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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvemementales
Etude des crédits du ministère des
Affaires intergouvemementales
Séance du mercredi 5 juin 1974
(Dix heures dix minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! Nous continuerons ce matin
l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales. Je cède la parole au chef de l'Opposition.
Auparavant, j'aimerais signaler que M. Marchand (Laurier) remplace pour la
séance d'aujourd'hui M. Parent (Hull).
Le chef de l'Opposition.
M. LEVESQUE: Cet après-midi, on va probablement siéger
quand M. Parent sera revenu.
Remarques préliminaires (suite)
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais poursuivre ce matin
l'étude du domaine de l'agriculture, du moins des aspects
fédéraux-provinciaux de ce vaste domaine. Pourrais-je commencer
par citer aux membres de cette commission un extrait du plan directeur de
développement du secteur agricole, présenté par le
ministre Toupin au conseil des ministres du Québec en septembre 1971? Ce
document contenait l'extrait suivant: "Force nous est alors de
considérer la question du développement du secteur agricole face
aux autres compétences prévues dans la constitution. Le
Québec ne saurait vraiment atteindre le maximum de succès dans
l'orientation de son agriculture et plus particulièrement dans le
secteur qui nous occupe, sans la coordination absolue de l'aménagement
du territoire, du contrôle de la production, de la gestion de ferme, de
la commercialisation des produits à l'intérieur de ses
frontières, du crédit agricole et d'une politique sociale
intégrée".
Le document ajoutait: "Ce sont là les assises indispensables et
inséparables à toute politique agricole globale, étant
donné leur interaction évidente et leur profond enracinement dans
le contexte régional".
J'aimerais demander au ministre si son ministère est d'accord sur
cette attitude du ministère de l'Agriculture, s'il a eu l'occasion de
négocier dans ce secteur avec le pouvoir fédéral et
où en est la négociation?
M. LEVESQUE: J'étais pris à autre chose, voulez-vous
recommencer simplement les sujets que vous avez abordés? Je sais la
question.
M. MORIN: Volontiers. L'aménagement du territoire, le
contrôle de la production, la gestion de ferme, la commercialisation des
produits à l'intérieur de ses frontières, le crédit
agricole, la politique sociale intégrée. Si vous voulez, on peut
prendre chacun de ces domaines, les uns après les autres.
M. LEVESQUE: Je sais, mais je n'ai pas l'intention de le faire. Je l'ai
dit hier, je n'ai pas l'intention de répéter l'étude des
crédits du ministère de l'Agriculture qui ont duré plus de
20 heures. On demande encore que soit poursuivie l'étude des
crédits du ministère de l'Agriculture.
M. MORIN: Non. Il n'est pas question de traiter d'un seul sou des
crédits du ministère de l'Agriculture. Il s'agit de traiter de
l'aspect fédéral-provincial.
M. LEVESQUE: L'aspect fédéral-provincial est notre
responsabilité dans le sens que nous coordonnons les politiques des
ministères sectoriels mais, si vous me demandez ce que nous avons fait
dans la commercialisation des produits agricoles relativement au bill C-176
à Ottawa, je pourrais vous dire que deux ententes
fédérales-provinciales ont été signées en
1972/73 en vertu de cette loi. La première concerne la commercialisation
des oeufs, la seconde porte sur la commercialisation du dindon. Une
troisième entente est en négociation, elle porte sur la
commercialisation du poulet. Mais quant à savoir ensuite ce qui arrive
du dindon ou du poulet, cela, c'est le ministère de l'Agriculture qui va
vous répondre.
M. MORIN: Si vous voulez, on peut peut-être prendre...
M. LEVESQUE: Vous avez parlé de l'aménagement, une entente
Québec-Canada portant sur l'application au Québec du programme
fédéral d'aide aux petites fermes a été
signée en septembre 1973. Cela est notre part. Mais quant à
l'aménagement du territoire, du zonage des territoires, des
préoccupations du ministère de l'Agriculture pour protéger
les fermes et les terres arables, je n'entrerai pas là-dedans.
M. MORIN: Non. Je ne m'attends pas à ce que le ministre traite
d'autres choses que les aspects fédéraux-provinciaux.
M. LEVESQUE: Juste cela.
M. MORIN: C'est bien cela. C'était bien le sens de ma question
d'ailleurs. Peut-être pouvons-nous entrer dans certains aspects plus
précis de la question. Je me réfère toujours au plan
directeur de développement du secteur agricole de septembre 1971. En ce
qui concerne le programme fédéral-provincial de crédit
agricole, là encore, je ne voudrais pas lasser le ministre ni ses
collaborateurs, mais je pense
qu'il vaut mieux que je cite un passage pour fixer les limites du
débat.
M. LEVES QUE: Je vais vous le dire immédiatement. Les
renseignements sont juste devant moi et le dossier est en négociation,
mais depuis 1973, l'évolution est très lente.
M. MORIN: Actuellement, il y a toujours deux crédits agricoles
qui se chevauchent sur presque toute la ligne, n'est-ce pas? Je reviens
à la revendication fondamentale du Québec, si vous voulez
bien.
M. LEVESQUE: Nous sommes en négociation pour éviter le
double emploi, mais par contre, il faut se rappeler que les agriculteurs du
Québec ont profité de certains arrangements qui ont
été pris et qui ont favorisé l'agriculture au
Québec. Il ne faut pas penser que c'est complètement
négatif.
M. MORIN: Ce n'est pas ce que j'insinuais non plus. Nous parlons de
contentieux fédéral-provincial dans ce domaine, il est assez
vieux, je pense, ça date de plusieurs années; du temps où
le ministre était jeune député, c'était
déjà un objet de difficultés.
M. LEVESQUE: Je suis encore jeune député.
M. MORIN: Je voudrais revenir au passage auquel je faisais allusion.
"D'aucuns déplorent depuis quelques années" c'est en 1971
nous l'avons nous-mêmes signalé, à quelques
reprises, "la duplication" je pense que le ministre de l'Agriculture
voulait dire le dédoublement "que perpétue du
Québec le fonctionnement parallèle de deux systèmes de
crédit agricole fort semblables en ce sens qu'ils poursuivent les
mêmes objectifs de base, qu'ils utilisent les mêmes moyens
d'action, qu'ils se disputent le même territoire, qu'ils offrent
sensiblement les mêmes avantages en pratique, qu'ils sont
financés, dans une très large mesure, par le même
contribuable et qu'ils utilisent, chacun de leur côté, un
personnel qualifié et compétent."
Et le ministre ajoutait, encore une phrase: "Rien ne saurait justifier
plus longuement, à nos yeux, le chevauchement des efforts, la perte
d'efficacité administrative la confusion, l'incohérence et
l'incoordination que favorise une telle situation sans compter le coût
déjà trop élevé qu'entraîne, pour le
contribuable, une telle duplication". Un tel dédoublement, sans
doute.
Devant un verdict comme celui-là, qui est celui de son
collègue, le ministre peut toujours dire que ça rend des
services, mais il reste que ce sont des services incohérents,
incoordonnés, confus et sans efficacité ou, du moins, il y a
perte d'efficacité. J'imagine que, sur la question fondamentale, le
ministre n'a pas changé d'avis. C'est toujours l'attitude de son
ministère que seul Québec doit être compétent dans
ce domaine du crédit agricole?
M. LEVESQUE: Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait
complémentarité, qu'il n'y ait pas double emploi et qu'il n'y ait
pas de chevauchement inutile. Il y a, du côté
fédéral, des sommes importantes disponibles et nous n'avons pas
l'intention, jusqu'à preuve du contraire, d'y renoncer. Ce que nous
disons, ce que nous négocions présentement, c'est une meilleure
cohérence et une complémentarité entre le crédit
agricole fédéral et le crédit agricole du
Québec.
M. MORIN: Complémentarité sans chevauchement? Alors, le
ministre veut-il nous expliquer comment cela peut être
réalisé?
M. LEVESQUE: Vous n'avez pas compris ça, ça vous
choque.
M. MORIN : C'est-à-dire que c'est bien difficile d'avoir la
complémentarité sans qu'il y ait de chevauchement. Alors,
expliquez-nous votre conception de la complémentarité.
M. LEVESQUE: Prenons, comme exemple, un chèque d'allocations
familiales qui vient d'Ottawa, vous n'avez peut-être pas d'enfants, je ne
sais pas, peut-être que vous en avez.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Vous en profitez.
M. MORIN: Et alors?
M. LEVESQUE: Et alors, vous avez un chèque qui arrive d'Ottawa,
un chèque qui vient de Québec, c'est de la
complémentarité et il n'y a pas de chevauchement.
M. MORIN: II n'y a pas de chevauchement. M. LEVESQUE: Pas du tout.
M. MORIN: C'est simplement que le pouvoir fédéral prend
toutes les décisions majeures!
M. LEVESQUE: Vous n'avez pas un morceau de chèque qui
dépasse sur l'autre. Ce sont deux enveloppes séparées.
M. MORIN: Cela encore, c'est un point sur lequel le Québec, et le
ministère en particulier ont reculé drôlement depuis M.
Castonguay.
M. LEVESQUE: Le ministère n'a pas reculé, au contraire, si
on veut parler...
M. MORIN: L'article 94 A...
M. LEVESQUE: ... de cela, il s'agit là d'un gain important du
Québec et je n'ai pas l'intention de refaire le discours ou de reprendre
les remarques que j'ai faites hier à ce sujet. Mais on sait...
M. MORIN: Mais qu'est-ce que vous appelez...
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Mais qu'est-ce que vous appelez un gain important pour le
Québec alors que c'est Ottawa qui s'est emparé de la
compétence?
M. LEVESQUE: Le gain important, c'est que nous avons présentement
une législation qui prime sur la législation
fédérale quant à la distribution des sommes en question.
C'est dire que nous pouvons utiliser même les sommes
fédérales pour faire notre propre planification dans le domaine
social. Cela, c'est un gain.
M. MORIN: Sur le plan...
M. LEVESQUE: Si ce n'est pas un gain dans l'esprit du chef de
l'Opposition, c'est qu'il ne saisit pas toute...
M. MORIN: Sur le plan constitutionnel, la législation
québécoise prime la législation
fédérale?
M. LEVESQUE: Evidemment.
M. MORIN: Je ne sais pas si le ministre mesure ses mots.
M. LEVESQUE: Non. Je les mesure très bien, je n'ai pas
parlé de l'aspect constitutionnel, le député, lui, est
traumatisé par la question constitutionnelle.
M. MORIN: Non, nous sommes dans les questions constitutionnelles.
M. LEVESQUE: Moi, je suis intéressé par ce qui arrive aux
Québécois.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Je suis intéressé parce que le gouvernement
du Québec peut faire une politique cohérente en matière
sociale.
M. MORIN: Vous jouez sur les mots.
M. LEVESQUE: Je ne joue pas sur les mots.
M. MORIN: Je vous interroge sur l'aspect constitutionnel, c'est votre
responsabilité.
M. LEVESQUE: Le député de Sauvé retourne à
l'article 94 A continuellement. C'est cela qui le préoccupe, c'est cela
qui le traumatise, il ne peut pas penser maintenant à autre chose. Qu'il
essaie donc de sortir de Victoria...
M. MORIN: Si c'est là la position de votre gouvernement...
M. LEVESQUE: C'est évident. Je n'essaie pas de traduire la
position d'un autre gouvernement, ni de l'Opposition.
M.MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: C'est normal que je traduise la position
gouvernementale.
M. MORIN: II faut que la situation soit claire, M. le ministre.
M. LEVESQUE: Elle est très claire dans mon esprit.
M.MORIN: Je ne veux pas vous chercher noise indûment. Vous avez
dit que la législation québécoise prime la
législation fédérale.
M. LEVESQUE: En matière de...
M. MORIN: Je vous dis que, sur le plan constitutionnel...
M. LEVESQUE: En matière de distribution des sommes
disponibles...
M. MORIN: ... vous faites erreur. M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Sur le plan constitutionnel, ce dont je vous parle, c'est le
plan constitutionnel, je dis que, sur ce plan-là, vous faites
erreur.
M. LEVESQUE: Vous pouvez parler de plan constitutionnel et dire, par
exemple, que la compétence est demeurée à Ottawa,
jusqu'à un certain point, dans la détermination de normes
minimales, etc.
M. MORIN: Jusqu'à un certain point?
M. LEVESQUE: Je ne vous contredirai pas là-dessus; cela existe.
Mais il existe également une législation du Québec et la
législation fédérale s'est vous direz
volontairement soumise à la législation provinciale. C'est
volontairement, pas constitutionnellement. C'est cela que vous voulez dire?
M. MORIN: Et c'est le même système que vous voulez
appliquer au crédit agricole, si j'ai bien compris? Alors, c'est un
recul par rapport à votre position antérieure?
M. LEVESQUE: Quelle est la position du crédit agricole
présentement? Nous disons et je suis d'accord avec le ministre de
l'Agriculture qu'il y a là un chevauchement inutile et qu'il y a
là double emploi...
M. MORIN: "L'incoordination", disait M. Toupin...
M. LEVESQUE: ... et un manque d'efficacité et nous croyons...
M. MORIN: "Confusion...; incohérence", disait votre
collègue en 1971.
M. LEVESQUE: ... que nous pourrions et c'est justement l'objet de
nos négociations essayer d'en arriver à une
complémentarité.
Au moment où j'ai parlé de complémentarité,
vous ne semblez pas faire la distinction entre la possibilité d'avoir
une complémentarité sans chevauchement ou une avec
chevauchement.
Pour vous, complémentarité égalait chevauchement.
J'ai essayé de vous illustrer ma pensée en vous parlant des
allocations familiales. Vous êtes demeuré traumatisé sur
Victoria, mais j'espère que nous allons revenir maintenant à
l'agriculture et que vous allez accepter qu'il puisse y avoir
complémntarité sans nécessairement de chevauchement.
M. MORIN: Parce que, dans le cas des allocations familiales, il y a
complémentarité, mais il n'y a pas de chevauchement?
M. LEVESQUE: Avez-vous un morceau de chèque qui est collé
sur l'autre?
M. MORIN: Le ministre sait très bien qu'en matière
constitutionnelle, on ne colle pas des petits bouts de papier les uns sur les
autres. Dans ce domaine abstrait, je ne sais pourquoi le ministre ramène
cela à des chèques.
M. LEVESQUE: En matière sociale et en matière de
bien-être, c'est bien important pour le citoyen canadien d'avoir des
petits bouts de chèque.
M. MORIN: Ce que j'essaie de déterminer, c'est la position exacte
du ministère à l'heure actuelle. Je vois que, par rapport
à 1971 et par rapport à ce que disait son collègue de
l'Agriculture, le ministre a reculé, si je comprends bien. Il nous parle
maintenant de complémentarité. Son collègue ne parlait pas
de complémentarité.
M. LEVESQUE: Voulez-vous répéter la question? Excusez-moi,
j'étais distrait. Je n'étais pas distrait, mais j'étais
pris ailleurs.
M. MORIN: Je disais que votre collègue de l'Agriculture, en 1971,
ne parlait pas de complémentarité, il parlait du
dédoublement, de la perte d'efficacité, de l'incohérence,
de la confusion, de l'incoordination...
M. LEVESQUE: Est-ce que...
M. MORIN: II voulait à tout prix mettre fin à ce
dédoublement.
M. LEVESQUE: ... le chef de l'Opposition prétend que mon
collègue, le ministre de l'Agriculture, a demandé que soit
reconnu ou a prétendu que la constitution donnait une exclusivité
au point de vue de compétence au pouvoir des provinces? Est-ce que le
député, qui est censé être un expert
constitutionnel, a oublié les dispositions de l'article 95 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui reconnaît une
prépondérance de compétence au pouvoir
fédéral en matière d'agriculture?
M. MORIN: C'est en effet l'article 95. M. LEVESQUE: J'ai bien dit 95. M.
MORIN: Bien sûr.
M. LEVESQUE: J'ai d'excellents conseillers, vous savez.
M. MORIN: Personne ne conteste que le "BNA Act" ne dise cela, mais ce
n'est pas là la question. La première position du
Québec...
M. LEVESQUE: La constitution donnant une prépondérance en
matière d'agriculture au pouvoir fédéral, n'est-il pas
logique que nous poursuivions des objectifs comme ceux que nous poursuivons en
vue d'une complémentarité entre le crédit agricole
fédéral et le crédit agricole du Québec ou est-ce
que cela ne rime pas à quelque chose de très logique dans
l'esprit du chef de l'Opposition?
M. MORIN: Est-ce que le ministre est en train de nous dire que la
revendication traditionnelle du Québec voulant que toutes les
sommes servant au crédit agricole doivent être rapatriées
au Québec a été abandonnée?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas dit qu'une telle revendication était
abandonnée, parce que nous pouvons fort bien, dans les domaines de
compétences mixtes, avoir certains arrangements qui font que des sommes
disponibles au gouvernement fédéral soient entièrement
administrées par le gouvernement du Québec, s'il est
préférable pour avoir la complémentarité que l'on
ait le paquet et qu'on l'administre ici à même des fonds
fédéraux. Cela se fait dans d'autres domaines.
M. MORIN: Par complémentarité, si je comprends bien
c'est dans le concret qu'on va voir ce que cela signifie vous entendez
le rapatriement des sommes. C'est cela?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Votre position, à l'heure actuelle, c'est que vous
entendez rapatrier les sommes d'argent et en disposer.
M. LEVESQUE: C'est cela. Ce n'est pas parce que nous parlons de
complémentarité, non pas parce que nous demandons d'avoir
accès aux décisions qu'à ce moment nous mettons de
côté la possibilité, sans rapatrier entièrement les
sommes, au moins que les plans de développement agricole que nous avons
et, en particulier, quant au financement, quant au
crédit agricole, nous puissions avoir cela ici, mais pas
nécessairement l'administration elle-même des sommes en
question.
M. MORIN: Autrement dit, votre position actuelle, c'est que les deux
administrations peuvent continuer à coexister.
M. LEVESQUE: Prenons, par exemple, si on veut, à titre
d'illustration, ce qui se passe dans le domaine de l'habitation. Vous avez
là un domaine où la Société d'habitation du
Québec a accès aux sommes qui sont rendues disponibles par le
gouvernement fédéral. Cela ne veut pas dire que les sommes
votées par le gouvernement fédéral ou les sommes qui sont
mises à la disposition de l'habitation par le gouvernement
fédéral deviennent la responsabilité directe du
gouvernement du Québec. Ce que cela veut dire, c'est que la
Société d'habitation du Québec a accès à des
sommes disponibles au gouvernement fédéral, mais la
maîtrise d'oeuvre, si l'on veut, revient à la province. C'est la
province qui décide de quelle façon ces sommes seront
utilisées au Québec.
M. MORIN: On en parlera plus loin, si vous voulez.
M. LEVESQUE: Le fédéral n'agit à ce moment que
comme un banquier. Alors, on pourrait songer à une méthode
analogue pour le crédit agricole.
On peut songer à cela, que le gouvernement fédéral
puisse agir en banquier.
M. MORIN: Autrement dit, c'est Québec qui utiliserait l'argent,
qui déciderait à qui le prêt agricole doit être
consenti et c'est Québec qui émettrait les chèques. C'est
cela, la position?
M. LEVESQUE: Cela pourrait être une formule.
M. MORIN: Et dans cette formule, Ottawa n'émettrait plus de
chèque, Ottawa ne prendrait plus de décision.
M. LEVESQUE: L'essentiel est la mise en oeuvre de programmes
québécois dans le domaine de Pagriculture.
M. MORIN: Qui prendrait la décision de consentir un prêt ou
non?
M. LEVESQUE: Présentement, le crédit agricole
fédéral le fait, le crédit agricole du Québec le
fait.
M. MORIN: Je le sais bien. C'est pour cela que je pose la question au
ministre.
M. LEVESQUE: Si on prenait le modèle de l'habitation, comme je
l'ai mentionné il y a quelques instants, évidemment, c'est le
crédit agricole du Québec qui ferait un peu le travail analogue
à celui que fait la Société d'habitation du
Québec.
M. MORIN: C'est la position actuelle du ministère?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN C'est la position actuelle du ministère?
M. LEVESQUE: Oui, mais il ne faut pas exclure, par exemple, que le
gouvernement fédéral se réserverait certains
critères quant à l'admissibilité financière. C'est
évident, parce que ce sont des sommes qui sont perçues par le
gouvernement fédéral et dont ce dernier est responsable.
M. MORIN: Perçues par le gouvernement fédéral
M. LEVESQUE: Enfin. Ces sommes proviennent du gouvernement
fédéral.
M. MORIN: Des impôts. M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Oui, mais ces impôts pourraient tout aussi bien
être payés au Québec.
M. LEVESQUE: Ah bien, voici...
M. MORIN: C'est le "spending power" du fédéral encore une
fois!
M. LEVESQUE: Oui. On peut prendre tous les dossiers et dire que le
gouvernement fédéral ne devrait plus percevoir de taxes.
M. MORIN: C'est pour cela que les positions générales et
les grandes orientations sont importantes.
M. LEVESQUE: Oui, mais présentement la constitution
prévoit, à l'article 95, je le répète, au cas
où le député de Sauvé, le chef de l'Opposition,
voudrait laisser entendre à la commission ici qu'il s'agit là
d'une matière de compétence provinciale exclusive...
M. MORIN: Non. C'est une compétence mixte, c'est
évident.
M. LEVESQUE: Alors, s'il y a compétence mixte, n'est-il pas
normal qu'il y ait des fonds, des taxes versées et recueillies de part
et d'autre, étant donné qu'il s'agit d'une compétence
mixte?
M. MORIN: II ne s'agit pas de fonds recueillis. Il s'agit de
dépenses. Il s'agit de prêts.
M. LEVESQUE: Je parle des impôts à ce moment, parce que
l'argent ne tombera pas des airs. Cela va venir du fruit des impôts.
Alors, n'est-il pas normal...
M. MORIN: Oui, d'accord.
M. LEVESQUE: ... que le gouvernement fédéral puise,
à même ces impôts, les sommes nécessaires à
l'exercice de sa compétence puisqu'il a, et c'est admis, d'après
la constitution actuelle, une compétence?
M. MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: Cependant, ce que nous demandons, c'est que le
fédéral, tout en exerçant cette compétence, accepte
les priorités du Québec quant à l'aménagement du
territoire, quant au développement agricole. Nous croyons qu'un des
instruments de développement agricole, d'aménagement du
territoire, c'est le financement des activités des cultivateurs. Nous
croyons qu'à ce moment nous éviterions beaucoup de chevauchement
et de double emploi si le fédéral acceptait parce qu'il
reste à accepter., nous sommes en négociation actuellement
d'agir un peu de la même façon c'est une illustration,
toute comparaison peut être un peu boiteuse que la
Société centrale d'hypothèques et de logement
vis-à-vis de la Société d'habitation du Québec.
C'est clair, cela. Nous sommes présentement en
négociation. Je n'ai pas la réponse du gouvernement
fédéral. C'est tout.
M. MORIN: D'accord. Vous l'attendez depuis longtemps?
M. LEVESQUE: Nous attendons. M. MORIN: Oui, jusqu'à quand?
M. LEVESQUE: II y a de nombreux dossiers dans lesquels nous avons fait
des progrès considérables, mais il ne semble pas que ces dossiers
intéressent particulièrement le chef de l'Opposition. Je ne peux
pas le blâmer non plus. Evidemment, je ne parlerai pas du pétrole,
parce que le chef de l'Opposition va être encore traumatisé.
M. MORIN: On y vient. Dans un quart d'heure, on y sera au
pétrole.
M. LEVESQUE: Oui? Prenons simplement le domaine de l'agriculture. J'ai
parlé de la commercialisation des produits agricoles, des ententes
fédérales-provinciales de 1972/73. J'ai parlé, je crois,
il y a quelques instants, du programme fédéral d'aide aux petites
fermes, de l'entente Québec-Canada relative aux pertes de
récoltes dues aux pluies surabondantes de 1972. C'est une entente,
signée à l'automne 1972, qui a pour but de dédommager les
producteurs agricoles qui ont dû essuyer des pertes importantes en raison
des mauvaises récoltes. Je pense en particulier à l'agriculture
et aux ententes de développement entente de l'Est, entente ARDA
qui prévoient la mise en oeuvre de programmes conjoints en
matière d'agriculture. On aura l'occasion d'en reparler lors de
l'étude des crédits de l'Office de planification et de
développement du Québec.
M. MORIN: Tout cela est tiré du bilan, M. le ministre?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Tout cela est tiré du bilan?
M. LEVESQUE: C'est toujours de la mise à jour.
M. MORIN: Du bilan?
M. LEVESQUE: Du bilan, c'est cela.
M. MORIN: II y aurait intérêt à le publier, M. le
ministre. Ce serait beaucoup plus simple. Je ne serais pas obligé de
vous interroger longuement.
M. LEVESQUE: Le ministre de l'Agriculture, pendant 20 heures, a
exposé toutes ces politiques. Par le fait même, il est
entré dans le contenu. Si l'agriculture intéresse
particulièrement le chef de l'Opposition, je lui suggérerais de
retourner à l'agriculture et le poser des questions sur le contenu.
M. MORIN: M. le ministre, j'y étais et votre collègue nous
a renvoyés à vous-même sur les aspects
constitutionnels.
M. LEVESQUE: Mon collègue sait fort bien expliquer les politiques
de son ministère. Il n'a pas eu à vous retourner chez nous. Vous
me montrerez les extraits des crédits du ministère de
l'Agriculture où il vous a retournés chez nous. J'aimerais bien
voir cela, parce que le ministre de l'Agriculture connaît très
bien ses dossiers. Il n'a pas besoin de retourner quiconque à...
M. MORIN: C'est une pratique assez courante d'ailleurs. Le Revenu nous
renvoie aux Finances, les Finances à l'Industrie et au Commerce...
M. LEVESQUE: Non, qu'on me cite, par exemple, l'extrait du journal des
Débats où le ministre de l'Agriculture vous a
référés ici aux Affaires intergouvernementales et dans
quel cas?
M. MORIN: Oui, c'est arrivé à une ou deux reprises. Je
pourrai les retrouver pour le ministre.
M. LEVESQUE: J'aimerais qu'avant la fin de l'étude des
crédits...
M. MORIN: En attendant, le ministre...
M. LEVESQUE: Non, mais j'aimerais bien, j'insiste là-dessus,
qu'on me réfère exactement au moment où M. Toupin, le
ministre de l'Agriculture, vous a dit qu'il ne savait pas la réponse et
qu'il demandait que la question soit posée ici.
M. MORIN: On va trouver cela dans la transcription.
M. LEVESQUE: Vous n'oublierez pas cela non plus d'ici la fin de
l'étude des crédits. Je vais vous le demander souvent.
M. MORIN: D'accord. Maintenant, M. le ministre...
M. LEVESQUE: Ensuite, je vais simplement vous compléter la
réponse un peu, parce qu'on semblait accuser le gouvernement de ne pas
savoir où il allait en matière de relations
fédérales-provinciales et de ne pas vouloir informer les
Québécois de ce qui se passe entre le Québec et Ottawa. Le
chef de l'Opposition se rappelle l'avoir dit à maintes reprises.
M. MORIN: Tant que vous n'aurez pas publié de bilan, nous
continuerons à dire la même chose.
M. LEVESQUE: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition lit les bulletins
qui sont continuellement publiés par le ministère des Affaires
intergouvernementales. J'en ai ici devant moi qui sont assez éloquents.
Ces bulletins Québec-Canada, justement sur les relations
fédérales-provinciales, sont mensuels. J'en prends simplement
quelques-uns que j'ai devant moi. Je vais les déposer, si vous voulez au
cas où vous ne les auriez pas lus. J'en ai trois ici qui traitent
successivement des dossiers suivants: l'énergie, les communications, le
développement régional et la sécurité sociale.
M. MORIN: Nous les recevons.
M. LEVESQUE: Si vous les receviez, au lieu de prendre de la vieille
matière de 1971, pourquoi ne prenez-vous pas les bulletins de 1974?
M. MORIN: Parce qu'en 1971, vos attitudes étaient claires alors
qu'aujourd'hui on n'y voit goutte. Nous sommes dans le brouillard.
M. LEVESQUE: Dans le domaine de l'énergie, est-ce que vous ne
voyez pas clair? Est-ce que vous ne savez pas qu'à cause, justement, de
la présence du Québec à l'intérieur de la
fédération canadienne, à cause des démarches,
à cause de la stratégie du Québec en particulier, les
citoyens du Québec ont bénéficié, simplement dans
le contexte de la crise du pétrole, de $1 milliard. Cela n'impressionne
pas comme résultat positif pour le Québec?
M. MORIN: On va en parler tout à l'heure de cette assistance
sociale. Pour l'instant je vous parle de l'agriculture.
M. LEVESQUE: Dans le domaine des communications, par exemple, je l'ai...
Je ne peux pas parler moi?
M. MORIN: Oui, mais on va y venir plus tard aux communications.
M. LEVESQUE: Quand je parle des communications, nous avons une politique
très articulée.
M. MORIN: Je vais être obligé de vous interroger longuement
de toute façon là-dessus tout à l'heure.
M. LEVESQUE: Vous auriez dû interroger le ministre des
Communications sur le contenu. Vous l'avez fait d'ailleurs.
M. MORIN: Cela a été fait, mais les aspects
constitutionnels relèvent de votre ministère.
M. LEVESQUE: Dans le domaine du développement régional,
j'ai eu l'occasion et j'aurai encore l'occasion de vous prouver que nous avons
encore réussi là à faire reconnaître les
priorités du Québec à l'intérieur de
l'entente-cadre.
M. MORIN: Une entente-cadre qui est l'absence totale de planification.
Une série de petits accords ad hoc.
M. LEVESQUE: Au contraire, pour le chef de l'Opposition cela peut
paraître être certains accords ad hoc, mais il faut descendre des
nuages. Il y a des principes directeurs. Nous avons établi des objectifs
qui sont articulés dans l'entente-cadre, la création d'emplois,
etc. Tous ces objectifs sont énumérés, la lutte aux
disparités régionales, etc. le changement de la structure
industrielle du Québec. Tout cela, ce sont les objectifs
articulés dans l'entente-cadre et justement parce que ces principes sont
clairs, parce que les priorités sont dégagées, nous
pouvons maintenant, à même des ententes auxiliaires, passer
à l'action. Nous ne pouvons pas rester indéfiniment dans des
objectifs, dans des priorités abstraites. Il faut que cela se traduise
dans des faits. Justement, la caractéristique du gouvernement actuel,
c'est de passer à l'action et de passer à l'action dans tous les
dossiers à mesure qu'on peut y passer. Mais la critique négative
du chef de l'Opposition depuis le début de ces crédits ne nous
aide pas à mettre en lumière l'action du ministère et
l'action gouvernementale. Ce que nous essayons de faire présentement,
c'est de souligner les dossiers les moins actifs.
C'est une façon de procéder de l'Opposition. J'ai
déjà été de l'autre côté. Je me
rappelle que c'est cela qu'on cherchait.
M. MORIN: Ne nous prêtez pas vos intentions sinistres, M. le
ministre.
M. LEVESQUE: Vous faites la même chose, vous cherchez ce qu'il y a
de moins... C'est exactement ce que vous faites depuis le début.
M. MORIN: Non. Nous faisons le tour de tous les dossiers, les bons comme
les mauvais.
M. LEVESQUE: Mais du moment qu'on parle des dossiers de
l'énergie, des dossiers des communications, du pétrole, du
développement régional, vous essayez de dire: On en parlera plus
tard.
M. MORIN: Nous allons en parler. Nous parlerons du pétrole dans
un quart d'heure.
M. LEVESQUE: Dans le domaine de l'agriculture, je vous ai donné
des faits, des ententes qui ont été au profit des citoyens du
Québec. J'en ai cité je ne sais combien, mais...
M. MORIN: Passons à un autre aspect de l'agriculture, celui du
rachat des petites fermes. Votre collègue s'est dit à
moitié satisfait de l'entente intervenue avec le pouvoir
fédéral.
Vous nous citiez ça tout à l'heure comme un exemple de
réussite, votre collègue n'est pas d'accord. Est-ce qu'il n'est
pas exact que le gouvernement fédéral procède directement
à l'achat des fermes, à leur revente et même à leur
location, contrairement à ce que le Québec avait
exigé?
M. LEVESQUE: Vous, vous partez d'un document de 1971, n'est-ce pas?
M. MORIN: Non, ça, c'est récent, c'est à la suite
de l'entente intervenue.
M. LEVESQUE: Vous avez commencé par 1971.
M. MORIN: Oui, j'ai commencé par vous citer, au départ, la
politique très ferme de 1971 pour constater que depuis lors, vous avez
mis beaucoup d'eau dans votre vin.
M. LEVESQUE: Nous avons signé une entente en 1973, justement
à ce sujet.
M. MORIN : Pour le rachat des petites fermes.
M. LEVESQUE: Pour le rachat des petites fermes.
M. MORIN: Votre collègue dit qu'il est à moitié
satisfait de cette entente, parce que le pouvoir fédéral continue
de dédoubler les efforts du Québec dans ce domaine.
M. LEVESQUE: Nous avons obtenu les garanties qui nous semblaient
suffisantes pour arriver à la signature de l'entente. Les propositions
fédérales au début, pour partir de ce moment-là,
les positions étaient assez éloignées au début, le
gouvernement...
M. MORIN: Je pense bien: vous exigiez le retrait du pouvoir
fédéral.
M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral voulait
procéder presque unilatéralement dans ce domaine. Nous avons
obtenu des garanties suffisantes pour être dans le coup, pour être
maître de l'aménagement du territoire. Ce que nous voulions
éviter, c'est que le gouvernement fédéral constitue des
banques de terrains à l'intérieur du Québec. Cela a
été évité. D'ailleurs, l'entente pourrait
être déposée si le chef de l'Opposition le
désire.
M. MORIN: Je pense que cette entente est déjà connue, a
déjà été déposée; mais je suis
forcé de constater que le pouvoir fédéral achète
directement des fermes, en conserve certaines, en revend d'autres, en loue
d'autres...
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition a raison, cela a été
rendu public.
M. MORIN: Oui, j'ai vu un document là-dessus. Mais je constate
que vous n'avez pas obtenu ce que vous exigiez, parce que c'était une
exigence.
M. LEVESQUE: Premièrement, dans la question des relations
fédérales, nous sommes le chef de l'Opposition l'admettra
toujours en évolution.
M. MORIN: En recul, dois-je constater?
M. LEVESQUE: Au contraire, en évolution positive.
M. MORIN: Vous n'avez gagné à peu près sur aucun
dossier.
M. LEVESQUE: Au contraire. Mais c'est facile de faire des... c'est
épouvantable de dire des choses comme ça. Lorsque nous arrivons,
par exemple...
M. MORIN: Ce n'est pas "épouvantable". On le voit dans le
détail.
M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que lorsque nous partons d'une
négociation, que ce soit dan le domaine syndical...
M. MARCHAND: II n'est pas sur la même... M. LEVESQUE: ... que ce
soit dans le
domaine fédéral-provincial, que ce soit dans n'importe
quel domaine où il y a des négociations, évidemment, les
parties partent chacune d'une position, je ne dirai pas extrême, mais
assez éloignée l'une de l'autre. Et lorsqu'il y a une entente,
c'est une étape dans un processus positif.
M. MORIN: D'accord. Alors, ça revient à ce que je vous
disais hier, M. le ministre. Avec cet empirisme, à vouloir régler
tous les petits problèmes les uns après les autres, le pouvoir
fédéral, qui a le "spending power" finit toujours par imposer sa
solution, par rester présent et par dédoubler vos efforts. C'est
aussi vrai dans le rachat des fermes que dans le crédit agricole. C'est
ce que je vous dis depuis tout à l'heure!
M. LEVESQUE: Ce que vous dites, c'est bien simple. Nous avons devant
nous une bouteille à moitié pleine et vous dites qu'elle est
à moitié vide. C'est ça.
M. MARCHAND: Il n'est pas sur la même planète que nous,
c'est pour ça.
M. MORIN: J'essaie de juger d'après vos propres critères.
Vous disiez vous-même en 1971, du moins, le mémoire, le plan
directeur du développement du secteur agricole nous disait que le
Québec devait avoir la compétence complète, rapatrier les
montants, s'occuper de l'ensemble du secteur. Je constate aujourd'hui que dans
le domaine du rachat des petites fermes, comme dans celui du crédit
agricole, Ottawa est toujours présent, dépense toujours et
établit toujours ses normes. C'est ça que je suis en train de
vous dire. Donc, vous n'avez pas progressé par rapport à vos
objectifs de 1971.
M. LEVESQUE: Je le répète au cas où le chef de
l'Opposition n'aurait pas compris, nous sommes dans un domaine de
compétence mixte. L'article 95 de la constitution existe. Nous essayons,
à l'intérieur de cette constitution, d'enregistrer des
progrès à l'avantage des cultivateurs du Québec, dans ce
cas-ci, tout en préservant le plus possible, en plus grande partie
possible, les droits du Québec.
M. MORIN: II est bien visible que nous partons de deux philosophies
différentes.
Et votre comparaison de la bouteille n'était pas si mauvaise au
fond. Vous persistez à voir une bouteille à moitié pleine
alors qu'elle est à moitié vide. Au fond, c'est tout à
fait cela.
M. LEVESQUE: Mais, compte tenu de la primauté du
fédéral, en vertu de la constitution, dans le domaine de
l'agriculture...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... nous avons fait des progrès, des pas de
géant, mais pour le chef de l'Opposition, ce ne sera pas suffisant.
M. MORIN: Pour vous-même, ce n'est pas suffisant; par rapport
à vos objectifs de 1971.
M. LEVESQUE: Vous êtes disposé à examiner beaucoup
plus 1971 que 1974, pourtant nous sommes dans les crédits 1974/75.
M. MORIN: Je constate que vous avez beaucoup évolué et que
cette évolution, finalement, constitue un recul par rapport à vos
positions initiales. Puisque vous ne voulez pas nous donner votre bilan que
nous attendons toujours, j'essaie de trouver un point de repère qui
puisse nous servir à évaluer vos succès ou vos
échecs. Je constate que ce point de repère est le seul que nous
disposions.
M. LEVESQUE: Lorsque vous prenez, par exemple, les objectifs ou les
positions de 1971, il y a là des objectifs qui demeurent. Mais au lieu
de comparer les résultats avec les objectifs, que l'on compare les
résultats avec ce qui existait en 1971 et on s'apercevra de
l'état de la situation en 1971, de l'état de la situation en
1974; il y a eu certainement progrès en faveur du Québec
vis-à-vis du pouvoir fédéral. Mais, vis-à-vis des
objectifs...
M. MORIN: Dans le domaine du crédit agricole et des petites
fermes?
M. LEVESQUE: Dans tout le domaine agricole.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Mais disons cependant que, vis-à-vis des objectifs,
il y a encore du chemin à parcourir. C'est clair. Tout n'est pas encore
réglé et je pense que le Québec a encore besoin du
gouvernement actuel pour poursuivre la marche vers ces objectifs...
M. MORIN: Je vois que le ministre commence à admettre...
M. LEVESQUE: ... mais pas d'un groupe négatif comme celui que
représente le chef de l'Opposition.
M. MORIN: II n'en est pas question. Le ministre ne comprend pas le sens
de nos interventions.
M. LEVESQUE: Un instant.
M. MORIN: Nous essayons de faire le point.
M. LEVESQUE: Excusez-moi. Ce n'était pas sur le sujet en
question.
M. MORIN: D'accord. Dans un autre domaine, M. le ministre, celui des
inondations et de la compensation payée pour les dommages. Est-ce que
votre ministère a participé à la demande, faite par le
ministre des Richesses naturelles, de réviser la formule dont le
gouvernement fédéral
s'est servi jusqu'à présent pour limiter sa contribution
financière dans le cas des dommages causés par les inondations?
Vous vous souviendrez, M. le ministre, que, pour que le gouvernement
fédéral intervienne financièrement, il faut que les
dommages excèdent $1 par habitant. Cela favorise naturellement les
petites provinces. Quels sont les résultats des démarches
entreprises?
M. LEVESQUE: II s'agit là d'une question fort pertinente. Nous
arrivons en 1974, finalement. Je vois que le chef de l'Opposition n'a pas
puisé sa question dans le même article de journal parce qu'alors,
ce n'était pas d'actualité. Voici que le chef de l'Opposition
parle d'un problème très aigu et très actuel et qui fait
l'objet de considérations très présentes, si l'on veut,
parce qu'hier soir encore, au conseil des ministres, nous nous sommes
penchés sur cette question. Nous avons l'intention, lorsque nous allons
déposer une demande à Ottawa, dans le contexte de cette question,
d'ajouter, tout en demandant de bénéficier des dispositions de la
loi fédérale, nous avons l'intention de mettre en cause les
critères qui sont ceux qui sont inclus dans la loi
fédérale.
Si je me rappelle bien, il s'agit de cette disposition que l'aide est
conditionnée par un minimum qui s'établit à $1 par
habitant.
Il va de soi que les provinces moins populeuses ont justement plus de
facilité à réclamer de l'assistance du gouvernement
fédéral en cas d'inondation.
M. MORIN: Nous sommes d'accord là-dessus. Vous avez entrepris
déjà de faire des représentations au pouvoir
fédéral?
M. LEVESQUE: Au palier des fonctionnaires, cela a déjà
été entamé au comité permanent des affaires
économiques; mais disons que nous allons le faire d'une façon
plus officielle lorsque nous allons déposer les demandes du
Québec pour bénéficier des dispositions de la loi
fédérale.
M. MORIN: Oui, le ministre parlait d'un minimum. Il veut dire qu'il faut
que les dommages excèdent $1 par tête d'habitant. Est-ce que vous
demanderez de rabattre ce montant de $1 par habitant?
M. LEVESQUE: On n'est pas pour demander de le hausser.
M. MORIN: Je m'en doute, mais est-ce que le ministre pourrait
préciser les positions du Québec là-dessus?
M. LEVESQUE: Elles seront précisées lorsque le cabinet les
aura approuvées.
M. MORIN: Vous n'êtes pas en mesure de nous dire exactement
où en est ce dossier à l'heure actuelle? C'est en
négociation?
M. LEVESQUE: C'est là qu'il est le dossier. Il est très
chaud. Nous attendons présentement que l'évaluation des dommages
soit complétée pour avoir un ordre de grandeur. D'ici quelques
jours, sinon quelques heures, le ministre maître d'oeuvre pourra faire
connaître la position du gouvernement.
M. MORIN: Dans un domaine connexe qui est celui de l'hydrométrie,
il y a quelques années, le gouvernement du Québec s'est
retiré des accords fédéraux-provinciaux sur
l'hydrométrie en vue d'affirmer sa compétence exclusive sur les
cours d'eau. Je pense que votre conseiller Me Brière se souviendra de
cela. Est-il exact que le gouvernement modifierait cette position maintenant
pour conclure à nouveau des accords de type conjoint avec le pouvoir
fédéral?
M. LEVESQUE: II y a une nouvelle politique fédérale de
financement des réseaux hydrométriques qui a été
annoncée en 1973.
M. MORIN: C'est tiré du bilan, cela?
M. LEVESQUE: Oui, toujours. Vous voyez comme c'est commode. C'est un
instrument de travail privilégié.
M. MORIN: Oui, et secret, hélas! dont vous êtes
obligé de révéler de petites bribes.
M. LEVESQUE: Je vous le lis.
M. MORIN: Oui. Donnez-nous donc la version complète. Ce sera
beaucoup plus simple.
M. LEVESQUE: Disons que ce n'est pas uniquement le bilan, parce que ce
n'est pas le bilan que j'ai ici, devant moi, mais tout cela est tiré du
bilan, plus la mise à jour, plus des notes qui nous proviennent d'autres
documents et qui viennent compléter l'ensemble. Ce que j'ai devant moi,
c'est évidemment un tableau synthèse de tous les dossiers actifs
dans les relations fédérales-provinciales.
M. MORIN: Ce que nous réclamons depuis le début de ces
séances!
M. LEVESQUE: Eh bien!
M. CHARRON: Vous commenciez à dire quelque chose.
M. MORIN: Je regrette de vous avoir interrompu, parce que nous allions
enfin avoir des bribes de ce fameux bilan.
M. LEVESQUE: Les négociations se poursuivent.
M. MORIN: Mais la phrase que vous aviez commencée, vous n'allez
pas la terminer?
M. LEVESQUE: Les négociations se poursuivent.
M. MORIN: Est-il exact que le Québec modifierait sa position et,
après s'être retiré des accords, reviendrait maintenant sur
sa position pour conclure de tels accords?
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition va être heureux d'apprendre
qu'il y a, là encore, des fonds fédéraux. Nous n'avons pas
l'intention de changer. Rien n'indique que nous allons changer notre position,
mais nous n'aimons pas non plus renoncer aux fonds fédéraux
disponibles.
M. MORIN: Expliquez-nous comment vous allez concilier votre position
avec les "fonds fédéraux disponibles"?
M. LEVESQUE: Nous avons dans le passé, avec succès,
canalisé des fonds fédéraux sans changer nos positions. Je
l'ai expliqué à maintes reprises, tout à l'heure, avec
plusieurs illustrations.
M. MORIN: C'est-à-dire en concluant des accords avec Ottawa et en
prétendant que ces accords ne modifient pas votre position alors qu'ils
la modifient dans les faits.
M. LEVESQUE: Ce que l'on fait et ce que l'on vise, ce sont des accords
de financement, beaucoup plus que de renoncer, comme voudrait le laisser
entendre le chef de l'Opposition, à notre position initiale.
M. MORIN: Votre position initiale est donc que vous affirmez la
compétence exclusive du Québec dans le domaine des cours d'eau
et, en particulier, de l'hydrométrie. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: C'est la position de base du Québec, mais on n'a pas
l'intention de renoncer aux fonds fédéraux. C'est une question de
financement.
M. MORIN: C'est ce que je vous répète encore depuis le
début. En l'absence de positions globales, fermes, vous êtes
appelés à faire mille et un compromis dans le concret,
constamment, qui sont en contradiction avec votre position de départ.
C'est ce que vous appeliez hier...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas en contradiction...
M. MORIN: ... de l'empirisme.
M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que des arrangements financiers ou
des arrange- ments administratifs ne touchent pas la position fondamentale. Si
on ne s'entend pas là-dessus, on ne s'entendra jamais au cours de
l'étude des crédits.
M. MORIN: C'est-à-dire que vous continuez à dire que le
Québec a les compétences exclusives, mais, dans les faits, on est
prêt à faire de "petits arrangements".
M. LEVESQUE: C'est-à-dire qu'on est prêt à obtenir
un financement.
M. MORIN: Oui, en sorte que le "spending power" reste encore la pierre
d'achoppement du système.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas un principe nouveau. On a entendu parler, bien
avant aujourd'hui, du principe, par exemple, de "l'op-ting out".
C'est-à-dire que nous conservons notre position, et nous administrons
notre réseau, mais par contre, nous faisons des arrangements de
financement... Les autres provinces ne sont pas obligées de faire comme
nous, et souvent, elles ne le font pas.
M. MORIN: Oui, c'est un fait. Alors, si je comprends bien le
ministre...
M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition suggère que nous
renoncions aux sommes disponibles, au gouvernement fédéral?
M. MORIN: De toute façon, ce sont des impôts que vous
devriez percevoir directement par vous-mêmes. Puisque vous
prétendez que c'est votre compétence exclusive, la logique
voudrait que vous ayez le pouvoir d'imposer directement les contribuables pour
l'argent dont vous avez besoin.
M. LEVESQUE: Le gouvernement du Québec a toujours prétendu
qu'il lui fallait plus de ressources financières attachées
à l'exercice de ses compétences.
M. MORIN: C'est cela.
M. LEVESQUE: C'est ce que vous dites.
M. MORIN: C'est cela. On revient toujours à la même
histoire. Sur le plan de la théorie, vous avez des attitudes, mais dans
les faits, l'empirisme vous dicte...
M. LEVESQUE: Dans les faits...
M. MORIN: ... de vous incliner devant le "spending power"
fédéral.
M. LEVESQUE: Dans les faits et le député le sait,
il ne le souligne pas dans le domaine de la péréquation,
par exemple, il n'y a pas longtemps, il y a à peine quelques mois, nous
avons récupéré des sommes assez considérables
du gouvernement fédéral, ce qui nous a permis d'aider les
municipalités à exercer elles-mêmes, à se
décharger de leurs obligations.
M. MORIN: La position...
M. LEVESQUE: Simplement au titre de la péréquation, nous
recevons près de $800 millions ou plus de $800 millions. C'est exact,
$800 millions? C'est $775 millions; disons environ $800 millions. Ce sont
là des sommes qui sont versées inconditionnellement au
Québec par le gouvernement central et qui nous permettent, encore une
fois, d'augmenter ce pouvoir financier du Québec.
M. MORIN: Dans le domaine de l'hydrométrie, la position, si je
comprends bien, la position...
M. LEVESQUE: Passez à autre chose.
M. MORIN: Je vais essayer de bien comprendre le ministre. Nous aurons au
moins planté un jalon. On pourra se référer à cela
par la suite pour savoir dans quel sens ont évolué les politiques
du ministère. Si j'ai bien compris le ministre, la position du
Québec demeure qu'en matière d'hydrométrie, le
Québec a la compétence exclusive, mais qu'il est prêt
à accepter des montants du pouvoir fédéral à
condition que le pouvoir fédéral ne se mêle pas
d'hydrométrie.
M. LEVESQUE: Le Québec a conservé sa position, et a
continué de maintenir son contrôle. La seule chose qui s'ajoute
à cela, c'est une question d'aller chercher des fonds au gouvernement
fédéral.
M. MORIN: C'est cela. Ma dernière question est donc que vous
n'accepterez l'argent fédéral que si le gouvernement
fédéral accepte de ne pas exercer sa compétence dans le
domaine de l'hydrométrie. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: Nous ne croyons pas qu'il ait des compétences.
M. MORIN: Ce n'est pas la question que je vous pose. La question que je
vous pose, c'est celle qui découle de...
M. LEVESQUE: Vous présumez que le gouvernement
fédéral, dans votre question, a une compétence, chose que
nous ne reconnaissons pas.
M. MORIN: II le prétend.
M. LEVESQUE: Vous êtes devenu l'avocat du
fédéral.
M. MORIN: Ah oui! Sans doute! Il le prétend et vous le savez
très bien, à moins que vous ne l'ignoriez. Je commencerais
à comprendre pourquoi vos réponses tournent en rond. Je vous
demande tout simplement ceci: Est-ce que vous allez refuser l'argent du pouvoir
fédéral s'il prétend exercer la moindre compétence
dans le domaine de l'hydrométrie?
M. LEVESQUE: C'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant et
nous n'avons pas l'intention de changer de position.
M. MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: Mais, je tiens à dire, encore une fois, que dans
tous ces dossiers, il y a eu une évolution, un dynamisme...
M. MORIN : Oui?
M. LEVESQUE: ... et que nous ne sommes pas statiques.
M. MORIN: Un dynamisme à reculons, comme je disais tout à
l'heure. Si vous adoptez votre "dynamisme" dans ce domaine comme dans les
autres, vous allez reculer. C'est ce qui m'inquiète.
M. LEVESQUE: Alors, chaque fois qu'on récupère de l'argent
d'Ottawa, d'après vous, on recule.
M. MORIN: Si vous acceptez...
M. LEVESQUE: C'est probablement vous qui reculez.
M. MORIN: Là, nous sommes en plein centre de la question que je
vous posais il y a un instant. Vous me dites que vous voulez
récupérer l'argent d'Ottawa. Je vous dis: Bon, d'accord, mais
allez-vous l'accepter si Ottawa dit: Je ne vous donne l'argent qu'à la
condition d'établir des normes dans le domaine de l'hydrométrie
et que vous reconnaissiez que j'ai le droit, moi, en tant que gouvernement
fédéral, d'établir des règlements dans le domaine
de l'hydrométrie? C'est le sens de ma question. On y est.
M. LEVESQUE: J'ai dit que nous n'avions pas l'intention de changer de
politique à ce sujet.
M. MORIN: Vous allez donc refuser l'argent fédéral s'il
vous faut reconnaître la compétence du fédéral en
acceptant l'argent. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: Nous avons l'intention de récupérer l'argent
à nos conditions.
M. MORIN: Bon. Et vos conditions sont que le fédéral ne
doit pas exercer ses compétences dans le domaine de
l'hydrométrie. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: Nous maintenons notre position.
M. MORIN: Oui. Tout cela demeure un peu ambigu, mais je vois qu'il ne
sert pas à grand-chose d'insister.
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de voir le
fédéral opérer un réseau hydrométrique au
Québec.
M.MORIN: Bon. Très bien. Si on passait maintenant aux droits
miniers sous-marins. Le bilan, d'après ce qu'on en sait, d'après
ce qui a été publié, déclare que les propositions
fédérales sur les droits miniers sous-marins, je cite: "... ont
mis un terme au progrès accompli depuis le début des
années 1960 avec les Maritimes, avec l'Ontario et le Manitoba dans le
but de définir les frontières interprovinciales dans le golfe
Saint-Laurent et de les étendre dans les baies James, d'Hudson et
d'Ungava". Un autre passage est le suivant: "Le bilan des relations
fédérales-provinciales sur les questions de frontières
il s'agit en l'occurence des frontières maritimes du
Québec est donc carrément négatif. Le Québec
n'a marqué aucun point. Dans certains cas, il a même perdu du
terrain". C'est ce que nous connaissons du bilan. Je voudrais vous demander
quel est l'état actuel de ce dossier, commençant s'il vous
plaît par le golfe Saint-Laurent.
Nous pouvons peut-être utiliser une carte pour essayer de
savoir...
LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, si nous avons à utiliser une
carte et à donner des explications à partir d'une carte, il
faudra suspendre la séance.
M. MORIN: Vous voulez dire que les réponses du ministre ne
seraient pas enregistrées?
LE PRESIDENT (M. Picard): Cela ne serait pas enregistré pour la
bonne raison que, s'il n'y a pas de micro, c'est très difficile de faire
un enregistrement qui...
M. MARCHAND: M. le Président, les mêmes questions ont
été posées lors de l'étude des crédits du
ministère des Richesses naturelles.
M. MORIN: Je n'ai pas posé...
M. MARCHAND : Ce sont exactement les mêmes questions.
M. MORIN: ... de questions encore.
LE PRESIDENT (M. Picard): Non, mais si vous avez l'intention d'en
poser.
M. MARCHAND: C'est exactement le même sujet.
M. MORIN: C'est effectivement le même sujet, mais j'ai l'intention
d'interroger le ministre sous l'angle des négociations
fédérales-provinciales.
M. LEVESQUE: D'accord. Nous sommes au courant de ce dossier. Vous n'avez
pas besoin de carte. Tout le monde comprend.
M. MORIN: Pourriez-vous alors nous dire quelle est la position actuelle
de votre ministère concernant le golfe Saint-Laurent?
M. LEVESQUE: D'abord, je m'imagine que la carte que voulait nous montrer
le chef de l'Opposition était la division territoriale dans le golfe des
territoires adjacents à chacune des provinces, qui date de 1964, je
crois...
M. MORIN: Oui et qui a été négociée par le
ministre, je crois, à l'époque.
M. LEVESQUE: ... et qui avait fait un consensus entre les provinces de
l'Est du Canada.
M. MORIN: C'est cela.
M. LEVESQUE: Alors, on peut la serrer. Deuxièmement...
M. MORIN: Voulez-vous dire qu'elle n'a plus cours ou quoi?
M. LEVESQUE: Non, pas du tout, mais c'est cela qu'on voulait indiquer.
Tout le monde a lu cela dans les journaux, partout. Cette carte a fait l'objet
d'une discussion publique.
Je n'ai pas à faire, je pense, l'historique pour le chef de
l'Opposition qui je pense a passé une partie de sa vie à
étudier ces sujets des droits de pêche, si je comprends bien, sur
les eaux internationales, etc. Qu'il me permette, cependant, de lui rappeler
qu'il y a eu des positions prises par le gouvernement Lesage dans les
années soixante à ce sujet, alors que le gouvernement du
Québec a réclamé la propriété, la
juridiction des droits miniers sous-marins dans le territoire apparaissant sur
cette carte, au moins dans le territoire adjacent au Québec.
M. MORIN: Compétence exclusive?
M. LEVESQUE: Oui. Par contre, le gouvernement fédéral
c'était par la voix de M. Trudeau en 1968, si ma mémoire
est fidèle faisait connaître une position identique, mais
à l'inverse, c'est-à-dire dénonçait cette position
du Québec et disait que les droits miniers sous-marins étaient la
propriété et tombaient sous la juridiction exclusive du
gouvernement central.
M. MORIN: Après avoir fait confirmer les droits exclusifs du
pouvoir fédéral par la cour Suprême?
M. LEVESQUE: Non, c'est par la suite, justement...
M. MORIN: C'est à la suite de la décision de 1967.
M. LEVESQUE: A la suite de cette prise de position du gouvernement
fédéral, il y a eu un "test case" par la
Colombie-Britannique.
M. MORIN: Alors, c'est avant 1968?
M. LEVESQUE: II y a eu une référence à la cour
Suprême.
M. MORIN: Oui. Un avis consultatif.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas les dates exactes, mais je peux consulter si on
veut.
M. MORIN: Un avis consultatif de 1967, je crois; c'est bien cela?
M. LEVESQUE: Peut-être. De toute façon, quant au
Québec nous n'avons pas accepté de référence
à la cour Suprême, parce que nous avons dit et nous continuons de
dire qu'il s'agit d'une question politique, d'une décision qui doit
être politique. La position du Québec était de refuser une
référence à la cour Suprême.
M. MORIN: C'était même de refuser de reconnaître la
compétence de la cour dans ce domaine. Cela allait aussi loin que
cela.
M. LEVESQUE: C'est cela. D'ailleurs, le cas de la Colombie-Britannique
pouvait être différent du cas de l'est du Canada.
M. MORIN: Pas dans l'esprit d'Ottawa.
M. LEVESQUE: Pas dans l'esprit d'Ottawa, mais dans l'esprit des
provinces de l'est du Canada, du Québec, Terre-Neuve, en particulier,
etc. Nous avons eu des réunions auxquelles j'ai participé avec
les premiers ministres de l'est du Canada, c'est-à-dire Québec,
Terre-Neuve, Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard.
M. MORIN: Récemment?
M. LEVESQUE: Nous avons eu des réunions commençant en
1972, je crois. Nous avons eu plusieurs réunions, de fait.
M. MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: Je me rappelle qu'à la suite d'une des
premières réunions, il y a eu là de définie une
position commune entre les cinq provinces de l'est du pays.
M. MORIN: Sur la base de la carte?
M. LEVESQUE: Nous avons reconnu la carte, d'abord, de 1964. Nous l'avons
reconnue, nous l'avons acceptée, nous l'avons adoptée quant
à la division territoriale, premièrement. Deuxièmement,
nous avons réitéré la position commune suivante: Nous
prétendons que les droits miniers sous-marins sont de
propriété et de juridiction des provinces.
M. MORIN: C'est très intéressant cela, M. le ministre.
Est-ce que cela a fait l'objet d'une déclaration publique, à
l'époque, de la part des provinces de l'Est?
M. LEVESQUE: C'était le 2 août 1972 qu'un communiqué
conjoint, à la suite de la conférence de cette date, indiquait
clairement au gouvernement fédéral la position des provinces.
Durant la même conférence, nous avons cependant accepté
qu'il y ait la création d'une agence qui puisse administrer les droits
miniers sous-marins; à cela, nous arrivions en demandant au gouvernement
fédéral de mettre de côté cette question, parce
qu'il y avait là un "dead-lock". Entre la position des provinces et la
position fédérale, c'était clair qu'il n'y avait pas
d'entente possible. Par contre, il y avait un intérêt public
à ce que l'exploration se continue, se poursuive.
Nous avons donc suggéré au gouvernement
fédéral de mettre de côté la question de la
propriété, la question de la juridiction, autrement dit, de ne
pas soumettre cette question à la cour Suprême pour les raisons
que nous avons mentionnées et que vous avez complétées il
y a quelques instants, mais plutôt de créer une agence
fédérale-provinciale pour l'administration des droits miniers
sous-marins, et cela sans mettre en cause la position claire et bien
définie des provinces quant à la propriété et
à la juridiction des droits miniers sous-marins.
M. MORIN: Cette agence fédérale-provinciale aurait
administré l'ensemble des droits miniers du Québec?
M. LEVESQUE: II nous fallait reconnaître cependant la
compétence fédérale dans le domaine de la navigation, par
exemple les pêcheries. Il y avait dans ce territoire des domaines de
juridiction fédérale. Pour l'ensemble de l'administration de ces
territoires sous-marins ou des eaux en question...
M. MORIN: Du plateau continental.
M. LEVESQUE: ... et du golfe Saint-Laurent. Les positions prises par le
Québec sont claires quant à la propriété ou
même au statut du golfe Saint-Laurent comme mer intérieure, mais
on n'entrera pas là-dedans présentement parce qu'on va encore
s'éloigner, mais disons que les territoires qui apparaissent sur la
carte pourraient être administrés par une agence
fédérale-provinciale et cela sans toucher d'aucune façon
aux prétentions du Québec et des autres provinces de l'est du
Canada et que la propriété et la juridiction étaient de
domaine provincial.
M. MORIN: Autrement dit, aucun compro-
mis sur la théorie de la compétence exclusive, mais
établissement dans les faits d'une agence
fédérale-provinciale.
M. LEVESQUE: Ce que nous avons fait, nous avons rencontré M.
Trudeau par la suite à Ottawa. La première réaction
d'Ottawa à cette prise de position des provinces a été une
fin de non-recevoir, mais par la suite, M. Trudeau...
M. MORIN: C'est ce qu'on appelle le "monologue" fédéral,
pour parler comme le député de Verdun.
M. LEVESQUE: Par la suite, c'était en août 1972, si je me
rappelle bien, vers la fin d'août, vers le 25, nous nous sommes rendus
à Ottawa et nous avons convenu avec M. Trudeau que nous allions
procéder selon les propositions des cinq provinces de l'est du
Canada.
M. MORIN: Et où en est le dossier?
M. LEVESQUE: Nous avons mandaté un groupe de fonctionnaires
fédéraux et provinciaux pour essayer d'écrire, d'articuler
cette décision intergouvernementale.
M. MORIN: Où en est-ce à l'heure actuelle?
M. LEVESQUE: Vous savez qu'il y a eu les élections à
l'automne 1972 à Ottawa et en 1973 nous avons repris le dossier. Il y a
eu là plusieurs réunions, quelques-unes au niveau
ministériel, plusieurs au niveau des fonctionnaires, pour articuler ce
mandat. Mais il y a eu d'abord cette préoccupation que nous avions au
Québec en particulier et d'autres provinces partageaient notre point de
vue, c'était que l'émission des permis eux-mêmes
d'exploration et d'exploitation demeurerait entre les mains des provinces
adjacentes.
M. MORIN: C'est la proposition que vous faisiez à
l'intérieur du cadre de cette agence.
M. LEVESQUE: A l'intérieur du cadre de l'agence,
c'est-à-dire que l'agence pouvait administrer, mais que nous conservions
un droit de veto, autrement dit que le permis devait être endossé
par la province adjacente au territoire en question pour l'émission du
permis.
M. MORIN: Serait-il endossé ou serait-il accordé par la
province?
M. LEVESQUE: Accordé, endossé, enfin qu'il y ait...
M. MORIN: Ce n'est pas la même chose. Si on veut être
précis, "endosser" signifie que le permis est donné par un
autre...
M. LEVESQUE: C'est-à-dire que l'agence faisait ce
déblayage technique et faisait une recommandation à la province
d'émettre le permis et le permis était émis par la
province adjacente.
M. MORIN: Adjacente, bien sûr, toujours en fonction du
partage...
M. LEVESQUE: Toujours en fonction de la carte que nous indique le chef
de l'Opposition.
M. MORIN: Toujours en fonction du partage géographique.
Maintenant au sein de cette agence, quelles allaient être les
structures, la participation des provinces intéressées? Quelle
allait être la participation du Québec?
M. LEVESQUE: Justement, nous avons discuté de la composition de
l'agence. Nous avons même pensé à une structure qui
ressemblait à celle qui a été utilisée pour Expo
67, alors qu'il y avait des gens nommés par Ottawa et d'autres par
recommandation du gouvernement du Québec. Nous avons songé
à diverses formules pour meubler cette agence, même un nombre
différent selon l'importance géographique ou l'importance de
population de chacune des provinces intéressées. Autrement
dit...
M. MORIN : II y aurait une participation directe du Québec
à cette agence.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Et pour le partage des redevances, les permis?
M. LEVESQUE: Là encore, il y a eu plusieurs chiffres
avancés.
M. MORIN: Quelle était la position du Québec?
M. LEVESQUE: Je n'aimerais pas la préciser parce que je ne crois
pas que ce soit d'intérêt public de le faire à ce
moment-ci.
M. MORIN: Je ne vous demanderai pas de pourcentages exacts.
M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai à l'esprit.
M. MORIN: Non, je ne vous demanderai pas de pourcentages. Ce que
j'aimerais bien savoir, cependant...
M. LEVESQUE: Nous avons dit, en langue de Shakespeare, que nous voulions
"the lion's share".
M. MORIN: Autrement dit, vous vouliez un partage des permis, des droits,
des redevances qui soient favorables aux provinces.
M. LEVESQUE: Ce que nous voulions,
c'était que la part importante soit consacrée, soit
perçue par la province adjacente.
M. MORIN: Quelle est maintenant la position du gouvernement
fédéral devant cette revendication?
M. LEVESQUE: II n'y a pas eu de résistance importante du
côté d'Ottawa sur la question du pourcentage. Il n'y a pas eu de
résistance visible, du moins.
M. MORIN: Qui décernait officiellement les permis et qui
percevait les redevances?
M. LEVESQUE: C'est la province adjacente qui émettait les permis;
les redevances étaient perçues, dans ce plan qui n'est pas encore
adopté, on parle de quelque chose qui est négociation, il ne faut
pas...
M. MORIN: Nous faisons le bilan du secteur, tel qu'il est
actuellement.
M. LEVESQUE: C'est ça.
M. MORIN: Le ministre pourra être aussi dynamique qu'il le voudra
par la suite. On veut seulement savoir où cela en est.
M. LEVESQUE: Nous avons envisagé que les redevances soient
perçues par l'agence, je crois. Toutes les tâches administratives
étaient assumées par l'agence dans le projet. Maintenant, il y a
un fait nouveau que je dois souligner. Il y a eu une sorte de prise de position
un peu différente de la part de Terre-Neuve récemment, en
septembre 1973...
M. MORIN: Voulant que?
M. LEVESQUE: ...voulant que ces gens semblaient intéressés
à remettre le tout à la cour Suprême, ce qui n'est pas
notre position.
M. MORIN: Je ferai remarquer au ministre que Terre-Neuve est
entrée dans la Confédération à des conditions
différentes de celles du Québec.
M. LEVESQUE: C'est ce qu'ils prétendent.
M. MORIN: Et Terre-Neuve aurait peut-être des chances, quoique,
avec la cour Suprême j'en doute. La cour Suprême est un joujou dans
les mains du pouvoir fédéral et même si j'étais
Terre-Neuvien, je me méfierais énormément. Je trouve ces
gens un peu naïfs. En tout cas, tant mieux si le Québec continue
d'avoir là-dessus la position qu'il a eue dans le passé. Une
dernière question, pour être bien clair, n'y aurait-il pas un
double permis émanant de l'agence et du Québec? Il y aurait un
seul permis émanant du Québec.
M. LEVESQUE: II n'a jamais été question d'un double permis
émis par l'agence.
M. MORIN: Donc, un seul permis émis par le Québec
mais...
M. LEVESQUE: Par les provinces adjacentes, par chacune des provinces
adjacentes.
M. MORIN: D'accord, mais je vous parle du Québec, en
l'occurrence, c'est entendu que nous sommes dans le cadre d'une entente
fédérale-provinciale.
M. LEVESQUE: Mais nous sommes encore en négociation. Je ne dis
pas que c'est la position définitive, ce serait faux de dire ça.
J'essaie de dire, d'informer la commission sur l'état de la question
à l'heure actuelle.
M. MORIN: Oui. Maintenant, qui va fixer les redevances? Parce que cela,
c'est important, ce sont des richesses naturelles qu'il y a là-dessous
et les richesses naturelles, cela relève des provinces. Qui va fixer le
montant des redevances? Est-ce que c'est l'agence ou est-ce que c'est le
Québec? Ou chaque province intéressée?
M. LEVESQUE: II faudrait alors avoir une législation
fédérale et une législation parallèle, si vous
voulez, ou simultanée du côté de chacune des provinces.
C'est cela que nous envisagions lors de la dernière réunion
à laquelle j'ai participé.
M. MORIN: Autrement dit, si je comprends bien, le Québec ne
serait pas libre de fixer lui-même le montant des redevances?
M. LEVESQUE: Bien...
M. MORIN: Ce serait comme pour les allocations familiales.
M. LEVESQUE: II faut que ce soit coordonné; on ne peut pas avoir
quatre ou cinq taux différents de redevances.
M. MORIN: Et pourquoi pas?
M. LEVESQUE: Parce que nous créons justement...
M. MORIN: Cela ne se fait pas dans d'autres domaines...
M. LEVESQUE: Nous créons justement une agence dans le but
d'uniformiser et de coordonner les activités, l'administration, dans ce
secteur, mettant de côté volontairement, de part et d'autre, la
question épineuse de la propriété et de la
juridiction.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Alors, si l'agence a un mandat qui lui est accordé
par les provinces ainsi que par le gouvernement fédéral pour agir
dans ce domaine, je pense bien qu'il va falloir des règles communes.
Quelqu'un demande un permis dans le golfe Saint-Laurent...
M. MORIN: Je vous parle des redevances.
M. LEVESQUE: ... je ne pense pas qu'il puisse, si vous prenez votre
carte, s'il est à l'est ou à l'ouest de telle ligne, que les
redevances soient différentes.
M. MORIN: Cela est-il inconcevable? M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: Vous savez que cela se pratique assez couramment...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas inconcevable.
M. MORIN: II peut insister des droits différents, ça
dépend de l'Etat riverain.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas inconcevable. M. MORIN: Et, cela ne
vous...
M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition cela m'aiderait
pour mes négociations futures est-ce que le chef de l'Opposition
y voit un avantage?
M. MORIN: Je vois un avantage à ce que le Québec ait toute
la latitude voulue pour éventuellement hausser le montant des
redevances, comme il devrait l'avoir pour ce qui est des minéraux qui
sont situés sur son territoire émergé, aussi bien le
cuivre et l'amiante...
M. LEVESQUE: Mais, il faut bien comprendre que...
M. MORIN: ... que tout le reste.
M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que ce n'est pas une affaire ad
vitam aeternam, cette histoire-là. Si une des provinces veut s'en
retirer...
M. MORIN: Vous voulez dire que le jour de l'indépendance, cela
changerait peut-être. Mais en attendant, on serait "poigné" avec
votre agence.
M. LEVESQUE: On revient à l'euphorie.
M. MORIN: Et cela ne vous inquiète pas de mettre entre
parenthèses la question de la propriété et de la
compétence? Parce que tant qu'on ne trouve pas du pétrole dans le
golfe, cela va bien, mais le jour où vous allez en trouver que ce
soit Shell ou que ce soit SOQUIP la question va se poser
carrément.
M. LEVESQUE: Mais, elle se pose pour toutes les provinces qui font
partie de ce consortium, si vous voulez, et nous projetons, nous envisageons
que les redevances soient... Evidemment, je l'ai mentionné il y a
quelques instants, la plus grande part irait à la province adjacente,
mais il y aurait une partie des redevances qui irait dans ce qu'on peut appeler
le fonds commun.
M. MORIN: Avez-vous envisagé la possibilité de remettre
entièrement ce territoire pour fins d'exploration et,
éventuellement, d'exploitation à SOQUIP? Est-ce que vous avez
envisagé je sais qu'on l'a fait dans le passé au
gouvernement de remettre ce territoire minier sous-marin, dans le golfe,
tout entier à l'Hydro-Québec, plus tard à SOQUIP pour les
fins d'exploration et, éventuellement, d'exploitation?
M. LEVESQUE: Oui, mais ce serait le ministère sectoriel qui
aurait cette responsabilité.
M. MORIN: J'avoue que cela relève davantage de l'autre
ministère et je n'insisterai pas. Il y a un instant, le ministre a
prononcé un mot que j'ai trouvé très intéressant.
Il a parlé d'une mer intérieure, à propos du golfe.
Dois-je comprendre que la position officielle du Québec, c'est que le
golfe Saint-Laurent est une mer intérieure?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Dois-je comprendre que la position officielle du Québec
est que le golfe Saint-Laurent constitue une mer intérieure? Dans le
sens où le droit international entend cette expression.
M. LEVESQUE: Evidemment, cela nous serait très favorable si tel
était le cas. Nous sommes portés à croire cela, à
prendre cette position. On me rappelle, présentement, que, M.
Saint-Laurent, alors qu'il était premier ministre du Canada, en 1949, je
crois...
M. MORIN: En 1949, lors de l'entrée de Terre-Neuve dans la
Confédération.
M. LEVESQUE: ... avait prétendu qu'il s'agissait d'une mer
intérieure.
M. MORIN: Non, il s'était trompé, il avait parlé de
mer "territoriale". Par la suite, cela a causé beaucoup d'ennuis dans
les négociations, parce que M. Saint-Laurent ne faisait pas la
différence entre une mer intérieure et une mer territoriale. Je
demande au ministre Me Briè-re sait très bien de quoi je
parle si le Québec a une position officielle là-dessus?
Parce que pour les fins de la pêche, pas seulement les droits miniers
sous-marins, cela a des conséquences.
M. LEVESQUE: Nous avons plutôt des souhaits officiels.
M. MORIN: Des voeux...
M. LEVESQUE: Des voeux.
M. MORIN: ... pieux, pas de position officielle.
M. LEVESQUE: Je ne suis pas en mesure... Dans le domaine de la
pêche, par exemple, les pêcheries sont de juridiction...
M. MORIN: ... exclusivement fédérale.
M. LEVESQUE: ... fédérale. Nous en avons l'administration
depuis 1922, je crois...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... mais la législation et la réglementation
sont fédérales. D'ailleurs, lorsque nous avons à
suggérer des modifications dans le domaine des pêcheries, nous le
faisons au gouvernement fédéral, soit dans le domaine de la
législation ou dans le domaine de la réglementation.
M. MORIN: Oui, mais le ministre est donc...
M. LEVESQUE: Je me rappelle fort bien l'avoir fait lorsque j'avais la
responsabilité des pêcheries. Je me rappelle fort bien la
façon dont nous procédions. Nous avons cependant conservé
l'administration des pêcheries, au Québec. Nous avons
également conservé...
M. MORIN: II faut aussi distinguer les pêcheries en eau douce et
les pêcheries en haute mer, comme le ministre le sait.
M. LEVESQUE: Même dans les pêcheries en eau douce, la
législation et la réglementation ont été
considérées comme fédérales. Je me rappelle que
nous avions ici une loi provinciale sur la pêche et, à un moment
donné, notre compétence a été mise en doute...
M. MORIN: Mise en doute, elle n'a pas été...
M. LEVESQUE: C'est "Inland and Sea Coast Fisheries" n'est-ce pas que
l'on retrouve dans le texte du."BNA Act".
M. MORIN: C'est cela, c'est ce à quoi je fais allusion.
J'essayais d'employer le vocabulaire français.
M. LEVESQUE: "Eaux intérieures et haute mer".
M. MORIN: C'est cela.
Autrement dit, pour mettre un terme à cela, le ministre est
conscient que le fait pour le golfe d'être considéré comme
des eaux intérieures, ou une mer intérieure, serait fort
avantageux pour les pêcheurs québécois.
M. LEVESQUE: Mais oui.
M. MORIN: C'est, sous forme de voeu, la position qu'il est prêt
à défendre.
M. LEVESQUE: Mais je me rappelle cependant qu'au cours des
dernières élections, le Parti québécois ne voulait
pas parler de cela, parce que les pêcheurs commençaient à
être inquiets avec leur trois milles autour des Iles-de-la-Madeleine,
leur trois milles autour des côtes de la Gaspésie et du
côté de la basse Côte-Nord.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: On parlait de trois milles. On pouvait parler
peut-être de douze milles, mais on parlait des eaux territoriales. Enfin,
cela fait partie du bilan de l'an un et toutes ces histoires.
M. MORIN: Voulez-vous préciser votre pensée? Je ne vois
pas très bien à quoi le ministre fait allusion.
M. LEVESQUE: Je fais allusion à une situation utopique.
M. MORIN: Mais à quoi encore? Qu'est-ce que c'est que cette
histoire de trois milles?
M. LEVESQUE: Voici...
M. MORIN: C'est l'ancienne largeur des eaux territoriales canadiennes.
Je ne vois pas ce que cela vient faire dans le débat.
M. LEVESQUE: Maintenant, elles sont de douze milles.
M. MORIN: Elles sont de douze milles, depuis 1970.
M. LEVESQUE: II a été question de trois milles. Il a
été question de douze milles. Les gens ne sont pas
intéressés à rapetisser leur territoire de
pêche.
M. MORIN: C'est pour cela que je vous ai posé la question.
M. CHARRON: Qui a fait allusion de ramener à trois milles les
eaux territoriales?
M. LEVESQUE: Les gens, dans la discussion, durant la campagne
électorale.
M. CHARRON: Mais qui encore?
M. LEVESQUE: Pas le député de Saint-Jacques. Je ne pense
pas qu'il se tenait dans ces parages.
M. MORIN: Pas le député de Bonaventure non plus,
sûrement. Il connaît mieux les intérêts de ses
commettants que cela.
M. CHARRON: Est-ce que vous avez vu un candidat du Parti
québécois, dans la région dont
vous-même représentez une partie, affirmer que
c'était le programme du Parti québécois de ramener les
eaux territoriales à trois milles?
M. LEVESQUE: Pour dire franchement, je ne me suis pas occupé de
ce qu'ont pu dire les candidats du Parti québécois, ils sont en
quantité tellement négligeable dans notre région.
M. CHARRON: A qui faites-vous allusion?
M. LEVESQUE: Je fais allusion à des rumeurs qui circulaient
simplement.
M. CHARRON: Bon, bon!
LE PRESIDENT (M. Picard): De toute façon, messieurs, c'est hors
du sujet, toutes ces questions.
M. CHARRON: Le règlement m'oblige à prendre la parole du
ministre, mais pas les rumeurs du ministre comme étant
fondées.
M. LEVESQUE: Vous prendrez ce que vous voudrez.
M. CHARRON: Je peux affirmer, à partir d'une rumeur, que vous
mentez. Je ne serai, à ce moment, absolument pas à l'encontre du
règlement. Si vous affirmiez telle chose, je n'aurais pas le droit de
vous le dire.
M. LEVESQUE: J'affirme qu'il a été question, durant la
campagne électorale, de situations qui seraient moins
privilégiées pour les pêcheurs du Québec. Je le dis
et je le répète.
M. CHARRON: J'affirme que, dans le comté de Saint-Jacques, par
exemple, il y avait rumeur...
M. LEVESQUE: II y a des pêcheries là...
M. CHARRON: II y avait rumeur que René Gagnon et Jean-Jacques
Côté étaient encore militants dans l'organisation
libérale.
M. LEVESQUE: Ah! ah! ah! M. CHARRON: J'affirme...
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît! Le chef de
l'Opposition. Vous avez d'autres questions?
M. MORIN: Je voudrais maintenant passer, avec la permission du
président, du côté de la baie d'Hudson, de la baie James et
du détroit d'Ungava. Dans ce secteur, vous le savez, M. le ministre, la
compétence fédérale s'étend jusqu'au rivage du
Québec, puisque la baie d'Hudson toute entière est
considérée, de même que le détroit d'Ungava, comme
faisant partie des territoires du Nord-Ouest, jusqu'à son embou- chure
sur l'océan Atlantique. Est-ce que le ministre peut nous dire où
en est le plan de partage qui avait été élaboré
entre le Manitoba, l'Ontario et le Québec?
M. LEVESQUE: Au niveau des fonctionnaires, il y a eu des rencontres avec
les fonctionnaires de l'Ontario à ce sujet, mais le dossier...
M. MORIN: Avec le Manitoba aussi, non?
M. LEVESQUE: ... et le Manitoba, mais le dossier n'a pas
progressé depuis.
M. MORIN: Est-ce que vous pouvez nous dire si une carte avait
été élaborée entre ces trois provinces, comme on
l'a dit à l'époque pour se partager la région?
M. LEVESQUE: Nous avons, pour nos propres besoins, une carte, en
effet...
M. MORIN: Oui?
M. LEVESQUE: ... qui touche les projets d'extension des
frontières septentrionales.
M. MORIN: Oui. Est-ce que, avant qu'elle ne fasse l'objet d'une fuite,
le ministre consentirait à la déposer devant la commission? Je
peux lui dire que cette carte a déjà un peu circulé, mais
ce serait utile qu'elle soit déposée officiellement.
M. LEVESQUE: J'ai l'impression que le chef de l'Opposition a tous ces
documents, le bilan, et tout cela. Il le fait exprès.
M. MORIN: Non.
M. LEVESQUE: Oui, oui.
M. MORIN: Non. Je peux rassurer le ministre que si j'avais le bilan, mes
questions seraient posées à partir du bilan...
M. LEVESQUE: J'ai l'impression qu'il a tout ce qu'il faut pour...
M. MORIN: Je ne me gênerais pas pour l'utiliser, si je l'avais,
mais je ne l'ai pas.
M. LEVESQUE: J'ai l'impression que...
M. MORIN: C'est pour cela que nous le réclamons.
M. CHARRON: ... là-dessus, parce que...
M. LEVESQUE: Cela me surprendrait qu'il ne l'ait pas.
M. MORIN: Est-ce que le ministre met en doute ma parole?
M. LEVESQUE: C'est parce qu'il dit que la carte a circulé et
puis...
M. MORIN: Oui, mais est-ce qu'elle est dans le bilan, la carte?
M. LEVESQUE: Non, mais elle fait partie des documents du
ministère.
M. MORIN: La carte a circulé, mais je vous demande si vous voulez
bien la déposer devant la commission. Ce serait utile pour tout le
monde.
M. LEVESQUE: Je corrige. Elle est annexée au bilan.
M. MORIN: Elle est annexée au bilan. Bon! Si vous rendiez le
bilan public, cela règlerait la question.
M. LEVESQUE: A condition qu'on dépose les annexes.
M. MORIN: M. le ministre, est-ce que vous déposeriez la carte en
question?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention de déposer les documents de
travail du ministère.
M. MORIN: Mais...
M. LEVESQUE: II faudrait, évidemment, consulter les autres
provinces, soit l'Ontario et le Manitoba.
M. MORIN: En sorte qu'on ne peut pas savoir quelle est la position
exacte du Québec en ce qui concerne le partage des droits miniers
sous-marins dans la baie d'Hudson?
M. LEVESQUE: Cela fait partie de discussions qui ont lieu
présentement.
M. MORIN: Bon, alors, si vous ne voulez pas déposer la
carte...
M. LEVESQUE: Mais...
M. MORIN: ... est-ce qu'on peut vous demander où passe la ligne
de partage, premièrement entre l'Ontario et le Québec?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN : Vous ne voulez pas le dire?
M. LEVESQUE: Je ne suis pas pour utiliser le vocabulaire pour remplacer
le visuel.
M. MORIN: Est-ce que vous pourriez nous dire selon quel principe ces
lignes ont été tracées?
M. LEVESQUE: Selon le principe de l'intégrité du
territoire québécois.
M. MORIN: Et sur le plan géographique, est-ce que c'est le
principe des parallèles et des lignes droites, ou bien s'il s'agit d'une
ligne sinueuse à travers la baie d'Hudson?
M. LEVESQUE: Vous entrez à ce moment dans le contenu.
M. MORIN: Je crois tout de même que cette question est
d'intérêt public. Si vous avez rendu public le partage du golfe,
je ne vois pas pourquoi vous ne rendriez pas public...
M. LEVESQUE: Tout ce que l'on fait est d'intérêt public,
mais ce qui nous concerne justement est que l'intérêt public ne
soit pas mis en péril par des divulgations
prématurées.
M. MORIN: Est-ce que les trois provinces se sont mises d'accord sur le
partage géographique de ces zones?
M. LEVESQUE: Essentiellement oui, m'informe-t-on, parce que je n'ai pas
pu contrôler la réponse auparavant.
M. MORIN: Est-ce que le pouvoir fédéral est d'accord?
M. LEVESQUE: Le pouvoir fédéral n'est pas encore d'accord,
parce que s'il était d'accord et que les provinces étaient
d'accord, je ne crois pas que cela serait le chef de l'Opposition qui
empêcherait une entente.
M. MORIN: C'est sûr. Quelle est l'attitude exacte du pouvoir
fédéral? Est-ce que cela fait toujours partie des Territoires du
Nord-Ouest?
M. LEVESQUE: On peut ajouter un fait qui intéresserait
peut-être le chef de l'Opposition. Dans plusieurs cas, nous occupons
déjà le territoire envisagé.
M. MORIN: Sous quelle forme l'occupez-vous?
M. LEVESQUE: Par une présence.
M. MORIN: En octroyant des permis, par exemple?
M. LEVESQUE: Par exemple.
M. MORIN: Parce que vous pouvez toujours naviguer dans ces eaux comme
les Québécois l'ont fait dans le passé. Cela ne s'appelle
pas une affirmation de compétence. C'est cela que le ministre veut dire,
qu'il se promène en chaloupe sur la baie James? De quelle façon,
M. le ministre, avez-vous affirmé cette présence?
M. LEVESQUE: Continue, Saint-Jacques.
M. MORIN: De quelle façon avez-vous affirmé cette
présence, M. le ministre?
M. LEVESQUE: La construction, les travaux qui se poursuivent dans ce
territoire.
M. MORIN: En haute mer? C'est-à-dire que cela n'est pas la
haute-mer à proprement parler, mais je veux dire au large?
M. LEVESQUE: Au large.
M. MORIN: Dans les îles Belcher?
M. LEVESQUE: A Fort George, par exemple, Poste-de-la-Baleine. On peut
vérifier avec plus de précision.
M. MORIN: Alors la question que je poserais pour fins de
vérification est celle-ci: Quelles sont les méthodes
utilisées par le Québec pour affirmer sa présence et sa
compétence dans toute la partie revendiquée par le Québec,
aussi bien...
M. LEVESQUE: Nons tenterons d'avoir une réponse plus
précise au cours de la journée ou demain.
M. MORIN: Bien. Si j'ai bien compris, selon la position du pouvoir
fédéral à l'heure actuelle, cela fait encore partie des
Territoires du Nord-Ouest.
M. LEVESQUE: La position fédérale? M. MORIN: Oui. C'est
bien cela?
M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral n'a pas encore du
moins accepté les prétentions des trois provinces en question,
mais elles n'ont pas été aussi catégoriques que vient de
l'être le chef de l'Opposition. Autrement dit, elles n'ont pas
affirmé aussi catégoriquement que vient de le faire le chef de
l'Opposition, cette prétention.
M. MORIN: Y a-t-il espoir de voir cette négociation aboutir
bientôt?
M. LEVESQUE: Je dois vous dire que présentement le dossier n'est
pas actif, particulièrement dans le contexte actuel.
M. MORIN: Oui, mais le pouvoir fédéral n'est-il pas actif?
N'a-t-il pas commencé à accorder des permis d'exploration?
M. LEVESQUE: Cela pourrait faire partie de la réponse
attendue.
M. MORIN: Alors, j'ajoute la question suivante: Dans quelles
régions de la baie James, de la baie d'Hudson et du détroit
d'Ungava, le pouvoir fédéral a-t-il accordé des permis
d'exploration et dans lesquelles également le Québec aurait-il
accordé des permis pour fins d'exploration du sous-sol?
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition ne croit-il pas qu'il entre
justement dans le contenu d'un ministère sectoriel?
M. MORIN: Non, je ne pense pas, parce qu'il s'agit vraiment des rapports
fédéraux-provinciaux.
M. LEVESQUE: C'est le ministère des Affaires
intergouvernementales qui émet des permis.
M. MORIN: Non, mais c'est lui qui en subit les conséquences. S'il
y a un contentieux fédéral-provincial, c'est lui qui est
appelé à le mettre au clair.
M. LEVESQUE: Celui qui s'occupe du dossier vient de m'informer qu'il n'y
a ni permis fédéral, ni permis provincial.
M. MORIN: Aucun permis fédéral?
M. LEVESQUE: C'est l'information que je reçois.
M. MORIN: Voulez-vous le vérifier pour cet après-midi?
M. LEVESQUE: On va le vérifier.
M. MORIN: Bien. Est-ce que le ministre pourrait nous dire maintenant
quelle part a joué son ministère dans les négociations
avec les pays du Moyen-Orient, avec le Venezuela, éventuellement avec le
Nigeria, pour garantir au Québec des approvisionnements à long
terme dans le domaine du pétrole?
M. LEVESQUE: Quant à la question précise du chef de
l'Opposition, notre ministère n'y a pas été
mêlé; mais notre ministère a été très
actif dans la question sur le plan canadien, dans la question des relations
fédérales-provinciales et interprovinciales.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Notre action a été déterminante dans
la question du prix du pétrole, dans la question de la redistribution
des produits, de la taxe d'exportation, etc. Nous avons été,
comme ministère, au premier plan de la discussion.
M. MORIN: Très bien. Est-ce qu'il n'y avait donc pas de
représentants du ministère des Affaires intergouvernementales
dans la délégation du Québec auprès des pays du
Moyen-Orient?
M. LEVESQUE: Quelle était la première partie de la
phrase?
M. MORIN: II n'y avait pas de représentants du Québec lors
des négociations pétrolières avec
les pays du Moyen-Orient? Je veux dire, pas de représentants de
votre ministère.
M. LEVESQUE: Pas de notre ministère.
M. MORIN: Est-ce que vous avez reçu le rapport des
démarches entreprises par d'autres ministères
québécois? Est-ce que vous êtes au courant?
M. LEVESQUE: Oui, nous avons été continuellement
informé. Je sais que vous avez posé ces questions sans doute aux
ministres intéressés.
M. MORIN: Pas de la façon que je les pose actuellement. Ce qui
m'intéresse, le ministre l'aura compris, c'est la compétence de
son ministère dans ces dossiers.
M. LEVESQUE: Tout d'abord, nous avons été continuellement
informé. Deuxièmement, nous avons pris depuis ce temps certaines
dispositions pour avoir quelqu'un à l'intérieur du
ministère qui se préoccupe particulièrement de nos
relations avec cette partie du monde.
M. MORIN: Oui, parce que si je ne m'abuse, cela fait partie des
prérogatives de votre ministère de s'occuper des rapports
extérieurs du Québec. Est-ce que je dois bien comprendre le
ministre...
M. LEVESQUE: Ce serait peut-être un collègue du chef de
l'Opposition? Un ancien professeur de droit international?
M. MORIN: Qu'est-ce que le ministre veut dire?
M. LEVESQUE: Celui à qui nous avions confié le
dossier.
M. MORIN: Soyez plus précis. Voulez-vous dire mon ancien
collègue de Laval.
M. LEVESQUE: J'en reparlerai plus tard avec le chef de l'Opposition.
M- MORIN: Très bien. Je ne saisis pas très bien à
quoi le ministre fait allusion, mais nous verrons.
Est-ce que je dois comprendre que, dans ce domaine, le ministère
des Richesses naturelles est allé se promener au Moyen-Orient sans que
vous ayez été de la partie? Autrement dit, est-ce qu'il y a eu
des initiatives de ce ministère sans que vous soyez tenu au courant?
M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné, nous avons été
renseigné régulièrement...
M. MORIN: Avant?
M. LEVESQUE: ... sur les activités du ministère des
Richesses naturelles. Il est normal, cependant, il ne faut pas s'en surprendre,
qu'au stade de l'exploration, les ministères sectoriels peuvent prendre
certaines initiatives.
M. MORIN: Internationales?
M. LEVESQUE: Nous avons été mis au courant, cependant,
antérieurement à ces missions, de leur existence, des objectifs
poursuivis. Mais, encore là, c'était purement exploratoire et
nous n'avons pas eu de fonctionnaire qui accompagnait les fonctionnaires qui
provenaient du ministère des Richesses naturelles.
M. MORIN: Désormais, j'imagine que vous entendez avoir un
fonctionnaire qui suive cela de plus près.
M. LEVESQUE: II faut bien se rappeler que, lorsque notre
ministère fait partie d'une délégation, cela lui
confère un aspect intergouvernemental et plutôt officiel alors
qu'il s'agissait, dans ce cas, de missions exploratoires.
M. MORIN: Mais si votre ministère avait été dans le
coup, M. le ministre, est-ce que, justement, cette malheureuse mission
exploratoire se serait heurtée à toutes les difficultés
qu'elle a éprouvées avec des interventions
fédérales qui tendaient justement à miner ses
démarches? Si vous aviez été officiellement dans le
coup...
M. LEVESQUE: Vous pourriez poser la question au ministre
concerné. Je n'accepte pas toutes vos prétentions actuelles et je
ne suis pas en mesure de les contredire d'une façon positive, parce que
je n'ai pas, justement, d'autorité sur les personnes en question.
M. MORIN: Mais vous avez autorité sur tout ce qui est accords
internationaux du Québec.
M. LEVESQUE: II n'y a pas d'accord. Je répète qu'il s'agit
de quelque chose de purement exploratoire.
M. MORIN: II est bizarre que vous ayez été seulement
informé comme cela, du revers de la main, si je comprends bien, que vous
n'ayez pas participé pleinement à cette mission. Est-ce que je
dois conclure que c'est peut-être à cause de la non-intervention
du ministre que celle-ci a échoué et que, s'il était
intervenu, cela aurait sans doute été un succès
fulgurant?
M. LEVESQUE: II faut bien comprendre une chose, nous n'avons pas les
effectifs pour faire partie de toutes les missions exploratoires sectorielles.
Souvent, nous sommes informés et le ministère sectoriel
procède sans la présence de quelqu'un du ministère des
Affaires intergouvernementales, surtout lorsqu'il s'agit d'une période
purement d'exploration. C'est clair que
nous n'avons pas les effectifs suffisants pour pouvoir faire tout ce
genre d'exploration.
M. MORIN: Le ministre ne me dira pas qu'il accepte volontiers cette
situation de fait.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas l'intention du ministère des Affaires
intergouvernementales de se substituer aux responsabilités sectorielles
des ministères concernés.
M. MORIN: Ce n'est pas l'intention de votre ministère d'obtenir
le personnel requis pour surveiller ces dossiers?
M. LEVESQUE: Aux fins de la coordination, oui. Nous avons d'ailleurs
mentionné, au tout début de nos remarques hier, l'augmentation
relativement importante de personnel l'an dernier et de nouveau cette
année.
M. MORIN: Est-ce que votre ministère a été
informé du désir du Venezuela de conclure une entente avec un
organisme d'Etat québécois, organisme d'Etat qui aurait pu
être SOQUIP?
M. LEVESQUE: Voulez-vous reprendre votre phrase?
M. MORIN: Vous voulez que je répète ma question? Est-ce
que votre ministère a été informé du désir,
de la volonté du Venezuela de conclure une entente avec un organisme
d'Etat québécois qui, en l'occurence, aurait pu être
SOQUIP?
M. LEVESQUE: Nous avons des renseignements qui arrivent au
ministère, de multiples offres. Il y a un nombre assez important de
courtiers qui ont parcouru le monde durant la crise du pétrole. Des
offres arrivaient, j'en ai reçu moi-même directement, etc. Tout
cela est analysé par le ministère sectoriel, mais nous sommes au
courant d'offres de ce genre. Tout cela a été
référé au ministère sectoriel qui a
l'expérience et les effectifs nécessaires pour juger ces
offres.
M. MORIN: Sur le plan d'un accord possible entre le Venezuela et un
organisme public québécois, où en est votre dossier?
M. LEVESQUE: Le ministre responsable, devant la Chambre, des
activités de SOQUIP est le ministre des Richesses naturelles, vous
touchez là au contenu, clairement, et lorsque le ministère
sectoriel nous aura fait valoir qu'il y aurait avantage à une telle
entente, nous entrerons en action.
M. MORIN: Voulez-vous dire que, d'ici là, vous n'êtes pas
mêlé aux pourparlers exploratoires, que votre ministère
n'est pas mêlé aux pourparlers?
M. LEVESQUE: Nous sommes informés, mais il faut bien comprendre
que SOQUIP a plus d'autonomie qu'un ministère. C'est justement pour
respecter sa liberté d'action, jusqu'à un certain point, qu'il
lui est permis de faire certaines explorations et cela, évidemment,
à la connaissance du ministère sectoriel, c'est encore au
ministère sectoriel que la question pourrait être
posée.
M. MORIN: Je commence à mesurer les inconvénients pour le
Québec de ne pas avoir de personnalité internationale. Tout le
monde grenouille, tout le monde négocie à gauche et à
droite et votre ministère, en fin de compte, est tenu au courant de ce
qui se passe. Mais ce n'est pas lui qui contrôle ce qui se passe, ce
n'est pas lui qui négocie.
M. LEVESQUE: Le gouvernement, dans son ensemble, contrôle ces
activités, mais là, on parle d'un ministère en particulier
et j'ai décrit ce que nous avions fait dans tel et tel cas, soumis par
le chef de l'Opposition. Le chef de l'Opposition devra se rappeler que le
gouvernement, dans son ensemble par le premier ministre en tête,
par le ministère des Richesses naturelles, particulièrement par
le ministère des Affaires intergouvernementales a obtenu, dans la
négociation à l'échelle canadienne durant la crise
énergétique, des résultats extrêmement favorables
pour les citoyens du Québec. Si, à ce moment-là, le
Québec avait cette indépendance économique et politique
dont parle...
M. MORIN: II aurait pu négocier.
M. LEVESQUE: Négocier, oui, négocier avec qui?
M. MORIN: Avec les pays avec lesquels il a tenté de le faire et
où vous n'avez pas abouti.
M. LEVESQUE: Certainement, il aurait payé $12.50 le baril alors
que présentement, le prix canadien est de $6.50 plus le transport.
Est-ce que c'est ça que vous appelez des négociations valables
pour le peuple québécois?
M. MORIN: Est-ce que c'est ça que les pays européens ont
payé?
M. LEVESQUE: Allez donc le suggérer!
M. MORIN: Est-ce que c'est ça que les pays européens qui
ont négocié directement ont payé?
M. LEVESQUE: Ils ont payé des prix au-delà de $11 le
baril.
M. MORIN: Et le ministre peut-il nous dire...
M. LEVESQUE: C'est ça que vous suggérez aux
Québécois?
M. MORIN: Sûrement que si le Québec avait été
indépendant, il y a longtemps qu'il aurait négocié des
accords d'approvisionnement à long terme, c'est l'évidence
même. Vous n'arrivez pas à vous mettre dans la perspective de
négociations avec les pays étrangers et je vois bien pourquoi.
Parce que dans tous ces cas, vous n'avez même pas été dans
le coup.
M. LEVESQUE: Au contraire, nous l'avons été, dans la
question de la crise énergétique, continuellement. Justement, je
suis à même je ne veux pas blesser la modestie de qui que
ce soit de savoir personnellement quelle a été la
contribution des hauts fonctionnaires de mon ministère dans l'entente
qui a eu lieu sur le plan fédéral-provincial et
interprovincial.
M. MORIN: Parlons-en donc de cette question
fédérale-provinciale avec les projets fédéraux de
création d'une société publique des pétroles,
laquelle, d'après le projet de loi qui a été soumis au
Parlement avant la dissolution, aurait la compétence, non seulement
d'explorer et de raffiner, mais de distribuer les produits pétroliers.
Est-ce que votre ministère est au courant de ce dossier, des intentions
du pouvoir fédéral? Et quelle est l'attitude de votre
ministère?
M. LEVESQUE: D'un SOQUIP fédéral? M. MORIN: Oui.de
Pétrocan.
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Quelle est l'attitude de votre ministère devant ces
projets?
M. LEVESQUE: Voici. Il faut bien comprendre que ces projets sont
maintenant lettre morte. Deuxièmement, je ferai part...
M. MORIN: Pas lettre morte.
M. LEVESQUE: Je ferai part au... Oui, avec la dissolution des Chambres,
c'est lettre morte.
M. MORIN: Ils ne sont que suspendus, ces projets.
M. LEVESQUE: Oui. Deuxièmement, la position du Québec a
été bien connue et cela même de la part du premier ministre
en janvier 1974.
M. MORIN : Quelle est cette position?
M. LEVESQUE: Pour connaître un peu la façon de
procéder du gouvernement du Québec et du ministère des
Affaires intergouvernementales en particulier, on se rappellera qu'il y a eu un
dépôt d'un projet de loi antérieur à l'entente
finale sur la question de l'énergie et du pétrole en particulier.
On se rappellera qu'il y avait là des dispositions qui ont paru
inacceptables par le Québec et qui ont été enlevées
à la demande du Québec. On se rappellera que, par exemple, en vue
de régler la question énergétique, on avait inclus toutes
les formes d'énergie, y compris...
M. MORIN: Y compris l'électricité?
M. LEVESQUE: ...l'électricité. Et pourtant, c'est
justement à cause de la vigilance du Québec, à cause des
représentations du Québec, que toute cette section du projet de
loi fédéral est tombée.
M. MORIN: Mais je vous parle de Pétrocan. Quelle est exactement,
à l'heure actuelle, l'attitude de votre ministère devant ce
projet fédéral, en ce qui concerne le territoire
québécois?
M. LEVESQUE: Ce qui a été dit publiquement par le
gouvernement du Québec, c'est qu'on ne voulait pas qu'une telle
société fasse double emploi avec SOQUIP.
M. MORIN: Cela signifie: que Pétrocan n'ait pas d'activité
sur le territoire québécois; c'est bien cela?
M. LEVESQUE: Ou qu'elle en ait avec le concours de SOQUIP, ou par
consentement.
M. MORIN: Si le pouvoir fédéral, qui a prévu un
montant de $1.5 milliard d'investissements dans cette entreprise publique,
prétend établir un réseau de distribution pancanadien,
quelle va être l'attitude du Québec?
M. LEVESQUE: Pour revenir à...
M. MORIN: Etes-vous en mesure d'empêcher cela, d'abord?
M. LEVESQUE: Je pense en effet qu'une société
fédérale est possible.
M. MORIN: Je pense bien qu'elle est possible.
M. LEVESQUE: Deuxièmement, ce que nous voulons, c'est d'avoir...
D'ailleurs, 1'Alberta a un problème analogue, même peut-être
plus...
M. MORIN: J'ai dit qu'elle était possible. Je n'ai pas dit
qu'elle était nécessairement conforme à la constitution;
cela est autre chose, parce que les richesses naturelles relèvent des
provinces. Mais, enfin, je laisse parler le ministre.
M. LEVESQUE: Elle serait au moins consti-tutionnellement valable dans
les Territoires du Nord-Ouest.
M. MORIN: Et même dans la baie d'Hudson, dont on parlait tout
à l'heure, d'accord. Passons, j'écoute le ministre.
M. LEVESQUE: Je crois qu'il serait préférable d'attendre
le dépôt d'un tel projet de loi, éventuellement, s'il doit
être présenté par un futur gouvernement, avant de prendre
une position définitive sur le sujet.
M. MORIN: II sera peut-être un peu tard.
M. LEVESQUE: II s'agit là d'une question
hypothétique...
M. MORIN: Oui?
M. LEVESQUE: ... dans le contexte actuel.
M. MORIN: Avec un projet de loi qui a été
déposé et un gouvernement qui s'était engagé
à le faire, c'est...
M. CHARRON: D'ailleurs, il le répète dans ses engagements
électoraux.
M. MORIN: ... hypothétique?
M. le ministre, ce que j'ai à vous dire là-dessus, c'est
que vous allez vous trouver devant un fait accompli une fois de plus.
M. LEVESQUE: Que le chef de l'Opposition n'ait crainte. Nous sommes
très vigilants et nous étudions très activement cette
question.
M. MORIN: Je dois dire que si je me fie à la "vigilance" du
gouvernement dans d'autres domaines, j'ai des craintes.
M. LEVESQUE: Mais j'ai justement donné une illustration tout
à l'heure de la vigilance du gouvernement. J'ai mentionné qu'un
projet de loi touchant le domaine de l'énergie avait été
grandement modifié à la suite des représentations du
Québec. Nous avons fait également des représentations dans
le domaine...
M. MORIN: Pour être bien précis, voulez-vous dire que
l'article 14, dans le projet du gouvernement, qui portait sur
l'éventuelle possibilité du pouvoir fédéral de
contrôler les exportations d'électricité, a
été retiré du projet? Pas à ma cpnnaissance, M. le
ministre.
M. LEVESQUE: Concernant...
M. MORIN: L'exportation de l'électricité.
M. LEyESQUE: ... l'exportation, ce n'est pas changé.
M. MORIN: Ah, ce n'est pas changé!
M. LEVESQUE: Cela a existé dans le passé, cela
continue.
M. MORIN: Qu'est-ce qui est changé?
M. LEVESQUE: Ce qui est changé, c'est que le bureau ou l'office
d'approvisionnement, qui devait avoir certains contrôles sur les diverses
formes d'énergie, englobait, dans ce projet de loi,
l'électricité. Nous avons fait enlever
l'électricité des dispositions du projet de loi quant aux
pouvoirs de l'office.
M. MORIN: D'accord. M. le ministre, je répète ma question
de tout à l'heure, et si vous pouvez y répondre, tant mieux;
sinon, tant pis. Mais j'aimerais bien vraiment connaître l'attitude de
votre ministère devant une société publique
fédérale qui va investir plus de $1 milliard alors que SOQUIP n'a
que $7.5 millions pour l'année courante.
M. LEVESQUE: C'est une situation purement hypothétique.
M. MORIN: Non, ce n'est pas hypothétique ! Je vais vous dire
pourquoi. SOQUIP, malgré que son mandat B soit inscrit dans la loi, ne
s'occupe pas, à l'heure actuelle, de raffinage et de distribution, parce
que votre gouvernement ne l'a pas autorisée. Tandis que Petrocan va
être autorisée, avec un investissement de $1.5 milliard par
rapport à $7.5 millions pour SOQUIP, à s'occuper de raffinage et
de distribution.
M. LEVESQUE: Ces $7.5 millions, ce n'est pas juste. Vous savez que la
loi prévoit $100 millions.
M. MORIN: Oui, sur dix ans.
M. LEVESQUE: Votre montant, c'est sur une année?
M. MORIN: Non, c'est sur trois ans.
M. LEVESQUE: Comme vous parlez pour Petrocan... Soyez juste. Ne faites
pas de comparaison injuste.
M. MORIN: Oui, mais cela fait quand même $500 millions par
année.
M. LEVESQUE: Vous parlez d'une question purement
hypothétique.
M. MORIN: Cela fait $500 millions par année, par rapport $7.5
millions.
M. LEVESQUE: Le parlement canadien est dissous présentement, et
il n'y a aucun projet de loi devant la Chambre.
M. CHARRON: II y a un gouvernement encore à Ottawa, et le
même gouvernement...
M. LEVESQUE: Un gouvernement, mais il n'y a pas de loi...
M. CHARRON: ... le même gouvernement... M. LEVESQUE: ... ou de
projet de loi...
M. CHARRON: ... fait valoir que le projet de loi qui était
déposé au moment de la dissolution des Chambres sera
ramené, et c'est toujours dans la politique de ce gouvernement et c'est
toujours dans son intention... La seule hypothèse qu'il y ait
là-dedans, c'est que ce gouvernement serait renversé le 8 juillet
prochain. J'accepte qu'on ne discute pas de cette hypothèse. Mais il y a
encore un gouvernement à Ottawa, et ce gouvernement dit encore qu'il va
créer Petrocan...
M. COTE: C'est sûrement pas parce que...
M. CHARRON: ... ce n'est pas hypothétique comme nous dit le
ministre des Affaires intergouvernementales.
M. MORIN: Si vous attendez le fait accompli, on va voir apparaître
un réseau de distribution fédérale au Québec,
Petrocan ou "Pétro-je-ne-sais-pas-quoi", et SOQUIP se sera fait damer le
pion. Le Québec, les Québécois se seront fait damer le
pion une fois de plus, à cause de l'absence d'action du gouvernement et
à cause de l'absence de dynamisme de votre ministère, entre
autres. C'est cela le sens de la question.
Alors, si vous vous trouvez devant cette situation elle s'en
vient, je pense que le ministre doit être au courant qu'un réseau
de distribution de pétrole fédéral au Québec s'en
vient quelle est l'attitude de son ministère? Est-ce qu'il
attendra que cela soit fait?
M. LEVESQUE: Je dois dire immédiatement que le gouvernement du
Québec a certaines priorités, qu'il doit tenir compte, dans
l'établissement de ses priorités, des besoins et des aspirations
des Québécois et des moyens dont il dispose également.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Et le gouvernement ne s'est pas prononcé sur
l'opportunité du raffinage et de la distribution des produits
pétroliers au Québec. Je ne sache pas que le gouvernement ait
fait des déclarations à ce sujet et, si le chef de l'Opposition
désire avoir plus de renseignements sur le contenu de cette politique,
il s'adressera au ministre des Richesses naturelles qui a la
responsabilité du dossier.
M. MALOUIN: M. le Président, je m'excuse. Il l'a
déjà fait. Il a déjà posé la question lors
de l'étude des crédits. Je pense qu'il cherche seulement une
contradiction...
M.MORIN: Non. Je cherche à avoir la position de ce
ministère...
M. MALOUIN: II y a un montant de voté pour étudier la
possibilité de raffinage au réseau de distribution.
M.MORIN: Je m'intéresse ce matin à un autre aspect de la
question.
M. LEVESQUE: Au lieu de parler des relations purement
fédérales-provinciales...
M. MORIN: Cela n'est pas fédéral-provincial?
M. LEVESQUE: Non?
M. MORIN: Ce dont nous parlons, ce n'est pas du domaine
fédéral-provincial?
M. LEVESQUE: Au lieu de parler purement des activités du
ministère des Affaires intergouvernementales en relation avec des
dossiers sectoriels, il prend avantage de cette discussion pour entrer dans le
secteur même et demander quelle est la politique du gouvernement, quelle
est la politique du ministère des Richesses naturelles sur la vocation
de SOQUIP et les activités qui sont permises à SOQUIP.
M. MORIN: Ce n'est pas le sens de ma question.
M. LEVESQUE: C'est la question que vous avez posée.
M. MORIN: Non. La question est: Quelle est l'attitude du
ministère des Affaires intergouvernementales dans la partie du dossier
qui le concerne, c'est-à-dire l'implantation éventuelle, par le
pouvoir fédéral, d'un réseau de distribution de
pétrole au Québec? C'est une question qui intéresse votre
ministère ou alors, dites-nous tout de suite que cela ne relève
pas de votre compétence et nous n'insisterons pas.
M. LEVESQUE: Quant aux relations fédérales-provinciales
sur ce point, si le projet de loi était demeuré au feuilleton et
devant la Chambre des Communes, nous aurions fait connaître notre
position clairement, comme nous l'avons fait dans le passé dans des
domaines ou dans des situations analogues.
Si, par hasard, ce même projet de loi était ramené
devant la Chambre des Communes, vous pouvez compter que nous allons faire
valoir les positions du Québec et notre réaction sera connue.
LE PRESIDENT (M. Picard): II est midi. La commission suspend ses travaux
jusqu'après la période des questions à l'Assemblée
nationale. La commission siégera dans la même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 4)
Reprise de la séance à 16 h 47
M. PICARD (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: M. le Président, attention!
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission parlementaire continuera
l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales. L'honorable ministre.
M. CHARRON: M. le Président, nous n'avons même pas quorum.
On ne peut pas commencer, on n'a pas quorum.
LE PRESIDENT (M. Picard): C'est cela que j'ai demandé.
M. CHARRON: C'est parce qu'on ne l'avait pas constaté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je l'ai demandé tantôt.
M. CHARRON: Ah si! On était prêt! Nous, nous sommes
prêts, nous sommes ici depuis dix minutes.
M. MORIN: II manque des membres. Hier, il en manquait un, aujourd'hui,
il en manque trois.
M. CHARRON: II en manque beaucoup. On ne peut pas commencer
actuellement.
LE PRESIDENT (M. Picard): Aujourd'hui, il fait plus chaud qu'hier.
M. CHARRON: Oui. On a aussi chaud que les libéraux, vous savez.
Ils peuvent être présents.
M. LEVESQUE: Vous êtes moins tassés.
M. CHARRON: Vous croyez? On travaille plus, par exemple.
M. LEVESQUE: Vous avez une haute opinion de vous-même? Si on me
permet, avant d'entreprendre l'étude des crédits...
M. CHARRON: On ne peut pas,...
M. LEVESQUE: Avant d'entreprendre l'étude des crédits, je
voudrais simplement faire une mise au point pour la presse, parce que je vois
ici, une nouvelle de la Presse canadienne, qui a mal interprété
ce que nous avons dit hier au sujet de l'établissement d'une maison du
Québec.
M. CHARRON: En Amérique latine?
M. LEVESQUE: En Amérique latine. Je trouve que c'est dommage;
même le titre peut être dommageable, parce que ce n'est pas du tout
ce que j'ai dit. On me dit que cela a été découpé
dans la Presse aujourd'hui. Le titre est celui-ci: Maison du Québec en
Amérique latine: par le biais d'Ottawa. Le gouvernement du Québec
passera par le biais d'un organisme fédéral, l'Agence canadienne
de développement international, afin d'ouvrir une maison du
Québec en Amérique latine. M. le Président, c'est une
interprétation, à mon sens, absolument fantaisiste des paroles
que j'ai tenues ici hier, de ce que j'ai dit, et le chef de l'Opposition est
d'accord avec moi, je n'ai jamais dit cela. J'ai parlé d'un
préalable, cependant, à l'établissement d'une maison du
Québec en Amérique latine. Les autres journaux du matin, que j'ai
lus, ont très bien interprété et très bien
rapporté mes propos. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu pour ceux
qui sont les auteurs, je ne sais pas qui, probablement que c'est de bonne
foi...
M. CHARRON: C'est une dépêche de la Presse canadienne?
M. LEVESQUE: Oui. C'est probablement fait de bonne foi, mais cela fausse
terriblement la portée des paroles et des propos que j'ai tenus hier. Je
voulais simplement le signaler avant.
M. CHARRON: Est-ce dans la première page de la Presse
aujourd'hui?
M. LEVESQUE: Je ne sais pas dans quelle page, parce qu'on m'a remis
cette...
M. CHARRON: Je pensais que c'était à côté
d'une annonce de Steinberg.
M. LEVESQUE: Vous pensez? M. CHARRON: A cette largeur-là. M.
LEVESQUE: Tant mieux si..
M. CHARRON: Vous êtes entre les concombres et la laitue.
M. LEVESQUE: Tant mieux si cela n'a pas été...
M. BOSSE: ... d'avec les confitures.
M. LEVESQUE: Tant mieux, si cela n'a pas attiré
l'attention,...
M. CHARRON: C'est comme au caucus libéral.
M. LEVESQUE: ... mais c'est complètement à l'inverse,
complètement à l'encontre de ce que j'ai dit.
Cela ne tient pas du tout compte des propos que j'ai tenus. S'il y a
possibilité de faire la correction, de s'en rapporter aux propos que
j'ai tenus. Il y a deux questions qui ont été posées ce
matin. La première: "M. Morin: Alors la question que je poserais pour
fins de vérification est celle-ci. Quelles sont les
méthodes...
M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait attendre d'avoir le quorum?
M. LEVESQUE: On ne l'a pas encore?
M. MORIN: Nous pourrions alors consigner la réponse du ministre
au procès-verbal, aux débats.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on n'était pas au procès-verbal
là?
LE PRESIDENT (M. Picard): On ne siège pas.
M. LEVESQUE: J'avais demandé la permission d'être au
procès-verbal pour la mise au point concernant la Presse canadienne.
Avez-vous pris cela?
LE PRESIDENT (M. Picard): Le chef de l'Opposition...
M. LEVESQUE: Vous l'avez pris. D'accord. M. CHARRON: On attend le
quorum.
M. LEVESQUE: Parce que je ne suis pas pour recommencer.
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Charron, le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je pense que le ministre avait deux
réponses à nous donner sur ce qui avait été
laissé en plan ce matin.
M. LEVESQUE: Dans la première question du...
M. MORIN: Le ministre commence à comprendre le dossier.
M. LEVESQUE: Voulez-vous avoir la réponse ou voulez-vous
être insolent?
M. MORIN: La réponse plutôt.
M. LEVESQUE: La question du député de Sauvé: La
question que je poserais pour fins de vérification est celle-ci: Quelles
sont les méthodes utilisées par le Québec pour affirmer sa
présence, sa compétence quant à la partie
revendiquée par le Québec? A ce moment-là, on parlait des
territoires autour de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava. Nous ne sommes
effectivement pas présents dans l'ensemble du territoire que nous
souhaiterions nous voir reconnaître. D'ailleurs, c'est physiquement
impossible de l'être. Mais, comme je l'ai mentionné ce matin,
c'est confirmé, nous avons, à Fort George, une présence
qui se traduit par l'implantation de services publics, hôpital, aqueduc,
résidences pour les travailleurs de la baie James, etc.
M. MORIN: On parlait à ce moment-là des fonds sous-marins,
pas du territoire émergé. Vous nous disiez...
M. LEVESQUE: On ne parlait pas de ça, on parlait des îles,
on parlait des frontières, ça inclut...
M. MORIN: Les frontières maritimes. Je parlais de
frontières maritimes. J'espère qu'il n'y a pas eu de malentendu
ce matin quand je vous demandais où en étaient les revendications
du Québec dans la baie d'Hudson. Je ne voulais pas dire la
frontière terrestre, je voulais dire la frontière maritime. Je
pense que M. Brière avait bien compris. Votre présence sur terre,
je ne la conteste pas.
M. LEVESQUE: Fort George...
M. MORIN: Ce serait le bouquet si vous n'étiez pas présent
sur le territoire lui-même!
M. LEVESQUE: C'est une île qui est située au-delà de
la limite des basses eaux, peut-être que le chef de l'Opposition n'est
pas familier avec le territoire...
M. MORIN: Un peu, mais j'essaie de voir. Cette île sur laquelle
est construite Fort George?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Est-ce qu'elle fait partie du territoire
québécois ou des territoires du Nord-Ouest? Vous ne savez pas?
Cela fait partie du territoire québécois.
M. LEVESQUE: Cela fait partie du territoire qu'on veut se voir
reconnaître, qu'on prétend être le nôtre.
M. MORIN: Et dont le pouvoir fédéral prétend que
c'est à l'intérieur des Territoires du Nord-Ouest, c'est
ça?
M. LEVESQUE: Tout de même, le chef de l'Opposition ne voudrait pas
se faire l'avocat du fédéral et nous faire donner des arguments
en faveur du fédéral.
M. MORIN: J'essaie de comprendre notre position. Est-ce que c'est une
île à propos de laquelle il y a contestation?
M. LEVESQUE: Oui.
M.MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: C'est ce qu'on me dit.
M. MORIN: Ce n'est pas une des îles Belcher? Les îles
Belcher, c'est plus au nord.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Bon. Est-ce que dans le cas des îles Belcher, puisque le
ministre aborde la question à nouveau cet après-midi, vous avez
fait des actes d'occupation de quelque sorte?
M. LEVESQUE: II n'y a pas eu de permis québécois. J'ai ici
des renseignements sur les permis fédéraux qu'on a pu
découvrir.
M. MORIN: Oui, vous m'aviez dit qu'il n'y en avait pas ce matin.
M. LEVESQUE: C'est l'information qu'on m'avait transmise et que j'ai
transmise fidèlement à la commission. J'ai dit que je
vérifierais; c'est ce que j'ai fait.
M. MORIN: Très bien. Alors?
M. LEVESQUE: Et voici les renseignements que j'ai obtenus: Ces
renseignements peuvent ne pas être exacts; je les corrigerai dès
que j'apprendrai qu'ils sont inexacts. Il y a eu des "Crown Reserve Permits"
dans la baie James. Mais ces permis n'ont pas été
renouvelés. C'est le renseignement que j'ai quant au point numéro
1.
Quant au point numéro 2, quelques jalonnements minéraux
auraient été accordés dans le sud de la baie d'Hudson. Et
troisièmement...
M. MORIN: En quelle année?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas les renseignements.
M. MORIN: Enfin, est-ce que c'est récent ou ancien?
M. LEVESQUE: Si je n'ai pas les renseignements, je ne les ai pas. Les
permis de gaz et de pétrole qui sont plus au nord ont été
accordés dans la baie d'Hudson.
M. MORIN : C'est de cela que je vous parlais. C'est cela qui a
été porté à ma connaissance. Est-ce que ces permis
de pétrole et de gaz sont récents?
M. LEVESQUE: Ce serait, dans le dernier cas qui intéresse le chef
de l'Opposition, relativement récent.
M. MORIN: C'est ce que je pensais aussi. Est-ce que vous pourriez nous
décrire l'étendue de l'aire dans laquelle il existe des permis
fédéraux?
M. LEVESQUE: II y aurait également des permis de gaz et de
pétrole au nord de la baie d'Ungava qui auraient été
accordés et encore là, dans une période relativement
récente.
M. MORIN: Cela est encore plus près du territoire
québécois.
M. LEVESQUE: Effectivement. On m'indique que cela serait beaucoup plus
à l'extérieur, dans la mer du Labrador plutôt que du
côté de la baie d'Ungava.
M. MORIN: Ah bon! Dans la mer du Labrador, c'est-à-dire
passé la ligne qui va de l'île Resolution à la
péninsule Button; c'est bien cela?
M. LEVESQUE: Je vois Resolution.
M. MORIN: Je vois M. Brière qui dit que oui.
M. LEVESQUE: A l'est de l'île Resolution.
M. MORIN: A l'est de l'île Resolution. De toute façon,
c'est en dehors des eaux canadiennes, dans les eaux territoriales, ce ne sont
pas les eaux intérieures.
M. LEVESQUE: On m'informe que dans la baie James, elle-même, et
dans la baie d'Ungava, elle-même, il n'y a pas de permis
présentement.
M. MORIN: Mais il y en a dans la baie d'Hudson?
M. LEVESQUE: Dans le nord de la baie d'Hudson.
M. MORIN: Est-ce que le ministère était au courant de cela
et est-ce qu'il a fait des représentations au pouvoir
fédéral à ce sujet?
M. LEVESQUE: Nous tombons encore dans le contenu, à ce moment-ci,
dans la responsabilité d'un autre ministère.
M. MORIN: Mais non! M. le Président, je regrette, mais il ne
faudrait pas que le ministre, à chaque fois que cela touche
également la compétence d'un autre ministère, se cache
derrière ce paravent. Cela touche aux relations
fédérales-provinciales.
Je veux poser une autre question au ministre, pour faire avancer un peu
le débat. Est-ce que les permis en question sont situés à
l'intérieur d'une zone revendiquée par le Québec?
M. LEVESQUE: En partie.
M. MORIN: En partie. Le ministère était au courant de
cela?
M. LEVESQUE: Le ministère était au cou-
rant que le fédéral posait certains gestes d'occupation
comme nous en posions de notre côté.
M. MORIN: Comme vous en posiez sur la terre ferme?
M. LEVESQUE: Je viens de parler de l'exemple d'une île, non de la
terre ferme. Est-ce qu'on va être obligé de faire un dessin?
M. MORIN: Une île, c'est un espace émergé. Si je
comprends bien, le Québec n'a pas accordé de permis dans la
même zone.
M. LEVESQUE: Vous devriez poser la question au ministère qui
émet les permis. Au ministère, ici, nous n'émettons pas de
permis.
M. MORIN: Non, je le sais bien, mais vous êtes certainement au
courant.
M. LEVESQUE: J'ai relu justement les questions que vous avez
posées vous-même au ministère des Richesses naturelles
durant l'heure du lunch. Vous répétez exactement les mêmes
questions.
M. MORIN: Sur la baie d'Hudson?
M. LEVESQUE: Sur la question des droits miniers sous-marins.
M. MORIN: Dans la baie d'Hudson?
M. LEVESQUE: Sur la question de la société
fédérale...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ...d'industrie pétrolière Pe-trocan...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ...vous êtes revenu encore avec les mêmes
questions. Vous faites perdre le temps de la commission, vous faites perdre le
temps de la Chambre.
M. MORIN: M. le Président, c'est mon privilège.
M. LEVESQUE: Les travaux parlementaires sont retardés par la
répétition des mêmes questions.
M. MORIN: Si je ne suis pas satisfait des réponses du ministre
des Richesses naturelles, comme c'était le cas, j'ai le droit de revenir
sur la question.
M. LEVESQUE: Au contraire. Le ministre des Richesses naturelles vous a
donné toutes les réponses dont vous aviez besoin.
M. MORIN: Cela est votre avis. Ce n'est pas le mien.
M. LEVESQUE: Vous avez passé un temps incalculable, les uns
après les autres, un temps infini à interroger le ministre des
Richesses naturelles. Cela n'a fini qu'hier soir, le contre-interrogatoire du
ministre des Richesses naturelles.
M. MORIN: Je veux rassurer le ministre. Nous allons prendre
également ici tout le temps qui est requis pour éclairer
l'Opposition.
M. LEVESQUE: Prenez le temps qu'il vous faut.
M. MORIN: Merci! Je demande au ministre, étant donné que
nous sommes en présence de permis fédéraux dans la zone
revendiquée par le Québec: Est-ce que votre ministère a
fait des représentations au pouvoir fédéral à ce
sujet? Cela n'a pas été traité aux Richesses naturelles.
Et si cela l'avait été, je vous poserais la question quand
même.
M. LEVESQUE: On me fait remarquer, et je pense bien que le
député est au courant de cela, que nous n'avons pas de
prétention de caractère juridique comme tel sur ce territoire
M. MORIN: Non? Quel genre de prétention de revendication
avez-vous?
M. LEVESQUE: II y a un désir d'entente entre les trois provinces
et le gouvernement fédéral pour voir reconnaître une
certaine extension de notre territoire respectif sur ce territoire.
M. MORIN: Oui, c'est cela.
M. LEVESQUE: Mais le territoire, d'après mes conseillers
juridiques, ne nous donne pas présentement le droit, par exemple,
d'émettre des permis sur le territoire.
M. MORIN: Oh là là! C'est compliqué, cette affaire
!
M. LEVESQUE: La loi de 1912 serait très claire à ce
sujet.
M. MORIN: La loi de 1912 fait en sorte que le territoire du
Québec se termine le long de la berge, n'est-ce pas?
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Bon! Au-delà, ce sont les territoires du
Nord-Ouest.
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Ce matin, vous nous avez dit que le Québec a des
revendications d'ordre territorial et qu'il s'est mis d'accord, sur ces
revendications, avec les autres provinces. J'essaie de voir maintenant si vous
avez eu une attitude conforme à vos revendications.
M. LEVESQUE: C'est-à-dire que nous avons convenu de demander une
extension de nos territoires respectifs pour englober ces territoires.
Mais nous n'avons pas de compétence, présentement, sur le
plan juridique pour donner des permis dans ces territoires qui sont
présentement des territoires fédéraux.
M. MORIN : Pendant ce temps, le pouvoir fédéral est en
train d'accorder des permis et de vous mettre devant le fait accompli. C'est
bien ce qui se passe?
M. LEVESQUE: C'est vous qui le dites. M. MORIN: Mais vous l'admettez,
j'imagine. M. LEVESQUE: Je n'admets rien. M. MORIN: Oui?
M. LEVESQUE: Ce n'est pas à moi de juger les intentions du
gouvernement fédéral. Libre au chef de l'Opposition d'être
le grand juge.
M. MORIN: Non. Ce n'est pas à vous, agneau innocent que vous
êtes? Je ne tiens pas à être le grand juge, pas plus que
vous. Je tiens tout simplement à ce que vous preniez la défense
systématique des intérêts du Québec.
M. LEVESQUE: C'est ce que nous faisons en pratique.
M. MORIN: Oui, mais alors dans ce cas, qu'est-ce que vous avez fait? Je
vous dis que le pouvoir fédéral est en train de vous mettre
devant des faits accomplis, une fois de plus. Qu'est-ce que vous allez
faire?
M. LEVESQUE: Est-ce que ce territoire a déjà
été dans le domaine québécois?
M. MORIN : Votre conseiller pourrait vous donner la réponse.
C'est non.
M. LEVESQUE: Bon.
M. MORIN: Sauf, attention, du temps de la Nouvelle-France: mais c'est
une autre histoire.
M. LEVESQUE: Retournez dans le temps. Vous êtes bon dans cela.
M. MORIN: Depuis lors, cela a toujours été territoire
britannique c'est un fait jusqu'en 1870, jusqu'à ce que
cela passe au territoire fédéral. C'est bien cela, M.
Brière? Maintenant, dites donc au ministre la signification de l'octroi
des permis par le pouvoir fédéral dans cet espace
revendiqué par le Québec.
M. LEVESQUE: Cela ne change pas, juridiquement, la
propriété des territoires en question, le fait, pour le
gouvernement fédéral, d'émettre des permis dans le
territoire.
M. MORIN: Ah non?
M. LEVESQUE: Pas du tout.
M. MORIN : Cela ne change pas la position juridique? Consultez Me
Brière, je vous en prie.
M. LEVESQUE: J'ai dit tout à l'heure... M. MORIN: Vous me
désarmez.
M. LEVESQUE: ... que cela constituait, évidemment, des actes
d'occupation de part et d'autre, ceux que nous avons posés à
l'île Fort George et ceux qu'ils ont posés ailleurs tel que je
l'ai mentionné.
M. MORIN : Et qu'est-ce que vous allez faire maintenant parce que vos
actes d'occupation sur territoire émergé sont loin d'avoir la
signification de l'octroi des permis sur le territoire submergé? Le
ministre en conviendra. Alors, qu'est-ce que son ministère fera
maintenant?
M. LEVESQUE: Notre ministère va continuer de négocier avec
le gouvernement de l'Ontario et avec le gouvernement du Manitoba afin de
présenter un front commun vis-à-vis du gouvernement
fédéral, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant.
M. MORIN : Et pendant ce temps, le pouvoir fédéral va
continuer d'octroyer des permis.
M. LEVESQUE: Qu'est-ce qui l'empêche?
M. MORIN: Vous voyez l'importance d'avoir des principes directeurs et de
poser des questions globales.
Encore là, je ne sais combien cela fait de fois que je le
constate, à la suite de vos explications, l'empirisme joue contre le
Québec, parce que, quand vous posez les questions, seulement au niveau
empirique je ne dis pas qu'il ne faut pas les poser à ce niveau
mais quand vous persistez à ne les poser qu'à ce niveau,
vous aboutissez invariablement au même résultat. Dans les faits,
le Québec est tout simplement mis de côté,
écarté et Ottawa s'installe. C'est cela qui est en train de se
produire une fois de plus.
M. LEVESQUE: Ce que le chef de l'Opposition dit présentement est
contraire aux faits. Lui-même mentionnait, il y a quelques instants,
que depuis 1912, la loi de 1912, les territoires se limitaient aux
berges. Lui-même l'a admis.
M. MORIN: Oui, c'est cela.
M. LEVESQUE: Alors, nous sommes devant un fait qui existe. Nous n'avons
pas cédé le territoire. Ce que nous essayons plutôt, c'est
d'en gagner.
M. MORIN: Oui?
M. LEVESQUE: Si nous restions chez nous, les deux bras croisés,
nous dirions: Nous avons protégé le Québec tel qu'il est,
selon les frontières reconnues. Nous avons fait notre devoir. Nous
allons plus loin que cela. Nous voulons acquérir des territoires
additionnels pour le Québec. Mais ce n'est pas correct. Est-ce qu'il
faudrait mettre sur pied une flotte militaire et commencer les
bombardements?
M. MORIN: Non, mais ce matin, vous m'avez dit que ce dossier
était en veilleuse. Ce dossier...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas le mot "veilleuse", je n'ai jamais
employé ce mot de ma vie.
M. MORIN: En tout cas, ce n'est pas une de vos priorités.
M. LEVESQUE: Ah!
M. MORIN: Pendant ce temps, il se passe des choses.
M. LEVESQUE: On ne peut pas avoir toutes des priorités dans tous
les domaines.
M. MORIN: Est-ce que le ministre peut du moins nous assurer...
M. LEVESQUE: On a dit que les circonstances actuelles au
fédéral faisaient que le dossier était inactif à ce
moment-ci. Si vous ne comprenez pas ce que cela veut dire...
M. MORIN: Cela fait combien de temps qu'il est inactif, M. le ministre?
Je ne veux pas insister. J'ai encore une ou deux questions et nous allons
passer à autre chose.
M. LEVESQUE: Janvier 1973, une dernière rencontre.
M. MORIN: Cela fait donc plus d'un an qu'il est inactif?
M. LEVESQUE: Bien, inactif. Attendons les réactions.
M. MORIN: Une dernière question.
M. LEVESQUE: II n'y a peut-être pas eu de rencontre, mais il y a
eu plusieurs appels téléphoniques, etc., entre fonctionnaires
depuis ce temps.
M. MORIN: Est-ce que le ministre peut me dire, peut simplement rassurer
l'Opposition et nous dire qu'il va suivre ce dossier de très
près?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention de privilégier ce dossier
par rapport à tous les autres dossiers que nous avons, mais, comme
d'habitude, nous allons continuer, je ne le ferai pas seul, parce que nous
avons une équipe qui travaille continuellement sur les très
nombreux dossiers que nous avons au ministère des Affaires
intergouvernementales, et nous allons sûrement le suivre de
près.
M. MORIN: Merci. C'est tout pour l'instant, M. le ministre.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais maintenant entreprendre
avec le ministre des Affaires intergouvernementales un survol du bilan des
relations intergouvernementales dans le domaine culturel et vérifier,
tout en m'en tenant au fait que nous sommes à étudier les
crédits d'un ministère bien particulier qui s'appelle les
Affaires intergouvernementales, le rôle que le gouvernement a
dévolu et les travaux qui incombent au ministère des Affaires
intergouvernementales dans la réalisation de ce saucisson que le premier
ministre a baptisé souveraineté culturelle.
D'abord, M. le Président, je dois dire que, suite à une
fuite également, puisque le gouvernement s'entête à ne pas
déposer ce bilan...
M. BOSSE: Vous avez changé de menu, hier, c'était...
M. CHARRON: ... nous avons mis la main sur un article de journal, comme
tous les citoyens, en date du 2 mai 1973, qui n'est probablement pas je
le dis tout de suite avant que le ministre m'interrompe un extrait de
bilan même, mais qui a quand même été, à une
époque, un matériau de base qui a servi d'édification au
bilan. Le ministre est maintenant parfaitement libre de me dire si ces
affirmations contenues dans le matériau de base ont été
retenues dans le bilan définitif et, s'il peut me le confirmer, j'aurais
amplement l'information que je cherche.
Dans ce matériau de base, M. le Président, les
fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales qui ont
travaillé à sa rédaction affirment que certains programmes
fédéraux donnent l'impression que le gouvernement
fédéral veut devenir le protecteur des minorités
linguistiques du pays. Cette impression, disent-ils, est à l'issue d'un
certain nombre de faits et
de dossiers qu'ils sont suivis. Certains négatifs, d'autres
positifs. Mais, comme ligne politique, on découvre finalement que c'est
sur le terrain linguistique, c'est cette vocation que le gouvernement central
s'est donnée. D'ailleurs, M. le Président, puis-je ajouter, en
dehors de ce document, que le jugement rendu par la cour Suprême, qui
déboutait le maire Jones de sa demande de révocation ou
d'annulation de la Loi des langues officielles, portait à peu
près le même genre d'affirmation, c'est-à-dire qu'il
réservait au gouvernement fédéral à peu près
ce genre de rôle. Ensuite, plus près de nous, les réactions
fédérales au dépôt du projet de loi no 22 ont
été unanimes, dans le sens qu'elles ont toutes pris les positions
qu'évoquait, à mon avis en exagérant, la minorité
anglophone de Montréal. Vous me direz: Ils sont en élection et la
majorité de ce pays est anglaise. J'en conviens. Bien sûr que le
Québec n'est pas la proie intéressante pour une élection
fédérale. J'en conviens également. La majorité des
votes se trouve ailleurs. J'en conviens. Trudeau a été battu dans
neuf autres provinces, il doit aller chercher du vote anglais. J'en conviens.
Mais peu importe, M. le Président.
M. LEVESQUE: A quelle page des crédits est-ce qu'on voit
cela?
M. CHARRON: Attendez un peu.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas demandé d'argent à la commission
ni de voter les crédits pour ce genre de "jasage". Je me demande ce que
cela vient faire ici.
M. CHARRON: Vous allez voir. Cela va être très clair.
Les réactions fédérales nous ont donc
indiqué qu'unanimement, francophones comme anglophones, une fois dans le
système fédéral, adoptaient cette position de
défenseur des minorités linguistiques. Le gouvernement
fédéral a déjà, au niveau de son secrétariat
d'Etat, des programmes qui ont été renouvelés, reconduits
cette année, d'aide aux minorités linguistiques. Dans neuf
provinces sur dix, il s'agit des minorités francophones, mais croyez-le
ou non, M. le Président, la minorité anglaise de Montréal
et du Québec est aussi bénéficiaire pour sa survie de dons
du gouvernement fédéral. Or, M. le Président, tous ces
indices, y compris ceux que j'ai évoqués autour du bill 22,
viendraient donc confirmer que cette position politique du Québec... Je
veux demander maintenant au ministre des Affaires intergouvernementales si,
dans la préparation de la législation linguistique qui est
actuellement déposée, son ministère, par l'entremise de
ses hauts fonctionnaires, a eu en quelques occasions des discussions quant
à l'établissement de cette politique linguistique avec le
gouvernement central?
M. LEVESQUE: Non.
M. CHARRON: Aucune?
M. LEVESQUE: Pas à ma connaissance.
M. CHARRON: Y a-t-il dans le ministère des Affaires
intergouvernementales, avant que le gouvernement statue sur son projet
linguistique, eu des études sur la compétence ou la juridiction
québécoise pour rappeler l'article 133 de la constitution?
M. LEVESQUE: Ces études auraient été faites dans le
cadre des travaux de la Commission Gendron.
M. CHARRON: Les travaux, les études faits dans le cadre de la
commission Gendron avaient conclu selon M. McWhinney qui le
répétait à nouveau, de Vancouver, mais dans le Montreal
Star de samedi dernier à la possibilité juridique pour le
Québec de modifier l'article 133 de la constitution. Puisque le
gouvernement a décidé de ne pas modifier l'article 133 de la
constitution, était-il en possession d'autres avis qui lui affirmaient
le contraire de ce que M. McWhinney a affirmé?
M. LEVESQUE: Sur le plan technique, ceci relève du
ministère de la Justice. D'ailleurs, mon sous-ministre me rappelle qu'il
avait fait lui-même certains travaux sur cette question mais pas au
ministère des Affaires intergouvernementales.
M. CHARRON: Est-ce que le ministère des Affaires
intergouvernementales n'a été partie en rien à
l'élaboration du projet de loi 22?
M. LEVESQUE: II faudrait éliminer le ministre. Mais le
ministère comme tel, non.
M. CHARRON: Y compris dans les modifications éventuelles à
la constitution, aucun conseiller juridique du ministère des Affaires
intergouvernementales n'a été appelé à soumettre un
avis ou une étude sur l'opportunité de modifier certains aspects
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique?
M. LEVESQUE: Je ne veux pas entrer dans la discussion du bill 22, mais
je ne vois pas que le bill 22 lui-même, dans le texte que nous avons,
suggère une modification d'ordre constitutionnel.
M. CHARRON: II ne le fait pas.
M. MORIN: II maintient l'article 133 du "B.N.A. Act".
M. CHARRON: Selon la Commission Gendron, il devrait le faire.
M. LEVESQUE: Dès la semaine prochaine, vous allez avoir une
liberté d'expression complète là-dessus.
M. CHARRON: Non, si vous ne voulez pas...
M. LEVES QUE: Si vous voulez, on va s'en tenir aux relations
fédérales-provinciales, l'élément 1 du
programme...
M. MORIN: Exactement.
M. CHARRON: Exactement, mais je suis à vérifier
l'activité du ministère des Affaires intergouvernementales au
cours de la dernière année et éventuellement au cours de
la prochaine. Je veux savoir si, dans l'étude de ces crédits, par
exemple, certains fonctionnaires du ministère des Affaires
intergouvernementales pourraient être appelés à faire une
étude sur l'utilisation du français comme langue de travail dans
l'administration fédérale en territoire québécois,
par exemple. Est-ce que c'est possible au niveau...
M. LEVESQUE: Lorsqu'il y a des questions d'ordre juridique comme
celle-là, elles sont référées au ministère
de la Justice. Cela entre beaucoup plus dans le contexte du travail du
ministère de la Justice que dans celui des relations
fédérales-provinciales.
M. CHARRON: Le régime je ne me souviens plus de son nom
par lequel le secrétariat d'Etat du Canada appuie
financièrement l'existence, la survie de certaines minorités
depuis maintenant quelques années. Ce programme fédéral
a-t-il été analysé, scruté, a-t-il donné
lieu d'après le ministère des Affaires intergouvemementales,
à des représentations? De quel ordre? Et avec quel
résultat?
M. LEVESQUE: II faut dire que nous-mêmes, nous avons un programme
vis-à-vis des minorités et nous avons des activités non
seulement au Québec, mais dans tout le Canada, quant à certaines
assistances d'ordre technique, même d'ordre financier...
M. CHARRON: Mais cette aide est en diminution constante chaque
année.
M. LEVESQUE: ...aidant les minorités francophones à
l'extérieur du Québec. Il y a de l'assistance, on le verra tout
à l'heure, qui a été accordée à certaines
presses et justement, c'est le contraire de ce que le député
vient de dire, on l'a augmentée. Le budget de la coopération
interprovinciale a doublé. Mais je pense...
M. CHARRON: Au chapitre de l'aide aux minorités francophones?
M. LEVESQUE: ...ce à quoi réfère probablement le
député de Saint-Jacques se retrouve au ministère des
Affaires culturelles avec le Canada français d'outre-frontières
et ses programmes. Je pense que ce serait mieux d'en parler à cet
endroit; il a probablement fait cela déjà.
M. CHARRON: Mais ce n'est pas cela ma question. Moi, je ne vous parle
pas de ce que le gouvernement du Québec fait pour les minorités
à l'extérieur, je parle de ce que le gouvernement
fédéral fait pour la minorité chez nous. Est-ce que cette
action du gouvernement fédéral, ce programme
fédéral qui s'applique sur le territoire québécois,
cette aide culturelle à...
M. LEVESQUE: ...à l'ensemble des préoccupations...
M. CHARRON: ...l'existence des minorités chez nous.
M. LEVESQUE: ...du ministre des Affaires culturelles et j'ai
déjà exprimé sur le sujet, nous avons analysé,
discuté, comme dirait le député de Saint-Jacques, toutes
les implications de ce genre d'intervention. Mais cela fait partie, quant
à nous, d'une préoccupation particulière au ministre des
Affaires culturelles et à la question culture en
général.
M. CHARRON: L'étude a été conduite au
ministère des Affaires culturelles ou au ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. LEVESQUE: Le ministre des Affaires culturelles a d'ailleurs
annoncé dans son discours, il y a quelques semaines, certaines de ces
préoccupations et même certaines interventions qu'il avait
l'intention de faire...
M. CHARRON: Oui. Ne vous inquiétez pas, je vais en parler.
Justement...
M. LEVESQUE: Parlez-en aux Affaires culturelles.
M. CHARRON: Je vais en parler.
M. LEVESQUE: On a convenu que nous ne toucherions pas ici, au
contenu...
M. CHARRON: Mais je vous parle pas du contenu...
M. LEVESQUE: Non.
M. CHARRON: Je vous ai posé une question bien précise. Le
programme fédéral...
M. LEVESQUE: Ecoutez je vous l'ai dit précisément.
M. CHARRON: Le programme fédéral d'aide je ne sais
pas comment il s'appelle culturelle aux minorités, enfin tout le
monde sait de quoi je veux parler, il a été renouvelé il y
a encore quelques semaines... Si j'avais le nom exact, je vous le donnerais,
mais tout le monde sait de quoi je parle.
M. LEVESQUE: Programme d'animation socio-culturelle.
M. CHARRON: D'animation socio-culturelle des minorités, c'est
ainsi qu'on l'appelle? Cela a suivi la loi de la langue officielle ou sur les
langues officielles, je pense. Ce programme s'applique au Québec, vous
venez de l'affirmer, je crois qu'il a déjà été
scruté par votre ministère ou par celui des Affaires
culturelles?
M. LEVESQUE: Quoi?
M. CHARRON: Là, cela va être lent son affaire.
M. MORIN: Le député demande s'il a été
examiné par votre ministère.
M. LEVESQUE: II a été examiné conjointement par les
deux ministères.
M. CHARRON: Conjointement par les deux ministères. Qui a fait
l'étude dans votre ministère?
M. LEVESQUE: C'est au sein du module des affaires culturelles et
éducatives au ministère, ceux qui font de la recherche dans ce
domaine.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre a été saisi par la
suite d'un document qui l'invitait à se prononcer sur le
bien-fondé d'une pareille politique en territoire
québécois?
M. LEVESQUE: Justement, on est en voie de monter ce dossier.
M. CHARRON: Quelles sont leurs conclusions, actuellement?
M. LEVESQUE: Ils ne sont pas arrivés aux conclusions, ils sont en
train de préparer le dossier.
M. CHARRON: Cela fait trois ans que dure le programme, il vient
d'être renouvelé pour la troisième année, je
pense.
M. MORIN: C'est un peu évasif, comme réponse.
M. LEVESQUE: Oui, parce que, du moment qu'on touche le contenu...
M. CHARRON: Ce n'est pas le contenu. Arrêtez cela, je ne suis pas
en train de parler de contenu. Il y a une politique fédérale qui
s'applique ici au Québec. On est au chapitre des relations
fédérales-provinciales. Le rôle du gouvernement
québécois, je pense, autant on l'a fait dans le chapitre
économique, est d'étudier les actions fédérales
là-dessus.
M. LEVESQUE: Dans le domaine culturel, la position du Québec est
claire, le premier ministre l'a dit sans aucune équivoque.
M. CHARRON: Devant les slogans du pre- mier ministre, ce que je suis en
train de faire ici, c'est de voir à ce que, concrètement, ils se
réalisent, ces...
M. MORIN: Du concret.
M. LEVESQUE: Justement, si on veut prendre la question culturelle, ne la
prenons pas en pièces détachées, prenons la question sur
les propositions faites par le Québec dans le domaine de la culture.
M. CHARRON: Nous allons en faire, nous allons en parler, ne vous
inquiétez pas. J'ai des questions pour jusqu'à demain.
M. LEVESQUE: Le Québec a déjà indiqué qu'il
voulait exercer des pouvoirs dans onze domaines précis.
M. CHARRON: Oui.
M. LEVESQUE: Planification d'ensemble, développement des
réseaux et des services, utilisation du sol, propriété,
normes techniques et normes de service, contenu et programmation,
accessibilité, recherche, publicité, équilibre
linguistique, présence internationale. Il a proposé un nouveau
partage des responsabilités nationales au niveau du Canada, des
responsabilités du gouvernement fédéral et celles du
gouvernement du Québec, etc.
M. CHARRON: Tout cela.
M. LEVESQUE: Tout cela. C'est en blanc et noir, mais c'est le
contenu.
M. CHARRON: Je ne veux pas entrer là-dedans.
M. LEVESQUE: Parce que c'est du positif, vous ne voulez pas entrer
là-dedans.
M. CHARRON: Je suis...
M. LEVESQUE: Ce sont les positions connues du gouvernement du
Québec. Le ministère des communications et le ministère
des Affaires culturelles, tour à tour...
M. CHARRON: Quand j'entre dans le contenu, vous me dites que cela
relève des Affaires culturelles. Vous m'invitez maintenant à y
entrer parce que c'est du positif. Branchez-vous. Si vous me faites
l'invitation de prendre point par point les onze points que vous allez faire,
j'ai les documents ici pour y entrer et on va le faire.
M. LEVESQUE: Si vous pouvez les avoir du ministère des Affaires
culturelles, vous devez les avoir du ministère des Communications.
M. CHARRON: Si vous nous renouvelez
cette invitation, je vais le faire. Je suis en train de vérifier
l'utilisation des crédits qu'on vous a votés l'année
dernière et que vous nous demandez de vous voter encore. Une certaine
somme de ces crédits a été utlisée pour
étudier la répercussion qu'avait ici, un programme
fédéral d'aide aux minorités.
Ce que je vous demande, comme ministre responsable, si vous
l'êtes, c'est de me dire quelles conclusions cette étude a
apportées.
M. LEVESQUE: Ecoutez, il faut bien comprendre que les ministères
maîtres d'oeuvre, d'une part, celui des Communications, d'autre part,
celui des Affaires culturelles possèdent les effectifs suffisants pour
faire une étude beaucoup plus complète que les trois ou quatre
personnes que nous avons au ministère, au module s'occupant des Affaires
culturelles.
M. CHARRON: Vous m'avez dit que cela avait été...
M. LEVESQUE: Ce que nous faisons, c'est un travail de coordination. Ce
n'est pas une étude en profondeur de chacun des dossiers
mentionnés par le député, sauf en collaboration avec le
ministère sectoriel.
M. CHARRON: Bien.
M. LEVESQUE: Nous le faisons, cela.
M. CHARRON: Dans le domaine...
M. LEVESQUE: Nous n'arriverons pas à des conclusions avant le
ministère sectoriel. Nous le faisons conjointement avec le
ministère sectoriel.
M. CHARRON: Actuellement, le ministre des Affaires
intergouvernementales, même si quelques-uns de ses fonctionnaires ont
fait conjointement avec ceux du ministère sectoriel une analyse de la
répercussion de ce programme, n'a pas d'opinion sur l'utilité de
ce programme pour le Québec, si j'ai bien compris.
M. LEVESQUE: Je ne crois pas opportun, à ce moment-ci, alors que
le dossier est en train de se construire, d'arriver à des conclusions ou
d'émettre des opinions qui ne seraient que des opinions personnelles,
mais non pas des opinions basées sur un dossier complet.
M. CHARRON: Quand allez-vous avoir une opinion personnelle sur quelque
chose?
M. LEVESQUE: J'ai souvent des opinions personnelles sur bien des choses,
mais je suis peut-être plus prudent que le député de
Saint-Jacques, quant à l'expression de ces opinions personnelles.
M. CHARRON: Et si cette prudence était simplement de la peur?
M. LEVESQUE: On peut avoir peur de se tromper.
M. CHARRON: Comme vous avez peur de publier le bilan?
M. LEVESQUE: Pas du tout. Justement. Il ne faut pas confondre les
politiques, les volontés gouvernementales avec certains sentiments qu'il
est enfantin, évidemment, d'apporter ici: Vous avez peur de publier le
bilan. Nous ne croyons pas qu'il soit d'intérêt public... Nous ne
croyons pas servir l'intérêt des Québécois en
publiant un instrument de travail au ministère. C'est clair! Je l'ai dit
ce matin. Je ne change pas d'avis cet après-midi.
M. CHARRON: Vous ne voulez même pas nous dire...
M. MORIN: Vous êtes très négatif.
M. CHARRON: On ne peut pas savoir si l'argent que nous avons voté
l'année dernière qui a servi, en collaboration avec le
ministère des Affaires culturelles, à étudier ce
programme... On ne peut pas connaître le résultat.
M. LEVESQUE: Ecoutez, ce n'est pas grâce à vous si on a eu
des crédits. IL y avait même une suggestion qu'on baisse le budget
à $1.
M. CHARRON : Admettez que j'ai fortement la même intention de le
faire.
M. LEVESQUE: Faites-le donc encore. Cela n'a pas changé grand
chose la dernière fois.
M. CHARRON: Non, je sais que cela ne change rien. Vous non plus, vous
n'avez rien changé depuis un an. La preuve, c'est qu'on se retrouve
exactement à la même place.
M. LEVESQUE: Vous allez vous retrouver encore pour deux ou trois ans
à la même place. Après cela, vous verrez la place que vous
occuperez.
M. CHARRON : Oui, certainement.
M. MORIN: En attendant, le ministre a la responsabilité des
Affaires intergouvernementales.
M. LEVESQUE: Certainement.
M. MORIN: Le ministre n'est pas capable de nous donner des
réponses précises sur des questions importantes.
M. LEVESQUE: J'ai même précédé les questions
de l'honorable chef de l'Opposition, parce que je lui ai donné les
activités du ministère dans tous les domaines dans les notes
préliminaires.
M. MORIN: Oui. Mais sur ce point, vous êtes incapable de nous
renseigner, et de nous dire exactement quelle est la position du
Québec.
M. LEVESQUE: J'ai dit que cette question était
étudiée conjointement par les ministères sectoriels, en
conjonction et avec le concours du ministère des Affaires
intergouvernementales à l'intérieur du module des Affaires
culturelles.
M. MORIN: Oui. Cela fait trois ans que cela dure, et vous êtes
incapable de nous donner...
M. LEVESQUE: Et cela va continuer.
M. MORIN: Pour combien d'années encore?
M. LEVESQUE: Le temps que cela prendra.
M. MORIN: Oui. Cinq ans? Dix ans? M. PARENT (Hull): Dix ans.
M. LEVESQUE: Le temps que cela prendra.
M. MORIN: Pendant ce temps, le fédéral aura
continué d'occuper ce domaine, comme tous les autres.
M. LEVESQUE: Quel est le domaine dont parle le chef de l'Opposition?
M. MORIN: Nous parlons du domaine linguistique en ce moment, la
protection des minorités, des programmes d'animation des
minorités.
M. LEVESQUE: Je pensais que le chef de l'Opposition l'avait
oublié.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai en main un document...
M. LEVESQUE: Un autre?
M. CHARRON: Oui. Vous le connaissez celui-là. Ce document affirme
que le Québec se trouve dans l'impossibilité d'établir sa
propre politique culturelle actuellement. On fait état des relations
fédérales-provinciales en particulier ce qui touche
directement le ministre de la priorité des provinces, des budgets
dix fois supérieurs du gouvernement fédéral pour
intervenir dans le champ québécois qui ne possède...
M. LEVESQUE: Est-ce que c'est le document que le ministre de
l'Education...
M. CHARRON: A signé.
M. LEVESQUE: Non, n'avait pas signé, justement. Tout cela a
été discuté. C'est du réchauffé.
M. CHARRON: On va le reprendre.
M. LEVESQUE: Si je me rappelle bien, le ministre de l'Education n'en
avait pas accepté la paternité.
M. CHARRON: Non. Comme vous refusez d'ailleurs à peu près
toute paternité de documents qui prouveraient que le
fédéralisme n'est pas favorable aux Québécois.
M. LEVESQUE: Non, si j'ai signé un document, je vais le
reconnaître. Mais si ma mémoire est fidèle, le ministre de
l'Education...
M. CHARRON: Pour ne pas avoir à faire cela, vous ne les
déposez pas!
M. LEVESQUE: ... a nié que ce soit un document signé par
lui.
M. MORIN: C'est comme le bilan. Vous ne le déposez pas...
M. CHARRON: ... pour ne pas avoir la paternité.
M. MORIN: ... mais, par ailleurs, s'il y avait des fuites, vous diriez
que ce n'est pas de votre ministère et que vous n'en assumez pas la
paternité. On toune toujours en rond.
M. CHARRON : Comme il a fait pour chacun des documents qu'on a.
M. MORIN: C'est cela.
M. PERREAULT: Vous n'avez pas essayé d'avoir des fuites pour le
bilan?
M. CHARRON: Pardon?
M. PERREAULT: Vous n'avez pas essayé d'avoir des fuites pour le
bilan?
M. CHARRON: Mais dans ce domaine, peu importe qu'il ait
été signé par le ministre des Affaires culturelles de
l'époque ou qu'il ne l'ait pas été chacun sait la
valeur de sa signature maintenant dans ce programme
d'établissement d'un nouveau contrat culturel c'est ainsi qu'on
appelle cela maintenant; le vocabulaire évolue beaucoup, mais la
situation n'évolue pas qui simble être la solution magique,
après avoir décrit dans 35 pages l'impossibilité pour le
Québec d'établir sa politique culturelle, on dit: "II faut
établir à la grandeur du Québec, dans tous les domaines du
champ culturel québécois, le truc de passe-passe qu'on a
réussi dans le cas frontière des musées..." et on en vient
dans ce document à parler de ce contrat. On nomme même, en
plusieurs points, les avantages que le Québec en retirerait, nous
dit-on. "La formule du contrat permettrait au Québec de négocier
une fois pour toutes ses exigences, de fixer définitivement ses
priorités. Elle lui éviterait de recommencer le même jeu
avec au-delà d'une demi-douzaine de ministères
et d'organismes. Elle éviterait au gouvernement canadien le souci
d'avoir à créer une superstructure' spéciale..." Tout le
monde se trouve satisfait.
Dans la réalisation de ce nouveau contrat social à la
Jean-Jacques Rousseau avec le gouvernement fédéral, quelle serait
la participation du ministère des Affaires intergouvernementales?
M. LEVESQUE: C'est justement une des questions qui fera l'objet d'une
étude et on me donne comme possible la date du 17 juin pour que le
dossier soit acheminé au niveau du comité de coordination des
relations intergouvernementales et le dossier serait prêt. Mais disons
qu'il n'a pas encore été étudié par ces hauts
fonctionnaires qui font partie du CCRI. Lorsqu'il aura été
étudié et colligé à ce niveau, il sera ensuite
acheminé vers le CIDA, qui est le comité interministériel
des Affaires intergouvernementales.
M. CHARRON: Ce dossier comportera point par point la proposition
québécoise pour l'établissement d'un nouveau contrat avec
le Canada au chapitre des affaires culturelles.
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de discuter du contenu
à ce moment...
M. CHARRON: Je ne parle pas du contenu. N'ayez pas peur tout de suite.
Je veux seulement savoir si ce dossier est effectivement la proposition
québécoise en affaires culturelles que le ministre des Affaires
culturelles amènera en vue d'établir un nouveau contrat avec le
gouvernement fédéral.
M. LEVESQUE: La position québécoise sera contenue dans le
document qui, finalement aura passé les diverses étapes qu'on a
mentionnées.
M. CHARRON: Mais ce document, sans entrer dans son contenu, fixe la
proposition québécoise pour fins de négociation avec le
gouvernement fédéral dans le but de l'établissement de la
souveraineté culturelle des Québécois.
M. LEVESQUE: Quitte à ce qu'il y ait des alternatives, comme dans
tout document de ce genre qui est à la base d'une négociation
éventuelle. Mais cela ne comporte pas évidemment tous les volets
de la culture. On parle du financement des arts et des lettres dans le dossier
que je viens de mentionner. Mais cela ne comprend pas le dossier des
communications comme telles.
M. CHARRON: Non, on parlera de cela plus tard. Financement des arts et
des lettres. Donc, la proposition québécoise est à
s'achever actuellement pour ensuite être l'objet de négociation
avec le gouvernement central sur les interventions fédérales dans
le domaine du financement des arts et des lettres. C'est exact?
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. CHARRON: Est-ce que cela a un contenu plus vaste?
M. LEVESQUE: Et toute la question des biens culturels.
M. CHARRON: Ah bon! Comme d'ailleurs le rapport de la commission des
biens culturels avait signalé l'urgence de régler ce
problème. Ce document sera-t-il rendu public?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. CHARRON: Ce document sera-t-il rendu public?
M. LEVESQUE: Non. Pas avant que nous procédions à la
négociation avec le gouvernement fédéral. A moins que le
ministre responsable du dossier juge à propos de le rendre public. C'est
une autre stratégie à ce moment et nous verrons. Nous ne nous
engagerons pas à ce moment-ci, avant même que le dossier ne soit
parvenu au stade mentionné. Nous ne nous engagerons pas quant à
la stratégie à suivre.
M. CHARRON: Est-ce que, du côté fédéral, le
ministre est informé si on en est également à la
préparation d'un projet de contrat également pour fins de
négociation ou si la demande québécoise arrivera et sera
jugée à la pièce?
M. LEVESQUE: Les intéressés sont très bien
prévenus au fédéral. Il y a plusieurs discussions
préliminaires qui ont eu lieu avec le gouvernement
fédéral. Quant à savoir quel est le contenu de leur...
M. CHARRON: Non, je ne vous demande pas cela.
M. LEVESQUE: Vous le demanderez... Vous avez des amis là-bas.
M. CHARRON: Vous ne savez même pas celui du Québec, je ne
suis pas pour vous demander si vous savez celui du fédéral.
M. LEVESQUE: Vous avez des amis là-bas, au NPD, s'il y en a
encore après.
M. CHARRON: Cette entente entre Ottawa et Québec pour la
présentation de deux mémoires pour fins de négociation,
date de quand?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. CHARRON: Cette entente qui fait qu'aujourd'hui vous en êtes du
côté québécois à la
préparation d'un document et au sujet de laquelle vous m'assurez,
du côté fédéral, qu'on est à faire la
même chose pour fins de négociation dans le domaine culturel, on
en est venu quand à prendre cette décision? Elle a
été prise quand? On s'est fixé quel calendrier?
M. LEVESQUE: Nous avons un calendrier pour la préparation de
dossiers, mais il n'y a pas de calendrier quant à l'entente.
M. CHARRON: Quand prévoit-on...
M. LEVESQUE: Je pense qu'il faudrait se référer aux
déclarations du ministre des Affaires culturelles et à ses
déclarations qui précisaient ce qu'il entendait faire. Je pense
qu'il a mentionné quelques semaines, mais il faudrait peut-être se
référer précisément à sa
déclaration.
M. CHARRON: Est-ce que les officiers du ministère des Affaires
intergouvernementales seront mêlés à la discussion?
M. LEVESQUE: Evidemment, nous y sommes et nous y serons.
M. CHARRON: Ces discussions qui porteront sur le financement des arts et
des lettres atteindront-elles également d'autres sphères de la
culture éventuellement qui ne seraient pas comprises actuellement dans
la négociation?
M. LEVESQUE: Lesquelles?
M. CHARRON: Par exemple, la radio-télévision.
M. LEVESQUE: Là, on touche les communications.
M. CHARRON: D'accord, je l'admets.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas du tout le même dossier. Je l'ai
mentionné tout à l'heure. Il y a la question des arts et des
lettres, il y a la question de l'immigration, il y a la question des
communications. Ce sont trois dossiers que j'ai mentionnés au tout
début de mes remarques lorsque vous n'étiez pas ici,
malheureusement. Mais le chef de l'Opposition doit se le rappeler. Cela fait
partie du bloc culturel.
M. CHARRON: La négociation sur les interventions
fédérales dans le domaine de la protection des biens culturels
est-elle comprise dans ce financement des arts et des lettres?
M. LEVESQUE: Oui.
M. CHARRON: C'est donc que vous avez une conception assez étendue
des arts et des lettres?
M. LEVESQUE: Le financement des arts et des lettres et la protection des
biens culturels.
M. CHARRON: Est-ce qu'il y a d'autres choses en plus de cela?
M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné tout à l'heure, le
député s'en souvient, cela fait à peu près cinq
minutes. On peut retourner à la transcription des débats et on
verra que je l'ai mentionné.
M. CHARRON: La position québécoise sur cette question sera
adoptée par le cabinet vers quelle époque, selon le ministre,
lorsque toutes les phases à l'intérieur du ministère
auront été accomplies et seront rapportées?
M. LEVESQUE: J'ai mentionné le 17 juin comme date du
dépôt du document préliminaire à un niveau
donné de fonctionnaires, mais je ne suis pas en mesure...
M. CHARRON: A quel niveau?
M. LEVESQUE: Du CCRI. Je ne suis pas en mesure de donner
présentement un calendrier.
M. CHARRON: A votre avis?
M. LEVESQUE: Non. Etant donné que je ne suis pas en mesure de le
dire, je ne suis pas pour m'engager à ce moment-ci.
M. CHARRON: Je ne vous demande pas de me dire l'heure où vous
allez le déposer. A quelle époque? Je devrais même vous
demander, à la vitesse où vous travaillez, en quelle
année?
M. LEVESQUE: Voulez-vous parler de....pri-maire, secondaire, tertiaire
ou quaternaire ou quoi? A quelle époque?
M. CHARRON: C'est parce que, vous voyez, je ne voudrais pas...
M. LEVESQUE: Je vous dis que je ne donnerai pas de date parce que je ne
sais pas quelle sera la réaction du CCRI vis-à-vis du dossier qui
sera présenté.
M. CHARRON: II se peut que cela recommence.
M. LEVESQUE: Je ne connais pas l'état de ce dossier, je ne
connais pas la valeur du dossier, je ne sais pas quelle sera la réaction
du CCRI et je ne peux pas me prononcer avant que le CCRI le présente au
niveau ministériel. Lorsqu'il sera présenté au niveau
ministériel, là encore, je ne sais pas quelle sera la
réaction de mes collègues et ma propre réaction
vis-à-vis des recommandations du CCRI. A ce moment-là, je
pourrais sans doute dire à quel moment cela pourrait venir au conseil
des ministres. Mais je ne suis pas en mesure de vous dire non plus l'heure ni
la date. Ce serait absolument présomptueux de ma part et même
imprudent.
M. CHARRON: Certainement imprudent. Vous vous le feriez dire à
l'autre bout de la table. Ce que je veux savoir, ce que je voudrais surtout qui
sorte clairement de la discussion que nous avons eue sur ce dossier
particulier, c'est qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir
tué. Actuellement, si j'ai bien compris, on en est aux études
liminaires et très premières. On ne sait même pas si,
à un moment donné, le CCRI ne vous obligera pas à
redescendre à un niveau.
M. LEVESQUE: Au contraire, il y a un mémoire très
fouillé avec des options très précises qui est
déjà en marche. Alors, ce n'est pas ce que vient de dire le
député.
M. CHARRON: Alors, si c'est très fouillé et très
précis et que c'est à la suite d'une longue étude, une
précision ne devrait pas tarder.
M. LEVESQUE: Cependant, je crois qu'il faut respecter les diverses
instances où le dossier doit être acheminé.
M. CHARRON: Bien sûr.
M. LEVESQUE: Je crois que ce serait être absolument irresponsable
que de préjuger des réactions de ceux qui sont appelés
à se pencher sur le dossier.
M. CHARRON: D'accord!
M. LEVESQUE: Le travail préliminaire nécessaire, les
matériaux de base sont rassemblés et le dossier devrait
être prêt à être soumis au cours du mois de juin au
CCRI. C'est ce à quoi nous nous attendons.
M. CHARRON: Je reviens à ma question de tout à l'heure,
sans espérer une réponse, mais je vous fais remarquer pourquoi je
vous posais la question tout à l'heure, si, effectivement, le dossier,
comme vous le dites, va être présenté au cours du mois de
juin et qu'il est très fouillé, très
détaillé, comme vous venez de me l'affirmer, qui fait donc suite
à une longue étude, ça permet aux citoyens
québécois d'espérer une décision plus rapide. Si
vous m'aviez affirmé, au contraire, qu'on en était aux
balbutiements, j'aurais pu prévoir...
M. LEVESQUE: Je ne blâme pas le député de
Saint-Jacques de s'enquérir justement des progrès
réalisés ou de l'état du dossier quant au ministère
des Affaires intergouvemementales, ça, je ne le blâme pas, au
contraire, je le félicite.
M. CHARRON: Si j'abordais la question des communications, dans l'angle
des relations fédérales-provinciales et sur un plan
stratégique, est-ce que le ministre des Affaires intergouvernementales,
responsable des relations entre le gouvernement central et le Québec,
considère le fait de déposer publiquement les demandes
québécoises, lors de la conférence
fédérale-provinciale des ministres des Communications, est
d'augure à aider au développement d'un dossier et à son
acheminement pour des résultats heureux?
M. LEVESQUE: Lorsque le ministre a déposé ses
propositions, cette prise de position du gouvernement du Québec, cela a
été fait après le cheminement mentionné tout
à l'heure pour la question du financement des arts et des lettres. La
réponse me semble assez claire, c'est que cette position a
été acceptée, cette stratégie a été
acceptée à tous les niveaux décisionnels.
M. CHARRON : Ce que j'essaie de savoir le ministre est assez
intelligent pour savoir où je m'en vais c'est que si vous
êtes d'accord et que vous jugez que la stratégie utilisée
sur le dossier des communications porte fruit, on peut prévoir,
présumer que le gouvernement québécois adoptera la
même stratégie avec son...
M. LEVESQUE: Pas nécessairement. Mais il est possible que nous en
arrivions aux mêmes conclusions. Mais c'est un dossier qui n'est pas
exactement comme l'autre, nous pouvons utiliser une stratégie
différente, mais je crois, encore là, qu'il s'agit de traverser
les diverses étapes que j'ai mentionnées tout à
l'heure.
M. CHARRON: Vous savez que depuis que ce document a été
déposé, il ne s'est rien produit dans le domaine
fédéral-provincial des communications. On en est au point mort.
Le ministre des Communications, votre collègue, me l'a affirmé en
toutes lettres l'autre jour, rien, il attend une réponse d'Ottawa.
M. LEVESQUE: II y a eu cet avantage-ci dans le domaine des
communications, après le dépôt des positions, la
publicité donnée aux députés de l'Opposition du
Québec, ç'a été que nous avons noté un
intérêt marqué de la part des autres provinces du Canada
pour la thèse du gouvernement du Québec et, à plusieurs
aspects, nous avons reçu un appui, depuis ce temps, des autres provinces
du Canada ou du moins de plusieurs autres provinces du Canada, notamment, en
matière de câblodiffusion. Parce que je pense que toutes les
provinces sont d'accord sur la position québécoise en
matière de câblodiffusion.
M. CHARRON: On a discuté de ça aussi. Je ne veux pas
revenir sur le contenu sectoriel.
M. LEVESQUE: Je vous remercie.
M. CHARRON: Je veux savoir, au point de vue stratégique, si vous
considérez que le piétinement actuel dans le domaine des
communications est attribuable au fait que les deux parties ont
déposé leur position publiquement,
qu'ainsi elles sont politiquement liées, et que cela nuit
considérablement au développement plutôt que si cela avait
été dans le secret du Château Laurier.
M. LEVESQUE: II y avait une conférence
fédérale-provinciale de prévue. Nous savons qu'il y a
présentement des élections fédérales. Cela devrait
reprendre après cette interruption. Mais on me fait remarquer
également que ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler du temps perdu,
parce que se continuent les discussions entre les provinces, sur le dossier, ce
qui nous permettra de renforcer notre position vis-à-vis du
fédéral.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre sent des indices quelconques dans
l'évolution des relations fédérales-provinciales qui
militent en faveur de la position québécoise telle que
déposée publiquement et auxquelles participent ses officiers
actuellement?
M. LEVESQUE: Est-ce qu'il quoi?
M. CHARRON: Est-ce qu'il sent des indices...
M. LEVESQUE: Des indices?
M. CHARRON: ... dans l'évolution du fédéralisme
actuel, qui nous laisseraient croire que le vent centralisateur dans ce domaine
des positions rigides qu'on a connues du côté
fédéral, justifiées à part cela, du
côté fédéral, dans ce domaine... je ne veux pas
reprendre le débat que j'ai eu avec le ministre des
Communications...
M. LEVESQUE: Le premier indice, c'est que le Québec a pris une
position assez claire, les propositions sont nettes et précises. De
plus, il y a cet autre indice, extrêmement important, soit une
volonté qui semble se communiquer aux autres provinces du Canada et,
troisième indice, le gouvernement fédéral a lui-même
indiqué son intention de renégocier complètement la
question des communications. Et cela, à la demande expresse du
Québec.
M. CHARRON: Je crois que cette troisième affirmation est
gratuite.
M. LEVESQUE: Vous demandiez des indices, vous les avez eus.
M. CHARRON: Ce n'est pas un indice. Je le réfute. Ce n'est
même pas vrai ce que vous venez de dire. C'est faux. Trouvez-moi une
déclaration du premier ministre du Canada ou du ministre des
Communications du Canada qui dit: Venez, tout est à reprendre, si cela
doit aller jusqu'à la position québécoise pour chacune des
provinces, nous l'acceptons. Ce n'est pas vrai.
M. LEVESQUE: Au cours de la conférence
fédérale-provinciale de la fin de novembre 1973, au début
de la conférence, on se rappellera que le gouvernement avait une
approche assez fragmentaire, mais à la fin de la conférence, le
fédéral lui-même avait évolué pour accepter
de considérer l'ensemble du paquet.
M. CHARRON: Le ministre peut compléter sa phrase lui-même,
c'est en affirmant que sur certains points bien précis, il ne
céderait jamais, parce que c'est sa vocation de gouvernement central.
Mais quand on regarde, par la suite, la position québécoise dans
ce domaine, on s'aperçoit que cela exigerait justement une concession
fédérale dans ce domaine...
M. LEVESQUE: C'est...
M. CHARRON: M. Pelletier a été d'une fermeté, je
dirais exemplaire, pour le député de Deux-Montagnes quant au
point qu'on ne cède pas là-dessus. Souvent le
député de Deux-Montagnes, le ministre des Communications, le
gouvernement québécois, dans la clarté de son opinion, se
trouve à apporter de l'eau au moulin de son adversaire, je l'appelle
adversaire; dans votre langage, partenaire.
Exactement, pour les mêmes raisons, très souvent, pour
lesquelles le Québec exige, revendique la totalité de la
politique, ou, d'être le maître d'oeuvre de la politique des
communications sur son territoire c'est le nom du document
déposé par le ministre ces mêmes raisons militent
pour le gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit de maintenir
ensemble cette entité géographique difficilement gouvernable qui
va de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. M. Pelletier a
exprimé cela très clairement. Tant que vous voudrez un
gouvernement fédéral, il assumera...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas à moi...
M. CHARRON: ... les responsabilités en communications et il ne
cédera pas là-dessus, ou alors vous l'enlèverez au
gouvernement fédéral et vous la prendrez vous-mêmes.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas ici l'intention de défendre le
moindrement les positions fédérales. Au contraire, ce que je
fais, je défends les positions québécoises. J'explique ce
que nous avons fait. J'explique le chemin parcouru. Premièrement, le
dépôt des propositions claires du gouvernement du Québec;
deuxièmement, l'indice dont parle le député de
Saint-Jacques se traduit par une acceptation, dans plusieurs aspects de cette
question, par les autres provinces, de la thèse
québécoise. Nous croyons que cette position du Québec,
appuyée dans plusieurs aspects par les autres provinces du Canada,
devrait faire réfléchir sérieusement le gouvernement
fédéral. Mais loin de moi l'idée
de défendre la position de M. Pelletier ou celle du
fédéral. Loin de moi cette idée.
Qu'on ne m'identifie pas ou ne m'associe pas du côté
fédéral...
M. CHARRON: Non.
M. LEVESQUE: ... mais qu'on m'associe au fédéralisme, oui,
mais pas aux positions fédérales.
M. CHARRON: D'accord. De vos trois indices, je vous ai
déjà dit que je n'acceptais même pas comme vrai votre
troisième.
M. LEVESQUE: C'est votre privilège. Vous n'êtes pas
obligé d'en accepter un seul.
M. CHARRON: Le dépôt de position claire par le
Québec était un indice par lequel on pourrait espérer un
revirement fédéral et l'obtention des demandes
québécoises dans le document. Le ministre des Affaires sociales
en avait déposé des positions claires à Victoria et il est
revenu...
M. LEVESQUE: Nous avons eu des résultats intéressants. Si
le député de Saint-Jacques avait été ici au moment
où j'ai justement parlé de la question sociale avec le chef de
l'Opposition et je n'ai pas l'intention de recommencer encore
j'ai bien souligné le chemin parcouru.
M. CHARRON: D'accord.
M. MORIN: Il reste que vous avez reculé sur l'article 94 A.
M. LEVESQUE: Voulez-vous que je recommence à vous souligner les
effets des négociations à savoir que nous sommes partis d'un
point X et que nous sommes arrivés à un point Y, Z, autrement
dit, que...
M. MORIN: Vous êtes partis de l'article 94 A.
M. LEVESQUE: J'ai mentionné combien vous étiez
traumatisé par la question constitutionnelle, mais que le bien des
Québécois...
M. CHARRON: Tout ce que...
M. LEVESQUE: ... que la planification du gouvernement
québécois en matière sociale ne vous préoccupait
guère. Cela, je l'ai mentionné...
M. MORIN: Allons donc.
M. LEVESQUE: ... et je le répète encore. Si nous avons
réussi, par notre propre législation, en introduisant dans la
législation fédérale, ce qu'il fallait pour que notre
législation prenne cette primauté sur la redistribution des
sommes affectées aux allocations familiales, c'est un effet de cette
primauté.
M. MORIN: Vous jouez sur les mots. Vous savez qu'il n'y a pas de
primauté pour le Québec.
M. LEVESQUE: D'ailleurs, c'est dans l'ensemble du Québec... Tous
les éditorialistes sérieux ont accepté cette victoire du
Québec.
M. MORIN: Allons donc! On peut les compter, ceux-là.
M. LEVESQUE: Voyons! Je ne me promène pas avec des coupures de
journaux. Je n'ai pas les poches pleines de... excepté que j'ai ici des
commentaires...
M. CHARRON: Le ministre a toujours son "scrapbook" en dessous du bras
pour défendre ses positions. Il a l'air d'un collégien.
Peu importe. Le dépôt de positions claires sur certains
points, j'espère que vous ne vous targuez pas d'être le premier
à faire ce genre d'effort. Je pense que, depuis 1960, les premiers
ministres qui se sont succédé de quelque allégeance
politique qu'ils aient été, et certains ministres qui avaient de
l'allure et qui se sont faufilés dans certains gouvernements aussi, ont
déposé des positions claires à certaines occasions. Votre
propre collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre...
M. LEVESQUE: ... si on ne l'avait pas fait? Si on n'avait pas
déposé certaines positions...
M. CHARRON: Oui, mais quand vous nous dites...
M. LEVESQUE: Qu'est-ce que vous diriez? M. CHARRON: Quand vous nous
dites...
M. LEVESQUE: Qu'est-ce que vous diriez? Non.
M. CHARRON: Je vous demande ces positions claires. Je vous demande de
déposer l'ensemble. Ce n'est pas cela que... Mais quand vous, vous
interprétez cette action comme étant un indice du revirement
fédéral, vous charriez!
M. LEVESQUE: Lorsqu'on parlait...
M. CHARRON: Votre collègue du Travail et de la Main-d'oeuvre en a
déposé. Est-ce que cela a reviré Bryce Mackeasey, à
l'autre bout, quand il était ministre du Travail? Pas une maudite
miette! Ce n'est pas parce qu'une partie à la table dépose un
document très clair et très fondé que cela ébranle
immédiatement l'adversaire dans ses aspirations centralisatrices.
M. LEVESQUE: C'est dans le jeu des négociations, il est
évident que chaque fois...
M. CHARRON: Voyons donc! M. Johnson en a déposé sur le
plan fiscal des demandes extrêmement claires, et il ne les a jamais
gagnées.
M. LEVESQUE: Voyons, soyons sérieux. C'est entendu que lorsqu'on
dépose 20, 25 ou 30 documents importants dans une période
donnée, il ne faut pas croire qu'immédiatement tout va être
modifié. Mais c'est dans le jeu des négociations. Cela va se
continuer. C'est le jeu normal des négociations dans un
fédéralisme. Vous avez la même chose du côté
du Marché commun. Vous avez des positions qui sont mises de l'avant
continuellement par les différents pays membres du Marché commun.
Mais cela ne veut pas dire que du moment que la France, par exemple, a
déposé sa position, tout le reste va changer d'avis.
M. CHARRON: C'est cela que je viens de vous dire.
M. LEVESQUE: Nécessairement...
M. CHARRON: Quand vous me dites que c'est un indice de virement...
M. LEVESQUE: C'est un indice, parce que si vous voulez quelque chose, il
faut toujours bien dire ce que vous voulez. What does Quebec want?
M. CHARRON: Bien oui!
M. LEVESQUE: Justement, nous répondons à cela: Voici ce
que le Québec veut, et non pas d'une façon abstraite, dans le
domaine des communications. Voici ce que nous revendiquons.
M. CHARRON: C'est de l'entêtement...
M. MORIN: Ce que vous ne dites pas, c'est ce qu'on vous répond en
anglais quand vous dites ce que vous voulez. C'est ce qui serait
intéressant â connaître.
M. CHARRON: ... que vous avez à ne pas vouloir comprendre ce que
je veux dire. Vous essayez d'interpréter mes paroles comme si je vous
reprochais d'avoir déposé une position claire.
M. LEVESQUE: Presque.
M. CHARRON: Bien non. Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous la
demande dans le domaine culturel. On demande partout la position du
gouvernement...
M. LEVESQUE: Ah! C'est mieux.
M. CHARRON: ... plutôt qu'elle se fasse en couleuvre avec des
communiqués de presse farfelus qui viennent épauler certaines
déclarations tonitruantes, mais qui n'ont jamais d'effet dans les
politiques. C'est un dépôt de position claire. Ce que je vous
reproche, ce n'est pas de faire des positions claires, mais le fait que vous
affirmez que le dépôt d'une position claire est un indice que le
fédéral commence à céder aux revendications.
M. LEVESQUE: C'est un prérequis.
M. CHARRON: C'est un prérequis, mais cela ne fait revirer
personne. C'est un prérequis, certain. Quant tu veux revirer un monument
aussi centralisateur que le gouvernement fédéral dans toutes les
affaires, le minimum avec lequel tu dois partir est une position claire.
Allez-vous me dire que cela a ébralé le gouvernement
fédéral depuis dix ans...
M. LEVESQUE: Dans bien des cas...
M. CHARRON: Depuis six ans, depuis la révolution du
fédéralisme, depuis que Trudeau est là, allez-vous me dire
que les positions claires ont changé quelque chose?
M. LEVESQUE: ... on a certainement eu l'expérience, et je l'ai
eue d'ailleurs dans d'autres gouvernements, où des positions claires ont
apporté des résultats nets et précis. Prenons simplement
la question du régime de rentes. Nous avions, à ce moment,
déposé des positions claires et nettes et nous sommes
arrivés à une entente particulière pour le Québec
et nous avons établi notre propre régime de rentes. C'est clair
que, dans certains dossiers, cela va jusqu'au bout, exactement, à peu
près, de nos revendications. Cela se traduit dans la mise en oeuvre de
nos positions. Ailleurs, cela fait évidemment l'objet de
négociations et il y a certains compromis qui sont acceptés, mais
il faut être pratique. Nous travaillons tous pour le peuple, pour le
citoyen. Il ne faut pas l'oublier. Pas seulement dans les sphères
idéalistes, il faut, à un certain moment, négocier tel ou
tel dossier, un par un, pas la révision constitutionnelle globalement
comme le suggérait le chef de l'Opposition. C'est peut-être une
façon idéale, quelque chose que l'on voudrait, sans doute. Il y a
déjà eu des commissions de la constitution ici, au Parlement de
Québec, qui voulaient justement faire une révision globale de
toute la question constitutionnelle, une révision constitutionnelle
globale.
M. MORIN: Vous avez abandonné cela. M. LEVESQUE: ... mais cela a
été essayé.
M. MORIN: Et cela a été un échec lamentable.
M. LEVESQUE: Alors, est-ce qu'à ce moment on se retourne et on
ferme la porte, et on met fin à toute négociation? Au contraire.
Nous tenons maintenant les dossiers...
M. CHARRON: On essaie... L'émiettement...
M. LEVESQUE: ... les uns après les autres et,
présentement, nous avons donné la priorité à ces
deux volets: la souveraineté culturelle et le développement
économique.
C'est là-dessus que nos dossiers se précisent chaque jour.
La question des communications, c'est une illustration de cette volonté
du gouvernement de souligner ces deux grands volets qui ont été
rappelés dans le discours inaugural.
M. CHARRON: Pourquoi n'avez-vous pas inclus à votre...
M. LEVESQUE: Pour compléter le deuxième indice que j'ai
mentionné, cette prise de position du Québec a amené
d'autres provinces à adopter nos vues. Je pense que c'est important
lorsqu'on veut influencer le gouvernement central.
M. MORIN: Le ministre ne peut pas avoir d'illusions.
M. CHARRON: Je sais que M. Pelletier a pris cela exactement comme raison
contraire d'affirmer sa décision de maintenir un contrôle
fédéral sur l'ensemble des communications, quitte à en
discuter les modalités.
M. LEVESQUE: Avant de dire cela, on pourrait peut-être rappeler
que le gouvernement fédéral n'a pas contesté devant les
tribunaux notre réglementation sur la câblodiffusion. C'est en
vigueur et effectivement appliqué depuis plus d'un an.
M. MORIN: Non, mais on vous a invités devant la cour
Suprême.
M. LEVESQUE: C'est un autre indice bien précis et bien clair qui
illustre ce que je disais.
M. MORIN: II vous a invités devant la cour Suprême?
M. LEVESQUE: On n'y est pas allé.
M. MORIN: Non, je sais, mais si cela continue, le gouvernement
fédéral va demander un avis consultatif à la cour
Suprême et où allez-vous vous retrouver à ce moment?
M. LEVESQUE: Notre réglementation est en vigueur. Elle est
appliquée présentement. Que voulez-vous de plus?
M. MORIN: Mais le ministre sait ce qui arriverait devant la cour
Suprême.
M. LEVESQUE: Voudriez-vous que nous reculions? C'est une position de
recul que vous nous suggérez?
M. MORIN: Allons donc! Le ministre...
M. LEVESQUE: Vous pourriez nous féliciter de temps en temps!
M. MORIN: ... ne doit pas compter trop sur les autres provinces, parce
qu'il sait fort bien que les autres provinces en général, sur la
plupart des questions, ont des attitudes tout à fait différentes
de celle du Québec. Rarement allez-vous trouver des provinces
anglophones pour appuyer les positions québécoises.
M. LEVESQUE: C'est exactement le cas dans le domaine des communications,
avant le dépôt des positions du Québec. Par la suite, on a
vu une après l'autre les provinces accepter des thèses. Deux
quoi?
M. CHARRON: Une après l'autre province!
M. LEVESQUE: Des aspects, parce qu'il y en a plusieurs.
M. CHARRON: Cela dépend des aspects.
M. LEVESQUE: Par exemple, sur la câblodiffusion, presque toutes
les provinces ou à peu près toutes les provinces ont
appuyé la thèse québécoise.
M. CHARRON: Pour l'excellente raison que certaines des provinces ont
déjà depuis longtemps ce contrôle, parce qu'elles
contrôlent depuis très longtemps le système.
M. LEVESQUE: Quels que soient les motifs...
M. CHARRON: Elles contrôlent depuis très longtemps le
système téléphonique qui est en opération chez
elles. Quand il s'est agi d'utiliser le filou le câble, elles en avaient
déjà totalement la juridiction, ce que n'a même pas le
Québec actuellement.
M. MORIN: Vous n'avez aucun contrôle sur le
téléphone?
M. LEVESQUE: Bon. Avez-vous un autre téléphone?
M. CHARRON: Demain matin.
M. MORIN: M. le Président, je crois que l'heure est venue.
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux
jusqu'à demain matin, 10 heures, même salle.
(Fin de la séance à 18 h 04)