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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Wednesday, June 5, 1974 - Vol. 15 N° 81

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence du conseil,

de la constitution et des affaires intergouvemementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvemementales

Séance du mercredi 5 juin 1974

(Dix heures dix minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! Nous continuerons ce matin l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Je cède la parole au chef de l'Opposition. Auparavant, j'aimerais signaler que M. Marchand (Laurier) remplace pour la séance d'aujourd'hui M. Parent (Hull).

Le chef de l'Opposition.

M. LEVESQUE: Cet après-midi, on va probablement siéger quand M. Parent sera revenu.

Remarques préliminaires (suite)

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais poursuivre ce matin l'étude du domaine de l'agriculture, du moins des aspects fédéraux-provinciaux de ce vaste domaine. Pourrais-je commencer par citer aux membres de cette commission un extrait du plan directeur de développement du secteur agricole, présenté par le ministre Toupin au conseil des ministres du Québec en septembre 1971? Ce document contenait l'extrait suivant: "Force nous est alors de considérer la question du développement du secteur agricole face aux autres compétences prévues dans la constitution. Le Québec ne saurait vraiment atteindre le maximum de succès dans l'orientation de son agriculture et plus particulièrement dans le secteur qui nous occupe, sans la coordination absolue de l'aménagement du territoire, du contrôle de la production, de la gestion de ferme, de la commercialisation des produits à l'intérieur de ses frontières, du crédit agricole et d'une politique sociale intégrée".

Le document ajoutait: "Ce sont là les assises indispensables et inséparables à toute politique agricole globale, étant donné leur interaction évidente et leur profond enracinement dans le contexte régional".

J'aimerais demander au ministre si son ministère est d'accord sur cette attitude du ministère de l'Agriculture, s'il a eu l'occasion de négocier dans ce secteur avec le pouvoir fédéral et où en est la négociation?

M. LEVESQUE: J'étais pris à autre chose, voulez-vous recommencer simplement les sujets que vous avez abordés? Je sais la question.

M. MORIN: Volontiers. L'aménagement du territoire, le contrôle de la production, la gestion de ferme, la commercialisation des produits à l'intérieur de ses frontières, le crédit agricole, la politique sociale intégrée. Si vous voulez, on peut prendre chacun de ces domaines, les uns après les autres.

M. LEVESQUE: Je sais, mais je n'ai pas l'intention de le faire. Je l'ai dit hier, je n'ai pas l'intention de répéter l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture qui ont duré plus de 20 heures. On demande encore que soit poursuivie l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture.

M. MORIN: Non. Il n'est pas question de traiter d'un seul sou des crédits du ministère de l'Agriculture. Il s'agit de traiter de l'aspect fédéral-provincial.

M. LEVESQUE: L'aspect fédéral-provincial est notre responsabilité dans le sens que nous coordonnons les politiques des ministères sectoriels mais, si vous me demandez ce que nous avons fait dans la commercialisation des produits agricoles relativement au bill C-176 à Ottawa, je pourrais vous dire que deux ententes fédérales-provinciales ont été signées en 1972/73 en vertu de cette loi. La première concerne la commercialisation des oeufs, la seconde porte sur la commercialisation du dindon. Une troisième entente est en négociation, elle porte sur la commercialisation du poulet. Mais quant à savoir ensuite ce qui arrive du dindon ou du poulet, cela, c'est le ministère de l'Agriculture qui va vous répondre.

M. MORIN: Si vous voulez, on peut peut-être prendre...

M. LEVESQUE: Vous avez parlé de l'aménagement, une entente Québec-Canada portant sur l'application au Québec du programme fédéral d'aide aux petites fermes a été signée en septembre 1973. Cela est notre part. Mais quant à l'aménagement du territoire, du zonage des territoires, des préoccupations du ministère de l'Agriculture pour protéger les fermes et les terres arables, je n'entrerai pas là-dedans.

M. MORIN: Non. Je ne m'attends pas à ce que le ministre traite d'autres choses que les aspects fédéraux-provinciaux.

M. LEVESQUE: Juste cela.

M. MORIN: C'est bien cela. C'était bien le sens de ma question d'ailleurs. Peut-être pouvons-nous entrer dans certains aspects plus précis de la question. Je me réfère toujours au plan directeur de développement du secteur agricole de septembre 1971. En ce qui concerne le programme fédéral-provincial de crédit agricole, là encore, je ne voudrais pas lasser le ministre ni ses collaborateurs, mais je pense

qu'il vaut mieux que je cite un passage pour fixer les limites du débat.

M. LEVES QUE: Je vais vous le dire immédiatement. Les renseignements sont juste devant moi et le dossier est en négociation, mais depuis 1973, l'évolution est très lente.

M. MORIN: Actuellement, il y a toujours deux crédits agricoles qui se chevauchent sur presque toute la ligne, n'est-ce pas? Je reviens à la revendication fondamentale du Québec, si vous voulez bien.

M. LEVESQUE: Nous sommes en négociation pour éviter le double emploi, mais par contre, il faut se rappeler que les agriculteurs du Québec ont profité de certains arrangements qui ont été pris et qui ont favorisé l'agriculture au Québec. Il ne faut pas penser que c'est complètement négatif.

M. MORIN: Ce n'est pas ce que j'insinuais non plus. Nous parlons de contentieux fédéral-provincial dans ce domaine, il est assez vieux, je pense, ça date de plusieurs années; du temps où le ministre était jeune député, c'était déjà un objet de difficultés.

M. LEVESQUE: Je suis encore jeune député.

M. MORIN: Je voudrais revenir au passage auquel je faisais allusion. "D'aucuns déplorent depuis quelques années" — c'est en 1971 — nous l'avons nous-mêmes signalé, à quelques reprises, "la duplication" — je pense que le ministre de l'Agriculture voulait dire le dédoublement — "que perpétue du Québec le fonctionnement parallèle de deux systèmes de crédit agricole fort semblables en ce sens qu'ils poursuivent les mêmes objectifs de base, qu'ils utilisent les mêmes moyens d'action, qu'ils se disputent le même territoire, qu'ils offrent sensiblement les mêmes avantages en pratique, qu'ils sont financés, dans une très large mesure, par le même contribuable et qu'ils utilisent, chacun de leur côté, un personnel qualifié et compétent."

Et le ministre ajoutait, encore une phrase: "Rien ne saurait justifier plus longuement, à nos yeux, le chevauchement des efforts, la perte d'efficacité administrative la confusion, l'incohérence et l'incoordination que favorise une telle situation sans compter le coût déjà trop élevé qu'entraîne, pour le contribuable, une telle duplication". Un tel dédoublement, sans doute.

Devant un verdict comme celui-là, qui est celui de son collègue, le ministre peut toujours dire que ça rend des services, mais il reste que ce sont des services incohérents, incoordonnés, confus et sans efficacité ou, du moins, il y a perte d'efficacité. J'imagine que, sur la question fondamentale, le ministre n'a pas changé d'avis. C'est toujours l'attitude de son ministère que seul Québec doit être compétent dans ce domaine du crédit agricole?

M. LEVESQUE: Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait complémentarité, qu'il n'y ait pas double emploi et qu'il n'y ait pas de chevauchement inutile. Il y a, du côté fédéral, des sommes importantes disponibles et nous n'avons pas l'intention, jusqu'à preuve du contraire, d'y renoncer. Ce que nous disons, ce que nous négocions présentement, c'est une meilleure cohérence et une complémentarité entre le crédit agricole fédéral et le crédit agricole du Québec.

M. MORIN: Complémentarité sans chevauchement? Alors, le ministre veut-il nous expliquer comment cela peut être réalisé?

M. LEVESQUE: Vous n'avez pas compris ça, ça vous choque.

M. MORIN : C'est-à-dire que c'est bien difficile d'avoir la complémentarité sans qu'il y ait de chevauchement. Alors, expliquez-nous votre conception de la complémentarité.

M. LEVESQUE: Prenons, comme exemple, un chèque d'allocations familiales qui vient d'Ottawa, vous n'avez peut-être pas d'enfants, je ne sais pas, peut-être que vous en avez.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Vous en profitez.

M. MORIN: Et alors?

M. LEVESQUE: Et alors, vous avez un chèque qui arrive d'Ottawa, un chèque qui vient de Québec, c'est de la complémentarité et il n'y a pas de chevauchement.

M. MORIN: II n'y a pas de chevauchement. M. LEVESQUE: Pas du tout.

M. MORIN: C'est simplement que le pouvoir fédéral prend toutes les décisions majeures!

M. LEVESQUE: Vous n'avez pas un morceau de chèque qui dépasse sur l'autre. Ce sont deux enveloppes séparées.

M. MORIN: Cela encore, c'est un point sur lequel le Québec, et le ministère en particulier ont reculé drôlement depuis M. Castonguay.

M. LEVESQUE: Le ministère n'a pas reculé, au contraire, si on veut parler...

M. MORIN: L'article 94 A...

M. LEVESQUE: ... de cela, il s'agit là d'un gain important du Québec et je n'ai pas l'intention de refaire le discours ou de reprendre les remarques que j'ai faites hier à ce sujet. Mais on sait...

M. MORIN: Mais qu'est-ce que vous appelez...

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Mais qu'est-ce que vous appelez un gain important pour le Québec alors que c'est Ottawa qui s'est emparé de la compétence?

M. LEVESQUE: Le gain important, c'est que nous avons présentement une législation qui prime sur la législation fédérale quant à la distribution des sommes en question. C'est dire que nous pouvons utiliser même les sommes fédérales pour faire notre propre planification dans le domaine social. Cela, c'est un gain.

M. MORIN: Sur le plan...

M. LEVESQUE: Si ce n'est pas un gain dans l'esprit du chef de l'Opposition, c'est qu'il ne saisit pas toute...

M. MORIN: Sur le plan constitutionnel, la législation québécoise prime la législation fédérale?

M. LEVESQUE: Evidemment.

M. MORIN: Je ne sais pas si le ministre mesure ses mots.

M. LEVESQUE: Non. Je les mesure très bien, je n'ai pas parlé de l'aspect constitutionnel, le député, lui, est traumatisé par la question constitutionnelle.

M. MORIN: Non, nous sommes dans les questions constitutionnelles.

M. LEVESQUE: Moi, je suis intéressé par ce qui arrive aux Québécois.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Je suis intéressé parce que le gouvernement du Québec peut faire une politique cohérente en matière sociale.

M. MORIN: Vous jouez sur les mots.

M. LEVESQUE: Je ne joue pas sur les mots.

M. MORIN: Je vous interroge sur l'aspect constitutionnel, c'est votre responsabilité.

M. LEVESQUE: Le député de Sauvé retourne à l'article 94 A continuellement. C'est cela qui le préoccupe, c'est cela qui le traumatise, il ne peut pas penser maintenant à autre chose. Qu'il essaie donc de sortir de Victoria...

M. MORIN: Si c'est là la position de votre gouvernement...

M. LEVESQUE: C'est évident. Je n'essaie pas de traduire la position d'un autre gouvernement, ni de l'Opposition.

M.MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: C'est normal que je traduise la position gouvernementale.

M. MORIN: II faut que la situation soit claire, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Elle est très claire dans mon esprit.

M.MORIN: Je ne veux pas vous chercher noise indûment. Vous avez dit que la législation québécoise prime la législation fédérale.

M. LEVESQUE: En matière de...

M. MORIN: Je vous dis que, sur le plan constitutionnel...

M. LEVESQUE: En matière de distribution des sommes disponibles...

M. MORIN: ... vous faites erreur. M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Sur le plan constitutionnel, ce dont je vous parle, c'est le plan constitutionnel, je dis que, sur ce plan-là, vous faites erreur.

M. LEVESQUE: Vous pouvez parler de plan constitutionnel et dire, par exemple, que la compétence est demeurée à Ottawa, jusqu'à un certain point, dans la détermination de normes minimales, etc.

M. MORIN: Jusqu'à un certain point?

M. LEVESQUE: Je ne vous contredirai pas là-dessus; cela existe. Mais il existe également une législation du Québec et la législation fédérale s'est — vous direz volontairement — soumise à la législation provinciale. C'est volontairement, pas constitutionnellement. C'est cela que vous voulez dire?

M. MORIN: Et c'est le même système que vous voulez appliquer au crédit agricole, si j'ai bien compris? Alors, c'est un recul par rapport à votre position antérieure?

M. LEVESQUE: Quelle est la position du crédit agricole présentement? Nous disons — et je suis d'accord avec le ministre de l'Agriculture — qu'il y a là un chevauchement inutile et qu'il y a là double emploi...

M. MORIN: "L'incoordination", disait M. Toupin...

M. LEVESQUE: ... et un manque d'efficacité et nous croyons...

M. MORIN: "Confusion...; incohérence", disait votre collègue en 1971.

M. LEVESQUE: ... que nous pourrions — et c'est justement l'objet de nos négociations — essayer d'en arriver à une complémentarité.

Au moment où j'ai parlé de complémentarité, vous ne semblez pas faire la distinction entre la possibilité d'avoir une complémentarité sans chevauchement ou une avec chevauchement.

Pour vous, complémentarité égalait chevauchement. J'ai essayé de vous illustrer ma pensée en vous parlant des allocations familiales. Vous êtes demeuré traumatisé sur Victoria, mais j'espère que nous allons revenir maintenant à l'agriculture et que vous allez accepter qu'il puisse y avoir complémntarité sans nécessairement de chevauchement.

M. MORIN: Parce que, dans le cas des allocations familiales, il y a complémentarité, mais il n'y a pas de chevauchement?

M. LEVESQUE: Avez-vous un morceau de chèque qui est collé sur l'autre?

M. MORIN: Le ministre sait très bien qu'en matière constitutionnelle, on ne colle pas des petits bouts de papier les uns sur les autres. Dans ce domaine abstrait, je ne sais pourquoi le ministre ramène cela à des chèques.

M. LEVESQUE: En matière sociale et en matière de bien-être, c'est bien important pour le citoyen canadien d'avoir des petits bouts de chèque.

M. MORIN: Ce que j'essaie de déterminer, c'est la position exacte du ministère à l'heure actuelle. Je vois que, par rapport à 1971 et par rapport à ce que disait son collègue de l'Agriculture, le ministre a reculé, si je comprends bien. Il nous parle maintenant de complémentarité. Son collègue ne parlait pas de complémentarité.

M. LEVESQUE: Voulez-vous répéter la question? Excusez-moi, j'étais distrait. Je n'étais pas distrait, mais j'étais pris ailleurs.

M. MORIN: Je disais que votre collègue de l'Agriculture, en 1971, ne parlait pas de complémentarité, il parlait du dédoublement, de la perte d'efficacité, de l'incohérence, de la confusion, de l'incoordination...

M. LEVESQUE: Est-ce que...

M. MORIN: II voulait à tout prix mettre fin à ce dédoublement.

M. LEVESQUE: ... le chef de l'Opposition prétend que mon collègue, le ministre de l'Agriculture, a demandé que soit reconnu ou a prétendu que la constitution donnait une exclusivité au point de vue de compétence au pouvoir des provinces? Est-ce que le député, qui est censé être un expert constitutionnel, a oublié les dispositions de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui reconnaît une prépondérance de compétence au pouvoir fédéral en matière d'agriculture?

M. MORIN: C'est en effet l'article 95. M. LEVESQUE: J'ai bien dit 95. M. MORIN: Bien sûr.

M. LEVESQUE: J'ai d'excellents conseillers, vous savez.

M. MORIN: Personne ne conteste que le "BNA Act" ne dise cela, mais ce n'est pas là la question. La première position du Québec...

M. LEVESQUE: La constitution donnant une prépondérance en matière d'agriculture au pouvoir fédéral, n'est-il pas logique que nous poursuivions des objectifs comme ceux que nous poursuivons en vue d'une complémentarité entre le crédit agricole fédéral et le crédit agricole du Québec ou est-ce que cela ne rime pas à quelque chose de très logique dans l'esprit du chef de l'Opposition?

M. MORIN: Est-ce que le ministre est en train de nous dire que la revendication traditionnelle du Québec — voulant que toutes les sommes servant au crédit agricole doivent être rapatriées au Québec — a été abandonnée?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas dit qu'une telle revendication était abandonnée, parce que nous pouvons fort bien, dans les domaines de compétences mixtes, avoir certains arrangements qui font que des sommes disponibles au gouvernement fédéral soient entièrement administrées par le gouvernement du Québec, s'il est préférable pour avoir la complémentarité que l'on ait le paquet et qu'on l'administre ici à même des fonds fédéraux. Cela se fait dans d'autres domaines.

M. MORIN: Par complémentarité, si je comprends bien — c'est dans le concret qu'on va voir ce que cela signifie — vous entendez le rapatriement des sommes. C'est cela?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Votre position, à l'heure actuelle, c'est que vous entendez rapatrier les sommes d'argent et en disposer.

M. LEVESQUE: C'est cela. Ce n'est pas parce que nous parlons de complémentarité, non pas parce que nous demandons d'avoir accès aux décisions qu'à ce moment nous mettons de côté la possibilité, sans rapatrier entièrement les sommes, au moins que les plans de développement agricole que nous avons et, en particulier, quant au financement, quant au

crédit agricole, nous puissions avoir cela ici, mais pas nécessairement l'administration elle-même des sommes en question.

M. MORIN: Autrement dit, votre position actuelle, c'est que les deux administrations peuvent continuer à coexister.

M. LEVESQUE: Prenons, par exemple, si on veut, à titre d'illustration, ce qui se passe dans le domaine de l'habitation. Vous avez là un domaine où la Société d'habitation du Québec a accès aux sommes qui sont rendues disponibles par le gouvernement fédéral. Cela ne veut pas dire que les sommes votées par le gouvernement fédéral ou les sommes qui sont mises à la disposition de l'habitation par le gouvernement fédéral deviennent la responsabilité directe du gouvernement du Québec. Ce que cela veut dire, c'est que la Société d'habitation du Québec a accès à des sommes disponibles au gouvernement fédéral, mais la maîtrise d'oeuvre, si l'on veut, revient à la province. C'est la province qui décide de quelle façon ces sommes seront utilisées au Québec.

M. MORIN: On en parlera plus loin, si vous voulez.

M. LEVESQUE: Le fédéral n'agit à ce moment que comme un banquier. Alors, on pourrait songer à une méthode analogue pour le crédit agricole.

On peut songer à cela, que le gouvernement fédéral puisse agir en banquier.

M. MORIN: Autrement dit, c'est Québec qui utiliserait l'argent, qui déciderait à qui le prêt agricole doit être consenti et c'est Québec qui émettrait les chèques. C'est cela, la position?

M. LEVESQUE: Cela pourrait être une formule.

M. MORIN: Et dans cette formule, Ottawa n'émettrait plus de chèque, Ottawa ne prendrait plus de décision.

M. LEVESQUE: L'essentiel est la mise en oeuvre de programmes québécois dans le domaine de Pagriculture.

M. MORIN: Qui prendrait la décision de consentir un prêt ou non?

M. LEVESQUE: Présentement, le crédit agricole fédéral le fait, le crédit agricole du Québec le fait.

M. MORIN: Je le sais bien. C'est pour cela que je pose la question au ministre.

M. LEVESQUE: Si on prenait le modèle de l'habitation, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, évidemment, c'est le crédit agricole du Québec qui ferait un peu le travail analogue à celui que fait la Société d'habitation du Québec.

M. MORIN: C'est la position actuelle du ministère?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN C'est la position actuelle du ministère?

M. LEVESQUE: Oui, mais il ne faut pas exclure, par exemple, que le gouvernement fédéral se réserverait certains critères quant à l'admissibilité financière. C'est évident, parce que ce sont des sommes qui sont perçues par le gouvernement fédéral et dont ce dernier est responsable.

M. MORIN: Perçues par le gouvernement fédéral

M. LEVESQUE: Enfin. Ces sommes proviennent du gouvernement fédéral.

M. MORIN: Des impôts. M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Oui, mais ces impôts pourraient tout aussi bien être payés au Québec.

M. LEVESQUE: Ah bien, voici...

M. MORIN: C'est le "spending power" du fédéral encore une fois!

M. LEVESQUE: Oui. On peut prendre tous les dossiers et dire que le gouvernement fédéral ne devrait plus percevoir de taxes.

M. MORIN: C'est pour cela que les positions générales et les grandes orientations sont importantes.

M. LEVESQUE: Oui, mais présentement la constitution prévoit, à l'article 95, je le répète, au cas où le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, voudrait laisser entendre à la commission ici qu'il s'agit là d'une matière de compétence provinciale exclusive...

M. MORIN: Non. C'est une compétence mixte, c'est évident.

M. LEVESQUE: Alors, s'il y a compétence mixte, n'est-il pas normal qu'il y ait des fonds, des taxes versées et recueillies de part et d'autre, étant donné qu'il s'agit d'une compétence mixte?

M. MORIN: II ne s'agit pas de fonds recueillis. Il s'agit de dépenses. Il s'agit de prêts.

M. LEVESQUE: Je parle des impôts à ce moment, parce que l'argent ne tombera pas des airs. Cela va venir du fruit des impôts. Alors, n'est-il pas normal...

M. MORIN: Oui, d'accord.

M. LEVESQUE: ... que le gouvernement fédéral puise, à même ces impôts, les sommes nécessaires à l'exercice de sa compétence puisqu'il a, et c'est admis, d'après la constitution actuelle, une compétence?

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: Cependant, ce que nous demandons, c'est que le fédéral, tout en exerçant cette compétence, accepte les priorités du Québec quant à l'aménagement du territoire, quant au développement agricole. Nous croyons qu'un des instruments de développement agricole, d'aménagement du territoire, c'est le financement des activités des cultivateurs. Nous croyons qu'à ce moment nous éviterions beaucoup de chevauchement et de double emploi si le fédéral acceptait — parce qu'il reste à accepter., nous sommes en négociation actuellement — d'agir un peu de la même façon — c'est une illustration, toute comparaison peut être un peu boiteuse — que la Société centrale d'hypothèques et de logement vis-à-vis de la Société d'habitation du Québec.

C'est clair, cela. Nous sommes présentement en négociation. Je n'ai pas la réponse du gouvernement fédéral. C'est tout.

M. MORIN: D'accord. Vous l'attendez depuis longtemps?

M. LEVESQUE: Nous attendons. M. MORIN: Oui, jusqu'à quand?

M. LEVESQUE: II y a de nombreux dossiers dans lesquels nous avons fait des progrès considérables, mais il ne semble pas que ces dossiers intéressent particulièrement le chef de l'Opposition. Je ne peux pas le blâmer non plus. Evidemment, je ne parlerai pas du pétrole, parce que le chef de l'Opposition va être encore traumatisé.

M. MORIN: On y vient. Dans un quart d'heure, on y sera au pétrole.

M. LEVESQUE: Oui? Prenons simplement le domaine de l'agriculture. J'ai parlé de la commercialisation des produits agricoles, des ententes fédérales-provinciales de 1972/73. J'ai parlé, je crois, il y a quelques instants, du programme fédéral d'aide aux petites fermes, de l'entente Québec-Canada relative aux pertes de récoltes dues aux pluies surabondantes de 1972. C'est une entente, signée à l'automne 1972, qui a pour but de dédommager les producteurs agricoles qui ont dû essuyer des pertes importantes en raison des mauvaises récoltes. Je pense en particulier à l'agriculture et aux ententes de développement — entente de l'Est, entente ARDA — qui prévoient la mise en oeuvre de programmes conjoints en matière d'agriculture. On aura l'occasion d'en reparler lors de l'étude des crédits de l'Office de planification et de développement du Québec.

M. MORIN: Tout cela est tiré du bilan, M. le ministre?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Tout cela est tiré du bilan?

M. LEVESQUE: C'est toujours de la mise à jour.

M. MORIN: Du bilan?

M. LEVESQUE: Du bilan, c'est cela.

M. MORIN: II y aurait intérêt à le publier, M. le ministre. Ce serait beaucoup plus simple. Je ne serais pas obligé de vous interroger longuement.

M. LEVESQUE: Le ministre de l'Agriculture, pendant 20 heures, a exposé toutes ces politiques. Par le fait même, il est entré dans le contenu. Si l'agriculture intéresse particulièrement le chef de l'Opposition, je lui suggérerais de retourner à l'agriculture et le poser des questions sur le contenu.

M. MORIN: M. le ministre, j'y étais et votre collègue nous a renvoyés à vous-même sur les aspects constitutionnels.

M. LEVESQUE: Mon collègue sait fort bien expliquer les politiques de son ministère. Il n'a pas eu à vous retourner chez nous. Vous me montrerez les extraits des crédits du ministère de l'Agriculture où il vous a retournés chez nous. J'aimerais bien voir cela, parce que le ministre de l'Agriculture connaît très bien ses dossiers. Il n'a pas besoin de retourner quiconque à...

M. MORIN: C'est une pratique assez courante d'ailleurs. Le Revenu nous renvoie aux Finances, les Finances à l'Industrie et au Commerce...

M. LEVESQUE: Non, qu'on me cite, par exemple, l'extrait du journal des Débats où le ministre de l'Agriculture vous a référés ici aux Affaires intergouvernementales et dans quel cas?

M. MORIN: Oui, c'est arrivé à une ou deux reprises. Je pourrai les retrouver pour le ministre.

M. LEVESQUE: J'aimerais qu'avant la fin de l'étude des crédits...

M. MORIN: En attendant, le ministre...

M. LEVESQUE: Non, mais j'aimerais bien, j'insiste là-dessus, qu'on me réfère exactement au moment où M. Toupin, le ministre de l'Agriculture, vous a dit qu'il ne savait pas la réponse et qu'il demandait que la question soit posée ici.

M. MORIN: On va trouver cela dans la transcription.

M. LEVESQUE: Vous n'oublierez pas cela non plus d'ici la fin de l'étude des crédits. Je vais vous le demander souvent.

M. MORIN: D'accord. Maintenant, M. le ministre...

M. LEVESQUE: Ensuite, je vais simplement vous compléter la réponse un peu, parce qu'on semblait accuser le gouvernement de ne pas savoir où il allait en matière de relations fédérales-provinciales et de ne pas vouloir informer les Québécois de ce qui se passe entre le Québec et Ottawa. Le chef de l'Opposition se rappelle l'avoir dit à maintes reprises.

M. MORIN: Tant que vous n'aurez pas publié de bilan, nous continuerons à dire la même chose.

M. LEVESQUE: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition lit les bulletins qui sont continuellement publiés par le ministère des Affaires intergouvernementales. J'en ai ici devant moi qui sont assez éloquents. Ces bulletins Québec-Canada, justement sur les relations fédérales-provinciales, sont mensuels. J'en prends simplement quelques-uns que j'ai devant moi. Je vais les déposer, si vous voulez au cas où vous ne les auriez pas lus. J'en ai trois ici qui traitent successivement des dossiers suivants: l'énergie, les communications, le développement régional et la sécurité sociale.

M. MORIN: Nous les recevons.

M. LEVESQUE: Si vous les receviez, au lieu de prendre de la vieille matière de 1971, pourquoi ne prenez-vous pas les bulletins de 1974?

M. MORIN: Parce qu'en 1971, vos attitudes étaient claires alors qu'aujourd'hui on n'y voit goutte. Nous sommes dans le brouillard.

M. LEVESQUE: Dans le domaine de l'énergie, est-ce que vous ne voyez pas clair? Est-ce que vous ne savez pas qu'à cause, justement, de la présence du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne, à cause des démarches, à cause de la stratégie du Québec en particulier, les citoyens du Québec ont bénéficié, simplement dans le contexte de la crise du pétrole, de $1 milliard. Cela n'impressionne pas comme résultat positif pour le Québec?

M. MORIN: On va en parler tout à l'heure de cette assistance sociale. Pour l'instant je vous parle de l'agriculture.

M. LEVESQUE: Dans le domaine des communications, par exemple, je l'ai... Je ne peux pas parler moi?

M. MORIN: Oui, mais on va y venir plus tard aux communications.

M. LEVESQUE: Quand je parle des communications, nous avons une politique très articulée.

M. MORIN: Je vais être obligé de vous interroger longuement de toute façon là-dessus tout à l'heure.

M. LEVESQUE: Vous auriez dû interroger le ministre des Communications sur le contenu. Vous l'avez fait d'ailleurs.

M. MORIN: Cela a été fait, mais les aspects constitutionnels relèvent de votre ministère.

M. LEVESQUE: Dans le domaine du développement régional, j'ai eu l'occasion et j'aurai encore l'occasion de vous prouver que nous avons encore réussi là à faire reconnaître les priorités du Québec à l'intérieur de l'entente-cadre.

M. MORIN: Une entente-cadre qui est l'absence totale de planification. Une série de petits accords ad hoc.

M. LEVESQUE: Au contraire, pour le chef de l'Opposition cela peut paraître être certains accords ad hoc, mais il faut descendre des nuages. Il y a des principes directeurs. Nous avons établi des objectifs qui sont articulés dans l'entente-cadre, la création d'emplois, etc. Tous ces objectifs sont énumérés, la lutte aux disparités régionales, etc. le changement de la structure industrielle du Québec. Tout cela, ce sont les objectifs articulés dans l'entente-cadre et justement parce que ces principes sont clairs, parce que les priorités sont dégagées, nous pouvons maintenant, à même des ententes auxiliaires, passer à l'action. Nous ne pouvons pas rester indéfiniment dans des objectifs, dans des priorités abstraites. Il faut que cela se traduise dans des faits. Justement, la caractéristique du gouvernement actuel, c'est de passer à l'action et de passer à l'action dans tous les dossiers à mesure qu'on peut y passer. Mais la critique négative du chef de l'Opposition depuis le début de ces crédits ne nous aide pas à mettre en lumière l'action du ministère et l'action gouvernementale. Ce que nous essayons de faire présentement, c'est de souligner les dossiers les moins actifs.

C'est une façon de procéder de l'Opposition. J'ai déjà été de l'autre côté. Je me rappelle que c'est cela qu'on cherchait.

M. MORIN: Ne nous prêtez pas vos intentions sinistres, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Vous faites la même chose, vous cherchez ce qu'il y a de moins... C'est exactement ce que vous faites depuis le début.

M. MORIN: Non. Nous faisons le tour de tous les dossiers, les bons comme les mauvais.

M. LEVESQUE: Mais du moment qu'on parle des dossiers de l'énergie, des dossiers des communications, du pétrole, du développement régional, vous essayez de dire: On en parlera plus tard.

M. MORIN: Nous allons en parler. Nous parlerons du pétrole dans un quart d'heure.

M. LEVESQUE: Dans le domaine de l'agriculture, je vous ai donné des faits, des ententes qui ont été au profit des citoyens du Québec. J'en ai cité je ne sais combien, mais...

M. MORIN: Passons à un autre aspect de l'agriculture, celui du rachat des petites fermes. Votre collègue s'est dit à moitié satisfait de l'entente intervenue avec le pouvoir fédéral.

Vous nous citiez ça tout à l'heure comme un exemple de réussite, votre collègue n'est pas d'accord. Est-ce qu'il n'est pas exact que le gouvernement fédéral procède directement à l'achat des fermes, à leur revente et même à leur location, contrairement à ce que le Québec avait exigé?

M. LEVESQUE: Vous, vous partez d'un document de 1971, n'est-ce pas?

M. MORIN: Non, ça, c'est récent, c'est à la suite de l'entente intervenue.

M. LEVESQUE: Vous avez commencé par 1971.

M. MORIN: Oui, j'ai commencé par vous citer, au départ, la politique très ferme de 1971 pour constater que depuis lors, vous avez mis beaucoup d'eau dans votre vin.

M. LEVESQUE: Nous avons signé une entente en 1973, justement à ce sujet.

M. MORIN : Pour le rachat des petites fermes.

M. LEVESQUE: Pour le rachat des petites fermes.

M. MORIN: Votre collègue dit qu'il est à moitié satisfait de cette entente, parce que le pouvoir fédéral continue de dédoubler les efforts du Québec dans ce domaine.

M. LEVESQUE: Nous avons obtenu les garanties qui nous semblaient suffisantes pour arriver à la signature de l'entente. Les propositions fédérales au début, pour partir de ce moment-là, les positions étaient assez éloignées au début, le gouvernement...

M. MORIN: Je pense bien: vous exigiez le retrait du pouvoir fédéral.

M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral voulait procéder presque unilatéralement dans ce domaine. Nous avons obtenu des garanties suffisantes pour être dans le coup, pour être maître de l'aménagement du territoire. Ce que nous voulions éviter, c'est que le gouvernement fédéral constitue des banques de terrains à l'intérieur du Québec. Cela a été évité. D'ailleurs, l'entente pourrait être déposée si le chef de l'Opposition le désire.

M. MORIN: Je pense que cette entente est déjà connue, a déjà été déposée; mais je suis forcé de constater que le pouvoir fédéral achète directement des fermes, en conserve certaines, en revend d'autres, en loue d'autres...

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition a raison, cela a été rendu public.

M. MORIN: Oui, j'ai vu un document là-dessus. Mais je constate que vous n'avez pas obtenu ce que vous exigiez, parce que c'était une exigence.

M. LEVESQUE: Premièrement, dans la question des relations fédérales, nous sommes — le chef de l'Opposition l'admettra — toujours en évolution.

M. MORIN: En recul, dois-je constater?

M. LEVESQUE: Au contraire, en évolution positive.

M. MORIN: Vous n'avez gagné à peu près sur aucun dossier.

M. LEVESQUE: Au contraire. Mais c'est facile de faire des... c'est épouvantable de dire des choses comme ça. Lorsque nous arrivons, par exemple...

M. MORIN: Ce n'est pas "épouvantable". On le voit dans le détail.

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que lorsque nous partons d'une négociation, que ce soit dan le domaine syndical...

M. MARCHAND: II n'est pas sur la même... M. LEVESQUE: ... que ce soit dans le

domaine fédéral-provincial, que ce soit dans n'importe quel domaine où il y a des négociations, évidemment, les parties partent chacune d'une position, je ne dirai pas extrême, mais assez éloignée l'une de l'autre. Et lorsqu'il y a une entente, c'est une étape dans un processus positif.

M. MORIN: D'accord. Alors, ça revient à ce que je vous disais hier, M. le ministre. Avec cet empirisme, à vouloir régler tous les petits problèmes les uns après les autres, le pouvoir fédéral, qui a le "spending power" finit toujours par imposer sa solution, par rester présent et par dédoubler vos efforts. C'est aussi vrai dans le rachat des fermes que dans le crédit agricole. C'est ce que je vous dis depuis tout à l'heure!

M. LEVESQUE: Ce que vous dites, c'est bien simple. Nous avons devant nous une bouteille à moitié pleine et vous dites qu'elle est à moitié vide. C'est ça.

M. MARCHAND: Il n'est pas sur la même planète que nous, c'est pour ça.

M. MORIN: J'essaie de juger d'après vos propres critères. Vous disiez vous-même en 1971, du moins, le mémoire, le plan directeur du développement du secteur agricole nous disait que le Québec devait avoir la compétence complète, rapatrier les montants, s'occuper de l'ensemble du secteur. Je constate aujourd'hui que dans le domaine du rachat des petites fermes, comme dans celui du crédit agricole, Ottawa est toujours présent, dépense toujours et établit toujours ses normes. C'est ça que je suis en train de vous dire. Donc, vous n'avez pas progressé par rapport à vos objectifs de 1971.

M. LEVESQUE: Je le répète au cas où le chef de l'Opposition n'aurait pas compris, nous sommes dans un domaine de compétence mixte. L'article 95 de la constitution existe. Nous essayons, à l'intérieur de cette constitution, d'enregistrer des progrès à l'avantage des cultivateurs du Québec, dans ce cas-ci, tout en préservant le plus possible, en plus grande partie possible, les droits du Québec.

M. MORIN: II est bien visible que nous partons de deux philosophies différentes.

Et votre comparaison de la bouteille n'était pas si mauvaise au fond. Vous persistez à voir une bouteille à moitié pleine alors qu'elle est à moitié vide. Au fond, c'est tout à fait cela.

M. LEVESQUE: Mais, compte tenu de la primauté du fédéral, en vertu de la constitution, dans le domaine de l'agriculture...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... nous avons fait des progrès, des pas de géant, mais pour le chef de l'Opposition, ce ne sera pas suffisant.

M. MORIN: Pour vous-même, ce n'est pas suffisant; par rapport à vos objectifs de 1971.

M. LEVESQUE: Vous êtes disposé à examiner beaucoup plus 1971 que 1974, pourtant nous sommes dans les crédits 1974/75.

M. MORIN: Je constate que vous avez beaucoup évolué et que cette évolution, finalement, constitue un recul par rapport à vos positions initiales. Puisque vous ne voulez pas nous donner votre bilan que nous attendons toujours, j'essaie de trouver un point de repère qui puisse nous servir à évaluer vos succès ou vos échecs. Je constate que ce point de repère est le seul que nous disposions.

M. LEVESQUE: Lorsque vous prenez, par exemple, les objectifs ou les positions de 1971, il y a là des objectifs qui demeurent. Mais au lieu de comparer les résultats avec les objectifs, que l'on compare les résultats avec ce qui existait en 1971 et on s'apercevra de l'état de la situation en 1971, de l'état de la situation en 1974; il y a eu certainement progrès en faveur du Québec vis-à-vis du pouvoir fédéral. Mais, vis-à-vis des objectifs...

M. MORIN: Dans le domaine du crédit agricole et des petites fermes?

M. LEVESQUE: Dans tout le domaine agricole.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Mais disons cependant que, vis-à-vis des objectifs, il y a encore du chemin à parcourir. C'est clair. Tout n'est pas encore réglé et je pense que le Québec a encore besoin du gouvernement actuel pour poursuivre la marche vers ces objectifs...

M. MORIN: Je vois que le ministre commence à admettre...

M. LEVESQUE: ... mais pas d'un groupe négatif comme celui que représente le chef de l'Opposition.

M. MORIN: II n'en est pas question. Le ministre ne comprend pas le sens de nos interventions.

M. LEVESQUE: Un instant.

M. MORIN: Nous essayons de faire le point.

M. LEVESQUE: Excusez-moi. Ce n'était pas sur le sujet en question.

M. MORIN: D'accord. Dans un autre domaine, M. le ministre, celui des inondations et de la compensation payée pour les dommages. Est-ce que votre ministère a participé à la demande, faite par le ministre des Richesses naturelles, de réviser la formule dont le gouvernement fédéral

s'est servi jusqu'à présent pour limiter sa contribution financière dans le cas des dommages causés par les inondations? Vous vous souviendrez, M. le ministre, que, pour que le gouvernement fédéral intervienne financièrement, il faut que les dommages excèdent $1 par habitant. Cela favorise naturellement les petites provinces. Quels sont les résultats des démarches entreprises?

M. LEVESQUE: II s'agit là d'une question fort pertinente. Nous arrivons en 1974, finalement. Je vois que le chef de l'Opposition n'a pas puisé sa question dans le même article de journal parce qu'alors, ce n'était pas d'actualité. Voici que le chef de l'Opposition parle d'un problème très aigu et très actuel et qui fait l'objet de considérations très présentes, si l'on veut, parce qu'hier soir encore, au conseil des ministres, nous nous sommes penchés sur cette question. Nous avons l'intention, lorsque nous allons déposer une demande à Ottawa, dans le contexte de cette question, d'ajouter, tout en demandant de bénéficier des dispositions de la loi fédérale, nous avons l'intention de mettre en cause les critères qui sont ceux qui sont inclus dans la loi fédérale.

Si je me rappelle bien, il s'agit de cette disposition que l'aide est conditionnée par un minimum qui s'établit à $1 par habitant.

Il va de soi que les provinces moins populeuses ont justement plus de facilité à réclamer de l'assistance du gouvernement fédéral en cas d'inondation.

M. MORIN: Nous sommes d'accord là-dessus. Vous avez entrepris déjà de faire des représentations au pouvoir fédéral?

M. LEVESQUE: Au palier des fonctionnaires, cela a déjà été entamé au comité permanent des affaires économiques; mais disons que nous allons le faire d'une façon plus officielle lorsque nous allons déposer les demandes du Québec pour bénéficier des dispositions de la loi fédérale.

M. MORIN: Oui, le ministre parlait d'un minimum. Il veut dire qu'il faut que les dommages excèdent $1 par tête d'habitant. Est-ce que vous demanderez de rabattre ce montant de $1 par habitant?

M. LEVESQUE: On n'est pas pour demander de le hausser.

M. MORIN: Je m'en doute, mais est-ce que le ministre pourrait préciser les positions du Québec là-dessus?

M. LEVESQUE: Elles seront précisées lorsque le cabinet les aura approuvées.

M. MORIN: Vous n'êtes pas en mesure de nous dire exactement où en est ce dossier à l'heure actuelle? C'est en négociation?

M. LEVESQUE: C'est là qu'il est le dossier. Il est très chaud. Nous attendons présentement que l'évaluation des dommages soit complétée pour avoir un ordre de grandeur. D'ici quelques jours, sinon quelques heures, le ministre maître d'oeuvre pourra faire connaître la position du gouvernement.

M. MORIN: Dans un domaine connexe qui est celui de l'hydrométrie, il y a quelques années, le gouvernement du Québec s'est retiré des accords fédéraux-provinciaux sur l'hydrométrie en vue d'affirmer sa compétence exclusive sur les cours d'eau. Je pense que votre conseiller Me Brière se souviendra de cela. Est-il exact que le gouvernement modifierait cette position maintenant pour conclure à nouveau des accords de type conjoint avec le pouvoir fédéral?

M. LEVESQUE: II y a une nouvelle politique fédérale de financement des réseaux hydrométriques qui a été annoncée en 1973.

M. MORIN: C'est tiré du bilan, cela?

M. LEVESQUE: Oui, toujours. Vous voyez comme c'est commode. C'est un instrument de travail privilégié.

M. MORIN: Oui, et secret, hélas! dont vous êtes obligé de révéler de petites bribes.

M. LEVESQUE: Je vous le lis.

M. MORIN: Oui. Donnez-nous donc la version complète. Ce sera beaucoup plus simple.

M. LEVESQUE: Disons que ce n'est pas uniquement le bilan, parce que ce n'est pas le bilan que j'ai ici, devant moi, mais tout cela est tiré du bilan, plus la mise à jour, plus des notes qui nous proviennent d'autres documents et qui viennent compléter l'ensemble. Ce que j'ai devant moi, c'est évidemment un tableau synthèse de tous les dossiers actifs dans les relations fédérales-provinciales.

M. MORIN: Ce que nous réclamons depuis le début de ces séances!

M. LEVESQUE: Eh bien!

M. CHARRON: Vous commenciez à dire quelque chose.

M. MORIN: Je regrette de vous avoir interrompu, parce que nous allions enfin avoir des bribes de ce fameux bilan.

M. LEVESQUE: Les négociations se poursuivent.

M. MORIN: Mais la phrase que vous aviez commencée, vous n'allez pas la terminer?

M. LEVESQUE: Les négociations se poursuivent.

M. MORIN: Est-il exact que le Québec modifierait sa position et, après s'être retiré des accords, reviendrait maintenant sur sa position pour conclure de tels accords?

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition va être heureux d'apprendre qu'il y a, là encore, des fonds fédéraux. Nous n'avons pas l'intention de changer. Rien n'indique que nous allons changer notre position, mais nous n'aimons pas non plus renoncer aux fonds fédéraux disponibles.

M. MORIN: Expliquez-nous comment vous allez concilier votre position avec les "fonds fédéraux disponibles"?

M. LEVESQUE: Nous avons dans le passé, avec succès, canalisé des fonds fédéraux sans changer nos positions. Je l'ai expliqué à maintes reprises, tout à l'heure, avec plusieurs illustrations.

M. MORIN: C'est-à-dire en concluant des accords avec Ottawa et en prétendant que ces accords ne modifient pas votre position alors qu'ils la modifient dans les faits.

M. LEVESQUE: Ce que l'on fait et ce que l'on vise, ce sont des accords de financement, beaucoup plus que de renoncer, comme voudrait le laisser entendre le chef de l'Opposition, à notre position initiale.

M. MORIN: Votre position initiale est donc que vous affirmez la compétence exclusive du Québec dans le domaine des cours d'eau et, en particulier, de l'hydrométrie. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: C'est la position de base du Québec, mais on n'a pas l'intention de renoncer aux fonds fédéraux. C'est une question de financement.

M. MORIN: C'est ce que je vous répète encore depuis le début. En l'absence de positions globales, fermes, vous êtes appelés à faire mille et un compromis dans le concret, constamment, qui sont en contradiction avec votre position de départ. C'est ce que vous appeliez hier...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas en contradiction...

M. MORIN: ... de l'empirisme.

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que des arrangements financiers ou des arrange- ments administratifs ne touchent pas la position fondamentale. Si on ne s'entend pas là-dessus, on ne s'entendra jamais au cours de l'étude des crédits.

M. MORIN: C'est-à-dire que vous continuez à dire que le Québec a les compétences exclusives, mais, dans les faits, on est prêt à faire de "petits arrangements".

M. LEVESQUE: C'est-à-dire qu'on est prêt à obtenir un financement.

M. MORIN: Oui, en sorte que le "spending power" reste encore la pierre d'achoppement du système.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas un principe nouveau. On a entendu parler, bien avant aujourd'hui, du principe, par exemple, de "l'op-ting out". C'est-à-dire que nous conservons notre position, et nous administrons notre réseau, mais par contre, nous faisons des arrangements de financement... Les autres provinces ne sont pas obligées de faire comme nous, et souvent, elles ne le font pas.

M. MORIN: Oui, c'est un fait. Alors, si je comprends bien le ministre...

M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition suggère que nous renoncions aux sommes disponibles, au gouvernement fédéral?

M. MORIN: De toute façon, ce sont des impôts que vous devriez percevoir directement par vous-mêmes. Puisque vous prétendez que c'est votre compétence exclusive, la logique voudrait que vous ayez le pouvoir d'imposer directement les contribuables pour l'argent dont vous avez besoin.

M. LEVESQUE: Le gouvernement du Québec a toujours prétendu qu'il lui fallait plus de ressources financières attachées à l'exercice de ses compétences.

M. MORIN: C'est cela.

M. LEVESQUE: C'est ce que vous dites.

M. MORIN: C'est cela. On revient toujours à la même histoire. Sur le plan de la théorie, vous avez des attitudes, mais dans les faits, l'empirisme vous dicte...

M. LEVESQUE: Dans les faits...

M. MORIN: ... de vous incliner devant le "spending power" fédéral.

M. LEVESQUE: Dans les faits — et le député le sait, il ne le souligne pas — dans le domaine de la péréquation, par exemple, il n'y a pas longtemps, il y a à peine quelques mois, nous avons récupéré des sommes assez considérables

du gouvernement fédéral, ce qui nous a permis d'aider les municipalités à exercer elles-mêmes, à se décharger de leurs obligations.

M. MORIN: La position...

M. LEVESQUE: Simplement au titre de la péréquation, nous recevons près de $800 millions ou plus de $800 millions. C'est exact, $800 millions? C'est $775 millions; disons environ $800 millions. Ce sont là des sommes qui sont versées inconditionnellement au Québec par le gouvernement central et qui nous permettent, encore une fois, d'augmenter ce pouvoir financier du Québec.

M. MORIN: Dans le domaine de l'hydrométrie, la position, si je comprends bien, la position...

M. LEVESQUE: Passez à autre chose.

M. MORIN: Je vais essayer de bien comprendre le ministre. Nous aurons au moins planté un jalon. On pourra se référer à cela par la suite pour savoir dans quel sens ont évolué les politiques du ministère. Si j'ai bien compris le ministre, la position du Québec demeure qu'en matière d'hydrométrie, le Québec a la compétence exclusive, mais qu'il est prêt à accepter des montants du pouvoir fédéral à condition que le pouvoir fédéral ne se mêle pas d'hydrométrie.

M. LEVESQUE: Le Québec a conservé sa position, et a continué de maintenir son contrôle. La seule chose qui s'ajoute à cela, c'est une question d'aller chercher des fonds au gouvernement fédéral.

M. MORIN: C'est cela. Ma dernière question est donc que vous n'accepterez l'argent fédéral que si le gouvernement fédéral accepte de ne pas exercer sa compétence dans le domaine de l'hydrométrie. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: Nous ne croyons pas qu'il ait des compétences.

M. MORIN: Ce n'est pas la question que je vous pose. La question que je vous pose, c'est celle qui découle de...

M. LEVESQUE: Vous présumez que le gouvernement fédéral, dans votre question, a une compétence, chose que nous ne reconnaissons pas.

M. MORIN: II le prétend.

M. LEVESQUE: Vous êtes devenu l'avocat du fédéral.

M. MORIN: Ah oui! Sans doute! Il le prétend et vous le savez très bien, à moins que vous ne l'ignoriez. Je commencerais à comprendre pourquoi vos réponses tournent en rond. Je vous demande tout simplement ceci: Est-ce que vous allez refuser l'argent du pouvoir fédéral s'il prétend exercer la moindre compétence dans le domaine de l'hydrométrie?

M. LEVESQUE: C'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant et nous n'avons pas l'intention de changer de position.

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: Mais, je tiens à dire, encore une fois, que dans tous ces dossiers, il y a eu une évolution, un dynamisme...

M. MORIN : Oui?

M. LEVESQUE: ... et que nous ne sommes pas statiques.

M. MORIN: Un dynamisme à reculons, comme je disais tout à l'heure. Si vous adoptez votre "dynamisme" dans ce domaine comme dans les autres, vous allez reculer. C'est ce qui m'inquiète.

M. LEVESQUE: Alors, chaque fois qu'on récupère de l'argent d'Ottawa, d'après vous, on recule.

M. MORIN: Si vous acceptez...

M. LEVESQUE: C'est probablement vous qui reculez.

M. MORIN: Là, nous sommes en plein centre de la question que je vous posais il y a un instant. Vous me dites que vous voulez récupérer l'argent d'Ottawa. Je vous dis: Bon, d'accord, mais allez-vous l'accepter si Ottawa dit: Je ne vous donne l'argent qu'à la condition d'établir des normes dans le domaine de l'hydrométrie et que vous reconnaissiez que j'ai le droit, moi, en tant que gouvernement fédéral, d'établir des règlements dans le domaine de l'hydrométrie? C'est le sens de ma question. On y est.

M. LEVESQUE: J'ai dit que nous n'avions pas l'intention de changer de politique à ce sujet.

M. MORIN: Vous allez donc refuser l'argent fédéral s'il vous faut reconnaître la compétence du fédéral en acceptant l'argent. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: Nous avons l'intention de récupérer l'argent à nos conditions.

M. MORIN: Bon. Et vos conditions sont que le fédéral ne doit pas exercer ses compétences dans le domaine de l'hydrométrie. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: Nous maintenons notre position.

M. MORIN: Oui. Tout cela demeure un peu ambigu, mais je vois qu'il ne sert pas à grand-chose d'insister.

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de voir le fédéral opérer un réseau hydrométrique au Québec.

M.MORIN: Bon. Très bien. Si on passait maintenant aux droits miniers sous-marins. Le bilan, d'après ce qu'on en sait, d'après ce qui a été publié, déclare que les propositions fédérales sur les droits miniers sous-marins, je cite: "... ont mis un terme au progrès accompli depuis le début des années 1960 avec les Maritimes, avec l'Ontario et le Manitoba dans le but de définir les frontières interprovinciales dans le golfe Saint-Laurent et de les étendre dans les baies James, d'Hudson et d'Ungava". Un autre passage est le suivant: "Le bilan des relations fédérales-provinciales sur les questions de frontières — il s'agit en l'occurence des frontières maritimes du Québec — est donc carrément négatif. Le Québec n'a marqué aucun point. Dans certains cas, il a même perdu du terrain". C'est ce que nous connaissons du bilan. Je voudrais vous demander quel est l'état actuel de ce dossier, commençant s'il vous plaît par le golfe Saint-Laurent.

Nous pouvons peut-être utiliser une carte pour essayer de savoir...

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, si nous avons à utiliser une carte et à donner des explications à partir d'une carte, il faudra suspendre la séance.

M. MORIN: Vous voulez dire que les réponses du ministre ne seraient pas enregistrées?

LE PRESIDENT (M. Picard): Cela ne serait pas enregistré pour la bonne raison que, s'il n'y a pas de micro, c'est très difficile de faire un enregistrement qui...

M. MARCHAND: M. le Président, les mêmes questions ont été posées lors de l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles.

M. MORIN: Je n'ai pas posé...

M. MARCHAND : Ce sont exactement les mêmes questions.

M. MORIN: ... de questions encore.

LE PRESIDENT (M. Picard): Non, mais si vous avez l'intention d'en poser.

M. MARCHAND: C'est exactement le même sujet.

M. MORIN: C'est effectivement le même sujet, mais j'ai l'intention d'interroger le ministre sous l'angle des négociations fédérales-provinciales.

M. LEVESQUE: D'accord. Nous sommes au courant de ce dossier. Vous n'avez pas besoin de carte. Tout le monde comprend.

M. MORIN: Pourriez-vous alors nous dire quelle est la position actuelle de votre ministère concernant le golfe Saint-Laurent?

M. LEVESQUE: D'abord, je m'imagine que la carte que voulait nous montrer le chef de l'Opposition était la division territoriale dans le golfe des territoires adjacents à chacune des provinces, qui date de 1964, je crois...

M. MORIN: Oui et qui a été négociée par le ministre, je crois, à l'époque.

M. LEVESQUE: ... et qui avait fait un consensus entre les provinces de l'Est du Canada.

M. MORIN: C'est cela.

M. LEVESQUE: Alors, on peut la serrer. Deuxièmement...

M. MORIN: Voulez-vous dire qu'elle n'a plus cours ou quoi?

M. LEVESQUE: Non, pas du tout, mais c'est cela qu'on voulait indiquer. Tout le monde a lu cela dans les journaux, partout. Cette carte a fait l'objet d'une discussion publique.

Je n'ai pas à faire, je pense, l'historique pour le chef de l'Opposition qui je pense a passé une partie de sa vie à étudier ces sujets des droits de pêche, si je comprends bien, sur les eaux internationales, etc. Qu'il me permette, cependant, de lui rappeler qu'il y a eu des positions prises par le gouvernement Lesage dans les années soixante à ce sujet, alors que le gouvernement du Québec a réclamé la propriété, la juridiction des droits miniers sous-marins dans le territoire apparaissant sur cette carte, au moins dans le territoire adjacent au Québec.

M. MORIN: Compétence exclusive?

M. LEVESQUE: Oui. Par contre, le gouvernement fédéral — c'était par la voix de M. Trudeau en 1968, si ma mémoire est fidèle — faisait connaître une position identique, mais à l'inverse, c'est-à-dire dénonçait cette position du Québec et disait que les droits miniers sous-marins étaient la propriété et tombaient sous la juridiction exclusive du gouvernement central.

M. MORIN: Après avoir fait confirmer les droits exclusifs du pouvoir fédéral par la cour Suprême?

M. LEVESQUE: Non, c'est par la suite, justement...

M. MORIN: C'est à la suite de la décision de 1967.

M. LEVESQUE: A la suite de cette prise de position du gouvernement fédéral, il y a eu un "test case" par la Colombie-Britannique.

M. MORIN: Alors, c'est avant 1968?

M. LEVESQUE: II y a eu une référence à la cour Suprême.

M. MORIN: Oui. Un avis consultatif.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas les dates exactes, mais je peux consulter si on veut.

M. MORIN: Un avis consultatif de 1967, je crois; c'est bien cela?

M. LEVESQUE: Peut-être. De toute façon, quant au Québec nous n'avons pas accepté de référence à la cour Suprême, parce que nous avons dit et nous continuons de dire qu'il s'agit d'une question politique, d'une décision qui doit être politique. La position du Québec était de refuser une référence à la cour Suprême.

M. MORIN: C'était même de refuser de reconnaître la compétence de la cour dans ce domaine. Cela allait aussi loin que cela.

M. LEVESQUE: C'est cela. D'ailleurs, le cas de la Colombie-Britannique pouvait être différent du cas de l'est du Canada.

M. MORIN: Pas dans l'esprit d'Ottawa.

M. LEVESQUE: Pas dans l'esprit d'Ottawa, mais dans l'esprit des provinces de l'est du Canada, du Québec, Terre-Neuve, en particulier, etc. Nous avons eu des réunions auxquelles j'ai participé avec les premiers ministres de l'est du Canada, c'est-à-dire Québec, Terre-Neuve, Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard.

M. MORIN: Récemment?

M. LEVESQUE: Nous avons eu des réunions commençant en 1972, je crois. Nous avons eu plusieurs réunions, de fait.

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: Je me rappelle qu'à la suite d'une des premières réunions, il y a eu là de définie une position commune entre les cinq provinces de l'est du pays.

M. MORIN: Sur la base de la carte?

M. LEVESQUE: Nous avons reconnu la carte, d'abord, de 1964. Nous l'avons reconnue, nous l'avons acceptée, nous l'avons adoptée quant à la division territoriale, premièrement. Deuxièmement, nous avons réitéré la position commune suivante: Nous prétendons que les droits miniers sous-marins sont de propriété et de juridiction des provinces.

M. MORIN: C'est très intéressant cela, M. le ministre. Est-ce que cela a fait l'objet d'une déclaration publique, à l'époque, de la part des provinces de l'Est?

M. LEVESQUE: C'était le 2 août 1972 qu'un communiqué conjoint, à la suite de la conférence de cette date, indiquait clairement au gouvernement fédéral la position des provinces. Durant la même conférence, nous avons cependant accepté qu'il y ait la création d'une agence qui puisse administrer les droits miniers sous-marins; à cela, nous arrivions en demandant au gouvernement fédéral de mettre de côté cette question, parce qu'il y avait là un "dead-lock". Entre la position des provinces et la position fédérale, c'était clair qu'il n'y avait pas d'entente possible. Par contre, il y avait un intérêt public à ce que l'exploration se continue, se poursuive.

Nous avons donc suggéré au gouvernement fédéral de mettre de côté la question de la propriété, la question de la juridiction, autrement dit, de ne pas soumettre cette question à la cour Suprême pour les raisons que nous avons mentionnées et que vous avez complétées il y a quelques instants, mais plutôt de créer une agence fédérale-provinciale pour l'administration des droits miniers sous-marins, et cela sans mettre en cause la position claire et bien définie des provinces quant à la propriété et à la juridiction des droits miniers sous-marins.

M. MORIN: Cette agence fédérale-provinciale aurait administré l'ensemble des droits miniers du Québec?

M. LEVESQUE: II nous fallait reconnaître cependant la compétence fédérale dans le domaine de la navigation, par exemple les pêcheries. Il y avait dans ce territoire des domaines de juridiction fédérale. Pour l'ensemble de l'administration de ces territoires sous-marins ou des eaux en question...

M. MORIN: Du plateau continental.

M. LEVESQUE: ... et du golfe Saint-Laurent. Les positions prises par le Québec sont claires quant à la propriété ou même au statut du golfe Saint-Laurent comme mer intérieure, mais on n'entrera pas là-dedans présentement parce qu'on va encore s'éloigner, mais disons que les territoires qui apparaissent sur la carte pourraient être administrés par une agence fédérale-provinciale et cela sans toucher d'aucune façon aux prétentions du Québec et des autres provinces de l'est du Canada et que la propriété et la juridiction étaient de domaine provincial.

M. MORIN: Autrement dit, aucun compro-

mis sur la théorie de la compétence exclusive, mais établissement dans les faits d'une agence fédérale-provinciale.

M. LEVESQUE: Ce que nous avons fait, nous avons rencontré M. Trudeau par la suite à Ottawa. La première réaction d'Ottawa à cette prise de position des provinces a été une fin de non-recevoir, mais par la suite, M. Trudeau...

M. MORIN: C'est ce qu'on appelle le "monologue" fédéral, pour parler comme le député de Verdun.

M. LEVESQUE: Par la suite, c'était en août 1972, si je me rappelle bien, vers la fin d'août, vers le 25, nous nous sommes rendus à Ottawa et nous avons convenu avec M. Trudeau que nous allions procéder selon les propositions des cinq provinces de l'est du Canada.

M. MORIN: Et où en est le dossier?

M. LEVESQUE: Nous avons mandaté un groupe de fonctionnaires fédéraux et provinciaux pour essayer d'écrire, d'articuler cette décision intergouvernementale.

M. MORIN: Où en est-ce à l'heure actuelle?

M. LEVESQUE: Vous savez qu'il y a eu les élections à l'automne 1972 à Ottawa et en 1973 nous avons repris le dossier. Il y a eu là plusieurs réunions, quelques-unes au niveau ministériel, plusieurs au niveau des fonctionnaires, pour articuler ce mandat. Mais il y a eu d'abord cette préoccupation que nous avions au Québec en particulier et d'autres provinces partageaient notre point de vue, c'était que l'émission des permis eux-mêmes d'exploration et d'exploitation demeurerait entre les mains des provinces adjacentes.

M. MORIN: C'est la proposition que vous faisiez à l'intérieur du cadre de cette agence.

M. LEVESQUE: A l'intérieur du cadre de l'agence, c'est-à-dire que l'agence pouvait administrer, mais que nous conservions un droit de veto, autrement dit que le permis devait être endossé par la province adjacente au territoire en question pour l'émission du permis.

M. MORIN: Serait-il endossé ou serait-il accordé par la province?

M. LEVESQUE: Accordé, endossé, enfin qu'il y ait...

M. MORIN: Ce n'est pas la même chose. Si on veut être précis, "endosser" signifie que le permis est donné par un autre...

M. LEVESQUE: C'est-à-dire que l'agence faisait ce déblayage technique et faisait une recommandation à la province d'émettre le permis et le permis était émis par la province adjacente.

M. MORIN: Adjacente, bien sûr, toujours en fonction du partage...

M. LEVESQUE: Toujours en fonction de la carte que nous indique le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Toujours en fonction du partage géographique.

Maintenant au sein de cette agence, quelles allaient être les structures, la participation des provinces intéressées? Quelle allait être la participation du Québec?

M. LEVESQUE: Justement, nous avons discuté de la composition de l'agence. Nous avons même pensé à une structure qui ressemblait à celle qui a été utilisée pour Expo 67, alors qu'il y avait des gens nommés par Ottawa et d'autres par recommandation du gouvernement du Québec. Nous avons songé à diverses formules pour meubler cette agence, même un nombre différent selon l'importance géographique ou l'importance de population de chacune des provinces intéressées. Autrement dit...

M. MORIN : II y aurait une participation directe du Québec à cette agence.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Et pour le partage des redevances, les permis?

M. LEVESQUE: Là encore, il y a eu plusieurs chiffres avancés.

M. MORIN: Quelle était la position du Québec?

M. LEVESQUE: Je n'aimerais pas la préciser parce que je ne crois pas que ce soit d'intérêt public de le faire à ce moment-ci.

M. MORIN: Je ne vous demanderai pas de pourcentages exacts.

M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai à l'esprit.

M. MORIN: Non, je ne vous demanderai pas de pourcentages. Ce que j'aimerais bien savoir, cependant...

M. LEVESQUE: Nous avons dit, en langue de Shakespeare, que nous voulions "the lion's share".

M. MORIN: Autrement dit, vous vouliez un partage des permis, des droits, des redevances qui soient favorables aux provinces.

M. LEVESQUE: Ce que nous voulions,

c'était que la part importante soit consacrée, soit perçue par la province adjacente.

M. MORIN: Quelle est maintenant la position du gouvernement fédéral devant cette revendication?

M. LEVESQUE: II n'y a pas eu de résistance importante du côté d'Ottawa sur la question du pourcentage. Il n'y a pas eu de résistance visible, du moins.

M. MORIN: Qui décernait officiellement les permis et qui percevait les redevances?

M. LEVESQUE: C'est la province adjacente qui émettait les permis; les redevances étaient perçues, dans ce plan qui n'est pas encore adopté, on parle de quelque chose qui est négociation, il ne faut pas...

M. MORIN: Nous faisons le bilan du secteur, tel qu'il est actuellement.

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. MORIN: Le ministre pourra être aussi dynamique qu'il le voudra par la suite. On veut seulement savoir où cela en est.

M. LEVESQUE: Nous avons envisagé que les redevances soient perçues par l'agence, je crois. Toutes les tâches administratives étaient assumées par l'agence dans le projet. Maintenant, il y a un fait nouveau que je dois souligner. Il y a eu une sorte de prise de position un peu différente de la part de Terre-Neuve récemment, en septembre 1973...

M. MORIN: Voulant que?

M. LEVESQUE: ...voulant que ces gens semblaient intéressés à remettre le tout à la cour Suprême, ce qui n'est pas notre position.

M. MORIN: Je ferai remarquer au ministre que Terre-Neuve est entrée dans la Confédération à des conditions différentes de celles du Québec.

M. LEVESQUE: C'est ce qu'ils prétendent.

M. MORIN: Et Terre-Neuve aurait peut-être des chances, quoique, avec la cour Suprême j'en doute. La cour Suprême est un joujou dans les mains du pouvoir fédéral et même si j'étais Terre-Neuvien, je me méfierais énormément. Je trouve ces gens un peu naïfs. En tout cas, tant mieux si le Québec continue d'avoir là-dessus la position qu'il a eue dans le passé. Une dernière question, pour être bien clair, n'y aurait-il pas un double permis émanant de l'agence et du Québec? Il y aurait un seul permis émanant du Québec.

M. LEVESQUE: II n'a jamais été question d'un double permis émis par l'agence.

M. MORIN: Donc, un seul permis émis par le Québec mais...

M. LEVESQUE: Par les provinces adjacentes, par chacune des provinces adjacentes.

M. MORIN: D'accord, mais je vous parle du Québec, en l'occurrence, c'est entendu que nous sommes dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale.

M. LEVESQUE: Mais nous sommes encore en négociation. Je ne dis pas que c'est la position définitive, ce serait faux de dire ça. J'essaie de dire, d'informer la commission sur l'état de la question à l'heure actuelle.

M. MORIN: Oui. Maintenant, qui va fixer les redevances? Parce que cela, c'est important, ce sont des richesses naturelles qu'il y a là-dessous et les richesses naturelles, cela relève des provinces. Qui va fixer le montant des redevances? Est-ce que c'est l'agence ou est-ce que c'est le Québec? Ou chaque province intéressée?

M. LEVESQUE: II faudrait alors avoir une législation fédérale et une législation parallèle, si vous voulez, ou simultanée du côté de chacune des provinces. C'est cela que nous envisagions lors de la dernière réunion à laquelle j'ai participé.

M. MORIN: Autrement dit, si je comprends bien, le Québec ne serait pas libre de fixer lui-même le montant des redevances?

M. LEVESQUE: Bien...

M. MORIN: Ce serait comme pour les allocations familiales.

M. LEVESQUE: II faut que ce soit coordonné; on ne peut pas avoir quatre ou cinq taux différents de redevances.

M. MORIN: Et pourquoi pas?

M. LEVESQUE: Parce que nous créons justement...

M. MORIN: Cela ne se fait pas dans d'autres domaines...

M. LEVESQUE: Nous créons justement une agence dans le but d'uniformiser et de coordonner les activités, l'administration, dans ce secteur, mettant de côté volontairement, de part et d'autre, la question épineuse de la propriété et de la juridiction.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Alors, si l'agence a un mandat qui lui est accordé par les provinces ainsi que par le gouvernement fédéral pour agir dans ce domaine, je pense bien qu'il va falloir des règles communes. Quelqu'un demande un permis dans le golfe Saint-Laurent...

M. MORIN: Je vous parle des redevances.

M. LEVESQUE: ... je ne pense pas qu'il puisse, si vous prenez votre carte, s'il est à l'est ou à l'ouest de telle ligne, que les redevances soient différentes.

M. MORIN: Cela est-il inconcevable? M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: Vous savez que cela se pratique assez couramment...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas inconcevable.

M. MORIN: II peut insister des droits différents, ça dépend de l'Etat riverain.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas inconcevable. M. MORIN: Et, cela ne vous...

M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition — cela m'aiderait pour mes négociations futures — est-ce que le chef de l'Opposition y voit un avantage?

M. MORIN: Je vois un avantage à ce que le Québec ait toute la latitude voulue pour éventuellement hausser le montant des redevances, comme il devrait l'avoir pour ce qui est des minéraux qui sont situés sur son territoire émergé, aussi bien le cuivre et l'amiante...

M. LEVESQUE: Mais, il faut bien comprendre que...

M. MORIN: ... que tout le reste.

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que ce n'est pas une affaire ad vitam aeternam, cette histoire-là. Si une des provinces veut s'en retirer...

M. MORIN: Vous voulez dire que le jour de l'indépendance, cela changerait peut-être. Mais en attendant, on serait "poigné" avec votre agence.

M. LEVESQUE: On revient à l'euphorie.

M. MORIN: Et cela ne vous inquiète pas de mettre entre parenthèses la question de la propriété et de la compétence? Parce que tant qu'on ne trouve pas du pétrole dans le golfe, cela va bien, mais le jour où vous allez en trouver — que ce soit Shell ou que ce soit SOQUIP — la question va se poser carrément.

M. LEVESQUE: Mais, elle se pose pour toutes les provinces qui font partie de ce consortium, si vous voulez, et nous projetons, nous envisageons que les redevances soient... Evidemment, je l'ai mentionné il y a quelques instants, la plus grande part irait à la province adjacente, mais il y aurait une partie des redevances qui irait dans ce qu'on peut appeler le fonds commun.

M. MORIN: Avez-vous envisagé la possibilité de remettre entièrement ce territoire pour fins d'exploration et, éventuellement, d'exploitation à SOQUIP? Est-ce que vous avez envisagé — je sais qu'on l'a fait dans le passé au gouvernement — de remettre ce territoire minier sous-marin, dans le golfe, tout entier à l'Hydro-Québec, plus tard à SOQUIP pour les fins d'exploration et, éventuellement, d'exploitation?

M. LEVESQUE: Oui, mais ce serait le ministère sectoriel qui aurait cette responsabilité.

M. MORIN: J'avoue que cela relève davantage de l'autre ministère et je n'insisterai pas. Il y a un instant, le ministre a prononcé un mot que j'ai trouvé très intéressant. Il a parlé d'une mer intérieure, à propos du golfe. Dois-je comprendre que la position officielle du Québec, c'est que le golfe Saint-Laurent est une mer intérieure?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Dois-je comprendre que la position officielle du Québec est que le golfe Saint-Laurent constitue une mer intérieure? Dans le sens où le droit international entend cette expression.

M. LEVESQUE: Evidemment, cela nous serait très favorable si tel était le cas. Nous sommes portés à croire cela, à prendre cette position. On me rappelle, présentement, que, M. Saint-Laurent, alors qu'il était premier ministre du Canada, en 1949, je crois...

M. MORIN: En 1949, lors de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération.

M. LEVESQUE: ... avait prétendu qu'il s'agissait d'une mer intérieure.

M. MORIN: Non, il s'était trompé, il avait parlé de mer "territoriale". Par la suite, cela a causé beaucoup d'ennuis dans les négociations, parce que M. Saint-Laurent ne faisait pas la différence entre une mer intérieure et une mer territoriale. Je demande au ministre — Me Briè-re sait très bien de quoi je parle — si le Québec a une position officielle là-dessus? Parce que pour les fins de la pêche, pas seulement les droits miniers sous-marins, cela a des conséquences.

M. LEVESQUE: Nous avons plutôt des souhaits officiels.

M. MORIN: Des voeux...

M. LEVESQUE: Des voeux.

M. MORIN: ... pieux, pas de position officielle.

M. LEVESQUE: Je ne suis pas en mesure... Dans le domaine de la pêche, par exemple, les pêcheries sont de juridiction...

M. MORIN: ... exclusivement fédérale.

M. LEVESQUE: ... fédérale. Nous en avons l'administration depuis 1922, je crois...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... mais la législation et la réglementation sont fédérales. D'ailleurs, lorsque nous avons à suggérer des modifications dans le domaine des pêcheries, nous le faisons au gouvernement fédéral, soit dans le domaine de la législation ou dans le domaine de la réglementation.

M. MORIN: Oui, mais le ministre est donc...

M. LEVESQUE: Je me rappelle fort bien l'avoir fait lorsque j'avais la responsabilité des pêcheries. Je me rappelle fort bien la façon dont nous procédions. Nous avons cependant conservé l'administration des pêcheries, au Québec. Nous avons également conservé...

M. MORIN: II faut aussi distinguer les pêcheries en eau douce et les pêcheries en haute mer, comme le ministre le sait.

M. LEVESQUE: Même dans les pêcheries en eau douce, la législation et la réglementation ont été considérées comme fédérales. Je me rappelle que nous avions ici une loi provinciale sur la pêche et, à un moment donné, notre compétence a été mise en doute...

M. MORIN: Mise en doute, elle n'a pas été...

M. LEVESQUE: C'est "Inland and Sea Coast Fisheries" n'est-ce pas que l'on retrouve dans le texte du."BNA Act".

M. MORIN: C'est cela, c'est ce à quoi je fais allusion. J'essayais d'employer le vocabulaire français.

M. LEVESQUE: "Eaux intérieures et haute mer".

M. MORIN: C'est cela.

Autrement dit, pour mettre un terme à cela, le ministre est conscient que le fait pour le golfe d'être considéré comme des eaux intérieures, ou une mer intérieure, serait fort avantageux pour les pêcheurs québécois.

M. LEVESQUE: Mais oui.

M. MORIN: C'est, sous forme de voeu, la position qu'il est prêt à défendre.

M. LEVESQUE: Mais je me rappelle cependant qu'au cours des dernières élections, le Parti québécois ne voulait pas parler de cela, parce que les pêcheurs commençaient à être inquiets avec leur trois milles autour des Iles-de-la-Madeleine, leur trois milles autour des côtes de la Gaspésie et du côté de la basse Côte-Nord.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: On parlait de trois milles. On pouvait parler peut-être de douze milles, mais on parlait des eaux territoriales. Enfin, cela fait partie du bilan de l'an un et toutes ces histoires.

M. MORIN: Voulez-vous préciser votre pensée? Je ne vois pas très bien à quoi le ministre fait allusion.

M. LEVESQUE: Je fais allusion à une situation utopique.

M. MORIN: Mais à quoi encore? Qu'est-ce que c'est que cette histoire de trois milles?

M. LEVESQUE: Voici...

M. MORIN: C'est l'ancienne largeur des eaux territoriales canadiennes. Je ne vois pas ce que cela vient faire dans le débat.

M. LEVESQUE: Maintenant, elles sont de douze milles.

M. MORIN: Elles sont de douze milles, depuis 1970.

M. LEVESQUE: II a été question de trois milles. Il a été question de douze milles. Les gens ne sont pas intéressés à rapetisser leur territoire de pêche.

M. MORIN: C'est pour cela que je vous ai posé la question.

M. CHARRON: Qui a fait allusion de ramener à trois milles les eaux territoriales?

M. LEVESQUE: Les gens, dans la discussion, durant la campagne électorale.

M. CHARRON: Mais qui encore?

M. LEVESQUE: Pas le député de Saint-Jacques. Je ne pense pas qu'il se tenait dans ces parages.

M. MORIN: Pas le député de Bonaventure non plus, sûrement. Il connaît mieux les intérêts de ses commettants que cela.

M. CHARRON: Est-ce que vous avez vu un candidat du Parti québécois, dans la région dont

vous-même représentez une partie, affirmer que c'était le programme du Parti québécois de ramener les eaux territoriales à trois milles?

M. LEVESQUE: Pour dire franchement, je ne me suis pas occupé de ce qu'ont pu dire les candidats du Parti québécois, ils sont en quantité tellement négligeable dans notre région.

M. CHARRON: A qui faites-vous allusion?

M. LEVESQUE: Je fais allusion à des rumeurs qui circulaient simplement.

M. CHARRON: Bon, bon!

LE PRESIDENT (M. Picard): De toute façon, messieurs, c'est hors du sujet, toutes ces questions.

M. CHARRON: Le règlement m'oblige à prendre la parole du ministre, mais pas les rumeurs du ministre comme étant fondées.

M. LEVESQUE: Vous prendrez ce que vous voudrez.

M. CHARRON: Je peux affirmer, à partir d'une rumeur, que vous mentez. Je ne serai, à ce moment, absolument pas à l'encontre du règlement. Si vous affirmiez telle chose, je n'aurais pas le droit de vous le dire.

M. LEVESQUE: J'affirme qu'il a été question, durant la campagne électorale, de situations qui seraient moins privilégiées pour les pêcheurs du Québec. Je le dis et je le répète.

M. CHARRON: J'affirme que, dans le comté de Saint-Jacques, par exemple, il y avait rumeur...

M. LEVESQUE: II y a des pêcheries là...

M. CHARRON: II y avait rumeur que René Gagnon et Jean-Jacques Côté étaient encore militants dans l'organisation libérale.

M. LEVESQUE: Ah! ah! ah! M. CHARRON: J'affirme...

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît! Le chef de l'Opposition. Vous avez d'autres questions?

M. MORIN: Je voudrais maintenant passer, avec la permission du président, du côté de la baie d'Hudson, de la baie James et du détroit d'Ungava. Dans ce secteur, vous le savez, M. le ministre, la compétence fédérale s'étend jusqu'au rivage du Québec, puisque la baie d'Hudson toute entière est considérée, de même que le détroit d'Ungava, comme faisant partie des territoires du Nord-Ouest, jusqu'à son embou- chure sur l'océan Atlantique. Est-ce que le ministre peut nous dire où en est le plan de partage qui avait été élaboré entre le Manitoba, l'Ontario et le Québec?

M. LEVESQUE: Au niveau des fonctionnaires, il y a eu des rencontres avec les fonctionnaires de l'Ontario à ce sujet, mais le dossier...

M. MORIN: Avec le Manitoba aussi, non?

M. LEVESQUE: ... et le Manitoba, mais le dossier n'a pas progressé depuis.

M. MORIN: Est-ce que vous pouvez nous dire si une carte avait été élaborée entre ces trois provinces, comme on l'a dit à l'époque pour se partager la région?

M. LEVESQUE: Nous avons, pour nos propres besoins, une carte, en effet...

M. MORIN: Oui?

M. LEVESQUE: ... qui touche les projets d'extension des frontières septentrionales.

M. MORIN: Oui. Est-ce que, avant qu'elle ne fasse l'objet d'une fuite, le ministre consentirait à la déposer devant la commission? Je peux lui dire que cette carte a déjà un peu circulé, mais ce serait utile qu'elle soit déposée officiellement.

M. LEVESQUE: J'ai l'impression que le chef de l'Opposition a tous ces documents, le bilan, et tout cela. Il le fait exprès.

M. MORIN: Non.

M. LEVESQUE: Oui, oui.

M. MORIN: Non. Je peux rassurer le ministre que si j'avais le bilan, mes questions seraient posées à partir du bilan...

M. LEVESQUE: J'ai l'impression qu'il a tout ce qu'il faut pour...

M. MORIN: Je ne me gênerais pas pour l'utiliser, si je l'avais, mais je ne l'ai pas.

M. LEVESQUE: J'ai l'impression que...

M. MORIN: C'est pour cela que nous le réclamons.

M. CHARRON: ... là-dessus, parce que...

M. LEVESQUE: Cela me surprendrait qu'il ne l'ait pas.

M. MORIN: Est-ce que le ministre met en doute ma parole?

M. LEVESQUE: C'est parce qu'il dit que la carte a circulé et puis...

M. MORIN: Oui, mais est-ce qu'elle est dans le bilan, la carte?

M. LEVESQUE: Non, mais elle fait partie des documents du ministère.

M. MORIN: La carte a circulé, mais je vous demande si vous voulez bien la déposer devant la commission. Ce serait utile pour tout le monde.

M. LEVESQUE: Je corrige. Elle est annexée au bilan.

M. MORIN: Elle est annexée au bilan. Bon! Si vous rendiez le bilan public, cela règlerait la question.

M. LEVESQUE: A condition qu'on dépose les annexes.

M. MORIN: M. le ministre, est-ce que vous déposeriez la carte en question?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention de déposer les documents de travail du ministère.

M. MORIN: Mais...

M. LEVESQUE: II faudrait, évidemment, consulter les autres provinces, soit l'Ontario et le Manitoba.

M. MORIN: En sorte qu'on ne peut pas savoir quelle est la position exacte du Québec en ce qui concerne le partage des droits miniers sous-marins dans la baie d'Hudson?

M. LEVESQUE: Cela fait partie de discussions qui ont lieu présentement.

M. MORIN: Bon, alors, si vous ne voulez pas déposer la carte...

M. LEVESQUE: Mais...

M. MORIN: ... est-ce qu'on peut vous demander où passe la ligne de partage, premièrement entre l'Ontario et le Québec?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN : Vous ne voulez pas le dire?

M. LEVESQUE: Je ne suis pas pour utiliser le vocabulaire pour remplacer le visuel.

M. MORIN: Est-ce que vous pourriez nous dire selon quel principe ces lignes ont été tracées?

M. LEVESQUE: Selon le principe de l'intégrité du territoire québécois.

M. MORIN: Et sur le plan géographique, est-ce que c'est le principe des parallèles et des lignes droites, ou bien s'il s'agit d'une ligne sinueuse à travers la baie d'Hudson?

M. LEVESQUE: Vous entrez à ce moment dans le contenu.

M. MORIN: Je crois tout de même que cette question est d'intérêt public. Si vous avez rendu public le partage du golfe, je ne vois pas pourquoi vous ne rendriez pas public...

M. LEVESQUE: Tout ce que l'on fait est d'intérêt public, mais ce qui nous concerne justement est que l'intérêt public ne soit pas mis en péril par des divulgations prématurées.

M. MORIN: Est-ce que les trois provinces se sont mises d'accord sur le partage géographique de ces zones?

M. LEVESQUE: Essentiellement oui, m'informe-t-on, parce que je n'ai pas pu contrôler la réponse auparavant.

M. MORIN: Est-ce que le pouvoir fédéral est d'accord?

M. LEVESQUE: Le pouvoir fédéral n'est pas encore d'accord, parce que s'il était d'accord et que les provinces étaient d'accord, je ne crois pas que cela serait le chef de l'Opposition qui empêcherait une entente.

M. MORIN: C'est sûr. Quelle est l'attitude exacte du pouvoir fédéral? Est-ce que cela fait toujours partie des Territoires du Nord-Ouest?

M. LEVESQUE: On peut ajouter un fait qui intéresserait peut-être le chef de l'Opposition. Dans plusieurs cas, nous occupons déjà le territoire envisagé.

M. MORIN: Sous quelle forme l'occupez-vous?

M. LEVESQUE: Par une présence.

M. MORIN: En octroyant des permis, par exemple?

M. LEVESQUE: Par exemple.

M. MORIN: Parce que vous pouvez toujours naviguer dans ces eaux comme les Québécois l'ont fait dans le passé. Cela ne s'appelle pas une affirmation de compétence. C'est cela que le ministre veut dire, qu'il se promène en chaloupe sur la baie James? De quelle façon, M. le ministre, avez-vous affirmé cette présence?

M. LEVESQUE: Continue, Saint-Jacques.

M. MORIN: De quelle façon avez-vous affirmé cette présence, M. le ministre?

M. LEVESQUE: La construction, les travaux qui se poursuivent dans ce territoire.

M. MORIN: En haute mer? C'est-à-dire que cela n'est pas la haute-mer à proprement parler, mais je veux dire au large?

M. LEVESQUE: Au large.

M. MORIN: Dans les îles Belcher?

M. LEVESQUE: A Fort George, par exemple, Poste-de-la-Baleine. On peut vérifier avec plus de précision.

M. MORIN: Alors la question que je poserais pour fins de vérification est celle-ci: Quelles sont les méthodes utilisées par le Québec pour affirmer sa présence et sa compétence dans toute la partie revendiquée par le Québec, aussi bien...

M. LEVESQUE: Nons tenterons d'avoir une réponse plus précise au cours de la journée ou demain.

M. MORIN: Bien. Si j'ai bien compris, selon la position du pouvoir fédéral à l'heure actuelle, cela fait encore partie des Territoires du Nord-Ouest.

M. LEVESQUE: La position fédérale? M. MORIN: Oui. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral n'a pas encore du moins accepté les prétentions des trois provinces en question, mais elles n'ont pas été aussi catégoriques que vient de l'être le chef de l'Opposition. Autrement dit, elles n'ont pas affirmé aussi catégoriquement que vient de le faire le chef de l'Opposition, cette prétention.

M. MORIN: Y a-t-il espoir de voir cette négociation aboutir bientôt?

M. LEVESQUE: Je dois vous dire que présentement le dossier n'est pas actif, particulièrement dans le contexte actuel.

M. MORIN: Oui, mais le pouvoir fédéral n'est-il pas actif? N'a-t-il pas commencé à accorder des permis d'exploration?

M. LEVESQUE: Cela pourrait faire partie de la réponse attendue.

M. MORIN: Alors, j'ajoute la question suivante: Dans quelles régions de la baie James, de la baie d'Hudson et du détroit d'Ungava, le pouvoir fédéral a-t-il accordé des permis d'exploration et dans lesquelles également le Québec aurait-il accordé des permis pour fins d'exploration du sous-sol?

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition ne croit-il pas qu'il entre justement dans le contenu d'un ministère sectoriel?

M. MORIN: Non, je ne pense pas, parce qu'il s'agit vraiment des rapports fédéraux-provinciaux.

M. LEVESQUE: C'est le ministère des Affaires intergouvernementales qui émet des permis.

M. MORIN: Non, mais c'est lui qui en subit les conséquences. S'il y a un contentieux fédéral-provincial, c'est lui qui est appelé à le mettre au clair.

M. LEVESQUE: Celui qui s'occupe du dossier vient de m'informer qu'il n'y a ni permis fédéral, ni permis provincial.

M. MORIN: Aucun permis fédéral?

M. LEVESQUE: C'est l'information que je reçois.

M. MORIN: Voulez-vous le vérifier pour cet après-midi?

M. LEVESQUE: On va le vérifier.

M. MORIN: Bien. Est-ce que le ministre pourrait nous dire maintenant quelle part a joué son ministère dans les négociations avec les pays du Moyen-Orient, avec le Venezuela, éventuellement avec le Nigeria, pour garantir au Québec des approvisionnements à long terme dans le domaine du pétrole?

M. LEVESQUE: Quant à la question précise du chef de l'Opposition, notre ministère n'y a pas été mêlé; mais notre ministère a été très actif dans la question sur le plan canadien, dans la question des relations fédérales-provinciales et interprovinciales.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Notre action a été déterminante dans la question du prix du pétrole, dans la question de la redistribution des produits, de la taxe d'exportation, etc. Nous avons été, comme ministère, au premier plan de la discussion.

M. MORIN: Très bien. Est-ce qu'il n'y avait donc pas de représentants du ministère des Affaires intergouvernementales dans la délégation du Québec auprès des pays du Moyen-Orient?

M. LEVESQUE: Quelle était la première partie de la phrase?

M. MORIN: II n'y avait pas de représentants du Québec lors des négociations pétrolières avec

les pays du Moyen-Orient? Je veux dire, pas de représentants de votre ministère.

M. LEVESQUE: Pas de notre ministère.

M. MORIN: Est-ce que vous avez reçu le rapport des démarches entreprises par d'autres ministères québécois? Est-ce que vous êtes au courant?

M. LEVESQUE: Oui, nous avons été continuellement informé. Je sais que vous avez posé ces questions sans doute aux ministres intéressés.

M. MORIN: Pas de la façon que je les pose actuellement. Ce qui m'intéresse, le ministre l'aura compris, c'est la compétence de son ministère dans ces dossiers.

M. LEVESQUE: Tout d'abord, nous avons été continuellement informé. Deuxièmement, nous avons pris depuis ce temps certaines dispositions pour avoir quelqu'un à l'intérieur du ministère qui se préoccupe particulièrement de nos relations avec cette partie du monde.

M. MORIN: Oui, parce que si je ne m'abuse, cela fait partie des prérogatives de votre ministère de s'occuper des rapports extérieurs du Québec. Est-ce que je dois bien comprendre le ministre...

M. LEVESQUE: Ce serait peut-être un collègue du chef de l'Opposition? Un ancien professeur de droit international?

M. MORIN: Qu'est-ce que le ministre veut dire?

M. LEVESQUE: Celui à qui nous avions confié le dossier.

M. MORIN: Soyez plus précis. Voulez-vous dire mon ancien collègue de Laval.

M. LEVESQUE: J'en reparlerai plus tard avec le chef de l'Opposition.

M- MORIN: Très bien. Je ne saisis pas très bien à quoi le ministre fait allusion, mais nous verrons.

Est-ce que je dois comprendre que, dans ce domaine, le ministère des Richesses naturelles est allé se promener au Moyen-Orient sans que vous ayez été de la partie? Autrement dit, est-ce qu'il y a eu des initiatives de ce ministère sans que vous soyez tenu au courant?

M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné, nous avons été renseigné régulièrement...

M. MORIN: Avant?

M. LEVESQUE: ... sur les activités du ministère des Richesses naturelles. Il est normal, cependant, il ne faut pas s'en surprendre, qu'au stade de l'exploration, les ministères sectoriels peuvent prendre certaines initiatives.

M. MORIN: Internationales?

M. LEVESQUE: Nous avons été mis au courant, cependant, antérieurement à ces missions, de leur existence, des objectifs poursuivis. Mais, encore là, c'était purement exploratoire et nous n'avons pas eu de fonctionnaire qui accompagnait les fonctionnaires qui provenaient du ministère des Richesses naturelles.

M. MORIN: Désormais, j'imagine que vous entendez avoir un fonctionnaire qui suive cela de plus près.

M. LEVESQUE: II faut bien se rappeler que, lorsque notre ministère fait partie d'une délégation, cela lui confère un aspect intergouvernemental et plutôt officiel alors qu'il s'agissait, dans ce cas, de missions exploratoires.

M. MORIN: Mais si votre ministère avait été dans le coup, M. le ministre, est-ce que, justement, cette malheureuse mission exploratoire se serait heurtée à toutes les difficultés qu'elle a éprouvées avec des interventions fédérales qui tendaient justement à miner ses démarches? Si vous aviez été officiellement dans le coup...

M. LEVESQUE: Vous pourriez poser la question au ministre concerné. Je n'accepte pas toutes vos prétentions actuelles et je ne suis pas en mesure de les contredire d'une façon positive, parce que je n'ai pas, justement, d'autorité sur les personnes en question.

M. MORIN: Mais vous avez autorité sur tout ce qui est accords internationaux du Québec.

M. LEVESQUE: II n'y a pas d'accord. Je répète qu'il s'agit de quelque chose de purement exploratoire.

M. MORIN: II est bizarre que vous ayez été seulement informé comme cela, du revers de la main, si je comprends bien, que vous n'ayez pas participé pleinement à cette mission. Est-ce que je dois conclure que c'est peut-être à cause de la non-intervention du ministre que celle-ci a échoué et que, s'il était intervenu, cela aurait sans doute été un succès fulgurant?

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre une chose, nous n'avons pas les effectifs pour faire partie de toutes les missions exploratoires sectorielles. Souvent, nous sommes informés et le ministère sectoriel procède sans la présence de quelqu'un du ministère des Affaires intergouvernementales, surtout lorsqu'il s'agit d'une période purement d'exploration. C'est clair que

nous n'avons pas les effectifs suffisants pour pouvoir faire tout ce genre d'exploration.

M. MORIN: Le ministre ne me dira pas qu'il accepte volontiers cette situation de fait.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas l'intention du ministère des Affaires intergouvernementales de se substituer aux responsabilités sectorielles des ministères concernés.

M. MORIN: Ce n'est pas l'intention de votre ministère d'obtenir le personnel requis pour surveiller ces dossiers?

M. LEVESQUE: Aux fins de la coordination, oui. Nous avons d'ailleurs mentionné, au tout début de nos remarques hier, l'augmentation relativement importante de personnel l'an dernier et de nouveau cette année.

M. MORIN: Est-ce que votre ministère a été informé du désir du Venezuela de conclure une entente avec un organisme d'Etat québécois, organisme d'Etat qui aurait pu être SOQUIP?

M. LEVESQUE: Voulez-vous reprendre votre phrase?

M. MORIN: Vous voulez que je répète ma question? Est-ce que votre ministère a été informé du désir, de la volonté du Venezuela de conclure une entente avec un organisme d'Etat québécois qui, en l'occurence, aurait pu être SOQUIP?

M. LEVESQUE: Nous avons des renseignements qui arrivent au ministère, de multiples offres. Il y a un nombre assez important de courtiers qui ont parcouru le monde durant la crise du pétrole. Des offres arrivaient, j'en ai reçu moi-même directement, etc. Tout cela est analysé par le ministère sectoriel, mais nous sommes au courant d'offres de ce genre. Tout cela a été référé au ministère sectoriel qui a l'expérience et les effectifs nécessaires pour juger ces offres.

M. MORIN: Sur le plan d'un accord possible entre le Venezuela et un organisme public québécois, où en est votre dossier?

M. LEVESQUE: Le ministre responsable, devant la Chambre, des activités de SOQUIP est le ministre des Richesses naturelles, vous touchez là au contenu, clairement, et lorsque le ministère sectoriel nous aura fait valoir qu'il y aurait avantage à une telle entente, nous entrerons en action.

M. MORIN: Voulez-vous dire que, d'ici là, vous n'êtes pas mêlé aux pourparlers exploratoires, que votre ministère n'est pas mêlé aux pourparlers?

M. LEVESQUE: Nous sommes informés, mais il faut bien comprendre que SOQUIP a plus d'autonomie qu'un ministère. C'est justement pour respecter sa liberté d'action, jusqu'à un certain point, qu'il lui est permis de faire certaines explorations et cela, évidemment, à la connaissance du ministère sectoriel, c'est encore au ministère sectoriel que la question pourrait être posée.

M. MORIN: Je commence à mesurer les inconvénients pour le Québec de ne pas avoir de personnalité internationale. Tout le monde grenouille, tout le monde négocie à gauche et à droite et votre ministère, en fin de compte, est tenu au courant de ce qui se passe. Mais ce n'est pas lui qui contrôle ce qui se passe, ce n'est pas lui qui négocie.

M. LEVESQUE: Le gouvernement, dans son ensemble, contrôle ces activités, mais là, on parle d'un ministère en particulier et j'ai décrit ce que nous avions fait dans tel et tel cas, soumis par le chef de l'Opposition. Le chef de l'Opposition devra se rappeler que le gouvernement, dans son ensemble — par le premier ministre en tête, par le ministère des Richesses naturelles, particulièrement par le ministère des Affaires intergouvernementales — a obtenu, dans la négociation à l'échelle canadienne durant la crise énergétique, des résultats extrêmement favorables pour les citoyens du Québec. Si, à ce moment-là, le Québec avait cette indépendance économique et politique dont parle...

M. MORIN: II aurait pu négocier.

M. LEVESQUE: Négocier, oui, négocier avec qui?

M. MORIN: Avec les pays avec lesquels il a tenté de le faire et où vous n'avez pas abouti.

M. LEVESQUE: Certainement, il aurait payé $12.50 le baril alors que présentement, le prix canadien est de $6.50 plus le transport. Est-ce que c'est ça que vous appelez des négociations valables pour le peuple québécois?

M. MORIN: Est-ce que c'est ça que les pays européens ont payé?

M. LEVESQUE: Allez donc le suggérer!

M. MORIN: Est-ce que c'est ça que les pays européens qui ont négocié directement ont payé?

M. LEVESQUE: Ils ont payé des prix au-delà de $11 le baril.

M. MORIN: Et le ministre peut-il nous dire...

M. LEVESQUE: C'est ça que vous suggérez aux Québécois?

M. MORIN: Sûrement que si le Québec avait été indépendant, il y a longtemps qu'il aurait négocié des accords d'approvisionnement à long terme, c'est l'évidence même. Vous n'arrivez pas à vous mettre dans la perspective de négociations avec les pays étrangers et je vois bien pourquoi. Parce que dans tous ces cas, vous n'avez même pas été dans le coup.

M. LEVESQUE: Au contraire, nous l'avons été, dans la question de la crise énergétique, continuellement. Justement, je suis à même — je ne veux pas blesser la modestie de qui que ce soit — de savoir personnellement quelle a été la contribution des hauts fonctionnaires de mon ministère dans l'entente qui a eu lieu sur le plan fédéral-provincial et interprovincial.

M. MORIN: Parlons-en donc de cette question fédérale-provinciale avec les projets fédéraux de création d'une société publique des pétroles, laquelle, d'après le projet de loi qui a été soumis au Parlement avant la dissolution, aurait la compétence, non seulement d'explorer et de raffiner, mais de distribuer les produits pétroliers. Est-ce que votre ministère est au courant de ce dossier, des intentions du pouvoir fédéral? Et quelle est l'attitude de votre ministère?

M. LEVESQUE: D'un SOQUIP fédéral? M. MORIN: Oui.de Pétrocan.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Quelle est l'attitude de votre ministère devant ces projets?

M. LEVESQUE: Voici. Il faut bien comprendre que ces projets sont maintenant lettre morte. Deuxièmement, je ferai part...

M. MORIN: Pas lettre morte.

M. LEVESQUE: Je ferai part au... Oui, avec la dissolution des Chambres, c'est lettre morte.

M. MORIN: Ils ne sont que suspendus, ces projets.

M. LEVESQUE: Oui. Deuxièmement, la position du Québec a été bien connue et cela même de la part du premier ministre en janvier 1974.

M. MORIN : Quelle est cette position?

M. LEVESQUE: Pour connaître un peu la façon de procéder du gouvernement du Québec et du ministère des Affaires intergouvernementales en particulier, on se rappellera qu'il y a eu un dépôt d'un projet de loi antérieur à l'entente finale sur la question de l'énergie et du pétrole en particulier. On se rappellera qu'il y avait là des dispositions qui ont paru inacceptables par le Québec et qui ont été enlevées à la demande du Québec. On se rappellera que, par exemple, en vue de régler la question énergétique, on avait inclus toutes les formes d'énergie, y compris...

M. MORIN: Y compris l'électricité?

M. LEVESQUE: ...l'électricité. Et pourtant, c'est justement à cause de la vigilance du Québec, à cause des représentations du Québec, que toute cette section du projet de loi fédéral est tombée.

M. MORIN: Mais je vous parle de Pétrocan. Quelle est exactement, à l'heure actuelle, l'attitude de votre ministère devant ce projet fédéral, en ce qui concerne le territoire québécois?

M. LEVESQUE: Ce qui a été dit publiquement par le gouvernement du Québec, c'est qu'on ne voulait pas qu'une telle société fasse double emploi avec SOQUIP.

M. MORIN: Cela signifie: que Pétrocan n'ait pas d'activité sur le territoire québécois; c'est bien cela?

M. LEVESQUE: Ou qu'elle en ait avec le concours de SOQUIP, ou par consentement.

M. MORIN: Si le pouvoir fédéral, qui a prévu un montant de $1.5 milliard d'investissements dans cette entreprise publique, prétend établir un réseau de distribution pancanadien, quelle va être l'attitude du Québec?

M. LEVESQUE: Pour revenir à...

M. MORIN: Etes-vous en mesure d'empêcher cela, d'abord?

M. LEVESQUE: Je pense en effet qu'une société fédérale est possible.

M. MORIN: Je pense bien qu'elle est possible.

M. LEVESQUE: Deuxièmement, ce que nous voulons, c'est d'avoir... D'ailleurs, 1'Alberta a un problème analogue, même peut-être plus...

M. MORIN: J'ai dit qu'elle était possible. Je n'ai pas dit qu'elle était nécessairement conforme à la constitution; cela est autre chose, parce que les richesses naturelles relèvent des provinces. Mais, enfin, je laisse parler le ministre.

M. LEVESQUE: Elle serait au moins consti-tutionnellement valable dans les Territoires du Nord-Ouest.

M. MORIN: Et même dans la baie d'Hudson, dont on parlait tout à l'heure, d'accord. Passons, j'écoute le ministre.

M. LEVESQUE: Je crois qu'il serait préférable d'attendre le dépôt d'un tel projet de loi, éventuellement, s'il doit être présenté par un futur gouvernement, avant de prendre une position définitive sur le sujet.

M. MORIN: II sera peut-être un peu tard.

M. LEVESQUE: II s'agit là d'une question hypothétique...

M. MORIN: Oui?

M. LEVESQUE: ... dans le contexte actuel.

M. MORIN: Avec un projet de loi qui a été déposé et un gouvernement qui s'était engagé à le faire, c'est...

M. CHARRON: D'ailleurs, il le répète dans ses engagements électoraux.

M. MORIN: ... hypothétique?

M. le ministre, ce que j'ai à vous dire là-dessus, c'est que vous allez vous trouver devant un fait accompli une fois de plus.

M. LEVESQUE: Que le chef de l'Opposition n'ait crainte. Nous sommes très vigilants et nous étudions très activement cette question.

M. MORIN: Je dois dire que si je me fie à la "vigilance" du gouvernement dans d'autres domaines, j'ai des craintes.

M. LEVESQUE: Mais j'ai justement donné une illustration tout à l'heure de la vigilance du gouvernement. J'ai mentionné qu'un projet de loi touchant le domaine de l'énergie avait été grandement modifié à la suite des représentations du Québec. Nous avons fait également des représentations dans le domaine...

M. MORIN: Pour être bien précis, voulez-vous dire que l'article 14, dans le projet du gouvernement, qui portait sur l'éventuelle possibilité du pouvoir fédéral de contrôler les exportations d'électricité, a été retiré du projet? Pas à ma cpnnaissance, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Concernant...

M. MORIN: L'exportation de l'électricité.

M. LEyESQUE: ... l'exportation, ce n'est pas changé.

M. MORIN: Ah, ce n'est pas changé!

M. LEVESQUE: Cela a existé dans le passé, cela continue.

M. MORIN: Qu'est-ce qui est changé?

M. LEVESQUE: Ce qui est changé, c'est que le bureau ou l'office d'approvisionnement, qui devait avoir certains contrôles sur les diverses formes d'énergie, englobait, dans ce projet de loi, l'électricité. Nous avons fait enlever l'électricité des dispositions du projet de loi quant aux pouvoirs de l'office.

M. MORIN: D'accord. M. le ministre, je répète ma question de tout à l'heure, et si vous pouvez y répondre, tant mieux; sinon, tant pis. Mais j'aimerais bien vraiment connaître l'attitude de votre ministère devant une société publique fédérale qui va investir plus de $1 milliard alors que SOQUIP n'a que $7.5 millions pour l'année courante.

M. LEVESQUE: C'est une situation purement hypothétique.

M. MORIN: Non, ce n'est pas hypothétique ! Je vais vous dire pourquoi. SOQUIP, malgré que son mandat B soit inscrit dans la loi, ne s'occupe pas, à l'heure actuelle, de raffinage et de distribution, parce que votre gouvernement ne l'a pas autorisée. Tandis que Petrocan va être autorisée, avec un investissement de $1.5 milliard par rapport à $7.5 millions pour SOQUIP, à s'occuper de raffinage et de distribution.

M. LEVESQUE: Ces $7.5 millions, ce n'est pas juste. Vous savez que la loi prévoit $100 millions.

M. MORIN: Oui, sur dix ans.

M. LEVESQUE: Votre montant, c'est sur une année?

M. MORIN: Non, c'est sur trois ans.

M. LEVESQUE: Comme vous parlez pour Petrocan... Soyez juste. Ne faites pas de comparaison injuste.

M. MORIN: Oui, mais cela fait quand même $500 millions par année.

M. LEVESQUE: Vous parlez d'une question purement hypothétique.

M. MORIN: Cela fait $500 millions par année, par rapport $7.5 millions.

M. LEVESQUE: Le parlement canadien est dissous présentement, et il n'y a aucun projet de loi devant la Chambre.

M. CHARRON: II y a un gouvernement encore à Ottawa, et le même gouvernement...

M. LEVESQUE: Un gouvernement, mais il n'y a pas de loi...

M. CHARRON: ... le même gouvernement... M. LEVESQUE: ... ou de projet de loi...

M. CHARRON: ... fait valoir que le projet de loi qui était déposé au moment de la dissolution des Chambres sera ramené, et c'est toujours dans la politique de ce gouvernement et c'est toujours dans son intention... La seule hypothèse qu'il y ait là-dedans, c'est que ce gouvernement serait renversé le 8 juillet prochain. J'accepte qu'on ne discute pas de cette hypothèse. Mais il y a encore un gouvernement à Ottawa, et ce gouvernement dit encore qu'il va créer Petrocan...

M. COTE: C'est sûrement pas parce que...

M. CHARRON: ... ce n'est pas hypothétique comme nous dit le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. MORIN: Si vous attendez le fait accompli, on va voir apparaître un réseau de distribution fédérale au Québec, Petrocan ou "Pétro-je-ne-sais-pas-quoi", et SOQUIP se sera fait damer le pion. Le Québec, les Québécois se seront fait damer le pion une fois de plus, à cause de l'absence d'action du gouvernement et à cause de l'absence de dynamisme de votre ministère, entre autres. C'est cela le sens de la question.

Alors, si vous vous trouvez devant cette situation — elle s'en vient, je pense que le ministre doit être au courant qu'un réseau de distribution de pétrole fédéral au Québec s'en vient — quelle est l'attitude de son ministère? Est-ce qu'il attendra que cela soit fait?

M. LEVESQUE: Je dois dire immédiatement que le gouvernement du Québec a certaines priorités, qu'il doit tenir compte, dans l'établissement de ses priorités, des besoins et des aspirations des Québécois et des moyens dont il dispose également.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Et le gouvernement ne s'est pas prononcé sur l'opportunité du raffinage et de la distribution des produits pétroliers au Québec. Je ne sache pas que le gouvernement ait fait des déclarations à ce sujet et, si le chef de l'Opposition désire avoir plus de renseignements sur le contenu de cette politique, il s'adressera au ministre des Richesses naturelles qui a la responsabilité du dossier.

M. MALOUIN: M. le Président, je m'excuse. Il l'a déjà fait. Il a déjà posé la question lors de l'étude des crédits. Je pense qu'il cherche seulement une contradiction...

M.MORIN: Non. Je cherche à avoir la position de ce ministère...

M. MALOUIN: II y a un montant de voté pour étudier la possibilité de raffinage au réseau de distribution.

M.MORIN: Je m'intéresse ce matin à un autre aspect de la question.

M. LEVESQUE: Au lieu de parler des relations purement fédérales-provinciales...

M. MORIN: Cela n'est pas fédéral-provincial?

M. LEVESQUE: Non?

M. MORIN: Ce dont nous parlons, ce n'est pas du domaine fédéral-provincial?

M. LEVESQUE: Au lieu de parler purement des activités du ministère des Affaires intergouvernementales en relation avec des dossiers sectoriels, il prend avantage de cette discussion pour entrer dans le secteur même et demander quelle est la politique du gouvernement, quelle est la politique du ministère des Richesses naturelles sur la vocation de SOQUIP et les activités qui sont permises à SOQUIP.

M. MORIN: Ce n'est pas le sens de ma question.

M. LEVESQUE: C'est la question que vous avez posée.

M. MORIN: Non. La question est: Quelle est l'attitude du ministère des Affaires intergouvernementales dans la partie du dossier qui le concerne, c'est-à-dire l'implantation éventuelle, par le pouvoir fédéral, d'un réseau de distribution de pétrole au Québec? C'est une question qui intéresse votre ministère ou alors, dites-nous tout de suite que cela ne relève pas de votre compétence et nous n'insisterons pas.

M. LEVESQUE: Quant aux relations fédérales-provinciales sur ce point, si le projet de loi était demeuré au feuilleton et devant la Chambre des Communes, nous aurions fait connaître notre position clairement, comme nous l'avons fait dans le passé dans des domaines ou dans des situations analogues.

Si, par hasard, ce même projet de loi était ramené devant la Chambre des Communes, vous pouvez compter que nous allons faire valoir les positions du Québec et notre réaction sera connue.

LE PRESIDENT (M. Picard): II est midi. La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions à l'Assemblée nationale. La commission siégera dans la même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

Reprise de la séance à 16 h 47

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, attention!

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission parlementaire continuera l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. L'honorable ministre.

M. CHARRON: M. le Président, nous n'avons même pas quorum. On ne peut pas commencer, on n'a pas quorum.

LE PRESIDENT (M. Picard): C'est cela que j'ai demandé.

M. CHARRON: C'est parce qu'on ne l'avait pas constaté.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je l'ai demandé tantôt.

M. CHARRON: Ah si! On était prêt! Nous, nous sommes prêts, nous sommes ici depuis dix minutes.

M. MORIN: II manque des membres. Hier, il en manquait un, aujourd'hui, il en manque trois.

M. CHARRON: II en manque beaucoup. On ne peut pas commencer actuellement.

LE PRESIDENT (M. Picard): Aujourd'hui, il fait plus chaud qu'hier.

M. CHARRON: Oui. On a aussi chaud que les libéraux, vous savez. Ils peuvent être présents.

M. LEVESQUE: Vous êtes moins tassés.

M. CHARRON: Vous croyez? On travaille plus, par exemple.

M. LEVESQUE: Vous avez une haute opinion de vous-même? Si on me permet, avant d'entreprendre l'étude des crédits...

M. CHARRON: On ne peut pas,...

M. LEVESQUE: Avant d'entreprendre l'étude des crédits, je voudrais simplement faire une mise au point pour la presse, parce que je vois ici, une nouvelle de la Presse canadienne, qui a mal interprété ce que nous avons dit hier au sujet de l'établissement d'une maison du Québec.

M. CHARRON: En Amérique latine?

M. LEVESQUE: En Amérique latine. Je trouve que c'est dommage; même le titre peut être dommageable, parce que ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. On me dit que cela a été découpé dans la Presse aujourd'hui. Le titre est celui-ci: Maison du Québec en Amérique latine: par le biais d'Ottawa. Le gouvernement du Québec passera par le biais d'un organisme fédéral, l'Agence canadienne de développement international, afin d'ouvrir une maison du Québec en Amérique latine. M. le Président, c'est une interprétation, à mon sens, absolument fantaisiste des paroles que j'ai tenues ici hier, de ce que j'ai dit, et le chef de l'Opposition est d'accord avec moi, je n'ai jamais dit cela. J'ai parlé d'un préalable, cependant, à l'établissement d'une maison du Québec en Amérique latine. Les autres journaux du matin, que j'ai lus, ont très bien interprété et très bien rapporté mes propos. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu pour ceux qui sont les auteurs, je ne sais pas qui, probablement que c'est de bonne foi...

M. CHARRON: C'est une dépêche de la Presse canadienne?

M. LEVESQUE: Oui. C'est probablement fait de bonne foi, mais cela fausse terriblement la portée des paroles et des propos que j'ai tenus hier. Je voulais simplement le signaler avant.

M. CHARRON: Est-ce dans la première page de la Presse aujourd'hui?

M. LEVESQUE: Je ne sais pas dans quelle page, parce qu'on m'a remis cette...

M. CHARRON: Je pensais que c'était à côté d'une annonce de Steinberg.

M. LEVESQUE: Vous pensez? M. CHARRON: A cette largeur-là. M. LEVESQUE: Tant mieux si..

M. CHARRON: Vous êtes entre les concombres et la laitue.

M. LEVESQUE: Tant mieux si cela n'a pas été...

M. BOSSE: ... d'avec les confitures.

M. LEVESQUE: Tant mieux, si cela n'a pas attiré l'attention,...

M. CHARRON: C'est comme au caucus libéral.

M. LEVESQUE: ... mais c'est complètement à l'inverse, complètement à l'encontre de ce que j'ai dit.

Cela ne tient pas du tout compte des propos que j'ai tenus. S'il y a possibilité de faire la correction, de s'en rapporter aux propos que j'ai tenus. Il y a deux questions qui ont été posées ce matin. La première: "M. Morin: Alors la question que je poserais pour fins de vérification est celle-ci. Quelles sont les méthodes...

M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait attendre d'avoir le quorum?

M. LEVESQUE: On ne l'a pas encore?

M. MORIN: Nous pourrions alors consigner la réponse du ministre au procès-verbal, aux débats.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on n'était pas au procès-verbal là?

LE PRESIDENT (M. Picard): On ne siège pas.

M. LEVESQUE: J'avais demandé la permission d'être au procès-verbal pour la mise au point concernant la Presse canadienne. Avez-vous pris cela?

LE PRESIDENT (M. Picard): Le chef de l'Opposition...

M. LEVESQUE: Vous l'avez pris. D'accord. M. CHARRON: On attend le quorum.

M. LEVESQUE: Parce que je ne suis pas pour recommencer.

LE PRESIDENT (M. Picard): M. Charron, le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je pense que le ministre avait deux réponses à nous donner sur ce qui avait été laissé en plan ce matin.

M. LEVESQUE: Dans la première question du...

M. MORIN: Le ministre commence à comprendre le dossier.

M. LEVESQUE: Voulez-vous avoir la réponse ou voulez-vous être insolent?

M. MORIN: La réponse plutôt.

M. LEVESQUE: La question du député de Sauvé: La question que je poserais pour fins de vérification est celle-ci: Quelles sont les méthodes utilisées par le Québec pour affirmer sa présence, sa compétence quant à la partie revendiquée par le Québec? A ce moment-là, on parlait des territoires autour de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava. Nous ne sommes effectivement pas présents dans l'ensemble du territoire que nous souhaiterions nous voir reconnaître. D'ailleurs, c'est physiquement impossible de l'être. Mais, comme je l'ai mentionné ce matin, c'est confirmé, nous avons, à Fort George, une présence qui se traduit par l'implantation de services publics, hôpital, aqueduc, résidences pour les travailleurs de la baie James, etc.

M. MORIN: On parlait à ce moment-là des fonds sous-marins, pas du territoire émergé. Vous nous disiez...

M. LEVESQUE: On ne parlait pas de ça, on parlait des îles, on parlait des frontières, ça inclut...

M. MORIN: Les frontières maritimes. Je parlais de frontières maritimes. J'espère qu'il n'y a pas eu de malentendu ce matin quand je vous demandais où en étaient les revendications du Québec dans la baie d'Hudson. Je ne voulais pas dire la frontière terrestre, je voulais dire la frontière maritime. Je pense que M. Brière avait bien compris. Votre présence sur terre, je ne la conteste pas.

M. LEVESQUE: Fort George...

M. MORIN: Ce serait le bouquet si vous n'étiez pas présent sur le territoire lui-même!

M. LEVESQUE: C'est une île qui est située au-delà de la limite des basses eaux, peut-être que le chef de l'Opposition n'est pas familier avec le territoire...

M. MORIN: Un peu, mais j'essaie de voir. Cette île sur laquelle est construite Fort George?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Est-ce qu'elle fait partie du territoire québécois ou des territoires du Nord-Ouest? Vous ne savez pas? Cela fait partie du territoire québécois.

M. LEVESQUE: Cela fait partie du territoire qu'on veut se voir reconnaître, qu'on prétend être le nôtre.

M. MORIN: Et dont le pouvoir fédéral prétend que c'est à l'intérieur des Territoires du Nord-Ouest, c'est ça?

M. LEVESQUE: Tout de même, le chef de l'Opposition ne voudrait pas se faire l'avocat du fédéral et nous faire donner des arguments en faveur du fédéral.

M. MORIN: J'essaie de comprendre notre position. Est-ce que c'est une île à propos de laquelle il y a contestation?

M. LEVESQUE: Oui.

M.MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: C'est ce qu'on me dit.

M. MORIN: Ce n'est pas une des îles Belcher? Les îles Belcher, c'est plus au nord.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Bon. Est-ce que dans le cas des îles Belcher, puisque le ministre aborde la question à nouveau cet après-midi, vous avez fait des actes d'occupation de quelque sorte?

M. LEVESQUE: II n'y a pas eu de permis québécois. J'ai ici des renseignements sur les permis fédéraux qu'on a pu découvrir.

M. MORIN: Oui, vous m'aviez dit qu'il n'y en avait pas ce matin.

M. LEVESQUE: C'est l'information qu'on m'avait transmise et que j'ai transmise fidèlement à la commission. J'ai dit que je vérifierais; c'est ce que j'ai fait.

M. MORIN: Très bien. Alors?

M. LEVESQUE: Et voici les renseignements que j'ai obtenus: Ces renseignements peuvent ne pas être exacts; je les corrigerai dès que j'apprendrai qu'ils sont inexacts. Il y a eu des "Crown Reserve Permits" dans la baie James. Mais ces permis n'ont pas été renouvelés. C'est le renseignement que j'ai quant au point numéro 1.

Quant au point numéro 2, quelques jalonnements minéraux auraient été accordés dans le sud de la baie d'Hudson. Et troisièmement...

M. MORIN: En quelle année?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas les renseignements.

M. MORIN: Enfin, est-ce que c'est récent ou ancien?

M. LEVESQUE: Si je n'ai pas les renseignements, je ne les ai pas. Les permis de gaz et de pétrole qui sont plus au nord ont été accordés dans la baie d'Hudson.

M. MORIN : C'est de cela que je vous parlais. C'est cela qui a été porté à ma connaissance. Est-ce que ces permis de pétrole et de gaz sont récents?

M. LEVESQUE: Ce serait, dans le dernier cas qui intéresse le chef de l'Opposition, relativement récent.

M. MORIN: C'est ce que je pensais aussi. Est-ce que vous pourriez nous décrire l'étendue de l'aire dans laquelle il existe des permis fédéraux?

M. LEVESQUE: II y aurait également des permis de gaz et de pétrole au nord de la baie d'Ungava qui auraient été accordés et encore là, dans une période relativement récente.

M. MORIN: Cela est encore plus près du territoire québécois.

M. LEVESQUE: Effectivement. On m'indique que cela serait beaucoup plus à l'extérieur, dans la mer du Labrador plutôt que du côté de la baie d'Ungava.

M. MORIN: Ah bon! Dans la mer du Labrador, c'est-à-dire passé la ligne qui va de l'île Resolution à la péninsule Button; c'est bien cela?

M. LEVESQUE: Je vois Resolution.

M. MORIN: Je vois M. Brière qui dit que oui.

M. LEVESQUE: A l'est de l'île Resolution.

M. MORIN: A l'est de l'île Resolution. De toute façon, c'est en dehors des eaux canadiennes, dans les eaux territoriales, ce ne sont pas les eaux intérieures.

M. LEVESQUE: On m'informe que dans la baie James, elle-même, et dans la baie d'Ungava, elle-même, il n'y a pas de permis présentement.

M. MORIN: Mais il y en a dans la baie d'Hudson?

M. LEVESQUE: Dans le nord de la baie d'Hudson.

M. MORIN: Est-ce que le ministère était au courant de cela et est-ce qu'il a fait des représentations au pouvoir fédéral à ce sujet?

M. LEVESQUE: Nous tombons encore dans le contenu, à ce moment-ci, dans la responsabilité d'un autre ministère.

M. MORIN: Mais non! M. le Président, je regrette, mais il ne faudrait pas que le ministre, à chaque fois que cela touche également la compétence d'un autre ministère, se cache derrière ce paravent. Cela touche aux relations fédérales-provinciales.

Je veux poser une autre question au ministre, pour faire avancer un peu le débat. Est-ce que les permis en question sont situés à l'intérieur d'une zone revendiquée par le Québec?

M. LEVESQUE: En partie.

M. MORIN: En partie. Le ministère était au courant de cela?

M. LEVESQUE: Le ministère était au cou-

rant que le fédéral posait certains gestes d'occupation comme nous en posions de notre côté.

M. MORIN: Comme vous en posiez sur la terre ferme?

M. LEVESQUE: Je viens de parler de l'exemple d'une île, non de la terre ferme. Est-ce qu'on va être obligé de faire un dessin?

M. MORIN: Une île, c'est un espace émergé. Si je comprends bien, le Québec n'a pas accordé de permis dans la même zone.

M. LEVESQUE: Vous devriez poser la question au ministère qui émet les permis. Au ministère, ici, nous n'émettons pas de permis.

M. MORIN: Non, je le sais bien, mais vous êtes certainement au courant.

M. LEVESQUE: J'ai relu justement les questions que vous avez posées vous-même au ministère des Richesses naturelles durant l'heure du lunch. Vous répétez exactement les mêmes questions.

M. MORIN: Sur la baie d'Hudson?

M. LEVESQUE: Sur la question des droits miniers sous-marins.

M. MORIN: Dans la baie d'Hudson?

M. LEVESQUE: Sur la question de la société fédérale...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ...d'industrie pétrolière Pe-trocan...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ...vous êtes revenu encore avec les mêmes questions. Vous faites perdre le temps de la commission, vous faites perdre le temps de la Chambre.

M. MORIN: M. le Président, c'est mon privilège.

M. LEVESQUE: Les travaux parlementaires sont retardés par la répétition des mêmes questions.

M. MORIN: Si je ne suis pas satisfait des réponses du ministre des Richesses naturelles, comme c'était le cas, j'ai le droit de revenir sur la question.

M. LEVESQUE: Au contraire. Le ministre des Richesses naturelles vous a donné toutes les réponses dont vous aviez besoin.

M. MORIN: Cela est votre avis. Ce n'est pas le mien.

M. LEVESQUE: Vous avez passé un temps incalculable, les uns après les autres, un temps infini à interroger le ministre des Richesses naturelles. Cela n'a fini qu'hier soir, le contre-interrogatoire du ministre des Richesses naturelles.

M. MORIN: Je veux rassurer le ministre. Nous allons prendre également ici tout le temps qui est requis pour éclairer l'Opposition.

M. LEVESQUE: Prenez le temps qu'il vous faut.

M. MORIN: Merci! Je demande au ministre, étant donné que nous sommes en présence de permis fédéraux dans la zone revendiquée par le Québec: Est-ce que votre ministère a fait des représentations au pouvoir fédéral à ce sujet? Cela n'a pas été traité aux Richesses naturelles. Et si cela l'avait été, je vous poserais la question quand même.

M. LEVESQUE: On me fait remarquer, et je pense bien que le député est au courant de cela, que nous n'avons pas de prétention de caractère juridique comme tel sur ce territoire

M. MORIN: Non? Quel genre de prétention de revendication avez-vous?

M. LEVESQUE: II y a un désir d'entente entre les trois provinces et le gouvernement fédéral pour voir reconnaître une certaine extension de notre territoire respectif sur ce territoire.

M. MORIN: Oui, c'est cela.

M. LEVESQUE: Mais le territoire, d'après mes conseillers juridiques, ne nous donne pas présentement le droit, par exemple, d'émettre des permis sur le territoire.

M. MORIN: Oh là là! C'est compliqué, cette affaire !

M. LEVESQUE: La loi de 1912 serait très claire à ce sujet.

M. MORIN: La loi de 1912 fait en sorte que le territoire du Québec se termine le long de la berge, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Bon! Au-delà, ce sont les territoires du Nord-Ouest.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Ce matin, vous nous avez dit que le Québec a des revendications d'ordre territorial et qu'il s'est mis d'accord, sur ces revendications, avec les autres provinces. J'essaie de voir maintenant si vous avez eu une attitude conforme à vos revendications.

M. LEVESQUE: C'est-à-dire que nous avons convenu de demander une extension de nos territoires respectifs pour englober ces territoires.

Mais nous n'avons pas de compétence, présentement, sur le plan juridique pour donner des permis dans ces territoires qui sont présentement des territoires fédéraux.

M. MORIN : Pendant ce temps, le pouvoir fédéral est en train d'accorder des permis et de vous mettre devant le fait accompli. C'est bien ce qui se passe?

M. LEVESQUE: C'est vous qui le dites. M. MORIN: Mais vous l'admettez, j'imagine. M. LEVESQUE: Je n'admets rien. M. MORIN: Oui?

M. LEVESQUE: Ce n'est pas à moi de juger les intentions du gouvernement fédéral. Libre au chef de l'Opposition d'être le grand juge.

M. MORIN: Non. Ce n'est pas à vous, agneau innocent que vous êtes? Je ne tiens pas à être le grand juge, pas plus que vous. Je tiens tout simplement à ce que vous preniez la défense systématique des intérêts du Québec.

M. LEVESQUE: C'est ce que nous faisons en pratique.

M. MORIN: Oui, mais alors dans ce cas, qu'est-ce que vous avez fait? Je vous dis que le pouvoir fédéral est en train de vous mettre devant des faits accomplis, une fois de plus. Qu'est-ce que vous allez faire?

M. LEVESQUE: Est-ce que ce territoire a déjà été dans le domaine québécois?

M. MORIN : Votre conseiller pourrait vous donner la réponse. C'est non.

M. LEVESQUE: Bon.

M. MORIN: Sauf, attention, du temps de la Nouvelle-France: mais c'est une autre histoire.

M. LEVESQUE: Retournez dans le temps. Vous êtes bon dans cela.

M. MORIN: Depuis lors, cela a toujours été territoire britannique — c'est un fait — jusqu'en 1870, jusqu'à ce que cela passe au territoire fédéral. C'est bien cela, M. Brière? Maintenant, dites donc au ministre la signification de l'octroi des permis par le pouvoir fédéral dans cet espace revendiqué par le Québec.

M. LEVESQUE: Cela ne change pas, juridiquement, la propriété des territoires en question, le fait, pour le gouvernement fédéral, d'émettre des permis dans le territoire.

M. MORIN: Ah non?

M. LEVESQUE: Pas du tout.

M. MORIN : Cela ne change pas la position juridique? Consultez Me Brière, je vous en prie.

M. LEVESQUE: J'ai dit tout à l'heure... M. MORIN: Vous me désarmez.

M. LEVESQUE: ... que cela constituait, évidemment, des actes d'occupation de part et d'autre, ceux que nous avons posés à l'île Fort George et ceux qu'ils ont posés ailleurs tel que je l'ai mentionné.

M. MORIN : Et qu'est-ce que vous allez faire maintenant parce que vos actes d'occupation sur territoire émergé sont loin d'avoir la signification de l'octroi des permis sur le territoire submergé? Le ministre en conviendra. Alors, qu'est-ce que son ministère fera maintenant?

M. LEVESQUE: Notre ministère va continuer de négocier avec le gouvernement de l'Ontario et avec le gouvernement du Manitoba afin de présenter un front commun vis-à-vis du gouvernement fédéral, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant.

M. MORIN : Et pendant ce temps, le pouvoir fédéral va continuer d'octroyer des permis.

M. LEVESQUE: Qu'est-ce qui l'empêche?

M. MORIN: Vous voyez l'importance d'avoir des principes directeurs et de poser des questions globales.

Encore là, je ne sais combien cela fait de fois que je le constate, à la suite de vos explications, l'empirisme joue contre le Québec, parce que, quand vous posez les questions, seulement au niveau empirique — je ne dis pas qu'il ne faut pas les poser à ce niveau — mais quand vous persistez à ne les poser qu'à ce niveau, vous aboutissez invariablement au même résultat. Dans les faits, le Québec est tout simplement mis de côté, écarté et Ottawa s'installe. C'est cela qui est en train de se produire une fois de plus.

M. LEVESQUE: Ce que le chef de l'Opposition dit présentement est contraire aux faits. Lui-même mentionnait, il y a quelques instants,

que depuis 1912, la loi de 1912, les territoires se limitaient aux berges. Lui-même l'a admis.

M. MORIN: Oui, c'est cela.

M. LEVESQUE: Alors, nous sommes devant un fait qui existe. Nous n'avons pas cédé le territoire. Ce que nous essayons plutôt, c'est d'en gagner.

M. MORIN: Oui?

M. LEVESQUE: Si nous restions chez nous, les deux bras croisés, nous dirions: Nous avons protégé le Québec tel qu'il est, selon les frontières reconnues. Nous avons fait notre devoir. Nous allons plus loin que cela. Nous voulons acquérir des territoires additionnels pour le Québec. Mais ce n'est pas correct. Est-ce qu'il faudrait mettre sur pied une flotte militaire et commencer les bombardements?

M. MORIN: Non, mais ce matin, vous m'avez dit que ce dossier était en veilleuse. Ce dossier...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas le mot "veilleuse", je n'ai jamais employé ce mot de ma vie.

M. MORIN: En tout cas, ce n'est pas une de vos priorités.

M. LEVESQUE: Ah!

M. MORIN: Pendant ce temps, il se passe des choses.

M. LEVESQUE: On ne peut pas avoir toutes des priorités dans tous les domaines.

M. MORIN: Est-ce que le ministre peut du moins nous assurer...

M. LEVESQUE: On a dit que les circonstances actuelles au fédéral faisaient que le dossier était inactif à ce moment-ci. Si vous ne comprenez pas ce que cela veut dire...

M. MORIN: Cela fait combien de temps qu'il est inactif, M. le ministre? Je ne veux pas insister. J'ai encore une ou deux questions et nous allons passer à autre chose.

M. LEVESQUE: Janvier 1973, une dernière rencontre.

M. MORIN: Cela fait donc plus d'un an qu'il est inactif?

M. LEVESQUE: Bien, inactif. Attendons les réactions.

M. MORIN: Une dernière question.

M. LEVESQUE: II n'y a peut-être pas eu de rencontre, mais il y a eu plusieurs appels téléphoniques, etc., entre fonctionnaires depuis ce temps.

M. MORIN: Est-ce que le ministre peut me dire, peut simplement rassurer l'Opposition et nous dire qu'il va suivre ce dossier de très près?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention de privilégier ce dossier par rapport à tous les autres dossiers que nous avons, mais, comme d'habitude, nous allons continuer, je ne le ferai pas seul, parce que nous avons une équipe qui travaille continuellement sur les très nombreux dossiers que nous avons au ministère des Affaires intergouvernementales, et nous allons sûrement le suivre de près.

M. MORIN: Merci. C'est tout pour l'instant, M. le ministre.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais maintenant entreprendre avec le ministre des Affaires intergouvernementales un survol du bilan des relations intergouvernementales dans le domaine culturel et vérifier, tout en m'en tenant au fait que nous sommes à étudier les crédits d'un ministère bien particulier qui s'appelle les Affaires intergouvernementales, le rôle que le gouvernement a dévolu et les travaux qui incombent au ministère des Affaires intergouvernementales dans la réalisation de ce saucisson que le premier ministre a baptisé souveraineté culturelle.

D'abord, M. le Président, je dois dire que, suite à une fuite également, puisque le gouvernement s'entête à ne pas déposer ce bilan...

M. BOSSE: Vous avez changé de menu, hier, c'était...

M. CHARRON: ... nous avons mis la main sur un article de journal, comme tous les citoyens, en date du 2 mai 1973, qui n'est probablement pas — je le dis tout de suite avant que le ministre m'interrompe — un extrait de bilan même, mais qui a quand même été, à une époque, un matériau de base qui a servi d'édification au bilan. Le ministre est maintenant parfaitement libre de me dire si ces affirmations contenues dans le matériau de base ont été retenues dans le bilan définitif et, s'il peut me le confirmer, j'aurais amplement l'information que je cherche.

Dans ce matériau de base, M. le Président, les fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales qui ont travaillé à sa rédaction affirment que certains programmes fédéraux donnent l'impression que le gouvernement fédéral veut devenir le protecteur des minorités linguistiques du pays. Cette impression, disent-ils, est à l'issue d'un certain nombre de faits et

de dossiers qu'ils sont suivis. Certains négatifs, d'autres positifs. Mais, comme ligne politique, on découvre finalement que c'est sur le terrain linguistique, c'est cette vocation que le gouvernement central s'est donnée. D'ailleurs, M. le Président, puis-je ajouter, en dehors de ce document, que le jugement rendu par la cour Suprême, qui déboutait le maire Jones de sa demande de révocation ou d'annulation de la Loi des langues officielles, portait à peu près le même genre d'affirmation, c'est-à-dire qu'il réservait au gouvernement fédéral à peu près ce genre de rôle. Ensuite, plus près de nous, les réactions fédérales au dépôt du projet de loi no 22 ont été unanimes, dans le sens qu'elles ont toutes pris les positions qu'évoquait, à mon avis en exagérant, la minorité anglophone de Montréal. Vous me direz: Ils sont en élection et la majorité de ce pays est anglaise. J'en conviens. Bien sûr que le Québec n'est pas la proie intéressante pour une élection fédérale. J'en conviens également. La majorité des votes se trouve ailleurs. J'en conviens. Trudeau a été battu dans neuf autres provinces, il doit aller chercher du vote anglais. J'en conviens. Mais peu importe, M. le Président.

M. LEVESQUE: A quelle page des crédits est-ce qu'on voit cela?

M. CHARRON: Attendez un peu.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas demandé d'argent à la commission ni de voter les crédits pour ce genre de "jasage". Je me demande ce que cela vient faire ici.

M. CHARRON: Vous allez voir. Cela va être très clair.

Les réactions fédérales nous ont donc indiqué qu'unanimement, francophones comme anglophones, une fois dans le système fédéral, adoptaient cette position de défenseur des minorités linguistiques. Le gouvernement fédéral a déjà, au niveau de son secrétariat d'Etat, des programmes qui ont été renouvelés, reconduits cette année, d'aide aux minorités linguistiques. Dans neuf provinces sur dix, il s'agit des minorités francophones, mais croyez-le ou non, M. le Président, la minorité anglaise de Montréal et du Québec est aussi bénéficiaire pour sa survie de dons du gouvernement fédéral. Or, M. le Président, tous ces indices, y compris ceux que j'ai évoqués autour du bill 22, viendraient donc confirmer que cette position politique du Québec... Je veux demander maintenant au ministre des Affaires intergouvernementales si, dans la préparation de la législation linguistique qui est actuellement déposée, son ministère, par l'entremise de ses hauts fonctionnaires, a eu en quelques occasions des discussions quant à l'établissement de cette politique linguistique avec le gouvernement central?

M. LEVESQUE: Non.

M. CHARRON: Aucune?

M. LEVESQUE: Pas à ma connaissance.

M. CHARRON: Y a-t-il dans le ministère des Affaires intergouvernementales, avant que le gouvernement statue sur son projet linguistique, eu des études sur la compétence ou la juridiction québécoise pour rappeler l'article 133 de la constitution?

M. LEVESQUE: Ces études auraient été faites dans le cadre des travaux de la Commission Gendron.

M. CHARRON: Les travaux, les études faits dans le cadre de la commission Gendron avaient conclu selon M. McWhinney — qui le répétait à nouveau, de Vancouver, mais dans le Montreal Star de samedi dernier — à la possibilité juridique pour le Québec de modifier l'article 133 de la constitution. Puisque le gouvernement a décidé de ne pas modifier l'article 133 de la constitution, était-il en possession d'autres avis qui lui affirmaient le contraire de ce que M. McWhinney a affirmé?

M. LEVESQUE: Sur le plan technique, ceci relève du ministère de la Justice. D'ailleurs, mon sous-ministre me rappelle qu'il avait fait lui-même certains travaux sur cette question mais pas au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. CHARRON: Est-ce que le ministère des Affaires intergouvernementales n'a été partie en rien à l'élaboration du projet de loi 22?

M. LEVESQUE: II faudrait éliminer le ministre. Mais le ministère comme tel, non.

M. CHARRON: Y compris dans les modifications éventuelles à la constitution, aucun conseiller juridique du ministère des Affaires intergouvernementales n'a été appelé à soumettre un avis ou une étude sur l'opportunité de modifier certains aspects de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique?

M. LEVESQUE: Je ne veux pas entrer dans la discussion du bill 22, mais je ne vois pas que le bill 22 lui-même, dans le texte que nous avons, suggère une modification d'ordre constitutionnel.

M. CHARRON: II ne le fait pas.

M. MORIN: II maintient l'article 133 du "B.N.A. Act".

M. CHARRON: Selon la Commission Gendron, il devrait le faire.

M. LEVESQUE: Dès la semaine prochaine, vous allez avoir une liberté d'expression complète là-dessus.

M. CHARRON: Non, si vous ne voulez pas...

M. LEVES QUE: Si vous voulez, on va s'en tenir aux relations fédérales-provinciales, l'élément 1 du programme...

M. MORIN: Exactement.

M. CHARRON: Exactement, mais je suis à vérifier l'activité du ministère des Affaires intergouvernementales au cours de la dernière année et éventuellement au cours de la prochaine. Je veux savoir si, dans l'étude de ces crédits, par exemple, certains fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales pourraient être appelés à faire une étude sur l'utilisation du français comme langue de travail dans l'administration fédérale en territoire québécois, par exemple. Est-ce que c'est possible au niveau...

M. LEVESQUE: Lorsqu'il y a des questions d'ordre juridique comme celle-là, elles sont référées au ministère de la Justice. Cela entre beaucoup plus dans le contexte du travail du ministère de la Justice que dans celui des relations fédérales-provinciales.

M. CHARRON: Le régime — je ne me souviens plus de son nom — par lequel le secrétariat d'Etat du Canada appuie financièrement l'existence, la survie de certaines minorités depuis maintenant quelques années. Ce programme fédéral a-t-il été analysé, scruté, a-t-il donné lieu d'après le ministère des Affaires intergouvemementales, à des représentations? De quel ordre? Et avec quel résultat?

M. LEVESQUE: II faut dire que nous-mêmes, nous avons un programme vis-à-vis des minorités et nous avons des activités non seulement au Québec, mais dans tout le Canada, quant à certaines assistances d'ordre technique, même d'ordre financier...

M. CHARRON: Mais cette aide est en diminution constante chaque année.

M. LEVESQUE: ...aidant les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Il y a de l'assistance, on le verra tout à l'heure, qui a été accordée à certaines presses et justement, c'est le contraire de ce que le député vient de dire, on l'a augmentée. Le budget de la coopération interprovinciale a doublé. Mais je pense...

M. CHARRON: Au chapitre de l'aide aux minorités francophones?

M. LEVESQUE: ...ce à quoi réfère probablement le député de Saint-Jacques se retrouve au ministère des Affaires culturelles avec le Canada français d'outre-frontières et ses programmes. Je pense que ce serait mieux d'en parler à cet endroit; il a probablement fait cela déjà.

M. CHARRON: Mais ce n'est pas cela ma question. Moi, je ne vous parle pas de ce que le gouvernement du Québec fait pour les minorités à l'extérieur, je parle de ce que le gouvernement fédéral fait pour la minorité chez nous. Est-ce que cette action du gouvernement fédéral, ce programme fédéral qui s'applique sur le territoire québécois, cette aide culturelle à...

M. LEVESQUE: ...à l'ensemble des préoccupations...

M. CHARRON: ...l'existence des minorités chez nous.

M. LEVESQUE: ...du ministre des Affaires culturelles et j'ai déjà exprimé sur le sujet, nous avons analysé, discuté, comme dirait le député de Saint-Jacques, toutes les implications de ce genre d'intervention. Mais cela fait partie, quant à nous, d'une préoccupation particulière au ministre des Affaires culturelles et à la question culture en général.

M. CHARRON: L'étude a été conduite au ministère des Affaires culturelles ou au ministère des Affaires intergouvernementales?

M. LEVESQUE: Le ministre des Affaires culturelles a d'ailleurs annoncé dans son discours, il y a quelques semaines, certaines de ces préoccupations et même certaines interventions qu'il avait l'intention de faire...

M. CHARRON: Oui. Ne vous inquiétez pas, je vais en parler. Justement...

M. LEVESQUE: Parlez-en aux Affaires culturelles.

M. CHARRON: Je vais en parler.

M. LEVESQUE: On a convenu que nous ne toucherions pas ici, au contenu...

M. CHARRON: Mais je vous parle pas du contenu...

M. LEVESQUE: Non.

M. CHARRON: Je vous ai posé une question bien précise. Le programme fédéral...

M. LEVESQUE: Ecoutez je vous l'ai dit précisément.

M. CHARRON: Le programme fédéral d'aide — je ne sais pas comment il s'appelle — culturelle aux minorités, enfin tout le monde sait de quoi je veux parler, il a été renouvelé il y a encore quelques semaines... Si j'avais le nom exact, je vous le donnerais, mais tout le monde sait de quoi je parle.

M. LEVESQUE: Programme d'animation socio-culturelle.

M. CHARRON: D'animation socio-culturelle des minorités, c'est ainsi qu'on l'appelle? Cela a suivi la loi de la langue officielle ou sur les langues officielles, je pense. Ce programme s'applique au Québec, vous venez de l'affirmer, je crois qu'il a déjà été scruté par votre ministère ou par celui des Affaires culturelles?

M. LEVESQUE: Quoi?

M. CHARRON: Là, cela va être lent son affaire.

M. MORIN: Le député demande s'il a été examiné par votre ministère.

M. LEVESQUE: II a été examiné conjointement par les deux ministères.

M. CHARRON: Conjointement par les deux ministères. Qui a fait l'étude dans votre ministère?

M. LEVESQUE: C'est au sein du module des affaires culturelles et éducatives au ministère, ceux qui font de la recherche dans ce domaine.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre a été saisi par la suite d'un document qui l'invitait à se prononcer sur le bien-fondé d'une pareille politique en territoire québécois?

M. LEVESQUE: Justement, on est en voie de monter ce dossier.

M. CHARRON: Quelles sont leurs conclusions, actuellement?

M. LEVESQUE: Ils ne sont pas arrivés aux conclusions, ils sont en train de préparer le dossier.

M. CHARRON: Cela fait trois ans que dure le programme, il vient d'être renouvelé pour la troisième année, je pense.

M. MORIN: C'est un peu évasif, comme réponse.

M. LEVESQUE: Oui, parce que, du moment qu'on touche le contenu...

M. CHARRON: Ce n'est pas le contenu. Arrêtez cela, je ne suis pas en train de parler de contenu. Il y a une politique fédérale qui s'applique ici au Québec. On est au chapitre des relations fédérales-provinciales. Le rôle du gouvernement québécois, je pense, autant on l'a fait dans le chapitre économique, est d'étudier les actions fédérales là-dessus.

M. LEVESQUE: Dans le domaine culturel, la position du Québec est claire, le premier ministre l'a dit sans aucune équivoque.

M. CHARRON: Devant les slogans du pre- mier ministre, ce que je suis en train de faire ici, c'est de voir à ce que, concrètement, ils se réalisent, ces...

M. MORIN: Du concret.

M. LEVESQUE: Justement, si on veut prendre la question culturelle, ne la prenons pas en pièces détachées, prenons la question sur les propositions faites par le Québec dans le domaine de la culture.

M. CHARRON: Nous allons en faire, nous allons en parler, ne vous inquiétez pas. J'ai des questions pour jusqu'à demain.

M. LEVESQUE: Le Québec a déjà indiqué qu'il voulait exercer des pouvoirs dans onze domaines précis.

M. CHARRON: Oui.

M. LEVESQUE: Planification d'ensemble, développement des réseaux et des services, utilisation du sol, propriété, normes techniques et normes de service, contenu et programmation, accessibilité, recherche, publicité, équilibre linguistique, présence internationale. Il a proposé un nouveau partage des responsabilités nationales au niveau du Canada, des responsabilités du gouvernement fédéral et celles du gouvernement du Québec, etc.

M. CHARRON: Tout cela.

M. LEVESQUE: Tout cela. C'est en blanc et noir, mais c'est le contenu.

M. CHARRON: Je ne veux pas entrer là-dedans.

M. LEVESQUE: Parce que c'est du positif, vous ne voulez pas entrer là-dedans.

M. CHARRON: Je suis...

M. LEVESQUE: Ce sont les positions connues du gouvernement du Québec. Le ministère des communications et le ministère des Affaires culturelles, tour à tour...

M. CHARRON: Quand j'entre dans le contenu, vous me dites que cela relève des Affaires culturelles. Vous m'invitez maintenant à y entrer parce que c'est du positif. Branchez-vous. Si vous me faites l'invitation de prendre point par point les onze points que vous allez faire, j'ai les documents ici pour y entrer et on va le faire.

M. LEVESQUE: Si vous pouvez les avoir du ministère des Affaires culturelles, vous devez les avoir du ministère des Communications.

M. CHARRON: Si vous nous renouvelez

cette invitation, je vais le faire. Je suis en train de vérifier l'utilisation des crédits qu'on vous a votés l'année dernière et que vous nous demandez de vous voter encore. Une certaine somme de ces crédits a été utlisée pour étudier la répercussion qu'avait ici, un programme fédéral d'aide aux minorités.

Ce que je vous demande, comme ministre responsable, si vous l'êtes, c'est de me dire quelles conclusions cette étude a apportées.

M. LEVESQUE: Ecoutez, il faut bien comprendre que les ministères maîtres d'oeuvre, d'une part, celui des Communications, d'autre part, celui des Affaires culturelles possèdent les effectifs suffisants pour faire une étude beaucoup plus complète que les trois ou quatre personnes que nous avons au ministère, au module s'occupant des Affaires culturelles.

M. CHARRON: Vous m'avez dit que cela avait été...

M. LEVESQUE: Ce que nous faisons, c'est un travail de coordination. Ce n'est pas une étude en profondeur de chacun des dossiers mentionnés par le député, sauf en collaboration avec le ministère sectoriel.

M. CHARRON: Bien.

M. LEVESQUE: Nous le faisons, cela.

M. CHARRON: Dans le domaine...

M. LEVESQUE: Nous n'arriverons pas à des conclusions avant le ministère sectoriel. Nous le faisons conjointement avec le ministère sectoriel.

M. CHARRON: Actuellement, le ministre des Affaires intergouvernementales, même si quelques-uns de ses fonctionnaires ont fait conjointement avec ceux du ministère sectoriel une analyse de la répercussion de ce programme, n'a pas d'opinion sur l'utilité de ce programme pour le Québec, si j'ai bien compris.

M. LEVESQUE: Je ne crois pas opportun, à ce moment-ci, alors que le dossier est en train de se construire, d'arriver à des conclusions ou d'émettre des opinions qui ne seraient que des opinions personnelles, mais non pas des opinions basées sur un dossier complet.

M. CHARRON: Quand allez-vous avoir une opinion personnelle sur quelque chose?

M. LEVESQUE: J'ai souvent des opinions personnelles sur bien des choses, mais je suis peut-être plus prudent que le député de Saint-Jacques, quant à l'expression de ces opinions personnelles.

M. CHARRON: Et si cette prudence était simplement de la peur?

M. LEVESQUE: On peut avoir peur de se tromper.

M. CHARRON: Comme vous avez peur de publier le bilan?

M. LEVESQUE: Pas du tout. Justement. Il ne faut pas confondre les politiques, les volontés gouvernementales avec certains sentiments qu'il est enfantin, évidemment, d'apporter ici: Vous avez peur de publier le bilan. Nous ne croyons pas qu'il soit d'intérêt public... Nous ne croyons pas servir l'intérêt des Québécois en publiant un instrument de travail au ministère. C'est clair! Je l'ai dit ce matin. Je ne change pas d'avis cet après-midi.

M. CHARRON: Vous ne voulez même pas nous dire...

M. MORIN: Vous êtes très négatif.

M. CHARRON: On ne peut pas savoir si l'argent que nous avons voté l'année dernière qui a servi, en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles, à étudier ce programme... On ne peut pas connaître le résultat.

M. LEVESQUE: Ecoutez, ce n'est pas grâce à vous si on a eu des crédits. IL y avait même une suggestion qu'on baisse le budget à $1.

M. CHARRON : Admettez que j'ai fortement la même intention de le faire.

M. LEVESQUE: Faites-le donc encore. Cela n'a pas changé grand chose la dernière fois.

M. CHARRON: Non, je sais que cela ne change rien. Vous non plus, vous n'avez rien changé depuis un an. La preuve, c'est qu'on se retrouve exactement à la même place.

M. LEVESQUE: Vous allez vous retrouver encore pour deux ou trois ans à la même place. Après cela, vous verrez la place que vous occuperez.

M. CHARRON : Oui, certainement.

M. MORIN: En attendant, le ministre a la responsabilité des Affaires intergouvernementales.

M. LEVESQUE: Certainement.

M. MORIN: Le ministre n'est pas capable de nous donner des réponses précises sur des questions importantes.

M. LEVESQUE: J'ai même précédé les questions de l'honorable chef de l'Opposition, parce que je lui ai donné les activités du ministère dans tous les domaines dans les notes préliminaires.

M. MORIN: Oui. Mais sur ce point, vous êtes incapable de nous renseigner, et de nous dire exactement quelle est la position du Québec.

M. LEVESQUE: J'ai dit que cette question était étudiée conjointement par les ministères sectoriels, en conjonction et avec le concours du ministère des Affaires intergouvernementales à l'intérieur du module des Affaires culturelles.

M. MORIN: Oui. Cela fait trois ans que cela dure, et vous êtes incapable de nous donner...

M. LEVESQUE: Et cela va continuer.

M. MORIN: Pour combien d'années encore?

M. LEVESQUE: Le temps que cela prendra.

M. MORIN: Oui. Cinq ans? Dix ans? M. PARENT (Hull): Dix ans.

M. LEVESQUE: Le temps que cela prendra.

M. MORIN: Pendant ce temps, le fédéral aura continué d'occuper ce domaine, comme tous les autres.

M. LEVESQUE: Quel est le domaine dont parle le chef de l'Opposition?

M. MORIN: Nous parlons du domaine linguistique en ce moment, la protection des minorités, des programmes d'animation des minorités.

M. LEVESQUE: Je pensais que le chef de l'Opposition l'avait oublié.

M. CHARRON: M. le Président, j'ai en main un document...

M. LEVESQUE: Un autre?

M. CHARRON: Oui. Vous le connaissez celui-là. Ce document affirme que le Québec se trouve dans l'impossibilité d'établir sa propre politique culturelle actuellement. On fait état des relations fédérales-provinciales en particulier — ce qui touche directement le ministre — de la priorité des provinces, des budgets dix fois supérieurs du gouvernement fédéral pour intervenir dans le champ québécois qui ne possède...

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est le document que le ministre de l'Education...

M. CHARRON: A signé.

M. LEVESQUE: Non, n'avait pas signé, justement. Tout cela a été discuté. C'est du réchauffé.

M. CHARRON: On va le reprendre.

M. LEVESQUE: Si je me rappelle bien, le ministre de l'Education n'en avait pas accepté la paternité.

M. CHARRON: Non. Comme vous refusez d'ailleurs à peu près toute paternité de documents qui prouveraient que le fédéralisme n'est pas favorable aux Québécois.

M. LEVESQUE: Non, si j'ai signé un document, je vais le reconnaître. Mais si ma mémoire est fidèle, le ministre de l'Education...

M. CHARRON: Pour ne pas avoir à faire cela, vous ne les déposez pas!

M. LEVESQUE: ... a nié que ce soit un document signé par lui.

M. MORIN: C'est comme le bilan. Vous ne le déposez pas...

M. CHARRON: ... pour ne pas avoir la paternité.

M. MORIN: ... mais, par ailleurs, s'il y avait des fuites, vous diriez que ce n'est pas de votre ministère et que vous n'en assumez pas la paternité. On toune toujours en rond.

M. CHARRON : Comme il a fait pour chacun des documents qu'on a.

M. MORIN: C'est cela.

M. PERREAULT: Vous n'avez pas essayé d'avoir des fuites pour le bilan?

M. CHARRON: Pardon?

M. PERREAULT: Vous n'avez pas essayé d'avoir des fuites pour le bilan?

M. CHARRON: Mais dans ce domaine, peu importe qu'il ait été signé par le ministre des Affaires culturelles de l'époque ou qu'il ne l'ait pas été — chacun sait la valeur de sa signature maintenant — dans ce programme d'établissement d'un nouveau contrat culturel — c'est ainsi qu'on appelle cela maintenant; le vocabulaire évolue beaucoup, mais la situation n'évolue pas — qui simble être la solution magique, après avoir décrit dans 35 pages l'impossibilité pour le Québec d'établir sa politique culturelle, on dit: "II faut établir à la grandeur du Québec, dans tous les domaines du champ culturel québécois, le truc de passe-passe qu'on a réussi dans le cas frontière des musées..." et on en vient dans ce document à parler de ce contrat. On nomme même, en plusieurs points, les avantages que le Québec en retirerait, nous dit-on. "La formule du contrat permettrait au Québec de négocier une fois pour toutes ses exigences, de fixer définitivement ses priorités. Elle lui éviterait de recommencer le même jeu avec au-delà d'une demi-douzaine de ministères

et d'organismes. Elle éviterait au gouvernement canadien le souci d'avoir à créer une superstructure' spéciale..." Tout le monde se trouve satisfait.

Dans la réalisation de ce nouveau contrat social à la Jean-Jacques Rousseau avec le gouvernement fédéral, quelle serait la participation du ministère des Affaires intergouvernementales?

M. LEVESQUE: C'est justement une des questions qui fera l'objet d'une étude et on me donne comme possible la date du 17 juin pour que le dossier soit acheminé au niveau du comité de coordination des relations intergouvernementales et le dossier serait prêt. Mais disons qu'il n'a pas encore été étudié par ces hauts fonctionnaires qui font partie du CCRI. Lorsqu'il aura été étudié et colligé à ce niveau, il sera ensuite acheminé vers le CIDA, qui est le comité interministériel des Affaires intergouvernementales.

M. CHARRON: Ce dossier comportera point par point la proposition québécoise pour l'établissement d'un nouveau contrat avec le Canada au chapitre des affaires culturelles.

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de discuter du contenu à ce moment...

M. CHARRON: Je ne parle pas du contenu. N'ayez pas peur tout de suite. Je veux seulement savoir si ce dossier est effectivement la proposition québécoise en affaires culturelles que le ministre des Affaires culturelles amènera en vue d'établir un nouveau contrat avec le gouvernement fédéral.

M. LEVESQUE: La position québécoise sera contenue dans le document qui, finalement aura passé les diverses étapes qu'on a mentionnées.

M. CHARRON: Mais ce document, sans entrer dans son contenu, fixe la proposition québécoise pour fins de négociation avec le gouvernement fédéral dans le but de l'établissement de la souveraineté culturelle des Québécois.

M. LEVESQUE: Quitte à ce qu'il y ait des alternatives, comme dans tout document de ce genre qui est à la base d'une négociation éventuelle. Mais cela ne comporte pas évidemment tous les volets de la culture. On parle du financement des arts et des lettres dans le dossier que je viens de mentionner. Mais cela ne comprend pas le dossier des communications comme telles.

M. CHARRON: Non, on parlera de cela plus tard. Financement des arts et des lettres. Donc, la proposition québécoise est à s'achever actuellement pour ensuite être l'objet de négociation avec le gouvernement central sur les interventions fédérales dans le domaine du financement des arts et des lettres. C'est exact?

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. CHARRON: Est-ce que cela a un contenu plus vaste?

M. LEVESQUE: Et toute la question des biens culturels.

M. CHARRON: Ah bon! Comme d'ailleurs le rapport de la commission des biens culturels avait signalé l'urgence de régler ce problème. Ce document sera-t-il rendu public?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. CHARRON: Ce document sera-t-il rendu public?

M. LEVESQUE: Non. Pas avant que nous procédions à la négociation avec le gouvernement fédéral. A moins que le ministre responsable du dossier juge à propos de le rendre public. C'est une autre stratégie à ce moment et nous verrons. Nous ne nous engagerons pas à ce moment-ci, avant même que le dossier ne soit parvenu au stade mentionné. Nous ne nous engagerons pas quant à la stratégie à suivre.

M. CHARRON: Est-ce que, du côté fédéral, le ministre est informé si on en est également à la préparation d'un projet de contrat également pour fins de négociation ou si la demande québécoise arrivera et sera jugée à la pièce?

M. LEVESQUE: Les intéressés sont très bien prévenus au fédéral. Il y a plusieurs discussions préliminaires qui ont eu lieu avec le gouvernement fédéral. Quant à savoir quel est le contenu de leur...

M. CHARRON: Non, je ne vous demande pas cela.

M. LEVESQUE: Vous le demanderez... Vous avez des amis là-bas.

M. CHARRON: Vous ne savez même pas celui du Québec, je ne suis pas pour vous demander si vous savez celui du fédéral.

M. LEVESQUE: Vous avez des amis là-bas, au NPD, s'il y en a encore après.

M. CHARRON: Cette entente entre Ottawa et Québec pour la présentation de deux mémoires pour fins de négociation, date de quand?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. CHARRON: Cette entente qui fait qu'aujourd'hui vous en êtes du côté québécois à la

préparation d'un document et au sujet de laquelle vous m'assurez, du côté fédéral, qu'on est à faire la même chose pour fins de négociation dans le domaine culturel, on en est venu quand à prendre cette décision? Elle a été prise quand? On s'est fixé quel calendrier?

M. LEVESQUE: Nous avons un calendrier pour la préparation de dossiers, mais il n'y a pas de calendrier quant à l'entente.

M. CHARRON: Quand prévoit-on...

M. LEVESQUE: Je pense qu'il faudrait se référer aux déclarations du ministre des Affaires culturelles et à ses déclarations qui précisaient ce qu'il entendait faire. Je pense qu'il a mentionné quelques semaines, mais il faudrait peut-être se référer précisément à sa déclaration.

M. CHARRON: Est-ce que les officiers du ministère des Affaires intergouvernementales seront mêlés à la discussion?

M. LEVESQUE: Evidemment, nous y sommes et nous y serons.

M. CHARRON: Ces discussions qui porteront sur le financement des arts et des lettres atteindront-elles également d'autres sphères de la culture éventuellement qui ne seraient pas comprises actuellement dans la négociation?

M. LEVESQUE: Lesquelles?

M. CHARRON: Par exemple, la radio-télévision.

M. LEVESQUE: Là, on touche les communications.

M. CHARRON: D'accord, je l'admets.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas du tout le même dossier. Je l'ai mentionné tout à l'heure. Il y a la question des arts et des lettres, il y a la question de l'immigration, il y a la question des communications. Ce sont trois dossiers que j'ai mentionnés au tout début de mes remarques lorsque vous n'étiez pas ici, malheureusement. Mais le chef de l'Opposition doit se le rappeler. Cela fait partie du bloc culturel.

M. CHARRON: La négociation sur les interventions fédérales dans le domaine de la protection des biens culturels est-elle comprise dans ce financement des arts et des lettres?

M. LEVESQUE: Oui.

M. CHARRON: C'est donc que vous avez une conception assez étendue des arts et des lettres?

M. LEVESQUE: Le financement des arts et des lettres et la protection des biens culturels.

M. CHARRON: Est-ce qu'il y a d'autres choses en plus de cela?

M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné tout à l'heure, le député s'en souvient, cela fait à peu près cinq minutes. On peut retourner à la transcription des débats et on verra que je l'ai mentionné.

M. CHARRON: La position québécoise sur cette question sera adoptée par le cabinet vers quelle époque, selon le ministre, lorsque toutes les phases à l'intérieur du ministère auront été accomplies et seront rapportées?

M. LEVESQUE: J'ai mentionné le 17 juin comme date du dépôt du document préliminaire à un niveau donné de fonctionnaires, mais je ne suis pas en mesure...

M. CHARRON: A quel niveau?

M. LEVESQUE: Du CCRI. Je ne suis pas en mesure de donner présentement un calendrier.

M. CHARRON: A votre avis?

M. LEVESQUE: Non. Etant donné que je ne suis pas en mesure de le dire, je ne suis pas pour m'engager à ce moment-ci.

M. CHARRON: Je ne vous demande pas de me dire l'heure où vous allez le déposer. A quelle époque? Je devrais même vous demander, à la vitesse où vous travaillez, en quelle année?

M. LEVESQUE: Voulez-vous parler de....pri-maire, secondaire, tertiaire ou quaternaire ou quoi? A quelle époque?

M. CHARRON: C'est parce que, vous voyez, je ne voudrais pas...

M. LEVESQUE: Je vous dis que je ne donnerai pas de date parce que je ne sais pas quelle sera la réaction du CCRI vis-à-vis du dossier qui sera présenté.

M. CHARRON: II se peut que cela recommence.

M. LEVESQUE: Je ne connais pas l'état de ce dossier, je ne connais pas la valeur du dossier, je ne sais pas quelle sera la réaction du CCRI et je ne peux pas me prononcer avant que le CCRI le présente au niveau ministériel. Lorsqu'il sera présenté au niveau ministériel, là encore, je ne sais pas quelle sera la réaction de mes collègues et ma propre réaction vis-à-vis des recommandations du CCRI. A ce moment-là, je pourrais sans doute dire à quel moment cela pourrait venir au conseil des ministres. Mais je ne suis pas en mesure de vous dire non plus l'heure ni la date. Ce serait absolument présomptueux de ma part et même imprudent.

M. CHARRON: Certainement imprudent. Vous vous le feriez dire à l'autre bout de la table. Ce que je veux savoir, ce que je voudrais surtout qui sorte clairement de la discussion que nous avons eue sur ce dossier particulier, c'est qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Actuellement, si j'ai bien compris, on en est aux études liminaires et très premières. On ne sait même pas si, à un moment donné, le CCRI ne vous obligera pas à redescendre à un niveau.

M. LEVESQUE: Au contraire, il y a un mémoire très fouillé avec des options très précises qui est déjà en marche. Alors, ce n'est pas ce que vient de dire le député.

M. CHARRON: Alors, si c'est très fouillé et très précis et que c'est à la suite d'une longue étude, une précision ne devrait pas tarder.

M. LEVESQUE: Cependant, je crois qu'il faut respecter les diverses instances où le dossier doit être acheminé.

M. CHARRON: Bien sûr.

M. LEVESQUE: Je crois que ce serait être absolument irresponsable que de préjuger des réactions de ceux qui sont appelés à se pencher sur le dossier.

M. CHARRON: D'accord!

M. LEVESQUE: Le travail préliminaire nécessaire, les matériaux de base sont rassemblés et le dossier devrait être prêt à être soumis au cours du mois de juin au CCRI. C'est ce à quoi nous nous attendons.

M. CHARRON: Je reviens à ma question de tout à l'heure, sans espérer une réponse, mais je vous fais remarquer pourquoi je vous posais la question tout à l'heure, si, effectivement, le dossier, comme vous le dites, va être présenté au cours du mois de juin et qu'il est très fouillé, très détaillé, comme vous venez de me l'affirmer, qui fait donc suite à une longue étude, ça permet aux citoyens québécois d'espérer une décision plus rapide. Si vous m'aviez affirmé, au contraire, qu'on en était aux balbutiements, j'aurais pu prévoir...

M. LEVESQUE: Je ne blâme pas le député de Saint-Jacques de s'enquérir justement des progrès réalisés ou de l'état du dossier quant au ministère des Affaires intergouvemementales, ça, je ne le blâme pas, au contraire, je le félicite.

M. CHARRON: Si j'abordais la question des communications, dans l'angle des relations fédérales-provinciales et sur un plan stratégique, est-ce que le ministre des Affaires intergouvernementales, responsable des relations entre le gouvernement central et le Québec, considère le fait de déposer publiquement les demandes québécoises, lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres des Communications, est d'augure à aider au développement d'un dossier et à son acheminement pour des résultats heureux?

M. LEVESQUE: Lorsque le ministre a déposé ses propositions, cette prise de position du gouvernement du Québec, cela a été fait après le cheminement mentionné tout à l'heure pour la question du financement des arts et des lettres. La réponse me semble assez claire, c'est que cette position a été acceptée, cette stratégie a été acceptée à tous les niveaux décisionnels.

M. CHARRON : Ce que j'essaie de savoir — le ministre est assez intelligent pour savoir où je m'en vais — c'est que si vous êtes d'accord et que vous jugez que la stratégie utilisée sur le dossier des communications porte fruit, on peut prévoir, présumer que le gouvernement québécois adoptera la même stratégie avec son...

M. LEVESQUE: Pas nécessairement. Mais il est possible que nous en arrivions aux mêmes conclusions. Mais c'est un dossier qui n'est pas exactement comme l'autre, nous pouvons utiliser une stratégie différente, mais je crois, encore là, qu'il s'agit de traverser les diverses étapes que j'ai mentionnées tout à l'heure.

M. CHARRON: Vous savez que depuis que ce document a été déposé, il ne s'est rien produit dans le domaine fédéral-provincial des communications. On en est au point mort. Le ministre des Communications, votre collègue, me l'a affirmé en toutes lettres l'autre jour, rien, il attend une réponse d'Ottawa.

M. LEVESQUE: II y a eu cet avantage-ci dans le domaine des communications, après le dépôt des positions, la publicité donnée aux députés de l'Opposition du Québec, ç'a été que nous avons noté un intérêt marqué de la part des autres provinces du Canada pour la thèse du gouvernement du Québec et, à plusieurs aspects, nous avons reçu un appui, depuis ce temps, des autres provinces du Canada ou du moins de plusieurs autres provinces du Canada, notamment, en matière de câblodiffusion. Parce que je pense que toutes les provinces sont d'accord sur la position québécoise en matière de câblodiffusion.

M. CHARRON: On a discuté de ça aussi. Je ne veux pas revenir sur le contenu sectoriel.

M. LEVESQUE: Je vous remercie.

M. CHARRON: Je veux savoir, au point de vue stratégique, si vous considérez que le piétinement actuel dans le domaine des communications est attribuable au fait que les deux parties ont déposé leur position publiquement,

qu'ainsi elles sont politiquement liées, et que cela nuit considérablement au développement plutôt que si cela avait été dans le secret du Château Laurier.

M. LEVESQUE: II y avait une conférence fédérale-provinciale de prévue. Nous savons qu'il y a présentement des élections fédérales. Cela devrait reprendre après cette interruption. Mais on me fait remarquer également que ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler du temps perdu, parce que se continuent les discussions entre les provinces, sur le dossier, ce qui nous permettra de renforcer notre position vis-à-vis du fédéral.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre sent des indices quelconques dans l'évolution des relations fédérales-provinciales qui militent en faveur de la position québécoise telle que déposée publiquement et auxquelles participent ses officiers actuellement?

M. LEVESQUE: Est-ce qu'il quoi?

M. CHARRON: Est-ce qu'il sent des indices...

M. LEVESQUE: Des indices?

M. CHARRON: ... dans l'évolution du fédéralisme actuel, qui nous laisseraient croire que le vent centralisateur dans ce domaine des positions rigides qu'on a connues du côté fédéral, justifiées à part cela, du côté fédéral, dans ce domaine... je ne veux pas reprendre le débat que j'ai eu avec le ministre des Communications...

M. LEVESQUE: Le premier indice, c'est que le Québec a pris une position assez claire, les propositions sont nettes et précises. De plus, il y a cet autre indice, extrêmement important, soit une volonté qui semble se communiquer aux autres provinces du Canada et, troisième indice, le gouvernement fédéral a lui-même indiqué son intention de renégocier complètement la question des communications. Et cela, à la demande expresse du Québec.

M. CHARRON: Je crois que cette troisième affirmation est gratuite.

M. LEVESQUE: Vous demandiez des indices, vous les avez eus.

M. CHARRON: Ce n'est pas un indice. Je le réfute. Ce n'est même pas vrai ce que vous venez de dire. C'est faux. Trouvez-moi une déclaration du premier ministre du Canada ou du ministre des Communications du Canada qui dit: Venez, tout est à reprendre, si cela doit aller jusqu'à la position québécoise pour chacune des provinces, nous l'acceptons. Ce n'est pas vrai.

M. LEVESQUE: Au cours de la conférence fédérale-provinciale de la fin de novembre 1973, au début de la conférence, on se rappellera que le gouvernement avait une approche assez fragmentaire, mais à la fin de la conférence, le fédéral lui-même avait évolué pour accepter de considérer l'ensemble du paquet.

M. CHARRON: Le ministre peut compléter sa phrase lui-même, c'est en affirmant que sur certains points bien précis, il ne céderait jamais, parce que c'est sa vocation de gouvernement central. Mais quand on regarde, par la suite, la position québécoise dans ce domaine, on s'aperçoit que cela exigerait justement une concession fédérale dans ce domaine...

M. LEVESQUE: C'est...

M. CHARRON: M. Pelletier a été d'une fermeté, je dirais exemplaire, pour le député de Deux-Montagnes quant au point qu'on ne cède pas là-dessus. Souvent le député de Deux-Montagnes, le ministre des Communications, le gouvernement québécois, dans la clarté de son opinion, se trouve à apporter de l'eau au moulin de son adversaire, je l'appelle adversaire; dans votre langage, partenaire.

Exactement, pour les mêmes raisons, très souvent, pour lesquelles le Québec exige, revendique la totalité de la politique, ou, d'être le maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire —c'est le nom du document déposé par le ministre — ces mêmes raisons militent pour le gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit de maintenir ensemble cette entité géographique difficilement gouvernable qui va de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. M. Pelletier a exprimé cela très clairement. Tant que vous voudrez un gouvernement fédéral, il assumera...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas à moi...

M. CHARRON: ... les responsabilités en communications et il ne cédera pas là-dessus, ou alors vous l'enlèverez au gouvernement fédéral et vous la prendrez vous-mêmes.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas ici l'intention de défendre le moindrement les positions fédérales. Au contraire, ce que je fais, je défends les positions québécoises. J'explique ce que nous avons fait. J'explique le chemin parcouru. Premièrement, le dépôt des propositions claires du gouvernement du Québec; deuxièmement, l'indice dont parle le député de Saint-Jacques se traduit par une acceptation, dans plusieurs aspects de cette question, par les autres provinces, de la thèse québécoise. Nous croyons que cette position du Québec, appuyée dans plusieurs aspects par les autres provinces du Canada, devrait faire réfléchir sérieusement le gouvernement fédéral. Mais loin de moi l'idée

de défendre la position de M. Pelletier ou celle du fédéral. Loin de moi cette idée.

Qu'on ne m'identifie pas ou ne m'associe pas du côté fédéral...

M. CHARRON: Non.

M. LEVESQUE: ... mais qu'on m'associe au fédéralisme, oui, mais pas aux positions fédérales.

M. CHARRON: D'accord. De vos trois indices, je vous ai déjà dit que je n'acceptais même pas comme vrai votre troisième.

M. LEVESQUE: C'est votre privilège. Vous n'êtes pas obligé d'en accepter un seul.

M. CHARRON: Le dépôt de position claire par le Québec était un indice par lequel on pourrait espérer un revirement fédéral et l'obtention des demandes québécoises dans le document. Le ministre des Affaires sociales en avait déposé des positions claires à Victoria et il est revenu...

M. LEVESQUE: Nous avons eu des résultats intéressants. Si le député de Saint-Jacques avait été ici au moment où j'ai justement parlé de la question sociale avec le chef de l'Opposition — et je n'ai pas l'intention de recommencer encore — j'ai bien souligné le chemin parcouru.

M. CHARRON: D'accord.

M. MORIN: Il reste que vous avez reculé sur l'article 94 A.

M. LEVESQUE: Voulez-vous que je recommence à vous souligner les effets des négociations à savoir que nous sommes partis d'un point X et que nous sommes arrivés à un point Y, Z, autrement dit, que...

M. MORIN: Vous êtes partis de l'article 94 A.

M. LEVESQUE: J'ai mentionné combien vous étiez traumatisé par la question constitutionnelle, mais que le bien des Québécois...

M. CHARRON: Tout ce que...

M. LEVESQUE: ... que la planification du gouvernement québécois en matière sociale ne vous préoccupait guère. Cela, je l'ai mentionné...

M. MORIN: Allons donc.

M. LEVESQUE: ... et je le répète encore. Si nous avons réussi, par notre propre législation, en introduisant dans la législation fédérale, ce qu'il fallait pour que notre législation prenne cette primauté sur la redistribution des sommes affectées aux allocations familiales, c'est un effet de cette primauté.

M. MORIN: Vous jouez sur les mots. Vous savez qu'il n'y a pas de primauté pour le Québec.

M. LEVESQUE: D'ailleurs, c'est dans l'ensemble du Québec... Tous les éditorialistes sérieux ont accepté cette victoire du Québec.

M. MORIN: Allons donc! On peut les compter, ceux-là.

M. LEVESQUE: Voyons! Je ne me promène pas avec des coupures de journaux. Je n'ai pas les poches pleines de... excepté que j'ai ici des commentaires...

M. CHARRON: Le ministre a toujours son "scrapbook" en dessous du bras pour défendre ses positions. Il a l'air d'un collégien.

Peu importe. Le dépôt de positions claires sur certains points, j'espère que vous ne vous targuez pas d'être le premier à faire ce genre d'effort. Je pense que, depuis 1960, les premiers ministres qui se sont succédé de quelque allégeance politique qu'ils aient été, et certains ministres qui avaient de l'allure et qui se sont faufilés dans certains gouvernements aussi, ont déposé des positions claires à certaines occasions. Votre propre collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre...

M. LEVESQUE: ... si on ne l'avait pas fait? Si on n'avait pas déposé certaines positions...

M. CHARRON: Oui, mais quand vous nous dites...

M. LEVESQUE: Qu'est-ce que vous diriez? M. CHARRON: Quand vous nous dites...

M. LEVESQUE: Qu'est-ce que vous diriez? Non.

M. CHARRON: Je vous demande ces positions claires. Je vous demande de déposer l'ensemble. Ce n'est pas cela que... Mais quand vous, vous interprétez cette action comme étant un indice du revirement fédéral, vous charriez!

M. LEVESQUE: Lorsqu'on parlait...

M. CHARRON: Votre collègue du Travail et de la Main-d'oeuvre en a déposé. Est-ce que cela a reviré Bryce Mackeasey, à l'autre bout, quand il était ministre du Travail? Pas une maudite miette! Ce n'est pas parce qu'une partie à la table dépose un document très clair et très fondé que cela ébranle immédiatement l'adversaire dans ses aspirations centralisatrices.

M. LEVESQUE: C'est dans le jeu des négociations, il est évident que chaque fois...

M. CHARRON: Voyons donc! M. Johnson en a déposé sur le plan fiscal des demandes extrêmement claires, et il ne les a jamais gagnées.

M. LEVESQUE: Voyons, soyons sérieux. C'est entendu que lorsqu'on dépose 20, 25 ou 30 documents importants dans une période donnée, il ne faut pas croire qu'immédiatement tout va être modifié. Mais c'est dans le jeu des négociations. Cela va se continuer. C'est le jeu normal des négociations dans un fédéralisme. Vous avez la même chose du côté du Marché commun. Vous avez des positions qui sont mises de l'avant continuellement par les différents pays membres du Marché commun. Mais cela ne veut pas dire que du moment que la France, par exemple, a déposé sa position, tout le reste va changer d'avis.

M. CHARRON: C'est cela que je viens de vous dire.

M. LEVESQUE: Nécessairement...

M. CHARRON: Quand vous me dites que c'est un indice de virement...

M. LEVESQUE: C'est un indice, parce que si vous voulez quelque chose, il faut toujours bien dire ce que vous voulez. What does Quebec want?

M. CHARRON: Bien oui!

M. LEVESQUE: Justement, nous répondons à cela: Voici ce que le Québec veut, et non pas d'une façon abstraite, dans le domaine des communications. Voici ce que nous revendiquons.

M. CHARRON: C'est de l'entêtement...

M. MORIN: Ce que vous ne dites pas, c'est ce qu'on vous répond en anglais quand vous dites ce que vous voulez. C'est ce qui serait intéressant â connaître.

M. CHARRON: ... que vous avez à ne pas vouloir comprendre ce que je veux dire. Vous essayez d'interpréter mes paroles comme si je vous reprochais d'avoir déposé une position claire.

M. LEVESQUE: Presque.

M. CHARRON: Bien non. Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous la demande dans le domaine culturel. On demande partout la position du gouvernement...

M. LEVESQUE: Ah! C'est mieux.

M. CHARRON: ... plutôt qu'elle se fasse en couleuvre avec des communiqués de presse farfelus qui viennent épauler certaines déclarations tonitruantes, mais qui n'ont jamais d'effet dans les politiques. C'est un dépôt de position claire. Ce que je vous reproche, ce n'est pas de faire des positions claires, mais le fait que vous affirmez que le dépôt d'une position claire est un indice que le fédéral commence à céder aux revendications.

M. LEVESQUE: C'est un prérequis.

M. CHARRON: C'est un prérequis, mais cela ne fait revirer personne. C'est un prérequis, certain. Quant tu veux revirer un monument aussi centralisateur que le gouvernement fédéral dans toutes les affaires, le minimum avec lequel tu dois partir est une position claire. Allez-vous me dire que cela a ébralé le gouvernement fédéral depuis dix ans...

M. LEVESQUE: Dans bien des cas...

M. CHARRON: Depuis six ans, depuis la révolution du fédéralisme, depuis que Trudeau est là, allez-vous me dire que les positions claires ont changé quelque chose?

M. LEVESQUE: ... on a certainement eu l'expérience, et je l'ai eue d'ailleurs dans d'autres gouvernements, où des positions claires ont apporté des résultats nets et précis. Prenons simplement la question du régime de rentes. Nous avions, à ce moment, déposé des positions claires et nettes et nous sommes arrivés à une entente particulière pour le Québec et nous avons établi notre propre régime de rentes. C'est clair que, dans certains dossiers, cela va jusqu'au bout, exactement, à peu près, de nos revendications. Cela se traduit dans la mise en oeuvre de nos positions. Ailleurs, cela fait évidemment l'objet de négociations et il y a certains compromis qui sont acceptés, mais il faut être pratique. Nous travaillons tous pour le peuple, pour le citoyen. Il ne faut pas l'oublier. Pas seulement dans les sphères idéalistes, il faut, à un certain moment, négocier tel ou tel dossier, un par un, pas la révision constitutionnelle globalement comme le suggérait le chef de l'Opposition. C'est peut-être une façon idéale, quelque chose que l'on voudrait, sans doute. Il y a déjà eu des commissions de la constitution ici, au Parlement de Québec, qui voulaient justement faire une révision globale de toute la question constitutionnelle, une révision constitutionnelle globale.

M. MORIN: Vous avez abandonné cela. M. LEVESQUE: ... mais cela a été essayé.

M. MORIN: Et cela a été un échec lamentable.

M. LEVESQUE: Alors, est-ce qu'à ce moment on se retourne et on ferme la porte, et on met fin à toute négociation? Au contraire. Nous tenons maintenant les dossiers...

M. CHARRON: On essaie... L'émiettement...

M. LEVESQUE: ... les uns après les autres et, présentement, nous avons donné la priorité à ces deux volets: la souveraineté culturelle et le développement économique.

C'est là-dessus que nos dossiers se précisent chaque jour. La question des communications, c'est une illustration de cette volonté du gouvernement de souligner ces deux grands volets qui ont été rappelés dans le discours inaugural.

M. CHARRON: Pourquoi n'avez-vous pas inclus à votre...

M. LEVESQUE: Pour compléter le deuxième indice que j'ai mentionné, cette prise de position du Québec a amené d'autres provinces à adopter nos vues. Je pense que c'est important lorsqu'on veut influencer le gouvernement central.

M. MORIN: Le ministre ne peut pas avoir d'illusions.

M. CHARRON: Je sais que M. Pelletier a pris cela exactement comme raison contraire d'affirmer sa décision de maintenir un contrôle fédéral sur l'ensemble des communications, quitte à en discuter les modalités.

M. LEVESQUE: Avant de dire cela, on pourrait peut-être rappeler que le gouvernement fédéral n'a pas contesté devant les tribunaux notre réglementation sur la câblodiffusion. C'est en vigueur et effectivement appliqué depuis plus d'un an.

M. MORIN: Non, mais on vous a invités devant la cour Suprême.

M. LEVESQUE: C'est un autre indice bien précis et bien clair qui illustre ce que je disais.

M. MORIN: II vous a invités devant la cour Suprême?

M. LEVESQUE: On n'y est pas allé.

M. MORIN: Non, je sais, mais si cela continue, le gouvernement fédéral va demander un avis consultatif à la cour Suprême et où allez-vous vous retrouver à ce moment?

M. LEVESQUE: Notre réglementation est en vigueur. Elle est appliquée présentement. Que voulez-vous de plus?

M. MORIN: Mais le ministre sait ce qui arriverait devant la cour Suprême.

M. LEVESQUE: Voudriez-vous que nous reculions? C'est une position de recul que vous nous suggérez?

M. MORIN: Allons donc! Le ministre...

M. LEVESQUE: Vous pourriez nous féliciter de temps en temps!

M. MORIN: ... ne doit pas compter trop sur les autres provinces, parce qu'il sait fort bien que les autres provinces en général, sur la plupart des questions, ont des attitudes tout à fait différentes de celle du Québec. Rarement allez-vous trouver des provinces anglophones pour appuyer les positions québécoises.

M. LEVESQUE: C'est exactement le cas dans le domaine des communications, avant le dépôt des positions du Québec. Par la suite, on a vu une après l'autre les provinces accepter des thèses. Deux quoi?

M. CHARRON: Une après l'autre province!

M. LEVESQUE: Des aspects, parce qu'il y en a plusieurs.

M. CHARRON: Cela dépend des aspects.

M. LEVESQUE: Par exemple, sur la câblodiffusion, presque toutes les provinces ou à peu près toutes les provinces ont appuyé la thèse québécoise.

M. CHARRON: Pour l'excellente raison que certaines des provinces ont déjà depuis longtemps ce contrôle, parce qu'elles contrôlent depuis très longtemps le système.

M. LEVESQUE: Quels que soient les motifs...

M. CHARRON: Elles contrôlent depuis très longtemps le système téléphonique qui est en opération chez elles. Quand il s'est agi d'utiliser le filou le câble, elles en avaient déjà totalement la juridiction, ce que n'a même pas le Québec actuellement.

M. MORIN: Vous n'avez aucun contrôle sur le téléphone?

M. LEVESQUE: Bon. Avez-vous un autre téléphone?

M. CHARRON: Demain matin.

M. MORIN: M. le Président, je crois que l'heure est venue.

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures, même salle.

(Fin de la séance à 18 h 04)

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