(Dix heures deux minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis),
et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques)
est remplacée Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, je vais vous faire la
lecture de l'ordre du jour, nous allons entendre ce matin les personnes et les
organisations suivants : l'Association de paralysie cérébrale du Québec,
l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des
personnes handicapées, ainsi que monsieur... le Pr Tim Stainton, accompagné du
Pr Trudo Lemmens.
Alors, pour
l'heure, nous allons donc commencer avec l'Association de paralysie cérébrale
du Québec. Je vous présente M. Joseph Khoury, qui en est le
président. Alors, bienvenue, M. Khoury, à la Commission des relations avec les
citoyens. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, évidemment, vous présenter également.
Vont s'ensuivre ensuite les échanges avec la ministre ainsi que les membres de
la commission. Et le temps commence maintenant pour vous.
Association de
paralysie cérébrale du Québec (APCQ)
M. Khoury (Joseph) : Mme la
Présidente, je vous remercie beaucoup. Mmes et MM. les députés, je voudrais
commencer cette participation à votre honorable commission par une phrase de
Paul Valéry : «Écrivez dans le temps, mettez en commun ce que nous avons
de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences.»
J'ai eu le privilège de constater, dans
plusieurs pays, que les décideurs et parfois les intellectuels se distancent de
la culture locale, des habitudes, de la morale, de la simple vision du monde,
mais surtout de la pensée réelle de cette personne vivant avec un handicap
physique qu'est la paralysie cérébrale. Cependant, j'ai eu le même privilège en découvrant, dans de nombreuses
civilisations d'autres pays, une harmonie totale entre les sages
intellectuels, les décideurs et les
traditions du pays, surtout le respect total de la mort, ce qui veut dire que
la planète commence à avoir besoin de beaucoup, beaucoup de sages pour
assimiler à la fois la culture et les croyances de la vie et de la mort, qui ne
sont qu'un, comme la rivière et la mer.
Participer à ce débat sociétal de se prononcer
pour décider le destin de la vie d'une personne ayant la paralysie cérébrale,
en quelques minutes, je pense que c'est comme celui que vous me demandez
aujourd'hui, de remplir l'eau du fleuve
Saint-Laurent dans un verre ou à emprisonner le printemps du Québec dans un
tableau de peinture, ce qui est, à mon avis, techniquement et
pratiquement impossible.
Le projet de
loi n° 11 modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie, qui permet
aux personnes handicapées gravement
malades ou atteintes d'une maladie incurable d'avoir un avantage d'accéder aux
soins en formulant une demande d'aide
médicale à mourir... Je voudrais tout simplement, Mme la Présidente, clarifier
que mes commentaires, aujourd'hui,
relèvent seulement des personnes ayant la paralysie cérébrale et qui
représentent presque 22 000 personnes au Québec, et c'est
beaucoup, en précisant que le plus grand nombre d'enfants naissant avec un
handicap, c'est avec la paralysie cérébrale.
Et ce handicap arrive aussi même avant la naissance, jusqu'à la première minute
de l'accouchement, pour accompagner l'enfant la vie durant.
Permettez-moi aujourd'hui de vous parler du
handicap, d'un état et non une maladie. On peut guérir une cellule malade, mais
on ne peut pas redonner vie, à date, à une cellule morte, et ce, malgré
l'avancement de la science et la lucidité intellectuelle
instructive, morale et courageuse de la personne atteinte. Une personne vivant
avec la paralysie cérébrale est aussi lucide que moi-même, à condition qu'il ne
soit pas atteint d'un trouble mental. Ce trouble, en général, représente un
petit pourcentage parmi nos membres.
• (10 h 10) •
Devant ce grand projet de loi géant, il m'est
impossible de me prononcer sur l'élargissement d'une façon unilatérale à
l'accès à l'aide médicale de mourir aux personnes lourdement handicapées. Par
contre, aux personnes vivant avec la paralysie cérébrale, c'est une question
qui doit être profondément analysée, directement, en lisant ce droit à la
personne elle-même de prendre sa propre décision et parfois accompagnée d'un
autre sage, le sage de notre introduction.
Étant donné que ce
handicap n'est pas dégénératif, d'une part... et, d'autre part, j'ai eu le
privilège de discuter avec la quasi-totalité
des parents qui ont décidé de laisser tomber leur travail pour accompagner
quotidiennement la vie de leurs enfants qui sont leurs étoiles, et ce, sans
regret. Il est vital aujourd'hui de penser que ces familles qui vivent des
situations de vulnérabilité et de pauvreté très graves... Il est aussi vital
aussi de penser que leur vie quotidienne... pour une aide financière mensuelle,
pour qu'ils puissent continuer ce travail et s'occuper directement de leurs
enfants. Ils sont catégoriques qu'ils tiennent énormément à garder leurs
enfants, sans aucune forme de pensée, à côté d'elles, et aller jusqu'au bout,
parce qu'il y aura une maladie... il n'y aura pas de maladie dégénérative en
général qui va les empêcher ou qui va l'éloigner d'elles ou d'eux pour aller
vers une aide médicale à mourir.
Donc, je n'ai pas senti une réponse positive
d'aller de l'avant rapidement avec ce projet de loi n° 11 pour aller
vis-à-vis la décision qui sera prise par votre honorable comité. Je pense, avec
cette situation-là, le sage, dans son être ordinaire, pense plus profondément
et plus obstinément en exigeant d'user tous les moyens nécessaires avant
d'administrer la sédation palliative.
Nous sommes
rendus dans un état grave dans nos différentes sociétés. On banalise un des
deux actes suprêmes de notre existence, qui est la mort versus la vie,
comme si on veut prendre la décision hâtivement pour passer à autre chose en
donnant des directives aux médecins d'agir. De plus, je suis plus... qui
suis-je pour décider le destin de cette personne qui demande de profiter des
plaisirs de la vie, qui sont si minimes? Ce qui me fait penser à une de nos membres, très lourdement handicapée et même
extrêmement lourde, qui s'est déplacée jusqu'à la Grèce pour présenter,
avec sa productrice, son court métrage sur la danse, dont elle était l'héroïne.
J'ai confiance aux travaux de la commission, Mme
la Présidente. Nous sommes un peuple ouvert au monde, qui respecte la réalité
du handicap. Mais, si je suis, d'une certaine façon, favorable à ce projet de
loi pour les personnes très gravement malades... à condition que leur dignité
soit protégée sans équivoque, en assurant un départ dignement respecté.
À cet effet, je demande à la commission de faire
preuve de prudence vis-à-vis les personnes vivant avec la paralysie cérébrale.
Imaginez-vous ma propre mère dans le coma, suite à un ACV. Le médecin, un ami
d'école, me disait que maman allait nous quitter dans les prochains jours,
causé par la gravité de l'attaque. Maman s'est réveillée le 10e jour, est retournée à la maison,
ensuite, pour revivre deux années et demie et nous quitter, ensuite, à cause
d'un accident technique lors d'une légère opération à la hanche.
La décision de prendre ou de réfléchir en s'en
allant dans le projet de loi aura besoin des grands sages pour accompagner la
personne et informer la famille de la situation. Une situation hâtive sera
catastrophique pour la société et pour la personne elle-même.
Et je parle surtout des personnes lucides. Je
tiens à mentionner ce point. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé, dans mon introduction, de s'entourer de ces
sages pour mieux contrôler l'élargissement à cette admissibilité aux
personnes qui possèdent le contrat de leur acte, et ce, malgré ce handicap
physique qui les empêche d'agir.
Lors de la COVID, nous avons eu l'occasion
d'empêcher trois personnes d'aller vers l'acte extrême pour se départir de la vie
et nous avons réussi à les ramener à la vie, et aujourd'hui ils font partie
intégrante de notre société. Il y a souvent les émotions qui dépassent la
raison, et c'est laquelle... la commission n'aura pas le choix que de regarder
attentivement cette situation.
Mme la Présidente, membres du comité, notre
association a eu le privilège de signer, à l'UNESCO, à Paris, devant nos diplomates canadiens, et québécois, et
d'autres d'ailleurs, en la présence de milliers de personnes présentes, une déclaration relative au droit et à la dignité
des personnes vivant avec la paralysie cérébrale. C'est pour cette
raison, nous demandons à la commission de venir en aide auprès des personnes
handicapées maintenant, pour soulager leurs souffrances physiques et leur
donner goût à la vie. Probablement, une telle situation pourrait les aider à
vivre en santé et à améliorer leur qualité de vie avant d'envisager d'autres
moyens de court terme.
Mme la Présidente, comme nous vivons dans un
monde complexe et affolant, se débarrasser d'un être cher pour se libérer, pour
céder la place à quelqu'un d'autre, pour ramasser ce qui reste à ramasser, pour
vivre en pleine liberté — hélas!
quelle liberté — la
mort n'enlève que le contact et non la conscience, ni le regard, ni le sourire,
ni les souvenirs, chez les sages. Il est important de considérer que la mort
représente un symbole plus profond que le fond du sol de la planète et plus
haut jusqu'au ciel. Y a-t-il quelqu'un capable de mesurer ces deux distances en
hauteur et en profondeur? Sinon, personne n'est en mesure aujourd'hui de
mesurer la grandeur de la mort.
Membres du comité, vous êtes certainement de
ceux et celles qui peuvent comprendre l'importance et le véritable sens du
droit à la dignité. Et peut-être sans le savoir, vous êtes ici aujourd'hui en
écoutant les différentes présentations de différentes personnes et groupes qui
cherchent à transmettre de l'affection, témoigner de la création, donner du
courage aux personnes et aux familles, parce qu'ils doivent surmonter des
obstacles et redoubler d'efforts, parce qu'il en faut pour vivre.
Votre rôle est si important. Vous aussi, vous
devez redoubler d'efforts pour tenir compte de la présence... de la personne
handicapée, que cette personne devrait participer à la vie de la société avant
de précipiter la préparation de son départ dans l'au-delà. Dans un tel cas, la
société en sortira sans aucun doute grandie, plus humaine et plus démocratique
pour le bien et pour l'équilibre de l'humanité, pour que le soleil se lève à l'horizon,
pour de meilleurs lendemains. Et je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Khoury, pour cette présentation. Ça
va susciter certainement des interrogations. Alors, on va commencer la période
d'échange avec les membres de la commission. Et, en tout seigneur, tout
honneur, on va commencer avec Mme la ministre. Vous avez une période de
13 min 24 s pour l'ensemble de la banquette. La parole est à
vous, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui,
Mme la Présidente. M. Khoury, bienvenue à notre commission. Merci pour votre
présentation, pour votre éloquence. C'est vraiment intéressant de vous
entendre. Puis effectivement, vous avez tout à fait raison, nous avons un rôle
important, dans ce projet de loi, de bien entendre les différents points de
vue.
Et, dans ce
contexte-là, j'ai cru comprendre dans votre exposé, et je vais... je vous cite,
mais vous me direz, là, si je n'ai
pas bien compris. Vous dites, d'une certaine façon que vous êtes favorable,
pour les personnes ayant une maladie grave
et incurable, mais je comprends que vous ne souhaitez pas vous prononcer pour
les personnes ayant un handicap ou un handicap neuromoteur et/ou,
naturellement, le groupe que vous représentez qui sont les personnes ayant une
paralysie cérébrale. Est-ce exact?
M. Khoury (Joseph) : Exactement.
• (10 h 20) •
Mme Bélanger : Maintenant, vous le
savez que le projet... la loi sur les soins de fin de vie est quand même en
vigueur au Québec depuis 2015. Ce n'est pas une nouvelle loi, OK? Et vous savez
aussi qu'au niveau canadien le Code criminel canadien a inclus la notion de
handicap et de trouble mental. Alors, au Québec, on met à jour, d'une certaine
façon, notre loi qui existe déjà depuis plusieurs années, et nous avons intégré
la notion de handicap neuromoteur, justement, pour éviter, je dirais... mettre
certaines balises et pour éviter que cet... que l'aide médicale à mourir soit
vraiment, là, pour des personnes vivant différentes situations de handicap. Ça
fait qu'on est venus restreindre, au Québec.
Et, dans le
fond, ce que vous nous dites, c'est que, pour les personnes ayant la paralysie
cérébrale, vous croyez que... dans le
fond, le message que vous nous dites, c'est... organiser les services, faire en
sorte de soutenir les parents, les proches aidants, bien organiser les
services puis éviter à tout prix d'aller dans ça. Est-ce que c'est ça?
J'aimerais vous entendre un peu plus, là, pour les personnes avec une paralysie
cérébrale.
M. Khoury (Joseph) : Vous avez très
bien décortiqué, Mme la ministre, ce que je venais de dire. Et je tenais à vous dire, même dire au comité, que je
représente les 22 000 personnes vivant avec la paralysie cérébrale.
On connaît très bien les
conséquences, une personne vivant avec la paralysie cérébrale, et la
spécificité intellectuelle, et la lucidité... qui est en mesure, cette
personne, de prendre une décision advenant une... qu'un jour on va arriver à ce
stade de fin de vie. Mais la majorité de nos cas, nos membres vivent d'une
façon normale, sauf ce handicap neuromoteur, et ils sont d'une lucidité capable
d'agir jusqu'au bout, parce que nous n'avons pas... ce n'est pas une maladie,
la paralysie cérébrale, c'est un état, c'est un handicap.
Donc, moi, ici, je suis venu représenter leur
point de vue, parce que, paraît-il, quelqu'un m'a dit, on sent qu'il y a une certaine précipitation dans la décision
finale. Et nous autres, là, on ne vit pas une maladie, on vit un
handicap. C'est la raison pour... de la partie, au niveau des maladies, j'ai
dit mon engagement et mon approbation, une façon pour ces personnes qui vivent
avec une maladie dégénérative et qui vont partir d'une façon précipitée, qu'ils
soient... qu'ils partent dans la dignité.
Et pour les personnes handicapées, ils demandent
de s'approfondir encore dans le sujet, avant de prendre... avant de les
engager, les personnes vivant avec la paralysie cérébrale, avec d'autres
handicaps. Comme la partie mentale, les personnes vivant avec le handicap
mental, la situation est différente, ils préfèrent qu'on agisse d'une façon
différente avec les personnes ayant une lucidité intégrante dans leurs... les
propres décisions et les séparer d'autres particularités qui relèvent d'autres
handicaps. C'est tout simplement ça.
Mme Bélanger : M. Khoury, comme
président de l'Association paralysie cérébrale Québec, avez-vous eu l'occasion de parler avec vos vis-à-vis de
d'autres associations, de d'autres provinces canadiennes ou de d'autres
pays?
M. Khoury
(Joseph) : ...pardon, la question. Donc, en 2019, nous avions
organisé le premier congrès pancanadien, et toutes les associations
étaient présentes, au Québec, pour développer un réseau pancanadien. Et nous
parlons souvent... mais durant la COVID, malheureusement, les contacts étaient
coupés. Oui, nous sommes en contact avec eux, mais nous parlons souvent avec
nos membres, avec la quasi-totalité des membres et des parents. Et nous avons
créé récemment... pour aller de l'avant dans votre... pour répondre à votre
question, au niveau du Québec, nous venons
de lancer notre propre chaîne de télévision, Télé Handicap, le 21 janvier.
Vous trouverez... sur YouTube, et les émissions
commenceront le 8 avril pour parler avec... pas seulement de paralysie
cérébrale, de tous handicaps confondus.
Mme Bélanger : D'accord. Merci
beaucoup, M. Khoury.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, M. Khoury, on va
poursuivre avec... Est-ce que j'ai des questions du côté... Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Gendron : Bonjour. Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être avec nous ce matin. En fait, je voulais savoir si vous
aviez été mis au courant ou, enfin, interpelé du fait que certains de vos
membres de votre organisme désirent recevoir l'aide à mourir?
M. Khoury (Joseph) : Oui, j'ai eu
l'occasion de parler avec beaucoup... même avec les membres du conseil
d'administration, et je n'ai pas eu... peut-être il doit y avoir quelques personnes,
mais on n'a pas eu l'occasion de recevoir un message direct de nos membres qui
désirent avoir... Et je suis conscient de cette réalité, il pourrait y en avoir. Mais moi, je vous parle... une idée générale relative
à ce handicap neuromoteur, à cette lucidité qui relève d'un membre vivant avec
la paralysie cérébrale. Il peut y en avoir, je suis conscient de ça.
Mme Gendron : OK. D'après vous, de
quelle façon pourrait s'exprimer leur désir d'avoir l'aide à mourir? De quelle
souffrance pourraient-ils... pourraient-ils avoir afin de demander l'aide à
mourir?
M. Khoury (Joseph) : ...quand on
arrive à un stade final, il faut dire la vérité, il y a un stade final dans la vie, et on voit la réalité. J'ai demandé, quand
j'ai parlé au niveau des sages, les personnes sages, intellectuels et
décideurs, il y aura les possibilités aussi, en parlant avec les parents qui
ont donné leur vie à leurs enfants, d'agir peut-être dans cette voie. Ça, je n'ai pas une réponse à vous
donner aujourd'hui parce que je n'ai pas reçu la réponse
personnellement, mais ça pourrait être une possibilité. J'en suis conscient,
mais je ne peux pas la confirmer au nom de l'association.
Mme Gendron : Je comprends. Merci.
Est-ce que j'ai des collègues qui veulent poser d'autres questions?
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'ai la députée d'Abitibi-Ouest
qui va poursuivre avec vous, M. Khoury. La parole est à vous, madame.
Mme Blais : Bonjour, M. Khoury.
Merci de la belle présentation. Vous êtes un sage. Vous représentez
22 000 personnes, alors, bravo pour le travail que vous faites.
Lorsqu'on parle de paralysie cérébrale, chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, on
a un bel exemple qui est Rémy Mailloux, sûrement que vous le connaissez, de la
Ressource, qui fait un travail exceptionnel, qui a fait son MBA, qui est père,
grand-père. Alors, c'est un bel exemple pour la paralysie cérébrale.
À ce que je constate, lors de votre
présentation, vous nous dites que vous avez des grandes inquiétudes, entre autres, au niveau neuromoteur. Est-ce que, selon
vous, on devrait enlever le type neuromoteur, handicap neuromoteur,
selon vous, pour une protection?
M. Khoury
(Joseph) : Non. Votre question, ça, c'est de la sémantique.
Vous savez, la linguistique sémantique, on peut changer... on peut donner une définition à chaque mot à notre
manière. Et moi, ma façon de penser, avec toute la sagesse que vous
possédez tous, je ne voudrais pas qu'on joue avec les mots, avec les adjectifs.
Allons dans le fond.
Que ce soit
un neuromoteur, que ce soit autre mot, ça ne va pas donner la joie de vivre à
nos membres qui sont en attente et qui vivent une vulnérabilité et une
pauvreté, aussi, probablement. Étant donné que je suis en fonction de parler de
la nouvelle science qui est la nanotechnologie, on est conscient que les
maladies, les maladies graves se développent avec la transformation des
cellules, comme le cancer. Une petite cellule qui bifurque à l'envers, elle va
se multiplier, elle va donner... elle va ouvrir la voie à tous les cancers.
Heureusement qu'on réussit à donner des résultats exceptionnels et à guérir,
mais une cellule handicapée, morte, on ne peut pas... on ne peut rien faire
avec ça.
C'est la raison pour laquelle, je ne sais pas,
moi, je n'irai pas dans les adjectifs et dans les définitions des termes,
j'irai dans les actes et agir avec une sagesse. Vous êtes tous des sages. Là où
vous êtes aujourd'hui, c'est d'aller de l'avant, peut-être, pour donner une
aide supplémentaire, que cette personne retourne à une vie normale, non
stressée. À tous les jours, il va se réveiller, il vit en panique, il manque
ça, il lui manque ça. Bien, ça va diminuer la gravité d'un développement d'une
cellule cancéreuse, ou autres, là, et va lui donner une belle vie. Et peut-être
il va vieillir... surtout qu'une personne
vivant avec la paralysie cérébrale va vieillir comme nous, comme une personne
valide. Il n'est pas menacé par un
vieillissement maladif, par exemple. C'est la raison pour laquelle j'ai dit :
Les neuromoteurs, c'est un terme qui relève de la législature, mais je
ne m'engagerai pas là-dedans, c'est un terme technique. On sait c'est quoi, un
neuromoteur, pour les personnes vivant avec la paralysie cérébrale.
Mme Blais : Merci beaucoup, Dr
Khoury.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, M. Khoury, on va
poursuivre les discussions avec la députée de Westmount—Saint-Louis. Vous allez
disposer d'une période d'un petit peu plus
de 12 minutes... 10 min 24 s, on vient de me recalculer le
temps, donc, 10 min 24 s pour vos interventions. Allez-y.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bon matin, M. Khoury, un plaisir de vous avoir avec nous.
Merci pour votre témoignage et de partager. Je reflète l'opinion de mes
collègues, vous avez partagé votre position avec beaucoup de justesse, c'était
très clair.
Je veux vous entendre en ce qui concerne la
notion d'aptitude, parce que, quand on parle des personnes qui souffrent d'une... paralysie...
Une voix : ...
Mme
Maccarone : ... — oui,
merci — cérébrale,
souvent, ces personnes, vous l'avez dit aussi, peuvent souffrir des
problèmes neurologiques, alors... et puis ça, ça n'empêche pas cette personne à
souffrir. Parce que l'autre angle que je souhaite explorer avec vous, c'est la
notion de souffrance. Vous l'avez aussi soulevé.
Comment voyez-vous l'accompagnement d'une
personne? Parce qu'on souhaite évidemment, lors d'une adoption de la loi, que
ce soit uniquement des personnes qui sont aptes à consentir à une demande de
l'aide médicale à mourir... pourra poursuivre avec cette
demande, que ce soit une demande anticipée, une demande anticipée mise à l'oeuvre. Mais comment voyez-vous l'accompagnement
d'une personne qui souffre, peut-être, d'une paralysie cérébrale? Où son
aptitude peut varier? Comment voyez-vous notre accompagnement d'une personne
qui peut aussi souffrir?
M. Khoury
(Joseph) : ...terme
«souffrir», je vais commencer avec ça. Souffrir d'une... souffert... La
souffrance qui relève d'une personne vivant avec la paralysie cérébrale n'est
pas la même souffrance qu'une personne qui est malade dans une maladie
incurable. La souffrance, on l'a vécue durant la COVID, c'est que cette
personne, à cause du confinement, était
obligée... Premièrement, il reprend de l'obésité à cause qu'il est assis tout
le temps sur son fauteuil roulant. Il n'a pas pu sortir, donc il
développe des douleurs musculaires. Ce n'est pas des douleurs maladives. C'est la raison pour laquelle cette personne, on a
trouvé une solution et un financement pour alléger cette souffrance
physique, je dirais, là, au niveau
musculaire, et autres, avec des physiothérapeutes, avec des ergothérapeutes,
avec des massothérapeutes... (panne de son) ...situation de fin de vie
en premier lieu.
Deuxièmement, accompagner un enfant vivant
avec... ou un adulte, maintenant, vivant avec la paralysie cérébrale, nous, on
a réussi à trouver des situations, si c'est possible, on a demandé... on va
demander probablement au gouvernement, prochainement, à la veille de notre
75e anniversaire, si c'est possible de faire passer un projet de loi pour
venir en aide aux parents pour qu'ils puissent accompagner leurs enfants.
Nous avons... comme je disais aussi dans ma
présentation, il y a beaucoup de parents qui ont laissé leur travail pour
rester avec leur... et ça, c'est un projet d'accompagnement incroyable et
impressionnant, et les enfants ne demanderaient pas mieux, parce que c'est
l'amour qui va se conjuguer avec l'amour.
Mme Maccarone : Merci. Merci pour le
partage. Je sais qu'on a des gens qui nous écoutent, alors, en espérant que cette demande portera fruit. Le rôle
de le tiers de confiance dans les demandes anticipées... parce qu'il y a
du monde qui sont aptes, qui souffrent d'un problème de paralysie cérébrale,
qui feront peut-être une demande anticipée, parce que, dans les... on prévoit
une souffrance qui va être accrue. Alors, comment voyez-vous le rôle de le
tiers de confiance qui va accompagner cette personne?
M. Khoury (Joseph) : Je l'ai dit au
départ, la décision viendra de la personne elle-même, pour prendre la décision,
et nous l'accompagnerons.
Mme Maccarone : Mais le rôle de le
tiers de confiance, c'est souvent la personne... rendu où cette personne serait
peut-être inapte et pas capable de s'exprimer parce que la souffrance est trop
grande ou les problèmes neurologiques sont trop avancés. Alors, le rôle de le
tiers de confiance, ce serait un accompagnateur, dans le sens que ça peut être
la personne qui lève la main pour déclencher le processus, pour dire :
Suite à la demande que mon enfant a entamée, mon enfant majeur, je crois que
nous sommes rendus à un point où nous devons déclencher le processus
d'évaluation pour poursuivre avec une demande de l'aide médicale à mourir. Et
je pense que votre réponse à cette question est très importante et très
pertinente, parce que, souvent, on parle d'une personne qui n'est pas âgée, on
ne parle pas d'une personne qui souffre d'Alzheimer. Alors, souvent, c'est un
parent qui s'occupe d'un enfant majeur, et on ne veut surtout pas que les gens
qui, pour toutes sortes de raisons, poursuivent avec un déclenchement d'un
processus parce qu'ils trouvent que cette personne est un fardeau ou la
personne elle-même trouve qu'elle est un fardeau de responsabilité.
Alors, comment voyez-vous le rôle de ce tiers de
confiance, qui est un rôle essentiel? Est-ce que ça devrait être un proche?
Est-ce qu'on devrait éviter que ce soit un proche puis que ce soit un
professionnel dans le réseau de santé, par exemple? Comment voyez-vous cet
accompagnement?
M. Khoury (Joseph) : Vous savez,
vous avez parlé de deux points très importants. Nous, ces catégories, de notre
part, cette personne vivant avec la paralysie cérébrale, le moment où elle va
arriver... vous avez parlé... (panne de son) ...à verbaliser les mots. Mais
nous, en majorité, l'état de nos membres... (panne de son) ...et nous avons
réussi à les comprendre dès leur jeune âge, et ça va continuer jusqu'à la
vieillesse, avec la même façon de parler. Donc, on réussit à capter... même,
parfois, on peut capter ce qu'ils ont à dire avec leur tableau de bord. Avec
quelques mots, on peut former une phrase. Pour ça, ce n'est pas un problème.
Mais pour l'accompagnement, et vous avez donné aussi un exemple sur l'alzheimer...
moi, j'ai un ami, qui est ancien vice-recteur d'université, et il a lâché tout
pour accompagner sa femme... il m'a dit... qui a l'alzheimer. Il a tout lâché
et il m'a dit : Joseph, ma femme n'est pas malade, elle est handicapée
d'Alzheimer... et ce qui m'a fait réfléchir parce que cet handicap est venu au
niveau des neurones.
Donc, comment l'accompagner? Bien, pour répondre
au dernier point, c'est tout à fait normal, nos membres font partie intégrante.
L'association appartient à nos membres. Nous ne sommes que des gestionnaires,
nous autres, là, mais on facilitera toutes les... on prendra toutes les mesures
nécessaires pour l'accompagner, que ce soit par un accompagnateur... et
surtout, on a demandé de faciliter la tâche et d'aider les parents pour qu'ils
puissent garder leurs enfants, ne pas les laisser dans une société
indifférente. Et maintenant, quand on réussit à ramasser la famille, à
conjuguer la vie familiale entre maman et enfant ou papa et enfant, je pense
que la suite sera très facile à réaliser, pour répondre à votre question.
Mme Maccarone : Je vous
entends, le continuum de soins, l'accompagnement des proches aidants est très important. Puis je suis d'accord, je pense que
tout le monde est d'avis, est d'accord ici qu'on ne souhaite pas qu'il y
a du monde qui... des
citoyens qui demandent d'avoir accès à l'aide médicale à mourir par manque de
soins. Alors, nous avons un rôle, comme législateurs, de s'assurer que
les soins sont au rendez-vous... que ce soit au niveau de soins palliatifs qui
sont souvent très méconnus. Un soin palliatif, comme nous avons entendu la
semaine passée, ce n'est pas nécessairement pour les personnes en fin de vie,
ça peut être pour autres choses, pour aider des personnes qui souffrent de
gérer leur souffrance et d'en sortir pour ne plus être dans une position où ils
souhaitent avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Alors, je
vous entends et je suis d'accord qu'il faut en faire plus pour accompagner nos
parents, surtout proches aidants, qui s'occupent d'un enfant majeur
lourdement handicapé, c'est du non-sens qu'une famille d'accueil est mieux
rémunérée qu'une famille naturelle quand on parle de le placement de cette
personne qui a besoin d'avoir une surveillance 24 heures sur 24. Alors, je
vous remercie d'avoir fait votre intervention. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 1 min 30 s.
Mme Maccarone : 1 min 30 s.
Au niveau de le formulaire, M. Khoury, parce que ça reste que, pour des demandes
anticipées, il y aura quand même un formulaire que nous aurons... nous allons
demander au demandeur de remplir. Avez-vous
des recommandations à ce niveau comme accompagnement pour les personnes qui
pourront peut-être... parce que vous avez dit qu'il faut quand même
respecter l'autonomie de choix. Ça se peut qu'on va avoir du monde qui souffre,
qui feront une demande malgré leur diagnostic qui est un... pas une maladie
mais un handicap. Alors, comment voyez-vous le formulaire? Est-ce que ça
devrait être notarié? Est-ce que ça devrait être un formulaire qu'on remplit
avec le tiers de confiance, avec un médecin, avec un avocat? Comment voyez-vous
cet accompagnement?
• (10 h 40) •
M. Khoury (Joseph) : Ça, c'est
une question extrêmement législative. Moi, j'ai lu quelque chose avant d'aller
de l'avant dans cette présentation qui était basée sur ma raison et sur mes
sentiments. Je n'ai pas voulu aller dans les détails, ce qui a été dit
ailleurs. J'ai jeté un coup d'oeil, je ne vous le cache pas, mais quand tu vis
la situation d'une personne vivant avec la
paralysie cérébrale depuis 22 ans, j'ai été honoré d'avoir été choisi
parce qu'ils m'ont fait apprendre le
vrai sens de la vie. C'est à travers eux que je me suis... j'ai réussi à voir
mon image... (panne de son) ...à midi... (panne de son). Et c'est
dans... (panne de son) ...peux pas aujourd'hui de quelle façon je dois... (panne
de son) ...la décision que ce soit... (panne de son) ...notarié, un formulaire.
Je pense que c'est une question qui relève de vous, à condition qu'elle soit
simple parce que, pour une personne handicapée, la personne handicapée n'a pas
besoin de lire des pages, n'a pas besoin d'aller dans les projets de loi, dans
les articles, dans les sous-articles. Elle a besoin de lire pour comprendre.
Nos personnes handicapées ont la facilité de comprendre et d'agir, et on a...
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup,
M. Khoury. Je suis désolée, je suis la gardienne du temps. Le temps
imparti à l'opposition officielle est terminé. Je vais maintenant me retourner
du côté de la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Mme la députée, vous bénéficiez
d'une période de 3 min 28 s pour vos échanges avec M. Khoury,
allez-y.
Mme Tardif : M. Khoury,
tout d'abord, je veux vous remercier. J'ai entendu un message extrêmement
lumineux de votre part et qui nous ramène au sens, au vrai sens de la vie,
quand vous dites que ces gens-là ne sont pas malades, qu'elles sont aussi
intelligentes que vous et que nous, et qu'à quelque part c'est peut-être de
notre côté qu'on devrait avoir une ouverture plus grande pour essayer de les
comprendre et de les inclure, et que ce ne sont pas des personnes qui souffrent
physiquement, mais que leurs états sont des états qui les amènent à un
dépassement de l'âme, je dirais, à une autre dimension qu'on oublie trop
souvent.
Donc, sincèrement, merci. Merci. Merci d'être
venu nous donner ce témoignage-là. Et je comprends aussi que... puisque vous
les voyez tout à fait d'une façon lumineuse, que vous ne souhaitez pas que ces
gens-là soient inclus dans le projet de loi, que vous ne souhaitez pas que ces
personnes-là soient incluses, à moins qu'elles aient des souffrances
dégénératives, intolérables, etc., etc.
Ma question est : Est-ce que vous croyez
que le système de santé actuel est apte, est prêt à les comprendre, à saisir
leur message? Parce que vous l'avez dit, et c'est le sens du projet de loi, de
l'extension du projet de loi et du projet de loi actuel, c'est le respect de la
dignité humaine, c'est le respect du choix de la personne. Est-ce que notre
système médical comprend ces gens-là et qu'est-ce qu'on doit faire?
M. Khoury (Joseph) : Mme la députée,
votre question est très pertinente. N'oublions pas que nous vivons dans une
société de droit, dans une société démocratique et dans une société qui
respecte la dignité des personnes.
Maintenant, devrais-je parler d'un système
médical? Pourtant, j'ai fait un travail au niveau du rayon X miniaturisé
et je suis entouré de médecins. J'ai des grands amis... il y a mon deuxième
vice-président qui est médecin. Il y a aussi un spécialiste, un professeur
d'université qui travaille au niveau du handicap, donc... Mais qui suis-je aujourd'hui
pour donner mon opinion sur un système qui fait beaucoup de choses pour nos
citoyens?
Moi, je peux me permettre de dire, après avoir
visité... je ne dis pas ça pour influencer personne, je suis très terre à
terre, je suis une personne très terre à terre. (Panne de son) ...ce droit... (panne
de son) ...possibilité de voyager partout. Ce que nous avons ici, nous sommes
fiers... (panne de son). Avec toutes les générations... (panne de son) ...sur
un stade, sur une position qui jalouse beaucoup de sociétés.
Mais que faut-il
faire avec... Il y a toujours des failles partout. Je pense, pour ce projet de
loi... J'ai lu quelque chose au niveau du Collège des médecins et je connais la
position du Collège de médecins. Ce ne serait pas à moi de critiquer
ou de faire des louanges. Moi, ce qui m'intéresse le plus... (panne de son)
...très pertinente, elle est vraiment intéressante, c'est un sujet vraiment
intéressant, mais je ne pourrai pas donner mon opinion directement. Il y a des
bons médecins, il y a des moins bons médecins, il y a des bons ingénieurs, des
bons cordonniers, des moins bons. On est une société qui réserve tout, mais au
moins, il y a ce respect vis-à-vis la démocratie et la dignité. Nous sommes...
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. Khoury. Je dois malheureusement, encore une fois, vous
couper, mais ce n'est pas terminé. On va poursuivre et terminer, en fait, cette
première ronde avec le député des Îles-de-la-Madeleine, pour une période de 2 min 38 s,
questions et réponses incluses, s'il vous plaît. Merci beaucoup. Le
temps est à vous, M. le député.
M. Arseneau :
Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci, M. Khoury, pour votre présentation. On comprend
que c'est très important pour vous, et à la défense de vos
22 000 membres, de faire un appel à la dignité, au respect des
personnes et du choix de la condition qui... dans laquelle ils vivent. Et, en
toute connaissance de cause, là, ils doivent et peuvent participer, évidemment,
là, à part entière, là, évidemment, à la société.
J'ai décelé, dans vos
propos, un appel à la prudence et à prendre le temps. J'aimerais comprendre ce
que vous voulez passer, de façon plus
spécifique, comme message à la commission qui, actuellement, étudie le projet
de loi.
Qu'est-ce que ça veut
dire, si j'ai bien compris votre message, pour nous qui devons étudier un
projet de loi, et particulièrement en ce qui concerne la notion du handicap
neuromoteur ou du handicap, qu'est-ce que ça veut dire, prendre son temps?
M. Khoury (Joseph) :
Vous savez, un projet de loi, c'est le symbole de la démocratie et de
l'avancement d'une société quand il devient loi. Ça veut dire, il y a une
décision majoritaire, c'est une décision démocratique. La prudence dans...
chaque jour, on a besoin, avant de faire un acte, d'être prudent pour ne pas
tomber dans la faute, dans une faille. Imaginez-vous quand on parle de la vie
et de la mort, qui sont, pour moi, les deux actes suprêmes de l'existence,
comment voulez-vous que j'avance mon opinion? Et je vois actuellement
différentes opinions, différents sujets qui se développent, que ce soit à la
télévision, dans les journaux, avec des opinions différentes. Et on aura besoin
des sages, d'être prudent, peut-être se concentrer sur la bonne façon de gérer
ce projet de loi pour qu'il devienne loi dans le respect total de la dignité
humaine.
M. Arseneau :
Je comprends que... dans vos propos, que vous souhaitez qu'on atteigne le
plus large consensus possible pour que l'ensemble de la société québécoise
puisse évoluer au même rythme dans cet aspect-là qui est très délicat. C'est
bien ce que je dois comprendre?
M. Khoury (Joseph) : Et inviter aussi...
j'ajouterai aussi un mot important, inviter des personnes handicapées de
participer à ce débat.
M. Arseneau :
Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député.
Alors,
M. Khoury, c'est ce qui met fin à cette rencontre avec vous. Merci
beaucoup pour votre exposé, les réponses pertinentes à nos questions, aux
questions des membres de la commission. Il me reste à nouveau à vous dire... à
vous saluer pour une bonne journée.
Et puis à nous, les
membres de la commission, alors nous allons suspendre jusqu'à l'installation du
prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 48)
(Reprise à 10 h 54)
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens va reprendre ses travaux.
Alors, nous recevons
l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des
personnes handicapées. Alors,
Mme Tremblay, M. Berger... Mme Tremblay, qui est directrice, et
M. Berger, qui est collaborateur, bienvenue à la commission.
Alors,
vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé.
Je vous demande aussi, évidemment, de vous présenter, et ensuite la
période d'échange va commencer avec les membres de la commission. Alors, la
parole est à vous.
Alliance québécoise des regroupements régionaux pour
l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)
Mme Tremblay (Isabelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. Mon nom est Isabelle Tremblay. Je suis la
directrice de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration
des personnes handicapées et je suis accompagnée de M. Pierre Berger, qui
est un collaborateur à l'AQRIPH.
Pour la présentation de
notre mémoire aujourd'hui, je vais vous référer à notre mémoire sur des aspects
plus techniques, mais aujourd'hui on voudrait attirer votre attention sur trois
enjeux particuliers qu'on a relevés dans le mémoire et qui ont fait en sorte
qu'on vous a présenté quatre recommandations.
Alors, les trois enjeux sont les suivants :
sans surprise, la... le terme «handicap neuromoteur»; le second enjeu va nous
permettre de vous parler de l'accès aux services pour les personnes handicapées
et les familles; et finalement on voudrait vous entretenir sur les personnes
mineures et les personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Alors, allons-y pour le concept de handicap
neuromoteur. Nous, on a pris l'analyse du projet de loi sous l'angle qu'il fallait vraiment soulager les
souffrances des personnes, qui étaient constantes et insupportables et
surtout pour lesquelles il n'y avait pas moyen, là, d'apaiser, là, ces
souffrances-là. Alors, sans discrimination face à tous les citoyens du Québec,
c'est l'angle qu'on a pris quand vous avez déposé, là, le projet de loi, Mme la
ministre.
On a constaté qu'il y avait quand même des risques
d'inclure le handicap neuromoteur dans le projet de loi parce qu'il n'y a pas de définition en tant que telle et que ça peut
porter à interprétation. J'ai entendu à plusieurs reprises, pendant les
travaux de la commission, des questionnements que vous avez faits à plusieurs
représentants : Qu'est-ce que vous
entendez par handicap neuromoteur? Alors, quand on ne s'entend pas sur une
définition, qu'est-ce que ça amène? Ça amène des problèmes au niveau de
l'interprétation de cette définition-là. Et qui va être pris avec
l'interprétation? Bien, ce sont les professionnels qui vont devoir administrer
l'aide médicale à mourir.
Et vous avez entendu le Collège des médecins
aussi. Qu'est-ce que va faire un médecin quand il va être devant une personne
et qu'il va se dire : Est-ce qu'elle a vraiment un handicap neuromoteur
ou, si elle n'entre pas dans la définition
de la loi, qu'est-ce que je fais avec cette personne-là? Je lui administre...
je fais en sorte d'administrer l'aide médicale à mourir ou pas? Est-ce
que je peux avoir des poursuites judiciaires en responsabilité médicale? Donc,
c'est tous des questionnements qu'on peut éviter quand on n'a pas ce genre de
définition là qu'on... puis que tout le monde interprète et que personne ne
définit clairement.
Et ce que ça
peut faire aussi, c'est que ça peut amener de l'ouverture à des recours devant
des tribunaux. Eh bien, moi, je suis avocate de formation et puis j'aime
beaucoup les tribunaux, hein, j'ai fait 10 ans de ma vie en pratique
privée. Par contre, j'aime beaucoup aussi le fait que, depuis 25 ans, je
dirige un organisme et je participe à l'élaboration des projets de loi en
commission parlementaire. Et je pense que c'est vraiment plus aux législateurs
de rédiger les lois. Ce n'est pas aux tribunaux de le faire, et c'est avec les
citoyens, comme vous le faites présentement en commission. Donc, je pense que
c'est important qu'on définisse nous-mêmes c'est quoi, plutôt que de se le
faire imposer, là, par les tribunaux.
J'aimerais attirer votre attention que, quand on
est restrictif dans une loi, bien, ça amène des exclusions. Puis, quand on
parle d'exclusion dans une loi, bien, c'est sûr qu'on parle de compromission
des droits. Alors, c'est pour ça que nous, notre position est à l'effet qu'on
ne devrait pas avoir le terme «handicap neuromoteur» dans la loi, retirer
complètement ce concept-là. Et je veux juste réitérer, comme d'autres l'ont
fait dans le cadre des travaux de la commission,
que, pour nous aussi, il s'agit d'un paternalisme médical et que ça donne au projet
de loi une portée excessive.
Notre plus grande crainte va évidemment aller
vers les personnes handicapées. Vous avez suivi la saga judiciaire de
Mme Gladu et M. Truchon, qui se sont fait dire : Bien, vous avez
d'autres moyens, vous pouvez vous suicider, vous êtes autonome. Alors, c'est
inadmissible, la juge Baudouin l'a dit dans son jugement aussi, on n'est pas
dans une société où on peut tolérer de tels propos en disant aux gens qui ne
sont pas admissibles, qui n'entrent pas dans la définition de handicap
neuromoteur : Bien, vous pouvez toujours aller vous... vous pouvez
toujours vous suicider, vous pouvez toujours faire une grève de la faim pour en
finir avec vos jours. Donc, ça, on veut vraiment l'éviter. C'est pour ça que notre recommandation est à l'effet, la
recommandation 1, de retirer la terminologie «handicap neuromoteur»
pour inclure tous les citoyens du Québec.
Je vais y aller brièvement sur l'accès aux
services. On s'est questionné si, au-delà du biomédical, notre société était
prête à cet élargissement de l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'elle a les...
notre réseau de la santé et des services sociaux a les capacités de faire face
à tous les services et les... qu'ils vont devoir rendre auprès des personnes et
des familles? Donc, les personnes handicapées, déjà, c'est des fois un petit
parcours du combattant, là, d'être dans le réseau de la santé puis d'être
adéquatement informées et accompagnées. Dans le cadre de l'aide médicale à
mourir, où c'est un sujet qui est quand même très, très, très éthique et très
personnel, où il y a beaucoup d'émotivité, est-ce qu'on va savoir accompagner
adéquatement les personnes handicapées?
• (11 heures) •
Donc, on a un souci pour qu'elles puissent
exercer le libre... leur libre choix adéquatement, parce que, pour nous, là, à l'AQRIPH, là, le libre choix, là,
c'est vraiment majeur comme enjeu, là, au niveau des droits des personnes.
Donc, on veut que les personnes soient bien informées, qu'elles soient bien
accompagnées. Donc, est-ce que notre... nos professionnels dans le réseau de la santé sont adéquatement
formés pour accompagner les personnes elles-mêmes? Bien, on se pose un peu de
questions avec ce qu'on entend, là, des fois, sur la manière dont sont
accompagnées actuellement les personnes.
Et vous savez, on a lu récemment dans les
journaux l'histoire de quatre anciens combattants qui ont été incités à
utiliser... à faire appel à l'aide médicale à mourir. Et ça, on ne veut
absolument pas que ça existe dans notre société que... parce qu'une personne est
handicapée, qu'on va l'inciter, par manque de connaissances, à utiliser l'aide
médicale à mourir. Ça fait qu'on veut s'assurer, avec notre recommandation n° 2, que le personnel qui va travailler avec les personnes, qui va les accompagner, soit
bien formé pour accueillir, accompagner et, au besoin, recommander des
organismes communautaires ou d'autres ressources pour que ces personnes-là
puissent avoir accès aux services.
On a un souci aussi pour les familles et les
proches des personnes handicapées. Est-ce que ces personnes-là vont avoir à vivre des nouveautés avec l'aide
médicale à mourir, l'élargissement? Sûrement, parce
que ça donne ouverture à des jeunes
personnes handicapées qui vont pouvoir demander l'aide médicale à mourir, qui
ne seront pas en fin de vie.
Alors, est-ce qu'on va...
est-ce qu'on a ce qu'il faut dans notre réseau actuellement pour accompagner
les familles? Bon, ce n'est pas la place pour parler du programme soutien à la
famille ici, mais... on va en reparler ailleurs, là, soyez sans crainte, mais
les parents sont déjà épuisés, ils n'ont pas réponse à leurs besoins au niveau
du soutien à la famille. Ça fait qu'on est
comme très inquiets de l'état actuel du réseau au niveau du manque de
psychologues, des listes d'attente, au niveau des travailleurs sociaux. En fin
de semaine, il y avait quand même des papiers dans les journaux à l'effet que
les bénévoles sont épuisés au Québec.
Est-ce que, dans le contexte de l'élargissement
de l'aide médicale à mourir, on a... on va avoir des parents et des familles
qui, déjà épuisées par la situation qu'elles vivent, vont avoir cet élément
supplémentaire là de ne pas être accompagnées adéquatement puis de ne pas avoir
les services, là, en fonction, là, des besoins? Ça fait qu'on est un petit peu
inquiets, là, de notre réseau. Et ça, c'est ce qui nous amène à la
recommandation 3, là, de s'assurer qu'on va adéquatement accompagner les
personnes... les familles et les proches des personnes handicapées dans cette
aventure, parce qu'il s'agit bien d'une aventure, là, de demander l'aide
médicale à mourir.
Finalement, le troisième enjeu qu'on voulait
vous parler aujourd'hui concerne les mineurs et les personnes inaptes. Écoutez,
je mets mes gants blancs jusqu'ici, là, et je mets plein d'oeufs partout, là,
on marche sur des oeufs. C'est un sujet éthique hyperdélicat, où on n'a pas du
tout de consensus dans notre société, pas juste dans notre milieu des personnes
handicapées. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que, pour l'instant, ça a été exclu
dans le projet de loi, on est d'accord avec ça, on agit avec prudence. Personne
n'est prêt, aujourd'hui, à répondre à l'enjeu des personnes inaptes qui ont une
déficience intellectuelle profonde ou des personnes autistes.
Là, on a, par contre, une problématique
concernant l'accès aux soins, que, normalement, tous les citoyens du Québec
doivent avoir le même accès aux soins, et on est dans une dichotomie
entre : on veut protéger les personnes qui sont en situation de
vulnérabilité, mais on ne peut pas soulager leurs souffrances. Alors là, on a
un problème, à l'AQRIPH, en se disant : Qu'est-ce qu'on fait avec ces
personnes-là? Parce qu'à cause de leur statut, à cause de leur handicap, on va avoir le droit de les laisser
souffrir. C'est ça qui nous embête un peu. Ces personnes-là sont
vulnérables, mais il faut qu'on se pose la question. De mettre le sujet sous le
tapis en disant : Un problème dont on ne parle pas est un problème qui
n'existe pas, ça ne fonctionne pas.
Alors, c'est ce qui amène notre quatrième
recommandation, celle qu'on trouve vraiment hyperimportante dans notre
présentation : que vous mettiez sur pied, Mme la ministre, un comité de
réflexion mais avec plein de gens qui
vont... qui travaillent de plus près avec les personnes handicapées, les
personnes inaptes et que vous... on fasse l'échange avec ce comité-là,
qui pourra alimenter les travaux de la commission ensuite.
Moi, depuis
le début de... du dépôt du projet de loi, j'ai parlé avec plein de gens de
plein de corps professionnels, encore hier avec une chercheure
superintéressante qui cherche à comprendre la douleur chez des personnes aînées
qui n'ont plus les capacités cognitives. Donc, je pense qu'il faut qu'on assoie
des gens qui sont pour, des gens qui sont contre, des gens qui se questionnent
pour qu'on ne se fasse pas imposer par les tribunaux des choses, alors qu'on
aurait pu le faire en commission parlementaire ou en modifiant les lois.
Ça fait que ça, on vous le soumet, là,
respectueusement, mais on tient vraiment à ce que vous mettiez ce comité de
réflexion sur pied. Et j'ai une liste très, très longue de personnes qui sont
prêtes à y participer.
Alors, on vous soumet le tout, là, les quatre
recommandations de notre mémoire. Merci de votre écoute et de votre attention.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme
Tremblay. Des réflexions fort intéressantes, fort pertinentes, en fait,
qui vont alimenter les discussions. Alors, nous allons commencer de ce côté-ci
de la table avec Mme la ministre pour une période de
16 min 30 s. La parole est à vous à l'instant.
Mme Bélanger : Oui. Merci beaucoup.
Vos propos sont très éclairants, et on comprend que vous avez quand même écouté les groupes que nous avons reçus depuis,
là, deux semaines. Puis effectivement plusieurs groupes nous parlent de l'handicap neuromoteur versus handicap. Je
comprends que votre positionnement, c'est vraiment de... vous
recommandez, en fait, clairement d'aller avec la notion d'handicap et de ne pas
le qualifier, pour toutes les raisons, là, que vous avez mentionnées.
Bon, ma
question, dans le fond, vise davantage le volet de... que vous avez amené,
votre quatrième recommandation, de créer éventuellement un groupe
d'experts pour les personnes mineures et inaptes. Et il y a les personnes
mineures, les personnes inaptes mais les personnes ayant un trouble mental
aussi. Plusieurs groupes nous ont identifiés qu'il faudrait peut-être,
éventuellement, qu'on ait, là, une discussion éclairée à ce niveau-là. Et je
comprends aussi, dans votre recommandation, que vous êtes disposés à participer
à différents comités, là, en lien avec le volet... dans ce cas-ci, le volet des
personnes mineures et inaptes à consentir.
J'aimerais
vous entendre, parce que plusieurs groupes nous ont dit : Écoutez, je
pense, ce serait important que... de
faire un comité d'experts pour clarifier la notion «handicap versus handicap
neuromoteur». Vous l'avez certainement entendu. Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Est-ce que, comme commission, on a, selon votre vision des
choses, besoin d'avoir un comité d'experts pour statuer sur la notion «handicap
versus handicap neuromoteur», à savoir si on l'intègre dans le projet de loi ou
non?
Mme
Tremblay (Isabelle) : Bien, notre recommandation vous... nous dit de
retirer le terme «handicap neuromoteur». Donc, nous, on aimerait mieux
que vous mettiez sur pied un comité pour discuter des personnes inaptes et des
personnes mineures et non pas du handicap neuromoteur, qu'on vous demande de
retirer du projet de loi, parce que, selon nous, ça a une portée excessive
d'inclure ce terme-là. Donc, si je peux vous orienter un petit peu plus sur l'analyse que
nous, on a faite, c'est qu'on trouve que, comme ça touche des droits
fondamentaux des personnes... que ce n'est pas justifié de préciser le
handicap neuromoteur dans le projet de loi.
• (11 h 10) •
M. Berger
(Pierre) : ...en complément, là, en complément, c'est... En
fait, on ne veut pas parler de neuromoteur, parce que qu'est-ce qui prime,
qu'est-ce qui devrait primer, ce sont les souffrances qui sont... qui ne
peuvent être apaisées, qui sont constantes et qui sont insupportables. Dans une
situation comme celle-là, tout le monde devrait pouvoir demander l'aide
médicale à mourir. C'est dans ce sens-là, notre intervention. Donc, c'est plus
pour inclure tout le monde que pour exclure,
parce qu'en précisant «neuromoteur» on exclut un paquet de personnes qui
pourraient en avoir besoin. Un peu comme le
Collège des médecins l'avait exprimé en donnant des exemples de personnes qui
sont allées, finalement, dans d'autres provinces pour recevoir ce
soin-là, pourquoi ne pas se coller sur ce que les jugements ont dit à ce
sujet-là?
Il y a la question des troubles mentaux, qu'on
pense qu'effectivement... dans le texte du mémoire, vous l'avez peut-être lu,
là, qu'on pense qu'il est... on n'est pas tout à fait mûrs là-dessus, parce que
ça demande beaucoup de considérations. Puis c'est quoi, une souffrance
insupportable, quand on a un trouble mental? C'est difficile à décrire, puis je
ne suis pas sûr qu'on a l'ensemble des compétences pour pouvoir bien
décortiquer ça. Donc, c'est prudent, là, de votre part de les exclure
temporairement.
Mais, d'un autre côté, on pense que les mineurs
puis les personnes inaptes à consentir à un soin devraient aussi pouvoir avoir droit à ce qu'on soulage leurs
souffrances quand que c'est rendu insupportable, mais dans un cadre qui
est très précis. Au fond, c'est un peu pour se conformer à la Charte des
droits, qui parle de non-discrimination en fonction du handicap. En excluant
des personnes qui ont un certain type de handicap de l'accès à ce soin-là,
c'est... même s'ils ont le cancer, par exemple, même s'ils sont en fin de vie,
ne peuvent pas demander cette aide médicale là à mourir, il y a comme une
espèce de... quelque chose qui n'est pas tout à fait dans le respect de la
charte. Je pense, la Commission des droits, d'ailleurs, la semaine dernière,
l'a quand même... a donné beaucoup d'éclairage à cet effet-là, sur la nécessité,
peut-être, de peut-être donner un cadre plus particulier pour être sûr qu'il
n'y ait pas de dérive, là. Mais il y a quelque chose à réfléchir là-dessus.
Et, vous voyez, la ligne est très mince, hein?
On se souvient du cas Latimer puis que le père, finalement, complètement
déchiré entre les souffrances de sa fille et... qui a fini par, finalement,
tuer sa fille. C'est quand même une situation très... terrible qu'on ne
voudrait pas que des parents vivent nécessairement, et il y a peut-être moyen
d'amener quelque chose qui... un éclairage qui permettrait de décortiquer cette
question-là.
Mme Bélanger : Parce que, vous
savez, la question de l'aptitude est extrêmement importante dans les critères
de base, hein? Donc, il y a l'autodétermination de la personne, c'est la
personne qui décide pour elle-même si elle
veut recevoir l'aide médicale à mourir. Là, je ne suis pas dans la demande
anticipée mais, mettons, plus dans la demande
contemporaine, et c'est... Et le volet extrêmement important, c'est l'aptitude
à consentir. Donc là, vous nous amenez, dans le fond... vous ouvrez une
porte en disant : Bien, oui, il faudrait peut-être aussi, éventuellement,
parler des personnes qui sont des inaptes ou des personnes mineures, mais vous
comprenez que ce n'est pas dans le projet de loi actuel, là, mais je
comprends...
M. Berger (Pierre) : Bien, je vais
vous donner un exemple pour illustrer la chose. Moi, je suis parent d'un enfant qui a une déficience intellectuelle
profonde, il a des troubles du spectre de l'autisme, il est non verbal. Il est
très clair que, pour tous les soins, il
n'est jamais apte à consentir. S'il a le cancer et qu'il a des douleurs
atroces, pourquoi lui n'a pas droit à
l'aide médicale à mourir, alors que, s'il était apte, il y aurait droit? Donc,
il y a une espèce de discrimination fondée sur le handicap dans ce
cas-là. Et comment est-ce qu'on peut régler ça? Je ne sais pas. Ça prend un
cadre particulier. C'est pour ça qu'on dit qu'il faudrait créer un comité avec
des éthiciens, des gens qui amènent différents points de vue pour bien
circonscrire le sujet avant qu'un tribunal, par exemple, décide que, compte
tenu qu'il y a une discrimination, bien, vous devriez les desservir, puis on
vous donne tant de temps pour changer la loi, là.
Mme Tremblay (Isabelle) : Mais
peut-être...
Mme Bélanger : En fait, ça pourrait
faire l'objet d'une commission en soi, une commission spéciale, vraiment, parce
que le sujet est extrêmement important. Alors donc...
Mme Tremblay (Isabelle) : Je vous rappelle
que ce n'est quand même pas une position. Nous, ce qu'on dit, c'est que c'est
important que notre société se penche là-dessus, là, parce qu'on est... on est
comme un petit peu en avance de l'évolution de notre société. Si on fait un
comparable avec... toujours dans le contexte de la mort, des rites funéraires,
ça a changé, hein? Moi, je me souviens de... Ma mère a porté le deuil, là,
pendant un an, il fallait qu'elle s'habille en noir. On est partis d'exposer
nos gens dans des tombeaux pendant trois jours et trois nuits à plus aucune
cérémonie aujourd'hui, mais on n'est pas tous rendus à la même place au niveau
des rites funéraires. Ça fait que, quand on parle d'aide médicale à mourir, on
est une coche au-dessus encore plus. Donc, c'est important qu'on se penche sur
le sujet.
On comprend
que la Commission des droits a parlé... est allée plus loin en disant :
Nous, on voudrait peut-être que ce soit inclus puis qu'on ait un
mécanisme de consentement supplémentaire. On n'en est pas là. Nous, on veut que
le débat se fasse au sein de la société pour qu'on puisse s'occuper de ces
personnes-là qui vont souffrir. On ne veut
pas leur dire : Vous êtes handicapées, on va... on se tourne, on ne vous
regarde pas, et souffrez dans votre coin, là.
Mme
Bélanger : Bien, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Avant de poursuivre, je vais juste vous
demander, quand vous voulez prendre la parole, faites-moi signe pour... c'est
une question très technique, cette fois-là, technique... pour qu'on puisse bien
vous entendre avec le micro.
Alors,
on va poursuivre les discussions avec la députée de Vimont. Il reste encore
7 min 30 s pour l'ensemble de la baquette ministérielle.
Mme
Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Me Tremblay,
M. Berger, bonjour. Moi, ma question s'adresse à votre deuxième
recommandation : la formation. Vous mentionnez qu'il serait important
d'avoir une formation, pour les intervenants, adéquate. Pour vous, comment vous
la voyez, cette formation-là? Et pourquoi vous la recommandez? Est-ce que vous
avez eu vent, vous avez été témoins, peut-être, de situations inadéquates
autour de l'AMM? Je voudrais juste vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Isabelle) : Une précision : je
n'ai plus le titre de maître, j'ai démissionné du Barreau depuis...
Mme
Schmaltz : ...
Mme Tremblay
(Isabelle) : Non, mais, écoutez, ce n'est pas «désolée». Je vous ai
dit, j'ai quand même eu une... j'ai quand même pratiqué pendant 10 ans,
mais depuis, je... Donc, il ne faudrait pas que je me fasse accuser d'exercice
illégal de la profession, pas ici.
Alors,
dans le fond, c'est qu'on voudrait que les personnes qui risquent d'être...
d'accompagner les professionnels pour l'aide médicale à mourir soient
formés dans les cursus... soit l'éducation spécialisée, les infirmières, les
médecins, au fait que c'est possible, là, qu'il y ait des personnes handicapées
qui vont demander l'aide médicale à mourir. On n'a pas eu de cas, en tant que
tel, comme ça, mais, vous savez, on a entendu, au fil des dernières années,
plusieurs témoignages à l'effet qu'une personne handicapée arrivait pour
recevoir un soin puis que la personne ne savait pas comment lui parler, elle ne
s'adressait pas à elle, demandait d'avoir un accompagnateur, etc., là.
Donc, c'est plus
dans... en termes de prévention, de préparer les professionnels qui vont avoir
à oeuvrer auprès de personnes handicapées et des familles, d'avoir quelque
chose dans leur formation professionnelle pour savoir comment accueillir,
comment... connaître aussi tout le réseau, hein? Vous savez, le secteur des
personnes handicapées est un réseau qui est très organisé, il y a plusieurs
organismes communautaires qui existent qui peuvent accompagner des personnes et
des familles aussi. Donc, que les professionnels sachent que ça existe et puis
qu'ils peuvent aussi référer ces personnes-là, au besoin, là, vers d'autres
ressources, là.
Mme
Schmaltz : ...plus un volet communicationnel?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Prévention dans les formations, là, qu'on parle de
l'accueil, de la référence et de l'accompagnement, là, des personnes et des
familles.
Mme
Schmaltz : Est-ce que je peux poser... à moins que j'aie une
collègue... Oui, je peux poser une dernière petite question? Concernant les
personnes mineures, quel est l'âge? Parce que... C'est quoi, pour vous, une
personne mineure? Est-ce que c'est une
personne en bas de 18 ans? De 14 à 18 ans? En haut de 10 ans?
C'est quoi exactement, pour vous, l'âge d'un mineur? On sait,
techniquement, c'est quoi, la définition, là, mais...
M. Berger
(Pierre) : Donc, mineur, c'est mineur, c'est moins que... de
18 ans. Maintenant, est-ce qu'il pourrait
y avoir des modalités particulières pour les 14 ans et plus parce qu'ils
ont... qu'ils peuvent déjà consentir à certains soins? Bon, je pense que
les modalités pourraient varier, mais je pense qu'il faut réfléchir, pour les
plus jeunes encore, pour savoir, comme, dans quel cadre qu'une pratique comme
celle-là pourrait être acceptable. Parce que pourquoi qu'un enfant de 12 ans
qui a des douleurs atroces, constantes, qui va mourir dans quelques mois...
pourquoi lui n'a pas accès à ça, alors que, s'il était adulte, il y aurait
accès? Donc, c'est la discrimination qu'il y a là. Puis c'est à cause du facteur discriminatoire... La crainte
qu'on a, c'est qu'un jour le tribunal nous l'impose puis qu'on n'aura
pas... on n'aura pas réfléchi à tout le cadre qu'il faut mettre en place, et je
pense qu'il faut réfléchir à ça dès maintenant, là.
Mme
Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme
Poulet) : Oui, bonjour. Merci. Alors, je cède maintenant la parole à
ma... la collègue de l'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : ...combien
de temps, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme
Poulet) : Il reste 12 minutes... 3 min 46 s.
Mme Blais : ...
La Présidente (Mme Poulet) : Trois...
Pardon. Trois minutes...
Mme
Blais : Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. Lors de
votre présentation, je sens que vous vous souciez de la capacité de faire face
à la demande de l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est au niveau du
patient, de l'accompagner? Parce qu'on sait que c'est un art, hein, accompagner
des patients en phase terminale, pour en avoir fait pendant plusieurs années.
Alors, est-ce que vous pensez qu'on a toutes les ressources présentement pour
offrir ce service-là?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Bien, c'est ça, notre crainte, c'est... Est-ce que
notre... La capacité du réseau actuellement,
c'est ce qui nous inquiète, pour accompagner adéquatement les personnes, parce
qu'on voit qu'au niveau des... de la
santé mentale, hein, on entend beaucoup parler de santé mentale... qu'il y a
plus de 20 000 personnes qui sont en attente d'un service d'un
psychologue. Les travailleurs sociaux... Il y a eu une étude, là, on en parle
dans notre mémoire, là, qui a été publiée à l'effet que les travailleurs
sociaux sont épuisés puis ils pleurent même quand ils font des études. En fin
de semaine, on parlait aussi des bénévoles.
Ça fait qu'on se
demande est-ce que notre réseau va avoir la capacité pour accompagner les
personnes, pas pour donner l'acte... l'acte
médical, le soin, là, d'aide médicale à mourir, ça, on n'est pas inquiets, là,
on... je pense que ça va bien dans l'application de ce soin-là, mais
c'est plus au niveau de l'accompagnement des personnes et des familles, là, qu'on
s'inquiète. Est-ce qu'on va avoir les ressources dans notre réseau,
actuellement, qui est quand même en crise, là, pour accompagner adéquatement.
• (11 h 20) •
Mme Blais : Est-ce
que vous pensez à quelques solutions, entre autres les aidants naturels, ou...
Vous avez sûrement des idées à nous proposer, des suggestions.
Mme Tremblay
(Isabelle) : Bien, les suggestions qu'on a à vous proposer, c'est
effectivement d'investir davantage dans les
programmes sociaux. Si on pense, entre autres, aux familles, si elles arrivent
déjà épuisées et qu'une situation comme ça vient comme porter davantage,
là, de problématiques dans la famille... et si la famille a réponse à ses
besoins au préalable, bien, disons que ça va être plus facile pour elle
d'accompagner, là, la personne qui va demander l'aide médicale à mourir. Je
pense qu'il faut investir davantage, là, dans notre... dans nos réseaux. Il
faut prévoir que tous nos programmes
d'accompagnement des personnes handicapées et des ressources aient le soutien
financier adéquat pour... en réponse aux besoins, parce qu'au cours des
dernières années l'Office des personnes handicapées a évalué l'efficacité de la
politique À part entière, là, ils ont porté des jugements là-dessus, et puis on
est très, très loin, là, d'une réponse adéquate aux besoins des personnes et
des familles.
Donc, c'est
important, là, qu'on se soucie de... C'est presque 16 % de la population
québécoise, les personnes handicapées. Si on multiplie par deux, avec les
parents et les proches, ça fait quand même beaucoup de monde, là, qui peut
avoir besoin de services professionnels.
M. Berger
(Pierre) : J'ajouterais peut-être un élément... Donc, je veux juste
ajouter un élément, c'est que les... il y a une nouvelle dimension que le
projet de loi amène, c'est qu'à partir du moment que la personne... une
personne jeune qui est handicapée, qui ferait une demande d'aide médicale à
mourir... peut-être que l'entourage n'est pas tout à fait à l'aise à ce que
cette personne-là prenne la décision. Donc, ça demande un accompagnement
supplémentaire pour les proches, pour bien comprendre, et aussi la personne,
qui risque d'avoir des pressions de son entourage. Ça prend du soutien autour
de tout ça, là, donc un certain accompagnant... accompagnement, puis ça, bien,
il va falloir former du monde en conséquence, les préparer. Il faut que le
réseau soit préparé à ça.
La Présidente (Mme
Poulet) : 10 secondes encore. Allez-y.
Mme Tremblay
(Isabelle) : Peut-être terminer... Vous savez, au Québec, on a plein,
plein, plein de belles politiques et de beaux programmes, le problème est
toujours dans l'application de celles-ci. Donc, on a une nouvelle politique,
là, qui vient d'être adoptée pour les proches aidants, ça fait qu'il faut qu'on
ait aussi les accompagnements nécessaires,
au niveau financier puis au niveau de... du personnel, pour mettre en oeuvre
cette politique-là adéquatement.
La Présidente (Mme
Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions avec
la députée de Westmount—Saint-Louis
pour une période de 12 min 23 s.
Mme
Maccarone : Merci. Bienvenue. Merci pour votre témoignage, votre
participation et votre mémoire. Ça va sûrement nous guider dans notre
réflexion.
Je
veux renchérir sur votre recommandation du comité d'experts. Je suis d'avis que
nous avons besoin d'avoir une consultation plus large que cette... que
cette commission et les gens qui viennent témoigner pour nous aider à adopter
une loi qui est à l'image de notre société. Ce qui fait consensus de notre commission,
c'est qu'il n'y a pas de consensus en ce qui concerne la notion de handicap et
la définition. Vous-mêmes, vous ne l'avez pas définie dans votre mémoire, même
que vous l'avez rayée. Alors, est-ce que ça fait partie de votre
recommandation, de ne pas inclure du tout la notion de handicap puis utiliser
au lieu la terminologie «toute personne ayant des souffrances constantes et
insupportables qui ne peuvent être apaisées»?
Mme Tremblay
(Isabelle) : ...
Mme
Maccarone : Ça fait que c'est très clair. Je pense que ça
pourra nourrir la réflexion d'un comité d'experts, mais je pense que je
souhaite avoir un comité d'experts assez large ou transparent, où on peut avoir
la population qui pourra ainsi contribuer, incluant les personnes en situation
de handicap, qui pourra dire leur mot, parce que ça va engendrer un débat assez
large.
Mme
Tremblay (Isabelle) : Et puis je pense que c'est important d'aller
aussi... de faire participer à ce comité de réflexion là autant des
personnes qui vont vouloir une ouverture pour les personnes inaptes, comme la
Commission des droits ou... que des personnes où c'est complètement fermé,
parce qu'on entend, là, depuis le début du... dépôt du projet de loi, des
groupes et des personnes handicapées qui disent une chose et son contraire
aussi, là : Moi, je veux avoir... je
veux avoir droit à l'aide médicale à mourir, et nous, en tant que groupe, on ne
veut pas du tout que ce soit ouvert pour des... les personnes inaptes.
Donc, je pense que c'est important que... pour faire un débat éclairé, qu'on
ait tous les arguments, là, de ces personnes-là, là.
Mme Maccarone : Bien, vous ne faites
pas fausse route. Nous n'avons jamais eu un débat à l'Assemblée nationale en ce
qui concerne l'inclusion de l'aide médicale... l'expansion de l'aide médicale à
mourir envers les personnes en situation de handicap. Mais je veux vous
remercier aussi de parler au nom de ces personnes, parce que vous avez utilisé
les mots «dignité», «libre choix», que... je pense, est fondamental. J'ai
participé dans la réforme de le Curateur public, et, entre autres, ça faisait
en grande partie... le désir de vouloir respecter le plus possible les choix
des personnes en situation de handicap, qu'ils soient inaptes ou dans une
inaptitude qui varie, parce que ça arrive, ça aussi, sans enlever la notion
de... d'être dans une situation de maladie, parce qu'on n'est plus dans l'état,
on est maintenant dans la notion de maladie, parce qu'on n'a plus besoin
d'avoir le critère de soins de fin de vie. Alors, je vous remercie pour ça, parce que la stigmatisation derrière cette
catégorie de citoyens est très ancrée dans nos pensées.
Ce qui m'amène à la... à ce que vous avez
commencé à discuter un peu : la notion des jeunes adultes en situation de handicap qui font une demande.
Devons-nous... parce qu'on a entendu aussi le Collège des médecins, on a
parlé d'un guide de pratique. Quel genre de
balises pensez-vous que nous devons mettre à l'oeuvre, si jamais on
arrive à un consensus en ce qui concerne
l'inclusion? Parce que c'est tout à fait vrai, ce que vous dites, ça peut être
une personne de 18 ans qui était née avec un handicap grave, qui a
des souffrances, puis, après 18 ans de souffrance, que fait-on avec cette
personne? Est-ce que nous avons des balises en particulier que vous faites
comme recommandation pour nous?
Mme Tremblay (Isabelle) : Écoutez,
je pense que c'est là qu'on va comprendre l'importance du groupe, du comité
d'experts. Quand les... Ça fait quelques années, là, que je travaille à la
défense des droits des personnes handicapées et des familles, puis on était là
dès les premiers balbutiements, là, des travaux de certains... de tous les
partis politiques, avec Me Jean-Pierre Ménard, pour adopter la première loi,
là, de... sur l'aide médicale à mourir, et je me souviens qu'à l'époque il y
avait plusieurs personnes qui s'étaient levées : Mon Dieu, est-ce qu'on
va... est-ce qu'on va vouloir faire de
l'eugénisme envers les personnes handicapées? Est-ce qu'on va vouloir toutes
nous éliminer? Et puis Me Ménard était venu nous parler pour expliquer.
Donc,
l'éducation populaire est superimportante, d'informer les gens. Après ça, on
était comme... on était comme rassurés. On a suivi les travaux de la
commission, puis on suit ça quand même depuis... depuis tous les débuts, là,
des travaux.
Les
balises... Hier, j'ai été surprise, j'ai eu un appel d'une chercheure qui
voulait m'entretenir sur l'aide médicale à mourir, et puis elle, elle
fait des travaux sur la douleur des personnes aînées qui sont en situation
d'incapacité, donc des personnes... pour évaluer le niveau de douleur dans le
cerveau, puis elle me disait : Est-ce que vous pensez qu'on devrait
élargir nos travaux pour les personnes handicapées, là, qui sont inaptes? Bien,
c'est évident, là, que ces personnes-là...
puis il va y avoir des défis particuliers, mais ces personnes-là, on doit aussi
pouvoir évaluer la douleur, parce que,
dans le fond, l'objectif premier de ce projet de loi là, c'est d'éliminer les
souffrances, là, d'une personne. Donc, c'était superintéressant, l'échange que j'ai eu. C'est pour ça, je vous disais
tout à l'heure, j'aurais une liste très longue. J'ai parlé aussi avec
des médecins, avec des professeurs en droit à l'Université Laval qui ont des
positions, des philosophes qui ont des positions diamétralement opposées. Donc,
je pense que c'est important d'aller chercher cette expertise-là.
Moi, je ne suis pas là aujourd'hui pour vous
dire : Ça prend telle balise pour tel âge à tel âge, parce que je n'ai pas
les connaissances, je n'ai pas l'expertise pour ça, mais on peut s'associer
avec divers corps professionnels, là, pour nous éclairer là-dessus. Nous, ce
qu'on dit, c'est : C'est important d'en parler, ne nous faisons pas imposer,
comme l'a fait la Cour suprême, préparons-nous, au Québec, à traiter de nos
citoyens qui ont des incapacités, préparons-nous, parlons-en avec nos gens,
puis après, bien, on pourra faire ça adéquatement, plutôt que de nous faire
imposer des choses, et ne balayons surtout pas le sujet sous le tapis.
Mme Maccarone : Merci. Ma collègue,
elle a des questions pour vous.
La Présidente (Mme Poulet) : ...6 min 15 s.
Mme Prass : Merci de votre présence
et de votre mémoire aujourd'hui. Vous avez évoqué une situation avec des
vétérans, par exemple, une... des personnes qui ont été... on les a convaincues
de faire demande à l'aide médicale à mourir.
Pensez-vous qu'il devrait y avoir un processus où, avant que la personne fasse
la demande, qu'il devrait y avoir une consultation avec un psychologue,
travailleuse sociale, etc., pour s'assurer vraiment que la personne comprend la
réalité de ce qu'ils demandent et de s'assurer que ça vient de leur part et que
ce n'est pas une influence extérieure?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Absolument. Dans nos recommandations 2 et 3,
c'est... si on parle de formation du personnel, c'est pour informer
adéquatement les personnes. Les personnes ont droit à l'information, mais on ne
peut pas les inciter à avoir un soin ou à refuser un soin. Donc, c'est
important qu'on puisse accompagner comme il faut les personnes, les informer.
Pour nous, c'est superimportant, l'éducation populaire, hein, le pouvoir passe
par l'information, donc qu'on informe adéquatement les personnes pour qu'elles
puissent après exercer leur libre choix d'un consentement éclairé aussi sur la
situation, parce que la décision va toujours revenir à la personne, quand on
parle des personnes qui sont aptes, là, à consentir.
Mme Prass : ...que ça devrait être
une obligation... un processus d'obligation avant que la personne fasse la
demande?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, je
pense que, même dans le cadre des travaux ou de l'élargissement de la loi,
c'est important qu'au Québec on informe les citoyens puis qu'il y ait des
campagnes de sensibilisation, des campagnes d'information pour leur dire :
Vous avez droit à un tel soin, puis ça entre là-dedans. Vous pouvez aussi
donner votre consentement éclairé en rencontrant des professionnels.
Tu sais, il y a des questions qui se
posent : Est-ce que je vais souffrir? Combien ça va durer de temps?
Combien ça va... Est-ce que je peux demander l'aide médicale à mourir
aujourd'hui et l'avoir demain? Tu sais, il y a plein de questions qui restent
encore non répondues, là, pour les citoyens. Donc, c'est important qu'on les
informe adéquatement, là, quand on élargit des lois comme ça, là, par divers
moyens de communication. Et là-dessus je peux vous dire que le Curateur public
fait quand même de beaux documents qui vulgarisent très facilement les... des
lois. Toute la modification qu'il y a eu concernant les régimes de protection,
ça a été super bien expliqué, là, dans le... par leur direction des
communications. Ça fait que c'est comme des modèles à suivre pour informer la
population, les personnes sur des sujets aussi importants que l'aide médicale à
mourir.
• (11 h 30) •
Mme
Prass : Et, dans le même sens, encore une fois, pour
éviter qu'on se fasse influencer, pensez-vous qu'une fois que la demande
est faite... qu'on devrait la revoir, disons, à un certain intervalle pour
s'assurer que la décision de la personne est toujours pareille?
Mme Tremblay (Isabelle) : Ah! mais
je pense que ça, c'est déjà fait, et puis il y a l'avis de plusieurs... de plus qu'un professionnel aussi. Et je pense que
les professionnels aussi, dans le cadre de la formation qu'ils
pourraient avoir, doivent certainement pouvoir déceler l'influence de
certaines... de certains proches ou de familles. Vous savez, ils ont quand même
des petits trucs, là, dans leurs formations, là, pour déceler, effectivement,
une influence qui pourrait déranger le libre choix, là, de la personne.
Mme Prass : ...une suggestion
d'intervalle, à chaque deux ans, à chaque... pour qu'on revoie si la décision
de la personne est toujours pareille?
Mme Tremblay (Isabelle) : Pour avoir
l'aide médicale à mourir?
Mme Prass : Oui. Donc, une fois
qu'on fait la demande, est-ce qu'on devrait le revoir à des intervalles de deux
ans, etc., pour voir si la personne tient toujours à cette décision-là?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, ça,
ce n'est pas à moi de décider le délai, là, mais je pense que c'est déjà prévu
que quand... la personne doit quand même remplir certaines conditions, là, pour
demander l'aide médicale à mourir, et puis on revalide son consentement aussi.
Puis elle peut changer d'idée à tout moment, là, la personne, là. Ça fait qu'il
y a déjà des termes plus techniques, là, qui sont prévus dans la loi, là, au
niveau de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Mme Prass : Et, comme vous le
relevez bien dans votre mémoire, malheureusement, la situation des psychologues,
travailleurs socials au Québec, nous sommes en grande pénurie. On sait qu'il y
en a beaucoup moins dans le système public
qu'il y en a dans le système privé. Et vous, dans un monde idéal où il y aurait
disponibilité, il y aurait le financement pour avoir assez de
travailleurs, qu'est-ce que vous jugerez comme un accompagnement adéquat, à
part, au début, parler à la personne pour s'assurer qu'il prenne bien
conscience de la décision?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, je
pense qu'il faut... à ce moment-là, il faut regarder l'impact social de la loi
sur les parents et les proches qui vont avoir perdu quelqu'un. Est-ce qu'on va
être capable de les soutenir adéquatement par soit des travailleurs sociaux ou
des psychologues qui vont pouvoir les accompagner? Mais le deuil d'une
personne, le deuil d'une jeune personne, des fois, il y a des critères comme ça
qui s'ajoutent puis qui font que le deuil
peut devenir un deuil compliqué, donc, s'assurer que, ces personnes-là, on ne
les échappe pas dans le réseau et que leur situation n'empire pas, là.
Ça fait qu'il ne faut pas non plus, à partir du moment où la personne sort de l'hôpital et que c'est terminé, se dire :
Bon, bien, on n'a plus besoin de se préoccuper et de s'occuper de ces
personnes-là.
Mme Prass : Dans le même sens, vous
parlez de la formation, justement, des médecins, des travailleurs. Pensez-vous
que c'est une formation qui devrait être comprise dans leur programme, dans
leur curriculum scolaire?
Mme
Tremblay (Isabelle) : Oui, absolument, puis il y a déjà des formations
qui sont données, là, pour l'accueil et
l'accompagnement des personnes handicapées, mais c'est que, quand on est dans
un concept d'aide médicale à mourir, on touche à des valeurs aussi, là,
superimportantes de notre société, là. Vous savez, on a beau changer les mots,
«suicide», «soins», ça reste quand même des sujets qui qui sont tabous, là,
dans notre société, pour plusieurs, puis on n'est pas tous au même niveau, là,
d'avancement puis de... au niveau du concept de l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est important
qu'on actualise les formations et qu'on donne des formations pour que les
professionnels soient prêts à accompagner adéquatement concernant l'aide
médicale à mourir.
Mme Prass : Il
me reste combien de temps?
La Présidente (Mme
Poulet) : 10 secondes.
Mme Prass : Je
vous remercie de votre présence et de vos recommandations également. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice
pour une période de 4 min 8 s.
Mme Tardif : Merci. Merci d'être là.
Bonjour. Je n'ai plus beaucoup de questions. Il y a eu beaucoup de mes interrogations,
puis vous avez déjà abordé... vous m'avez entendu tantôt, donc, les points, là,
que je voulais traiter avec vous.
Par contre,
j'aimerais que vous nous disiez, est-ce que vous souhaitez qu'on mette sur
pause, au risque de chambouler la commission, là... à quel moment vous voyez le
comité d'experts. Est-ce qu'on devrait attendre, avant de commencer et
poursuivre notre travail sur le projet de loi actuel, qu'il y ait un comité, le
comité d'experts, le groupe de réflexion avec les spécialistes, se soient
penchés sur les différents points qu'on doit... sur lesquels on doit travailler
plus en profondeur?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, je pense que...
Bien, moi, ce ne serait pas long, hein, moi, ce n'est pas... Vous enlevez le terme «handicap neuromoteur», ça fait
que là vous pouvez aller de l'avant avec la loi. Puis, pour ce qui est des
personnes mineures et inaptes, je pense qu'il ne faut pas retarder pour mettre
sur pied un comité d'experts, parce que, premièrement,
le former, réunir tous ces gens-là, faire coïncider les agendas de toutes ces
personnes-là. Ensuite, probablement que
le comité d'experts ferait des recommandations à la Commission sur les soins de
fin de vie. Donc, tu sais, ça peut prendre
quand même une réflexion qui peut durer quelques années. Je ne pense pas qu'on
va faire ça en deux mois, là.
Ça fait que je ne
retarderais pas la mise sur pied. Puis on va revenir auprès de Mme la ministre
sur le sujet maintenant qu'elle nous a entendus, mais je pense qu'il faudrait
que ce soit rapidement mis sur pied, ce comité d'experts là, pour se pencher... avant que des personnes attaquent,
devant les tribunaux, cette disposition de l'inaptitude.
Mme Tardif :
Puis vous nous amenez, une fois de plus, à... en fonction du système de santé
et de tous nos organismes communautaires qu'on a, là, dans... dans chacun et
chacune de nos régions, vous nous amenez... vous nous remettez en face la
problématique du manque de psychologues, du manque de travailleurs socials. Je
pense que ce projet-là va aussi impliquer qu'on revoie le nombre d'inscriptions
dans les universités afin d'augmenter, là, les... la formation parce qu'ils
sont débordés.
Mme Tremblay
(Isabelle) : Moi, je ne sais pas combien il nous reste de temps, mais
j'aimerais juste vous dire que, depuis l'adoption de la Loi sur l'aide médicale
à mourir, ce que j'ai entendu personnellement, là, en tant qu'Isabelle
Tremblay, de gens qui ont vécu l'aide médicale à mourir, ça s'est toujours fait
très sereinement, dans le respect de la personne, dans le respect des familles,
des proches, selon les volontés. Je n'ai pas entendu d'histoire négative
concernant l'accompagnement et ce soin d'aide médicale à mourir, au contraire,
là, au contraire.
Ce que je voudrais,
c'est que ce soit la même chose pour les personnes handicapées puis les
familles. Je voudrais que... qu'elles vivent, comme pour tous les autres
citoyens, le soin de l'aide médicale à mourir, qu'elles ne s'en aillent pas
complètement débâties, ou que des personnes aillent... qu'on leur dise d'aller
se suicider ou de faire la grève de la faim. Je ne voudrais pas qu'on vive ça
dans le secteur des personnes handicapées puis des familles.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme
Poulet) : Merci à vous tous. Mme Tremblay, M. Berger, merci
de votre collaboration, de votre participation.
Alors, ceci met
fin... Je vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre au
prochain groupe de prendre place. Alors, merci à vous tous.
(Suspension de la séance à
11 h 38)
(Reprise à 11 h 47)
La Présidente (Mme
Poulet) : Alors, bonjour à tous. On va poursuivre les travaux. Alors,
je souhaite la bienvenue au Pr Tim Stainton et le Pr Lemmens. Alors,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec
les membres de la commission. Alors, je vous invite donc à vous présenter et à
commencer votre exposé.
MM. Tim Stainton et Trudo Lemmens
M. Lemmens
(Trudo) : Bonjour, Mme la Présidente, membres de la commission. Je
remercie... je vous remercie pour nous inviter à témoigner aujourd'hui. Mon
témoignage est informé par mes recherches sur l'AMM au Canada, en Belgique et aux Pays-Bas, par ma participation avec mon collègue
Tim Stainton au sein du comité d'experts du Conseil des académies
canadiennes et par mon expérience comme proche parent de plusieurs personnes
qui ont été ou sont confrontées avec la démence, incluant la démence précoce.
C'est une situation qui demande une approche sensible et réaliste qui doit
tenir compte du fait que des approches bien intentionnées basées sur l'AMM se
heurtent, à mon avis, à des barrières éthiques et juridiques et plus
particulièrement aussi aux droits de l'homme.
Je soulève ici
quelques points et j'invite les membres de la commission à lire nos
soumissions, le rapport du Conseil des académies canadiennes et un article
d'experts belges et hollandais sur leur expérience avec l'AMM, que j'ajoute... que j'ai ajouté en annexe à ma soumission.
Et, dans cet article, les experts expliquent pourquoi la Belgique ne
devait pas suivre, selon eux, l'approche des Pays-Bas, le seul pays au monde où
on permet l'utilisation de demandes anticipées pour l'euthanasie, ou l'AMM, des
personnes avec démence profonde.
Il faut souligner
d'abord le contexte dans lequel les demandes anticipées d'AMM seront mises en
oeuvre. Le manque de soins spécialisés adéquats et la crainte de demande de
soins appropriés minent déjà un élément fondateur du projet de loi, c'est-à-dire l'autonomie et la volonté des patients
sont déjà compromises par la pression contextuelle et le manque de soins adéquats, qui est un élément
important. Mais deuxièmement, la légalisation des demandes anticipées
pour l'AMM se base sur l'idée que, d'abord, les volontés préalables des
patients ont priorité sur leurs intérêts et volontés courantes, que cela ne
pose pas de problèmes éthiques et juridiques, entre autres, car on permet déjà
des directives anticipées de refus de traitement.
• (11 h 50) •
Deuxième idée, l'AMM
peut être administrée de telle façon que des praticiens de santé ou des tiers
aient une vision claire de la souffrance des patients et de leurs véritables
souhaits. Je pense ici aux phrases dans la loi, comme, je cite : «Les souffrances
doivent être objectivables.» Et la personne doit, je cite, «paraître
objectivement éprouver les souffrances décrites», et ceci, sans que
l'interprétation de cette souffrance par des tiers soit influencée par les
préjugés capacitistes dont mon collègue Tim Stainton va parler en plus de
détails.
Troisième idée, qu'il
n'y aurait pas de conséquences sérieuses pour les membres de leur famille, les
praticiens de la santé, les autres personnes handicapées et la société plus
large. Et moi, je touche brièvement ici sur les
deux premiers points, et le Pr Stainton parlera surtout du troisième. Premier
point, en ce qui concerne la comparaison avec les directives anticipées
à l'incertitude, il faut noter que les procédures de directives anticipées de
soins médicaux actuellement en vigueur posent déjà des problèmes
d'interprétation. Les problèmes seront plus significatifs avec les demandes anticipées d'AMM. On peut
justifier d'accepter par directive des refus de traitement par le devoir
de respecter l'intégrité corporelle du patient, en plus de l'idée de
l'autonomie, dans les situations où on ne connaît pas clairement ses volontés
courantes. Mais ce refus fait déjà face à des limites dans la pratique actuelle
de la médecine.
Avec l'AMM, on se
trouve dans la situation inverse de la situation des directives anticipées pour
refus de traitement. Exécuter une directive anticipée d'AMM constitue une
intervention qui affecte l'intégrité physique du patient. En l'absence de son
consentement clair et sans équivoque, ce viol de l'intégrité physique est une
agression au sens légal du terme. Dans le
domaine médical, s'abstenir d'une intervention sans consentement peut être
négligent, mais elle ne constitue jamais une agression.
En ce qui concerne
l'incertitude, je vais surtout me concentrer sur ça et laisser la question sur
la légalité et le droit de... le droit de la personne international pour la
période de questions. En ce qui concerne l'incertitude, premièrement, les
mesures pour s'assurer qu'on clarifie et qu'on objectivise les souffrances par
demande anticipée n'enlèvent rien du fait
qu'on doit interpréter la souffrance à un moment où la personne ne peut plus
s'exprimer sur la nature de sa souffrance et de ses préférences. Ce sont
des constructions juridiques qui risquent de fausser la réalité pratique.
Deuxièmement, les
mesures pour s'assurer qu'on respecte tout refus, et je cite ici la loi... le
projet de loi, «tout refus de recevoir l'aide médicale à mourir», alors les
mesures, pour s'assurer ça, essaient d'établir des limites, c'est vrai, mais cette soi-disant balise est
affaiblie par le fait que le projet de loi laisse beaucoup de place à
l'interprétation par les médecins. Je
cite : «Une manifestation clinique découlant de la situation médicale de
la personne ne constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à
mourir», ce qui nécessite évidemment une interprétation et laisse de la place
pour des interprétations capacitistes.
Des
problèmes d'éthique et de droit... je vais être très vite ici. La légalisation
des demandes anticipées d'AMM introduit inévitablement, inévitablement,
la prise de décision par une tierce personne de mettre fin à une vie, comme le
rapport du Conseil des académies canadiennes le mentionne. Elle rend donc floue
la distinction entre l'AMM clairement volontaire et l'AMM involontaire. Le
consentement anticipé n'a pas la même valeur que le consentement contemporain, et la terminologie des directives
anticipées serait en fait plus correcte. Et je développe, dans ma
soumission, plus en détail pourquoi cet
aspect violerait la Charte canadienne, la charte québécoise et aussi la
convention internationale sur les droits des personnes handicapées,
particulièrement la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d'égalité... protection et le droit à
la vie des personnes qui ont une perte cognitive, mais qui sont, d'une
certaine façon, encore avec nous et dont on doit certainement, au moins,
respecter ou essayer de promouvoir la participation dans la prise de décision
au moment où on doit donner l'aide médicale à mourir.
Et je vais finir ici et j'invite le
Pr Stainton à continuer.
M. Stainton (Tim) :
Thank you, Trudo, and thank you to the
members of the committee to have me speak with
you today. I'm primarily an expert in the area of intellectual development on disabilities. So, I primarily
focused on that. However, I have a couple of general comments on the current
bill proposal in Québec. So,
one of my concerns on the current Québec proposal is that there is no timeframe for renewal schedule
included in the bill. People can and do change their minds regarding
euthanasia, particularly at the time when the actual actual suffering is
experienced. Currently advanced health care directives are often made well in
advance of when they may be required, can be forgotten over time or people's
preferences change. Given the finality of MAID, it would seem prudent to ensure
the advance directive is as recent as possible. This can only be achieved if a
frequent renewal and confirmation process is required such as an annual
reconfirmation process.
I'm
also concerned that persons may indicate in a general advance directive that
they wish to have MAID should they
experience... onset of severe dementia or they experience a severe traumatic
event resulting in brain injury or physical
disabilities such as para or quadriplegia. It is well documented that many
people will contemplate... post injury that this tends
to dissipate after a period of adjustment and many subsequently report
quality of life on par with non-disabled persons.
Further,
it's also well established that non-disabled persons rate the quality of life
of disabled persons much lower than disabled
persons themselves do. This is known as the disability paradox. My concern is
if advanced request for MAID exists
and a person is unable to communicate their current will and preference,
perhaps temporarily due to a coma for example, action will be taken to
end their life based on a prior advance directive when the person may well have
gone on to a meaningful quality of life.
While the current act may mitigate against this to some degree, once
advanced requests are established, it is a small step to these being broadened
to situations such as traumatic injury.
My
concerns regarding people with intellectual disabilities relate more to what
the current bill may lead to rather than its direct impact. Many persons tend
to assume that persons with intellectual disabilities will not be at risk due to their inability to consent. The reality is
however many with intellectual disabilities are capable of giving
consent and indeed a strict interpretation of article 12 of the Convention
on the Rights for Persons with Disabilities would affirm their right to do so and the right for trusted others to assist
them in expressing their will and preference. Pr Tuffrey-Wijne said... number of cases in the Netherlands
and documented numerous cases of people with intellectual disabilities
being euthanized in the Netherlands have raised serious concerns about how the
consent capacity determinations were handled in many of those cases.
With
the introduction of advanced directives, a level of substituted judgement is
inevitably introduced as no contemporaneous consent will be possible at the
time of the assisted death. Indeed, this is the whole point to advanced directives. With the weakening of direct
consent and the introduction of a level of substituted judgement, it's a
small step to allowing those who are
legal-decision makers or supporters to consent for MAID on behalf of the
person.
La Présidente (Mme Poulet) : Docteur...
Pr Stainton, je m'excuse de vous interrompre. On a dépassé
largement le temps qui vous est alloué. Alors, si vous me permettez... puis je
vous remercie pour votre exposé.
Comme nous avons
débuté notre audition avec quelques minutes de retard, est-ce qu'il y a
consentement afin d'aller au-delà de l'heure prévue?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme
Poulet) : Parfait. Merci. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
• (12 heures) •
Mme Bélanger :
Oui, Mme la Présidente.
Pr Stainton, Pr Lemmens, bienvenue. Merci pour le mémoire et
pour votre présentation.
J'aimerais vous
entendre sur un élément fondamental qui est inscrit dans le projet de loi
actuellement au Québec, qui est l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux
personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable. Vous n'en faites
pas état dans votre mémoire, mais je voudrais savoir comment vous voyez, dans
le fond, l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant un handicap versus
ce qu'au Québec, là ,on est en train, donc... que nous avons inscrit, dans le
projet de loi, «les personnes ayant un handicap neuromoteur grave et
incurable».
M. Stainton (Tim) :
I'm not sure I completely got the question, but, if I understand it,
you're asking if the limitation to people with the neuromotor conditions would
be some... for people with disabilities. I think that's true to an extent. I
think the concern is that once you start down a certain path, and as we've seen
with MAID in Canada today, that they will inevitably be pressured to push that
boundary. And there's... you know, I've included some in my briefs and
references, but there is a really astonishing level of acceptance for
euthanization of people with disabilities, particularly people with
intellectual disabilities, as well as very, you know, frightening number of cases
of parents themselves, either requesting or taking the lives of their children,
often because they're... they can't get the supports
they need and they are just at their wit's end on what to do. So, I think
that's more the concern, as I mentioned, it's not so much with the specific provisions of this bill, but it gets as
very close to that position, which unfortunately, I think, would get
widespread public support.
Mme
Bélanger : OK. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Poulet) : ...il y
a d'autres questions? Oui. Allez-y.
Mme Picard :
Bonjour. I don't speak... I am too shy to speak in English, I will ask
my question in French. Sorry.
J'aimerais savoir, est-ce que vous croyez que
c'est une sécurité, une bonne sécurité supplémentaire d'avoir une tierce
personne, une personne de confiance que les gens pourraient choisir eux-mêmes
pour faire l'aide médicale à mourir, dans une demande anticipée? En fait, ce
qu'on... l'intensité du législateur, c'est justement que la personne qui
deviendrait inapte choisit une tierce personne pour lever le drapeau au moment
venu pour dire : Elle rencontre telle,
telle, telle souffrance. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne sécurité
d'avoir une personne de confiance pour ce rôle-là, pour aider les
équipes médicales autour du patient?
M. Lemmens
(Trudo) : Je vais peut-être commencer en commentant sur
l'idée que, oui, choisir une personne de confiance est, dans un système
de... de prise de décision dans le contexte d'inaptitude, assez commun. Et je
sais que le Québec, en fait, a un système...
parce que je l'ai personnellement vu aussi dans le contexte de ma famille, un
système très bien, de contrôle sur... le
choix d'une personne de confiance, vérification par des assistants sociaux, et
tout ça. Dans d'autres contextes, je dirais, c'est un système rassurant.
Dans le
contexte de l'aide médicale à mourir, ça reste que c'est un acte particulier,
comme j'ai décrit, qui demande une
invasion de l'espace physique de la personne. Et il faut alors... on met
beaucoup de responsabilité sur une personne qui doit prendre une
décision très forte et invasif de mettre fin à la vie d'une personne. Alors,
c'est, je dirais, aussi pour la personne dont on... à qui on donne cette
responsabilité, une question d'éthique profonde. Est-ce que c'est... ça donne
une certain garantie? Ça peut aider. Mais je constate qu'aux Pays-Bas, par
exemple, on a eu beaucoup de situations où les médecins étaient... avaient un
manque de confort avec comment les membres de la famille, sans penser qu'ils
sont... comment je dirais, que c'est à cause d'une volonté de vouloir tuer leur
membre de la famille, mais que les membres de la famille ont souvent une
tendance à interpréter la souffrance ou la présence d'une personne avec démence
comme étant quelque chose qui cause de la souffrance pour la personne.
J'ai traduit, et je le cite dans mon mémoire, un
article dans La Presse... en fait, c'est un rapport détaillé où on
constatait qu'une famille qui pensait que leur membre de la famille voulait
vraiment avoir maintenant l'aide médicale à mourir, la personne souffrait de
démence, mais où c'est seulement à cause du fait que les médecins ont pris la personne à part et ont insisté :
Est-ce que vous voulez vraiment mourir? Et la personne avait... disait «borderline
capacity», tu sais, était... avait une perte
de... cognitif, mais pouvait encore s'exprimer. Elle disait... La personne
avait, dans le passé et dans les
directives anticipées, toujours dit : Je veux mourir, si je suis
dépendante des autres et si... je ne veux pas aller dans un centre d'hébergement. Mais la personne était dans un
centre d'hébergement. Et quand le... les médecins prenaient la personne
à part et insistaient, la personne disait : Bien, la vie n'est pas si pire
que ça, mais c'est eux qui le veulent.
Alors, je dirais, il y a des questions
fondamentales de volonté qu'on ne peut pas résoudre facilement, qui peuvent
mener à l'abus. Mais aussi simplement, sans vouloir... sans être méchants, les
membres de la famille sont influencés par...
et j'ai expérimenté ça moi-même, par être confrontés avec la situation de
démence qui... d'une personne qu'on aime, qui est très, très, très dure
pour le... pour l'entourage.
Mme Picard :
Merci. Thank you. Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Alors, je reconnais la députée de Châteauguay. Il reste encore
7 min 50 s pour la période de questions.
Mme Gendron :
Hi, Mr. Stainton and Mr. Lemmens. Nice
to see you today.
Actually, I have a little
question for you. One of your principal concerns was regarding the
administration of AMM. If the patient refuse to receive the AMM, but at... at
the last minute, do you think we should try another time later? Or how many
attempts we should do?
M. Stainton (Tim) :
I think Trudo is better able to answer
that.
M. Lemmens
(Trudo) : Oui. Je dirais, on a des précédents de... aux Pays-Bas,
de... des situations comme ça, où on a tenu la patiente contre son... sa
volonté. Moi, je dirais, quand une personne refuse, je dirais, on doit
toujours, par principe, dire : En cas de doute, on ne fait pas ça. C'est
un acte invasif de dernier ressort et ça... et, je dirais, en soi, déjà, je
trouve ça problématique, alors je trouve ça certainement problématique de réessayer
plusieurs fois pour mettre fin à la vie d'une personne.
Mme Gendron : Donc, si je comprends
bien, d'après vous, ce serait de complètement arrêter la procédure et ne... de
ne pas revenir?
M. Lemmens (Trudo) : Oui, je dirais,
ça, c'est le... ce serait l'approche le plus approprié. Et il y a beaucoup de
choses qu'on peut faire avec une personne en... beaucoup de soins qu'on peut
donner qui respectent la dignité de la personne sans finir la vie activement
avec une injection.
Mme Gendron : Merci beaucoup. Thank
you.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? Mme la députée de Roberval, la parole est à vous. Il reste
encore un bon cinq minutes.
Mme
Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci, Pr Lemmens,
Pr Stainton, d'être avec nous aujourd'hui.
Moi, j'aimerais savoir, il y a des gens qui sont
venus témoigner puis qui nous amènent sur le consentement substitué, qui disent
qu'une personne qui souffre, c'est une personne qui souffre. Peu importe si
elle est apte ou inapte, si on n'est pas
capables de la soulager avec les moyens médicaux que nous avons présentement,
cette personne-là devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir, et ce
serait, à ce moment-là, un consentement substitué. J'aimerais
savoir vous en pensez quoi.
• (12 h 10) •
M. Stainton (Tim) :
Well, I think we've covered some of
that in our brief. I think there's two issues. One is that the actual evidence around advanced directives generally suggests
that they're not very effective, that they actually get lost, people
change their minds, they're not updated, which, in this case, is obviously a
serious concern, giving that... the finality of the decision.
I think the... that the more
esoteric problem, if you like, is, while we call it an advanced consent, it is,
at the time of death, a substituted judgment. And, once you've introduced that
concept, that has some very frightening implications
going forward. So, I think there's a practical issue around advanced consent,
but I think there is this broader issue that quite frankly is the main
concern I have with advanced directives.
M. Lemmens
(Trudo) : J'ajouterais aussi que, si j'ai bien compris la question,
c'est... en fait, la suggestion qu'on doit aller plus loin que... parce que ça
veut dire que la souffrance doit être soulagée, point. Alors, on est au... à un point où on a mis de... à part l'idée de
consentement même. Parce qu'on dit : Une personne qui souffre doit faire
finir sa vie. On est alors dans un contexte
d'euthanasie involontaire, et, je dirais, ça va à l'encontre, selon moi,
complètement avec même les idées reflétées dans la décision Carter, ça va à
l'encontre de la charte québécoise, de... du devoir de protection. On reste...
C'est clair que la protection de vie reste un... un valeur très important
qu'on... qui est reflétée fondamentalement
dans la charte québécoise et canadienne, et qui est... dont la Cour suprême,
dans Carter, met l'emphase. Quand
elle parle de... qu'un consentement doit être clair, hein, clair, parce que
dans... dans la version anglaise, en fait, la décision Carter met encore plus de... plus l'accent sur le fait qu'on
doit vraiment, vraiment s'assurer qu'il y a un consentement.
Alors, je dirais, non, on ne peut pas aller
là-bas. Il y a beaucoup de façons de... avec lesquelles on peut soulever la
souffrance, il y a beaucoup de... Les gens oublient qu'on peut déjà refuser
toute forme de traitement. On peut faire beaucoup pour se laisser partir avec
les soins adéquats.
Et, je dirais, c'est un pas très dangereux, mais
c'est un pas, comme mon collègue Tim Stainton mentionnait, qui est, en fait, un peu un pas logique qui suit,
quand on commence à introduire l'AMM, où déjà le consentement n'est plus vraiment là. Bien, pourquoi ne pas aller plus
loin? Alors, ça nous... ça inquiète certainement beaucoup de personnes
qui défendent les intérêts des personnes avec handicap, parce qu'on va
commencer à interpréter toutes sortes de façons d'exister dans le monde comme
une existence souffrante. Alors, c'est un élément très dangereux, pour moi.
Mme Guillemette : Parfait. Merci.
Donc, pour vous, le consentement substitué n'est pas admissible et c'est une
balise incontournable qu'on doit vraiment garder dans le présent projet de loi.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, Pr Stainton, Pr Lemmens, on va poursuivre la discussion.
Maintenant, je me tourne du côté de l'opposition officielle. C'est la députée
de Westmount—Saint-Louis
qui va pouvoir échanger avec vous, et l'opposition détient 12 min 23 s. Le
temps est à vous, madame.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Good morning, Pr Stainton and Pr Lemmens.
It's a pleasure to have you with us today. Thank you for your brief and for
your opening remarks.
I'd like to go back to the
notion of advanced consent, because I heard and listened too, with great
interest, the exchange you had with my colleague. You also made some
recommendations, however. So, if there were guidelines that regulated advanced
consent, like an annual reconfirmation process, if it was done, for example,
through a notary, if there was a third and impartial person who would accompany
the individual who puts forth an advanced request, somebody that is not a family member, for example, a medical
professional, would that bring acceptability to the request process for
individuals that would like to avail themselves of an advanced request for
medical assistance in dying?
M.
Stainton (Tim) :
I mean, I think it would help, it would certainly strengthen it, but to be
honest, in my view, there's
no way to actually solve the fundamental problems which is this substitute
consent at the time of administration. All of those things would be
helpful, but even a third-party consent, as I mentioned, that... You know, we
know many family members, out of despair usually, would consent, and
particularly if they're advised by doctors, that, you know, it's best just to
let them go, and that is a stunningly common phenomena. We already have in
Canada many cases of doctors advising
families that: Oh! MAID is available for your child with a disability now...
that the doctors are wrong, but we
have those cases on record. So, even third party does not necessarily provide a
full protection for folks.
So, I guess my answer
is yes, that would strengthen it. But does it address the fundamental
problems I see with moving in this direction? I would say no.
Mme Maccarone : So, is your recommendation that an anticipated request or an
advanced request is something that some Quebeckers could make themselves... that some Quebeckers would avail themselves of... but, for example, those that suffer
from an intellectual disability would be prohibited to do an advanced request,
but they would have access, for example, to medical
assistance in dying, in the case that my colleague shared with you, somebody
who suffers from an intellectual disability?
And
you, yourself, in your brief, say that some people may be at risk. But there
is, however, a certain component of the population that suffer from an intellectual
disability, that have the ability to consent, and understand, and advocate for
the care that they wish to receive. In the case of a person who's suffering
from cancer, and we know that it is a
serious... the suffering is... we can't help that person, and so the suffering
is very serious, and that person advocates to have access to medical assistance in dying as part of the continuum
of care that's offered to them, are you suggesting that it shouldn't be an option for this individual
or that would be acceptable because it's not based on an anticipated
request?
M. Stainton (Tim) : Well, first thing, we couldn't unilatery exclude people with
intellectual disabilities. That would be a violation of their Charter's right.
So, if it's the same right anyone else has, we can't simply say : Well,
these people don't qualify. That would be challenged immediately.
I think the problem is that...
Yes, I would... I spend a whole career saying people with intellectual
disabilities should have the same rights as any other Canadians, and that would
apply whether I like that right or not. The problem is that people are
particularly vulnerable. There's a researcher in the States who's done a lot of
work, what he calls «gullibility», so that people with intellectual
disabilities are more easily talked into things. So, it's why we see... I think
it's 59% of people on death row have some form of intellectual disability,
because they were talked into actions that... So, that would never be
resolvable, to my mind.
So, again, I would say: We can
certainly improve safeguards, but we can't simply say : People with
intellectual disabilities aren't illegible. And we can't address the ablism
within the health system and we can't address its issue of gullibility that if
someone's doctor and their family are saying : Well, maybe it's best you
just go... And I talked to a young man with
an intellectual disability who's in exactly that situation, that he's saying : I don't want to be a burden to mom and dad anymore, so I'm going to
get MAID.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : ...like that if there's a team of professionals that includes
medical professionals, social worker, ethicists that are accompanying that
individual and helping them to better understand the options that are available
to him, or her, or them for care... Is that not an alternative, rather than not
respecting their rights, to have access to the same possibilities as every
other person will have?
For example, in an anticipated
request... I also heard the exchange where we're talking: We don't want to have
a third person consent. And I think that we are all in agreement with that.
But, in the event somebody with a handicap chooses to fill out an anticipated
request, and because in that moment in time they are apt, and they have the ability to advocate for the care that they
wish to receive, and at the moment that the professionals around this
person state that: We think it's time that
we have a discussion on whether we've reached the point, and it's not the
family member, and it's not even the individual themselves... but
because we have a very robust form, for example, a request form that would be
filled out, that would be constructed by ethicists, by doctors, by nurse
practitioners, by the community, by family members, is that not a process that
would be acceptable?
I hear what you're saying. I'm
just... I'm playing devil's advocate. I think that we have a responsibility
here to make sure that we're respecting
everybody's rights to the best of our ability, and not establish a law that's
exclusionary, but that is inclusive. But, at the same time, I totally
understand that we have a role and it's our responsibility to protect people
that are in situations of vulnerability. And, when I hear you say that, you know, the individuals say that they're a burden, or the family feels that
this individual is a burden, how do we extract that sentiment and
respect their rights by giving them access to the same care and services as any
other person would have access to?
M. Stainton (Tim) : And I appreciate... I think you're... on the surface, that it is
absolutely reasonable, that the problems
come, that first, they... You know, my day
job, if you like, is around social policies in Canadian
provinces. And there isn't a province where the kinds of supports are readily
available to people. So, it's one of the problems, with the general-made law,
that they ask about the disability supports, but the doctors and the health
system has no capacity to provide them. So, the first problem is that they
don't exist in a readily accessible way.
The second problem is that some
of the interesting research we have around disability in health care is that...
that we know that the general population generally holds a very negative
attitude towards what it's like to live with a disability. What may surprise
you is there's a recent study at Harvard, that medical professionals have an
even more negative view than the general public. So, simply say, a health care
provider... many, many people with disabilities that would... not to be... but scare them to death, because they...
their experience in the healthcare system has generally been one of
feeling negatively valued, that their life isn't worth living. So, a committee
of health care professionals isn't going to reassure people with disabilities.
Mme
Maccarone : But
the recommendation... and you were there, you participated in our special commission, right, so, you've come back to us once again, we
appreciate that, is that it wouldn't just be medical professionals. It would be
people outside of the realm of medicine as well, like an ethicist, it could be
a psychologist, it could be a psychiatrist, it could be a social worker.
Because the goal would... to be to have a transparent and... as even a keel in
terms of establishment of best practice. Are we at a point where we could move
forward or not?
And I know that it's very
challenging, it's very difficult. And one of the things that we have been
struggling with in commission is the definition of «handicap», which was one of
the first questions that you received. Because we don't have a definition of
what handicap is, what does it include, and that brings a whole other group of
ethical questions. Do you have anything that you can help
to give us, in terms of information, that would help guide our reflection on
this notion? In the bill, it currently says «neuromotor handicap». We've heard
people say: Remove «neuromotor» so that it's more inclusive. We've heard people
say: Remove «handicap» and just talk about the serious and incurable illness
with suffering that we can't ease. What is your position on that to make sure
that the bill is as inclusive as possible and not prohibitive?
M. Stainton (Tim) : Yes. The question of definition, there are volumes written on it
with no absolute agreement. In general, I
think that a key point here is disentangling the... what we call the
disability, which, generally, according to the UN and the Canadian...
Accessible Canada Act, is a social phenomena, OK? It's a phenomena that is
created by social arrangements, attitudes, stigma, stuff. On the other hand, we
talk about impairment, which is the underlying disorder, so the Down syndrome,
the quadriplegia. So, you really need to tease those two out.
And
I'm happy to provide that... the committee with some background on that. I
think, just to go back to your main point, that early
in the MAID debate, the disability community did recommend, for track one, that
a detailed psychosocial assessment be undertaken by a qualified professional, a
social worker, somebody who knew how to do that, that could try to
understand : Alright, are the things that would mitigate your suffering in
terms of better housing, better support services... So, I still think that
that's a good idea. The trouble is that they can identify them, but they can't
provide them. We don't have... we don't...
Mme Maccarone : ...understand...
M. Stainton (Tim) : Yes. So, you...
Mme Maccarone : ...be medical assistance in dying, it should be medical assistance
for living before we even get to the medical assistance in dying conversation.
I'm
just going to stop you because my colleague wants to ask you a question. So, thank
you. It was very interesting.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, il nous reste encore
un petit peu de temps pour l'opposition officielle, la députée de D'Arcy-McGee.
Vous avez des questions?
Mme Prass : Oui, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Prass : I thank you for
your presence today and your contribution in your brief.
Regarding
people... taking out people who have intellectual deficiency, do you think that
requiring a psychological evaluation for the person
before they make their request would be pertinent in order to rule out, to a
certain extent, the influence of other people and that they really understand
the decision that they're making for themselves?
M. Stainton (Tim) : I might let Trudo take that one up.
M. Lemmens (Trudo) : I think this would be important and valuable in any decision about
«l'aide médicale à mourir». Je pense que... I'm confusing my languages here,
but I'll continue in English. So, I think it's an important factor indeed that
there would be psychological assessments. That would be an ideal. But obviously
the... you know, if you look at
the numbers of people who are receiving medical aid in dying, it's such a huge
number that organizing that for all of these assessments is very difficult.
Would it be essential in a
context of persons who are diagnosed with dementia? I, for example, pointed
out, in my memorandum, that I find it troubling that the recommendations coming
out of the Canadian Association of MAID
Assessors and Providers... who say that MAID should be put on the table each
time a person might qualify, which basically means, if you have a person
with a diagnosis of dementia, you would have to put it on the table. I think
this is the most terrible thing to do in a doctor-patient relation at the time
that you are receiving such a terrible diagnosis. And so, I think there should
be much more... given to how can that appropriately be introduced in various
contexts, but particularly in the context of dementia, and particularly again
if you are moving to a system of advanced request for MAID, which I... well, I
have trouble about because of the inherent problem of determining what is
suffering at the time that you're no longer really... are capable of
decision-making.
But all this to say, yes, more
attention to the psychological context in which decisions are made where people
are giving up on the idea that they may... that they may live, still live well
with dementia or with other conditions is, in my view, very important.
• (12 h 30) •
Mme Prass : ...come back to an answer you gave to one of my colleagues
previously in regards to the refusal of the person. We understand that the
person signs the MAID request when they're apt, and that the process for
administering it begins when they're deemed inapt. But you believe that, if
they refuse once they're inapt, that that refusal should be respected. But you
just, yourself, said that once they reach that point, they're no longer in a
decision-making position. So, therefore, if they were apt when they made the
decision and inapt when they reversed it, don't you think there's a
contradiction there?
M.
Lemmens (Trudo) : Because, as I pointed out,
the decision to end the person's life in cases where there is uncertainty about
what exactly the person wants should err on the side of non-violation of the
physical integrity of the person. And so, if
you look at the international Convention on the Rights of Persons with
Disabilities, it takes as a position that persons always have legal
capacity. Now, that has difficulties of implementation. And I'm one of those
who would say that a very strong view of the international Convention on the
Rights of Persons with Disabilities is very
hard to implement in situations where the person is clearly no longer able to
engage well. But at least it would require that we respect nonverbal or
some level of expression of what the person prefers. So, I would say : We
have to err on the side of non invasion of bodily integrity.
And you also have to think
about the practical implications, which we've seen with the practice in the
Netherlands, which again is the only country that allows this practice. As for
physicians and for family members of... and
I would hope that it would be, but it is actually, and if you look at
Netherlands, very demanding and troublesome to actually force a person
down to end their life in...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Thank you very much. Thank you. That's the end. Merci beaucoup, Mme la députée. So,
Pr Stainton and Pr Lemmens, thank you very
much. It was a pleasure to receive
you here.
Mmes les membres de la commission, nous allons
suspendre pour... jusqu'au aux affaires courantes, si ma mémoire est bonne, après les affaires... après les
affaires du jour. Alors, merci beaucoup. Thank you very much again.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 35)
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses
travaux.
Alors, cet après-midi, nous allons recevoir Me
Danielle Chalifoux, présidente de l'Institut de planification des soins du
Québec, qui est accompagnée de M. Pierre-Gabriel Jobin, professeur émérite
de la Faculté de droit de l'Université McGill. Madame, monsieur, bienvenue à la
commission.
Alors, comme je vous ai expliqué, vous allez
bénéficier d'une période de 10 minutes, les gens ont entamé votre mémoire,
pour justement expliquer les grandes lignes, faire votre exposé. Ensuite, va
s'ensuivre une période de questions avec les membres de la commission. Alors,
le temps est à vous pour une période de 10 minutes.
Mme Danielle Chalifoux
et M. Pierre-Gabriel Jobin
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci,
Mme la Présidente. Mme la ministre, Mmes les députées, merci d'avoir invité
l'Institut de planification des soins du Québec à vous présenter nos
commentaires concernant le PL n° 11.
L'institut existe depuis 2010 et nous avons
comme mission d'informer, aider et soutenir les organisations et les personnes
dans le domaine de la santé et de la planification des soins et de défendre
leurs droits. Alors, tout d'abord, mon collègue va vous entretenir de
l'importance que revêtent les deux décisions majeures en matière d'aide
médicale à mourir et qui ont une influence directe sur la façon de rédiger des
projets de loi. Alors, je donne la parole au Pr Jobin.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Je vais
vous dire quelques mots sur la structure du droit canadien et québécois, qui
entourent toute loi provinciale, y compris celle qui nous intéresse
aujourd'hui. C'est une structure qui a une forme pyramidale. C'est une
pyramide, et, en haut de la pyramide, il y a la Charte canadienne des droits et
libertés et sa jurisprudence. C'est important de retenir que la jurisprudence a
la même force... la jurisprudence qui interprète la charte à la même force que
la charte elle-même. Donc, un mot aussi... La charte fait partie de la
Constitution, alors c'est très... c'est un cadre assez rigide. Et donc, ça,
c'est le sommet.
Le deuxième niveau, bien, c'est les lois, les
lois provinciales, les lois du fédéral qui doivent être conformes à la charte
et à son interprétation. S'il y a dérogation à la charte, bien, il y a
contestation. Mais, ceci dit, le Québec et les autres provinces peuvent
légiférer autour de ce qui est décidé par le fédéral, par la Cour fédérale.
Donc, le consentement, par exemple, le
Québec a tout à fait compétence pour préciser comment on apprécie le
consentement de la personne qui
demande l'aide médicale à mourir, comme ça a été fait, puis il n'y a aucun
problème, c'est tout à fait légal.
Il y a deux arrêts, l'arrêt Carter et l'arrêt
Truchon-Gladu. Carter, 2015, Cour suprême du Canada, donc, il fallait
décider... il fallait autoriser l'aide médicale à mourir, mais il fallait
décider à quelles conditions l'aide médicale
à mourir ne serait pas une assistance au suicide. L'assistance au suicide,
c'est un crime. Alors, la Cour suprême, dans cet arrêt-là, a bien
dit : C'est très clair, très simple, il faut que la demande soit faite par
une personne adulte et capable et qu'elle consente clairement à demander la
mort et, ce qui nous préoccupe plus particulièrement, elle doit être affligée
de problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une affection, un
handicap ou une maladie qui lui cause des souffrances intolérables.
Donc, je le répète, cette décision a une valeur
constitutionnelle, il faut la suivre. Il y a une petite exception qui est possible, et dont Me Chalifoux va vous
parler à un moment donné : à certaines conditions, la charte elle-même...
la charte permet de déroger à des droits garantis par la charte, mais c'est une
petite exception.
• (15 h 40) •
La
deuxième décision, c'est Gladu et Truchon, 2020, la Cour supérieure. Les deux
personnes étaient affligées de paralysie, de souffrances physiques, et
on leur avait refusé l'aide médicale à mourir parce qu'à ce moment-là la loi
fédérale prescrivait que, pour que ce soit admissible, la mort naturelle devait
être raisonnablement prévisible, à ce moment-là. Et, de son côté, la loi
québécoise mettait une barrière, elle aussi : il fallait que la personne
soit en fin de vie. Ces deux restrictions
ont été déclarées illégales, inconstitutionnelles, invalides. Elles n'existent
plus légalement. Ce sont des violations du droit à la vie, à la liberté,
la liberté de choisir sa destinée, bon, et aussi au droit à l'égalité. C'était... Il y avait une distinction qui n'était
pas justifiée. Donc, Truchon-Gladu est allé dans le même sens que
Carter, il n'y a aucune contradiction entre les deux, mais elle va plus loin,
parce qu'elle nous enseigne comment on peut, éventuellement,
restreindre un droit qui est garanti, un droit à l'aide médicale à mourir,
valeur constitutionnelle, donc.
C'est l'exemple typique de ce qui arrive
quand... Truchon, c'est l'exemple typique de ce qui arrive quand on adopte une
loi qui ne se conforme pas parfaitement aux diktats de la Cour suprême. Dans
Carter, contestation judiciaire, donc dépense de temps, d'énergie, etc. Il y a
aussi une incertitude qui plane sur le public, sur les médecins et tout le
personnel des hôpitaux : est-ce que ce sera permis, toléré par les
tribunaux ou pas? Donc, il y a beaucoup de gens dans le public qui ne vont pas le
demander ou auxquels on va le refuser, puis ça va rester là. Donc, la loi, si
elle contient une restriction qui n'est pas justifiée, perd une partie de son
effet. Elle ne remplit pas complètement son but d'avoir un régime qui est admissible, qui est ouvert à tous. Alors donc,
il faudra que la loi dont on discute se conforme. Je passe la parole à
Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci,
Pr Jobin. Tout... Moi, je vais vous parler du PL n° 11.
D'abord, nous applaudissons le législateur de modifier la Loi concernant les
soins de fin de vie, c'était vraiment nécessaire, mais nous croyons que le PL
pourrait être amélioré encore pour s'ajuster aux nouvelles réalités qui sont
survenues depuis l'adoption de la loi, en 2014.
Tout d'abord, concernant le maintien de l'aide
médicale à mourir dans le giron des soins de fin de vie, comme le fait encore
le PL n° 11, la loi québécoise, à l'époque, était
conçue spécifiquement en fonction des soins de fin de vie, mais puisque, désormais, comme l'a dit le Pr Jobin, l'AMM n'en
fait plus partie, cela a comme conséquence que ça devient un soin qui
doit maintenant être considéré comme approprié quand il est relié à la
souffrance et à l'autonomie décisionnelle, ce sont les critères les plus
importants, et non sur la base qu'il est un soin de fin de vie.
En conséquence, nous recommandons que l'intitulé
de la loi soit modifié pour distinguer vraiment, pour qu'on n'engendre pas de
la confusion chez nos citoyens pour qu'ils pensent que l'aide médicale à mourir
est encore un soin de fin de vie. Alors,
distinguer les deux et que soit retirée, surtout, la mention de
l'article 1 qui rend exceptionnel le droit à l'aide médicale à
mourir pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie, ce qui n'est pas le
cas, parce que le PL prévoit cette
exception-là, et d'ajuster... évidemment, il y a des définitions, ajuster en
conséquence, et une concordance au niveau de la loi, mais je crois que
ce ne serait pas très difficile à faire.
Maintenant, le Pr Jobin vous a parlé des
exclusions ou des catégorisations que l'on retrouve dans le PL n° 11
et de leur validité. Je vais essayer d'aller
rapidement là-dessus, mais c'est sûr que, bon, l'arrêt de la Cour suprême
parle de maladie, handicap et affection et que, bon, nous, si on veut y
apporter des restrictions, bien, on peut le faire, mais à condition qu'elles
soient raisonnables et à condition qu'elles se justifient dans une société
libre et démocratique. Ça, c'est l'article premier de la Charte canadienne des
droits.
Alors, il faut toujours avoir ça en tête quand
on est dans la question des restrictions. Alors, pour évaluer si une
restriction que l'on s'apprête à apporter à Carter, par exemple, est vraiment
conforme à l'article premier dont je viens de parler, il y a des critères qui
ont été développés dans un arrêt que nous, on connaît très bien, qui est
l'arrêt Oakes. On appelle ça comme ça. Alors, peut-être que je vais vous dire,
à un moment donné, les critères d'Oakes, mais c'est ces critères-là.
Alors, je vais passer rapidement dessus.
D'abord, quand on veut restreindre, il faut que notre objectif soit réel et
urgent. Ce n'est pas pour des peccadilles, là, en d'autres mots. On veut que le
lien entre l'objectif réel et urgent de la restriction et la restriction
elle-même soit logique, qu'il y ait un lien entre les deux. On veut que la
restriction atteigne le moins possible le droit à l'aide médicale à mourir, on
appelle ça l'atteinte minimale, et on veut qu'il y ait un équilibre entre les
avantages et les inconvénients.
La restriction a des avantages et des
inconvénients, mais il faut qu'il y ait un genre d'équilibre. Et aussi le
législateur a l'obligation d'assurer l'égalité de traitement, hein? On parle
souvent de discrimination, on n'en fera pas une thèse de doctorat dans le peu
de temps qu'on a, mais il faut qu'il y ait une égalité de traitement dans
les... à travers tout ça aussi. Ne pas respecter un seul point de tout ça fait
que, comme il y a eu lieu dans Truchon-Gladu, bien, il peut y avoir des
contestations et, évidemment, la restriction peut s'avérer nulle et inopérante,
à ce moment-là.
Alors je vais vous parler très rapidement de
notre position par rapport au handicap neuromoteur. Carter, ni la loi
fédérale... ils prévoient tous les deux l'admissibilité du handicap, hein,
comme vous le savez. Bien, la loi québécoise,
selon nous, devrait faire de même aussi, mais il y a la spécification du
caractère neuromoteur du handicap. Notre mémoire a attiré votre
attention, puis on n'y reviendra pas, sur les difficultés réelles de ne pas
reconnaître le handicap, soit en général, et, à plus forte raison, de
restreindre les handicaps à des handicaps neuromoteurs et de vouloir les
définir. C'est excessivement difficile. Je crois que c'est... En tout cas,
c'est tout un travail à faire.
Alors, ces restrictions, par ailleurs, elles ont
pour but d'écarter des personnes qui sont aptes, qui ont des handicaps graves
et incurables, qui répondent, d'autre part, à tous les critères d'admissibilité
de l'AMM. Alors, selon nous, ça ne rencontrerait pas les critères dont je viens
de vous parler tout à l'heure.
Un mot sur les demandes anticipées, la nature et
la portée des demandes anticipées. Nous, avec l'Institut de planification des
soins, les demandes anticipées et les directives médicales anticipées, on
connaît ça, je dois vous dire. Alors, pour éviter que le tiers de confiance, là, et les
professionnels de la santé ne substituent leur propre jugement à celui
de la personne, on aimerait que, dans le PL n° 11, on
puisse dire... qu'il y ait un article qui assure que les volontés clairement
exprimées dans une demande anticipée d'AMM ont, à l'égard des tiers, des autres
personnes, la même valeur et la même force contraignante que les volontés
exprimées de façon contemporaine par une personne apte à consentir aux soins.
Ce que je vous dis là, ce n'est pas nouveau dans le droit, là, c'est admis,
c'est... Il y a un arrêt célèbre qui en traite.
Maintenant, moi, il y a quelque chose qui me
peine un peu, c'est l'exclusion des personnes qui ont subi un AVC ou un autre accident soudain et imprévisible
de la possibilité d'avoir... de pouvoir faire des demandes anticipées,
parce qu'exiger un diagnostic préalable exclut automatiquement ces personnes,
et il y en a beaucoup. Cela répond-il au test de Oakes? Comme je vous disais
tout à l'heure, si on prend tous les critères, nous, on croit que non puis on recommande qu'il y ait deux voies d'accès prévues
à l'AMM, soit en cas d'inaptitude avec une maladie neurodégénérative comme c'est le cas, ou bien en prévision d'un
événement ou d'un accident soudain et imprévisible. Et ce ne serait pas
la première juridiction qui le fait, la Hollande le fait.
Tant qu'aux demandes anticipées et la
souffrance, un petit mot là-dessus aussi, le PL exige que l'évaluation de la souffrance des personnes inaptes ait un
caractère objectif. Cela crée deux catégories de souffrance parce que
celle qui s'apprécie au niveau de la demande contemporaine, c'est de façon
subjective, c'est la personne elle-même qui définit
c'est quoi, sa souffrance, ce n'est pas objectif. Alors donc, on trouve que
cette restriction-là, qui correspondrait, si vous voulez, à un critère supplémentaire, bien, ne correspond pas
nécessairement au critère de Oakes, et ça crée une... on vous parlait
d'égalité de traitement, ça crée une inégalité de traitement. Alors donc, on
recommande que ce caractère objectif soit retranché, d'autant plus qu'il peut
aller directement à l'encontre de ce que la personne a demandé dans sa
directive.
Finalement — j'achève,
Mme la Présidente — les
personnes dont le trouble mental est le seul problème médical invoqué.
On sait que, dans Carter, il n'est pas question de trouble mental... pas
mental, physique, c'est dire : C'est des troubles de santé puis c'est une
maladie, alors... puis dans la loi fédérale aussi, ce n'est pas exclu comme
tel, les personnes qui souffrent d'un trouble mental. Donc, le PL n° 11 les exclut nommément. Alors, ce n'est même pas, selon
le droit, là, une restriction, ça, c'est une prohibition, alors ça va encore
plus à l'encontre de l'arrêt Oakes et des principes juridiques qui font que,
quand on veut limiter un droit, bien, on ne va pas... on peut le limiter, oui,
dans certaines conditions, mais on ne peut pas le prohiber complètement.
Alors, nous, ce qu'on vous suggère, c'est
d'adopter le même raisonnement que le fédéral a fait, c'est-à-dire d'avoir un moratoire ou de reporter, si vous
voulez, l'admissibilité des personnes qui ont un trouble mental, le
temps... parce qu'on réalise très bien qu'il faut mettre des structures en
place, puis des mesures de sauvegarde sérieuses, et que ça pourrait, en même
temps, être conforme au droit. Et disons qu'on ne met pas non plus, là, quelque
chose qui est prématuré, là, sur place. Alors donc, c'est un peu ce que je
voulais vous dire.
Puis je voudrais aussi finir sur un petit côté
un peu rassurant. Vous savez, les... Il ne faut pas dire que toute restriction
n'est pas admissible, là. Il y en a, des restrictions qui sont admissibles.
Puis nous, on vous soumet que, par exemple,
le critère du déclin avancé et irréversible des capacités qu'il y a dans la loi
provinciale, qui est très important... Et c'est une restriction que
nous, on considère qui est valide et qui devrait avoir lieu de continuer, parce
que ça, ça donne vraiment le portrait, là.
On pense à une personne qui a une maladie grave et incurable puis on dit tout
de suite : Est-ce que ses capacités, vraiment, sont diminuées à un
point où elle pourrait avoir l'aide médicale à mourir? Alors, c'est un peu ce
que je voulais vous exposer, et j'espère que je n'ai pas dépassé mon temps, Mme
la Présidente.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il n'y a pas de problème, Me Chalifoux,
M. Jobin... Pr Jobin, merci beaucoup. La ministre a accepté de
prendre ce qui allait au-delà de votre temps sur son temps. Alors, merci pour
votre présentation. On va commencer sans tarder avec la période de questions...
la période de questions, la période d'échange avec la ministre. Il vous reste
11 min 30 s.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Me Chalifoux, Pr Jobin, merci pour votre exposé. C'est
très intéressant, puis, en fait, ce que je
comprends, c'est que vous nous mettez en garde contre le fait que, si on adopte
une loi qui n'est pas conforme soit à la jurisprudence, soit à la charte des
droits, soit à la loi fédérale, on s'expose à... donc, vraiment à des
poursuites ou différentes problématiques, disons ça comme ça, et que notre loi
ne pourrait être interprétable aussi, y
compris par la magistrature, bien sûr, mais aussi, probablement, par les
professionnels eux-mêmes.
Je comprends
que vous nous suggérez de retirer «handicap neuromoteur» et de conserver le
terme «handicap», en plus de «trouble mental», comme pour bien s'arrimer
au fédéral, mais j'aimerais ça vous entendre : Est-ce que vous ne croyez pas qu'à l'opposé... parce que «handicap
neuromoteur» pourrait être restrictif, je le comprends bien, mais de ne
pas qualifier la notion de handicap, comme le fédéral le fait, ne peut... ne
nous amène pas, à l'opposé, là, à être... à des dérapages importants parce que
la notion de handicap n'est pas nécessairement bien définie non plus?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
vous avez raison sur une chose, c'est que c'est vrai que c'est très difficile de définir c'est quoi, un handicap, parce que
c'est un état. Puis les organisations, puis l'office des handicapés et
toutes ces organisations-là... et même l'INSPQ, hein, je vous ai signalé, parce
que c'est dans mon mémoire, a aussi défini un peu, essayé de définir, la
Commission ontarienne des droits et libertés essaie de définir, puis toutes les
définitions sont différentes, hein?
Alors, je pense, sans en avoir l'assurance, que
c'est peut-être pour cette raison que ça n'a pas été défini au fédéral, mais ce que j'ai vu dans les
statistiques, dans les rapports qui ont été faits... il n'y en a pas, de
dérapage par rapport au handicap, parce que la
question est... que ce soit une maladie, que ce soit un handicap, que ce soit
une affection, l'important, c'est les autres critères qui suivent : la
maladie ou le handicap est-il grave et irréversible, est-ce qu'il est vraiment
irréversible? Ce n'est pas toujours le cas. Est-ce que la personne a un déclin
avancé de ses capacités, est-ce qu'elle souffre de façon intolérable? Est-ce
qu'il n'y a pas moyen de bonifier sa situation, etc.?
Alors, me semble-t-il que, dans cette
perspective-là, ajouter «moteur» ferait que... bien là, c'est quoi, un handicap
moteur? Est-ce qu'une personne qui aurait une malformation congénitale, par
exemple, et qu'il lui manquerait les bras, est-ce qu'elle entre dans cette
définition-là? Vous avez... Je ne sais pas si vous avez lu notre mémoire, mais,
en tout cas, c'est assez pour qu'une chatte en perde ses petits, là, hein, je
pense. Ça fait que, donc, c'est les dangers, je pense, de la... de définir.
Et je pense aussi qu'il faut faire confiance à
la communauté médicale parce qu'ils ont des... ils ont des communautés de
pratique à travers le Canada. Ils se rencontrent, ils font des formations, ils
se parlent, etc., et je pense qu'à travers
ça... Et eux ne se plaignent pas, là, ne disent pas que le handicap pourrait
donner... juste général, là, pourrait
donner lieu à des dérives. Ça n'apparaît pas dans les statistiques, en tout
cas, pour l'instant. Et on est confiants que les médecins sauront
vraiment, avec les autres critères, déterminer qu'est-ce qu'il en est.
Mme Bélanger : OK. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
de... Mme la députée de Soulanges.
Mme
Picard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Merci
beaucoup à vous deux pour votre présence aujourd'hui.
Vous avez mentionné que ça n'inclut pas certains
handicaps, comme, bien, en fait, l'AVC, qui ne serait pas inclus dans notre
projet de loi, ou des accidents suivant un décès... un accident soudain ou
imprévisible, là. Je vous ai entendus un petit peu, j'ai pris des notes,
rapidement. Est-ce que vous pensez qu'on devrait, si on y va dans cette
direction-là, avoir un certain nombre de temps qu'on pourrait dire que la
personne pourrait faire une demande anticipée,
quand ils ont un accident d'automobile, supposons, puis... parce qu'on sait que
certaines personnes s'adaptent à leur handicap ou à leur situation, à
leur état. Donc, je voulais vous entendre sur le nombre de temps, la durée
qu'on devrait peut-être...
Mme Chalifoux (Danielle) : ...remercie
beaucoup de votre question, parce que j'aurais aimé ça le dire dans mon exposé, mais je n'avais pas le temps. C'est
ça, c'est que, voyez-vous, il y a des gens, présentement, qui se disent,
là : Moi, mon hérédité fait que j'ai de fortes chances d'avoir un... de
faire un AVC, de faire quelque chose de... une crise, là, qui arrive, là, une
démence vasculaire soudaine et imprévisible, puis ils se préoccupent de
dire : Bien, je ne serai jamais... je ne pourrai jamais faire de demande anticipée
parce que je n'aurai pas eu de diagnostic préalable. Alors, moi, je trouve que
c'est un réel problème.
Et puis, pour répondre à votre question, je
pense qu'il n'y a personne qui veut une demande anticipée qui date d'il y a
20 ans puis qui n'a jamais été renouvelée, parce que, bon, il y a de
l'incertitude par rapport à ça, l'évolution, etc.
Alors, nous, on propose que, dans le cas d'une
personne qui fait une demande et qui n'est pas dans le spectre des maladies
dégénératives, qu'elle ait l'obligation de renouveler à tous les cinq ans.
Comme ça, elle pourra se manifester, on pourra savoir que c'est toujours ça
qu'elle veut. Et dépendamment, comme vous dites, évidemment, il y a des
évolutions dans les maladies, il y a peut-être des choses que cette personne-là...
elle aurait pu changer d'idée. Alors, c'est pour ça qu'on pense qu'il y a une
actualisation qui serait importante, si c'était le cas, que vous décidiez
d'inclure ces... les gens qui, éventuellement, pourraient faire des AVC et qui
deviendraient inaptes par la suite.
Mme
Picard : J'ai peut-être une autre question, Mme la
Présidente. C'est peut-être un petit peu philosophique, ma question,
mais j'aimerais savoir si, selon vous, une personne peut se projeter... peut
projeter ses souffrances. Parce que, quand on n'a pas vécu les souffrances, on
peut probablement difficilement comprendre les souffrances. Comment, dans un
formulaire, une personne peut bien exprimer ses souffrances qu'elle va subir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Les
souffrances appréhendées, c'est ça?
Mme Picard : Exactement.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui.
C'est difficile, des fois, d'appréhender les souffrances. Bien, écoutez, je ne
sais pas, là, mais, en vieillissant, en tout cas, on rencontre plein de
situations. C'est une mère, c'est un père, c'est un frère, dans la famille,
tout ça, les gens font des AVC, il y a de la démence, etc. On a comme... La
jeune femme, là, qui vient souvent faire des témoignages, et tout ça, elle a vu
son père dans des situations absolument abominables. Je veux dire, vous savez,
ce n'est pas nécessairement de l'avoir expérimenté soi-même, mais je pense
qu'il y a certaines caractéristiques de souffrance qu'on peut être à même de
dire : Bien, moi, je ne veux pas ça.
Et moi, je vais vous dire, depuis 2010, je fais
des conférences partout dans le Québec, et très souvent sur ces sujets-là, et,
normalement, les gens me disent... pour les demandes anticipées, là, les gens
me disent : Moi, j'ai vu ma mère et je ne veux pas vivre ça, voyez-vous,
c'est qu'on a comme une impression. Puis je pense que c'est une valeur aussi, de dire qu'on
préférerait ne pas être exposé à ces souffrances-là, quitte à aussi reconnaître
que, dans certains cas, là, quand ça fait 20 ans qu'on a décidé ça,
bien, peut-être qu'il faudrait réactualiser la demande.
• (16 heures) •
Mme Picard : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Je
vais reconnaître la députée d'Abitibi-Ouest. Il reste
3 min 20 quelques secondes.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux pour la belle présentation. Lorsqu'on parle d'une
demande anticipée et que la souffrance contemporaine... on réalise que la
souffrance psychologique est beaucoup plus présente que la souffrance physique,
qu'arrive-t-il à ce moment-là?
Mme Chalifoux (Danielle) : Mon Dieu!
C'est une belle question. C'est une question philosophique un peu. Écoutez, on
a beaucoup parlé de la démence heureuse, de la souffrance existentielle, etc.
Moi, je vais vous dire, puis on a donné un peu le titre de notre mémoire
là-dessus, c'est sur un humanisme et une... et la possibilité de faire ses
propres choix, c'est-à-dire le droit à l'autodétermination, et je pense que
tout est dans le formulaire, que je déteste appeler le formulaire parce que,
pour moi, c'est une demande, et il ne faudrait surtout pas que ce soit quelque
chose dans laquelle on coche des cases.
Il faudrait que les gens puissent exprimer
qu'est-ce que c'est... quelles sont leurs valeurs par rapport à la souffrance.
Est-ce que, par exemple, une personne qui n'aurait pas de signe objectif de
souffrance mais qui dit que... Moi, ma perte de dignité, le fait que je ne peux
plus faire aucun projet, que je ne reconnais plus les miens, que je ne suis
plus du tout la personne que j'étais, c'est assez pour moi pour pouvoir
demander l'aide médicale à mourir... mais il faudrait que ce soit dans la
demande. Donc, si la personne le demande de cette façon-là, bien, on va la
respecter. Si elle ne le demande pas, si elle demande, au contraire, de
dire : Non, moi, ces souffrances-là, je ne veux pas avoir l'aide médicale
à mourir... Mais, en fait, le droit à l'autodétermination, je pense, c'est là
qu'il s'exprime le plus, mais il faudrait évidemment avoir, peut-être, des
conseillers, même, je ne sais pas, des travailleurs sociaux, des... et les
médecins, qui sont très occupés, évidemment, mais de... pour exposer ces
choses-là aux gens, pour qu'ils puissent éventuellement faire les bons choix.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Je vous
en prie.
M. Jobin
(Pierre-Gabriel) : Si je peux apporter juste une nuance, le
provincial a juridiction sur le consentement. Donc, dans les règlements
ou dans la loi, vous pourriez indiquer, exiger des conseils, consultation d'un
psychologue, d'un travailleur social, etc., ça pourrait être précisé dans la
loi.
Mme Blais : ...des situations
similaires?
M. Jobin
(Pierre-Gabriel) : Non, pas proche de moi. Par contre, on disait tout
à l'heure que, quand quelqu'un subit un AVC, il perd sa capacité et il
ne peut plus faire une demande. Souvent, c'est le cas, mais pas toujours. J'ai
connu quelqu'un qui a fait un AVC puis qui avait gardé tout son esprit. Alors,
cette personne-là aurait pu, à ce moment-là, là, faire une demande anticipée,
puis ensuite elle est décédée.
Mme Blais : Merci beaucoup.
Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce
que je peux me permettre un commentaire sur...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Rapidement, on va continuer par...
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
très, très rapidement. Oui, c'est que le problème avec les AVC, c'est un peu le
problème aussi quand on parle des troubles mentaux, c'est qu'est-ce qui est
irréversible et quand est-ce que c'est... quand est-ce qu'on va dire que c'est
incurable? Parce qu'un AVC il y a toujours une période de récupération. Il y a
des gens qui vont la faire puis qui vont redevenir comme ils étaient
auparavant, mais... Alors, bien, je me tais. Peut-être que quelqu'un d'autre
va...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je suis gardienne du temps, je suis vraiment désolée, mais
c'est vraiment intéressant. On va d'ailleurs poursuivre nos discussions avec
l'opposition officielle, qui bénéficie de 12 min 23 s. Mme la
députée de Westmount—Saint-Louis,
je présume, la parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci. Bien, je vous
laisse la parole parce que mes questions étaient dans le même alignement, bien,
comment anticiper la souffrance, surtout face à un AVC, où les résultats
peuvent varier d'une personne à l'autre suite à un accident, parce que la
différence avec une demande anticipée, c'est qu'on le sait, on est en... on a
une souffrance contemporaine, puis on peut anticiper qu'est-ce qui arrive, puis
la différence, c'est... je peux établir dans mon
formulaire, par exemple, si c'est la façon que ce sera établi, tous les
critères, mais ce n'est peut-être pas la même chose quand on ne peut pas
prévenir... avec un AVC, parce que je n'ai aucune idée, ça va être quoi, le
résultat. Alors, je vous laisse terminer votre réponse.
Mme Chalifoux (Danielle) : Ah bon!
Vous êtes bien gentille, merci. Bien, c'est ça, alors donc, les gens, les
spécialistes qui regardent ça, qui ont... qui se sont décidés... dont la Dre
Mona Gupta, je ne sais pas si vous l'avez entendue ou vous allez l'entendre,
parle du caractère irréversible et du caractère incurable puis elle dit que,
dans des conditions... dans certaines
conditions, on ne peut pas avoir l'assurance à 100 %, mais on est vraiment
confortables de savoir qu'il n'y aura pas de... que c'est devenu
définitif et qu'il n'y aura pas...
Comme dans le cas d'un ACV, prenez une personne
qui a 80 ou 85 ans, qui fait un ACV massif et qui ne se remet vraiment
pas, qui demeure inapte, est-ce que vous pensez réellement qu'il y a des
chances qu'elle redevienne ce qu'elle était? En général, je parle peut-être à
l'infirmière aussi ici, là, en général, ce qu'elle va faire, c'est qu'elle va
en refaire d'autres. Elle va refaire d'autres petits AVC. Alors donc, c'est...
la question est qu'à un moment donné, peut-être
pas au début, mais, à un moment donné, ça va devenir que ça va être incurable
et irréversible, et, à ce moment-là, bien, il n'y a pas de raison de ne
pas lui donner l'aide médicale à mourir, si elle l'a demandée expressément dans
sa demande. Est-ce que ça répond à votre question?
Mme Maccarone : Oui, bien oui. Je
pense que ça va engendrer encore plus de débats, parce qu'évidemment le but, c'est de protéger des personnes qui se
retrouvent en situation de vulnérabilité et aussi pour envoyer un
message aux personnes en situation de handicap que leur vie vaut moins... On
est préoccupés par ceci. Ça fait que voilà mon alignement. Quand vous parlez,
la première chose qui sort de ma réflexion, c'est quel message est-ce que nous
sommes en train d'envoyer à une personne en situation de handicap?
Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce
que vous me posez la question?
Mme Maccarone : Vas-y.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci. Si
vous lisez l'arrêt Truchon-Gladu, il y a des pages excessivement importantes qui portent sur la vulnérabilité, et
j'encourage tout le monde à les lire parce que c'est empreint
d'humanisme, et c'est empreint aussi de droit, et on dit que, bon, dans le
cadre de l'aide médicale à mourir, ce qui est important dans... chez les personnes qu'on dit vulnérables, c'est qu'elles soient
aptes. Quand une personne est apte à consentir, qu'elle est capable de
faire un... de porter un jugement libre et éclairé sur quelque chose, c'est
totalement différent que la personne qui est inapte, parce que la personne qui
serait inapte, handicapée inapte, elle ne fait pas partie, dans le moment, ni
du PL n° 11 ni... nulle part, là, parce que le
fondement même, c'est l'aptitude.
Et on dit aussi qu'il arrive qu'on veuille
protéger les gens contre eux-mêmes, contre leur propre volonté. Vous savez qu'il y a les conventions des Nations
unies, maintenant, puis tout ça, sur le droit des handicapés, qui fait
qu'on va promouvoir leur sens de
l'autonomie, l'autonomie de choix, l'autonomie dans tous les domaines de leur
vie, etc. Évitez... Je vais dire un gros mot, là, évitez des mentalités
un peu paternalistes comme : Nous, on pense qu'on a la solution à leurs
problèmes, alors que, peut-être, ils sont totalement en mesure de trouver leurs
propres solutions. Cela ne veut pas dire non plus d'exclure complètement que
ces personnes-là sont handicapées, mais de favoriser, essayer de promouvoir
leur propre autonomie tant qu'elles sont aptes, évidemment, pour l'aide
médicale à mourir. On revient toujours aux conditions aussi, là. Évidemment, il
faut être dans toutes les autres conditions.
Mme Maccarone : Que devons-nous
faire face à une demande anticipée qui est remplie, dûment remplie, notariée,
accompagnée par le tiers de confiance, avec la personne concernée, qui est
rendue au moment où on dit : Nous devrons peut-être déclencher le
processus... ça ne reflète pas exactement ce qui est écrit dans la demande
anticipée, et je souhaite à votre réponse... Comme si, par exemple, on
dit : Oui, la personne souffre, mais ce n'est pas nécessairement une réflexion
de ce qui était écrit dans le document qui était notarié, est-ce qu'on fait
fausse route, si on poursuit avec la demande
anticipée, surtout dans un cas comme une démence heureuse? Vous l'avez soulevé
un peu dans votre mémoire, mais pas dans vos remarques. Alors, si vous
pouvez clarifier un peu votre position là-dessus...
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui, bien, écoutez, moi, je ne suis pas médecin,
mais j'ai fait des études d'infirmière puis j'ai pratiqué dans les soins
palliatifs et aussi dans des CHSLD. J'en ai vu, des madames, là... je dis «des madames», j'ai moins vu de messieurs, je ne sais
pas pourquoi, mais, en tout cas, je ne veux pas faire de catégories ici,
là, bien, tu sais, qui ont vraiment, là... se promènent dans les corridors,
sont souriantes, jouent avec leurs poupées, sont de bonne humeur, sont
toujours... mangent bien, ont des petites joies de tous les jours, là, et elles
sont complètement inaptes, elles ne reconnaissent pas les leurs, elles sont...
mais elles sont dans un état qu'on dit... démence heureuse.
Moi, je me dis, fions-nous donc à ce que les
gens pensent et à ce qu'ils ont écrit dans leur demande. Si, pour eux, c'est
une déchéance, c'est une atteinte à leur dignité... Remarquez que je ne fais
pas de... personnel là-dedans, là, parce que je ne veux pas faire la promotion
de ça nécessairement, mais si, pour eux... c'est ça, si, pour eux, ils ont
vraiment... ils considèrent ça comme une souffrance, qu'ils sont... ils
trouvent ça inacceptable d'être comme ça, bien, respectons leur... c'est leur
droit de le décider de cette façon-là. Et, s'ils ne l'ont pas décidé, s'ils
n'en ont pas parlé dans leur demande, bien, on va y aller de façon à respecter
leur... le principe du droit à la vie le plus longtemps possible, mais ce n'est
que temporaire, parce que la démence heureuse, elle ne dure pas jusqu'au décès,
hein? C'est très temporaire. Ça ne sera pas long que la
personne va perdre son autonomie, va être grabataire, va se retourner en petit
chien de fusil, puis ne pourra plus manger, puis va avoir... peut-être, va
avoir toutes sortes d'autres troubles parce que la souffrance la guette de
toute manière.
Et puis j'ai beaucoup
apprécié, dans le PL n° 11, qu'on dise qu'une fois
que... si la demande est refusée, à un moment donné, pour une raison ou pour
une autre, bien, on peut la reprendre un peu plus tard. Ce n'est pas complètement définitif, parce que disons que la
personne... on considère qu'elle n'a pas demandé, dans sa demande...
qu'elle est bien, elle semble heureuse,
bien, on va retarder, je dirais, au moment où la souffrance, à ce moment-là, se
manifesterait.
• (16 h 10) •
Mme Maccarone :
...toujours bien au niveau juridique, parce que, dans la loi, on parle d'un
refus, mais, dans le Code civil, on parle d'un refus catégorique. Est-ce que
ça, c'est une modification qui est nécessaire dans cette loi?
Mme Chalifoux (Danielle) : Le
refus catégorique, c'est pour une personne qui est inapte, mais qui n'a
jamais fait de demande anticipée. On n'est pas dans le même cadre, là. Quand la
personne a fait une demande anticipée... C'est pour ça que je trouve que, dans
le PL n° 11, ça serait important de bien dire que la
demande anticipée, elle vaut exactement la
même chose quand elle est faite par une personne apte que si elle avait fait
une demande contemporaine.
Alors, dans le cas du
refus catégorique, ce n'est pas du tout dans la même... ça n'a pas cette... ce
besoin qu'on a de référer à la demande
anticipée parce qu'elle n'existe pas dans le refus catégorique. C'est le refus
catégorique d'une personne inapte, mais, selon moi, ça n'a pas tellement de
rapport, les deux.
Mme Maccarone : Une dernière question
avant que ma collègue vous pose une question. Je trouve intéressant...
Je suis d'avis que vous... On ne parle plus de soins de fin de vie parce qu'on
a enlevé le critère d'état. Nous sommes maintenant dans la maladie. Alors, ça
nécessite un changement au titre de la loi, mais vous, vous proposez d'ajouter les soins palliatifs. Alors, je trouve
intéressante votre proposition puis j'aimerais que vous élaboriez là-dessus,
parce que, quand nous avons entendu les groupes qui représentent les
maisons qui offrent des soins palliatifs, bien, pour eux, c'est différent, puis
ils ne souhaitent pas devenir des maisons de soins de fin de vie,
nécessairement, d'aide médicale à mourir
parce que ce n'est pas nécessairement leur mandat. Et nous avons entendu aussi
des témoignages des experts en soins
palliatifs qui disaient qu'ils peuvent très bien aussi aider la personne à
vivre plus longtemps, alors aide médicale à vivre et non nécessairement
aide médicale à mourir. Alors, pourquoi la notion d'ajouter «palliatifs» dans
le titre?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, c'est parce que nous sommes les seuls au monde, je
crois, à avoir une loi qui est... qui
englobe les deux, qui englobe autant les soins palliatifs que l'aide médicale à
mourir, et moi, je pense que c'est une richesse. Je ne dévierais pas de
ce cadre-là. Je mettrais, par exemple, l'accent sur le fait que, pour l'aide
médicale à mourir, on n'est pas nécessairement en fin de vie, alors donc, pour
ne pas qu'il y ait de confusion, mais je devrais vous dire... Je crois que...
Moi, j'ai fait des
soins palliatifs aussi. J'ai travaillé à peu près cinq ans en soins palliatifs,
et, de plus en plus, les mentalités sont de dire : Bien, les soins
palliatifs, ce n'est pas uniquement la fin de vie, ça peut être... à un moment
donné, vous avez un diagnostic que, bon, la maladie est grave et elle est
incurable, mais vous allez mourir peut-être dans plusieurs années, mais on va
déjà commencer à faire des soins palliatifs.
Alors, pour moi, ce
critère-là n'est pas nécessairement primordial, mais ce qui est primordial, par
exemple, c'est de maintenir les soins palliatifs dans tout ce... On a fait une
loi qui était globale, puis je pense qu'on devrait la garder comme ça, mais on
pourrait tout simplement l'appeler la «loi sur les soins palliatifs et l'aide
médicale à mourir». Alors, ce serait très
bien parce que, vous le savez comme moi, là, puis je vais faire juste un petit
pitch là-dessus, là, hein, les soins palliatifs, c'est très, très
important, puis il ne faudrait jamais que l'aide médicale à mourir devienne une
solution parce que nos soins palliatifs sont si déficients au Québec.
Mme
Maccarone : Vision partagée. Merci beaucoup.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : ...dans
le projet, c'est que toutes les maisons, toutes les institutions de soins
palliatifs soient obligées d'administrer l'aide médicale à mourir quand on est
dans les conditions et qu'il y a une demande. On sait qu'il y en a plusieurs
qui, par philosophie, de la vie ou religieuse, refusent de le faire, ce qui
cause des problèmes pour les malheureux qui sont pris là, et auxquels on ne
recommande même pas d'être transférés dans un hôpital. Alors, c'est une très
bonne chose que ce soit obligatoire.
Mme
Maccarone : ...c'est une... avant, la personne rentre, ils font quand
même un triage pour s'assurer que la personne reconnaît les critères avant de
rentrer dans la maison, puis, si c'est toujours souhaité, bien, ils font tout
leur possible pour le transfert, mais,oui, en effet, pour la personne concernée,
ça ne doit pas être évident.
M. Jobin
(Pierre-Gabriel) : Quand on entre dans une maison de soins de fin de
vie, on n'est pas en forme.
Mme
Maccarone : Tout à fait.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il
reste 44 secondes pour une très courte... ou un commentaire, la
députée de D'Arcy-McGee.
Mme
Prass : Pour renchérir sur les questions qui vous ont été posées à
propos de ceux qui subissent un AVC, par
exemple, pensez-vous qu'il devrait y avoir la possibilité d'avoir un document
similaire au... non-réanimation, similaire... donc, si on peut
prédire... par exemple, si on fait un document qu'on ne veut pas être réanimé
en cas de...
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : En 15 secondes.
Mme Prass : Pensez-vous
qu'il y aurait... il devrait y avoir une possibilité d'inscrire, de la même
façon, qu'on veut d'un... bien, avec la
possibilité d'un AVC, la personne se retrouve, à long terme, inapte, qu'il
devrait y avoir ainsi droit à l'aide médicale à mourir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Vraiment, je ne pourrais
pas vous donner une réponse. Là, ce serait de l'improvisation, là, parce
que je... ce n'est pas dans notre mémoire, puis on n'a pas réfléchi vraiment à
la manière exactement de faire, mais, chose certaine, en Hollande, ça fait
partie des choix et c'est gouvernemental, finalement, c'est que c'est les politiques
gouvernementales qui font que, bon, au niveau de l'admission... parce qu'il y a
la non-réanimation, et il y a la demande
anticipée aussi, puis il y a la demande anticipée générale, et il y a la
demande anticipée pour les gens qui
font de la démence. Alors, ils ont couvert vraiment tout le secteur. Bien, je
vous encourage peut-être à prendre connaissance de la façon dont ça
fonctionne...
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux
(Danielle) : ...parce qu'ils ont vraiment une solution à cette
question-là.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Je dois maintenant passer de la parole, pour
une période de 4 min 8 s, à la députée de Sherbrooke. La parole
est à vous.
Mme Labrie : Merci,
Mme la Présidente. J'ai plusieurs questions pour vous. La première, vous avez
fait référence, quand même, à plusieurs reprises au fait que ce qui était très
important dans la rédaction de la loi, c'était le paragraphe qui fait référence
au déclin avancé et irréversible des capacités. Ça m'amène à vous poser la
question... parce qu'on se rend compte ici qu'on a de la difficulté à définir
le handicap. On réalise qu'il y a des situations qui ne sont peut-être pas
incluses ni dans «maladie» ni dans «handicap».
À quel point le
troisième paragraphe, où on mentionne «elle est atteinte d'une maladie grave et
incurable ou elle a un handicap», etc., à quel point il était bien nécessaire?
Est-ce qu'on en a encore besoin, si on se concentre sur le paragraphe 4°,
qui parle de «situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et
irréversible»?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Selon moi, il est utile parce qu'il clarifie certaines
choses. «Maladie grave et incurable», ça peut être grave et incurable, mais ce
n'est pas... il n'y a pas nécessairement un déclin avancé des capacités, parce
qu'au début de la maladie il n'y a pas de déclin avancé. Le déclin, ça se fait
de façon progressive. C'est un processus, et je pense que c'est prudent de
penser ça.
Et moi, en tout
respect, là, je pense qu'il y a des opinions contraires, mais, quand on a...
Quand la Cour suprême a décidé, dans Carter... Mme Carter puis Mme Taylor,
les deux personnes qui demandaient l'aide médicale à mourir, étaient vraiment
dans un déclin avancé de leurs capacités, c'étaient des personnes qui avaient
des maladies dégénératives importantes et qui étaient vraiment dans la phase
finale, même... qu'elles n'étaient pas vraiment en fin de vie, mais elles
correspondaient vraiment à ce critère-là, puis la Cour suprême a dit :
Nous, dans Carter, on décide par rapport aux personnes que l'on a devant nous.
Et c'est ces personnes-là qu'il y avait devant elle, et elles avaient toutes
les deux un déclin avancé et irréversible de leurs capacités.
Moi, je pense que
c'est utile, parce qu'il y a beaucoup de maladies graves et irrémédiables
qui... si elles sont prises au tout début, il me semble qu'il devrait y
avoir... Ça devrait être accompagné. Je pense que c'est une restriction que
moi, je pense... qui serait logique, qui serait une atteinte minimale, là, au
droit, comme on dit dans Oakes, là, mais je sais qu'il y a des opinions
contraires.
Mme Labrie : OK,
sauf que c'est cumulatif, quand même, c'est-à-dire que tous les critères
doivent être remplis. Là, vous me... La maladie grave incurable, elle doit se
caractériser par un déclin avancé et...
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui, oui, absolument.
Mme Labrie : Par
rapport à l'exemple des AVC que vous nous avez apporté, est-ce que vous
pensez... En fait, je ne suis pas certaine... Je veux clarifier votre
recommandation. Est-ce que vous nous recommandez que les demandes anticipées
soient accessibles à tout le monde sans qu'il y ait nécessairement un
diagnostic, à condition que ce soit révisé tous les cinq ans? C'est bien ça?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Moi, je suis pour le respect des volontés des personnes.
Si la personne veut exclusivement prévoir sa condition d'alzheimer, qu'elle le
fasse, mais il ne faudrait pas empêcher une personne dont, surtout, l'hérédité
et le fait qu'elle va probablement faire un AVC un jour, de... elle, de
l'exclure complètement de l'aide médicale à mourir, mais je pense que le choix
pourrait être fait par une personne. Elle peut vouloir les deux. Elle peut
vouloir un des deux ou, en tout cas...
Mme Labrie : ...qu'il
devrait y avoir un critère, pour vous, pour pouvoir faire une demande
anticipée, par exemple, d'hérédité, comme vous le mentionnez, ou il ne devrait
pas y avoir de critère, tout le monde devrait pouvoir faire une demande
anticipée?
Mme
Chalifoux (Danielle) : Non. Je pense que n'importe qui est susceptible de
s'en aller sur la rue, là, puis de faire
un AVC, non, mais je dis ça comme un exemple de gens qui seraient peut-être
plus justifiés que d'autres de le faire.
Mme Labrie : J'entends. Puis, si
j'ai encore un peu de temps, ma troisième question, vous avez parlé de
moratoire. Est-ce qu'il devrait être formulé dans la loi ou à l'extérieur?
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui, moi,
je... regardez, c'est parce que je trouve que c'est trop important puis je trouve que c'est faire injure un peu aux
personnes des... qui ont des maladies mentales graves et incurables,
irréversibles, de leur dire : Bien, vous n'êtes pas une maladie.
Excusez-moi de le dire comme ça, là, mais c'est un peu ça que la loi... le PL n° 11 dit.
Moi, je pense qu'on devrait prendre l'exemple de
la disposition équivalente, mais dans la loi fédérale, qui propose un
moratoire, puis là le moratoire pourrait être, je ne sais pas, à votre... à la
discrétion du législateur. Bien, à ce moment-là, ce serait reconnaître que ces
gens-là, ils ont des droits, comme pour n'importe qui, si leur maladie est
grave et incurable, irréversible, ce qui fait évidemment... puis s'ils sont
aptes aussi à consentir. C'est beaucoup de conditions, finalement.
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Si vous
excluez les maladies mentales, c'est une exclusion qu'il faut justifier, et
alors vous retombez sur Truchon et Gladu et le test de Oakes, alors bonne
chance.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Pr Jobin, Me Chalifoux,
merci beaucoup pour l'apport à nos travaux, à la richesse des
discussions que nous avons eues aujourd'hui. Il me reste à vous souhaiter une
bonne fin de journée.
Et je vais suspendre les travaux le temps de
quelques secondes, quelques minutes, pour recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 21)
(Reprise à 16 h 25)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, nous recevons la Confédération des
organismes de personnes handicapées du Québec. Nous avons quatre intervenants.
Je vais vous demander, mesdames, messieurs, de vous présenter et de débuter
votre exposé. Vous avez un total de 10 minutes pour le faire. Nous allons
ensuite entamer la période d'échange avec les membres de la commission. La
parole est à vous.
Confédération des
organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lupien (Paul) : Bonjour, Mme la
Présidente, et, aux membres de la commission, bonjour à tous. Je vais faire les
présentations des gens qui sont avec moi. Mon nom est Paul Lupien. Je suis une
personne handicapée et je suis président du conseil d'administration de la
COPHAN. Je suis également membre de l'institut national de l'équité et de
l'inclusion des personnes en situation de handicap, l'INÉÉI-PSH. Je suis
accompagné de Mme Kristen Robillard, trésorière du conseil
d'administration de la COPHAN et présidente du comité santé et services sociaux
de la COPHAN, elle est membre également de la Société canadienne de la sclérose
en plaques, division Québec, et de Mme Marie-Josée Beaudoin, coordonnatrice à
la vie associative et chargée de dossier à la COPHAN, et de M. André Prévost,
directeur général de la COPHAN.
Je vais présenter sommairement notre
organisation. Mme Robillard présentera notre réaction sur le projet de loi
et nos grands constats à cet égard. M. Prévost traitera du concept de l'aide
médicale à vivre, alors que Mme Beaudoin vous soulignera nos
recommandations sur l'aide médicale à mourir.
La Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec, la COPHAN, est un organisme à but non lucratif incorporé
en 1985. On a pour mission de rendre le Québec inclusif afin d'assurer la
participation sociale pleine et entière des personnes ayant des limitations
fonctionnelles et de leurs familles. Son conseil d'administration est composé
majoritairement de personnes en situation de handicap. Elle regroupe près de
50 organismes et regroupements nationaux et régionaux de personnes ayant
tout type de limitation fonctionnelle.
La COPHAN s'appuie sur l'expertise et les compétences
de ses membres, dont de nombreuses personnes en situation de handicap. Son
mandat est de représenter et de défendre les droits des personnes en situation
de handicap et de leurs proches auprès des
instances décisionnelles. Les principes qui guident l'action de la COPHAN sont
l'inclusion pleine et
entière, la primauté du droit, le droit à l'égalité, l'accessibilité
universelle, l'accompagnement et la compensation des coûts
supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles.
J'invite Mme Robillard à prendre la parole.
• (16 h 30) •
Mme Robillard (Kristen) : Bonjour à
tous. La COPHAN souhaite, par le présent mémoire, participer au débat devant
précéder l'adoption du projet de loi n° 11, qui a pour objectif de
modifier la Loi concernant les soins de fin
de vie en matière d'accessibilité à l'aide médicale à mourir. L'intention du
gouvernement ici est d'élargir davantage l'aide médicale à mourir. Notre mémoire ne plaira pas à tous, nous en
sommes très conscients, car il dénonce, dans un premier temps, l'état actuel de notre système de santé, qui est à
refonder pour offrir prioritairement l'aide médicale à vivre.
Les observations présentées dans ce document
concernent spécifiquement le secteur de la santé, alors que d'autres dossiers,
comme le transport, l'éducation, le revenu, et l'emploi, et l'accessibilité,
contribuent également au vouloir-vivre chez de nombreuses personnes en
situation de handicap. Nous pensons que l'aide médicale à mourir ne peut pas
être une solution pour compenser les lacunes de notre système de santé, ses
incapacités et même ses nombreux dysfonctionnements. Effectivement, dans toutes
circonstances, le respect de la personne et de la dignité humaine doit
s'appliquer sans compromis.
Aussi, il ne peut pas être question, pour la
COPHAN, que l'aide médicale à mourir puisse être élargie aux personnes ayant un
handicap neuromoteur ni à d'autres diagnostics à venir. Il est insensé de
permettre à des personnes de recourir à l'aide médicale à mourir, faute de
manque de services. Il est effectivement très gênant de constater que le Québec se... d'être devenu le premier au monde à
pratiquer l'aide médicale à mourir, de voir le Collège des médecins
demander encore plus d'ouverture à cette pratique et d'observer notre
gouvernement légiférer à ce sujet plutôt que réellement mettre en place des
moyens concrets et immédiats pour offrir aux personnes l'aide médicale à vivre. Pour s'en convaincre, comment
expliquer que notre système de santé est à la fois un des plus
dispendieux et un des moins performants et accessibles au monde parmi les pays
les plus développés? Enfin, une demande anticipée d'aide médicale à mourir peut
prendre place, nous pensons, sous certaines conditions qui restent encore à
mieux baliser.
J'invite M. Prévost à prendre la parole.
M. Prévost
(André) : Bonjour à tous.
Depuis des années, tous savent que le système de santé québécois est
brisé. Ce système hypercentralisé carbure aux solutions bureaucratiques, loin
du coeur et de l'humanité des personnes qu'il devrait normalement servir.
Avec le projet de loi n° 11, on parle plus
d'une économie pour le gouvernement du Québec que du besoin de dispenser des
services de qualité à la population et en particulier aux personnes en
situation de handicap.
Le Québec répond désormais à plus de demandes
d'aide médicale à mourir que la Belgique et les Pays-Bas. On parle de
5,1 % maintenant, et même davantage, et cela est toujours à la hausse. À
l'inverse, les personnes en situation de handicap veulent vivre.
Malheureusement, le Québec est rendu à banaliser la mort au lieu de dispenser
des services à la hauteur de sa richesse collective. Mettre l'emphase sur
l'aide médicale à mourir plutôt que sur les soins de vie, aide médicale à
vivre, est un moyen détourné et invisible, selon nous, de couper ou d'interrompre
des services, de baisser les bras face à la bureaucratie et au corporatisme.
Le système de santé canadien, et en particulier
celui du Québec, est à la fois sous pression et enfermé dans un cercle vicieux.
Ce même système est à la merci d'une bureaucratisation de la santé, insatiable
et éthiquement inéquitable. Tous savent que les soins de santé primaire ou de
première ligne sont à renforcer. Le rêve des CLSC, de ses équipes multidisciplinaires 24 heures par jour, sept jours par
semaine, s'est évaporé sous la férule de la fragmentation des services
et du corporatisme. Aussi, les services de soutien à domicile sont insuffisants
et peu performants, et depuis longtemps également. Le programme d'adaptation du
domicile, quant à lui, est devenu périmé au fil des ans.
L'accès et la qualité des services sont plus que
disparates et inéquitables entre diverses et un grand nombre de modalités de
dispensation et d'utilisateurs. Notre système peine à s'adapter, comme le
montre sa difficulté à reconnaître de nouvelles maladies et de nouveaux
besoins. En ce sens, l'aide médicale à vivre doit redevenir notre priorité.
Après tout, le gouvernement consacre la moitié de nos impôts et de nos taxes
aux programmes de santé, ici, au Québec. Vous pourrez regarder les sept
premières recommandations de notre mémoire, qui portent sur l'aide médicale à
vivre.
J'invite ma collègue, Mme Marie-Josée
Beaudoin, à prendre la parole. Merci.
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Bonjour
à tous. Le projet de loi permet aux personnes atteintes d'une maladie grave et
incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins et à formuler une aide
médicale à mourir afin qu'elles puissent en bénéficier une fois devenues
inaptes, ce que l'on appelle la demande anticipée, mais cette demande peut être
contemporaine également.
D'ailleurs, selon la COPHAN, cette demande
contemporaine devra nécessiter une attention particulière par les
professionnels de la santé, considérant l'état dans lequel une personne se
trouvera au moment où elle en fera la demande. On parle d'une personne
fragilisée par les souffrances physiques ou psychiques insupportables, dont
l'article 14 du projet de loi n° 11...
La COPHAN est inquiète, pour les personnes en
situation de handicap, de toute l'interprétation possible autour des
souffrances vécues par les personnes au moment de décider d'une demande
contemporaine et, surtout, comment s'assurer du caractère libre et éclairé dans
de telles circonstances par le professionnel compétent. La décision d'une
personne en situation de handicap de recourir à l'aide à mourir peut comporter
certains biais pour lesquels le professionnel qui reçoit
la demande n'est pas en mesure d'évaluer. L'élargissement de l'aide médicale à
mourir dans ce contexte, ajouté à la situation actuelle où les services sont
plus ou moins au rendez-vous, nous fait craindre, avec raison, des décisions
malencontreuses pour cette clientèle. Pour toutes ces raisons, l'inclusion du
handicap neuromoteur au projet de loi n° 11, entre autres, risque d'ouvrir
la porte à des situations pour lesquelles nos élus ne nous ont pas vraiment
habitués jusqu'à maintenant.
À propos, je m'en voudrais de passer sous
silence le laxisme avec lequel un membre de la commission des soins de vie
s'est exprimé lorsqu'il a été question d'inclure les problèmes neuromoteurs
comme condition pour obtenir l'aide médicale à mourir. Le Dr David Lussier, un
des membres de la Commission des soins de fin de vie, invité à donner son
opinion sur cette inclusion du handicap neuromoteur, qui est allé d'un argumentaire
bureaucratique proposant d'inclure les handicaps neuromoteurs comme condition
viable pour pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir, préoccupé principalement
par l'harmonisation de la loi québécoise à la loi fédérale qui, selon ses
dires, serait plus facile à gérer. Des déclarations qui nous font nous
interroger sur l'analyse de cet élargissement du handicap neuromoteur comme
condition pour avoir accès à l'aide médicale à mourir au sein de la commission,
de son application et sur la teneur de tels propos par un professionnel de la
santé recruté principalement, je vous le rappelle, pour ses connaissances
médicales au sein de cette commission.
Une de nos recommandations est donc de
s'assurer, comme professionnels compétents, médecins, infirmières, que cette
demande d'aide à mourir n'est pas le reflet d'un manque de services de soins et
de moyens pour assurer à sa clientèle les soins requis. Les critères, mort
naturelle raisonnablement possible et de fin de vie, prévus dans la législation
canadienne et québécoise doivent être maintenus.
Concernant la production de la demande
anticipée, la notion de professionnel compétent est assurément bienvenue pour
assister la personne qui formule une demande anticipée. Par contre, là où le
bât blesse, c'est que l'on parle d'une obligation et non d'une recommandation.
Mais qu'en est-il des personnes en situation de handicap qui n'ont pas accès à
une infirmière clinicienne et encore moins à un médecin de famille? Des
initiatives qui devront être mises de l'avant afin de contrer cette
problématique. La COPHAN recommande que des comités bioéthiques puissent être
rattachés aux médecins et aux infirmières cliniciennes aux fins de
l'application de la loi et mandatés pour assister le demandeur.
En conclusion, nous sollicitons votre
collaboration et votre compréhension sur les enjeux décrits jusqu'à maintenant
et nous vous demandons de retarder d'une année l'adoption du présent projet de
loi n° 11.
En terminant, Kristen et Paul vous livreront un
mot de la fin.
Mme Robillard (Kristen) : Pour
l'aide médicale à vivre, nous restons grandement préoccupés par les conditions
de vie imposées aux personnes en situation de handicap et qui sont physiquement
dépendantes. Elles croupissent dans des conditions souvent scandaleuses, et la
société québécoise doit prendre conscience que ce genre de situation porte
atteinte à leur dignité.
Je passe la parole à Paul.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Votre micro.
M. Lupien (Paul) : Oui, excusez,
oui. Comme président du conseil d'administration de la COPHAN, pour l'aide
médicale à vivre, le gouvernement du Québec doit décentraliser le système de
santé, revaloriser le rôle du CLSC, renforcer le SAD et en améliorer sa
performance, indexer le programme d'adaptation du domicile, rehausser le budget
des RI, RTF et des ressources communautaires d'hébergement afin d'assurer une
qualité de services comparable, peu importe... au lieu d'hébergement pour des
besoins identiques. Il est possible de faire mieux dans une société
aussi riche que celle du Québec. Vous pouvez agir dans ce sens sans délai comme
législateur, porteur du bien commun.
Nous vous remercions de votre attention. Nous
demeurons disponibles pour répondre à vos questions.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mesdames, messieurs, merci beaucoup pour cet exposé, la
clarté aussi de vos propositions.
On va commencer. Mme la ministre a accepté de
prendre un peu de son temps pour pouvoir vous laisser aller. Alors, on va commencer rapidement la période d'échange. Mme la
ministre, vous avez une période de 12 min 41 s pour cet
échange.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Oui. Bonjour à tous et toutes. Merci pour votre présentation, pour
votre témoignage. Je comprends très bien que vous arrivez aussi avec plusieurs
constats qui ne relèvent pas directement de cette commission, mais ça ne veut
pas dire qu'on ne les entend pas. Cependant, je veux quand même le mentionner,
parce que quand on parle d'organisation de services de santé, d'accès à la première
ligne, accès à un médecin, infirmière,
professionnel et tous les autres éléments que vous avez mentionnés, là, bien
sûr que c'est important, et vous avez tout à fait raison qu'il faut
continuer d'améliorer notre réseau de la santé et des services sociaux.
Moi, j'aimerais vous entendre
particulièrement... Ce que je comprends, là, c'est que vous êtes défavorables à
l'élargissement de l'aide médicale à mourir
aux personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable. Ça, je
pense, c'est clairement indiqué, là, dans les documents que j'ai sous les yeux.
Cependant, est-ce que... Vous avez fait votre réflexion
par rapport à la... aux personnes ayant un handicap. Est-ce que vous êtes aussi
défavorable au fait qu'on amène dans
notre projet... qu'on mette dans le projet de loi la notion de handicap, ou
c'est seulement avec l'handicap neuromoteur?
Mme
Beaudoin (Marie-Josée) : M. Prévost.
M. Prévost
(André) : ...je voulais simplement... avec la réflexion d'un de nos
membres qui est en fauteuil roulant, qui a une maladie neurodégénérative
importante, mais qui est heureux de vivre, et ce qu'il nous disait... il
dit : On est dans une société complètement folle, là. Ça veut dire que
demain... il dit, moi, là... Je parle comme si j'étais lui, il dit : Ça
veut dire que demain, je pourrais demander l'aide médicale à mourir puis je
pourrais l'obtenir, là, une fois que la loi serait adoptée. Donc, par contre,
cette même personne me parle de ses nombreuses difficultés pour accéder à ses
services, notamment des services de soins à domicile, etc. Donc... puis il
n'est pas le seul, il y en a plusieurs autres qui nous ont contactés avec cette
pensée.
Par contre, dans la
forme actuelle de la loi québécoise ou canadienne, avec une fin de vie qui est
prévisible, en tout cas, selon les modalités que vous connaissez mieux que
nous, là, à ce moment-là, on est... on est d'accord, on est favorables, même chose pour le consentement anticipé, selon
certaines balises, évidemment, avec tout l'encadrement qui doit être
disponible. C'est sûr que, si on n'a pas accès à un médecin, écoutez, on tombe
dans la bureaucratie puis dans quelque chose
qui ne finira plus. Donc, c'est sûr que, dans le meilleur des mondes, tout ça
pourrait être fait au niveau du consentement anticipé. Mais pour ce qui
est du handicap, les indications qu'on a, c'est qu'on n'est pas favorables.
Mme
Bélanger : OK. Alors, j'aimerais peut-être revenir avec... dans le
fond, en prenant l'exemple que vous avez mentionné, là, qui est écrit aussi, je
pense, que la personne participe, là, à l'écriture, là, du texte que j'ai sous
les yeux. Mais cette personne-là, si elle est handicapée, qu'elle est heureuse,
qu'elle n'a pas de souffrance, elle n'est pas obligée de demander l'aide
médicale à mourir, là, ce n'est pas une prescription. Je veux reprendre ce
terme-là parce que, tantôt, il me semble que
j'ai entendu le mot «prescription». L'aide médicale à mourir, ce n'est pas une
prescription, ça, c'est vraiment important
et c'est... ce qui est à la base de tout ça, c'est vraiment l'autodétermination
de la personne, la volonté de la personne et aussi son aptitude à
consentir, le fait qu'elle ait une situation avec un déclin irréversible, le
caractère incurable de la maladie ou de la situation, et des souffrances
physiques, et psychiques insupportables, et inapaisantes.
Alors, dans l'exemple que vous donnez, bien, quelqu'un qui a une situation de
handicap et qui ne répond pas à ces critères-là n'est pas éligible à
l'aide médicale à mourir.
Maintenant, moi,
j'aimerais vous entendre parce que la volonté du projet de loi, c'était
vraiment aussi de s'ajuster en fonction du jugement Baudouin. Vous connaissez
le jugement Baudouin... et de l'affaire Mme Gladu et M. Truchon? Alors donc, je comprends que vous
n'êtes pas... vous vous opposez, d'une certaine façon, là, à ce jugement
qui a eu lieu. Je veux juste comprendre là où vous êtes.
M. Lupien
(Paul) : ...si vous voulez me permettre, je vais vous dire, moi, je
suis une personne atteinte d'une maladie neurodégénérative grave. Je pourrais
vous dire que j'ai... je suis même beaucoup plus près de la fin que du début.
Oui, j'ai des souffrances, mais on arrive à m'enlever mes souffrances. Et je
vais vous dire une affaire : J'aime mieux vivre. Cependant... puis si je
n'aurais pas un véhicule, moi, pour me déplacer, un véhicule adapté, je vivrais
l'isolement itou, puis je vous dirais que je
la demanderais demain matin, l'aide médicale à mourir, parce que ça
devient un problème pour les personnes handicapées. Et c'est là que les
personnes handicapées se disent : Tabarnouche, on peut-tu avoir le droit
d'avoir des services et de nous sortir de notre isolement, et tout ça, au lieu
de nous offrir une piqûre? C'est un peu ça la chose qu'il y a.
Pour une personne...
quand on arrive puis qu'on a les soins qu'on doit recevoir, qu'on a aussi une
vie, on a le goût de vivre. Et c'est là
qu'on dit : On ne doit pas remplacer tout ça par l'aide médicale à mourir,
parce que, pour nous, ça devient une économie pour le gouvernement, et,
en même temps, on enlève le côté de la beauté de la vie à la personne en lui
disant : Regarde, reste chez vous, ne bouge pas, on n'adaptera pas ton
domicile, on ne fera rien, ça ne vaut pas la peine. Regarde, reste là, puis on
va t'offrir une piqûre. C'est ça qu'on a peur. C'est ça que les personnes
handicapées ont peur qu'on arrive à nous offrir. Et comme personnes
handicapées, je crois qu'on mérite quand même d'avoir la même chose que tout le
monde, et de vivre dans la dignité, et non pas juste mourir dans la dignité,
mais vivre aussi dans la dignité. Et c'est ça qu'on trouve qui est plate, c'est
qu'on nous offre un programme d'aide médicale à mourir, mais on ne nous offre
pas un programme d'aide médicale à vivre. Et c'est ça qu'on demande au
gouvernement, de penser comme il faut qu'il y a aussi la vie qu'on peut offrir
à la personne et non pas juste la mort.
Mme
Bélanger : ...
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, on va
poursuivre les discussions avec la députée de Roberval. Il reste 5 min 50 s.
Mme
Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Mme Robillard,
Mme Beaudoin, M. Lupien, M. Prévost, merci d'être avec nous
aujourd'hui. C'est très éclairant.
On
entend toutes sortes d'idées, toutes sortes de points de vue. On a entendu plus
tôt, dans d'autres consultations, des personnes handicapées qui sont
venues nous dire que, si on ne mettait pas «handicap»... même d'enlever
«neuromoteur» pour mettre «handicap», que, pour eux, ça pourrait causer un
préjudice, que présentement ils ne souhaitent
pas avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais que, pour eux, ce doit rester
un choix. Donc, qu'est-ce qu'on dit à ces personnes-là qui veulent avoir
le choix à l'autodétermination, qui ne sont pas prêtes à ça, mais qui nous
disent : Pour moi, c'est important d'avoir ce choix-là?
Puis là j'entends bien tout ce que vous dites au
niveau des soins à domicile et aussi des outils, là, pour bien vivre. Et ce que
je voudrais vous dire, c'est qu'il ne faut pas oublier que l'aide médicale à
mourir demeure toujours un soin d'exception. Donc, les
gens parlaient de discrimination, de préjudice. Qu'est-ce qu'on dit... Est-ce
qu'il y a... est-ce qu'il y a un mi-chemin, là, entre : Non, on ne le met
pas dans le projet de loi du tout; puis oui, il y a des gens qui veulent y
avoir accès? Qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là?
M. Prévost (André) : Moi, je
donnerais un élément de réponse : Il faut éviter la dérive. Quand je dis
«la dérive», c'est qu'il y a des personnes qui rencontrent des intervenants de
la santé et qui se font dire : On n'est pas en mesure de vous donner les services requis par votre situation. Vous
demandez énormément de services et, écoutez, vous devriez peut-être
envisager de demander l'aide médicale à mourir. Puis les personnes qui tiennent
ces propos-là, ce n'est pas des gens qui ont des formations en droit, ce n'est
pas des politiciens, ce n'est pas des juristes, c'est des intervenants comme
M., Mme Tout-le-monde, infirmières, travailleurs sociaux. Donc, c'est ça, le
danger. Quand on est les premiers au monde
dans l'aide médicale à mourir, là, puis qu'on veut devenir plus que les
premiers, là, peut-être les premiers de l'univers, bien, on s'expose
plus à la dérive que je suis en train de vous parler.
Puis là,
bien, écoutez, trouver une solution mitoyenne qui nous empêche de la dérive, ça
devient très compliqué, là, d'un point de vue bureaucratique. Encore une
fois, on a une grande critique du système de santé par rapport à cette
défaillance bureaucratique, puis il ne faudrait pas élargir puis ouvrir la
boîte de Pandore qui nous amènerait des situations de dérive. C'est ce qu'on...
c'est le message qu'on vous passe, là. Puis on est conscients que ce n'est pas tout le monde qui va tenir ce discours-là, mais si
ce n'est pas nous qui tenons ce discours-là, on ne sait pas qui d'autre
va le tenir à notre place.
• (16 h 50) •
Mme Guillemette : Mais c'est une
mise en garde importante, je l'avoue. J'entendais, tout à l'heure, je ne me souviens pas si... Mme Beaudoin ou
Mme Robillard qui parlait d'un comité bioéthique qui pourrait être joint
au comité médical. Est-ce que ça pourrait être une voie de passage, ça,
que dans une situation où c'est des gens handicapés ou handicapés neuromoteurs,
où qu'il y a un type de handicap, qu'il y ait un comité éthique?
M. Prévost (André) : Si tu permets,
Marie-Josée, juste...
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Oui.
Oui, oui, allez-y.
M. Prévost (André) : ...comme mise
en contexte, c'est que comme ancien directeur d'hôpital, vous savez que dans les établissements de santé, en général,
il y a des comités d'éthique, des comités de bioéthique ou éthique
clinique. Ces comités-là, bon, sont quand même utilisés. Mais moi, je me dis,
avec toute la question de l'aide médicale à mourir puis de l'interprétation qui
peut varier d'un professionnel de la santé à un autre, d'un médecin à un autre,
une infirmière, etc., alors si au moins on
avait comme balises dans nos établissements de santé d'en référer à un tel
comité...
Puis, en même
temps le comité, il a deux mandats, hein? Il y a un mandat de donner des avis,
des orientations, mais aussi de faire de la formation à l'intérieur de
l'établissement de santé. Donc, on pense que... En tout cas, si on accepte de
bonifier puis de faire en sorte qu'on soit plus cohérents dans nos actions
d'aide médicale à mourir, de mettre à profit ces structures, ce serait sans
doute un pas dans la bonne direction.
Mme Guillemette : Et là je...
Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste une minute.
Mme Guillemette : Parfait.
Là, j'entends... Bon, il y a des gens qu'on leur a proposé l'aide médicale à
mourir, qu'on a... Ce que j'entends, c'est un manque de formation et de
connaissance de nos intervenants. Si on améliorait ce volet-là, est-ce que ça
pourrait être aussi une voie de passage?
M. Prévost (André) : M. Lupien,
avez-vous le goût de répondre?
M. Lupien (Paul) : Oui, j'ai le
goût de répondre. Je vais vous dire, vous me voyez, j'ai de l'air en forme,
hein? On m'a offert l'automne passé, lorsque j'ai eu une dégradation de ma
maladie : Tu sais, tu devrais commencer à y penser, à l'aide médicale à
mourir. Et là je vous parle d'un hôpital, de médecins, d'infirmières qui te
disent : Aïe! tu devrais y penser. Et moi, là, je vous dirais, ça a été la
pire insulte qu'on ne m'a pas faite, alors que moi, j'ai le goût de vivre et puis j'ai le goût de défendre la
cause, justement. J'ai une raison de vivre à tous les matins, de me réveiller,
c'est de défendre la cause des personnes
handicapées parce que je trouve qu'au Québec, malheureusement, on nous
oublie.
On parle d'adaptation de domicile. C'est à
15 000 $ depuis 1992, on n'a jamais augmenté le montant et on a de la
misère maintenant à adapter nos domiciles. On a de la misère à avoir des soins.
Moi, j'ai... le CLSC, ça fait deux fois que
mon médecin me prescrit qu'on vienne me donner des services le matin et le
soir, et on me dit : Ah! mais on
n'a pas de personnel. Attends. Tu es
sur la liste d'attente. Et ça va faire six mois. Alors, est-ce que c'est
normal? Est-ce que c'est normal qu'on
vive dans l'indignité? Et puis je vais vous dire que c'est ça, à un moment
donné, ça devient de l'indignité.
Eh oui, des fois, si je n'aurais pas à défendre
la cause, et tout, puis je n'aurais pas le guts que j'ai, je pense que j'y penserais sérieusement, à l'aide médicale
à mourir, puis je la demanderais parce que, vraiment, ça devient...
C'est ça.
Et nous, c'est pour ça qu'on dit : S'il
vous plaît, dites... oui, vous pouvez offrir l'aide médicale à mourir, mais
offrir l'aide médicale à vivre aussi. Montrez à la personne que vous êtes
capables de lui donner un service pour vivre dans la dignité aussi, pas juste
de mourir, mais de vivre.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Lupien.
Mme Guillemette : Merci,
M. Lupien... (panne de son)... avec nous cet après-midi.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je suis désolée de vous couper, c'est... Je suis gardienne du
temps. Mais on poursuit les discussions. Ce
n'est pas terminé. Je me tourne du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis. Vous avez
12 min 23 s. Votre... le temps commence.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bon après-midi. Merci d'être parmi nous. D'emblée, je vous remercie
de mettre la table pour nous. Vous avez raison, nous avons une responsabilité
d'améliorer notre réseau de santé et services sociaux, mais au-delà de ça, le
réseau de l'éducation, emploi, transports, habitation, tout ce qui est en lien
en ce qui concerne une égalité des droits des personnes en situation de
handicap, d'avoir accès à des mêmes services, des services qui soient adaptés.
Alors, merci pour ceci.
Évidemment, j'aime beaucoup votre
recommandation 8. Je trouve intéressant s'il y avait moyen de mettre
quelque chose de ce sens dans la loi pour exiger qu'une demande de l'aide
médicale à mourir ne devenait pas à être mise en place suite à un manque de
services dans notre réseau. Alors, je pense qu'on serait d'avis qu'on le
ferait, parce qu'évidemment ça ne fait pas partie de l'esprit de la loi ou le
désir, je pense, de poursuivre avec le cadre législatif au niveau fédéral, par
exemple.
Cela étant dit, ça m'inquiète beaucoup, ce que
vous venez de dire, que vous avez fait... offert de l'aide médicale à mourir
parce qu'il y avait un manque de services. Est-ce que votre cas, c'est un cas
isolé? Est-ce que ça arrive couramment, souvent? Est-ce que c'est documenté?
Parce que c'est rare, dans le fond, qu'on entend ça. Alors, je veux mieux
comprendre qu'est-ce qui arrive dans le réseau. Parce que vous avez raison,
l'information est très importante, mais ce n'est pas le sens que nous avons
entendu auparavant par nos professionnels que, dans le fond, on... on veut sensibiliser la population, mais on
ne veut pas nécessairement faire la promotion parce que, comme vous le
dites, aide médicale à vivre, nous devons prôner ceci. Alors est-ce que c'est
un cas isolé ou est-ce que c'est quelque chose qui est répandu à travers le
réseau?
M. Prévost
(André) : Bien, écoutez, moi, je vous dirais que, là, on se
prépare... on se préparait à vous rencontrer. Dans la dernière semaine,
évidemment, on a collaboré avec plusieurs membres de notre confédération, et je
vous dirais qu'on a plusieurs témoignages qui vont dans le sens de ce qui vous
a été présenté. On n'a pas documenté ces questions-là. Évidemment que ça
impliquerait un travail, là, pour le faire. Mais je peux vous assurer qu'au
moment où on se parle, probablement que, quelque part au Québec, quelqu'un est
exposé à cette situation où on lui propose l'aide médicale à mourir en
conséquence de l'incapacité ou des défaillances par... Bien, en partie, là, je
ne vous dis pas que c'est un déterminant complet, mais souvent, c'est une des
causes qui fait en sorte qu'on arrive dans une situation comme celle-là.
M. Lupien (Paul) : Puis moi, je vous
dirais qu'habituellement c'est fait de façon subtile. Et moi, je remercie mon
neurologue qui m'a dit : Aïe! Paul, tu es loin d'être rendu là, on a
encore du temps. Mais, sans lui, peut-être que j'aurais commencé à y penser
parce qu'on me le dit. Et juste le fait de le dire de façon subtile, c'est de
dire à la personne : Regarde, commence à y penser puis demande-le donc, tu
sais. C'est ça qu'on nous dit : Tu devrais commencer à y penser à le
demander. Voyons, on peut-tu avoir le droit de vivre avant de nous demander de
penser à mourir, là? Il y a une limite. Et c'est ça qui nous fait peur. Puis
les personnes handicapées, en majorité, c'est ce qui leur fait peur, c'est de
dire : Pourquoi qu'on m'offrirait de l'aide médicale mourir au lieu de
m'aider à vivre, alors que là, je manque de soins, je manque de...
On parle en Gaspésie, maintenant, c'est les
ambulances qui font le transport adapté. Donc, excusez-moi, on a un problème
majeur. Ça veut dire que la personne, elle ne peut pas aller faire son
épicerie, elle ne peut pas aller... rien faire, elle est isolée à la maison.
C'est ça qu'il faut corriger. Et je pense que lorsqu'on va avoir corrigé tout
ça, le monde vont avoir le goût de vivre et on va avoir beaucoup moins d'aides
médicales à mourir qui vont être demandées. Mais présentement, je vous dirais
que c'est quasiment tentant, quand on nous l'offre, d'y penser.
Mme Maccarone : Je veux aussi pour
rassurer... parce que je ne veux pas que les gens ont la perception que... si
la loi soit adoptée, que ce serait un passe-droit tout de suite pour avoir
accès à l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas le cas. Il y a quand même des
critères, il y a un groupe d'experts qui doit accompagner la personne
concernée. On souhaite peut-être avoir... Ma collègue, elle pose plusieurs
questions en ce qui concerne une évaluation psychologique. Que pouvons-nous
faire pour assurer que la décision est faite avec une personne qui est apte à
consentir aux soins, qui comprend qu'est-ce qu'ils sont en train de demander?
Ça fait que je veux juste vous rassurer que... je ne veux pas parler pour mes
collègues, mais ce n'est pas le sens que moi... que j'ai... en faire une
première lecture de cette loi.
Il y aura quand même des balises en place qui
m'amènent à vous poser des questions en ce qui concerne... Vous avez parlé un
peu de votre recommandation 12. Si je ne m'abuse, la
recommandation 12, vous parlez des demandes anticipées qui doivent être
adaptées pour des personnes sourdes, par exemple. Avez-vous autres
recommandations, comme, par exemple, le rôle de le tiers de confiance? En ce
qui concerne la demande anticipée, comment voyez-vous cette personne qui
pourrait accompagner? Est-ce que ce serait un faciliteur? Ou est-ce que ce ne
serait pas souhaité d'avoir cette personne? Est-ce que ça devrait être un
formulaire? Est-ce que ça devrait être rempli par un
notaire, un médecin? Comment voyez-vous ce processus, au nom de COPHAN, pour
représenter les personnes en situation de handicap?
• (17 heures) •
Mme Beaudoin
(Marie-Josée) : Est-ce que vous voulez que j'y aille, messieurs? Oui.
Est-ce que... Oui.
Alors, concernant la
demande anticipée, oui, effectivement, le tiers est important, mais ça dépend
toujours aussi de la personne. Qu'est-ce qu'on entend par tiers? Est-ce que
c'est un membre de la famille ou, encore, c'est un ami? Alors donc, ça va être
important de bien situer la définition du tiers, un.
Dans un deuxième
temps, lorsque je lisais le projet de loi, projet de loi n° 11, ce qu'on
comprend, c'est qu'il peut y avoir aussi une demande contemporaine. C'est là où
vous avez une demande contemporaine, qui n'est pas une demande anticipée, alors qui peut arriver n'importe quand, et je
trouvais que c'était... Moi, c'est là où j'aimerais vous entendre sur la
demande contemporaine aussi, sur la façon dont ça fonctionne... de la façon
dont ça peut fonctionner.
Et par rapport... et,
à un moment donné, je lisais également, ça va... on va demander un médecin, on
va demander une infirmière également, pour pouvoir assurer, évidemment, la
légitimité de dire : Bien, on s'en va vers des soins de fin de vie ou non.
Ça aussi, au niveau de la procédure, ce n'était pas clair. Tu sais, on n'a pas
vu... on n'a rien. Évidemment, ce n'est pas un règlement, là, c'est quand même
un projet de loi, je peux comprendre, mais ce n'est pas clair au niveau des
balises ou de la façon dont ça peut fonctionner éventuellement.
Mme
Maccarone : Je ne peux pas répondre à vos questions. Je ne veux pas
prendre la place de la ministre non plus. Mais je peux vous dire que vous posez
des bonnes questions. Actuellement, la population a accès à l'aide médicale à
mourir, mais oui, nous sommes en train d'enlever le critère de l'état pour
maladie, ça fait qu'on enlève le critère de notion de fin de vie. Alors, les
balises qui doivent entourer cette notion sont très importantes. Puis, dans le
fond, c'est pour ça qu'on a besoin de votre avis, hein, pour être en mesure
d'émettre des amendements, s'il y a lieu, de définir qu'est-ce qui est bien
dans la loi puis qu'est-ce qui doit être modifié ou bonifié. Comme, par
exemple, on parlait du rôle de tiers de confiance. Vous avez dit que ça nous
prend une définition. Selon vous, est-ce que ça devrait être un membre de la
famille...
Une voix :
Ça dépend.
Mme
Maccarone : ...ou bien est-ce que ça devrait être quelqu'un qui est à
part? Parce que ça se peut... on entend... surtout pour les personnes en
situation de handicap, on ne veut pas qu'eux ils font une demande où ils sont
accompagnés par quelqu'un qui dit qu'ils sont un fardeau ou qu'eux-mêmes se
sentent comme un fardeau.
Une voix :
C'est ça. Oui, c'est...
Mme
Maccarone : Alors, est-ce que ce serait mieux que ce ne soit pas un
proche?
Mme Beaudoin
(Marie-Josée) : Bien, ça dépend. Ça dépend toujours... On va demander
une personne de confiance, mais, encore là, donc, vous avez quelqu'un de
fragile, qui, lui, bon, est atteint d'une maladie quelconque, donc veut
peut-être aller vers une demande contemporaine ou une demande anticipée, et là
vous avez le tiers à... mais le tiers, il faudrait peut-être avoir une... je ne
sais pas, moi, un médecin ou un professionnel compétent qui puisse, justement,
juger, comme un notaire peut juger de la capacité. Alors donc, on aurait un
professionnel qui pourrait juger aussi de cette personne-là, donc, du côté, le
tiers, est-ce qu'il est fiable, est-ce que c'est une... est-ce que c'est la
bonne personne pour choisir, également, pour la personne que vous avez devant
vous. Alors donc, ça, ça va être important aussi.
Alors, on n'a pas de
balises. Un tiers, c'est large, hein? Ça peut être un ami, ça peut être
quelqu'un, aussi, qui aurait avantage, je ne sais pas, moi, à aller chercher,
par exemple, du positif dans une fin de vie pour quelqu'un. Alors donc, il
faut... c'est ça, le tiers, c'est trop large, c'est... Bien, ce sera un
professionnel, moi, je pense, qui devrait aller, justement, s'assurer que c'est
pour les bonnes raisons qu'il est tiers, qu'il est une personne responsable
pour la personne qui demande des soins de fin de vie.
M. Lupien
(Paul) : Oui, puis je pense que le risque qu'on a du tiers, justement,
c'est... exemple, ma femme, elle ne voudra pas que je parte. Donc, elle, plus
longtemps qu'elle va me garder en vie, plus qu'elle va être heureuse. Et je ne
la mettrais pas comme tiers parce que je le sais que... peut-être que je serais
dans les grosses souffrances, mais elle, elle ne voudrait pas que je parte tout
de suite. Et autant que je pourrais prendre une autre personne, puis qui va
dire : Ah! bien oui, bien, lui, là, s'il peut partir, let's go!
Alors, il y a un
risque à ça, et je pense qu'il faut faire attention à... Le tiers, d'après moi,
il faudrait que ce soit vraiment quelqu'un
de professionnel, mais qui va savoir évaluer qu'on est vraiment rendu en fin de
vie. Puis je pense que l'aide médicale à mourir doit faire partie des
soins palliatifs, donc, vraiment, de fin de vie, du côté palliatif.
Mme
Maccarone : Merci. Ma collègue de La Pinière a des questions.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour les réponses. On va
poursuivre avec la députée de La Pinière. Il reste 1 min 55 s.
Mme Caron : Merci.
Alors, si j'ai bien compris, en résumé, c'est que vous n'êtes pas contre le
libre choix, mais vous voulez que ce choix soit vraiment libre, c'est-à-dire
que vous ayez accès aux soins, comme vous dites, d'aide à vivre et que vous
ayez aussi soin... accès à l'aide médicale à mourir, si c'est ça que vous
voulez, mais qu'on vous ait déjà offert tous les autres soins et que ce ne soit
pas par dépit.
Ce matin, on a rencontré deux professeurs,
Stainton et Lemmens, qui avaient inscrit dans leur mémoire que la qualité de
vie d'une personne qui vit avec un handicap est souvent perçue comme pire ou
interprétée comme pire par des personnes qui ne sont pas handicapées ou qui
n'ont pas ce handicap-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette vue-là ou
avez-vous des mises en garde à nous faire sur l'interprétation, par exemple,
des souffrances ou de la qualité de vie?
M. Lupien (Paul) : ...moi, je
pourrais vous dire une chose. J'ai un ami qui est aveugle. Lui, il ne voudrait
pas avoir mon handicap, parce qu'il trouve que le mien est pire que le sien, et
moi, je ne voudrais pas être aveugle. Alors, ça peut vous donner une idée,
parce que je trouve que lui, il est pire que moi. Alors, la situation, vue par
une autre personne, est toujours différente. Quand tu la vis, elle n'est pas la
même que quand tu la regardes, et ça, c'est dangereux. Et pour les personnes...
même, la plupart des personnes, il y en a qui vont vouloir nous prendre en
pitié parce qu'on est en fauteuil, mais pourtant, moi, je n'en veux pas de
pitié, là. Et je suis une personne autonome, je suis capable de bouger, je suis
capable de faire mes choses, Kristen aussi, puis elle a une situation de
handicap, puis je voudrais qu'elle le dise aussi, je pense qu'on n'est jamais
perçus exactement comme on est réellement.
Mme Robillard (Kristen) : Je peux
répondre. Je pense que, oui, souvent, les personnes qui ne sont pas handicapées
pensent que les personnes handicapées ne doivent pas être heureuses, ne doivent
pas s'épanouir, n'ont pas de fun, comme on dit en bon Québécois. Ce n'est pas
vrai. Mais je peux vous dire que, quand une personne handicapée n'a pas les
services dont elle a besoin, ce n'est pas une vie qui est le fun. Quand tu as
ce que tu as de besoin pour faire le maximum que tu peux faire, et tu viens que
tu réalises qu'il y a des choses que tu faisais que tu ne peux plus faire... et
ça, on compose avec ça à tous les jours. Mais je pense que oui, il y a...
beaucoup de personnes qui ne sont pas handicapées pensent que les personnes
handicapées sont malheureuses, et puis je ne pense pas que c'est le cas, mais
elles peuvent être plus malheureuses quand elles n'ont pas les services dont
elles ont besoin pour vivre au maximum.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Écoutez,
je suis vraiment désolée. On avance, on avance. Il nous reste une
dernière intervenante, la députée de Sherbrooke, pour une période de
4 min 8 s.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Bien, d'abord, je veux vous dire que j'entends bien puis je partage
bon nombre des critiques que vous avez faites sur l'accès à des soins, des
services qui permettent aux personnes avec un handicap d'avoir une belle
qualité de vie, puis c'est vrai bien en dehors du réseau de la santé.
Malheureusement, on le constate, vous l'avez
dit, en éducation, en transport, un peu partout, il y a des limites,
actuellement, dans l'accès aux soins et aux services. On constate que,
selon l'adresse de la personne, elle n'aura pas accès aux mêmes choses. Puis ça
m'apparaît évident que, pour un réel libre choix, il faut que la personne ait
accès à ce qui pourrait lui garantir une qualité de vie, d'un autre côté, puis
il y a du travail à faire là-dessus.
Là, en ce moment, je regarde votre mémoire. À la
recommandation 8, vous nous dites qu'il faudrait vérifier si l'absence de
services de santé ou de services sociaux peut expliquer une demande d'aide
médicale à mourir et débuter des démarches sans tarder pour assurer ces
services-là, si ce n'était pas le cas. Est-ce que vous nous proposez ça parce
que vous constatez qu'en ce moment ce n'est pas le cas dans l'application
actuelle de la loi?
M. Prévost (André) : Effectivement,
on a plusieurs témoignages, ce qui fait en sorte qu'il y a des personnes qui
estiment avoir des besoins de soutien à domicile, par exemple, puis qui n'ont
pas les services à la hauteur de leurs besoins. Écoutez, je n'invente... on
n'invente rien avec ce constat-là aujourd'hui, là, puis c'est vrai aussi pour d'autres types de programmes, d'autres types de
services. Ça dépend des régions où vous êtes. Hier encore, au Téléjournal,
on voyait qu'un CLSC n'avait aucun services médicaux, alors qu'à côté il y en
a. Donc, c'est sûr qu'il y a un très, très, très grand travail à faire par
rapport à la refondation du système de santé au Québec.
Mme Labrie : Ce que je veux dire, en
fait, c'est que, quand une personne demande l'aide médicale à mourir, elle
dépose sa demande. Dans l'évaluation qui est faite de cette demande-là,
normalement, on est supposé vérifier si tout a été fait pour soulager les
souffrances de cette personne-là, si tous les services ont été mis à sa
disposition. J'entends qu'il y a beaucoup
d'endroits où il y a des lacunes dans les services mais est-ce que vous avez eu
connaissance que des personnes ont déposé une demande d'aide médicale à mourir
et que l'évaluation n'a pas été faite de... si tout avait été mis à sa
disposition pour soulager ses souffrances?
• (17 h 10) •
M. Prévost (André) : Moi, je ne
pourrais pas parler là-dessus. Je ne sais pas, Paul, si tu as quelque chose
à...
M. Lupien (Paul) : Oui, bien, moi,
j'ai déjà entendu des gens dire : Regarde, là, moi, je vais la demander, l'aide médicale à mourir, parce que, justement...
puis ils vont la demander puis ils vont dire : Je vais cacher des
choses, mais je vais leur dire que je souffre terriblement. Puis la plus grosse
souffrance qu'ils ont, de toute façon, elle est psychologique, et, vraiment,
ils deviennent avec... ils n'ont plus le goût de vivre, puis avec raison. Ils
n'ont plus de services, ils n'ont plus rien dans des régions
où est-ce que le gars ne peut même pas aller faire son épicerie, il ne peut...
tu sais, qui est une chose obligatoire. Dans plusieurs régions au Québec,
présentement, on dit que l'épicerie, c'est un loisir, et on ne fait pas de
transport de loisir. Tabarnouche! Quel plaisir avez-vous de vivre si vous ne
pouvez même pas manger ce que vous avez le goût de manger, etc., et faire vos
choses correctement?
C'est ça qui est le côté plate, c'est que là,
présentement, on pogne des... on prend des gens qui ont une maladie, oui,
neurodégénérative, mais, en plus, ils sont atteints d'un problème psychologique
grave, et c'est ça qui aggrave le cas, et
qui va donner l'impression... Même, je suis sûr que le médecin, il n'en verra
même pas la différence, parce que la personne va être tellement
démoralisée, et tout ça, elle souffre intérieurement.
Mme Labrie : Mais dans la situation
que vous me décrivez, en mon sens, quand l'analyse est faite du dossier, ce qui
devrait être proposé au citoyen qui fait une demande, c'est plutôt de mettre
sur pied des services, par exemple, pour lui permettre d'aller faire son
épicerie. Je veux dire, ça m'apparaît irrecevable. Est-ce que vous avez eu
connaissance que des demandes ont été reçues positivement pour des raisons aussi
évidentes, là, qu'il y avait juste une lacune dans les services offerts?
M. Lupien (Paul) : Je vous dirais
que ceux qui m'en parlent, c'est des personnes qui, comme moi, ont des maladies
neurodégénératives, qui n'étaient pas vraiment incluses, avant, dans l'aide
médicale, que là, vous allez inclure, et je peux vous dire qu'il y en a
plusieurs qui ont le goût de ça.
M. Prévost (André) : En fait, notre
discours, ici...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup...
M. Prévost (André) : ...notre
discours ici est plus préventif qu'autre chose là. C'est par rapport aux
nouvelles clientèles qui pourraient être admissibles, là, qui ne le sont pas
actuellement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Prévost, M. Lupien, Mme Robillard,
Mme Beaudoin, merci beaucoup pour
l'apport à nos travaux. Vos réflexions vont certainement faire réfléchir les
gens de la commission. Alors, c'est ce qui met fin à cette audition.
Mmes les
membres de la commission, nous allons suspendre quelques instants, le temps de
recevoir le prochain groupe. Bonne fin de journée, mesdames, messieurs.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 15)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les... avec les citoyens, pardon, va poursuivre ses travaux.
Alors, nous avons avec nous, en ce moment,
M. Patrick Fougeyrollas — j'espère que j'ai bien prononcé votre nom — qui
est professeur associé... professeur spécialisé dans le phénomène de la
construction sociale du handicap, de l'Université Laval, chercheur, Centre de
recherche interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration
sociale, membre fondateur et conseiller scientifique du Réseau international
sur le processus de production du handicap.
Ensuite, nous avons également Mme Lise Beauregard, docteure en service
social, chercheure retraitée du Centre interdisciplinaire en
réadaptation et intégration sociale, et également présidente du Réseau international sur le processus de production du
handicap. Et, finalement, M. Jean-Pierre Robin, psychoéducateur
retraité, président sortant et membre du
conseil d'administration du Réseau international sur le processus de production
du handicap.
Mesdames... madame, messieurs, bienvenue à la commission. Vous allez avoir une période de
10 minutes pour votre exposé, ensuite, nous allons entamer la période de
discussion avec les membres de la commission. Le temps est commencé.
MM. Patrick Fougeyrollas et Jean-Pierre Robin, et Mme Line
Beauregard
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...Mme
la Présidente. Je vais laisser la parole à Mme Line Beauregard.
Mme
Beauregard (Line) : Juste pour une petite introduction. Donc, tout
d'abord, nous remercions la Commission des relations avec les citoyens
de nous accueillir à cette consultation particulière sur la question du
handicap.
Alors, comme vous avez fait les présentations,
je ne vais pas répéter, mais je vais juste vous dire un petit mot sur le Réseau
international sur le processus de production du handicap, là, qu'on appelle le
RIPPH. C'est un organisme à but non lucratif basé à Québec et qui a été fondé
en 1986. Il oeuvre pour favoriser une réponse plus adéquate aux besoins des
personnes ayant des déficiences, des incapacités et vivant des situations de
handicap. Nos objectifs sont le soutien au développement des connaissances et
des expertises en lien avec l'application et la validation d'un modèle
conceptuel qui s'appelle le modèle de développement humain, processus de
production du handicap, que vous allez
reconnaître, là, sous le terme MDH-PPH. Nous faisons aussi de la diffusion de
connaissances, notamment par de la formation. Nous
faisons aussi de la promotion des droits humains et du réseautage
international. Alors, je laisse M. Fougeyrollas vous parler du mémoire.
• (17 h 20) •
M. Fougeyrollas (Patrick) : Merci,
Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. La compréhension
de la notion de handicap a beaucoup évolué depuis les 50 dernières années.
Son utilisation dans le cadre du projet de
loi n° 11 l'introduit comme une condition autre que celle de maladie et
devient un critère d'admissibilité pouvant être invoqué pour faire une
demande d'aide médicale à mourir. On y nomme spécifiquement le handicap
neuromoteur. L'objectif de notre propos vise à clarifier la définition
contemporaine du handicap et à préciser la pertinence de son utilisation selon
un modèle social interactif, personne, environnement, participation sociale,
tel qu'adopté en 2009, par le gouvernement du Québec, avec la politique À part
entière.
Pour bien saisir les transformations historiques
de la signification du handicap, il est nécessaire de les contextualiser à
partir du milieu des années 70. Ceci coïncide avec les premières mesures
publiques s'adressant globalement aux
personnes handicapées, au Québec et à l'international. C'est à cette période
que l'on voit l'émergence du
mouvement de défense des droits des personnes handicapées et de leurs proches.
D'une compréhension essentiellement biomédicale et individuelle du
handicap, on est passés, progressivement, à un modèle social du handicap.
Dans une perspective individuelle, le
handicap... vu comme une caractéristique personnelle équivalente à un problème
de santé, qui entraîne des altérations, dysfonctions ou pertes d'un système
organique, ce qu'on appelle une déficience.
Celle-ci entraîne une limitation de capacités fonctionnelles, comme se mouvoir,
voir, entendre, comprendre, s'exprimer et se comporter.
Or, le modèle social va plus loin et introduit l'environnement
de vie comme partie intégrante du processus de construction du handicap.
Qualifié également de modèle sociopolitique, il a été développé par des
universitaires ayant des incapacités, et identifie les facteurs
environnementaux comme source d'oppression, de discrimination et d'inégalités
sociales. C'est ce modèle social qui a permis une unification du plaidoyer des
personnes ayant une très grande diversité de diagnostics, de déficiences et
d'incapacités, par une prise de conscience des obstacles communs à l'exercice
de leurs droits humains. Ce modèle est à la source d'un mouvement
d'émancipation de personnes largement invisibilisées, trop longtemps
institutionnalisées et prises en charge, au détriment du pouvoir d'agir, du contrôle de leur vie et de la possibilité de leur
autodétermination. Ce modèle social a par la suite évolué vers un modèle
interactif ou systémique, réintroduisant les
facteurs personnels comme aussi importants que les facteurs
environnementaux dans la compréhension des déterminants de la qualité de
participation sociale.
Le Québec a joué un rôle majeur dans les travaux
internationaux de développement de classifications, des conséquences des
maladies, troubles ou traumatismes, pilotés par l'Organisation mondiale de la
santé, pour la reconnaissance de l'environnement comme partie intégrante du
processus handicapant. Le modèle de développement humain, le MDH-PPH, et la classification internationale MDH-PPH sont le
fruit de travaux de conception, d'expérimentation
et de validation scientifiques menés depuis les années 90. La version actuelle
de cette classification a été publiée en 2018 et rayonne sur le plan
international, et tout particulièrement en Francophonie.
La révision de la définition de personne
handicapée en vigueur au Québec a été réalisée sous la coordination de l'OPHQ sur la base de ce modèle, et adoptée
dans la loi assurant l'exercice des droits en 2005. Elle s'énonce
ainsi : «toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité
significative et persistante qui est sujette à rencontrer des obstacles dans
l'accomplissement d'activités courantes».
La définition du handicap de la convention
internationale relative aux droits des personnes handicapées, la CDPH, élaborée
par l'ONU avec la participation active des organisations de personnes
handicapées contrôlées par celle-ci, dans une perspective par et pour, est
entièrement compatible avec le modèle social interactif personne-environnement
et le MDH-PPH. Adoptée par l'ONU en 2006, la convention de l'ONU a été ratifiée
par le Canada et le Québec en 2010, et cette
législation internationale est contraignante pour les États parties l'ayant
ratifiée. La définition de la convention : «Reconnaissant que la
notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l'interaction entre des
personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et
environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à
la société sur la base de l'égalité avec les autres».
Rappelons que le MDH-PPH est donc le modèle
conceptuel adopté par l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec, avec
la politique À part entière, en 2009, et il sert de cadre de référence au suivi
de sa mise en oeuvre gouvernementale. Selon le MDH-PPH, la définition, le
handicap n'est pas simplement lié à des caractéristiques personnelles. Le
handicap est le résultat de l'interaction continue entre des facteurs
personnels, les déficiences de notre corps,
les capacités et incapacités, les caractéristiques identitaires et des facteurs
environnementaux qui sont présents dans le contexte de vie réel pour réaliser
les activités courantes et rôles sociaux valorisés par cette personne. La qualité de la participation sociale
est donc toujours situationnelle et évolutive dans le temps. Une situation
de handicap est une restriction de la participation sociale.
Nos recommandations. Pour aborder la question
très sensible de l'introduction de la notion de handicap neuromoteur du projet de loi, ou encore, de
handicap tel que déjà présente dans le Code
criminel fédéral, nous faisons
les recommandations suivantes :
Référer au MDH-PPH et à la classification
internationale pour bien distinguer les problèmes de santé avec leurs biais de
diagnostics médicaux, tels qu'ils sont répertoriés dans la classification des
maladies de l'OMS, par rapport à leurs manifestations sur les plans des
systèmes organiques, au niveau anatomique ou physiologique, des aptitudes
fonctionnelles et de la réalisation des habitudes de vie.
Deuxièmement, exclure tout qualificatif spécifiant
le handicap comme affectant certains systèmes organiques et aptitudes
fonctionnelles sur le mode de handicap neuromoteur, ou handicap visuel,
handicap auditif, handicap psychique. Ceci serait particulièrement dommageable et confondant,
compte tenu des efforts soutenus d'harmonisation terminologique en cours
depuis plusieurs décennies. La formulation appropriée, correspondant à
l'intention initiale du législateur, est de parler de déficience neurologique,
étant entendu que ces déficiences entraînent une ou plusieurs incapacités
fonctionnelles et comportementales. Il n'est pas approprié de déduire de
diagnostics médicaux dans une relation de cause à effet systématique, leurs
conséquences et manifestations sur les plans organique, fonctionnel et des situations
de handicap. Une situation de handicap ne peut pas non plus être qualifiée de
motrice, intellectuelle, psychique puisqu'elle réfère à une mesure de la
qualité de la participation sociale ou de l'exercice des droits pour chaque
personne dans son contexte de vie.
Troisièmement, utiliser la définition légale de
personne handicapée dans le respect de la clause d'impact du projet de loi n° 11 dans le champ du handicap. Celle-ci est cohérente
avec la définition de la convention de l'ONU et du MDH-PPH.
Cinquièmement, offrir une
sensibilisation-formation de base aux praticiens de l'aide
à... pardon, de l'aide à mourir sur la compréhension contemporaine et sociale
du handicap tel que défini dans le MDH-PPH et la classification. Enfin, en accord avec la littérature scientifique en
études sociales du handicap, la classification MDH-PPH a introduit, pour
la première fois, sur le plan international, une nomenclature des facteurs
identitaires, en complément de celle des facteurs environnementaux. La
souffrance liée à ces caractéristiques identitaires et aux facteurs externes de
son environnement humain, social et matériel sont susceptibles d'exacerber le
caractère intolérable de celle-ci et influencer la volonté de mourir.
Sixièmement, considérer, dans l'évaluation
sociale de l'admissibilité, l'intersection des facteurs identitaires avec les
déficiences et incapacités, d'une part, et, d'autre part, la qualité de l'accès
aux leviers environnementaux, par exemple, l'accès inclusif aux soins, le
soutien à domicile, l'habitat, l'assistance et l'accompagnement, les
technologies, etc., répondant aux besoins spécifiques de la personne. Sur un
mode anticipé d'une demande d'aide à mourir, l'appréhension des souffrances
associées à l'acquisition de déficiences et incapacités sévères est fortement
influencée par les stéréotypes, préjugés et représentations sociales négatives
ou tragiques. La perte de signification de la vie et de sa valeur, la crainte
de la dépendance et du fardeau associé pour les proches et la société ne se
révèlent pas obligatoirement confirmées lorsque la personne a réellement vécu
l'expérience du processus handicapant. C'est le sens qu'il faut donner à la
notion de handicap évolutif, telle qu'affirmée par la convention de l'ONU. Le
caractère singulier et situé dans le temps ainsi que le contexte social de la
dynamique interactive entre la personne, son environnement et sa participation
sociale suggèrent un principe d'incertitude sur l'évolution et l'adaptabilité
du point de vue subjectif de la personne et le pronostic de souffrances
insupportables.
Septièmement, offrir la possibilité d'intégrer,
dans les processus d'analyse de la demande, un pair expert, ayant un savoir
expérientiel pertinent, pouvant éclairer la situation anticipée par la
personne.
Nous tenons à
saluer le courage du législateur d'appuyer ce projet sur la reconnaissance de
l'autodétermination pour toutes et tous. C'est un principe central du plaidoyer
du mouvement de défense des droits des personnes en situation de handicap, de la convention de l'ONU et de la politique
québécoise à part entière. Par ce mémoire, nous avons voulu montrer l'importance des terminologies, des
concepts choisis, tout particulièrement sur la base des connaissances
scientifiques développées sur la compréhension du phénomène social du handicap.
Le RIPPH et moi-même, nous offrons notre collaboration pour les travaux à venir
selon les besoins de la commission. Je vous remercie.
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, monsieur... Pr Fougeyrollas, pour cette
présentation, pour les principes que vous avez émis. On va donc commencer la
période d'échange avec les gens de la commission, avec les députés membres de
la commission et, à tout seigneur, tout honneur, on va commencer par Mme la
ministre, pour une période de 13 min 3 s.
Mme Bélanger : Alors, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Pr Fougeyrollas, Mme Beauregard, M. Robin,
merci pour la présentation puis merci aussi pour l'histoire autour de la définition
de l'handicap. Je pense que c'est vraiment intéressant. Puis là on voit bien,
là, qu'on... que la définition et le modèle comme tel a évolué d'un modèle
médical, social et davantage systémique, puis je pense que c'est aussi pour
ça... Vous parlez d'acceptabilité sociale par
rapport à l'aide médicale à mourir, dans la possibilité que les personnes ayant
un handicap puissent, si on considère le volet de l'autodétermination,
être considérées à juste titre, s'ils remplissent les différents critères qui
sont déjà dans la loi, là, c'est-à-dire la
capacité de... la volonté de la personne, l'aptitude à consentir, son déclin
irréversible, les souffrances physiques, psychiques inapaisantes et le
caractère, je dirais, bon, vraiment, de l'irréversibilité. Et vous avez vu que,
dans le projet de loi, par prudence, nous avons tenté de définir et d'intégrer
le handicap, qu'on trouvait beaucoup plus large, et de le spécifier à handicap
neuromoteur. Je comprends, dans la présentation que vous faites, que vous nous suggérez
de ne pas aller là, de ne pas aller vers la... d'inclure la notion de «handicap
neuromoteur», mais de garder ça de façon plus large. Donc, est-ce que c'est ma
compréhension?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Exactement.
Ce qu'on dit, en fait, c'est qu'un handicap neuromoteur ici est pris comme un
diagnostic, alors qu'on ne peut pas déduire d'un diagnostic les conséquences
réelles que cela va avoir sur le corps, le fonctionnement de la personne, sur
ses incapacités, et, bien entendu, quand on comprend la... ce qu'on vient de
dire aussi, le contexte immédiat dans lequel il vit, justement, l'accès aux
soins ou véritablement l'ensemble de... du contexte environnemental, de ses
proches. Donc, on ne peut pas séparer ces choses-là.
Donc,
parler simplement de handicap neuromoteur en soi, comme un diagnostic, pour
nous, n'est pas adéquat. Et, en fait,
c'est aussi le vrai... en termes de terminologie, il y a aussi un impact à
utiliser le terme de «handicap» dans un sens où,
depuis longtemps, on essaie de l'abandonner. Le handicap n'est pas une
caractéristique de la personne, hein, donc, si vous voulez.
Mme
Bélanger : D'accord. Je comprends très bien. Est-ce que... Bon, comme
vous êtes professeur et vous êtes très
impliqué auprès de différents groupes, est-ce que vous croyez que les
différents groupes qui représentent des personnes ayant un handicap font un consensus par rapport au fait
d'exclure le volet handicap neuromoteur du projet de loi? Est-ce qu'à
votre connaissance il y a une acceptabilité de la part des personnes qui... les
premières personnes concernées?
M. Fougeyrollas
(Patrick) : Bien, il y a déjà une réaction très importante à utiliser
le terme «handicap», hein, déjà en partant. Le fait qu'il soit neuromoteur, ça
ne couvre qu'une partie de la population, hein? On sait que les autres, parce
qu'on les... on les associe à des maladies chroniques, sont déjà couverts par
la loi. Donc, en amenant les handicaps neuromoteurs, on sous-entend que
d'autres raisons qu'une maladie sont en arrière de cela. Mais, en soi, ces
personnes-là devraient bien sûr avoir accès, mais pas sous l'étiquette
diagnostique de handicap moteur, mais bien parce qu'elles ont des déficiences
ou des incapacités graves et incurables, hein? Et, en fait, toute maladie, tout
traumatisme peut se définir selon des déficiences, des incapacités et
éventuellement des situations de handicap. Bien sûr, on n'est pas en situation
de handicap dans toutes nos activités, hein? C'est toujours en lien, justement,
avec la prise en compte de notre contexte, qui nous donne ou non, oui ou non,
les possibilités de réaliser ce que nous voulons et, du coup, d'avoir le goût
de vivre ou non, hein?
Donc, c'est
véritablement... Le handicap neuromoteur, tel qu'on est là, ça laisse
sous-entendre qu'il y a une porte d'entrée directe, alors que ce n'est pas ça
qu'il faut regarder, c'est la réalité d'une personne dans son contexte, avec,
effectivement, les déficiences et tous les autres critères que vous avez
mentionnés.
Mme
Bélanger : OK. Peut-être une dernière question, je vais laisser après
la parole à mes collègues. Comme professeur,
est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter avec d'autres professeurs de
différentes écoles de réadaptation dans les autres provinces
canadiennes? Parce que la définition, en fait, c'est une définition qui a
été... que vous nous avez parlé tantôt, là, du modèle MDH-PPH. C'est une
définition, donc, qui a été adoptée de façon mondiale, là, très large. Est-ce
que du côté... parce qu'on entend moins ça du côté de nos collègues anglophones
des autres provinces.
M. Fougeyrollas
(Patrick) : Bien, ça vient du côté anglophone, c'est-à-dire que, du
côté francophone, je dirais, ce n'est pas relativement récent, mais, au niveau
universitaire, on n'a pas d'études sur... sur les études sociales du handicap, alors que tout le volet des
«disability studies», du côté anglophone, effectivement, appuie
complètement. C'est une perspective de
droits humains qui ne se situe pas... On ne peut pas dire que quelqu'un... vous
avez un handicap, comme quelque chose qui apparaît sur la personne, mais
la définition que je vous amène, effectivement, est appuyée du côté
universitaire, mais aussi du côté des «disability studies», qui sont des
universitaires avec incapacité.
Mme
Bélanger : Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci,
Mme la ministre. On va poursuivre la période d'échange avec la députée
de Laporte.
Mme Poulet : Merci
de votre participation à vous trois. Je reviens sur votre recommandation
n° 7. Vous parlez d'un pair expert ayant un savoir expérimentiel pertinent
pouvant éclairer la situation anticipée par la famille... par la personne,
pardon. J'ai une question, ça touche l'accompagnement de la famille, tiers de
confiance. Selon vous, comment on devrait procéder pour faire et traiter une
demande anticipée? J'aimerais vous entendre plus en détail concernant votre
recommandation n° 7.
M. Fougeyrollas
(Patrick) : Alors, nous appuyons l'expertise d'une personne qui a un
savoir expérientiel. De plus en plus, on entend beaucoup parler des pairs
patients et patients experts, tous ces éléments-là, mais, dans le mouvement de
défense de droit, le mouvement de vie autonome donne une grande importance à
l'expérience vécue par chacun comme un savoir expérientiel qui permet de
partager avec les autres, de soutenir une personne qui vit une expérience
similaire et, justement, de lui éclairer les possibilités, le libre choix, en lui
montrant toutes les opportunités environnementales, qui vont bien au-delà des
soins, mais qui constituent l'ensemble de ce qui peut faire une qualité de vie.
Je vais peut-être laisser Jean-Pierre juste illustrer.
M. Robin
(Jean-Pierre) : Oui, bien, en fait, je crois que de faire référence à
des personnes qui ont un... disons, une longueur d'avance sur des expériences
de vie difficiles, ça peut permettre à une personne qui est en cheminement
d'avoir une base de référence pour faire, pour lui-même, les meilleurs choix.
Il me semble que d'avoir, auprès de soi, une personne qui a parcouru un peu de
ce chemin-là avant nous, ça ne peut être qu'aidant.
J'entendais récemment
M. Hudon, qui a témoigné devant vous, qui a fait, d'ailleurs, un témoignage
tout à fait percutant, et je n'ose pas imaginer comment il a dû se sentir,
comment il a dû sentir le sol s'ouvrir sous lui quand il a reçu son diagnostic.
Alors, pour lui, de voir comment les choses vont se dérouler dans les mois,
dans les années qui vont suivre, ça peut être extrêmement angoissant. C'est
certainement très angoissant. La référence ou le recours à un pair expert vient
justement permettre à la personne d'échanger librement avec une personne qui
est experte de sa propre vie et qui peut témoigner en toute ouverture sur les
défis qui sont devant... qui se dressent devant soi.
Mme Poulet : Merci.
Je ne sais pas s'il y a d'autres collègues qui...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, j'ai une autre collègue. Merci beaucoup, M. Robin. La
collègue de Vimont qui... Il vous reste 3 min 15 s.
• (17 h 40) •
Mme Schmaltz : OK, parfait, je vais
faire ça rapidement. Merci. Merci de votre présence.
J'aimerais bien revenir sur la définition de
handicap. Je comprends que vous voulez exclure les qualificatifs autour de ce mot-là pour éviter... si j'ai bien
compris, pour éviter de médicaliser le terme ou de lui donner peut-être
un sens qu'on ne voudrait pas. Par contre,
vous proposez de substituer le mot «handicap» à «déficience grave et
incurable».
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...
Mme
Schmaltz : Oui, je veux comprendre c'est quoi, la différence,
parce que, dans le mot «déficience», on pourrait ajouter des
qualificatifs, déficience intellectuelle, motrice. Je veux comprendre la
différence entre les deux termes. Est-ce que...
M.
Fougeyrollas (Patrick) : C'est-à-dire que vous ne pouvez pas... on ne peut
pas utiliser le terme «handicap» pour lui accoler une fonction, comme,
sensorielle, psychique. C'était la perspective biomédicale diagnostique qui
permettait de faire ça. À partir du moment où on adopte une définition sociale
du handicap, comme une interaction entre la personne et l'environnement pour
parler de handicap, on peut... on doit parler de ce qui se passe vraiment, c'est-à-dire qu'il y a un corps et des déficiences
qui peuvent être effectivement, à ce moment-là, neuromotrices et des
incapacités, mais les incapacités peuvent être très diversifiées. Et les
situations de handicap sont la conséquence de cette... la relation de ce profil
de personnes avec l'agencement, avec un environnement qui répond à ses besoins.
Donc, dans ce sens-là, c'est pour cela que nous intervenons sur le terme «handicap».
Le terme «handicap» est mal utilisé quand on le
prend comme handicap neuromoteur. Bien, déjà, il faut... il faudrait enlever le «neuromoteur», comme c'est
fait dans le... au niveau fédéral, mais, là encore, le terme «handicap»
en tant qu'étiquette fait extrêmement peur
dans le milieu, hein? Dès qu'il... dès qu'on nomme ce terme-là, les gens se
disent : Bon, on parle de moi. D'habitude, on n'en parle jamais, on est
invisibilisé. Puis, tout d'un coup, c'est pour l'aide médicale à mourir qu'on amène cette question du handicap, alors qu'il
faut toujours voir quelles sont les conséquences pour cet individu.
C'est toujours singulier, unique et avec une personne dans sa vraie vie, avec
la réalité, services ou pas, bon accueil ou pas, mais il faut toujours refaire
le portrait de cette personne réelle.
Donc, c'est pour ça que j'ai parlé d'un principe
d'incertitude. On ne le sait pas avant d'avoir rencontré cette personne et
avoir fait son portrait. Le problème dans l'admissibilité, c'est que certains
professionnels n'ont pas cette connaissance-là, et ils vont véhiculer cette
vision tragique de la vie des personnes handicapées plutôt que de bien
comprendre qu'il y a un ensemble d'alternatives. L'expert, le pair expert, lui,
est en mesure de dire comment on peut faire en sorte pour qu'il y ait des
compensations, des technologies, du support humain, un environnement inclusif
qui fait en sorte que la personne peut-être changera d'idée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette réponse. Le temps imparti à la
banquette gouvernementale est terminé, mais je me tourne du côté de
l'opposition officielle avec une période de 12 min 23 s pour la
députée de La Pinière. Le temps commence maintenant.
Mme Caron : Merci beaucoup.
Alors, merci à vous d'être là. Donc, je continue un peu sur la dernière
question. Si je comprends bien, c'est que vous enlèveriez du projet de loi le
mot «handicap» tout court, que ce soit... non
seulement qu'on ne le qualifierait pas comme neuromoteur, mais on ne
l'enlèverait pas, on... Est-ce qu'on écrirait plutôt «déficience» et
«incapacité grave et incurable» à la place, partout où le... où c'est indiqué
«handicap» dans le projet de loi?
M. Fougeyrollas (Patrick) : C'est
notre recommandation.
Mme Caron : C'est
votre recommandation. D'accord. Et est-ce qu'il y a pour... Est-ce qu'il y a
des définitions de «grave et incurable»? Bien, «incurable» on comprend
peut-être plus, mais peut-être que le terme «grave» est plus difficile à bien
définir.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Bien,
c'est-à-dire des déficiences sévères... Alors, dans le langage habituel, on va
parler de déficience sévère, et le... De toute manière, il faut qu'il y ait des
définitions quelque part. Si, des fois, le «handicap» devait demeurer, il faut
le définir. Et, si on le définit dans un sens qui est différent de
l'acceptation contemporaine, on a un problème, c'est qu'on ne pourra pas
l'utiliser tel quel dans la loi.
Mme Beauregard (Line) : Est-ce
que je pourrais juste ajouter... je peux? Oui, juste ajouter une petite
distinction, et je vais me prendre comme exemple, parce que, vous voyez, je
suis en fauteuil. Moi, j'ai une lésion à la moelle épinière, j'ai une
déficience au niveau de mon système nerveux. J'ai des incapacités de nature motrice,
parce que je ne peux pas marcher, et je vis des situations de handicap selon
mon environnement. Si mon environnement me répond à mes besoins, c'est plus
vivable. Si mon environnement est totalement plein d'obstacles, bien là, je
suis beaucoup en situation de handicap. Puis ça, ça
varie, ce n'est pas toujours... Puis chaque situation est... doit être analysée
individuellement, puis ça dépend des objectifs de vie de la personne aussi. Ça
fait qu'on parle de...
Ce qu'on suggère, c'est de parler plutôt de
déficience et d'incapacité grave plutôt que le terme de «handicap» qui est
quelque chose qui varie aussi selon la situation de la personne.
Mme Caron : D'accord. Merci, c'est
très éclairant. Quand vous disiez tantôt... puis là je vais utiliser le mot
«handicap» entre guillemets, parce que c'est ce que j'avais noté, mais vous
aviez dit... c'était, en fin de compte, la qualité de la participation sociale
qui est situationnelle. Alors, cette qualité de participation sociale, qui,
selon vous, est en mesure de l'apprécier?
M. Fougeyrollas (Patrick) : C'est
d'abord des personnes qui vont avoir conscience de l'importance de cet
environnement social, donc c'est plus des praticiens sociaux et des... Ça peut
être également aussi des proches, ça peut être des... justement, des pairs
aidants, hein, donc, qui ont cette capacité de regarder le volet social. Ça
peut être physique, ça peut être au niveau des services. Alors, il faut
avoir... Là, on parle d'une équipe interdisciplinaire, et effectivement, en ayant
cette perspective-là, je pense que ça y répondrait.
M. Robin (Jean-Pierre) : Et, si je
peux me permettre, en complément, c'est... au premier chef, c'est la personne elle-même qui doit décider de... qui doit
juger de la qualité de sa participation sociale. Ce qui m'apparaîtrait
insupportable à moi, peut-être que, pour vous, ça aurait une autre
signification, et peut-être que votre capacité à composer avec des situations
difficiles est plus grande chez vous qu'elle ne le serait chez moi. Alors, je
pense qu'il faut avoir cette confiance.
Et puis, moi, ce que j'ai compris du projet de
loi n° 11, c'est que ça va vraiment dans ce sens-là. Je pense qu'il y a chez vous une volonté de soutenir
l'autodétermination des gens. Donc, ça va aussi jusque dans l'appréciation
de sa propre situation, et considérant les gens autour, médecins, spécialistes,
professionnels de la santé et des services sociaux, les comprenant comme étant
des gens qui peuvent nous conseiller, mais surtout pas décider à notre place.
Mme
Caron : Et, dans votre recommandation n° 6, vous faites référence à un accès inclusif aux soins et vous
avez parlé aussi de caractéristiques identitaires. Est-ce que vous pouvez
élaborer un petit peu plus sur ça, s'il vous plaît?
• (17 h 50) •
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui,
j'ai commencé avec l'aspect des caractéristiques identitaires. Donc, le...
quand on va parler d'avoir des déficiences et des incapacités, le ressenti des
personnes ou leur réalité va différer. Si c'est un homme, une femme, si... le
niveau de revenu, par exemple, le fait que ce soit un immigrant, le fait que ce
soit une personne racisée. Donc, c'est
important que les gens qui prennent une décision puissent savoir qu'une
personne peut avoir une intersection, donc on parle d'intersectionnalité qui
vient aggraver, comme on pense pour la violence envers les femmes handicapées,
qui est très élevée, par exemple. Donc, ces éléments doivent être pris en
compte dans la décision, parce qu'elles viennent complètement transformer le
vécu de discrimination de la personne.
On ne peut pas juste regarder l'aspect de la
maladie. Il faut regarder l'identité de ces personnes, de la personne et
comment... On vit dans un monde capacitiste, c'est ça qui nous fait très peur,
hein? C'est-à-dire qu'on est habitué à vouloir structurer notre société pour
des personnes qui ont toutes leurs capacités, et ce point de vue là est
partout, hein, on le partage. C'est pareil que l'âgisme, hein, c'est pareil que
le sexisme. Donc, tous ces éléments-là viennent se surajouter, et il faut les
connaître.
Pour l'accès inclusif, est-ce que tu veux,
Jean-Pierre... Pour l'accès inclusif, là, c'est véritablement d'avoir une
approche d'accessibilité pour la diversité de la population, avec toutes ses
différences, hein, c'est l'inclusion. Et l'inclusion, c'est adapter notre
environnement, notre environnement social, mais ça peut être l'urbanisme et
tous les éléments architecturaux qui prennent compte de la réalité.
L'accès aux soins n'est pas inclusif. Si vous
voulez avoir certains types d'examens, il y a beaucoup d'examens qui ont... Et
ça, l'exemple premier, souvent, c'est celle des femmes qui veulent avoir des
services. Elles vont avoir des cancers sans
les dépister, parce qu'elles ne peuvent pas avoir accès à la mammographie.
Donc, tous ces éléments-là sont à
prendre en compte, justement, pour l'accès inclusif. Actuellement, les services
ne sont pas inclusifs.
Mme Caron : Je vais céder la parole
à ma collègue de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Oui, donc, juste pour
revenir à votre recommandation n° 4 puis la notion de handicap et de déficience. Autant que la notion de «handicap»,
comme vous l'avez définie, est contraire à ce que peut être la volonté
du projet de loi, le terme «déficience», je pense que, dans la société, a une
connotation différente, une connotation qui n'est pas nécessairement reconnue à
la même capacité que celui du handicap, donc qui pourrait amener à la confusion
auprès des gens. Parce que c'est une... c'est un terme qui est un petit peu
plus large, qu'on identifie à d'autres enjeux, qu'on n'identifie pas
nécessairement, comme j'ai dit, à la notion de handicap.
Est-ce... Comment est-ce que vous définirez...
ferez la définition de déficience, dans ce sens-là, pour que le grand public
puisse vraiment comprendre tout ce que vous voulez dire?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Ce que
je veux dire, déjà, c'est que ce soit handicap ou déficience, il faut définir,
hein, donc. Et, si on se met sous un angle législatif, je sais que c'est très,
très difficile de choisir des mots, parce qu'ils sont déjà utilisés ailleurs,
mais vous avez une loi avec une définition de personne handicapée qui utilise déficience et incapacité significative et persistante, qui
est susceptible de... pour les personnes de rencontrer des obstacles dans leurs
activités courantes. Elle existe, la définition. Alors, après, la perception
qu'il peut y avoir sur la terminologie, effectivement, il faut définir et il
faut accompagner... il faut accompagner... et vous aurez exactement la même chose
avec handicap.
Mme Prass : Et, pour renchérir sur
la question des facteurs identitaires, il y a un groupe qui vient de témoigner
avant vous, justement, qui disait qu'il devrait y avoir un mécanisme, par
exemple, avant que la personne ait recours à l'administration de l'aide
médicale à mourir, de vérifier s'ils ont pu recevoir tous les services de soins
qui leur sont nécessaires pour ne pas souffrir, etc. Pensez-vous que,
justement, dans le même sens, les facteurs identitaires, il devrait y avoir un
mécanisme d'évaluation pour s'assurer que la personne qui a différents facteurs
ait reçu tous les soins, tous les services, etc., qu'il requiert avant de faire
appel à l'administration?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Si on
pense à une personne homosexuelle, par exemple, donc, est-ce qu'on a vraiment
tenu compte qu'elle ne peut pas recevoir son conjoint dans le CHSLD? Tous ces
éléments-là qui... L'idée, c'est pourquoi on dit «incertitude», c'est que vous
ne le savez pas. On ne peut pas rien savoir d'une personne avec simplement un
diagnostic, sans faire l'ensemble du tour d'horizon que... dont je vous ai
parlé, autant au niveau médical, bien entendu, mais de son histoire
personnelle, de toute son identité, celle qui est sociodémographique, si vous
voulez, mais celle aussi qui lui est attribuée et à laquelle elle se reconnaît,
elle s'identifie. Donc, cet élément-là, on ne peut pas le dire à l'avance, il
faut absolument... On ne peut jamais faire l'économie de cette rencontre avec
la personne et d'un portrait global. Il faut que les personnes qui font cet
examen-là aient la compétence de regarder l'ensemble des dimensions.
Et, au bout
du compte, comme disait Jean-Pierre, c'est l'autodétermination de la personne,
mais l'autodétermination, ce n'est pas une qualité personnelle, c'est
quelque chose qu'on rend possible par l'information éclairée et des
alternatives. Et puis, par rapport à ce que vous disiez, les gens, en général,
sont tellement au bout qu'il n'est pas question,
si vous êtes au CHSLD, que vous avez des plaies de lit, que vous ne voyez plus
la possibilité de rentrer chez vous,
que, véritablement, on fasse une demande à la Société d'habitation du Québec
pour adapter votre environnement. Vous voyez? La personne, elle est
prise dans les bris de service, dans l'absence de services. Alors, il faut
l'identifier, ça, mais le temps que ça doit
prendre pour pouvoir les mettre, s'ils n'existent pas, qu'est-ce qu'on fait
si... Donc, il y a vraiment un enjeu majeur pour que cet élément-là ne
devienne pas fondamental dans la décision de la personne.
Mme
Prass : Et, dans le même sens, pensez-vous qu'il serait
nécessaire d'avoir une évaluation psychologique de la personne avant
qu'elle fasse la demande, justement, pour déterminer si c'est des facteurs
identitaires qui les amènent peut-être à prendre cette décision plutôt que leur
état de santé?
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...psychologique
qui tienne compte des facteurs identitaires. C'est rarement le cas dans les
évaluations.
Mme Prass : ...mais il faut
s'assurer que la personne prenne les décisions.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui,
absolument.
Mme Prass : Donc, encore une fois,
ce serait peut-être une façon de faire cette évaluation-là, d'avoir une
évaluation avec eux préalable à ce qu'ils fassent la demande pour s'assurer
qu'ils sont bien conscients que la demande vient de...
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse de vous interrompre.
Mme Prass : Oui?
La Présidente (Mme Poulet) : Le
temps est écoulé.
Mme Prass : D'accord. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on pourra poursuivre les discussions avec la députée de Sherbrooke. Vous avez
4 min 8 s.
Mme
Labrie : Merci beaucoup. D'abord, je veux vous remercier,
parce que vous venez de clarifier beaucoup de choses. Je pense qu'on
nous... on nous a fait beaucoup de mises en garde sur l'utilisation du mot
«handicap» puis, en particulier, du mot «neuromoteur». Vous arrivez avec une
proposition de formulation qui vient clarifier les choses.
Vous venez de
répondre à ma collègue qu'il faudrait quand même définir «déficience» ou
«incapacité» dans la loi pour s'assurer que les choses soient claires. Vous
avez dit que c'est une définition qui existait déjà dans d'autres lois, qu'on
pourrait reprendre. J'ai peut-être mal capté, parce que je prenais des notes en
même temps, mais est-ce que vous parliez de la Loi assurant l'exercice des
droits des personnes handicapées? Bon, je l'ai devant moi. Je n'y trouve pas de
définition pour ça. Je trouve une définition de personne handicapée,
donc : «Toute personne ayant une déficience,
entraînant une incapacité significative et persistante, qui est sujette à
rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes», mais je
ne trouve pas de définition, là, de déficience et d'incapacité. Donc,
j'aimerais que vous nous éclairiez sur ce que vous avez dit à propos de ça.
M. Robin
(Jean-Pierre) : En fait, puisque vous référez à la loi qui est dans
les mains de l'OPHQ pour son actualisation, eh bien, l'Office des personnes
handicapées du Québec s'appuie sur la base du MDH-PPH, donc sur la
classification dont Patrick nous a parlé à quelques reprises, là, aujourd'hui.
Les définitions, elles sont là. Cette classification-là, elle a été entièrement
révisée en 2018. Elle est très complète, autant pour décrire ce que sont les
déficiences, ce que sont les aptitudes parfois mises en péril qui deviennent...
quand des capacités deviennent des incapacités. Toutes les définitions sont là
de façon exhaustive. Alors, pour y référer, on en a une copie avec nous, mais,
à partir de notre site, là, tout est entièrement accessible et disponible.
Mme Labrie : ...de
l'OPHQ, mais ce n'est pas dans la loi spécifiquement, c'est défini ailleurs.
C'est ce que vous me dites?
M. Robin
(Jean-Pierre) : C'est ça, c'est ça. Oui, mais, pour répondre très
clairement à votre question, une déficience, c'est une rupture d'un système
organique qui était... c'est une perte d'intégrité d'un système organique. Par
exemple, si j'ai une blessure à l'oeil qui va entraîner... si la guérison est
totale, il n'y aura pas de déficience notée. Il peut y avoir une perte de la
vision, donc il y aura une déficience organique qui va entraîner des... une
perte de capacité visuelle pour fonctionner au quotidien. Et cette perte de fonctions
là peut évidemment impacter les... mes habitudes de vie ou les habitudes de vie
de la personne qui porte la déficience.
Mme Labrie : Ça,
c'est une spécification que vous invitez à inscrire dans la loi sur l'aide
médicale à mourir. Il a été question, tout à l'heure, des personnes qui sont
inquiètes, là, par l'utilisation du mot «handicap» dans la loi. Il y en a
effectivement beaucoup. Est-ce que vous êtes confiants qu'en allant chercher
cette formulation-là, que vous nous proposez, et avec les définitions que vous
nous proposez, là, de déficience et d'incapacité, ce serait suffisant pour
dissiper les craintes qu'on entend?
• (18 heures) •
M. Fougeyrollas
(Patrick) : On a aussi une recommandation, je pense, sur l'aspect de
la formation. Je pense que c'est des choses qui devraient être disponibles pour
les praticiens de l'aide médicale à mourir, en fait, toute... toute l'équipe, hein, et pour avoir justement
conscience de ce modèle social, et de l'interaction avec
l'environnement, puis comment ça vient jouer sur la décision de la personne.
Mme Labrie : Ces
craintes-là ont été, à mon souvenir, plus souvent exprimées par des personnes
qui travaillent auprès de personnes qui ont un handicap que par des praticiens
du domaine de la santé. C'est pour ça que je vous demande un peu : Est-ce
que les termes auxquels vous nous suggérez de référer sont communément
utilisés, compris par des citoyens en situation de handicap?
M. Fougeyrollas
(Patrick) : Oui, oui, tout à fait. Oui, oui, oui, absolument, oui. Et,
je dirais, c'est vrai puis c'est vrai au niveau international, hein, c'est
défini aussi par l'Organisation mondiale de la santé, les notions de déficience et incapacité sont validées
scientifiquement et définies, mais il faut qu'on puisse aller les chercher. Je
suppose, c'est dans la réglementation ou dans... vraiment, avec la définition
complète.
La Présidente (Mme Poulet) : Je
vous... Désolée de vous interrompre, le temps alloué est terminé.
Mme Beauregard, M. Robin,
M. Fougeyrollas, alors, je vous remercie pour votre importante
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants, courts instants, afin de permettre au prochain
groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
18 h 02)
(Reprise à 18 h 07)
La Présidente (Mme
Poulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les
travaux. Alors, je souhaite la bienvenue au Dr Claude Rivard,
omnipraticien et expert patricien... praticien, pardon, de l'aide médicale à
mourir à l'Hôpital Pierre-Boucher; Dr Marc-André Amyot, président, Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec; Dr Sylvain Dion, premier
vice-président, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Alors,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
MM. Claude Rivard, Marc-André Amyot et Sylvain Dion
M. Amyot
(Marc-André) : Alors, je suis le Dr Amyot. Je suis accompagné du
Dr Sylvain Dion et du Dr Claude Rivard. Dr Dion est premier
vice-président, Dr Rivard est membre du conseil d'administration de la
FMOQ, et aussi vous l'avez invité comme expert dans le domaine de l'aide médicale
à mourir, ce qu'il est.
Alors,
bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes les députées. Nous remercions
les membres de la commission de nous donner l'occasion de nous... de livrer nos
commentaires à l'égard du projet de loi n° 11. Les médecins de famille
jouent un rôle de premier plan en matière d'aide médicale à mourir. Non
seulement ils effectuent 85 % des AMM, mais ils accompagnent les patients
tout au long de leur vie et de leur cheminement.
D'entrée de jeu, nous
déclarons être d'accord avec l'élargissement du projet de loi... avec
l'élargissement que le projet de loi apporte en éliminant le critère de fin de
vie. Également, il est important que les Québécois puissent bénéficier de
l'aide médicale à mourir même s'ils perdent leur aptitude à y consentir avant
son admission... avant son administration.
Nous sommes donc
favorables à ce que les Québécois, même s'ils ne sont pas en fin de vie,
puissent à l'avance, de manière anticipée, dès qu'un diagnostic admissible est
posé, déterminer par écrit leur volonté à l'égard de l'AMM, et ce, en prévision de leur inaptitude. Il faut aussi
s'assurer que les soins palliatifs et les soins globaux soient
disponibles et facilement accessibles et que l'aide médicale à mourir ne soit
pas choisie par difficulté d'accès aux soins et aux soins palliatifs.
Concernant le
handicap neuromoteur grave et incurable, nous souhaitons que le projet de loi
s'inscrive dans la logique du jugement Truchon-Gladu mais aussi dans une
logique de cohérence législative avec la loi canadienne. Dans cette mesure, nous tenons à souligner notre
accord avec l'introduction du handicap dans les diagnostics admissibles aux fins de l'aide médicale à mourir. Cependant,
le mot «neuromoteur» devrait être retiré en concordance avec la loi fédérale.
La législation
québécoise, si ce «neuromoteur» n'est pas retiré, serait en porte-à-faux avec
la législation canadienne qui, elle, rend
admissible l'AMM aux personnes souffrant d'une maladie, d'une affection ou d'un
handicap grave et incurable. Les Québécois n'ont pas à être restreints dans
leurs choix par rapport aux Canadiens.
Un
élément très important, les médecins québécois n'ont pas à exercer sous
l'empire de deux lois différentes. Nous profitons donc de l'occasion
pour réaffirmer que ce projet de loi doit s'harmoniser avec la loi fédérale sur
l'AMM.
• (18 h 10) •
Concernant les
troubles mentaux, nous pensons que la portée de la loi devrait s'étendre
jusqu'à de telles pathologies. Il nous
apparaît difficile de faire la discrimination entre les patients sur la base
des diagnostics. Évidemment, des critères bien définis et précis doivent
préalablement être établis. Nous en faisons état dans notre mémoire.
Concernant les
demandes anticipées, le projet de loi n° 11 restreint aux seules personnes
déjà atteintes d'une maladie grave et
incurable la possibilité de formuler une demande anticipée. Nous sommes
d'accord avec cette position.
Concernant les
témoignages vidéo, nous croyons que la description des souffrances physiques et
psychiques devrait pouvoir être captée par
témoignage vidéo. Cette vidéo pourra être visionnée dans le futur par les
professionnels sollicités pour donner le soin et qui pourront ainsi valider si
les souffrances énumérées par le patient sont présentes. Un témoignage vidéo
permet aux médecins de beaucoup mieux apprécier un patient alors qu'il était
apte.
Concernant
l'obligation de verser les demandes au registre, nous sommes contre
l'obligation que voudrait imposer le législateur aux professionnels de verser
les demandes d'AMM dans le Registre des directives médicales anticipées. Je
n'ai pas besoin de vous convaincre que les médecins de famille sont déjà très
surchargés. 20 % à 25 % de leur
travail n'est pas médical mais de la paperasse, et d'ajouter une exigence comme
celle-là, supplémentaire, c'est d'ajouter des technicalités
administratives qui ne relèvent pas du domaine médical.
Nous demandons le
retrait de cette exigence, et cette exigence-là devrait incomber aux personnes
qui font une demande. Et la même logique devrait
s'appliquer pour l'article 29.10 en ce qui concerne le retrait d'une
demande.
Le législateur
devrait également obliger les personnes qui font des demandes anticipées d'aide
médicale à mourir à remplir les autres directives médicales en vue d'une éventuelle
inaptitude, par exemple, la décision d'être ou non réanimé, intubé, dialysé.
Ceci permettrait d'avoir une meilleure vue d'ensemble de ce que désire la
personne comme soins de fin de vie.
Autre
commentaire, à l'article 29.6, vous parlez de la désignation des tiers de
confiance. Ce tiers de confiance là ne
devrait pas être une option, il devrait être obligatoire. La nomination d'un
deuxième tiers de confiance, elle, devrait être optionnelle. Et ce tiers
de confiance là devrait accompagner systématiquement la personne pour les
explications avec le médecin, la signature du formulaire et toutes les
technicalités qui en découlent.
Enfin, à la
page 4 du mémoire, on vous donne un résumé des différents... des
différentes recommandations. J'insiste sur le point 9, à
l'article 29.19, au sujet de la manifestation d'un refus. Cette
manifestation-là devrait être clarifiée. Et nous recommandons de permettre le
recours à de la sédation à l'égard... ici, on parle de «contention chimique»,
c'est une terminologie que nous utilisons en médecine, à l'égard des
manifestations cliniques découlant de la situation médicale du patient.
À ce stade-ci, je
m'arrêterai puis je laisserai la parole au Dr Rivard pour préciser
certains points.
M. Rivard
(Claude) : Oui, bonjour. Merci beaucoup de nous écouter par rapport à
ce sujet-là. Moi, j'ai... je suis en pratique depuis au-dessus de 25 ans.
J'ai participé à la première aide médicale à mourir qui s'est donnée à
domicile, deux heures après que la loi a été passée en 2015. Et j'en fais
depuis ce temps-là, j'en ai fait plusieurs centaines dans des conditions
différentes. Ça peut être dans un hôpital, ça peut être à la maison, ça peut
être dans un champ, ça peut être dans différents endroits, dans un parc.
L'important pour un praticien,
et si vous voulez que la loi soit applicable sur le terrain, il faut qu'il y
ait une certaine uniformité ou encore une congruence entre qu'est-ce que nous
autres, on fait, et qu'est-ce qui est écrit dans la loi. Le problème qu'on a
actuellement comme praticien, c'est qu'on est régis par deux lois. Et nos
compagnies d'assurance qui nous
représentent, qui nous protègent, nous disent : Vous êtes obligés de
respecter la plus contraignante des deux lois, vous n'avez pas le choix.
Ça fait que, dans des cas, c'est la loi fédérale, qui est le Code criminel, et,
dans d'autres lois... dans d'autres cas, c'est la loi provinciale.
Vous avez rajouté le
handicap, c'est bon, ça nous met... ça nous arrime avec la loi fédérale. On a
maintenant un... des mêmes termes. Ce qui manque dans la loi provinciale, ce
serait peut-être aussi de parler de qu'est-ce qu'on fait quand la mort n'est
pas naturellement prévisible. La mort... quand la mort est prévisible, c'est
un... dans la loi fédérale, c'est une voie un, avec exactement les mêmes
manières au niveau de comment le soin était donné. Et, dans la loi fédérale,
ils disent : Quand la mort n'est pas naturellement prévisible, dans ce
temps-là, c'est une voie deux, et là il faut attendre 90 jours, il faut
avoir l'avis d'un expert.
Tu sais, il y
a des choses qui ne sont pas congruentes. Nous autres aussi, on en a, des gens
qui demandent l'aide à mourir mais
qui ne sont pas en fin de vie, mais là on est obligés de suivre la loi fédérale
parce qu'il y a un vide juridique dans la loi provinciale. Alors, ce
serait une bonne idée de rajouter cet élément-là dans... au moins rajouter les
voies un et voie deux dans la loi provinciale, tant qu'à la changer.
Et on insiste, c'est très, très important, les
autres critères sont là pour nous aider et nous donner des balises de qui est éligible pour l'aide à mourir. On parle de
handicap, de fin de vie, de maladie, mais il faut... Quand on parlait
des incapacités, tantôt, dans... pour les
gens qui nous ont précédés, au niveau du groupe qui nous a précédés, un des
critères qui vient après les maladies, affections et handicaps,
c'est stade avancé de déclin des capacités et qui est irréversible. Alors,
on a déjà un critère dans la loi qui parle que la capacité est irréversible.
Est-ce qu'un patient qui se passe le petit doigt dans la scie ronde puis qui a
perdu son doigt, il est handicapé? Oui. Est-ce qu'il y a un déclin avancé de
ses capacités? Non. Comprenez-vous? C'est l'ensemble des critères qu'il faut
regarder, qui nous dit : Oui, lui ou elle, cette personne-là, elle est
rendue là.
Si vous voulez que la loi s'applique et qu'on
soit capable de pouvoir le faire sur le terrain, il faut absolument comprendre
que cette fois-là, on ne le donne pas à une personne qui nous attend, qui veut
l'avoir vite, qui va tendre son bras quand l'infirmière va y installer son
soluté et puis qui va dire : Oui, je le veux avant d'avoir le soin. On va
faire affaire à des gens qui, cinq, six, sept ans après avoir fait leur
demande anticipée, à un moment donné, il y a quelqu'un qui va lever la main
puis qui va dire : Il n'est plus apte.
Et là, ces
gens-là, ils bougent quand on les lave, ils n'aiment pas quand on les retouche,
ils n'aiment pas quand on les rase,
et là vous voulez qu'on installe... parce qu'au niveau fédéral, on a le droit
de donner la médication orale pour l'aide
à mourir, partout ailleurs au Canada. Au Québec, on n'a pas le droit, on est
obligé d'utiliser la voie intraveineuse. Si on utilise la voie
intraveineuse, ce n'est pas un, c'est deux solutés qu'il faut mettre, c'est
deux cathéters. Si le patient l'arrache, est-ce que moi, je considère ça comme
étant un refus de recevoir l'aide à mourir? Dans ce temps-là, tout le travail
des évaluations qui auraient été faites avant, les demandes, mettre ça sur les
directives médicales anticipées, ça n'aura servi à rien.
Ça fait qu'il y a peut-être beaucoup de monde
qui vont le demander, mais si on n'est pas capable d'encadrer sur comment le
soin se fait... et là je ne sais pas si c'est le législateur ou il faut que ce
soit mis dans le guide de pratique du collège, mais il faut penser que, si vous
changez la loi, il ne faut pas que ce soit une roue qui tourne à vide, il faut
qu'on soit capable de pouvoir l'appliquer sur le terrain en se sachant sécure
au niveau de la loi.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Mme la ministre a accepté de vous
laisser un droit de parole. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous. Il
vous reste 15 minutes.
• (18 h 20) •
Mme Bélanger : Oui, d'accord. Bien,
merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé. J'ai le goût de dire : Ça a le mérite d'être clair.
C'est très clair, puis je pense qu'on a besoin de clarté aussi, c'est une
décision extrêmement importante qu'on a ici, comme parlementaires, par rapport
à ce projet de loi.
On a entendu beaucoup de groupes, on est plus
qu'à... quand on aura terminé le processus, on sera à plus de 35,
36 groupes et... Bien, vous avez assisté tantôt, je pense, à la
discussion, à une discussion importante, puis, sans tomber dans la sémantique,
on voit que les mots veulent dire des choses, puis c'est important que ce soit
clair pour tout le monde. Puis je vois que votre position, dans le fond, est de
dire : Harmonisons-nous le plus possible avec le Code criminel pour que ce
soit facile à interpréter et à comprendre pour nos médecins mais nos
professionnels aussi.
Et donc vous êtes en faveur de retirer le terme
«handicap neuromoteur». Vous savez que l'esprit pour lequel on l'a mis dans le projet de loi, le volet
neuromoteur, c'était par devoir de prudence parce qu'on trouvait que la
notion de handicap, ça peut être très, très large. Puis ma question est :
Supposons qu'on enlève le handicap neuromoteur, est-ce que vous ressentez l'importance
de définir, dans la loi, la notion de handicap?
M. Rivard
(Claude) : Dans la loi fédérale, ce n'est pas défini,
c'est : affection, maladie ou handicap. À chaque fois qu'un juriste, qu'un juge s'est fait demander la
question, il vous... il a répondu aux gens qui étaient intéressés devant
lui, ils ont dit : Ce n'est pas à la loi à déterminer si... c'est quoi,
une fin de vie ou c'est quoi, un handicap. Vous êtes professionnels de la santé, c'est votre job à vous à déterminer si le
handicap est effectivement là, si la maladie est là, si l'affection est là. Et, dans le cas de l'aide
médicale à mourir, au niveau légal, il faut que les autres critères soient là
aussi.
Mme Bélanger : Exact.
M. Rivard (Claude) : L'important...
C'est ça qui est important, c'est qu'on ne peut pas être un petit peu enceinte, c'est... il faut avoir tous les
critères, tu sais, on ne peut pas... S'il y a un critère qui n'est pas
cochable, que la personne... la
personne n'est pas assurée au sens de l'État, parce que sa carte d'assurance
maladie est expirée, elle n'est pas éligible à l'aide médicale à mourir.
La personne n'a pas 18 ans, elle a 17 ans et 10 mois, elle n'est
pas éligible à l'aide médicale à mourir. Tu sais, c'est très important qu'il
faut... que tous les critères soient là.
Et là en rajoutant le
handicap, sans nécessairement qu'il y ait neuromoteur, ça va être aux
praticiens à déterminer si oui, la personne, elle a un handicap. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle une personne... Dans ma pratique, là, j'ai fait de l'urgence 12 ans,
des soins intensifs pendant 13 ans, puis j'ai une pratique de bureau en
première ligne, puis maintenant je fais des soins palliatifs à domicile. Je
fais presque juste des aides à mourir à domicile, je n'en fais pas à l'hôpital,
et je peux vous dire que j'ai vu des gens tétraplégiques arriver aux soins
intensifs malades, puis ils ne voulaient pas
mourir, ils voulaient absolument vivre. Puis, quand j'ai parlé à la conjointe
de ce patient-là, je lui disais :
Aïe! Il n'a pas beaucoup de qualité de vie. Elle dit : Vous êtes qui,
vous, pour juger de la qualité de vie de mon conjoint? Elle dit : Hier, avant sa maladie, là, il était avec ses
chums puis il jouait en ligne avec ses... puis il maintient un blogue
qui décrit c'est quoi, la vie d'une personne handicapée, puis il est suivi par
8 000 personnes dans le monde. Il était
capable de bouger deux doigts, la bouche puis un oeil, c'est tout. Il avait
même un respirateur pour l'aider à respirer.
Les ergothérapeutes peuvent rajouter plein de
machines, de trucs sur une chaise pour permettre à une personne une certaine autonomie. Il y en a qui ne les prendront pas, ces
affaires-là, il y en a qui vont les prendre. Nous autres, comme praticiens, c'est à nous autres à
décider si les souffrances et l'affection grave et incurable sont
présentes, qui font en sorte que, oui, il les remplit, les critères.
On ne vous demande pas de définir le handicap,
on vous demande juste d'être congruent par rapport au Code criminel pour faire
en sorte qu'on soit capable de pouvoir donner le soin. C'est ça que vous
voulez, qu'on donne le soin? Dans ce temps-là, il faut qu'on ait un cadre légal
qui nous permette de faire ça.
Tu sais, il y a d'autres choses aussi
comme : Comment vous faites pour déterminer que, la souffrance, elle est objectivable? Les souffrances ne sont jamais
objectivables même pour des patients aptes. La souffrance, elle peut
être identifiable, mais elle est rarement
objectivable, parce qu'une souffrance, c'est toujours quelque chose qui est
subjectif et rapporté par la personne. Tu sais, il faut faire attention au
niveau des mots qui sont mis, parce que si vous dites que c'est objectivable,
puis, dans ce temps-là, il y a un patient qui a fait une... une DAAMM, une
directive anticipée d'aide médicale à
mourir, et que la famille n'était pas d'accord à ce que l'aide médicale à
mourir se fasse, si le docteur se retrouve en cour puis il se fait dire
par l'avocat de la poursuite : Comment vous avez fait, docteur, pour
objectiver les souffrances du patient...
On parle d'équipe de soins. Tu sais, moi, si je
ne suis plus... si je suis à la retraite dans huit ans, là, ce n'est pas moi
qui va faire l'aide à mourir du patient qui va faire... qui a fait la demande
anticipée d'aide médicale à mourir. L'équipe de soins qui, cinq, six, sept,
huit ans après, va avoir à évaluer c'est quoi que la personne ne voulait pas vivre, il va falloir qu'elle ait... qu'elle se
base sur quelque chose pour être capable de pouvoir l'évaluer. Puis c'est
pour ça qu'on a mis... on a suggéré le fait qu'il y ait un truc vidéo qui soit
capable d'être visible par les équipes de soins des années plus tard. On ne
parle pas de demandes contemporaines, on parle de demandes anticipées à être
évaluées alors que la personne n'est plus
apte. Alors là, c'est... «it's a whole new ball game», là, tu sais, c'est
complètement la même affaire, là, ce
n'est pas le même type de patient. Puis là ce qu'on veut, c'est que le
praticien soit capable de le faire dans les conditions les plus sécures
possible et aussi que le soin soit donné de façon humaine jusqu'à la fin, y
compris pour ces personnes-là.
Mme Bélanger : Bien, merci, c'est
intéressant. Puis, Dr Rivard, dans le mémoire qui est présenté, vous dites
qu'il est... il serait obligatoire que l'équipe de soins évalue régulièrement
la personne pour savoir si les souffrances décrites dans sa demande anticipée
sont bien présentes. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus,
parce que, là, on est dans le cadre... dans le contexte d'une demande
anticipée.
M. Rivard (Claude) : Oui.
Mme Bélanger : Vous mentionnez que
c'est important qu'on puisse évaluer régulièrement. Ça veut dire quoi,
régulièrement? Sur quelle base? Puis au moment où elle perd son aptitude,
comment on fait pour l'évaluer?
M. Rivard (Claude) : Bien, d'abord,
le rôle de l'équipe de soins devrait être là uniquement quand l'aptitude est perdue. C'est des choses qui peuvent arriver
des années plus tard. Ça fait que, quand l'équipe, elle est... Actuellement,
le collège exige qu'une personne qui a fait
une demande d'aide à mourir et qui remplit les conditions pour la
recevoir, une demande contemporaine, là, il
demande qu'il y ait une évaluation qui soit faite six mois plus tard si l'aide
à mourir n'a pas été faite dans les
premiers six mois. Et le collège l'exige pour être sûr que, la personne, elle
remplit encore les critères.
Dans ce cas-là, on va avoir, des années plus
tard, quelqu'un qui va lever le flag en disant : Ma mère, mon père, il n'est plus apte, mais il n'a peut-être
pas les souffrances qu'il décrit, qu'il voulait... Tu sais, je ne reconnais
plus mes enfants. J'ai trois enfants, j'en reconnais encore un. Il ne remplit
pas les critères, parce que, si je ne reconnais plus mes enfants, puis il en
reconnaît encore un, bien, ça veut dire que ce critère-là, il n'est pas là. Tu
sais, c'est...
Quelqu'un qui est encore capable de marcher,
quelqu'un qui est encore capable de manger tout seul mais qui ne se souvient
plus de... Puis quelqu'un qui a ce qu'on appelle la démence heureuse, là, dans
ce temps-là, c'est dur d'arriver puis de dire que, oui, il y a des souffrances.
Il faut vraiment que ce soit clair au niveau de l'évolution. Et ça, il y a
juste un praticien qui est habitué, à la longue durée, qui est habitué à des
patients qui sont en fin de vie ou en démence... qui sont capables de
déterminer : Oui, la personne, elle coche. Mais quand est-ce qu'on le
fait? Il faut absolument que tous les critères soient là. Si les critères ne
sont pas tous là, on ne peut pas donner le soin.
Mme Bélanger : Donc, l'importance
des critères dans le projet de loi, bien sûr, et dans la loi, mais vous avez
aussi parlé de l'élaboration éventuelle... parce que tout ne peut pas s'écrire dans
un projet de loi, là, on comprend. La pratique
professionnelle, il y a des éléments qu'on ne peut pas écrire dans un projet de
loi. Vous avez parlé de guide clinique à faire en collaboration avec l'Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec. J'aimerais vous entendre, à quoi
servirait ce guide-là, peut-être juste pour l'ensemble des membres ici.
M. Dion (Sylvain) : C'est en lien
avec... entre autres, c'était sur l'aspect du patient qui est dément, pour dire
quelque chose, et qui aurait de l'agitation. Donc, on devrait avoir des guides
cliniques, autant du côté de l'Ordre des infirmières que du Collège des
médecins du Québec, de venir un petit peu nous donner des protocoles pour
pouvoir en arriver à ce que Dr Rivard expliquait tout à l'heure que, quand
on va vouloir installer les cathéters à un patient, bien, il ne les arrache pas puis qu'on ne soit pas obligé de se battre
avec lui, parce que, là, on n'est carrément pas dans la dignité que notre patient recherchait. Donc, il
faudra qu'on soit capable d'avoir un protocole pour pouvoir le
sédationner au préalable pour prévenir cette agitation-là qui serait tout de
même très difficile à vivre, tant pour les praticiens et surtout pour les familles qui vont nous... qui
vont accompagner leur proche, là, dans un soin d'aide médicale à mourir.
M. Rivard (Claude) : Le guide du
collège existe déjà. Et là, dans votre projet de loi, vous donnez le droit
aussi aux IPSPL de pouvoir donner ce soin-là et de faire les évaluations. Là,
eux autres, il va falloir qu'ils se mettent eux
autres mêmes un guide de pratique sur qu'est-ce qu'une pratique acceptable
comme infirmière praticienne spécialisée en première ligne. Il faut
qu'eux autres se donnent un type de... un guide de pratique comme le collège
l'a mis. C'est juste que, là, si vous changez la loi, c'est fait, il faut... le
collège, il faut qu'il change son guide de pratique.
Mme Bélanger : Tout à fait. Et
puis... Non, je pense, je vais laisser mes collègues continuer.
• (18 h 30) •
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
ministre. Alors, merci, Dr Rivard. On va poursuivre la discussion. Il reste quatre minutes, j'ai trois
interventions, mais je vais céder la parole à la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : ...faire ça vite.
J'aimerais revenir au point 9, quand vous parlez de contention chimique en
cas de refus, ça veut dire quoi exactement?
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, ça veut dire pouvoir donner de la sédation,
quand on dit contention chimique,
parce que, dans des directives médicales anticipées, quand va arriver le moment
où la personne va remplir les critères qu'elle aura déterminés
lorsqu'elle sera apte, Dr Rivard disait : Ces patients-là crient,
sont agités quand on fait leur toilette, imaginez installer un soluté. Ils vont
retirer le bras. Alors, vous...
Mme Schmaltz : Mais qu'est-ce qui
arrive... parce que je pensais que ça se faisait déjà, ça.
M. Amyot (Marc-André) : Bien non,
mais ça ne se fait pas actuellement, l'aide médicale à mourir, pour ces
patients-là. Alors, imaginez d'être obligé d'attacher un patient pour lui
donner l'aide médicale à mourir, ça... On ne peut
pas faire ça, là, donc il faut être capable de sédationner. On dit contention
chimique, c'est sédationner la personne, lui donner un calmant par la
bouche pour lui permettre d'être calme, relax et d'accepter le soluté ou le
cathéter...
Une voix : ...
M. Amyot (Marc-André) : ...l'accès
intraveineux. Claude, tu peux...
M. Rivard
(Claude) : Oui, c'est ça.
Dans le fond, ce qui arrive, c'est qu'il y a eu... il y a à peu près quatre,
cinq ans, il y a eu une cause aux
Pays-Bas où la famille a porté plainte parce qu'effectivement, là, ils ont
commencé à le faire pour des patients
qui sont déments, puis la famille n'a pas aimé l'expérience du tout, là, où il
y a... Tu sais, il a fallu qu'ils se mettent à trois ou quatre pour tenir le patient pour installer les solutés, là. Ce
n'est pas la manière dont tu veux voir un parent partir.
C'est complètement différent, au niveau de la
prestation qui est faite actuellement, où les patients... Tu sais, pour être
franc, là, je faisais enlever les horloges des chambres parce que les patients,
ils regardaient tout le temps l'heure, parce
qu'ils disaient : Quand est-ce qu'il arrive, le doc, quand est-ce qu'il
arrive, le doc? Ça fait qu'eux autres, ils sont pressés de te voir puis
ils n'ont pas de problème, ils disent : Oui, je le veux, deux fois,
comme... puis ils tendent le bras, puis ils
n'ont pas de problème à avoir un cathéter d'installé, parce que, pour eux
autres, c'est une fin de souffrance, mais là, pour un patient dément, ce
n'est plus la même chose. Il faut absolument que le patient soit contentionné
avant, parce que, sans ça, ce ne sera pas un départ comme on est habitués à les
voir, là, pas du tout, là. Il faut...
Dans ce
temps-là, au niveau médical, il faut qu'il y ait quelqu'un... qu'il faut que ce
soit notre ordre qui nous dise : Oui,
c'est correct que vous fassiez ça, si vous avez jugé que cette personne-là, qui
a fait une demande anticipée d'aide médicale
à mourir, est prête à recevoir le soin, elle est éligible pour recevoir le
soin. C'est la manière dont il faut que ça se fasse.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Il me reste une petite intervention, une minute,
pour la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Ce sera très court. Merci à vous trois d'être là. Dr Amyot, vous avez dit quelque chose que... j'ai besoin de
clarification, là, vraiment, ce sera... vous avez dit qu'il ne faut pas
demander de verser les demandes d'aide médicale dans le registre. J'ai besoin
qu'on m'éclaire là-dessus.
M.
Amyot (Marc-André) : Oui, oui, oui. Il ne faut pas demander à ce que
ce soit le médecin qui verse ces directives médicales anticipées là au
registre, il faut que ce soit le patient, le tiers, la personne de confiance,
mais demander une...
Mme
Guillemette : OK. Et non pas le médecin.
M. Amyot (Marc-André) : Non, pas le médecin. Je
ne dis pas de ne pas verser ça là, il faut qu'il soit versé là,
entendons-nous bien. Alors, c'est important de préciser. La communication,
c'est tellement important.
Mme
Guillemette : Merci, Dr Amyot.
M. Rivard
(Claude) : ...
Mme Guillemette :
Oui, oui, oui.
M. Rivard
(Claude) : Et la loi qui a établi les directives médicales anticipées,
c'est la loi sur les soins de fin de vie. Et
nous autres, si ces autres critères... ces autres demandes anticipées là sont
remplies, ça va nous aider, comme praticiens,
à être capable de pouvoir donner le soin. C'est déjà dans la loi, c'est juste
que vu qu'ils sont aptes, de la même manière dont, aujourd'hui, ce n'est
pas les médecins qui versent les directives... les DMA au registre provincial puis...
parce que les patients sont aptes, ça ne devrait pas être au docteur de le
faire, là.
Mme
Guillemette : Merci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci. Mesdames, merci. Mme la ministre, merci
beaucoup. Donc, on va poursuivre la discussion avec l'opposition officielle qui
détient une période de temps de 16 min 30 s. La parole est à
vous, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme
Maccarone : Vous êtes généreuse, Mme la Présidente. Je suis contente.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Oui, très généreuse.
Mme
Maccarone : Bonjour, docteurs. Merci beaucoup pour votre témoignage,
votre exposé, votre mémoire, puis merci
aussi pour ce que vous faites. Quand vous parlez des statistiques, 85 % de
la pratique, dans le fond, d'offrir ce soin
de fin de vie, actuellement, c'est fait par vous et votre ordre. C'est quand
même impressionnant. Ça fait que merci beaucoup, parce que... Je ne peux
même pas imaginer l'accompagnement que vous faites de ces personnes qui font
cette demande. Ça fait que... merci.
Je veux revenir un
peu sur les points que vous avez parlé, en termes d'harmoniser avec le cadre
législatif fédéral. Je pense que nous ne
sommes pas nécessairement en désaccord. J'avoue, je l'ai déjà dit en
commission, que, je pense, c'est
important de regarder la météo à travers le Canada, puis c'est bien intéressant
de voir qu'il pleut au Manitoba, mais ce n'est pas nécessairement ici
que je vais ouvrir mon parapluie. Ça fait que je pense qu'on a une responsabilité
d'adopter une loi à l'image de qui nous
sommes, comme Québécois, qui m'amène à la question... parce que, si le
désir, c'est de vouloir harmoniser avec la
loi fédérale, parce que vous dites que vous avez quand même des obligations
auprès de vos assureurs... mais la demande
anticipée n'est pas quelque chose qui est prôné dans la loi fédérale, alors
comment voyez-vous ceci? Est-ce que ça vous pose un problème? Parce que les
demandes anticipées, c'est quelque chose qui serait fait ici et non au niveau
de le pays. Ce n'est pas dans le Code criminel. Voilà.
M. Dion
(Sylvain) : Il n'y a pas de problème à ce que le Québec soit en avance
sur le reste du Canada pour certaines mesures concernant l'accès à l'aide
médicale à mourir, mais, à tout le moins, entre autres, pour les cliniciens que
nous sommes, il faut s'assurer qu'on puisse exercer sous un cadre juridique qui
ne nous met pas en porte-à-faux entre les obligations canadiennes et les
obligations... les obligations fédérales et les obligations provinciales. Et comme disait Dr Rivard tout à
l'heure, nos assureurs, ce qu'ils nous disent, c'est qu'on doit pratiquer
selon les normes du régime qui est le plus restrictif. Donc, il faut, à ce
moment-là, qu'on s'harmonise dans ce sens-là.
Mais, pour ce qui est
de votre intervention, à savoir pour les demandes anticipées, moi, je pense
qu'on est en avance sur le reste du Canada. Puis probablement que, dans
d'autres juridictions, on va voir apparaître également cette notion-là, parce que, pour les patients, entre autres, qui vont
développer des troubles neurocognitifs, c'est quelque chose quand même,
là, qui est... Pour moi-même suivre de tels patients, ils nous en parlent,
actuellement, ils sont en attente de pouvoir prendre de telles décisions, pour
pouvoir décider un petit peu de quelle façon, une fois qu'ils seront inaptes,
ils vont pouvoir quitter ce monde de façon digne, là, en présence de leur
famille.
Mme
Maccarone : Et, pour cette demande anticipée, le formulaire, qui
devrait le remplir? Est-ce que, vous, vous avez un rôle d'accompagnement?
Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être fait devant un notaire? Est-ce que le tiers de confiance devrait accompagner la
personne? Vous dites que le tiers de confiance devrait être obligatoire
et non facultatif. Alors, comment voyez-vous le processus de faire cette
demande?
M. Rivard
(Claude) : Bien, le tiers de confiance est... Nous autres, on a
proposé qu'il soit obligatoire. Et, dans le formulaire, déjà là, un des
critères, c'est... il faut qu'il y ait un consentement éclairé après discussion
sur les alternatives au niveau des soins. Tu ne peux pas avoir un consentement
éclairé de la part du patient, s'il n'y a pas un praticien habilité à décrire
c'est quoi, une fin de vie en démence, puis qui lui dit : Quand tu vas
être rendu là, c'est-tu ça que tu veux? Pour
toi, c'est-tu acceptable? Il faut que... il faut absolument, littéralement,
faire une description du futur des
souffrances alléguées qui vont arriver, comme on le voit chez nos propres patients,
mais comme cliniciens, l'expliquer au patient. Et là le patient, il faut
qu'il... devant le tiers de confiance, il faut qu'il dise : Non, ça, je ne
veux pas vivre ça, ça... je ne veux pas me
retrouver avec une culotte d'incontinence dans un lit, tu sais, ou je ne veux
pas commencer à... Quand les gens
vont commencer à être obligés de me donner à manger parce que je ne suis plus
capable de manger, ou je vais être
aux purées, non, je ne veux pas me rendre là, mais avant, si je suis capable de
manger tout seul dans mon assiette, oui.
Quand ça, c'est exprimé... Ce serait important
que le tiers de confiance soit présent lors de ces explications-là et que les trois signent. Actuellement, au niveau
de la loi, c'est le patient qui faut qu'il signe. S'il n'est pas capable
de signer, c'est une autre personne qui peut signer pour lui, un professionnel
de la santé et un témoin. Et les trois, il faut que ce soit la même date.
Dans la loi, vous demandez que le médecin
rencontre le patient et, après ça, s'il y a un tiers de confiance qui les
rencontre et qui tienne au courant des désirs du patient... Bien, ça peut tout
se faire en même temps. Ça fait que, là, ce
que vous faites, c'est une rencontre avec le tiers de confiance, le patient, le
praticien, parce que ça peut être un médecin comme une IPS, au niveau de la loi. Ces trois personnes-là sont ensemble,
ils ont une discussion sur qu'est-ce qu'exactement tu ne veux pas vivre
comme souffrances, et après on s'entend tous sur : oui, tu m'as fait une
demande anticipée, je signe, comme patient, je reçois la demande, comme
professionnel de la santé, le tiers de confiance signe comme témoin, OK? Si vous voulez rajouter un autre témoin en plus, vous
pouvez rajouter, il y a de la place. C'est tout.
L'affaire qui est importante, c'est qu'il va
falloir qu'on développe un système standardisé terrain sur... qu'on est sûr de parler de la continence, de
l'alimentation, lavage, l'habillement, les AVQ, les AVD, tu sais, les activités
de la vie quotidienne, que les personnes font tous les jours. Il faut
qu'on soit capable de décrire ça. Il faut que la personne, elle nous
dise : Non, quand moi, je vais être rendue là, je ne veux pas vivre ça.
Et...
• (18 h 40) •
Mme
Maccarone : C'est parce que nous avons entendu que le formulaire
dont vous parlez, c'est très difficile à déterminer, ça va être quoi,
les critères, de quel sens... Vous parlez d'un vidéo, que je trouve une très
bonne idée, mais accompagnant de... un document, mais pas des petites boîtes
qu'on coche...
M. Rivard (Claude) : Non, non.
Mme
Maccarone : ...mais écrit.
Ça fait que c'est ça, c'est pour ça, des gens suggèrent peut-être que ce soit
notarié.
M. Rivard (Claude) : C'est que...
Bien, c'est parce que c'est... notarié, tu impliques des coûts. C'est ça,
l'affaire, c'est... Dans ce temps-là, ce n'est pas... Ça devrait pouvoir
continuer à se faire comme ça se fait là, mais l'important, c'est que le clinicien, il ne faut pas qu'il oublie des
affaires. Il faut vraiment que le patient sache dans quoi...
s'embarque. Moi, quand un patient... Je vois un patient en fin de vie. Quand je
vois le patient en fin de vie puis je lui dis : Comment vous voulez que ça
se passe?, d'emblée, je vais lui donner c'est quoi, ses choix de fin de
vie : On peut vous garder à la maison, mais là il faut que la famille
s'implique, ça peut être un décès à domicile avec une sédation palliative, si c'est ça que vous voulez. Si c'est
trop lourd pour la maison, dans ce temps-là, c'est un transfert en maison de soins palliatifs ou encore en unité
hospitalière, si vous n'êtes plus, vraiment plus capable... alors là,
recevoir des soins de fin de vie... ou encore c'est l'aide à mourir, mais ces
trois options-là sont offertes au patient en disant : Je vous vois, vous
êtes à domicile, vous êtes en fin de vie, comment vous voulez que ça se passe?
Voici vos options. De la même manière, il faut que nous autres, on soit clairs
au niveau des options qui sont offertes au patient des années plus tard. Il ne
faut pas... rien oublier.
Mme Maccarone : J'entends votre
proposition que ce soit peut-être le tiers de confiance qui enverra la demande
dans le Registre des directives médicales anticipées, mais je vous mets au
défi... Si, par exemple, c'est ma mère qui faire une demande anticipée puis
c'est mon père qui est le tiers de confiance, il a 80 ans, il n'a pas la
capacité ou la compréhension technique de pouvoir soumettre quelque chose.
Alors, est-ce qu'il y aura d'autres options,
selon vous? Parce que je comprends aussi la charge de paperasse pour vous, on ne souhaite pas alourdir ce que vous
faites non plus, mais je pense que, quand on parle d'aussi faciliter les
demandes, que ce soit accessible... Est-ce
que nous ne sommes pas en train de mettre plus de fardeau sur la
responsabilité, qui est déjà lourde, pour le tiers de confiance? Est-ce qu'on
n'a pas autre option?
M. Dion (Sylvain) : Bien, je pense
qu'il y a beaucoup d'éducation qu'on va devoir faire à la population sur cette
nouveauté-là qu'on apporte, qu'on amène. Et le tiers de confiance, ça ne peut
pas être le conjoint de notre madame de 75 ou 80 ans, ça ne devra pas être
un enfant ou quelqu'un d'autre de la famille, plus jeune, parce que ce qui va
être important pour nous, aussi, comme cliniciens... c'est qu'au fur et à mesure
que la maladie évolue chez notre patient, bien, qu'on ait un tiers de confiance
qui nous accompagne.
Tantôt, Mme la ministre posait la question,
là : C'est quoi, les évaluations périodiques? Mais on va les faire, nous,
pour savoir : Bien, le patient, il est rendu à un stade où il n'est plus
capable de manger tout seul, puis, dans ses directives médicales anticipées, il
nous avait dit que... Quand je serai rendu là, moi, là, vous devriez
m'administrer le soin. Donc, il faudra qu'on ait le tiers
de confiance qui nous accompagne. Donc, en principe, ça devra être quelqu'un
qui est plus jeune pour pouvoir faire ça, puis qui va rester apte, en plus de
ça, c'est...
Mme Maccarone : C'est parce que vous
êtes en train d'introduire une autre notion, que nous devons en faire un débat pour avoir des balises. Ça fait que
j'entends ce que vous dites, c'est juste que je ne sais pas si,
personnellement, je souhaite limiter les choix. On a déjà eu des
discussions : est-ce que ça ne devrait pas être un membre proche de la
famille? Parce que ça aussi, on veut éviter des dérives, ou que les gens font
des demandes qui ne respectent pas nécessairement le choix de la personne
concernée parce qu'ils ont peur que c'est un fardeau, ou vice versa. Alors,
j'entends ce que vous dites, c'est juste que c'est la première fois que
j'entends aussi que nous devons avoir des limitations en termes de qui sera
choisi comme tiers de confiance.
J'ai très peu de temps, ça fait que je souhaite
vous poser autres questions. Je vois que vous avez envie de répondre, mais...
COPHAN, qui vient de passer pour témoigner ici aujourd'hui, nous... avons fait
un témoignage qui était crève-coeur puis très difficile à entendre, en termes
que les personnes en situation de handicap, puis peut-être... Puis je vous amène sur l'angle de formation et le
temps nécessaire avant de mettre en vigueur la loi. Parce que ce qu'ils ont dit, c'est, apparemment, dans leur expérience,
faute de... manque de services, ils se sont fait offert l'aide médicale
à mourir parce qu'ils rentrent dans les
critères, ils souffrent d'une maladie grave, incurable, inapaisante, puis
évidemment ça va dégrader.
Comment vous répondez à ceci? Qu'est-ce qui
manque pour éviter que nous entendons encore de telles histoires? Qu'avez-vous besoin comme formation? Combien de temps
avez-vous besoin avant que la loi soit en vigueur pour s'assurer qu'on
fait un accompagnement sain, qu'on respecte l'autonomie de toutes les personnes
qui souhaitent avoir accès, puis qu'évidemment on parle beaucoup d'aide
médicale à vivre avant d'offrir médicale à mourir? C'est une longue question
avec plusieurs facettes. Je vous laisse le soin de...
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, je vous dirais, on a déjà des programmes de
formation, on est un... La FMOQ est
un leader en programmes de formation. On fait des capsules vidéo qui sont
déposées sur notre site, on a également un programme de mentorat dans
l'aide médicale à mourir. Donc, ce sont des processus qui pourront être mis en
place ainsi que les guides de pratique qui seront établis par le Collège des
médecins et l'Ordre des infirmières. Ça va être important de déterminer...
M. Dion
(Sylvain) : Je vous avouerai, Mme la députée, que j'ai entendu
des choses, cet après-midi, qui m'ont fait friser un peu, ou défriser,
et ça, c'est regrettable.
Effectivement, il va y avoir de la formation. Je
ne veux pas prendre la défense des intervenants qui le font, mais je regardais... dans un reportage au Téléjournal,
où on a offert à un monsieur insuffisant cardiaque qui doit avoir des
injections à toutes les semaines... à tous les jours, pardon : Bien,
avez-vous pensé à l'aide médicale à mourir? Moi, je pense que, pour l'intervenant qui n'est pas capable de donner le soin,
malheureusement, des fois, c'est la solution qu'on trouve, et ça, il
faut bannir ça, parce que ça doit être une... Le premier critère, là... c'est
volontaire, l'aide médicale à mourir, c'est une demande. Quand on se fait
offrir... Ça ne devrait pas être ça.
Et là ça nous amène à un élément qu'on a mis
dans notre mémoire. Il ne faudrait pas qu'on perde de vie... de vue, pardon,
quand on parle de loi sur les soins de fin de vie, c'est bien d'autres choses
que l'aide médicale à mourir.
Et actuellement, on ne se le cachera pas, dans
notre réseau, on manque de ressources pour donner des soins qui sont adaptés. Puis je pense que vous avez eu
d'excellents témoignages, là, qui ont été... des deux groupes qui nous
ont précédés, là, qui l'ont vraiment bien traduit, qu'il y a un manque de
ressources et un manque d'accès à des soins.
Et, une fois
que les gens... Il y a des gens qui, quand les soins sont accessibles, vont
peut-être dire : Non, moi, j'ai tellement perdu de dignité que de
venir me faire laver par une préposée qui vient me voir à mon domicile, parce
que je suis rendu affaibli, tout ça, je suis... j'ai des incapacités ou des
déficiences, comme on disait tout à l'heure, je peux opter pour l'aide médicale
à mourir. Mais autrement, les autres qui n'y pensent pas... Il y avait le
témoignage de monsieur... je ne me rappelle pas son nom, tout à l'heure, on
peut comprendre que c'est triste qu'on soit rendu là par manque de ressources,
mais il faut quand même, je pense, qu'on sensibilise nos intervenants que ce
n'est pas une solution. Au lieu de me tourner vers le patient pour proposer
l'aide médicale à mourir, bien, je vais me tourner vers mon établissement pour
me dire : Bien là, là, on a besoin de donner des soins. C'est une
responsabilité qu'on a comme protecteurs de nos patients.
Mme Maccarone : Combien de temps
avez-vous besoin...
Une voix : ...
Mme Maccarone : Oui, il n'y a pas de
problème. Combien de temps avez-vous besoin, avant que la loi sera mise en vigueur, pour la formation, pour assurer
qu'on a un... qu'on accompagne nos professionnels de la santé? Parce que, maintenant, ce ne serait plus uniquement des
médecins. Puis je vois que vous dites que vous souhaitez aussi que ce ne
soit pas obligé, pour des médecins qui ne souhaitent pas offrir l'aide médicale
à mourir, mais on ajoute aussi la notion d'infirmières praticiennes. Alors,
comment voyez-vous ça?
M. Amyot
(Marc-André) : C'est difficile de donner une période de temps.
Tout dépendra de la vitesse à laquelle le Collège des médecins, l'ordre
des infirmières... Et peut-être que les médecins, parce qu'ils ont une
expertise, ils en font déjà, seront prêts plus rapidement
que les IPS. Il ne faudrait pas limiter le début et l'accès à ce que tous les groupes soient prêts. Mais c'est difficile de vous
donner une période, quatre semaines, six semaines, un mois, deux mois,
trois mois.
• (18 h 50) •
M. Rivard (Claude) : La loi existe
depuis décembre 2015. Elle n'est encore pas respectée. Il y a plein de
patients, puis vous les voyez dans les journaux, qui ont demandé l'aide à mourir,
verbale, on ne leur a jamais offert une demande écrite. Ça fait qu'il y a
encore de la formation à faire. La loi est déjà appliquée, là. Ça fait que
c'est un processus continu. Si vous regardez les statistiques, au niveau de la
Commission des soins de fin de vie, on en a fait 3 600, en 2021... non, 2020‑2021,
bon, 3 600 aides à mourir, 1 400 médecins qui ont donné le soin, mais
quand vous décortiquez les pourcentages, là, il y a 63 médecins qui ont fait
2 200 aides à mourir. Ça fait que ce n'est pas beaucoup de docteurs, là.
Mme Maccarone : Est-ce que ça, c'est
à cause de la notion de refus, parce qu'il y a plusieurs médecins qui ne
souhaitent pas poursuivre?
M. Rivard (Claude) : Il y a beaucoup
de médecins qui se sentent mal à l'aise à donner le soin, qui sont mal à l'aise
quand ils arrivent avec une demande. Il y a déjà une formation. Je suis
actuellement en train de monter un cours pancanadien sur la formation, en sept
volets, sur l'aide à mourir, qui va être... par Santé Canada, là, qui va être
en ligne à partir de septembre, là, mais il y a des besoins de formation,
actuellement, terrain, qu'il va falloir que ce soit pris au niveau des
organisations professionnelles, mais comme...
Le problème, il va être au niveau des
organisations du réseau de la santé, parce que ce n'est pas les docteurs qui
disent : Tu devrais penser à de l'aide à mourir. Le plus souvent, ça peut
être un fonctionnaire. Qu'est-ce qui s'est passé aux vétérans... chez les
vétérans, il y a deux ans? C'est le même fonctionnaire qui a dit à des vétérans
en chaise roulante : Bien, finalement, on ne peut pas te fournir ta chaise
roulante, on ne peut pas te fournir ton lift pour rentrer dans ton auto, tu
devrais demander l'aide à mourir. Bien, ce fonctionnaire-là, il s'est fait mettre
dehors, de la même manière dont... une
infirmière qui offre à quelqu'un de demander l'aide à mourir, elle devrait
avoir une discussion avec sa supérieure immédiate, parce que ce n'est
pas quelque chose qui se fait, là, il faut que ça vienne de la personne.
Mme Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup, Dr Amyot... Dr Amyot, Dr Rivard et Dr Dion,
c'était vraiment intéressant. Merci pour le... votre apport à nos travaux.
Et, pour l'heure, je vais suspendre, le temps
que notre dernier intervenant puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 18 h 52)
(Reprise à 18 h 58)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Et avant qu'on ne poursuive, je vais
devoir vous demander votre consentement pour que nous puissions aller au-delà
de l'heure prévue. Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Consentement. Merci beaucoup. Alors, nous en sommes rendus à la Coopérative québécoise pour la vie
autonome, la Coop Assist, qui est représentée par M. Jonathan Marchand,
président et cofondateur de la Coop Assist.
M. Marchand, bienvenue à la Commission des
relations avec les citoyens. Vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, les
membres de la commission sont là pour vous interroger, pour vous poser
quelques questions. Alors, le temps commence maintenant.
Coop Assist,
Coopérative québécoise pour la vie autonome
M. Marchand (Jonathan) : Merci
beaucoup. Je vais commencer par me présenter. Mon nom, c'est Jonathan Marchand.
Je suis ingénieur réseau sénior en informatique. Je suis un activiste et je
suis un défenseur des droits des personnes handicapées au Québec. Je suis un
survivant du système institutionnel au Québec et de l'euthanasie. Je suis
atteint d'une condition dégénérative, une forme de dystrophie musculaire, et
j'ai eu un handicap toute ma vie.
Je suis un des cofondateurs et président de Coop
Assist, qui vise à mettre en place une assistance personnelle autodirigée au
Québec, et c'est pour que les personnes handicapées aient la chance d'être
incluses et de participer à la société québécoise. J'ai 46 ans et, comme
Jean Truchon, j'ai été contraint de vivre pendant 10 ans dans le système
institutionnel par manque de choix. Après un combat politique acharné, j'ai
quitté le CHSLD et je vis maintenant à domicile. J'ai un travail, j'ai une
blonde, j'ai un véhicule adapté. Toutefois, je suis en liberté conditionnelle,
car vivre dans la communauté, au Québec, ce n'est pas un
droit. J'aide maintenant d'autres personnes handicapées à quitter les
institutions ou à éviter ce sort.
• (19 heures) •
Je m'oppose à l'élargissement de l'aide médicale
à mourir parce que la mort dans la dignité n'existe pas sans la vie dans la
dignité. Les champions de l'euthanasie au Québec se disent les gardiens du
choix libre et éclairé. Je suis ici pour vous dire que ce choix n'existe pas
pour la grande majorité des personnes handicapées.
En 2010,
suite à une grave pneumonie, je me suis retrouvé aux soins intensifs, et on m'a
fait une trachéostomie pour m'aider à respirer. On m'a fait ça
d'urgence, et maintenant, je respire à l'aide d'un respirateur artificiel. On
m'a expliqué que, désormais, quelqu'un devrait être avec moi 24 heures sur
24 au cas où j'aurais besoin d'aide. J'étais incapable de parler. Plusieurs
médecins ont fait pression sur moi pour que j'accepte l'euthanasie, les soins
de confort pour mettre fin à mes jours, ce que je n'ai jamais demandé. J'ai
passé les prochaines semaines en réflexion en pleurant toutes les larmes de mon
corps. Ma vie est terminée? Vraiment? Pourquoi? Cette idée ne m'avait jamais
traversé l'esprit. J'allais de mieux en mieux. Mais perdre le contrôle sur ma
vie, être complètement dépendant des autres et devenir un fardeau pour mes
proches, ça, ça m'était insupportable.
Il n'existe pas de services de soutien adéquats
pour vivre en dehors des centres hospitaliers. Je devais choisir entre la mort ou vivre dans un hôpital ou un CHSLD
le restant de mes jours. Jamais on ne m'a offert le choix de pouvoir
continuer ma vie à domicile avec l'assistance requise. Je n'étais pas prêt à
abandonner mes proches et j'ai signalé mon refus à être euthanasié, ce qui
reviendra me hanter.
Le message
qu'on t'envoie, c'est que c'est toi, le problème, puis ton handicap. C'est très
facile d'être... que tu es une
personne profondément malade, que c'est de ta faute, que ta vie... à mourir
puis que tu dois te contenter du peu qu'on t'accorde, que tu es un objet de charité et de pitié, qu'il vaut mieux
mourir que d'être comme toi, un pauvre handicapé.
J'ai commencé à m'en vouloir. Comme Jean
Truchon, on m'a refusé l'aide à domicile dont j'avais besoin. Je me suis plaint aux plus hautes instances. On m'a
répondu que c'était une question politique, car, vivre dans la
communauté, avec le soutien nécessaire, ce n'est pas un droit au Québec.
Après deux ans et demi à l'hôpital, je me suis
retrouvé dans un CHSLD. Cet endroit, c'est une prison médicale. Tu n'as plus le
choix de l'endroit où tu vas vivre, avec qui. Ta vie de couple, c'est terminé,
tu ne peux pas vivre avec ta conjointe. Ta vie privée, oublie ça. Un dossier
est tenu sur tes moindres mouvements. Tu es maintenant la propriété du
gouvernement. Tu es institutionnalisé. Ce sont les gestionnaires, les
fonctionnaires, les infirmières et autres qui vont désormais décider comment tu
vas vivre. Tu es trop indépendant à leur goût? On va te casser. Il faut te
soumettre aux règles. Il faut être un bon petit handicapé, gentil, obéissant et
reconnaissant. Si tu es un récalcitrant, on va mettre en place des plans
d'intervention pour te contentionner jusqu'à ce que tu te soumettes. Tu as le
choix : te battre... ou accepter ta nouvelle réalité. Tu n'es plus en
contrôle de ta vie. Tu apprends vite à choisir tes combats.
À bout de ressources, je me suis soumis puis
j'ai sombré dans la dépression. J'avais honte de vivre dans un ghetto en marge
de la société. Le CHSLD, c'est un milieu carcéral incompatible avec la vie
humaine. C'est un endroit où on enferme les indésirables. Tu n'as plus de
contacts humains authentiques avec les gens. Tu en viens à remettre en question
ta propre valeur humaine. Et, à force de te faire toucher par près de
1 000 intervenants, tu perds ton intégrité personnelle et tu te
déconnectes de ton corps. Sans humanité ni liberté, la vie n'a plus de sens. Je
regrettais d'avoir refusé l'euthanasie. J'étais Jean Truchon. Je suis resté
trois ans et demi sans sortir de ma chambre.
J'ai ensuite découvert qu'environ 70 % des
personnes avec un handicap sévère vivent en institution au Québec. Les autres
s'accrochent à vivre à la maison mais se retrouvent souvent aussi isolées.
Beaucoup se sont suicidées ou ont accepté l'euthanasie pour éviter de subir mon
sort. Ce qui nous est offert n'est que le strict minimum nécessaire à nos
survies physiques et ne nous permet pas d'être inclus, de participer et
contribuer à la société. Ce qui me fait
souffrir et me rend vulnérable, ce n'est pas mon handicap, mais bien le manque
de soutien adéquat, d'accessibilité et la discrimination.
On travaille
depuis 2018 pour faire reconnaître la nécessité d'implanter des solutions pour
aider les personnes handicapées à vivre incluses dans la société. Suite
à des travaux intensifs avec le gouvernement, il a été déterminé qu'il fallait
un projet de loi pour enlever les barrières à notre inclusion sociale. M.
Legault, et la CAQ, a refusé d'entamer ces travaux.
Pourtant, sous ce même gouvernement, la loi est
en train d'être modifiée pour nous aider à s'enlever la vie. On va même au-delà
de ce qui a été prescrit par la cour. Et, tout ça, c'est fait au nom de notre
autonomie, de notre dignité et de notre soi-disant droit de choisir. Comment
est-ce qu'on est supposé interpréter ça? On offre aux personnes sans handicap des services de prévention du suicide, mais je
mérite une assistance au suicide? On me l'a déjà dit : Si tu n'es
pas satisfait de ce qu'on t'offre, pourquoi ne pas accepter l'euthanasie?
Il ne peut y avoir de mort dans la dignité et de
liberté de choix aussi longtemps que nous serons contraints de vivre dans des
institutions, que nous allons devoir compter sur nos proches et nous sentir
comme des fardeaux, et que nous serons confrontés à de la discrimination.
Dans le
système actuel, souvent, on ne s'appartient plus dans la vie ou la mort. Les
promoteurs de l'euthanasie... une injection létale de l'État pour
s'enlever la vie quand l'État ne fournit même pas les services et le soutien
nécessaires pour vivre dans la dignité.
Ma vie, elle vaut la peine d'être vécue. Je veux
être libre. Je n'ai aucunement confiance en le gouvernement, les politiciens,
les fonctionnaires et les médecins pour me dire ce que je peux et ne peux pas
faire dans ma vie et comment ma mort doit se
dérouler. Avec de l'assistance personnelle, un soutien adéquat, des soins
palliatifs de qualité et le refus de traitement, on est en mesure de
prendre les meilleures décisions pour nous sans nous discriminer et dévaloriser
nos vies. Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup,
M. Marchand, pour votre témoignage.
Nous allons donc
débuter la période d'échange avec les membres de la commission et nous allons
débuter de ce côté-ci avec la ministre déléguée à la Santé, Mme la ministre, et
ainsi que les membres de cette portion... de la banquette ministérielle, en
fait. Vous disposez de 15 min 59 s. Le temps commence maintenant.
• (19 h 10) •
Mme Bélanger :
Oui Mme la Présidente, M.
Marchand. Merci pour votre témoignage. Merci de partager votre intimité
avec nous. Vous avez dit des choses très fortes, qui sont...
M. Marchand (Jonathan) :
En fait, ce n'est pas un témoignage, là, c'est une déclaration politique,
madame.
Mme
Bélanger : OK. D'accord, il n'y a pas de problème. De toute façon, ce
que je veux vous mentionner, c'est que j'apprécie, là, ce que vous venez de nous
mentionner. Et je comprends très bien que ce que vous dites, c'est que... vous
avez parlé de l'absence de services adéquats pour vivre à l'extérieur d'un
CHSLD. Je comprends qu'aujourd'hui vous ne vivez plus en CHSLD. Est-ce exact?
M. Marchand (Jonathan) :
Oui, c'est ça. Depuis environ un an et demi, j'ai réussi à quitter, malgré
tout, malgré toutes les embûches, le CHSLD.
On avait un deal avec
le gouvernement pour créer un projet pilote, mais, en fin de compte, ça s'est
terminé en projet pilote pour une personne, pour moi. Donc, suite à ce
précédent-là, on a travaillé de notre côté pour élargir ce précédent-là avec
d'autres personnes handicapées, mais sans vraiment l'aide du gouvernement.
Parce qu'il y avait une promesse qui avait été faite par M. Legault et son
gouvernement de mettre en place un programme pour que les personnes handicapées
puissent sortir des CHSLD, mais, en ce moment, il n'y a pas d'approche
centralisée pour rendre ça possible. Donc, c'est tous des deals à la pièce,
individuels qui doivent être faits avec des autorités, les CISSS et les CIUSSS. C'est extrêmement difficile,
madame. Ça prend des mois, des années avant d'avoir des réponses
favorables. Et, tout ça, c'est extrêmement compliqué, très difficile pour
chaque individu, très stressant.
Et
c'est ce qu'on essaie de faire depuis que j'ai quitté le CHSLD. Il y a environ
quatre, cinq personnes qui ont réussi à
avoir de l'assistance comme j'ai eue depuis, mais il faut parler à chaque CISSS
et chaque CIUSSS du Québec pour les informer,
hein, des précédents qui ont été créés, des nouvelles approches qui ont été
mises en place pour rendre, justement, de
l'assistance 24 heures sur 24, en continu, par exemple, et vraiment aller
jusqu'à la hauteur des besoins, là, des usagers.
Et malheureusement,
il n'y a pas d'approche, au niveau du ministère, pour rendre ça possible, là,
tu sais. C'est notre coopérative qui essaie
de pousser chaque institution, chaque CISSS et CIUSSS, là, pour rendre ça
possible, puis, à date, on a peut-être quatre, cinq CIUSSS qui ont collaboré.
Il y en a d'autres qui ne veulent pas collaborer puis il faut se battre
constamment.
Mme Bélanger :
Je comprends. Est-ce que...
Permettez-moi de vous poser une question. Depuis que vous n'êtes plus en CHSLD, je comprends que, là, vous êtes à
domicile. Comment vous jugez les services que vous avez actuellement?
M. Marchand (Jonathan) : En ce moment, ça va bien.
C'est sûr que ça reste... dans tout système, moi, ce que je décrie, ce
que la coopérative décrie, c'est qu'on ne veut plus être traités comme des
patients, comme des malades, hein, qu'on est pris en charge puis qu'on se fait
dire comment les choses vont être. Ce qu'on veut, en fait, c'est qu'on respecte notre citoyenneté et qu'on arrête de
médicaliser un peu les services qui sont offerts aux personnes
handicapées.
Donc, par exemple,
moi, chez moi, j'ai des services. C'est moi qui engage moi-même mes assistants.
C'est comme une petite PME, hein? C'est moi qui gère tout, presque de a à z.
Mais je dois faire affaire au CLSC, qui va former des employés, et ça, ça
devient extrêmement compliqué, et c'est des professionnels qui vont former mes
employés. Mais, dans ça, c'est qui, l'expert, l'expert de mes besoins? C'est
moi. C'est moi, l'expert de ma vie. C'est moi, l'expert de mes besoins. Ce
n'est pas les professionnels de la santé. Je n'ai pas besoin d'infirmières
spécialistes qui vont aller former mes employés.
Donc, ça, ce que ça
fait, c'est... quand j'engage un employé, par exemple, il peut y avoir un deux
semaines de formation requise avant que l'employé puisse commencer à
travailler. Ça fait que, vous voyez, là, ça devient très compliqué, là, quand
on fait l'embauche des employés, etc. Puis, chez moi, je dois tenir un dossier,
hein? Tous mes employés doivent remplir un dossier comme si j'étais à
l'hôpital, mais je suis chez moi, à domicile. Donc, vous voyez, les tentacules
du système, là, sont encore... ils essaient tout le temps de rejoindre à
domicile. Donc, il faut démédicaliser le handicap pour faire en sorte qu'on
soit vraiment autonome puis que notre expertise soit reconnue.
Donc, c'est pour ça
qu'on veut modifier la loi pour démédicaliser l'handicapé au Québec puis nous
sortir du système institutionnel, institutionnel médico-industriel qu'on a. Ça,
c'est des choses qui ont déjà été faites ailleurs au Canada, ailleurs aux
États-Unis, et partout dans le monde.
Mme
Bélanger : Peut-être une dernière question, puis je vais laisser après
mes collègues. Est-ce que vous êtes en faveur de l'élargissement du projet de
loi qu'on a déposé sur l'aide médicale à mourir pour les...
M. Marchand
(Jonathan) : De l'élargissement de l'aide médicale à mourir? Non.
Mme
Bélanger : De... Attendez, je vais reprendre. Est-ce que vous êtes en
faveur du fait que nous avons élargi la portée du projet de loi pour inclure,
maintenant, les personnes ayant un handicap neuromoteur? Avez-vous fait une
réflexion là-dessus? Est-ce que vous êtes en faveur, oui ou non? J'aimerais ça,
vous entendre là-dessus.
M.
Marchand (Jonathan) : Non, pas du tout... c'est complètement
discriminant. Je veux dire, pourquoi il y a une catégorie de personnes
handicapées qui est nommée directement dans la loi? Je veux dire, on
pourrait-tu aller jusqu'à nommer les individus, hein? Je veux dire, c'est quoi?
Pourquoi on fait ça? Puis, même la notion de handicap devrait être retirée du
projet de loi, tout simplement. Il y a d'autres critères qui sont là.
Mais, bon, je comprends pourquoi c'est là, hein?
Il y a eu une décision de la cour, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Mais bon, moi, tout ce qui concerne
les personnes handicapées, je ne pense pas qu'on devrait inclure ça dans
le projet de loi. Puis je pense qu'on va avoir beaucoup de difficulté à définir
ce que c'est, le handicap. Et, tu sais, ça, ça touche énormément de personnes,
puis moi, je pense que ça devrait être enlevé, tout simplement.
Mme
Bélanger : Quand vous dites que vous pensez que ça devrait
être enlevé, vous dites le handicap neuromoteur et handicap aussi?
M. Marchand (Jonathan) : Oui.
Mme Bélanger : D'accord.
M. Marchand (Jonathan) : Handicap
neuromoteur et toute la notion de handicap, là, oui.
Mme Bélanger : OK. Je vous remercie,
M. Marchand. Merci beaucoup.
M. Marchand (Jonathan) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je vais donc me tourner du
côté de la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Je pense que j'ai d'autres collègues qui veulent poser des
questions. Il y a un groupe avant vous, tout à l'heure, qui nous a parlé de
pairs experts au niveau des comités, au niveau
de l'éthique. Parce que j'entends ce que vous me dites, vous parlez
d'autodétermination beaucoup et de respect, et les gens... la personne
nous disait : Bien, moi, ça me porterait préjudice de ne pas avoir accès à
ce soin-là. Vous lui dites quoi, à cette personne-là? Que sa...
M. Marchand (Jonathan) : ...
Mme
Guillemette : D'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Si elle
souffre en tant que personne handicapée, ça lui porterait préjudice,
parce qu'il est handicapé, de ne pas avoir accès à l'aide médicale à mourir
s'il a des souffrances non apaisantes.
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
mais...
Mme Guillemette : On parle toujours
de souffrances ici, là.
M. Marchand (Jonathan) : Oui, mais
ça, dans... tu sais, dans le continuum de services, avant l'aide médicale à
mourir, par exemple, on avait un continuum de services. Il avait... Pour les
options de fin de vie, il y a les soins
palliatifs, hein? C'est ça, le standard qu'on avait. Là, on vient de rajouter,
bon, l'aide médicale à mourir, mais avant, c'est quoi, les soins
palliatifs ne fonctionnaient pas? La personne qu'on parle, elle était-tu en fin
de vie ou c'est une personne qui a déclaré
qu'elle souffre? C'était quoi, cette personne-là, pour que je sois plus
spécifique dans ma réponse?
• (19 h 20) •
Mme Guillemette : En fait, il y a
des souffrances qui ne sont pas apaisables par la médication, là, quelle
qu'elle soit.
M. Marchand (Jonathan) : Mais est-ce
qu'elle est en fin de vie?
Mme Guillemette : Oui, c'étaient des
personnes en fin de vie, mais la personne qui nous a posé la question, ce n'était pas quelqu'un qui était en fin de vie,
là. C'est quelqu'un d'handicapé qui nous a mentionné qu'elle trouverait
ça discriminatoire, préjudiciable, parce qu'il est handicapé, de ne pas avoir
accès à ce droit-là, même s'il a de la souffrance extrême qui n'est pas
apaisable.
M. Marchand (Jonathan) : Bien, moi,
ce que je crois, c'est que la Constitution... tu sais, il n'y a aucune garantie
là-dedans que l'État doit intervenir pour te tuer si jamais tu... c'est une
expérience de souffrance, là. Mais moi, ce
que je demanderais à la personne, c'est : Pourquoi tu souffres? C'est-tu
une souffrance physique, psychologique? C'est causé par quoi? Tu sais,
moi, je ne l'ai pas en face de moi cette personne-là.
Mais moi, ce que
j'entends... parce que j'en ai vu souvent, des témoignages de personnes
handicapées qui souffrent, hein, qui disent qu'ils souffrent, qui ont... qui
veulent l'aide médicale à mourir, et il y a tout le temps des raisons en
dessous de ça. La première raison que j'entends, c'est qu'ils ne veulent pas
être un fardeau pour leurs familles. Ils trouvent ça insupportable, là, d'avoir à être dépendants
de leurs proches. Et il y a aussi les gens, par exemple, qui se
disent : Bien, ça n'a pas de sens que j'aie besoin d'aide, mettons, pour
aller aux toilettes, hein, ou que j'aie besoin pour manger, des choses comme
ça. Pour moi, c'est intolérable. Mais ça, il y a toujours une période de deuil,
quand tu fais l'expérience d'une situation de handicap, pour t'habituer,
justement, à avoir... à ajuster ton rythme de vie, puis ta routine, puis
comment tu fonctionnes. Mais l'être humain est extrêmement adaptable, puis on
peut pallier par des aides techniques ou un paquet de choses pour aider puis
passer par-dessus ça, là. Mais c'est ça, tu sais, la question que tu as,
hypothétique, il faudrait que je parle à cette personne-là puis que j'aie plus
d'informations.
Mme
Guillemette : Merci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.
M. Marchand
(Jonathan) : Mais, tu sais, ce n'est pas à cause que tu es une
personne handicapée qu'automatiquement tu devrais avoir accès au suicide
assisté, là, hein? Pourquoi, les personnes handicapées, on aurait droit à être
assistées à nous tuer, mais, quand c'est une personne valide, on parle de
prévention du suicide? Il n'y a pas une discrimination là? Ça fait que, tu
sais, il y a deux côtés de la médaille, là. C'est...
Puis moi, je pense
qu'on devrait être tous égaux puis on devrait tous essayer de s'entraider. Puis
le rôle de l'État, c'est d'aider ses citoyens, pas de les aider à disparaître puis
à se tuer, là. Tu sais, moi, fondamentalement, l'État ne devrait pas faire ça,
là.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, M. Marchand. Je pense que la question
est terminée. Il reste encore quelques minutes pour la députée d'Abitibi-Ouest avant
qu'on se tourne du côté de l'opposition. La parole est à vous, madame.
Mme Blais : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Marchand.
M. Marchand
(Jonathan) : Bonjour.
Mme Blais : Merci
de ce témoignage, merci de votre courage et de votre résilience. Moi, je
voudrais vous entendre sur la souffrance, la souffrance psychologique. Est-ce
que votre souffrance psychologique, des fois, est plus forte que la souffrance physique? J'aimerais vous entendre sur la
définition d'une souffrance pour vous et d'une douleur aussi. C'est
quoi, la différence entre les deux?
M. Marchand (Jonathan) : Bien, moi, comme j'ai
dit, ce qui me fait souffrir, c'est de ne pas avoir l'assistance que
j'ai besoin pour être productif dans la société, hein, pour avoir ma place,
pour être inclus, ces choses-là. Aujourd'hui, c'est beaucoup mieux, mais encore
il reste beaucoup de choses à faire.
Moi,
je considère que je suis en liberté conditionnelle parce que ce n'est pas un
droit, tu sais, d'avoir l'assistance qu'une personne handicapée a besoin
pour pouvoir vivre en société comme tout le monde, là. Et il y a aussi la
discrimination à laquelle on fait face. Donc, il y a l'accès aux services, il y
a un paquet de facteurs externes, environnementaux,
il y a l'accessibilité aussi. Tu sais, des fois, tu veux sortir, tu ne peux pas
sortir, tu ne peux pas aller aux
endroits que tes amis, ils vont, parce que c'est... les lieux ne sont pas
accessibles. Donc, c'est... qu'est-ce qui nous handicape souvent, c'est l'environnement, c'est les modèles de services
qui nous sont offerts et ce genre de choses là.
Donc, tu sais, la
souffrance, elle ne vient pas de moi. C'est quelque chose qui est externe à moi
et qui fait en sorte que je me suis ramassé 10 ans en CHSLD, où est-ce que
je n'avais pas le choix d'aller si je voulais continuer de vivre. Mais
aujourd'hui, je suis de retour dans la communauté, mais, encore une fois, ce
n'est pas terminé. Ce que j'ai obtenu, ça pourrait m'être retiré demain matin,
là. Et puis ça, ce n'est pas un droit, là. Donc, c'est ça, c'est un combat de chaque instant pour continuer, puis
d'essayer d'aider d'autres personnes, puis pouvoir continuer d'avancer. Mais, au final, c'est ça, moi, la solution pour
les personnes handicapées, ce n'est pas le... d'abdiquer puis de disparaître,
là.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Marchand. Mme la
députée, le temps imparti à la partie gouvernementale est terminé. Je dois
maintenant me retourner du côté de l'opposition officielle. Vous avez donc une période de 12 min de
23 s. C'est la députée de... de D'Arcy-McGee, je m'excuse, qui a la parole. On poursuit
nos échanges.
Mme Prass : Merci. Bonjour, M. Marchand. Je vous salue pour
votre courage, pour votre honnêteté, pour venir nous sensibiliser à une
réalité qu'on n'a pas été exposés jusqu'à présent. Donc, sincèrement, du fond
du coeur, merci de votre présence ce soir.
Moi,
je... avant d'aborder la question sur le projet de loi, je voudrais vous
demander, à propos du projet pilote dont vous parliez, justement, qui a
fait en sorte que vous avez... vous êtes sorti de cette...
Une voix : Institutionnalisation.
Mme Prass : Voilà, désolée. Donc là, vous avez dit que... puis
justement, un projet pilote, quand ça a du succès, c'est quelque chose
qui est répété, qui est implanté. Puis là vous nous avez dit que, justement, ça
a réussi dans votre cas, mais que les engagements du gouvernement n'ont pas
suivi. Pouvez-vous élaborer là-dessus, s'il vous plaît?
M.
Marchand (Jonathan) : Oui, bien, c'est ça, c'est... on avait eu une
promesse que le gouvernement Legault allait travailler pour sortir les
personnes handicapées des CHSLD. On a travaillé pendant des mois avec un
comité, hein, qu'on avait formé, bon, de gens de Coop Assist, des membres de la
communauté des personnes handicapées et aussi des membres du gouvernement pour
pouvoir mettre en place un programme. Et puis, en fin de compte, tu sais, on a fait des travaux pour
déterminer qu'est-ce qui était possible et c'étaient quoi, les barrières,
c'étaient quoi, les embûches, les documenter, bon, établir combien ça pourrait
coûter, comment on pourrait organiser tout ça.
Mais
ce qu'on s'est rendu compte, c'est que la loi devait être changée. Justement,
pour démédicaliser le handicap puis rendre la vie autonome possible pour
les personnes handicapées au Québec, il fallait qu'il y ait des règlements, des lois qui soient changées pour permettre ça. Et
c'était très difficile de faire ça, donc, parce que le gouvernement
disait qu'il n'y avait pas de place à l'agenda politique législatif pour faire
ces changements-là. Il n'y avait pas de volonté pour faire ces changements-là.
Donc,
ce qu'on nous a proposé, en fin de compte, c'est qu'au lieu de bâtir un
programme... ils voulaient qu'on participe à la construction de
résidences pour personnes handicapées, hein, des nouvelles institutions, et ça,
c'est complètement contraire à ce qu'on veut. On ne veut plus vivre dans des
ghettos, tous regroupés ensemble. On veut pouvoir
choisir où on vit, avec qui et comment on va vivre. Donc, on va... Il ne faut
pas être restreint à tous vivre dans la même bâtisse, là. Donc, il y a
tout le temps eu un clash de visions comme ça, puis éventuellement le gouvernement
a abandonné le projet, et ça fait en sorte qu'on est là aujourd'hui, sans
vraiment d'avancée là-dessus.
Mais nous, ce qu'on a
fait de notre côté... parce que moi, d'un côté politique, ils ne pouvaient pas
me garder en CHSLD, c'était rendu intenable pour eux. Ça fait qu'ils m'ont fait
un deal, hein, pour que je puisse sortir, puis qu'on a réussi à utiliser ce précédent-là pour, dans d'autres régions du
Québec, que d'autres personnes obtiennent la même chose. Mais c'est ça, c'est un travail acharné. Ça
s'est fait depuis la dernière année, environ, et il y a quatre, cinq
personnes, là, qui ont des ententes similaires à la mienne. Mais ça, encore là,
c'est beaucoup trop difficile d'avoir accès à ça, hein? C'est juste les
personnes les plus fortes, hein, les mieux organisées, les plus débrouillardes
qui peuvent passer au travers de ça. Les personnes qui ont... handicapées qui
ont besoin de plus de soutien, c'est très difficile d'accès. Ça fait que c'est
très intimidant, faire tout ça, là, parce qu'au travers de tout ça tu as tout
le temps peur de perdre tes services parce qu'il faut que tu confrontes les
administrations des CISSS et des CIUSSS, puis tu as tout le temps peur qu'ils
vont te couper tes services, qu'ils vont faire des représailles, puis ça
devient très corsé, là.
Ça fait que, nous
autres, ce qu'on demande... Tu sais, on l'a prouvé que ça fonctionne. Mais là,
tu sais, il faut vraiment avoir une approche centralisée au sein du ministère
et avoir un programme, au Québec, pour rendre ça officiel, que ce soit reconnu,
et il y a beaucoup de travail à faire là-dessus, là.
• (19 h 30) •
Mme Prass : Mais
je pense que c'est fondamentalement le droit de la personne, qu'une personne
qui a les capacités... L'argent qu'on dépense pour que vous soyez dans un
CHSLD, c'est des ressources qui peuvent vous être données, justement, pour que
vous restiez à la maison et que vous exerciez votre vie de votre façon. Donc, tout
à fait d'accord et contente de voir, justement, le projet pilote
qui a bien réussi. Donc, j'espère qu'il y aura une conscientisation
auprès du gouvernement pour que plus de choix soient donnés aux personnes qui
sont en situation handicap, que juste les... trouver CHSLD comme solution.
Je voudrais vous
demander, justement, à cet égard, puis on a eu d'autres personnes qui ont
témoigné, pensez-vous, justement, la
situation dans laquelle vous avez vécue dans le CHSLD, pensez-vous qu'il y ait
des circonstances... que le manque de services et de ressources de la
part du gouvernement envers les patients ferait en sorte que leur niveau de
souffrance, que ce soit physique ou psychologique, soit les rendent... les
rendent à un point où ils veulent demander l'aide médicale à mourir? Et
pouvez-vous élaborer là-dessus, s'il vous plaît?
M. Marchand
(Jonathan) : Oui, tout à fait. Dans les dernières années, il y a eu
des cas documentés de personnes handicapées qui se sont suicidées ou qui ont eu
accès à l'aide médicale à mourir, parce qu'ils ne voulaient pas aller en CHSLD,
parce qu'ils n'avaient pas accès aux services qu'ils avaient besoin. Puis, tu
sais, je pense à Yvan, Yvan Tremblay, hein,
qui est resté dans un appartement supervisé. À un moment donné, ils lui ont
dit : Bien là, tu ne pourras plus rester là, ça va fermer... en
CHSLD. Puis il n'a pas voulu, il n'a rien voulu savoir puis il s'est enlevé la
vie. Il y a aussi M. Raymond Bourbonnais, qui était en CHSLD. Il avait
l'amyotrophie spinale. Il avait, je pense, 65 ans. Et, suite à des abus
qu'il a eus en CHSLD et des violences, bien, il a décidé d'avoir recours à
l'euthanasie pour pouvoir quitter ce monde-là, parce qu'il ne voyait pas de
façon de retourner à domicile puis de pouvoir quitter ce CHSLD là. Pour lui, la
seule option, c'était de mourir.
Et, dans la
communauté des personnes handicapées, c'est souvent qu'ils ont des conditions
dégénératives, tu sais, comme la mienne. C'est une bête noire. C'est la menace
constante que tu vas te retrouver en CHSLD à un moment donné, parce que tu vas
perdre des capacités, tu n'aurais plus les services, tu sais, tes besoins vont
dépasser l'offre de service, et tu vas te retrouver confronté à aller en CHSLD.
Et il y en a qui décident de ne jamais subir ce sort-là et soit qu'ils
s'enlèvent la vie ou ils ont recours à l'euthanasie. Puis, dans notre cas, ce
n'est pas nécessairement... absolument nécessaire d'avoir accès à l'aide
médicale à mourir.
Tu
sais, moi, en 2010, ils ont fait pression sur moi pour que je l'accepte, bien,
il n'y avait pas d'aide médicale à mourir, là, tu sais, c'était juste
une question, débrancher le respirateur... donner de la morphine, puis, tu
sais, en quelques heures, quelques minutes, je ne serais plus là. Ça fait que,
tu sais, souvent, quand tu as une condition, un handicap sévère, tu sais, ça
n'en prend pas beaucoup, là, pour mettre fin à tes jours. Ça fait que c'est sûr
qu'il y a toujours des pressions, là. Si tu n'as pas le soutien nécessaire,
c'est quoi, la réponse, qu'est-ce que tu vas faire.
Pour plusieurs, bien, ça semble impossible
d'obtenir les services que tu as besoin, parce que tu vois qu'il y a toutes sortes d'histoires dans les médias, comme
de quoi... ils n'ont pas accès aux services, et ça semble une montagne impossible à déplacer,
là. Ça fait que, tu sais, ce n'est pas tout le monde qui peut se transformer
en... qui va commencer à travailler pendant huit ans, là, pour faire
bouger les choses. Tu sais, il faut rendre les services accessibles au commun
des mortels, là.
Mme Prass : ...dans ce même sens,
pensez-vous que, quand une personne a fait une demande... Puis là ils demandent
le déclenchement, parce qu'ils sont rendus dans leurs... à un niveau, dans
leurs souffrances, pensez-vous qu'il devrait y avoir une évaluation, justement,
pour s'assurer que cette personne-là a reçu tous les services, toutes les
ressources, etc.? Parce que, sinon, il faudrait qu'on leur offre, justement, ce
répit-là avant d'aller de l'avant avec l'administration de l'aide médicale à
mourir.
M. Marchand (Jonathan) : Oui, tout à
fait, là. L'aide à la vie devrait passer avant l'aide médicale à mourir, là,
c'est... Tu sais, si une personne... devraient être offerts les services, le
soutien nécessaire pour pouvoir continuer leur vie en accordance avec leurs
projets de vie, qu'est-ce qu'ils veulent faire, hein? Puis, tu sais, le projet
de vie des gens, ce n'est pas vraiment
d'aller dans un CHSLD ou dans une maison des aînés, là. Ça fait que, tu sais,
c'est quelque chose qui doit être offert aux gens.
Et, tu sais, j'écoutais parler ceux qui étaient
là avant moi, le Collège des médecins, puis, tu sais, on ne devrait jamais
offrir d'emblée aux gens l'aide médicale à mourir, là. Tu sais, quand tu vas voir
le médecin à l'hôpital, habituellement, c'est pour te faire soigner, pour
t'aider, là, hein? Tu ne vas pas là dans le but de te faire euthanasier, de
mourir, là. Ça fait que ça devrait, plus tard, venir, la demande de la personne
qui... tu sais, du patient, en fait. Ça fait
que... parce que se faire dire par un médecin que, bon, là, peut-être tu
devrais penser à mourir, hein... puis c'est très violent, là, d'entendre ça, là, parce que, quand tu ne l'as pas demandé,
ça ne t'est même pas passé par l'esprit, tu as une personne en position
d'autorité qui est en train de te dire que, bien là, peut-être, c'est le temps
de mourir, ça a tout un impact sur une personne, là. Puis ce n'est pas tout le
monde qui va être capable de rationaliser tout ça puis se dire : Bien là, peut-être que le médecin n'a pas raison,
là, tu sais. C'est comme, moi, quand j'ai fait l'expérience de ça, ça
m'a vraiment secoué. Ça m'a pris un bon bout de temps avant de comprendre que
peut-être le médecin ne savait pas trop de quoi il parlait, puis ça n'avait pas
d'allure, là, ce qu'il me proposait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Marchand. Merci, Mme la députée. On
va entamer le dernier segment avec la députée de Sherbrooke. M. Marchand, je
vais vous ramener sur le projet de loi d'aide...
de l'élargissement des soins de fin de vie. Je veux vraiment vous ramener sur
ce... si on veut pouvoir avancer puis comprendre ce qu'on peut modifier
dans le projet de loi. Alors, je cède la parole à la députée de Sherbrooke,
4 min 8 s, pour votre période de...
• (19 h 40) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. On va rester quand même un peu sur le même thème, parce que vous
avez parlé de la violence ressentie quand un professionnel de la santé aborde
le sujet de l'aide médicale à mourir avec
quelqu'un qui... qui ne réfléchissait pas à ça du tout, dont ce n'est pas le
souhait, puis je peux tout à fait le comprendre. En même temps, il y a
aussi des gens qui sont venus témoigner ici que c'était arrivé qu'ils aient été
mal informés de leurs droits. Par exemple,
ils étaient admissibles puis ils n'étaient pas au courant. On ne peut pas
présumer que toutes les personnes vont savoir quels sont les critères...
qu'elles y répondent. Puis il y a une responsabilité aussi, quelque part,
d'informer les gens de leurs droits.
Comment vous pensez qu'on peut trouver
l'équilibre entre, justement, s'assurer du respect des droits des gens à
accéder à cette information-là sans le faire d'une manière qui va les heurter,
là? Parce que je comprends que ça peut être assez violent, là, quand ce n'est
pas le souhait de la personne.
M. Marchand (Jonathan) : Bien, c'est
sûr que c'est une contradiction, hein, parce que, tu sais, le problème qu'on a, en fait, c'est qu'on a comme médicalisé
ça, puis on dit que c'est un soin, hein, d'offrir l'aide médicale à
mourir, de tuer une personne, c'est un soin. Puis, si c'est un soin, bien, il
faut que tu le donnes dans les options de soins. Quand tu vas voir ton médecin,
il est comme requis d'en parler parce que c'est un soin. Ça fait que là... Tu
sais, je veux dire, c'est à cause de la façon que ça a été implanté au Québec,
mais, tu sais, il y a d'autres endroits dans le monde où est-ce que ce n'est
pas médicalisé comme ça. Tu sais, ce n'est pas : Tu vas voir ton médecin
puis il va t'offrir l'aide médicale à
mourir, là, c'est des trucs qui sont offerts par les maisons privées, c'est
fait au privé, et ce n'est pas
implanté ici comme au Québec, là. Ici, c'est comme imbriqué dans le système, et
ça devient un droit, puis il faut l'offrir.
Donc, comment ça dépend de ça, je ne sais pas,
là, c'est vraiment la façon qu'on a décidé d'implanter ça. Mais, comme les
médecins disaient avant moi, c'est sûr que d'offrir ça d'emblée à une
personne... tu sais, mettons que tu vas voir ton
médecin la première fois, puis le premier rendez-vous que tu as, puis il
discute d'un diagnostic, puis là il te dit tout de suite : On doit... on
peut traiter, on peut t'aider, mais aussi on peut offrir l'aide médicale à mourir... Moi, je pense que ça devrait attendre,
là, tu sais, peut-être discuter des options pour aider la personne à
pouvoir passer au travers, passer au travers de la crise initiale même d'un
diagnostic qui peut prendre quelques semaines, quelques mois, voire même
quelques années avant de s'adapter et, bon, après le choc initial, peut-être
discuter, tu sais, des autres options, hein? Mais oui...
Mme
Labrie : Est-ce qu'on devrait mettre à contribution des
personnes qui ont une maladie grave, incurable, des personnes qui vivent avec un handicap pour
élaborer des formations pour les professionnels de la santé, pour
justement les amener à développer les savoir-être par rapport à cette
transmission d'informations là?
M.
Marchand (Jonathan) : Je pense qu'il y aurait énormément d'éducation à
faire sur ce que c'est, le handicap, comment on peut s'adapter, tu sais,
d'avoir des références aussi, tu sais, de patients qui ont passé au travers.
Puis, tu sais, dans la communauté des personnes handicapées, on fait tous
souvent ça, là. C'est du soutien par les pairs pour justement montrer aux personnes qui ont des nouveaux diagnostics, bien,
comment... c'est quoi, les possibilités de vie après que tu as eu un
diagnostic que c'est possible, puis les médecins pourraient bénéficier,
justement, d'être pairés, là, avec d'autres personnes handicapées, qui
pourraient alors montrer qu'il y a des options, là, parce que souvent, moi,
quand je parle...
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M.
Marchand. Merci, M. Marchand. C'est tout le temps que nous avions.
Merci, Mme la députée. Je vous... Au nom des membres de la commission, encore
une fois, merci d'avoir pris part à nos travaux, d'avoir passé vos messages,
d'avoir également fait témoignage de votre situation. C'est très apprécié.
Et, sur l'heure, je suspends les travaux jusqu'à
demain, après les affaires courantes, si je ne m'abuse. Bonne soirée, Mmes les
élues.
(Fin de la séance à 19 h 44)