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Version finale

30th Legislature, 4th Session
(March 16, 1976 au October 18, 1976)

Thursday, May 20, 1976 - Vol. 17 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence

du conseil, de la constitution et des

affaires intergouvernementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales

Séance du jeudi 20 mai 1976 (Dix heures trente-trois minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvemementales avait été convoquée pour 10 heures ce matin. Etant donné qu'il est maintenant 10 h 35 ou presque et que nous n'avons pas encore quorum, le quorum étant de neuf membres, je regrette de devoir ajourner la commission sine die.

(Fin de la séance à 10 h 34)

Reprise de la séance à 16 h 10

M. Gratton (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales reprend cet après-midi l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales.

Pour la séance d'aujourd'hui, les changements suivants auront cours: M. Lachance remplace M. Bourassa; M. Verreault remplace M. Beauregard; M. Déziel remplace M. Gratton; M. Bonnier remplace M. Malouin; M. Dufour remplace M. Pagé; M. Massé remplace M. Perreault; M. Fraser remplace M. Tardif. Puis-je suggérer que, pour aujourd'hui, le député de Shefford, M. Verreault, agisse comme rapporteur? D'accord.

Une Voix: Bravo!

M. Morin: C'est la troisième fois que nous changeons de rapporteur, M. le Président!

Le Président (M. Gratton): C'est d'ailleurs une nouvelle directive que nous avons de nous assurer chaque jour que le rapporteur est un membre présent.

Le ministre des Affaires intergouvernementales.

Précision de M. Cloutier

M. Cloutier: M. le Président, je voudrais apporter une précision. J'ai eu l'occasion de dire, au cours de cette discussion des crédits, que 50% des titres dans nos journaux étaient carrément malhonnêtes. Je maintiens ce point de vue et j'en ai eu une démonstration hier.

A la suite des propos qui ont été échangés entre le chef de l'Opposition et moi, un journaliste, qui s'appelle M. Pierre Champagne, a pondu un article, extrêmement sommaire d'ailleurs, lequel a été coiffé du titre suivant: Constitution: L'attitude québécoise change.

Je n'ai pas voulu faire une question de privi-lève, parce que je ne voulais pas dramatiser l'incident. Cependant, je ne peux pas laisser passer cette histoire, parce qu'elle peut avoir des conséquences. Lorsqu'on sait que la majorité des lecteurs d'un journal ne lisent que le titre, il est bien évident que certains risquent d'être influencés. Or, rien n'est plus faux. Même si l'échange a été rapide, à la fin d'une séance, le journaliste — s'il avait eu une formation de journaliste, hélas, dans notre milieu, c'est loin d'être toujours le cas — aurait dû venir m'interroger et me demander des précisions, si tant est qu'une certaine ambiguïté pouvait planer sur mes propos. Je ne sais s'il est allé voir le chef de l'Opposition pour lui demander des précisions. S'il l'a fait, c'est encore beaucoup plus grave, parce que, là, c'est un manque d'éthique.

J'ose croire que ce n'est pas le cas. S'il l'a fait, c'est un manque d'éthique extrêmement grave, parce qu'il aurait dû, parallèlement, venir demander à celui qui avait prononcé certains propos de préciser sa pensée.

Je m'arrête donc là, et je dis, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, que je maintiens, mot pour mot, les déclarations que j'ai faites à la fin de cette séance, et je les complète. J'ai déclaré deux choses: D'abord, à la suite d'une question du chef de l'Opposition touchant une déclaration qui aurait été faite par un fonctionnaire britannique, j'ai déclaré que. pour autant que je le savais, cette déclaration n'avait pas de caractère officiel. J'ai également déclaré, en réponse à une autre question du chef de l'Opposition, que Londres — et je reprends textuellement, si vous voulez, ce serait beaucoup plus simple: — Londres ne tranchera rien — vous êtes juriste, vous devriez parfaitement savoir que Londres n'a pas à trancher la question — tout ce que Londres aura à faire sera d'accepter la demande canadienne. Je maintiens donc ce point de vue et j'ajoute, comme je le disais hier, que Londres n'a pas à trancher la question de savoir si la demande canadienne de rapatriement sera le fait d'une décision unilatérale du Parlement fédéral, ou le fait d'une décision du Parlement et de toutes et chacune des Législatures. Pourquoi? Je vais être très clair à cet égard. Parce qu'une telle question doit être tranchée ici même, au pays. La position du gouvernement du Québec est claire, à ce sujet, elle n'a jamais changé. Le rapatriement ne doit se faire qu'avec l'accord de toutes les provinces et du fédéral. Il ne devrait y avoir de demande canadienne à cet effet auprès du Parlement de Londres qu'à la suite d'un tel accord.

C'est en ce sens que j'affirmais hier que Londres n'a pas à trancher la question, c'est à nous, entre Canadiens, à la trancher au Canada. C'est d'ailleurs seulement de cette manière que nous pourrions manifester que le Canada est réellement un pays souverain. Il serait ridicule de placer le gouvernement britannique dans une espèce de rôle d'arbitrage. Voilà la position, elle est claire. J'apporterai toute autre précision si nécessaire.

M. Morin: M. le Président, l'attaque du ministre contre M. Champagne ne me paraît guère justifiée. La réponse du ministre hier, donnait ouverture à l'interprétation qui en a été donnée dans le Soleil, quoi que puisse en dire le ministre aujourd'hui.

Je suis heureux qu'il ait tenu à compléter sa réponse. J'ai dit qu'il devait le faire après réflexion, car telle quelle, cette réponse était erronée. J'aimerais aller un peu plus avant et, à la suite de la déclaration du ministre, obtenir quelques précisions supplémentaires.

J'ai eu l'impression que, par sa déclaration, le ministre entendait réduire le rôle du Parlement de Westminster, lequel n'agit, comme dans notre système, que sur la recommandation du gouvernement britannique et non comme simple tampon. La question que j'aimerais poser au ministre, à la suite de ces éclaircissements, est la suivante: Si, en dépit de la coutume constitutionnelle qui veut que les provinces soient consultées avant que leur statut ne soit modifié ou que le partage des pouvoirs ne soit touché, le parlement fédéral — tant le gouvernement que les partis de l'Opposition, puisqu'ils ont signifié leur accord avec M. Trudeau sur la question du rapatriement — devait néanmoins procéder unilatéralement, le ministre estime-t-il que le Parlement de Westminster n'aurait pas d'autre choix que d'entériner ia décision du gouvernement et du parlement fédéraux?

M. Cloutier: Avant de répondre, étant donné que le chef de l'Opposition a pris la défense du journaliste, j'aimerais bien savoir, s'il peut me préciser, si ce journaliste l'a interviewé oui ou non.

M. Morin: Je n'ai pas à vous dire: J'ai rencontré tel ou tel journaliste. C'est sûrement à moi à poser les questions.

M. Cloutier: Cela confirme donc ma thèse. Ce titre, qui était absolument abusif...

M. Morin: Ce titre n'est pas abusif.

M. Cloutier: ... parce qu'il s'agit d'un titre quasiment de première page et sur cinq ou six colonnes, il a été suscité par le chef de l'Opposition. Voilà ce que c'est, la situation journalistique au Québec.

M. Morin: M. le Président, j'affirme, de mon siège, que je n'ai rien à voir avec ce titre.

M. Cloutier: Le titre n'a rien à voir avec vous.

M. Morin: C'est sûrement le journal qui l'a rédigé.

M. Cloutier: Mais vous avez vu le journaliste.

M. Morin: Je ne connais pas l'auteur de ce titre et je tiens à dire qu'il est cependant justifié, étant donné l'erreur constitutionnelle que le ministre a faite hier soir.

M. Cloutier: Vous avez donc vu le journaliste! Le journaliste n'est pas venu demander des précisions à l'auteur de la réponse. Je considère que c'est un manquement grave à l'éthique professionnelle.

M. Morin: Vous irez le lui demander.

M. Cloutier: Votre silence prouve bien qu'il en est ainsi.

M. Morin: M. le Président, je me refuse à mettre en cause un journaliste, quel qu'il soit.

M. Cloutier: Je crois que l'opinion publique saura tirer sa leçon. Si j'interviens là-dessus avec une certaine chaleur, c'est que c'est important. Les journalistes ont une responsabilité vis-à-vis l'opinion publique. Ils n'ont pas le droit de donner une importance démesurée à certains faits ou à

certains événements. Il y a là un déséquilibre absolument évident qui peut avoir des conséquences dans le cas d'une négociation. J'ai apporté des précisions et ces précisions auraient dû m'être demandées. Il est bien évident qu'on a, comme d'habitude, joué le rôle du PQ, et ceci, je le déplore.

M. Morin: M. le Président...

M. Cloutier: Pour ce qui est de la question...

M. Morin: Puis-je avoir une réponse à ma question?

M. Cloutier: C'est une question hypothétique. Je refuse d'y répondre.

M. Morin: Comment pouvez-vous vous plaindre des interprétations qui sont données de vos propos si vous ne répondez même pas aux questions claires qu'on vous pose?

M. Cloutier: Si je n'avais pas répondu hier, le chef de l'Opposition n'aurait pas fait cette petite manigance de mauvais goût.

M. Morin: M. le Président, je répète qu'il n'y a eu aucune manigance. Le ministre a fait une erreur. Je crois, effectivement, qu'elle était grave; de surcroit il ne l'a pas réparée aujourd'hui.

M. Cloutier: Le ministre n'a pas fait d'erreur, il n'a pas pu— parce que vous avez demandé vous-même qu'on lève la séance — compléter sa réponse. Il l'a complétée aujourd'hui d'une façon indiscutablement claire. Pour ce qui est de répondre à votre question hypothétique, je n'y réponds pas parce qu'elle est hypothétique. La position du Québec est claire, elle était inscrite dans le discours inaugural; j'y suis revenu tout à l'heure: nous n'acceptons pas un rapatriement unilatéral. Si par hasard cela se fait, c'est une situation qui devrait être étudiée à ses mérites, à ce moment-là. Je n'ai pas le droit de me placer dans cette hypothèse, puisque nous la rejetons au départ.

M. Morin: M. le Président, néanmoins, c'est une question juridique importante. La preuve, c'est que le ministre avait entrepris d'y répondre hier, de façon erronée, soit. J'aurais pensé qu'il profiterait de la séance d'aujourd'hui pour se reprendre.

M. Cloutier: II n'y avait rien d'erroné là-dedans. Je ne laisserai pas passer le moindre doute à cet égard. Je vais interrompre le chef de l'Opposition chaque fois que ce sera nécessaire.

M. Morin: Vous m'interrompez, cela ne me dérange en aucune façon. Je maintiens que vous aviez l'occasion, aujourd'hui, comme je vous l'ai offert, hier à la fin de la séance, de corriger votre position.

M. Cloutier: Je n'ai pas corrigé ma position parce qu'elle n'avait pas à être corrigée. Je re- prends mot à mot les termes de ma déclaration d'hier. Je l'ai complétée et précisée, alors que vous ne m'en aviez pas laissé le loisir, hier.

M. Morin: M. le Président, je vois que cela pourrait, à nouveau, dégénérer en dialogue de sourds. Je vais donc me contenter, pour le bénéfice du ministre, sans plus lui poser de question — je ne souhaite pas non plus que cette querelle prenne des proportions qu'elle ne mérite pas — de tenter de faire comprendre au ministre le rôle que peut être appelé à jouer le gouvernement britannique et que peut également être appelé à jouer le Parlement de Westminster advenant un coup d'Etat de la part de M. Trudeau.

J'imagine que le ministre sera d'accord avec moi pour dire que si jamais M. Trudeau procède unilatéralement en dépit de la volonté du Québec, ce serait effectivement ce qu'on appelle un coup d'Etat, puisque ce serait contraire à la coutume constitutionnelle. Si, par hasard, M. Trudeau choisit de procéder de la sorte — ce qui ne saurait être totalement écarté — je signale au ministre, pour le cas où il ne le saurait pas — je suis sûr, cependant, que ses principaux conseillers le savent, eux — que le Parlement de Westminster et le gouvernement Britannique ont assumé des obligations.

M. Cloutier: Messieurs, vous êtes prêts à écouter le cours de l'éminent juriste qui, après avoir fait des allusions aux fonctionnaires, au ministre, a l'intention d'avoir son auditoire.

M. Morin: M. le Président, cette interruption intempestive du ministre ne me dérange pas. J'ai l'intention, de toute façon, de dire ce que j'ai à dire. Que ce soit inscrit dans les Débats et, si jamais nous avons à y revenir, les choses auront été dites.

M. le Président, si jamais le pouvoir fédéral décide de procéder unilatéralement, je signale au ministre — je tente de le faire en toute objectivité, si ce n'est même en toute amitié — que le Parlement de Westminster et le gouvernement britannique ont des obligations internationales à l'égard de ce qui s'appelle aujourd'hui le Québec et qui s'appelait, au moment du traité de cession de 1763, la Nouvelle-France.

Le ministre sait très bien que ce pays a été transféré à la Grande-Bretagne par un traité de cession dans lequel le gouvernement britannique assumait, à l'égard de ceux qu'on appelait ses "nouveaux sujets", des obligations précises. Il existe donc un accord international vieux, il est vrai, de plus de deux siècles, entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté Très Chrétienne qui porte sur ce pays, sur le Québec. Le gouvernement britannique a donc des obligations d'ordre international à l'endroit de la France au sujet de notre pays.

Si donc, il advenait que le gouvernement fédéral, par ses agissements, porte atteinte au statut du Québec sans que celui-ci n'y consente, j'estime, pour ma part — et je pourrais trouver beaucoup de juristes pour m'appuyer — que le gouver-

nement britannique est responsable, encore aujourd'hui, de ses actes devant le gouvernement français. Il l'est d'autant plus qu'il demeure, techniquement, le souverain du Canada, puisque c'est lui, et lui seul, en dernière analyse qui peut modifier certains aspects fondamentaux de la constitution de ce pays et, notamment, le partage des pouvoirs.

Ce n'est pas mon intention de demander au ministre s'il est d'accord ou en désaccord avec ce que je viens de dire, mais je suis convaincu, pour ma part, que le gouvernement de Londres étudie le dossier. Il ne peut éviter de l'étudier. Je suis persuadé, d'un point de vue juridique, que le Parlement de Londres n'adopterait pas une loi sans s'assurer au préalable que celle-ci est conforme aux usages constitutionnels, au droit coutumier. Les Britanniques ne seraient plus les Britanniques s'ils agissaient autrement.

Ces choses étant dites, pour que nous puissions nous y référer éventuellement, j'aimerais demander au ministre si, advenant un coup de force, un rapatriement unilatéral de la part du gouvernement fédéral, il n'estimerait pas opportun que l'Assemblée nationale, sans distinction de part, prenne l'initiative d'adopter une adresse à l'intention du Parlement britannique et de Sa Majesté, demandant qu'il ne soit pas donné suite aux propositions émanant d'Ottawa.

M. Cloutier: C'est une question hypothétique et je n'ai pas l'intention d'y répondre. La position du Québec est claire. Le Québec s'oppose à un rapatriement unilatéral. De plus, le Québec considère également qu'un tel rapatriement irait à l'en-contre d'une convention constitutionnelle ou, plus exactement, de tradition constitutionnelle. Ceci est clair et précis, mais il est bien évident qu'il serait irresponsable de répondre à une question hypothétique. C'est devant un fait que des décisions éventuelles pourront être prises. Pas avant.

M. Morin: A défaut de mieux, je me réjouis, du moins, d'entendre le ministre déclarer officiellement qu'un rapatriement unilatéral serait contraire au droit coutumier de ce pays. C'est déjà un point d'acquis.

M. Cloutier: II n'y a rien de nouveau dans ce que je viens de dire. J'ai cité abondamment hier le discours inaugural, où nous parlions de notre attitude vis-à-vis du rapatriement unilatéral. J'y suis revenu à maintes reprises. Il n'y a strictement rien de nouveau dans ce que je dis.

M. Morin: La raison pour laquelle j'ai posé la question au ministre est que le premier ministre a déclaré récemment qu'advenant un coup de force d'Ottawa — il ne l'a pas dit exactement comme cela — advenant le rapatriement unilatéral proposé par Ottawa, il déclarerait ce qu'il appelait la "guerre totale". J'avoue que, devant la force de l'expression, je me suis interrogé sur sa portée exacte. Je voyais mal le faible premier ministre que nous avons déclarant la guerre totale! Je me suis demandé: Veut-il dire la guerre totale par des moyens juridiques — auquel cas je suis en droit de vous demander des précisions là-dessus — ou veut-il dire la guerre par les armes? Ce qu'à Dieu ne plaise! C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si cette "guerre totale" ne pourrait par prendre la forme d'une résolution de l'Assemblée nationale du Québec.

M. Cloutier: M. le Président, le chef de l'Opposition — et c'est son droit dans le cadre d'une discussion de crédits — a choisi de faire de la politique et de transformer cette commission parlementaire en plate-forme.

M. Morin: C'est de la politique avec un grand P, puisque c'est l'avenir du pays qui est en cause.

M. Cloutier: Peut-être que le sujet dont nous parlons est de la politique avec un grand P, mais votre façon de l'aborder me laisse de grands doutes sur le choix de la minuscule ou de la majuscule.

M. Morin: A votre aise!

M. Cloutier: En particulier, les insultes que vous proférez à l'égard du premier ministre me paraissent totalement superflues.

M. Morin: C'est que je vois mal le personnage partir en guerre.

M. Cloutier: Vous n'avez pas raté une occasion de l'attaquer depuis que nous avons commencé cette discussion.

M. Morin: Dans ce dossier, les positions du premier ministre ont été tellement ambiguës, tellement serpentines que j'étais heureux d'avoir enfin devant moi le ministre des Affaires intergouvernementales pour me faire donner plus de précisions. Je dois dire que, jusqu'ici, cela n'a pas fait une bien grande différence. Mais, toujours dans le but d'éclairer l'avenir de ces discussions, de ce dossier, j'aimerais quand même que le ministre nous dise ce qu'il a compris lorsque le premier ministre nous a parlé de "guerre totale ".

M. Cloutier: M. le Président...

M. Morin: II est bien plus dans la confidence du premier ministre que je ne puis l'être.

M. Cloutier: M. le Président, je suis parfaitement patient. Il m'arrive, lorsque ma pensée est trahie, comme dans cet article du journaliste du Soleil, de m'échauffer et je continuerai de le faire. Je prends la responsabilité de tous mes propos depuis que je suis en politique. La seule chose que je n'accepte pas, c'est qu'on les déforme: lorsqu'on les déforme, je réagis. Je n'ai pas l'intention de répondre à la question du chef de I Opposition, parce qu'il s'agit toujours de la même stratégie qu'il a mise au point lorsqu il a commencé cette discussion: fausser la négociation entreprise en essayant de compromettre le gouvernement québécois par des déclarations intempestives. Le cheminement de ce dossier constitutionnel est

parfaitement limpide. Il y a eu des déclarations de principe dans le discours inaugural et lors de plusieurs interventions. Tout un cheminement a été mis au point de manière que nous puissions faire évoluer la situation.

M. Morin: M. le Président, je voudrais simplement ajouter que je comprends très bien le ministre de ne pas reprendre à son compte les expressions quelque peu farfelues du premier ministre. Je ne m'attendais à ce qu'il en assume ni la paternité ni la responsabilité, mais j'aurais voulu savoir si, par hasard, le premier ministre lui aurait confié, dans l'un des nombreux entretiens qu'ils n'auront certainement pas manqué d'avoir sur la question, le sens de la "guerre totale" qu'il entendait livrer au gouvernement fédéral. Jusqu'ici, je dois dire, étant donné le peu de succès des miniescarmouches livrées par le premier ministre au pouvoir fédéral, que je ne m'attendais guère qu'il déclare la guerre totale — on peut bien le penser. Il y a des moyens juridiques de conjurer les traquenards du pouvoir fédéral. J'ai voulu en éclairer un tout à l'heure; il y en a d'autres également, mais, là-dessus, je ferai confiance aux conseillers du ministre des Affaires intergouvernementales.

M. le Président, peut-être convient-il de poser encore quelques questions sur certains aspects plus particuliers du dossier constitutionnel avant de passer à autre chose. Dans plusieurs déclarations gouvernementales récemment, et notamment dans les pourparlers que le Soleil rendait publics dans son édition du 28 février 1976, on faisait valoir que le gouvernement du Québec avait déjà revendiqué auprès du pouvoir fédéral un certain nombre de compétences et, notamment, la primauté législative en matière d'immigration. J'aimerais demander au ministre si telle est bien l'attitude du gouvernement québécois et, en second lieu, si la réponse est affirmative, quel est le sens exact qu'il faut donner à l'expression "primauté législative".

M. Cloutier: D'où le chef de l'Opposition tire-t-il cette déclaration?

M. Morin: Du Soleil du 28 février 1976, sous la signature de M. Claude Beauchamp.

M. Cloutier: II s'agit là d'un journaliste. Est-ce la citation d'un homme politique ou le jugement, ou l'interprétation d'un journaliste? Il va quand même falloir qu'on s'entende, à un moment donné. Sommes-nous en train de discuter l'opinion de M. Beauchamp? A quoi M. Beauchamp se réfère-t-il?

M. Morin: II se réfère à des documents du ministère des Affaires intergouvernementales, dont copie est parvenue au Soleil.

M. Cloutier: Cela signifie peut-être une fuite, peut-être des documents de travail qui peuvent remonter à plusieurs années. Je déclare que ceci n'a strictement aucune valeur. Que le chef de l'Opposition se réfère à des déclarations ministé- rielles, que le chef de l'Opposition prenne le journal des Débats et se réfère à des commentaires du premier ministre, à ce moment, je voudrai bien me prononcer, mais je ne vois absolument pas l'intérêt de me prêter à ce jeu, parce qu'il ne me paraît pas sérieux ni honnête.

M. Morin: Je procéderai autrement. Je demanderai simplement au ministre s'il peut nous dire quelle est la position québécoise en matière d'immigration?

Dossier constitutionnel Immigration

M. Cloutier: Le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales est un rôle de coordination. Dans mes remarques préliminaires, je crois l'avoir bien établi. Le contenu des dossiers relève des ministères sectoriels. Et même si les politiques qui en découlent sont des politiques gouvernementales, en ce sens qu'elles sont approuvées par le Conseil des ministres, je dirais que, pour ce genre de dossiers, c'est clairement de la responsabilité du ministère de l'Immigration. Or, je sais pertinemment que le chef de l'Opposition a discuté hier des crédits du ministère de l'Immigration...

M. Morin: Non, je regrette, c'est inexact.

M. Cloutier: J'avais cru que le chef de l'Opposition était présent à cette commission. C'est un de ses députés probablement qui l'a fait.

M. Morin: Oui, j'aurais souhaité l'être, mais j'étais retenu dans cette commission-ci.

M. Cloutier: C'est très probablement là que la question aurait dû être posée.

M. Morin: M. le Président, j'en reviens à ce que le ministre disait il y a un instant. Le ministère des Affaires intergouvernementales a un rôle de coordination et particulièrement au sujet de l'aspect constitutionnel des compétences québécoises. Je ne doute pas que le ministère de l'Immigration doive être associé à toute définition de son rôle et de l'exercice de ses compétences. Mais lorsqu'on aborde l'aspect constitutionnel, qui ne peut être séparé des autres parties, des autres compétences qui sont partagées entre Québec et Ottawa, en vertu de la constitution, il faut qu'il avoue que cela relève de son ministère. S'il est incapable de répondre à une question aussi simple que celle-là, je me demande ce que nous faisons ici.

M. Cloutier: Je me le demande depuis que je constate que le chef de l'Opposition ne discute pas les crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, mais fait uniquement sa politique, en particulier dans un domaine qui l'intéresse plus que d'autres, c'est-à-dire la constitution. Il a tenté de transformer cette commission en un véritable

débat constitutionnel et, maintenant, il tente de l'élargir. Je suis parfaitement capable de répondre à cette question, parce que je suis impliqué dans la définition de toutes les politiques. Cependant, je ne le ferai pas pour une raison de principe qui est claire. Le ministère des Affaires intergouvernementales n'a pas à se prononcer comme tel sur tous les dossiers sectoriels. Il en va de même du dossier des Communications et du dossier des Affaires sociales; autrement, il n'y a plus de cohérence administrative possible. Ceci doit être bien compris.

En ce qui concerne les aspects constitutionnels, bien sûr, oui. En ce qui concerne un dossier qui est un dossier très particulier, comme celui de la constitution, oui.

Lorsqu'il y a eu des prises de position comme celle dont j'ai fait état pour les arrangements fiscaux, à ce moment, il est normal que le ministère des Affaires intergouvernementales transmette, mais son rôle doit quand même être clairement défini, sinon, il se retrouve dans la position suivante où il est amené à faire littéralement le travail de tous les ministères. Il y aurait là une espèce d'illogisme qui irait à rencontre des buts recherchés en le créant.

M. Morin: De sorte que si je posais des questions cet après-midi sur l'ensemble des compétences, comme les communications, le pouvoir décla-ratoire du gouvernement fédéral, son pouvoir de dépenser, la Cour suprême, le Sénat, les langues, sur toutes ces questions, le ministre refuserait de me répondre?

M. Cloutier: Non. Comme d'habitude, le chef de l'Opposition mélange tout, et il le fait à dessein, parce qu'il n'est pas dépourvu.

M. Morin: Ah?

M. Cloutier: II le fait à dessein. Lorsqu'il s'agit de ministères sectoriels, et c'est le cas de l'Immigration, des Affaires sociales, des Communications, il vient de parler des Communications; oui, je crois que, dans un souci de bonne administration, il faut maintenir une certaine cohérence.

Quand il s'agit des autres points qu'il a soulignés, on entre en plein dans le coeur du projet de déclaration dont nous parlons depuis déjà deux jours et il s'agit très certainement de la responsabilité du ministère des Affaires intergouvernementales.

Je me refuse absolument pas de répondre. J'ai simplement situé le contexte au moins dix fois, revenant aux principes établis par le gouvernement et expliquant qu'il y a une négociation en cours avec un cheminement bien précis. Il est évident que je n'ai pas l'intention de faire des déclarations à la pièce sur chacun des éléments d'un projet de déclaration qui est actuellement en discussion dans un cadre bien déterminé, et qui met en cause des partenaires, c'est-à-dire les gouvernements des autres provinces et le gouvernement central. Autrement dit, je maintiens avec la même constance la position depuis le début, et je ne permettrai pas au chef de l'Opposition de donner l'impression que je le fais uniquement parce que je manifeste de la mauvaise volonté. C'est faux. C'est par souci de responsabilité que je procède de cette manière.

M. Morin: De sorte que même si j'interroge le ministre sur les compétences fédérales relatives à la paix, à l'ordre, au bon gouvernement, sur l'immigration, sur les langues, sur le pouvoir déclara-toire du gouvernement fédéral, sur la Cour suprême et sur le Sénat, invariablement, le ministre n'aura rien à dire.

M. Cloutier: Le ministre a beaucoup de choses à dire, et il les dit, mais il les dit dans le cadre où elles doivent être dites. Il ne blâme pas le chef de l'Opposition d'essayer de faire son travail et d'essayer de tirer le plus de crédit possible, mais il a bien l'intention qu'il n'y ait pas, sur le plan de l'opinion publique, la moindre confusion qui persiste touchant le rôle de son ministère.

M. Morin: Le malheur, c'est que la confusion qui existe dans l'opinion publique au sujet de ces questions constitutionnelles vient surtout du fait qu'on ne connaît pas ou qu'on connaît si mal les positions québécoises qu'il est impossible d'appuyer le gouvernement ou, au contraire, de le prendre à parti.

M. Cloutier: Cela fait vingt fois que le chef de l'Opposition dit cela, en termes différents, et d'ailleurs, malheureusement, de moins en moins différents, ce qui devient de plus en plus monotone. En fait, j'en suis même à me demander si le chef de l'Opposition s'intéresse au sujet qu'on discute actuellement. Il m'a demandé, par exemple — je le lui avais offert — de déposer les opinions des différentes provinces. On dirait qu'il s'en désintéresse maintenant. Souhaitez-vous que je le fasse?

M. Morin: Chaque chose à son temps.

M. Cloutier: Ce n'est pas encore le moment de déposer les opinions des différentes provinces.

M. Morin: J'y arriverai dans quelques instants, puisque je vous ai demandé ces documents hier, c'était sûrement pour les obtenir, mais je n'ai pas terminé.

M. Cloutier: Je croyais que c'était pertinent au débat actuel.

M. Morin: Je voudrais que ce soit clair, je voudrais que le ministre nous le dise une bonne fois, qu'il ne donnera pas de précisions si je l'interroge sur la Cour suprême, le Sénat, les compétences fédérales en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement, le pouvoir déclaratoire, le pouvoir de dépenser, les langues, etc.

M. Cloutier: Le premier ministre du Canada a fait parvenir aux divers gouvernements provin-

ciaux un projet de déclaration qui représente le point de vue fédéral. Ce projet a été déposé à la Chambre des communes et il a été déposé ici même, à l'Assemblée nationale du Québec. Il a fait l'objet d'un certain nombre de questions, mais, aussi, il est actuellement à l'étude par un comité ad hoc de ministres des Affaires intergouvernementales et de ministres chargés du dossier constitutionnel. Il doit être étudié lors d'une conférence de premiers ministres au mois d'août, laquelle conférence, je le répète pour la quinzième fois, faisait suite à une conférence l'année précédente, à Terre-Neuve, alors que le premier ministre de Terre-Neuve avait reçu le mandat spécifique en matière constitutionnelle de voir avec ses homologues provinciaux quels étaient les différents points de vue.

Comment voulez-vous, dans ces conditions, que je puisse répondre spécifiquement aux questions? Ce sont là autant de pièges et, comme je le disais hier, il serait à la fois irresponsable et maladroit de le faire, et je préfère laisser ces deux qualités, ou ces deux défauts à l'Opposition, qui, elle, n'a pas la responsabilité du pouvoir.

M. Morin: M. le Président, c'est précisément parce que le pouvoir a des responsabilités, et en particulier devant l'opinion publique, que j'estime devoir lui poser toutes ces questions.

M. Cloutier: Je ne dis pas que vous avez tort de le faire, mais je dis que j'aurais tort d'y répondre.

M. Morin: Avant de passer à autre chose, je vais faire une dernière tentative, particulièrement au sujet du sénat canadien. Le ministère a-t-il élaboré — je ne lui demande pas le contenu des propositions — je lui demande si son ministère a élaboré des positions sur la question du sénat et de la représentation des provinces au sein de cet organe constitutionnel.

M. Cloutier: Je dirais qu'il y a certainement au ministère une réflexion qui se poursuit depuis des années sur tous les aspects du dossier constitutionnel, y compris celui-là. Je ne veux pas que vous l'isoliez encore, parce que c'est là un point qui peut faire l'objet de discussions. Je veux bien qu'il soit compris que le ministère s'occupe du dossier constitutionnel, comme d'ailleurs de tous ses dossiers, avec beaucoup d'efficacité, et que ce point fait partie de la réflexion.

M. Morin: Puis-je faire un pas de plus, un pas délicat, afin que le ministre ne se sente pas emporté par un courant qu'il ne souhaiterait pas? Puis-je poser une question comme celle-ci?

M. Cloutier: Toutes les questions...

M. Morin: Depuis hier, j'ai eu le loisir de me rendre compte que la plupart de mes questions se heurtent à des refus de répondre.

M. Cloutier: Acceptez donc de discuter des crédits.

M. Morin: Mais, M. le Président, les crédits du ministère...

M. Cloutier: Nous sommes encore dans le préliminaire.

M. Morin: Le ministre sait très bien que l'étude des crédits est, chaque année, l'occasion d'étudier l'ensemble des politiques du ministère.

M. Cloutier: Là, c'est l'ensemble des politiques du gouvernement qu'on étudiait. Enfin allez-y.

M. Morin: C'est votre ministère qui est responsable, au sein du gouvernement, de la discussion et de l'élaboration des politiques dans le domaine constitutionnel. C'est à vous que je dois poser ces questions.

Pour ce qui est du sénat, serait-ce aller trop loin que de demander au ministre si le Québec souhaite une réorganisation du sénat canadien, de façon à mieux assurer la représentation des provinces?

M. Cloutier: Je dirai que, là encore, je n'ai pas l'intention de répondre à cette question, pour toutes les raisons que j'ai évoquées depuis le début. Je n'y vois absolument aucun intérêt.

Vous me demandez une déclaration au nom du gouvernement du Québec qui, forcément, lierait le gouvernement. Il n'en est pas question. Je crois avoir fait le point là-dessus. Vous pouvez continuer, vous pouvez persister, cela ne me gêne en rien. J'essaierai de répondre avec le sourire, mais je n'ai pas l'intention de me laisser entraîner dans cette histoire.

Si nous avions une discussion théorique, une table ronde, par exemple, que je souhaiterais...

M. Bourassa: C'est là que le chef de l'Opposition était le meilleur. En théorie, il est toujours excellent.

M. Cloutier: ...je serais ravi de donner mon opinion sur le sénat. J'ai un tas d'idées là-dedans. Je pourrais vous parler de l'Allemagne de l'Ouest. Je pourrais vous parler d'un tas de formules, mais ce n'est pas là le lieu. Vous avez essayé de m'entraîner sur un terrain précis, qui était celui d'un projet de déclaration et c'est ce à quoi je me suis refusé. Et je crois avoir raison de l'avoir fait.

M. Morin: Je faisais honneur au ministre en lui supposant quelque sens des responsabilités et en tenant pour acquis qu'il pourrait répondre à mes questions, mais je m'aperçois que ce dossier lui échappe. Puisque le premier ministre nous fait l'honneur d'une courte visite, à sa manière habituelle, peut-être pourra-t-il me donner des réponses...

M. Cloutier: Le commentaire qui précède était justement en relation avec l'arrivée du premier ministre. On voit quel ton le chef de l'Opposition a donné à cette commission.

M. Bourassa: II est comme cela tout le temps.

M. Cloutier: On ne parle plus de crédits, tout le temps, cela fait deux jours que cela dure.

M. Morin: Cela fait deux jours que je tente d'obtenir quelques éclaircissements sur les négociations extrêmement importantes qui ont lieu en ce moment, non seulement entre les provinces, mais entre le Québec et Ottawa. Je dois avouer que nous n'avons pas avancé beaucoup, effectivement. Si le premier ministre a quelque chose à déclarer, je serais très heureux qu'il le fasse, mais si c'est pour nous apporter sa confiture habituelle, il vaudrait mieux qu'il ne reste pas trop longtemps et que nous procédions.

M. Bourassa: M. le Président, je vais rester le temps que je veux, mais je n'ai pas l'intention de perdre mon temps longtemps avec le chef de l'Opposition.

Rapatriement de la constitution

Ce que je puis lui dire, c'est que j'ai répondu à l'Assemblée nationale, à une question du député de Johnson, il y a plusieurs semaines, sur la convocation de la commission parlementaire, celui-là même que le Parti québécois n'a pas voulu féliciter aujourd'hui, dans un geste assez mesquin. Le député de Johnson avait posé une question pour voir s'il y aurait convocation de la commission parlementaire avant que le gouvernement prenne une décision finale. J'ai dit que, comme nous l'avions fait en 1971, nous le ferions encore. Je crois que le ministre des Affaires intergouvernementales a tout à fait raison de dire que c'est prématuré, pour l'instant, de donner les détails de la position du Québec.

Ce que je peux dire, c'est que c'est une question très importante, la question du rapatriement de la constitution.

M. Morin: C'est pourquoi je posais toutes ces questions.

M. Bourassa: Ce n'est pas une question marginale, comme le disait M. Lévesque en 1964. Vous vous souvenez quand il était d'accord avec la formule Fulton-Favreau, il disait que c'était une question marginale, par rapport au poids politique du Québec. Nous ne sommes pas d'accord avec M. Lévesque.

M. Morin: Ne mêlez pas les cartes, nous sommes en 1976.

M. Bourassa: D'accord, mais je ne suis pas d'accord avec la position de René Lévesque en 1964, je dis cela. C'est très important et nous allons y accorder...

M. Desjardins: II était d'accord avec la formule Fulton-Favreau?

M. Bourassa: C'est cela, il était d'accord...

M. Desjardins: Oui, oui, je ne me rappelle pas cela!

M. Bourassa: ... et c'est le député de Sauvé qui avait fait son petit professeur, à ce moment-là, pour lui taper sur les doigts et le ramener sur la bonne voie.

Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est qu'en temps opportun il y aura convocation de la commission parlementaire et nous pourrons discuter, comme nous l'avons fait il y a cinq ans. Je crois qu'à ce moment-là le député de Bourget représentait le Parti québécois sur ces questions.

M. Morin: Bien. Puis-je demander au premier ministre de nous donner l'assurance que cette commission parlementaire se réunira pour étudier l'ensemble du dossier constitutionnel? Je sais qu'hier — c'est sans doute ce que le ministre vient de glisser à l'oreille du premier ministre — il m'a affirmé qu'il y aurait "possibilité" d'une telle commission. Si c'est pour répéter ce genre de lavasse que le premier ministre est venu se joindre à nous, ce n'était pas la peine. Mais, s'il est venu ici pour nous donner l'assurance que cette commission siégera avant que le Québec n'aille s'engager dans une conférence interprovinciale ou dans une conférence fédérale-provinciale, alors il est le bienvenu.

M. Bourassa: M. le Président, d'abord, j'ai écouté, il y a quelques minutes, le débat entre le chef de l'Opposition et le ministre des Affaires intergouvernementales qui a répondu, comme d'habitude, d'une façon pertinente, sans répondre à toutes les questions du chef de l'Opposition, pour les raisons qu'il a lui-même données.

Je ne peux que référer le chef de l'Opposition à ce que j'ai dit au député de Johnson, il y a quelques semaines. Nous l'avons fait il y a cinq ans et il n'y a aucune raison, à moins d'un événement imprévisible, pour qu'on ne le fasse pas cette année. Je comprends le ministre des Affaires intergouvemementales émettre des réserves, au cas où il pourrait y avoir urgence ou pour des raisons qui ne sont pas connues pour l'instant, mais je crois qu'en principe on peut tenir pour acquis qu'on aura la même attitude qu'il y a cinq ans.

M. Morin: Est-ce que cette commission parlementaire, comme vous venez de le dire, se réunira en principe avant la rencontre du mois d'août, à laquelle vous devez participer avec les autres premiers ministres provinciaux?

M. Bourassa: Disons qu'au mois d'août il y a déjà une commission parlementaire prévue pour les Jeux olympiques, peut-être avant les jeux — mais on doit en discuter — si on peut le faire avant. Vous insistez pour que la commission parlementaire sur les Jeux olympiques ait lieu avant les jeux, si j'ai bien compris?

M. Morin: Nous avons insisté surtout pour que la commission se réunisse en vue d'étudier la baie James!

M. Bourassa: Répondez franchement!

M. Morin: Oui.

M. Bourassa: Avant ou après?

M. Morin: Si vous voulez réunir la commission sur les Jeux olympiques avant les jeux, c'est tant mieux.

M. Bourassa: Mais, quel est votre choix?

M. Morin: Vous faites dévier le débat, mais je vais quand même répondre à votre question. Ce qui nous importe le plus, c'est que la commission étudie la baie James. Si l'on attend au mois d'août, je vous ai déjà dit que c'était scandaleux; il n'est pas nécessaire de revenir là-dessus.

M. Bourassa: Restez donc calme! Qu'est-ce qu'il y a de scandaleux? Il pourrait même ne pas y avoir de convocation. Vous avez eu trois jours, l'année dernière, pour poser toutes les questions que vous vouliez. Alors, je ne vois pas pourquoi...

M. Morin: Et vous savez qu'on a obtenu, il y a deux ans — ce n'était pas l'année dernière — les coûts de la baie James.

M. Bourassa: Vous avez été chanceux que cela se fasse au mois de juillet, l'an dernier...

M. Morin: Oui?

M. Bourassa: ... parce que l'impact politique aurait été très très sérieux pour vous.

M. Morin: L'année dernière, je ferai observer au premier ministre qu'il a été impossible de tirer quoi que ce soit de l'Hydro-Québec ou de qui que ce soit, sur le coût de la baie James. Cela fait deux ans que nous attendons la nouvelle évaluation. J'espère que le premier ministre n'est pas venu...

M. Bourassa: Ecoutez, c'est trois commissions.

M. Morin: ... pour faire dévier le débat.

M. Bourassa: Non.

M. Morin: C'est ce qu'il fait d'habitude.

M. Bourassa: Je reviens à ce que vient de demander le chef de l'Opposition. Je lui ai dit qu'on prévoit une commission sur les Jeux olympiques avant ou après les jeux. Devant l'insistance — et avec raison nous sommes tout à fait d'accord — pas seulement du Parti québécois, mais de l'opinion publique en général, nous allons essayer de faire preuve de la plus grande diligence.

Il y aura également la commission sur la baie James.

M. Morin: Quand?

M. Bourassa: Je crois que le ministre des Richesses naturelles a donné une réponse là-dessus.

M. Morin: Précisément, non, il n'a pas donné de réponse.

M. Bourassa: Le ministre des Richesses naturelles a dit qu'il s'absentait et je crois qu'il s'absente de la fin de juin à la fin de juillet. Alors, ce sera, soit après ou avant son départ.

M. Morin: Non, mais puis-je vous demander quand...

M. Bourassa: Vous demanderez au ministre.

M. Morin: Non, j'ai le premier ministre devant moi; j'imagine qu'il doit prendre des décisions par moments.

M. Bourassa: D'accord, mais vous serez avisés du moment. Je dis qu'il y a une possibilité qu'une commission sur les Jeux olympiques et une commission sur la baie James siègent, et le chef de l'Opposition me demande s'il peut avoir, avant la rencontre prévue pour le 17 août, une rencontre sur la Constitution.

M. Morin: Je vous le demande de façon précise.

M. Bourassa: En principe, je crois qu'il y aura une rencontre de la commission parlementaire. Sera-t-elle située entre le 5 et le 15 août? Je ne peux pas répondre immédiatement au chef de l'Opposition là-dessus. Tout dépend des résultats de la conférence des premiers ministres en Al-berta. Je crois que si on en vient à un consensus des premiers ministres, en Alberta, qu'ils n'exigent pas une convocation la commission parlementaire, je ne vois pas pourquoi je m'engagerais aujourd'hui à la convoquer.

M. Morin: Ce que je redoute — je pense bien que tout le monde l'aura compris dans l'opinion publique, cela a déjà fait l'objet de certains commentaires — c'est qu'on ne profite du mois d'août et d'une certaine euphorie olympique pour noyer à la fois les coûts de la baie James et la discussion constitutionnelle.

M. Bourassa: C'est vous-même qui proposez trois commissions en même temps pour que les problèmes se noient les uns les autres.

M. Morin: Voulez-vous me confier le calendrier des séances. Voulez-vous me confier le calendrier?

M. Bourassa: Non, parce que vous n'êtes pas encore au pouvoir, et de la manière dont vous partez, vous ne le serez pas avant longtemps.

M. Morin: N'empêche que le premier ministre est incapable de me donner la moindre assurance

que cette commission aura lieu avant que la conférence interprovinciale se réunisse.

M. Bourassa: Mais ce que le chef de l'Opposition ne comprend pas, c'est qu'il y aura, à titre d'hypothèse, si le rapatriement doit se faire, une conférence fédérale-provinciale comme à Victoria. J'avais tenu, il y a cinq ans, la commission parlementaire avant la conférence constitutionnelle de Victoria, pas avant la conférence des premiers ministres. Je voudrais qu'il fasse une distinction entre la conférence des premiers ministres à Edmonton et la conférence fédérale-provinciale.

M. Cloutier: J'ai essayé de lui faire comprendre cette distinction, mais cela n'a pas été un succès.

M. Morin: M. le Président...

M. Cloutier: J'ai tenté de lui expliquer ce qu'était une conférence constitutionnelle. Le chef de l'Opposition avait l'impression que la conférence habituelle des premiers ministres des provinces, c'était une conférence constitutionnelle. Il n'en est rien.

M. Bourassa: Sans blague.

M. Morin: M. le Président, je pense que le ministre joue sur les mots. Il sait très bien la différence qu'il y a entre une conférence fédérale-provinciale sur les questions constitutionnelles et une conférence interprovinciale qui traite également de ces mêmes questions. L'une ou l'autre, dans le jargon, peut très bien être traitée de "conférence constitutionnelle". Qu'il ne tente pas de jouer sur les mots.

M. Bourassa: Ce que je dis c'est qu'en principe, avec les réserves qu'a données le ministre des Affaires intergouvernementales, nous adopterons la même attitude qu'il y a cinq ans. Le chef de l'Opposition avait été consulté à titre privé, il y a cinq ans, alors là, à titre de chef de l'Opposition, il pourra quand même...

M. Morin: 4'avais été obligé de refuser de répondre aux questions du ministre et même du premier ministre, et de lui demander de ne pas me faire part de certaines dispositions qu'il s'apprêtait à défendre à Victoria parce que, connaissant sa technique habituelle de lier ses adversaires par le secret en leur faisant des confidences, je ne l'avais pas laissé aller très loin. Le premier ministre s'en rappelle, n'est-ce pas? S'il veut mon avis, il l'aura mais je ne lui donnerai pas de façon confidentielle, cette fois, je vais le lui donner devant une commission parlementaire. Enfin, je me réjouis; je prends acte du fait que le premier ministre convoquera, en principe, la commission parlementaire avant de se rendre à la conférence du 17 août 1976.

M. Bourassa: Non, je n'ai pas dit avant la conférence du 17 août.

M. Morin: Ah, vous n'avez pas dit cela?

M. Bourassa: J'ai dit: s'il y avait une conférence constitutionnelle.

M. Morin: Dans quel sens? Interprovinciale ou fédérale-provinciale?

M. Bourassa: Non, fédérale-provinciale. La position du Québec sera connue, la conférence du mois d'août a pour but de permettre aux premiers ministres d'examiner cette question. Il y a eu une conférence la semaine dernière pour voir, s'il y avait rapatriement, quel pourrait être le calendrier, dans quelles conditions.

Mais les décisions seront les décisions au niveau du Conseil des ministres, prises probablement après cette conférence, les décisions finales du Conseil des ministres. Je ne vois pas pourquoi on convoquerait la commission parlementaire avant que les décisions finales soient prises.

M. Morin: M. le Président, le député de Louis-Hébert, qui nous quitte, va nous priver du quorum. Vous allez nous priver du quorum, M. le député.

Le Président (M. Gratton): Non, non.

M. Bourassa: II peut s'absenter pour deux minutes.

Le Président (M. Gratton): ... on a encore quorum, même en son absence.

M. Bourassa: Alors, ce que je dis au chef de I'Opposition, c'est que les décisions finales du gouvernement, vraisemblablement, seront prises après la conférence d'Edmonton. Quand le gouvernement aura pris position, il va soumettre son point de vue à la commission parlementaire sur la constitution et le chef de l'Opposition pourra se dire en désaccord ou en accord avec la stratégie du gouvernement.

M. Morin: Bien.

M. Bourassa: Je ne vois pas pourquoi il serait contre une telle attitude. Je ne vois pas pourquoi il insiste pour qu'au début d'août on fasse une commission parlementaire là-dessus.

M. Morin: Je pense que le premier ministre peut très bien comprendre qu'au moment où il ira discuter de ces choses avec ses "monologues provinciaux — pour parler comme le député de Verdun — il y aura des positions québécoises qui auront déjà été élaborées. C'est de ces positions, avant que vous n'alliez en discuter, dont nous aurions aimé nous entretenir avec vous, de façon à voir s'il y avait... de façon à informer la population, ce qui est fort important.

M. Bourassa: ... informé. Si le chef de l'Opposition n'est pas d'accord sur les positions du gouvernement et s'il a de bons arguments... il a déjà

fait changer d'avis M. René Lévesque il y a une douzaine d'années. Si ses arguments sont valables, on va les considérer. On n'a pas démontré qu'on était entêtés dans le passé. Je ne comprends pas pourquoi il insiste absolument, avant une étape préliminaire, pour qu'il y ait une commission parlementaire. On n'est pas contre absolument; on trouve que ce serait préférable qu'elle ait lieu après — on sera plus en mesure de connaître le point de vue du reste du Canada- la conférence d'Edmonton.

M. Morin: Je réponds au premier ministre que, dans la mesure où il veut bien prendre l'avis de l'Opposition et nous consulter, il vaut mieux qu'il le fasse le plus tôt possible et avant d'aller se compromettre avec ses partenaires provinciaux. Il me paraît extrêmement important que ce dossier soit appuyé sur le plus large consensus possible dans l'opjnion publique.

Le premier ministre sait très bien ce qui est arrivé dans le passé, quand il a fait défaut d'informer l'opinion publique, de se fier à l'opinion publique.

M. Bourassa: Quand cela? Quand?

M. Morin: Vous ne vous souvenez plus de votre retour de Victoria?

M. Bourassa: Bien oui, nous nous sommes entendus à Victoria pour en discuter; d'ailleurs, il y avait un délai de dix jours. Si, à Victoria, on a fixé un délai de dix jours, c'est parce qu'il n'y avait pas de décision finale. Et, au retour, nous en avons discuté et nous sommes arrivés à la conclusion...

M. Morin: Sous la pression de l'opinion publique, vous avez été obligé de retraiter. Tentez d'éviter que cela se produise cette fois-ci!

M. Cloutier: J'ai tenté d'expliquer au chef de l'Oppositon que la conférence du mois d'août, la conférence interprovinciale du mois d'août, n'était pas une conférence où les décisions se prendraient. Il s'agissait d'échanger sur les différents points de vue des provinciaux. Mais j'ai l'impression que je n'ai pas réussi à lui faire comprendre.

M. Morin: J'arrête le ministre des Affaires intergouvernementales. Si je comprends bien — et je tiens à ce point parce que nous y reviendrons sûrement par la suite — aucune décision ne sera prise à cette conférence interprovinciale du mois d'août? Aucune décision?

M. Cloutier: Non, non, non, je n'ai pas dit cela du tout.

M. Morin: Ce n'est pas cela que vous venez de dire? Alors, j'y perds mon latin.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition dit: Si je comprends bien, aucune décision ne sera prise, même sur la stratégie. Ce n'est pas ce que dit le ministre...

M. Morin: Non?

M. Bourassa:... et c'est comme cela que vous discutez depuis avant-hier.

M. Morin: Qu'est-ce qu'il a dit exactement? M. Bourassa: Non, je comprens que j'ai...

M. Morin: Peut-on faire relire la transcription? Peut-on faire relire, M. le Président?

M. Bourassa: Non, je...

M. Cloutier: Certainement.

M. Bourassa: ... comprends que vous ayez de la difficulté à avoir le quorum, si le chef de l'Opposition n'est pas plus pertinent dans ses discussions. Comment demander...

M. Morin: Je demande qu'on relise.

M. Bourassa: Ces députés font un effort considérable...

M. Morin: M. le Président...

M. Déziel: ... parler.

M. Bourassa: II faut les féliciter d'être...

M. Morin: Je vous ferai observer, M. le Président...

M. Fraser: ... depuis trois jours pour écouter ces folies, ce n'est pas étrange s'il est parti.

M. Morin: On voit que le député s'y entend. Mais je remarque, M. le Président, que le député de Louis-Hébert a quitté la pièce après l'entrée du premier ministre, ce qui est très éloquent quant à ses sentiments sur l'apport éminent du premier ministre à la discussion.

M. Bourassa: Vous n'avez même pas été capable de vous entendre avec le député de Johnson cet après-midi; sur un détail comme cela, vous êtes divisé trois contre trois. Et parce qu'un député s'absente pour cinq minutes, le chef de l'Opposition tire des conclusions.

M. Morin: Le voilà! Il revient, passionné par le débat.

M. le Président...

M. Desjardins: Pas par vos questions. M. Fraser: II n'a rien manqué à part cela. M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Gratton): Messieurs, je pourrais peut-être suggérer qu'on prenne tous cinq minutes, qu'on suspende pour cinq minutes, pour aller vaquer à nos besoins urgents.

M. Morin: Non, je suis prêt à continuer, M. le Président.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a fait toutes sortes d'affirmations farfelues tantôt, je l'entendais à travers des rencontres.

Je ne veux pas revenir sur toutes ses affirmations assez ridicules — il en fait tellement que ce serait trop long — mais ce que je veux lui dire, c'est que nous sommes d'accord avec lui au moins sur un point, pour signaler la très grande importance de la question. C'est pourquoi j'ai dit que, s'il y avait rapatriement unilatéral, contre les intérêts du Québec, ce serait une confrontation très sérieuse entre...

M. Morin: La "guerre totale".

M. Bourassa: Où avez-vous pris cela?

M. Morin: C'était dans tous les journaux.

M. Bourassa: Mais à quel endroit précis? Vous êtes responsable. Pouvez-vous citer la référence précise ou bien si c'est du ouï-dire?

M. Morin: Pouvez-vous nous dire simplement que vous ne l'avez jamais utilisée, cette expression?

M. Bourassa: Je vous demande de citer la référence.

M. Morin: C'était dans tous les journaux...

M. Bourassa: Lesquels et quel jour?

M. Morin: ... il y a quelques semaines à peine.

M. Bourassa: Non, non, mais...

M. Morin: Dans tous les journaux.

M. Bourassa: Mais lesquels? Ne soyons pas...

M. Morin: Je ne les ai pas sous les yeux!

M. Bourassa: Ah bon! Alors, vérifiez donc le texte de l'interview.

M. Morin: Est-ce que vous niez avoir utilisé l'expression?

M. Bourassa: J'ai dit que ce serait une confrontation très très sérieuse et peut-être la plus sérieuse, une confrontation historique. Quant à l'expression "guerre totale", je vous demande de vérifier l'interview avant de lancer des affirmations. Vous le faites tellement souvent.

M. Morin: Mais je vous donne l'occasion de dire que vous n'avez jamais employé cette expression.

M. Bourassa: Moi, je vous donne l'occasion d'être responsable et de citer votre source, si vous êtes capable de le dire, ou bien vous parlez à travers votre chapeau une fois de plus.

M. Morin: Je vois bien que je n obtiendrai pas de négation formelle, parce que vous seriez trop embêté.

M. Bourassa: Alors, prouvez-le!

M. Morin: Mais pouvez-vous dire que vous n'avez pas utilisé l'expression?

M. Bourassa: Prouvez-le, prouvez-le!

M. Morin: Je n'ai pas à le prouver, c'était dans les journaux.

M. Bourassa: Sortez-le. C'est vous qui l'avez apportée, cette expression. C'est à vous de démontrer si c'est vrai.

M. Morin: Alors, vous n'êtes pas disposé, si je comprends bien, à nier que vous avez employé l'expression. Ce serait plus simple. Vous régleriez la question à ma satisfaction immédiatement.

M. Bourassa: C'est une perte de temps.

M. Morin: Dites que vous n'avez jamais employé l'expression.

M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition ce que j'ai dit.

M. Dufour: Dans le journal Vers demain.

M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition ce que j'ai dit, que ce serait une confrontation extrêmement sérieuse entre les deux niveaux de gouvernement.

M. Morin: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Bourassa: Cela veut dire ce que cela veut dire.

M. Morin: Oui?

M. Bourassa: Mais je n'ai jamais dit qu'on emploierait les forces armées.

M. Morin: J'espère!

M. Bourassa: J'entendais le chef de l'Opposition faire des affirmations comme celle-là.

M. Morin: D'ailleurs, je me demande bien quelles forces armées vous auriez à votre disposition.

M. Bourassa: Alors, je demanderais poliment au chef de l'Opposition, si c'est possible, avant de tirer des conclusions ou de faire des affirmations comme celle-là, de vérifier la source, de vérifier le texte de l'interview. Qu'on ait interprété mes paroles comme cela, c'est le droit, et je le respecte, des

journalistes de le faire. Quand on essaie de résumer en dix mots une interview de trois heures, on est forcé d'employer, peut-être, des expressions comme celle-là. Mais je voudrais qu'il vérifie.

M. Morin: Ah, peut-être?

M. Bourassa: Qu'il vérifie le texte.

M. Morin: Peut-être?

M. Bourassa: Je parle du journaliste. Mais qu'il vérifie le texte de l'interview pour voir si j'ai mentionné qu'il y aurait une guerre totale entre Québec et Ottawa sur cette question. L'esprit pouvait exprimer une confrontation très sérieuse.

M. Morin: Bon. Pour les besoins de cette séance, je me satisfais de cette réponse. Admettons qu'effectivement l'expression "confrontation très sérieuse" est plus heureuse que "la guerre totale". J'en conviens avec le premier ministre. Mais ce que j'aimerais savoir, c'est ce que cela veut dire, "confrontation très sérieuse". Qu'est-ce que vous comptez faire si, de fait, Ottawa procède tout de même unilatéralement?

M. Bourassa: M. le Président, le ministre a dit tantôt qu'il n'était pas dans l'intérêt des négociations actuelles de commencer à dire que le gouvernement du Québec poserait tel geste. J'ai entendu le chef de l'Opposition qui veut faire intervenir le gouvernement français dans la question.

M. Morin: Le gouvernement britannique.

M. Bourassa: J'ai compris également le gouvernement français.

M. Morin: Oui, en raison des obligations internationales; en vertu du traité de cession, oui.

M. Bourassa: Alors, il voudrait que le gouvernement français fasse des représentations auprès du gouvernement britannique sur la question pratique.

M. Morin: II n'a pas été question de cela. Est-ce que vous le suggérez?

M. Bourassa: Non, non, mais c'est ce que j'ai compris dans les propos. Vous avez dit que le gouvernement britannique avait une responsabilité vis-à-vis du gouvernement français...

M. Morin: Oui.

M. Bourassa: ... dans cette question.

M. Morin: Le premier ministre n'est-il pas d'accord avec moi que ce traité de 1763 comporte des obligations?

M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, qu'il n'est pas dans l'intérêt actuel des négociations de considérer des hypothèses de rapatriement unilatéral. D'ailleurs, M. Trudeau a dit, il y a quelques jours, que la question, au lieu d'être discutée... Parce que vous souvenez qu'au mois de mars il parlait de quelques semaines, à l'occasion de la rencontre que j'avais eue avec lui. Maintenant, il n'est plus question de quelques semaines. Je crois qu'on a remis cela au mois d'août, à l'occasion de la conférence des premiers ministres, et probablement au cours de l'automne. Je pense qu'il y a eu un changement de point de vue du gouvernement fédéral sur le calendrier de la discussion sur cette question.

C'est pourquoi les questions du chef de l'Opposition deviennent un peu désuètes.

M. Morin: Est-ce que votre sentiment, étant donné votre connaissance du dossier, que le pouvoir fédéral a renoncé à un geste unilatéral?

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition me demande quels sont mes sentiments.

M. Morin: Votre opinion?

M. Bourassa: ... ou mon opinion. Je ne peux pas répondre à la place du gouvernement fédéral. Tout ce que je puis dire, c'est ce qui est officiel, c'est que le gouvernement fédéral, par la voix de son chef, avait parlé de quelques semaines, au début de mars, et maintenant il n'est plus question de rapatriement unilatéral, du moins d'ici un certain nombre de mois, dans la mesure où on interprète les déclarations de M. Trudeau. M. Trudeau n'a pas dit qu'il y aurait nécessairement rapatriement unilatéral, il a dit qu'il pourrait envisager un rapatriement unilatéral, mais il n'est plus question de quelques semaines. Donc il y a eu un changement dans le calendrier et c'est pourquoi quand vous parlez de...

M. Morin: Oui, je constate qu'il y a eu changement dans le calendrier. Je m'en réjouis. Mais la question que je posais au premier ministre est celle-ci: Est-ce que, pour autant, la menace d'un coup de force est écartée pour de bon, dans son opinion, d'après sa connaissance du dossier? Cela nous rassurerait s'il nous disait: C'est réglé, j'ai l'impression qu'il n'y aura pas de coup de force.

M. Bourassa: M. le Président, je ne puis que me référer aux déclarations publiques du gouvernement fédéral qui sont connues du chef de l'Opposition.

M. Morin: Justement, le premier ministre, lorsqu'il est venu au Québec, n'a pas dit peut-être que. Vous venez vous-même de faire allusion au calendrier, à l'ultimatum de quatre semaines qu'il avait posé. Ce n'étaient pas des "possibilités", à ce moment-là. C'était un péril précis.

M. Bourassa: Oui, mais sauf que, selon les dernières déclarations du gouvernement fédéral, cela pourrait être envisagé. Donc le chef de l'Opposition dit qu'il se réjouit que le gouvernement fédéral ait modifié son point de vue. C'est bien ce que j'ai compris.

M. Morin: II a modifié son calendrier, mais... M. Bourassa: Oui.

M. Morin: ... on ne peut pas aller plus loin pour l'instant.

M. Bourassa: Bien oui! mais je viens de parler de péril précis, immédiat, puis là je réfère à des déclarations plus récentes où on parle d'une hypothèse, alors je pense bien qu'il y a eu évolution.

M. Morin: Mais vous n'êtes pas en mesure d'affirmer que cette question du rapatriement unilatéral est définitivement écartée?

M. Bourassa: Comment, je ne comprends pas le chef de l'Opposition. Je ne sais pas s'il se destine à la diplomatie éventuellement. Il voudrait que j'affirme...

M. Morin: Non, le ministre, lui, se destine à la diplomatie, mais ce n'est pas mon domaine.

M. Cloutier: Vous allez avoir des surprises.

M. Bourassa: Si c'est le cas, je pense qu'il a tous les talents pour remplir ces fonctions.

M. Morin: A compter de quelle date, du 1er septembre?

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition voudrait, au nom du gouvernement fédéral, que je dise au chef de l'Opposition: Voilà la position définitive du gouvernement fédéral. C'est cela qu'il voudrait. Je ne comprends pas qu'il me pose des questions comme celles-là.

M. Morin: Non, ne faites pas semblant de ne pas comprendre mes questions. Je vous demandais tout simplement si, dans votre opinion, selon votre connaissance du dossier — j'imagine que vous le potassez tous les jours — cette menace du rapatriement unilatéral était écartée. Mais je n'insiste pas, puisque je vois bien que je n'aurai pas de réponse précise. Je voudrais peut-être, M. le Président, me résumer, faire le point sur les discussions que nous avons eues jusqu'ici dans le domaine constitutionnel.

M. Cloutier: Là, messieurs, nous avons droit à un discours, si je comprends bien.

M. Morin: A quelques conclusions. Je voudrais attirer d'abord l'attention du ministre et du premier ministre, puisqu'il est présent, sur le danger de négociations constitutionnelles, lorsqu'on n'a pas des objectifs très clairs, très précis et la volonté de les réaliser.

Le système actuel, tout le monde en est conscient — je pense que même les ministres en sont conscients — le système actuel est défavorable au Québec, surtout quand on a devant soi un pouvoir fédéral qui, lui, sait exactement où il va et se montre prêt, à l'occasion, à faire flèche de tout bois et, au besoin, à utiliser la menace et l'ultimatum pour arriver à ses fins, surtout quand on est devant un pouvoir fédéral qui travaille sans relâche à étendre ses compétences et à envahir celle des provinces.

J'ai dit au ministre plus tôt, au cours de ces débats, que je me réjouissais de l'existence du ministère des Affaires intergouvernementales puisque c'était sa tâche de protéger les compétences du Québec, de coordonner l'action des divers ministères sur le plan international et dans leurs rapports avec Ottawa.

Le ministre a toujours pu compter sur notre appui, lorsqu'il avait des positions claires. Malheureusement, j'estime que les positions québécoises, à l'heure actuelle, ne sont pas claires. De plus, j'estime que la discussion ou le semblant de discussion que nous avons eue depuis quelques heures ne contribue pas à les éclairer.

En second lieu, j'attire l'attention du ministre sur le fait que le mode d'amendement proposé à Victoria demeure essentiellement inacceptable pour le Québec. Je sais qu'on trouve...

M. Bourassa: Le député de Bourget ne pensait pas la même chose, il y a cinq ans.

M. Morin: Laissez-moi terminer.

M. le Président, j'ai vérifié les textes sur lesquels le premier ministre s'est fondé, à deux reprises en Chambre, pour tenter d'établir que le député de Bourget avait appuyé la formule d'amendement de Victoria. C'est faux et je pourrai le lui démontrer.

M. Bourassa: ...

M. Morin: Non. Je les ai à mon bureau.

M. Bourassa: Vous oubliez toujours les textes pertinents au bureau, vous.

M. Morin: Ce sont des débats qui remontent à 1971, n'est-ce pas?

M. Bourassa: C'est très pertinent.

M. Morin: Je vous les mettrai sous le nez, si vous le désirez. J'estime que c'est malhonnête de votre part de faire dire au député de Bourget des choses qu'il n'a jamais dites.

Des Voix: A l'ordre!

M. Morin: Vous pourrez me répondre tout à l'heure.

J'affirme de mon siège avoir pris connaissance des textes...

M. Bourassa: Tous les textes?

M. Morin: ... et que le député de Bourget... Oui, j'ai lu toute la transcription.

M. Bourassa: Toutes ses déclarations?

M. Morin: Oui, je les ai lues. Je les ai relues pour vraiment m'assurer qu'on ne pouvait trouver nulle part des ambiguïtés qui permettraient au premier ministre, selon son habitude, de raconter n'importe quoi. Ce n'est pas le cas. Le député de Bourget n'a jamais appuyé la formule de Victoria.

M. Bourassa: Cela n'a pas d'importance.

M. Morin: Alors pourquoi en parlez-vous et pourquoi me remettez-vous cela dans les jambes, chaque fois que je vous parle du mode d'amendement de Victoria?

M. Bourassa: Parce que ce n'était pas, à ce moment, le fond du débat, c'était la question sociale.

M. Morin: De toute façon, j'attire l'attention du ministre sur le fait que, si le Québec, unanimement ou quasi unanimement, a rejeté la charte de Victoria, ce n'était pas seulement, comme vient de le laisser entendre le premier ministre, à cause de l'article 94a) qui portait sur les arrangements en matière sociale. Il suffit de relire la presse et en particulier les éditoriaux de l'époque, ou encore ceux, plus récents, qui portent sur le projet de proclamation fédéral, pour se rendre compte que les Québécois ont été unanimes à dénoncer ce mode d'amendement. Si par hasard le premier ministre se rendait à une nouvelle conférence fédérale-provinciale ou interprovinciale, peu importe, portant sur des questions constitutionnelles avec l'idée de ramener sur le tapis ou d'accepter à nouveau une formule d'amendement constitutionnel qui serait celle de Victoria, il fera face à la même levée de boucliers dans l'opinion publique québécoise. Il sera obligé, une fois de plus, de retraiter au dernier moment, in extremis, et de dire "non" alors qu'il avait laissé entendre qu'il serait peut-être possible d'accepter un tel mode d'amendement.

Je le dis au premier ministre pour que ce soit bien clair, ce mode d'amendement a été rejeté par les Québécois et par tous ceux qui l'ont étudié dans la presse ou dans les universités. Il ne s'en trouve pas pour l'appuyer. Qu'il consulte les fonctionnaires, ils pourront le lui dire eux aussi. D'ailleurs les documents qui sont...

M. Bourassa: Le directeur du Devoir ne s'est pas prononcé sur cette formule?

M. Morin: Vous savez très bien ce qu'il en a dit.

M. Bourassa: II a dit que la formule...

M. Morin: II vous a fait des suggestions de modifications.

M. Bourassa: Sur la formule d'amendement, le directeur du Devoir, c'est faux de dire que la presse est unanime contre la formule d'amendement.

M. Morin: Voulez-vous qu'on aille chercher les textes?

M. Bourassa: Son dernier, le dernier qu'il a écrit là-dessus.

M. Morin: Je vous parle de la formule de Victoria.

M. Bourassa: Oui, oui.

M. Morin: Je ne pense pas, ce n'est pas mon sentiment.

M. Bourassa: Je dois vous...

M. Morin: De toute façon, je mets le premier ministre en garde contre toute concession sur le mode d'amendement de Victoria. J'estime que s'il devait revenir au Québec à la suite d'une conférence constitutionnelle à laquelle il aurait accepté ce mode de rapatriement, à nouveau il serait devant une véritable levée de boucliers au Québec. Je pense qu'il peut se le tenir pour dit. Je n'aborde pas les autres problèmes; je ne parle que de celui-là.

Troisièmement, je pense qu'il faut se méfier énormément des opinions personnelles exprimées par le ministre des Affaires intergouvemementales quant à la vertu des accords administratifs. Il a, dans une entrevue donnée au Soleil, sur laquelle nous nous sommes déjà penchés brièvement, laissé entendre que ces arrangements administratifs étaient une excellente solution à nos problèmes constitutionnels. Je tiens à lui dire qu'ils font le jeu du pouvoir fédéral et que, ce faisant, il épouse la stratégie fédérale. Il se met, en quelque sorte, dans la peau des fédéraux.

Ces ententes administratives — nous en avons des exemples devant nous en matière d'immigration et en matière de sécurité sociale — non seulement ne font pas l'affaire du Québec, mais consolident les positions fédérales. Elles les reconnaissent en principe, même, souvent. Je tiens donc à dire au ministre — il ne pourra pas dire qu'on n'en a pas parlé — que ces accords administratifs sont dangereux quand ils ne sont pas appuyés sur des positions de principe clairement et publiquement exprimées.

Quatrièmement, les "garanties culturelles" des articles 38 et 40 n'en sont point. Peut-être devrais-je poser la question au premier ministre, qui ne nous a pas fait l'honneur d'être avec nous hier. Estime-t-il que les "garanties culturelles", contenues dans les articles 38 et 40 du projet de proclamation fédérale, constituent effectivement les "garanties" qu'il revendique?

M. Bourassa: J'ai déjà dit publiquement que les garanties culturelles en question devaient exprimer une protection aussi claire que possible. Nous examinons actuellement les implications juridiques des garanties proposées.

M. Morin: De l'avis du premier ministre, ces textes sont-ils clairs?

M. Bourassa: Je n'ai pas d'autre commentaire à faire pour l'instant. Je pense bien qu'on a amplement le temps d'examiner toutes les implications juridiques de ces garanties culturelles. Je veux dire qu'il n'est pas question de les soumettre à la Cour suprême; donc, il va falloir les examiner de très près pour connaître leur portée.

M. Morin: Si j'ai posé la question, c'est que, dans sa lettre, M. Trudeau fait allusion au fait que ces textes ont été élaborés — j'entends les articles 38 et 40, pour être très précis — au cours d'entretiens officieux échelonnés d'avril à novembre 1975, au moment où il vous a communiqué le projet de proclamation. Si tel est le cas, si vraiment des fonctionnaires du Québec ont été associés à l'élaboration de ces articles 38 et 40, je crois qu'il est grand temps que le ministère revoie le dossier et rajuste ses flûtes. Au cas où le premier ministre ne se sentirait pas libre de dire quoi que ce soit sur la question, moi, je vais dire quelque chose. Ces garanties, ces pseudo-garanties culturelles n'en sont pas. Ce ne sont que chiffons de papier, que phrases creuses.

M. Bourassa: M. le Président!

M. Moril: Est-il nécessaire que je relise ces deux articles?

M. Bourassa: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait, dans une question aussi fondamentale pour l'avenir du Québec, être un peu plus nuancé? Je l'entends depuis quelques minutes. Il n'y a rien de bon, c'est totalement négatif. Il doit y avoir quand même des éléments du dossier... Ce sont des chiffons de papier, c'est ridicule, cela consolide le fédéral.

M. Morin: Oui.

M. Bourassa: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le chef de l'Opposition...

M. Morin: Mais telle est la situation.

M. Bourassa: ... fasse un peu moins de politi-caillerie et essaie de donner un point de vue plus équilibré de la situation?

M. Morin: Telle est la situation et, quand nous essayons d'obtenir des réponses, des précisions, vous refusez de répondre. Je suis bien obligé de vous donner mon opinion sur ces questions, et je vais le faire. Je vais continuer de le faire publiquement même.

Ces garanties n'en sont pas. Je pourrais m'amuser à vous citer à nouveau l'article 38, mais je l'ai déjà fait deux fois hier et cela suffit.

M. Deziel: Ecoutez, vous faites passer cela aux crédits.

M. Morin: Je sais que le député n'y comprend pas grand-chose, mais qu'il suive avec attention.

M. Dufour: C'est bien dur de comprendre quelque chose. Vous comprenez-vous vous-mêmes?

M. Morin: M. le Président, pourrais-je demander au premier ministre s'il a l'intention, à tout le moins, de demander une révision de l'article 38, pour qu'il soit moins composé de phrases creuses et de voeux pieux?

M. Bourassa: M. le Président, le Parti québécois a pris pour attitude, et je crois qu'il ne faut pas le blâmer là-dessus, que lorsque les questions sont importantes, lorsqu'il veut faire aborder le débat sur un plan concret, il fait des contre-propositions. Il l'a fait avec le budget de l'an I, avec le budget de l'an II, avec la loi 22 il y avait une loi du Parti québécois avec des amendements. On prône même l'usage de l'anglais au Québec dans les annonces commerciales; cela me paraît tout à fait une stupidité politique et elle en est une vraie. Je ne sais pas si cela a échappé au chef de l'Opposition, mais M. Levesque...

M. Morin: Je ne me laisserai pas entraîner dans un débat sur le projet de loi 22...

M. Bourassa: Non, le projet de loi 20. Comment peut-on prohiber l'usage de l'anglais dans les annonces commerciales quand il y a un million d'anglophones au Québec! Ce serait impossible pour...

M. Morin: C'est le système actuel?

M. Bourassa: Non, mais il est incroyable qu'un parti sérieux puisse faire dans son programme de telles propositions. En tout cas, on aura le temps de discuter de cela. Mais ce que je dis, c'est que le chef de l'Opposition pourrait faire comme ils l'ont fait dans le projet de loi 22. S'il n'est pas satisfait des garanties, nous, nous les examinons. Nous n'avons pas dit, ce que M. Trudeau a dit lui-même à la page 7, je crois, de la lettre, que si le Québec n'est pas satisfait, qu'il va aller plus loin. Alors, la position du Québec a été énoncée. Je l'ai énoncée moi-même et le ministre des Affaires intergouvernementales l'a fait également. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire pour l'instant, alors que nous sommes en négociations sur ces amendements qui ont été proposés et qui ont été discutés auparavant. Mais si le chef de l'Opposition, au lieu de se limiter à les désavouer, s'il a lui-même des propositions à faire, nous sommes ici pour les examiner, comme nous avons examiné le budget de l'an I, à l'occasion de la dernière campagne électorale.

M. Morin: M. le Président, pour que nous fassions des propositions, il faudrait réunir la commission parlementaire. Si le ministre veut bien le faire, je vous assure que nous serons là et que nous aurons des propositions.

M. Cloutier: Non, M. le Président...

M. Morin: Mais si vous ne répondez pas à mes questions, pourquoi voulez-vous que je réponde aux vôtres?

M. Cloutier: Non, M. le Président, êtes-vous satisfait?

M. Morin: Vous ne nous avez donné aucune précision sur les propositions québécoises, vous voudriez que nous prenions vos responsabilités, il y a un bout!

M. Bourassa: Non, pas du tout; nous voulons que vous soyez une Opposition responsable. Au lieu de dire que c'est du chiffon de papier et lancer toutes sortes d'invectives, on dit: Faites comme vous avez fait à plusieurs reprises dans le passé, avec plus ou moins de succès, mais je pense que c'est une façon concrète d'aborder les problèmes. Vous pouvez le faire indépendamment des commissions parlementaires.

M. Morin: Nous le faisons à l'occasion, c'est même nous qui avons dû rendre publics les documents que vous vous gardiez bien de porter à l'attention de l'opinion publique.

M. Bourassa: Lesquels?

M. Morin: Par exemple, les articles 38 et 40.

M. Bourassa: Comment avez-vous pu rendre cela public? Je veux dire, avez-vous des espions?

M. Morin: Vous savez très bien que c'était ce qui circulait dans la presse.

M. Bourassa: Vous encouragez la déloyauté des fonctionnaires? c'est ce que vous voulez admettre implicitement?

M. Morin: Que le premier ministre ne tente pas de nous impliquer dans ces fuites.

M. Bourassa: Non.

M. Morin: Quand on garde le secret sur les choses essentielles, quand on tente de tenir les gens dans l'obscurité, ce genre de fuites risque de se produire.

M. Bourassa: Non.

M. Morin: Qu'il ne tente pas de me faire dire que je les approuve, je ne les approuve pas. Je ne les approuverai jamais.

M. Bourassa: Pourquoi en profitez-vous si vous ne les approuvez pas?

M. Morin: Parce que nous estimons que si un texte n'est pas rendu public et doit l'être, c'est notre devoir de le faire.

M. Bourassa: Quelle éthique, pour l'Opposi- tion, de profiter de la déloyauté qui peut exister chez un très petit nombre de fonctionnaires!

M. Morin: M. le Président, je peux dire...

M. Bourassa: Vous avez une conception élastique de la moralité administrative.

M. Morin: Absolument pas, M. le Président, et je tiens à dire que nous n'hésiterons jamais à rendre public un texte — pas plus que les journalistes ne le font — un texte fondamental quand on tient l'opinion publique dans l'obscurité, quand on tente de lui cacher ce qui se passe derrière les portes closes, quand on tente de procéder comme on l'avait fait à Victoria ou encore au temps de la formule Fulton-Favreau, quelques années auparavant. C'est bien ce qui risque de se produire à nouveau, hélas! Toujours l'obscurité, le secret, les portes capitonnées! Ce n'est pas comme cela qu'on discute de l'avenir d'un peuple.

M. Bourassa: On se croirait au théâtre, M. le Président.

M. Morin: M. le Président, j'ai posé une dernière question sur les garanties dites culturelles.

M. le Président, je vous prierais de rappeler le "poulailler" à l'ordre, puisque décidément il est difficile de parler...

M. Bourassa: Ils font preuve d'une patience orientale, parce qu'il n'y a qu'une demi-heure que je suis ici et je crois qu'ils ont beaucoup de mérite.

M. Morin: M. le Président, c'est à se demander si le quorum est une règle sage. Ils ont surtout le désavantage de nous empêcher de procéder rapidement avec les questions que nous avons à poser. Venons-en à l'article 38.

M. Dufour: M. le Président...

M. Déziel: M. le Président, on est obligé...

M. Morin: "Le Parlement..."

Le Président (M. Gratton): L'honorable... Demandez-vous la parole?

M. Déziel: Juste une question. Je me demande si le chef de l'Opposition aurait voulu accepter une question de ma part? Pas d'objection? Est-ce que vous avez eu...

M. Morin: Je n'ai pas d'objection, à condition que ce soit intelligent et pertinent.

M. Bourassa: Ecoutez...

M. Déziel: Je vous demande simplement si vous avez lu le livre vert de Mme Jeanne Leblanc "Vers un Québec habitable"?

M. Morin: Vous voulez dire le rapport minoritaire de Mme Leblanc?

M. Déziel: Oui?

M. Morin: Oui et qu'on n'avait pas annexé au rapport, en contravention de toutes les règles cou-tumières, que le gouvernement avait tenté de cacher? C'est de cela que vous parlez?

M. Déziel: Absolument pas...

M. Bourassa: On l'a déposé à la Chambre.

M. Morin: Oui, vous l'avez déposé à la Chambre, mais à la suite de quelles pressions?

M. Bourassa: C'est du terre-à-terre.

M. Morin: A la suite de quelles pressions? Si c'est ce dont le député veut parler, je suis prêt à en parler.

M. Déziel: "Vers un Québec habitable" traite strictement des problèmes de la construction et de l'habitation. Là, on est rendu dans les nuages, M. le Président, sur toute la ligne. Cela fait trois jours qu'on pellète des nuages.

M. Morin: M. le Président, je rappelle au député qu'il est ici dans une commission parlementaire qui traite d'autre chose. S'il veut discuter de l'habitation, il est le bienvenu dans l'autre commission parlementaire. Ce n'est pas que ce ne soit pas important...

M. Déziel: ... pour vous.

M. Morin: Je ne dis pas que ce n'est pas important, je constate seulement que ce fameux rapport minoritaire on s'était bien gardé de le rendre public en même temps que le rapport majoritaire. Je me demande bien pourquoi.

M. Bourassa: Pardon, est-ce qu'on me parlait?

M. Morin: Non. Je ne vois pas très bien ce que vous pourriez apporter. Mais, cette fois, je vous pose la question. A l'article 38 on nous donne comme garantie culturelle ce qui suit: "Le Parlement du Canada, dans l'exercice des pouvoirs que lui confèrent la constitution du Canada, et le gouvernement du Canada, dans l'exercice des pouvoirs que lui attribuent la constitution et les lois adoptées par le Parlement du Canada, sont tenus de prendre en considération, outre notamment le bien-être et l'intérêt du peuple canadien, le fait que l'un des buts essentiels de la fédération canadienne est de garantir la sauvegarde et l'épanouissement de la langue française et de la culture dont elle constitue l'assise".

Je vous fais grâce du dernier paragraphe...

M. Bourassa: Lisez-le. C'est le plus important.

M. Morin: Bien. "Ni le Parlement du Canada, ni le gouvernement du Canada, dans l'exercice de leurs pouvoirs...

M. Bourassa: Vous êtes donc préjugé.

M. Morin: ... respectifs, n'agira de manière à compromettre la sauvegarde et l'épanouissement de la langue française et de la culture dont elle constitue l'assise".

M. Bourassa: Je me pose...

M. Morin: Le premier ministre a-t-il l'impression que ceci est autre chose qu'on voeu pieux?

M. Bourassa: M. le Président, je me pose des questions très sérieuses sur l'honnêteté intellectuelle du chef de l'Opposition, dans une question comme celle...

M. Morin: Je m'en pose sur la vôtre par moment, je vous l'avoue.

M. Bourassa: Je dois vous dire que je suis très déçu par l'attitude qu'il vient d'exprimer dans les quelques mots qui ont précédé. La partie la plus importante des amendements. "Je vous fais grâce." Comme si c'est cela qui avait le moins d'importance.

M. Morin: ... qui précède.

M. Bourassa: Je crois que l'honnêteté... Oui, n'essayez pas de vous défendre. Je crois, M. le Président, très sérieusement, qu'on peut se poser des questions sur la façon du chef de l'Opposition d'aborder le problème. S'il y a quelque chose dans ces articles, c'est certainement cette partie-là qui est la plus importante, et le chef de l'Opposition ne voulait même pas la mentionner dans un débat comme celui-là.

M. Morin: Je suis très intéressé par ce que vous venez de dire. Alors, c'est là-dessus que vont porter mes questions.

M. Bourassa: Mais, pourquoi ne vouliez-vous pas le mentionner?

M. Morin: Parce que c'est la répétition de ce qui précède.

M. Bourassa: Vous ne trouvez pas que vous faites de la politicaillerie dans des questions fondamentales pour les Canadiens français?

M. Morin: C'est la répétition en négatif du principe qui précède. Mais, cela n'en est pas moins du vent.

M. Bourassa: Vous auriez pu...

M. Morin: Des voeux pieux qui ne signifient rien.

M. Bourassa: Votre jupon dépasse.

M. Morin: On dirait que vous ne savez pas ce qu'ont été les garanties culturelles du passé et que

vous n'avez jamais suivi de cours d'histoire, à la manière des générations récentes.

M. Bourassa: Refuser de mentionner ce paragraphe c'est très révélateur de l'attitude du chef de l'Opposition.

M. Morin: Ah oui!

M. Bourassa: C'est très révélateur de sa bonne foi ou de sa mauvaise foi dans ces questions.

M. Morin: Je m'en vais vous le relire et vous allez m'en donner le sens.

M. Bourassa: Parce que j'ai insisté pour que vous le fassiez.

M. Morin: "Ni le Parlement du Canada, ni le gouvernement du Canada, dans l'exercice de leurs pouvoirs respectifs, n'agira de manière à compromettre la sauvegarde et l'épanouissement de la langue française et la culture dont elle constitue l'assise ".

Le premier ministre pourrait-il nous dire ce que cela signifie dans le concret?

M. Bourassa: Pourquoi le chef...

M. Morin: Ce courant d'air constitutionnel?

M. Fraser: Le chef de l'Opposition est toujours avec des gens de mauvaise foi, alors il n'est pas habitué à traiter avec des gens de bonne foi. Cela, c'est pour des hommes de bonne foi...

M. Morin: Peut-être que le député, qui est anglophone, sait ce qui s'est passé au Manitoba. Vous étiez de bonne foi, peut-être, au Manitoba, en 1890, quand vous avez aboli la langue française? C'est cela que vous voulez? Vous voulez qu'on en parle?

M. Fraser: Ne pleurez pas pour les pauvres gens du Manitoba. Pleurez un peu pour les autres ailleurs dans le Canada qui sont plus mal pris qu'eux autres.

M. Morin: Pour les Acadiens. Oui, pleurons pour les Acadiens et pour les Franco-Ontariens aussi. Bien sûr.

M. Fraser: Pleurez pour les anglophones si vous veniez au pouvoir, ici, au Québec, mon cher ami.

M. Bourassa: C'est malheureux que le chef de l'Opposition dévalorise le débat parlementaire comme pour le pétrole, comme pour la baie James.

M. Morin: Oui?

M. Bourassa: C'est de la partisanerie.

M. Morin: Toutes ces questions qui vous embêtent, n'est-ce pas?

M. Bourassa: De la partisanerie. C'est très décevant. Le chef de l'Opposition...

M. Morin: Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question.

M. Bourassa: ... n'était pas comme cela lorsqu'il a été élu, il y a trois ans. Il est devenu d'une partisanerie qui dévalorise le débat parlementaire.

M. Cloutier: Pour se maintenir dans son poste actuel.

M. Morin: M. le Président, si le premier ministre et le ministre des Affaires intergouvernementales pensent qu'ils vont m'empêcher de poser les questions que j'ai à poser avec ce genre d'interventions, ils se trompent.

Je répète ma question. Dois-je relire encore le paragraphe, puisque vous n'avez pas répondu à ma question?

M. Bourassa: M. le Président, j'ai simplement noté que je trouvais très révélateur que le chef de l'Opposition refuse ces quatre lignes, qu'on peut débattre, je suis d'accord, mais qu'il refuse de les lire. Je suis d'accord avec lui que la première partie, on peut peut-être l'interpréter comme exprimant une volonté générale. Mais la deuxième partie, à mon sens, est plus contraignante que la première partie. Le chef de l'Opposition le savait fort bien, lui qui est un expert dans ce secteur. Il savait fort bien que la dernière partie est plus contraignante que la première. Le fait qu'il ait voulu omettre de la mentionner est très révélateur de son attitude fondamentale dans ce débat.

M. Morin: M. le Président, premièrement, cette partie n'est pas plus contraignante que la première. Elle est du vent, au même titre.

Deuxièmement, je ne me suis jamais opposé à ce qu'on la discute. Je vous demande d'en discuter en ce moment. Je vous l'ai lue deux fois et je vous ai demandé ce que cela signifiait. Vous n'êtes pas capable de me répondre.

M. Bourassa: Après combien d'insistance. M. Morin: Oh, allons!

M. Bourassa: Ce que je dis, M. le Président... M. Morin: Enfantillages.

M. Bourassa: Non, non. C'est au journal des Débats que le chef de l'Opposition voulait vous faire grâce, pour employer son expression, de cette...

M. Morin: Toujours des enfantillages!

M. Bourassa: C'est au journal des Débats, on va pouvoir le constater.

M. Morin: Allez-vous répondre à ma question?

M. Bourassa: M. le Président, moi et le ministre des Affaires intergouvernementales, nous avons répondu. Je voulais simplement mettre en relief l'attitude du chef de l'Opposition. Nous sommes prêts à écouter son point de vue. Nous sommes actuellement à examiner les implications juridiques d'un texte comme celui-là sur des différents secteurs qui peuvent concerner l'épanouissement de la culture française.

M. Morin: Je vais vous poser une question plus technique. Supposons que le Parlement du Canada adopte une loi qui va à l'encontre de ces belles paroles, à rencontre du dernier paragraphe de l'article 38; quel recours le Québec a-t-il contre cette loi?

M. Bourassa: C'est exactement ce que nous examinons, c'est-à-dire une façon... Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que, pour être sûr de connaître les implications réelles, il faudrait qu'on puisse soumettre cela à la plus haute cour du Canada. En éliminant cette hypothèse qui prendrait plusieurs années, je crois qu'il faut voir, que ce soit par une étude du texte lui-même ou par des amendements qui pourraient être apportés, si c'était nécessaire et si c'était accepté, les implications dans tel et tel secteur d'une loi qui pourrait être interprétée comme allant contre la culture française. Je prends la société Radio-Canada, par exemple. Est-ce que ce texte pourrait protéger les Canadiens français au Canada contre des gestes affectant le réseau français de Radio-Canada?

M. Morin: Je vous ai posé une question technique. Vous y avez répondu partiellement, mais pas entièrement à ma satisfaction. Je pense que vous avez raison quand vous dites que, probablement, cela aboutirait devant le plus haut tribunal du pays puisque, lorsque deux gouvernements ne peuvent pas s'entendre sur la constitutionnalité d'une loi, forcément, ils doivent aller devant le tribunal. Or, ce tribunal, c'est la Cour suprême. Nous nous retrouvons dans un autre cercle vicieux.

Le premier ministre a laissé entendre que la question ne devrait pas aller devant la Cour suprême à cause de cela. Je lui demande alors qui va trancher...

M. Bourassa: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Morin: Laissez-moi finir ma question.

M. Bourassa: Je n'ai pas dit que cela ne pourrait pas aller devant la Cour suprême. J'ai dit qu'avant de prendre une décision finale, si le gouvernement du Québec devait attendre une décision de la Cour suprême, cela retarderait de plusieurs années le débat sur cette question ou la décision finale sur cette question. C'est pourquoi, éliminant un recours à la Cour suprême, il faut que nous soyons sûrs — c'est là l'objet du débat — que ces amendements apportent toute la protection que nous voulons.

M. Morin: Bon.

M. Bourassa: C'est cela que nous examinons sur le plan juridique actuellement et nous écoutons le chef de l'Opposition. Il dit que cela ne vaut rien; nous, nous examinons la portée juridique de ces amendements.

M. Morin: Ma question suivante est celle-ci. Si vous écartez la Cour suprême comme arbitre d'une telle question...

M. Bourassa: A court terme, oui.

M. Morin: A court terme ou à long terme, peu importe; si vous l'écartez, vous m avez dit qu'à cause de certaines difficultés, on ne pouvait pas envisager que ce soit la Cour suprême.

M. Bourassa: Bien écoutez, je dis, pour être très clair...

M. Morin: Laissez-moi finir...

M. Bourassa: Juste pour être sûr parce que vous m'avez mal interprété... Si, par hypothèse, on s'entend sur un texte qu'on considère, nous, comme acceptable, il est possible que dans dix ou quinze ans, il y ait mésentente entre les deux gouvernements sur l'interprétation. A ce moment-là, cela ira à la Cour suprême, mais je dis qu'on ne peut pas, d'ici quelques semaines, demander à la Cour suprême, si nous sommes protégés par ces amendements sur tel, tel et tel et tel point, parce que cela prendrait plusieurs années à avoir une décision.

M. Morin: Oui.

M. Bourassa: Mais il est inévitable, si on s'entendait, qu'il y ait possiblement éventuellement des affrontements entre les gouvernements sur l'interprétation, qui auront à être tranchés par la Cour suprême.

M. Morin: Et si, advenant que vous vous mettiez d'accord sur un texte comme celui-là, ce qu'à Dieu ne plaise, si, dans quinze ans, une loi est adoptée par le Parlement du Canada, étant donné la dénatalité et la régression démographique à laquelle vous-même avez fait allusion à plusieurs reprises dans certaines de vos interventions récemment, si dans quinze ans, une loi du Parlement fédéral vient porter atteinte à ce que le Québec juge être des garanties culturelles octroyées par cet article 38, vous irez donc devant la Cour suprême. Croyez-vous qu'à ce moment-là, cela prendra moins de quelques années avant d'avoir une décision et croyez-vous que vous serez devant un tribunal impartial?

M. Bourassa: Je crois que le chef de l'Opposi-

tion vient de présumer de l'impartialité de la Cour suprême. Ce sont des paroles dangereuses.

M. Morin: Le premier ministre, qui a fait des études en Angleterre, des études de droit, non pas en Angleterre, aux Etats-Unis, je crois, et qui a fait des études de droit beaucoup plus que des études d'économie, ne sait-il pas qu'un auteur aussi sérieux et grave que K.C. Wheare a affirmé qu'on ne saurait avoir de confiance dans une fédération, dans un tribunal suprême qui serait nommé et payé par le pouvoir central? Ce n'est pas moi qui ai inventé cette opinion.

M. Cloutier: Le chef de l'Opposition, hier, a traité les juges de la Cour suprême de stipendiés.

M. Morin: J'ai dit payés, nommés et stipendiés par le pouvoir fédéral. Si vous n'êtes pas d'accord, prouvez-moi le contraire.

M. Bourassa: Vous savez ce qui est arrivé à certaines déclarations qui ont été faites sur des tribunaux. Je trouve le chef de l'Opposition très imprudent.

M. Cloutier: II bénéficie de son immunité parlementaire.

M. Morin: M. le Président, le premier ministre répondra-t-il à ma question maintenant?

M. Bourassa: Précisément, la question, pour une fois, touche à une partie du fond du débat. C'est ce que nous examinons actuellement. Nous sommes bien conscients des implications.

M. Cloutier: Ces questions ont été posées des dizaines de fois, mais ce qu'essaie de faire le chef de l'Opposition, c'est de tenter de nuire à la négociation.

M. Morin: Allons donc!

M. Cloutier:... en essayant d'obtenir des déclara-tions sur des points de détail, alors que le projet de proclamation doit être considéré comme global.

M. Morin: Vous vous nuisez suffisamment déjà comme cela vous-même, sans que j'aie à ajouter.

M. Cloutier: II est tellement pris par la passion qu'il oublie même de me réclamer le dépôt de documents qui semblaient essentiels hier.

M. Morin: Je n'en suis pas encore là. Si vous voulez les déposer, vous pouvez le faire n'importe quand. En ce qui me concerne, puisque le premier ministre est là, j'ai d'autres questions à lui poser.

M. Bourassa: Rapidement, parce que ma période de détente se termine, je dois retourner à...

M. Morin: J'en aurais de nombreuses, je dois dire. Etant donné que je n'ai pas eu de réponse du ministre des Affaires intergouvernementales, j'aurais souhaité que vous restiez. Peut-être pourriez-vous revenir ce soir?

M. Bourassa: Non, malheureusement, je quitte Québec ce soir.

M. Morin: C'est navrant. Nous aurions pu constater que vous n'apportez pas plus de réponse que le ministre des Affaires intergouvernementales. De toute façon...

M. Bourassa: Je vous donne...

M. Morin: ... je vais me contenter d'attirer votre attention sur la nécessité de positions claires dans le domaine constitutionnel, claires et clairement exprimées, pas seulement claires dans vos officines et dont la population est saisie en temps utiles afin qu'elle ait le temps d'en débattre.

Jusqu'ici, j'attire votre attention sur le fait que les grands débats dans la presse québécoise, sur les questions constitutionnelles, ont toujours eu lieu après les conférences fédérales-provinciales, alors que le Québec était déjà pris à la gorge. Il faut que ces débats aient lieu avant les conférences, avant que vous alliez parler au nom du Québec, de sorte que vous aurez l'appui exprimé clairement par la population avant d'aller négocier.

Puis-je obtenir du premier ministre l'assurance que l'opinion québécoise sera, cette fois, pleinement saisie du dossier constitutionnel, avant qu'il aille participer à quelque conférence que ce soit? Avant qu'il aille compromettre l'avenir de la façon dont il l'a fait à Victoria et de la façon dont son prédécesseur, M. Lesage, l'avait fait à la conférence d'octobre 1964?

M. Bourassa: Appuyé par votre chef actuel.

M. Morin: Je vous en prie, ne confondons pas les faits. Il était appuyé par M. Paul Gérin-Lajoie et la seule raison pour laquelle M. Lévesque est intervenu dans le dossier, c'est pour ne pas se désolidariser du Conseil des ministres. Vous le savez très bien.

M. Bourassa: Si c'était si important que cela, pourquoi n'a-t-il pas démissionné?

M. Morin: Cela lui paraissait sans doute, à ce moment-là, moins important que cela lui paraît aujourd'hui.

M. Bourassa: Ah!

M. Morin: C'était en 1964. Nous sommes en 1976 et, depuis ce temps, vous savez qu'il s'est produit beaucoup de choses au Québec.

M. Bourassa: Vous venez d'admettre une erreur très sérieuse de votre chef.

M. Morin: Je n'ai jamais admis une telle chose.

M. Bourassa: Vous venez de dire qu'il aurait dû considérer cela comme une matière plus importante.

M. Morin: Je n'ai jamais admis une telle chose. Chacun avait son rôle à cette époque; chacun agissait selon sa conscience. Et il est certes permis à quelqu'un de changer d'idée par la suite.

M. le Président, j'ai posé une question au premier ministre. Je voudrais qu'il prenne...

M. Bourassa: Qu'est-ce que le chef de l'Opposition entend?

M. Morin: ... un engagement solennel là-dessus.

M. Bourassa: C'est quoi, un référendum? C'est cela que veut avoir le chef de l'Opposition?

M. Morin: Ah! proposez-vous que nous en tenions un sur une question comme celle-là?

M. Bourassa: Pas du tout, mais le chef de l'Opposition dit qu'il faudrait qu'il informe...

M. Morin: C'est une idée brillante que le premier ministre vient d'avoir! Un référendum avant de se rendre à une conférence fédérale-provinciale. En faites-vous la promesse?

M. Bourassa: ...

M. Fraser: II pense qu'il est le seul qui a eu les informations des Québécois, lui; il est la seule source d'informations, le chef de l'Opposition.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition dit que le premier ministre doit informer l'opinion publique québécoise. Il ne donne pas de détails, pas de modalités. Je lui dis: Comment? Est-ce qu'on doit faire une élection là-dessus? Est-ce qu'on doit faire un référendum? Est-ce qu'on doit...

M. Morin: Une conférence de presse ne vous est-elle jamais venue à l'idée?

M. Bourassa: Non. Ah! tout ce baratin pour demander une conférence de presse au mois d'août?

M. Morin: Une commission parlementaire ne vous est-elle jamais venue à l'idée?

M. Bourassa: On en a parlé tantôt. M. Morin: Est-ce qu'un... M. Bourassa: Une élection...

M. Morin: ... discours décrivant pleinement vos positions devant l'opinion publique québécoise ne vous est jamais passé par l'idée?

M. Bourassa: Une élection, cela ne vous plaît pas, non?

M. Morin: Si vous voulez, une élection.

M. Bourassa: Vous avez l'air un peu réticent.

M. Morin: Au contraire, je pense que nous nous en réjouirions beaucoup. D'ailleurs, je pense que le premier ministre a peur en ce moment.

M. Bourassa: Vous seriez forcé d'appuyer la position du gouvernement du Québec dans une élection.

M. Morin: J'avoue que vous tenez là un langage qui m'est absolument fermé. Qu'entendez-vous par là?

M. Bourassa: Vous dites, si le gouvernement... Vous demandez un engagement du chef du gouvernement selon lequel je consulterais la population du Québec sur la position constitutionnelle du Québec.

M. Morin: Je vous ai demandé de l'informer...

M. Bourassa: Nous en sommes...

M. Morin: ... l'engagement de l'informer.

M. Bourassa: Le seul engagement, les seules façons pour pouvoir consulter, c'est par référendum. Il n'y a pas de droit au référendum au Québec. Donc, il reste l'élection.

M. Morin: Non, écoutez-moi: Informer.

M. Bourassa: Je fais la suggestion au chef de l'Opposition, purement à titre d'hypothèse; il n'y aura pas d'élection cette année, je ne voudrais pas que cela parte les rumeurs, il n'en est pas question.

M. Morin: Je pense effectivement...

M. Bourassa: Pour rassurer le chef de l'Opposition.

M. Morin: ... que ce ne serait pas dans votre intérêt!

M. Bourassa: Pour rassurer le chef de l'Opposition également parce qu'il a semblé complètement pris par surprise. Je crois que cela embêterait drôlement le Parti québécois s'il y avait une élection là-dessus. C'est un élément que je dois retenir.

M. Morin: Fort intéressant. Ce serait fort intéressant. Mais revenons aux choses sérieuses, l'assurance que je désire obtenir de vous est la suivante...

M. Bourassa: Une conférence de presse, c'est ça que vous m'avez demandé.

M. Morin: Pouvez-vous vous engager, quel que soit le moyen, je laisse les moyens au premier ministre...

M. Bourassa: D'accord, je peux m'engager à faire une conférence de presse.

M. Morin: Non, comprenons-nous bien. Vous choisirez le moyen qui vous paraîtra le plus opportun. Pour cela, je m'en remets à vous. Mais pouvez-vous nous donner l'assurance que, cette fois-ci, la population québécoise sera pleinement informée des positions du gouvernement avant toute conférence constitutionnelle?

Est-ce clair cette question?

M. Bourassa: Cela a été fait, il y a cinq ans.

M. Morin: Allons donc! Si vous m'avez appelé en catimini à la veille de la conférence de Victoria pour me mettre au courant de toutes sortes de petites tractations, ce n'est certainement pas parce que l'opinion publique québécoise était saisie de la question.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a été consulté au même titre qu'une dizaine d'autres "personnalités", si je peux dire, entre guillemets dans son cas.

M. Morin: Nous ne savions pas ce que vous alliez dire à Victoria. Tout le monde était dans l'obscurité, vous le savez bien. Répondez à ma question. Ou dois-je la répéter?

M. Bourassa: La conférence était ouverte dans sa première partie et la position du Québec a été exprimée, à ce moment, par le chef du gouvernement à la face de l'opinion publique canadienne. J'ai dit tantôt qu'en principe, sauf événement imprévisible, en principe, il y aura une convocation de la commission parlementaire. Je ne vois pas, à part cela, comment le chef du gouvernement pourrait négocier des choses aussi importantes, sans en informer la population.

M. Morin: C'est ce qui est arrivé dans le passé. M. Bourassa: Non, c'est faux. M. Morin: Voyons!

M. Bourassa: II y avait eu une commission parlementaire auparavant.

M. Morin: Vous savez même que dans le cas de la formule Fulton-Favreau, on ne savait même pas que le Québec avait consenti; on l'a appris par la suite. Je vous en prie, un peu de décence.

M. Bourassa: Non, non.

M. Morin: M. le Président, je vois que je ne tirerai pas du premier ministre une assurance qu'il informera pleinement la population québécoise avant.

M. Bourassa: J'ai dit que...

M. Morin: Pouvez-vous me la donner clairement, cette assurance?

M. Bourassa: Vous me suggérez différentes choses, un discours, une conférence de presse, une commission parlementaire...

M. Morin: ... à votre choix.

M. Bourassa: M. le Président, ce n'est pas sérieux quand même de faire porter le débat sur des modalités comme celles-là. Il est évident qu'avant...

M. Morin: Je vous laisse les modalités.

M. Bourassa: ... une conférence constitutionnelle...

M. Morin: Je vous les laisse.

M. Bourassa: J'ai dit tantôt qu'il y aura à peu près sûrement une commission parlementaire où on donnera la position du gouvernement. Je l'ai dit au député de Johnson, il y a un mois. Le chef de l'Opposition est donc à court d'arguments au sujet du débat pour me faire répéter des choses qui ont été dites à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Entendons-nous bien. Vous nous dites: en principe. Je vous demande une assurance et je ne vous parle pas d'une simple possibilité.

M. Bourassa: C'est exactement cela.

M. Morin: Non, quand on tente d'obtenir des réponses précises, tout devient évidemment du verbiage. Je tente de savoir du premier ministre s'il peut me donner l'assurance — je vais répéter ma question...

M. Bourassa: Vous pourrez poser la question après, au moment où la conférence sera annoncée.

M. Morin: Non, je vous la pose maintenant, j'estime que c'est maintenant qu'elle doit être posée.

M. Bourassa: Cela demeure possible, M. le Président, on prévoit une conférence là-dessus au mois d'août, on prévoit que dans les mois qui suivent cela pourrait être un sujet important, mais on me demande un engagement avant même qu'on ait décidé de la conférence.

M. Morin: Vous ne voulez pas le prendre, cet engagement d'informer pleinement l'opinion publique?

M. Bourassa: Je vais le prendre dans la mesure où je peux le prendre avec les hypothèses qui sont devant nous.

M. Morin: Je le répète une dernière fois, M. le

Président. Je commence à en avoir marre, moi aussi.

M. Dufour: Oui, j'espère.

M. Cloutier: Ah! bon. On a de la "chance".

M. Dufour: Dieu soit loué.

M. Morin: M. le Président, je demande au premier ministre...

M. Bourassa: J'ai répondu, M. le Président.

M. Morin: ... s'il peut nous donner l'assurance qu'il informera pleinement l'opinion publique québécoise des attitudes de son gouvernement en matière constitutionnelle, avant de se rendre à toute conférence constitutionnelle.

M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que le gouvernement va opter pour une attitude pleinement responsable vis-à-vis de l'opinion publique.

M. Morin: Qu'est-ce que cela veut dire, encore cette salade?

M. Bourassa: Cela veut dire que le gouvernement est tout à fait conscient de l'importance de l'enjeu et qu'il n'a pas l'intention... Il va prendre la même attitude qu'il y a cinq ans.

M. Morin: C'est ce qui ne me rassure pas. Il y a cinq ans, vous êtes parti pour Victoria sans qu'on sache exactement ce que vous alliez y tramer.

M. Bourassa: C'est faux, il y avait eu une réunion de la commission parlementaire. On avait discuté de la formule d'amendement. On avait discuté des articles qui étaient à l'ordre du jour. C'est absolument faux de dire qu'il n'y avait pas eu réunion de la commission parlementaire pour discuter de la position québécoise. M. le Président, on ne peut pas faire maintenant...

M. Morin: Je constate qu il n'y aura pas d assurance, mais je préviens le premier ministre que nous allons le suivre à la trace dans ce dossier.

M. le Président, puisque l'heure approche, je demanderais au ministre de déposer le document dont je lui avais demandé communication hier.

M. Cloutier: Je me demande si je vais les déposer, maintenant. Je le lui ai offert à deux ou trois reprises. Je le lui ai offert hier, avant même qu'il y songe; je le lui ai offert aujourd'hui. Je trouve cet intérêt bien tardif. Cependant, étant donné l'importance des documents en question, je vais les déposer avec plaisir. C'est le point de vue de la plupart des provinces, et comme je l'avais indiqué, ce point de vue, en gros, s'oppose à un repatriement unilatéral.

M. Morin: Nous en rediscuterons à la prochaine séance, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): On suspend jusqu'à?

Une Voix: Huit heures, huit heures et demie.

M. Morin: Huit heures et demie. Nous serons plus sûrs d'avoir quorum. Nous ne viendrons pas attendre ou poireauter pendant une demi-heure.

M. Cloutier: Huit heures et demie jusqu'à onze heures, peut-être.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. Morin: Dix heures et demie ou onze heures.

Le Président (M. Gratton): La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, vingt heures trente.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Reprise de la séance à 20 h 35

M. Pilote (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! On est encore au programme 1. Il y a eu une entente entre le chef de l'Opposition et M. Cloutier, le ministre des Affaires intergouvernementales, de façon à faire le tour d'horizon et d'adopter pratiquement...

M. Morin: Selon l'habitude.

M. Cloutier: ... oui, c'est cela. Oui, je suis d'accord, cela marche très bien d'ailleurs.

Une Voix: Ce n'est pas une question de répondre tout de suite, c'est une question de principe.

M. Cloutier: Non, je n'ai rien à dire.

Le Président (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.

M. Cloutier: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition a encore des questions sur la question...

Secteur financier

M. Morin: Je voudrais commencer par quelque chose d'agréable. J'aurais en effet quelques mots à dire sur les questions financières. Le ministre m'a communiqué hier la déclaration du ministre des Finances du Québec à la conférence des ministres des Finances tenue les 1er et 2 avril 1976, document qui ne nous avait pas été communiqué auparavant. Je dois dire que cette déclaration du ministre des Finances contient des éléments fort intéressants en ce qui concerne la péréquation, les programmes conjoints et la garantie des recettes fiscales. Je signale au ministre, cependant, que je n'ai pas reçu le tableau annexé auquel le texte se réfère. Puis-je lui demander s'il me serait possible d'obtenir ce tableau qui contient des chiffres qui pourraient nous intéresser?

M. Cloutier: M. le Président, la réponse est oui, sous les réserves suivantes. C'est pour cela que je ne l'ai pas mis immédiatement avec le texte, c'est qu'il s'agit d'une simulation et que, par conséquent, les chiffres doivent être considérés comme des hypothèses. Le simple but du tableau est de fournir un exemple de ce que la formule pourrait donner. Il est extrêmement important de bien le comprendre. Je souhaitais le présenter au moment où nous en parlerions. C'est donc fait et c'est avec plaisir que je le confie au chef de l'Opposition.

M. Morin: Merci, M. le Président. Cela va être très utile pour la suite.

M. Cloutier: C'est peut-être...

M. Morin: La déclaration reste silencieuse sur un point majeur, que j'avais déjà signalé au ministre et qui est le partage fiscal. J'admettrai, cependant, que ce partage devra tenir compte des résultats obtenus quant aux autres questions, nécessairement. Il n'est donc pas entièrement illogique de ne pas faire de demandes précises à ce stade des discussions.

Quant au gouvernement fédéral, ces positions ont été exprimées de façon très claire sur la péréquation et la garantie des recettes fiscales. Il n'a pas encore fait connaître ses propositions quant aux programmes conjoints, ni au partage fiscal. Je voudrais tout d'abord attirer l'attention du ministre sur des points majeurs où il me paraît que des désaccords se profilent à l'horizon. Je voudrais lui dire quelle est l'attitude de l'Opposition sur ces aspects contentieux des rapports financiers fédéraux-provinciaux. Par exemple, en ce qui concerne la garantie des recettes fiscales, les deux gouvernements s'entendent pour mettre fin au programme. Le gouvernement du Québec veut que ce soit contre compensation financière ou fiscale, alors que le gouvernement fédéral ne veut même pas en entendre parler. Donc, nous avons là une possibilité d'affrontement qui est déjà dans l'air depuis quelque temps, d'ailleurs.

De même, pour la péréquation, les deux gouvernements s'entendent pour modeler la formule selon certains grands indicateurs auxquels le ministre, d'ailleurs, a fait allusion lors de notre premier entretien sur la question, par exemple, le revenu personnel.

Alors que le Québec veut que l'égalisation se fasse au niveau des deux provinces les plus riches, le gouvernement fédéral désire que cette égalisation reste au niveau de la moyenne canadienne de toutes les provinces. Là encore, il y a un désaccord qui pourrait éventuellement tourner au détriment du Québec.

Quant aux programmes conjoints et à la formule de retrait, cela fait plus de deux ans qu'on en discute — vous le savez — sans qu'on puisse en arriver à aucun accord. D'un autre côté, on ne doit pas se surprendre outre mesure de l'existence de telles divergences de vues, puisqu'il est tout à fait normal que chaque gouvernement mette de l'avant des propositions qui le favorisent davantage. Mais — et je me permets d'insister — il faut absolument que le gouvernement du Québec obtienne là-dessus l'appui de la population. C'est la seule chance qu'il ait de faire prévaloir son point de vue.

Je puis dire que l'Opposition trouve bien fondées les demandes du Québec, telles qu'elles ont été exprimées dans la déclaration du ministre des Finances, mais j'ajoute que, si nous les trouvons raisonnables en principe, puisque nous n'en connaissons pas tous les détails, nous réservons notre jugement sur les aspects mineurs de ces questions. Je ne puis donc dire, ce soir, que je suis en mesure d'approuver toute la démarche gouvernementale.

Toutefois, sur le plan des principes, je puis dire au ministre que nous nous trouvons substan-

tiellement d'accord. Nous sommes donc heureux d'accorder notre appui au gouvernement dans les discussions actuelles avec le gouvernement fédéral. Nous n'avons malheureusement pas trop d'illusions sur le résultat, parce que, comme je l'ai indiqué, les divergences de vues sont tout de même considérables. Nous espérons simplement que le gouvernement du Québec se montrera ferme. Encore une fois, pour se montrer ferme, il faut avoir l'appui de la population québécoise. Nous sommes de retour à ce problème que j'ai eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises depuis le début des séances de cette commission. Pour avoir l'appui de la population québécoise, il faut l'informer pleinement. J'estime qu'à l'heure actuelle, il reste énormément de travail à faire pour que les citoyens se persuadent de l'importance de ces accords financiers.

Dans la mesure de nos moyens et dans la mesure où on voudra bien donner à l'Opposition les renseignements nécessaires, nous nous ferons un devoir d'en expliquer la portée aux citoyens du Québec, pour ce qui est en tout cas de notre ressort.

Je sais bien que le premier ministre du Québec et sans doute avec lui le ministre des Finances veulent pratiquer une politique de non-affrontement, mais comme Ottawa, de son côté, ne répugne point à l'affrontement, lorsque cela lui paraît nécessaire, et ne répugne point à imposer sa volonté unilatérale, lorsque cela lui paraît opportun, j'ai l'impression que l'ère du non-affrontement est terminée, aussi bien dans le domaine constitutionnel que dans celui que je viens de commenter, c'est-à-dire dans le domaine financier.

Le ministre se rendra compte que, lorsqu'il nous informe pleinement, lorsqu'il nous fait part de documents qui contiennent la substance des attitudes gouvernementales, nous ne sommes pas butés au point de lui refuser tout appui. Dans ce dossier, donc, dans le dossier financier, quitte à revenir à la charge pour s'assurer que les positions du Québec sont défendues avec toute l'énergie que cela requiert, nous appuierons les démarches déjà entreprises auprès du gouvernement fédéral par le ministre des Finances.

M. le Président, je ne sais si le ministre a quoi que ce soit à ajouter avant que je passe à d'autres questions.

M. Cloutier: Rapidement, j'ai cinq commentaires. Premièrement, le chef de l'Opposition a noté que cette déclaration ne parlait pas du partage fiscal, que ce n'était d'ailleurs pas du tout son objectif. C'est clairement indiqué, en page 9; je cite le paragraphe: "On constatera que le but de ma proposition n'est pas de suggérer un nouveau partage fiscal entre le fédéral et les provinces. Cette question demeure fondamentale et devra faire l'objet de discussions ultérieures. Par conséquent, ceci permet de bien circonscrire la portée de cette déclaration, et s'il n'est pas question de partage fiscal, ce n'est pas parce que le gouvernement n'a pas voulu l'aborder, c'est qu'il n'a pas voulu l'aborder dans ce cadre-là."

Deuxième remarque: Le chef de l'Opposition parle un peu trop souvent de désaccord lorsqu'il se trouve en présence de deux points de vue qui divergent. Il est inévitable, dans une fédération, ou d'ailleurs dans toute négociation qui met en présence des partenaires, qu'il y ait, au départ, des divergences de vue. S'il y avait accord complet, il n'y aurait aucune raison de négocier. Il n'y aurait aucune raison de discuter. Alors, je préfère...

M. Morin: II y a là une question de degré, n'est-ce pas?

M. Cloutier: Non, il y a une question de psychologie. Il est bien certain que pour le PQ, tout est désaccord au départ. Je suis bien obligé de le constater; alors que nous, nous faisons état d'un point de vue. Nous trouvons normal de nous trouver en présence d'un autre point de vue. Ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a jamais eu de désaccord sur cette question. La proposition du Québec — laquelle, comme je l'ai déjà signalé, a été favorablement accueillie par plusieurs autres provinces — fait l'objet actuellement d'un examen très objectif.

Troisièmement, le chef de l'Opposition parlait de la pseudo-politique de non-affrontement du gouvernement. Il n'y a pas de politique de non-affrontement. Il n'y a pas de politique d'affrontement. Ce n'est pas dans des termes comme ceux-là que nous tentons de régler les problèmes. Il y a tout simplement, dans le cadre fédéral que nous acceptons, une volonté d'arranger les choses, compte tenu des aspirations et des principes que nous défendons. Il y a tout simplement une volonté d'en arriver à des accords sur certains dossiers. Il est important de le dire. Que cela puisse se traduire parfois par des difficultés, c'est certain, et c'est même inévitable. Mais il ne faut pas immédiatement sauter aux conclusions en disant que, systématiquement, il y a une volonté de non-affrontement ou d'affrontement.

Quatrièmement, pour sa part, le chef de l'Opposition, puisqu'il a favorablement accueilli cette proposition, il est vraiment dommage qu'il n'ait pas posé les questions pertinentes lorsque le ministre des Finances est revenu de cette conférence. Sans doute n'y accordait-il pas l'importance voulue. Je regrette d'ailleurs, parallèlement — vous voyez que j'essaie d'être le plus objectif possible — qu'on n'ait pas déposé ou fait connaître cette position, probablement parce qu'on la croyait déjà connue. J'ai jeté un coup d'oeil sur le journal des Débats, et je me suis aperçu qu'à ce moment-là, l'occasion était très belle pour l'Opposition d'entreprendre un débat là-dessus, si elle l'avait souhaité. Elle ne l'a pas souhaité. C'était une conférence importante. Le ministre des Finances en a parlé avant d'y aller. Il en a parlé au retour, et manifestement, c'est passé inaperçu. Il est un petit peu tard pour découvrir tout cela, mais disons qu'à l'avenir, le ministère des Affaires intergouvernementales, de manière à aider davantage l'Opposition qui, manifestement, dans le cas particulier, n'a pas su s'aider elle-même, s'arrangera pour prendre les dispositions nécessaires

pour que ce genre de déclaration soit peut-être portée à son attention plus rapidement; même si le ministère a cette publication qui est Canada-Québec, il est bien évident qu'il faut un certain délai pour que les textes fondamentaux y apparaissent.

Mais il y a quand même là l'exemple de ce que comporte une négociation. Il y aurait peut-être intérêt à ce que le chef de l'Opposition comprenne que dans certaines de mes réponses, lors du débat sur la constitution que nous avons tenu, j'ai essayé de lui faire prendre conscience du fait que dans d'autres secteurs, il y avait constamment des négociations, et des négociations extrêmement importantes. C'est peut-être le secteur le plus important, le secteur financier, puisqu'il est bien évident que lorsque l'on parle d'arrangements fiscaux, lorsque l'on parle de partage fiscal, on touche, au fond, à l'essence de notre fédéralisme. Or beaucoup de problèmes qui existent sont liés, comme le sait le chef de l'Opposition, au pouvoir de dépenser, par exemple.

Lorsqu'on parle de négociations constitutionnelles, il ne faut pas se polariser uniquement sur un texte ou une conférence. Il faut se dire que cette négociation constitutionnelle, d'abord, sera permanente, en ce sens que, constamment, elle nous imposera de chercher des arrangements dans un secteur qui va déboucher ensuite au niveau constitutionnel.

Enfin, il y a la question de l'information. Constamment, le chef de l'Opposition revient sur ce qu'il appelle le secret. Il en a fait toute une histoire depuis deux jours. Je vais essayer de lui expliquer quelque chose.

Voici une déclaration qui est datée du 1er et du 2 avril, qui a été faite lors d'une conférence. C'est une déclaration complète. C'est une déclaration qui trouve grâce même aux yeux du chef de l'Opposition.

Qu'aurait-il dit si, par hasard, deux mois avant la conférence, c'est-à-dire deux mois avant que le gouvernement puisse présenter son point de vue, le gouvernement s'était trouvé, au cours d'une commission comme celle-ci, à répondre à certaines questions de l'Opposition et avait, par bribes, fait connaître certains éléments de ses positions, avant même qu'elles soient complètement formulées, avait laissé filtrer de l'information à gauche et à droite, avant de pouvoir s'assurer certains appuis de ses partenaires. Je crois que le chef de l'Opposition va avouer que cela aurait été une erreur. Cela aurait été, pour reprendre mes expressions de cet après-midi, à la fois irresponsable et maladroit. Or, c'est exactement ce que le chef de l'Opposition essayait ou essaie de me faire faire depuis deux jours, dans le dossier constitutionnel.

M. Morin: Allons! Allons!

M. Cloutier: II essaie exactement de me faire prononcer, alors qu'on est en train d'élaborer une position. Je crois que l'exemple est extrêmement intéressant. Nous aurions, autrement dit, perdu l'impact de cette déclaration qui a fait suite à de très nombreux travaux, en particulier aux travaux d'un comité dont mon prédécesseur faisait état, même l'année dernière.

Si, l'année dernière, mon prédécesseur s'était lié devant des questions de l'Opposition sur un tas de points, de cela, aurait-il été possible d'en arriver avec une vue globale qui, encore une fois, semble répondre même à certaines des aspirations du chef de l'Opposition.

Voilà quelques commentaires. Ils n'ont pas pour but de relancer le débat, mais tout simplement d'y mettre fin.

M. Morin: M. le Président, je tiens à relever un ou deux points dans ce que vient de dire le ministre, avant de passer à autre chose. Nous n'avons jamais nié qu'il y ait des tensions au sein des systèmes fédéraux. C'est un peu dans la nature des choses. Ces tensions existent également entre Etats souverains, sur le plan international.

Toutefois, si ces tensions sont inévitables dans un Etat fédéral, il arrive qu'elles soient résolues systématiquement à l'encontre des Etats membres. Et ce n'est pas seulement l'expérience canadienne qui nous l'enseigne, c'est le fédéralisme comparé qui nous montre à quel point, la plupart du temps, ces tensions entre la fédération et ses membres se résolvent, aboutissent à une centralisation toujours croissante.

C'est ce que je crains, et c'est d'ailleurs l'expérience des 30 dernières années dans le domaine financier. Ce n'est pas répondre à nos questions que de nous rappeler qu'il y a des tensions dans un système fédéral. Nous le savons, nous les vivons tous les jours aussi bien que le gouvernement.

La question est celle-ci: Ces tensions peuvent-elles être résolues à la satisfaction du Québec, à l'intérieur du cadre canadien actuel? Nous pensons que non. Nous pensons que le système joue systématiquement contre les intérêts du Québec et pas seulement dans le domaine financier. Mais c'est là un autre débat, je le concède volontiers, et je n'ai pas l'intention ce soir, à moins que le ministre y tienne, d'ouvrir la porte à cet immense débat.

M. Cloutier: Le débat de votre option d'indépendance, c'est le séparatisme; c'est bien cela?

M. Morin: C'est le débat qui nous oppose, c'est le débat des années qui viennent, c'est le défi qui est lancé aux Québécois depuis déjà...

M. Cloutier: Le débat de la sécession possible du Québec.

M. Morin: ... depuis huit ou neuf ans, le débat sur la souveraineté du Québec.

M. Cloutier: Par sécession.

M. Morin: A la suite d'une entente, par négociation...

M. Cloutier: Ah bon!

M. Morin: Par rapport au Canada.

M. Cloutier: Ah! Là, c'est très intéressant.

M. Morin: Voulez-vous que nous abordions ce sujet-là?

M. Cloutier: Non, mais vous venez de dire quelque chose d'absolument fascinant.

M. Morin: N'avez-vous pas lu le programme du Parti québécois?

M. Cloutier: Bien sûr! On me l'a même dédicacé. M. Parizeau me l'a dédicacé.

M. Desjardins: Lequel?

M. Cloutier: Oui, en 1970, au cours de la campagne électorale.

M. Morin: J'oserais croire que certains de vos proches vous en auraient donné des exemplaires!

M. Cloutier: Ah! Ah!

M. Morin: Et pour ne pas aller plus loin dans cette voie qui est un peu trop ad hominem, je le concède, je voudrais dire au ministre que ces tensions, nous pensons qu'elles ne peuvent être résolues à l'avantage du Québec. On le verra bien dans le domaine financier, lorsqu'il s'agira de choisir entre les grands indicateurs et de savoir si le critère qui doit prévaloir est l'égalisation par rapport au niveau des provinces les plus riches ou bien, comme le gouvernement le désire, ou l'égalisation par rapport à la moyenne canadienne de toutes les provinces. Je suis prêt à parier que vous allez avoir certaines difficultés à faire prévaloir le point de vue québécois. J'ai bien l'impression que vous n'arriverez pas à le faire prévaloir. Mais je n'en mettrais pas ma main au feu; nous en reparlerons l'année prochaine, à moins que le ministre d'ici là ne soit nommé à quelque autre poste.

M. Cloutier: Ecoutez, je vais faire une mise au point là-dessus si vous voulez. Continuez. Pas du tout, malheureusement j'ai une mauvaise nouvelle pour vous, vous m'avez encore pour un bon moment.

M. Morin: Que dit le ministre?

M. Cloutier: II y a de fortes chances pour que je puisse vous confondre encore l'an prochain.

M. Morin: Si la confusion est semblable à celle de cette année, ça fera encore un bon débat.

M. le Président, deuxième point sur lequel j'aimerais ajouter quelques mots, la déclaration de M. Garneau n'était pas passée inaperçue et nous attentions, presque de jour en jour, que vos services de renseignements nous fassent parvenir le texte de cette déclaration.

M. Cloutier: Voulez-vous m'expliquer...

M. Morin: Un instant.

M. Cloutier: ... pourquoi les journalistes...

M. Morin: Je vous ferai remarquer — je vous ai déjà fait remarquer, hier — que le communiqué fédéral nous est parvenu le lendemain du jour où il a été rendu public.

M. Cloutier: Vous avez eu un communiqué québécois, ça, vous ne pouvez pas le nier. Vous n'avez pas eu le texte peut-être in extenso de la déclaration, mais il y a eu un communiqué québécois...

M. Morin: Qui se trouvait être incomplet. Il y avait les rapports dans les journaux...

M. Cloutier: ... malheureusement, les journalistes s'intéressent infiniment moins à ces problèmes...

M. Morin: Oui, mais vous le saviez...

M. Cloutier: ... qu'aux problèmes qu'ils créent.

M. Morin: Cela, vous le savez.

M. Cloutier: Vous l'admettez donc.

M. Morin: C'est votre responsabilité. Vous savez que les journaux ne peuvent transcrire au long les 20 pages de votre communiqué.

M. Cloutier: Pas du tout.

M. Morin: Et je ne chercherai pas querelle aux journalistes. C'est votre responsabilité...

M. Cloutier: Moi non plus.

M. Morin: ...de nous faire parvenir les textes.

M. Cloutier: Ecoutez, je crois que nous avons vidé ce débat. J'ai exprimé clairement...

M. Morin: Je croyais également que nous l'avions vidé.

M. Cloutier: ... que je trouve souhaitable qu'un texte de cette importance soit déposé à l'Assemblée.

M. Morin: Bien, alors...

M. Cloutier: Je regrette qu'il ne l'ait pas été et j'ai pris des dispositions pour qu'il le soit sans assumer, d'ailleurs, la responsabilité du fait qu'il ne l'ait pas été. Mais, j'accuse aussi l'Opposition d'avoir négligé cette conférence, de ne pas avoir posé de questions pertinentes au ministre des Finances, et cela est vrai, il suffit que vous relisiez ces séances.

M. Morin: Ne vous ai-je pas posé les questions hier, précisément?

M. Cloutier: Oui, mais combien de temps après.

M. Morin: Parce que nous avons estimé opportun de garder ces questions pour la commission parlementaire.

M. Cloutier: Oh! ne vous servez pas de cet argument-là! Vous perdez votre temps aux périodes des questions alors qu'il y a des problèmes de substance qui ne vous intéressent pas.

M. Morin: Nous tombons dans des attitudes tout à fait subjectives. Ce qui vous paraît, à vous, accessoire, nous paraît, à nous, fondamental. Je veux bien mettre fin à cette question, mais non de façon à vous permettre de faire de l'humour.

M. Cloutier: Je considère que l'Opposition ne tient pas suffisamment compte des problèmes importants. Je déplore votre faiblesse en tant que Québécois.

M. Morin: Et moi, je déplore que votre ministère informe si mal, non seulement la population, mais l'Opposition.

M. Cloutier: C'est une erreur. Nous avons tout un jeu de publications que j'ai énumérées ici qui vous apporte tous les textes importants. Dans le cas particulier, auriez-vous senti que c'était là une conférence importante — vous l'avez senti un mois et demi de retard — auriez-vous eu un esprit un peu ouvert et positif au lieu de chercher à détruire constamment que vous auriez sorti l'information.

M. Morin: Allons donc. Nous avons attendu cette commission.

M. Cloutier: On passe l'éponge et on continue ou bien... Je suis prêt...

M. Morin: Non, je ne puis accepter cette façon que le ministre a de rejeter sur les autres ses responsabilités. Il doit tenir l'Opposition informée. Nous avons lu, bien sûr, ce qui se trouvait dans les journaux, mais le ministre sait que ce n'était pas complet.

M. Cloutier: Le gouvernement a la responsabilité de gouverner. Notre système parlementaire vous donne l'occasion de mettre quotidiennement en cause le gouvernement. C'est d'ailleurs une chance exceptionnelle. Il y a beaucoup de régimes où cela n'existe pas... le régime britannique.

M. Morin: Souhaiteriez-vous vivre sous un régime autoritaire?

M. Cloutier: Non, mais je souhaiterais avoir une opposition un peu plus forte.

M. Morin: Elle fait son possible et ce n'est pas à nous de juger de cela. C'est à la population de le faire. Il semble, d'après les sondages, qu'elle juge que nous faisons un travail convenable.

M. Cloutier: Vous croyez cela.

M. Morin: Nous le verrons bientôt.

M. Cloutier: C'est qu'elle ne vous entend pas.

M. Morin: Nous le verrons lors des prochaines élections. Je regrette que le ministre soit si partisan dans ses attitudes.

M. Cloutier: Je suis partisan et j'en suis fier. M. Morin: Cela explique beaucoup de choses.

M. Cloutier: Certainement que j'en suis fier, parce que je considère que c'est un parti qui gouverne et il se trouve que c'est le Parti libéral.

M. Morin: Nous n'avons pas la même philosophie de l'information.

M. Cloutier: Avez-vous lu le programme du PQ, M. le chef de l'Opposition, au chapitre de l'information? Moi, je l'ai lu. Ah! vous souriez déjà. C'est la dictature de l'information, le programme du PQ.

M. Morin: Allons donc!

M. Cloutier: Voulez-vous que nous le lisions ensemble? Les journalistes devraient tous être an-tipéquistes uniquement à cause du chapitre sur l'information. C'est la disparition de la liberté de la presse, littéralement. Prenez le programme du PQ.

M. Morin: Est-ce que vous avez lu les extraits du programme consacré précisément à la liberté de la presse?

M. Cloutier: Je parle du programme de 1970.

M. Morin: Mais non. Vous êtes avauglé par votre partisanerie encore une fois. M. le Président, je crois qu'effectivement nous avons une philosophie de l'information essentiellement différente. Par exemple, le ministre nous dit: Ce débat sur l'aspect financier des rapports fédéraux-provinciaux, il fallait le garder dans les dossiers, dans les cartons, et ne pas le laisser sortir avant que le ministre se présente...

M. Cloutier: Faux!

M. Morin: ... avant que le ministre ne se présente à la conférence... Est-ce vrai ou est-ce faux?

M. Cloutier: Je crois qu'effectivement il y avait tout intérêt, sur le plan de la responsabilité publique, de la rigueur administrative et de la stratégie, à nous présenter, dans une conférence où il y aurait des partenaires, avec une position globale.

M. Morin: M. le Président, je n'en disconviendrai pas, mais je trouve que cela aurait donné plus de force aux positions québécoises, si vous aviez auparavant discuté de la chose dans une commission parlementaire.

M. Cloutier: Vous avez une drôle de conception du gouvernement.

M. Morin: J'ai une philosophie différente de celle du ministre, je veux bien l'admettre. La philosophie dont il s'inspire en est une qui est beaucoup plus restrictive que la nôtre quant à l'obligation d'informer le public.

M. Cloutier: Je m'inspire des réalités du pouvoir, comme vous vous inspirez d'une espèce de société théorique pour ne pas dire utopique.

M. Morin: Je pense que la société dont s'inspire le ministre n'est pas du genre de celle que je voudrais voir se développer dans l'avenir.

M. Cloutier: Eh bien...

M. Morin: Je lui rappellerai que la philosophie dont il semble s'inspirer ce soir a un nom; historiquement, cela s'appelle la raison d'Etat. Elle a conduit à de graves erreurs. Elle a conduit, le ministre le sait, à des régimes autoritaires.

M. Cloutier: Et celle dont s'inspire le chef de l'Opposition n'est pas loin de l'anarchie et elle a conduit aussi à des régimes totalitaires et beaucoup plus rapidement.

M. Morin: M. le Président, je vois que nos philosophies sont...

M. Cloutier: Divergentes.

M. Morin: ... fort divergentes, effectivement. Quand on en est rendu aux choses fondamentales comme celles-là, il vaut mieux constater qu'on est d'accord pour être en désaccord.

M. Cloutier: D'accord.

M. Morin: Mais que le ministre sache bien que nous l'interrogerons quand cela nous paraîtra utile et opportun et que nous poserons les questions quand cela nous plaira.

M. Cloutier: Et je répondrai exactement de la même façon, quand cela me paraîtra opportun et dans l'intérêt public parce que j'y pense et vous semblez l'oublier trop souvent.

M. Morin: J'entends déjà le ministre, lorsqu'il sera de l'autre côté de la barrière, un jour, s'il est encore là, protester contre le manque d'information.

M. Cloutier: Bien, voilà! Vous avouez que vous pratiquerez le manque d'information, ce qui n'est pas notre cas.

M. Morin: Ah! je vous entends déjà!

M. Cloutier: Evidemment, on va se présenter à une dictature.

M. Morin: M. le Président, pour ce qui est des institutions financières, j'aimerais poser une ou deux questions au ministre. Lors de la conférence fédérale-provinciale sur la protection des emprunteurs, qui a eu lieu le 1er décembre 1975, le ministre québécois des Consommateurs, Mme Bacon, a carrément demandé que l'avant-projet de loi fédéral sur la protection des emprunteurs soit retiré et qu'aucun projet de loi ne soit déposé au Parlement fédéral. Ce projet, en effet, entrait en conflit direct avec le Code civil et les lois québécoises sur les contrats et la protection des consommateurs.

Je voudrais attirer l'attention du ministre sur le fait qu'il s'agit d'une question extrêmement importante, non seulement parce que cette loi constituerait une intrusion, un empiétement sur le droit civil et créerait un dangereux précédent quant à la notion "d'intérêt national, " notion constitutionnelle qui est en cause, mais aussi parce que ce projet de loi fédérale permettrait à Ottawa de réglementer, directement les caisses d'épargne et de crédit. Je ne sais pas si le ministre étant conscient de cet aspect de la question. Aux dernières nouvelles — peut-être le ministre en aura-t-il de plus fraîches que les miennes — le gouvernement fédéral n'avait nullement l'intention de renoncer à son projet de loi. Ma question est simple: Qu'entend faire le ministre? Quelle est l'attitude de son ministère, compte tenu de ce que Mme Bacon a déclaré en décembre?

M. Cloutier: Le chef de l'Oppositon est donc au courant de la déclaration de Mme Bacon.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: II en a pris connaissance. Il en a pris connaissance où et comment? Est-ce qu'il n'en aurait pas, par hasard, pris connaissance dans le bulletin du ministère des Affaires intergouvernementales?

M. Morin: C'est possible, mais comme j'en ai toute une série...

M. Cloutier: Voilà un bel exemple d'information.

M. Morin: Je vous en pris, cessez...

M. Cloutier: Si vous me promettez de laisser tomber...

M. Morin: ... de prendre des attitudes comme celles-là. Je puis, moi aussi, en prendre.

M. Cloutier: Je suis là pour faire de la politique également. Vous nous avez accusés à vingt reprises de ne pas donner de l'information. Là, vous vous servez justement d'un bulletin du ministère pour votre thèse, parce que cela vous arrange. Qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y a pas d'information.

M. Morin: M. le Président, sur les questions moins importantes, il y a peut-être de l'information, mais ce que je reprochais au ministre...

M. Cloutier: Ah! je vous...

M. Morin: c'est que sur des questions fondamentales comme le partage des pouvoirs, il n'y ait pas moyen de savoir quoi que ce soit.

M. Cloutier: Tout est publié, mais il ne l'est pas instantanément, parce que les imprimeurs nous demandent parfois un mois, après une conférence, pour que le texte puisse apparaître dans un bulletin quelconque. Alors, vous connaissez donc la position du Québec. Cette position a été de s'opposer au projet. Je dois dire, d'ailleurs, que le Québec n'a pas été isolé. Plusieurs provinces s'y sont opposées, notamment les provinces qui ont des lois de protection du consommateur. Pour l'instant, nous continuons à protester.

M. Morin: Le ministre est-il au fait que ce projet permettra au gouvernement fédéral de réglementer directement les caisses d'épargne et de crédit? Avait-il saisi cet aspect de la question?

M. Cloutier: Oui, nous sommes intervenus à plusieurs reprises là-dessus. Si le gouvernement fédéral n'a pas encore adopté ce projet de loi, c'est précisément à cause des oppositions qui ont été logées.

M. Morin: Le ministre est-il en mesure de nous informer sur l'état du dossier? Le gouvernement fédéral renoncera-t-il, d'après ce qu'il en sait, à ses projets?

M. Cloutier: Le fédéral n'a pas encore déposé son projet de loi. Nous avons fait connaître nos arguments, nous avons fait connaître notre point de vue. Nous attendons des réactions. C'est vrai pour plusieurs dossiers. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.

M. Morin: Si, par hasard, le Parlement procédait à l'adoption de cette loi...

M. Cloutier: Encore une question hypothétique à laquelle je ne répondrai pas. Il est impossible de vivre dans un régime fédéral si on part du principe que l'hypothèse la plus défavorable est toujours l'hypothèse qui va prévaloir. S'il se passe quelque chose qui n'est pas...

M. Morin: Dans les faits, c'est souvent comme cela.

M. Cloutier: C'est possible. Comment voulez-vous travailler autrement? Si, par hasard, il y a des initiatives qui sont prises, qui vont en conflit avec des politiques du Québec, à ce moment, nous verrons comment agir et de quelle façon nous ajuster. Il arrive assez fréquemment que nous sommes obligés de nous ajuster, c'est exact.

M. Morin: Le ministre consentirait-il à tenir l'Opposition au courant des développements dans ce dossier? Je n'irai pas plus loin si je puis avoir l'assurance que nous saurons ce qu'il se passe, mais pas après le fait.

M. Cloutier: Ecoutez bien, malheureusement pour vous, vous n'êtes pas au pouvoir. Personnellement, je crois que vous n'y serez jamais, mais vous ne l'êtes pas. Par conséquent, vous n'êtes pas le gouvernement. Je comprends votre frustration. Elle s'exprime dans chacune de vos paroles, mais vous ne pouvez pas vous attendre à savoir tout ce que le gouvernement fait. Ce n'est pas du secret, c'est de l'administration. Il n'est pas possible de procéder autrement. Nous informons en tant que ministère dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Nous informons constamment par le biais de documents officiels que vous connaissez et dont vous vous inspirez. C'est ce genre d'information que vous allez continuer à recevoir. De plus, la démocratie, notre système parlementaire vous donne l'occasion de poser toutes les questions. Posez demain cette question au ministre, vous avez tous les ministres, de chacun des ministères, sous les yeux chaque jour. Vous pouvez avoir non seulement une information officielle, mais une information quotidienne. Qu'on ne vienne pas me dire que vous manquez d'information.

M. Morin: M. le Président, je vais faire une confidence au ministre. Ce qui est le plus frustrant...

M. Cloutier: ... Ah!

M. Morin: ... c'est de voir son gouvernement se défendre quelquefois si mal devant Ottawa, et, surtout, ne pas aller chercher les appuis qu'il pourrait obtenir du côté de l'Opposition et de l'opinion publique, s'il pratiquait une politique d'information plus systématique.

Je sais que peut-être on manque de personnel, mais c'est justement la raison pour laquelle j'ai demandé au ministre s'il consentirait à nous tenir au courant de ce dossier en particulier, et ce n'est pas frustrer le pouvoir que de lui demander, bien modestement, de bien vouloir communiquer à l'Opposition des dossiers sur lesquels il pourrait avoir notre appui. Je n'ai pas soulevé ce problème pour nuire au ministre...

M. Cloutier: Bien sûr que non...

M. Morin: Je n'ai pas soulevé ce problème... Le ministre le prend-t-il sur ce ton? C'est ça qui est vexant.

M. Cloutier: Le gouvernement...

M. Morin: Je n'ai pas soulevé ce problème pour vous embêter. Je l'ai fait parce qu'il intéresse tout le Québec.

M. Cloutier: Mais vous êtes l'Opposition. Vous n'êtes pas le gouvernement, et vous ne le serez pas. Vous voudriez, en quelque sorte, être à notre

place, être associés à l'élaboration de tous les dossiers, être associés à l'élaboration des politiques, mais c'est de la naïveté, M. le chef de l'Opposition! Soyons quand même un peu sérieux. La démocratie vous offre les moyens de vous renseigner. Par ailleurs, le gouvernement publie tous ses textes officiels aussitôt qu'il y a une déclaration qui prend ce caractère. Je ne sais vraiment pas ce qu'il vous faut de plus.

M. Morin: M. le Président, je vais vous tracer le scénario de ce qui pourrait se passer dans ce dossier, comme dans bien d'autres, scénario devant lequel nous avons été mis bien des fois, dans le passé.

Le gouvernement fédéral procède, sans en informer nécessairement l'Opposition au Québec, à poser un acte qui est contraire soit à la constitution, soit aux intérêts du Québec. Le gouvernement du Québec est mis au courant de la chose quelques jours plus tard; quelquefois, en effet, on a soin de ne pas le tenir informé lui-même. Et l'Opposition l'apprend, quelquefois par hasard, plusieurs autres jours plus tard, de sorte que tout le monde a perdu un temps précieux, et, de surcroît, quand, pour dissimuler ses faiblesses, le gouvernement du Québec reste silencieux et ne soulève pas le problème de lui-même, personne ne sait ce qui se passe. C'est le scénario — le ministre ne peut pas le nier— qui s'est déroulé à plusieurs reprises depuis quelques années.

C'est la raison pour laquelle je demande au ministre, à l'occasion, et sur des dossiers précis, s'il veut bien informer la commission.

M. Cloutier: Bien sûr! Mais vous êtes l'Opposition. On dirait que vous l'oubliez, et non seulement vous êtes l'Opposition, vous êtes une Opposition qui a opté pour une thèse qui vise à la destruction du système. Vous êtes par conséquent, une Opposition particulière. Nous vous informons, comme nous informons la population, par le biais de nos actes officiels, et vous avez, en plus de ça, puisque vous vous inscrivez dans le système démocratique, la possibilité de questionner le gouvernement.

Le ministère, parce que là, c'est de ça qu'il s'agit, au fond, et nous le faisons constamment, joue son rôle de chien de garde en ce qui concerne l'empiétement possible sur le plan constitutionnel des législations fédérales. Il le fait constamment. Nous avons même mis au point — il y a beaucoup de renseignements de cet ordre que je pourrais vous donner si j'en avais le loisir — à la direction générale des relations fédérales-provinciales, un système qui nous permet de vérifier toutes les lois fédérales, non pas avant qu'elles soient faites, mais lorsqu'elles sont déposées. Parce qu'il va de soi que le gouvernement fédéral a le devoir de gouverner, et il n'informe pas toujours les provinces de toutes ses législations. Avant, dans certains cas, ça se produit. Cela ne se produit pas dans tous les cas.

M. Morin: Mon scénario se confirme.

M. Cloutier: Et, à notre comité, le CCRI. dont je vous ai parlé, qui a un rôle très précis, toutes ces lois sont revues, et lorsqu'il est nécessaire d'intervenir, nous intervenons.

M. Morin: Bien! Le ministre admettra-t-il tout de même que l'Opposition ne peut jouer son rôle, à l'occasion, que si elle a un minimum de renseignements? Or, je puis donner au ministre des exemples de cas où nous n'avons pas eu l'information à temps.

C'est la raison pour laquelle je vous demande... Dans ce cas précis, je vous pose une question très précise.

M. Cloutier: Allez-y! C'est de la naïveté.

M. Morin: Dans ce cas précis, auriez-vous l'obligeance, puisque vous avez désormais, dans le cadre du CCRI, un système d'enregistrement des lois fédérales — vous ne pouvez pas dire que je n'y mets pas les formes...

M. Cloutier: Oui, je l'apprécie beaucoup, cela aide.

M. Morin: ... de déposer un exemplaire de ce projet ou un photostat de ce projet de loi fédéral en Chambre, de sorte que nous sachions ce qui se passe.

M. Cloutier: Non, parce que votre problème est que vous êtes dans l'Opposition.

M. Morin: Nous n'avons pas le droit d'être renseignés.

M. Cloutier: Oui, vous avez le droit d être renseignés, mais non pas à toutes les étapes de l'évolution d'un dossier et c'est pour cela que j'ai tenté de vous faire comprendre — mais bien sûr, mes efforts ont été infructueux jusqu'ici — que nous déposions tous les textes importants. Nous publions toutes les déclarations qui constituent des vues globales de notre politique. C'est nous qui gouvernons et... Opposition...

M. Morin: Personne ne vous conteste cela. J'espère que votre appétit de puissance n'est pas frustré ce soir.

M. Cloutier: Non. J'essaie de vous faire comprendre... Ce que vous souhaitez est que tous les dossiers vous soient ouverts...

M. Morin: Allons donc!

M. Cloutier: ... ce que vous appelez un manque d'information, c'est que vous souhaiteriez être associé à la définition de nos politiques, mais écoutez, c'est de l'aberration, c'est la négation même du système qui est le nôtre.

M. Morin: Le ministre se moque de moi et je le regrette. Je ne lui ai jamais demandé d'être asso-

cié à l'élaboration des politiques de son ministère. Ce n'est pas du tout cela qui est en cause.

M. Cloutier: D'ailleurs, dans ce cas particulier, c'est le pire exemple que vous puissiez choisir. Il s'agit d'un avant-projet de loi. Alors, il faudrait maintenant que nous déposions, à notre Assemblée nationale, un avant-projet de loi fédéral alors que c'est la Chambre des communes qui doit en être saisie en premier. Mais écoutez, où sommes-nous?

M. Morin: Je tie vous ai pas parlé de l'avant-projet de loi. Je vous ai parlé du projet de loi.

M. Cloutier: Mais nous ne l'avons pas, c'est un avant-projet de loi. Quand le projet sera déposé là où il doit l'être, c'est-à-dire à la Chambre des communes...

M. Morin: Le ministre fait semblant de ne pas comprendre ce à quoi je fais allusion. Je ne lui ai pas demandé d'ailleurs de nous donner tous les dossiers, tous les renseignements. Cela serait chaque jour une masse énorme de documents. Je lui dis: Dans ce dossier que, personnellement, j'estime particulièrement important, étant donné qu'il met en cause le droit civil et la notion "d'intérêt national" telle que comprise par les fédéraux, qu'il met en cause aussi les caisses d'épargne et de crédit, j'aimerais qu'il nous tienne au courant.

Va-t-il falloir que j'appelle tous les jours à son ministère...

M. Cloutier: Pourquoi le chef de i'Opposition ne s'abonne-t-il pas, avec les fonds que l'Assemblée nationale lui consent, aux projets de loi fédéraux? Il les recevra comme tout citoyen. Pourquoi faudrait-il que cela soit le ministère des Affaires intergouvernementales qui dépose les projets d'un autre gouvernement à son Assemblée nationale?

M. Morin: Je lui demandais de nous renseigner dans ce cas. Cela aurait été utile...

M. Cloutier: Quand il y aura projet de loi...

M. Morin: ... parce que nous les recevons beaucoup plus tard que le gouvernement qui est sans doute mieux équipé que nous sur ce plan. C'est la seule différence qu'il y ait. Je sais que le gouvernement est puissant. Je sais que le ministre l'est et conscient d'avoir le pouvoir dans ses mains. Je sais que le ministre se prend pour Jupiter, mais les pauvres humains lui demandent de les renseigner.

M. Cloutier: Le chef de l'Opposition s'amuse et manifeste toutes ses frustrations. Il ne semble pas comprendre quel est notre régime parlementaire et vous m'en voyez absolument sidéré...

M. Morin: Passons à autre chose.

M. Cloutier: ... parce qu'après tout, je croyais qu'il avait une certaine expérience dans ce domaine.

M. Morin: Je pense que cela ne sert de rien... M. Cloutier: II a compris. Bravo!

M. Morin: Le rapport Bouchard recommandait que le Québec récupère en entier le contrôle dans le domaine des assurances. Il semble que jamais rien n'ait été fait pour donner suite à cette recommandation pourtant fort importante. Le nouveau ministre a-t-il l'intention de reprendre cette suggestion qui nous paraît non seulement sensée, mais importante aussi sur le plan économique?

M. Cloutier: Je vais essayer, encore une fois, d'expliquer au chef de l'Opposition de quelle façon fonctionne le ministère, ministère de coordination qui s'occupe des aspects constitutionnels, mais qui respecte la responsabilité des ministères sectoriels en ce qui concerne les contenus. Il y a une partie de cette question qui devrait, normalement, être discutée à la commission qui relève du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

M. Morin: Et l'aspect constitutionnel?

M. Cloutier: En ce qui concerne l'aspect constitutionnel, le dossier n'a pas évolué et il semble que le gouvernement fédéral ne soit pas intervenu. C'est une situation que nous continuons de suivre.

M. Morin: Etes-vous, vous-même, intervenu? J'entends: Le ministère est-il intervenu récemment?

M. Cloutier: Non. Le dossier est au point mort, apparemment. Il n'y a pas eu de discussions avec le gouvernement fédéral depuis des mois.

M. Morin: Comptez-vous revenir sur la question au cours des mois qui viennent?

M. Cloutier: Stratégiquement, on va plutôt attendre qu'on vienne à nous.

M. Morin: Et si par hasard on ne venait pas à vous. Ne trouvez-vous pas que dans le dossier des assurances, cela risque d'être grave?

M. Cloutier: Question hypothétique. C'est la troiscentième. Je ne réponds pas. Je ne réponds pas aux questions hypothétiques. Il n'y a pas moyen de faire évoluer quoi que ce soit si on tombe dans ce jeu-là.

M. Morin: Croyez-vous vraiment que cette politique d'attentisme, dans un dossier où le gouvernement fédéral est déjà installé, soit une politique intelligente? Le gouvernement fédéral est déjà dans le dossier, dans les assurances. Ce rapport

qui date déjà d'il y a quelque temps nous recommande de les récupérer.

M. Cloutier: Vous vous éloignez considérablement actuellement des aspects constitutionnels. Je reviens à l'explication que j'ai donnée à plusieurs reprises. En ce qui concerne le fond du problème, le ministère des Affaires intergouvernementales n'est pas tout le gouvernement. Il n'a pas à expliquer toutes les politiques, celles des Affaires sociales, des Communications, de l'Immigration, comme vous avez tenté de me le faire faire au début de cette discussion. Bien sûr, il s'agit là de politiques gouvernementales et en tant que membre du Conseil des ministres, je suis impliqué. Mais en tant que chef d'un ministère, ma responsabilité est différente, en un certain sens.

M. Morin: Aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Cloutier: Non, absolument pas. Pas du tout, je n'ai rien à ajouter.

M. Morin: Vos adjoints vous glissaient quelque chose à l'oreille.

M. Cloutier: Non, nous bavardions. Nous bavardions d'autres choses. Nous nous demandons si on adopte l'article. Elément 1.

M. Morin: M. le Président, il y a des moments où je regrette vraiment la présence de l'ancien ministre...

M. Levesque: Ne commencez pas, parce que là vous allez... Ne me mettez pas en cause parce qu'à ce moment-là...

M. Morin: Dieu sait pourtant que nous avons eu des empoignades!

M. Cloutier: ... la discussion des crédits de l'année dernière.

Commerce extérieur

M. Morin: II y a des moments où je regrette ce bon vieux temps, où tout de même nous arrivions à obtenir quelques petits renseignements de temps à autres.

Passons à autre chose. L'an dernier, le ministre de l'époque nous avait expliqué que le Québec avait renoncé à son désir d'avoir un représentant au sein de la délégation canadienne auprès du GATT. Vous vous souviendrez qu'il fut un temps où on avait étudié cette possibilité et j'ajouterai que l'Opposition avait appuyé cette attitude du gouvernement. Le Québec semble avoir renoncé à cette attitude en échange d'un engagement, de la part d'Ottawa, de ne rien faire sans consulter au préalable un comité consultatif auquel le Québec était représenté par M. Robert De Coster. Je vous rappelle que l'échange entre le ministre et moi-même a eu lieu à la page B-3922 à ce sujet. J'aimerais demander au ministre, premièrement, si le ministère est satisfait du fonctionnement de ce comité consultatif. Combien de fois a-t-il siégé? Qui a remplacé M. De Coster depuis que celui-ci a été nommé à la Régie anti-inflation?

M. Cloutier: M. Lacroix qui nous représentait à Genève, pour une période de six mois, est revenu. Je pense que si le gouvernement a décidé de ne pas le remplacer là-bas, c'est qu'il a jugé plus utile de faire porter les efforts sur les discussions ici même au Canada.

M. Morin: M. Lacroix était l'observateur du Québec et non son représentant.

M. Cloutier: C'est cela.

M. Morin: C'était un observateur.

M. Cloutier: II était, si vous voulez, observateur ou représentant. On ne peut pas faire ces distinctions en ce moment.

M. Morin: Vous connaissez la différence entre l'observateur et le représentant, tout de même. Comme représentant du Québec, il aurait été sans doute membre de la délégation canadienne auprès du GATT.

M. Cloutier: II s'agissait d'un observateur.

M. Morin: II s'agissait d'un observateur. C'était bien mon impression.

M. Cloutier: On a mis en place un comité Québec-Ottawa, en fait un comité multilatéral où toutes les provinces sont représentées, en plus du gouvernement fédéral. Ce comité s'est réuni à quelques reprises. Par la suite, à Québec, un comité a été créé et on a chargé M. Saint-Pierre, le ministre de l'Industrie et du Commerce, de présider le comité de négociation avec Ottawa. Selon ce que nous avons vu au ministère et les témoignages que nous avons reçus de l'autre gouvernement, la position du Québec, qui a été préparée en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, est une excellente position; elle était assez détaillée, elle portait sur la plupart des secteurs de négociation. Cette position a été transmise à Ottawa et on est en train de l'examiner. Je pense qu'on n'a pas complété son examen, mais selon les premières réactions qu'on a eues d'Ottawa, on a trouvé que la position québécoise était fort bien présentée. Les discussions se poursuivent et c'est M. Saint-Pierre qui est chargé, au palier ministériel, de la négociation de ce dossier avec le ministre fédéral...

M. Morin: Qui a remplacé M. De Coster au sein du comité consultatif?

M. Cloutier: M. Dinsmore, sous-ministre. M.Morin: M. Dinsmore, le sous-ministre? M. Cloutier: Et, en plus, il y a deux ou trois

sous-ministres qui font partie du comité de la négociation sous la présidence de M. Saint-Pierre, dont M. Arthur Tremblay, notre sous-ministre, qui fait également partie de ce comité.

M. Morin: Le représentant du Québec à ce comité reçoit-il un mandat visé par votre ministère ou s'il reçoit son mandat strictement de l'Industrie et du Commerce?

M. Cloutier: On peut dire que la position du Québec a d'abord été approuvée au CCRI.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Et, par la suite, cela a été approuvé au cabinet et M. Saint-Pierre négocie avec un mandat du cabinet.

Ce sont les mécanismes que j'ai décrits au début.

M. Morin: Donc, en fait, il se trouve... M. Cloutier: A exécuter un mandat...

M. Morin:... à exécuter un mandat qui vient de votre ministère.

M. Cloutier: C'est ça.

M. Morin: Je comprends bien?

M. Cloutier: A toutes fins utiles, oui.

M. Morin: C'est ce que je voulais savoir. Pourriez-vous me préciser combien de réunions du comité consultatif ont eu lieu?

M. Cloutier: Le comité consultatif a été mis en place en 1975.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Alors il y a eu une première réunion le 14 novembre.

Il y en a eu au moins à deux reprises depuis et il y en a une qui s'est tenue il y a environ trois semaines. On peut dire quatre ou cinq fois au maximum.

Il y a eu également des rencontres bilatérales Québec-Ottawa en dehors du cadre officiel des réunions du comité multilatéral dont je parlais tout à l'heure. Il y a eu des rencontres particulières entre Québec et Ottawa et, selon nos informations, il y a eu au moins quatre ou cinq rencontre bilatérales Québec-Ottawa en plus des rencontres du comité.

Le comité, j'ai le chiffre exact, a tenu trois rencontres, avec celle de fin mai.

M. Morin: Et c'est au cours de ces rencontres que le Québec a déposé les propositions dont vous nous parliez il y a un instant. Ces propositions ont-elles été débattues au sein du comité consultatif ou ont-elles été communiquées directement au gouvernement fédéral?

M. Cloutier: Pardon?

M. Morin: Je vous demandais si les propositions du Québec ont été communiquées au comité consultatif ou au gouvernement fédéral?

M. Cloutier: Elles ont été communiquées directement au gouvernement fédéral.

M. Morin: Quel est, à ce moment, le rôle du comité consultatif?

M. Cloutier: Le comité consultatif canadien... M. Morin: Oui.

M. Cloutier:... a pour but de discuter de la position canadienne de façon qu'elle tienne compte des intérêts de l'ensemble des provinces. Vous vous doutez bien que les intérêts du Québec ne sont pas nécessairement les intérêts de l'Ontario dans une négociation...

M. Morin: II y a longtemps que nous essayons de persuader le gouvernement de cette vérité élémentaire.

M. Cloutier: Allons, allons! C'est bien évident que tous les intérêts des provinces divergent. C'est dans la nature des choses, c'est ça le fédéralisme. Je ne sais pas quel genre de pays vous tentez d'imaginer, alors qu'il n'y aurait jamais de conflit avec les voisins.

M. Morin: Nous n'avons jamais imaginé un pays sans conflits.

M. Cloutier: De même, vous avez des intérêts différents des autres...

M. Morin: II est impossible qu'un pays n'ait pas de conflits; même les états souverains en ont et...

M. Cloutier: Bien sûr, ils en ont à l'intérieur et à l'extérieur.

M. Morin: ... forcément, le problème est toujours d'arriver à résoudre ces tensions et sur cela, je n'ai pas de querelle avec le ministre. Mais je veux simplement savoir, en gros, sur quoi ont porté les représentations du Québec. Est-ce que, par exemple, il y a eu des représentations sur le textile?

M. Cloutier: On pourrait vous donner la liste des secteurs, si vous souhaitez, effectivement, je faisais état tout à l'heure des études québécoises...

M. Morin: Est-ce possible?

M. Cloutier: ... elles ont porté sur une quinzaine, une vingtaine de secteurs, aussi bien sur les barrières tarifaires que non tarifaires et, pour chacun des secteurs, il y a eu des études indiquant,

en conclusion, la position qui serait souhaitable pour le Québec. Au total, cela fait un document assez volumineux.

M. Morin: J'ai l'intention d'en discuter plus à fond avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, parce que c'est un autre aspect du dossier. Mais, si j'ai bien compris, à l'heure actuelle, ce document est entre les mains du pouvoir fédéral qui vous a fait savoir que votre devoir avait été bien fait. C'est cela? Bon! Mais vous ne connaissez pas encore du tout sa réaction.

M. Cloutier: Les discussions se poursuivent. Je crois que, dans cette perspective, il y aurait intérêt à ce que la discussion soit portée à la commission qui relève du ministère de l'Industrie et du Commerce. Cela illustre bien...

M. Morin: Je n'avais pas l'intention de demander au ministre quelle était son attitude sur les filaments de polyester.

M. Cloutier: Vous savez, rien ne m'étonnerait.

M. Morin: Si vous y tenez, je peux vous poser la question.

M. Cloutier: Allez-y.

M. Morin: Je ne veux pas que vous ayez l'air ignorant de ces questions. Je ne vais certainement pas vous poser des questions qui ne sont pas de votre ressort.

M. le Président, dans une déclaration faite à la presse le 7 février 1976, dans le Soleil, sans doute un autre titre que le ministre aurait récusé avec violence.

M. Cloutier: Je récuse souvent de ces...

M. Morin: C'était intitulé: "Révision constitutionnelle, Cloutier se rétracte". Après le titre de ce matin, c'est complet.

M. Cloutier: Le problème du titre, c'est bien sûr que les journaux cherchent à accrocher le lecteur. Il est bien évident qu'on ne peut pas résumer une pensée forcément nuancée lorsqu'il s'agit de problèmes difficiles.

M. Morin: Oui. Toujours est-il que c'est un autre de ces articles qui ne faisaient pas votre affaire...

M. Cloutier: Oh! Il y a un bon nombre, en effet, de... Il y a beaucoup de choses à dire sur l'information et je les dirai à l'occasion.

M. Morin: Dans cet article, le ministre, à ce qu'on nous dit, a dévoilé que le Québec avait fait une demande pour avoir son mot à dire dans les négociations entre le Canada et le Marché commun, puisque le Québec est, parmi les provinces canadiennes, le premier exportateur vers la Communauté économique européenne.

Puis-je demander au ministre quelle réponse il a reçue à cette requête?

M. Cloutier: J'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre des Affaires extérieures, M. MacEachen, pour discuter d'un certain nombre de sujets. J'ai abordé, entre autres, ce sujet...

M. Morin: Qui était d'actualité à ce moment-là.

M. Cloutier: Bien sûr, c'est d'ailleurs pour cela que la rencontre avait lieu. J'ai suggéré que nous mettions au point un mécanisme de concertation, puisqu'il s'agira d'accords qui porteront largement sur des domaines de compétence provinciale.

J'ai suggéré que l'on utilise certains modèles. Il en existe un, par exemple, avec le Bureau international du travail, qui donne satisfaction, et nous sommes en discussion à ce sujet-là. En attendant, nous recevons quand même de l'information. Il ne s'est rien passé, qui soit définitif, sur le plan des négociations.

Nous avons également, à la délégation générale de Bruxelles, quelqu'un qui suit, de façon particulière — en fait, plusieurs fonctionnaires, qui suivent, de façon particulière — les négociations avec le Marché commun. Nous sommes présents, autrement dit.

M. Morin: Oui, je sais cela. C'est heureux que nous ayons une délégation si bien dirigée à Bruxelles. Ma question porte sur les propositions que le ministre a pu faire à son "monologue" fédéral. Est-ce qu'il s'agissait d'un mécanisme de consultation entre les deux niveaux de gouvernement, portant sur les négociations en question?

M. Cloutier: C'est bien cela.

M. Morin: Mais, d'autre part, le ministre nous dit que les négociations n'ont pas progressé depuis février. Je n'en suis pas si sûr.

M. Cloutier: J'ai dit qu'elles n'avaient pas abouti.

M. Morin: J'ai cru savoir, à l'occasion, que les négociations battaient leur plein; je ne tiendrais pas pour acquis qu'elles n'ont pas avancé.

M. Cloutier: Elles ont peut-être avancé, mais elles n'ont pas amené quelque chose de définitif. Elles n'ont pas débouché sur des accords. C'est cela que je voulais dire.

M. Morin: Allez-vous attendre qu'elles aient débouché sur des accords pour...

M. Cloutier: Pas du tout.

M. Morin: ... revendiquer d'être consultés systématiquement?

M. Cloutier: Non, pas du tout. Les mécanismes sont actuellement considérés. J'ai souvent, d'ailleurs, des discussions avec le ministre des Af-

faires extérieures sur des sujets comme cela. Nous avons des rencontres assez fréquentes ou des conversations téléphoniques.

M. Morin: Est-ce cela le mécanisme de consultation? Ce sont des appels téléphoniques au ministre? N'y a-t-il pas quelque chose de plus permanent?

M. Cloutier: Pour l'instant, il n'y a rien de plus permanent, il n'y a rien d'institutionnalisé. Nous avons un comité de fonctionnaires qui est une espèce de comité ad hoc, qui se réunit régulièrement, certainement au moins une fois par mois, pour discuter des problèmes susceptibles d'exister entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois. C'est une des matières...

M. Morin: En particulier dans le domaine de la Communauté économique européenne.

M. Cloutier: ... qui est abordée.

M. Morin: Mais, pour être précis, si je comprends bien, Ottawa n'a pas encore donné suite à votre suggestion?

M. Cloutier: Non, nous n'avons pas eu une suite définitive, mais nous avons une autre rencontre qui est prévue dans très peu de temps. C'est à cette occasion... Nous parlons, en ce moment, du domaine international. On a quitté le programme 1.

M. Morin: Non, nous sommes...

M. Cloutier: Cela ne nous gêne en rien.

M. Morin: ... dans la discussion préliminaire.

M. Cloutier: Ah! c'est cela. On va approuver de façon globale, j'imagine.

M. Morin: Oui, nous approuverons très rapidement tous les programmes par la suite, comme nous l'avons toujours fait dans le passé.

M. Cloutier: Non, moi, cela ne me gêne pas.

M. Morin: Les crédits soulèvent très peu de difficultés. Ce n'est pas là que nous allons consumer beaucoup de temps. J'aimerais savoir si vous allez vraiment insister pour qu'un mécanisme de consultation réel, tangible, soit créé.

M. Cloutier: Oui, bien sûr. C'est un élément qui est en discussion, parmi d'autres éléments. Nous faisons valoir notre point de vue régulièrement. Nous sommes présents. Je crois que la plupart des dossiers évoluent favorablement. Je dois dire que je suis satisfait de la collaboration que j'obtiens du ministère des Affaires extérieures, de ce point de vue.

M. Morin: Etes-vous pleinement informé de tout ce qui se passe dans ces négociations?

M. Cloutier: Nous considérons l'être suffisamment, mais nous allons également aux renseignements. Je suggère au chef de l'Opposition, à l'occasion, faire la même chose. Non, je ne devrais pas ouvrir à nouveau le débat de l'information, mais, ayant quelqu'un sur place, bien sûr, il y a beaucoup d'information qui vient également par contact, par connaissance. Cela n'est pas à éliminer...

M. Morin: Non.

M. Cloutier: ... parce que l'information qu'on reçoit d'un gouvernement est parfois une information qui peut être complète sans l'être. Il y a toujours un contexte qui a intérêt à être élucidé. C'est tout l'avantage d'une présence.

M. Morin: Bien. Donc, pour en terminer avec ce sujet, au cours d'une prochaine rencontre avec le ministère des Affaires extérieures, vous allez, si je comprends bien, insister pour que ce mécanisme soit créé?

M. Cloutier: D'autant plus que je ne suis pas satisfait encore de ce qui a été acquis par le gouvernement fédéral. J'ai fait une demande précise. Elle a été faite à plusieurs reprises. Dans une réunion de travail avec M. MacEachen et plusieurs fonctionnaires, je suis revenu sur la question. Je n'ai pas eu encore toutes les réponses que je souhaite avoir

M. Morin: II me semblait...

M. Cloutier: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que je suis entièrement satisfait, mais je dis que, dans l'ensemble, ia collaboration, jusqu'ici, a été bonne. Mais, elle n'a pas débouché, dans ce cas précis, sur un mécanisme, tel que je le souhaiterais.

M. Morin: Je pense que le ministre commence à comprendre un peu comment doit fonctionner le dialogue.

M. Cloutier: Pas du tout. C'est parce que, vous me posez, pour la première fois, des questions précises qui portent sur des dossiers précis.

M. Morin: Au départ, j'avais l'impression que vous étiez reparti sur la même tangente.

M. Cloutier: Puis-je me permettre de vous faire remarquer que vous avez choisi de transformer cette commission parlementaire en un vaste débat politique portant entre autres sur la constitution.

M. Morin: Comment éviter la chose?

M. Cloutier: Nous arrivons sur des dossiers précis. Je réponds à vos questions.

M. Morin: Mais, vous ne pensiez pas, j'imagine, échapper à tout le moins à un dialogue sur la question constitutionnelle.

M. Cloutier: Vous appelez cela un dialogue. Je n'avais pas du tout l'intention d'y échapper, bien au contraire. Mais, ce que j'essaie de vous faire remarquer, c'est que vous avez les réponses qui sont adaptées à la situation. Il s'agit ici d'un problème précis.

M. Morin: Enfin!

M. Cloutier: J'ai toujours répondu clairement à toutes les questions que l'on m'a posées...

M. Morin: J'espère que le ministre...

M. Cloutier: ... compte tenu, bien sûr, de l'intérêt public et compte tenu de la nature du dossier.

M. Morin: J'espère que le ministre va conserver cette attitude. Je vais souvent lui en donner l'occasion ..

M. Cloutier: Je l'ai depuis le début.

M. Morin: ... de faire le point et de dire qu'il n'est pas entièrement satisfait de la situation. Mais, si, pour essayer de me tenir tête, il me dit constamment qu'il est totalement satisfait et qu'il n'y a pas de problème...

M. Cloutier: Je ne l'ai jamais ait. Voulez-vous me...

M. Morin: ... les fédéraux liront cela et se diront que tout va pour ie mieux dans le meilleur des mondes.

M. Cloutier: ... citer une seule de mes remarques où je me suis dit pleinement satisfait? J'ai même commencé mes remarques préliminaires en vous expliquant une certaine conception du fédéralisme, en disant clairement que je n'étais pas, pour ma part, satisfait de l'évolution actuelle.

M. Morin: Je souhaite simplement...

M. Cloutier: Constamment, je l'ai fait et c'est vous qui déformez les faits, actuellement.

M. Morin: ... que le ministre ne voie pas systématiquement des pièges dans mes questions. J'essaie seulement d'obtenir l'information et de lui donner peut-être l'occasion de faire savoir certaines choses, aussi bien au gouvernement fédéral qu'à l'opinion publique.

M. Cloutier: Je concède que, dans le cas particulier, depuis qu'on aborde les dossiers sectoriels, il n'y a peut-être pas de pièges et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il m'est facile de répondre, mais, en revanche, je prétends que, dans le débat constitutionnel, tel que vous l'avez conduit, il y avait très certainement des pièges. Aurais-je cédé, j'aurais nui considérablement à l'évolution du dossier. Si vous ne vous en rendez pas compte, c'est que vous n'avez aucune expérience en négociation.

M. Morin: Je pense que votre formation antérieure vous conduit peut-être à voir des pièges là où il n'y en a pas, mais passons.

M. Cloutier: N'évoquez pas trop ma formation antérieure, vous risqueriez d'entendre des commentaires que vous n'aimeriez peut-être pas.

Développement économique

M. Morin: Sûrement. Nous allons passer là-dessus. J'imagine qu'il n'y a pas plus terribles les uns pour les autres que les psychiatres.

L'année dernière, en commentant la signature toute récente de l'entente-cadre sur le développement économique, le ministre prédécesseur de l'actuel ministre paraissait tout confiant.. Désormais, nous disait-il, ce serait le Québec qui fixerait ses objectifs en fonction de ses besoins.

Le ministre pourra retrouver cet échange à la page B-3916. On prévoyait — toujours selon M. Levesque, à l'époque — diverses ententes auxiliaires qui seraient signées incessamment, dont l'une sur le développement touristique, si important pour plusieurs de nos régions. Or, cette entente auxiliaire sur le tourisme, je ne sache pas qu'elle ait été signée; à moins que le ministre ne nous ait pas tenus informés d'un fait capital, je ne sache pas qu'elle ait été signée. Je me demande bien pourquoi. Serait-ce à cause du chantage de MM. Buchanan et Chrétien, au sujet du parc Saguenay? Je me permets de rappeler au ministre la lettre dont je lui ai envoyé copie d'ailleurs — j'espère qu'il m'en saura gré — lettre adressée par le ministre Buchanan à son collègue et cher ami, The Honourable Donald Jamieson, à cette époque ministre de l'Expansion économique régionale.

Je me permets de citer certains passages traduits de cette lettre et qui sont fort instructifs sur la façon dont le pouvoir fédéral mène les négociations et définit ses relations avec le Québec. Voici quelques passages: "Les résultats que j'aimerais obtenir de ces négociations — c'est le ministre fédéral qui parle — sont problématiques, en raison du fait que le gouvernement provincial et le ministre Claude Simard, en particulier, ne sont pas enthousiasmés à l'idée de créer un tout nouveau parc national au Québec." Ces euphémismes britanniques sont de premier ordre. "Toutefois, la population de toute la région appuie fortement la création de ce parc, tout comme notre collègue, le député fédéral Paul Langlois. D'un autre côté, mon prédécesseur, Jean Chrétien et moi-même, nous nous sommes personnellement engagés à créer ce parc, et, à mon avis, les propositions que j'ai faites à mon collègue de Québec recevraient une réponse favorable si elles faisaient partie d'un "package deal" qui lui serait acceptable ainsi qu'à la province. "A l'heure actuelle, mon cher Don — j'ajoute: "Mon cher Don," entre crochets, afin que l'on comprenne qu'il s'agit du ministre Buchanan

s'adressant à son collègue — tu négocies un accord général de trois ans pour le développement du tourisme dans la province, sur lequel on prévoit, entre autres choses, que le gouvernement fédéral assumera une partie des coûts des acquisitions de terrain le long du Richelieu, pour fins de parcs provinciaux: bois de Verchères, mont Saint-Bruno et Rougemont, îles de Sorel. "Le développement du Richelieu est, au fait, une priorité pour le gouvernement québécois et, heureusement, il en va de même pour moi, en ce qui concerne particulièrement le développement de ce corridor à des fins de récréation et de conservation. Le gouvernement du Québec est au courant, et je suis prêt à négocier une entente de ce genre. "Ayant tout cela à l'esprit — continue le ministre qui a à coeur, comme on va le voir, les intérêts du Québec — et à ce point particulier des négociations, j'aimerais te proposer une stratégie qui pourrait aider nos deux ministères à atteindre leurs objectifs commun au Québec. "Ainsi, j'apprécierais recevoir une assurance de ta part que l'entente entre le Québec et le MEER — j'entends le ministère de l'Expansion économique régionale — ne sera pas signée avant qu'une lettre d'intention au sujet de la création du parc national du Saguenay ne soit signée entre moi-même et le ministre Claude Simard et que cette entente entre le Québec et le MEER comportera une clause à l'effet que les contributions fédérales pour l'acquisition de terrains dans la région du Richelieu seront assujetties à la signature d'une entente sur la récréation et la conservation entre les deux niveaux de gouvernement. "Inutile de dire que je crois qu'en procédant de la sorte, nous réussirions à mettre en grande évidence la présence manifeste du gouvernement fédéral dans deux régions différentes de la province de Québec. Je pourrais ajouter que mon prédécesseur — il s'agit de M. Chrétien — a gagné deux parcs nationaux au Québec en utilisant la même sorte de "package deal" — c'est une expression élégante pour dire chantage — alléchant pour la province".

J'aimerais savoir si la signature de cette entente qui paraissait imminente l'année dernière a été retardée en raison du "package deal" que proposait le ministre Buchanan. Comment votre ministère a-t-il réagi à ce genre de relations fédérales-provinciales?

M. Cloutier: D'abord, je précise qu'il y a eu trois ententes auxiliaires de signées lors de la signature de l'entente-cadre et que, depuis, il y en a eu quatre. Il reste deux ententes auxiliaires qui n'ont pas été signées. Celle de PICA et l'entente sur le tourisme. En ce qui concerne la lettre que vous avez lue, je ne vois pas pourquoi et comment je commenterais un échange de lettres entre deux ministres d'un autre gouvernement, lequel échange a fait l'objet d'une fuite, apparemment. Je ne vois absolument pas pourquoi et comment je les commenterais.

M. Morin: Cela ne vous instruit-il pas quelque peu sur la façon dont le pouvoir fédéral conçoit ses rapports avec le Québec? N'avez-vous pas appris à tout le moins quelque chose par cette lettre?

M. Cloutier: Le fédéralisme donne des leçons quotidiennes à ceux qui le pratiquent.

M. Morin: Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites! J'aimerais quand même demander au ministre comment il se fait que son ministère n'ait pas dénoncé publiquement ce genre de tactique. J'ajoute que ce genre de tactique est vraiment contraire aux objectifs mêmes de l'entente-cadre, n'est-ce pas? Je pense que le ministre en est conscient. Je ne vous cacherai pas que je m'attendais à une réaction assez vive du ministère devant ce genre de correspondance.

M. Cloutier: ... correspondance.

M. Morin: A mon avis, c'est un silence inexplicable et je crois aussi intolérable pour quiconque a le moindrement de fierté dans ses rapports avec Ottawa.

M. Cloutier: Non.

M. Cloutier: Je sais que le ministre ne manque point de fierté, mais...

M. Cloutier: Si cette lettre m'avait été transmise...

M. Morin: ... je n'ose croire que cette fierté ne soit que de la fatuité. C'est certainement de sa part... Il devait avoir une réaction devant un dossier comme celui-là.

M. Cloutier: Si ces lettres avaient été portées à ma connaissance par les intéressés, bien sûr, j'aurais commenté; mais il s'agit là d'une fuite, il s'agit là d'un échange de correspondance entre deux ministres d'un gouvernement qui n'est pas notre gouvernement. Je ne vois absolument pas ni pourquoi ni comment j'aurais des commentaires officiels à faire.

En tout cas, ceci ne m'empêche pas...

M. Morin: C'est dans ce dossier-là...

M. Cloutier: ... de répéter ma phrase, à savoir que le fédéralisme est plein d'enseignement.

M. Morin: En effet. Vous ne pourrez pas dire que, cette fois, l'Opposition n'a pas pratiqué une politique d'information à l'égard du gouvernement.

M. Cloutier: Je ne suis pas d'accord; parce que, d'abord, on n'a pas besoin de l'Opposition pour être informé et parce qu'il y a toujours cette espèce de contradiction dans le raisonnement du chef de l'Opposition. Son éthique personnelle me semble de plus en plus compromise. Il n'est pas d'accord avec les fuites et, cependant, il en profite.

M. Morin: J'ai pensé qu'il était de mon devoir de communiquer cette lettre au gouvernement du Québec lorsqu'elle est tombée entre mes mains.

M. Cloutier: Comment est-elle tombée?

M. Morin: J'imagine que vous auriez tait la même chose.

M. Cloutier: Peut-on savoir? Vous ne citez pas vos sources.

M. Morin: Non. Je vais être très franc avec vous, je ne les connais même pas personnellement.

M. Cloutier: Elle est arrivée comme cela.

M. Morin: Elle est certainement arrivée à la suite d'une fuite. Je ne sais pas qui est l'auteur de la fuite et je ne sais pas lequel de nous l'a reçue. Je sais qu'un jour, elle était sur mon bureau et que j'en ai pris connaissance. Mon premier geste a été de vous la communiquer.

M. Cloutier: Vous êtes certain que ce sont des lettres authentiques.

M. Morin: Le ministre en doute-t-il? M. Cloutier: Quelle preuve avez-vous? M. Morin: Le ministre en doute-t-il? M. Cloutier: Je n'en sais absolument rien.

M. Morin: J'inviterais le ministre à s'en assurer; c'est tout de même important.

M. Cloutier: Comment voulez-vous qu'on puisse le savoir?

M. Morin: J'ai pensé, de toute façon, qu'il était essentiel au ministre d'avoir cette lettre dans son dossier, parce que du point de vue de la stratégie fédérale, cela jette quelque lumière sur la question. Donc, cette entente sur le tourisme n'a toujours pas été signée.

M. Cloutier: Non, mais elle continue de se négocier.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: II restait plusieurs points, semble-t-il, du contenu qui avaient à être précisés. C'est en cours.

M. Morin: Pensez-vous que ce sera réglé avant que Parcs Canada n'ait obtenu le parc du Saguenay et peut-être quelques autres morceaux du territoire québécois?

M. Cloutier: Dans mon esprit, les deux ne sont pas liés, ne doivent pas être liés. Il y a une chose qui s'appelle l'entente auxiliaire sur le tourisme et il y a une autre chose qui s'appelle Parcs Canada.

M. Morin: Quelle est la position du ministère quant à l'implantation de nouveaux parcs fédéraux au Québec?

M. Cloutier: Je ne sais pas si cette question a été posée au ministre du Tourisme.

M. Morin: Je sais qu'elle est évoquée dans votre rapport annuel. C'est pour cela que je voulais vous donner l'occasion de le dire.

M. Cloutier: Oui, bien sûr, parce que c'est quand même une question de contenu. Cependant, je n'ai aucune objection à vous dire que nous ne voyons pas d'un bon oeil l'implantation de parcs fédéraux. Nous considérons que la loi fédérale est une loi assez ancienne qui ne correspond pas aux réalités actuelles. C'est surtout le principe de l'acquisition de propriété qui fait difficulté. Maintenant, ce n'est pas de cela que je parlais...

M. Morin: L'intégrité du territoire n'est-elle pas en cause aussi?

M. Cloutier: Oui, très certainement. Nous ne sommes pas contre l'implantation de parcs fédéraux, mais il y aurait des modalités à trouver. Ce que je déplore, c'est que la loi fédérale, qui est une loi désuète — ce que j'avais commencé à dire — impose l'acquisition de terrains. C'est là que cela nous fait difficulté.

M. Morin: Dans votre rapport, il semble que vous ayiez pris une position un peu plus précise.

M. Cloutier: Elle est très précise, la position que je viens de traduire.

M. Morin: On nous dit que tout en reconnaissant le droit du gouvernement fédéral de financer l'établissement et le fonctionnement de tels parcs, le Québec a proposé que la province demeure propriétaire du territoire et assume la gestion des parcs.

M. Cloutier: C'est exactement ce que je viens de dire.

M. Morin: Est-ce que vous n'estimez pas, puisque le Québec prétend demeurer propriétaire des parcs et en assumer la gestion, qu'il serait utile que vous établissiez également le principe que c'est le Québec qui finance l'achat, l'établissement et le fonctionnement de tels parcs?

M. Cloutier: Le ministre du Tourisme prépare une loi qui. à bien des points de vue, va en ce sens. Maintenant, s'il s'agit d'utiliser à la suite d'ententes, les fonds fédéraux, il n'y a pas d'objection de principe. Nous sommes à l'intérieur du système. Si cela ne crée pas de problème en rapport avec les

principes que nous avons établis, il n'y a pas de difficulté. Nous sommes d'ailleurs à mettre au point une politique beaucoup plus générale, touchant toutes les acquisitions de terrains, parce qu'il y en a pas mal, de toute nature. Il n'y a pas que le problème des parcs nationaux. Il y a également des acquisitions de terrains qui se font, soit par le gouvernement fédéral, soit par des agences ou des organismes fédéraux. Alors, il y a une politique à mettre au point. Nous sommes déjà très avancés.

M. Morin: Dans le cas de parc Saguenay, votre ministère a-t-il son mot à dire? Est-ce que cela a été négocié seulement par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ou bien si vous avez été mêlé à ce dossier?

M. Cloutier: Nous l'avons été, mais cela a été négocié surtout par le ministère du Tourisme, peut-être pour des raisons historiques. Car le dossier est né là-bas et a commencé à être négocié avant la loi récente du ministère, avant même que nous ayons un protocole d'entente avec ce ministère, mais nous ne l'avons même pas encore. C'est le dernier qu'il nous reste à signer. Mais notre point de vue a été mis de l'avant chaque fois.

M.Morin: Dans le cas de parc Saguenay? M. Cloutier: Dans le cas de parc Saguenay.

M. Morin: L'attitude de votre ministère a été de rappeler que le Québec voulait conserver la propriété du sol et la gestion du parc?

M. Cloutier: Absolument, c'est un principe. C'est cela, propriété et gestion. Maintenant, sans refuser un financement dont les modalités peuvent...

M. Morin: Bon!

M. Cloutier: ... tenant compte de ces principes.

M. Morin: Est-ce que nous nous comprenons bien, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, cela signifie que vous souhaitez qu'il n'y ait plus de parcs fédéraux comme tels au Québec?

M. Cloutier: C'est certainement la conception qui est la nôtre, ce qui ne signifie pas nécessairement que les dossiers qui ont commencé à être négociés sur une certaine base ne continueront pas de l'être. Mais, en tant que principe pour l'avenir, très certainement.

M. Morin: Y compris pour le parc du Saguenay?

M. Cloutier: Ce n'est pas tout à fait ce que je viens de dire. Je crois que c'était davantage nuancé.

M. Morin: Oui, c'est justement. Je veux saisir la nuance parfaitement.

M. Cloutier: Je ne sais pas. Vous ne m'avez probablement pas écouté. J'ai dit que...

M. Morin: Je me sentais pris à revers par i'an-cien ministre...

M. Cloutier: C'est ça.

M. Morin: ... qui nous fait l'honneur de sa présence.

M. Cloutier: Je suis sûr que ce n'était pas son intention de vous troubler.

M. Levesque: Je n'ai jamais été un trouble-fête, et encore moins ce soir.

M. Cloutier: Ah bon!

M. Morin: Spectateur intéressé, peut-être nostalgique, M. le Président.

M. Cloutier: Je disais que ce sont certainement des principes que nous défendons, c'est-à-dire l'intégrité et la gestion, mais que ceci ne sera peut-être pas nécessairement appliqué aux dossiers qui étaient déjà en cours de négociation.

M. Morin: Oui, je pense que je vous saisis. M. Cloutier: Tant mieux!

M. Morin: Cela signifie que, pour l'avenir, le Québec exigerait de rester propriétaire du territoire et de gérer les parcs, mais que, pour ce qui est en cours, comme parc Saguenay, vous n'insisterez pas pour que la solution soit aussi claire.

M. Cloutier: C'est un peu ça, parce que vous ne pouvez pas, dans un domaine comme celui-ci, intervenir de façon rétroactive. Vous pouvez toujours...

M. Morin: Ah! Vous m'en direz tant!

M. Cloutier: Bien sûr! Mais, dans le cas particulier, je pense que l'essentiel, c'est de maintenir un certain nombre de principes et d'élaborer une politique générale, et c'est ce que nous faisons en ce moment.

M. Morin: De sorte que le chantage de M. Buchanan est efficace dans ce cas-là.

M. Cloutier: Ecoutez! Je vous laisse la paternité du mot "chantage". Je vous expose les faits tels que je les connais...

M. Morin: Je ne crains pas de l'employer. Je crois que cette lettre était une tentative de chantage. Ce n'était pas autre chose. Je ne demande

pas au ministre d'approuver ce que je dis ou non. Je lui exprime mon opinion. Je sais qu'il a son opinion par devers lui.

M. Cloutier: J'en prends acte. Je n'ai pas donné mon opinion, moi. Je me suis contenté de dire que je n'avais pas l'intention de commenter une correspondance qui s'est faite entre ministres d'un autre gouvernement. Mais je n'ai pas donné mon opinion.

M. Morin: Non, je sais, et je ne la demandais pas, d'ailleurs, quoique j'aurais aimé plus de fermeté de la part du ministre. Mais je me rends compte que, de la façon qu'il conçoit les rapports fédéraux-provinciaux, il ne peut pas utiliser la fermeté autant que je le désirerais.

M. Cloutier: Aussi, puis-je me permettre de rappeler que le dossier est en négociation actuellement, ainsi que l'entente?

M. Morin: Oui, j'ai bien compris.

M. Cloutier: Négocier n'est peut-être pas, au départ, chercher un affrontement.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: II s'agit de savoir si on veut régler les problèmes ou non.

M. Morin: Les régler dans quel sens? Si parc Saguenay devient un parc fédéral, vous n'aurez rien réglé que je sache.

M. Cloutier: Je parlais de l'entente, n'est-ce pas?

M. Morin: Oui, je comprends. Y a-t-il d'autres territoires, à part parc Saguenay, qui soient l'objet de la convoitise fédérale et qui soient en négociation?

M. Cloutier: Tout en laissant au chef de l'Opposition la formulation qu'il a choisie, la "convoitise fédérale", ma réponse, c'est qu'à ma connaissance, il n'y a pas d'autre projet.

M. Morin: II n'y en a pas un, par hasard, dans la Beauce méridionale?

M. Cloutier: L'information que j'ai, c'est qu'il n'y a strictement rien de formel dans ces territoires. Il est possible qu'il y ait eu un certain intérêt de manifesté.

M. Morin: De sorte que, dans l'état actuel du dossier, tout ce que nous risquons de perdre dans le concret, c'est le territoire du parc Saguenay.

M. Cloutier: Même pas. Vous sautez aux conclusions. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce dossier est encore en négociation. Il n'y a pas eu de décision de prise.

M. Morin: Je me permets simplement d'exprimer le souhait que les principes qui sont énoncés dans votre rapport annuel, à ce sujet, s'appliqueront non seulement pour l'avenir, mais s'appliqueront également à parc Saguenay.

M. Cloutier: En tout cas. ce sont des principes...

M. Morin: Autrement, le ministre ne pourra pas m empêcher de conclure que la lettre du ministre Buchanan aura eu son effet.

M. Cloutier: Ce dont je peux vous assurer, c'est que ce sont des principes auxquels nous tenons. Je ne vois strictement aucune raison pour laquelle il ne serait pas possible d'organiser un parc, sans qu'il y ait propriété du sol.

C'est là une notion que je considère archaïque. Je n'hésite pas à le dire et c'est cette notion, ce concept que l'on retrouve dans la législation fédérale.

A mon avis, une législation se change et cette législation devrait être changée. C'est clair.

M. Morin: Je pense que le ministre se rend certainement compte que, dans la négociation de cette question avec les fédéraux, ils vont tenir à la propriété du sol et que la seule solution est probablement de mettre fin tout simplement aux parcs fédéraux — parce que je crois qu'on les appelle bien à tort parcs nationaux — au Québec.

Dans la lettre du ministre, on nous laisse bien voir les motifs de ces mainmises sur le territoires québécois. Je me permets de rappeler une phrase de la lettre: "Inutile de dire...", écrit M. Buchanan, "...que je crois qu'en procédant de ia sorte, nous réussirions à mettre en grande évidence la présence manifeste du fédéral dans deux régions du Québec". Je pense que cela saute aux yeux et je serais bien étonné que le pouvoir fédéral renonce à la propriété et renonce à la gestion lorsqu'il paie pour les expropriations nécessaires.

C'est pour cela que je suggérais au ministre, tout à I'heure, d'avoir une attitude peut-être un peu plus logique et je suis d'accord sur l'idée exprimée à la page 135 du rapport du ministère que la province, comme vous dites, demeure propriétaire du territoire et assume la gestion des parcs. Mais, je vous suggère que cela sera beaucoup plus facile à obtenir si vous êtes prêts à financer vous-même et à choisir vous-même les emplacements.

M. Cloutier: Bien sûr, mais il y a là une question de budget et il est probablement possible de trouver les formules mixtes qui permettraient tout de même de bénéficier de certains fonds fédéraux. La difficulté ne vient pas tellement du financement. Elle vient du fait que le financement est actuellement lié à la propriété du sol et à la gestion de par une législation et je répète qu'à mon avis, elle est archaïque. Elle date de ne ne sais plus quelle année. Je me demande si ce n'est pas de la fin du siècle dernier.

M. Morin: Oui, cela date d'au moins de la fin du XIXe siècle.

M. Cloutier: Alors, je crois que c'est extrêmement clair.

M. Morin: Bien. Traitons cela comme un propos d'étape et nous y reviendrons peut-être l'année prochaine pour voir où en seront les choses, mais je sens venir la présence fédérale au Saguenay et je crois que cela sera une grave erreur. Même si c'est la dernière, cela sera une grave erreur.

M. Fraser: Est-ce que je peux dire un mot? M. Morin: Volontiers. Allez-y, M. le député.

M. Fraser: Le député de Sauvé parle toujours du gouvernement fédéral comme si le gouvernement fédéral était un ennemi étranger.

M. Morin: Ce n'est pas un ennemi. Un étranger, oui. Pas un ennemi.

M. Fraser: C'est toujours l'aspect quand le te-déral achète nos terres. Il va faire ceci, il va faire cela. Le gouvernement fédéral représente seulement le peuple du Canada et quand il achète une terre ici au Québec, c'est pour le peuple du Canada. C'est plutôt pour aider la province de Québec à financer des parcs comme il l'a fait ailleurs dans le pays. Il n'est pas ici comme un ennemi, il est ici comme un ami pour aider la province à avoir des espaces verts et des parcs où les gens du Québec peuvent aller, dans le plein air, et avoir des facilités de mieux vivre pour tout le monde.

Je ne le vois pas comme un ennemi, comme le député de Sauvé, le leader de l'Opposition le voit.

M. Morin: II fait cela par pur altruisme et témoin, cette phrase de la lettre de M. Buchanan. "Needless to say, I believe, in achieving this, we will bring a highly visible federal presence into different areas of population in Province of Quebec."

Je pense que c'est beaucoup plus cela, la motivation...

M. Fraser: Le gouvernement fédéral...

M. Morin: ... que de venir ici aider les Québécois...

M. Fraser: ... a dépensé de l'argent. M. Morin: ... à financer l'achat de parcs.

M. Fraser: Le gouvernement fédéral a dépensé de l'argent venant peut-être des contribuables du Québec, à établir des parcs fédéraux dans d'autres provinces. Pourquoi ne pas dépenser l'argent du peuple du Québec dans le Québec?

M. Morin: Est-ce que vous savez... Je m'excuse, M. le Président. C'est à vous que je dois m'adresser. Mais le député sait-il qu'il n'y a plus aucune province canadienne qui accepte des parcs fédéraux aujourd'hui? Aucune province ne veut plus entendre parler de parcs fédéraux? Le député le sait-il? Le ministre le sait-il?

M. Cloutier: Bien sûr, c'est un fait que la plupart des provinces contestent actuellement cette législation, et il est évident que le fédéral tient peut-être à la propriété du sol, parce que cela facilite certains aspects de la gestion, mais il y a des formules à trouver, elles ne sont pas satisfaisantes actuellement.

M. Fraser: Mais cela m'agace que le député de Sauvé traite toujours les gens du fédéral comme des ennemis.

M. Morin: Pas des ennemis, des étrangers, ce n'est pas la même chose.

M. Fraser: Voyons, des étrangers.

M. Morin: Oui. Je sais bien que le député ne peut pas les considérer comme cela puisque, pour lui, le gouvernement national est à Ottawa. C'est une autre affaire. Je ne veux pas entrer dans un débat avec le député, un débat aussi fondamental que celui-là, mais je constate qu'il ne semble pas être d'accord avec le ministre. Est-ce que le député veut faire des commentaires? Je n'ai pas d'objection. J'ai tenté de comprendre un peu mieux la politique élaborée dans le rapport du ministère des Affaires intergouvernementales. Si le député n'est pas d'accord avec le ministère, il n'a qu'à le dire, mais ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre, c'est au ministère.

M. Cloutier: Ne cherchez pas à créer de fausses contradictions. Le député, très honnêtement...

M. Fraser: Cela m'agace quand le député de Sauvé lance toujours des "pot-shots" au gouvernement fédéral qui est élu par le peuple du Québec aussi bien que par le peuple du reste du Canada.

M. Morin: C'est un fait pour l'instant. M. Fraser: Oui.

M. Morin: Je ne sais pas combien de temps cela durera, mais c'est un fait.

M. Fraser: Cela va durer plutôt...

M. Morin: Je n'entends pas contester ce fait, mais j'entends contester les parcs fédéraux, parce que j'estime qu'il revient au Québec d'administrer ces choses sur le plan constitutionnel. Je vais même plus loin, je considère que c'est une intrusion dans les compétences provinciales. C'est pour cela sans doute que la plupart des provinces, que toutes les provinces ne veulent pas en entendre parler.

M. Cloutier: II y a certainement des doutes à cet égard. Je suis d'accord.

M. Morin: Je suis heureux de voir que, sur ce point, nous sommes d'accord.

M. Cloutier: Cela fait déjà plusieurs points.

M. Morin: Quelques-uns. Avec un peu de persévérance...

M. Cloutier: Avec une semaine encore, on va peut-être finir par se mettre d'accord.

Publication des ententes

M. Morin: ... nous allons peut-être arriver à en trouver d'autres.

M. le Président, l'an dernier, nous avons discuté à plusieurs reprises de la publication systématique des ententes intergouvernementales, formule que j'avais, pour ma part, trouvée particulièrement intéressante et j'avais même suggéré deux choses. Cela se trouve aux pages B-3918 et B-4073 des débats de l'an dernier. J'avais suggéré le dépôt immédiat des ententes les plus importantes et le dépôt en liasses, au début et à la fin de chaque session, des ententes considérées comme étant moins importantes. Je m'inspirais en cela d'une pratique courante au Parlement fédéral, qui procède de la sorte pour les accords internationaux; ceci permet à tout le monde, surtout à l'Opposition, à l'ensemble des députés, de prendre connaissance des accords qui sont intervenus au cours des mois qui précèdent. Je crois me souvenir que j'avais eu l'accord de principe de l'ancien ministre, M. Levesque, mais il m'avait dit qu'il voulait étudier plus avant, plus attentivement les modalités de publication des ententes. Vous trouverez d'ailleurs la réponse de M. Levesque aux pages B-4073 et B-4219.

Depuis cette date, un greffe des ententes intergouvernementales a été institué au ministère des Affaires intergouvernementales sous la direction de M. André Duval, ci-devant notaire et maintenant conseiller aux ententes intergouvernementales. M. le Président, ce greffe va effectivement faciliter énormément la publication systématique des ententes. J'aimerais demander au ministre si, disposant désormais de ce greffe, il ne croit pas opportun de faire un pas de plus et de donner suite à la suggestion que je faisais à son collègue l'année dernière.

M. Cloutier: Anticipant le désir du chef de l'Opposition, je les lui remets immédiatement.

M. Morin: Et c'est malheureux qu'il n'y ait pas de photographe, n'est-ce pas?

M. Cloutier: II y a là tout le texte de toutes les ententes signées pour l'année écoulée et je lui rappelle que j'en ai déposé la liste au tout début de la discussion de ces crédits. J'ajoute que, depuis la création de ce greffe, nous avons l'intention de publier régulièrement les ententes à intervalle, de manière que la population puisse être informée.

D'ailleurs, nous présentons les points saillants de chacune de ces ententes dans le bulletin Québec-Canada, qui est une mine de renseignements à cet égard.

M. Morin: Oui, quoique c'est encore... M. Cloutier: C'est sommaire. M. Morin: Très, très sommaire.

M. Cloutier: C'est précisément parce que c'est sommaire que nous voulons, en plus, pouvoir rendre accessible les documents eux-mêmes.

M. Morin: Oui. C'était le but de mon intervention de l'année dernière. Maintenant, pour bien préciser ma pensée, le but de ma suggestion de l'année dernière portant sur le dépôt immédiat des ententes les plus importantes, était d'obtenir communication de ces ententes dans les jours qui suivent leur signature, leur conclusion. Est-ce que le ministre compte faire cela systématiquement pour les ententes à tout le moins les plus importantes?

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: Bien, je m'en réjouis. Et pour le reste, les documents seront donc publiés régulièrement pour les ententes moins importantes. Il ne les déposera pas nécessairement en Chambre, mais il les publiera.

M. Cloutier: Ah, je n'ai pas dit que ce serait nécessairement déposé en Chambre. Il est très possible que ce soit tout simplement distribué. Il n'y a peut-être pas lieu de déposer toutes les ententes en Chambre. C'est à voir, ça dépend de la nature des ententes également.

M. Morin: Mais pour les plus importantes, elles le seront.

M. Cloutier: Je crois qu'il y a intérêt.

M. Morin: Effectivement, cela se fait ailleurs et je crois que vous n'en auriez d'ailleurs que de meilleurs résultats sur le plan politique.

M. Cloutier: Le seul désir...

M. Morin: Cela prouvera que votre ministère est actif et que le ministre nous tient au courant.

M. Cloutier: ... que nous poursuivons est d'informer. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons entrepris toute cette réorganisation administrative. C'est pour cette raison que nous avons créé ce greffe, que nous avons repensé nos publications. Toujours dans le même but.

M. Morin: Puis-je obtenir une précision? Est-ce que ce greffe est accessible au public ou à tout le moins aux parlementaires?

M. Cloutier: II est toujours possible d'obtenir une copie, même certifiée, des ententes une fois qu'elles sont rendues publiques, bien sûr.

M. Morin: Bien sûr. Ensuite.

M. Cloutier: Nous recevons des demandes d'ailleurs assez souvent d'universités, entre autres, et nous répondrons toujours aux demandes du chef de l'Opposition.

Communications

M. Morin: Cela va de soi. Je n'en attendais pas moins du ministre. Bien. Sur ce dossier, j'estime avoir reçu satisfaction.

Dans le dossier des communications maintenant. Les discussions ont été fort nombreuses depuis quelques années, c'est le moins qu'on puisse dire, mais les résultats ont été très décevants. La positon du Québec a été définie dans un livre vert, elle a été reprise par le discours prononcé par le nouveau ministre devant le Publicity Club de Montréal, le 25 mars dernier. Je dois dire que, dans ce cas, le ministre s'est empressé de me faire parvenir une copie de son discours. J'aimerais savoir ce que fait le ministère des Affaires intergouvernementales dans ce dossier pour que les objectifs du Québec soient atteints. C'est un domaine, je n'ai pas besoin de le rappeler — je le fais tout de même — où le gouvernement fédéral est déjà fort bien installé. Sa stratégie, semble-t-il, consiste à gagner du temps et à poursuivre la consolidation de ses positions. Le Québec, quant à lui, est dans une position délicate, difficile, puisqu'il est obligé de se tailler une place sur un terrain déjà occupé par le gouvernement fédéral.

M. le Président, j'aimerais demander au ministre quels sont les moyens dont dispose le Québec pour atteindre ses buts dans le domaine des communications. Et je fais une distinction tout de suite à la manière d'ailleurs du ministre des Communications entre le téléphone d'une part — ses remarques se trouvent à la page 8 à ce sujet — la câblodistribution, à la page 9, et enfin, la radiotélédiffusion, aux pages 11 et suivantes.

Je sais que le ministre des Communications a été actif dans ce dossier, mais j'aimerais connaître le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales et les moyens qu'il compte utiliser pour réaliser les objectifs québécois.

M. Cloutier: C'est le ministre des Communications qui a à faire évoluer ce dossier. Le ministère des Affaires intergouvemementales rend le type de services qu'il rend dans tous les autres dossiers de tous les autres ministères.

M. Morin: Cela ne fait pas partie de la...

M. Cloutier: Les positions québécoises sont connues. Pour l'instant, les discussions n'ont pas repris. Je sais qu'une rencontre est prévue entre le ministre fédéral des Communications et le ministre des Communications du Québec, rencontre prévue dans un délai très court. Le problème sera, à ce moment-là, reconsidéré, relancé.

Il y a des aspects du dossier dont on peut difficilement parler, puisqu'elles sont devant les tribunaux, mais le ministère des Affaires intergouvernementales est très étroitement associé à ce qu'on pourrait appeler la stratégie judiciaire. Je ne peux pas en dire davantage.

M. Morin: La stratégie politique, puisque c'est un élément du dossier constitutionnel également, est un élément de partage des pouvoirs.

M. Cloutier: C'est ce que j'ai dans la première partie de ma réponse.

M. Morin: Mais puisque vous êtes si intimement associé à ce dossier sur le plan de la négociation constitutionnelle, est-ce que vous ne pourriez tout de même pas me dire quels sont les moyens dont vous disposez pour atteindre les buts que vous vous êtes fixés?

M. Cloutier: Pour toutes les raisons que j'ai déjà évoquées, je ne pense pas pouvoir en dire davantage maintenant. Je rappelle qu'il y a une rencontre, dans un délai très court, peut-être une dizaine de jours, pour reconsidérer l'ensemble de la question. Vous comprendrez que ce n'est pas le moment de vous apporter des révélations là-dessus.

M. Morin: Bien. J'imagine que cette allocution de M. Hardy a été discutée avec le ministère des Affaires intergouvernementales?

M. Cloutier: Oui. Toutes les interventions ministérielles qui mettent en cause des dossiers comme ceux-ci, maintenant que nous en avons le pouvoir de par notre législation, sont considérées, sont discutées.

D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'expliquer aussi que, chaque fois qu'un ministre allait à une conférence, il recevait un mandat signé du ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: Oui. A une conférence fédérale-provinciale. Mais là, il s'agit d'une allocution devant un club.

M. Cloutier: J'ai parlé des deux choses. Pour ce qui est de l'allocution, dans le cas précis, effectivement, nous avons été... Nous avons d'ailleurs des fonctionnaires qui sont affectés à chacun des secteurs.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: On aurait pu ne pas l'être, mais nous l'avons été.

M. Morin: De sorte que c'est la politique de votre ministère, comme celle du ministère des Communications, que le Québec revendique la modification complète du système de contrôle sur

la compagnie Bell Canada et demande que cette compagnie soit soumise à la seule réglementation du Québec, en ce qui concerne ses activités sur le territoire québécois.

M. Cloutier: C'est la politique gouvernementale. Vous avez là l'exemple d'une politique qui a été énoncée. Il y en a eu un libre vert. C'est la politique gouvernementale. Elle n'a pas changé.

M. Morin: Bien.

M. Cloutier: C'est une vue globale des choses.

M. Morin: Elle a évolué, vous devez le savoir. Elle a évolué.

M. Cloutier: Elle a évolué, bien sûr, mais elle a évolué d'après ses lignes de force. Elle s'est précisée, si l'on veut.

M. Morin: Et dans le domaine de la radio-télédiffusion, il semble que la position soit quelque peu différente. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce que signifie exactement le rôle prépondérant? Il ne s'agit plus de rôle exclusif, comme dans le cas du téléphone, si j'ai bien compris, il s'agit d'un rôle prépondérant du Québec, dans le domaine de la radio-télédiffusion.

M. Cloutier: Cela s'éloigne de quoi? Cela diffère en quoi?

M. Morin: Je vais me permettre de...

M. Cloutier: Vous dites que cela a changé. Cela a changé en quoi?

M. Morin: Je vais me permettre de revenir en arrière quelque peu. Dans le cas du téléphone, on parle de la seule réglementation du Québec. Cela veut dire la réglementation exclusive du Québec? Il n'y a pas d'autre sens à cela.

Maintenant, dans le cas de la radio-télédiffusion, vous ne dites plus un rôle exclusif, vous dites un rôle prépondérant.

M. Cloutier: Ce n'est pas la question que je vous posais.

M. Morin: Je veux comprendre le sens exact de ce rôle prépondérant.

M. Cloutier: Ce n'est pas la question que vous me posiez.

M. Morin: C'est exactement cette question-là. M. Cloutier: Non, il y a un malentendu. M. Morin: Ah bon!

M. Cloutier: La position québécoise n'a pas changé, ni en ce qui concerne le téléphone, ni en ce qui concerne la radio-télédiffusion. Vous avez là, dans ce texte, exactement la position québécoise. C'est cela que je veux vous dire.

Dans la position initiale, nous n'avons jamais revendiqué une juridiction exclusive dans le domaine de la radiodiffusion. Nous ne songeons pas à régir Radio-Canada, par exemple. Cette position n'a pas changé. Vous ne pouvez pas comparer le téléphone et la radiodiffusion. Ce sont les mêmes positions qu'initialement.

M. Morin: Bien. On peut comparer pour constater que, dans un cas, vous réclamez un rôle exclusif et que, dans le deuxième cas, vous réclamez un rôle prépondérant.

M. Cloutier: Vous pouvez comparer comme cela, mais ce n'est pas ce que vous avez fait. Ce que vous avez fait, c'est que vous avez dit que la position différait de la position initiale. Je vous dis que ce n'est pas le cas.

M. Morin: Ce n'est pas cela. Je pense qu'effectivement, il y a eu un malentendu. Je vous dis que la position diffère, selon qu'on parle du téléphone ou de la radiodiffusion.

M. Cloutier: C'est exact, ce n'est pas la même. M. Morin: Bon.

M. Cloutier: Nous réclamons, pour ce qui est du téléphone, l'exclusivité. Pour ce qui est de !a radiodiffusion, ce n'est pas une exclusivité, c'est une responsabilité prépondérante.

M. Morin: Mais je me demandais quel était le sens exact de cette expression, parce qu'exclusif, je comprends très bien ce que cela veut dire. C'est net, n'importe quel juriste sait ce que cela veut dire. Mais, un rôle prépondérant...

M. Cloutier: Les éléments...

M. Morin: ... c'est déjà beaucoup moins juridique comme expression.

M. Cloutier: "La responsabilité québécoise prépondérante — je cite le livre vert — comporte surtout trois éléments:

Premièrement, attribuer les fréquences sur le territoire québécois, conformément a la répartition globale faite par un organisme intergouvernemental formé des représentants des onze gouvernements; '

Je vous fais remarquer que nous sommes dans le contenu, mais, pour le cas particulier, je peux vous donner satisfaction. "Deuxièmement, surveiller, contrôler, réglementer le système québécois de RTV, y compris le RTV par satellite; "Troisièmement, surveiller les activités du système pancanadien du RTV au Québec, par l'approbation du plan de développement de Radio-Canada et la participation au conseil d'administration de cette société."

Ce sont les positions originelles.

NI. Morin: Ah!

M. Cloutier: Mais, c'est du contenu.

M. Morin: Si nous avions des réponses comme cela sur toutes les questions...

M. Cloutier: Vous les avez, chaque fois que vous posez des questions. Le seul domaine où je n'ai pas réussi à vous donner satisfaction, parce que c'était impossible, c'est le domaine de la négociation constitutionnelle. Je vous ai expliqué pourquoi. Cela aurait été de l'irresponsabilité et de la maladresse. Vous ne pouvez pas accepter ce point de vue. Je respecte votre insatisfaction. Ne venez pas prétendre que je n'ai pas répondu.

M. Morin: Ce n'est pius de l'irresponsabilité et de la maladresse dans ce dossier-ci?

M. Cioutier: Bien sûr que non. Je vais vous dire tout de suite pourquoi.

M. Morin: Oui, expliquez-moi.

M. Cloutier: Parce que ceci vient d'un livre vert et il y a eu la position globale du Québec qui a été présentée. Cela remonte déjà à un certain temps. Ce n'est pas le cas dans le dossier constitutionnel.

M. Morin: Sur l'immigration, il n'y a pas de position claire du Québec qui ait fait l'objet de rapports ou de livre blanc?

M. Cloutier: Oui, bien sûr, il y en a eu, mais il n'y a pas d'éléments constitutionnels qui nous ont attachés. C'est un problème de contenu. Je souhaite, si nous voulons respecter la vocation de notre ministère, que le contenu continue d'être discuté par les ministères sectoriels. Autrement, le ministère des Affaires intergouvemementales se substitue à tous les autres ministères québécois.

M. Morin: Je m'attendais que vous commentiez, à moins que vous ne l'ayez fait sans que je m'en rende compte, deux revendications fondamentales du Québec en matière de radiotélédiffusion, c'est-à-dire la réglementation de la programmation, la publicité de la langue, le quota de productions québécoises, etc. Je ne crois pas que vous ayez mentionné cela. Pourtant, cela paraît être fort important.

M. Cloutier: Je pense, pour éviter tout malentendu, que nous devrions nous arrêter là. La responsabilité du ministère des Affaires intergouvernementales est très claire. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable de tomber dans le détail du contenu.

D'ailleurs, le livre vert a été déposé à l'Assemblée. Vous l'avez. C'est le livre vert qui fonde la position québécoise.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Ce que je vous ai donné là, c'est un résumé.

M. Morin: Bien sûr, mais, ce que je voulais, c'était un certain nombre d'explications pour bien comprendre le livre vert, pour bien comprendre les déclarations du ministre des Communications.

M. Cloutier: Je pense effectivement que vous devriez vous référer au livre vert. C'est la position québécoise. Est-ce que vous avez fait, jusqu'ici, la discussion des crédits du ministère des Communications?

M. Morin: Non, je ne crois pas qu'elle ait eu lieu.

M. Cloutier: C'est vraiment le moment, si vous voulez.

M. Morin: Oui, mais c'est l'aspect constitutionnel.

M. Cloutier: Je vous ai répondu en ce qui concerne l'aspect constitutionnel. Vous débordez l'aspect constitutionnel. Le contenu, bien sûr, a toujours...

M. Morin: Non.

M. Cloutier: ... une signification constitutionnelle...

M. Morin: Je comprends, parce que la réglementation de la programmation, cela a un aspect constitutionnel certain. C'est pour cela que je posais la question. En tout cas, je vois que ie ministre ne veut pas aller plus loin, je le regrette.

M. Cloutier: Par souci de cohérence administrative, par respect également envers les autres ministères, je ne veux pas déborder...

M. Morin: J'interrogerai éventuellement le ministre des Communications sur cet aspect. J'espère simplement qu'il ne me dira pas que c'est constitutionnel et qu'il faut que je me réfère à vous.

M. Cloutier: Comment pourrait-il le dire? Je vous affirme qu'il ne vous le dira pas, il y a un livre vert. Il y a une position québécoise qui a été déposée à l'Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas vous trouver un terrain plus solide. Tout ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que, précisément parce que notre gouvernement est responsable, il ne veut pas fabriquer des politiques comme cela au cours d'une réunion ou d'une discussion entre deux portes. Les politiques qui sont élaborées le sont avec infiniment de rigueur, surtout depuis la nouvelle loi du ministère des Affaires intergouvemementales, depuis le nouveau mandat du CCRI, qui est présidé par le sous-ministre des Affaires intergouvemementales, depuis la réforme du Conseil exécutif avec ses quatre comités où siège ex officio le ministre des

Affaires intergouvemementales. Une politique ne vient pas comme cela, parce que quelqu'un répond à une question à l'Assemblée. C'est le résultat d'une très longue élaboration.

M. Morin: Naturellement, dans tout gouvernement qui se respecte.

M. Cloutier: Voilà, merci. C'est le premier compliment.

M. Morin: Bien sûr! Je crois effectivement que vous avez derrière vous des gens compétents, qui font bien leur travail, peut-être pas assez nombreux, mais je reconnais qu'ils font ieur possible. Les questions que je vous pose ne mettent pas cela en cause du tout.

M. Cloutier: Non, mais il ne s'agit pas seulement de la compétence...

M. Morin: II s'agit de comprendre vos politiques. Elles sont quelquefois un peu ambiguës.

M. Cloutier: Non, c'est-à-dire que, lorsque ce sont des politiques, elles sont rarement ambiguës. Ce que vous avez essayé de m'extorquer, ce sont des éléments de politique avant même que la politique ne soit établie, alors qu'il existe des processus pour rétablir. C'est pour cela que je n'ai pas pu vous donner satisfaction.

M. Morin: Allons donc, je tente d'avoir les renseignements, ce n'est pas la même chose.

M. Cloutier: Vous l'avez fait, disons, avec... M. Morin: Avec les pinces du dentiste... M. Cloutier: C'est douloureux, parfois. M. Morin: ... parce que vous résistiez.

M. Cloutier: Certainement, parce que la politique en matière constitutionnelle n'avait pas suivi tout ce cheminement, alors que, dans les deux derniers cas qui nous ont occupés, vous aviez des documents représentant la politique québécoise; dans le cas des arrangements fiscaux, vous aviez une position claire, qui avait suivi le processus décisionnel, alors que, dans l'autre, ce n'était pas le cas.

Rapport du vérificateur

M. Morin: M. le Président, peut-être pourrions-nous aborder, pendant le peu de temps qui nous reste ce soir, le rapport du Vérificateur général pour ce qui est du ministère des Affaires intergouvemementales. Au cours de 1974/75, ce haut fonctionnaire a fait une vérification particulière de la coopération internationale. Je ne retiendrai de ces observations que quelques points. Premièrement, pour ce qui est des petites caisses, dans ses rapports antérieurs, le Vérificateur géné- ral avait souligné que la gestion des petites caisses du ministère, il y en avait, je crois, 19 à ce moment, représentant un montant de près de $300 000, n'était pas conforme aux directives du Conseil du trésor. Or, d'après le dernier rapport du Vérificateur général, il n'y a eu aucune amélioration. J'aimerais savoir si le ministre est en mesure de nous éclaiier sur les motifs de cette situation et s'il compte y remédier.

M. Cloutier: Ma réponse est simple. Il y avait certains aspects du rapport qu' étaient discutables. Le plus grand nombre de points correspondaient à une réalité. Je me suis empressé d'intervenir et je peux vous dire que tous les points ont été corrigés. Si vous voulez peut-être me poser les autres, je pourrai vous donner plus de détails dans un instant.

M. Morin: Bien, je veux avoir un peu plus de détails sur celle-là. Le Vérificateur général disait que ces sondages sur les avances de fonds de roulement qu'on trouve dans les petites caisses ont permis de constater qu'il n'y avait eu aucune amélioration — c'est une citation — relativement au respect de la directive 16-71 émise par ie Conseil du trésor concernant ces petites caisses.

M. Cloutier: Ce n'est plus le cas actuellement.

M. Morin: Est-ce que le ministre peut me dire quelles dispositions exactement ont été prises pour remédier à la situation?

M. Cloutier: Oui, si vous voulez même repasser chacun des points qui faisaient l'objet de critiques...

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: ... du Vérificateur général, ce serait peut-être la meilleure façon.

M. Morin: Je vais vous parler tout à l'heure des comptes spéciaux et de l'assiduité.

M. Cloutier: Bon! Le plus simple, parce que vous risquez d'en oublier, c'est que je repasse tout. Seriez-vous d'accord?

M. Morin: Si vous voulez.

M. Cloutier: II y avait un problème de comptes à recevoir. Vous l'aviez également souligné. C'est tellement technique que ce n'est peut-être pas la peine que je...

M. Morin: Non, mais les comptes spéciaux, c'est autre chose. Ce n'est pas les comptes à recevoir. Je n'ai pas de question particulière sur les comptes à recevoir.

M. Cloutier: Bon! Vous n'avez rien de particulier, alors je vais vous retrouver. Votre première question, c'était la petite caisse.

M. Morin: Oui, la petite caisse.

M. Cloutier: Un système a été mis en application, qui oblige, à la fin de chaque mois, les délégations à faire un rapport de l'état de leur caisse et de leur compte de banque, tenant compte des chèques non encaissés, ainsi que de la réconciliation de ieur fonds de roulement, c'est-à-dire l'explication de l'écart de leur avoir en caisse et l'avance qui leur a été donnée. Selon les rapports reçus, les réconciliations sont faites dans la majorité des cas. De plus, pour permettre un meilleur contrôle, un système comptable nouveau a été élaboré et est en vigueur dès maintenant à Paris. Bruxelles, Rome, Dusseldorf et Milan. A Londres. ce système sera en opération dès juillet 1976. Pour les autres délégations, compte tenu des sommes relativement minimes des avances, le système s'installera progressivement.

M. Morin: Pourriez-vous me dire, pour les petites délégations, autres que celles que vous avez mentionnées au début, quel est le montant de l'argent qui se trouve dans les petites caisses, de sorte que je puisse me rendre compte du progrès que vous avez réalisé?

M. Cloutier: Moyenne: $3000.

M. Morin: La moyenne de chaque caisse?

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: Bon! C'est donc une proportion...

M. Cloutier: II faut bien comprendre...

M. Morin: ... infime du montant total.

M. Cloutier: C'est ça. C'est la raison pour laquelle le système élaboré qui a été mis au point n'est pas appliqué immédiatement.

M. Morin: Bon!

M. Cloutier: II faut bien comprendre la nature des dépenses de ces délégations. Je crois que vous connaissez suffisamment la question. C'est ainsi que le personnel local doit être payé souvent en espèces ou à même ces caisses. Alors...

M. Morin: Une partie du personnel...

M. Cloutier: Une partie du personnel local, bien sûr. Cela explique que les caisses peuvent paraître importantes, alors qu'elles ne le sont pas toujours. Dans les autres délégations, la situation est parfaitement sous contrôle.

M. Morin: Pour les comptes spéciaux, le ministère semble utiliser, d'après ce que nous dit le Vérificateur, une technique irrégulière qui consiste à déposer dans ces comptes l'argent en provenance de l'extérieur, surtout, si j'ai bien compris, les tonds provenant de l'ACDI, l'organisme fédéral. Le ministère aussi semble payer certaines dépenses directement sur ces comptes spéciaux...

M. Cloutier: ...

M. Morin: ... sans passer par les fonds consolidés du revenu...

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: ... et les mécanismes habituels de contrôle sur les fonds publics. Je voudrais vous demander si on a mis fin à cette pratique.

M. Cloutier: Complètement. Pour l'année 1976/77, parce qu'il s'agissait surtout de ces sommes versées par l'ACDI, d'avance, elles sont déposées au ministère des Finances.

M. Morin: Bien!

M. Cloutier: On m'informe qu'il s'agit vraiment d'un aspect purement technique et qu'il y a eu certaines divergences...

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: ... entre le Conseil du trésor, par exemple...

M. Morin: Je les connais. Nous en avons parlé à l'étude des crédits des Finances et...'

M. Cloutier: Nous nous sommes conformés sur tous les points. Nous avons, sur le plan administratif, depuis quelque temps, porté énormément d'attention à la réorganisation du ministère, qui en avait besoin, tant sur le plan des structures que sur le plan de la gestion, et je crois maintenant que les choses fonctionnent de façon tout à fait satisfaisante.

M. Morin: Bien! Ce n'est pas sans — pour changer de sujet— un certain étonnement que j'ai pris connaissance d'un autre point soulevé par le Vérificateur général, parce que, connaissant quelques-uns des fonctionnaires de ce ministère, je sais qu'ils travaillent très fort, qu'ils sont très dévoués. Le Vérificateur général nous apprend cependant qu'il devrait exister un meilleur contrôle de l'assiduité.

Si j'ai bien compris, on retrouve chez vous le problème de l'Assemblée nationale. J'aimerais savoir quelles mesures concrètes ont été prises pour donner suite à la recommandation du Vérificateur général qui portait sur un rapport hebdomadaire de l'utilisation du temps par les employés itinérants en particuliers.

M. Cloutier: Je pense que nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec le Vérificateur général là-dessus.

M. Morin: Ah! J'aimerais que vous me le disiez, parce que...

M. Cloutier: En ce qui concerne l'assiduité du personnel de secrétariat, oui, et nous y veillons de

très près. En ce qui concerne l'assiduité des professionnels, c'est beaucoup plus compliqué et il est évident qu'il faut faire confiance à la responsabilité de chacun. Ce sont souvent des gens qui assistent à des réunions. Le personnel itinérant, par définition, n'est pas toujours en place.

A cause de la nature même des fonctions du ministère, nous avons des fonctionnaires qui sont affectés à différents secteurs, à différents dossiers. Or, c'est constamment dans le domaine des relations fédérales-provinciales, par exemple. Ce n'est pas... On a parlé de quelques dossiers, mais je crois que nous avons en marche et en négociation à peu près 350 dossiers et ce sont des dossiers techniques, des dossiers souvent très complexes.

Alors, pour toutes ces raisons, nous portons ia plus grande attention possible à l'assiduité, mais on ne peut peut-être pas s'attendre que les modes de contrôle soient les modes de contrôle de tous les fonctionnaires.

M. Morin: Je comprends, mais ces fonctionnaires ne doivent-ils pas, à tout le moins, laisser des traces de leur emploi du temps? Je pense surtout aux employés itinérants. Ne transmettent-ils pas à leur supérieur un rapport hebdomadaire de l'utilisation de leur temps pour chaque jour ouvrable?

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: Ils le font?

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: Alors, il n'y a plus de problème dans ce cas puisque c'est ce que vous recommandait le Vérificateur général.

M. Cloutier: Ce n'est pas un rapport aussi détaillé peut-être que le Vérificateur général le souhaiterait, d'heure en heure, par exemple, mais c'est un rapport qui nous paraît satisfaisant.

M. Morin: Le Vérificateur général ne parle pas d'un rapport d'heure en heure, mais je cite: "... d'un rapport hebdomadaire de l'utilisation de leur temps pour chaque jour ouvrable."

M. Cloutier: C'est acquis. M. Morin: C'est acquis? M. Cloutier: C'est acquis.

M. Morin: Bon. J'en ai terminé pour le Vérificateur général. Je suis heureux que le ministère ait donné suite à ses recommandations dans une très large mesure.

M. Cloutier: J'attache une très grande importance à la rigueur administrative. C'est pour cela que, dans mes remarques préliminaires, j'ai beaucoup parlé de l'organisation du ministère, du fonctionnement des comités.

J'ajoute, par exemple, qu'il y a une réunion générale d'un comité toutes les semaines, qui a toujours lieu au même moment, à la même heure, et qui nous permet de faire le point sur tous les dossiers, que nous avons des procédures qui nous permettent de suivre toutes les conférences, qu'il s'agisse de conférences interprovinciales, et là, il y en a des dizaines et des dizaines chaque année, un peu partout au Canada, qui, comme dans tous les secteurs...

Il s'agit de la même chose pour le calendrier des rencontres internationales. Le rapport du CCRI est considéré au cours de cette réunion, chaque fois, de sorte que le ministère a une véritable direction collégiale qui permet de suivre, dans le détail, à peu près tout ce qui se passe.

Structures du ministère

M. Morin: Dans votre exposé préliminaire, M. le ministre, vous nous avez décrit les changements intervenus dans les structures du ministère depuis l'an dernier alors que nous étions, grosso modo, devant deux organismes, le CIDA et le CCRI.

Il semble, à ce que vous nous avez dit, que le CIDA ait été remplacé par quatre comités rattachés au Conseil exécutif ou, en tout cas, il semble que le CIDA ait été aboli à tout le moins.

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: D'autre part, le CCRI a été maintenu et son mandat élargi, selon ce que vous nous avez dit l'autre soir. J'aimerais connaître les rapports fonctionnels entre le CCRI et les quatre nouveaux comités interministériels formés, si j'ai bien compris, depuis quelques mois.

M. Cloutier: C'est cela. Par arrêté en conseil. Il s'agit là de pièces publiques qui ont été publiées.

M. Morin: Voulez-vous me rappeler les quatre comités? Il y avait les ressources humaines...

M. Cloutier: II y avait l'aménagement du territoire, les ressources humaines, la qualité de la vie et le comité économique, économie et ressources. Il s'ajoute à cela le Conseil du trésor et le comité de législation, qui sont des comités d'une autre nature. Chaque comité a un président, et il y a deux ministres qui sont d'office membres de tous les comités pour des raisons que vous comprendrez facilement, c'est le ministre des Finances et c'est le ministre des Affaires intergouvernementales, l'un parce qu'il dépense et paie et l'autre parce qu'il a la responsabilité de veiller à la cohérence constitutionnelle.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Ces quatre comités sont des comités du Conseil des ministres...

M. Morin: Du Conseil exécutif, oui.

M. Cloutier: Du Conseil exécutif, et aucun dossier n'arrive directement au Conseil exécutif sans avoir suivi la filière de ces comités, ce qui en permet une étude en profondeur et le...

M. Morin: Oui, mais...

M. Cloutier: J'y arrive. Il faut quand même partir de la base. Alors, ces comités ne remplacent pas du tout le CIDA. Le CIDA était simplement un comité qui groupait le ministre de l'Education, le ministre des Affaires sociales, j'y ai siégé pendant longtemps...

M. Morin: ...de l'Industrie et du Commerce et des Affaires sociales.

M. Cloutier: Et qui avait pour but d'élaborer les politiques gouvernementales dans tout ce qui concernait les relations avec les autres gouvernements ainsi qu'avec le gouvernement central. Mais, maintenant, ces politiques sont élaborées au sein des quatre comités, suivant le secteur où elles s'adressent, et son préparées par le CCRI, qui est rattaché pour sa part au ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: C'est cela le sens de ma question. Le CIDA était présidé par le ministre des Affaires intergouvernementales. Même s'il n'est pas remplacé par les quatre comités rattachés au Conseil exécutif, il y a tout de même, j'imagine, une certaine correspondance entre la disparition du CIDA d'une part et l'apparition de ces quatre comité d'autre part.

M. Cloutier: Bien sûr, tout à fait. Il y a une coïncidence. Nous avons choisi un autre mode de fonctionnement qui nous paraissait plus efficace.

M. Morin: C'est ce que j'avais cru comprendre. Maintenant, ce qui m'intéresse, et ce sur quoi je voudrais des éclaircissements, ce sont, comment dire, les relations fonctionnelles entre le CCRI d'une part et ces quatre comités qui ne sont pas rattachés au ministre, mais qui sont rattachés au Conseil exécutif, c'est-à-dire au premier ministre.

M. Cloutier: Les quatre comités, oui. Mais le ministre est membre de ces quatre comités.

M. Morin: Oui, je vois. M. Cloutier: Ex officio.

M. Morin: J'imagine que ce sont les ministres principalement responsables de chacun des quatre domaines qui sont présidents des comités en question.

M. Cloutier: C'est cela. Et il existe même une espèce de comité des priorités, qui groupe les quatre présidents et où, bien sûr, siègent aussi le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre des Finances. C'est ce comité qui va tenter de définir les priorités gouvernementales et s'adresser à certains problèmes comme, par exemple, l'élaboration du budget, avant que cela n'arrive au Conseil des ministres. C'est une formule extrêmement intéressante. Il y a vraiment eu, sur le plan de la réorganisation administrative, de très grands progrès.

M. Morin: Mais elle a piqué ma curiosité, c'est pour cela que je vous interroge là-dessus.

M. Cloutier: Cela me fait plaisir d'y répondre.

M. Morin: Je me demandais s'il n'y aurait pas un certain dédoublement entre d'une part ces comités rattachés au Conseil exécutif et le CCRI.

M. Cloutier: Je ne vous cache pas que votre question me plaît beaucoup parce que j'ai eu des réserves lorsqu'il s'est agi de faire disparaître le CIDA.

M. Morin: Non! Pas parce que vous perdiez une présidence?

M. Cloutier: Certainement pas, parce que j'en ai retrouvé un certain nombre d'autres. Mais j'ai eu des réserves parce que je me suis posé à peu près ce genre de question à cause du cheminement des dossiers et nous avons décidé de mettre cela en marche. Pour l'instant, cela semble satisfaisant. Le CCRI, vous avez bien compris qu'il s'agissait des fonctionnaires.

M. Morin: Oui, oui.

M. Cloutier: Le CCRI est rattaché au ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: D'ailleurs, c'est le sous-ministre qui en est le président.

M. Cloutier: C'est cela.

M. Morin: Le sous-ministre des Affaires intergouvemementales qui en est le président.

M. Cloutier: C'est cela. C'est ce que je voulais préciser. Bien sûr.

M. Morin: Je me demandais s'il n'y avait pas risque de dédoublement, peut-être même...

M. Cloutier: Non.

M. Morin: ... d'affrontement entre les deux structures.

M. Cloutier: Non. Je n'ai rien constaté...

M. Morin: J'imagine qu'entre deux structures dont l'une est constituée par des hommes politiques et l'autre par des fonctionnaires, s'il y a contestation entre les deux...

M. Cloutier: Oui, mais...

M. Morin: ... la priorité sera vite établie.

M. Cloutier: ... le CCRI se rapporte à moi en tant que ministre des Affaires intergouvemementales. Quant au CCRI, il y a un échange, nous discutons. Je discute avec le président, je vais passer des commandes au président, lui disant: Voici, nous allons travailler dans tel sens. Si, par exemple, le CCRI amorce une politique dans un domaine particulier, eh bien, il y aura un "input" politique qui viendra du ministre des Affaires intergouvernementales, lequel se fait l'interprète en général du Conseil des ministres. Je dois dire que la collaboration a été excellente, je n'ai pas assisté à des affrontements, comme vous dites, c'est un mot que vous semblez affectionner.

M. Morin: Non, je me suis posé la question. Je craignais surtout des dédoublements.

M. Cloutier: II ne semble pas y en avoir eu. Mais l'aspect intergouvernemental est présent comme ii ne l'a jamais été, grâce à cette structure. D'ailleurs, la collaboration avec les ministères s'est instaurée très rapidement. Ce sont les autres ministres, souvent, qui avant de partir, si le mandat qu'ils doivent recevoir a un peu de retard, le réclament. Parce que le mandat devient une espèce d'ordre de mission qui correspond à une politique gouvernementale, alors qu'il fut une époque où les choses se faisaient peut-être d'une façon un peu plus lâche et où les positions dépendaient davantage de la personnalité ou des conceptions du ministre sectoriel.

M. Morin: De sorte que dans le cas du CCRI, vous passez, comme vous dites, des commandes à votre sous-ministre qui en est le président. Il s'y trouve des représentants du Conseil exécutif, du Conseil du trésor, des Finances, de la Justice aussi, me dit-on, et de l'OPDQ.

M. Cloutier: Ce ne sont pas des représentants, mais ce sont les hauts fonctionnaires du gouvernement.

M. Morin: Et ces commandes, comme vous dites, portent forcément sur des questions intergouvernementales.

M. Cloutier: Oui, mais ce sont des dossiers permanents, le dossier constitutionnel, par exemple, les arrangements fiscaux, la préparation de grandes conférences fédérales-provinciales, les conférences des premiers ministres, alors qu'il s'agit de discuter d'ordre du jour, choses de cet ordre-là. Ce sont des dossiers permanents. Dans ma réunion hebdomadaire qui groupe ies directeurs généraux du ministère, les sous-ministrss bien sûr, le CCRI nous fait rapport. Même qu'il y a un ordre du jour où on repasse le calendrier de toutes les rencontres, par exemple, on fait le point avec le directeur général des relations fédérales- provinciales sur chacune des ententes, nous suivons, d'une semaine a l'autre, l'évolution des dossiers de manière à savoir où nous en sommes.

M. Morin: Le comité fait rapport, autrement dit, hebdomadairement.

M. Cloutier: Le CCRI, mais, en plus de ça, toutes les autres instances du ministère font également rapport toutes les semaines.

M. Morin: Si j'ai bien compris...

M. Cloutier: On m'informe qu'il y a eu 115 réunions du CCRI depuis sa création ce qui signifie qu'il n'a pas chômé, d'autant plus que ce sont des réunions qui durent une moyenne de cinq ou six heures.

M. Morin: Et depuis janvier 1976, par exemple, toutes les semaines. Si j'ai bien compris la différence entre le CCRI, qui relève en dernière analyse des Affaires intergouvernementales et qui répond à des questions posées par le ministre responsable, et l'autre structure, les quatre comités rattachés au Conseil exécutif, dans le premier cas. ce sont les Affaires intergouvemementales qui regroupent les représentants des autres ministères tandis que dans le sein du Conseil exécutif, c'est le ministre des Affaires intergouvernementales qui représente son ministère au sein d'organismes qui regroupent plusieurs ministres.

M. Cloutier: On peut dire qu'en gros...

M. Morin: C'est un peu la situation inverse dans un cas...

M. Cloutier: ... c'est ça. le niveau des comités du Conseil exécutif est évidemment le niveau ministériel. En fait, les différents comités n'existent que pour une raison. C'est pour permettre une étude plus approfondie des dossiers que dans un conseil où vous avez 25 personnes autour d'une table. Ça permet un travail en profondeur. Parce qu'ils passent tous, ensuite, au Conseil des ministres. Lorsque ces dossiers arrivent, très souvent, ils ont été étudiés par les ministres les plus concernés. Et il suffit d'une espèce d'approbation de principe, !a discussion pourrait théoriquement être reprise complètement. Mais en pratique, ça ne se produit pas souvent.

M. Morin: Pourriez-vous, pour m'éclairer davantage, me donner une idée de l'apport que le ministre des Affaires intergouvernementales peut fournir au comité sur l'aménagement du territoire.

M. Cloutier: Un apport double. D'abord, le ministre des Affaires intergouvernementales peut présenter lui-même une politique à ce comité. C'est le cas en ce qui concerne le dossier auquel je faisais allusion, l'intégrité du territoire, les cessions de terrain, plus exactement. Nous avons élaboré une politique qui est en cours de discus-

sion, sur les cessions de terrain. Le problème des parcs s'inclut là-dedans; c'est beaucoup plus vaste.

M. Morin: C'est cela que je voulais savoir. C'est à cela que je voulais vous amener.

M. Cloutier: II y a des terrains qui seront achetés pour faire des bureaux de poste, par exemple, par le gouvernement fédéral. Il y a mille problèmes techniques qui se posent et nous élaborons une politique générale qui permettra des applications plus faciles. C'est un premier niveau d'intervention.

Il y en a un deuxième. Nous recevons l'ordre du jour du comité de l'aménagement du territoire. Si nous nous apercevons — parce que les fonctionnaires le verront — qu'il y a un aspect intergouvernemental, qu'il peut y avoir un problème constitutionnel, mon attention est attirée. Tout de suite, on me fait une note et je fais valoir ce point de vue.

Si, pour une raison ou pour une autre, je ne peux pas être présent — parce que cela fait quand même pas mal de comités — à ce moment-là, je saisis le président, d'une façon directe, du point de vue du ministère des Affaires intergouvernementales, de sorte que, nous sommes présents dans tous les dossiers qui sont traités.

M. Morin: Ces comités se réunissent à quelle fréquence?

M. Cloutier: II y en a qui se réunissent tous les quinze jours et d'autres qui le font une fois par semaine, mais les réunions sont régulières, suivant...

M. Morin: Le ministre peut-il me dire, pour me donner une idée — je cherche à me faire une idée de la valeur de ce mécanisme — à combien de réunions de ces comités rattachés au Conseil exécutif, il a participé depuis le début de l'année, par exemple?

M. Cloutier: Je n'ai pas participé à un très grand nombre de réunions, bien que je sois intervenu chaque fois, parce que toutes les réunions ne comportaient pas des dossiers avec des implications pour les affaires intergouvemementales.

M. Morin: Vous n'y allez que lorsqu'il y a des aspects qui vous intéressent?

M. Cloutier: Oui, c'est cela. Mais, en principe, j'ai le droit d'y aller tout le temps, de même que le ministre des Finances.

M. Morin: Mais vous récusez l'honneur par moments?

M. Cloutier: Ce n'est pas une question d'honneur, c'est une question de travail et de temps. Si nous assistions à toutes les réunions de tous les comités, ce serait peut-être passionnant, mais je crois qu'on n'aurait pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre.

M. Morin: J'ouvre une petite parenthèse. Vous m'avez intrigué quand vous m'avez parlé des terrains dont aurait besoin le ministère fédéral des Postes. Est-ce que, vraiment, le ministère fédéral des Postes vous signale les achats qu'il serait intéressé à faire au Québec, pour loger des bureaux de poste? Vous m'avez étonné un petit peu.

M. Cloutier: II ne s'agit pas de régenter les ventes privées, mais il s'agit d'une politique, d'abord en ce qui concerne le gouvernement, et les organismes parapublics ou les municipalités, par exemple.

M. Morin: Vous voulez dire que vous serez consulté lorsque le gouvernement fédéral convoite un terrain qui appartient au domaine public ou à la municipalité?

M. Cloutier: Je n'ai pas l'intention de vous révéler le sens de la politique, puisqu'elle est en discussion, et je maintiendrai fermement mon principe. Mais je vous dirais que cela va même beaucoup plus loin que cela.

M. Morin: Expliquez-moi.

M. Cloutier: Non, je ne vous expliquerai pas, parce que la politique n'est pas au point. Je veux parler de la loi.

M. Morin: Alors, parlez-m'en. C'est le cas de le dire, comme le disait Clémenceau, parle-m'en.

M. Cloutier: Cette politique découle de notre loi.

M. Morin: Mais est-ce que le ministre pourrait être plus précis et me dire a combien de réunions il a été présent?

M. Cloutier: Non.

M. Morin: II ne s'en souvient pas.

M. Cloutier: Je peux vous dire, par exemple, combien de fois je suis intervenu.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Je suis intervenu chaque fois qu'il y a eu un problème intergouvernemental, soit... Il y a des dossiers que j'ai suivis d'une façon un peu plus régulière. Mais l'essentiel, ce n'est pas d'être présent physiquement, ce qui est carrément impossible, mais, le ministre des Finances et moi-même, nous intervenons lorsqu'un dossier est pertinent.

M. Morin: Bien. M. le Président, je ne sais pas si je devrais aborder un nouveau sujet. Il est moins cinq. Je puis le faire, mais nous n'aurions peut-être pas le temps de terminer.

Est-ce que le ministre désire que nous ajournions? Nous pouvons encore insister pour les cinq dernières minutes, mais je ne le fais pas, parce que cela me permettrait d'aborder un sujet un peu différent demain matin.

M. Cloutier: Qu'est-ce que vous préférez, messieurs?

M. Desjardins: On ajourne.

M. Cloutier: J'ai l'impression qu'il y a certains mouvements qui se dessinent en faveur de l'ajournement.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à demain, après la période des questions.

M. Cloutier: C'est ainsi que nous voyons les choses.

(Fin de la séance à 22 h 55)

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