ministre lui-même dans un mémo dont
on a une photocopie ici de M. Claude Morin, ministre des Affaires
intergouvemementales à M. Marc-André Bédard, ministre de
la Justice. On dit un peu plus bas: "Conformément à la
règle que tous ont acceptée lors de deux réunions
ministérielles précédentes, nous ne faisons pas
état ici des positions prises à huis clos par Ottawa pour les
autres provinces. Cependant, il nous est loisible de révéler les
nôtres, ce que nous faisons dans la présente documentation."
Je voudrais savoir du ministre pour revenir à la question
du député de Saint-Laurent tout à l'heure si,
à travers les présentations du gouvernement du Québec,
l'actuel gouvernement du Québec, il y a eu une définition des
richesses naturelles, si cela a été présenté. Si
cela n'a pas été présenté, on comprendra quand
même; cela se peut, techniquement, qu'on ne l'ait pas
présentée. Si on en a absolument besoin, c'est que dans cette
présentation que le ministre nous fait, il nous parle de ressources et
de commerce interprovincial. On a dit: "Le Québec croit encore que les
provinces devraient être seules compétentes relativement à
la propriété, à l'exploration, à l'exploitation, au
développement, à la conservation, à la gestion, au
commerce et à l'aménagement des terres, mines, minéraux,
forêts et ressources hydrauliques."
Ce n'est pas seulement pour compliquer la vie du ministre. Je pense que
c'est important de savoir où cela nous mène. S'il y avait
simplement quelques ressources naturelles, on pourrait dire facilement: Cela
débouche à telle place. Mais il y en a peut-être d'autres.
Tout à l'heure, on a parlé du vent, de l'énergie solaire;
est-ce que c'est une ressource naturelle? Les produits agricoles,
transformés ou pas, est-ce que c'est considéré comme une
richesse naturelle? Le minerai de fer, l'amiante transformé ou pas,
jusqu'à quel point?
Lorsqu'on nous parle du commerce, du développement et de
l'exploitation, c'est important de
savoir où se situe la position du Québec. Je ne veux pas
savoir, encore une fois, ce qui est arrivé du gouvernement
fédéral ou des autres provinces, mais je veux savoir du
gouvernement provincial si, oui ou non, on a fait une définition
à ce jour, et si on n'en a pas fait, on s'attend à en faire une
et où tout cela va déboucher. Je pense que c'est un point
extrêmement important.
Au deuxième paragraphe de la position actuelle du Québec,
le titre, c'est "Les ressources et le commerce interprovincial". Il n'est pas
du tout question de commerce interprovincial. Est-ce que le titre veut dire que
les ressources peuvent être commercialisées interprovincialement
par les provinces, avec juridiction exclusive des provinces? Si c'est cela, le
gouvernement fédéral n'a rien à voir avec le commerce
interprovincial des ressources naturelles, transformées jusqu'à
quel point. Tout de suite, on s'aperçoit que la question du
député de Saint-Laurent, tout à l'heure, pour avoir une
définition des ressources naturelles, c'est important parce qu'on veut y
rattacher, en même temps, le commerce interprovincial, et jusqu'où
tout cela va aller. (20 h 45)
Je pense que ce sont des questions auxquelles il est important d'avoir
une réponse. Ce n'est pas pour tirer des fils partout, c'est tout
simplement pour voir un peu plus clair dans la position actuelle du
Québec. Je crois que c'est tout simplement la continuité
historique, d'ailleurs, des demandes des gouvernements québécois.
Est-ce que, dans le passé, on a fait une définition? On peut
aussi se poser des questions là-dessus, mais quand même on vit
aujourd'hui en 1979 et je pense que c'est important de le savoir.
À présent, une dernière question, dans cette
première étape. Est-il possible de limiter la juridiction
fédérale dans le commerce interprovincial, en donnant une
juridiction exclusive aux provinces dans les ressources naturelles, dans le
commerce interprovincial ou dans la transformation, finalement, de leurs
ressources commercialisées? Il est important aussi de le savoir. On a
dit que l'article 121 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne
le pouvoir nécessaire au gouvernement fédéral d'imposer
des droits de douane; est-ce que nous, si on fait du commerce interprovincial,
on pourra taxer ces choses? Ce serait indirectement une douane pour les autres
provinces.
Finalement, la définition des ressources naturelles est
liée véritablement à tout ce qui nous est
présenté dans cet article.
Je pose ces questions au ministre et, après avoir obtenu ses
réponses, j'aurai peut-être d'autres questions.
Le Président (M. Cardinal): II vous reste encore du temps.
M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous regardez au bas de la
première page du document qu'on vous a fourni, il y en a une
définition de richesses naturelles, à l'époque où
nous avons présenté nos vues. "Le Québec croit encore que
les provinces devraient être seules compétentes relativement
à la propriété, l'exploration, l'exploitation, le
développement, la conservation, la gestion, le commerce et
l'aménagement des terres, mines, minéraux, forêts et
ressources hydrauliques." Vous avez cette définition au bas de la
première page, je l'ai lue cet après-midi. Alors, je pense que
cela répond à votre question.
Tout à l'heure, pour ne prendre aucune chance, j'ai dit que s'il
y avait d'autres choses qui étaient de commun entendement compris comme
étant richesses naturelles, cela entrerait là-dedans.
Ce qui veut donc dire par conséquent que les provinces sont
responsables de leurs ressources, comme elles sont responsables de
l'éducation. C'est, je pense, le genre de comparaison qu'on pourrait
faire.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Est-ce qu'on a déposé, de la part du
Québec...
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais parler de cela
maintenant.
Là, il y a tout un faux problème qui traîne depuis
cet après-midi ou hier, avec la question qui nous a été
posée. Quels sont les papiers que vous avez fait circuler? J'ai dit
qu'il y a plusieurs provinces qui ne font pas circuler de document. C'est la
méthode que nous avons à peu près toujours prise, au
Québec, sauf dans de très rares occasions, dans les années
passées.
Cependant, ce qui se passe, c'est qu'il y a des comités de
fonctionnaires qui se réunissent, auxquels nous participons. Et on
arrive souvent à des travaux communs, on ne sait pas très bien
qui les a rédigés. Ce sont des rapports de fonctionnaires dans
lesquels on avait les nôtres. J'en ai un devant moi, sur un sujet. Il a
quatre ou cinq pages, il porte justement sur le sujet des richesses naturelles,
avec, à la fin, telle province qui dit: Bien, tel morceau, j'aime moins
cela que tel autre, etc. Il y a des commentaires. À cause de la promesse
qu'on a faite, je ne peux pas les dévoiler. Mais nous avons beaucoup de
choses qui font partie, à partir des discussions que nous avons eues, de
documents comme cela qui circulent autour de la table, mais qui ne sont pas
signés Québec, mais qui sont signés comité dans
lequel sont telles, telles ou étaient telles, telles et telles
provinces. Cela arrive, c'est arrivé pour les richesses naturelles. Nous
y participons, nous avons participé à tous les comités,
sauf un, je le répète, rapatriement et amendement
constitutionnel.
Or, c'est une question qui est en cours, au moment où je vous
parle. Et au cours de ces discussions, soit de fonctionnaires, soit de
ministres, il va de soi que des problèmes comme celui que vous
mentionnez sont soulevés et qu'à la lumière des
difficultés qui sont soulevées, quand, à dessein, on ne
complique pas les choses comme cela a été fait tantôt de
telle sorte qu'une chatte
n'y retrouverait pas ses petits, il y a moyen de résoudre les
problèmes.
Mais, encore une fois, cela fait partie et c'est la conséquence
un peu du processus accéléré du sprint constitutionnel
dans lequel on est. Il y a des morceaux. On vit un peu ce que j'appellerais le
syndrome de la patte en l'air, c'est-à-dire qu'il y a des morceaux; un
moment donné, on s'aperçoit deux semaines après, houp!
qu'on a oublié cela et cela. Alors, on y revient à la prochaine
réunion. Il y a des morceaux qui sont les pattes en l'air, encore
aujourd'hui, à cause de la rapidité du processus, qu'on va
reprendre la semaine prochaine. Il n'y a aucune excitation dans tout cela, cela
va de soi.
Tout ce qui a été dit sur l'interdépendance des uns
et des autres en richesses naturelles, tout ce qui a été dit sur
les richesses naturelles de l'avenir et de celles du passé, on en est
profondément conscient. Cela fait partie des prises de position de nos
représentants ministre ou fonctionnaire à ces
comités ou à ces groupes et, des fois, ce n'est même ni des
comités ni des groupes, c'est la conférence elle-même des
ministres.
Il me serait très difficile parce que j'embarquerais
d'autres provinces dans certains cas de faire état d'un texte que
nous aurions j'en ai un ici justement sur les richesses naturelles
établi parce qu'il est signé de quelques provinces et,
malheureusement, c'est un des petits embêtements auxquels nous sommes
soumis. Je ne peux pas dans ces cas faire autre chose que vous dire quelle est
notre orientation c'est quand même mieux que de ne rien dire du
tout tout en étant conscient de deux choses: a) il reste une
réunion de ministres et b) il y a des travaux qui se font au moment
où, qn parle pour les fins de la conférence de la semaine
prochaine.
M. Raynauld: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale n'a pas
terminé.
M. Biron: J'aurais voulu avoir plus d'explications de la part du
ministre vis-à-vis des richesses naturelles parce que tout à
l'heure j'ai posé une question à laquelle il n'a pas
répondu non plus; il pourra peut-être me répondre ensemble.
Qu'est-ce que le commerce interprovincial a à voir, ce titre, dans le
paragraphe qui n'en traite pas? Qu'est-ce qui arrive avec nos richesses
naturelles? Est-ce que c'est de juridiction exclusivement provinciale de faire
le commerce des richesses naturelles interprovincialement?
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai dit ce matin ou cet
après-midi que l'appellation du chapitre qu'on est en train d'examiner
portait un petit peu à confusion parce qu'il ne s'agit pas de deux
sujets; il s'agit de savoir dans quelle mesure, s'il y a compétence
provinciale dans le domaine des richesses naturelles, des compétences
fédérales peuvent intervenir. Le fédéral a une
compétence qu'on ne discutera pas, mais qu'on suppose ce soir, en
commerce international. Il admet, il croit avoir et il prétend avoir une
compétence en commerce interprovincial qu'on a souvent, au
Québec, comme pour le camionnage interprovincial remise en cause.
Supposons qu'il a la compétence dans le commerce interprovincial. Dans
quelle mesure, en exerçant sa compétence en commerce
interprovincial, vient-il, à toutes fins utiles, annuler ou
réduire la compétence des provinces en matière de
richesses naturelles? Ce qui veut dire que sur le plan logique, il fallait
d'abord établir s'il y avait une compétence provinciale en
richesses naturelles et, s'il y en avait une, jusqu'à quel point il y en
a une. Là-dessus, je ne dévoile pas de secret, l'Alberta et les
provinces de l'Ouest ont pris des positions extrêmement
catégoriques que nous avons nous-mêmes faites nôtres.
Il reste à savoir, une fois la définition juridique
à laquelle savamment, tantôt, le député de
Saint-Laurent faisait allusion, une fois la définition juridique
établie, si la compétence fédérale dans ce domaine
du commerce ne le précisons pas vient changer ce qui sera
compétence provinciale. Il faut aussi faire attention et cela,
c'est ce qu'on a à la page 2 du document qu'en invoquant sa
compétence et les dimensions nationales du problème de
l'énergie, par exemple, le fédéral finisse par
considérer que cela relève de sa compétence à cause
de la théorie des dimensions nationales. Il peut trouver cette
théorie des dimensions nationales et l'appliquer à partir de sa
compétence en matière de commerce interprovincial ou
international.
Je ne sais pas si j'ai répondu clairement à la question.
Je ne veux rien laisser en plan mais ce sont des matières complexes,
alors, si je n'ai pas été clair, je vous demanderais de me le
dire et cela me fera plaisir de préciser.
M. Biron: Je crois que ce n'est pas clair, en tout cas, selon ce
que je peux voir parce qu'on a de la...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est tellement pas clair que
cela a dû aller à la Cour suprême cette affaire. Je pense
qu'on peut s'excuser, tout ce qu'on en est ensemble, de ne pas voir très
clairement là-dedans. C'est tout le problème justement.
M. Biron: On a un produit soit naturel, les fibres d'amiante ou
le minerai de fer, ou peut-être un peu plus transformé. C'est de
là d'ailleurs qu'on demandait tout à l'heure une liste des
définitions. On peut faire du commerce avec, il n'y a pas de
problème tant qu'on reconnaît la juridiction exclusive du
Québec à l'intérieur de la province mais aussitôt
qu'on sort à l'extérieur de la province, surtout que tout
à l'heure, on a dit qu'il faut limiter le pouvoir du gouvernement
fédéral, en limitant le pouvoir du gouvernement
fédéral, maintenant qu'on fait du commerce interprovincial, on
limite encore plus le pouvoir du gouvernement fédéral. C'est
là que j'ai de la difficulté quand même à voir
jusqu'où le Québec
veut aller; jusqu'où les pouvoirs du gouvernement
fédéral vont aller dans ce qui regarde le commerce
interprovincial de richesses naturelles qui relève, à
l'intérieur des provinces, de juridiction exclusive des provinces.
Encore là, on a le cas du pétrole de l'Alberta où,
à cause d'une dimension nationale ou du commerce interprovincial, le
gouvernement fédéral a pu intervenir.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): J'essaie de trouver une
façon, en partant, parce qu'on va se compliquer les choses mutuellement,
de ramasser ce problème.
M. Raynauld: C'est simple.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est compliqué quand
certains s'évertuent à le compliquer pour être bien
sûrs qu'on n'arrive à rien. On sait de qui on parle, alors, on ne
les regardera même pas.
M. Raynauld: Non, ne regardez pas. C'est très simple.
M. Morin (Louis-Hébert): Partons de: Est-ce que cela
existe une compétence des États provinciaux dans une
fédération sur leurs richesses naturelles, oui ou non? Si oui,
dans quelle mesure existe-t-elle? Nous répondons à cela: Elle est
entière. C'est notre position. C'est celle des autres gouvernements qui
nous ont précédés. C'est le principe de base. Nous avons
répété cela. Nous l'avons répété pour
les ressources telles qu'elles étaient comprises avant et telles
qu'elles sont comprises maintenant. Nous faisons face, lorsque nous
énonçons cette position, à une autre position
fédérale qui dit: Moi, j'ai une compétence en commerce
international et je peux avoir primauté sur votre compétence
interne si jamais il y a un problème international ou une urgence
quelconque. Ce qu'il s'agit actuellement de déterminer ce n'est
pas résolu; je n'ai pas besoin de vous le dire, vous le savez
c'est à quel moment cesse la compétence fédérale et
à quel moment commence la compétence provinciale en ayant
déterminé qu'elle est entière dans le cas des richesses
naturelles.
Il ne faudrait quand même pas s'imaginer qu'on n'est pas
réaliste. On sait très bien qu'à un moment donné,
lorsque vous avez une compétence entière, c'est comme lorsqu'un
État est souverain, sa souveraineté est limitée par celle
des autres. À quel endroit arrête-t-on dans la constitution le
pouvoir fédéral pour que le pouvoir provincial commence? Je n'ai
pas besoin de vous dire que le pouvoir fédéral, selon les gens
d'Ottawa, devrait aller le plus loin possible. Selon les gens d'Ottawa et le
Parti libéral du Québec, il devrait aller le plus loin possible,
de telle sorte qu'à toutes fins utiles il y aura peut-être des
richesses naturelles provinciales dans la mesure où ce n'est pas
important, où cela ne sort pas de la province, où personne ne
pense à les exploiter. Ce sera alors provincial. Mais, quand cela va
devenir intéressant, sérieux, payant, en vertu d'une sorte
d'opération magique, cela devient fédéral. Si c'est cette
façon-là de voir les choses, nous ne l'acceptons pas.
Là où nous n'avons pas encore réussi à
trancher actuellement et le député de Saint-Laurent est
très bien renseigné à cet égard parce qu'il sait
qu'il y un problème de définition c'est justement de
savoir où commence celle du fédéral et dans quelle mesure
il faut éviter qu'elle ne mette en cause celle des provinces. C'est
cela, le problème. La réponse que je vous donne quant à
nos positions, c'est que nous essayons de garder celle du Québec la plus
large possible. C'est cela. Ce sont les positions que nous avons prises. Le
Parti libéral et je suis désolé d'apprendre cela;
c'est la première fois que je vois cela depuis le commencement de la
journée rejette une position traditionnelle à ce
moment-là et considère que les ressources naturelles peuvent
être de juridiction fédérale. C'est comme cela que
j'interprète votre position.
M. Forget: Arrêtez donc de déconner. Une voix:
N'est-ce pas effrayant?
M. Forget: Vraiment, arrêtez donc vos con-neries.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! M.
Biron: M. le Président...
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. C'est ce que j'ai
compris.
M. Bédard: À force d'aider le
fédéral, vous oubliez votre devoir d'aider le Québec.
M. Forget: Donnez donc des réponses intelligentes.
Après cela, on pourra peut-être avancer un peu.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! Il faut
toujours quelques minutes comme cela dans une commission parlementaire. Nous
avons quand même fait du progrès...
M. Forget: Ah oui?
Le Président (M. Cardinal): ... depuis quelques
années.
M. Forget: Ah!
M. Morin (Louis-Hébert): Pour eux, cela a commencé
il y a deux mois, l'histoire du Québec.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Lotbinière et chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: Je reconnais avec le ministre, M. le Président,
que les provinces à l'intérieur de leur
territoire ont la compétence sur les richesses naturelles.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon! C'est cela.
M. Biron: Mais le problème, c'est lorsqu'on sort à
l'extérieur du territoire sans sortir à l'extérieur du
pays. À l'extérieur du pays, c'est peut-être le commerce
international et là il y a une compétence fédérale,
mais, au niveau du commerce interprovincial, on a dit qu'on n'a pas de
définition précise nous disant jusqu'où vont les richesses
naturelles. Le bois, c'est une richesse naturelle, mais transformé en
meubles, est-ce encore une richesse naturelle?
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Je comprends
maintenant.
M. Biron: Jusqu'où va la compétence provinciale au
niveau du commerce interprovincial? On n'a pas de définition
précise on sait où cela commence nous disant
où s'arrête la richesse naturelle. Ce serait important de savoir
cela. Si on enlève finalement tous les droits du gouvernement
fédéral dans le commerce interprovincial, n'est-ce pas la survie
du gouvernement fédéral qui est menacée au fond? On
commence à lui amputer passablement de droits en lui enlevant ce
commerce interprovincial. Finalement, les provinces même pourraient
imposer indirectement un droit de douane en imposant une taxe sur le produit de
richesses naturelles une fois transformées et ce serait un droit de
douane que les provinces iraient prendre finalement, pour une fois, dans un
champ de juridiction fédérale. Je comprends avec le ministre que
ce n'est pas si simple que cela. C'est compliqué.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je pense que je vais
clarifier. Il y a peut-être un malentendu. On parle de richesses
naturelles et non de biens de fabrication. Un meuble n'est pas une richesse
naturelle dans ce sens-là. Je pense qu'il ne faudrait quand même
pas mêler les sujets.
M. Biron: Les produits agricoles?
M. Morin (Louis-Hébert): II y a un chapitre spécial
pour les produits agricoles qui s'appelle l'agriculture.
M. Biron: L'électricité?
M. Morin (Louis-Hébert): Oui,
l'électricité.
M. Biron: Même si l'électricité, c'est une
première transformation.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais entre un meuble et un
kilowatt, il y a quand même une nuance.
M. Biron: Le ministre comprend peut-être pourquoi tout
à l'heure nous demandions juste- ment d'avoir une liste précise
ou au moins une définition claire, nette et précise.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. Vous l'avez en bas.
Vous l'avez. (21 heures)
M. Biron: En bas on dit: Le développement, la
conservation, l'exploitation, le commerce. Finalement, cela veut dire que le
développement et l'exploitation, cela peut être un changement, un
premier, un deuxième, un troisième. Est-ce que l'amiante, avec un
premier tamisage, c'est encore considéré comme une richesse
naturelle, et un troisième ce n'est pas considéré comme
une richesse naturelle? C'est plus compliqué, mais je pense qu'il
faudrait avoir une définition de ce que c'est, et finalement cela nous
éclairera sur le commerce interprovincial.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord! C'est là-dessus
qu'on travaille justement, sur la définition. Vous vous souvenez, quand
j'ai présenté ce papier-là cet après-midi, j'ai dit
que je ne savais pas trop par où le prendre parce que c'est un sujet
très compliqué. C'est cela qu'on avait en tête. Mais,
lorsqu'on parle de développement de nos richesses naturelles, c'est la
différence qu'il y a entre une rivière qui coule comme cela dans
le paysage, dans un désert et une rivière qui est
aménagée pour fabriquer de l'électricité. Ce sont
les provinces, d'après nous, qui devraient être responsables de
cela. Maintenant, à un moment donné, comme dans n'importe quelle
initiative humaine, à partir d'un certain moment cela change de nature.
C'est sûr que c'est autre chose. Il y a d'autres chapitres de la
constitution là-dessus. On n'y touche pas. C'est encore une preuve qu'on
est loin de faire le tour du sujet. Mon seul problème, pour le moment,
c'est d'exposer les positions telles qu'elles sont maintenant inspirées
du passé, tenant compte de nos discussions en cours, pensant qu'il va y
avoir une conférence le 5 février où on imagine qu'il y en
aura une, définition. J'espère qu'elle sera
compréhensible. Cela dit, est-ce que, comme principe, les ressources
naturelles c'est provincial ou fédéral? Nous disons que c'est
provincial et qu'à cet égard les provinces ont une juridiction
entière. C'est ce que nous avons dit, nous inspirant de ce qui
était dans le passé. Le reste est parfaitement présent
à notre esprit, vous avez bien raison de le souligner.
C'est-à-dire que, lui, il le souligne d'une façon qui ne vise pas
à compliquer à dessein le problème. Vous, vous le
soulignez d'une façon à démontrer qu'à toutes fins
utiles on ne peut rien régler et que, comme c'est tellement
compliqué, il faut laisser cela à Ottawa.
M. Forget: Remarquez que c'est pour avoir une réponse que
je soulève le problème.
M. Biron: M. le Président, si la compétence de
commerce interprovincial sur les richesses naturelles cela relève, si
j'ai bien compris, des gouvernements provinciaux le commerce
international cela veut dire que l'électricité...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, pas le commerce
international.
M. Biron: Le commerce interprovincial. Cela veut dire que
l'électricité, comme le pétrole...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, entendons-nous. J'aimerais
bien qu'on s'entende. Le commerce de la richesse naturelle relève du
gouvernement des provinces. C'est parce que là vous avez introduit une
autre motion, celle de la compétence extérieure, si vous
voulez.
M. Biron: Interprovincial.
M. Morin (Louis-Hébert): Interprovincial, oui, oui. Les
provinces sont quand même capables de s'entendre ensemble. On vend de
l'hydro à l'Ontario.
Une voix: C'est ce que j'ai dit.
M. Morin (Louis-Hébert): Bien oui, c'est cela! Comment se
fait-il que c'est si simple maintenant et que tantôt c'était
compliqué?
M. Raynauld: Pourquoi n'est-ce pas le commerce international
ici?
M. Morin (Louis-Hébert): On garde la compétence
là-dessus.
M. Raynauld: On est capable d'en faire des...
M. Morin (Louis-Hébert): Bon, vous êtes
d'accord.
M. Raynauld: Non, on n'est pas d'accord.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous n'êtes pas d'accord.
Pourtant cela avait du bon sens ce que je disais là. C'est vrai, vous
êtes contre le bon sens. D'accord.
M. Raynauld: C'est vous qui n'allez pas assez loin.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Outremont, il faudrait quand même laisser le ministre terminer, s'il
vous plaît.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, non. J'ai
terminé.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Le ministre n'a pas encore répondu clairement
parce que je veux savoir, justement, jusqu'où se termine la
compétence exclusive des gouvernements provinciaux vis-à-vis des
richesses naturelles. S'il y avait une taxe sur une certaine richesse
naturelle, que ce soit le pétrole en Alberta ou
l'électricité au Québec ou autre chose, est-ce que cela
n'irait pas indirectement, finalement, à être un droit de douane
où le Québec n'a pas de compétence?
M. Morin (Louis-Hébert): Comment n'a-t-on pas de
compétence dedans?
M. Biron: Mais si c'est une taxe, cela devient un droit de
douane, finalement, pour l'Ontario ou pour l'Alberta.
M. Morin (Louis-Hébert): À ce compte-là, il
y a beaucoup de choses auxquelles il faut faire attention. Tout ce qu'on fait
dans une province par rapport à un produit qui est vendu ailleurs
peut-être, à un certain point de vue, considéré
comme un obstacle au commerce, c'est-à-dire comme une sorte de droit de
douane dans la mesure où cela augmente le prix. Si on a des
règles de sécurité, des règles
d'aménagement, des règles de protection du territoire, des
règles de pollution qui font qu'il y a des coûts, c'est sûr
que cela va augmenter le prix du produit. À ce moment-là on peut
très bien dire: Ces règles que vous avez dans tel ou tel domaine
équivalent à un droit de douane ou équivalent à une
charge supplémentaire, par conséquent. Mais ce n'est pas cela. Ce
qui est une douane, nous l'avons dit tantôt, doit relever du
fédéral, il n'y a pas de problème. Dans le système
actuel on n'a jamais mis cela en cause une seconde. Mais je ne sais pas
là... Je ne sais pas si j'ai répondu.
M. Biron: Non, parce que, aujourd'hui, d'après la
constitution actuelle, les provinces n'ont pas le droit d'imposer une taxe sur
un produit, minerai ou richesse naturelle pour le commerce interprovincial.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela.
M. Biron: C'est cela qu'on veut changer maintenant avec la
présentation actuelle. On veut dire: Les provinces auront le droit
d'imposer des taxes sur certains produits; tant et aussi longtemps que c'est du
commerce interprovincial, la province aura le droit d'imposer certaines taxes.
Pour les autres provinces finalement, pour le Québec dans certains cas
aussi quand il va acheter des richesses naturelles transformées
jusqu'à X on le saura lorsqu'on aura la liste cela
deviendra un droit de douane. Donc, on va empiéter sur une juridiction
fédérale.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, ce ne sera pas un droit de
douane, ce n'est pas du tout la même nature.
M. Biron: C'est la même chose exactement.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, je regrette. Cela peut avoir
le même effet, comme d'ailleurs une augmentation de salaire dans une
entreprise peut avoir un effet sur le prix qui va équivaloir à
une taxe. Ce n'est pas une taxe. C'est autre chose. Non, ce n'est pas la
même chose. Vraiment, je ne
suis pas d'accord là-dessus. Au point de départ, sur le
principe même de ce qui est en cause actuellement et qui provient des
positions traditionnelles du Québec, est-ce qu'on est d'accord que cela
a plus de bon sens de dire, compte tenu des intérêts
québécois, que les richesses naturelles sont de compétence
provinciale? Reconnaît-on qu'Ottawa a le droit d'intervenir
là-dedans et de soustraire une richesse naturelle comme
l'électricité, par exemple, sous prétexte que cela sort de
la province, de la soustraire de la compétence provinciale? C'est cela
qui est le problème, c'est très simple. Cela ne sert à
rien de le compliquer avec l'énergie éolienne et toutes sortes
d'autres choses. Ces problèmes peuvent se résoudre.
Partons d'une chose qu'on faisait déjà. Nous avons
déterminé, à partir des positions antérieures du
Québec, que c'était de compétence provinciale. C'est
simplement cela qu'on dit là-dedans. La discussion se poursuivra la
semaine prochaine. On va arriver avec une définition savante et on
semble être au courant, notre collègue ici, et on va l'examiner.
Elle va peut-être être acceptée ou refusée par les
provinces, je l'ignore.
M. Biron: Dans le passé, les gouvernements provinciaux ont
demandé la compétence sur les ressources naturelles, mais juste
le commerce intraprovincial. Maintenant, si on parle de l'extérieur,
qu'est-ce que cela aurait coûté si on avait alloué le
commerce interprovincial pour le pétrole, en particulier? Qu'est-ce que
cela aurait coûté au Québec de plus? Ce sont des choses
qu'on doit savoir. Sur le principe de la souveraineté exclusive du
Québec à l'intérieur des provinces, l'Union Nationale est
constante là-dessus. Nous n'avons pas changé, mais on se pose des
questions sur le commerce interprovincial, sur l'affaiblissement en fait du
gouvernement fédéral s'il n'a pas le droit d'intervenir sur le
commerce interprovincial de certaines ressources naturelles. On se pose des
questions aussi. Je pense que ce serait bon de le définir et qu'on ait
une définition le plus rapidement possible, une définition claire
sur ce que le gouvernement actuel entend comme ressources naturelles et
jusqu'à quel point on entend ressources naturelles, jusqu'à quel
point de transformation on entend ressources naturelles.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vous ai donné une
définition ici. Le problème, je ne vous le cache pas, de la
définition actuelle, c'est que c'est une définition conjointe
fabriquée par tout le monde que je n'ai malheureusement pas le droit de
dévoiler ici, mais cela me fera plaisir, dès que ce sera
possible, de la donner. De toute façon, elle va être connue d'ici
deux ou trois semaines. Je m'excuse de ne pas pouvoir en dire davantage. Je
pense que vous allez comprendre la situation dans laquelle on est. On travaille
à une définition, les provinces ensemble; je pense que là
tout le monde serait d'accord pour empêcher le gouvernement
fédéral de décréter que des richesses naturelles
sont, pour des raisons X, Y ou Z, de compétence fédérale.
C'est la lutte qui est en cause. C'est le problème actuel, surtout
à la suite de la décision de la Cour suprême.
M. Biron: Juste la question à laquelle vous n'avez pas
répondu, comment on aurait réglé le cas du pétrole
de l'Alberta, si l'Alberta avait eu le droit d'imposer les taxes qu'elle aurait
voulues sur le pétrole. Qu'est-ce que cela aurait coûté au
Québec pour les dernières années?
M. Morin (Louis-Hébert): On peut reposer la question
autrement. Qu'est-ce que cela aurait coûté aux autres si on avait
appliqué la même politique dont vous parlez à
l'électricité? Je ne sais pas ce que cela aurait
coûté, il n'y a personne qui peut évaluer le prix d'une
hypothèse?
M. Biron: On n'a pas vendu d'électricité trop trop
à l'extérieur. Pas beaucoup à comparer au pétrole.
Il ne faudrait pas charrier là-dessus non plus.
M. Morin (Louis-Hébert): Mais attention, le pétrole
a deux caractéristiques que vous savez très bien. Cela ne fait
pas terriblement longtemps que c'est commencé dans l'Ouest et,
d'après leurs prétentions à eux, ce ne sera pas
éternel.
M. Biron: Non, mais ce sont des montants énormes et on en
a encore pour 30 ans.
M. Morin (Louis-Hébert): D'après l'avis
catastrophique de notre collègue ici, il va arriver une autre invention
à un moment donné qui va mettre toutes ces richesses à
terre et on va en avoir d'autres qui sont...
M. Biron: Ce n'est quand même pas une excuse pour ne pas se
figurer cela parce que ce sont des montants très importants que le
Québec aura à payer au cours des dix prochaines années,
même s'il y a des catastrophes.
M. Morin (Louis-Hébert): On est en train, de toute
façon, d'atteindre le prix mondial.
Le Président (M. Dussault): Je pense que vous avez
terminé, M. le député de Lotbinière. M. le
député de Beauce-Sud, vous avez la parole.
M. Roy: Merci, M. le Président. Seulement une brève
remarque en ce qui a trait aux définitions. Les définitions qu'on
retrouve dans les articles 109 et 117 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique sont assez limitatives. Il faut bien se rappeler que cela a
été rédigé pendant peut-être une couple
d'années, mais cela a été adopté en 1867, il y aura
bientôt 112 ans.
Il y a de nouvelles formes d'énergie maintenant. Il est
important, je pense, avant qu'on se retrouve avec des problèmes de
duplication ou de concurrence à l'intérieur du Québec,
que, dans la définition qui sera retenue, on tienne compte de ces
éléments.
Le chef de l'Union Nationale a parlé tantôt
d'énergie solaire, l'énergie éolienne. Il faudrait, je
pense, qu'on se penche là-dessus et je pense que c'est très
important. En tout cas, j'appuie cette demande qui a été faite,
de façon à ce que ce soit clarifié le plus possible.
Dans le document que vous nous avez remis, il est dit, au paragraphe b),
dans le bas de la première page c'est un point que je veux
soulever, qui n'a pas encore été soulevé en commission
parlementaire "Le Québec croit que la compétence
provinciale exclusive devrait être assurée sur toutes les
ressources situées dans le territoire d'une province. Le Québec
croit encore que les provinces devraient être seules compétentes
relativement à la propriété, l'exploration, l'exploitation
et le développement, la conservation, etc."
Il y a deux façons, pour le gouvernement fédéral de
s'immiscer dans les richesses naturelles d'une province; l'une d'elle est par
voie législative, par décision administrative. Cela a largement
été abordé. Cependant, il y a une autre façon qui
est utilisée actuellement et qui n'a pas été
abordée à cette commission et j'aimerais bien avoir la
position du gouvernement là-dessus c'est par l'entremise des
sociétés d'État qui se portent acquéreurs de
sociétés existantes. Cela existe dans le domaine des transports;
on a vu le débat, récemment, concernant l'acquisition par Air
Canada de Nordair. Il y a des compagnies de pétrole qui sont des petites
compagnies bien de chez nous, je ne parlerai pas des grandes multinationales;
je ne sais pas si elles existent encore, mais je sais que ce sont des
compagnies qui ont existé il y a quelques années, dans le cas de
Laduboro Oil ou de la Verchères Oil, qui détenaient et qui
détiennent peut-être encore des droits d'exploration, voire
même d'exploitation.
Qu'arrive-t-il, quelle serait la position du gouvernement si
Petro-Canada décidait de se porter acquéreur de ces petites
compagnies qui sont des entreprises privées? Parce que c'est un autre
moyen d'intrusion dont le fédéral peut se servir par l'entremise
de ses sociétés d'État qui ne manquent pas de capitaux et
qui ont d'immenses pouvoirs maintenant. Elles placeraient le Québec dans
des situations assez embarrassantes à certains moments et viseraient
à empiéter sur les droits et les politiques du Québec,
voire même sur l'exploitation des ressources naturelles comme telles.
J'aimerais bien savoir si cette question sera soulevée à
la conférence constitutionnelle, premièrement.
Deuxièmement, quelle sera l'attitude du Québec, parce que le
document ne fait aucunement mention, du moins dans ce que j'ai lu
jusqu'à maintenant, de cet aspect. Je dis que c'est aussi important de
discuter de cette question à ce niveau, comme il peut être
important d'en discuter aussi comme on vient de le faire largement à
cette commission.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aime beaucoup la question que
vous venez de poser, M. le député, parce que c'est une
illustration très concrète d'une façon que le gouvernement
fédéral peut uti- liser certains pouvoirs, par exemple, le
pouvoir de dépenser, le pouvoir d'incorporer des sociétés,
en fait, ces grands pouvoirs généraux qui ont causé
tellement d'introduction du fédéral dans les domaines
provinciaux.
Cela n'est pas à l'ordre du jour, c'est un sujet très
important, mais ce n'est pas à l'ordre du jour de la conférence;
c'est un de ces sujets très importants qui n'ont pas été
abordés, comme une quinzaine ou une cinquantaine d'autres. Nous sommes
actuellement, si vous regardez l'édifice constitutionnel, dans une
pièce d'un édifice immense et, dans la pièce, nous sommes
dans un coin et, dans le coin, sur le bord d'un meuble. Nous n'avons pas
l'ensemble présentement.
C'est simplement ce que je peux vous donner comme réponse
à votre question, la réponse est non; cela n'est pas
discuté, cela n'est pas à l'ordre du jour. À votre autre
préoccupation, je dis: Oui, c'est très important, vous avez
parfaitement raison de soulever le problème.
M. Roy: M. le Président, le ministre nous a parlé
d'une pièce, mais c'est une pièce qui a deux portes et je
m'étonne qu'on ne porte pas plus attention à la
possibilité d'utiliser la deuxième porte, si on limite la
discussion à la première.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, je suis d'accord avec
vous.
M. Roy: Je pense qu'on n'aurait pas tellement avancé.
Je demande au ministre et je vais aller plus loin dans ma
question si la position du Québec n'aurait pas pour effet,
justement, de faire introduire, dans cette discussion, sur ce point
particulier, cette addition? Je pense que ce serait très important et
j'en fais une recommandation. Je ne suis pas expert en questions
constitutionnelles, mais je pense qu'il y a des principes sur lesquels il faut
absolument insister et si on fait en sorte de limiter la discussion à un
niveau et que, pendant le temps où on discute on sait très
bien que cela ne se règle pas dans 24 ou 36 heures, cela prend des
semaines, des mois et des années, il suffit de regarder le passé
pour savoir que cela dure pendant des années. (21 h 15)
Si pendant le temps qu'on guette la porte d'entrée, la porte d'en
avant, on entre par la porte d'en arrière et qu'on occupe le territoire,
on n'aura tout simplement rien réglé. Je me demande si le
gouvernement ne serait pas près, sur ce point particulier, à
insister énormément pour que les deux fassent partie de
l'ensemble des discussions.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président,
effectivement, ce n'est pas à l'ordre du jour, ce qui veut dire que,
normalement, nous ne devrions pas en parler pour cette raison, ce qui est une
lacune. Cependant, pour rassurer tout le monde, je dois dire qu'il s'agit
là, d'après ce que nous avons ici, d'une première liste de
sujets. Il y a eu sept sujets choisis, deux autres ajoutés, un autre le
soir et, le
lendemain, trois autres. Donc, il y en a treize dont quelques-uns sont
de moindre importance, c'est évident.
S'il y a une ronde constitutionnelle qui est commencée, comme le
gouvernement fédéral a mentionné une série de
sujets, comme on sait très bien qu'il y a tellement d'autres choses qui
n'ont pas été touchées, qui sont dans certains cas,
beaucoup plus importantes que celles qu'on aborde et vous en avez une
qui est très importante on présume que ce seront des
sujets de la suite. Il serait impensable, selon la conception
fédérale, que le problème constitutionnel se limite
à ce qui vient d'être mentionné dans cette liste qu'on
regarde aujourd'hui. Dans cette perspective, il est sûr que ce
problème surviendra en cours de route.
M. Roy: M. le Président, je m'excuse d'insister. La
propriété des ressources et le commerce interprovincial, le titre
n'est pas du député de Beauce-Sud.
M. Morin (Louis-Hébert): De moi non plus.
M. Roy: Le titre est du fédéral. Je ne dis pas que
c'est le ministre lui-même qui a introduit le titre. Mais, quand on parle
de propriété des ressources, il y a deux volets et je pense qu'on
ne peut pas entreprendre les discussions sur un seul volet parce que cela fait
partie d'un tout sur ce point particulier. Je ne voudrais pas qu'on devienne,
à un moment donné, les victimes d'une stratégie qui vise
à attirer notre attention sur un point particulier alors qu'on utilisera
l'autre volet au maximum pendant tout le temps des discussions.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison.
M. Roy: Si on parle de la propriété des ressources
naturelles du Québec, il y a évidemment la
propriété directe par le gouvernement fédéral, par
toutes sortes d'intrusions, par des mesures, mais il y a aussi la
propriété via les sociétés
fédérales.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.
M. Roy: Je pense qu'on ne peut pas, logiquement, discuter de
cette question en insistant uniquement sur un seul des deux volets, parce que
les deux volets font partie d'un tout, et je pense que le Québec,
là-dessus, devrait prendre une position extrêmement ferme tout
simplement parce que chaque province a quand même un droit de veto, si on
se réfère à toute cette question constitutionnelle. Au
moins, c'est l'héritage de Georges-Étienne Cartier, parce qu'il
savait probablement que cela finirait un jour par être du 10, 12, 14
versus le Québec, contrairement à 4 versus le Québec dans
le temps, alors qu'on avait plus de 50% de la population. L'histoire a
démontré cela.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
M. Roy: Aujourd'hui, je pense que sur ce point qui est
fondamental, la possession des richesses naturelles, c'est toute la question
économique qui est à la base. J'insiste énormément
là-dessus et je fais une recommandation spécifique au
gouvernement, ce soir. Puisque la commission parlementaire a pour but de
demander l'opinion de l'Opposition, je pense que c'est permis à
l'Opposition de faire des recommandations. Je demande de façon
très stricte, très ferme j'insiste même sur la
fermeté de ne pas aborder cette discussion sans que les deux
volets soient compris dans la discussion. Sinon, on sait très bien que,
pendant tout le temps que ces discussions perdurent et Dieu sait si
elles perdurent depuis longtemps nous vivons le statu quo versus un peu
plus d'empiétement quotidiennement, régulièrement.
J'aimerais que le ministre puisse me dire à ce moment-ci, dans la
mesure où c'est possible pour lui de nous en informer, s'il est
prêt à accepter la recommandation que je viens de soumettre
à cette commission.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis prêt à
accepter votre recommandation avec cette nuance. Nous ne pouvons pas changer,
au moment où je vous parle, l'ordre du jour tel qu'il existe. Cependant,
ce que nous pouvons faire et c'est probablement ce qui ressort de mon
exposé d'hier et de ce que j'ai dit depuis c'est qu'il va de soi
que, connaissant l'expérience du passé je ne parle pas de
moi, je parle des Québécois dans ce genre de discussions,
il faut se méfier de ce que j'appelle les queues de dragon. Je vais vous
dire ce que je veux dire en termes clairs. Une queue de dragon, c'est quelque
chose qui a l'air de rien, mais, quand vous ouvrez la porte, il y a un monstre
de l'autre côté. Tout ce que voyez, c'est la queue; vous pensez
que c'est une souris et c'est un dragon.
Il peut arriver que des choses qui ont l'air de rien soient, en fait,
des morceaux de choses beaucoup plus sérieuses qu'on oublie. Vous avez
parfaitement raison lorsque vous soulevez le problème de
l'empiétement, via d'autres mécanismes que l'intervention directe
de l'État fédéral. Cela peut très bien être
Petro-Canada ou d'autres... Cela peut être n'importe quoi.
M. Roy: J'ai donné Petro-Canada à titre d'exemple.
Cela peut en être d'autres.
M. Morin (Louis-Hébert): II y en a encore des meilleures
que cela.
M. Roy: C'est cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis à 150% d'accord
avec vous là-dessus pour l'avoir vécu dans mes fonctions
administratives. Je ne peux pas changer l'ordre du jour. Je présume,
parce que je pense qu'on peut nous faire confiance là-dessus
enfin, ce sera à la population et à vous
d'en juger que le Québec n'acceptera pas de se laisser, si
vous voulez, prendre dans un entonnoir ou un carcan. Lorsque nous accepterons
quelque chose parce que s'il y a des choses valables, nous allons les
accepter nous ne l'accepterons pas avec des conditions attachées
ou avec la connaissance qu'il y a un dragon de l'autre côté. Vous
pouvez compter sur nous et cela correspond, à part cela,
fondamentalement, non pas à mon état d'âme, comme dirait
quelqu'un, mais à une conviction profonde chez moi et, je pense, chez
tous mes collègues. Là-dessus, il n'y a pas de
problème.
M. Roy: De toute façon, M. le Président, je sais
très bien qu'il est impossible de demander au ministre de modifier
l'ordre du jour. L'ordre du jour a été préparé, a
été accepté et fait état des différents
points, des différents sujets qui seront discutés. Cependant, une
fois l'ordre du jour accepté et les différents articles à
l'ordre du jour appelés, il y a des discussions. Lorsque des
propositions sont faites, il peut y avoir des amendements, des acceptations,
des modifications, voire même des refus. C'est la raison pour laquelle
j'insiste... je ne voudrais pas qu'on accepte et si on devait accepter,
à un moment donné, la proposition qui est faite à
l'élément "Propriété des ressources et le commerce
interprovinciale", tel que formulé bien que j'aie
énormément de doute qu'on accepte cette proposition en
considérant le fait, par exemple, que la question de la
propriété des ressources naturelles est réglée. Ce
n'est pas réglé et je sais que pendant les discussions et
j'estime que pendant les discussions qui auront lieu lorsque cet
élément de l'ordre du jour...
M. Morin (Louis-Hébert): Excusez-moi, M. le
député, j'ai reçu...
M. Roy: C'est tellement important que je préfère
attendre quelques secondes plutôt. J'ai dit que lorsque cet
élément sera appelé pour discussion, je suis assuré
je pense, si j'ai bien compris le ministre, qu'il va sûrement soulever
cette question une fois que cet élément sera appelé pour
que la discussion soit amorcée et de façon qu'il n'y ait pas
d'acceptation partielle, si une acceptation devait avoir lieu. Je dis que les
deux sont fondamentales.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, je m'engage à
ceci et on va en prendre note. Je garantis que la semaine prochaine lorsque la
question viendra à huis clos, je la soulèverai telle qu'on l'a
vue maintenant. Je ne peux pas m'engager à changer l'ordre du jour. Vous
savez pourquoi. Mais je vais certainement en parler.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, non, je m'excuse.
Le Président (M. Dussault): Je n'ai pas d'autre
intervenant. M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, je serai très bref,
parce que je pense que les problèmes ont déjà
été soulevés. Je voulais simplement avoir quelques
précisions supplémentaires.
Je voudrais d'abord demander au ministre s'il est d'accord, comme il l'a
laissé entendre tout à l'heure, avec la position de l'Alberta en
ce qui concerne le pouvoir qu'auraient les provinces de percevoir des
impôts et des redevances découlant de la vente et de la gestion
des ressources naturelles. Je voudrais savoir si le ministre est d'accord avec
cette position de l'Alberta et, dans l'affirmative, comment il conçoit
qu'on pourrait servir au mieux les intérêts du Québec avec
une position très absolue à propos de l'ensemble des
éléments qui sont mentionnés dans la position du
gouvernement du Québec, sans, en même temps, essayer de voir
comment se régleraient, dans un cas comme celui-là de
propriété exclusive et de contrôle exclusif, les
problèmes qui ont donné lieu dans le passé à des
chevauchements de compétence, soit par l'entremise de la taxation, soit
par l'entremise du commerce interprovincial ou international, soit par toutes
sortes d'autres domaines. Comment peut-il s'assurer qu'en gagnant un point sur
ceci, la propriété et la gestion des ressources naturelles, cela
ne pourrait pas se retourner contre les intérêts du Québec
ou nous ramener dans les vieilles ornières, puisque ce n'est pas la
propriété des ressources naturelles qui a été mise
en cause à ma connaissance, en tout cas; vous me corrigerez si je
me trompe cela n'a pas été ce principe qui a vraiment
été mis en cause.
Ce principe a été érodé au cours des
années à cause justement d'autres aspects qui viennent en
concurrence avec ce principe qui est posé. Je suis un peu surpris que,
finalement, on ne s'attaque pas ici, dans la position qui est
présentée, justement à ces problèmes qui se sont
posés et dont on fait état dans l'introduction du document et
qu'on se contente de réaffirmer de façon plus forte un principe
qui existait déjà dans la constitution depuis le
début.
Pour tous les problèmes qui ont donné lieu à des
difficultés, tous les autres domaines qui ont donné lieu à
des difficultés, on n'a rien, on n'a aucun guide si je peux dire
de ce que serait ou de ce que sera la position du gouvernement du
Québec au cours de la prochaine conférence
fédérale-provinciale. La question rejoint, à ce
moment-là, ce à quoi le chef de l'Union Nationale a fait allusion
tout à l'heure: Comment, pour prendre un exemple très concret et
ne pas compliquer les choses, pour rester bien simple, se serait
réglé, dans une perspective comme celle-ci, le cas des prix de
péréquation du pétrole de l'Alberta, lorsqu'on sait qu'en
vertu d'une intervention fédérale, avec le concours de l'ensemble
des provinces, le Québec en particulier a récupéré
à peu près $3 milliards en deux ou trois ans, juste au titre
d'une péréquation sur les prix du pétrole? Est-ce que le
ministre pense que, dans un contexte différent, l'Alberta aurait
accepté volontairement de payer cette péréquation ou de
contribuer à cette péréquation des prix du pétrole?
Est-ce qu'au contraire il pense mettre dans la constitu-
tion ou défendre l'idée que, dans une constitution
renouvelée, il y aurait quand même certaines précautions
qui seraient prises de façon que, dans des cas semblables, le
Québec ne se retrouve pas dans une situation pire que celle dans
laquelle il a pu se trouver jusqu'à maintenant?
C'est cela, le problème principal que je soulève. Il me
semble que les raisons pour lesquelles il y a eu des difficultés
jusqu'à maintenant dans l'interprétation de la constitution ont
eu lieu non pas à propos du principe de la propriété, mais
à propos des interférences si je puis dire à
cause des autres domaines de compétence. Malheureusement, on n'a rien
ici qui nous indique dans quelle direction le gouvernement du Québec
veut aller pour surmonter ces difficultés.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas le principe de
propriété qui est mis en cause, vous avez raison, c'est
l'application du principe de propriété, ce qui revient au
même, cependant, à toutes fins utiles, en dernière analyse.
On peut très bien reconnaître la propriété à
quelqu'un, mais l'empêcher de l'exercer; à ce moment-là, il
n'a pas au fond tout le sens de son droit de propriété. Nous
avons essentiellement, sans que j'entre dans les détails, puisque je
crois l'avoir déjà dit, appuyé les provinces de l'Ouest
dans leurs positions, rejoignant en cela la position fondamentale du
Québec en ce qui concerne la propriété des richesses
naturelles. Il n'a pas été question, au cours de nos discussions
jusqu'à maintenant, parce que ce sont des discussions d'ordre juridique
et d'ordre politique constitutionnelle, parce que cela n'est pas l'objet de nos
réunions, de l'agencement de la coopération interprovinciale en
ces matières. Par conséquent, cela n'est pas un sujet qui est
venu à l'ordre du jour.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que, messieurs, la
commission a d'autres intervenants sur l'article 7?
M. Raynauld: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: Si on en est là, je voudrais simplement
ajouter une information au dossier. Mon collègue a soulevé le
problème de la notion de ressources naturelles; je voudrais, pour que le
ministre se sente plus à l'aise ce soir...
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis très à
l'aise. (21 h 30)
M. Raynauld:... lorsqu'il ira au lit, lui dire qu'il y a une
publication du Conseil économique de l'Ontario qui est publique. C'est
un document qui est disponible. Il verra là-dedans qu'il y a un chapitre
qui porte sur la taxation. Je pense, sauf erreur je ne suis pas
absolument sûr que l'auteur est Richard Byrd de
l'Université de Toronto. Il y fait une revue de l'ensemble des moyens de
taxation. Lorsqu'il parle des ressources naturelles dans le premier paragraphe,
il soulève exactement ce problème. Donc, il n'est pas absolument
indispensable de défendre les intérêts du gouvernement
fédéral lorsqu'on soulève la question de savoir comment on
tient compte du degré de transformation d'une ressource naturelle. Il
n'est pas indispensable non plus que l'on doive défendre les
intérêts du gouvernement fédéral si on se pose la
question de savoir si du minerai de fer concentré sur place, c'est une
ressource naturelle au même titre que le minerai de fer qui n'est pas
concentré sur place. Une fois qu'il a été
concentré, si le coût du transport du minerai concentré
fait aussi partie des ressources naturelles ou s'il n'en fait pas partie, c'est
soulevé dans tous les manuels de taxation. Je pense que s'il
s'était informé un peu de ces questions, il s'en serait
aperçu. Il n'aurait pas été obligé de nous
insulter.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je vais faire, monsieur,
c'est vous féliciter. Si j'ai insulté qui que ce soit, je
l'apprends. Je suis très heureux de constater qu'on a dans le
député d'Outremont un député savant qui a beaucoup
de temps pour lire. Je vous félicite. Continuez comme cela. C'est
profitable.
Le Président (M. Cardinal): Sur ce, messieurs, je le fais
comme j'ai déjà employé l'expression
serviteur de cette commission, nous en sommes à 21 h 30 passées.
Je l'ai fait à deux reprises, hier et aujourd'hui. Je ne voudrais pas
qu'on ait une motion et qu'on la débatte jusqu'à minuit pour
savoir si on va siéger au-delà de 22 heures. Je demande alors
s'il y a un consentement de la commission, s'il y a des ententes. Nous en
sommes à l'article 8, sur 13.
M. Morin (Louis-Hébert): Pour quoi faire, un
consentement?
Une voix: Siéger jusqu'à 22 heures?
Le Président (M. Cardinal): Jusqu'à quelle neure
voulez-vous siéger, messieurs?
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense qu'il y a eu je
vais prendre la parole une sorte de consensus entre tous les partis
à l'heure du souper, à savoir que nous irions à peu
près jusqu'à 22 heures. J'espère que ce n'est pas
changé. J'attendrai une confirmation. J'aurai une suggestion à
faire dans une seconde, après.
Le Président (M. Cardinal): Puis-je officiellement savoir
si c'est un consentement?
Des voix: Oui.
Pêcheries, Sénat, Cour suprême,
Charte des droits de l'homme et constitution
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, j'appelle
l'article 8: Pêcheries.
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais faire une suggestion,
M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a plusieurs sujets qui
restent. Je n'en fais pas du tout une question grave. Nous avons jusqu'à
maintenant touché deux types de sujets qui nous intéressent,
c'est-à-dire ceux qui traitent du fonctionnement du système
actuel et quelques sujets qui traitent du partage des pouvoirs. Il en reste un,
les pêcheries, sujet proposé à l'époque
par la province de Terre-Neuve et que nous avons ajouté à
l'ordre du jour. Nous avons d'ailleurs accepté de le faire.
J'aimerais peut-être, si les gens étaient d'accord
s'ils ne sont pas d'accord, je vais laisser faire parce que là-dessus,
il y a beaucoup de positions prises par le parti antérieurement et qui
vont dans la substance québécoise; je pense, par exemple,
à la question du rapatriement et de l'amendement de la constitution,
à la question des droits fondamentaux laisser de
côté la question de la monarchie. Je pense bien qu'on... Enfin! Si
vous voulez, on peut en parler. On peut le prendre comme sujet prioritaire. Je
veux seulement préciser une petite chose à propos de la monarchie
pour qu'il n'y ait pas de malentendu. J'ai dit hier qu'il n'y avait pas de
position antérieure du Québec sur le sujet de la monarchie tel
qu'il se présentait maintenant. Il y a effectivement des positions
antérieures sur la monarchie en tant que telle. Il y en a eu dans un
document de l'Union Nationale à l'époque, c'est-à-dire
qu'on souhaitait l'abolition du système monarchique qu'on voulait
remplacer plutôt par un autre régime. Par la suite, cette position
n'a pas été tenue par le Parti libéral qui n'a pas non
plus dit qu'il mourait d'envie de garder la monarchie, mais qu'il
n'était pas contre. Lorsque le problème s'est posé
l'été dernier à la conférence de Régina,
nous avons tout simplement pris la position que nous ne voulions pas et
les autres provinces non plus d'ailleurs que le gouvernement
fédéral s'attribue, par des changements d'ordre constitutionnel,
des pouvoirs qui appartiennent à la fiction monarchique et qui
pourraient devenir des pouvoirs dont ils se serviraient. Cela a
été simplement cela, notre position. Donc, il n'y a pas de
continuité québécoise marquée sur ce type de
problème relatif à la monarchie. Mais c'est un problème
très important pour les Canadiens anglais et nous avons accepté
de le mettre à l'ordre du jour de la discussion constitutionnelle
présente.
Cependant, quant au Sénat, c'est une question qui, normalement,
ne devrait pas pouvoir être abordée. Elle peut être
abordée, mais elle ne sera sûrement pas résolue. Je
voudrais me faire corriger si j'ai tort. Je m'excuse, mais je voudrais
simplement dire quelques mots là-dessus pour qu'on s'entende.
Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas à vous
excuser, vous avez tout votre temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais c'est parce que je veux
que les autres parlent aussi. J'ai hâte d'entendre leur avis sur
certaines questions. Quant au Sénat, comme cela a été
soumis par le gouvernement fédéral à la Cour
suprême, normalement, il n'y a rien là-dessus au mois de
février. On ne le sait pas encore. Ce n'est pas un sujet bien
prioritaire pour moi. Je ne pense pas que le Sénat empêche qui que
ce soit de dormir au Québec.
Une voix: II ne s'empêche pas lui-même.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela n'empêche pas les
sénateurs de dormir.
Le Président (M. Cardinal): N'oubiez pas que vous vous
adressez à un président ancien membre du Conseil
législatif.
M. Morin (Louis-Hébert): Quant à la Cour
suprême... D'accord! Le Sénat est un des sujets qui est toujours
un "carry over" des autres discussions.
Le Président (M. Cardinal): Ce qui veut dire une
suite.
M. de Bellefeuille: Une reprise.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le
député. Je m'aperçois qu'il y a des députés
savants pas seulement d'un côté.
Le Président (M. Cardinal): Je l'espère.
M. Morin (Louis-Hébert): Quant à la Cour
suprême, nous avons pris une position qui, elle, est dans la nette
continuité, c'est-à-dire celle du tribunal constitutionnel, je le
signale, et elle a été renouvelée par l'Union Nationale,
je ne me souviens à quelle date...
Une voix: En novembre 1978.
M. Morin (Louis-Hébert): En novembre 1978. Alors j'imagine
que de ce côté-là on ne se chicanera pas beaucoup. Il y a
des déclarations très intéressantes, des documents
d'anciens gouvernements que j'ai ici si on avait le temps on les
distribuerait qui vont clairement de ce côté-là, une
continuité. On va voir quelle réception aurait été
faite à la suggestion québécoise de plusieurs
gouvernements quant au tribunal constitutionnel. Il reste les ressources au
large des côtes, les pêcheries, on va peut-être y revenir
tantôt, cela dépendra de ce que les gens ici vont vouloir aborder
comme sujet. Il y a deux sujets qui ont leur importance en soi, je pense que
tout le monde les a reconnus, et qui ont certaines conséquences assez
sérieuses. On pourrait peut-être les prendre; sinon, on va laisser
faire. Il s'agit de la charte des droits et il s'agit du rapatriement et de
l'amendement de la constitution. Le rapatriement et l'amendement de la
constitution, ce matin, le
député de Beauce-Sud en a parlé avec assez
d'insistance, j'ai même pensé à un moment donné
proposer qu'on commence par cela et finalement je l'ai peut-être
oublié. On est revenu à l'ordre du jour tel qu'il est maintenant.
Sur le rapatriement et l'amendement de la constitution, nous avons dans le
document qui est là exprimé les raisons pour lesquelles tous les
gouvernements québécois jusqu'à maintenant ont
considéré que ce sujet devait venir en dernier lieu parce qu'il a
des conséquences concrètes très sérieuses sur le
statut politique du Québec. Cela a été la pierre
d'achoppement de Victoria. Historiquement, c'est un fait. Cela a aussi
été un des problèmes que M. Lesage a eus à
l'époque après sa tournée de l'Ouest. Cependant, je tenais
à le mentionner. On peut en parler plus longuement. Je tenais à
le mentionner parce qu'il y a ici une mythologie dangereuse.
A priori, vous demandez aux gens: Est-ce que vous êtes d'accord
que la constitution britannique devienne une constitution qu'on ait au Canada?
Le sens commun dirait: Bien oui, c'est sûr, c'est normal, cela va de soi.
Mais il faut faire attention, le sens commun peut, dans ce cas-là, jouer
des tours. Parce que cela n'est pas simplement un geste de
décolonisation comme l'a dit M. Trudeau. Cela en est un, bien sûr,
mais cela a des conséquences très sérieuses, le
rapatriement et la forme de l'amendement, sur le statut politique du
Québec parce que la formule d'amendement veut dire, essentiellement:
Cela prend combien de provinces représentant quel pourcentage de la
population pour changer quoi, dans la constitution? Alors, quand vous avez
décidé de cela, vous avez décidé du statut
politique des États membres. C'est pour cela que cela a toujours
été considéré par le Québec comme devant
venir à la fin. Cela est la poignée, si vous voulez, sur laquelle
on peut s'accrocher dans le reste du Canada, pas nécessairement à
mauvais escient, mais inconsciemment peut-être, pour geler
l'évolution politique du Québec. J'ai compris le
député de Beauce-Sud ce matin comme émettant un
avertissement sérieux de ne pas s'embarquer dans cette
direction-là, ce avec quoi nous sommes parfaitement d'accord, puisque le
premier ministre lui-même a déclaré qu'il décidait
que nous ne participerions pas à cette discussion pour que le reste du
Canada sache qu'à cet égard nous avons toujours la même
position que les autres gouvernements.
Je fais une suggestion, mais je ne me battrai pas. Est-ce que vous
seriez d'accord qu'on dise quelques mots du problème du rapatriement ou
de l'amendement de la constitution ou celui de la charte des droits qui
présente un autre type de problème et qui doit venir, lui aussi,
d'après nous, après qu'on sait à quel pouvoir cela
s'applique et à quelle répartition de compétence cela
s'applique? Je ne sais pas. J'attends l'avis des autres.
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez...
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous ne voulez pas, on va
prendre les pêcheries.
Le Président (M. Cardinal): Non, si vous me permettez.
Nous avons un accord pour que nous terminions vers 22 heures. Cela a
été unanime.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord!
Le Président (M. Cardinal): II y a déjà sept
sujets qui ont été discutés. Il nous en reste donc six.
Nous avons d'abord les pêcheries, qui peut-être en français
s'appellent les pêches.
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je dois comprendre
qu'il y a une intervention...
Le Président (M. Cardinal): Non, pas sur le fond.
M. Morin (Louis-Hébert): ... du président de
l'assemblée en ce qui concerne une certaine terminologie
utilisée, auquel cas je regrette d'avoir à dire qu'il faudrait
qu'il s'en prenne au chef de son ancien parti, l'honorable Maurice Duplessis
qui, à l'époque, a utilisé lui aussi cette expression. Fin
de mon intervention, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je n'y répondrai
pas.
M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, mais je pense que
vous avez raison, cela étant dit.
Le Président (M. Cardinal): La Charte des droits et
libertés de la personne, vous en avez parlé vous-même et je
vous ai laissé aller parce que vous avez toujours cette liberté,
M. le ministre, représentant du parti ministériel du
gouvernement. Sur la Cour suprême du Canada et le Sénat, vous avez
exprimé votre opinion; sur la monarchie, vous l'avez fait aussi et,
finalement, il y a le rapatriement et l'amendement de la constitution dont nous
avons assez longuement parlé dans la matinée. Je suis à la
disposition de cette commission et j'attends toute suggestion pour que nous
puissions terminer vers 22 heures et nous quitter avec cette
sérénité qui nous a marqués depuis deux jours. M.
le député de Vanier.
M. Bertrand: Ma proposition sera fort simple, M. le
Président. Comme il reste fort peu de temps, je pense que le ministre
des Affaires intergouvernementales vient lui-même d'esquisser à
quels points il attachait de l'importance et sur lesquels il aurait aimé
entendre le point de vue des partis de l'Opposition. Il serait finalement
beaucoup plus facile de laisser l'Opposition officielle, celle de l'Union
Nationale, et le député de Beauce-Sud choisir, dans les cinq ou
six derniers sujets...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Bertrand:... de faire une intervention finale qui leur
permettrait de mettre l'accent sur ce qui leur apparaît important.
Le Président (M. Cardinal): Je n'avais pas pensé
à cela. D'accord. Merci, M. le député de Vanier, leader
parlementaire adjoint.
M. Bertrand: On éviterait ainsi les discussions de
procédure.
M. Morin (Louis-Hébert): Brillante suggestion.
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, je vais suivre
l'ordre habituel et les gens useront de leur jugement habituel pour en
décider. J'ai dit qu'aux environs de 22 heures j'ajournerai sine die. Le
représentant de l'Opposition officielle.
M. Forget: M. le Président, très
brièvement...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... en faisant le tour des sujets qui demeurent, je ne
peux faire autrement que de constater un certain nombre de choses. Il y a d'une
part le fait que nous n'avons pas une impatience désordonnée
à discuter de la monarchie, non plus que le ministre, je le
remarque...
M. Morin (Louis-Hébert): J'en connais que cela
intéresse en maudit.
M. Forget: C'est un sujet qui est aussitôt ouvert que clos.
Il y a d'autre part le fait que sur la question de rapatriement, la position du
Québec, c'est qu'il ne participerait pas pour l'instant à ces
discussions. Donc, il y a bien peu de choses à discuter
là-dessus. Pour ce qui est des institutions fédérales, du
Sénat et de la Cour suprême, je dois dire que nous de l'Opposition
officielle entretenons un intérêt fort mitigé pour les
opinions que le gouvernement actuel peut entretenir sur ces deux sujets,
étant donné qu'il s'agit de sujets qui sont fort loin de ses
préoccupations.
M. Morin (Louis-Hébert): Et de celles de pas mal de
monde.
M. Forget: De celles de pas mal de monde peut-être, quoique
c'est vrai à un plus haut degré dans le cas du gouvernement
actuel.
M. Morin (Louis-Hébert): Je crois que vous êtes
d'accord avec nous, et ce qui est important, d'ailleurs, c'est le partage des
pouvoirs.
M. Forget: C'est précisément... M. Morin
(Louis-Hébert): D'accord.
M. Forget: ... ce sur quoi j'allais conclure qu'il y avait
finalement les deux sujets du partage des pouvoirs où il y a un
intérêt plus marqué de tout le monde, je crois, au
Québec, peut-être même ailleurs. Il y a
particulièrement, dans ce secteur, un phénomène qui m'a
frappé lorsque j'ai pris connaissance des notes sommaires qui nous ont
été remises sur la position du Québec.
C'est qu'un événement nouveau, fort important, est survenu
depuis qu'un gouvernement quelconque antérieur a eu l'occasion de se
pen- cher sur cette question; c'est la création, à partir du
néant, en quelque sorte, par un fiat juridique du gouvernement canadien,
à la suite de l'échec des nombreuses conférences
internationales sur le droit de la mer, de la zone économique de 200
milles. Ceci constitue une extension unilatérale du territoire sous
souveraineté canadienne et pose immédiatement, pour les
provinces, à l'occasion d'une discussion constitutionnelle, la question
de savoir comment seront répartis les droits sur ce territoire nouveau.
J'ai été frappé, encore une fois, par une
continuité qui s'explique moins dans un cas comme celui-là que
dans n'importe quel autre. C'est qu'il y a un élément nouveau et
fondamentalement différent qui fait que le Québec en particulier
est dans une position assez ambiguë II n'est pas là, je
pense à l'Atlantique nord lui-même un État riverain,
mais il pourrait, par sa position géographique, ambitionner de
participer ou de partager, d'une certaine façon, dans l'exploitation des
ressources, tant biologiques que minérales du fond marin, à
l'intérieur de la zone économique de 200 milles, pourvu, bien
sûr, que la définition du régime juridique de ce territoire
de 200 milles soit faite de manière à lui laisser ouverture. (21
h 45)
Or, ce qui apparaît paradoxal dans la position qui a
été définie par le Québec, c'est qu'on s'attache
à une notion de juridiction exclusive des États riverains
dans ce cas-ci, des provinces riveraines ce qui se trouve à
exclure le Québec de toute prétention, par exemple, à une
part à titre de droit et non pas à titre de
tolérance des provinces impliquées dans les ressources
biologiques immmenses des bancs de Terre-Neuve où, graduellement, la
politique nouvelle du Canada va contribuer à éliminer ou à
diminuer les contingents de pêche des pêcheurs étrangers,
soviétiques, portugais, islandais, norvégiens, danois, etc.,
où on aura donc un espace de plus en plus considérable pour les
pêcheurs canadiens. Est-ce que ces pêcheurs canadiens seront des
pêcheurs terre-neuviens seulement? C'est ce qu'on serait porté
à conclure si on prend la position "traditionnelle" du Québec. Ou
est-ce que les pêcheurs québécois, ceux des
Îles-de-la-Madeleine, ceux de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord,
ceux de la Gaspésie pourront, comme question de droit, avoir
accès aux territoires de pêche des bancs de Terre-Neuve? Je donne
cet exemple parce qu'il est très connu, mais, évidemment, cela a
une portée beaucoup plus large.
Il me semble que, dans un cas comme celui-là, on se trouve en
face, encore une fois, comme dans le cas des ressources
énergétiques de l'Ouest canadien, d'un conflit je ne dirai
pas cornélien, mais il a un peu cet aspect entre des principes
traditionnels, si vous voulez, la vertu cornélienne, et, d'autre part,
des intérêts très pragmatiques, c'est-à-dire la
possibilité pour les pêcheurs d'avoir des contingentements, des
quotas de pêche sur les bancs de Terre-Neuve, et pas seulement par
tolérance de Terre-Neuve, mais en fonction de leur droit, comme
Québécois, sur ce territoire.
Auront-ils ce droit, ne l'auront-ils pas? Il semble que le gouvernement
actuel du Québec prend la position qu'on fera confiance aux
Terre-Neuviens de bien vouloir faire une part aux Québécois dans
les prises de morue et autres espèces sur les bancs de Terre-Neuve,
qu'ils délivreront eux-mêmes les permis de pêche sur les
bancs de Terre-Neuve et que le Québec n'a rien à dire
là-dedans; il faudra se faire confiance.
Est-ce que, en contrepartie, les pêcheurs terre-neuviens
demanderont des droit privilégiés sur les rivières
à saumon du Québec? Est-ce qu'il faudra faire un troc de ce
genre? Ce sont des problèmes très concrets. Si j'étais un
pêcheur des Îles-de-la-Madeleine ou de Gaspé, je me poserais
ces questions et je ne serais pas tout à fait rassuré en lisant
la position traditionnelle du Québec qui nous incite à dire que
c'est Terre-Neuve qui a tous les droits sur les grands bancs et c'est "just too
bad" si vous n'êtes pas là, que voulez-vous, on a des principes ou
on n'en a pas.
Il me semble qu'ici, en particulier, on avait un développement
à assurer dans la position traditionnelle du Québec parce que
cette position traditionnelle on ne pouvait pas faire autrement, dans le
passé a été développée à un
moment où on ne pouvait même pas anticiper que le gouvernement
canadien prendrait cette décision assez surprenante, tout compte fait,
de créer une zone économique de 200 milles.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, je
voudrais répondre au député catastrophe de Saint-Laurent
que je ne pensais pas qu'on finirait la soirée quelque part entre le
drame et la tragédie en ce qui concerne les poissons. Que voulez-vous?
La frontière du Québec ne s'arrête pas au Groenland, le
souhaiterions-nous que ce ne serait pas possible. Nous avons fait un effort
là-dessus très brièvement pour une question
qui a été soulevée par une autre province et qui est
d'ailleurs connue publiquement, Terre-Neuve. On a dénoncé une
opinion en ce qui concerne les 200 milles en reconnaissant très bien
et je l'ai dit que ce n'était pas une question qui avait
déjà été soulevée dans le passé.
Cette question de l'accessibilité à raison de 200 milles
est loin je souligne loin d'être résolue
actuellement, très loin d'être résolue. Par
conséquent je pense qu'il va se passer encore bien du temps avant
qu'on y arrive ce que nous avons donc énoncé comme
position préliminaire est une position qui est a l'orée et au
début d'une discussion qui a à peine eu lieu parce que c'est un
des sujets, et on a eu deux réunions, jusqu'à maintenant, au
niveau des ministres.
J'aimerais toujours, comme dans les autres cas, savoir ce que le parti
du député de Saint-Laurent pense de cette question; on n'a pas le
temps de résoudre ce problème, il nous a dit ce matin qu'il
n'avait pas à répondre. Cependant, on a quand même, pas sur
cette question précise, mais sur autre chose, les positions de son parti
et on présume qu'à moins de les nier totalement, elles demeurent.
Je ne lui demanderai pas ce qu'il pense à cet égard.
Je voudrais quand même dire ceci et je laisserai la parole
tout de suite à un autre que c'est toujours possible, dans
n'importe quoi, de trouver des difficultés éventuelles. Je
pourrais en invoquer moi, des drames et des tragédies. Si on parlait de
l'agriculture, je pourrais penser aux sauterelles; il n'y en a pas au
Québec, mais on ne sait jamais. Il n'y en a plus, maintenant. Ou encore,
tout à coup elles reviendraient.
Je n'aime pas cette façon de procéder et je ne veux pas
m'engager là-dedans. En toute honnêteté, nous avons rempli
un trou qui n'était pas touché par les gouvernements
antérieurs, et pour cause. On se fait reprocher de l'avoir fait. Si on
ne l'avait pas fait, on nous aurait dit: Vous avez oublié quelque chose
d'effrayant, c'est épouvantable, on n'aura plus de poissons. C'est le
genre de cas auquel il faut s'attendre et j'accepte ce genre de règle du
jeu, encore que je ne considère pas que c'est tellement utile. Je laisse
la parole à un autre, M. le Président, pendant quelques
minutes.
M. Roy: Un point de règlement, M. le Président, un
petit point de règlement de quelques secondes seulement. Étant
donné qu'on doit terminer à 10 heures, j'aimerais, si
c'était un consensus ou un consentement de la commission, qu'on accorde
quelques minutes à chacun des partis, même si on dépasse de
2 ou 3 minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela, je suis
d'accord. Parfaitement.
Le Président (M. Cardinal): La directive est rapidement
rendue.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais faire autre chose. Je
pense que je vais vous laisser aller et que je n'exercerai pas mon droit de
parole. Cela irait?
M. Roy: Je n'ai aucune objection à ce que M. le ministre
l'exerce.
M. Morin (Louis-Hébert): Je l'exercerai peut-être
à la fin complètement, s'il reste du temps, si on ne le fait pas
exprès pour me l'enlever, mais allez-y. Pas de problème.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, on
verra. M. le député de Lotbinière, chef de l'Union
Nationale; ensuite, M. le député de Beauce-Sud.
M. Biron: M. le Président, j'irai rapidement. Il y a deux
points particuliers que je veux toucher; je veux faire deux mises en garde au
gouvernement, l'une sur la charte des droits et libertés et l'autre sur
le rapatriement de la constitution. Encore là,
c'est tout simplement la continuité historique de l'Union
Nationale, là-dessus.
La charte des droits, je pense que tout le monde reconnaît qu'un
jour ou l'autre il en faut une. Mais je n'aimerais pas, quand même, qu'on
aille rapidement accepter une charte des droits qui nous gèlerait
finalement dans ce qu'il y a de plus important pour les provinces et pour le
Québec en particulier, soit le partage des pouvoirs. Si on accepte tout
de suite une charte des droits, il y a beaucoup de choses qui seront
gelées à l'intérieur de cela et, finalement, on sera
obligé, en négociant la charte des droits, de négocier un
partage des pouvoirs d'une façon ou d'une autre.
Or, je pense bien qu'on se bute la tête sur le mur et
peut-être un peu trop solidement. Il y a quelque chose au sujet duquel il
faut être prudent avant d'accepter une charte des droits, c'est de faire
le tour de tous les autres problèmes et d'ajuster notre charte
après en fonction des problèmes qu'on aura. Il y a des droits des
provinces, comme l'éducation, qui peuvent être reliés
finalement à la charte des droits. Il y a le partage des pouvoirs et il
y a beaucoup d'autres choses. C'est une mise en garde au gouvernement
là-dessus. Je pense bien que c'est tout simplement la continuité
historique, encore une fois, des gouvernements du Québec qui l'ont
précédé de régler les problèmes de partage
des pouvoirs. C'est cela, le gros problème. Après cela, on
ajustera en conséquence la charte des droits à ce qui aura
été décidé dans le partage des pouvoirs.
Le deuxième point auquel je veux toucher rapidement, M. le
Président, c'est le rapatriement et l'amendement à la
constitution. Là encore, cela a été, je pense bien, la
position de tous les partis politiques. En particulier, le dernier premier
ministre du Québec, sous le régime libéral, M. Bourassa,
s'est opposé avec énormément de force et de
véhémence au rapatriement de la constitution, à tel point
qu'il a déclenché une élection parce qu'il craignait que
le gouvernement fédéral ne rapatrie la constitution sans demander
aux provinces ce qu'elles en pensaient.
Il n'est pas question, à mon point de vue, à l'heure
actuelle, que le Québec doive donner la permission de rapatrier la
constitution, on est en train d'ailleurs on a fait un exercice
aujourd'hui d'essayer de découvrir une nouvelle façon
d'écrire une nouvelle constitution. D'une façon ou d'une autre,
cette nouvelle constitution, à mon point de vue, moi qui suis un
fédéraliste convaincu, est irréversible. Le Canada aura
une nouvelle constitution, peu importe le résultat du
référendum ici au Québec. C'est irréversible. Alors
qu'on aura une nouvelle constitution au Canada, pourquoi rapatrier la vieille?
Pour avoir un vieux morceau de papier ici pendant un an, deux ans, trois ans ou
cinq ans? On est peut-être mieux de suggérer au premier ministre
du Canada, le premier ministre actuel, qu'il soit premier ministre ou non
on lui paiera un voyage à Londres d'aller chercher le
vieux papier dans le temps et on le mettra au musée à Ottawa. Ce
sera peut-être bien bon, mais à l'heure actuelle, il n'y a
certainement pas d'urgence là-dessus. Il ne faudrait pas que le
gouvernement du Québec perde tellement d'énergies à
essayer de trouver des formules de rapatriement ou des formules d'amendement
avant de régler les autres problèmes qui sont beaucoup plus
importants que cela et qui sont, en fait, encore une fois, le partage des
pouvoirs.
Peut-être que cela reste une formule de chantage de la part des
provinces vis-à-vis du gouvernement fédéral, mais il faut
l'employer. Alors, il n'y a pas d'utilité à l'heure actuelle
à rapatrier la vieille constitution canadienne.
Avant de terminer, M. le Président, je voudrais faire un souhait
au ministre; je vais peut-être l'entendre dans sa réplique tout
à l'heure dire ce qu'il en pense. Aujourd'hui et hier, je pense qu'on a
fait un exercice qui valait la peine d'être fait. J'aurais aimé
qu'on ait assez de temps pour passer à travers tous les
problèmes; on aurait pu voir le point de vue précis de chacune
des formations politiques là-dessus et donner une indication au
gouvernement.
Tout de même, la prochaine conférence constitutionnelle
s'en vient à grands pas, c'est au début de février.
J'aimerais que, dans la semaine qui va suivre ou dans les deux semaines qui
suivront, on puisse reconvoquer cette même commission parlementaire pour
informer les membres de la commission de l'évolution du dossier. On
pourra, pendant une journée je ne veux pas que cela dure trois ou
quatre ou cinq jours mais peut-être une journée questionner
le ministre ou le gouvernement en conséquence là-dessus. Ce
serait beaucoup mieux que la période des questions traditionnelles
où on sait qu'on n'a pas le temps de vider les questions avec une, deux
ou trois questions additionnelles et cela finit là. Pendant une
journée, on pourra peut-être faire le tour du dossier, voir ce
qu'on a gagné, ce qu'on n'a pas gagné, pourquoi cela a
bloqué dans tel endroit, pourquoi cela n'a pas bloqué ou
qu'est-ce qu'il reste à faire en continuant.
Je ne veux pas en faire une motion, M. le Président, je veux tout
simplement en faire un souhait. Je crois que ce serait bon, dans l'histoire de
cette négociation au niveau fédéral-provincial à
l'heure actuelle, qu'on puisse donner toute l'information nécessaire aux
membres de cette commission. J'en fais un souhait et j'écouterai tout
à l'heure la réponse du ministre.
Le Président (M. Cardinal): Votre voeu est noté au
journal des Débats.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. En premier lieu, je vais
souscrire tout de suite au voeu qui vient d'être exprimé par le
chef de l'Union Nationale et député de Lotbinière à
l'effet qu'une commission parlementaire au moins une séance
puisse être tenue au retour de la conférence
constitutionnelle. La période de questions, comme on le sait très
bien, en vertu de notre règlement, ne permet pas à celui qui pose
des questions de
faire des commentaires. On peut faire des commentaires, mais le
président a l'obligation, à ce moment-là, de nous rappeler
à l'ordre. Je pense que ce serait beaucoup plus valable. Cela
apporterait peut-être un éclairage beaucoup plus grand et les
parlementaires seraient beaucoup plus à l'aise si une commission
parlementaire devait avoir lieu là-dessus. J'appuie l'idée du
chef de l'Union Nationale à ce sujet.
Dans l'ensemble, M. le Président, je souscris aux propositions
qui sont contenues et qui tiennent compte des positions antérieures du
Québec, des positions historiques du Québec. Cependant, j'aurais
peut-être deux brefs commentaires à faire, l'un concernant la
charte des droits. Il est évident que plus la charte des droits
fédérale serait élaborée, une charte des droits
canadiens, plus, évidemment, cela peut empiéter sur les
juridictions des provinces, limiter les provinces. Je pense qu'il y a une ligne
de démarcation qu'il faut examiner. Tout dépend évidemment
et je fais une parenthèse de notre conception fondamentale
de ce que pourra être une nouvelle constitution, une nouvelle structure.
Je dis que c'est au niveau de la charte que peut se poser le problème de
la reconnaissance de deux nations, de deux nations fondatrices. Des
francophones, il n'y en a pas qu'au Québec. Je ne fais pas de
proposition formelle, mais disons que préalablement, je dis oui au
principe d'une charte, mais d'une charte limitée, très
limitée, si on retient le principe des deux nations. Je pense que c'est
important à ce niveau-là. En ce qui a trait à la
constitution, je ne veux pas reprendre les propos que j'ai tenus ce matin. Je
les maintiens encore. Je ne crois pas au rapatriement de la constitution. Je
dis que c'est une perte de temps. Je suis en faveur d'une nouvelle
constitution. Quant à la vieille constitution, je terminerai tout
simplement par une image ou une caricature en disant ceci: Elle a
été trop violée pour sécuriser tout le monde.
J'aime mieux qu'elle reste là-bas.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre. Vous n'avez
peut-être pas le dernier mot, mais vous avez la réplique.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce sera très bref, M. le
Président. Avant d'aller plus loin, cependant, j'ai une question. J'ai
peut-être mal compris. Le député de Beauce-Sud a dit qu'il
est d'accord avec le principe d'une charte mais je ne suis pas sûr
d'avoir compris là-dessus si on y intègre vous me
corrigerez si ce n'est pas cela le principe des deux nations. Est-ce
cela que vous avez dit? (22 heures)
M. Roy: Si on reconnaît le principe des deux nations.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. J'aurais pu le voir au
journal des Débats, mais c'est seulement pour ma compréhension ce
soir.
La première chose que je veux dire, c'est que ce serait une bonne
idée effectivement d'en parler de nouveau devant l'Assemblée
nationale, quels que soient les résultats de la conférence. Je ne
peux pas vous dire à quelle date, parce qu'après la
conférence il y a la visite du premier ministre Barre et ensuite une
série d'autres choses que j'ai été obligé de
retarder à cause des travaux actuels qui ont pris à peu
près tout mon temps.
Je suis d'accord avec la suggestion de l'Union Nationale et celle du
député de Beauce-Sud. J'imagine que nos collègues
libéraux seraient d'accord pour entendre parler de cela à
nouveau, à un moment donné.
M. Forget: Oui, je vous l'ai demandé d'ailleurs hier ou ce
matin.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, d'accord, excusez-moi, je ne
voulais pas vous oublier. Donc, cela va de ce côté. Pas de date
précise, mais il est sûr qu'on pourra se revoir pour analyser les
résultats, quels qu'ils soient, de cette conférence.
Je suis très content de cette commission parlementaire. Je pense
que même si les sujets sont complexes, nous avons pu commencer à
éclairer la population, via les media d'information, sur la substance du
problème constitutionnel, pour qu'on comprenne au moins qu'il ne s'agit
pas seulement de questions strictement juridiques. Je pense qu'on a
souligné non seulement la continuité historique, mais le fait que
cela s'approche beaucoup des positions que nous avons, de la substance
québécoise. Quels que soient les partis, même si on n'est
pas tous dans le même bateau, il faudrait souhaiter être tous dans
la même rivière; parfois on peut en douter, mais tout de
même je crois que de ce côté, majoritairement, ici, c'est le
cas.
Nous n'avons jamais demandé et je le répète
parce que je ne veux aucun malentendu là-dessus, je suis prêt
à le dire publiquement n'importe quand aux partis de l'Opposition
d'appuyer le Parti québécois. Ce n'est pas cela du tout. Nous
avons énoncé des positions que nous avons essayé de
résumer. Cela a peut-être créé, à un moment
donné, des malentendus, mais je pense que de l'avis d'à peu
près tout le monde, il n'y a jamais eu un effort de synthèse
comme celui-là de fait sur des questions aussi complexes. On va
continuer dans le même sens pour l'avenir, parce que c'est non seulement
une politique de transparence, mais c'est une politique de respect de la
population.
Ce que nous avons demandé on aurait voulu le savoir de
tous les partis, on le sait de certains d'entre eux c'est si les
positions qui étaient les leurs avant sont encore les leurs aujourd'hui.
C'est aussi simple que cela. Je regrette un peu je ne veux pas faire de
politique maintenant que le Parti libéral, tout en reconnaissant
que ses positions antérieures sont encore les siennes on l'a dit
hier ne reconnaisse pas que leur utilisation par nous soit valide dans
les cadres d'une discussion constitutionnelle qui se réalise à
l'intérieur du système actuel. Je sais très bien qu'on a
peur qu'à partir de
l'usage que nous en ferions parce qu'il y a une certaine
méfiance on en déduise des choses que nos amis
libéraux n'ont pas voulu dire. Ce n'est pas là le point; le point
est que nous ne demandons pas et nous ne voulons pas que le Parti
libéral croie que nous lui demandons d'appuyer le Parti
québécois. Ce n'est pas une question de parti, c'est une question
de gouvernement québécois. Nous sommes au pouvoir maintenant,
d'autres l'étaient avant nous et dans l'avenir il y en aura d'autres,
c'est sûr, cela va de soi. Cependant, au-delà de ces partis,
au-delà de cette division temporaire dans laquelle on est obligé
d'être, comme Québécois, et que le système
encourage, division partisane qui parfois nous nuit, on essaie de trouver
quelque chose qui au moins ferait que, pour certaines circonstances comme la
conférence qui vient, on continue à dire les mêmes
choses.
Je pense qu'on continue à dire les mêmes choses,
au-delà des expressions d'opinions. Je ne veux pas faire dire aux
libéraux des choses qu'ils n'ont pas dites. Cependant, je conçois
que leur position antérieure, en substance et quant au principe, sauf
quelques rares exceptions... Les richesses naturelles, par exemple, on en a
parlé tantôt, il y a quelque chose qui m'inquiète de ce
côté, je pense qu'on va y revenir. Mais, pour le moment, je
considère que ce que nous avons présenté comme position
traditionnelle, c'est encore, en substance, les positions des
Québécois, une sorte de minimum vital qui est connu d'Ottawa
maintenant, qui est connu depuis plusieurs mois. J'ai bien hâte de savoir
quel sera, dans le système actuel, que ce soit à
l'intérieur de la discussion constitutionnelle présente ou
à l'intérieur d'un autre forum, j'aimerais savoir ce qu'Ottawa
pense de ces positions, qui datent quasiment de générations, que
les gouvernements québécois, les uns après les autres, ont
prises et qu'ils ont défendues comme nous le faisons aujourd'hui
nous-mêmes. Parce que nous représentons non pas les
péquistes, nous représentons l'ensemble des
Québécois et nous allons continuer à le faire comme c'est
notre devoir de le faire. Je remercie de leur collaboration les gens qui ont
participé à cette réunion d'une journée et demie et
qui a été assez intense. Nous avons échangé des
opinions parfois. C'est une sorte de règle de jeu politique que je
n'aime pas moi-même, mais il semble qu'on s'y attende et il semble que
cela fasse partie de ce genre de procédures; très bien. Si c'est
cela, d'accord. J'oublie tout cela et je considère que le document bleu
que vous avez devant vous, qui est inspiré des gouvernements
antérieurs, demeure et que nous partons avec ce document pour les
conférences qui s'en viennent en espérant que les
Québécois sauront, comme nous allons leur dire d'ailleurs, que
nous défendons non pas des positions de partis, mais des positions d'un
peuple tout entier. Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Si vous
me permettez, ce sera très bref. Étant moi-même, comme
président de cette commission, privé de participer sur le fond du
débat, même sur les questions techniques qu'on a soulevées,
je dois quand même dire que j'ai bénéficié du
plaisir de vous entendre tous. Je désire vous remercier et vous
féliciter de votre participation, à un niveau plutôt
élevé, aux travaux de cette importante commission parlementaire.
Nous sommes en train de faire, dans les faits, une réforme de nos
travaux. Sur ce, je dois sans autre commentaire, ne voulant rien impliquer dans
le débat, avec votre accord que vous m'avez accordé il y a
quelques instants, ajourner les travaux de cette commission sine die.
(Fin de la séance à 22 h 7)