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Commission permanente de la présidence
du conseil, de la constitution et des
affaires intergouvernementales
Etude des crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales
Séance du jeudi 20 mai 1976 (Dix heures trente-trois minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente de la présidence du conseil, de la
constitution et des affaires intergouvemementales avait été
convoquée pour 10 heures ce matin. Etant donné qu'il est
maintenant 10 h 35 ou presque et que nous n'avons pas encore quorum, le quorum
étant de neuf membres, je regrette de devoir ajourner la commission sine
die.
(Fin de la séance à 10 h 34)
Reprise de la séance à 16 h 10
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil, de la constitution et
des affaires intergouvernementales reprend cet après-midi l'étude
des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales.
Pour la séance d'aujourd'hui, les changements suivants auront
cours: M. Lachance remplace M. Bourassa; M. Verreault remplace M. Beauregard;
M. Déziel remplace M. Gratton; M. Bonnier remplace M. Malouin; M. Dufour
remplace M. Pagé; M. Massé remplace M. Perreault; M. Fraser
remplace M. Tardif. Puis-je suggérer que, pour aujourd'hui, le
député de Shefford, M. Verreault, agisse comme rapporteur?
D'accord.
Une Voix: Bravo!
M. Morin: C'est la troisième fois que nous changeons de
rapporteur, M. le Président!
Le Président (M. Gratton): C'est d'ailleurs une nouvelle
directive que nous avons de nous assurer chaque jour que le rapporteur est un
membre présent.
Le ministre des Affaires intergouvernementales.
Précision de M. Cloutier
M. Cloutier: M. le Président, je voudrais apporter une
précision. J'ai eu l'occasion de dire, au cours de cette discussion des
crédits, que 50% des titres dans nos journaux étaient
carrément malhonnêtes. Je maintiens ce point de vue et j'en ai eu
une démonstration hier.
A la suite des propos qui ont été échangés
entre le chef de l'Opposition et moi, un journaliste, qui s'appelle M. Pierre
Champagne, a pondu un article, extrêmement sommaire d'ailleurs, lequel a
été coiffé du titre suivant: Constitution: L'attitude
québécoise change.
Je n'ai pas voulu faire une question de privi-lève, parce que je
ne voulais pas dramatiser l'incident. Cependant, je ne peux pas laisser passer
cette histoire, parce qu'elle peut avoir des conséquences. Lorsqu'on
sait que la majorité des lecteurs d'un journal ne lisent que le titre,
il est bien évident que certains risquent d'être
influencés. Or, rien n'est plus faux. Même si l'échange a
été rapide, à la fin d'une séance, le journaliste
s'il avait eu une formation de journaliste, hélas, dans notre
milieu, c'est loin d'être toujours le cas aurait dû venir
m'interroger et me demander des précisions, si tant est qu'une certaine
ambiguïté pouvait planer sur mes propos. Je ne sais s'il est
allé voir le chef de l'Opposition pour lui demander des
précisions. S'il l'a fait, c'est encore beaucoup plus grave, parce que,
là, c'est un manque d'éthique.
J'ose croire que ce n'est pas le cas. S'il l'a fait, c'est un manque
d'éthique extrêmement grave, parce qu'il aurait dû,
parallèlement, venir demander à celui qui avait prononcé
certains propos de préciser sa pensée.
Je m'arrête donc là, et je dis, pour qu'il n'y ait pas de
malentendu, que je maintiens, mot pour mot, les déclarations que j'ai
faites à la fin de cette séance, et je les complète. J'ai
déclaré deux choses: D'abord, à la suite d'une question du
chef de l'Opposition touchant une déclaration qui aurait
été faite par un fonctionnaire britannique, j'ai
déclaré que. pour autant que je le savais, cette
déclaration n'avait pas de caractère officiel. J'ai
également déclaré, en réponse à une autre
question du chef de l'Opposition, que Londres et je reprends
textuellement, si vous voulez, ce serait beaucoup plus simple: Londres
ne tranchera rien vous êtes juriste, vous devriez parfaitement
savoir que Londres n'a pas à trancher la question tout ce que
Londres aura à faire sera d'accepter la demande canadienne. Je maintiens
donc ce point de vue et j'ajoute, comme je le disais hier, que Londres n'a pas
à trancher la question de savoir si la demande canadienne de
rapatriement sera le fait d'une décision unilatérale du Parlement
fédéral, ou le fait d'une décision du Parlement et de
toutes et chacune des Législatures. Pourquoi? Je vais être
très clair à cet égard. Parce qu'une telle question doit
être tranchée ici même, au pays. La position du gouvernement
du Québec est claire, à ce sujet, elle n'a jamais changé.
Le rapatriement ne doit se faire qu'avec l'accord de toutes les provinces et du
fédéral. Il ne devrait y avoir de demande canadienne à cet
effet auprès du Parlement de Londres qu'à la suite d'un tel
accord.
C'est en ce sens que j'affirmais hier que Londres n'a pas à
trancher la question, c'est à nous, entre Canadiens, à la
trancher au Canada. C'est d'ailleurs seulement de cette manière que nous
pourrions manifester que le Canada est réellement un pays souverain. Il
serait ridicule de placer le gouvernement britannique dans une espèce de
rôle d'arbitrage. Voilà la position, elle est claire. J'apporterai
toute autre précision si nécessaire.
M. Morin: M. le Président, l'attaque du ministre contre M.
Champagne ne me paraît guère justifiée. La réponse
du ministre hier, donnait ouverture à l'interprétation qui en a
été donnée dans le Soleil, quoi que puisse en dire le
ministre aujourd'hui.
Je suis heureux qu'il ait tenu à compléter sa
réponse. J'ai dit qu'il devait le faire après réflexion,
car telle quelle, cette réponse était erronée. J'aimerais
aller un peu plus avant et, à la suite de la déclaration du
ministre, obtenir quelques précisions supplémentaires.
J'ai eu l'impression que, par sa déclaration, le ministre
entendait réduire le rôle du Parlement de Westminster, lequel
n'agit, comme dans notre système, que sur la recommandation du
gouvernement britannique et non comme simple tampon. La question que j'aimerais
poser au ministre, à la suite de ces éclaircissements, est la
suivante: Si, en dépit de la coutume constitutionnelle qui veut que les
provinces soient consultées avant que leur statut ne soit modifié
ou que le partage des pouvoirs ne soit touché, le parlement
fédéral tant le gouvernement que les partis de
l'Opposition, puisqu'ils ont signifié leur accord avec M. Trudeau sur la
question du rapatriement devait néanmoins procéder
unilatéralement, le ministre estime-t-il que le Parlement de Westminster
n'aurait pas d'autre choix que d'entériner ia décision du
gouvernement et du parlement fédéraux?
M. Cloutier: Avant de répondre, étant donné
que le chef de l'Opposition a pris la défense du journaliste, j'aimerais
bien savoir, s'il peut me préciser, si ce journaliste l'a
interviewé oui ou non.
M. Morin: Je n'ai pas à vous dire: J'ai rencontré
tel ou tel journaliste. C'est sûrement à moi à poser les
questions.
M. Cloutier: Cela confirme donc ma thèse. Ce titre, qui
était absolument abusif...
M. Morin: Ce titre n'est pas abusif.
M. Cloutier: ... parce qu'il s'agit d'un titre quasiment de
première page et sur cinq ou six colonnes, il a été
suscité par le chef de l'Opposition. Voilà ce que c'est, la
situation journalistique au Québec.
M. Morin: M. le Président, j'affirme, de mon siège,
que je n'ai rien à voir avec ce titre.
M. Cloutier: Le titre n'a rien à voir avec vous.
M. Morin: C'est sûrement le journal qui l'a
rédigé.
M. Cloutier: Mais vous avez vu le journaliste.
M. Morin: Je ne connais pas l'auteur de ce titre et je tiens
à dire qu'il est cependant justifié, étant donné
l'erreur constitutionnelle que le ministre a faite hier soir.
M. Cloutier: Vous avez donc vu le journaliste! Le journaliste
n'est pas venu demander des précisions à l'auteur de la
réponse. Je considère que c'est un manquement grave à
l'éthique professionnelle.
M. Morin: Vous irez le lui demander.
M. Cloutier: Votre silence prouve bien qu'il en est ainsi.
M. Morin: M. le Président, je me refuse à mettre en
cause un journaliste, quel qu'il soit.
M. Cloutier: Je crois que l'opinion publique saura tirer sa
leçon. Si j'interviens là-dessus avec une certaine chaleur, c'est
que c'est important. Les journalistes ont une responsabilité
vis-à-vis l'opinion publique. Ils n'ont pas le droit de donner une
importance démesurée à certains faits ou à
certains événements. Il y a là un
déséquilibre absolument évident qui peut avoir des
conséquences dans le cas d'une négociation. J'ai apporté
des précisions et ces précisions auraient dû m'être
demandées. Il est bien évident qu'on a, comme d'habitude,
joué le rôle du PQ, et ceci, je le déplore.
M. Morin: M. le Président...
M. Cloutier: Pour ce qui est de la question...
M. Morin: Puis-je avoir une réponse à ma
question?
M. Cloutier: C'est une question hypothétique. Je refuse
d'y répondre.
M. Morin: Comment pouvez-vous vous plaindre des
interprétations qui sont données de vos propos si vous ne
répondez même pas aux questions claires qu'on vous pose?
M. Cloutier: Si je n'avais pas répondu hier, le chef de
l'Opposition n'aurait pas fait cette petite manigance de mauvais
goût.
M. Morin: M. le Président, je répète qu'il
n'y a eu aucune manigance. Le ministre a fait une erreur. Je crois,
effectivement, qu'elle était grave; de surcroit il ne l'a pas
réparée aujourd'hui.
M. Cloutier: Le ministre n'a pas fait d'erreur, il n'a pas
pu parce que vous avez demandé vous-même qu'on lève
la séance compléter sa réponse. Il l'a
complétée aujourd'hui d'une façon indiscutablement claire.
Pour ce qui est de répondre à votre question hypothétique,
je n'y réponds pas parce qu'elle est hypothétique. La position du
Québec est claire, elle était inscrite dans le discours
inaugural; j'y suis revenu tout à l'heure: nous n'acceptons pas un
rapatriement unilatéral. Si par hasard cela se fait, c'est une situation
qui devrait être étudiée à ses mérites,
à ce moment-là. Je n'ai pas le droit de me placer dans cette
hypothèse, puisque nous la rejetons au départ.
M. Morin: M. le Président, néanmoins, c'est une
question juridique importante. La preuve, c'est que le ministre avait entrepris
d'y répondre hier, de façon erronée, soit. J'aurais
pensé qu'il profiterait de la séance d'aujourd'hui pour se
reprendre.
M. Cloutier: II n'y avait rien d'erroné là-dedans.
Je ne laisserai pas passer le moindre doute à cet égard. Je vais
interrompre le chef de l'Opposition chaque fois que ce sera
nécessaire.
M. Morin: Vous m'interrompez, cela ne me dérange en aucune
façon. Je maintiens que vous aviez l'occasion, aujourd'hui, comme je
vous l'ai offert, hier à la fin de la séance, de corriger votre
position.
M. Cloutier: Je n'ai pas corrigé ma position parce qu'elle
n'avait pas à être corrigée. Je re- prends mot à mot
les termes de ma déclaration d'hier. Je l'ai complétée et
précisée, alors que vous ne m'en aviez pas laissé le
loisir, hier.
M. Morin: M. le Président, je vois que cela pourrait,
à nouveau, dégénérer en dialogue de sourds. Je vais
donc me contenter, pour le bénéfice du ministre, sans plus lui
poser de question je ne souhaite pas non plus que cette querelle prenne
des proportions qu'elle ne mérite pas de tenter de faire
comprendre au ministre le rôle que peut être appelé à
jouer le gouvernement britannique et que peut également être
appelé à jouer le Parlement de Westminster advenant un coup
d'Etat de la part de M. Trudeau.
J'imagine que le ministre sera d'accord avec moi pour dire que si jamais
M. Trudeau procède unilatéralement en dépit de la
volonté du Québec, ce serait effectivement ce qu'on appelle un
coup d'Etat, puisque ce serait contraire à la coutume constitutionnelle.
Si, par hasard, M. Trudeau choisit de procéder de la sorte ce qui
ne saurait être totalement écarté je signale au
ministre, pour le cas où il ne le saurait pas je suis sûr,
cependant, que ses principaux conseillers le savent, eux que le
Parlement de Westminster et le gouvernement Britannique ont assumé des
obligations.
M. Cloutier: Messieurs, vous êtes prêts à
écouter le cours de l'éminent juriste qui, après avoir
fait des allusions aux fonctionnaires, au ministre, a l'intention d'avoir son
auditoire.
M. Morin: M. le Président, cette interruption intempestive
du ministre ne me dérange pas. J'ai l'intention, de toute façon,
de dire ce que j'ai à dire. Que ce soit inscrit dans les Débats
et, si jamais nous avons à y revenir, les choses auront
été dites.
M. le Président, si jamais le pouvoir fédéral
décide de procéder unilatéralement, je signale au ministre
je tente de le faire en toute objectivité, si ce n'est même
en toute amitié que le Parlement de Westminster et le
gouvernement britannique ont des obligations internationales à
l'égard de ce qui s'appelle aujourd'hui le Québec et qui
s'appelait, au moment du traité de cession de 1763, la
Nouvelle-France.
Le ministre sait très bien que ce pays a été
transféré à la Grande-Bretagne par un traité de
cession dans lequel le gouvernement britannique assumait, à
l'égard de ceux qu'on appelait ses "nouveaux sujets", des obligations
précises. Il existe donc un accord international vieux, il est vrai, de
plus de deux siècles, entre Sa Majesté britannique et Sa
Majesté Très Chrétienne qui porte sur ce pays, sur le
Québec. Le gouvernement britannique a donc des obligations d'ordre
international à l'endroit de la France au sujet de notre pays.
Si donc, il advenait que le gouvernement fédéral, par ses
agissements, porte atteinte au statut du Québec sans que celui-ci n'y
consente, j'estime, pour ma part et je pourrais trouver beaucoup de
juristes pour m'appuyer que le gouver-
nement britannique est responsable, encore aujourd'hui, de ses actes
devant le gouvernement français. Il l'est d'autant plus qu'il demeure,
techniquement, le souverain du Canada, puisque c'est lui, et lui seul, en
dernière analyse qui peut modifier certains aspects fondamentaux de la
constitution de ce pays et, notamment, le partage des pouvoirs.
Ce n'est pas mon intention de demander au ministre s'il est d'accord ou
en désaccord avec ce que je viens de dire, mais je suis convaincu, pour
ma part, que le gouvernement de Londres étudie le dossier. Il ne peut
éviter de l'étudier. Je suis persuadé, d'un point de vue
juridique, que le Parlement de Londres n'adopterait pas une loi sans s'assurer
au préalable que celle-ci est conforme aux usages constitutionnels, au
droit coutumier. Les Britanniques ne seraient plus les Britanniques s'ils
agissaient autrement.
Ces choses étant dites, pour que nous puissions nous y
référer éventuellement, j'aimerais demander au ministre
si, advenant un coup de force, un rapatriement unilatéral de la part du
gouvernement fédéral, il n'estimerait pas opportun que
l'Assemblée nationale, sans distinction de part, prenne l'initiative
d'adopter une adresse à l'intention du Parlement britannique et de Sa
Majesté, demandant qu'il ne soit pas donné suite aux propositions
émanant d'Ottawa.
M. Cloutier: C'est une question hypothétique et je n'ai
pas l'intention d'y répondre. La position du Québec est claire.
Le Québec s'oppose à un rapatriement unilatéral. De plus,
le Québec considère également qu'un tel rapatriement irait
à l'en-contre d'une convention constitutionnelle ou, plus exactement, de
tradition constitutionnelle. Ceci est clair et précis, mais il est bien
évident qu'il serait irresponsable de répondre à une
question hypothétique. C'est devant un fait que des décisions
éventuelles pourront être prises. Pas avant.
M. Morin: A défaut de mieux, je me réjouis, du
moins, d'entendre le ministre déclarer officiellement qu'un rapatriement
unilatéral serait contraire au droit coutumier de ce pays. C'est
déjà un point d'acquis.
M. Cloutier: II n'y a rien de nouveau dans ce que je viens de
dire. J'ai cité abondamment hier le discours inaugural, où nous
parlions de notre attitude vis-à-vis du rapatriement unilatéral.
J'y suis revenu à maintes reprises. Il n'y a strictement rien de nouveau
dans ce que je dis.
M. Morin: La raison pour laquelle j'ai posé la question au
ministre est que le premier ministre a déclaré récemment
qu'advenant un coup de force d'Ottawa il ne l'a pas dit exactement comme
cela advenant le rapatriement unilatéral proposé par
Ottawa, il déclarerait ce qu'il appelait la "guerre totale". J'avoue
que, devant la force de l'expression, je me suis interrogé sur sa
portée exacte. Je voyais mal le faible premier ministre que nous avons
déclarant la guerre totale! Je me suis demandé: Veut-il dire la
guerre totale par des moyens juridiques auquel cas je suis en droit de
vous demander des précisions là-dessus ou veut-il dire la
guerre par les armes? Ce qu'à Dieu ne plaise! C'est la raison pour
laquelle je vous ai demandé si cette "guerre totale" ne pourrait par
prendre la forme d'une résolution de l'Assemblée nationale du
Québec.
M. Cloutier: M. le Président, le chef de l'Opposition
et c'est son droit dans le cadre d'une discussion de crédits
a choisi de faire de la politique et de transformer cette commission
parlementaire en plate-forme.
M. Morin: C'est de la politique avec un grand P, puisque c'est
l'avenir du pays qui est en cause.
M. Cloutier: Peut-être que le sujet dont nous parlons est
de la politique avec un grand P, mais votre façon de l'aborder me laisse
de grands doutes sur le choix de la minuscule ou de la majuscule.
M. Morin: A votre aise!
M. Cloutier: En particulier, les insultes que vous
proférez à l'égard du premier ministre me paraissent
totalement superflues.
M. Morin: C'est que je vois mal le personnage partir en
guerre.
M. Cloutier: Vous n'avez pas raté une occasion de
l'attaquer depuis que nous avons commencé cette discussion.
M. Morin: Dans ce dossier, les positions du premier ministre ont
été tellement ambiguës, tellement serpentines que
j'étais heureux d'avoir enfin devant moi le ministre des Affaires
intergouvernementales pour me faire donner plus de précisions. Je dois
dire que, jusqu'ici, cela n'a pas fait une bien grande différence. Mais,
toujours dans le but d'éclairer l'avenir de ces discussions, de ce
dossier, j'aimerais quand même que le ministre nous dise ce qu'il a
compris lorsque le premier ministre nous a parlé de "guerre totale
".
M. Cloutier: M. le Président...
M. Morin: II est bien plus dans la confidence du premier ministre
que je ne puis l'être.
M. Cloutier: M. le Président, je suis parfaitement
patient. Il m'arrive, lorsque ma pensée est trahie, comme dans cet
article du journaliste du Soleil, de m'échauffer et je continuerai de le
faire. Je prends la responsabilité de tous mes propos depuis que je suis
en politique. La seule chose que je n'accepte pas, c'est qu'on les
déforme: lorsqu'on les déforme, je réagis. Je n'ai pas
l'intention de répondre à la question du chef de I Opposition,
parce qu'il s'agit toujours de la même stratégie qu'il a mise au
point lorsqu il a commencé cette discussion: fausser la
négociation entreprise en essayant de compromettre le gouvernement
québécois par des déclarations intempestives. Le
cheminement de ce dossier constitutionnel est
parfaitement limpide. Il y a eu des déclarations de principe dans
le discours inaugural et lors de plusieurs interventions. Tout un cheminement a
été mis au point de manière que nous puissions faire
évoluer la situation.
M. Morin: M. le Président, je voudrais simplement ajouter
que je comprends très bien le ministre de ne pas reprendre à son
compte les expressions quelque peu farfelues du premier ministre. Je ne
m'attendais à ce qu'il en assume ni la paternité ni la
responsabilité, mais j'aurais voulu savoir si, par hasard, le premier
ministre lui aurait confié, dans l'un des nombreux entretiens qu'ils
n'auront certainement pas manqué d'avoir sur la question, le sens de la
"guerre totale" qu'il entendait livrer au gouvernement fédéral.
Jusqu'ici, je dois dire, étant donné le peu de succès des
miniescarmouches livrées par le premier ministre au pouvoir
fédéral, que je ne m'attendais guère qu'il déclare
la guerre totale on peut bien le penser. Il y a des moyens juridiques de
conjurer les traquenards du pouvoir fédéral. J'ai voulu en
éclairer un tout à l'heure; il y en a d'autres également,
mais, là-dessus, je ferai confiance aux conseillers du ministre des
Affaires intergouvernementales.
M. le Président, peut-être convient-il de poser encore
quelques questions sur certains aspects plus particuliers du dossier
constitutionnel avant de passer à autre chose. Dans plusieurs
déclarations gouvernementales récemment, et notamment dans les
pourparlers que le Soleil rendait publics dans son édition du 28
février 1976, on faisait valoir que le gouvernement du Québec
avait déjà revendiqué auprès du pouvoir
fédéral un certain nombre de compétences et, notamment, la
primauté législative en matière d'immigration. J'aimerais
demander au ministre si telle est bien l'attitude du gouvernement
québécois et, en second lieu, si la réponse est
affirmative, quel est le sens exact qu'il faut donner à l'expression
"primauté législative".
M. Cloutier: D'où le chef de l'Opposition tire-t-il cette
déclaration?
M. Morin: Du Soleil du 28 février 1976, sous la signature
de M. Claude Beauchamp.
M. Cloutier: II s'agit là d'un journaliste. Est-ce la
citation d'un homme politique ou le jugement, ou l'interprétation d'un
journaliste? Il va quand même falloir qu'on s'entende, à un moment
donné. Sommes-nous en train de discuter l'opinion de M. Beauchamp? A
quoi M. Beauchamp se réfère-t-il?
M. Morin: II se réfère à des documents du
ministère des Affaires intergouvernementales, dont copie est parvenue au
Soleil.
M. Cloutier: Cela signifie peut-être une fuite,
peut-être des documents de travail qui peuvent remonter à
plusieurs années. Je déclare que ceci n'a strictement aucune
valeur. Que le chef de l'Opposition se réfère à des
déclarations ministé- rielles, que le chef de l'Opposition prenne
le journal des Débats et se réfère à des
commentaires du premier ministre, à ce moment, je voudrai bien me
prononcer, mais je ne vois absolument pas l'intérêt de me
prêter à ce jeu, parce qu'il ne me paraît pas sérieux
ni honnête.
M. Morin: Je procéderai autrement. Je demanderai
simplement au ministre s'il peut nous dire quelle est la position
québécoise en matière d'immigration?
Dossier constitutionnel Immigration
M. Cloutier: Le rôle du ministère des Affaires
intergouvernementales est un rôle de coordination. Dans mes remarques
préliminaires, je crois l'avoir bien établi. Le contenu des
dossiers relève des ministères sectoriels. Et même si les
politiques qui en découlent sont des politiques gouvernementales, en ce
sens qu'elles sont approuvées par le Conseil des ministres, je dirais
que, pour ce genre de dossiers, c'est clairement de la responsabilité du
ministère de l'Immigration. Or, je sais pertinemment que le chef de
l'Opposition a discuté hier des crédits du ministère de
l'Immigration...
M. Morin: Non, je regrette, c'est inexact.
M. Cloutier: J'avais cru que le chef de l'Opposition était
présent à cette commission. C'est un de ses députés
probablement qui l'a fait.
M. Morin: Oui, j'aurais souhaité l'être, mais
j'étais retenu dans cette commission-ci.
M. Cloutier: C'est très probablement là que la
question aurait dû être posée.
M. Morin: M. le Président, j'en reviens à ce que le
ministre disait il y a un instant. Le ministère des Affaires
intergouvernementales a un rôle de coordination et
particulièrement au sujet de l'aspect constitutionnel des
compétences québécoises. Je ne doute pas que le
ministère de l'Immigration doive être associé à
toute définition de son rôle et de l'exercice de ses
compétences. Mais lorsqu'on aborde l'aspect constitutionnel, qui ne peut
être séparé des autres parties, des autres
compétences qui sont partagées entre Québec et Ottawa, en
vertu de la constitution, il faut qu'il avoue que cela relève de son
ministère. S'il est incapable de répondre à une question
aussi simple que celle-là, je me demande ce que nous faisons ici.
M. Cloutier: Je me le demande depuis que je constate que le chef
de l'Opposition ne discute pas les crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales, mais fait uniquement sa politique, en
particulier dans un domaine qui l'intéresse plus que d'autres,
c'est-à-dire la constitution. Il a tenté de transformer cette
commission en un véritable
débat constitutionnel et, maintenant, il tente de
l'élargir. Je suis parfaitement capable de répondre à
cette question, parce que je suis impliqué dans la définition de
toutes les politiques. Cependant, je ne le ferai pas pour une raison de
principe qui est claire. Le ministère des Affaires intergouvernementales
n'a pas à se prononcer comme tel sur tous les dossiers sectoriels. Il en
va de même du dossier des Communications et du dossier des Affaires
sociales; autrement, il n'y a plus de cohérence administrative possible.
Ceci doit être bien compris.
En ce qui concerne les aspects constitutionnels, bien sûr, oui. En
ce qui concerne un dossier qui est un dossier très particulier, comme
celui de la constitution, oui.
Lorsqu'il y a eu des prises de position comme celle dont j'ai fait
état pour les arrangements fiscaux, à ce moment, il est normal
que le ministère des Affaires intergouvernementales transmette, mais son
rôle doit quand même être clairement défini, sinon, il
se retrouve dans la position suivante où il est amené à
faire littéralement le travail de tous les ministères. Il y
aurait là une espèce d'illogisme qui irait à rencontre des
buts recherchés en le créant.
M. Morin: De sorte que si je posais des questions cet
après-midi sur l'ensemble des compétences, comme les
communications, le pouvoir décla-ratoire du gouvernement
fédéral, son pouvoir de dépenser, la Cour suprême,
le Sénat, les langues, sur toutes ces questions, le ministre refuserait
de me répondre?
M. Cloutier: Non. Comme d'habitude, le chef de l'Opposition
mélange tout, et il le fait à dessein, parce qu'il n'est pas
dépourvu.
M. Morin: Ah?
M. Cloutier: II le fait à dessein. Lorsqu'il s'agit de
ministères sectoriels, et c'est le cas de l'Immigration, des Affaires
sociales, des Communications, il vient de parler des Communications; oui, je
crois que, dans un souci de bonne administration, il faut maintenir une
certaine cohérence.
Quand il s'agit des autres points qu'il a soulignés, on entre en
plein dans le coeur du projet de déclaration dont nous parlons depuis
déjà deux jours et il s'agit très certainement de la
responsabilité du ministère des Affaires
intergouvernementales.
Je me refuse absolument pas de répondre. J'ai simplement
situé le contexte au moins dix fois, revenant aux principes
établis par le gouvernement et expliquant qu'il y a une
négociation en cours avec un cheminement bien précis. Il est
évident que je n'ai pas l'intention de faire des déclarations
à la pièce sur chacun des éléments d'un projet de
déclaration qui est actuellement en discussion dans un cadre bien
déterminé, et qui met en cause des partenaires,
c'est-à-dire les gouvernements des autres provinces et le gouvernement
central. Autrement dit, je maintiens avec la même constance la position
depuis le début, et je ne permettrai pas au chef de l'Opposition de
donner l'impression que je le fais uniquement parce que je manifeste de la
mauvaise volonté. C'est faux. C'est par souci de responsabilité
que je procède de cette manière.
M. Morin: De sorte que même si j'interroge le ministre sur
les compétences fédérales relatives à la paix,
à l'ordre, au bon gouvernement, sur l'immigration, sur les langues, sur
le pouvoir déclara-toire du gouvernement fédéral, sur la
Cour suprême et sur le Sénat, invariablement, le ministre n'aura
rien à dire.
M. Cloutier: Le ministre a beaucoup de choses à dire, et
il les dit, mais il les dit dans le cadre où elles doivent être
dites. Il ne blâme pas le chef de l'Opposition d'essayer de faire son
travail et d'essayer de tirer le plus de crédit possible, mais il a bien
l'intention qu'il n'y ait pas, sur le plan de l'opinion publique, la moindre
confusion qui persiste touchant le rôle de son ministère.
M. Morin: Le malheur, c'est que la confusion qui existe dans
l'opinion publique au sujet de ces questions constitutionnelles vient surtout
du fait qu'on ne connaît pas ou qu'on connaît si mal les positions
québécoises qu'il est impossible d'appuyer le gouvernement ou, au
contraire, de le prendre à parti.
M. Cloutier: Cela fait vingt fois que le chef de l'Opposition dit
cela, en termes différents, et d'ailleurs, malheureusement, de moins en
moins différents, ce qui devient de plus en plus monotone. En fait, j'en
suis même à me demander si le chef de l'Opposition
s'intéresse au sujet qu'on discute actuellement. Il m'a demandé,
par exemple je le lui avais offert de déposer les opinions
des différentes provinces. On dirait qu'il s'en
désintéresse maintenant. Souhaitez-vous que je le fasse?
M. Morin: Chaque chose à son temps.
M. Cloutier: Ce n'est pas encore le moment de déposer les
opinions des différentes provinces.
M. Morin: J'y arriverai dans quelques instants, puisque je vous
ai demandé ces documents hier, c'était sûrement pour les
obtenir, mais je n'ai pas terminé.
M. Cloutier: Je croyais que c'était pertinent au
débat actuel.
M. Morin: Je voudrais que ce soit clair, je voudrais que le
ministre nous le dise une bonne fois, qu'il ne donnera pas de précisions
si je l'interroge sur la Cour suprême, le Sénat, les
compétences fédérales en matière de paix, d'ordre
et de bon gouvernement, le pouvoir déclaratoire, le pouvoir de
dépenser, les langues, etc.
M. Cloutier: Le premier ministre du Canada a fait parvenir aux
divers gouvernements provin-
ciaux un projet de déclaration qui représente le point de
vue fédéral. Ce projet a été déposé
à la Chambre des communes et il a été déposé
ici même, à l'Assemblée nationale du Québec. Il a
fait l'objet d'un certain nombre de questions, mais, aussi, il est actuellement
à l'étude par un comité ad hoc de ministres des Affaires
intergouvernementales et de ministres chargés du dossier
constitutionnel. Il doit être étudié lors d'une
conférence de premiers ministres au mois d'août, laquelle
conférence, je le répète pour la quinzième fois,
faisait suite à une conférence l'année
précédente, à Terre-Neuve, alors que le premier ministre
de Terre-Neuve avait reçu le mandat spécifique en matière
constitutionnelle de voir avec ses homologues provinciaux quels étaient
les différents points de vue.
Comment voulez-vous, dans ces conditions, que je puisse répondre
spécifiquement aux questions? Ce sont là autant de pièges
et, comme je le disais hier, il serait à la fois irresponsable et
maladroit de le faire, et je préfère laisser ces deux
qualités, ou ces deux défauts à l'Opposition, qui, elle,
n'a pas la responsabilité du pouvoir.
M. Morin: M. le Président, c'est précisément
parce que le pouvoir a des responsabilités, et en particulier devant
l'opinion publique, que j'estime devoir lui poser toutes ces questions.
M. Cloutier: Je ne dis pas que vous avez tort de le faire, mais
je dis que j'aurais tort d'y répondre.
M. Morin: Avant de passer à autre chose, je vais faire une
dernière tentative, particulièrement au sujet du sénat
canadien. Le ministère a-t-il élaboré je ne lui
demande pas le contenu des propositions je lui demande si son
ministère a élaboré des positions sur la question du
sénat et de la représentation des provinces au sein de cet organe
constitutionnel.
M. Cloutier: Je dirais qu'il y a certainement au ministère
une réflexion qui se poursuit depuis des années sur tous les
aspects du dossier constitutionnel, y compris celui-là. Je ne veux pas
que vous l'isoliez encore, parce que c'est là un point qui peut faire
l'objet de discussions. Je veux bien qu'il soit compris que le ministère
s'occupe du dossier constitutionnel, comme d'ailleurs de tous ses dossiers,
avec beaucoup d'efficacité, et que ce point fait partie de la
réflexion.
M. Morin: Puis-je faire un pas de plus, un pas délicat,
afin que le ministre ne se sente pas emporté par un courant qu'il ne
souhaiterait pas? Puis-je poser une question comme celle-ci?
M. Cloutier: Toutes les questions...
M. Morin: Depuis hier, j'ai eu le loisir de me rendre compte que
la plupart de mes questions se heurtent à des refus de
répondre.
M. Cloutier: Acceptez donc de discuter des crédits.
M. Morin: Mais, M. le Président, les crédits du
ministère...
M. Cloutier: Nous sommes encore dans le préliminaire.
M. Morin: Le ministre sait très bien que l'étude
des crédits est, chaque année, l'occasion d'étudier
l'ensemble des politiques du ministère.
M. Cloutier: Là, c'est l'ensemble des politiques du
gouvernement qu'on étudiait. Enfin allez-y.
M. Morin: C'est votre ministère qui est responsable, au
sein du gouvernement, de la discussion et de l'élaboration des
politiques dans le domaine constitutionnel. C'est à vous que je dois
poser ces questions.
Pour ce qui est du sénat, serait-ce aller trop loin que de
demander au ministre si le Québec souhaite une réorganisation du
sénat canadien, de façon à mieux assurer la
représentation des provinces?
M. Cloutier: Je dirai que, là encore, je n'ai pas
l'intention de répondre à cette question, pour toutes les raisons
que j'ai évoquées depuis le début. Je n'y vois absolument
aucun intérêt.
Vous me demandez une déclaration au nom du gouvernement du
Québec qui, forcément, lierait le gouvernement. Il n'en est pas
question. Je crois avoir fait le point là-dessus. Vous pouvez continuer,
vous pouvez persister, cela ne me gêne en rien. J'essaierai de
répondre avec le sourire, mais je n'ai pas l'intention de me laisser
entraîner dans cette histoire.
Si nous avions une discussion théorique, une table ronde, par
exemple, que je souhaiterais...
M. Bourassa: C'est là que le chef de l'Opposition
était le meilleur. En théorie, il est toujours excellent.
M. Cloutier: ...je serais ravi de donner mon opinion sur le
sénat. J'ai un tas d'idées là-dedans. Je pourrais vous
parler de l'Allemagne de l'Ouest. Je pourrais vous parler d'un tas de formules,
mais ce n'est pas là le lieu. Vous avez essayé de
m'entraîner sur un terrain précis, qui était celui d'un
projet de déclaration et c'est ce à quoi je me suis
refusé. Et je crois avoir raison de l'avoir fait.
M. Morin: Je faisais honneur au ministre en lui supposant quelque
sens des responsabilités et en tenant pour acquis qu'il pourrait
répondre à mes questions, mais je m'aperçois que ce
dossier lui échappe. Puisque le premier ministre nous fait l'honneur
d'une courte visite, à sa manière habituelle, peut-être
pourra-t-il me donner des réponses...
M. Cloutier: Le commentaire qui précède
était justement en relation avec l'arrivée du premier ministre.
On voit quel ton le chef de l'Opposition a donné à cette
commission.
M. Bourassa: II est comme cela tout le temps.
M. Cloutier: On ne parle plus de crédits, tout le temps,
cela fait deux jours que cela dure.
M. Morin: Cela fait deux jours que je tente d'obtenir quelques
éclaircissements sur les négociations extrêmement
importantes qui ont lieu en ce moment, non seulement entre les provinces, mais
entre le Québec et Ottawa. Je dois avouer que nous n'avons pas
avancé beaucoup, effectivement. Si le premier ministre a quelque chose
à déclarer, je serais très heureux qu'il le fasse, mais si
c'est pour nous apporter sa confiture habituelle, il vaudrait mieux qu'il ne
reste pas trop longtemps et que nous procédions.
M. Bourassa: M. le Président, je vais rester le temps que
je veux, mais je n'ai pas l'intention de perdre mon temps longtemps avec le
chef de l'Opposition.
Rapatriement de la constitution
Ce que je puis lui dire, c'est que j'ai répondu à
l'Assemblée nationale, à une question du député de
Johnson, il y a plusieurs semaines, sur la convocation de la commission
parlementaire, celui-là même que le Parti québécois
n'a pas voulu féliciter aujourd'hui, dans un geste assez mesquin. Le
député de Johnson avait posé une question pour voir s'il y
aurait convocation de la commission parlementaire avant que le gouvernement
prenne une décision finale. J'ai dit que, comme nous l'avions fait en
1971, nous le ferions encore. Je crois que le ministre des Affaires
intergouvernementales a tout à fait raison de dire que c'est
prématuré, pour l'instant, de donner les détails de la
position du Québec.
Ce que je peux dire, c'est que c'est une question très
importante, la question du rapatriement de la constitution.
M. Morin: C'est pourquoi je posais toutes ces questions.
M. Bourassa: Ce n'est pas une question marginale, comme le disait
M. Lévesque en 1964. Vous vous souvenez quand il était d'accord
avec la formule Fulton-Favreau, il disait que c'était une question
marginale, par rapport au poids politique du Québec. Nous ne sommes pas
d'accord avec M. Lévesque.
M. Morin: Ne mêlez pas les cartes, nous sommes en 1976.
M. Bourassa: D'accord, mais je ne suis pas d'accord avec la
position de René Lévesque en 1964, je dis cela. C'est très
important et nous allons y accorder...
M. Desjardins: II était d'accord avec la formule
Fulton-Favreau?
M. Bourassa: C'est cela, il était d'accord...
M. Desjardins: Oui, oui, je ne me rappelle pas cela!
M. Bourassa: ... et c'est le député de Sauvé
qui avait fait son petit professeur, à ce moment-là, pour lui
taper sur les doigts et le ramener sur la bonne voie.
Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est qu'en temps opportun
il y aura convocation de la commission parlementaire et nous pourrons discuter,
comme nous l'avons fait il y a cinq ans. Je crois qu'à ce
moment-là le député de Bourget représentait le
Parti québécois sur ces questions.
M. Morin: Bien. Puis-je demander au premier ministre de nous
donner l'assurance que cette commission parlementaire se réunira pour
étudier l'ensemble du dossier constitutionnel? Je sais qu'hier
c'est sans doute ce que le ministre vient de glisser à l'oreille du
premier ministre il m'a affirmé qu'il y aurait
"possibilité" d'une telle commission. Si c'est pour
répéter ce genre de lavasse que le premier ministre est venu se
joindre à nous, ce n'était pas la peine. Mais, s'il est venu ici
pour nous donner l'assurance que cette commission siégera avant que le
Québec n'aille s'engager dans une conférence interprovinciale ou
dans une conférence fédérale-provinciale, alors il est le
bienvenu.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, j'ai
écouté, il y a quelques minutes, le débat entre le chef de
l'Opposition et le ministre des Affaires intergouvernementales qui a
répondu, comme d'habitude, d'une façon pertinente, sans
répondre à toutes les questions du chef de l'Opposition, pour les
raisons qu'il a lui-même données.
Je ne peux que référer le chef de l'Opposition à ce
que j'ai dit au député de Johnson, il y a quelques semaines. Nous
l'avons fait il y a cinq ans et il n'y a aucune raison, à moins d'un
événement imprévisible, pour qu'on ne le fasse pas cette
année. Je comprends le ministre des Affaires intergouvemementales
émettre des réserves, au cas où il pourrait y avoir
urgence ou pour des raisons qui ne sont pas connues pour l'instant, mais je
crois qu'en principe on peut tenir pour acquis qu'on aura la même
attitude qu'il y a cinq ans.
M. Morin: Est-ce que cette commission parlementaire, comme vous
venez de le dire, se réunira en principe avant la rencontre du mois
d'août, à laquelle vous devez participer avec les autres premiers
ministres provinciaux?
M. Bourassa: Disons qu'au mois d'août il y a
déjà une commission parlementaire prévue pour les Jeux
olympiques, peut-être avant les jeux mais on doit en discuter
si on peut le faire avant. Vous insistez pour que la commission
parlementaire sur les Jeux olympiques ait lieu avant les jeux, si j'ai bien
compris?
M. Morin: Nous avons insisté surtout pour que la
commission se réunisse en vue d'étudier la baie James!
M. Bourassa: Répondez franchement!
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: Avant ou après?
M. Morin: Si vous voulez réunir la commission sur les Jeux
olympiques avant les jeux, c'est tant mieux.
M. Bourassa: Mais, quel est votre choix?
M. Morin: Vous faites dévier le débat, mais je vais
quand même répondre à votre question. Ce qui nous importe
le plus, c'est que la commission étudie la baie James. Si l'on attend au
mois d'août, je vous ai déjà dit que c'était
scandaleux; il n'est pas nécessaire de revenir là-dessus.
M. Bourassa: Restez donc calme! Qu'est-ce qu'il y a de
scandaleux? Il pourrait même ne pas y avoir de convocation. Vous avez eu
trois jours, l'année dernière, pour poser toutes les questions
que vous vouliez. Alors, je ne vois pas pourquoi...
M. Morin: Et vous savez qu'on a obtenu, il y a deux ans ce
n'était pas l'année dernière les coûts de la
baie James.
M. Bourassa: Vous avez été chanceux que cela se
fasse au mois de juillet, l'an dernier...
M. Morin: Oui?
M. Bourassa: ... parce que l'impact politique aurait
été très très sérieux pour vous.
M. Morin: L'année dernière, je ferai observer au
premier ministre qu'il a été impossible de tirer quoi que ce soit
de l'Hydro-Québec ou de qui que ce soit, sur le coût de la baie
James. Cela fait deux ans que nous attendons la nouvelle évaluation.
J'espère que le premier ministre n'est pas venu...
M. Bourassa: Ecoutez, c'est trois commissions.
M. Morin: ... pour faire dévier le débat.
M. Bourassa: Non.
M. Morin: C'est ce qu'il fait d'habitude.
M. Bourassa: Je reviens à ce que vient de demander le chef
de l'Opposition. Je lui ai dit qu'on prévoit une commission sur les Jeux
olympiques avant ou après les jeux. Devant l'insistance et avec
raison nous sommes tout à fait d'accord pas seulement du Parti
québécois, mais de l'opinion publique en général,
nous allons essayer de faire preuve de la plus grande diligence.
Il y aura également la commission sur la baie James.
M. Morin: Quand?
M. Bourassa: Je crois que le ministre des Richesses naturelles a
donné une réponse là-dessus.
M. Morin: Précisément, non, il n'a pas donné
de réponse.
M. Bourassa: Le ministre des Richesses naturelles a dit qu'il
s'absentait et je crois qu'il s'absente de la fin de juin à la fin de
juillet. Alors, ce sera, soit après ou avant son départ.
M. Morin: Non, mais puis-je vous demander quand...
M. Bourassa: Vous demanderez au ministre.
M. Morin: Non, j'ai le premier ministre devant moi; j'imagine
qu'il doit prendre des décisions par moments.
M. Bourassa: D'accord, mais vous serez avisés du moment.
Je dis qu'il y a une possibilité qu'une commission sur les Jeux
olympiques et une commission sur la baie James siègent, et le chef de
l'Opposition me demande s'il peut avoir, avant la rencontre prévue pour
le 17 août, une rencontre sur la Constitution.
M. Morin: Je vous le demande de façon précise.
M. Bourassa: En principe, je crois qu'il y aura une rencontre de
la commission parlementaire. Sera-t-elle située entre le 5 et le 15
août? Je ne peux pas répondre immédiatement au chef de
l'Opposition là-dessus. Tout dépend des résultats de la
conférence des premiers ministres en Al-berta. Je crois que si on en
vient à un consensus des premiers ministres, en Alberta, qu'ils
n'exigent pas une convocation la commission parlementaire, je ne vois pas
pourquoi je m'engagerais aujourd'hui à la convoquer.
M. Morin: Ce que je redoute je pense bien que tout le
monde l'aura compris dans l'opinion publique, cela a déjà fait
l'objet de certains commentaires c'est qu'on ne profite du mois
d'août et d'une certaine euphorie olympique pour noyer à la fois
les coûts de la baie James et la discussion constitutionnelle.
M. Bourassa: C'est vous-même qui proposez trois commissions
en même temps pour que les problèmes se noient les uns les
autres.
M. Morin: Voulez-vous me confier le calendrier des
séances. Voulez-vous me confier le calendrier?
M. Bourassa: Non, parce que vous n'êtes pas encore au
pouvoir, et de la manière dont vous partez, vous ne le serez pas avant
longtemps.
M. Morin: N'empêche que le premier ministre est incapable
de me donner la moindre assurance
que cette commission aura lieu avant que la conférence
interprovinciale se réunisse.
M. Bourassa: Mais ce que le chef de l'Opposition ne comprend pas,
c'est qu'il y aura, à titre d'hypothèse, si le rapatriement doit
se faire, une conférence fédérale-provinciale comme
à Victoria. J'avais tenu, il y a cinq ans, la commission parlementaire
avant la conférence constitutionnelle de Victoria, pas avant la
conférence des premiers ministres. Je voudrais qu'il fasse une
distinction entre la conférence des premiers ministres à Edmonton
et la conférence fédérale-provinciale.
M. Cloutier: J'ai essayé de lui faire comprendre cette
distinction, mais cela n'a pas été un succès.
M. Morin: M. le Président...
M. Cloutier: J'ai tenté de lui expliquer ce
qu'était une conférence constitutionnelle. Le chef de
l'Opposition avait l'impression que la conférence habituelle des
premiers ministres des provinces, c'était une conférence
constitutionnelle. Il n'en est rien.
M. Bourassa: Sans blague.
M. Morin: M. le Président, je pense que le ministre joue
sur les mots. Il sait très bien la différence qu'il y a entre une
conférence fédérale-provinciale sur les questions
constitutionnelles et une conférence interprovinciale qui traite
également de ces mêmes questions. L'une ou l'autre, dans le
jargon, peut très bien être traitée de "conférence
constitutionnelle". Qu'il ne tente pas de jouer sur les mots.
M. Bourassa: Ce que je dis c'est qu'en principe, avec les
réserves qu'a données le ministre des Affaires
intergouvernementales, nous adopterons la même attitude qu'il y a cinq
ans. Le chef de l'Opposition avait été consulté à
titre privé, il y a cinq ans, alors là, à titre de chef de
l'Opposition, il pourra quand même...
M. Morin: 4'avais été obligé de refuser de
répondre aux questions du ministre et même du premier ministre, et
de lui demander de ne pas me faire part de certaines dispositions qu'il
s'apprêtait à défendre à Victoria parce que,
connaissant sa technique habituelle de lier ses adversaires par le secret en
leur faisant des confidences, je ne l'avais pas laissé aller très
loin. Le premier ministre s'en rappelle, n'est-ce pas? S'il veut mon avis, il
l'aura mais je ne lui donnerai pas de façon confidentielle, cette fois,
je vais le lui donner devant une commission parlementaire. Enfin, je me
réjouis; je prends acte du fait que le premier ministre convoquera, en
principe, la commission parlementaire avant de se rendre à la
conférence du 17 août 1976.
M. Bourassa: Non, je n'ai pas dit avant la conférence du
17 août.
M. Morin: Ah, vous n'avez pas dit cela?
M. Bourassa: J'ai dit: s'il y avait une conférence
constitutionnelle.
M. Morin: Dans quel sens? Interprovinciale ou
fédérale-provinciale?
M. Bourassa: Non, fédérale-provinciale. La position
du Québec sera connue, la conférence du mois d'août a pour
but de permettre aux premiers ministres d'examiner cette question. Il y a eu
une conférence la semaine dernière pour voir, s'il y avait
rapatriement, quel pourrait être le calendrier, dans quelles
conditions.
Mais les décisions seront les décisions au niveau du
Conseil des ministres, prises probablement après cette
conférence, les décisions finales du Conseil des ministres. Je ne
vois pas pourquoi on convoquerait la commission parlementaire avant que les
décisions finales soient prises.
M. Morin: M. le Président, le député de
Louis-Hébert, qui nous quitte, va nous priver du quorum. Vous allez nous
priver du quorum, M. le député.
Le Président (M. Gratton): Non, non.
M. Bourassa: II peut s'absenter pour deux minutes.
Le Président (M. Gratton): ... on a encore quorum,
même en son absence.
M. Bourassa: Alors, ce que je dis au chef de I'Opposition, c'est
que les décisions finales du gouvernement, vraisemblablement, seront
prises après la conférence d'Edmonton. Quand le gouvernement aura
pris position, il va soumettre son point de vue à la commission
parlementaire sur la constitution et le chef de l'Opposition pourra se dire en
désaccord ou en accord avec la stratégie du gouvernement.
M. Morin: Bien.
M. Bourassa: Je ne vois pas pourquoi il serait contre une telle
attitude. Je ne vois pas pourquoi il insiste pour qu'au début
d'août on fasse une commission parlementaire là-dessus.
M. Morin: Je pense que le premier ministre peut très bien
comprendre qu'au moment où il ira discuter de ces choses avec ses
"monologues provinciaux pour parler comme le député de
Verdun il y aura des positions québécoises qui auront
déjà été élaborées. C'est de ces
positions, avant que vous n'alliez en discuter, dont nous aurions aimé
nous entretenir avec vous, de façon à voir s'il y avait... de
façon à informer la population, ce qui est fort important.
M. Bourassa: ... informé. Si le chef de l'Opposition n'est
pas d'accord sur les positions du gouvernement et s'il a de bons arguments...
il a déjà
fait changer d'avis M. René Lévesque il y a une douzaine
d'années. Si ses arguments sont valables, on va les considérer.
On n'a pas démontré qu'on était entêtés dans
le passé. Je ne comprends pas pourquoi il insiste absolument, avant une
étape préliminaire, pour qu'il y ait une commission
parlementaire. On n'est pas contre absolument; on trouve que ce serait
préférable qu'elle ait lieu après on sera plus en
mesure de connaître le point de vue du reste du Canada- la
conférence d'Edmonton.
M. Morin: Je réponds au premier ministre que, dans la
mesure où il veut bien prendre l'avis de l'Opposition et nous consulter,
il vaut mieux qu'il le fasse le plus tôt possible et avant d'aller se
compromettre avec ses partenaires provinciaux. Il me paraît
extrêmement important que ce dossier soit appuyé sur le plus large
consensus possible dans l'opjnion publique.
Le premier ministre sait très bien ce qui est arrivé dans
le passé, quand il a fait défaut d'informer l'opinion publique,
de se fier à l'opinion publique.
M. Bourassa: Quand cela? Quand?
M. Morin: Vous ne vous souvenez plus de votre retour de
Victoria?
M. Bourassa: Bien oui, nous nous sommes entendus à
Victoria pour en discuter; d'ailleurs, il y avait un délai de dix jours.
Si, à Victoria, on a fixé un délai de dix jours, c'est
parce qu'il n'y avait pas de décision finale. Et, au retour, nous en
avons discuté et nous sommes arrivés à la
conclusion...
M. Morin: Sous la pression de l'opinion publique, vous avez
été obligé de retraiter. Tentez d'éviter que cela
se produise cette fois-ci!
M. Cloutier: J'ai tenté d'expliquer au chef de l'Oppositon
que la conférence du mois d'août, la conférence
interprovinciale du mois d'août, n'était pas une conférence
où les décisions se prendraient. Il s'agissait d'échanger
sur les différents points de vue des provinciaux. Mais j'ai l'impression
que je n'ai pas réussi à lui faire comprendre.
M. Morin: J'arrête le ministre des Affaires
intergouvernementales. Si je comprends bien et je tiens à ce
point parce que nous y reviendrons sûrement par la suite aucune
décision ne sera prise à cette conférence interprovinciale
du mois d'août? Aucune décision?
M. Cloutier: Non, non, non, je n'ai pas dit cela du tout.
M. Morin: Ce n'est pas cela que vous venez de dire? Alors, j'y
perds mon latin.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition dit: Si je comprends bien,
aucune décision ne sera prise, même sur la stratégie. Ce
n'est pas ce que dit le ministre...
M. Morin: Non?
M. Bourassa:... et c'est comme cela que vous discutez depuis
avant-hier.
M. Morin: Qu'est-ce qu'il a dit exactement? M. Bourassa:
Non, je comprens que j'ai...
M. Morin: Peut-on faire relire la transcription? Peut-on faire
relire, M. le Président?
M. Bourassa: Non, je...
M. Cloutier: Certainement.
M. Bourassa: ... comprends que vous ayez de la difficulté
à avoir le quorum, si le chef de l'Opposition n'est pas plus pertinent
dans ses discussions. Comment demander...
M. Morin: Je demande qu'on relise.
M. Bourassa: Ces députés font un effort
considérable...
M. Morin: M. le Président...
M. Déziel: ... parler.
M. Bourassa: II faut les féliciter d'être...
M. Morin: Je vous ferai observer, M. le Président...
M. Fraser: ... depuis trois jours pour écouter ces folies,
ce n'est pas étrange s'il est parti.
M. Morin: On voit que le député s'y entend. Mais je
remarque, M. le Président, que le député de
Louis-Hébert a quitté la pièce après
l'entrée du premier ministre, ce qui est très éloquent
quant à ses sentiments sur l'apport éminent du premier ministre
à la discussion.
M. Bourassa: Vous n'avez même pas été capable
de vous entendre avec le député de Johnson cet après-midi;
sur un détail comme cela, vous êtes divisé trois contre
trois. Et parce qu'un député s'absente pour cinq minutes, le chef
de l'Opposition tire des conclusions.
M. Morin: Le voilà! Il revient, passionné par le
débat.
M. le Président...
M. Desjardins: Pas par vos questions. M. Fraser: II n'a rien
manqué à part cela. M. Morin: M. le
Président...
Le Président (M. Gratton): Messieurs, je pourrais
peut-être suggérer qu'on prenne tous cinq minutes, qu'on suspende
pour cinq minutes, pour aller vaquer à nos besoins urgents.
M. Morin: Non, je suis prêt à continuer, M. le
Président.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a fait toutes sortes
d'affirmations farfelues tantôt, je l'entendais à travers des
rencontres.
Je ne veux pas revenir sur toutes ses affirmations assez ridicules
il en fait tellement que ce serait trop long mais ce que je veux
lui dire, c'est que nous sommes d'accord avec lui au moins sur un point, pour
signaler la très grande importance de la question. C'est pourquoi j'ai
dit que, s'il y avait rapatriement unilatéral, contre les
intérêts du Québec, ce serait une confrontation très
sérieuse entre...
M. Morin: La "guerre totale".
M. Bourassa: Où avez-vous pris cela?
M. Morin: C'était dans tous les journaux.
M. Bourassa: Mais à quel endroit précis? Vous
êtes responsable. Pouvez-vous citer la référence
précise ou bien si c'est du ouï-dire?
M. Morin: Pouvez-vous nous dire simplement que vous ne l'avez
jamais utilisée, cette expression?
M. Bourassa: Je vous demande de citer la
référence.
M. Morin: C'était dans tous les journaux...
M. Bourassa: Lesquels et quel jour?
M. Morin: ... il y a quelques semaines à peine.
M. Bourassa: Non, non, mais...
M. Morin: Dans tous les journaux.
M. Bourassa: Mais lesquels? Ne soyons pas...
M. Morin: Je ne les ai pas sous les yeux!
M. Bourassa: Ah bon! Alors, vérifiez donc le texte de
l'interview.
M. Morin: Est-ce que vous niez avoir utilisé
l'expression?
M. Bourassa: J'ai dit que ce serait une confrontation très
très sérieuse et peut-être la plus sérieuse, une
confrontation historique. Quant à l'expression "guerre totale", je vous
demande de vérifier l'interview avant de lancer des affirmations. Vous
le faites tellement souvent.
M. Morin: Mais je vous donne l'occasion de dire que vous n'avez
jamais employé cette expression.
M. Bourassa: Moi, je vous donne l'occasion d'être
responsable et de citer votre source, si vous êtes capable de le dire, ou
bien vous parlez à travers votre chapeau une fois de plus.
M. Morin: Je vois bien que je n obtiendrai pas de négation
formelle, parce que vous seriez trop embêté.
M. Bourassa: Alors, prouvez-le!
M. Morin: Mais pouvez-vous dire que vous n'avez pas
utilisé l'expression?
M. Bourassa: Prouvez-le, prouvez-le!
M. Morin: Je n'ai pas à le prouver, c'était dans
les journaux.
M. Bourassa: Sortez-le. C'est vous qui l'avez apportée,
cette expression. C'est à vous de démontrer si c'est vrai.
M. Morin: Alors, vous n'êtes pas disposé, si je
comprends bien, à nier que vous avez employé l'expression. Ce
serait plus simple. Vous régleriez la question à ma satisfaction
immédiatement.
M. Bourassa: C'est une perte de temps.
M. Morin: Dites que vous n'avez jamais employé
l'expression.
M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition ce que j'ai
dit.
M. Dufour: Dans le journal Vers demain.
M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition ce que j'ai dit,
que ce serait une confrontation extrêmement sérieuse entre les
deux niveaux de gouvernement.
M. Morin: Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Bourassa: Cela veut dire ce que cela veut dire.
M. Morin: Oui?
M. Bourassa: Mais je n'ai jamais dit qu'on emploierait les forces
armées.
M. Morin: J'espère!
M. Bourassa: J'entendais le chef de l'Opposition faire des
affirmations comme celle-là.
M. Morin: D'ailleurs, je me demande bien quelles forces
armées vous auriez à votre disposition.
M. Bourassa: Alors, je demanderais poliment au chef de
l'Opposition, si c'est possible, avant de tirer des conclusions ou de faire des
affirmations comme celle-là, de vérifier la source, de
vérifier le texte de l'interview. Qu'on ait interprété mes
paroles comme cela, c'est le droit, et je le respecte, des
journalistes de le faire. Quand on essaie de résumer en dix mots
une interview de trois heures, on est forcé d'employer, peut-être,
des expressions comme celle-là. Mais je voudrais qu'il
vérifie.
M. Morin: Ah, peut-être?
M. Bourassa: Qu'il vérifie le texte.
M. Morin: Peut-être?
M. Bourassa: Je parle du journaliste. Mais qu'il vérifie
le texte de l'interview pour voir si j'ai mentionné qu'il y aurait une
guerre totale entre Québec et Ottawa sur cette question. L'esprit
pouvait exprimer une confrontation très sérieuse.
M. Morin: Bon. Pour les besoins de cette séance, je me
satisfais de cette réponse. Admettons qu'effectivement l'expression
"confrontation très sérieuse" est plus heureuse que "la guerre
totale". J'en conviens avec le premier ministre. Mais ce que j'aimerais savoir,
c'est ce que cela veut dire, "confrontation très sérieuse".
Qu'est-ce que vous comptez faire si, de fait, Ottawa procède tout de
même unilatéralement?
M. Bourassa: M. le Président, le ministre a dit
tantôt qu'il n'était pas dans l'intérêt des
négociations actuelles de commencer à dire que le gouvernement du
Québec poserait tel geste. J'ai entendu le chef de l'Opposition qui veut
faire intervenir le gouvernement français dans la question.
M. Morin: Le gouvernement britannique.
M. Bourassa: J'ai compris également le gouvernement
français.
M. Morin: Oui, en raison des obligations internationales; en
vertu du traité de cession, oui.
M. Bourassa: Alors, il voudrait que le gouvernement
français fasse des représentations auprès du gouvernement
britannique sur la question pratique.
M. Morin: II n'a pas été question de cela. Est-ce
que vous le suggérez?
M. Bourassa: Non, non, mais c'est ce que j'ai compris dans les
propos. Vous avez dit que le gouvernement britannique avait une
responsabilité vis-à-vis du gouvernement français...
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: ... dans cette question.
M. Morin: Le premier ministre n'est-il pas d'accord avec moi que
ce traité de 1763 comporte des obligations?
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition, M. le
Président, qu'il n'est pas dans l'intérêt actuel des
négociations de considérer des hypothèses de rapatriement
unilatéral. D'ailleurs, M. Trudeau a dit, il y a quelques jours, que la
question, au lieu d'être discutée... Parce que vous souvenez qu'au
mois de mars il parlait de quelques semaines, à l'occasion de la
rencontre que j'avais eue avec lui. Maintenant, il n'est plus question de
quelques semaines. Je crois qu'on a remis cela au mois d'août, à
l'occasion de la conférence des premiers ministres, et probablement au
cours de l'automne. Je pense qu'il y a eu un changement de point de vue du
gouvernement fédéral sur le calendrier de la discussion sur cette
question.
C'est pourquoi les questions du chef de l'Opposition deviennent un peu
désuètes.
M. Morin: Est-ce que votre sentiment, étant donné
votre connaissance du dossier, que le pouvoir fédéral a
renoncé à un geste unilatéral?
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition me
demande quels sont mes sentiments.
M. Morin: Votre opinion?
M. Bourassa: ... ou mon opinion. Je ne peux pas répondre
à la place du gouvernement fédéral. Tout ce que je puis
dire, c'est ce qui est officiel, c'est que le gouvernement
fédéral, par la voix de son chef, avait parlé de quelques
semaines, au début de mars, et maintenant il n'est plus question de
rapatriement unilatéral, du moins d'ici un certain nombre de mois, dans
la mesure où on interprète les déclarations de M. Trudeau.
M. Trudeau n'a pas dit qu'il y aurait nécessairement rapatriement
unilatéral, il a dit qu'il pourrait envisager un rapatriement
unilatéral, mais il n'est plus question de quelques semaines. Donc il y
a eu un changement dans le calendrier et c'est pourquoi quand vous parlez
de...
M. Morin: Oui, je constate qu'il y a eu changement dans le
calendrier. Je m'en réjouis. Mais la question que je posais au premier
ministre est celle-ci: Est-ce que, pour autant, la menace d'un coup de force
est écartée pour de bon, dans son opinion, d'après sa
connaissance du dossier? Cela nous rassurerait s'il nous disait: C'est
réglé, j'ai l'impression qu'il n'y aura pas de coup de force.
M. Bourassa: M. le Président, je ne puis que me
référer aux déclarations publiques du gouvernement
fédéral qui sont connues du chef de l'Opposition.
M. Morin: Justement, le premier ministre, lorsqu'il est venu au
Québec, n'a pas dit peut-être que. Vous venez vous-même de
faire allusion au calendrier, à l'ultimatum de quatre semaines qu'il
avait posé. Ce n'étaient pas des "possibilités", à
ce moment-là. C'était un péril précis.
M. Bourassa: Oui, mais sauf que, selon les dernières
déclarations du gouvernement fédéral, cela pourrait
être envisagé. Donc le chef de l'Opposition dit qu'il se
réjouit que le gouvernement fédéral ait modifié son
point de vue. C'est bien ce que j'ai compris.
M. Morin: II a modifié son calendrier, mais... M.
Bourassa: Oui.
M. Morin: ... on ne peut pas aller plus loin pour l'instant.
M. Bourassa: Bien oui! mais je viens de parler de péril
précis, immédiat, puis là je réfère à
des déclarations plus récentes où on parle d'une
hypothèse, alors je pense bien qu'il y a eu évolution.
M. Morin: Mais vous n'êtes pas en mesure d'affirmer que
cette question du rapatriement unilatéral est définitivement
écartée?
M. Bourassa: Comment, je ne comprends pas le chef de
l'Opposition. Je ne sais pas s'il se destine à la diplomatie
éventuellement. Il voudrait que j'affirme...
M. Morin: Non, le ministre, lui, se destine à la
diplomatie, mais ce n'est pas mon domaine.
M. Cloutier: Vous allez avoir des surprises.
M. Bourassa: Si c'est le cas, je pense qu'il a tous les talents
pour remplir ces fonctions.
M. Morin: A compter de quelle date, du 1er septembre?
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition voudrait, au nom du
gouvernement fédéral, que je dise au chef de l'Opposition:
Voilà la position définitive du gouvernement
fédéral. C'est cela qu'il voudrait. Je ne comprends pas qu'il me
pose des questions comme celles-là.
M. Morin: Non, ne faites pas semblant de ne pas comprendre mes
questions. Je vous demandais tout simplement si, dans votre opinion, selon
votre connaissance du dossier j'imagine que vous le potassez tous les
jours cette menace du rapatriement unilatéral était
écartée. Mais je n'insiste pas, puisque je vois bien que je
n'aurai pas de réponse précise. Je voudrais peut-être, M.
le Président, me résumer, faire le point sur les discussions que
nous avons eues jusqu'ici dans le domaine constitutionnel.
M. Cloutier: Là, messieurs, nous avons droit à un
discours, si je comprends bien.
M. Morin: A quelques conclusions. Je voudrais attirer d'abord
l'attention du ministre et du premier ministre, puisqu'il est présent,
sur le danger de négociations constitutionnelles, lorsqu'on n'a pas des
objectifs très clairs, très précis et la volonté de
les réaliser.
Le système actuel, tout le monde en est conscient je pense
que même les ministres en sont conscients le système actuel
est défavorable au Québec, surtout quand on a devant soi un
pouvoir fédéral qui, lui, sait exactement où il va et se
montre prêt, à l'occasion, à faire flèche de tout
bois et, au besoin, à utiliser la menace et l'ultimatum pour arriver
à ses fins, surtout quand on est devant un pouvoir fédéral
qui travaille sans relâche à étendre ses compétences
et à envahir celle des provinces.
J'ai dit au ministre plus tôt, au cours de ces débats, que
je me réjouissais de l'existence du ministère des Affaires
intergouvernementales puisque c'était sa tâche de protéger
les compétences du Québec, de coordonner l'action des divers
ministères sur le plan international et dans leurs rapports avec
Ottawa.
Le ministre a toujours pu compter sur notre appui, lorsqu'il avait des
positions claires. Malheureusement, j'estime que les positions
québécoises, à l'heure actuelle, ne sont pas claires. De
plus, j'estime que la discussion ou le semblant de discussion que nous avons
eue depuis quelques heures ne contribue pas à les éclairer.
En second lieu, j'attire l'attention du ministre sur le fait que le mode
d'amendement proposé à Victoria demeure essentiellement
inacceptable pour le Québec. Je sais qu'on trouve...
M. Bourassa: Le député de Bourget ne pensait pas la
même chose, il y a cinq ans.
M. Morin: Laissez-moi terminer.
M. le Président, j'ai vérifié les textes sur
lesquels le premier ministre s'est fondé, à deux reprises en
Chambre, pour tenter d'établir que le député de Bourget
avait appuyé la formule d'amendement de Victoria. C'est faux et je
pourrai le lui démontrer.
M. Bourassa: ...
M. Morin: Non. Je les ai à mon bureau.
M. Bourassa: Vous oubliez toujours les textes pertinents au
bureau, vous.
M. Morin: Ce sont des débats qui remontent à 1971,
n'est-ce pas?
M. Bourassa: C'est très pertinent.
M. Morin: Je vous les mettrai sous le nez, si vous le
désirez. J'estime que c'est malhonnête de votre part de faire dire
au député de Bourget des choses qu'il n'a jamais dites.
Des Voix: A l'ordre!
M. Morin: Vous pourrez me répondre tout à
l'heure.
J'affirme de mon siège avoir pris connaissance des textes...
M. Bourassa: Tous les textes?
M. Morin: ... et que le député de Bourget... Oui,
j'ai lu toute la transcription.
M. Bourassa: Toutes ses déclarations?
M. Morin: Oui, je les ai lues. Je les ai relues pour vraiment
m'assurer qu'on ne pouvait trouver nulle part des ambiguïtés qui
permettraient au premier ministre, selon son habitude, de raconter n'importe
quoi. Ce n'est pas le cas. Le député de Bourget n'a jamais
appuyé la formule de Victoria.
M. Bourassa: Cela n'a pas d'importance.
M. Morin: Alors pourquoi en parlez-vous et pourquoi me
remettez-vous cela dans les jambes, chaque fois que je vous parle du mode
d'amendement de Victoria?
M. Bourassa: Parce que ce n'était pas, à ce moment,
le fond du débat, c'était la question sociale.
M. Morin: De toute façon, j'attire l'attention du ministre
sur le fait que, si le Québec, unanimement ou quasi unanimement, a
rejeté la charte de Victoria, ce n'était pas seulement, comme
vient de le laisser entendre le premier ministre, à cause de l'article
94a) qui portait sur les arrangements en matière sociale. Il suffit de
relire la presse et en particulier les éditoriaux de l'époque, ou
encore ceux, plus récents, qui portent sur le projet de proclamation
fédéral, pour se rendre compte que les Québécois
ont été unanimes à dénoncer ce mode d'amendement.
Si par hasard le premier ministre se rendait à une nouvelle
conférence fédérale-provinciale ou interprovinciale, peu
importe, portant sur des questions constitutionnelles avec l'idée de
ramener sur le tapis ou d'accepter à nouveau une formule d'amendement
constitutionnel qui serait celle de Victoria, il fera face à la
même levée de boucliers dans l'opinion publique
québécoise. Il sera obligé, une fois de plus, de retraiter
au dernier moment, in extremis, et de dire "non" alors qu'il avait
laissé entendre qu'il serait peut-être possible d'accepter un tel
mode d'amendement.
Je le dis au premier ministre pour que ce soit bien clair, ce mode
d'amendement a été rejeté par les Québécois
et par tous ceux qui l'ont étudié dans la presse ou dans les
universités. Il ne s'en trouve pas pour l'appuyer. Qu'il consulte les
fonctionnaires, ils pourront le lui dire eux aussi. D'ailleurs les documents
qui sont...
M. Bourassa: Le directeur du Devoir ne s'est pas prononcé
sur cette formule?
M. Morin: Vous savez très bien ce qu'il en a dit.
M. Bourassa: II a dit que la formule...
M. Morin: II vous a fait des suggestions de modifications.
M. Bourassa: Sur la formule d'amendement, le directeur du Devoir,
c'est faux de dire que la presse est unanime contre la formule
d'amendement.
M. Morin: Voulez-vous qu'on aille chercher les textes?
M. Bourassa: Son dernier, le dernier qu'il a écrit
là-dessus.
M. Morin: Je vous parle de la formule de Victoria.
M. Bourassa: Oui, oui.
M. Morin: Je ne pense pas, ce n'est pas mon sentiment.
M. Bourassa: Je dois vous...
M. Morin: De toute façon, je mets le premier ministre en
garde contre toute concession sur le mode d'amendement de Victoria. J'estime
que s'il devait revenir au Québec à la suite d'une
conférence constitutionnelle à laquelle il aurait accepté
ce mode de rapatriement, à nouveau il serait devant une véritable
levée de boucliers au Québec. Je pense qu'il peut se le tenir
pour dit. Je n'aborde pas les autres problèmes; je ne parle que de
celui-là.
Troisièmement, je pense qu'il faut se méfier
énormément des opinions personnelles exprimées par le
ministre des Affaires intergouvemementales quant à la vertu des accords
administratifs. Il a, dans une entrevue donnée au Soleil, sur laquelle
nous nous sommes déjà penchés brièvement,
laissé entendre que ces arrangements administratifs étaient une
excellente solution à nos problèmes constitutionnels. Je tiens
à lui dire qu'ils font le jeu du pouvoir fédéral et que,
ce faisant, il épouse la stratégie fédérale. Il se
met, en quelque sorte, dans la peau des fédéraux.
Ces ententes administratives nous en avons des exemples devant
nous en matière d'immigration et en matière de
sécurité sociale non seulement ne font pas l'affaire du
Québec, mais consolident les positions fédérales. Elles
les reconnaissent en principe, même, souvent. Je tiens donc à dire
au ministre il ne pourra pas dire qu'on n'en a pas parlé
que ces accords administratifs sont dangereux quand ils ne sont pas
appuyés sur des positions de principe clairement et publiquement
exprimées.
Quatrièmement, les "garanties culturelles" des articles 38 et 40
n'en sont point. Peut-être devrais-je poser la question au premier
ministre, qui ne nous a pas fait l'honneur d'être avec nous hier.
Estime-t-il que les "garanties culturelles", contenues dans les articles 38 et
40 du projet de proclamation fédérale, constituent effectivement
les "garanties" qu'il revendique?
M. Bourassa: J'ai déjà dit publiquement que les
garanties culturelles en question devaient exprimer une protection aussi claire
que possible. Nous examinons actuellement les implications juridiques des
garanties proposées.
M. Morin: De l'avis du premier ministre, ces textes sont-ils
clairs?
M. Bourassa: Je n'ai pas d'autre commentaire à faire pour
l'instant. Je pense bien qu'on a amplement le temps d'examiner toutes les
implications juridiques de ces garanties culturelles. Je veux dire qu'il n'est
pas question de les soumettre à la Cour suprême; donc, il va
falloir les examiner de très près pour connaître leur
portée.
M. Morin: Si j'ai posé la question, c'est que, dans sa
lettre, M. Trudeau fait allusion au fait que ces textes ont été
élaborés j'entends les articles 38 et 40, pour être
très précis au cours d'entretiens officieux
échelonnés d'avril à novembre 1975, au moment où il
vous a communiqué le projet de proclamation. Si tel est le cas, si
vraiment des fonctionnaires du Québec ont été
associés à l'élaboration de ces articles 38 et 40, je
crois qu'il est grand temps que le ministère revoie le dossier et
rajuste ses flûtes. Au cas où le premier ministre ne se sentirait
pas libre de dire quoi que ce soit sur la question, moi, je vais dire quelque
chose. Ces garanties, ces pseudo-garanties culturelles n'en sont pas. Ce ne
sont que chiffons de papier, que phrases creuses.
M. Bourassa: M. le Président!
M. Moril: Est-il nécessaire que je relise ces deux
articles?
M. Bourassa: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait, dans
une question aussi fondamentale pour l'avenir du Québec, être un
peu plus nuancé? Je l'entends depuis quelques minutes. Il n'y a rien de
bon, c'est totalement négatif. Il doit y avoir quand même des
éléments du dossier... Ce sont des chiffons de papier, c'est
ridicule, cela consolide le fédéral.
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le chef de
l'Opposition...
M. Morin: Mais telle est la situation.
M. Bourassa: ... fasse un peu moins de politi-caillerie et essaie
de donner un point de vue plus équilibré de la situation?
M. Morin: Telle est la situation et, quand nous essayons
d'obtenir des réponses, des précisions, vous refusez de
répondre. Je suis bien obligé de vous donner mon opinion sur ces
questions, et je vais le faire. Je vais continuer de le faire publiquement
même.
Ces garanties n'en sont pas. Je pourrais m'amuser à vous citer
à nouveau l'article 38, mais je l'ai déjà fait deux fois
hier et cela suffit.
M. Deziel: Ecoutez, vous faites passer cela aux
crédits.
M. Morin: Je sais que le député n'y comprend pas
grand-chose, mais qu'il suive avec attention.
M. Dufour: C'est bien dur de comprendre quelque chose. Vous
comprenez-vous vous-mêmes?
M. Morin: M. le Président, pourrais-je demander au premier
ministre s'il a l'intention, à tout le moins, de demander une
révision de l'article 38, pour qu'il soit moins composé de
phrases creuses et de voeux pieux?
M. Bourassa: M. le Président, le Parti
québécois a pris pour attitude, et je crois qu'il ne faut pas le
blâmer là-dessus, que lorsque les questions sont importantes,
lorsqu'il veut faire aborder le débat sur un plan concret, il fait des
contre-propositions. Il l'a fait avec le budget de l'an I, avec le budget de
l'an II, avec la loi 22 il y avait une loi du Parti québécois
avec des amendements. On prône même l'usage de l'anglais au
Québec dans les annonces commerciales; cela me paraît tout
à fait une stupidité politique et elle en est une vraie. Je ne
sais pas si cela a échappé au chef de l'Opposition, mais M.
Levesque...
M. Morin: Je ne me laisserai pas entraîner dans un
débat sur le projet de loi 22...
M. Bourassa: Non, le projet de loi 20. Comment peut-on prohiber
l'usage de l'anglais dans les annonces commerciales quand il y a un million
d'anglophones au Québec! Ce serait impossible pour...
M. Morin: C'est le système actuel?
M. Bourassa: Non, mais il est incroyable qu'un parti
sérieux puisse faire dans son programme de telles propositions. En tout
cas, on aura le temps de discuter de cela. Mais ce que je dis, c'est que le
chef de l'Opposition pourrait faire comme ils l'ont fait dans le projet de loi
22. S'il n'est pas satisfait des garanties, nous, nous les examinons. Nous
n'avons pas dit, ce que M. Trudeau a dit lui-même à la page 7, je
crois, de la lettre, que si le Québec n'est pas satisfait, qu'il va
aller plus loin. Alors, la position du Québec a été
énoncée. Je l'ai énoncée moi-même et le
ministre des Affaires intergouvernementales l'a fait également. Je n'ai
pas d'autres commentaires à faire pour l'instant, alors que nous sommes
en négociations sur ces amendements qui ont été
proposés et qui ont été discutés auparavant. Mais
si le chef de l'Opposition, au lieu de se limiter à les
désavouer, s'il a lui-même des propositions à faire, nous
sommes ici pour les examiner, comme nous avons examiné le budget de l'an
I, à l'occasion de la dernière campagne électorale.
M. Morin: M. le Président, pour que nous fassions des
propositions, il faudrait réunir la commission parlementaire. Si le
ministre veut bien le faire, je vous assure que nous serons là et que
nous aurons des propositions.
M. Cloutier: Non, M. le Président...
M. Morin: Mais si vous ne répondez pas à mes
questions, pourquoi voulez-vous que je réponde aux vôtres?
M. Cloutier: Non, M. le Président, êtes-vous
satisfait?
M. Morin: Vous ne nous avez donné aucune précision
sur les propositions québécoises, vous voudriez que nous prenions
vos responsabilités, il y a un bout!
M. Bourassa: Non, pas du tout; nous voulons que vous soyez une
Opposition responsable. Au lieu de dire que c'est du chiffon de papier et
lancer toutes sortes d'invectives, on dit: Faites comme vous avez fait à
plusieurs reprises dans le passé, avec plus ou moins de succès,
mais je pense que c'est une façon concrète d'aborder les
problèmes. Vous pouvez le faire indépendamment des commissions
parlementaires.
M. Morin: Nous le faisons à l'occasion, c'est même
nous qui avons dû rendre publics les documents que vous vous gardiez bien
de porter à l'attention de l'opinion publique.
M. Bourassa: Lesquels?
M. Morin: Par exemple, les articles 38 et 40.
M. Bourassa: Comment avez-vous pu rendre cela public? Je veux
dire, avez-vous des espions?
M. Morin: Vous savez très bien que c'était ce qui
circulait dans la presse.
M. Bourassa: Vous encouragez la déloyauté des
fonctionnaires? c'est ce que vous voulez admettre implicitement?
M. Morin: Que le premier ministre ne tente pas de nous impliquer
dans ces fuites.
M. Bourassa: Non.
M. Morin: Quand on garde le secret sur les choses essentielles,
quand on tente de tenir les gens dans l'obscurité, ce genre de fuites
risque de se produire.
M. Bourassa: Non.
M. Morin: Qu'il ne tente pas de me faire dire que je les
approuve, je ne les approuve pas. Je ne les approuverai jamais.
M. Bourassa: Pourquoi en profitez-vous si vous ne les approuvez
pas?
M. Morin: Parce que nous estimons que si un texte n'est pas rendu
public et doit l'être, c'est notre devoir de le faire.
M. Bourassa: Quelle éthique, pour l'Opposi- tion, de
profiter de la déloyauté qui peut exister chez un très
petit nombre de fonctionnaires!
M. Morin: M. le Président, je peux dire...
M. Bourassa: Vous avez une conception élastique de la
moralité administrative.
M. Morin: Absolument pas, M. le Président, et je tiens
à dire que nous n'hésiterons jamais à rendre public un
texte pas plus que les journalistes ne le font un texte
fondamental quand on tient l'opinion publique dans l'obscurité, quand on
tente de lui cacher ce qui se passe derrière les portes closes, quand on
tente de procéder comme on l'avait fait à Victoria ou encore au
temps de la formule Fulton-Favreau, quelques années auparavant. C'est
bien ce qui risque de se produire à nouveau, hélas! Toujours
l'obscurité, le secret, les portes capitonnées! Ce n'est pas
comme cela qu'on discute de l'avenir d'un peuple.
M. Bourassa: On se croirait au théâtre, M. le
Président.
M. Morin: M. le Président, j'ai posé une
dernière question sur les garanties dites culturelles.
M. le Président, je vous prierais de rappeler le "poulailler"
à l'ordre, puisque décidément il est difficile de
parler...
M. Bourassa: Ils font preuve d'une patience orientale, parce
qu'il n'y a qu'une demi-heure que je suis ici et je crois qu'ils ont beaucoup
de mérite.
M. Morin: M. le Président, c'est à se demander si
le quorum est une règle sage. Ils ont surtout le désavantage de
nous empêcher de procéder rapidement avec les questions que nous
avons à poser. Venons-en à l'article 38.
M. Dufour: M. le Président...
M. Déziel: M. le Président, on est
obligé...
M. Morin: "Le Parlement..."
Le Président (M. Gratton): L'honorable... Demandez-vous la
parole?
M. Déziel: Juste une question. Je me demande si le chef de
l'Opposition aurait voulu accepter une question de ma part? Pas d'objection?
Est-ce que vous avez eu...
M. Morin: Je n'ai pas d'objection, à condition que ce soit
intelligent et pertinent.
M. Bourassa: Ecoutez...
M. Déziel: Je vous demande simplement si vous avez lu le
livre vert de Mme Jeanne Leblanc "Vers un Québec habitable"?
M. Morin: Vous voulez dire le rapport minoritaire de Mme
Leblanc?
M. Déziel: Oui?
M. Morin: Oui et qu'on n'avait pas annexé au rapport, en
contravention de toutes les règles cou-tumières, que le
gouvernement avait tenté de cacher? C'est de cela que vous parlez?
M. Déziel: Absolument pas...
M. Bourassa: On l'a déposé à la Chambre.
M. Morin: Oui, vous l'avez déposé à la
Chambre, mais à la suite de quelles pressions?
M. Bourassa: C'est du terre-à-terre.
M. Morin: A la suite de quelles pressions? Si c'est ce dont le
député veut parler, je suis prêt à en parler.
M. Déziel: "Vers un Québec habitable" traite
strictement des problèmes de la construction et de l'habitation.
Là, on est rendu dans les nuages, M. le Président, sur toute la
ligne. Cela fait trois jours qu'on pellète des nuages.
M. Morin: M. le Président, je rappelle au
député qu'il est ici dans une commission parlementaire qui traite
d'autre chose. S'il veut discuter de l'habitation, il est le bienvenu dans
l'autre commission parlementaire. Ce n'est pas que ce ne soit pas
important...
M. Déziel: ... pour vous.
M. Morin: Je ne dis pas que ce n'est pas important, je constate
seulement que ce fameux rapport minoritaire on s'était bien gardé
de le rendre public en même temps que le rapport majoritaire. Je me
demande bien pourquoi.
M. Bourassa: Pardon, est-ce qu'on me parlait?
M. Morin: Non. Je ne vois pas très bien ce que vous
pourriez apporter. Mais, cette fois, je vous pose la question. A l'article 38
on nous donne comme garantie culturelle ce qui suit: "Le Parlement du Canada,
dans l'exercice des pouvoirs que lui confèrent la constitution du
Canada, et le gouvernement du Canada, dans l'exercice des pouvoirs que lui
attribuent la constitution et les lois adoptées par le Parlement du
Canada, sont tenus de prendre en considération, outre notamment le
bien-être et l'intérêt du peuple canadien, le fait que l'un
des buts essentiels de la fédération canadienne est de garantir
la sauvegarde et l'épanouissement de la langue française et de la
culture dont elle constitue l'assise".
Je vous fais grâce du dernier paragraphe...
M. Bourassa: Lisez-le. C'est le plus important.
M. Morin: Bien. "Ni le Parlement du Canada, ni le gouvernement du
Canada, dans l'exercice de leurs pouvoirs...
M. Bourassa: Vous êtes donc préjugé.
M. Morin: ... respectifs, n'agira de manière à
compromettre la sauvegarde et l'épanouissement de la langue
française et de la culture dont elle constitue l'assise".
M. Bourassa: Je me pose...
M. Morin: Le premier ministre a-t-il l'impression que ceci est
autre chose qu'on voeu pieux?
M. Bourassa: M. le Président, je me pose des questions
très sérieuses sur l'honnêteté intellectuelle du
chef de l'Opposition, dans une question comme celle...
M. Morin: Je m'en pose sur la vôtre par moment, je vous
l'avoue.
M. Bourassa: Je dois vous dire que je suis très
déçu par l'attitude qu'il vient d'exprimer dans les quelques mots
qui ont précédé. La partie la plus importante des
amendements. "Je vous fais grâce." Comme si c'est cela qui avait le moins
d'importance.
M. Morin: ... qui précède.
M. Bourassa: Je crois que l'honnêteté... Oui,
n'essayez pas de vous défendre. Je crois, M. le Président,
très sérieusement, qu'on peut se poser des questions sur la
façon du chef de l'Opposition d'aborder le problème. S'il y a
quelque chose dans ces articles, c'est certainement cette partie-là qui
est la plus importante, et le chef de l'Opposition ne voulait même pas la
mentionner dans un débat comme celui-là.
M. Morin: Je suis très intéressé par ce que
vous venez de dire. Alors, c'est là-dessus que vont porter mes
questions.
M. Bourassa: Mais, pourquoi ne vouliez-vous pas le
mentionner?
M. Morin: Parce que c'est la répétition de ce qui
précède.
M. Bourassa: Vous ne trouvez pas que vous faites de la
politicaillerie dans des questions fondamentales pour les Canadiens
français?
M. Morin: C'est la répétition en négatif du
principe qui précède. Mais, cela n'en est pas moins du vent.
M. Bourassa: Vous auriez pu...
M. Morin: Des voeux pieux qui ne signifient rien.
M. Bourassa: Votre jupon dépasse.
M. Morin: On dirait que vous ne savez pas ce qu'ont
été les garanties culturelles du passé et que
vous n'avez jamais suivi de cours d'histoire, à la manière
des générations récentes.
M. Bourassa: Refuser de mentionner ce paragraphe c'est
très révélateur de l'attitude du chef de l'Opposition.
M. Morin: Ah oui!
M. Bourassa: C'est très révélateur de sa
bonne foi ou de sa mauvaise foi dans ces questions.
M. Morin: Je m'en vais vous le relire et vous allez m'en donner
le sens.
M. Bourassa: Parce que j'ai insisté pour que vous le
fassiez.
M. Morin: "Ni le Parlement du Canada, ni le gouvernement du
Canada, dans l'exercice de leurs pouvoirs respectifs, n'agira de manière
à compromettre la sauvegarde et l'épanouissement de la langue
française et la culture dont elle constitue l'assise ".
Le premier ministre pourrait-il nous dire ce que cela signifie dans le
concret?
M. Bourassa: Pourquoi le chef...
M. Morin: Ce courant d'air constitutionnel?
M. Fraser: Le chef de l'Opposition est toujours avec des gens de
mauvaise foi, alors il n'est pas habitué à traiter avec des gens
de bonne foi. Cela, c'est pour des hommes de bonne foi...
M. Morin: Peut-être que le député, qui est
anglophone, sait ce qui s'est passé au Manitoba. Vous étiez de
bonne foi, peut-être, au Manitoba, en 1890, quand vous avez aboli la
langue française? C'est cela que vous voulez? Vous voulez qu'on en
parle?
M. Fraser: Ne pleurez pas pour les pauvres gens du Manitoba.
Pleurez un peu pour les autres ailleurs dans le Canada qui sont plus mal pris
qu'eux autres.
M. Morin: Pour les Acadiens. Oui, pleurons pour les Acadiens et
pour les Franco-Ontariens aussi. Bien sûr.
M. Fraser: Pleurez pour les anglophones si vous veniez au
pouvoir, ici, au Québec, mon cher ami.
M. Bourassa: C'est malheureux que le chef de l'Opposition
dévalorise le débat parlementaire comme pour le pétrole,
comme pour la baie James.
M. Morin: Oui?
M. Bourassa: C'est de la partisanerie.
M. Morin: Toutes ces questions qui vous embêtent, n'est-ce
pas?
M. Bourassa: De la partisanerie. C'est très
décevant. Le chef de l'Opposition...
M. Morin: Mais vous n'avez toujours pas répondu à
ma question.
M. Bourassa: ... n'était pas comme cela lorsqu'il a
été élu, il y a trois ans. Il est devenu d'une
partisanerie qui dévalorise le débat parlementaire.
M. Cloutier: Pour se maintenir dans son poste actuel.
M. Morin: M. le Président, si le premier ministre et le
ministre des Affaires intergouvernementales pensent qu'ils vont
m'empêcher de poser les questions que j'ai à poser avec ce genre
d'interventions, ils se trompent.
Je répète ma question. Dois-je relire encore le
paragraphe, puisque vous n'avez pas répondu à ma question?
M. Bourassa: M. le Président, j'ai simplement noté
que je trouvais très révélateur que le chef de
l'Opposition refuse ces quatre lignes, qu'on peut débattre, je suis
d'accord, mais qu'il refuse de les lire. Je suis d'accord avec lui que la
première partie, on peut peut-être l'interpréter comme
exprimant une volonté générale. Mais la deuxième
partie, à mon sens, est plus contraignante que la première
partie. Le chef de l'Opposition le savait fort bien, lui qui est un expert dans
ce secteur. Il savait fort bien que la dernière partie est plus
contraignante que la première. Le fait qu'il ait voulu omettre de la
mentionner est très révélateur de son attitude
fondamentale dans ce débat.
M. Morin: M. le Président, premièrement, cette
partie n'est pas plus contraignante que la première. Elle est du vent,
au même titre.
Deuxièmement, je ne me suis jamais opposé à ce
qu'on la discute. Je vous demande d'en discuter en ce moment. Je vous l'ai lue
deux fois et je vous ai demandé ce que cela signifiait. Vous
n'êtes pas capable de me répondre.
M. Bourassa: Après combien d'insistance. M. Morin:
Oh, allons!
M. Bourassa: Ce que je dis, M. le Président... M.
Morin: Enfantillages.
M. Bourassa: Non, non. C'est au journal des Débats que le
chef de l'Opposition voulait vous faire grâce, pour employer son
expression, de cette...
M. Morin: Toujours des enfantillages!
M. Bourassa: C'est au journal des Débats, on va pouvoir le
constater.
M. Morin: Allez-vous répondre à ma question?
M. Bourassa: M. le Président, moi et le ministre des
Affaires intergouvernementales, nous avons répondu. Je voulais
simplement mettre en relief l'attitude du chef de l'Opposition. Nous sommes
prêts à écouter son point de vue. Nous sommes actuellement
à examiner les implications juridiques d'un texte comme celui-là
sur des différents secteurs qui peuvent concerner
l'épanouissement de la culture française.
M. Morin: Je vais vous poser une question plus technique.
Supposons que le Parlement du Canada adopte une loi qui va à l'encontre
de ces belles paroles, à rencontre du dernier paragraphe de l'article
38; quel recours le Québec a-t-il contre cette loi?
M. Bourassa: C'est exactement ce que nous examinons,
c'est-à-dire une façon... Ce que je dis au chef de l'Opposition,
c'est que, pour être sûr de connaître les implications
réelles, il faudrait qu'on puisse soumettre cela à la plus haute
cour du Canada. En éliminant cette hypothèse qui prendrait
plusieurs années, je crois qu'il faut voir, que ce soit par une
étude du texte lui-même ou par des amendements qui pourraient
être apportés, si c'était nécessaire et si
c'était accepté, les implications dans tel et tel secteur d'une
loi qui pourrait être interprétée comme allant contre la
culture française. Je prends la société Radio-Canada, par
exemple. Est-ce que ce texte pourrait protéger les Canadiens
français au Canada contre des gestes affectant le réseau
français de Radio-Canada?
M. Morin: Je vous ai posé une question technique. Vous y
avez répondu partiellement, mais pas entièrement à ma
satisfaction. Je pense que vous avez raison quand vous dites que, probablement,
cela aboutirait devant le plus haut tribunal du pays puisque, lorsque deux
gouvernements ne peuvent pas s'entendre sur la constitutionnalité d'une
loi, forcément, ils doivent aller devant le tribunal. Or, ce tribunal,
c'est la Cour suprême. Nous nous retrouvons dans un autre cercle
vicieux.
Le premier ministre a laissé entendre que la question ne devrait
pas aller devant la Cour suprême à cause de cela. Je lui demande
alors qui va trancher...
M. Bourassa: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Morin: Laissez-moi finir ma question.
M. Bourassa: Je n'ai pas dit que cela ne pourrait pas aller
devant la Cour suprême. J'ai dit qu'avant de prendre une décision
finale, si le gouvernement du Québec devait attendre une décision
de la Cour suprême, cela retarderait de plusieurs années le
débat sur cette question ou la décision finale sur cette
question. C'est pourquoi, éliminant un recours à la Cour
suprême, il faut que nous soyons sûrs c'est là
l'objet du débat que ces amendements apportent toute la
protection que nous voulons.
M. Morin: Bon.
M. Bourassa: C'est cela que nous examinons sur le plan juridique
actuellement et nous écoutons le chef de l'Opposition. Il dit que cela
ne vaut rien; nous, nous examinons la portée juridique de ces
amendements.
M. Morin: Ma question suivante est celle-ci. Si vous
écartez la Cour suprême comme arbitre d'une telle question...
M. Bourassa: A court terme, oui.
M. Morin: A court terme ou à long terme, peu importe; si
vous l'écartez, vous m avez dit qu'à cause de certaines
difficultés, on ne pouvait pas envisager que ce soit la Cour
suprême.
M. Bourassa: Bien écoutez, je dis, pour être
très clair...
M. Morin: Laissez-moi finir...
M. Bourassa: Juste pour être sûr parce que vous
m'avez mal interprété... Si, par hypothèse, on s'entend
sur un texte qu'on considère, nous, comme acceptable, il est possible
que dans dix ou quinze ans, il y ait mésentente entre les deux
gouvernements sur l'interprétation. A ce moment-là, cela ira
à la Cour suprême, mais je dis qu'on ne peut pas, d'ici quelques
semaines, demander à la Cour suprême, si nous sommes
protégés par ces amendements sur tel, tel et tel et tel point,
parce que cela prendrait plusieurs années à avoir une
décision.
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: Mais il est inévitable, si on s'entendait,
qu'il y ait possiblement éventuellement des affrontements entre les
gouvernements sur l'interprétation, qui auront à être
tranchés par la Cour suprême.
M. Morin: Et si, advenant que vous vous mettiez d'accord sur un
texte comme celui-là, ce qu'à Dieu ne plaise, si, dans quinze
ans, une loi est adoptée par le Parlement du Canada, étant
donné la dénatalité et la régression
démographique à laquelle vous-même avez fait allusion
à plusieurs reprises dans certaines de vos interventions
récemment, si dans quinze ans, une loi du Parlement
fédéral vient porter atteinte à ce que le Québec
juge être des garanties culturelles octroyées par cet article 38,
vous irez donc devant la Cour suprême. Croyez-vous qu'à ce
moment-là, cela prendra moins de quelques années avant d'avoir
une décision et croyez-vous que vous serez devant un tribunal
impartial?
M. Bourassa: Je crois que le chef de l'Opposi-
tion vient de présumer de l'impartialité de la Cour
suprême. Ce sont des paroles dangereuses.
M. Morin: Le premier ministre, qui a fait des études en
Angleterre, des études de droit, non pas en Angleterre, aux Etats-Unis,
je crois, et qui a fait des études de droit beaucoup plus que des
études d'économie, ne sait-il pas qu'un auteur aussi
sérieux et grave que K.C. Wheare a affirmé qu'on ne saurait avoir
de confiance dans une fédération, dans un tribunal suprême
qui serait nommé et payé par le pouvoir central? Ce n'est pas moi
qui ai inventé cette opinion.
M. Cloutier: Le chef de l'Opposition, hier, a traité les
juges de la Cour suprême de stipendiés.
M. Morin: J'ai dit payés, nommés et
stipendiés par le pouvoir fédéral. Si vous n'êtes
pas d'accord, prouvez-moi le contraire.
M. Bourassa: Vous savez ce qui est arrivé à
certaines déclarations qui ont été faites sur des
tribunaux. Je trouve le chef de l'Opposition très imprudent.
M. Cloutier: II bénéficie de son immunité
parlementaire.
M. Morin: M. le Président, le premier ministre
répondra-t-il à ma question maintenant?
M. Bourassa: Précisément, la question, pour une
fois, touche à une partie du fond du débat. C'est ce que nous
examinons actuellement. Nous sommes bien conscients des implications.
M. Cloutier: Ces questions ont été posées
des dizaines de fois, mais ce qu'essaie de faire le chef de l'Opposition, c'est
de tenter de nuire à la négociation.
M. Morin: Allons donc!
M. Cloutier:... en essayant d'obtenir des déclara-tions
sur des points de détail, alors que le projet de proclamation doit
être considéré comme global.
M. Morin: Vous vous nuisez suffisamment déjà comme
cela vous-même, sans que j'aie à ajouter.
M. Cloutier: II est tellement pris par la passion qu'il oublie
même de me réclamer le dépôt de documents qui
semblaient essentiels hier.
M. Morin: Je n'en suis pas encore là. Si vous voulez les
déposer, vous pouvez le faire n'importe quand. En ce qui me concerne,
puisque le premier ministre est là, j'ai d'autres questions à lui
poser.
M. Bourassa: Rapidement, parce que ma période de
détente se termine, je dois retourner à...
M. Morin: J'en aurais de nombreuses, je dois dire. Etant
donné que je n'ai pas eu de réponse du ministre des Affaires
intergouvernementales, j'aurais souhaité que vous restiez.
Peut-être pourriez-vous revenir ce soir?
M. Bourassa: Non, malheureusement, je quitte Québec ce
soir.
M. Morin: C'est navrant. Nous aurions pu constater que vous
n'apportez pas plus de réponse que le ministre des Affaires
intergouvernementales. De toute façon...
M. Bourassa: Je vous donne...
M. Morin: ... je vais me contenter d'attirer votre attention sur
la nécessité de positions claires dans le domaine
constitutionnel, claires et clairement exprimées, pas seulement claires
dans vos officines et dont la population est saisie en temps utiles afin
qu'elle ait le temps d'en débattre.
Jusqu'ici, j'attire votre attention sur le fait que les grands
débats dans la presse québécoise, sur les questions
constitutionnelles, ont toujours eu lieu après les conférences
fédérales-provinciales, alors que le Québec était
déjà pris à la gorge. Il faut que ces débats aient
lieu avant les conférences, avant que vous alliez parler au nom du
Québec, de sorte que vous aurez l'appui exprimé clairement par la
population avant d'aller négocier.
Puis-je obtenir du premier ministre l'assurance que l'opinion
québécoise sera, cette fois, pleinement saisie du dossier
constitutionnel, avant qu'il aille participer à quelque
conférence que ce soit? Avant qu'il aille compromettre l'avenir de la
façon dont il l'a fait à Victoria et de la façon dont son
prédécesseur, M. Lesage, l'avait fait à la
conférence d'octobre 1964?
M. Bourassa: Appuyé par votre chef actuel.
M. Morin: Je vous en prie, ne confondons pas les faits. Il
était appuyé par M. Paul Gérin-Lajoie et la seule raison
pour laquelle M. Lévesque est intervenu dans le dossier, c'est pour ne
pas se désolidariser du Conseil des ministres. Vous le savez très
bien.
M. Bourassa: Si c'était si important que cela, pourquoi
n'a-t-il pas démissionné?
M. Morin: Cela lui paraissait sans doute, à ce
moment-là, moins important que cela lui paraît aujourd'hui.
M. Bourassa: Ah!
M. Morin: C'était en 1964. Nous sommes en 1976 et, depuis
ce temps, vous savez qu'il s'est produit beaucoup de choses au
Québec.
M. Bourassa: Vous venez d'admettre une erreur très
sérieuse de votre chef.
M. Morin: Je n'ai jamais admis une telle chose.
M. Bourassa: Vous venez de dire qu'il aurait dû
considérer cela comme une matière plus importante.
M. Morin: Je n'ai jamais admis une telle chose. Chacun avait son
rôle à cette époque; chacun agissait selon sa conscience.
Et il est certes permis à quelqu'un de changer d'idée par la
suite.
M. le Président, j'ai posé une question au premier
ministre. Je voudrais qu'il prenne...
M. Bourassa: Qu'est-ce que le chef de l'Opposition entend?
M. Morin: ... un engagement solennel là-dessus.
M. Bourassa: C'est quoi, un référendum? C'est cela
que veut avoir le chef de l'Opposition?
M. Morin: Ah! proposez-vous que nous en tenions un sur une
question comme celle-là?
M. Bourassa: Pas du tout, mais le chef de l'Opposition dit qu'il
faudrait qu'il informe...
M. Morin: C'est une idée brillante que le premier ministre
vient d'avoir! Un référendum avant de se rendre à une
conférence fédérale-provinciale. En faites-vous la
promesse?
M. Bourassa: ...
M. Fraser: II pense qu'il est le seul qui a eu les informations
des Québécois, lui; il est la seule source d'informations, le
chef de l'Opposition.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition dit que le premier ministre
doit informer l'opinion publique québécoise. Il ne donne pas de
détails, pas de modalités. Je lui dis: Comment? Est-ce qu'on doit
faire une élection là-dessus? Est-ce qu'on doit faire un
référendum? Est-ce qu'on doit...
M. Morin: Une conférence de presse ne vous est-elle jamais
venue à l'idée?
M. Bourassa: Non. Ah! tout ce baratin pour demander une
conférence de presse au mois d'août?
M. Morin: Une commission parlementaire ne vous est-elle jamais
venue à l'idée?
M. Bourassa: On en a parlé tantôt. M. Morin:
Est-ce qu'un... M. Bourassa: Une élection...
M. Morin: ... discours décrivant pleinement vos positions
devant l'opinion publique québécoise ne vous est jamais
passé par l'idée?
M. Bourassa: Une élection, cela ne vous plaît pas,
non?
M. Morin: Si vous voulez, une élection.
M. Bourassa: Vous avez l'air un peu réticent.
M. Morin: Au contraire, je pense que nous nous en
réjouirions beaucoup. D'ailleurs, je pense que le premier ministre a
peur en ce moment.
M. Bourassa: Vous seriez forcé d'appuyer la position du
gouvernement du Québec dans une élection.
M. Morin: J'avoue que vous tenez là un langage qui m'est
absolument fermé. Qu'entendez-vous par là?
M. Bourassa: Vous dites, si le gouvernement... Vous demandez un
engagement du chef du gouvernement selon lequel je consulterais la population
du Québec sur la position constitutionnelle du Québec.
M. Morin: Je vous ai demandé de l'informer...
M. Bourassa: Nous en sommes...
M. Morin: ... l'engagement de l'informer.
M. Bourassa: Le seul engagement, les seules façons pour
pouvoir consulter, c'est par référendum. Il n'y a pas de droit au
référendum au Québec. Donc, il reste
l'élection.
M. Morin: Non, écoutez-moi: Informer.
M. Bourassa: Je fais la suggestion au chef de l'Opposition,
purement à titre d'hypothèse; il n'y aura pas d'élection
cette année, je ne voudrais pas que cela parte les rumeurs, il n'en est
pas question.
M. Morin: Je pense effectivement...
M. Bourassa: Pour rassurer le chef de l'Opposition.
M. Morin: ... que ce ne serait pas dans votre
intérêt!
M. Bourassa: Pour rassurer le chef de l'Opposition
également parce qu'il a semblé complètement pris par
surprise. Je crois que cela embêterait drôlement le Parti
québécois s'il y avait une élection là-dessus.
C'est un élément que je dois retenir.
M. Morin: Fort intéressant. Ce serait fort
intéressant. Mais revenons aux choses sérieuses, l'assurance que
je désire obtenir de vous est la suivante...
M. Bourassa: Une conférence de presse, c'est ça que
vous m'avez demandé.
M. Morin: Pouvez-vous vous engager, quel que soit le moyen, je
laisse les moyens au premier ministre...
M. Bourassa: D'accord, je peux m'engager à faire une
conférence de presse.
M. Morin: Non, comprenons-nous bien. Vous choisirez le moyen qui
vous paraîtra le plus opportun. Pour cela, je m'en remets à vous.
Mais pouvez-vous nous donner l'assurance que, cette fois-ci, la population
québécoise sera pleinement informée des positions du
gouvernement avant toute conférence constitutionnelle?
Est-ce clair cette question?
M. Bourassa: Cela a été fait, il y a cinq ans.
M. Morin: Allons donc! Si vous m'avez appelé en catimini
à la veille de la conférence de Victoria pour me mettre au
courant de toutes sortes de petites tractations, ce n'est certainement pas
parce que l'opinion publique québécoise était saisie de la
question.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a été
consulté au même titre qu'une dizaine d'autres
"personnalités", si je peux dire, entre guillemets dans son cas.
M. Morin: Nous ne savions pas ce que vous alliez dire à
Victoria. Tout le monde était dans l'obscurité, vous le savez
bien. Répondez à ma question. Ou dois-je la
répéter?
M. Bourassa: La conférence était ouverte dans sa
première partie et la position du Québec a été
exprimée, à ce moment, par le chef du gouvernement à la
face de l'opinion publique canadienne. J'ai dit tantôt qu'en principe,
sauf événement imprévisible, en principe, il y aura une
convocation de la commission parlementaire. Je ne vois pas, à part cela,
comment le chef du gouvernement pourrait négocier des choses aussi
importantes, sans en informer la population.
M. Morin: C'est ce qui est arrivé dans le passé.
M. Bourassa: Non, c'est faux. M. Morin: Voyons!
M. Bourassa: II y avait eu une commission parlementaire
auparavant.
M. Morin: Vous savez même que dans le cas de la formule
Fulton-Favreau, on ne savait même pas que le Québec avait
consenti; on l'a appris par la suite. Je vous en prie, un peu de
décence.
M. Bourassa: Non, non.
M. Morin: M. le Président, je vois que je ne tirerai pas
du premier ministre une assurance qu'il informera pleinement la population
québécoise avant.
M. Bourassa: J'ai dit que...
M. Morin: Pouvez-vous me la donner clairement, cette
assurance?
M. Bourassa: Vous me suggérez différentes choses,
un discours, une conférence de presse, une commission
parlementaire...
M. Morin: ... à votre choix.
M. Bourassa: M. le Président, ce n'est pas sérieux
quand même de faire porter le débat sur des modalités comme
celles-là. Il est évident qu'avant...
M. Morin: Je vous laisse les modalités.
M. Bourassa: ... une conférence constitutionnelle...
M. Morin: Je vous les laisse.
M. Bourassa: J'ai dit tantôt qu'il y aura à peu
près sûrement une commission parlementaire où on donnera la
position du gouvernement. Je l'ai dit au député de Johnson, il y
a un mois. Le chef de l'Opposition est donc à court d'arguments au sujet
du débat pour me faire répéter des choses qui ont
été dites à l'Assemblée nationale.
M. Morin: Entendons-nous bien. Vous nous dites: en principe. Je
vous demande une assurance et je ne vous parle pas d'une simple
possibilité.
M. Bourassa: C'est exactement cela.
M. Morin: Non, quand on tente d'obtenir des réponses
précises, tout devient évidemment du verbiage. Je tente de savoir
du premier ministre s'il peut me donner l'assurance je vais
répéter ma question...
M. Bourassa: Vous pourrez poser la question après, au
moment où la conférence sera annoncée.
M. Morin: Non, je vous la pose maintenant, j'estime que c'est
maintenant qu'elle doit être posée.
M. Bourassa: Cela demeure possible, M. le Président, on
prévoit une conférence là-dessus au mois d'août, on
prévoit que dans les mois qui suivent cela pourrait être un sujet
important, mais on me demande un engagement avant même qu'on ait
décidé de la conférence.
M. Morin: Vous ne voulez pas le prendre, cet engagement
d'informer pleinement l'opinion publique?
M. Bourassa: Je vais le prendre dans la mesure où je peux
le prendre avec les hypothèses qui sont devant nous.
M. Morin: Je le répète une dernière fois, M.
le
Président. Je commence à en avoir marre, moi aussi.
M. Dufour: Oui, j'espère.
M. Cloutier: Ah! bon. On a de la "chance".
M. Dufour: Dieu soit loué.
M. Morin: M. le Président, je demande au premier
ministre...
M. Bourassa: J'ai répondu, M. le Président.
M. Morin: ... s'il peut nous donner l'assurance qu'il informera
pleinement l'opinion publique québécoise des attitudes de son
gouvernement en matière constitutionnelle, avant de se rendre à
toute conférence constitutionnelle.
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que le gouvernement
va opter pour une attitude pleinement responsable vis-à-vis de l'opinion
publique.
M. Morin: Qu'est-ce que cela veut dire, encore cette salade?
M. Bourassa: Cela veut dire que le gouvernement est tout à
fait conscient de l'importance de l'enjeu et qu'il n'a pas l'intention... Il va
prendre la même attitude qu'il y a cinq ans.
M. Morin: C'est ce qui ne me rassure pas. Il y a cinq ans, vous
êtes parti pour Victoria sans qu'on sache exactement ce que vous alliez y
tramer.
M. Bourassa: C'est faux, il y avait eu une réunion de la
commission parlementaire. On avait discuté de la formule d'amendement.
On avait discuté des articles qui étaient à l'ordre du
jour. C'est absolument faux de dire qu'il n'y avait pas eu réunion de la
commission parlementaire pour discuter de la position québécoise.
M. le Président, on ne peut pas faire maintenant...
M. Morin: Je constate qu il n'y aura pas d assurance, mais je
préviens le premier ministre que nous allons le suivre à la trace
dans ce dossier.
M. le Président, puisque l'heure approche, je demanderais au
ministre de déposer le document dont je lui avais demandé
communication hier.
M. Cloutier: Je me demande si je vais les déposer,
maintenant. Je le lui ai offert à deux ou trois reprises. Je le lui ai
offert hier, avant même qu'il y songe; je le lui ai offert aujourd'hui.
Je trouve cet intérêt bien tardif. Cependant, étant
donné l'importance des documents en question, je vais les déposer
avec plaisir. C'est le point de vue de la plupart des provinces, et comme je
l'avais indiqué, ce point de vue, en gros, s'oppose à un
repatriement unilatéral.
M. Morin: Nous en rediscuterons à la prochaine
séance, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): On suspend jusqu'à?
Une Voix: Huit heures, huit heures et demie.
M. Morin: Huit heures et demie. Nous serons plus sûrs
d'avoir quorum. Nous ne viendrons pas attendre ou poireauter pendant une
demi-heure.
M. Cloutier: Huit heures et demie jusqu'à onze heures,
peut-être.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. Morin: Dix heures et demie ou onze heures.
Le Président (M. Gratton): La commission suspend ses
travaux jusqu'à ce soir, vingt heures trente.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
Reprise de la séance à 20 h 35
M. Pilote (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! On est encore au programme 1.
Il y a eu une entente entre le chef de l'Opposition et M. Cloutier, le ministre
des Affaires intergouvernementales, de façon à faire le tour
d'horizon et d'adopter pratiquement...
M. Morin: Selon l'habitude.
M. Cloutier: ... oui, c'est cela. Oui, je suis d'accord, cela
marche très bien d'ailleurs.
Une Voix: Ce n'est pas une question de répondre tout de
suite, c'est une question de principe.
M. Cloutier: Non, je n'ai rien à dire.
Le Président (M. Pilote): Le chef de l'Opposition
officielle.
M. Cloutier: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition a encore
des questions sur la question...
Secteur financier
M. Morin: Je voudrais commencer par quelque chose
d'agréable. J'aurais en effet quelques mots à dire sur les
questions financières. Le ministre m'a communiqué hier la
déclaration du ministre des Finances du Québec à la
conférence des ministres des Finances tenue les 1er et 2 avril 1976,
document qui ne nous avait pas été communiqué auparavant.
Je dois dire que cette déclaration du ministre des Finances contient des
éléments fort intéressants en ce qui concerne la
péréquation, les programmes conjoints et la garantie des recettes
fiscales. Je signale au ministre, cependant, que je n'ai pas reçu le
tableau annexé auquel le texte se réfère. Puis-je lui
demander s'il me serait possible d'obtenir ce tableau qui contient des chiffres
qui pourraient nous intéresser?
M. Cloutier: M. le Président, la réponse est oui,
sous les réserves suivantes. C'est pour cela que je ne l'ai pas mis
immédiatement avec le texte, c'est qu'il s'agit d'une simulation et que,
par conséquent, les chiffres doivent être considérés
comme des hypothèses. Le simple but du tableau est de fournir un exemple
de ce que la formule pourrait donner. Il est extrêmement important de
bien le comprendre. Je souhaitais le présenter au moment où nous
en parlerions. C'est donc fait et c'est avec plaisir que je le confie au chef
de l'Opposition.
M. Morin: Merci, M. le Président. Cela va être
très utile pour la suite.
M. Cloutier: C'est peut-être...
M. Morin: La déclaration reste silencieuse sur un point
majeur, que j'avais déjà signalé au ministre et qui est le
partage fiscal. J'admettrai, cependant, que ce partage devra tenir compte des
résultats obtenus quant aux autres questions, nécessairement. Il
n'est donc pas entièrement illogique de ne pas faire de demandes
précises à ce stade des discussions.
Quant au gouvernement fédéral, ces positions ont
été exprimées de façon très claire sur la
péréquation et la garantie des recettes fiscales. Il n'a pas
encore fait connaître ses propositions quant aux programmes conjoints, ni
au partage fiscal. Je voudrais tout d'abord attirer l'attention du ministre sur
des points majeurs où il me paraît que des désaccords se
profilent à l'horizon. Je voudrais lui dire quelle est l'attitude de
l'Opposition sur ces aspects contentieux des rapports financiers
fédéraux-provinciaux. Par exemple, en ce qui concerne la garantie
des recettes fiscales, les deux gouvernements s'entendent pour mettre fin au
programme. Le gouvernement du Québec veut que ce soit contre
compensation financière ou fiscale, alors que le gouvernement
fédéral ne veut même pas en entendre parler. Donc, nous
avons là une possibilité d'affrontement qui est
déjà dans l'air depuis quelque temps, d'ailleurs.
De même, pour la péréquation, les deux gouvernements
s'entendent pour modeler la formule selon certains grands indicateurs auxquels
le ministre, d'ailleurs, a fait allusion lors de notre premier entretien sur la
question, par exemple, le revenu personnel.
Alors que le Québec veut que l'égalisation se fasse au
niveau des deux provinces les plus riches, le gouvernement
fédéral désire que cette égalisation reste au
niveau de la moyenne canadienne de toutes les provinces. Là encore, il y
a un désaccord qui pourrait éventuellement tourner au
détriment du Québec.
Quant aux programmes conjoints et à la formule de retrait, cela
fait plus de deux ans qu'on en discute vous le savez sans qu'on
puisse en arriver à aucun accord. D'un autre côté, on ne
doit pas se surprendre outre mesure de l'existence de telles divergences de
vues, puisqu'il est tout à fait normal que chaque gouvernement mette de
l'avant des propositions qui le favorisent davantage. Mais et je me
permets d'insister il faut absolument que le gouvernement du
Québec obtienne là-dessus l'appui de la population. C'est la
seule chance qu'il ait de faire prévaloir son point de vue.
Je puis dire que l'Opposition trouve bien fondées les demandes du
Québec, telles qu'elles ont été exprimées dans la
déclaration du ministre des Finances, mais j'ajoute que, si nous les
trouvons raisonnables en principe, puisque nous n'en connaissons pas tous les
détails, nous réservons notre jugement sur les aspects mineurs de
ces questions. Je ne puis donc dire, ce soir, que je suis en mesure d'approuver
toute la démarche gouvernementale.
Toutefois, sur le plan des principes, je puis dire au ministre que nous
nous trouvons substan-
tiellement d'accord. Nous sommes donc heureux d'accorder notre appui au
gouvernement dans les discussions actuelles avec le gouvernement
fédéral. Nous n'avons malheureusement pas trop d'illusions sur le
résultat, parce que, comme je l'ai indiqué, les divergences de
vues sont tout de même considérables. Nous espérons
simplement que le gouvernement du Québec se montrera ferme. Encore une
fois, pour se montrer ferme, il faut avoir l'appui de la population
québécoise. Nous sommes de retour à ce problème que
j'ai eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises depuis le
début des séances de cette commission. Pour avoir l'appui de la
population québécoise, il faut l'informer pleinement. J'estime
qu'à l'heure actuelle, il reste énormément de travail
à faire pour que les citoyens se persuadent de l'importance de ces
accords financiers.
Dans la mesure de nos moyens et dans la mesure où on voudra bien
donner à l'Opposition les renseignements nécessaires, nous nous
ferons un devoir d'en expliquer la portée aux citoyens du Québec,
pour ce qui est en tout cas de notre ressort.
Je sais bien que le premier ministre du Québec et sans doute avec
lui le ministre des Finances veulent pratiquer une politique de
non-affrontement, mais comme Ottawa, de son côté, ne
répugne point à l'affrontement, lorsque cela lui paraît
nécessaire, et ne répugne point à imposer sa
volonté unilatérale, lorsque cela lui paraît opportun, j'ai
l'impression que l'ère du non-affrontement est terminée, aussi
bien dans le domaine constitutionnel que dans celui que je viens de commenter,
c'est-à-dire dans le domaine financier.
Le ministre se rendra compte que, lorsqu'il nous informe pleinement,
lorsqu'il nous fait part de documents qui contiennent la substance des
attitudes gouvernementales, nous ne sommes pas butés au point de lui
refuser tout appui. Dans ce dossier, donc, dans le dossier financier, quitte
à revenir à la charge pour s'assurer que les positions du
Québec sont défendues avec toute l'énergie que cela
requiert, nous appuierons les démarches déjà entreprises
auprès du gouvernement fédéral par le ministre des
Finances.
M. le Président, je ne sais si le ministre a quoi que ce soit
à ajouter avant que je passe à d'autres questions.
M. Cloutier: Rapidement, j'ai cinq commentaires.
Premièrement, le chef de l'Opposition a noté que cette
déclaration ne parlait pas du partage fiscal, que ce n'était
d'ailleurs pas du tout son objectif. C'est clairement indiqué, en page
9; je cite le paragraphe: "On constatera que le but de ma proposition n'est pas
de suggérer un nouveau partage fiscal entre le fédéral et
les provinces. Cette question demeure fondamentale et devra faire l'objet de
discussions ultérieures. Par conséquent, ceci permet de bien
circonscrire la portée de cette déclaration, et s'il n'est pas
question de partage fiscal, ce n'est pas parce que le gouvernement n'a pas
voulu l'aborder, c'est qu'il n'a pas voulu l'aborder dans ce
cadre-là."
Deuxième remarque: Le chef de l'Opposition parle un peu trop
souvent de désaccord lorsqu'il se trouve en présence de deux
points de vue qui divergent. Il est inévitable, dans une
fédération, ou d'ailleurs dans toute négociation qui met
en présence des partenaires, qu'il y ait, au départ, des
divergences de vue. S'il y avait accord complet, il n'y aurait aucune raison de
négocier. Il n'y aurait aucune raison de discuter. Alors, je
préfère...
M. Morin: II y a là une question de degré, n'est-ce
pas?
M. Cloutier: Non, il y a une question de psychologie. Il est bien
certain que pour le PQ, tout est désaccord au départ. Je suis
bien obligé de le constater; alors que nous, nous faisons état
d'un point de vue. Nous trouvons normal de nous trouver en présence d'un
autre point de vue. Ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a jamais eu de
désaccord sur cette question. La proposition du Québec
laquelle, comme je l'ai déjà signalé, a été
favorablement accueillie par plusieurs autres provinces fait l'objet
actuellement d'un examen très objectif.
Troisièmement, le chef de l'Opposition parlait de la
pseudo-politique de non-affrontement du gouvernement. Il n'y a pas de politique
de non-affrontement. Il n'y a pas de politique d'affrontement. Ce n'est pas
dans des termes comme ceux-là que nous tentons de régler les
problèmes. Il y a tout simplement, dans le cadre fédéral
que nous acceptons, une volonté d'arranger les choses, compte tenu des
aspirations et des principes que nous défendons. Il y a tout simplement
une volonté d'en arriver à des accords sur certains dossiers. Il
est important de le dire. Que cela puisse se traduire parfois par des
difficultés, c'est certain, et c'est même inévitable. Mais
il ne faut pas immédiatement sauter aux conclusions en disant que,
systématiquement, il y a une volonté de non-affrontement ou
d'affrontement.
Quatrièmement, pour sa part, le chef de l'Opposition, puisqu'il a
favorablement accueilli cette proposition, il est vraiment dommage qu'il n'ait
pas posé les questions pertinentes lorsque le ministre des Finances est
revenu de cette conférence. Sans doute n'y accordait-il pas l'importance
voulue. Je regrette d'ailleurs, parallèlement vous voyez que
j'essaie d'être le plus objectif possible qu'on n'ait pas
déposé ou fait connaître cette position, probablement parce
qu'on la croyait déjà connue. J'ai jeté un coup d'oeil sur
le journal des Débats, et je me suis aperçu qu'à ce
moment-là, l'occasion était très belle pour l'Opposition
d'entreprendre un débat là-dessus, si elle l'avait
souhaité. Elle ne l'a pas souhaité. C'était une
conférence importante. Le ministre des Finances en a parlé avant
d'y aller. Il en a parlé au retour, et manifestement, c'est passé
inaperçu. Il est un petit peu tard pour découvrir tout cela, mais
disons qu'à l'avenir, le ministère des Affaires
intergouvernementales, de manière à aider davantage l'Opposition
qui, manifestement, dans le cas particulier, n'a pas su s'aider
elle-même, s'arrangera pour prendre les dispositions
nécessaires
pour que ce genre de déclaration soit peut-être
portée à son attention plus rapidement; même si le
ministère a cette publication qui est Canada-Québec, il est bien
évident qu'il faut un certain délai pour que les textes
fondamentaux y apparaissent.
Mais il y a quand même là l'exemple de ce que comporte une
négociation. Il y aurait peut-être intérêt à
ce que le chef de l'Opposition comprenne que dans certaines de mes
réponses, lors du débat sur la constitution que nous avons tenu,
j'ai essayé de lui faire prendre conscience du fait que dans d'autres
secteurs, il y avait constamment des négociations, et des
négociations extrêmement importantes. C'est peut-être le
secteur le plus important, le secteur financier, puisqu'il est bien
évident que lorsque l'on parle d'arrangements fiscaux, lorsque l'on
parle de partage fiscal, on touche, au fond, à l'essence de notre
fédéralisme. Or beaucoup de problèmes qui existent sont
liés, comme le sait le chef de l'Opposition, au pouvoir de
dépenser, par exemple.
Lorsqu'on parle de négociations constitutionnelles, il ne faut
pas se polariser uniquement sur un texte ou une conférence. Il faut se
dire que cette négociation constitutionnelle, d'abord, sera permanente,
en ce sens que, constamment, elle nous imposera de chercher des arrangements
dans un secteur qui va déboucher ensuite au niveau constitutionnel.
Enfin, il y a la question de l'information. Constamment, le chef de
l'Opposition revient sur ce qu'il appelle le secret. Il en a fait toute une
histoire depuis deux jours. Je vais essayer de lui expliquer quelque chose.
Voici une déclaration qui est datée du 1er et du 2 avril,
qui a été faite lors d'une conférence. C'est une
déclaration complète. C'est une déclaration qui trouve
grâce même aux yeux du chef de l'Opposition.
Qu'aurait-il dit si, par hasard, deux mois avant la conférence,
c'est-à-dire deux mois avant que le gouvernement puisse présenter
son point de vue, le gouvernement s'était trouvé, au cours d'une
commission comme celle-ci, à répondre à certaines
questions de l'Opposition et avait, par bribes, fait connaître certains
éléments de ses positions, avant même qu'elles soient
complètement formulées, avait laissé filtrer de
l'information à gauche et à droite, avant de pouvoir s'assurer
certains appuis de ses partenaires. Je crois que le chef de l'Opposition va
avouer que cela aurait été une erreur. Cela aurait
été, pour reprendre mes expressions de cet après-midi,
à la fois irresponsable et maladroit. Or, c'est exactement ce que le
chef de l'Opposition essayait ou essaie de me faire faire depuis deux jours,
dans le dossier constitutionnel.
M. Morin: Allons! Allons!
M. Cloutier: II essaie exactement de me faire prononcer, alors
qu'on est en train d'élaborer une position. Je crois que l'exemple est
extrêmement intéressant. Nous aurions, autrement dit, perdu
l'impact de cette déclaration qui a fait suite à de très
nombreux travaux, en particulier aux travaux d'un comité dont mon
prédécesseur faisait état, même l'année
dernière.
Si, l'année dernière, mon prédécesseur
s'était lié devant des questions de l'Opposition sur un tas de
points, de cela, aurait-il été possible d'en arriver avec une vue
globale qui, encore une fois, semble répondre même à
certaines des aspirations du chef de l'Opposition.
Voilà quelques commentaires. Ils n'ont pas pour but de relancer
le débat, mais tout simplement d'y mettre fin.
M. Morin: M. le Président, je tiens à relever un ou
deux points dans ce que vient de dire le ministre, avant de passer à
autre chose. Nous n'avons jamais nié qu'il y ait des tensions au sein
des systèmes fédéraux. C'est un peu dans la nature des
choses. Ces tensions existent également entre Etats souverains, sur le
plan international.
Toutefois, si ces tensions sont inévitables dans un Etat
fédéral, il arrive qu'elles soient résolues
systématiquement à l'encontre des Etats membres. Et ce n'est pas
seulement l'expérience canadienne qui nous l'enseigne, c'est le
fédéralisme comparé qui nous montre à quel point,
la plupart du temps, ces tensions entre la fédération et ses
membres se résolvent, aboutissent à une centralisation toujours
croissante.
C'est ce que je crains, et c'est d'ailleurs l'expérience des 30
dernières années dans le domaine financier. Ce n'est pas
répondre à nos questions que de nous rappeler qu'il y a des
tensions dans un système fédéral. Nous le savons, nous les
vivons tous les jours aussi bien que le gouvernement.
La question est celle-ci: Ces tensions peuvent-elles être
résolues à la satisfaction du Québec, à
l'intérieur du cadre canadien actuel? Nous pensons que non. Nous pensons
que le système joue systématiquement contre les
intérêts du Québec et pas seulement dans le domaine
financier. Mais c'est là un autre débat, je le concède
volontiers, et je n'ai pas l'intention ce soir, à moins que le ministre
y tienne, d'ouvrir la porte à cet immense débat.
M. Cloutier: Le débat de votre option
d'indépendance, c'est le séparatisme; c'est bien cela?
M. Morin: C'est le débat qui nous oppose, c'est le
débat des années qui viennent, c'est le défi qui est
lancé aux Québécois depuis déjà...
M. Cloutier: Le débat de la sécession possible du
Québec.
M. Morin: ... depuis huit ou neuf ans, le débat sur la
souveraineté du Québec.
M. Cloutier: Par sécession.
M. Morin: A la suite d'une entente, par négociation...
M. Cloutier: Ah bon!
M. Morin: Par rapport au Canada.
M. Cloutier: Ah! Là, c'est très
intéressant.
M. Morin: Voulez-vous que nous abordions ce sujet-là?
M. Cloutier: Non, mais vous venez de dire quelque chose
d'absolument fascinant.
M. Morin: N'avez-vous pas lu le programme du Parti
québécois?
M. Cloutier: Bien sûr! On me l'a même
dédicacé. M. Parizeau me l'a dédicacé.
M. Desjardins: Lequel?
M. Cloutier: Oui, en 1970, au cours de la campagne
électorale.
M. Morin: J'oserais croire que certains de vos proches vous en
auraient donné des exemplaires!
M. Cloutier: Ah! Ah!
M. Morin: Et pour ne pas aller plus loin dans cette voie qui est
un peu trop ad hominem, je le concède, je voudrais dire au ministre que
ces tensions, nous pensons qu'elles ne peuvent être résolues
à l'avantage du Québec. On le verra bien dans le domaine
financier, lorsqu'il s'agira de choisir entre les grands indicateurs et de
savoir si le critère qui doit prévaloir est l'égalisation
par rapport au niveau des provinces les plus riches ou bien, comme le
gouvernement le désire, ou l'égalisation par rapport à la
moyenne canadienne de toutes les provinces. Je suis prêt à parier
que vous allez avoir certaines difficultés à faire
prévaloir le point de vue québécois. J'ai bien
l'impression que vous n'arriverez pas à le faire prévaloir. Mais
je n'en mettrais pas ma main au feu; nous en reparlerons l'année
prochaine, à moins que le ministre d'ici là ne soit nommé
à quelque autre poste.
M. Cloutier: Ecoutez, je vais faire une mise au point
là-dessus si vous voulez. Continuez. Pas du tout, malheureusement j'ai
une mauvaise nouvelle pour vous, vous m'avez encore pour un bon moment.
M. Morin: Que dit le ministre?
M. Cloutier: II y a de fortes chances pour que je puisse vous
confondre encore l'an prochain.
M. Morin: Si la confusion est semblable à celle de cette
année, ça fera encore un bon débat.
M. le Président, deuxième point sur lequel j'aimerais
ajouter quelques mots, la déclaration de M. Garneau n'était pas
passée inaperçue et nous attentions, presque de jour en jour, que
vos services de renseignements nous fassent parvenir le texte de cette
déclaration.
M. Cloutier: Voulez-vous m'expliquer...
M. Morin: Un instant.
M. Cloutier: ... pourquoi les journalistes...
M. Morin: Je vous ferai remarquer je vous ai
déjà fait remarquer, hier que le communiqué
fédéral nous est parvenu le lendemain du jour où il a
été rendu public.
M. Cloutier: Vous avez eu un communiqué
québécois, ça, vous ne pouvez pas le nier. Vous n'avez pas
eu le texte peut-être in extenso de la déclaration, mais il y a eu
un communiqué québécois...
M. Morin: Qui se trouvait être incomplet. Il y avait les
rapports dans les journaux...
M. Cloutier: ... malheureusement, les journalistes
s'intéressent infiniment moins à ces problèmes...
M. Morin: Oui, mais vous le saviez...
M. Cloutier: ... qu'aux problèmes qu'ils
créent.
M. Morin: Cela, vous le savez.
M. Cloutier: Vous l'admettez donc.
M. Morin: C'est votre responsabilité. Vous savez que les
journaux ne peuvent transcrire au long les 20 pages de votre
communiqué.
M. Cloutier: Pas du tout.
M. Morin: Et je ne chercherai pas querelle aux journalistes.
C'est votre responsabilité...
M. Cloutier: Moi non plus.
M. Morin: ...de nous faire parvenir les textes.
M. Cloutier: Ecoutez, je crois que nous avons vidé ce
débat. J'ai exprimé clairement...
M. Morin: Je croyais également que nous l'avions
vidé.
M. Cloutier: ... que je trouve souhaitable qu'un texte de cette
importance soit déposé à l'Assemblée.
M. Morin: Bien, alors...
M. Cloutier: Je regrette qu'il ne l'ait pas été et
j'ai pris des dispositions pour qu'il le soit sans assumer, d'ailleurs, la
responsabilité du fait qu'il ne l'ait pas été. Mais,
j'accuse aussi l'Opposition d'avoir négligé cette
conférence, de ne pas avoir posé de questions pertinentes au
ministre des Finances, et cela est vrai, il suffit que vous relisiez ces
séances.
M. Morin: Ne vous ai-je pas posé les questions hier,
précisément?
M. Cloutier: Oui, mais combien de temps après.
M. Morin: Parce que nous avons estimé opportun de garder
ces questions pour la commission parlementaire.
M. Cloutier: Oh! ne vous servez pas de cet argument-là!
Vous perdez votre temps aux périodes des questions alors qu'il y a des
problèmes de substance qui ne vous intéressent pas.
M. Morin: Nous tombons dans des attitudes tout à fait
subjectives. Ce qui vous paraît, à vous, accessoire, nous
paraît, à nous, fondamental. Je veux bien mettre fin à
cette question, mais non de façon à vous permettre de faire de
l'humour.
M. Cloutier: Je considère que l'Opposition ne tient pas
suffisamment compte des problèmes importants. Je déplore votre
faiblesse en tant que Québécois.
M. Morin: Et moi, je déplore que votre ministère
informe si mal, non seulement la population, mais l'Opposition.
M. Cloutier: C'est une erreur. Nous avons tout un jeu de
publications que j'ai énumérées ici qui vous apporte tous
les textes importants. Dans le cas particulier, auriez-vous senti que
c'était là une conférence importante vous l'avez
senti un mois et demi de retard auriez-vous eu un esprit un peu ouvert
et positif au lieu de chercher à détruire constamment que vous
auriez sorti l'information.
M. Morin: Allons donc. Nous avons attendu cette commission.
M. Cloutier: On passe l'éponge et on continue ou bien...
Je suis prêt...
M. Morin: Non, je ne puis accepter cette façon que le
ministre a de rejeter sur les autres ses responsabilités. Il doit tenir
l'Opposition informée. Nous avons lu, bien sûr, ce qui se trouvait
dans les journaux, mais le ministre sait que ce n'était pas complet.
M. Cloutier: Le gouvernement a la responsabilité de
gouverner. Notre système parlementaire vous donne l'occasion de mettre
quotidiennement en cause le gouvernement. C'est d'ailleurs une chance
exceptionnelle. Il y a beaucoup de régimes où cela n'existe
pas... le régime britannique.
M. Morin: Souhaiteriez-vous vivre sous un régime
autoritaire?
M. Cloutier: Non, mais je souhaiterais avoir une opposition un
peu plus forte.
M. Morin: Elle fait son possible et ce n'est pas à nous de
juger de cela. C'est à la population de le faire. Il semble,
d'après les sondages, qu'elle juge que nous faisons un travail
convenable.
M. Cloutier: Vous croyez cela.
M. Morin: Nous le verrons bientôt.
M. Cloutier: C'est qu'elle ne vous entend pas.
M. Morin: Nous le verrons lors des prochaines élections.
Je regrette que le ministre soit si partisan dans ses attitudes.
M. Cloutier: Je suis partisan et j'en suis fier. M. Morin:
Cela explique beaucoup de choses.
M. Cloutier: Certainement que j'en suis fier, parce que je
considère que c'est un parti qui gouverne et il se trouve que c'est le
Parti libéral.
M. Morin: Nous n'avons pas la même philosophie de
l'information.
M. Cloutier: Avez-vous lu le programme du PQ, M. le chef de
l'Opposition, au chapitre de l'information? Moi, je l'ai lu. Ah! vous souriez
déjà. C'est la dictature de l'information, le programme du
PQ.
M. Morin: Allons donc!
M. Cloutier: Voulez-vous que nous le lisions ensemble? Les
journalistes devraient tous être an-tipéquistes uniquement
à cause du chapitre sur l'information. C'est la disparition de la
liberté de la presse, littéralement. Prenez le programme du
PQ.
M. Morin: Est-ce que vous avez lu les extraits du programme
consacré précisément à la liberté de la
presse?
M. Cloutier: Je parle du programme de 1970.
M. Morin: Mais non. Vous êtes avauglé par votre
partisanerie encore une fois. M. le Président, je crois qu'effectivement
nous avons une philosophie de l'information essentiellement différente.
Par exemple, le ministre nous dit: Ce débat sur l'aspect financier des
rapports fédéraux-provinciaux, il fallait le garder dans les
dossiers, dans les cartons, et ne pas le laisser sortir avant que le ministre
se présente...
M. Cloutier: Faux!
M. Morin: ... avant que le ministre ne se présente
à la conférence... Est-ce vrai ou est-ce faux?
M. Cloutier: Je crois qu'effectivement il y avait tout
intérêt, sur le plan de la responsabilité publique, de la
rigueur administrative et de la stratégie, à nous
présenter, dans une conférence où il y aurait des
partenaires, avec une position globale.
M. Morin: M. le Président, je n'en disconviendrai pas,
mais je trouve que cela aurait donné plus de force aux positions
québécoises, si vous aviez auparavant discuté de la chose
dans une commission parlementaire.
M. Cloutier: Vous avez une drôle de conception du
gouvernement.
M. Morin: J'ai une philosophie différente de celle du
ministre, je veux bien l'admettre. La philosophie dont il s'inspire en est une
qui est beaucoup plus restrictive que la nôtre quant à
l'obligation d'informer le public.
M. Cloutier: Je m'inspire des réalités du pouvoir,
comme vous vous inspirez d'une espèce de société
théorique pour ne pas dire utopique.
M. Morin: Je pense que la société dont s'inspire le
ministre n'est pas du genre de celle que je voudrais voir se développer
dans l'avenir.
M. Cloutier: Eh bien...
M. Morin: Je lui rappellerai que la philosophie dont il semble
s'inspirer ce soir a un nom; historiquement, cela s'appelle la raison d'Etat.
Elle a conduit à de graves erreurs. Elle a conduit, le ministre le sait,
à des régimes autoritaires.
M. Cloutier: Et celle dont s'inspire le chef de l'Opposition
n'est pas loin de l'anarchie et elle a conduit aussi à des
régimes totalitaires et beaucoup plus rapidement.
M. Morin: M. le Président, je vois que nos philosophies
sont...
M. Cloutier: Divergentes.
M. Morin: ... fort divergentes, effectivement. Quand on en est
rendu aux choses fondamentales comme celles-là, il vaut mieux constater
qu'on est d'accord pour être en désaccord.
M. Cloutier: D'accord.
M. Morin: Mais que le ministre sache bien que nous
l'interrogerons quand cela nous paraîtra utile et opportun et que nous
poserons les questions quand cela nous plaira.
M. Cloutier: Et je répondrai exactement de la même
façon, quand cela me paraîtra opportun et dans
l'intérêt public parce que j'y pense et vous semblez l'oublier
trop souvent.
M. Morin: J'entends déjà le ministre, lorsqu'il
sera de l'autre côté de la barrière, un jour, s'il est
encore là, protester contre le manque d'information.
M. Cloutier: Bien, voilà! Vous avouez que vous pratiquerez
le manque d'information, ce qui n'est pas notre cas.
M. Morin: Ah! je vous entends déjà!
M. Cloutier: Evidemment, on va se présenter à une
dictature.
M. Morin: M. le Président, pour ce qui est des
institutions financières, j'aimerais poser une ou deux questions au
ministre. Lors de la conférence fédérale-provinciale sur
la protection des emprunteurs, qui a eu lieu le 1er décembre 1975, le
ministre québécois des Consommateurs, Mme Bacon, a
carrément demandé que l'avant-projet de loi fédéral
sur la protection des emprunteurs soit retiré et qu'aucun projet de loi
ne soit déposé au Parlement fédéral. Ce projet, en
effet, entrait en conflit direct avec le Code civil et les lois
québécoises sur les contrats et la protection des
consommateurs.
Je voudrais attirer l'attention du ministre sur le fait qu'il s'agit
d'une question extrêmement importante, non seulement parce que cette loi
constituerait une intrusion, un empiétement sur le droit civil et
créerait un dangereux précédent quant à la notion
"d'intérêt national, " notion constitutionnelle qui est en cause,
mais aussi parce que ce projet de loi fédérale permettrait
à Ottawa de réglementer, directement les caisses d'épargne
et de crédit. Je ne sais pas si le ministre étant conscient de
cet aspect de la question. Aux dernières nouvelles
peut-être le ministre en aura-t-il de plus fraîches que les miennes
le gouvernement fédéral n'avait nullement l'intention de
renoncer à son projet de loi. Ma question est simple: Qu'entend faire le
ministre? Quelle est l'attitude de son ministère, compte tenu de ce que
Mme Bacon a déclaré en décembre?
M. Cloutier: Le chef de l'Oppositon est donc au courant de la
déclaration de Mme Bacon.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: II en a pris connaissance. Il en a pris connaissance
où et comment? Est-ce qu'il n'en aurait pas, par hasard, pris
connaissance dans le bulletin du ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. Morin: C'est possible, mais comme j'en ai toute une
série...
M. Cloutier: Voilà un bel exemple d'information.
M. Morin: Je vous en pris, cessez...
M. Cloutier: Si vous me promettez de laisser tomber...
M. Morin: ... de prendre des attitudes comme celles-là. Je
puis, moi aussi, en prendre.
M. Cloutier: Je suis là pour faire de la politique
également. Vous nous avez accusés à vingt reprises de ne
pas donner de l'information. Là, vous vous servez justement d'un
bulletin du ministère pour votre thèse, parce que cela vous
arrange. Qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y a pas d'information.
M. Morin: M. le Président, sur les questions moins
importantes, il y a peut-être de l'information, mais ce que je reprochais
au ministre...
M. Cloutier: Ah! je vous...
M. Morin: c'est que sur des questions fondamentales comme le
partage des pouvoirs, il n'y ait pas moyen de savoir quoi que ce soit.
M. Cloutier: Tout est publié, mais il ne l'est pas
instantanément, parce que les imprimeurs nous demandent parfois un mois,
après une conférence, pour que le texte puisse apparaître
dans un bulletin quelconque. Alors, vous connaissez donc la position du
Québec. Cette position a été de s'opposer au projet. Je
dois dire, d'ailleurs, que le Québec n'a pas été
isolé. Plusieurs provinces s'y sont opposées, notamment les
provinces qui ont des lois de protection du consommateur. Pour l'instant, nous
continuons à protester.
M. Morin: Le ministre est-il au fait que ce projet permettra au
gouvernement fédéral de réglementer directement les
caisses d'épargne et de crédit? Avait-il saisi cet aspect de la
question?
M. Cloutier: Oui, nous sommes intervenus à plusieurs
reprises là-dessus. Si le gouvernement fédéral n'a pas
encore adopté ce projet de loi, c'est précisément à
cause des oppositions qui ont été logées.
M. Morin: Le ministre est-il en mesure de nous informer sur
l'état du dossier? Le gouvernement fédéral renoncera-t-il,
d'après ce qu'il en sait, à ses projets?
M. Cloutier: Le fédéral n'a pas encore
déposé son projet de loi. Nous avons fait connaître nos
arguments, nous avons fait connaître notre point de vue. Nous attendons
des réactions. C'est vrai pour plusieurs dossiers. Il n'y a pas d'autre
façon de procéder.
M. Morin: Si, par hasard, le Parlement procédait à
l'adoption de cette loi...
M. Cloutier: Encore une question hypothétique à
laquelle je ne répondrai pas. Il est impossible de vivre dans un
régime fédéral si on part du principe que
l'hypothèse la plus défavorable est toujours l'hypothèse
qui va prévaloir. S'il se passe quelque chose qui n'est pas...
M. Morin: Dans les faits, c'est souvent comme cela.
M. Cloutier: C'est possible. Comment voulez-vous travailler
autrement? Si, par hasard, il y a des initiatives qui sont prises, qui vont en
conflit avec des politiques du Québec, à ce moment, nous verrons
comment agir et de quelle façon nous ajuster. Il arrive assez
fréquemment que nous sommes obligés de nous ajuster, c'est
exact.
M. Morin: Le ministre consentirait-il à tenir l'Opposition
au courant des développements dans ce dossier? Je n'irai pas plus loin
si je puis avoir l'assurance que nous saurons ce qu'il se passe, mais pas
après le fait.
M. Cloutier: Ecoutez bien, malheureusement pour vous, vous
n'êtes pas au pouvoir. Personnellement, je crois que vous n'y serez
jamais, mais vous ne l'êtes pas. Par conséquent, vous n'êtes
pas le gouvernement. Je comprends votre frustration. Elle s'exprime dans
chacune de vos paroles, mais vous ne pouvez pas vous attendre à savoir
tout ce que le gouvernement fait. Ce n'est pas du secret, c'est de
l'administration. Il n'est pas possible de procéder autrement. Nous
informons en tant que ministère dans le domaine des relations
fédérales-provinciales. Nous informons constamment par le biais
de documents officiels que vous connaissez et dont vous vous inspirez. C'est ce
genre d'information que vous allez continuer à recevoir. De plus, la
démocratie, notre système parlementaire vous donne l'occasion de
poser toutes les questions. Posez demain cette question au ministre, vous avez
tous les ministres, de chacun des ministères, sous les yeux chaque jour.
Vous pouvez avoir non seulement une information officielle, mais une
information quotidienne. Qu'on ne vienne pas me dire que vous manquez
d'information.
M. Morin: M. le Président, je vais faire une confidence au
ministre. Ce qui est le plus frustrant...
M. Cloutier: ... Ah!
M. Morin: ... c'est de voir son gouvernement se défendre
quelquefois si mal devant Ottawa, et, surtout, ne pas aller chercher les appuis
qu'il pourrait obtenir du côté de l'Opposition et de l'opinion
publique, s'il pratiquait une politique d'information plus
systématique.
Je sais que peut-être on manque de personnel, mais c'est justement
la raison pour laquelle j'ai demandé au ministre s'il consentirait
à nous tenir au courant de ce dossier en particulier, et ce n'est pas
frustrer le pouvoir que de lui demander, bien modestement, de bien vouloir
communiquer à l'Opposition des dossiers sur lesquels il pourrait avoir
notre appui. Je n'ai pas soulevé ce problème pour nuire au
ministre...
M. Cloutier: Bien sûr que non...
M. Morin: Je n'ai pas soulevé ce problème... Le
ministre le prend-t-il sur ce ton? C'est ça qui est vexant.
M. Cloutier: Le gouvernement...
M. Morin: Je n'ai pas soulevé ce problème pour vous
embêter. Je l'ai fait parce qu'il intéresse tout le
Québec.
M. Cloutier: Mais vous êtes l'Opposition. Vous n'êtes
pas le gouvernement, et vous ne le serez pas. Vous voudriez, en quelque sorte,
être à notre
place, être associés à l'élaboration de tous
les dossiers, être associés à l'élaboration des
politiques, mais c'est de la naïveté, M. le chef de l'Opposition!
Soyons quand même un peu sérieux. La démocratie vous offre
les moyens de vous renseigner. Par ailleurs, le gouvernement publie tous ses
textes officiels aussitôt qu'il y a une déclaration qui prend ce
caractère. Je ne sais vraiment pas ce qu'il vous faut de plus.
M. Morin: M. le Président, je vais vous tracer le
scénario de ce qui pourrait se passer dans ce dossier, comme dans bien
d'autres, scénario devant lequel nous avons été mis bien
des fois, dans le passé.
Le gouvernement fédéral procède, sans en informer
nécessairement l'Opposition au Québec, à poser un acte qui
est contraire soit à la constitution, soit aux intérêts du
Québec. Le gouvernement du Québec est mis au courant de la chose
quelques jours plus tard; quelquefois, en effet, on a soin de ne pas le tenir
informé lui-même. Et l'Opposition l'apprend, quelquefois par
hasard, plusieurs autres jours plus tard, de sorte que tout le monde a perdu un
temps précieux, et, de surcroît, quand, pour dissimuler ses
faiblesses, le gouvernement du Québec reste silencieux et ne
soulève pas le problème de lui-même, personne ne sait ce
qui se passe. C'est le scénario le ministre ne peut pas le
nier qui s'est déroulé à plusieurs reprises depuis
quelques années.
C'est la raison pour laquelle je demande au ministre, à
l'occasion, et sur des dossiers précis, s'il veut bien informer la
commission.
M. Cloutier: Bien sûr! Mais vous êtes l'Opposition.
On dirait que vous l'oubliez, et non seulement vous êtes l'Opposition,
vous êtes une Opposition qui a opté pour une thèse qui vise
à la destruction du système. Vous êtes par
conséquent, une Opposition particulière. Nous vous informons,
comme nous informons la population, par le biais de nos actes officiels, et
vous avez, en plus de ça, puisque vous vous inscrivez dans le
système démocratique, la possibilité de questionner le
gouvernement.
Le ministère, parce que là, c'est de ça qu'il
s'agit, au fond, et nous le faisons constamment, joue son rôle de chien
de garde en ce qui concerne l'empiétement possible sur le plan
constitutionnel des législations fédérales. Il le fait
constamment. Nous avons même mis au point il y a beaucoup de
renseignements de cet ordre que je pourrais vous donner si j'en avais le loisir
à la direction générale des relations
fédérales-provinciales, un système qui nous permet de
vérifier toutes les lois fédérales, non pas avant qu'elles
soient faites, mais lorsqu'elles sont déposées. Parce qu'il va de
soi que le gouvernement fédéral a le devoir de gouverner, et il
n'informe pas toujours les provinces de toutes ses législations. Avant,
dans certains cas, ça se produit. Cela ne se produit pas dans tous les
cas.
M. Morin: Mon scénario se confirme.
M. Cloutier: Et, à notre comité, le CCRI. dont je
vous ai parlé, qui a un rôle très précis, toutes ces
lois sont revues, et lorsqu'il est nécessaire d'intervenir, nous
intervenons.
M. Morin: Bien! Le ministre admettra-t-il tout de même que
l'Opposition ne peut jouer son rôle, à l'occasion, que si elle a
un minimum de renseignements? Or, je puis donner au ministre des exemples de
cas où nous n'avons pas eu l'information à temps.
C'est la raison pour laquelle je vous demande... Dans ce cas
précis, je vous pose une question très précise.
M. Cloutier: Allez-y! C'est de la naïveté.
M. Morin: Dans ce cas précis, auriez-vous l'obligeance,
puisque vous avez désormais, dans le cadre du CCRI, un système
d'enregistrement des lois fédérales vous ne pouvez pas
dire que je n'y mets pas les formes...
M. Cloutier: Oui, je l'apprécie beaucoup, cela aide.
M. Morin: ... de déposer un exemplaire de ce projet ou un
photostat de ce projet de loi fédéral en Chambre, de sorte que
nous sachions ce qui se passe.
M. Cloutier: Non, parce que votre problème est que vous
êtes dans l'Opposition.
M. Morin: Nous n'avons pas le droit d'être
renseignés.
M. Cloutier: Oui, vous avez le droit d être
renseignés, mais non pas à toutes les étapes de
l'évolution d'un dossier et c'est pour cela que j'ai tenté de
vous faire comprendre mais bien sûr, mes efforts ont
été infructueux jusqu'ici que nous déposions tous
les textes importants. Nous publions toutes les déclarations qui
constituent des vues globales de notre politique. C'est nous qui gouvernons
et... Opposition...
M. Morin: Personne ne vous conteste cela. J'espère que
votre appétit de puissance n'est pas frustré ce soir.
M. Cloutier: Non. J'essaie de vous faire comprendre... Ce que
vous souhaitez est que tous les dossiers vous soient ouverts...
M. Morin: Allons donc!
M. Cloutier: ... ce que vous appelez un manque d'information,
c'est que vous souhaiteriez être associé à la
définition de nos politiques, mais écoutez, c'est de
l'aberration, c'est la négation même du système qui est le
nôtre.
M. Morin: Le ministre se moque de moi et je le regrette. Je ne
lui ai jamais demandé d'être asso-
cié à l'élaboration des politiques de son
ministère. Ce n'est pas du tout cela qui est en cause.
M. Cloutier: D'ailleurs, dans ce cas particulier, c'est le pire
exemple que vous puissiez choisir. Il s'agit d'un avant-projet de loi. Alors,
il faudrait maintenant que nous déposions, à notre
Assemblée nationale, un avant-projet de loi fédéral alors
que c'est la Chambre des communes qui doit en être saisie en premier.
Mais écoutez, où sommes-nous?
M. Morin: Je tie vous ai pas parlé de l'avant-projet de
loi. Je vous ai parlé du projet de loi.
M. Cloutier: Mais nous ne l'avons pas, c'est un avant-projet de
loi. Quand le projet sera déposé là où il doit
l'être, c'est-à-dire à la Chambre des communes...
M. Morin: Le ministre fait semblant de ne pas comprendre ce
à quoi je fais allusion. Je ne lui ai pas demandé d'ailleurs de
nous donner tous les dossiers, tous les renseignements. Cela serait chaque jour
une masse énorme de documents. Je lui dis: Dans ce dossier que,
personnellement, j'estime particulièrement important, étant
donné qu'il met en cause le droit civil et la notion
"d'intérêt national" telle que comprise par les
fédéraux, qu'il met en cause aussi les caisses d'épargne
et de crédit, j'aimerais qu'il nous tienne au courant.
Va-t-il falloir que j'appelle tous les jours à son
ministère...
M. Cloutier: Pourquoi le chef de i'Opposition ne s'abonne-t-il
pas, avec les fonds que l'Assemblée nationale lui consent, aux projets
de loi fédéraux? Il les recevra comme tout citoyen. Pourquoi
faudrait-il que cela soit le ministère des Affaires
intergouvernementales qui dépose les projets d'un autre gouvernement
à son Assemblée nationale?
M. Morin: Je lui demandais de nous renseigner dans ce cas. Cela
aurait été utile...
M. Cloutier: Quand il y aura projet de loi...
M. Morin: ... parce que nous les recevons beaucoup plus tard que
le gouvernement qui est sans doute mieux équipé que nous sur ce
plan. C'est la seule différence qu'il y ait. Je sais que le gouvernement
est puissant. Je sais que le ministre l'est et conscient d'avoir le pouvoir
dans ses mains. Je sais que le ministre se prend pour Jupiter, mais les pauvres
humains lui demandent de les renseigner.
M. Cloutier: Le chef de l'Opposition s'amuse et manifeste toutes
ses frustrations. Il ne semble pas comprendre quel est notre régime
parlementaire et vous m'en voyez absolument sidéré...
M. Morin: Passons à autre chose.
M. Cloutier: ... parce qu'après tout, je croyais qu'il
avait une certaine expérience dans ce domaine.
M. Morin: Je pense que cela ne sert de rien... M. Cloutier:
II a compris. Bravo!
M. Morin: Le rapport Bouchard recommandait que le Québec
récupère en entier le contrôle dans le domaine des
assurances. Il semble que jamais rien n'ait été fait pour donner
suite à cette recommandation pourtant fort importante. Le nouveau
ministre a-t-il l'intention de reprendre cette suggestion qui nous paraît
non seulement sensée, mais importante aussi sur le plan
économique?
M. Cloutier: Je vais essayer, encore une fois, d'expliquer au
chef de l'Opposition de quelle façon fonctionne le ministère,
ministère de coordination qui s'occupe des aspects constitutionnels,
mais qui respecte la responsabilité des ministères sectoriels en
ce qui concerne les contenus. Il y a une partie de cette question qui devrait,
normalement, être discutée à la commission qui
relève du ministère des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières.
M. Morin: Et l'aspect constitutionnel?
M. Cloutier: En ce qui concerne l'aspect constitutionnel, le
dossier n'a pas évolué et il semble que le gouvernement
fédéral ne soit pas intervenu. C'est une situation que nous
continuons de suivre.
M. Morin: Etes-vous, vous-même, intervenu? J'entends: Le
ministère est-il intervenu récemment?
M. Cloutier: Non. Le dossier est au point mort, apparemment. Il
n'y a pas eu de discussions avec le gouvernement fédéral depuis
des mois.
M. Morin: Comptez-vous revenir sur la question au cours des mois
qui viennent?
M. Cloutier: Stratégiquement, on va plutôt attendre
qu'on vienne à nous.
M. Morin: Et si par hasard on ne venait pas à vous. Ne
trouvez-vous pas que dans le dossier des assurances, cela risque d'être
grave?
M. Cloutier: Question hypothétique. C'est la
troiscentième. Je ne réponds pas. Je ne réponds pas aux
questions hypothétiques. Il n'y a pas moyen de faire évoluer quoi
que ce soit si on tombe dans ce jeu-là.
M. Morin: Croyez-vous vraiment que cette politique d'attentisme,
dans un dossier où le gouvernement fédéral est
déjà installé, soit une politique intelligente? Le
gouvernement fédéral est déjà dans le dossier, dans
les assurances. Ce rapport
qui date déjà d'il y a quelque temps nous recommande de
les récupérer.
M. Cloutier: Vous vous éloignez considérablement
actuellement des aspects constitutionnels. Je reviens à l'explication
que j'ai donnée à plusieurs reprises. En ce qui concerne le fond
du problème, le ministère des Affaires intergouvernementales
n'est pas tout le gouvernement. Il n'a pas à expliquer toutes les
politiques, celles des Affaires sociales, des Communications, de l'Immigration,
comme vous avez tenté de me le faire faire au début de cette
discussion. Bien sûr, il s'agit là de politiques gouvernementales
et en tant que membre du Conseil des ministres, je suis impliqué. Mais
en tant que chef d'un ministère, ma responsabilité est
différente, en un certain sens.
M. Morin: Aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Cloutier: Non, absolument pas. Pas du tout, je n'ai rien
à ajouter.
M. Morin: Vos adjoints vous glissaient quelque chose à
l'oreille.
M. Cloutier: Non, nous bavardions. Nous bavardions d'autres
choses. Nous nous demandons si on adopte l'article. Elément 1.
M. Morin: M. le Président, il y a des moments où je
regrette vraiment la présence de l'ancien ministre...
M. Levesque: Ne commencez pas, parce que là vous allez...
Ne me mettez pas en cause parce qu'à ce moment-là...
M. Morin: Dieu sait pourtant que nous avons eu des
empoignades!
M. Cloutier: ... la discussion des crédits de
l'année dernière.
Commerce extérieur
M. Morin: II y a des moments où je regrette ce bon vieux
temps, où tout de même nous arrivions à obtenir quelques
petits renseignements de temps à autres.
Passons à autre chose. L'an dernier, le ministre de
l'époque nous avait expliqué que le Québec avait
renoncé à son désir d'avoir un représentant au sein
de la délégation canadienne auprès du GATT. Vous vous
souviendrez qu'il fut un temps où on avait étudié cette
possibilité et j'ajouterai que l'Opposition avait appuyé cette
attitude du gouvernement. Le Québec semble avoir renoncé à
cette attitude en échange d'un engagement, de la part d'Ottawa, de ne
rien faire sans consulter au préalable un comité consultatif
auquel le Québec était représenté par M. Robert De
Coster. Je vous rappelle que l'échange entre le ministre et
moi-même a eu lieu à la page B-3922 à ce sujet. J'aimerais
demander au ministre, premièrement, si le ministère est satisfait
du fonctionnement de ce comité consultatif. Combien de fois a-t-il
siégé? Qui a remplacé M. De Coster depuis que celui-ci a
été nommé à la Régie anti-inflation?
M. Cloutier: M. Lacroix qui nous représentait à
Genève, pour une période de six mois, est revenu. Je pense que si
le gouvernement a décidé de ne pas le remplacer là-bas,
c'est qu'il a jugé plus utile de faire porter les efforts sur les
discussions ici même au Canada.
M. Morin: M. Lacroix était l'observateur du Québec
et non son représentant.
M. Cloutier: C'est cela.
M. Morin: C'était un observateur.
M. Cloutier: II était, si vous voulez, observateur ou
représentant. On ne peut pas faire ces distinctions en ce moment.
M. Morin: Vous connaissez la différence entre
l'observateur et le représentant, tout de même. Comme
représentant du Québec, il aurait été sans doute
membre de la délégation canadienne auprès du GATT.
M. Cloutier: II s'agissait d'un observateur.
M. Morin: II s'agissait d'un observateur. C'était bien mon
impression.
M. Cloutier: On a mis en place un comité
Québec-Ottawa, en fait un comité multilatéral où
toutes les provinces sont représentées, en plus du gouvernement
fédéral. Ce comité s'est réuni à quelques
reprises. Par la suite, à Québec, un comité a
été créé et on a chargé M. Saint-Pierre, le
ministre de l'Industrie et du Commerce, de présider le comité de
négociation avec Ottawa. Selon ce que nous avons vu au ministère
et les témoignages que nous avons reçus de l'autre gouvernement,
la position du Québec, qui a été préparée en
collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, est une
excellente position; elle était assez détaillée, elle
portait sur la plupart des secteurs de négociation. Cette position a
été transmise à Ottawa et on est en train de l'examiner.
Je pense qu'on n'a pas complété son examen, mais selon les
premières réactions qu'on a eues d'Ottawa, on a trouvé que
la position québécoise était fort bien
présentée. Les discussions se poursuivent et c'est M.
Saint-Pierre qui est chargé, au palier ministériel, de la
négociation de ce dossier avec le ministre fédéral...
M. Morin: Qui a remplacé M. De Coster au sein du
comité consultatif?
M. Cloutier: M. Dinsmore, sous-ministre. M.Morin: M.
Dinsmore, le sous-ministre? M. Cloutier: Et, en plus, il y a deux ou
trois
sous-ministres qui font partie du comité de la négociation
sous la présidence de M. Saint-Pierre, dont M. Arthur Tremblay, notre
sous-ministre, qui fait également partie de ce comité.
M. Morin: Le représentant du Québec à ce
comité reçoit-il un mandat visé par votre ministère
ou s'il reçoit son mandat strictement de l'Industrie et du Commerce?
M. Cloutier: On peut dire que la position du Québec a
d'abord été approuvée au CCRI.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: Et, par la suite, cela a été
approuvé au cabinet et M. Saint-Pierre négocie avec un mandat du
cabinet.
Ce sont les mécanismes que j'ai décrits au
début.
M. Morin: Donc, en fait, il se trouve... M. Cloutier: A
exécuter un mandat...
M. Morin:... à exécuter un mandat qui vient de
votre ministère.
M. Cloutier: C'est ça.
M. Morin: Je comprends bien?
M. Cloutier: A toutes fins utiles, oui.
M. Morin: C'est ce que je voulais savoir. Pourriez-vous me
préciser combien de réunions du comité consultatif ont eu
lieu?
M. Cloutier: Le comité consultatif a été mis
en place en 1975.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: Alors il y a eu une première réunion
le 14 novembre.
Il y en a eu au moins à deux reprises depuis et il y en a une qui
s'est tenue il y a environ trois semaines. On peut dire quatre ou cinq fois au
maximum.
Il y a eu également des rencontres bilatérales
Québec-Ottawa en dehors du cadre officiel des réunions du
comité multilatéral dont je parlais tout à l'heure. Il y a
eu des rencontres particulières entre Québec et Ottawa et, selon
nos informations, il y a eu au moins quatre ou cinq rencontre
bilatérales Québec-Ottawa en plus des rencontres du
comité.
Le comité, j'ai le chiffre exact, a tenu trois rencontres, avec
celle de fin mai.
M. Morin: Et c'est au cours de ces rencontres que le
Québec a déposé les propositions dont vous nous parliez il
y a un instant. Ces propositions ont-elles été débattues
au sein du comité consultatif ou ont-elles été
communiquées directement au gouvernement fédéral?
M. Cloutier: Pardon?
M. Morin: Je vous demandais si les propositions du Québec
ont été communiquées au comité consultatif ou au
gouvernement fédéral?
M. Cloutier: Elles ont été communiquées
directement au gouvernement fédéral.
M. Morin: Quel est, à ce moment, le rôle du
comité consultatif?
M. Cloutier: Le comité consultatif canadien... M.
Morin: Oui.
M. Cloutier:... a pour but de discuter de la position canadienne
de façon qu'elle tienne compte des intérêts de l'ensemble
des provinces. Vous vous doutez bien que les intérêts du
Québec ne sont pas nécessairement les intérêts de
l'Ontario dans une négociation...
M. Morin: II y a longtemps que nous essayons de persuader le
gouvernement de cette vérité élémentaire.
M. Cloutier: Allons, allons! C'est bien évident que tous
les intérêts des provinces divergent. C'est dans la nature des
choses, c'est ça le fédéralisme. Je ne sais pas quel genre
de pays vous tentez d'imaginer, alors qu'il n'y aurait jamais de conflit avec
les voisins.
M. Morin: Nous n'avons jamais imaginé un pays sans
conflits.
M. Cloutier: De même, vous avez des intérêts
différents des autres...
M. Morin: II est impossible qu'un pays n'ait pas de conflits;
même les états souverains en ont et...
M. Cloutier: Bien sûr, ils en ont à
l'intérieur et à l'extérieur.
M. Morin: ... forcément, le problème est toujours
d'arriver à résoudre ces tensions et sur cela, je n'ai pas de
querelle avec le ministre. Mais je veux simplement savoir, en gros, sur quoi
ont porté les représentations du Québec. Est-ce que, par
exemple, il y a eu des représentations sur le textile?
M. Cloutier: On pourrait vous donner la liste des secteurs, si
vous souhaitez, effectivement, je faisais état tout à l'heure des
études québécoises...
M. Morin: Est-ce possible?
M. Cloutier: ... elles ont porté sur une quinzaine, une
vingtaine de secteurs, aussi bien sur les barrières tarifaires que non
tarifaires et, pour chacun des secteurs, il y a eu des études
indiquant,
en conclusion, la position qui serait souhaitable pour le Québec.
Au total, cela fait un document assez volumineux.
M. Morin: J'ai l'intention d'en discuter plus à fond avec
le ministre de l'Industrie et du Commerce, parce que c'est un autre aspect du
dossier. Mais, si j'ai bien compris, à l'heure actuelle, ce document est
entre les mains du pouvoir fédéral qui vous a fait savoir que
votre devoir avait été bien fait. C'est cela? Bon! Mais vous ne
connaissez pas encore du tout sa réaction.
M. Cloutier: Les discussions se poursuivent. Je crois que, dans
cette perspective, il y aurait intérêt à ce que la
discussion soit portée à la commission qui relève du
ministère de l'Industrie et du Commerce. Cela illustre bien...
M. Morin: Je n'avais pas l'intention de demander au ministre
quelle était son attitude sur les filaments de polyester.
M. Cloutier: Vous savez, rien ne m'étonnerait.
M. Morin: Si vous y tenez, je peux vous poser la question.
M. Cloutier: Allez-y.
M. Morin: Je ne veux pas que vous ayez l'air ignorant de ces
questions. Je ne vais certainement pas vous poser des questions qui ne sont pas
de votre ressort.
M. le Président, dans une déclaration faite à la
presse le 7 février 1976, dans le Soleil, sans doute un autre titre que
le ministre aurait récusé avec violence.
M. Cloutier: Je récuse souvent de ces...
M. Morin: C'était intitulé: "Révision
constitutionnelle, Cloutier se rétracte". Après le titre de ce
matin, c'est complet.
M. Cloutier: Le problème du titre, c'est bien sûr
que les journaux cherchent à accrocher le lecteur. Il est bien
évident qu'on ne peut pas résumer une pensée
forcément nuancée lorsqu'il s'agit de problèmes
difficiles.
M. Morin: Oui. Toujours est-il que c'est un autre de ces articles
qui ne faisaient pas votre affaire...
M. Cloutier: Oh! Il y a un bon nombre, en effet, de... Il y a
beaucoup de choses à dire sur l'information et je les dirai à
l'occasion.
M. Morin: Dans cet article, le ministre, à ce qu'on nous
dit, a dévoilé que le Québec avait fait une demande pour
avoir son mot à dire dans les négociations entre le Canada et le
Marché commun, puisque le Québec est, parmi les provinces
canadiennes, le premier exportateur vers la Communauté économique
européenne.
Puis-je demander au ministre quelle réponse il a reçue
à cette requête?
M. Cloutier: J'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre des
Affaires extérieures, M. MacEachen, pour discuter d'un certain nombre de
sujets. J'ai abordé, entre autres, ce sujet...
M. Morin: Qui était d'actualité à ce
moment-là.
M. Cloutier: Bien sûr, c'est d'ailleurs pour cela que la
rencontre avait lieu. J'ai suggéré que nous mettions au point un
mécanisme de concertation, puisqu'il s'agira d'accords qui porteront
largement sur des domaines de compétence provinciale.
J'ai suggéré que l'on utilise certains modèles. Il
en existe un, par exemple, avec le Bureau international du travail, qui donne
satisfaction, et nous sommes en discussion à ce sujet-là. En
attendant, nous recevons quand même de l'information. Il ne s'est rien
passé, qui soit définitif, sur le plan des
négociations.
Nous avons également, à la délégation
générale de Bruxelles, quelqu'un qui suit, de façon
particulière en fait, plusieurs fonctionnaires, qui suivent, de
façon particulière les négociations avec le
Marché commun. Nous sommes présents, autrement dit.
M. Morin: Oui, je sais cela. C'est heureux que nous ayons une
délégation si bien dirigée à Bruxelles. Ma question
porte sur les propositions que le ministre a pu faire à son "monologue"
fédéral. Est-ce qu'il s'agissait d'un mécanisme de
consultation entre les deux niveaux de gouvernement, portant sur les
négociations en question?
M. Cloutier: C'est bien cela.
M. Morin: Mais, d'autre part, le ministre nous dit que les
négociations n'ont pas progressé depuis février. Je n'en
suis pas si sûr.
M. Cloutier: J'ai dit qu'elles n'avaient pas abouti.
M. Morin: J'ai cru savoir, à l'occasion, que les
négociations battaient leur plein; je ne tiendrais pas pour acquis
qu'elles n'ont pas avancé.
M. Cloutier: Elles ont peut-être avancé, mais elles
n'ont pas amené quelque chose de définitif. Elles n'ont pas
débouché sur des accords. C'est cela que je voulais dire.
M. Morin: Allez-vous attendre qu'elles aient
débouché sur des accords pour...
M. Cloutier: Pas du tout.
M. Morin: ... revendiquer d'être consultés
systématiquement?
M. Cloutier: Non, pas du tout. Les mécanismes sont
actuellement considérés. J'ai souvent, d'ailleurs, des
discussions avec le ministre des Af-
faires extérieures sur des sujets comme cela. Nous avons des
rencontres assez fréquentes ou des conversations
téléphoniques.
M. Morin: Est-ce cela le mécanisme de consultation? Ce
sont des appels téléphoniques au ministre? N'y a-t-il pas quelque
chose de plus permanent?
M. Cloutier: Pour l'instant, il n'y a rien de plus permanent, il
n'y a rien d'institutionnalisé. Nous avons un comité de
fonctionnaires qui est une espèce de comité ad hoc, qui se
réunit régulièrement, certainement au moins une fois par
mois, pour discuter des problèmes susceptibles d'exister entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement québécois.
C'est une des matières...
M. Morin: En particulier dans le domaine de la Communauté
économique européenne.
M. Cloutier: ... qui est abordée.
M. Morin: Mais, pour être précis, si je comprends
bien, Ottawa n'a pas encore donné suite à votre suggestion?
M. Cloutier: Non, nous n'avons pas eu une suite
définitive, mais nous avons une autre rencontre qui est prévue
dans très peu de temps. C'est à cette occasion... Nous parlons,
en ce moment, du domaine international. On a quitté le programme 1.
M. Morin: Non, nous sommes...
M. Cloutier: Cela ne nous gêne en rien.
M. Morin: ... dans la discussion préliminaire.
M. Cloutier: Ah! c'est cela. On va approuver de façon
globale, j'imagine.
M. Morin: Oui, nous approuverons très rapidement tous les
programmes par la suite, comme nous l'avons toujours fait dans le
passé.
M. Cloutier: Non, moi, cela ne me gêne pas.
M. Morin: Les crédits soulèvent très peu de
difficultés. Ce n'est pas là que nous allons consumer beaucoup de
temps. J'aimerais savoir si vous allez vraiment insister pour qu'un
mécanisme de consultation réel, tangible, soit
créé.
M. Cloutier: Oui, bien sûr. C'est un élément
qui est en discussion, parmi d'autres éléments. Nous faisons
valoir notre point de vue régulièrement. Nous sommes
présents. Je crois que la plupart des dossiers évoluent
favorablement. Je dois dire que je suis satisfait de la collaboration que
j'obtiens du ministère des Affaires extérieures, de ce point de
vue.
M. Morin: Etes-vous pleinement informé de tout ce qui se
passe dans ces négociations?
M. Cloutier: Nous considérons l'être suffisamment,
mais nous allons également aux renseignements. Je suggère au chef
de l'Opposition, à l'occasion, faire la même chose. Non, je ne
devrais pas ouvrir à nouveau le débat de l'information, mais,
ayant quelqu'un sur place, bien sûr, il y a beaucoup d'information qui
vient également par contact, par connaissance. Cela n'est pas à
éliminer...
M. Morin: Non.
M. Cloutier: ... parce que l'information qu'on reçoit d'un
gouvernement est parfois une information qui peut être complète
sans l'être. Il y a toujours un contexte qui a intérêt
à être élucidé. C'est tout l'avantage d'une
présence.
M. Morin: Bien. Donc, pour en terminer avec ce sujet, au cours
d'une prochaine rencontre avec le ministère des Affaires
extérieures, vous allez, si je comprends bien, insister pour que ce
mécanisme soit créé?
M. Cloutier: D'autant plus que je ne suis pas satisfait encore de
ce qui a été acquis par le gouvernement fédéral.
J'ai fait une demande précise. Elle a été faite à
plusieurs reprises. Dans une réunion de travail avec M. MacEachen et
plusieurs fonctionnaires, je suis revenu sur la question. Je n'ai pas eu encore
toutes les réponses que je souhaite avoir
M. Morin: II me semblait...
M. Cloutier: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que je
suis entièrement satisfait, mais je dis que, dans l'ensemble, ia
collaboration, jusqu'ici, a été bonne. Mais, elle n'a pas
débouché, dans ce cas précis, sur un mécanisme, tel
que je le souhaiterais.
M. Morin: Je pense que le ministre commence à comprendre
un peu comment doit fonctionner le dialogue.
M. Cloutier: Pas du tout. C'est parce que, vous me posez, pour la
première fois, des questions précises qui portent sur des
dossiers précis.
M. Morin: Au départ, j'avais l'impression que vous
étiez reparti sur la même tangente.
M. Cloutier: Puis-je me permettre de vous faire remarquer que
vous avez choisi de transformer cette commission parlementaire en un vaste
débat politique portant entre autres sur la constitution.
M. Morin: Comment éviter la chose?
M. Cloutier: Nous arrivons sur des dossiers précis. Je
réponds à vos questions.
M. Morin: Mais, vous ne pensiez pas, j'imagine, échapper
à tout le moins à un dialogue sur la question
constitutionnelle.
M. Cloutier: Vous appelez cela un dialogue. Je n'avais pas du
tout l'intention d'y échapper, bien au contraire. Mais, ce que j'essaie
de vous faire remarquer, c'est que vous avez les réponses qui sont
adaptées à la situation. Il s'agit ici d'un problème
précis.
M. Morin: Enfin!
M. Cloutier: J'ai toujours répondu clairement à
toutes les questions que l'on m'a posées...
M. Morin: J'espère que le ministre...
M. Cloutier: ... compte tenu, bien sûr, de
l'intérêt public et compte tenu de la nature du dossier.
M. Morin: J'espère que le ministre va conserver cette
attitude. Je vais souvent lui en donner l'occasion ..
M. Cloutier: Je l'ai depuis le début.
M. Morin: ... de faire le point et de dire qu'il n'est pas
entièrement satisfait de la situation. Mais, si, pour essayer de me
tenir tête, il me dit constamment qu'il est totalement satisfait et qu'il
n'y a pas de problème...
M. Cloutier: Je ne l'ai jamais ait. Voulez-vous me...
M. Morin: ... les fédéraux liront cela et se diront
que tout va pour ie mieux dans le meilleur des mondes.
M. Cloutier: ... citer une seule de mes remarques où je me
suis dit pleinement satisfait? J'ai même commencé mes remarques
préliminaires en vous expliquant une certaine conception du
fédéralisme, en disant clairement que je n'étais pas, pour
ma part, satisfait de l'évolution actuelle.
M. Morin: Je souhaite simplement...
M. Cloutier: Constamment, je l'ai fait et c'est vous qui
déformez les faits, actuellement.
M. Morin: ... que le ministre ne voie pas systématiquement
des pièges dans mes questions. J'essaie seulement d'obtenir
l'information et de lui donner peut-être l'occasion de faire savoir
certaines choses, aussi bien au gouvernement fédéral qu'à
l'opinion publique.
M. Cloutier: Je concède que, dans le cas particulier,
depuis qu'on aborde les dossiers sectoriels, il n'y a peut-être pas de
pièges et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il m'est facile de
répondre, mais, en revanche, je prétends que, dans le
débat constitutionnel, tel que vous l'avez conduit, il y avait
très certainement des pièges. Aurais-je cédé,
j'aurais nui considérablement à l'évolution du dossier. Si
vous ne vous en rendez pas compte, c'est que vous n'avez aucune
expérience en négociation.
M. Morin: Je pense que votre formation antérieure vous
conduit peut-être à voir des pièges là où il
n'y en a pas, mais passons.
M. Cloutier: N'évoquez pas trop ma formation
antérieure, vous risqueriez d'entendre des commentaires que vous
n'aimeriez peut-être pas.
Développement économique
M. Morin: Sûrement. Nous allons passer là-dessus.
J'imagine qu'il n'y a pas plus terribles les uns pour les autres que les
psychiatres.
L'année dernière, en commentant la signature toute
récente de l'entente-cadre sur le développement
économique, le ministre prédécesseur de l'actuel ministre
paraissait tout confiant.. Désormais, nous disait-il, ce serait le
Québec qui fixerait ses objectifs en fonction de ses besoins.
Le ministre pourra retrouver cet échange à la page B-3916.
On prévoyait toujours selon M. Levesque, à l'époque
diverses ententes auxiliaires qui seraient signées incessamment,
dont l'une sur le développement touristique, si important pour plusieurs
de nos régions. Or, cette entente auxiliaire sur le tourisme, je ne
sache pas qu'elle ait été signée; à moins que le
ministre ne nous ait pas tenus informés d'un fait capital, je ne sache
pas qu'elle ait été signée. Je me demande bien pourquoi.
Serait-ce à cause du chantage de MM. Buchanan et Chrétien, au
sujet du parc Saguenay? Je me permets de rappeler au ministre la lettre dont je
lui ai envoyé copie d'ailleurs j'espère qu'il m'en saura
gré lettre adressée par le ministre Buchanan à son
collègue et cher ami, The Honourable Donald Jamieson, à cette
époque ministre de l'Expansion économique régionale.
Je me permets de citer certains passages traduits de cette lettre et qui
sont fort instructifs sur la façon dont le pouvoir fédéral
mène les négociations et définit ses relations avec le
Québec. Voici quelques passages: "Les résultats que j'aimerais
obtenir de ces négociations c'est le ministre
fédéral qui parle sont problématiques, en raison du
fait que le gouvernement provincial et le ministre Claude Simard, en
particulier, ne sont pas enthousiasmés à l'idée de
créer un tout nouveau parc national au Québec." Ces
euphémismes britanniques sont de premier ordre. "Toutefois, la
population de toute la région appuie fortement la création de ce
parc, tout comme notre collègue, le député
fédéral Paul Langlois. D'un autre côté, mon
prédécesseur, Jean Chrétien et moi-même, nous nous
sommes personnellement engagés à créer ce parc, et,
à mon avis, les propositions que j'ai faites à mon
collègue de Québec recevraient une réponse favorable si
elles faisaient partie d'un "package deal" qui lui serait acceptable ainsi
qu'à la province. "A l'heure actuelle, mon cher Don j'ajoute:
"Mon cher Don," entre crochets, afin que l'on comprenne qu'il s'agit du
ministre Buchanan
s'adressant à son collègue tu négocies un
accord général de trois ans pour le développement du
tourisme dans la province, sur lequel on prévoit, entre autres choses,
que le gouvernement fédéral assumera une partie des coûts
des acquisitions de terrain le long du Richelieu, pour fins de parcs
provinciaux: bois de Verchères, mont Saint-Bruno et Rougemont,
îles de Sorel. "Le développement du Richelieu est, au fait, une
priorité pour le gouvernement québécois et, heureusement,
il en va de même pour moi, en ce qui concerne particulièrement le
développement de ce corridor à des fins de
récréation et de conservation. Le gouvernement du Québec
est au courant, et je suis prêt à négocier une entente de
ce genre. "Ayant tout cela à l'esprit continue le ministre qui a
à coeur, comme on va le voir, les intérêts du Québec
et à ce point particulier des négociations, j'aimerais te
proposer une stratégie qui pourrait aider nos deux ministères
à atteindre leurs objectifs commun au Québec. "Ainsi,
j'apprécierais recevoir une assurance de ta part que l'entente entre le
Québec et le MEER j'entends le ministère de l'Expansion
économique régionale ne sera pas signée avant
qu'une lettre d'intention au sujet de la création du parc national du
Saguenay ne soit signée entre moi-même et le ministre Claude
Simard et que cette entente entre le Québec et le MEER comportera une
clause à l'effet que les contributions fédérales pour
l'acquisition de terrains dans la région du Richelieu seront assujetties
à la signature d'une entente sur la récréation et la
conservation entre les deux niveaux de gouvernement. "Inutile de dire que je
crois qu'en procédant de la sorte, nous réussirions à
mettre en grande évidence la présence manifeste du gouvernement
fédéral dans deux régions différentes de la
province de Québec. Je pourrais ajouter que mon
prédécesseur il s'agit de M. Chrétien a
gagné deux parcs nationaux au Québec en utilisant la même
sorte de "package deal" c'est une expression élégante pour
dire chantage alléchant pour la province".
J'aimerais savoir si la signature de cette entente qui paraissait
imminente l'année dernière a été retardée en
raison du "package deal" que proposait le ministre Buchanan. Comment votre
ministère a-t-il réagi à ce genre de relations
fédérales-provinciales?
M. Cloutier: D'abord, je précise qu'il y a eu trois
ententes auxiliaires de signées lors de la signature de l'entente-cadre
et que, depuis, il y en a eu quatre. Il reste deux ententes auxiliaires qui
n'ont pas été signées. Celle de PICA et l'entente sur le
tourisme. En ce qui concerne la lettre que vous avez lue, je ne vois pas
pourquoi et comment je commenterais un échange de lettres entre deux
ministres d'un autre gouvernement, lequel échange a fait l'objet d'une
fuite, apparemment. Je ne vois absolument pas pourquoi et comment je les
commenterais.
M. Morin: Cela ne vous instruit-il pas quelque peu sur la
façon dont le pouvoir fédéral conçoit ses rapports
avec le Québec? N'avez-vous pas appris à tout le moins quelque
chose par cette lettre?
M. Cloutier: Le fédéralisme donne des leçons
quotidiennes à ceux qui le pratiquent.
M. Morin: Qu'en termes élégants ces
choses-là sont dites! J'aimerais quand même demander au ministre
comment il se fait que son ministère n'ait pas dénoncé
publiquement ce genre de tactique. J'ajoute que ce genre de tactique est
vraiment contraire aux objectifs mêmes de l'entente-cadre, n'est-ce pas?
Je pense que le ministre en est conscient. Je ne vous cacherai pas que je
m'attendais à une réaction assez vive du ministère devant
ce genre de correspondance.
M. Cloutier: ... correspondance.
M. Morin: A mon avis, c'est un silence inexplicable et je crois
aussi intolérable pour quiconque a le moindrement de fierté dans
ses rapports avec Ottawa.
M. Cloutier: Non.
M. Cloutier: Je sais que le ministre ne manque point de
fierté, mais...
M. Cloutier: Si cette lettre m'avait été
transmise...
M. Morin: ... je n'ose croire que cette fierté ne soit que
de la fatuité. C'est certainement de sa part... Il devait avoir une
réaction devant un dossier comme celui-là.
M. Cloutier: Si ces lettres avaient été
portées à ma connaissance par les intéressés, bien
sûr, j'aurais commenté; mais il s'agit là d'une fuite, il
s'agit là d'un échange de correspondance entre deux ministres
d'un gouvernement qui n'est pas notre gouvernement. Je ne vois absolument pas
ni pourquoi ni comment j'aurais des commentaires officiels à faire.
En tout cas, ceci ne m'empêche pas...
M. Morin: C'est dans ce dossier-là...
M. Cloutier: ... de répéter ma phrase, à
savoir que le fédéralisme est plein d'enseignement.
M. Morin: En effet. Vous ne pourrez pas dire que, cette fois,
l'Opposition n'a pas pratiqué une politique d'information à
l'égard du gouvernement.
M. Cloutier: Je ne suis pas d'accord; parce que, d'abord, on n'a
pas besoin de l'Opposition pour être informé et parce qu'il y a
toujours cette espèce de contradiction dans le raisonnement du chef de
l'Opposition. Son éthique personnelle me semble de plus en plus
compromise. Il n'est pas d'accord avec les fuites et, cependant, il en
profite.
M. Morin: J'ai pensé qu'il était de mon devoir de
communiquer cette lettre au gouvernement du Québec lorsqu'elle est
tombée entre mes mains.
M. Cloutier: Comment est-elle tombée?
M. Morin: J'imagine que vous auriez tait la même chose.
M. Cloutier: Peut-on savoir? Vous ne citez pas vos sources.
M. Morin: Non. Je vais être très franc avec vous, je
ne les connais même pas personnellement.
M. Cloutier: Elle est arrivée comme cela.
M. Morin: Elle est certainement arrivée à la suite
d'une fuite. Je ne sais pas qui est l'auteur de la fuite et je ne sais pas
lequel de nous l'a reçue. Je sais qu'un jour, elle était sur mon
bureau et que j'en ai pris connaissance. Mon premier geste a été
de vous la communiquer.
M. Cloutier: Vous êtes certain que ce sont des lettres
authentiques.
M. Morin: Le ministre en doute-t-il? M. Cloutier: Quelle
preuve avez-vous? M. Morin: Le ministre en doute-t-il? M. Cloutier:
Je n'en sais absolument rien.
M. Morin: J'inviterais le ministre à s'en assurer; c'est
tout de même important.
M. Cloutier: Comment voulez-vous qu'on puisse le savoir?
M. Morin: J'ai pensé, de toute façon, qu'il
était essentiel au ministre d'avoir cette lettre dans son dossier, parce
que du point de vue de la stratégie fédérale, cela jette
quelque lumière sur la question. Donc, cette entente sur le tourisme n'a
toujours pas été signée.
M. Cloutier: Non, mais elle continue de se négocier.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: II restait plusieurs points, semble-t-il, du contenu
qui avaient à être précisés. C'est en cours.
M. Morin: Pensez-vous que ce sera réglé avant que
Parcs Canada n'ait obtenu le parc du Saguenay et peut-être quelques
autres morceaux du territoire québécois?
M. Cloutier: Dans mon esprit, les deux ne sont pas liés,
ne doivent pas être liés. Il y a une chose qui s'appelle l'entente
auxiliaire sur le tourisme et il y a une autre chose qui s'appelle Parcs
Canada.
M. Morin: Quelle est la position du ministère quant
à l'implantation de nouveaux parcs fédéraux au
Québec?
M. Cloutier: Je ne sais pas si cette question a été
posée au ministre du Tourisme.
M. Morin: Je sais qu'elle est évoquée dans votre
rapport annuel. C'est pour cela que je voulais vous donner l'occasion de le
dire.
M. Cloutier: Oui, bien sûr, parce que c'est quand
même une question de contenu. Cependant, je n'ai aucune objection
à vous dire que nous ne voyons pas d'un bon oeil l'implantation de parcs
fédéraux. Nous considérons que la loi
fédérale est une loi assez ancienne qui ne correspond pas aux
réalités actuelles. C'est surtout le principe de l'acquisition de
propriété qui fait difficulté. Maintenant, ce n'est pas de
cela que je parlais...
M. Morin: L'intégrité du territoire n'est-elle pas
en cause aussi?
M. Cloutier: Oui, très certainement. Nous ne sommes pas
contre l'implantation de parcs fédéraux, mais il y aurait des
modalités à trouver. Ce que je déplore, c'est que la loi
fédérale, qui est une loi désuète ce que
j'avais commencé à dire impose l'acquisition de terrains.
C'est là que cela nous fait difficulté.
M. Morin: Dans votre rapport, il semble que vous ayiez pris une
position un peu plus précise.
M. Cloutier: Elle est très précise, la position que
je viens de traduire.
M. Morin: On nous dit que tout en reconnaissant le droit du
gouvernement fédéral de financer l'établissement et le
fonctionnement de tels parcs, le Québec a proposé que la province
demeure propriétaire du territoire et assume la gestion des parcs.
M. Cloutier: C'est exactement ce que je viens de dire.
M. Morin: Est-ce que vous n'estimez pas, puisque le Québec
prétend demeurer propriétaire des parcs et en assumer la gestion,
qu'il serait utile que vous établissiez également le principe que
c'est le Québec qui finance l'achat, l'établissement et le
fonctionnement de tels parcs?
M. Cloutier: Le ministre du Tourisme prépare une loi qui.
à bien des points de vue, va en ce sens. Maintenant, s'il s'agit
d'utiliser à la suite d'ententes, les fonds fédéraux, il
n'y a pas d'objection de principe. Nous sommes à l'intérieur du
système. Si cela ne crée pas de problème en rapport avec
les
principes que nous avons établis, il n'y a pas de
difficulté. Nous sommes d'ailleurs à mettre au point une
politique beaucoup plus générale, touchant toutes les
acquisitions de terrains, parce qu'il y en a pas mal, de toute nature. Il n'y a
pas que le problème des parcs nationaux. Il y a également des
acquisitions de terrains qui se font, soit par le gouvernement
fédéral, soit par des agences ou des organismes
fédéraux. Alors, il y a une politique à mettre au point.
Nous sommes déjà très avancés.
M. Morin: Dans le cas de parc Saguenay, votre ministère
a-t-il son mot à dire? Est-ce que cela a été
négocié seulement par le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche ou bien si vous avez été
mêlé à ce dossier?
M. Cloutier: Nous l'avons été, mais cela a
été négocié surtout par le ministère du
Tourisme, peut-être pour des raisons historiques. Car le dossier est
né là-bas et a commencé à être
négocié avant la loi récente du ministère, avant
même que nous ayons un protocole d'entente avec ce ministère, mais
nous ne l'avons même pas encore. C'est le dernier qu'il nous reste
à signer. Mais notre point de vue a été mis de l'avant
chaque fois.
M.Morin: Dans le cas de parc Saguenay? M. Cloutier: Dans le cas
de parc Saguenay.
M. Morin: L'attitude de votre ministère a
été de rappeler que le Québec voulait conserver la
propriété du sol et la gestion du parc?
M. Cloutier: Absolument, c'est un principe. C'est cela,
propriété et gestion. Maintenant, sans refuser un financement
dont les modalités peuvent...
M. Morin: Bon!
M. Cloutier: ... tenant compte de ces principes.
M. Morin: Est-ce que nous nous comprenons bien, pour qu'il n'y
ait pas de malentendu, cela signifie que vous souhaitez qu'il n'y ait plus de
parcs fédéraux comme tels au Québec?
M. Cloutier: C'est certainement la conception qui est la
nôtre, ce qui ne signifie pas nécessairement que les dossiers qui
ont commencé à être négociés sur une certaine
base ne continueront pas de l'être. Mais, en tant que principe pour
l'avenir, très certainement.
M. Morin: Y compris pour le parc du Saguenay?
M. Cloutier: Ce n'est pas tout à fait ce que je viens de
dire. Je crois que c'était davantage nuancé.
M. Morin: Oui, c'est justement. Je veux saisir la nuance
parfaitement.
M. Cloutier: Je ne sais pas. Vous ne m'avez probablement pas
écouté. J'ai dit que...
M. Morin: Je me sentais pris à revers par i'an-cien
ministre...
M. Cloutier: C'est ça.
M. Morin: ... qui nous fait l'honneur de sa présence.
M. Cloutier: Je suis sûr que ce n'était pas son
intention de vous troubler.
M. Levesque: Je n'ai jamais été un
trouble-fête, et encore moins ce soir.
M. Cloutier: Ah bon!
M. Morin: Spectateur intéressé, peut-être
nostalgique, M. le Président.
M. Cloutier: Je disais que ce sont certainement des principes que
nous défendons, c'est-à-dire l'intégrité et la
gestion, mais que ceci ne sera peut-être pas nécessairement
appliqué aux dossiers qui étaient déjà en cours de
négociation.
M. Morin: Oui, je pense que je vous saisis. M. Cloutier: Tant
mieux!
M. Morin: Cela signifie que, pour l'avenir, le Québec
exigerait de rester propriétaire du territoire et de gérer les
parcs, mais que, pour ce qui est en cours, comme parc Saguenay, vous
n'insisterez pas pour que la solution soit aussi claire.
M. Cloutier: C'est un peu ça, parce que vous ne pouvez
pas, dans un domaine comme celui-ci, intervenir de façon
rétroactive. Vous pouvez toujours...
M. Morin: Ah! Vous m'en direz tant!
M. Cloutier: Bien sûr! Mais, dans le cas particulier, je
pense que l'essentiel, c'est de maintenir un certain nombre de principes et
d'élaborer une politique générale, et c'est ce que nous
faisons en ce moment.
M. Morin: De sorte que le chantage de M. Buchanan est efficace
dans ce cas-là.
M. Cloutier: Ecoutez! Je vous laisse la paternité du mot
"chantage". Je vous expose les faits tels que je les connais...
M. Morin: Je ne crains pas de l'employer. Je crois que cette
lettre était une tentative de chantage. Ce n'était pas autre
chose. Je ne demande
pas au ministre d'approuver ce que je dis ou non. Je lui exprime mon
opinion. Je sais qu'il a son opinion par devers lui.
M. Cloutier: J'en prends acte. Je n'ai pas donné mon
opinion, moi. Je me suis contenté de dire que je n'avais pas l'intention
de commenter une correspondance qui s'est faite entre ministres d'un autre
gouvernement. Mais je n'ai pas donné mon opinion.
M. Morin: Non, je sais, et je ne la demandais pas, d'ailleurs,
quoique j'aurais aimé plus de fermeté de la part du ministre.
Mais je me rends compte que, de la façon qu'il conçoit les
rapports fédéraux-provinciaux, il ne peut pas utiliser la
fermeté autant que je le désirerais.
M. Cloutier: Aussi, puis-je me permettre de rappeler que le
dossier est en négociation actuellement, ainsi que l'entente?
M. Morin: Oui, j'ai bien compris.
M. Cloutier: Négocier n'est peut-être pas, au
départ, chercher un affrontement.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: II s'agit de savoir si on veut régler les
problèmes ou non.
M. Morin: Les régler dans quel sens? Si parc Saguenay
devient un parc fédéral, vous n'aurez rien réglé
que je sache.
M. Cloutier: Je parlais de l'entente, n'est-ce pas?
M. Morin: Oui, je comprends. Y a-t-il d'autres territoires,
à part parc Saguenay, qui soient l'objet de la convoitise
fédérale et qui soient en négociation?
M. Cloutier: Tout en laissant au chef de l'Opposition la
formulation qu'il a choisie, la "convoitise fédérale", ma
réponse, c'est qu'à ma connaissance, il n'y a pas d'autre
projet.
M. Morin: II n'y en a pas un, par hasard, dans la Beauce
méridionale?
M. Cloutier: L'information que j'ai, c'est qu'il n'y a
strictement rien de formel dans ces territoires. Il est possible qu'il y ait eu
un certain intérêt de manifesté.
M. Morin: De sorte que, dans l'état actuel du dossier,
tout ce que nous risquons de perdre dans le concret, c'est le territoire du
parc Saguenay.
M. Cloutier: Même pas. Vous sautez aux conclusions. Tout ce
que je peux vous dire, c'est que ce dossier est encore en négociation.
Il n'y a pas eu de décision de prise.
M. Morin: Je me permets simplement d'exprimer le souhait que les
principes qui sont énoncés dans votre rapport annuel, à ce
sujet, s'appliqueront non seulement pour l'avenir, mais s'appliqueront
également à parc Saguenay.
M. Cloutier: En tout cas. ce sont des principes...
M. Morin: Autrement, le ministre ne pourra pas m empêcher
de conclure que la lettre du ministre Buchanan aura eu son effet.
M. Cloutier: Ce dont je peux vous assurer, c'est que ce sont des
principes auxquels nous tenons. Je ne vois strictement aucune raison pour
laquelle il ne serait pas possible d'organiser un parc, sans qu'il y ait
propriété du sol.
C'est là une notion que je considère archaïque. Je
n'hésite pas à le dire et c'est cette notion, ce concept que l'on
retrouve dans la législation fédérale.
A mon avis, une législation se change et cette législation
devrait être changée. C'est clair.
M. Morin: Je pense que le ministre se rend certainement compte
que, dans la négociation de cette question avec les
fédéraux, ils vont tenir à la propriété du
sol et que la seule solution est probablement de mettre fin tout simplement aux
parcs fédéraux parce que je crois qu'on les appelle bien
à tort parcs nationaux au Québec.
Dans la lettre du ministre, on nous laisse bien voir les motifs de ces
mainmises sur le territoires québécois. Je me permets de rappeler
une phrase de la lettre: "Inutile de dire...", écrit M. Buchanan,
"...que je crois qu'en procédant de ia sorte, nous réussirions
à mettre en grande évidence la présence manifeste du
fédéral dans deux régions du Québec". Je pense que
cela saute aux yeux et je serais bien étonné que le pouvoir
fédéral renonce à la propriété et renonce
à la gestion lorsqu'il paie pour les expropriations
nécessaires.
C'est pour cela que je suggérais au ministre, tout à
I'heure, d'avoir une attitude peut-être un peu plus logique et je suis
d'accord sur l'idée exprimée à la page 135 du rapport du
ministère que la province, comme vous dites, demeure propriétaire
du territoire et assume la gestion des parcs. Mais, je vous suggère que
cela sera beaucoup plus facile à obtenir si vous êtes prêts
à financer vous-même et à choisir vous-même les
emplacements.
M. Cloutier: Bien sûr, mais il y a là une question
de budget et il est probablement possible de trouver les formules mixtes qui
permettraient tout de même de bénéficier de certains fonds
fédéraux. La difficulté ne vient pas tellement du
financement. Elle vient du fait que le financement est actuellement lié
à la propriété du sol et à la gestion de par une
législation et je répète qu'à mon avis, elle est
archaïque. Elle date de ne ne sais plus quelle année. Je me demande
si ce n'est pas de la fin du siècle dernier.
M. Morin: Oui, cela date d'au moins de la fin du XIXe
siècle.
M. Cloutier: Alors, je crois que c'est extrêmement
clair.
M. Morin: Bien. Traitons cela comme un propos d'étape et
nous y reviendrons peut-être l'année prochaine pour voir où
en seront les choses, mais je sens venir la présence
fédérale au Saguenay et je crois que cela sera une grave erreur.
Même si c'est la dernière, cela sera une grave erreur.
M. Fraser: Est-ce que je peux dire un mot? M. Morin:
Volontiers. Allez-y, M. le député.
M. Fraser: Le député de Sauvé parle toujours
du gouvernement fédéral comme si le gouvernement
fédéral était un ennemi étranger.
M. Morin: Ce n'est pas un ennemi. Un étranger, oui. Pas un
ennemi.
M. Fraser: C'est toujours l'aspect quand le te-déral
achète nos terres. Il va faire ceci, il va faire cela. Le gouvernement
fédéral représente seulement le peuple du Canada et quand
il achète une terre ici au Québec, c'est pour le peuple du
Canada. C'est plutôt pour aider la province de Québec à
financer des parcs comme il l'a fait ailleurs dans le pays. Il n'est pas ici
comme un ennemi, il est ici comme un ami pour aider la province à avoir
des espaces verts et des parcs où les gens du Québec peuvent
aller, dans le plein air, et avoir des facilités de mieux vivre pour
tout le monde.
Je ne le vois pas comme un ennemi, comme le député de
Sauvé, le leader de l'Opposition le voit.
M. Morin: II fait cela par pur altruisme et témoin, cette
phrase de la lettre de M. Buchanan. "Needless to say, I believe, in achieving
this, we will bring a highly visible federal presence into different areas of
population in Province of Quebec."
Je pense que c'est beaucoup plus cela, la motivation...
M. Fraser: Le gouvernement fédéral...
M. Morin: ... que de venir ici aider les
Québécois...
M. Fraser: ... a dépensé de l'argent. M. Morin:
... à financer l'achat de parcs.
M. Fraser: Le gouvernement fédéral a
dépensé de l'argent venant peut-être des contribuables du
Québec, à établir des parcs fédéraux dans
d'autres provinces. Pourquoi ne pas dépenser l'argent du peuple du
Québec dans le Québec?
M. Morin: Est-ce que vous savez... Je m'excuse, M. le
Président. C'est à vous que je dois m'adresser. Mais le
député sait-il qu'il n'y a plus aucune province canadienne qui
accepte des parcs fédéraux aujourd'hui? Aucune province ne veut
plus entendre parler de parcs fédéraux? Le député
le sait-il? Le ministre le sait-il?
M. Cloutier: Bien sûr, c'est un fait que la plupart des
provinces contestent actuellement cette législation, et il est
évident que le fédéral tient peut-être à la
propriété du sol, parce que cela facilite certains aspects de la
gestion, mais il y a des formules à trouver, elles ne sont pas
satisfaisantes actuellement.
M. Fraser: Mais cela m'agace que le député de
Sauvé traite toujours les gens du fédéral comme des
ennemis.
M. Morin: Pas des ennemis, des étrangers, ce n'est pas la
même chose.
M. Fraser: Voyons, des étrangers.
M. Morin: Oui. Je sais bien que le député ne peut
pas les considérer comme cela puisque, pour lui, le gouvernement
national est à Ottawa. C'est une autre affaire. Je ne veux pas entrer
dans un débat avec le député, un débat aussi
fondamental que celui-là, mais je constate qu'il ne semble pas
être d'accord avec le ministre. Est-ce que le député veut
faire des commentaires? Je n'ai pas d'objection. J'ai tenté de
comprendre un peu mieux la politique élaborée dans le rapport du
ministère des Affaires intergouvernementales. Si le député
n'est pas d'accord avec le ministère, il n'a qu'à le dire, mais
ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre, c'est au
ministère.
M. Cloutier: Ne cherchez pas à créer de fausses
contradictions. Le député, très honnêtement...
M. Fraser: Cela m'agace quand le député de
Sauvé lance toujours des "pot-shots" au gouvernement
fédéral qui est élu par le peuple du Québec aussi
bien que par le peuple du reste du Canada.
M. Morin: C'est un fait pour l'instant. M. Fraser:
Oui.
M. Morin: Je ne sais pas combien de temps cela durera, mais c'est
un fait.
M. Fraser: Cela va durer plutôt...
M. Morin: Je n'entends pas contester ce fait, mais j'entends
contester les parcs fédéraux, parce que j'estime qu'il revient au
Québec d'administrer ces choses sur le plan constitutionnel. Je vais
même plus loin, je considère que c'est une intrusion dans les
compétences provinciales. C'est pour cela sans doute que la plupart des
provinces, que toutes les provinces ne veulent pas en entendre parler.
M. Cloutier: II y a certainement des doutes à cet
égard. Je suis d'accord.
M. Morin: Je suis heureux de voir que, sur ce point, nous sommes
d'accord.
M. Cloutier: Cela fait déjà plusieurs points.
M. Morin: Quelques-uns. Avec un peu de
persévérance...
M. Cloutier: Avec une semaine encore, on va peut-être finir
par se mettre d'accord.
Publication des ententes
M. Morin: ... nous allons peut-être arriver à en
trouver d'autres.
M. le Président, l'an dernier, nous avons discuté à
plusieurs reprises de la publication systématique des ententes
intergouvernementales, formule que j'avais, pour ma part, trouvée
particulièrement intéressante et j'avais même
suggéré deux choses. Cela se trouve aux pages B-3918 et B-4073
des débats de l'an dernier. J'avais suggéré le
dépôt immédiat des ententes les plus importantes et le
dépôt en liasses, au début et à la fin de chaque
session, des ententes considérées comme étant moins
importantes. Je m'inspirais en cela d'une pratique courante au Parlement
fédéral, qui procède de la sorte pour les accords
internationaux; ceci permet à tout le monde, surtout à
l'Opposition, à l'ensemble des députés, de prendre
connaissance des accords qui sont intervenus au cours des mois qui
précèdent. Je crois me souvenir que j'avais eu l'accord de
principe de l'ancien ministre, M. Levesque, mais il m'avait dit qu'il voulait
étudier plus avant, plus attentivement les modalités de
publication des ententes. Vous trouverez d'ailleurs la réponse de M.
Levesque aux pages B-4073 et B-4219.
Depuis cette date, un greffe des ententes intergouvernementales a
été institué au ministère des Affaires
intergouvernementales sous la direction de M. André Duval, ci-devant
notaire et maintenant conseiller aux ententes intergouvernementales. M. le
Président, ce greffe va effectivement faciliter énormément
la publication systématique des ententes. J'aimerais demander au
ministre si, disposant désormais de ce greffe, il ne croit pas opportun
de faire un pas de plus et de donner suite à la suggestion que je
faisais à son collègue l'année dernière.
M. Cloutier: Anticipant le désir du chef de l'Opposition,
je les lui remets immédiatement.
M. Morin: Et c'est malheureux qu'il n'y ait pas de photographe,
n'est-ce pas?
M. Cloutier: II y a là tout le texte de toutes les
ententes signées pour l'année écoulée et je lui
rappelle que j'en ai déposé la liste au tout début de la
discussion de ces crédits. J'ajoute que, depuis la création de ce
greffe, nous avons l'intention de publier régulièrement les
ententes à intervalle, de manière que la population puisse
être informée.
D'ailleurs, nous présentons les points saillants de chacune de
ces ententes dans le bulletin Québec-Canada, qui est une mine de
renseignements à cet égard.
M. Morin: Oui, quoique c'est encore... M. Cloutier: C'est
sommaire. M. Morin: Très, très sommaire.
M. Cloutier: C'est précisément parce que c'est
sommaire que nous voulons, en plus, pouvoir rendre accessible les documents
eux-mêmes.
M. Morin: Oui. C'était le but de mon intervention de
l'année dernière. Maintenant, pour bien préciser ma
pensée, le but de ma suggestion de l'année dernière
portant sur le dépôt immédiat des ententes les plus
importantes, était d'obtenir communication de ces ententes dans les
jours qui suivent leur signature, leur conclusion. Est-ce que le ministre
compte faire cela systématiquement pour les ententes à tout le
moins les plus importantes?
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: Bien, je m'en réjouis. Et pour le reste, les
documents seront donc publiés régulièrement pour les
ententes moins importantes. Il ne les déposera pas nécessairement
en Chambre, mais il les publiera.
M. Cloutier: Ah, je n'ai pas dit que ce serait
nécessairement déposé en Chambre. Il est très
possible que ce soit tout simplement distribué. Il n'y a peut-être
pas lieu de déposer toutes les ententes en Chambre. C'est à voir,
ça dépend de la nature des ententes également.
M. Morin: Mais pour les plus importantes, elles le seront.
M. Cloutier: Je crois qu'il y a intérêt.
M. Morin: Effectivement, cela se fait ailleurs et je crois que
vous n'en auriez d'ailleurs que de meilleurs résultats sur le plan
politique.
M. Cloutier: Le seul désir...
M. Morin: Cela prouvera que votre ministère est actif et
que le ministre nous tient au courant.
M. Cloutier: ... que nous poursuivons est d'informer. C'est
d'ailleurs pour cette raison que nous avons entrepris toute cette
réorganisation administrative. C'est pour cette raison que nous avons
créé ce greffe, que nous avons repensé nos publications.
Toujours dans le même but.
M. Morin: Puis-je obtenir une précision? Est-ce que ce
greffe est accessible au public ou à tout le moins aux
parlementaires?
M. Cloutier: II est toujours possible d'obtenir une copie,
même certifiée, des ententes une fois qu'elles sont rendues
publiques, bien sûr.
M. Morin: Bien sûr. Ensuite.
M. Cloutier: Nous recevons des demandes d'ailleurs assez souvent
d'universités, entre autres, et nous répondrons toujours aux
demandes du chef de l'Opposition.
Communications
M. Morin: Cela va de soi. Je n'en attendais pas moins du
ministre. Bien. Sur ce dossier, j'estime avoir reçu satisfaction.
Dans le dossier des communications maintenant. Les discussions ont
été fort nombreuses depuis quelques années, c'est le moins
qu'on puisse dire, mais les résultats ont été très
décevants. La positon du Québec a été
définie dans un livre vert, elle a été reprise par le
discours prononcé par le nouveau ministre devant le Publicity Club de
Montréal, le 25 mars dernier. Je dois dire que, dans ce cas, le ministre
s'est empressé de me faire parvenir une copie de son discours.
J'aimerais savoir ce que fait le ministère des Affaires
intergouvernementales dans ce dossier pour que les objectifs du Québec
soient atteints. C'est un domaine, je n'ai pas besoin de le rappeler je
le fais tout de même où le gouvernement
fédéral est déjà fort bien installé. Sa
stratégie, semble-t-il, consiste à gagner du temps et à
poursuivre la consolidation de ses positions. Le Québec, quant à
lui, est dans une position délicate, difficile, puisqu'il est
obligé de se tailler une place sur un terrain déjà
occupé par le gouvernement fédéral.
M. le Président, j'aimerais demander au ministre quels sont les
moyens dont dispose le Québec pour atteindre ses buts dans le domaine
des communications. Et je fais une distinction tout de suite à la
manière d'ailleurs du ministre des Communications entre le
téléphone d'une part ses remarques se trouvent à la
page 8 à ce sujet la câblodistribution, à la page 9,
et enfin, la radiotélédiffusion, aux pages 11 et suivantes.
Je sais que le ministre des Communications a été actif
dans ce dossier, mais j'aimerais connaître le rôle du
ministère des Affaires intergouvernementales et les moyens qu'il compte
utiliser pour réaliser les objectifs québécois.
M. Cloutier: C'est le ministre des Communications qui a à
faire évoluer ce dossier. Le ministère des Affaires
intergouvemementales rend le type de services qu'il rend dans tous les autres
dossiers de tous les autres ministères.
M. Morin: Cela ne fait pas partie de la...
M. Cloutier: Les positions québécoises sont
connues. Pour l'instant, les discussions n'ont pas repris. Je sais qu'une
rencontre est prévue entre le ministre fédéral des
Communications et le ministre des Communications du Québec, rencontre
prévue dans un délai très court. Le problème sera,
à ce moment-là, reconsidéré, relancé.
Il y a des aspects du dossier dont on peut difficilement parler,
puisqu'elles sont devant les tribunaux, mais le ministère des Affaires
intergouvernementales est très étroitement associé
à ce qu'on pourrait appeler la stratégie judiciaire. Je ne peux
pas en dire davantage.
M. Morin: La stratégie politique, puisque c'est un
élément du dossier constitutionnel également, est un
élément de partage des pouvoirs.
M. Cloutier: C'est ce que j'ai dans la première partie de
ma réponse.
M. Morin: Mais puisque vous êtes si intimement
associé à ce dossier sur le plan de la négociation
constitutionnelle, est-ce que vous ne pourriez tout de même pas me dire
quels sont les moyens dont vous disposez pour atteindre les buts que vous vous
êtes fixés?
M. Cloutier: Pour toutes les raisons que j'ai déjà
évoquées, je ne pense pas pouvoir en dire davantage maintenant.
Je rappelle qu'il y a une rencontre, dans un délai très court,
peut-être une dizaine de jours, pour reconsidérer l'ensemble de la
question. Vous comprendrez que ce n'est pas le moment de vous apporter des
révélations là-dessus.
M. Morin: Bien. J'imagine que cette allocution de M. Hardy a
été discutée avec le ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. Cloutier: Oui. Toutes les interventions ministérielles
qui mettent en cause des dossiers comme ceux-ci, maintenant que nous en avons
le pouvoir de par notre législation, sont considérées,
sont discutées.
D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'expliquer aussi que, chaque fois qu'un
ministre allait à une conférence, il recevait un mandat
signé du ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: Oui. A une conférence
fédérale-provinciale. Mais là, il s'agit d'une allocution
devant un club.
M. Cloutier: J'ai parlé des deux choses. Pour ce qui est
de l'allocution, dans le cas précis, effectivement, nous avons
été... Nous avons d'ailleurs des fonctionnaires qui sont
affectés à chacun des secteurs.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: On aurait pu ne pas l'être, mais nous l'avons
été.
M. Morin: De sorte que c'est la politique de votre
ministère, comme celle du ministère des Communications, que le
Québec revendique la modification complète du système de
contrôle sur
la compagnie Bell Canada et demande que cette compagnie soit soumise
à la seule réglementation du Québec, en ce qui concerne
ses activités sur le territoire québécois.
M. Cloutier: C'est la politique gouvernementale. Vous avez
là l'exemple d'une politique qui a été
énoncée. Il y en a eu un libre vert. C'est la politique
gouvernementale. Elle n'a pas changé.
M. Morin: Bien.
M. Cloutier: C'est une vue globale des choses.
M. Morin: Elle a évolué, vous devez le savoir. Elle
a évolué.
M. Cloutier: Elle a évolué, bien sûr, mais
elle a évolué d'après ses lignes de force. Elle s'est
précisée, si l'on veut.
M. Morin: Et dans le domaine de la
radio-télédiffusion, il semble que la position soit quelque peu
différente. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce que signifie
exactement le rôle prépondérant? Il ne s'agit plus de
rôle exclusif, comme dans le cas du téléphone, si j'ai bien
compris, il s'agit d'un rôle prépondérant du Québec,
dans le domaine de la radio-télédiffusion.
M. Cloutier: Cela s'éloigne de quoi? Cela diffère
en quoi?
M. Morin: Je vais me permettre de...
M. Cloutier: Vous dites que cela a changé. Cela a
changé en quoi?
M. Morin: Je vais me permettre de revenir en arrière
quelque peu. Dans le cas du téléphone, on parle de la seule
réglementation du Québec. Cela veut dire la réglementation
exclusive du Québec? Il n'y a pas d'autre sens à cela.
Maintenant, dans le cas de la radio-télédiffusion, vous ne
dites plus un rôle exclusif, vous dites un rôle
prépondérant.
M. Cloutier: Ce n'est pas la question que je vous posais.
M. Morin: Je veux comprendre le sens exact de ce rôle
prépondérant.
M. Cloutier: Ce n'est pas la question que vous me posiez.
M. Morin: C'est exactement cette question-là. M.
Cloutier: Non, il y a un malentendu. M. Morin: Ah bon!
M. Cloutier: La position québécoise n'a pas
changé, ni en ce qui concerne le téléphone, ni en ce qui
concerne la radio-télédiffusion. Vous avez là, dans ce
texte, exactement la position québécoise. C'est cela que je veux
vous dire.
Dans la position initiale, nous n'avons jamais revendiqué une
juridiction exclusive dans le domaine de la radiodiffusion. Nous ne songeons
pas à régir Radio-Canada, par exemple. Cette position n'a pas
changé. Vous ne pouvez pas comparer le téléphone et la
radiodiffusion. Ce sont les mêmes positions qu'initialement.
M. Morin: Bien. On peut comparer pour constater que, dans un cas,
vous réclamez un rôle exclusif et que, dans le deuxième
cas, vous réclamez un rôle prépondérant.
M. Cloutier: Vous pouvez comparer comme cela, mais ce n'est pas
ce que vous avez fait. Ce que vous avez fait, c'est que vous avez dit que la
position différait de la position initiale. Je vous dis que ce n'est pas
le cas.
M. Morin: Ce n'est pas cela. Je pense qu'effectivement, il y a eu
un malentendu. Je vous dis que la position diffère, selon qu'on parle du
téléphone ou de la radiodiffusion.
M. Cloutier: C'est exact, ce n'est pas la même. M.
Morin: Bon.
M. Cloutier: Nous réclamons, pour ce qui est du
téléphone, l'exclusivité. Pour ce qui est de !a
radiodiffusion, ce n'est pas une exclusivité, c'est une
responsabilité prépondérante.
M. Morin: Mais je me demandais quel était le sens exact de
cette expression, parce qu'exclusif, je comprends très bien ce que cela
veut dire. C'est net, n'importe quel juriste sait ce que cela veut dire. Mais,
un rôle prépondérant...
M. Cloutier: Les éléments...
M. Morin: ... c'est déjà beaucoup moins juridique
comme expression.
M. Cloutier: "La responsabilité québécoise
prépondérante je cite le livre vert comporte
surtout trois éléments:
Premièrement, attribuer les fréquences sur le territoire
québécois, conformément a la répartition globale
faite par un organisme intergouvernemental formé des
représentants des onze gouvernements; '
Je vous fais remarquer que nous sommes dans le contenu, mais, pour le
cas particulier, je peux vous donner satisfaction. "Deuxièmement,
surveiller, contrôler, réglementer le système
québécois de RTV, y compris le RTV par satellite;
"Troisièmement, surveiller les activités du système
pancanadien du RTV au Québec, par l'approbation du plan de
développement de Radio-Canada et la participation au conseil
d'administration de cette société."
Ce sont les positions originelles.
NI. Morin: Ah!
M. Cloutier: Mais, c'est du contenu.
M. Morin: Si nous avions des réponses comme cela sur
toutes les questions...
M. Cloutier: Vous les avez, chaque fois que vous posez des
questions. Le seul domaine où je n'ai pas réussi à vous
donner satisfaction, parce que c'était impossible, c'est le domaine de
la négociation constitutionnelle. Je vous ai expliqué pourquoi.
Cela aurait été de l'irresponsabilité et de la maladresse.
Vous ne pouvez pas accepter ce point de vue. Je respecte votre insatisfaction.
Ne venez pas prétendre que je n'ai pas répondu.
M. Morin: Ce n'est pius de l'irresponsabilité et de la
maladresse dans ce dossier-ci?
M. Cioutier: Bien sûr que non. Je vais vous dire tout de
suite pourquoi.
M. Morin: Oui, expliquez-moi.
M. Cloutier: Parce que ceci vient d'un livre vert et il y a eu la
position globale du Québec qui a été
présentée. Cela remonte déjà à un certain
temps. Ce n'est pas le cas dans le dossier constitutionnel.
M. Morin: Sur l'immigration, il n'y a pas de position claire du
Québec qui ait fait l'objet de rapports ou de livre blanc?
M. Cloutier: Oui, bien sûr, il y en a eu, mais il n'y a pas
d'éléments constitutionnels qui nous ont attachés. C'est
un problème de contenu. Je souhaite, si nous voulons respecter la
vocation de notre ministère, que le contenu continue d'être
discuté par les ministères sectoriels. Autrement, le
ministère des Affaires intergouvemementales se substitue à tous
les autres ministères québécois.
M. Morin: Je m'attendais que vous commentiez, à moins que
vous ne l'ayez fait sans que je m'en rende compte, deux revendications
fondamentales du Québec en matière de
radiotélédiffusion, c'est-à-dire la réglementation
de la programmation, la publicité de la langue, le quota de productions
québécoises, etc. Je ne crois pas que vous ayez mentionné
cela. Pourtant, cela paraît être fort important.
M. Cloutier: Je pense, pour éviter tout malentendu, que
nous devrions nous arrêter là. La responsabilité du
ministère des Affaires intergouvernementales est très claire. Je
ne crois pas qu'il soit raisonnable de tomber dans le détail du
contenu.
D'ailleurs, le livre vert a été déposé
à l'Assemblée. Vous l'avez. C'est le livre vert qui fonde la
position québécoise.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: Ce que je vous ai donné là, c'est un
résumé.
M. Morin: Bien sûr, mais, ce que je voulais, c'était
un certain nombre d'explications pour bien comprendre le livre vert, pour bien
comprendre les déclarations du ministre des Communications.
M. Cloutier: Je pense effectivement que vous devriez vous
référer au livre vert. C'est la position
québécoise. Est-ce que vous avez fait, jusqu'ici, la discussion
des crédits du ministère des Communications?
M. Morin: Non, je ne crois pas qu'elle ait eu lieu.
M. Cloutier: C'est vraiment le moment, si vous voulez.
M. Morin: Oui, mais c'est l'aspect constitutionnel.
M. Cloutier: Je vous ai répondu en ce qui concerne
l'aspect constitutionnel. Vous débordez l'aspect constitutionnel. Le
contenu, bien sûr, a toujours...
M. Morin: Non.
M. Cloutier: ... une signification constitutionnelle...
M. Morin: Je comprends, parce que la réglementation de la
programmation, cela a un aspect constitutionnel certain. C'est pour cela que je
posais la question. En tout cas, je vois que ie ministre ne veut pas aller plus
loin, je le regrette.
M. Cloutier: Par souci de cohérence administrative, par
respect également envers les autres ministères, je ne veux pas
déborder...
M. Morin: J'interrogerai éventuellement le ministre des
Communications sur cet aspect. J'espère simplement qu'il ne me dira pas
que c'est constitutionnel et qu'il faut que je me réfère à
vous.
M. Cloutier: Comment pourrait-il le dire? Je vous affirme qu'il
ne vous le dira pas, il y a un livre vert. Il y a une position
québécoise qui a été déposée à
l'Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas vous trouver un terrain plus
solide. Tout ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que,
précisément parce que notre gouvernement est responsable, il ne
veut pas fabriquer des politiques comme cela au cours d'une réunion ou
d'une discussion entre deux portes. Les politiques qui sont
élaborées le sont avec infiniment de rigueur, surtout depuis la
nouvelle loi du ministère des Affaires intergouvemementales, depuis le
nouveau mandat du CCRI, qui est présidé par le sous-ministre des
Affaires intergouvemementales, depuis la réforme du Conseil
exécutif avec ses quatre comités où siège ex
officio le ministre des
Affaires intergouvemementales. Une politique ne vient pas comme cela,
parce que quelqu'un répond à une question à
l'Assemblée. C'est le résultat d'une très longue
élaboration.
M. Morin: Naturellement, dans tout gouvernement qui se
respecte.
M. Cloutier: Voilà, merci. C'est le premier
compliment.
M. Morin: Bien sûr! Je crois effectivement que vous avez
derrière vous des gens compétents, qui font bien leur travail,
peut-être pas assez nombreux, mais je reconnais qu'ils font ieur
possible. Les questions que je vous pose ne mettent pas cela en cause du
tout.
M. Cloutier: Non, mais il ne s'agit pas seulement de la
compétence...
M. Morin: II s'agit de comprendre vos politiques. Elles sont
quelquefois un peu ambiguës.
M. Cloutier: Non, c'est-à-dire que, lorsque ce sont des
politiques, elles sont rarement ambiguës. Ce que vous avez essayé
de m'extorquer, ce sont des éléments de politique avant
même que la politique ne soit établie, alors qu'il existe des
processus pour rétablir. C'est pour cela que je n'ai pas pu vous donner
satisfaction.
M. Morin: Allons donc, je tente d'avoir les renseignements, ce
n'est pas la même chose.
M. Cloutier: Vous l'avez fait, disons, avec... M. Morin:
Avec les pinces du dentiste... M. Cloutier: C'est douloureux,
parfois. M. Morin: ... parce que vous résistiez.
M. Cloutier: Certainement, parce que la politique en
matière constitutionnelle n'avait pas suivi tout ce cheminement, alors
que, dans les deux derniers cas qui nous ont occupés, vous aviez des
documents représentant la politique québécoise; dans le
cas des arrangements fiscaux, vous aviez une position claire, qui avait suivi
le processus décisionnel, alors que, dans l'autre, ce n'était pas
le cas.
Rapport du vérificateur
M. Morin: M. le Président, peut-être pourrions-nous
aborder, pendant le peu de temps qui nous reste ce soir, le rapport du
Vérificateur général pour ce qui est du ministère
des Affaires intergouvemementales. Au cours de 1974/75, ce haut fonctionnaire a
fait une vérification particulière de la coopération
internationale. Je ne retiendrai de ces observations que quelques points.
Premièrement, pour ce qui est des petites caisses, dans ses rapports
antérieurs, le Vérificateur géné- ral avait
souligné que la gestion des petites caisses du ministère, il y en
avait, je crois, 19 à ce moment, représentant un montant de
près de $300 000, n'était pas conforme aux directives du Conseil
du trésor. Or, d'après le dernier rapport du Vérificateur
général, il n'y a eu aucune amélioration. J'aimerais
savoir si le ministre est en mesure de nous éclaiier sur les motifs de
cette situation et s'il compte y remédier.
M. Cloutier: Ma réponse est simple. Il y avait certains
aspects du rapport qu' étaient discutables. Le plus grand nombre de
points correspondaient à une réalité. Je me suis
empressé d'intervenir et je peux vous dire que tous les points ont
été corrigés. Si vous voulez peut-être me poser les
autres, je pourrai vous donner plus de détails dans un instant.
M. Morin: Bien, je veux avoir un peu plus de détails sur
celle-là. Le Vérificateur général disait que ces
sondages sur les avances de fonds de roulement qu'on trouve dans les petites
caisses ont permis de constater qu'il n'y avait eu aucune amélioration
c'est une citation relativement au respect de la directive 16-71
émise par ie Conseil du trésor concernant ces petites
caisses.
M. Cloutier: Ce n'est plus le cas actuellement.
M. Morin: Est-ce que le ministre peut me dire quelles
dispositions exactement ont été prises pour remédier
à la situation?
M. Cloutier: Oui, si vous voulez même repasser chacun des
points qui faisaient l'objet de critiques...
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: ... du Vérificateur général, ce
serait peut-être la meilleure façon.
M. Morin: Je vais vous parler tout à l'heure des comptes
spéciaux et de l'assiduité.
M. Cloutier: Bon! Le plus simple, parce que vous risquez d'en
oublier, c'est que je repasse tout. Seriez-vous d'accord?
M. Morin: Si vous voulez.
M. Cloutier: II y avait un problème de comptes à
recevoir. Vous l'aviez également souligné. C'est tellement
technique que ce n'est peut-être pas la peine que je...
M. Morin: Non, mais les comptes spéciaux, c'est autre
chose. Ce n'est pas les comptes à recevoir. Je n'ai pas de question
particulière sur les comptes à recevoir.
M. Cloutier: Bon! Vous n'avez rien de particulier, alors je vais
vous retrouver. Votre première question, c'était la petite
caisse.
M. Morin: Oui, la petite caisse.
M. Cloutier: Un système a été mis en
application, qui oblige, à la fin de chaque mois, les
délégations à faire un rapport de l'état de leur
caisse et de leur compte de banque, tenant compte des chèques non
encaissés, ainsi que de la réconciliation de ieur fonds de
roulement, c'est-à-dire l'explication de l'écart de leur avoir en
caisse et l'avance qui leur a été donnée. Selon les
rapports reçus, les réconciliations sont faites dans la
majorité des cas. De plus, pour permettre un meilleur contrôle, un
système comptable nouveau a été élaboré et
est en vigueur dès maintenant à Paris. Bruxelles, Rome,
Dusseldorf et Milan. A Londres. ce système sera en opération
dès juillet 1976. Pour les autres délégations, compte tenu
des sommes relativement minimes des avances, le système s'installera
progressivement.
M. Morin: Pourriez-vous me dire, pour les petites
délégations, autres que celles que vous avez mentionnées
au début, quel est le montant de l'argent qui se trouve dans les petites
caisses, de sorte que je puisse me rendre compte du progrès que vous
avez réalisé?
M. Cloutier: Moyenne: $3000.
M. Morin: La moyenne de chaque caisse?
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: Bon! C'est donc une proportion...
M. Cloutier: II faut bien comprendre...
M. Morin: ... infime du montant total.
M. Cloutier: C'est ça. C'est la raison pour laquelle le
système élaboré qui a été mis au point n'est
pas appliqué immédiatement.
M. Morin: Bon!
M. Cloutier: II faut bien comprendre la nature des
dépenses de ces délégations. Je crois que vous connaissez
suffisamment la question. C'est ainsi que le personnel local doit être
payé souvent en espèces ou à même ces caisses.
Alors...
M. Morin: Une partie du personnel...
M. Cloutier: Une partie du personnel local, bien sûr. Cela
explique que les caisses peuvent paraître importantes, alors qu'elles ne
le sont pas toujours. Dans les autres délégations, la situation
est parfaitement sous contrôle.
M. Morin: Pour les comptes spéciaux, le ministère
semble utiliser, d'après ce que nous dit le Vérificateur, une
technique irrégulière qui consiste à déposer dans
ces comptes l'argent en provenance de l'extérieur, surtout, si j'ai bien
compris, les tonds provenant de l'ACDI, l'organisme fédéral. Le
ministère aussi semble payer certaines dépenses directement sur
ces comptes spéciaux...
M. Cloutier: ...
M. Morin: ... sans passer par les fonds consolidés du
revenu...
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: ... et les mécanismes habituels de
contrôle sur les fonds publics. Je voudrais vous demander si on a mis fin
à cette pratique.
M. Cloutier: Complètement. Pour l'année 1976/77,
parce qu'il s'agissait surtout de ces sommes versées par l'ACDI,
d'avance, elles sont déposées au ministère des
Finances.
M. Morin: Bien!
M. Cloutier: On m'informe qu'il s'agit vraiment d'un aspect
purement technique et qu'il y a eu certaines divergences...
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: ... entre le Conseil du trésor, par
exemple...
M. Morin: Je les connais. Nous en avons parlé à
l'étude des crédits des Finances et...'
M. Cloutier: Nous nous sommes conformés sur tous les
points. Nous avons, sur le plan administratif, depuis quelque temps,
porté énormément d'attention à la
réorganisation du ministère, qui en avait besoin, tant sur le
plan des structures que sur le plan de la gestion, et je crois maintenant que
les choses fonctionnent de façon tout à fait satisfaisante.
M. Morin: Bien! Ce n'est pas sans pour changer de
sujet un certain étonnement que j'ai pris connaissance d'un autre
point soulevé par le Vérificateur général, parce
que, connaissant quelques-uns des fonctionnaires de ce ministère, je
sais qu'ils travaillent très fort, qu'ils sont très
dévoués. Le Vérificateur général nous
apprend cependant qu'il devrait exister un meilleur contrôle de
l'assiduité.
Si j'ai bien compris, on retrouve chez vous le problème de
l'Assemblée nationale. J'aimerais savoir quelles mesures
concrètes ont été prises pour donner suite à la
recommandation du Vérificateur général qui portait sur un
rapport hebdomadaire de l'utilisation du temps par les employés
itinérants en particuliers.
M. Cloutier: Je pense que nous ne sommes pas tout à fait
d'accord avec le Vérificateur général
là-dessus.
M. Morin: Ah! J'aimerais que vous me le disiez, parce que...
M. Cloutier: En ce qui concerne l'assiduité du personnel
de secrétariat, oui, et nous y veillons de
très près. En ce qui concerne l'assiduité des
professionnels, c'est beaucoup plus compliqué et il est évident
qu'il faut faire confiance à la responsabilité de chacun. Ce sont
souvent des gens qui assistent à des réunions. Le personnel
itinérant, par définition, n'est pas toujours en place.
A cause de la nature même des fonctions du ministère, nous
avons des fonctionnaires qui sont affectés à différents
secteurs, à différents dossiers. Or, c'est constamment dans le
domaine des relations fédérales-provinciales, par exemple. Ce
n'est pas... On a parlé de quelques dossiers, mais je crois que nous
avons en marche et en négociation à peu près 350 dossiers
et ce sont des dossiers techniques, des dossiers souvent très
complexes.
Alors, pour toutes ces raisons, nous portons ia plus grande attention
possible à l'assiduité, mais on ne peut peut-être pas
s'attendre que les modes de contrôle soient les modes de contrôle
de tous les fonctionnaires.
M. Morin: Je comprends, mais ces fonctionnaires ne doivent-ils
pas, à tout le moins, laisser des traces de leur emploi du temps? Je
pense surtout aux employés itinérants. Ne transmettent-ils pas
à leur supérieur un rapport hebdomadaire de l'utilisation de leur
temps pour chaque jour ouvrable?
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: Ils le font?
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: Alors, il n'y a plus de problème dans ce cas
puisque c'est ce que vous recommandait le Vérificateur
général.
M. Cloutier: Ce n'est pas un rapport aussi détaillé
peut-être que le Vérificateur général le
souhaiterait, d'heure en heure, par exemple, mais c'est un rapport qui nous
paraît satisfaisant.
M. Morin: Le Vérificateur général ne parle
pas d'un rapport d'heure en heure, mais je cite: "... d'un rapport hebdomadaire
de l'utilisation de leur temps pour chaque jour ouvrable."
M. Cloutier: C'est acquis. M. Morin: C'est acquis? M.
Cloutier: C'est acquis.
M. Morin: Bon. J'en ai terminé pour le Vérificateur
général. Je suis heureux que le ministère ait donné
suite à ses recommandations dans une très large mesure.
M. Cloutier: J'attache une très grande importance à
la rigueur administrative. C'est pour cela que, dans mes remarques
préliminaires, j'ai beaucoup parlé de l'organisation du
ministère, du fonctionnement des comités.
J'ajoute, par exemple, qu'il y a une réunion
générale d'un comité toutes les semaines, qui a toujours
lieu au même moment, à la même heure, et qui nous permet de
faire le point sur tous les dossiers, que nous avons des procédures qui
nous permettent de suivre toutes les conférences, qu'il s'agisse de
conférences interprovinciales, et là, il y en a des dizaines et
des dizaines chaque année, un peu partout au Canada, qui, comme dans
tous les secteurs...
Il s'agit de la même chose pour le calendrier des rencontres
internationales. Le rapport du CCRI est considéré au cours de
cette réunion, chaque fois, de sorte que le ministère a une
véritable direction collégiale qui permet de suivre, dans le
détail, à peu près tout ce qui se passe.
Structures du ministère
M. Morin: Dans votre exposé préliminaire, M. le
ministre, vous nous avez décrit les changements intervenus dans les
structures du ministère depuis l'an dernier alors que nous
étions, grosso modo, devant deux organismes, le CIDA et le CCRI.
Il semble, à ce que vous nous avez dit, que le CIDA ait
été remplacé par quatre comités rattachés au
Conseil exécutif ou, en tout cas, il semble que le CIDA ait
été aboli à tout le moins.
M. Cloutier: Oui.
M. Morin: D'autre part, le CCRI a été maintenu et
son mandat élargi, selon ce que vous nous avez dit l'autre soir.
J'aimerais connaître les rapports fonctionnels entre le CCRI et les
quatre nouveaux comités interministériels formés, si j'ai
bien compris, depuis quelques mois.
M. Cloutier: C'est cela. Par arrêté en conseil. Il
s'agit là de pièces publiques qui ont été
publiées.
M. Morin: Voulez-vous me rappeler les quatre comités? Il y
avait les ressources humaines...
M. Cloutier: II y avait l'aménagement du territoire, les
ressources humaines, la qualité de la vie et le comité
économique, économie et ressources. Il s'ajoute à cela le
Conseil du trésor et le comité de législation, qui sont
des comités d'une autre nature. Chaque comité a un
président, et il y a deux ministres qui sont d'office membres de tous
les comités pour des raisons que vous comprendrez facilement, c'est le
ministre des Finances et c'est le ministre des Affaires intergouvernementales,
l'un parce qu'il dépense et paie et l'autre parce qu'il a la
responsabilité de veiller à la cohérence
constitutionnelle.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: Ces quatre comités sont des comités du
Conseil des ministres...
M. Morin: Du Conseil exécutif, oui.
M. Cloutier: Du Conseil exécutif, et aucun dossier
n'arrive directement au Conseil exécutif sans avoir suivi la
filière de ces comités, ce qui en permet une étude en
profondeur et le...
M. Morin: Oui, mais...
M. Cloutier: J'y arrive. Il faut quand même partir de la
base. Alors, ces comités ne remplacent pas du tout le CIDA. Le CIDA
était simplement un comité qui groupait le ministre de
l'Education, le ministre des Affaires sociales, j'y ai siégé
pendant longtemps...
M. Morin: ...de l'Industrie et du Commerce et des Affaires
sociales.
M. Cloutier: Et qui avait pour but d'élaborer les
politiques gouvernementales dans tout ce qui concernait les relations avec les
autres gouvernements ainsi qu'avec le gouvernement central. Mais, maintenant,
ces politiques sont élaborées au sein des quatre comités,
suivant le secteur où elles s'adressent, et son préparées
par le CCRI, qui est rattaché pour sa part au ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin: C'est cela le sens de ma question. Le CIDA était
présidé par le ministre des Affaires intergouvernementales.
Même s'il n'est pas remplacé par les quatre comités
rattachés au Conseil exécutif, il y a tout de même,
j'imagine, une certaine correspondance entre la disparition du CIDA d'une part
et l'apparition de ces quatre comité d'autre part.
M. Cloutier: Bien sûr, tout à fait. Il y a une
coïncidence. Nous avons choisi un autre mode de fonctionnement qui nous
paraissait plus efficace.
M. Morin: C'est ce que j'avais cru comprendre. Maintenant, ce qui
m'intéresse, et ce sur quoi je voudrais des éclaircissements, ce
sont, comment dire, les relations fonctionnelles entre le CCRI d'une part et
ces quatre comités qui ne sont pas rattachés au ministre, mais
qui sont rattachés au Conseil exécutif, c'est-à-dire au
premier ministre.
M. Cloutier: Les quatre comités, oui. Mais le ministre est
membre de ces quatre comités.
M. Morin: Oui, je vois. M. Cloutier: Ex officio.
M. Morin: J'imagine que ce sont les ministres principalement
responsables de chacun des quatre domaines qui sont présidents des
comités en question.
M. Cloutier: C'est cela. Et il existe même une
espèce de comité des priorités, qui groupe les quatre
présidents et où, bien sûr, siègent aussi le
ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre des Finances. C'est
ce comité qui va tenter de définir les priorités
gouvernementales et s'adresser à certains problèmes comme, par
exemple, l'élaboration du budget, avant que cela n'arrive au Conseil des
ministres. C'est une formule extrêmement intéressante. Il y a
vraiment eu, sur le plan de la réorganisation administrative, de
très grands progrès.
M. Morin: Mais elle a piqué ma curiosité, c'est
pour cela que je vous interroge là-dessus.
M. Cloutier: Cela me fait plaisir d'y répondre.
M. Morin: Je me demandais s'il n'y aurait pas un certain
dédoublement entre d'une part ces comités rattachés au
Conseil exécutif et le CCRI.
M. Cloutier: Je ne vous cache pas que votre question me
plaît beaucoup parce que j'ai eu des réserves lorsqu'il s'est agi
de faire disparaître le CIDA.
M. Morin: Non! Pas parce que vous perdiez une
présidence?
M. Cloutier: Certainement pas, parce que j'en ai retrouvé
un certain nombre d'autres. Mais j'ai eu des réserves parce que je me
suis posé à peu près ce genre de question à cause
du cheminement des dossiers et nous avons décidé de mettre cela
en marche. Pour l'instant, cela semble satisfaisant. Le CCRI, vous avez bien
compris qu'il s'agissait des fonctionnaires.
M. Morin: Oui, oui.
M. Cloutier: Le CCRI est rattaché au ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin: D'ailleurs, c'est le sous-ministre qui en est le
président.
M. Cloutier: C'est cela.
M. Morin: Le sous-ministre des Affaires intergouvemementales qui
en est le président.
M. Cloutier: C'est cela. C'est ce que je voulais préciser.
Bien sûr.
M. Morin: Je me demandais s'il n'y avait pas risque de
dédoublement, peut-être même...
M. Cloutier: Non.
M. Morin: ... d'affrontement entre les deux structures.
M. Cloutier: Non. Je n'ai rien constaté...
M. Morin: J'imagine qu'entre deux structures dont l'une est
constituée par des hommes politiques et l'autre par des fonctionnaires,
s'il y a contestation entre les deux...
M. Cloutier: Oui, mais...
M. Morin: ... la priorité sera vite établie.
M. Cloutier: ... le CCRI se rapporte à moi en tant que
ministre des Affaires intergouvemementales. Quant au CCRI, il y a un
échange, nous discutons. Je discute avec le président, je vais
passer des commandes au président, lui disant: Voici, nous allons
travailler dans tel sens. Si, par exemple, le CCRI amorce une politique dans un
domaine particulier, eh bien, il y aura un "input" politique qui viendra du
ministre des Affaires intergouvernementales, lequel se fait l'interprète
en général du Conseil des ministres. Je dois dire que la
collaboration a été excellente, je n'ai pas assisté
à des affrontements, comme vous dites, c'est un mot que vous semblez
affectionner.
M. Morin: Non, je me suis posé la question. Je craignais
surtout des dédoublements.
M. Cloutier: II ne semble pas y en avoir eu. Mais l'aspect
intergouvernemental est présent comme ii ne l'a jamais
été, grâce à cette structure. D'ailleurs, la
collaboration avec les ministères s'est instaurée très
rapidement. Ce sont les autres ministres, souvent, qui avant de partir, si le
mandat qu'ils doivent recevoir a un peu de retard, le réclament. Parce
que le mandat devient une espèce d'ordre de mission qui correspond
à une politique gouvernementale, alors qu'il fut une époque
où les choses se faisaient peut-être d'une façon un peu
plus lâche et où les positions dépendaient davantage de la
personnalité ou des conceptions du ministre sectoriel.
M. Morin: De sorte que dans le cas du CCRI, vous passez, comme
vous dites, des commandes à votre sous-ministre qui en est le
président. Il s'y trouve des représentants du Conseil
exécutif, du Conseil du trésor, des Finances, de la Justice
aussi, me dit-on, et de l'OPDQ.
M. Cloutier: Ce ne sont pas des représentants, mais ce
sont les hauts fonctionnaires du gouvernement.
M. Morin: Et ces commandes, comme vous dites, portent
forcément sur des questions intergouvernementales.
M. Cloutier: Oui, mais ce sont des dossiers permanents, le
dossier constitutionnel, par exemple, les arrangements fiscaux, la
préparation de grandes conférences
fédérales-provinciales, les conférences des premiers
ministres, alors qu'il s'agit de discuter d'ordre du jour, choses de cet
ordre-là. Ce sont des dossiers permanents. Dans ma réunion
hebdomadaire qui groupe ies directeurs généraux du
ministère, les sous-ministrss bien sûr, le CCRI nous fait rapport.
Même qu'il y a un ordre du jour où on repasse le calendrier de
toutes les rencontres, par exemple, on fait le point avec le directeur
général des relations fédérales- provinciales sur
chacune des ententes, nous suivons, d'une semaine a l'autre, l'évolution
des dossiers de manière à savoir où nous en sommes.
M. Morin: Le comité fait rapport, autrement dit,
hebdomadairement.
M. Cloutier: Le CCRI, mais, en plus de ça, toutes les
autres instances du ministère font également rapport toutes les
semaines.
M. Morin: Si j'ai bien compris...
M. Cloutier: On m'informe qu'il y a eu 115 réunions du
CCRI depuis sa création ce qui signifie qu'il n'a pas
chômé, d'autant plus que ce sont des réunions qui durent
une moyenne de cinq ou six heures.
M. Morin: Et depuis janvier 1976, par exemple, toutes les
semaines. Si j'ai bien compris la différence entre le CCRI, qui
relève en dernière analyse des Affaires intergouvernementales et
qui répond à des questions posées par le ministre
responsable, et l'autre structure, les quatre comités rattachés
au Conseil exécutif, dans le premier cas. ce sont les Affaires
intergouvemementales qui regroupent les représentants des autres
ministères tandis que dans le sein du Conseil exécutif, c'est le
ministre des Affaires intergouvernementales qui représente son
ministère au sein d'organismes qui regroupent plusieurs ministres.
M. Cloutier: On peut dire qu'en gros...
M. Morin: C'est un peu la situation inverse dans un cas...
M. Cloutier: ... c'est ça. le niveau des comités du
Conseil exécutif est évidemment le niveau ministériel. En
fait, les différents comités n'existent que pour une raison.
C'est pour permettre une étude plus approfondie des dossiers que dans un
conseil où vous avez 25 personnes autour d'une table. Ça permet
un travail en profondeur. Parce qu'ils passent tous, ensuite, au Conseil des
ministres. Lorsque ces dossiers arrivent, très souvent, ils ont
été étudiés par les ministres les plus
concernés. Et il suffit d'une espèce d'approbation de principe,
!a discussion pourrait théoriquement être reprise
complètement. Mais en pratique, ça ne se produit pas souvent.
M. Morin: Pourriez-vous, pour m'éclairer davantage, me
donner une idée de l'apport que le ministre des Affaires
intergouvernementales peut fournir au comité sur l'aménagement du
territoire.
M. Cloutier: Un apport double. D'abord, le ministre des Affaires
intergouvernementales peut présenter lui-même une politique
à ce comité. C'est le cas en ce qui concerne le dossier auquel je
faisais allusion, l'intégrité du territoire, les cessions de
terrain, plus exactement. Nous avons élaboré une politique qui
est en cours de discus-
sion, sur les cessions de terrain. Le problème des parcs s'inclut
là-dedans; c'est beaucoup plus vaste.
M. Morin: C'est cela que je voulais savoir. C'est à cela
que je voulais vous amener.
M. Cloutier: II y a des terrains qui seront achetés pour
faire des bureaux de poste, par exemple, par le gouvernement
fédéral. Il y a mille problèmes techniques qui se posent
et nous élaborons une politique générale qui permettra des
applications plus faciles. C'est un premier niveau d'intervention.
Il y en a un deuxième. Nous recevons l'ordre du jour du
comité de l'aménagement du territoire. Si nous nous apercevons
parce que les fonctionnaires le verront qu'il y a un aspect
intergouvernemental, qu'il peut y avoir un problème constitutionnel, mon
attention est attirée. Tout de suite, on me fait une note et je fais
valoir ce point de vue.
Si, pour une raison ou pour une autre, je ne peux pas être
présent parce que cela fait quand même pas mal de
comités à ce moment-là, je saisis le
président, d'une façon directe, du point de vue du
ministère des Affaires intergouvernementales, de sorte que, nous sommes
présents dans tous les dossiers qui sont traités.
M. Morin: Ces comités se réunissent à quelle
fréquence?
M. Cloutier: II y en a qui se réunissent tous les quinze
jours et d'autres qui le font une fois par semaine, mais les réunions
sont régulières, suivant...
M. Morin: Le ministre peut-il me dire, pour me donner une
idée je cherche à me faire une idée de la valeur de
ce mécanisme à combien de réunions de ces
comités rattachés au Conseil exécutif, il a
participé depuis le début de l'année, par exemple?
M. Cloutier: Je n'ai pas participé à un très
grand nombre de réunions, bien que je sois intervenu chaque fois, parce
que toutes les réunions ne comportaient pas des dossiers avec des
implications pour les affaires intergouvemementales.
M. Morin: Vous n'y allez que lorsqu'il y a des aspects qui vous
intéressent?
M. Cloutier: Oui, c'est cela. Mais, en principe, j'ai le droit
d'y aller tout le temps, de même que le ministre des Finances.
M. Morin: Mais vous récusez l'honneur par moments?
M. Cloutier: Ce n'est pas une question d'honneur, c'est une
question de travail et de temps. Si nous assistions à toutes les
réunions de tous les comités, ce serait peut-être
passionnant, mais je crois qu'on n'aurait pas le temps de faire quoi que ce
soit d'autre.
M. Morin: J'ouvre une petite parenthèse. Vous m'avez
intrigué quand vous m'avez parlé des terrains dont aurait besoin
le ministère fédéral des Postes. Est-ce que, vraiment, le
ministère fédéral des Postes vous signale les achats qu'il
serait intéressé à faire au Québec, pour loger des
bureaux de poste? Vous m'avez étonné un petit peu.
M. Cloutier: II ne s'agit pas de régenter les ventes
privées, mais il s'agit d'une politique, d'abord en ce qui concerne le
gouvernement, et les organismes parapublics ou les municipalités, par
exemple.
M. Morin: Vous voulez dire que vous serez consulté lorsque
le gouvernement fédéral convoite un terrain qui appartient au
domaine public ou à la municipalité?
M. Cloutier: Je n'ai pas l'intention de vous
révéler le sens de la politique, puisqu'elle est en discussion,
et je maintiendrai fermement mon principe. Mais je vous dirais que cela va
même beaucoup plus loin que cela.
M. Morin: Expliquez-moi.
M. Cloutier: Non, je ne vous expliquerai pas, parce que la
politique n'est pas au point. Je veux parler de la loi.
M. Morin: Alors, parlez-m'en. C'est le cas de le dire, comme le
disait Clémenceau, parle-m'en.
M. Cloutier: Cette politique découle de notre loi.
M. Morin: Mais est-ce que le ministre pourrait être plus
précis et me dire a combien de réunions il a été
présent?
M. Cloutier: Non.
M. Morin: II ne s'en souvient pas.
M. Cloutier: Je peux vous dire, par exemple, combien de fois je
suis intervenu.
M. Morin: Oui.
M. Cloutier: Je suis intervenu chaque fois qu'il y a eu un
problème intergouvernemental, soit... Il y a des dossiers que j'ai
suivis d'une façon un peu plus régulière. Mais
l'essentiel, ce n'est pas d'être présent physiquement, ce qui est
carrément impossible, mais, le ministre des Finances et moi-même,
nous intervenons lorsqu'un dossier est pertinent.
M. Morin: Bien. M. le Président, je ne sais pas si je
devrais aborder un nouveau sujet. Il est moins cinq. Je puis le faire, mais
nous n'aurions peut-être pas le temps de terminer.
Est-ce que le ministre désire que nous ajournions? Nous pouvons
encore insister pour les cinq dernières minutes, mais je ne le fais pas,
parce que cela me permettrait d'aborder un sujet un peu différent demain
matin.
M. Cloutier: Qu'est-ce que vous préférez,
messieurs?
M. Desjardins: On ajourne.
M. Cloutier: J'ai l'impression qu'il y a certains mouvements qui
se dessinent en faveur de l'ajournement.
Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses
travaux à demain, après la période des questions.
M. Cloutier: C'est ainsi que nous voyons les choses.
(Fin de la séance à 22 h 55)