Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mardi 28 mars 2023
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Vol. 47 N° 7
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Gendron, Marie-Belle
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Blais, Suzanne
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Tardif, Marie-Louise
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Arseneau, Joël
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Schmaltz, Valérie
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Poulet, Isabelle
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Blais, Suzanne
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Prass, Elisabeth
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Poulet, Isabelle
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Tardif, Marie-Louise
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Bélanger, Sonia
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Bélanger, Sonia
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Poulet, Isabelle
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Picard, Marilyne
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Lecours, Lucie
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Gendron, Marie-Belle
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Picard, Marilyne
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Blais, Suzanne
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Blais, Suzanne
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Lecours, Lucie
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Caron, Linda
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Labrie, Christine
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Bélanger, Sonia
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Bélanger, Sonia
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Lecours, Lucie
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Poulet, Isabelle
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Schmaltz, Valérie
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Caron, Linda
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Poulet, Isabelle
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Bélanger, Sonia
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Lecours, Lucie
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Schmaltz, Valérie
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Lecours, Lucie
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Prass, Elisabeth
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Prass, Elisabeth
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
10 h (version révisée)
(Dix heures deux minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et
d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis), et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est
remplacée Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, je vais vous faire la
lecture de l'ordre du jour, nous allons entendre ce matin les personnes et les
organisations suivants : l'Association de paralysie cérébrale du Québec, l'Alliance
québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes
handicapées, ainsi que monsieur... le Pr Tim Stainton, accompagné du Pr Trudo
Lemmens.
Alors, pour l'heure, nous allons donc
commencer avec l'Association de paralysie cérébrale du Québec. Je vous présente
M. Joseph Khoury, qui en est le président. Alors, bienvenue, M. Khoury, à
la Commission des relations avec les citoyens. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, évidemment, vous présenter
également. Vont s'ensuivre ensuite les échanges avec la ministre ainsi que les
membres de la commission. Et le temps commence maintenant pour vous.
Association de paralysie cérébrale du Québec (APCQ)
M. Khoury (Joseph) : Mme la
Présidente, je vous remercie beaucoup. Mmes et MM. les députés, je voudrais
commencer cette participation à votre honorable commission par une phrase de
Paul Valéry : «Écrivez dans le temps, mettez en commun ce que nous avons
de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences.»
J'ai eu le privilège de constater, dans
plusieurs pays, que les décideurs et parfois les intellectuels se distancent de
la culture locale, des habitudes, de la morale, de la simple vision du monde,
mais surtout de la pensée réelle de cette personne vivant avec un handicap
physique qu'est la paralysie cérébrale. Cependant, j'ai eu le même privilège en
découvrant, dans de nombreuses civilisations d'autres pays, une harmonie totale
entre les sages intellectuels, les décideurs et les traditions du pays, surtout
le respect total de la mort, ce qui veut dire que la planète commence à avoir
besoin de beaucoup, beaucoup de sages pour assimiler à la fois la culture et
les croyances de la vie et de la mort, qui ne sont qu'un, comme la rivière et
la mer.
Participer à ce débat sociétal de se
prononcer pour décider le destin de la vie d'une personne ayant la paralysie
cérébrale, en quelques minutes, je pense que c'est comme celui que vous me
demandez aujourd'hui, de <remplir l'eau de...
M. Khoury (Joseph) :
...
minutes, je pense que c'est comme celui que vous me demandez aujourd'hui, de >remplir
l'eau du fleuve Saint-Laurent dans un verre ou à emprisonner le printemps du
Québec dans un tableau de peinture, ce qui est, à mon avis, techniquement et
pratiquement impossible.
Le projet de loi n° 11 modifiant la
Loi concernant les soins de fin de vie, qui permet aux personnes handicapées
gravement malades ou atteintes d'une maladie incurable d'avoir un avantage
d'accéder aux soins en formulant une demande d'aide médicale à mourir... Je
voudrais tout simplement, Mme la Présidente, clarifier que mes commentaires,
aujourd'hui, relèvent seulement des personnes ayant la paralysie cérébrale et
qui représentent presque 22 000 personnes au Québec, et c'est
beaucoup, en précisant que le plus grand nombre d'enfants naissant avec un
handicap, c'est avec la paralysie cérébrale. Et ce handicap arrive aussi même
avant la naissance, jusqu'à la première minute de l'accouchement, pour
accompagner l'enfant la vie durant.
Permettez-moi aujourd'hui de vous parler
du handicap, d'un état et non une maladie. On peut guérir une cellule malade,
mais on ne peut pas redonner vie, à date, à une cellule morte, et ce, malgré
l'avancement de la science et la lucidité intellectuelle instructive, morale et
courageuse de la personne atteinte. Une personne vivant avec la paralysie
cérébrale est aussi lucide que moi-même, à condition qu'il ne soit pas atteint
d'un trouble mental. Ce trouble, en général, représente un petit pourcentage
parmi nos membres.
• (10 h 10) •
Devant ce grand projet de loi géant, il
m'est impossible de me prononcer sur l'élargissement d'une façon unilatérale à
l'accès à l'aide médicale de mourir aux personnes lourdement handicapées. Par
contre, aux personnes vivant avec la paralysie cérébrale, c'est une question
qui doit être profondément analysée, directement, en lisant ce droit à la
personne elle-même de prendre sa propre décision et parfois accompagnée d'un
autre sage, le sage de notre introduction.
Étant donné que ce handicap n'est pas
dégénératif, d'une part... et, d'autre part, j'ai eu le privilège de discuter
avec la quasi-totalité des parents qui ont décidé de laisser tomber leur
travail pour accompagner quotidiennement la vie de leurs enfants qui sont leurs
étoiles, et ce, sans regret. Il est vital aujourd'hui de penser que ces
familles qui vivent des situations de vulnérabilité et de pauvreté très graves...
Il est aussi vital aussi de penser que leur vie quotidienne... pour une aide
financière mensuelle, pour qu'ils puissent continuer ce travail et s'occuper
directement de leurs enfants. Ils sont catégoriques qu'ils tiennent énormément
à garder leurs enfants, sans aucune forme de pensée, à côté d'elles, et aller
jusqu'au bout, parce qu'il y aura une maladie... il n'y aura pas de maladie
dégénérative en général qui va les empêcher ou qui va l'éloigner d'elles ou
d'eux pour aller vers une aide médicale à mourir.
Donc, je n'ai pas senti une réponse
positive d'aller de l'avant rapidement avec ce projet de loi n° 11 pour
aller vis-à-vis la décision qui sera prise par votre honorable comité. Je
pense, avec cette situation-là, le sage, dans son être ordinaire, pense plus
profondément et plus obstinément en exigeant d'user tous les moyens nécessaires
avant d'administrer la sédation palliative.
Nous sommes rendus dans un état grave dans
nos différentes sociétés. On banalise un des deux actes suprêmes de notre
existence, qui est la mort versus la vie, comme si on veut prendre la décision
hâtivement pour passer à autre chose en donnant des directives aux médecins
d'agir. De plus, je suis plus... qui suis-je pour décider le <destin de
cette...
M. Khoury (Joseph) :
...
aux médecins d'agir. De plus, je suis plus... qui suis-je pour décider le >destin
de cette personne qui demande de profiter des plaisirs de la vie, qui sont si
minimes? Ce qui me fait penser à une de nos membres, très lourdement handicapée
et même extrêmement lourde, qui s'est déplacée jusqu'à la Grèce pour présenter,
avec sa productrice, son court métrage sur la danse, dont elle était l'héroïne.
J'ai confiance aux travaux de la
commission, Mme la Présidente. Nous sommes un peuple ouvert au monde, qui
respecte la réalité du handicap. Mais, si je suis, d'une certaine façon,
favorable à ce projet de loi pour les personnes très gravement malades... à
condition que leur dignité soit protégée sans équivoque, en assurant un départ
dignement respecté.
À cet effet, je demande à la commission de
faire preuve de prudence vis-à-vis les personnes vivant avec la paralysie
cérébrale. Imaginez-vous ma propre mère dans le coma, suite à un ACV. Le
médecin, un ami d'école, me disait que maman allait nous quitter dans les
prochains jours, causé par la gravité de l'attaque. Maman s'est réveillée le
10e jour, est retournée à la maison, ensuite, pour revivre deux années et
demie et nous quitter, ensuite, à cause d'un accident technique lors d'une
légère opération à la hanche.
La décision de prendre ou de réfléchir en
s'en allant dans le projet de loi aura besoin des grands sages pour accompagner
la personne et informer la famille de la situation. Une situation hâtive sera
catastrophique pour la société et pour la personne elle-même.
Et je parle surtout des personnes lucides.
Je tiens à mentionner ce point. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé, dans
mon introduction, de s'entourer de ces sages pour mieux contrôler
l'élargissement à cette admissibilité aux personnes qui possèdent le contrat de
leur acte, et ce, malgré ce handicap physique qui les empêche d'agir.
Lors de la COVID, nous avons eu l'occasion
d'empêcher trois personnes d'aller vers l'acte extrême pour se départir de la
vie et nous avons réussi à les ramener à la vie, et aujourd'hui ils font partie
intégrante de notre société. Il y a souvent les émotions qui dépassent la
raison, et c'est laquelle... la commission n'aura pas le choix que de regarder
attentivement cette situation.
Mme la Présidente, membres du comité,
notre association a eu le privilège de signer, à l'UNESCO, à Paris, devant nos
diplomates canadiens, et québécois, et d'autres d'ailleurs, en la présence de
milliers de personnes présentes, une déclaration relative au droit et à la
dignité des personnes vivant avec la paralysie cérébrale. C'est pour cette
raison, nous demandons à la commission de venir en aide auprès des personnes
handicapées maintenant, pour soulager leurs souffrances physiques et leur
donner goût à la vie. Probablement, une telle situation pourrait les aider à
vivre en santé et à améliorer leur qualité de vie avant d'envisager d'autres
moyens de court terme.
Mme la Présidente, comme nous vivons dans
un monde complexe et affolant, se débarrasser d'un être cher pour se libérer,
pour céder la place à quelqu'un d'autre, pour ramasser ce qui reste à ramasser,
pour vivre en pleine liberté — hélas! quelle liberté — la
mort n'enlève que le contact et non la conscience, ni le regard, ni le sourire,
ni les souvenirs, chez les sages. Il est important de considérer que la mort
représente un symbole plus profond que le fond du sol de la planète et plus
haut jusqu'au ciel. Y a-t-il quelqu'un capable de mesurer ces deux distances en
hauteur et en profondeur? Sinon, personne n'est en mesure aujourd'hui de
mesurer la grandeur de la mort.
Membres du comité, vous êtes certainement
de ceux et celles qui peuvent comprendre l'importance et le véritable sens du
droit à la dignité. <Et peut-être...
M. Khoury (Joseph) :
...peuvent
comprendre l'importance et le véritable sens du droit à la dignité. >Et
peut-être sans le savoir, vous êtes ici aujourd'hui en écoutant les différentes
présentations de différentes personnes et groupes qui cherchent à transmettre
de l'affection, témoigner de la création, donner du courage aux personnes et
aux familles, parce qu'ils doivent surmonter des obstacles et redoubler
d'efforts, parce qu'il en faut pour vivre.
Votre rôle est si important. Vous aussi,
vous devez redoubler d'efforts pour tenir compte de la présence... de la
personne handicapée, que cette personne devrait participer à la vie de la
société avant de précipiter la préparation de son départ dans l'au-delà. Dans
un tel cas, la société en sortira sans aucun doute grandie, plus humaine et
plus démocratique pour le bien et pour l'équilibre de l'humanité, pour que le
soleil se lève à l'horizon, pour de meilleurs lendemains. Et je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Khoury, pour cette présentation. Ça
va susciter certainement des interrogations. Alors, on va commencer la période
d'échange avec les membres de la commission. Et, en tout seigneur, tout
honneur, on va commencer avec Mme la ministre. Vous avez une période de
13 min 24 s pour l'ensemble de la banquette. La parole est à
vous, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. M. Khoury, bienvenue à notre commission. Merci pour votre
présentation, pour votre éloquence. C'est vraiment intéressant de vous entendre.
Puis effectivement, vous avez tout à fait raison, nous avons un rôle important,
dans ce projet de loi, de bien entendre les différents points de vue.
Et, dans ce contexte-là, j'ai cru
comprendre dans votre exposé, et je vais... je vous cite, mais vous me direz,
là, si je n'ai pas bien compris. Vous dites, d'une certaine façon que vous êtes
favorable, pour les personnes ayant une maladie grave et incurable, mais je
comprends que vous ne souhaitez pas vous prononcer pour les personnes ayant un
handicap ou un handicap neuromoteur et/ou, naturellement, le groupe que vous
représentez qui sont les personnes ayant une paralysie cérébrale. Est-ce exact?
M. Khoury (Joseph) : Exactement.
• (10 h 20) •
Mme Bélanger : Maintenant,
vous le savez que le projet... la loi sur les soins de fin de vie est quand
même en vigueur au Québec depuis 2015. Ce n'est pas une nouvelle loi, OK? Et
vous savez aussi qu'au niveau canadien le Code criminel canadien a inclus la
notion de handicap et de trouble mental. Alors, au Québec, on met à jour, d'une
certaine façon, notre loi qui existe déjà depuis plusieurs années, et nous
avons intégré la notion de handicap neuromoteur, justement, pour éviter, je
dirais... mettre certaines balises et pour éviter que cet... que l'aide
médicale à mourir soit vraiment, là, pour des personnes vivant différentes
situations de handicap. Ça fait qu'on est venus restreindre, au Québec.
Et, dans le fond, ce que vous nous dites,
c'est que, pour les personnes ayant la paralysie cérébrale, vous croyez que...
dans le fond, le message que vous nous dites, c'est... organiser les services,
faire en sorte de soutenir les parents, les proches aidants, bien organiser les
services puis éviter à tout prix d'aller dans ça. Est-ce que c'est ça?
J'aimerais vous entendre un peu plus, là, pour les personnes avec une paralysie
cérébrale.
M. Khoury (Joseph) : Vous
avez très bien décortiqué, Mme la ministre, ce que je venais de dire. Et je
tenais à vous dire, même dire au comité, que je représente les 22 000 personnes
vivant avec la paralysie cérébrale. On connaît très bien les conséquences, une
personne vivant avec la paralysie cérébrale, et la spécificité intellectuelle,
et la lucidité... qui est en mesure, cette personne, de prendre une décision
advenant une... qu'un jour on va arriver à ce stade de fin de vie. Mais la <majorité
de nos cas...
M. Khoury (Joseph) :
...qu'un
jour on va arriver à ce stade de fin de vie. Mais, la >majorité de nos
cas, nos membres vivent d'une façon normale, sauf ce handicap neuromoteur, et
ils sont d'une lucidité capable d'agir jusqu'au bout, parce que nous n'avons
pas... ce n'est pas une maladie, la paralysie cérébrale, c'est un état, c'est
un handicap.
Donc, moi, ici, je suis venu représenter
leur point de vue, parce que, paraît-il, quelqu'un m'a dit, on sent qu'il y a
une certaine précipitation dans la décision finale. Et nous autres, là, on ne
vit pas une maladie, on vit un handicap. C'est la raison pour... de la partie,
au niveau des maladies, j'ai dit mon engagement et mon approbation, une façon
pour ces personnes qui vivent avec une maladie dégénérative et qui vont partir
d'une façon précipitée, qu'ils soient... qu'ils partent dans la dignité.
Et pour les personnes handicapées, ils
demandent de s'approfondir encore dans le sujet, avant de prendre... avant de
les engager, les personnes vivant avec la paralysie cérébrale, avec d'autres
handicaps. Comme la partie mentale, les personnes vivant avec le handicap
mental, la situation est différente, ils préfèrent qu'on agisse d'une façon
différente avec les personnes ayant une lucidité intégrante dans leurs... les
propres décisions et les séparer d'autres particularités qui relèvent d'autres
handicaps. C'est tout simplement ça.
Mme Bélanger : M. Khoury,
comme président de l'Association paralysie cérébrale Québec, avez-vous eu l'occasion
de parler avec vos vis-à-vis de d'autres associations, de d'autres provinces
canadiennes ou de d'autres pays?
M. Khoury
(Joseph) :
...pardon,
la question. Donc, en 2019, nous avions organisé le premier congrès
pancanadien, et toutes les associations étaient présentes, au Québec, pour
développer un réseau pancanadien. Et nous parlons souvent... mais durant la
COVID, malheureusement, les contacts étaient coupés. Oui, nous sommes en
contact avec eux, mais nous parlons souvent avec nos membres, avec la
quasi-totalité des membres et des parents. Et nous avons créé récemment... pour
aller de l'avant dans votre... pour répondre à votre question, au niveau du
Québec, nous venons de lancer notre propre chaîne de télévision, Télé Handicap,
le 21 janvier. Vous trouverez... sur YouTube, et les émissions
commenceront le 8 avril pour parler avec... pas seulement de paralysie
cérébrale, de tous handicaps confondus.
Mme Bélanger : D'accord.
Merci beaucoup, M. Khoury.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, M. Khoury, on va
poursuivre avec... Est-ce que j'ai des questions du côté... Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Gendron : Bonjour. Merci,
Mme la Présidente. Merci d'être avec nous ce matin. En fait, je voulais savoir
si vous aviez été mis au courant ou, enfin, interpelé du fait que certains de
vos membres de votre organisme désirent recevoir l'aide à mourir?
M. Khoury (Joseph) : Oui,
j'ai eu l'occasion de parler avec beaucoup... même avec les membres du conseil
d'administration, et je n'ai pas eu... peut-être il doit y avoir quelques
personnes, mais on n'a pas eu l'occasion de recevoir un message direct de nos
membres qui désirent avoir... Et je suis conscient de cette réalité, il
pourrait y en avoir. Mais moi, je vous parle... une idée générale relative à ce
handicap neuromoteur, à cette lucidité qui relève d'un membre vivant avec la
paralysie cérébrale. Il peut y en avoir, je suis conscient de ça.
Mme Gendron : OK. D'après
vous, de quelle façon pourrait s'exprimer leur désir d'avoir l'aide à mourir?
De quelle souffrance pourraient-ils... pourraient-ils avoir afin de demander
l'aide à mourir?
M. Khoury (Joseph) : ...quand
on arrive à un stade final, il faut dire la vérité, il y a un stade final dans
la vie, et on voit la réalité. J'ai demandé, quand j'ai parlé au niveau des
sages, les personnes sages, intellectuels et décideurs, il y aura les
possibilités aussi, en parlant avec les parents qui ont donné leur vie à leurs
enfants, d'agir peut-être dans cette voie. Ça, je n'ai pas une réponse à vous
donner aujourd'hui parce que je n'ai pas reçu la réponse personnellement, mais
ça pourrait être une possibilité. J'en suis conscient, mais je ne peux pas la
confirmer au nom de l'association.
Mme Gendron : Je comprends.
Merci. Est-ce que j'ai des collègues qui veulent poser d'autres questions?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'ai la députée <d'Abitibi-Ouest
qui va...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, Mme la députée. J'ai la députée >d'Abitibi-Ouest
qui va poursuivre avec vous, M. Khoury. La parole est à vous, madame.
Mme Blais : Bonjour, M.
Khoury. Merci de la belle présentation. Vous êtes un sage. Vous représentez
22 000 personnes, alors, bravo pour le travail que vous faites.
Lorsqu'on parle de paralysie cérébrale, chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, on
a un bel exemple qui est Rémy Mailloux, sûrement que vous le connaissez, de la
Ressource, qui fait un travail exceptionnel, qui a fait son MBA, qui est père,
grand-père. Alors, c'est un bel exemple pour la paralysie cérébrale.
À ce que je constate, lors de votre
présentation, vous nous dites que vous avez des grandes inquiétudes, entre autres,
au niveau neuromoteur. Est-ce que, selon vous, on devrait enlever le type
neuromoteur, handicap neuromoteur, selon vous, pour une protection?
M. Khoury (Joseph) : Non. Votre
question, ça, c'est de la sémantique. Vous savez, la linguistique sémantique,
on peut changer... on peut donner une définition à chaque mot à notre manière.
Et moi, ma façon de penser, avec toute la sagesse que vous possédez tous, je ne
voudrais pas qu'on joue avec les mots, avec les adjectifs. Allons dans le fond.
Que ce soit un neuromoteur, que ce soit
autre mot, ça ne va pas donner la joie de vivre à nos membres qui sont en
attente et qui vivent une vulnérabilité et une pauvreté, aussi, probablement.
Étant donné que je suis en fonction de parler de la nouvelle science qui est la
nanotechnologie, on est conscient que les maladies, les maladies graves se
développent avec la transformation des cellules, comme le cancer. Une petite
cellule qui bifurque à l'envers, elle va se multiplier, elle va donner... elle
va ouvrir la voie à tous les cancers. Heureusement qu'on réussit à donner des
résultats exceptionnels et à guérir, mais une cellule handicapée, morte, on ne
peut pas... on ne peut rien faire avec ça.
C'est la raison pour laquelle, je ne sais
pas, moi, je n'irai pas dans les adjectifs et dans les définitions des termes, j'irai
dans les actes et agir avec une sagesse. Vous êtes tous des sages. Là où vous
êtes aujourd'hui, c'est d'aller de l'avant, peut-être, pour donner une aide
supplémentaire, que cette personne retourne à une vie normale, non stressée. À
tous les jours, il va se réveiller, il vit en panique, il manque ça, il lui
manque ça. Bien, ça va diminuer la gravité d'un développement d'une cellule
cancéreuse, ou autres, là, et va lui donner une belle vie. Et peut-être il va
vieillir... surtout qu'une personne vivant avec la paralysie cérébrale va
vieillir comme nous, comme une personne valide. Il n'est pas menacé par un
vieillissement maladif, par exemple. C'est la raison pour laquelle j'ai
dit : Les neuromoteurs, c'est un terme qui relève de la législature, mais
je ne m'engagerai pas là-dedans, c'est un terme technique. On sait c'est quoi,
un neuromoteur, pour les personnes vivant avec la paralysie cérébrale.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Dr Khoury.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, M. Khoury, on va
poursuivre les discussions avec la députée de Westmount—Saint-Louis. Vous allez
disposer d'une période d'un petit peu plus de 12 minutes.... 10 min 24 s,
on vient de me recalculer le temps, donc, 10 min 24 s pour vos
interventions. Allez-y.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bon matin, M. Khoury, un plaisir de vous avoir avec nous.
Merci pour votre témoignage et de partager. Je reflète l'opinion de mes
collègues, vous avez partagé votre position avec beaucoup de justesse, c'était
très clair.
Je veux vous entendre en ce qui concerne
la notion d'aptitude, parce que, quand on parle des personnes qui souffrent
d'une... paralysie...
Une voix : ...
Mme Maccarone : ... — oui,
merci — cérébrale, souvent, ces personnes, vous l'avez dit aussi,
peuvent souffrir des problèmes neurologiques, alors... et puis ça, ça n'empêche
pas cette personne à souffrir. Parce que l'autre angle que je souhaite explorer
avec vous, c'est la notion de souffrance. Vous l'avez aussi soulevé.
Comment voyez-vous l'accompagnement d'une
personne? Parce qu'on souhaite évidemment, lors d'une adoption de la loi, que ce
soit uniquement des personnes qui sont aptes à consentir à une demande de
l'aide médicale à mourir... pourra poursuivre avec cette demande, que ce soit
une demande anticipée, une demande anticipée mise à l'œuvre. Mais comment
voyez-vous l'accompagnement d'une personne qui souffre, peut-être, d'une
paralysie cérébrale? Où son aptitude peut varier? Comment voyez-vous notre
accompagnement d'une personne qui peut aussi souffrir?
M. Khoury (Joseph) : ...terme
«souffrir», je vais commencer avec ça. Souffrir d'une... souffert... La
souffrance qui <relève d'une personne vivant avec la paralysie
cérébrale...
>
10 h 30 (version révisée)
< M. Khoury (Joseph) :
...le
terme «souffrir», je vais commencer avec ça. Souffrir d'une... souffert... La
souffrance qui >relève d'une personne vivant avec la paralysie cérébrale
n'est pas la même souffrance qu'une personne qui est malade dans une maladie
incurable. La souffrance, on l'a vécue durant la COVID, c'est que cette
personne, à cause du confinement, était obligée... Premièrement, il reprend de
l'obésité à cause qu'il est assis tout le temps sur son fauteuil roulant. Il n'a
pas pu sortir, donc il développe des douleurs musculaires. Ce n'est pas des
douleurs maladives. C'est la raison pour laquelle cette personne, on a trouvé
une solution et un financement pour alléger cette souffrance physique, je
dirais, là, au niveau musculaire, et autres, avec des physiothérapeutes, avec
des ergothérapeutes, avec des massothérapeutes... (panne de son) ...situation
de fin de vie en premier lieu.
Deuxièmement, accompagner un enfant vivant
avec... ou un adulte, maintenant, vivant avec la paralysie cérébrale, nous, on
a réussi à trouver des situations, si c'est possible, on a demandé... on va
demander probablement au gouvernement, prochainement, à la veille de notre 75e anniversaire,
si c'est possible de faire passer un projet de loi pour venir en aide aux parents
pour qu'ils puissent accompagner leurs enfants.
Nous avons... comme je disais aussi dans
ma présentation, il y a beaucoup de parents qui ont laissé leur travail pour
rester avec leur... et ça, c'est un projet d'accompagnement incroyable et
impressionnant, et les enfants ne demanderaient pas mieux, parce que c'est l'amour
qui va se conjuguer avec l'amour.
Mme Maccarone : Merci. Merci
pour le partage. Je sais qu'on a des gens qui nous écoutent, alors, en espérant
que cette demande portera fruit. Le rôle de le tiers de confiance dans les
demandes anticipées... parce qu'il y a du monde qui sont aptes, qui souffrent d'un
problème de paralysie cérébrale, qui feront peut-être une demande anticipée,
parce que, dans les... on prévoit une souffrance qui va être accrue. Alors,
comment voyez-vous le rôle de le tiers de confiance qui va accompagner cette
personne?
M. Khoury (Joseph) : Je l'ai
dit au départ, la décision viendra de la personne elle-même, pour prendre la
décision, et nous l'accompagnerons.
Mme Maccarone : Mais le rôle
de le tiers de confiance, c'est souvent la personne... rendu où cette personne
serait peut-être inapte et pas capable de s'exprimer parce que la souffrance
est trop grande ou les problèmes neurologiques sont trop avancés. Alors, le
rôle de le tiers de confiance, ce serait un accompagnateur, dans le sens que ça
peut être la personne qui lève la main pour déclencher le processus, pour dire :
Suite à la demande que mon enfant a entamée, mon enfant majeur, je crois que
nous sommes rendus à un point où nous devons déclencher le processus d'évaluation
pour poursuivre avec une demande de l'aide médicale à mourir. Et je pense que
votre réponse à cette question est très importante et très pertinente, parce
que, souvent, on parle d'une personne qui n'est pas âgée, on ne parle pas d'une
personne qui souffre d'Alzheimer. Alors, souvent, c'est un parent qui s'occupe
d'un enfant majeur, et on ne veut surtout pas que les gens qui, pour toutes
sortes de raisons, poursuivent avec un déclenchement d'un processus parce qu'ils
trouvent que cette personne est un fardeau ou la personne elle-même trouve qu'elle
est un fardeau de responsabilité.
Alors, comment voyez-vous le rôle de ce
tiers de confiance, qui est un rôle essentiel? Est-ce que ça devrait être un
proche? Est-ce qu'on devrait éviter que ce soit un proche puis que ce soit un
professionnel dans le réseau de santé, par exemple? Comment voyez-vous cet
accompagnement?
M. Khoury (Joseph) : Vous
savez, vous avez parlé de deux points très importants. Nous, ces catégories, de
notre part, cette personne vivant avec la paralysie cérébrale, le moment où
elle va arriver... vous avez parlé... (panne de son) ...à verbaliser les mots.
Mais nous, en majorité, l'état de nos membres... (panne de son) ...et nous
avons réussi à les comprendre dès leur jeune âge, et ça va continuer jusqu'à la
vieillesse, avec la même façon de parler. Donc, on réussit à capter... même,
parfois, on peut capter ce qu'ils ont à dire avec leur tableau de bord. Avec
quelques mots, on peut former une phrase. Pour ça, ce n'est pas un problème.
Mais pour l'accompagnement, et vous avez donné aussi un exemple sur l'alzheimer...
moi, j'ai un ami, qui est ancien vice-recteur d'université, et il a lâché tout
pour <accompagner...
M. Khoury (Joseph) :
...un
ami, qui est ancien vice-recteur
d'université, et il a lâché tout pour >accompagner
sa femme... il m'a dit... qui a l'alzheimer. Il a tout lâché et il m'a
dit : Joseph, ma femme n'est pas malade, elle est handicapée d'Alzheimer...
et ce qui m'a fait réfléchir parce que cet handicap est venu au niveau des
neurones.
Donc, comment l'accompagner? Bien, pour
répondre au dernier point, c'est tout à fait normal, nos membres font partie
intégrante. L'association appartient à nos membres. Nous ne sommes que des
gestionnaires, nous autres, là, mais on facilitera toutes les... on prendra
toutes les mesures nécessaires pour l'accompagner, que ce soit par un
accompagnateur... et surtout, on a demandé de faciliter la tâche et d'aider les
parents pour qu'ils puissent garder leurs enfants, ne pas les laisser dans une
société indifférente. Et maintenant, quand on réussit à ramasser la famille, à
conjuguer la vie familiale entre maman et enfant ou papa et enfant, je pense
que la suite sera très facile à réaliser, pour répondre à votre question.
Mme Maccarone : Je vous
entends, le continuum de soins, l'accompagnement des proches aidants est très
important. Puis je suis d'accord, je pense que tout le monde est d'avis, est
d'accord ici qu'on ne souhaite pas qu'il y a du monde qui... des citoyens qui
demandent d'avoir accès à l'aide médicale à mourir par manque de soins. Alors,
nous avons un rôle, comme législateurs, de s'assurer que les soins sont au
rendez-vous... que ce soit au niveau de soins palliatifs qui sont souvent très
méconnus. Un soin palliatif, comme nous avons entendu la semaine passée, ce
n'est pas nécessairement pour les personnes en fin de vie, ça peut être pour
autres choses, pour aider des personnes qui souffrent de gérer leur souffrance
et d'en sortir pour ne plus être dans une position où ils souhaitent avoir
accès à l'aide médicale à mourir.
Alors, je vous entends et je suis d'accord
qu'il faut en faire plus pour accompagner nos parents, surtout proches aidants,
qui s'occupent d'un enfant majeur lourdement handicapé, c'est du non-sens
qu'une famille d'accueil est mieux rémunérée qu'une famille naturelle quand on
parle de le placement de cette personne qui a besoin d'avoir une surveillance
24 heures sur 24. Alors, je vous remercie d'avoir fait votre intervention.
Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 1 min 30 s.
Mme Maccarone : 1 min 30 s.
Au niveau de le formulaire, M. Khoury, parce que ça reste que, pour des
demandes anticipées, il y aura quand même un formulaire que nous aurons... nous
allons demander au demandeur de remplir. Avez-vous des recommandations à ce
niveau comme accompagnement pour les personnes qui pourront peut-être... parce
que vous avez dit qu'il faut quand même respecter l'autonomie de choix. Ça se
peut qu'on va avoir du monde qui souffre, qui feront une demande malgré leur
diagnostic qui est un... pas une maladie mais un handicap. Alors, comment voyez-vous
le formulaire? Est-ce que ça devrait être notarié? Est-ce que ça devrait être
un formulaire qu'on remplit avec le tiers de confiance, avec un médecin, avec
un avocat? Comment voyez-vous cet accompagnement?
• (10 h 40) •
M. Khoury (Joseph) : Ça,
c'est une question extrêmement législative. Moi, j'ai lu quelque chose avant
d'aller de l'avant dans cette présentation qui était basée sur ma raison et sur
mes sentiments. Je n'ai pas voulu aller dans les détails, ce qui a été dit
ailleurs. J'ai jeté un coup d'oeil, je ne vous le cache pas, mais quand tu vis
la situation d'une personne vivant avec la paralysie cérébrale depuis
22 ans, j'ai été honoré d'avoir été choisi parce qu'ils m'ont fait
apprendre le vrai sens de la vie. C'est à travers eux que je me suis... j'ai
réussi à voir mon image... (panne de son) ...à midi... (panne de son). Et c'est
dans... (panne de son) ...peux pas aujourd'hui de quelle façon je dois... (panne
de son) ...la décision que ce soit... (panne de son) ...notarié, un formulaire.
Je pense que c'est une question qui relève de vous, à condition qu'elle soit
simple parce que, pour une personne handicapée, la personne handicapée n'a pas
besoin de lire des pages, n'a pas besoin d'aller dans les projets de loi, dans
les articles, dans les sous-articles. Elle a besoin de lire pour comprendre.
Nos personnes handicapées ont la facilité de comprendre et d'agir, et on a...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Khoury. Je suis désolée, je suis la
gardienne du temps. Le temps imparti à l'opposition officielle est terminé. Je
vais maintenant me retourner du côté de la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme la députée, vous bénéficiez d'une période de 3 min 28 s pour
vos échanges avec M. Khoury, allez-y.
Mme Tardif : M. Khoury,
tout d'abord, je veux vous remercier. J'ai entendu un message extrêmement
lumineux de votre part et qui nous ramène au sens, au vrai sens de la vie, quand
vous dites que ces gens-là ne sont pas <malades...
Mme Tardif :
...de
votre part et qui nous ramène au sens, au vrai sens de la vie, quand vous dites
que ces gens-là ne sont pas >malades, qu'elles sont aussi intelligentes
que vous et que nous, et qu'à quelque part c'est peut-être de notre côté qu'on
devrait avoir une ouverture plus grande pour essayer de les comprendre et de
les inclure, et que ce ne sont pas des personnes qui souffrent physiquement,
mais que leurs états sont des états qui les amènent à un dépassement de l'âme,
je dirais, à une autre dimension qu'on oublie trop souvent.
Donc, sincèrement, merci. Merci. Merci
d'être venu nous donner ce témoignage-là. Et je comprends aussi que... puisque
vous les voyez tout à fait d'une façon lumineuse, que vous ne souhaitez pas que
ces gens-là soient inclus dans le projet de loi, que vous ne souhaitez pas que
ces personnes-là soient incluses, à moins qu'elles aient des souffrances
dégénératives, intolérables, etc., etc.
Ma question est : Est-ce que vous
croyez que le système de santé actuel est apte, est prêt à les comprendre, à
saisir leur message? Parce que vous l'avez dit, et c'est le sens du projet de
loi, de l'extension du projet de loi et du projet de loi actuel, c'est le
respect de la dignité humaine, c'est le respect du choix de la personne. Est-ce
que notre système médical comprend ces gens-là et qu'est-ce qu'on doit faire?
M. Khoury (Joseph) : Mme la
députée, votre question est très pertinente. N'oublions pas que nous vivons
dans une société de droit, dans une société démocratique et dans une société
qui respecte la dignité des personnes.
Maintenant, devrais-je parler d'un système
médical? Pourtant, j'ai fait un travail au niveau du rayon X miniaturisé
et je suis entouré de médecins. J'ai des grands amis... il y a mon deuxième
vice-président qui est médecin. Il y a aussi un spécialiste, un professeur
d'université qui travaille au niveau du handicap, donc... Mais qui suis-je
aujourd'hui pour donner mon opinion sur un système qui fait beaucoup de choses
pour nos citoyens?
Moi, je peux me permettre de dire, après
avoir visité... je ne dis pas ça pour influencer personne, je suis très terre à
terre, je suis une personne très terre à terre. (Panne de son) ...ce droit... (panne
de son) ...possibilité de voyager partout. Ce que nous avons ici, nous sommes
fiers... (panne de son). Avec toutes les générations... (panne de son) ...sur
un stade, sur une position qui jalouse beaucoup de sociétés.
Mais que faut-il faire avec... Il y a
toujours des failles partout. Je pense, pour ce projet de loi... J'ai lu
quelque chose au niveau du Collège des médecins et je connais la position du
Collège de médecins. Ce ne serait pas à moi de critiquer ou de faire des
louanges. Moi, ce qui m'intéresse le plus... (panne de son) ...très pertinente,
elle est vraiment intéressante, c'est un sujet vraiment intéressant, mais je ne
pourrai pas donner mon opinion directement. Il y a des bons médecins, il y a
des moins bons médecins, il y a des bons ingénieurs, des bons cordonniers, des
moins bons. On est une société qui réserve tout, mais au moins, il y a ce
respect vis-à-vis la démocratie et la dignité. Nous sommes...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Khoury. Je dois malheureusement,
encore une fois, vous couper, mais ce n'est pas terminé. On va poursuivre et
terminer, en fait, cette première ronde avec le député des Îles-de-la-Madeleine,
pour une période de 2 min 38 s, questions et réponses incluses,
s'il vous plaît. Merci beaucoup. Le temps est à vous, M. le député.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci, M. Khoury, pour votre présentation. On comprend
que c'est très important pour vous, et à la défense de vos
22 000 membres, de faire un appel à la dignité, au respect des
personnes et du choix de la condition qui... dans laquelle ils vivent. Et, en
toute connaissance de cause, là, ils doivent et peuvent participer, évidemment,
là, à part entière, là, évidemment, à la société.
J'ai décelé, dans vos <propos...
M. Arseneau :
J'ai
décelé, dans vos >propos, un appel à la prudence et à prendre le temps.
J'aimerais comprendre ce que vous voulez passer, de façon plus spécifique,
comme message à la commission qui, actuellement, étudie le projet de loi.
Qu'est-ce que ça veut dire, si j'ai bien
compris votre message, pour nous qui devons étudier un projet de loi, et
particulièrement en ce qui concerne la notion du handicap neuromoteur ou du
handicap, qu'est-ce que ça veut dire, prendre son temps?
M. Khoury (Joseph) : Vous
savez, un projet de loi, c'est le symbole de la démocratie et de l'avancement
d'une société quand il devient loi. Ça veut dire, il y a une décision
majoritaire, c'est une décision démocratique. La prudence dans... chaque jour,
on a besoin, avant de faire un acte, d'être prudent pour ne pas tomber dans la
faute, dans une faille. Imaginez-vous quand on parle de la vie et de la mort,
qui sont, pour moi, les deux actes suprêmes de l'existence, comment voulez-vous
que j'avance mon opinion? Et je vois actuellement différentes opinions,
différents sujets qui se développent, que ce soit à la télévision, dans les
journaux, avec des opinions différentes. Et on aura besoin des sages, d'être
prudent, peut-être se concentrer sur la bonne façon de gérer ce projet de loi
pour qu'il devienne loi dans le respect total de la dignité humaine.
M. Arseneau : Je comprends
que... dans vos propos, que vous souhaitez qu'on atteigne le plus large
consensus possible pour que l'ensemble de la société québécoise puisse évoluer
au même rythme dans cet aspect-là qui est très délicat. C'est bien ce que je
dois comprendre?
M. Khoury (Joseph) : Et
inviter aussi... j'ajouterai aussi un mot important, inviter des personnes
handicapées de participer à ce débat.
M. Arseneau : Je vous
remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député.
Alors, M. Khoury, c'est ce qui met
fin à cette rencontre avec vous. Merci beaucoup pour votre exposé, les réponses
pertinentes à nos questions, aux questions des membres de la commission. Il me
reste à nouveau à vous dire... à vous saluer pour une bonne journée.
Et puis à nous, les membres de la
commission, alors nous allons suspendre jusqu'à l'installation du prochain
groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 54)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens va reprendre ses travaux.
Alors, nous recevons l'Alliance québécoise
des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.
Alors, Mme Tremblay, M. Berger... Mme Tremblay, qui est
directrice, et M. Berger, qui est collaborateur, bienvenue à la
commission.
Alors, vous allez disposer d'une période
de 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous demande aussi, évidemment,
de vous présenter, et ensuite la période d'échange va commencer avec les
membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Alliance québécoise des regroupements régionaux
pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)
Mme Tremblay (Isabelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. Mon nom est Isabelle Tremblay. Je suis la directrice de
l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des
personnes handicapées et je suis accompagnée de M. Pierre Berger, qui est
un collaborateur à l'AQRIPH.
Pour la présentation de notre mémoire
aujourd'hui, je vais vous référer à notre mémoire sur des aspects plus
techniques, mais aujourd'hui on voudrait attirer votre attention sur trois
enjeux particuliers qu'on a relevés dans le mémoire et qui ont fait en sorte
qu'on vous a présenté quatre recommandations.
Alors, les trois enjeux sont les suivants :
sans surprise, la... le terme «handicap neuromoteur»; le second enjeu va nous
permettre de vous parler de l'accès aux services pour les personnes handicapées
et les familles; et finalement on voudrait vous entretenir sur les personnes
mineures et les personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Alors, allons-y pour le concept de
handicap neuromoteur. Nous, on a pris l'analyse du projet de loi sous l'angle
qu'il fallait vraiment soulager les souffrances des personnes, qui étaient
constantes et insupportables et surtout pour lesquelles il n'y avait pas moyen,
là, d'apaiser, là, ces souffrances-là. Alors, sans discrimination face à tous
les citoyens du Québec, c'est l'angle qu'on a pris quand vous avez déposé, là,
le projet de loi, Mme la ministre.
On a constaté qu'il y avait quand même des
risques d'inclure le handicap neuromoteur dans le projet de loi parce qu'il n'y
a pas de définition en tant que telle et que ça peut porter à interprétation.
J'ai <entendu...
Mme Tremblay (Isabelle) :
...parce
qu'il n'y a pas de définition en tant que telle et que ça peut porter à
interprétation. J'ai >entendu à plusieurs reprises, pendant les travaux
de la commission, des questionnements que vous avez faits à plusieurs
représentants : Qu'est-ce que vous entendez par handicap neuromoteur?
Alors, quand on ne s'entend pas sur une définition, qu'est-ce que ça amène? Ça
amène des problèmes au niveau de l'interprétation de cette définition-là. Et
qui va être pris avec l'interprétation? Bien, ce sont les professionnels qui
vont devoir administrer l'aide médicale à mourir.
Et vous avez entendu le Collège des
médecins aussi. Qu'est-ce que va faire un médecin quand il va être devant une
personne et qu'il va se dire : Est-ce qu'elle a vraiment un handicap
neuromoteur ou, si elle n'entre pas dans la définition de la loi, qu'est-ce que
je fais avec cette personne-là? Je lui administre... je fais en sorte
d'administrer l'aide médicale à mourir ou pas? Est-ce que je peux avoir des
poursuites judiciaires en responsabilité médicale? Donc, c'est tous des
questionnements qu'on peut éviter quand on n'a pas ce genre de définition là
qu'on... puis que tout le monde interprète et que personne ne définit
clairement.
Et ce que ça peut faire aussi, c'est que
ça peut amener de l'ouverture à des recours devant des tribunaux. Eh bien, moi,
je suis avocate de formation et puis j'aime beaucoup les tribunaux, hein, j'ai
fait 10 ans de ma vie en pratique privée. Par contre, j'aime beaucoup
aussi le fait que, depuis 25 ans, je dirige un organisme et je participe à
l'élaboration des projets de loi en commission parlementaire. Et je pense que
c'est vraiment plus aux législateurs de rédiger les lois. Ce n'est pas aux
tribunaux de le faire, et c'est avec les citoyens, comme vous le faites présentement
en commission. Donc, je pense que c'est important qu'on définisse nous-mêmes
c'est quoi, plutôt que de se le faire imposer, là, par les tribunaux.
J'aimerais attirer votre attention que,
quand on est restrictif dans une loi, bien, ça amène des exclusions. Puis,
quand on parle d'exclusion dans une loi, bien, c'est sûr qu'on parle de
compromission des droits. Alors, c'est pour ça que nous, notre position est à
l'effet qu'on ne devrait pas avoir le terme «handicap neuromoteur» dans la loi,
retirer complètement ce concept-là. Et je veux juste réitérer, comme d'autres
l'ont fait dans le cadre des travaux de la commission, que, pour nous aussi, il
s'agit d'un paternalisme médical et que ça donne au projet de loi une portée
excessive.
Notre plus grande crainte va évidemment
aller vers les personnes handicapées. Vous avez suivi la saga judiciaire de
Mme Gladu et M. Truchon, qui se sont fait dire : Bien, vous avez
d'autres moyens, vous pouvez vous suicider, vous êtes autonome. Alors, c'est
inadmissible, la juge Baudouin l'a dit dans son jugement aussi, on n'est pas
dans une société où on peut tolérer de tels propos en disant aux gens qui ne
sont pas admissibles, qui n'entrent pas dans la définition de handicap
neuromoteur : Bien, vous pouvez toujours aller vous... vous pouvez
toujours vous suicider, vous pouvez toujours faire une grève de la faim pour en
finir avec vos jours. Donc, ça, on veut vraiment l'éviter. C'est pour ça que
notre recommandation est à l'effet, la recommandation 1, de retirer la
terminologie «handicap neuromoteur» pour inclure tous les citoyens du Québec.
Je vais y aller brièvement sur l'accès aux
services. On s'est questionné si, au-delà du biomédical, notre société était
prête à cet élargissement de l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'elle a les...
notre réseau de la santé et des services sociaux a les capacités de faire face
à tous les services et les... qu'ils vont devoir rendre auprès des personnes et
des familles? Donc, les personnes handicapées, déjà, c'est des fois un petit
parcours du combattant, là, d'être dans le réseau de la santé puis d'être
adéquatement informées et accompagnées. Dans le cadre de l'aide médicale à
mourir, où c'est un sujet qui est quand même très, très, très éthique et très
personnel, où il y a beaucoup d'émotivité, est-ce qu'on va savoir accompagner
adéquatement les personnes handicapées?
• (11 heures) •
Donc, on a un souci pour qu'elles puissent
exercer le libre... leur libre choix adéquatement, parce que, pour nous, là, à
l'AQRIPH, là, le libre choix, là, c'est vraiment majeur comme enjeu, là, au
niveau des droits des personnes. Donc, on veut que les personnes soient bien
informées, qu'elles soient bien accompagnées. Donc, est-ce que notre... nos
professionnels dans le réseau de la santé sont adéquatement formés pour
accompagner les personnes elles-mêmes? Bien, on se pose un peu de questions
avec ce qu'on entend, là, des fois, sur la manière dont sont accompagnées
actuellement les personnes.
Et vous savez, on a lu récemment dans les
journaux l'histoire de quatre anciens combattants qui ont été incités à
utiliser... à faire appel à l'aide médicale à mourir. Et ça, on ne veut
absolument pas que ça existe dans notre société que... parce qu'une personne
est handicapée, qu'on va l'inciter, par manque de connaissances, à utiliser
l'aide médicale à mourir. Ça fait qu'on veut s'assurer, avec notre
recommandation n° 2, que le personnel qui va
travailler avec les personnes, qui va les accompagner, soit bien formé pour
accueillir, accompagner et, au besoin, recommander des organismes
communautaires ou d'autres ressources pour que ces personnes-là puissent avoir
accès aux services.
On a un souci aussi pour les familles et
les proches des personnes handicapées. Est-ce que ces personnes-là vont avoir à
vivre des nouveautés avec l'aide médicale à mourir, l'élargissement? Sûrement, parce
que ça donne <ouverture à des jeunes personnes handicapées qui vont
pouvoir demander l'aide médicale à mourir qui ne seront...
>
11 h (version révisée)
< Mme Tremblay (Isabelle) :
...l'élargissement
sûrement, parce que ça donne >ouverture à des jeunes personnes
handicapées qui vont pouvoir demander l'aide médicale à mourir, qui ne seront
pas en fin de vie.
Alors, est-ce qu'on va... est-ce qu'on a
ce qu'il faut dans notre réseau actuellement pour accompagner les familles?
Bon, ce n'est pas la place pour parler du programme soutien à la famille ici,
mais... on va en reparler ailleurs, là, soyez sans crainte, mais les parents
sont déjà épuisés, ils n'ont pas réponse à leurs besoins au niveau du soutien à
la famille. Ça fait qu'on est comme très inquiets de l'état actuel du réseau au
niveau du manque de psychologues, des listes d'attente, au niveau des
travailleurs sociaux. En fin de semaine, il y avait quand même des papiers dans
les journaux à l'effet que les bénévoles sont épuisés au Québec.
Est-ce que, dans le contexte de l'élargissement
de l'aide médicale à mourir, on a... on va avoir des parents et des familles
qui, déjà épuisées par la situation qu'elles vivent, vont avoir cet élément
supplémentaire là de ne pas être accompagnées adéquatement puis de ne pas avoir
les services, là, en fonction, là, des besoins? Ça fait qu'on est un petit peu
inquiets, là, de notre réseau. Et ça, c'est ce qui nous amène à la
recommandation 3, là, de s'assurer qu'on va adéquatement accompagner les
personnes... les familles et les proches des personnes handicapées dans cette
aventure, parce qu'il s'agit bien d'une aventure, là, de demander l'aide
médicale à mourir.
Finalement, le troisième enjeu qu'on
voulait vous parler aujourd'hui concerne les mineurs et les personnes inaptes.
Écoutez, je mets mes gants blancs jusqu'ici, là, et je mets plein d'œufs
partout, là, on marche sur des oeufs. C'est un sujet éthique hyperdélicat, où
on n'a pas du tout de consensus dans notre société, pas juste dans notre milieu
des personnes handicapées. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que, pour l'instant,
ça a été exclu dans le projet de loi, on est d'accord avec ça, on agit avec
prudence. Personne n'est prêt, aujourd'hui, à répondre à l'enjeu des personnes
inaptes qui ont une déficience intellectuelle profonde ou des personnes
autistes.
Là, on a, par contre, une problématique
concernant l'accès aux soins, que, normalement, tous les citoyens du Québec
doivent avoir le même accès aux soins, et on est dans une dichotomie entre :
on veut protéger les personnes qui sont en situation de vulnérabilité, mais on
ne peut pas soulager leurs souffrances. Alors là, on a un problème, à l'AQRIPH,
en se disant : Qu'est-ce qu'on fait avec ces personnes-là? Parce qu'à
cause de leur statut, à cause de leur handicap, on va avoir le droit de les
laisser souffrir. C'est ça qui nous embête un peu. Ces personnes-là sont
vulnérables, mais il faut qu'on se pose la question. De mettre le sujet sous le
tapis en disant : Un problème dont on ne parle pas est un problème qui n'existe
pas, ça ne fonctionne pas.
Alors, c'est ce qui amène notre quatrième
recommandation, celle qu'on trouve vraiment hyperimportante dans notre
présentation : que vous mettiez sur pied, Mme la ministre, un comité de
réflexion mais avec plein de gens qui vont... qui travaillent de plus près avec
les personnes handicapées, les personnes inaptes et que vous... on fasse l'échange
avec ce comité-là, qui pourra alimenter les travaux de la commission ensuite.
Moi, depuis le début de... du dépôt du
projet de loi, j'ai parlé avec plein de gens de plein de corps professionnels,
encore hier avec une chercheure superintéressante qui cherche à comprendre la
douleur chez des personnes aînées qui n'ont plus les capacités cognitives.
Donc, je pense qu'il faut qu'on assoie des gens qui sont pour, des gens qui
sont contre, des gens qui se questionnent pour qu'on ne se fasse pas imposer
par les tribunaux des choses, alors qu'on aurait pu le faire en commission
parlementaire ou en modifiant les lois.
Ça fait que ça, on vous le soumet, là,
respectueusement, mais on tient vraiment à ce que vous mettiez ce comité de
réflexion sur pied. Et j'ai une liste très, très longue de personnes qui sont
prêtes à y participer.
Alors, on vous soumet le tout, là, les
quatre recommandations de notre mémoire. Merci de votre écoute et de votre
attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Tremblay. Des réflexions fort
intéressantes, fort pertinentes, en fait, qui vont alimenter les discussions.
Alors, nous allons commencer de ce côté-ci de la table avec Mme la ministre
pour une période de 16 min 30 s. La parole est à vous à l'instant.
Mme Bélanger : Oui. Merci
beaucoup. Vos propos sont très éclairants, et on comprend que vous avez quand
même écouté les groupes que nous avons reçus depuis, là, deux semaines. Puis
effectivement plusieurs groupes nous parlent de l'handicap neuromoteur versus
handicap. Je comprends que votre positionnement, c'est vraiment de... vous
recommandez, en fait, clairement d'aller avec la notion d'handicap et de ne pas
le qualifier, pour toutes les raisons, là, que vous avez mentionnées.
Bon, ma question, dans le fond, vise
davantage le volet de... que vous avez amené, votre quatrième recommandation,
de créer éventuellement un groupe <d'experts...
Mme Bélanger :
...que
vous avez amené, votre quatrième recommandation, de créer éventuellement un
groupe >d'experts pour les personnes mineures et inaptes. Et il y a les
personnes mineures, les personnes inaptes mais les personnes ayant un trouble
mental aussi. Plusieurs groupes nous ont identifiés qu'il faudrait peut-être,
éventuellement, qu'on ait, là, une discussion éclairée à ce niveau-là. Et je
comprends aussi, dans votre recommandation, que vous êtes disposés à participer
à différents comités, là, en lien avec le volet... dans ce cas-ci, le volet des
personnes mineures et inaptes à consentir.
J'aimerais vous entendre, parce que
plusieurs groupes nous ont dit : Écoutez, je pense, ce serait important
que... de faire un comité d'experts pour clarifier la notion «handicap versus
handicap neuromoteur». Vous l'avez certainement entendu. Qu'est-ce que vous pensez
de ça? Est-ce que, comme commission, on a, selon votre vision des choses,
besoin d'avoir un comité d'experts pour statuer sur la notion «handicap versus
handicap neuromoteur», à savoir si on l'intègre dans le projet de loi ou non?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
notre recommandation vous... nous dit de retirer le terme «handicap
neuromoteur». Donc, nous, on aimerait mieux que vous mettiez sur pied un comité
pour discuter des personnes inaptes et des personnes mineures et non pas du
handicap neuromoteur, qu'on vous demande de retirer du projet de loi, parce
que, selon nous, ça a une portée excessive d'inclure ce terme-là. Donc, si je
peux vous orienter un petit peu plus sur l'analyse que nous, on a faite, c'est
qu'on trouve que, comme ça touche des droits fondamentaux des personnes... que
ce n'est pas justifié de préciser le handicap neuromoteur dans le projet de
loi.
M. Berger (Pierre) : ...en
complément, là, en complément, c'est... En fait, on ne veut pas parler de
neuromoteur, parce que qu'est-ce qui prime, qu'est-ce qui devrait primer, ce
sont les souffrances qui sont... qui ne peuvent être apaisées, qui sont
constantes et qui sont insupportables. Dans une situation comme celle-là, tout
le monde devrait pouvoir demander l'aide médicale à mourir. C'est dans ce
sens-là, notre intervention. Donc, c'est plus pour inclure tout le monde que
pour exclure, parce qu'en précisant «neuromoteur» on exclut un paquet de
personnes qui pourraient en avoir besoin. Un peu comme le Collège des médecins
l'avait exprimé en donnant des exemples de personnes qui sont allées,
finalement, dans d'autres provinces pour recevoir ce soin-là, pourquoi ne pas
se coller sur ce que les jugements ont dit à ce sujet-là?
Il y a la question des troubles mentaux,
qu'on pense qu'effectivement... dans le texte du mémoire, vous l'avez peut-être
lu, là, qu'on pense qu'il est... on n'est pas tout à fait mûrs là-dessus, parce
que ça demande beaucoup de considérations. Puis c'est quoi, une souffrance
insupportable, quand on a un trouble mental? C'est difficile à décrire, puis je
ne suis pas sûr qu'on a l'ensemble des compétences pour pouvoir bien
décortiquer ça. Donc, c'est prudent, là, de votre part de les exclure
temporairement.
• (11 h 10) •
Mais, d'un autre côté, on pense que les
mineurs puis les personnes inaptes à consentir à un soin devraient aussi
pouvoir avoir droit à ce qu'on soulage leurs souffrances quand que c'est rendu
insupportable, mais dans un cadre qui est très précis. Au fond, c'est un peu
pour se conformer à la Charte des droits, qui parle de non-discrimination en
fonction du handicap. En excluant des personnes qui ont un certain type de
handicap de l'accès à ce soin-là, c'est... même s'ils ont le cancer, par
exemple, même s'ils sont en fin de vie, ne peuvent pas demander cette aide
médicale là à mourir, il y a comme une espèce de... quelque chose qui n'est pas
tout à fait dans le respect de la charte. Je pense, la Commission des droits,
d'ailleurs, la semaine dernière, l'a quand même... a donné beaucoup d'éclairage
à cet effet-là, sur la nécessité, peut-être, de peut-être donner un cadre plus
particulier pour être sûr qu'il n'y ait pas de dérive, là. Mais il y a quelque
chose à réfléchir là-dessus.
Et, vous voyez, la ligne est très mince,
hein? On se souvient du cas Latimer
puis que le père, finalement, complètement déchiré entre les souffrances de sa
fille et... qui a fini par, finalement, tuer sa fille. C'est quand même une
situation très... terrible qu'on ne voudrait pas que des parents vivent
nécessairement, et il y a peut-être moyen d'amener quelque chose qui... un
éclairage qui permettrait de décortiquer cette question-là.
Mme Bélanger : Parce que,
vous savez, la question de l'aptitude est extrêmement importante dans les
critères de base, hein? Donc, il y a l'autodétermination de la personne, c'est
la personne qui décide pour elle-même si elle veut recevoir l'aide médicale à
mourir. Là, je ne suis pas dans la demande anticipée mais, mettons, plus dans la
demande contemporaine, et c'est... Et le volet extrêmement important, c'est
l'aptitude à consentir. Donc là, vous nous amenez, dans le fond... vous ouvrez
une porte en disant : Bien, oui, il faudrait peut-être aussi, éventuellement,
parler des <personnes...
Mme Bélanger :
...éventuellement,
parler des >personnes qui sont des inaptes ou des personnes mineures,
mais vous comprenez que ce n'est pas dans le projet de loi actuel, là, mais je
comprends...
M. Berger (Pierre) : Bien, je
vais vous donner un exemple pour illustrer la chose. Moi, je suis parent d'un
enfant qui a une déficience intellectuelle profonde, il a des troubles du
spectre de l'autisme, il est non verbal. Il est très clair que, pour tous les
soins, il n'est jamais apte à consentir. S'il a le cancer et qu'il a des
douleurs atroces, pourquoi lui n'a pas droit à l'aide médicale à mourir, alors
que, s'il était apte, il y aurait droit? Donc, il y a une espèce de
discrimination fondée sur le handicap dans ce cas-là. Et comment est-ce qu'on
peut régler ça? Je ne sais pas. Ça prend un cadre particulier. C'est pour ça
qu'on dit qu'il faudrait créer un comité avec des éthiciens, des gens qui
amènent différents points de vue pour bien circonscrire le sujet avant qu'un
tribunal, par exemple, décide que, compte tenu qu'il y a une discrimination,
bien, vous devriez les desservir, puis on vous donne tant de temps pour changer
la loi, là.
Mme Tremblay (Isabelle) : Mais
peut-être...
Mme Bélanger : En fait, ça
pourrait faire l'objet d'une commission en soi, une commission spéciale,
vraiment, parce que le sujet est extrêmement important. Alors donc...
Mme Tremblay (Isabelle) : Je
vous rappelle que ce n'est quand même pas une position. Nous, ce qu'on dit,
c'est que c'est important que notre société se penche là-dessus, là, parce
qu'on est... on est comme un petit peu en avance de l'évolution de notre
société. Si on fait un comparable avec... toujours dans le contexte de la mort,
des rites funéraires, ça a changé, hein? Moi, je me souviens de... Ma mère a
porté le deuil, là, pendant un an, il fallait qu'elle s'habille en noir. On est
partis d'exposer nos gens dans des tombeaux pendant trois jours et trois nuits
à plus aucune cérémonie aujourd'hui, mais on n'est pas tous rendus à la même
place au niveau des rites funéraires. Ça fait que, quand on parle d'aide
médicale à mourir, on est une coche au-dessus encore plus. Donc, c'est
important qu'on se penche sur le sujet.
On comprend que la Commission des droits a
parlé... est allée plus loin en disant : Nous, on voudrait peut-être que
ce soit inclus puis qu'on ait un mécanisme de consentement supplémentaire. On
n'en est pas là. Nous, on veut que le débat se fasse au sein de la société pour
qu'on puisse s'occuper de ces personnes-là qui vont souffrir. On ne veut pas
leur dire : Vous êtes handicapées, on va... on se tourne, on ne vous
regarde pas, et souffrez dans votre coin, là.
Mme Bélanger : Bien, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Avant de poursuivre, je
vais juste vous demander, quand vous voulez prendre la parole, faites-moi signe
pour... c'est une question très technique, cette fois-là, technique... pour
qu'on puisse bien vous entendre avec le micro.
Alors, on va poursuivre les discussions
avec la députée de Vimont. Il reste encore 7 min 30 s pour
l'ensemble de la baquette ministérielle.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Me Tremblay, M. Berger,
bonjour. Moi, ma question s'adresse à votre deuxième recommandation :
la formation. Vous mentionnez qu'il serait important d'avoir une formation,
pour les intervenants, adéquate. Pour vous, comment vous la voyez, cette
formation-là? Et pourquoi vous la recommandez? Est-ce que vous avez eu vent,
vous avez été témoins, peut-être, de situations inadéquates autour de l'AMM? Je
voudrais juste vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Isabelle) : Une
précision : je n'ai plus le titre de maître, j'ai démissionné du Barreau
depuis...
Mme Schmaltz : ...
Mme Tremblay (Isabelle) : Non,
mais, écoutez, ce n'est pas «désolée». Je vous ai dit, j'ai quand même eu
une... j'ai quand même pratiqué pendant 10 ans, mais depuis, je... Donc,
il ne faudrait pas que je me fasse accuser d'exercice illégal de la profession,
pas ici.
Alors, dans le fond, c'est qu'on voudrait
que les personnes qui risquent d'être... d'accompagner les professionnels pour
l'aide médicale à mourir soient formés dans les cursus... soit l'éducation
spécialisée, les infirmières, les médecins, au fait que c'est possible, là,
qu'il y ait des personnes handicapées qui vont demander l'aide médicale à
mourir. On n'a pas eu de cas, en tant que tel, comme ça, mais, vous savez, on a
entendu, au fil des dernières années, plusieurs témoignages à l'effet qu'une
personne handicapée arrivait pour recevoir un soin puis que la personne ne
savait pas comment lui parler, elle ne s'adressait pas à elle, demandait
d'avoir un accompagnateur, etc., là.
Donc, c'est plus dans... en termes de
prévention, de préparer les professionnels qui vont avoir à œuvrer auprès de
personnes handicapées et des familles, d'avoir quelque chose dans leur
formation professionnelle pour savoir comment accueillir, comment... connaître
aussi tout le réseau, hein? Vous savez, le secteur des personnes handicapées
est un réseau qui est très organisé, il y a plusieurs organismes communautaires
qui existent qui peuvent accompagner des personnes et des familles aussi. Donc,
que les professionnels sachent que ça existe et puis qu'ils peuvent aussi
référer ces personnes-là, au besoin, là, vers d'autres ressources, là.
Mme Schmaltz : ...plus un
volet communicationnel?
Mme Tremblay (Isabelle) : Prévention
dans les formations, là, qu'on parle de l'accueil, de la référence et de
l'accompagnement, là, des personnes et des familles.
Mme Schmaltz : Est-ce que je
peux poser... à moins que j'aie une collègue... Oui, je peux poser une dernière
petite question? Concernant les personnes <mineures...
Mme Schmaltz : Concernant
les personnes >mineures, quel est l'âge? Parce que... C'est quoi, pour
vous, une personne mineure? Est-ce que c'est une personne en bas de 18 ans?
De 14 à 18 ans? En haut de 10 ans? C'est quoi exactement, pour vous,
l'âge d'un mineur? On sait, techniquement, c'est quoi, la définition, là,
mais...
M. Berger (Pierre) : Donc,
mineur, c'est mineur, c'est moins que... de 18 ans. Maintenant, est-ce
qu'il pourrait y avoir des modalités particulières pour les 14 ans et plus
parce qu'ils ont... qu'ils peuvent déjà consentir à certains soins? Bon, je
pense que les modalités pourraient varier, mais je pense qu'il faut réfléchir,
pour les plus jeunes encore, pour savoir, comme, dans quel cadre qu'une
pratique comme celle-là pourrait être acceptable. Parce que pourquoi qu'un
enfant de 12 ans qui a des douleurs atroces, constantes, qui va mourir dans
quelques mois... pourquoi lui n'a pas accès à ça, alors que, s'il était adulte,
il y aurait accès? Donc, c'est la discrimination qu'il y a là. Puis c'est à
cause du facteur discriminatoire... La crainte qu'on a, c'est qu'un jour le
tribunal nous l'impose puis qu'on n'aura pas... on n'aura pas réfléchi à tout
le cadre qu'il faut mettre en place, et je pense qu'il faut réfléchir à ça dès
maintenant, là.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Oui,
bonjour. Merci. Alors, je cède maintenant la parole à ma... la collègue de l'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : ...combien de
temps, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Poulet) : Il
reste 12 minutes... 3 min 46 s.
Mme Blais : ...
La Présidente (Mme Poulet) : Trois...
Pardon. Trois minutes...
Mme Blais : Bonjour à vous
deux. Merci de votre présentation. Lors de votre présentation, je sens que vous
vous souciez de la capacité de faire face à la demande de l'aide médicale à
mourir. Est-ce que c'est au niveau du patient, de l'accompagner? Parce qu'on
sait que c'est un art, hein, accompagner des patients en phase terminale, pour
en avoir fait pendant plusieurs années. Alors, est-ce que vous pensez qu'on a
toutes les ressources présentement pour offrir ce service-là?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
c'est ça, notre crainte, c'est... Est-ce que notre... La capacité du réseau
actuellement, c'est ce qui nous inquiète, pour accompagner adéquatement les
personnes, parce qu'on voit qu'au niveau des... de la santé mentale, hein, on
entend beaucoup parler de santé mentale... qu'il y a plus de 20 000 personnes
qui sont en attente d'un service d'un psychologue. Les travailleurs sociaux... Il
y a eu une étude, là, on en parle dans notre mémoire, là, qui a été publiée à
l'effet que les travailleurs sociaux sont épuisés puis ils pleurent même quand
ils font des études. En fin de semaine, on parlait aussi des bénévoles.
Ça fait qu'on se demande est-ce que notre
réseau va avoir la capacité pour accompagner les personnes, pas pour donner
l'acte... l'acte médical, le soin, là, d'aide médicale à mourir, ça, on n'est
pas inquiets, là, on... je pense que ça va bien dans l'application de ce
soin-là, mais c'est plus au niveau de l'accompagnement des personnes et des
familles, là, qu'on s'inquiète. Est-ce qu'on va avoir les ressources dans notre
réseau, actuellement, qui est quand même en crise, là, pour accompagner
adéquatement.
• (11 h 20) •
Mme Blais : Est-ce que vous
pensez à quelques solutions, entre autres les aidants naturels, ou... Vous avez
sûrement des idées à nous proposer, des suggestions.
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
les suggestions qu'on a à vous proposer, c'est effectivement d'investir davantage
dans les programmes sociaux. Si on pense, entre autres, aux familles, si elles
arrivent déjà épuisées et qu'une situation comme ça vient comme porter
davantage, là, de problématiques dans la famille... et si la famille a réponse
à ses besoins au préalable, bien, disons que ça va être plus facile pour elle
d'accompagner, là, la personne qui va demander l'aide médicale à mourir. Je
pense qu'il faut investir davantage, là, dans notre... dans nos réseaux. Il
faut prévoir que tous nos programmes d'accompagnement des personnes handicapées
et des ressources aient le soutien financier adéquat pour... en réponse aux
besoins, parce qu'au cours des dernières années l'Office des personnes
handicapées a évalué l'efficacité de la politique À part entière, là, ils ont
porté des jugements là-dessus, et puis on est très, très loin, là, d'une
réponse adéquate aux besoins des personnes et des familles.
Donc, c'est important, là, qu'on se soucie
de... C'est presque 16 % de la population québécoise, les personnes handicapées.
Si on multiplie par deux, avec les parents et les proches, ça fait quand même
beaucoup de monde, là, qui peut avoir besoin de services professionnels.
M. Berger (Pierre) : J'ajouterais
peut-être un élément... Donc, je veux juste ajouter un élément, c'est que
les... il y a une nouvelle dimension que le projet de loi amène, c'est qu'à
partir du moment que la personne... une personne jeune qui est handicapée, qui
ferait une demande d'aide médicale à mourir... peut-être que l'entourage n'est
pas tout à fait à l'aise à ce que cette personne-là prenne la décision. Donc,
ça demande un accompagnement supplémentaire pour les proches, pour bien
comprendre, et aussi la personne, qui risque d'avoir des pressions de son
entourage. Ça prend du soutien autour de tout ça, là, donc un certain
accompagnant... accompagnement, puis ça, bien, il va falloir former du monde en
conséquence, les préparer. Il faut que le <réseau...
M. Berger (Pierre) :
Il
faut que le >réseau soit préparé à ça.
La Présidente (Mme Poulet) : 10 secondes
encore. Allez-y.
Mme Tremblay (Isabelle) : Peut-être
terminer... Vous savez, au Québec, on a plein, plein, plein de belles
politiques et de beaux programmes, le problème est toujours dans l'application
de celles-ci. Donc, on a une nouvelle politique, là, qui vient d'être adoptée
pour les proches aidants, ça fait qu'il faut qu'on ait aussi les
accompagnements nécessaires, au niveau financier puis au niveau de... du
personnel, pour mettre en oeuvre cette politique-là adéquatement.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions avec la députée de Westmount—Saint-Louis
pour une période de 12 min 23 s.
Mme Maccarone : Merci.
Bienvenue. Merci pour votre témoignage, votre participation et votre mémoire. Ça
va sûrement nous guider dans notre réflexion.
Je veux renchérir sur votre recommandation
du comité d'experts. Je suis d'avis que nous avons besoin d'avoir une
consultation plus large que cette... que cette commission et les gens qui
viennent témoigner pour nous aider à adopter une loi qui est à l'image de notre
société. Ce qui fait consensus de notre commission, c'est qu'il n'y a pas de
consensus en ce qui concerne la notion de handicap et la définition. Vous-mêmes,
vous ne l'avez pas définie dans votre mémoire, même que vous l'avez rayée.
Alors, est-ce que ça fait partie de votre recommandation, de ne pas inclure du
tout la notion de handicap puis utiliser au lieu la terminologie «toute personne
ayant des souffrances constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées»?
Mme Tremblay (Isabelle) : ...
Mme Maccarone : Ça fait que
c'est très clair. Je pense que ça pourra nourrir la réflexion d'un comité
d'experts, mais je pense que je souhaite avoir un comité d'experts assez large
ou transparent, où on peut avoir la population qui pourra ainsi contribuer,
incluant les personnes en situation de handicap, qui pourra dire leur mot,
parce que ça va engendrer un débat assez large.
Mme Tremblay (Isabelle) : Et
puis je pense que c'est important d'aller aussi... de faire participer à ce
comité de réflexion là autant des personnes qui vont vouloir une ouverture pour
les personnes inaptes, comme la Commission des droits ou... que des personnes
où c'est complètement fermé, parce qu'on entend, là, depuis le début du...
dépôt du projet de loi, des groupes et des personnes handicapées qui disent une
chose et son contraire aussi, là : Moi, je veux avoir... je veux avoir
droit à l'aide médicale à mourir, et nous, en tant que groupe, on ne veut pas
du tout que ce soit ouvert pour des... les personnes inaptes. Donc, je pense
que c'est important que... pour faire un débat éclairé, qu'on ait tous les
arguments, là, de ces personnes-là, là.
Mme Maccarone : Bien, vous ne
faites pas fausse route. Nous n'avons jamais eu un débat à l'Assemblée
nationale en ce qui concerne l'inclusion de l'aide médicale... l'expansion de
l'aide médicale à mourir envers les personnes en situation de handicap. Mais je
veux vous remercier aussi de parler au nom de ces personnes, parce que vous
avez utilisé les mots «dignité», «libre choix», que... je pense, est
fondamental. J'ai participé dans la réforme de le Curateur public, et, entre
autres, ça faisait en grande partie... le désir de vouloir respecter le plus
possible les choix des personnes en situation de handicap, qu'ils soient
inaptes ou dans une inaptitude qui varie, parce que ça arrive, ça aussi, sans
enlever la notion de... d'être dans une situation de maladie, parce qu'on n'est
plus dans l'état, on est maintenant dans la notion de maladie, parce qu'on n'a
plus besoin d'avoir le critère de soins de fin de vie. Alors, je vous remercie
pour ça, parce que la stigmatisation derrière cette catégorie de citoyens est
très ancrée dans nos pensées.
Ce qui m'amène à la... à ce que vous avez
commencé à discuter un peu : la notion des jeunes adultes en situation de
handicap qui font une demande. Devons-nous... parce qu'on a entendu aussi le
Collège des médecins, on a parlé d'un guide de pratique. Quel genre de balises
pensez-vous que nous devons mettre à l'oeuvre, si jamais on arrive à un
consensus en ce qui concerne l'inclusion? Parce que c'est tout à fait vrai, ce
que vous dites, ça peut être une personne de 18 ans qui était née avec un
handicap grave, qui a des souffrances, puis, après 18 ans de souffrance,
que fait-on avec cette personne? Est-ce que nous avons des balises en
particulier que vous faites comme recommandation pour nous?
Mme Tremblay (Isabelle) : Écoutez,
je pense que c'est là qu'on va comprendre l'importance du groupe, du comité
d'experts. Quand les... Ça fait quelques années, là, que je travaille à la
défense des droits des personnes handicapées et des familles, puis on était là
dès les premiers balbutiements, là, des travaux de certains... de tous les
partis politiques, avec Me Jean-Pierre Ménard, pour adopter la première loi,
là, de... sur l'aide médicale à mourir, et je me souviens qu'à l'époque il y
avait plusieurs personnes qui s'étaient levées : Mon Dieu, est-ce qu'on
va... est-ce qu'on va vouloir faire de l'eugénisme envers les personnes
handicapées? Est-ce qu'on va vouloir toutes nous éliminer? Et puis Me Ménard
était venu nous parler pour expliquer.
Donc, l'éducation populaire est superimportante,
d'informer les gens. Après ça, on était comme... on était comme rassurés. On a
suivi les travaux de la <commission...
Mme Tremblay (Isabelle) :
On
a suivi les travaux de la >commission, puis on suit ça quand même
depuis... depuis tous les débuts, là, des travaux.
Les balises... Hier, j'ai été surprise,
j'ai eu un appel d'une chercheure qui voulait m'entretenir sur l'aide médicale
à mourir, et puis elle, elle fait des travaux sur la douleur des personnes
aînées qui sont en situation d'incapacité, donc des personnes... pour évaluer
le niveau de douleur dans le cerveau, puis elle me disait : Est-ce que
vous pensez qu'on devrait élargir nos travaux pour les personnes handicapées,
là, qui sont inaptes? Bien, c'est évident, là, que ces personnes-là... puis il
va y avoir des défis particuliers, mais ces personnes-là, on doit aussi pouvoir
évaluer la douleur, parce que, dans le fond, l'objectif premier de ce projet de
loi là, c'est d'éliminer les souffrances, là, d'une personne. Donc, c'était
superintéressant, l'échange que j'ai eu. C'est pour ça, je vous disais tout à
l'heure, j'aurais une liste très longue. J'ai parlé aussi avec des médecins,
avec des professeurs en droit à l'Université Laval qui ont des positions, des
philosophes qui ont des positions diamétralement opposées. Donc, je pense que
c'est important d'aller chercher cette expertise-là.
Moi, je ne suis pas là aujourd'hui pour
vous dire : Ça prend telle balise pour tel âge à tel âge, parce que je
n'ai pas les connaissances, je n'ai pas l'expertise pour ça, mais on peut
s'associer avec divers corps professionnels, là, pour nous éclairer là-dessus.
Nous, ce qu'on dit, c'est : C'est important d'en parler, ne nous faisons
pas imposer, comme l'a fait la Cour suprême, préparons-nous, au Québec, à
traiter de nos citoyens qui ont des incapacités, préparons-nous, parlons-en
avec nos gens, puis après, bien, on pourra faire ça adéquatement, plutôt que de
nous faire imposer des choses, et ne balayons surtout pas le sujet sous le
tapis.
Mme Maccarone : Merci. Ma
collègue, elle a des questions pour vous.
La Présidente (Mme Poulet) : ...6 min 15 s.
Mme Prass : Merci de votre
présence et de votre mémoire aujourd'hui. Vous avez évoqué une situation avec
des vétérans, par exemple, une... des personnes qui ont été... on les a
convaincues de faire demande à l'aide médicale à mourir. Pensez-vous qu'il
devrait y avoir un processus où, avant que la personne fasse la demande, qu'il
devrait y avoir une consultation avec un psychologue, travailleuse sociale,
etc., pour s'assurer vraiment que la personne comprend la réalité de ce qu'ils
demandent et de s'assurer que ça vient de leur part et que ce n'est pas une
influence extérieure?
Mme Tremblay (Isabelle) : Absolument.
Dans nos recommandations 2 et 3, c'est... si on parle de formation du
personnel, c'est pour informer adéquatement les personnes. Les personnes ont
droit à l'information, mais on ne peut pas les inciter à avoir un soin ou à
refuser un soin. Donc, c'est important qu'on puisse accompagner comme il faut
les personnes, les informer. Pour nous, c'est superimportant, l'éducation
populaire, hein, le pouvoir passe par l'information, donc qu'on informe
adéquatement les personnes pour qu'elles puissent après exercer leur libre
choix d'un consentement éclairé aussi sur la situation, parce que la décision va
toujours revenir à la personne, quand on parle des personnes qui sont aptes,
là, à consentir.
Mme Prass : ...que ça devrait
être une obligation... un processus d'obligation avant que la personne fasse la
demande?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
je pense que, même dans le cadre des travaux ou de l'élargissement de la loi,
c'est important qu'au Québec on informe les citoyens puis qu'il y ait des campagnes
de sensibilisation, des campagnes d'information pour leur dire : Vous avez
droit à un tel soin, puis ça entre là-dedans. Vous pouvez aussi donner votre
consentement éclairé en rencontrant des professionnels.
Tu sais, il y a des questions qui se posent :
Est-ce que je vais souffrir? Combien ça va durer de temps? Combien ça va...
Est-ce que je peux demander l'aide médicale à mourir aujourd'hui et l'avoir
demain? Tu sais, il y a plein de questions qui restent encore non répondues,
là, pour les citoyens. Donc, c'est important qu'on les informe adéquatement,
là, quand on élargit des lois comme ça, là, par divers moyens de communication.
Et là-dessus je peux vous dire que le Curateur public fait quand même de beaux
documents qui vulgarisent très facilement les... des lois. Toute la
modification qu'il y a eu concernant les régimes de protection, ça a été super
bien expliqué, là, dans le... par leur direction des communications. Ça fait
que c'est comme des modèles à suivre pour informer la population, les personnes
sur des sujets aussi importants que l'aide médicale à mourir.
• (11 h 30) •
Mme Prass : Et, dans le même
sens, encore une fois, pour éviter qu'on se fasse influencer, pensez-vous
qu'une fois que la demande est faite... qu'on devrait la revoir, disons, à un
certain intervalle pour s'assurer que la décision de la personne est toujours
pareille?
Mme Tremblay (Isabelle) : Ah!
mais je pense que ça, c'est déjà fait, et puis il y a l'avis de plusieurs... de
plus qu'un professionnel aussi. Et je pense que les professionnels aussi, dans
le cadre de la formation qu'ils pourraient avoir, doivent certainement pouvoir
déceler l'influence de certaines... de certains proches ou de familles. Vous
savez, ils ont quand même des petits trucs, là, dans leurs formations, là, pour
déceler, effectivement, une influence qui pourrait déranger le libre choix, là,
de la personne.
Mme Prass : ...une suggestion
d'intervalle, à chaque deux ans, à chaque... pour qu'on <revoie si la décision...
>
11 h 30 (version révisée)
<19301
Mme
Prass :
...une suggestion d'intervalle à chaque deux ans, à
chaque... pour qu'on >revoie si la décision de la personne est toujours
pareille?
Mme Tremblay (Isabelle) : Pour
avoir l'aide médicale à mourir?
Mme Prass : Oui. Donc, une
fois qu'on fait la demande, est-ce qu'on devrait le revoir à des intervalles de
deux ans, etc., pour voir si la personne tient toujours à cette décision-là?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
ça, ce n'est pas à moi de décider le délai, là, mais je pense que c'est déjà
prévu que quand... la personne doit quand même remplir certaines conditions,
là, pour demander l'aide médicale à mourir, et puis on revalide son
consentement aussi. Puis elle peut changer d'idée à tout moment, là, la
personne, là. Ça fait qu'il y a déjà des termes plus techniques, là, qui sont
prévus dans la loi, là, au niveau de l'administration de l'aide médicale à
mourir.
Mme Prass : Et, comme vous le
relevez bien dans votre mémoire, malheureusement, la situation des
psychologues, travailleurs socials au Québec, nous sommes en grande pénurie. On
sait qu'il y en a beaucoup moins dans le système public qu'il y en a dans le
système privé. Et vous, dans un monde idéal où il y aurait disponibilité, il y
aurait le financement pour avoir assez de travailleurs, qu'est-ce que vous
jugerez comme un accompagnement adéquat, à part, au début, parler à la personne
pour s'assurer qu'il prenne bien conscience de la décision?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
je pense qu'il faut... à ce moment-là, il faut regarder l'impact social de la
loi sur les parents et les proches qui vont avoir perdu quelqu'un. Est-ce qu'on
va être capable de les soutenir adéquatement par soit des travailleurs sociaux
ou des psychologues qui vont pouvoir les accompagner? Mais le deuil d'une
personne, le deuil d'une jeune personne, des fois, il y a des critères comme ça
qui s'ajoutent puis qui font que le deuil peut devenir un deuil compliqué, donc,
s'assurer que, ces personnes-là, on ne les échappe pas dans le réseau et que leur
situation n'empire pas, là. Ça fait qu'il ne faut pas non plus, à partir du
moment où la personne sort de l'hôpital et que c'est terminé, se dire :
Bon, bien, on n'a plus besoin de se préoccuper et de s'occuper de ces
personnes-là.
Mme Prass : Dans le même
sens, vous parlez de la formation, justement, des médecins, des travailleurs.
Pensez-vous que c'est une formation qui devrait être comprise dans leur
programme, dans leur curriculum scolaire?
Mme Tremblay (Isabelle) : Oui,
absolument, puis il y a déjà des formations qui sont données, là, pour l'accueil
et l'accompagnement des personnes handicapées, mais c'est que, quand on est
dans un concept d'aide médicale à mourir, on touche à des valeurs aussi, là,
superimportantes de notre société, là. Vous savez, on a beau changer les mots, «suicide»,
«soins», ça reste quand même des sujets qui qui sont tabous, là, dans notre
société, pour plusieurs, puis on n'est pas tous au même niveau, là, d'avancement
puis de... au niveau du concept de l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est important qu'on actualise les
formations et qu'on donne des formations pour que les professionnels soient
prêts à accompagner adéquatement concernant l'aide médicale à mourir.
Mme Prass : Il me reste
combien de temps?
La Présidente (Mme Poulet) : 10 secondes.
Mme Prass : Je vous remercie
de votre présence et de vos recommandations également. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice
pour une période de 4 min 8 s.
Mme Tardif : Merci. Merci d'être
là. Bonjour. Je n'ai plus beaucoup de questions. Il y a eu beaucoup de mes
interrogations, puis vous avez déjà abordé... vous m'avez entendu tantôt, donc,
les points, là, que je voulais traiter avec vous.
Par contre, j'aimerais que vous nous
disiez, est-ce que vous souhaitez qu'on mette sur pause, au risque de
chambouler la commission, là... à quel moment vous voyez le comité d'experts.
Est-ce qu'on devrait attendre, avant de commencer et poursuivre notre travail
sur le projet de loi actuel, qu'il y ait un comité, le comité d'experts, le
groupe de réflexion avec les spécialistes, se soient penchés sur les différents
points qu'on doit... sur lesquels on doit travailler plus en profondeur?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
je pense que... Bien, moi, ce ne serait pas long, hein, moi, ce n'est pas...
Vous enlevez le terme «handicap neuromoteur», ça fait que là vous pouvez aller
de l'avant avec la loi. Puis, pour ce qui est des personnes mineures et
inaptes, je pense qu'il ne faut pas retarder pour mettre sur pied un comité d'experts,
parce que, premièrement, le former, réunir tous ces gens-là, faire coïncider
les agendas de toutes ces personnes-là. Ensuite, probablement que le comité d'experts
ferait des recommandations à la Commission sur les soins de fin de vie. Donc,
tu sais, ça peut prendre quand même une réflexion qui peut durer quelques
années. Je ne pense pas qu'on va faire ça en deux mois, là.
Ça fait que je ne retarderais pas la mise
sur pied. Puis on va revenir auprès de Mme la ministre sur le sujet maintenant
qu'elle nous a entendus, mais je pense qu'il faudrait que ce soit rapidement
mis sur pied, ce comité d'experts là, pour se pencher... avant que des
personnes attaquent, devant les tribunaux, cette disposition de l'inaptitude.
Mme Tardif : Puis vous nous
amenez, une fois de plus, à... en fonction du système de santé et de tous nos <organismes
communautaires...
Mme Tardif :
...en
fonction du système de santé et de tous nos >organismes communautaires
qu'on a, là, dans... dans chacun et chacune de nos régions, vous nous amenez...
vous nous remettez en face la problématique du manque de psychologues, du
manque de travailleurs socials. Je pense que ce projet-là va aussi impliquer
qu'on revoie le nombre d'inscriptions dans les universités afin d'augmenter,
là, les... la formation parce qu'ils sont débordés.
Mme Tremblay (Isabelle) : Moi,
je ne sais pas combien il nous reste de temps, mais j'aimerais juste vous dire
que, depuis l'adoption de la Loi sur l'aide médicale à mourir, ce que j'ai
entendu personnellement, là, en tant qu'Isabelle Tremblay, de gens qui ont vécu
l'aide médicale à mourir, ça s'est toujours fait très sereinement, dans le
respect de la personne, dans le respect des familles, des proches, selon les
volontés. Je n'ai pas entendu d'histoire négative concernant l'accompagnement
et ce soin d'aide médicale à mourir, au contraire, là, au contraire.
Ce que je voudrais, c'est que ce soit la
même chose pour les personnes handicapées puis les familles. Je voudrais que...
qu'elles vivent, comme pour tous les autres citoyens, le soin de l'aide
médicale à mourir, qu'elles ne s'en aillent pas complètement débâties, ou que
des personnes aillent... qu'on leur dise d'aller se suicider ou de faire la
grève de la faim. Je ne voudrais pas qu'on vive ça dans le secteur des
personnes handicapées puis des familles.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
à vous tous. Mme Tremblay, M. Berger, merci de votre collaboration,
de votre participation.
Alors, ceci met fin... Je vais suspendre
les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place. Alors, merci à vous tous.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 47)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
bonjour à tous. On va poursuivre les travaux. Alors, je souhaite la bienvenue
au Pr Tim Stainton et le Pr Lemmens. Alors, je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite donc
à vous présenter et à commencer votre exposé.
MM. Tim Stainton et Trudo Lemmens
M. Lemmens (Trudo) : Bonjour,
Mme la Présidente, membres de la commission. Je remercie... je vous remercie
pour nous inviter à témoigner aujourd'hui. Mon témoignage est informé par mes
recherches sur l'AMM au Canada, en Belgique et aux Pays-Bas, par ma
participation avec mon collègue Tim Stainton au sein du comité d'experts du
Conseil des académies canadiennes et par mon expérience comme proche parent de
plusieurs personnes qui ont été ou sont confrontées avec la démence, incluant
la démence précoce. C'est une situation qui demande une approche sensible et
réaliste qui doit tenir compte du fait que des approches bien intentionnées
basées sur l'AMM se heurtent, à mon avis, à des barrières éthiques et
juridiques et plus particulièrement aussi aux droits de l'homme.
Je soulève ici quelques points et j'invite
les membres de la commission à lire nos soumissions, le rapport du Conseil des
académies canadiennes et un article d'experts belges et hollandais sur leur
expérience avec l'AMM, que j'ajoute... que j'ai ajouté en annexe à ma
soumission. Et, dans cet article, les experts expliquent pourquoi la Belgique
ne devait pas suivre, selon eux, l'approche des Pays-Bas, le seul pays au monde
où on permet l'utilisation de demandes anticipées pour l'euthanasie, ou l'AMM,
des personnes avec démence profonde.
Il faut souligner d'abord le contexte dans
lequel les demandes anticipées d'AMM seront mises en œuvre. Le manque de soins
spécialisés adéquats et la crainte de demande de soins appropriés minent déjà
un élément fondateur du projet de loi, c'est-à-dire l'autonomie et la volonté
des patients sont déjà compromises par la pression contextuelle et le manque de
soins adéquats, qui est un élément important. Mais deuxièmement, la
légalisation des demandes anticipées pour l'AMM se base sur l'idée que,
d'abord, les volontés préalables des patients ont priorité sur leurs intérêts
et volontés courantes, que cela ne pose pas de problèmes éthiques et
juridiques, entre autres, car on permet déjà des directives anticipées de refus
de traitement.
• (11 h 50) •
Deuxième idée, l'AMM peut être administrée
de telle façon que des praticiens de santé ou des tiers aient une vision claire
de la souffrance des patients et de leurs véritables souhaits. Je pense ici aux
phrases dans la loi, comme, je cite : «Les souffrances doivent être
objectivables.» Et la personne doit, je cite, «paraître objectivement éprouver
les souffrances décrites», et ceci, sans que l'interprétation de cette
souffrance par des tiers soit influencée par les préjugés capacitistes dont mon
collègue Tim Stainton va parler en plus de détails.
Troisième idée, qu'il n'y aurait pas de
conséquences sérieuses pour les membres de leur famille, les praticiens de la
santé, les autres personnes handicapées et la société plus large. Et moi, je
touche brièvement ici sur les deux premiers points, et le Pr Stainton parlera
surtout du troisième. Premier point, en ce qui concerne la comparaison avec les
directives anticipées à l'incertitude, il faut noter que les procédures de
directives anticipées de soins médicaux actuellement en vigueur posent déjà des
problèmes d'interprétation. Les problèmes seront plus significatifs avec les
demandes anticipées d'AMM. On peut justifier d'accepter par directive des refus
de traitement par le devoir de respecter l'intégrité corporelle du patient, en
plus de l'idée de l'autonomie, dans les situations où on ne connaît pas
clairement ses volontés courantes. Mais ce refus fait déjà face à des limites <dans
la pratique...
M.
Lemmens (Trudo) :
...corporelle du patient, en plus de l'idée
de l'autonomie, dans les situations où on ne connaît pas clairement ses
volontés courantes. Mais ce refus fait déjà face à des limites >dans la
pratique actuelle de la médecine.
Avec l'AMM, on se trouve dans la situation
inverse de la situation des directives anticipées pour refus de traitement.
Exécuter une directive anticipée d'AMM constitue une intervention qui affecte
l'intégrité physique du patient. En l'absence de son consentement clair et sans
équivoque, ce viol de l'intégrité physique est une agression au sens légal du
terme. Dans le domaine médical, s'abstenir d'une intervention sans consentement
peut être négligent, mais elle ne constitue jamais une agression.
En ce qui concerne l'incertitude, je vais
surtout me concentrer sur ça et laisser la question sur la légalité et le droit
de... le droit de la personne international pour la période de questions. En ce
qui concerne l'incertitude, premièrement, les mesures pour s'assurer qu'on
clarifie et qu'on objectivise les souffrances par demande anticipée n'enlèvent
rien du fait qu'on doit interpréter la souffrance à un moment où la personne ne
peut plus s'exprimer sur la nature de sa souffrance et de ses préférences. Ce
sont des constructions juridiques qui risquent de fausser la réalité pratique.
Deuxièmement, les mesures pour s'assurer
qu'on respecte tout refus, et je cite ici la loi... le projet de loi, «tout
refus de recevoir l'aide médicale à mourir», alors les mesures, pour s'assurer
ça, essaient d'établir des limites, c'est vrai, mais cette soi-disant balise
est affaiblie par le fait que le projet de loi laisse beaucoup de place à
l'interprétation par les médecins. Je cite : «Une manifestation clinique
découlant de la situation médicale de la personne ne constitue pas un refus de
recevoir l'aide médicale à mourir», ce qui nécessite évidemment une
interprétation et laisse de la place pour des interprétations capacitistes.
Des problèmes d'éthique et de droit... je
vais être très vite ici. La légalisation des demandes anticipées d'AMM
introduit inévitablement, inévitablement, la prise de décision par une tierce
personne de mettre fin à une vie, comme le rapport du Conseil des académies
canadiennes le mentionne. Elle rend donc floue la distinction entre l'AMM
clairement volontaire et l'AMM involontaire. Le consentement anticipé n'a pas
la même valeur que le consentement contemporain, et la terminologie des
directives anticipées serait en fait plus correcte. Et je développe, dans ma
soumission, plus en détail pourquoi cet aspect violerait la Charte canadienne,
la charte québécoise et aussi la convention internationale sur les droits des
personnes handicapées, particulièrement la reconnaissance de la personnalité
juridique dans des conditions d'égalité... protection et le droit à la vie des
personnes qui ont une perte cognitive, mais qui sont, d'une certaine façon,
encore avec nous et dont on doit certainement, au moins, respecter ou essayer
de promouvoir la participation dans la prise de décision au moment où on doit
donner l'aide médicale à mourir.
Et je vais finir ici et j'invite le Pr Stainton
à continuer.
M. Stainton (Tim) :
Thank you, Trudo, and thank you to the members of the committee to
have me speak with you today. I'm primarily an expert in the area of intellectual
development on disabilities. So,
I primarily focused on that. However, I have a couple of general comments on
the current bill proposal in Québec. So, one of my concerns on the current Québec proposal is that there is no timeframe for renewal schedule
included in the bill. People can and do change their minds regarding
euthanasia, particularly at the time when the actual actual suffering is
experienced. Currently advanced health care directives are often made well in
advance of when they may be required, can be forgotten over time or people's
preferences change. Given the finality of MAID, it would seem prudent to ensure
the advance directive is as recent as possible. This can only be achieved if a frequent
renewal and confirmation process is required such as an annual reconfirmation
process.
I'm also concerned that
persons may indicate in a general advance directive that they wish to have MAID
should they experience… onset of severe dementia or they experience a severe
traumatic event resulting in brain injury or physical disabilities such as para
or quadriplegia. It is well documented that many people will contemplate...
post injury that this <tends to dissipate…
M.
Stainton (Tim) :
...post injury that this >tends to dissipate after a period of
adjustment and many subsequently report quality of life on par with
non-disabled persons.
Further, it's also well
established that non-disabled persons rate the quality of life of disabled
persons much lower than disabled persons themselves do. This is known as the
disability paradox. My concern is if advanced request for MAID exists and a
person is unable to communicate their current will and preference, perhaps
temporarily due to a coma for example, action will be taken to end their life
based on a prior advance directive when the person may well have gone on to a
meaningful quality of life. While the current act may mitigate against this to
some degree, once advanced requests are established, it is a small step to
these being broadened to situations such as traumatic injury.
My concerns regarding
people with intellectual disabilities relate more to what the current bill may
lead to rather than its direct impact. Many persons tend to assume that persons
with intellectual disabilities will not be at risk due to their inability to
consent. The reality is however many with intellectual disabilities are capable
of giving consent and indeed a strict interpretation of article 12 of the
Convention on the Rights for Persons with Disabilities would affirm their right
to do so and the right for trusted others to assist them in expressing their
will and preference. Pr Tuffrey-Wijne said… number of cases in the Netherlands
and documented numerous cases of people with intellectual disabilities being
euthanized in the Netherlands have raised serious concerns about how the
consent capacity determinations were handled in many of those cases.
With the introduction of
advanced directives, a level of substituted judgement is inevitably introduced
as no contemporaneous consent will be possible at the time of the assisted
death. Indeed, this is the whole point to advanced directives. With the
weakening of direct consent and the introduction of a level of substituted
judgement, it's a small step to allowing those who are legal-decision makers or
supporters to consent for MAID on behalf of the person.
La Présidente (Mme Poulet) : Docteur...
Pr Stainton, je m'excuse de vous interrompre. On a dépassé largement le
temps qui vous est alloué. Alors, si vous me permettez... puis je vous remercie
pour votre exposé.
Comme nous avons débuté notre audition
avec quelques minutes de retard, est-ce qu'il y a consentement afin d'aller
au-delà de l'heure prévue?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Mme la ministre,
la parole est à vous.
• (12 heures) •
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Pr Stainton, Pr Lemmens, bienvenue. Merci pour le mémoire
et pour votre présentation.
J'aimerais vous entendre sur un élément
fondamental qui est inscrit dans le projet de loi actuellement au Québec, qui
est l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un handicap
neuromoteur grave et incurable. Vous n'en faites pas état dans votre mémoire,
mais je voudrais savoir comment vous voyez, dans le fond, l'aide médicale à
mourir pour les personnes ayant un handicap versus ce qu'au Québec, là ,on est
en train, donc... que nous avons inscrit, dans le projet de loi, «les personnes
ayant un handicap neuromoteur grave et incurable».
M. Stainton
(Tim) :
I'm not
sure I completely got the question, but, if I understand it, you're asking if
the limitation to people with the neuromotor conditions would be some… for
people with disabilities. I think that's true to an extent. I think the concern
is that once you start down a certain path, and as we've seen with MAID in
Canada today, that they will inevitably be pressured to push that boundary. And
there's… you know, I've included some in my briefs and references, but there is
a really astonishing level of acceptance for euthanization of people with
disabilities, particularly people with intellectual disabilities, as well as
very, you know, frightening number of cases of parents themselves, <either
requesting…
>
12 h (version révisée)
<
M. Stainton (Tim) :
...of acceptance for euthanization of people with disabilities, in
particularly people with intellectual disabilities, as well as very, you know,
frightening numbers of cases of parents themselves >either requesting or taking the lives of their children, often
because they're... they can't get the supports they need and they are just at
their wit's end on what to do. So, I think that's more the concern, as I mentioned,
it's not so much with the specific provisions of this bill, but it gets as very
close to that position, which unfortunately, I think, would get widespread
public support.
Mme Bélanger : OK. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Poulet) : ...il
y a d'autres questions? Oui. Allez-y.
Mme Picard :
Bonjour. I don't speak... I am too shy
to speak in English, I will ask my question in French. Sorry.
J'aimerais savoir, est-ce que vous croyez
que c'est une sécurité, une bonne sécurité supplémentaire d'avoir une tierce
personne, une personne de confiance que les gens pourraient choisir eux-mêmes
pour faire l'aide médicale à mourir, dans une demande anticipée? En fait, ce qu'on...
l'intensité du législateur, c'est justement que la personne qui deviendrait
inapte choisit une tierce personne pour lever le drapeau au moment venu pour
dire : Elle rencontre telle, telle, telle souffrance. Est-ce que vous
croyez que c'est une bonne sécurité d'avoir une personne de confiance pour ce
rôle-là, pour aider les équipes médicales autour du patient?
M. Lemmens (Trudo) : Je vais
peut-être commencer en commentant sur l'idée que, oui, choisir une personne de
confiance est, dans un système de... de prise de décision dans le contexte d'inaptitude,
assez commun. Et je sais que le Québec, en fait, a un système... parce que je l'ai
personnellement vu aussi dans le contexte de ma famille, un système très bien,
de contrôle sur... le choix d'une personne de confiance, vérification par des
assistants sociaux, et tout ça. Dans d'autres contextes, je dirais, c'est un
système rassurant.
Dans le contexte de l'aide médicale à
mourir, ça reste que c'est un acte particulier, comme j'ai décrit, qui demande
une invasion de l'espace physique de la personne. Et il faut alors... on met
beaucoup de responsabilité sur une personne qui doit prendre une décision très
forte et invasif de mettre fin à la vie d'une personne. Alors, c'est, je
dirais, aussi pour la personne dont on... à qui on donne cette responsabilité,
une question d'éthique profonde. Est-ce que c'est... ça donne une certain
garantie? Ça peut aider. Mais je constate qu'aux Pays-Bas, par exemple, on a eu
beaucoup de situations où les médecins étaient... avaient un manque de confort
avec comment les membres de la famille, sans penser qu'ils sont... comment je
dirais, que c'est à cause d'une volonté de vouloir tuer leur membre de la
famille, mais que les membres de la famille ont souvent une tendance à
interpréter la souffrance ou la présence d'une personne avec démence comme
étant quelque chose qui cause de la souffrance pour la personne.
J'ai traduit, et je le cite dans mon
mémoire, un article dans La Presse... en fait, c'est un rapport détaillé
où on constatait qu'une famille qui pensait que leur membre de la famille
voulait vraiment avoir maintenant l'aide médicale à mourir, la personne
souffrait de démence, mais où c'est seulement à cause du fait que les médecins
ont pris la personne à part et ont insisté : Est-ce que vous voulez
vraiment mourir? Et la personne avait... disait «borderline capacity», tu
sais, était... avait une perte de... cognitif, mais pouvait encore s'exprimer.
Elle disait... La personne avait, dans le passé et dans les directives
anticipées, toujours dit : Je veux mourir, si je suis dépendante des
autres et si... je ne veux pas aller dans un centre d'hébergement. Mais la
personne était dans un centre d'hébergement. Et quand le... les médecins
prenaient la personne à part et insistaient, la personne disait : Bien, la
vie n'est pas si pire que ça, mais c'est eux qui le veulent.
Alors, je dirais, il y a des questions
fondamentales de volonté qu'on ne peut pas résoudre facilement, qui peuvent
mener à l'abus. Mais aussi simplement, sans vouloir... sans être méchants, les
membres de la famille sont <influencés...
M. Lemmens (Trudo) :
...les
membres de la famille sont >influencés par... et j'ai expérimenté ça
moi-même, par être confrontés avec la situation de démence qui... d'une personne
qu'on aime, qui est très, très, très dure pour le... pour l'entourage.
Mme Picard :
Merci. Thank you. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, je reconnais la
députée de Châteauguay. Il reste encore 7 min 50 s pour la
période de questions.
Mme Gendron :
Hi, Mr. Stainton and Mr. Lemmens. Nice
to see you today.
Actually, I have a little
question for you. One of your principal concerns was regarding the
administration of AMM. If the patient refuse to receive the AMM, but at… at the
last minute, do you think we should try another time later? Or how many attempts
we should do?
M. Stainton (Tim) :
I think Trudo is better able to answer
that.
M.
Lemmens (Trudo) : Oui. Je dirais, on a des précédents de... aux
Pays-Bas, de... des situations comme ça, où on a tenu la patiente contre son...
sa volonté. Moi, je dirais, quand une personne refuse, je dirais, on doit
toujours, par principe, dire : En cas de doute, on ne fait pas ça. C'est un
acte invasif de dernier ressort et ça... et, je dirais, en soi, déjà, je trouve
ça problématique, alors je trouve ça certainement problématique de réessayer
plusieurs fois pour mettre fin à la vie d'une personne.
Mme Gendron : Donc, si je
comprends bien, d'après vous, ce serait de complètement arrêter la procédure et
ne... de ne pas revenir?
M. Lemmens (Trudo) : Oui, je
dirais, ça, c'est le... ce serait l'approche le plus approprié. Et il y a
beaucoup de choses qu'on peut faire avec une personne en... beaucoup de soins
qu'on peut donner qui respectent la dignité de la personne sans finir la vie activement
avec une injection.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
Thank you.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? Mme la députée de Roberval, la parole est à vous. Il reste
encore un bon cinq minutes.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Pr Lemmens, Pr Stainton, d'être avec nous
aujourd'hui.
Moi, j'aimerais savoir, il y a des gens
qui sont venus témoigner puis qui nous amènent sur le consentement substitué,
qui disent qu'une personne qui souffre, c'est une personne qui souffre. Peu
importe si elle est apte ou inapte, si on n'est pas capables de la soulager
avec les moyens médicaux que nous avons présentement, cette personne-là devrait
avoir accès à l'aide médicale à mourir, et ce serait, à ce moment-là, un
consentement substitué. J'aimerais savoir vous en pensez quoi.
• (12 h 10) •
M. Stainton (Tim) :
Well, I think we've covered some of
that in our brief. I think there's two issues. One is that the actual evidence
around advanced directives generally suggests that they're not very effective, that
they actually get lost, people change their minds, they're not updated, which,
in this case, is obviously a serious concern, giving that… the finality of the decision.
I think the… that the more
esoteric problem, if you like, is, while we call it an advanced consent, it is,
at the time of death, a substituted judgment. And, once you've introduced that
concept, that has some very frightening implications going forward. So, I think
there's a practical issue around advanced consent, but I think there is this
broader issue that quite frankly is the main concern I have with advanced
directives.
M.
Lemmens (Trudo) : J'ajouterais aussi que, si j'ai bien compris la
question, c'est... en fait, la suggestion qu'on doit aller plus loin que...
parce que ça veut dire que la souffrance doit être soulagée, point. Alors, on
est au... à un point où on a mis de... à part l'idée de consentement même. Parce
qu'on dit : Une personne qui souffre doit faire finir sa vie. On est alors
dans un contexte d'euthanasie involontaire, et, je dirais, ça va à l'encontre,
selon moi, complètement avec même les idées reflétées dans la décision Carter,
ça va à l'encontre de la charte québécoise, de... du devoir de protection. On
reste... C'est clair que la protection de vie reste un... un valeur très
important <qu'on...
M. Lemmens (Trudo) :
...un
valeur très important >qu'on... qui est reflétée fondamentalement dans
la charte québécoise et canadienne, et qui est... dont la Cour suprême, dans
Carter, met l'emphase. Quand elle parle de... qu'un consentement doit être
clair, hein, clair, parce que dans... dans la version anglaise, en fait, la décision
Carter met encore plus de... plus l'accent sur le fait qu'on doit vraiment,
vraiment s'assurer qu'il y a un consentement.
Alors, je dirais, non, on ne peut pas
aller là-bas. Il y a beaucoup de façons de... avec lesquelles on peut soulever la
souffrance, il y a beaucoup de... Les gens oublient qu'on peut déjà refuser
toute forme de traitement. On peut faire beaucoup pour se laisser partir avec les
soins adéquats.
Et, je dirais, c'est un pas très
dangereux, mais c'est un pas, comme mon collègue Tim Stainton mentionnait, qui
est, en fait, un peu un pas logique qui suit, quand on commence à introduire
l'AMM, où déjà le consentement n'est plus vraiment là. Bien, pourquoi ne pas
aller plus loin? Alors, ça nous... ça inquiète certainement beaucoup de
personnes qui défendent les intérêts des personnes avec handicap, parce qu'on
va commencer à interpréter toutes sortes de façons d'exister dans le monde comme
une existence souffrante. Alors, c'est un élément très dangereux, pour moi.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Donc, pour vous, le consentement substitué n'est pas admissible et c'est
une balise incontournable qu'on doit vraiment garder dans le présent projet de
loi. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, Pr Stainton,
Pr Lemmens, on va poursuivre la discussion. Maintenant, je me tourne du
côté de l'opposition officielle. C'est la députée de Westmount—Saint-Louis qui
va pouvoir échanger avec vous, et l'opposition détient 12 min 23 s. Le temps
est à vous, madame.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Good morning, Pr Stainton and Pr Lemmens. It's
a pleasure to have you with us today. Thank you for your brief and for your
opening remarks.
I'd like to go back to
the notion of advanced consent, because I heard and listened too, with great
interest, the exchange you had with my colleague. You also made some
recommendations, however. So, if there were guidelines that regulated advanced
consent, like an annual reconfirmation process, if it was done, for example,
through a notary, if there was a third and impartial person who would accompany
the individual who puts forth an advanced request, somebody that is not a
family member, for example, a medical professional, would that bring
acceptability to the request process for individuals that would like to avail
themselves of an advanced request for medical assistance in dying?
M. Stainton (Tim) : I mean, I think it would help, it would certainly strengthen it, but
to be honest, in my view, there's no way to actually solve the fundamental
problems which is this substitute consent at the time of administration. All of
those things would be helpful, but even a third-party consent, as I mentioned,
that... You know, we know many family members, out of despair usually, would consent,
and particularly if they're advised by doctors, that, you know, it's best just
to let them go, and that is a stunningly common phenomena. We already have in
Canada many cases of doctors advising families that: Oh! MAID is available for
your child with a disability now… that the doctors are wrong, but we have those
cases on record. So, even third party does not necessarily provide a full
protection for folks.
So, I guess my answer is yes,
that would strengthen it. But does it address the fundamental problems I see with
moving in this direction? I would say no.
Mme Maccarone : So, is your recommendation that an anticipated request or an
advanced request is something that some Quebeckers could make themselves... that some Quebeckers would avail themselves of… but, for example, those that suffer
from an intellectual disability would be prohibited to do an advanced request,
but they would have access, for example, to medical assistance in dying, in the
case that my colleague shared with you, somebody who suffers from an
intellectual disability?
And you, yourself, in
your <brief…
Mme Maccarone :
And you, yourself, in your >brief,
say that some people may be at risk. But there is, however, a certain component
of the population that suffer
from an intellectual disability, that have the ability to consent, and
understand, and advocate for the care that they wish to receive. In the case of
a person who's suffering from cancer, and we know that it is a serious… the
suffering is... we can't help that person, and so the suffering is very
serious, and that person advocates to have access to medical assistance in
dying as part of the continuum of care that's offered to them, are you
suggesting that it shouldn't be an option for this individual or that would be
acceptable because it's not based on an anticipated request?
M. Stainton (Tim) : Well, first thing, we couldn't unilatery exclude people with
intellectual disabilities. That would be a violation of their Charter's right.
So, if it's the same right anyone else has, we can't simply say : Well,
these people don't qualify. That would be challenged immediately.
I think the problem is
that... Yes, I would... I spend a whole career saying people with intellectual
disabilities should have the same rights as any other Canadians, and that would
apply whether I like that right or not. The problem is that people are particularly
vulnerable. There's a researcher in the States who's done a lot of work, what
he calls «gullibility», so that people with
intellectual disabilities are more easily talked into things. So, it's why we
see… I think it's 59% of people on death row have some form of intellectual
disability, because they were talked into actions that... So, that would never
be resolvable, to my mind.
So, again, I would say: We
can certainly improve safeguards, but we can't simply say : People with
intellectual disabilities aren't illegible. And we can't address the ablism
within the health system and we can't address its issue of gullibility that if
someone's doctor and their family are saying : Well, maybe it's best you
just go… And I talked to a young man with an intellectual disability who's in
exactly that situation, that
he's saying : I don't want to be a burden to mom and dad anymore, so I'm
going to get MAID.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : ...like that if there's a team of professionals that includes
medical professionals, social worker, ethicists that are accompanying that
individual and helping them to better understand the options that are available
to him, or her, or them for care… Is that not an alternative, rather than not
respecting their rights, to have access to the same possibilities as every
other person will have?
For example, in an
anticipated request… I also heard the exchange where we're talking: We don't
want to have a third person consent. And I think that we are all in agreement
with that. But, in the event somebody with a handicap chooses to fill out an
anticipated request, and because in that moment in time they are apt, and they
have the ability to advocate for the care that they wish to receive, and at the
moment that the professionals around this person state that: We think it's time
that we have a discussion on whether we've reached the point, and it's not the
family member, and it's not even the individual themselves… but because we have
a very robust form, for example, a request form that would be filled out, that
would be constructed by ethicists, by doctors, by nurse practitioners, by the
community, by family members, is that not a process that would be acceptable?
I hear what you're saying.
I'm just... I'm playing devil's advocate. I think that we have a responsibility
here to make sure that we're respecting everybody's rights to the best of our
ability, and not establish a law that's exclusionary, but that is inclusive.
But, at the same time, I totally understand that we have a role and it's our
responsibility to protect people that are in situations of vulnerability. And,
when I hear you say that, you know, the individuals say that they're a burden, or the family feels
that this individual is a burden, how do we extract that sentiment and respect
their rights by giving them access to the same care and services as any other
person would have access to?
M. Stainton (Tim) : And I appreciate… I think you're… on the surface, that it is
absolutely reasonable, that the problems come, that first, they… You <know…
M. Stainton (Tim) :
You >know, my day job, if you like, is around social policies in Canadian
provinces. And there isn't a province where the kinds of supports are readily
available to people. So, it's one of the problems, with the general-made law, that
they ask about the disability supports, but the doctors and the health system
has no capacity to provide them. So, the first problem is that they don't exist
in a readily accessible way.
The second problem is that
some of the interesting research we have around disability in health care is
that… that we know that the general population generally holds a very negative
attitude towards what it's like to live with a disability. What may surprise
you is there's a recent study at Harvard, that medical professionals have an
even more negative view than the general public. So, simply say, a health care
provider… many, many people with disabilities that would… not to be… but scare
them to death, because they… their experience in the healthcare system has
generally been one of feeling negatively valued, that their life isn't worth
living. So, a committee of health care professionals isn't going to reassure
people with disabilities.
Mme Maccarone : But the recommendation… and you were there, you participated in our
special commission, right, so, you've come back to us once again, we appreciate
that, is that it wouldn't just be medical professionals. It would be people
outside of the realm of medicine as well, like an ethicist, it could be a
psychologist, it could be a psychiatrist, it could be a social worker. Because
the goal would… to be to have a transparent and… as even a keel in terms of
establishment of best practice. Are we at a point where we could move forward
or not?
And I know that it's very
challenging, it's very difficult. And one of the things that we have been
struggling with in commission is the definition of «handicap», which was one of the first questions that you received. Because we
don't have a definition of what handicap is, what does it include, and that
brings a whole other group of ethical questions. Do you have anything that you
can help to give us, in terms of information, that would help guide our
reflection on this notion? In the bill, it currently says «neuromotor handicap». We've heard people say:
Remove «neuromotor» so that
it's more inclusive. We've heard people say: Remove «handicap» and just talk about the serious and incurable illness with
suffering that we can't ease. What is your position on that to make sure that
the bill is as inclusive as possible and not prohibitive?
M. Stainton (Tim) : Yes. The question of definition, there are volumes written on it
with no absolute agreement. In general, I think that a key point here is
disentangling the… what we call the disability, which, generally, according to
the UN and the Canadian… Accessible Canada
Act, is a social phenomena, OK? It's a phenomena that is created by social
arrangements, attitudes, stigma, stuff. On the other hand, we talk about
impairment, which is the underlying disorder, so the Down syndrome, the
quadriplegia. So, you really need to tease those two out.
And I'm happy to provide that…
the committee with some background on that. I think, just to go back to your
main point, that early in the MAID debate, the disability community did
recommend, for track one, that a detailed psychosocial assessment be undertaken
by a qualified professional, a social worker, somebody who knew how to do that,
that could try to understand : Alright, are the things that would mitigate
your suffering in terms of better housing, better support services… So, I still
think that that's a good idea. The trouble is that they can identify them, but
they can't provide them. We don't have… we don't…
Mme Maccarone : …understand...
M. Stainton (Tim) : Yes. So, you…
Mme Maccarone : ...be medical assistance in dying, it should be medical assistance
for living before we even get to the medical assistance in dying conversation.
I'm just going to stop
you because my colleague wants to ask you a question. So, thank you. It was very interesting.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci <beaucoup...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci >beaucoup, Mme la députée. Alors, il
nous reste encore un petit peu de temps pour l'opposition officielle, la
députée de D'Arcy-McGee. Vous avez des questions?
Mme Prass : Oui, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Prass :I thank you for
your presence today and your contribution in your brief.
Regarding people...
taking out people who have intellectual deficiency, do you think that requiring
a psychological evaluation for the person before they make their request would
be pertinent in order to rule out, to a certain extent, the influence of other
people and that they really understand the decision that they're making for
themselves?
M. Stainton (Tim) : I might let Trudo take that one up.
M. Lemmens (Trudo) : I think this would be important and valuable in any decision about «l'aide médicale à mourir». Je pense que...
I'm confusing my languages here, but I'll continue in English. So, I think it's
an important factor indeed that there would be psychological assessments. That
would be an ideal. But obviously the… you know, if you look at the numbers of people who are receiving medical aid
in dying, it's such a huge number that organizing that for all of these
assessments is very difficult.
Would it be essential in
a context of persons who are diagnosed with dementia? I, for example, pointed
out, in my memorandum, that I find it troubling that the recommendations coming
out of the Canadian Association of MAID Assessors and Providers… who say that
MAID should be put on the table each time a person might qualify, which
basically means, if you have a person with a diagnosis of dementia, you would
have to put it on the table. I think this is the most terrible thing to do in a
doctor-patient relation at the time that you are receiving such a terrible
diagnosis. And so, I think there should be much more… given to how can that appropriately
be introduced in various contexts, but particularly in the context of dementia,
and particularly again if you are moving to a system of advanced request for MAID,
which I… well, I have trouble about because of the inherent problem of
determining what is suffering at the time that you're no longer really… are capable
of decision-making.
But all this to say, yes,
more attention to the psychological context in which decisions are made where
people are giving up on the idea that they may… that they may live, still live
well with dementia or with other conditions is, in my view, very important.
Mme Prass : ...come back to an answer you gave to one of my colleagues
previously in regards to the refusal of the person. We understand that the
person signs the MAID request when they're apt, and that the process for
administering it begins when they're deemed inapt. But you believe that, if
they refuse once they're inapt, that that refusal should be respected. But you
just, yourself, said that once they reach that point, they're no longer in a
decision-making position. So, therefore, if they were apt when they made the
decision and inapt when they reversed it, don't you think there's a
contradiction there?
• (12 h 30) •
M. Lemmens (Trudo) : Because, as I pointed out, the decision to end the person's life in
cases where there is uncertainty about what exactly the person wants should err
on the side of non-violation of the physical integrity of the person. And so,
if you look at the international Convention on the Rights of Persons with
Disabilities, it takes as a position that persons always have legal capacity.
Now, that has difficulties of implementation. And I'm one of those who would
say that a very strong view of the international Convention on the Rights of
Persons with Disabilities is very hard to implement in situations where the
person is clearly no longer able to engage well. But at least it would require
that we respect nonverbal or some level of expression of what the person
prefers. So, I would say : We have to err on the side of non invasion of
bodily integrity.
And you also have to
think about the practical implications, which we've seen with the practice in
the Netherlands, which again is the only country that allows this practice. As
for physicians and for family members of… and I would hope that it would be, but
it is actually, and if you look at Netherlands, very demanding and troublesome
to actually force a person down to end their life in…
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) :Thank you very much. Thank you. That's the end. Merci beaucoup, Mme
la députée. So, Pr Stainton and Pr Lemmens, thank you very much. It was a pleasure to
receive you <here.
Mmes les
membres de la commission, nous allons suspendre...
>
12 h 30 (version révisée)
<17949
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...it was a pleasure to receive you >here.
Mmes les membres
de la commission, nous allons suspendre pour... jusqu'au aux affaires
courantes, si ma mémoire est bonne, après les affaires... après les affaires du
jour. Alors, merci beaucoup. Thank you very much again.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 35)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Alors, cet après-midi, nous allons
recevoir Me Danielle Chalifoux, présidente de l'Institut de planification des
soins du Québec, qui est accompagnée de M. Pierre-Gabriel Jobin,
professeur émérite de la Faculté de droit de l'Université McGill. Madame, monsieur,
bienvenue à la commission.
Alors, comme je vous ai expliqué, vous
allez bénéficier d'une période de 10 minutes, les gens ont entamé votre
mémoire, pour justement expliquer les grandes lignes, faire votre exposé.
Ensuite, va s'ensuivre une période de questions avec les membres de la
commission. Alors, le temps est à vous pour une période de 10 minutes.
Mme Danielle Chalifoux et M. Pierre-Gabriel Jobin
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci,
Mme la Présidente. Mme la ministre, Mmes les députées, merci d'avoir invité l'Institut
de planification des soins du Québec à vous présenter nos commentaires
concernant le PL n° 11.
L'institut existe depuis 2010 et nous
avons comme mission d'informer, aider et soutenir les organisations et les
personnes dans le domaine de la santé et de la planification des soins et de
défendre leurs droits. Alors, tout d'abord, mon collègue va vous entretenir de
l'importance que revêtent les deux décisions majeures en matière d'aide
médicale à mourir et qui ont une influence directe sur la façon de rédiger des
projets de loi. Alors, je donne la <parole...
Mme Chalifoux (Danielle) :
Alors,
je donne la >parole au Pr Jobin.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Je
vais vous dire quelques mots sur la structure du droit canadien et québécois,
qui entourent toute loi provinciale, y compris celle qui nous intéresse aujourd'hui.
C'est une structure qui a une forme pyramidale. C'est une pyramide, et, en haut
de la pyramide, il y a la Charte canadienne des droits et libertés et sa
jurisprudence. C'est important de retenir que la jurisprudence a la même
force... la jurisprudence qui interprète la charte à la même force que la
charte elle-même. Donc, un mot aussi... La charte fait partie de la Constitution,
alors c'est très... c'est un cadre assez rigide. Et donc, ça, c'est le sommet.
Le deuxième niveau, bien, c'est les lois,
les lois provinciales, les lois du fédéral qui doivent être conformes à la
charte et à son interprétation. S'il y a dérogation à la charte, bien, il y a
contestation. Mais, ceci dit, le Québec et les autres provinces peuvent
légiférer autour de ce qui est décidé par le fédéral, par la Cour fédérale.
Donc, le consentement, par exemple, le Québec a tout à fait compétence pour
préciser comment on apprécie le consentement de la personne qui demande l'aide
médicale à mourir, comme ça a été fait, puis il n'y a aucun problème, c'est
tout à fait légal.
Il y a deux arrêts, l'arrêt Carter et
l'arrêt Truchon-Gladu. Carter, 2015, Cour suprême du Canada, donc, il fallait
décider... il fallait autoriser l'aide médicale à mourir, mais il fallait
décider à quelles conditions l'aide médicale à mourir ne serait pas une
assistance au suicide. L'assistance au suicide, c'est un crime. Alors, la Cour
suprême, dans cet arrêt-là, a bien dit : C'est très clair, très simple, il
faut que la demande soit faite par une personne adulte et capable et qu'elle
consente clairement à demander la mort et, ce qui nous préoccupe plus
particulièrement, elle doit être affligée de problèmes de santé graves et
irrémédiables, y compris une affection, un handicap ou une maladie qui lui
cause des souffrances intolérables.
Donc, je le répète, cette décision a une
valeur constitutionnelle, il faut la suivre. Il y a une petite exception qui
est possible, et dont Me Chalifoux va vous parler à un moment donné : à
certaines conditions, la charte elle-même... la charte permet de déroger à des
droits garantis par la charte, mais c'est une petite exception.
• (15 h 40) •
La deuxième décision, c'est Gladu et
Truchon, 2020, la Cour supérieure. Les deux personnes étaient affligées de
paralysie, de souffrances physiques, et on leur avait refusé l'aide médicale à
mourir parce qu'à ce moment-là la loi fédérale prescrivait que, pour que ce
soit admissible, la mort naturelle devait être raisonnablement prévisible, à ce
moment-là. Et, de son côté, la loi québécoise mettait une barrière, elle aussi :
il fallait que la personne soit en fin de vie. Ces deux restrictions ont été
déclarées illégales, inconstitutionnelles, invalides. Elles n'existent plus
légalement. Ce sont des violations du droit à la vie, à la liberté, la liberté
de choisir sa destinée, bon, et aussi au droit à l'égalité. C'était... Il y
avait une distinction qui n'était pas justifiée. Donc, Truchon-Gladu est allé
dans le même sens que Carter, il n'y a aucune contradiction entre les deux,
mais elle va plus loin, parce qu'elle nous enseigne comment on peut,
éventuellement, restreindre un droit qui est garanti, un droit à l'aide
médicale à mourir, valeur constitutionnelle, donc.
C'est l'exemple typique de ce qui arrive
quand... Truchon, c'est l'exemple typique de ce qui arrive quand on adopte une
loi qui ne se conforme pas parfaitement aux diktats de la Cour suprême. Dans
Carter, contestation judiciaire, donc dépense de temps, d'énergie, etc. Il y a
aussi une incertitude qui plane sur le public, sur les médecins et tout le
personnel des hôpitaux : est-ce que ce sera permis, toléré par les
tribunaux ou pas? Donc, il y a beaucoup de gens dans le public qui ne vont pas
le demander ou auxquels on va le refuser, puis ça va rester là. Donc, la loi,
si elle contient une restriction qui n'est pas justifiée, perd une partie de
son effet. Elle ne remplit pas complètement son but d'avoir un régime qui est <admissible...
M. Jobin (Pierre-Gabriel) :
...perd une partie de son effet. Elle ne remplit pas complètement
son but d'avoir un régime qui est >admissible, qui est ouvert à tous.
Alors donc, il faudra que la loi dont on discute se conforme. Je passe la
parole à Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci,
Pr Jobin. Tout... Moi, je vais vous parler du PL n° 11.
D'abord, nous applaudissons le législateur de modifier la Loi concernant les
soins de fin de vie, c'était vraiment nécessaire, mais nous croyons que le PL
pourrait être amélioré encore pour s'ajuster aux nouvelles réalités qui sont
survenues depuis l'adoption de la loi, en 2014.
Tout d'abord, concernant le maintien de
l'aide médicale à mourir dans le giron des soins de fin de vie, comme le fait
encore le PL n° 11, la loi québécoise, à l'époque, était
conçue spécifiquement en fonction des soins de fin de vie, mais puisque,
désormais, comme l'a dit le Pr Jobin, l'AMM n'en fait plus partie, cela a comme
conséquence que ça devient un soin qui doit maintenant être considéré comme
approprié quand il est relié à la souffrance et à l'autonomie décisionnelle, ce
sont les critères les plus importants, et non sur la base qu'il est un soin de
fin de vie.
En conséquence, nous recommandons que
l'intitulé de la loi soit modifié pour distinguer vraiment, pour qu'on
n'engendre pas de la confusion chez nos citoyens pour qu'ils pensent que l'aide
médicale à mourir est encore un soin de fin de vie. Alors, distinguer les deux
et que soit retirée, surtout, la mention de l'article 1 qui rend
exceptionnel le droit à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui ne sont
pas en fin de vie, ce qui n'est pas le cas, parce que le PL prévoit cette
exception-là, et d'ajuster... évidemment, il y a des définitions, ajuster en
conséquence, et une concordance au niveau de la loi, mais je crois que ce ne
serait pas très difficile à faire.
Maintenant, le Pr Jobin vous a parlé des
exclusions ou des catégorisations que l'on retrouve dans le PL n° 11
et de leur validité. Je vais essayer d'aller rapidement là-dessus, mais c'est
sûr que, bon, l'arrêt de la Cour suprême parle de maladie, handicap et
affection et que, bon, nous, si on veut y apporter des restrictions, bien, on
peut le faire, mais à condition qu'elles soient raisonnables et à condition
qu'elles se justifient dans une société libre et démocratique. Ça, c'est
l'article premier de la Charte canadienne des droits.
Alors, il faut toujours avoir ça en tête
quand on est dans la question des restrictions. Alors, pour évaluer si une
restriction que l'on s'apprête à apporter à Carter, par exemple, est vraiment
conforme à l'article premier dont je viens de parler, il y a des critères qui
ont été développés dans un arrêt que nous, on connaît très bien, qui est
l'arrêt Oakes. On appelle ça comme ça. Alors, peut-être que je vais vous dire,
à un moment donné, les critères d'Oakes, mais c'est ces critères-là.
Alors, je vais passer rapidement dessus.
D'abord, quand on veut restreindre, il faut que notre objectif soit réel et
urgent. Ce n'est pas pour des peccadilles, là, en d'autres mots. On veut que le
lien entre l'objectif réel et urgent de la restriction et la restriction
elle-même soit logique, qu'il y ait un lien entre les deux. On veut que la
restriction atteigne le moins possible le droit à l'aide médicale à mourir, on
appelle ça l'atteinte minimale, et on veut qu'il y ait un équilibre entre les
avantages et les inconvénients.
La restriction a des avantages et des
inconvénients, mais il faut qu'il y ait un genre d'équilibre. Et aussi le
législateur a l'obligation d'assurer l'égalité de traitement, hein? On parle
souvent de discrimination, on n'en fera pas une thèse de doctorat dans le peu
de temps qu'on a, mais il faut qu'il y ait une égalité de traitement dans
les... à travers tout ça aussi. Ne pas respecter un seul point de tout ça fait
que, comme il y a eu lieu dans Truchon-Gladu, bien, il peut y avoir des
contestations et, évidemment, la restriction peut s'avérer nulle et inopérante,
à ce moment-là.
Alors je vais vous parler très rapidement
de notre position par rapport au handicap neuromoteur. Carter, ni la loi
fédérale... ils prévoient tous les deux l'admissibilité du handicap, hein,
comme vous le savez. Bien, la loi québécoise, selon nous, devrait faire de même
aussi, mais il y a la spécification du caractère neuromoteur du handicap. Notre
mémoire a attiré votre attention, puis on n'y reviendra pas, sur les
difficultés réelles de ne pas reconnaître le handicap, soit en général, et, à
plus forte raison, de restreindre les handicaps à des handicaps neuromoteurs et
de vouloir les définir. C'est excessivement difficile. Je crois que c'est... En
tout cas, c'est tout un travail à faire.
Alors, ces restrictions, par ailleurs,
elles ont pour but d'écarter des personnes qui sont aptes, qui ont des
handicaps graves et incurables, qui répondent, d'autre part, à tous les
critères d'admissibilité de l'AMM. Alors, selon nous, ça ne rencontrerait pas
les critères dont je viens de vous parler tout à l'heure.
Un mot sur les demandes anticipées, la
nature et la portée des demandes anticipées. Nous, avec l'Institut de
planification des soins, les demandes anticipées et les directives médicales
anticipées, on connaît ça, je dois vous <dire...
Mme Chalifoux (Danielle) :
...avec
l'Institut de planification des soins, les demandes anticipées et les
directives médicales anticipées, on connaît ça, je dois vous >dire.
Alors, pour éviter que le tiers de confiance, là, et les professionnels de la
santé ne substituent leur propre jugement à celui de la personne, on aimerait
que, dans le PL n° 11, on puisse dire... qu'il y ait
un article qui assure que les volontés clairement exprimées dans une demande
anticipée d'AMM ont, à l'égard des tiers, des autres personnes, la même valeur
et la même force contraignante que les volontés exprimées de façon contemporaine
par une personne apte à consentir aux soins. Ce que je vous dis là, ce n'est
pas nouveau dans le droit, là, c'est admis, c'est... Il y a un arrêt célèbre
qui en traite.
Maintenant, moi, il y a quelque chose qui
me peine un peu, c'est l'exclusion des personnes qui ont subi un AVC ou un
autre accident soudain et imprévisible de la possibilité d'avoir... de pouvoir
faire des demandes anticipées, parce qu'exiger un diagnostic préalable exclut
automatiquement ces personnes, et il y en a beaucoup. Cela répond-il au test de
Oakes? Comme je vous disais tout à l'heure, si on prend tous les critères,
nous, on croit que non puis on recommande qu'il y ait deux voies d'accès
prévues à l'AMM, soit en cas d'inaptitude avec une maladie neurodégénérative
comme c'est le cas, ou bien en prévision d'un événement ou d'un accident
soudain et imprévisible. Et ce ne serait pas la première juridiction qui le
fait, la Hollande le fait.
Tant qu'aux demandes anticipées et la
souffrance, un petit mot là-dessus aussi, le PL exige que l'évaluation de la
souffrance des personnes inaptes ait un caractère objectif. Cela crée deux
catégories de souffrance parce que celle qui s'apprécie au niveau de la demande
contemporaine, c'est de façon subjective, c'est la personne elle-même qui définit
c'est quoi, sa souffrance, ce n'est pas objectif. Alors donc, on trouve que
cette restriction-là, qui correspondrait, si vous voulez, à un critère
supplémentaire, bien, ne correspond pas nécessairement au critère de Oakes, et
ça crée une... on vous parlait d'égalité de traitement, ça crée une inégalité
de traitement. Alors donc, on recommande que ce caractère objectif soit
retranché, d'autant plus qu'il peut aller directement à l'encontre de ce que la
personne a demandé dans sa directive.
Finalement — j'achève, Mme la
Présidente — les personnes dont le trouble mental est le seul
problème médical invoqué. On sait que, dans Carter, il n'est pas question de
trouble mental... pas mental, physique, c'est dire : C'est des troubles de
santé puis c'est une maladie, alors... puis dans la loi fédérale aussi, ce
n'est pas exclu comme tel, les personnes qui souffrent d'un trouble mental.
Donc, le PL n° 11 les exclut nommément. Alors, ce
n'est même pas, selon le droit, là, une restriction, ça, c'est une prohibition,
alors ça va encore plus à l'encontre de l'arrêt Oakes et des principes
juridiques qui font que, quand on veut limiter un droit, bien, on ne va pas... on
peut le limiter, oui, dans certaines conditions, mais on ne peut pas le
prohiber complètement.
Alors, nous, ce qu'on vous suggère, c'est
d'adopter le même raisonnement que le fédéral a fait, c'est-à-dire d'avoir un
moratoire ou de reporter, si vous voulez, l'admissibilité des personnes qui ont
un trouble mental, le temps... parce qu'on réalise très bien qu'il faut mettre
des structures en place, puis des mesures de sauvegarde sérieuses, et que ça
pourrait, en même temps, être conforme au droit. Et disons qu'on ne met pas non
plus, là, quelque chose qui est prématuré, là, sur place. Alors donc, c'est un
peu ce que je voulais vous dire.
• (15 h 50) •
Puis je voudrais aussi finir sur un petit
côté un peu rassurant. Vous savez, les... Il ne faut pas dire que toute
restriction n'est pas admissible, là. Il y en a, des restrictions qui sont
admissibles. Puis nous, on vous soumet que, par exemple, le critère du déclin
avancé et irréversible des capacités qu'il y a dans la loi provinciale, qui est
très important... Et c'est une restriction que nous, on considère qui est
valide et qui devrait avoir lieu de continuer, parce que ça, ça donne vraiment
le portrait, là. On pense à une personne qui a une maladie grave et incurable
puis on dit tout de suite : Est-ce que ses capacités, vraiment, sont
diminuées à un point où elle pourrait avoir l'aide médicale à mourir? Alors,
c'est un peu ce que je voulais vous exposer, et j'espère que je n'ai pas
dépassé mon temps, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il n'y a pas de problème, Me Chalifoux, M. Jobin...
Pr Jobin, merci beaucoup. La ministre a accepté de prendre ce qui allait
au-delà de votre temps sur son temps. Alors, merci pour votre présentation. On
va commencer sans tarder avec la période de questions... la période de
questions, la période d'échange avec la ministre. Il vous reste
11 min 30 s.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Me Chalifoux, Pr Jobin, merci pour votre exposé. C'est
très intéressant, puis, en fait, ce que je comprends, c'est que vous nous mettez
en garde contre le fait que, si on adopte une loi qui n'est pas conforme soit à
la jurisprudence, soit à la charte des droits, soit à la loi fédérale, on
s'expose à... donc, vraiment à des <poursuites...
Mme Bélanger :
...donc,
vraiment à des >poursuites ou différentes problématiques, disons ça
comme ça, et que notre loi ne pourrait être interprétable aussi, y compris par
la magistrature, bien sûr, mais aussi, probablement, par les professionnels
eux-mêmes.
Je comprends que vous nous suggérez de retirer
«handicap neuromoteur» et de conserver le terme «handicap», en plus de «trouble
mental», comme pour bien s'arrimer au fédéral, mais j'aimerais ça vous entendre :
Est-ce que vous ne croyez pas qu'à l'opposé... parce que «handicap neuromoteur»
pourrait être restrictif, je le comprends bien, mais de ne pas qualifier la
notion de handicap, comme le fédéral le fait, ne peut... ne nous amène pas, à
l'opposé, là, à être... à des dérapages importants parce que la notion de
handicap n'est pas nécessairement bien définie non plus?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
vous avez raison sur une chose, c'est que c'est vrai que c'est très difficile
de définir c'est quoi, un handicap, parce que c'est un état. Puis les
organisations, puis l'office des handicapés et toutes ces organisations-là... et
même l'INSPQ, hein, je vous ai signalé, parce que c'est dans mon mémoire, a
aussi défini un peu, essayé de définir, la Commission ontarienne des droits et
libertés essaie de définir, puis toutes les définitions sont différentes, hein?
Alors, je pense, sans en avoir l'assurance,
que c'est peut-être pour cette raison que ça n'a pas été défini au fédéral, mais
ce que j'ai vu dans les statistiques, dans les rapports qui ont été faits... il
n'y en a pas, de dérapage par rapport au handicap, parce que la question est...
que ce soit une maladie, que ce soit un handicap, que ce soit une affection,
l'important, c'est les autres critères qui suivent : la maladie ou le
handicap est-il grave et irréversible, est-ce qu'il est vraiment irréversible?
Ce n'est pas toujours le cas. Est-ce que la personne a un déclin avancé de ses
capacités, est-ce qu'elle souffre de façon intolérable? Est-ce qu'il n'y a pas
moyen de bonifier sa situation, etc.?
Alors, me semble-t-il que, dans cette
perspective-là, ajouter «moteur» ferait que... bien là, c'est quoi, un handicap
moteur? Est-ce qu'une personne qui aurait une malformation congénitale, par
exemple, et qu'il lui manquerait les bras, est-ce qu'elle entre dans cette
définition-là? Vous avez... Je ne sais pas si vous avez lu notre mémoire, mais,
en tout cas, c'est assez pour qu'une chatte en perde ses petits, là, hein, je
pense. Ça fait que, donc, c'est les dangers, je pense, de la... de définir.
Et je pense aussi qu'il faut faire
confiance à la communauté médicale parce qu'ils ont des... ils ont des
communautés de pratique à travers le Canada. Ils se rencontrent, ils font des
formations, ils se parlent, etc., et je pense qu'à travers ça... Et eux ne se
plaignent pas, là, ne disent pas que le handicap pourrait donner... juste
général, là, pourrait donner lieu à des dérives. Ça n'apparaît pas dans les
statistiques, en tout cas, pour l'instant. Et on est confiants que les médecins
sauront vraiment, avec les autres critères, déterminer qu'est-ce qu'il en est.
Mme Bélanger : OK. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
de... Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup à vous deux pour votre présence
aujourd'hui.
Vous avez mentionné que ça n'inclut pas
certains handicaps, comme, bien, en fait, l'AVC, qui ne serait pas inclus dans
notre projet de loi, ou des accidents suivant un décès... un accident soudain
ou imprévisible, là. Je vous ai entendus un petit peu, j'ai pris des notes,
rapidement. Est-ce que vous pensez qu'on devrait, si on y va dans cette
direction-là, avoir un certain nombre de temps qu'on pourrait dire que la
personne pourrait faire une demande anticipée, quand ils ont un accident
d'automobile, supposons, puis... parce qu'on sait que certaines personnes
s'adaptent à leur handicap ou à leur situation, à leur état. Donc, je voulais
vous entendre sur le nombre de temps, la durée qu'on devrait peut-être...
Mme Chalifoux (Danielle) : ...remercie
beaucoup de votre question, parce que j'aurais aimé ça le dire dans mon exposé,
mais je n'avais pas le temps. C'est ça, c'est que, voyez-vous, il y a des gens,
présentement, qui se disent, là : Moi, mon hérédité fait que j'ai de
fortes chances d'avoir un... de faire un AVC, de faire quelque chose de... une
crise, là, qui arrive, là, une démence vasculaire soudaine et imprévisible,
puis ils se préoccupent de dire : Bien, je ne serai jamais... je ne
pourrai jamais faire de demande anticipée parce que je n'aurai pas eu de
diagnostic préalable. Alors, moi, je trouve que c'est un réel problème.
Et puis, pour répondre à votre question,
je pense qu'il n'y a personne qui veut une demande anticipée qui date d'il y a
20 ans puis qui n'a jamais été <renouvelée...
Mme Chalifoux (Danielle) :
...veut
une demande anticipée qui date d'il y a 20 ans puis qui n'a jamais été >renouvelée,
parce que, bon, il y a de l'incertitude par rapport à ça, l'évolution, etc.
Alors, nous, on propose que, dans le cas
d'une personne qui fait une demande et qui n'est pas dans le spectre des
maladies dégénératives, qu'elle ait l'obligation de renouveler à tous les cinq
ans. Comme ça, elle pourra se manifester, on pourra savoir que c'est toujours
ça qu'elle veut. Et dépendamment, comme vous dites, évidemment, il y a des
évolutions dans les maladies, il y a peut-être des choses que cette
personne-là... elle aurait pu changer d'idée. Alors, c'est pour ça qu'on pense
qu'il y a une actualisation qui serait importante, si c'était le cas, que vous
décidiez d'inclure ces... les gens qui, éventuellement, pourraient faire des
AVC et qui deviendraient inaptes par la suite.
Mme Picard : J'ai peut-être
une autre question, Mme la Présidente. C'est peut-être un petit peu
philosophique, ma question, mais j'aimerais savoir si, selon vous, une personne
peut se projeter... peut projeter ses souffrances. Parce que, quand on n'a pas
vécu les souffrances, on peut probablement difficilement comprendre les
souffrances. Comment, dans un formulaire, une personne peut bien exprimer ses
souffrances qu'elle va subir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Les
souffrances appréhendées, c'est ça?
Mme Picard : Exactement.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui.
C'est difficile, des fois, d'appréhender les souffrances. Bien, écoutez, je ne
sais pas, là, mais, en vieillissant, en tout cas, on rencontre plein de
situations. C'est une mère, c'est un père, c'est un frère, dans la famille,
tout ça, les gens font des AVC, il y a de la démence, etc. On a comme... La
jeune femme, là, qui vient souvent faire des témoignages, et tout ça, elle a vu
son père dans des situations absolument abominables. Je veux dire, vous savez,
ce n'est pas nécessairement de l'avoir expérimenté soi-même, mais je pense
qu'il y a certaines caractéristiques de souffrance qu'on peut être à même de
dire : Bien, moi, je ne veux pas ça.
Et moi, je vais vous dire, depuis 2010, je
fais des conférences partout dans le Québec, et très souvent sur ces sujets-là,
et, normalement, les gens me disent... pour les demandes anticipées, là, les
gens me disent : Moi, j'ai vu ma mère et je ne veux pas vivre ça, voyez-vous,
c'est qu'on a comme une impression. Puis je pense que c'est une valeur aussi,
de dire qu'on préférerait ne pas être exposé à ces souffrances-là, quitte à
aussi reconnaître que, dans certains cas, là, quand ça fait 20 ans qu'on a
décidé ça, bien, peut-être qu'il faudrait réactualiser la demande.
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Je vais reconnaître la députée
d'Abitibi-Ouest. Il reste 3 min 20 quelques secondes.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux pour la belle présentation. Lorsqu'on parle d'une
demande anticipée et que la souffrance contemporaine... on réalise que la
souffrance psychologique est beaucoup plus présente que la souffrance physique,
qu'arrive-t-il à ce moment-là?
Mme Chalifoux (Danielle) : Mon
Dieu! C'est une belle question. C'est une question philosophique un peu.
Écoutez, on a beaucoup parlé de la démence heureuse, de la souffrance
existentielle, etc. Moi, je vais vous dire, puis on a donné un peu le titre de
notre mémoire là-dessus, c'est sur un humanisme et une... et la possibilité de
faire ses propres choix, c'est-à-dire le droit à l'autodétermination, et je
pense que tout est dans le formulaire, que je déteste appeler le formulaire
parce que, pour moi, c'est une demande, et il ne faudrait surtout pas que ce
soit quelque chose dans laquelle on coche des cases.
Il faudrait que les gens puissent exprimer
qu'est-ce que c'est... quelles sont leurs valeurs par rapport à la souffrance.
Est-ce que, par exemple, une personne qui n'aurait pas de signe objectif de
souffrance mais qui dit que... Moi, ma perte de dignité, le fait que je ne peux
plus faire aucun projet, que je ne reconnais plus les miens, que je ne suis
plus du tout la personne que j'étais, c'est assez pour moi pour pouvoir
demander l'aide médicale à mourir... mais il faudrait que ce soit dans la
demande. Donc, si la personne le demande de cette façon-là, bien, on va la
respecter. Si elle ne le demande pas, si elle demande, au contraire, de dire :
Non, moi, ces souffrances-là, je ne veux pas avoir l'aide médicale à mourir...
Mais, en fait, le droit à l'autodétermination, je pense, c'est là qu'il
s'exprime le plus, mais il faudrait évidemment avoir, peut-être, des conseillers,
même, je ne sais pas, des travailleurs sociaux, des... et les médecins, qui
sont très occupés, évidemment, mais de... pour exposer ces choses-là aux gens,
pour qu'ils puissent éventuellement faire les bons choix.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Je
vous en prie.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Si
je peux apporter juste une nuance, le provincial a juridiction sur le
consentement. Donc, dans les règlements ou dans la loi, vous pourriez indiquer,
exiger des conseils, consultation d'un <psychologue, un travailleur
social, etc. Ça pourrait être précisé dans la loi...
>
16 h (version révisée)
< M. Jobin (Pierre-Gabriel) :
...exiger
des conseils, une consultation d'un >psychologue, d'un travailleur
social, etc., ça pourrait être précisé dans la loi.
Mme Blais : ...des situations
similaires?
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Non,
pas proche de moi. Par contre, on disait tout à l'heure que, quand quelqu'un
subit un AVC, il perd sa capacité et il ne peut plus faire une demande.
Souvent, c'est le cas, mais pas toujours. J'ai connu quelqu'un qui a fait un
AVC puis qui avait gardé tout son esprit. Alors, cette personne-là aurait pu, à
ce moment-là, là, faire une demande anticipée, puis ensuite elle est décédée.
Mme Blais : Merci beaucoup.
Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce
que je peux me permettre un commentaire sur...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Rapidement, on va continuer par...
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
très, très rapidement. Oui, c'est que le problème avec les AVC, c'est un peu le
problème aussi quand on parle des troubles mentaux, c'est qu'est-ce qui est
irréversible et quand est-ce que c'est... quand est-ce qu'on va dire que c'est
incurable? Parce qu'un AVC il y a toujours une période de récupération. Il y a
des gens qui vont la faire puis qui vont redevenir comme ils étaient
auparavant, mais... Alors, bien, je me tais. Peut-être que quelqu'un d'autre
va...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je suis gardienne du temps, je suis vraiment désolée, mais
c'est vraiment intéressant. On va d'ailleurs poursuivre nos discussions avec l'opposition
officielle, qui bénéficie de 12 min 23 s. Mme la députée de
Westmount—Saint-Louis, je présume, la parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci. Bien,
je vous laisse la parole parce que mes questions étaient dans le même
alignement, bien, comment anticiper la souffrance, surtout face à un AVC, où
les résultats peuvent varier d'une personne à l'autre suite à un accident, parce
que la différence avec une demande anticipée, c'est qu'on le sait, on est en...
on a une souffrance contemporaine, puis on peut anticiper qu'est-ce qui arrive,
puis la différence, c'est... je peux établir dans mon formulaire, par exemple,
si c'est la façon que ce sera établi, tous les critères, mais ce n'est
peut-être pas la même chose quand on ne peut pas prévenir... avec un AVC, parce
que je n'ai aucune idée, ça va être quoi, le résultat. Alors, je vous laisse
terminer votre réponse.
Mme Chalifoux (Danielle) : Ah
bon! Vous êtes bien gentille, merci. Bien, c'est ça, alors donc, les gens, les
spécialistes qui regardent ça, qui ont... qui se sont décidés... dont la Dre
Mona Gupta, je ne sais pas si vous l'avez entendue ou vous allez l'entendre,
parle du caractère irréversible et du caractère incurable puis elle dit que,
dans des conditions... dans certaines conditions, on ne peut pas avoir l'assurance
à 100 %, mais on est vraiment confortables de savoir qu'il n'y aura pas
de... que c'est devenu définitif et qu'il n'y aura pas...
Comme dans le cas d'un ACV, prenez une
personne qui a 80 ou 85 ans, qui fait un ACV massif et qui ne se remet
vraiment pas, qui demeure inapte, est-ce que vous pensez réellement qu'il y a
des chances qu'elle redevienne ce qu'elle était? En général, je parle peut-être
à l'infirmière aussi ici, là, en général, ce qu'elle va faire, c'est qu'elle va
en refaire d'autres. Elle va refaire d'autres petits AVC. Alors donc, c'est... la
question est qu'à un moment donné, peut-être pas au début, mais, à un moment
donné, ça va devenir que ça va être incurable et irréversible, et, à ce
moment-là, bien, il n'y a pas de raison de ne pas lui donner l'aide médicale à
mourir, si elle l'a demandée expressément dans sa demande. Est-ce que ça répond
à votre question?
Mme Maccarone : Oui, bien
oui. Je pense que ça va engendrer encore plus de débats, parce qu'évidemment le
but, c'est de protéger des personnes qui se retrouvent en situation de
vulnérabilité et aussi pour envoyer un message aux personnes en situation de
handicap que leur vie vaut moins... On est préoccupés par ceci. Ça fait que
voilà mon alignement. Quand vous parlez, la première chose qui sort de ma
réflexion, c'est quel message est-ce que nous sommes en train d'envoyer à une
personne en situation de handicap?
Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce
que vous me posez la question?
Mme Maccarone : Vas-y.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci.
Si vous lisez l'arrêt Truchon-Gladu, il y a des pages excessivement importantes
qui portent sur la vulnérabilité, et j'encourage tout le monde à les lire parce
que c'est empreint d'humanisme, et c'est empreint aussi de droit, et on dit que,
bon, dans le cadre de l'aide médicale à mourir, ce qui est important dans...
chez les personnes qu'on dit vulnérables, c'est qu'elles soient aptes. Quand
une personne est apte à consentir, qu'elle est capable de faire un... de porter
un jugement libre et éclairé sur quelque chose, c'est totalement différent que
la personne qui est inapte, parce que la personne qui serait inapte, handicapée
inapte, elle ne fait pas partie, dans le moment, ni du PL n° 11
ni... nulle part, là, parce que le fondement même, c'est l'aptitude.
Et on dit aussi qu'il arrive qu'on veuille
protéger les gens contre eux-mêmes, contre leur propre volonté. Vous savez qu'il
y a les conventions des Nations unies, maintenant, puis tout ça, sur le droit
des handicapés, qui fait qu'on va promouvoir leur sens de l'autonomie,
l'autonomie de choix, l'autonomie dans tous <les domaines...
Mme Chalifoux (Danielle) :
...promouvoir leur sens de l'autonomie, l'autonomie de choix, l'autonomie dans
tous >les domaines de leur vie, etc. Évitez... Je vais dire un gros mot,
là, évitez des mentalités un peu paternalistes comme : Nous, on pense
qu'on a la solution à leurs problèmes, alors que, peut-être, ils sont
totalement en mesure de trouver leurs propres solutions. Cela ne veut pas dire
non plus d'exclure complètement que ces personnes-là sont handicapées, mais de
favoriser, essayer de promouvoir leur propre autonomie tant qu'elles sont
aptes, évidemment, pour l'aide médicale à mourir. On revient toujours aux
conditions aussi, là. Évidemment, il faut être dans toutes les autres
conditions.
Mme Maccarone : Que
devons-nous faire face à une demande anticipée qui est remplie, dûment remplie,
notariée, accompagnée par le tiers de confiance, avec la personne concernée,
qui est rendue au moment où on dit : Nous devrons peut-être déclencher le
processus... ça ne reflète pas exactement ce qui est écrit dans la demande
anticipée, et je souhaite à votre réponse... Comme si, par exemple, on dit :
Oui, la personne souffre, mais ce n'est pas nécessairement une réflexion de ce
qui était écrit dans le document qui était notarié, est-ce qu'on fait fausse
route, si on poursuit avec la demande anticipée, surtout dans un cas comme une
démence heureuse? Vous l'avez soulevé un peu dans votre mémoire, mais pas dans
vos remarques. Alors, si vous pouvez clarifier un peu votre position là-dessus...
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
bien, écoutez, moi, je ne suis pas médecin, mais j'ai fait des études
d'infirmière puis j'ai pratiqué dans les soins palliatifs et aussi dans des
CHSLD. J'en ai vu, des madames, là... je dis «des madames», j'ai moins vu de
messieurs, je ne sais pas pourquoi, mais, en tout cas, je ne veux pas faire de
catégories ici, là, bien, tu sais, qui ont vraiment, là... se promènent dans
les corridors, sont souriantes, jouent avec leurs poupées, sont de bonne
humeur, sont toujours... mangent bien, ont des petites joies de tous les jours,
là, et elles sont complètement inaptes, elles ne reconnaissent pas les leurs,
elles sont... mais elles sont dans un état qu'on dit... démence heureuse.
Moi, je me dis, fions-nous donc à ce que
les gens pensent et à ce qu'ils ont écrit dans leur demande. Si, pour eux,
c'est une déchéance, c'est une atteinte à leur dignité... Remarquez que je ne
fais pas de... personnel là-dedans, là, parce que je ne veux pas faire la
promotion de ça nécessairement, mais si, pour eux... c'est ça, si, pour eux,
ils ont vraiment... ils considèrent ça comme une souffrance, qu'ils sont... ils
trouvent ça inacceptable d'être comme ça, bien, respectons leur... c'est leur
droit de le décider de cette façon-là. Et, s'ils ne l'ont pas décidé, s'ils
n'en ont pas parlé dans leur demande, bien, on va y aller de façon à respecter
leur... le principe du droit à la vie le plus longtemps possible, mais ce n'est
que temporaire, parce que la démence heureuse, elle ne dure pas jusqu'au décès,
hein? C'est très temporaire. Ça ne sera pas long que la personne va perdre son
autonomie, va être grabataire, va se retourner en petit chien de fusil, puis ne
pourra plus manger, puis va avoir... peut-être, va avoir toutes sortes d'autres
troubles parce que la souffrance la guette de toute manière.
Et puis j'ai beaucoup apprécié, dans le PL
n° 11, qu'on dise qu'une fois que... si la demande
est refusée, à un moment donné, pour une raison ou pour une autre, bien, on
peut la reprendre un peu plus tard. Ce n'est pas complètement définitif, parce
que disons que la personne... on considère qu'elle n'a pas demandé, dans sa
demande... qu'elle est bien, elle semble heureuse, bien, on va retarder, je
dirais, au moment où la souffrance, à ce moment-là, se manifesterait.
• (16 h 10) •
Mme Maccarone : ...toujours
bien au niveau juridique, parce que, dans la loi, on parle d'un refus, mais,
dans le Code civil, on parle d'un refus catégorique. Est-ce que ça, c'est une
modification qui est nécessaire dans cette loi?
Mme Chalifoux (Danielle) : Le
refus catégorique, c'est pour une personne qui est inapte, mais qui n'a jamais
fait de demande anticipée. On n'est pas dans le même cadre, là. Quand la
personne a fait une demande anticipée... C'est pour ça que je trouve que, dans
le PL n° 11, ça serait important de bien dire que la
demande anticipée, elle vaut exactement la même chose quand elle est faite par
une personne apte que si elle avait fait une demande contemporaine.
Alors, dans le cas du refus catégorique,
ce n'est pas du tout dans la même... ça n'a pas cette... ce besoin qu'on a de
référer à la demande anticipée parce qu'elle n'existe pas dans le refus
catégorique. C'est le refus catégorique d'une personne inapte, mais, selon moi,
ça n'a pas tellement de rapport, les deux.
Mme Maccarone : Une
dernière question avant que ma collègue vous pose une question. Je trouve
intéressant... Je suis d'avis que vous... On ne parle plus de soins de fin de
vie parce qu'on a enlevé le critère d'état. Nous sommes maintenant dans la
maladie. Alors, ça nécessite un changement au titre de la loi, mais vous, vous
proposez d'ajouter les soins palliatifs. Alors, je trouve intéressante votre
proposition puis j'aimerais que vous élaboriez là-dessus, parce que, quand nous
avons entendu les <groupes qui représentent les maisons qui offrent...
Mme Maccarone :
...élaboriez
là-dessus, parce que, quand nous avons entendu les >groupes qui
représentent les maisons qui offrent des soins palliatifs, bien, pour eux,
c'est différent, puis ils ne souhaitent pas devenir des maisons de soins de fin
de vie, nécessairement, d'aide médicale à mourir parce que ce n'est pas
nécessairement leur mandat. Et nous avons entendu aussi des témoignages des
experts en soins palliatifs qui disaient qu'ils peuvent très bien aussi aider
la personne à vivre plus longtemps, alors aide médicale à vivre et non
nécessairement aide médicale à mourir. Alors, pourquoi la notion d'ajouter
«palliatifs» dans le titre?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
c'est parce que nous sommes les seuls au monde, je crois, à avoir une loi qui
est... qui englobe les deux, qui englobe autant les soins palliatifs que l'aide
médicale à mourir, et moi, je pense que c'est une richesse. Je ne dévierais pas
de ce cadre-là. Je mettrais, par exemple, l'accent sur le fait que, pour l'aide
médicale à mourir, on n'est pas nécessairement en fin de vie, alors donc, pour
ne pas qu'il y ait de confusion, mais je devrais vous dire... Je crois que...
Moi, j'ai fait des soins palliatifs aussi.
J'ai travaillé à peu près cinq ans en soins palliatifs, et, de plus en plus,
les mentalités sont de dire : Bien, les soins palliatifs, ce n'est pas
uniquement la fin de vie, ça peut être... à un moment donné, vous avez un
diagnostic que, bon, la maladie est grave et elle est incurable, mais vous
allez mourir peut-être dans plusieurs années, mais on va déjà commencer à faire
des soins palliatifs.
Alors, pour moi, ce critère-là n'est pas
nécessairement primordial, mais ce qui est primordial, par exemple, c'est de
maintenir les soins palliatifs dans tout ce... On a fait une loi qui était globale,
puis je pense qu'on devrait la garder comme ça, mais on pourrait tout
simplement l'appeler la «loi sur les soins palliatifs et l'aide médicale à
mourir». Alors, ce serait très bien parce que, vous le savez comme moi, là,
puis je vais faire juste un petit pitch là-dessus, là, hein, les soins
palliatifs, c'est très, très important, puis il ne faudrait jamais que l'aide
médicale à mourir devienne une solution parce que nos soins palliatifs sont si
déficients au Québec.
Mme Maccarone : Vision partagée.
Merci beaucoup.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : ...dans
le projet, c'est que toutes les maisons, toutes les institutions de soins
palliatifs soient obligées d'administrer l'aide médicale à mourir quand on est
dans les conditions et qu'il y a une demande. On sait qu'il y en a plusieurs
qui, par philosophie, de la vie ou religieuse, refusent de le faire, ce qui
cause des problèmes pour les malheureux qui sont pris là, et auxquels on ne
recommande même pas d'être transférés dans un hôpital. Alors, c'est une très
bonne chose que ce soit obligatoire.
Mme Maccarone : ...c'est
une... avant, la personne rentre, ils font quand même un triage pour s'assurer
que la personne reconnaît les critères avant de rentrer dans la maison, puis,
si c'est toujours souhaité, bien, ils font tout leur possible pour le transfert,
mais,oui, en effet, pour la personne concernée, ça ne doit pas être évident.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Quand
on entre dans une maison de soins de fin de vie, on n'est pas en forme.
Mme Maccarone : Tout à fait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste 44 secondes pour une très courte... ou un
commentaire, la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Pour renchérir
sur les questions qui vous ont été posées à propos de ceux qui subissent un
AVC, par exemple, pensez-vous qu'il devrait y avoir la possibilité d'avoir un
document similaire au... non-réanimation, similaire... donc, si on peut prédire...
par exemple, si on fait un document qu'on ne veut pas être réanimé en cas de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En 15 secondes.
Mme Prass : Pensez-vous qu'il
y aurait... il devrait y avoir une possibilité d'inscrire, de la même façon,
qu'on veut d'un... bien, avec la possibilité d'un AVC, la personne se retrouve,
à long terme, inapte, qu'il devrait y avoir ainsi droit à l'aide médicale à
mourir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Vraiment,
je ne pourrais pas vous donner une réponse. Là, ce serait de l'improvisation,
là, parce que je... ce n'est pas dans notre mémoire, puis on n'a pas réfléchi
vraiment à la manière exactement de faire, mais, chose certaine, en Hollande,
ça fait partie des choix et c'est gouvernemental, finalement, c'est que c'est
les politiques gouvernementales qui font que, bon, au niveau de l'admission... parce
qu'il y a la non-réanimation, et il y a la demande anticipée aussi, puis il y a
la demande anticipée générale, et il y a la demande anticipée pour les gens qui
font de la démence. Alors, ils ont couvert vraiment tout le secteur. Bien, je
vous encourage peut-être à prendre connaissance de la façon dont ça fonctionne...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : ...parce
qu'ils ont vraiment une solution à cette question-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois maintenant passer de la parole, pour une période de
4 min 8 s, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. J'ai plusieurs questions pour vous. La première, vous avez fait
référence, quand même, à plusieurs reprises au fait que ce qui était très
important dans la rédaction de la loi, c'était le paragraphe qui fait référence
au déclin avancé et irréversible des capacités. Ça m'amène à vous poser la
question... parce qu'on se rend compte ici qu'on a de la difficulté à définir
le handicap. On réalise qu'il y a des situations qui ne sont peut-être pas
incluses ni dans «maladie» ni <dans «handicap»...
Mme Labrie :
...on
réalise qu'il y a des situations qui ne sont peut-être pas incluses ni dans «maladie»
ni >dans «handicap».
À quel point le troisième paragraphe, où
on mentionne «elle est atteinte d'une maladie grave et incurable ou elle a un
handicap», etc., à quel point il était bien nécessaire? Est-ce qu'on en a
encore besoin, si on se concentre sur le paragraphe 4°, qui parle de «situation
médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible»?
Mme Chalifoux (Danielle) : Selon
moi, il est utile parce qu'il clarifie certaines choses. «Maladie grave et
incurable», ça peut être grave et incurable, mais ce n'est pas... il n'y a pas
nécessairement un déclin avancé des capacités, parce qu'au début de la maladie
il n'y a pas de déclin avancé. Le déclin, ça se fait de façon progressive. C'est
un processus, et je pense que c'est prudent de penser ça.
Et moi, en tout respect, là, je pense
qu'il y a des opinions contraires, mais, quand on a... Quand la Cour suprême a
décidé, dans Carter... Mme Carter puis Mme Taylor, les deux personnes qui
demandaient l'aide médicale à mourir, étaient vraiment dans un déclin avancé de
leurs capacités, c'étaient des personnes qui avaient des maladies dégénératives
importantes et qui étaient vraiment dans la phase finale, même... qu'elles
n'étaient pas vraiment en fin de vie, mais elles correspondaient vraiment à ce
critère-là, puis la Cour suprême a dit : Nous, dans Carter, on décide par
rapport aux personnes que l'on a devant nous. Et c'est ces personnes-là qu'il y
avait devant elle, et elles avaient toutes les deux un déclin avancé et
irréversible de leurs capacités.
Moi, je pense que c'est utile, parce qu'il
y a beaucoup de maladies graves et irrémédiables qui... si elles sont prises au
tout début, il me semble qu'il devrait y avoir... Ça devrait être accompagné.
Je pense que c'est une restriction que moi, je pense... qui serait logique, qui
serait une atteinte minimale, là, au droit, comme on dit dans Oakes, là, mais
je sais qu'il y a des opinions contraires.
Mme Labrie : OK, sauf que
c'est cumulatif, quand même, c'est-à-dire que tous les critères doivent être
remplis. Là, vous me... La maladie grave incurable, elle doit se caractériser
par un déclin avancé et...
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
oui, absolument.
Mme Labrie : Par rapport à
l'exemple des AVC que vous nous avez apporté, est-ce que vous pensez... En
fait, je ne suis pas certaine... Je veux clarifier votre recommandation. Est-ce
que vous nous recommandez que les demandes anticipées soient accessibles à tout
le monde sans qu'il y ait nécessairement un diagnostic, à condition que ce soit
révisé tous les cinq ans? C'est bien ça?
Mme Chalifoux (Danielle) : Moi,
je suis pour le respect des volontés des personnes. Si la personne veut
exclusivement prévoir sa condition d'alzheimer, qu'elle le fasse, mais il ne
faudrait pas empêcher une personne dont, surtout, l'hérédité et le fait qu'elle
va probablement faire un AVC un jour, de... elle, de l'exclure complètement de
l'aide médicale à mourir, mais je pense que le choix pourrait être fait par une
personne. Elle peut vouloir les deux. Elle peut vouloir un des deux ou, en tout
cas...
Mme Labrie : ...qu'il devrait
y avoir un critère, pour vous, pour pouvoir faire une demande anticipée, par
exemple, d'hérédité, comme vous le mentionnez, ou il ne devrait pas y avoir de
critère, tout le monde devrait pouvoir faire une demande anticipée?
Mme Chalifoux (Danielle) : Non.
Je pense que n'importe qui est susceptible de s'en aller sur la rue, là, puis
de faire un AVC, non, mais je dis ça comme un exemple de gens qui seraient
peut-être plus justifiés que d'autres de le faire.
Mme Labrie : J'entends. Puis,
si j'ai encore un peu de temps, ma troisième question, vous avez parlé de
moratoire. Est-ce qu'il devrait être formulé dans la loi ou à l'extérieur?
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
moi, je... regardez, c'est parce que je trouve que c'est trop important puis je
trouve que c'est faire injure un peu aux personnes des... qui ont des maladies
mentales graves et incurables, irréversibles, de leur dire : Bien, vous
n'êtes pas une maladie. Excusez-moi de le dire comme ça, là, mais c'est un peu
ça que la loi... le PL n° 11 dit.
Moi, je pense qu'on devrait prendre
l'exemple de la disposition équivalente, mais dans la loi fédérale, qui propose
un moratoire, puis là le moratoire pourrait être, je ne sais pas, à votre... à
la discrétion du législateur. Bien, à ce moment-là, ce serait reconnaître que
ces gens-là, ils ont des droits, comme pour n'importe qui, si leur maladie est
grave et incurable, irréversible, ce qui fait évidemment... puis s'ils sont
aptes aussi à consentir. C'est beaucoup de conditions, finalement.
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Jobin (Pierre-Gabriel) : Si
vous excluez les maladies mentales, c'est une exclusion qu'il faut justifier,
et alors vous retombez sur Truchon et Gladu et le test de Oakes, alors bonne
chance.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Pr Jobin, Me Chalifoux, merci beaucoup pour l'apport à nos
travaux, à la richesse des discussions que nous avons eues aujourd'hui. Il me
reste à vous souhaiter une bonne fin de journée.
Et je vais suspendre les travaux le temps
de quelques secondes, quelques minutes, pour recevoir le prochain groupe.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 21)
(Reprise à 16 h 25)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, nous recevons la Confédération des
organismes de personnes handicapées du Québec. Nous avons quatre intervenants.
Je vais vous demander, mesdames, messieurs, de vous présenter et de débuter
votre exposé. Vous avez un total de 10 minutes pour le faire. Nous allons
ensuite entamer la période d'échange avec les membres de la commission. La
parole est à vous.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lupien (Paul) : Bonjour,
Mme la Présidente, et, aux membres de la commission, bonjour à tous. Je vais
faire les présentations des gens qui sont avec moi. Mon nom est Paul Lupien. Je
suis une personne handicapée et je suis président du conseil d'administration
de la COPHAN. Je suis également membre de l'institut national de l'équité et de
l'inclusion des personnes en situation de handicap, l'INÉÉI-PSH. Je suis
accompagné de Mme Kristen Robillard, trésorière du conseil
d'administration de la COPHAN et présidente du comité santé et services sociaux
de la COPHAN, elle est membre également de la Société canadienne de la sclérose
en plaques, division Québec, et de Mme Marie-Josée Beaudoin, coordonnatrice à
la vie associative <et chargée de...
M. Lupien (Paul) :
...division
Québec, et de Mme Marie-Josée Beaudoin, coordonnatrice à la vie associative >et
chargée de dossier à la COPHAN, et de M. André Prévost, directeur général de la
COPHAN.
Je vais présenter sommairement notre
organisation. Mme Robillard présentera notre réaction sur le projet de loi
et nos grands constats à cet égard. M. Prévost traitera du concept de l'aide
médicale à vivre, alors que Mme Beaudoin vous soulignera nos
recommandations sur l'aide médicale à mourir.
La Confédération des organismes de
personnes handicapées du Québec, la COPHAN, est un organisme à but non lucratif
incorporé en 1985. On a pour mission de rendre le Québec inclusif afin
d'assurer la participation sociale pleine et entière des personnes ayant des
limitations fonctionnelles et de leurs familles. Son conseil d'administration
est composé majoritairement de personnes en situation de handicap. Elle
regroupe près de 50 organismes et regroupements nationaux et régionaux de
personnes ayant tout type de limitation fonctionnelle.
La COPHAN s'appuie sur l'expertise et les
compétences de ses membres, dont de nombreuses personnes en situation de
handicap. Son mandat est de représenter et de défendre les droits des personnes
en situation de handicap et de leurs proches auprès des instances
décisionnelles. Les principes qui guident l'action de la COPHAN sont
l'inclusion pleine et entière, la primauté du droit, le droit à l'égalité,
l'accessibilité universelle, l'accompagnement et la compensation des coûts
supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles.
J'invite Mme Robillard à prendre la
parole.
• (16 h 30) •
Mme Robillard (Kristen) : Bonjour
à tous. La COPHAN souhaite, par le présent mémoire, participer au débat devant
précéder l'adoption du projet de loi n° 11, qui a pour objectif de
modifier la Loi concernant les soins de fin de vie en matière d'accessibilité à
l'aide médicale à mourir. L'intention du gouvernement ici est d'élargir
davantage l'aide médicale à mourir. Notre mémoire ne plaira pas à tous, nous en
sommes très conscients, car il dénonce, dans un premier temps, l'état actuel de
notre système de santé, qui est à refonder pour offrir prioritairement l'aide
médicale à vivre.
Les observations présentées dans ce
document concernent spécifiquement le secteur de la santé, alors que d'autres
dossiers, comme le transport, l'éducation, le revenu, et l'emploi, et
l'accessibilité, contribuent également au vouloir-vivre chez de nombreuses
personnes en situation de handicap. Nous pensons que l'aide médicale à mourir
ne peut pas être une solution pour compenser les lacunes de notre système de
santé, ses incapacités et même ses nombreux dysfonctionnements. Effectivement,
dans toutes circonstances, le respect de la personne et de la dignité humaine
doit s'appliquer sans compromis.
Aussi, il ne peut pas être question, pour
la COPHAN, que l'aide médicale à mourir puisse être élargie aux personnes ayant
un handicap neuromoteur ni à d'autres diagnostics à venir. Il est insensé de
permettre à des personnes de recourir à l'aide médicale à mourir, faute de
manque de services. Il est effectivement très gênant de constater que le Québec
se... d'être devenu le premier au monde à pratiquer l'aide médicale à mourir,
de voir le Collège des médecins demander encore plus d'ouverture à cette
pratique et d'observer notre gouvernement légiférer à ce sujet plutôt que
réellement mettre en place des moyens concrets et immédiats pour offrir aux
personnes l'aide médicale à vivre. Pour s'en convaincre, comment expliquer que
notre système de santé est à la fois un des plus dispendieux et un des moins
performants et accessibles au monde parmi les pays les plus développés? Enfin,
une demande anticipée d'aide médicale à mourir peut prendre place, nous
pensons, sous certaines conditions qui restent encore à mieux baliser.
J'invite M. Prévost à prendre la parole.
M. Prévost (André) :
<Bonjour
à tous...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Robillard (Kristen) :
...J'invite
M. Prévost à prendre la parole.
M. Prévost (André) : >
Bonjour
à tous. Depuis des années, tous savent que le système de santé québécois est
brisé. Ce système hypercentralisé carbure aux solutions bureaucratiques, loin
du cœur et de l'humanité des personnes qu'il devrait normalement servir.
Avec le projet de loi n° 11, on parle
plus d'une économie pour le gouvernement du Québec que du besoin de dispenser
des services de qualité à la population et en particulier aux personnes en
situation de handicap.
Le Québec répond désormais à plus de
demandes d'aide médicale à mourir que la Belgique et les Pays-Bas. On parle de
5,1 % maintenant, et même davantage, et cela est toujours à la hausse. À l'inverse,
les personnes en situation de handicap veulent vivre. Malheureusement, le
Québec est rendu à banaliser la mort au lieu de dispenser des services à la
hauteur de sa richesse collective. Mettre l'emphase sur l'aide médicale à
mourir plutôt que sur les soins de vie, aide médicale à vivre, est un moyen
détourné et invisible, selon nous, de couper ou d'interrompre des services, de
baisser les bras face à la bureaucratie et au corporatisme.
Le système de santé canadien, et en
particulier celui du Québec, est à la fois sous pression et enfermé dans un
cercle vicieux. Ce même système est à la merci d'une bureaucratisation de la
santé, insatiable et éthiquement inéquitable. Tous savent que les soins de
santé primaire ou de première ligne sont à renforcer. Le rêve des CLSC, de ses
équipes multidisciplinaires 24 heures par jour, sept jours par semaine, s'est
évaporé sous la férule de la fragmentation des services et du corporatisme.
Aussi, les services de soutien à domicile sont insuffisants et peu performants,
et depuis longtemps également. Le programme d'adaptation du domicile, quant à
lui, est devenu périmé au fil des ans.
L'accès et la qualité des services sont
plus que disparates et inéquitables entre diverses et un grand nombre de
modalités de dispensation et d'utilisateurs. Notre système peine à s'adapter,
comme le montre sa difficulté à reconnaître de nouvelles maladies et de
nouveaux besoins. En ce sens, l'aide médicale à vivre doit redevenir notre
priorité. Après tout, le gouvernement consacre la moitié de nos impôts et de nos
taxes aux programmes de santé, ici, au Québec. Vous pourrez regarder les sept
premières recommandations de notre mémoire, qui portent sur l'aide médicale à
vivre.
J'invite ma collègue, Mme Marie-Josée
Beaudoin, à prendre la parole. Merci.
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Bonjour
à tous. Le projet de loi permet aux personnes atteintes d'une maladie grave et
incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins et à formuler une aide
médicale à mourir afin qu'elles puissent en bénéficier une fois devenues inaptes,
ce que l'on appelle la demande anticipée, mais cette demande peut être
contemporaine également.
D'ailleurs, selon la COPHAN, cette demande
contemporaine devra nécessiter une attention particulière par les
professionnels de la santé, considérant l'état dans lequel une personne se
trouvera au moment où elle en fera la demande. On parle d'une personne
fragilisée par les souffrances physiques ou psychiques insupportables, dont l'article 14
du projet de loi n° 11...
La COPHAN est inquiète, pour les personnes
en situation de handicap, de toute l'interprétation possible autour des
souffrances vécues par les personnes au moment de décider d'une demande
contemporaine et, surtout, comment s'assurer du caractère libre et éclairé dans
de telles circonstances par le professionnel compétent. La décision d'une
personne en situation de handicap de recourir à l'aide à mourir peut comporter
certains biais pour lesquels le professionnel qui reçoit la demande n'est pas
en mesure d'évaluer. L'élargissement de l'aide médicale à mourir dans ce
contexte, ajouté à la situation actuelle où les services sont plus ou moins au
rendez-vous, nous fait craindre, avec raison, des décisions malencontreuses
pour cette clientèle. Pour toutes ces raisons, l'inclusion du handicap neuromoteur
au projet de loi n° 11, entre autres, risque d'ouvrir la porte à des
situations pour lesquelles nos élus ne nous ont pas vraiment habitués jusqu'à
maintenant.
À propos, je m'en voudrais de passer sous
silence le laxisme avec lequel un membre de la commission des soins de vie s'est
exprimé lorsqu'il a été question d'inclure les problèmes neuromoteurs comme
condition pour obtenir l'aide médicale à mourir. Le Dr David Lussier, un des
membres de la Commission des soins de fin de vie, invité à donner son opinion
sur cette inclusion du handicap neuromoteur, qui est allé d'un argumentaire
bureaucratique proposant d'inclure les handicaps neuromoteurs comme condition
viable pour pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir, préoccupé principalement
par l'harmonisation de la loi québécoise à la loi fédérale qui, selon ses
dires, serait plus facile à gérer. Des déclarations qui nous font nous
interroger sur l'analyse de cet élargissement du handicap neuromoteur comme <condition...
Mme Beaudoin (Marie-Josée) :
...handicap
neuromoteur comme >condition pour avoir accès à l'aide médicale à mourir
au sein de la commission, de son application et sur la teneur de tels propos
par un professionnel de la santé recruté principalement, je vous le rappelle,
pour ses connaissances médicales au sein de cette commission.
Une de nos recommandations est donc de
s'assurer, comme professionnels compétents, médecins, infirmières, que cette
demande d'aide à mourir n'est pas le reflet d'un manque de services de soins et
de moyens pour assurer à sa clientèle les soins requis. Les critères, mort
naturelle raisonnablement possible et de fin de vie, prévus dans la législation
canadienne et québécoise doivent être maintenus.
Concernant la production de la demande
anticipée, la notion de professionnel compétent est assurément bienvenue pour
assister la personne qui formule une demande anticipée. Par contre, là où le
bât blesse, c'est que l'on parle d'une obligation et non d'une recommandation.
Mais qu'en est-il des personnes en situation de handicap qui n'ont pas accès à
une infirmière clinicienne et encore moins à un médecin de famille? Des
initiatives qui devront être mises de l'avant afin de contrer cette
problématique. La COPHAN recommande que des comités bioéthiques puissent être
rattachés aux médecins et aux infirmières cliniciennes aux fins de
l'application de la loi et mandatés pour assister le demandeur.
En conclusion, nous sollicitons votre
collaboration et votre compréhension sur les enjeux décrits jusqu'à maintenant
et nous vous demandons de retarder d'une année l'adoption du présent projet de
loi n° 11.
En terminant, Kristen et Paul vous
livreront un mot de la fin.
Mme Robillard (Kristen) : Pour
l'aide médicale à vivre, nous restons grandement préoccupés par les conditions
de vie imposées aux personnes en situation de handicap et qui sont physiquement
dépendantes. Elles croupissent dans des conditions souvent scandaleuses, et la
société québécoise doit prendre conscience que ce genre de situation porte
atteinte à leur dignité.
Je passe la parole à Paul.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Votre micro.
M. Lupien (Paul) : Oui,
excusez, oui. Comme président du conseil d'administration de la COPHAN, pour
l'aide médicale à vivre, le gouvernement du Québec doit décentraliser le
système de santé, revaloriser le rôle du CLSC, renforcer le SAD et en améliorer
sa performance, indexer le programme d'adaptation du domicile, rehausser le
budget des RI, RTF et des ressources communautaires d'hébergement afin
d'assurer une qualité de services comparable, peu importe... au lieu
d'hébergement pour des besoins identiques. Il est possible de faire
mieux dans une société aussi riche que celle du Québec. Vous pouvez agir dans
ce sens sans délai comme législateur, porteur du bien commun.
Nous vous remercions de votre attention.
Nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mesdames, messieurs, merci beaucoup pour cet exposé, la
clarté aussi de vos propositions.
On va commencer. Mme la ministre a accepté
de prendre un peu de son temps pour pouvoir vous laisser aller. Alors, on va commencer
rapidement la période d'échange. Mme la ministre, vous avez une période de
12 min 41 s pour cet échange.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Oui. Bonjour à tous et toutes. Merci pour votre présentation, pour
votre témoignage. Je comprends très bien que vous arrivez aussi avec plusieurs
constats qui ne relèvent pas directement de cette commission, mais ça ne veut
pas dire qu'on ne les entend pas. Cependant, je veux quand même le mentionner, parce
que quand on parle d'organisation de services de santé, d'accès à la première
ligne, accès à un médecin, infirmière, professionnel et tous les autres
éléments que vous avez mentionnés, là, bien sûr que c'est important, et vous
avez tout à fait raison qu'il faut continuer d'améliorer notre réseau de la
santé et des services sociaux.
Moi, j'aimerais vous entendre
particulièrement... Ce que je comprends, là, c'est que vous êtes défavorables à
l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un handicap
neuromoteur grave et incurable. Ça, je pense, c'est clairement indiqué, là,
dans les documents que j'ai sous les yeux. Cependant, est-ce que... Vous avez
fait votre réflexion par rapport à la... aux personnes ayant un handicap.
Est-ce que vous êtes aussi défavorable au fait qu'on amène dans notre projet...
qu'on mette dans le projet de loi la notion de handicap, ou c'est seulement
avec l'handicap neuromoteur?
Mme Beaudoin (Marie-Josée) :
M. Prévost.
M. Prévost (André) : ...je
voulais simplement... avec la réflexion d'un de nos membres qui est en fauteuil
roulant, qui a une maladie neurodégénérative <importante...
M. Prévost (André) :
...je
voulais simplement... avec la réflexion d'un de nos membres qui est en fauteuil
roulant, qui a une maladie neurodégénérative >importante, mais qui est
heureux de vivre, et ce qu'il nous disait... il dit : On est dans une
société complètement folle, là. Ça veut dire que demain... il dit, moi, là... Je
parle comme si j'étais lui, il dit : Ça veut dire que demain, je pourrais
demander l'aide médicale à mourir puis je pourrais l'obtenir, là, une fois que
la loi serait adoptée. Donc, par contre, cette même personne me parle de ses
nombreuses difficultés pour accéder à ses services, notamment des services de
soins à domicile, etc. Donc... puis il n'est pas le seul, il y en a plusieurs
autres qui nous ont contactés avec cette pensée.
Par contre, dans la forme actuelle de la
loi québécoise ou canadienne, avec une fin de vie qui est prévisible, en tout
cas, selon les modalités que vous connaissez mieux que nous, là, à ce
moment-là, on est... on est d'accord, on est favorables, même chose pour le
consentement anticipé, selon certaines balises, évidemment, avec tout
l'encadrement qui doit être disponible. C'est sûr que, si on n'a pas accès à un
médecin, écoutez, on tombe dans la bureaucratie puis dans quelque chose qui ne
finira plus. Donc, c'est sûr que, dans le meilleur des mondes, tout ça pourrait
être fait au niveau du consentement anticipé. Mais pour ce qui est du handicap,
les indications qu'on a, c'est qu'on n'est pas favorables.
Mme Bélanger : OK. Alors,
j'aimerais peut-être revenir avec... dans le fond, en prenant l'exemple que
vous avez mentionné, là, qui est écrit aussi, je pense, que la personne participe,
là, à l'écriture, là, du texte que j'ai sous les yeux. Mais cette personne-là,
si elle est handicapée, qu'elle est heureuse, qu'elle n'a pas de souffrance,
elle n'est pas obligée de demander l'aide médicale à mourir, là, ce n'est pas
une prescription. Je veux reprendre ce terme-là parce que, tantôt, il me semble
que j'ai entendu le mot «prescription». L'aide médicale à mourir, ce n'est pas
une prescription, ça, c'est vraiment important et c'est... ce qui est à la base
de tout ça, c'est vraiment l'autodétermination de la personne, la volonté de la
personne et aussi son aptitude à consentir, le fait qu'elle ait une situation
avec un déclin irréversible, le caractère incurable de la maladie ou de la
situation, et des souffrances physiques, et psychiques insupportables, et
inapaisantes. Alors, dans l'exemple que vous donnez, bien, quelqu'un qui a une
situation de handicap et qui ne répond pas à ces critères-là n'est pas éligible
à l'aide médicale à mourir.
Maintenant, moi, j'aimerais vous entendre
parce que la volonté du projet de loi, c'était vraiment aussi de s'ajuster en
fonction du jugement Baudouin. Vous connaissez le jugement Baudouin... et de
l'affaire Mme Gladu et M. Truchon? Alors donc, je comprends que vous
n'êtes pas... vous vous opposez, d'une certaine façon, là, à ce jugement qui a
eu lieu. Je veux juste comprendre là où vous êtes.
M. Lupien (Paul) : ...si vous
voulez me permettre, je vais vous dire, moi, je suis une personne atteinte
d'une maladie neurodégénérative grave. Je pourrais vous dire que j'ai... je
suis même beaucoup plus près de la fin que du début. Oui, j'ai des souffrances,
mais on arrive à m'enlever mes souffrances. Et je vais vous dire une affaire :
J'aime mieux vivre. Cependant... puis si je n'aurais pas un véhicule, moi, pour
me déplacer, un véhicule adapté, je vivrais l'isolement itou, puis je vous
dirais que je la demanderais demain matin, l'aide médicale à mourir, parce que
ça devient un problème pour les personnes handicapées. Et c'est là que les
personnes handicapées se disent : Tabarnouche, on peut-tu avoir le droit
d'avoir des services et de nous sortir de notre isolement, et tout ça, au lieu
de nous offrir une piqûre? C'est un peu ça la chose qu'il y a.
Pour une personne... quand on arrive puis
qu'on a les soins qu'on doit recevoir, qu'on a aussi une vie, on a le goût de
vivre. Et c'est là qu'on dit : On ne doit pas remplacer tout ça par l'aide
médicale à mourir, parce que, pour nous, ça devient une économie pour le
gouvernement, et, en même temps, on enlève le côté de la beauté de la vie à la
personne en lui disant : Regarde, reste chez vous, ne bouge pas, on
n'adaptera pas ton domicile, on ne fera rien, ça ne vaut pas la peine. Regarde,
reste là, puis on va t'offrir une piqûre. C'est ça qu'on a peur. C'est ça que
les personnes handicapées ont peur qu'on arrive à nous offrir. Et comme
personnes handicapées, je crois qu'on mérite quand même d'avoir la même chose
que tout le monde, et de vivre dans la dignité, et non pas juste mourir dans la
dignité, mais vivre aussi dans la dignité. Et c'est ça qu'on trouve qui est
plate, c'est qu'on nous offre un programme d'aide médicale à <mourir...
M. Lupien (Paul) :
...d'aide
médicale à >mourir, mais on ne nous offre pas un programme d'aide
médicale à vivre. Et c'est ça qu'on demande au gouvernement, de penser comme il
faut qu'il y a aussi la vie qu'on peut offrir à la personne et non pas juste la
mort.
Mme Bélanger : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, on va poursuivre
les discussions avec la députée de Roberval. Il reste 5 min 50 s.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Mme Robillard, Mme Beaudoin, M. Lupien, M. Prévost,
merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très éclairant.
On entend toutes sortes d'idées, toutes
sortes de points de vue. On a entendu plus tôt, dans d'autres consultations,
des personnes handicapées qui sont venues nous dire que, si on ne mettait pas
«handicap»... même d'enlever «neuromoteur» pour mettre «handicap», que, pour
eux, ça pourrait causer un préjudice, que présentement ils ne souhaitent pas
avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais que, pour eux, ce doit rester un
choix. Donc, qu'est-ce qu'on dit à ces personnes-là qui veulent avoir le choix
à l'autodétermination, qui ne sont pas prêtes à ça, mais qui nous disent :
Pour moi, c'est important d'avoir ce choix-là?
Puis là j'entends bien tout ce que vous
dites au niveau des soins à domicile et aussi des outils, là, pour bien vivre.
Et ce que je voudrais vous dire, c'est qu'il ne faut pas oublier que l'aide
médicale à mourir demeure toujours un soin d'exception. Donc, les gens
parlaient de discrimination, de préjudice. Qu'est-ce qu'on dit... Est-ce qu'il
y a... est-ce qu'il y a un mi-chemin, là, entre : Non, on ne le met pas
dans le projet de loi du tout; puis oui, il y a des gens qui veulent y avoir
accès? Qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là?
M. Prévost (André) : Moi, je
donnerais un élément de réponse : Il faut éviter la dérive. Quand je dis
«la dérive», c'est qu'il y a des personnes qui rencontrent des intervenants de
la santé et qui se font dire : On n'est pas en mesure de vous donner les
services requis par votre situation. Vous demandez énormément de services et, écoutez,
vous devriez peut-être envisager de demander l'aide médicale à mourir. Puis les
personnes qui tiennent ces propos-là, ce n'est pas des gens qui ont des
formations en droit, ce n'est pas des politiciens, ce n'est pas des juristes,
c'est des intervenants comme M., Mme Tout-le-monde, infirmières, travailleurs
sociaux. Donc, c'est ça, le danger. Quand on est les premiers au monde dans
l'aide médicale à mourir, là, puis qu'on veut devenir plus que les premiers,
là, peut-être les premiers de l'univers, bien, on s'expose plus à la dérive que
je suis en train de vous parler.
Puis là, bien, écoutez, trouver une
solution mitoyenne qui nous empêche de la dérive, ça devient très compliqué,
là, d'un point de vue bureaucratique. Encore une fois, on a une grande critique
du système de santé par rapport à cette défaillance bureaucratique, puis il ne
faudrait pas élargir puis ouvrir la boîte de Pandore qui nous amènerait des
situations de dérive. C'est ce qu'on... c'est le message qu'on vous passe, là.
Puis on est conscients que ce n'est pas tout le monde qui va tenir ce
discours-là, mais si ce n'est pas nous qui tenons ce discours-là, on ne sait
pas qui d'autre va le tenir à notre place.
• (16 h 50) •
Mme Guillemette : Mais c'est
une mise en garde importante, je l'avoue. J'entendais, tout à l'heure, je ne me
souviens pas si... Mme Beaudoin ou Mme Robillard qui parlait d'un
comité bioéthique qui pourrait être joint au comité médical. Est-ce que ça
pourrait être une voie de passage, ça, que dans une situation où c'est des gens
handicapés ou handicapés neuromoteurs, où qu'il y a un type de handicap, qu'il
y ait un comité éthique?
M. Prévost (André) : Si tu
permets, Marie-Josée, juste...
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Oui.
Oui, oui, allez-y.
M. Prévost (André) : ...comme
mise en contexte, c'est que comme ancien directeur d'hôpital, vous savez que
dans les établissements de santé, en général, il y a des comités d'éthique, des
comités de bioéthique ou éthique clinique. Ces comités-là, bon, sont quand même
utilisés. Mais moi, je me dis, avec toute la question de l'aide médicale à
mourir puis de l'interprétation qui peut varier d'un professionnel de la santé
à un autre, d'un médecin à un autre, une infirmière, etc., alors si au moins on
avait comme balises dans nos établissements de santé d'en référer à un tel
comité...
Puis, en même temps le comité, il a deux
mandats, hein? Il y a un mandat de donner des avis, des orientations, mais
aussi de faire de la formation à l'intérieur de l'établissement de santé. Donc,
on pense que... En tout cas, si on accepte de bonifier puis de faire en sorte
qu'on soit plus cohérents dans nos actions d'aide médicale à <mourir...
M. Prévost (André) :
...cohérents
dans nos actions d'aide médicale à >mourir, de mettre à profit ces
structures, ce serait sans doute un pas dans la bonne direction.
Mme Guillemette : Et là
je... Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste une minute.
Mme Guillemette : Parfait.
Là, j'entends... Bon, il y a des gens qu'on leur a proposé l'aide médicale à
mourir, qu'on a... Ce que j'entends, c'est un manque de formation et de
connaissance de nos intervenants. Si on améliorait ce volet-là, est-ce que ça
pourrait être aussi une voie de passage?
M. Prévost (André) : M. Lupien,
avez-vous le goût de répondre?
M. Lupien (Paul) : Oui,
j'ai le goût de répondre. Je vais vous dire, vous me voyez, j'ai de l'air en
forme, hein? On m'a offert l'automne passé, lorsque j'ai eu une dégradation de
ma maladie : Tu sais, tu devrais commencer à y penser, à l'aide médicale à
mourir. Et là je vous parle d'un hôpital, de médecins, d'infirmières qui te
disent : Aïe! tu devrais y penser. Et moi, là, je vous dirais, ça a été la
pire insulte qu'on ne m'a pas faite, alors que moi, j'ai le goût de vivre et
puis j'ai le goût de défendre la cause, justement. J'ai une raison de vivre à
tous les matins, de me réveiller, c'est de défendre la cause des personnes handicapées
parce que je trouve qu'au Québec, malheureusement, on nous oublie.
On parle d'adaptation de domicile. C'est à
15 000 $ depuis 1992, on n'a jamais augmenté le montant et on a de la
misère maintenant à adapter nos domiciles. On a de la misère à avoir des soins.
Moi, j'ai... le CLSC, ça fait deux fois que mon médecin me prescrit qu'on
vienne me donner des services le matin et le soir, et on me dit : Ah! mais
on n'a pas de personnel. Attends. Tu es sur la liste d'attente. Et ça va faire
six mois. Alors, est-ce que c'est normal? Est-ce que c'est normal qu'on vive
dans l'indignité? Et puis je vais vous dire que c'est ça, à un moment donné, ça
devient de l'indignité.
Eh oui, des fois, si je n'aurais pas à
défendre la cause, et tout, puis je n'aurais pas le guts que j'ai, je pense que
j'y penserais sérieusement, à l'aide médicale à mourir, puis je la demanderais
parce que, vraiment, ça devient... C'est ça.
Et nous, c'est pour ça qu'on dit :
S'il vous plaît, dites... oui, vous pouvez offrir l'aide médicale à mourir,
mais offrir l'aide médicale à vivre aussi. Montrez à la personne que vous êtes
capables de lui donner un service pour vivre dans la dignité aussi, pas juste
de mourir, mais de vivre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Lupien.
Mme Guillemette : Merci,
M. Lupien... (panne de son)... avec nous cet après-midi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je suis désolée de vous couper, c'est... Je suis gardienne
du temps. Mais on poursuit les discussions. Ce n'est pas terminé. Je me tourne
du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis. Vous avez
12 min 23 s. Votre... le temps commence.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bon après-midi. Merci d'être parmi nous. D'emblée, je vous
remercie de mettre la table pour nous. Vous avez raison, nous avons une
responsabilité d'améliorer notre réseau de santé et services sociaux, mais
au-delà de ça, le réseau de l'éducation, emploi, transports, habitation, tout
ce qui est en lien en ce qui concerne une égalité des droits des personnes en
situation de handicap, d'avoir accès à des mêmes services, des services qui
soient adaptés. Alors, merci pour ceci.
Évidemment, j'aime beaucoup votre
recommandation 8. Je trouve intéressant s'il y avait moyen de mettre
quelque chose de ce sens dans la loi pour exiger qu'une demande de l'aide
médicale à mourir ne devenait pas à être mise en place suite à un manque de
services dans notre réseau. Alors, je pense qu'on serait d'avis qu'on le ferait,
parce qu'évidemment ça ne fait pas partie de l'esprit de la loi ou le désir, je
pense, de poursuivre avec le cadre législatif au niveau fédéral, par exemple.
Cela étant dit, ça m'inquiète beaucoup, ce
que vous venez de dire, que vous avez fait... offert de l'aide médicale à
mourir parce qu'il y avait un manque de services. Est-ce que votre cas, c'est
un cas isolé? Est-ce que ça arrive couramment, souvent? Est-ce que c'est
documenté? Parce que c'est rare, dans le fond, qu'on entend ça. Alors, je veux
mieux comprendre qu'est-ce qui arrive dans le réseau. Parce que vous avez
raison, l'information est très importante, mais ce n'est pas le sens que nous
avons entendu auparavant par nos professionnels que, dans le fond, on... on
veut sensibiliser la population, mais on ne veut pas nécessairement faire la
promotion parce que, comme vous le dites, aide médicale à vivre, nous devons
prôner ceci. Alors est-ce que c'est un cas isolé ou est-ce que c'est quelque
chose qui est répandu à travers le réseau?
M. Prévost (André) : Bien,
écoutez, moi, je vous dirais que, là, on se prépare... on se préparait à vous
rencontrer. Dans la dernière semaine, évidemment, on a collaboré avec plusieurs
membres de notre confédération, et je vous dirais qu'on a plusieurs témoignages
qui vont dans le sens de ce qui vous a été présenté. On n'a pas documenté ces
questions-là. Évidemment que ça impliquerait un travail, là, pour le faire.
Mais je peux vous assurer qu'au moment où on se parle, probablement que,
quelque part au Québec, quelqu'un est exposé à cette <situation...
M. Prévost (André) :
...exposé
à cette >situation où on lui propose l'aide médicale à mourir en
conséquence de l'incapacité ou des défaillances par... Bien, en partie, là, je
ne vous dis pas que c'est un déterminant complet, mais souvent, c'est une des
causes qui fait en sorte qu'on arrive dans une situation comme celle-là.
M. Lupien (Paul) : Puis moi,
je vous dirais qu'habituellement c'est fait de façon subtile. Et moi, je
remercie mon neurologue qui m'a dit : Aïe! Paul, tu es loin d'être rendu
là, on a encore du temps. Mais, sans lui, peut-être que j'aurais commencé à y
penser parce qu'on me le dit. Et juste le fait de le dire de façon subtile, c'est
de dire à la personne : Regarde, commence à y penser puis demande-le donc,
tu sais. C'est ça qu'on nous dit : Tu devrais commencer à y penser à le
demander. Voyons, on peut-tu avoir le droit de vivre avant de nous demander de
penser à mourir, là? Il y a une limite. Et c'est ça qui nous fait peur. Puis
les personnes handicapées, en majorité, c'est ce qui leur fait peur, c'est de
dire : Pourquoi qu'on m'offrirait de l'aide médicale mourir au lieu de
m'aider à vivre, alors que là, je manque de soins, je manque de...
On parle en Gaspésie, maintenant, c'est
les ambulances qui font le transport adapté. Donc, excusez-moi, on a un
problème majeur. Ça veut dire que la personne, elle ne peut pas aller faire son
épicerie, elle ne peut pas aller... rien faire, elle est isolée à la maison.
C'est ça qu'il faut corriger. Et je pense que lorsqu'on va avoir corrigé tout
ça, le monde vont avoir le goût de vivre et on va avoir beaucoup moins d'aides
médicales à mourir qui vont être demandées. Mais présentement, je vous dirais
que c'est quasiment tentant, quand on nous l'offre, d'y penser.
Mme Maccarone : Je veux aussi
pour rassurer... parce que je ne veux pas que les gens ont la perception que...
si la loi soit adoptée, que ce serait un passe-droit tout de suite pour avoir
accès à l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas le cas. Il y a quand même des
critères, il y a un groupe d'experts qui doit accompagner la personne
concernée. On souhaite peut-être avoir... Ma collègue, elle pose plusieurs
questions en ce qui concerne une évaluation psychologique. Que pouvons-nous
faire pour assurer que la décision est faite avec une personne qui est apte à
consentir aux soins, qui comprend qu'est-ce qu'ils sont en train de demander?
Ça fait que je veux juste vous rassurer que... je ne veux pas parler pour mes
collègues, mais ce n'est pas le sens que moi... que j'ai... en faire une
première lecture de cette loi.
Il y aura quand même des balises en place
qui m'amènent à vous poser des questions en ce qui concerne... Vous avez parlé
un peu de votre recommandation 12. Si je ne m'abuse, la
recommandation 12, vous parlez des demandes anticipées qui doivent être
adaptées pour des personnes sourdes, par exemple. Avez-vous autres
recommandations, comme, par exemple, le rôle de le tiers de confiance? En ce
qui concerne la demande anticipée, comment voyez-vous cette personne qui
pourrait accompagner? Est-ce que ce serait un faciliteur? Ou est-ce que ce ne
serait pas souhaité d'avoir cette personne? Est-ce que ça devrait être un
formulaire? Est-ce que ça devrait être rempli par un notaire, un médecin?
Comment voyez-vous ce processus, au nom de COPHAN, pour représenter les
personnes en situation de handicap?
• (17 heures) •
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Est-ce
que vous voulez que j'y aille, messieurs? Oui. Est-ce que... Oui.
Alors, concernant la demande anticipée,
oui, effectivement, le tiers est important, mais ça dépend toujours aussi de la
personne. Qu'est-ce qu'on entend par tiers? Est-ce que c'est un membre de la
famille ou, encore, c'est un ami? Alors donc, ça va être important de bien
situer la définition du tiers, un.
Dans un deuxième temps, lorsque je lisais
le projet de loi, projet de loi n° 11, ce qu'on comprend, c'est qu'il peut
y avoir aussi une demande contemporaine. C'est là où vous avez une demande
contemporaine, qui n'est pas une demande anticipée, alors qui peut arriver
n'importe quand, et je trouvais que c'était... Moi, c'est là où j'aimerais vous
entendre sur la demande contemporaine aussi, sur la façon dont ça fonctionne...
de la façon dont ça peut fonctionner.
Et par rapport... et, à un moment donné, je
lisais également, ça va... on va demander un médecin, on va demander une
infirmière également, pour pouvoir assurer, évidemment, la légitimité de dire :
Bien, on s'en va vers des soins de fin de vie ou non. Ça aussi, au niveau de la
procédure, ce n'était pas clair. Tu sais, on n'a pas vu... on n'a rien.
Évidemment, ce n'est pas un règlement, là, c'est quand même un projet de loi,
je peux comprendre, mais ce n'est pas clair au niveau des balises ou de la
façon dont ça peut fonctionner éventuellement.
Mme Maccarone : Je ne peux
pas répondre à vos questions. Je ne veux pas prendre la place de la ministre
non plus. Mais je peux vous dire que vous posez des bonnes questions.
Actuellement, la population a accès à l'aide médicale à mourir, mais oui, nous
sommes en train d'enlever le critère de l'état pour maladie, ça fait qu'on
enlève le critère de notion de fin de vie. Alors, les <balises qui
doivent entourer cette notion sont très importantes. Puis, dans le fond, c'est
pour ça qu'on a besoin de votre avis...
>
17 h (version révisée)
<17911
Mme
Maccarone :
...d'enlever le critère de l'état pour maladie. Ça
fait qu'on enlève le critère de notion de fin de vie. Alors, les >balises
qui doivent entourer cette notion sont très importantes. Puis, dans le fond, c'est
pour ça qu'on a besoin de votre avis, hein, pour être en mesure d'émettre des
amendements, s'il y a lieu, de définir qu'est-ce qui est bien dans la loi puis qu'est-ce
qui doit être modifié ou bonifié. Comme, par exemple, on parlait du rôle de
tiers de confiance. Vous avez dit que ça nous prend une définition. Selon vous,
est-ce que ça devrait être un membre de la famille...
Une voix : Ça dépend.
Mme Maccarone : ...ou bien
est-ce que ça devrait être quelqu'un qui est à part? Parce que ça se peut... on
entend... surtout pour les personnes en situation de handicap, on ne veut pas
qu'eux ils font une demande où ils sont accompagnés par quelqu'un qui dit qu'ils
sont un fardeau ou qu'eux-mêmes se sentent comme un fardeau.
Une voix : C'est ça. Oui, c'est...
Mme Maccarone : Alors, est-ce
que ce serait mieux que ce ne soit pas un proche?
Mme Beaudoin (Marie-Josée) : Bien,
ça dépend. Ça dépend toujours... On va demander une personne de confiance, mais,
encore là, donc, vous avez quelqu'un de fragile, qui, lui, bon, est atteint d'une
maladie quelconque, donc veut peut-être aller vers une demande contemporaine ou
une demande anticipée, et là vous avez le tiers à... mais le tiers, il faudrait
peut-être avoir une... je ne sais pas, moi, un médecin ou un professionnel
compétent qui puisse, justement, juger, comme un notaire peut juger de la
capacité. Alors donc, on aurait un professionnel qui pourrait juger aussi de
cette personne-là, donc, du côté, le tiers, est-ce qu'il est fiable, est-ce que
c'est une... est-ce que c'est la bonne personne pour choisir, également, pour
la personne que vous avez devant vous. Alors donc, ça, ça va être important
aussi.
Alors, on n'a pas de balises. Un tiers, c'est
large, hein? Ça peut être un ami, ça peut être quelqu'un, aussi, qui aurait
avantage, je ne sais pas, moi, à aller chercher, par exemple, du positif dans
une fin de vie pour quelqu'un. Alors donc, il faut... c'est ça, le tiers, c'est
trop large, c'est... Bien, ce sera un professionnel, moi, je pense, qui devrait
aller, justement, s'assurer que c'est pour les bonnes raisons qu'il est tiers,
qu'il est une personne responsable pour la personne qui demande des soins de
fin de vie.
M. Lupien (Paul) : Oui, puis
je pense que le risque qu'on a du tiers, justement, c'est... exemple, ma femme,
elle ne voudra pas que je parte. Donc, elle, plus longtemps qu'elle va me
garder en vie, plus qu'elle va être heureuse. Et je ne la mettrais pas comme
tiers parce que je le sais que... peut-être que je serais dans les grosses
souffrances, mais elle, elle ne voudrait pas que je parte tout de suite. Et
autant que je pourrais prendre une autre personne, puis qui va dire : Ah!
bien oui, bien, lui, là, s'il peut partir, let's go!
Alors, il y a un risque à ça, et je pense
qu'il faut faire attention à... Le tiers, d'après moi, il faudrait que ce soit
vraiment quelqu'un de professionnel, mais qui va savoir évaluer qu'on est
vraiment rendu en fin de vie. Puis je pense que l'aide médicale à mourir doit
faire partie des soins palliatifs, donc, vraiment, de fin de vie, du côté
palliatif.
Mme Maccarone : Merci. Ma
collègue de La Pinière a des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour les réponses. On va poursuivre
avec la députée de La Pinière. Il reste 1 min 55 s.
Mme Caron : Merci. Alors, si
j'ai bien compris, en résumé, c'est que vous n'êtes pas contre le libre choix,
mais vous voulez que ce choix soit vraiment libre, c'est-à-dire que vous ayez
accès aux soins, comme vous dites, d'aide à vivre et que vous ayez aussi
soin... accès à l'aide médicale à mourir, si c'est ça que vous voulez, mais qu'on
vous ait déjà offert tous les autres soins et que ce ne soit pas par dépit.
Ce matin, on a rencontré deux professeurs,
Stainton et Lemmens, qui avaient inscrit dans leur mémoire que la qualité de
vie d'une personne qui vit avec un handicap est souvent perçue comme pire ou
interprétée comme pire par des personnes qui ne sont pas handicapées ou qui n'ont
pas ce handicap-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette vue-là ou avez-vous
des mises en garde à nous faire sur l'interprétation, par exemple, des
souffrances ou de la qualité de vie?
M. Lupien (Paul) : ...moi, je
pourrais vous dire une chose. J'ai un ami qui est aveugle. Lui, il ne voudrait
pas avoir mon handicap, parce qu'il trouve que le mien est pire que le sien, et
moi, je ne voudrais pas être aveugle. Alors, ça peut vous donner une idée, parce
que je trouve que lui, il est pire que moi. Alors, la situation, vue par une
autre personne, est toujours différente. Quand tu la vis, elle n'est pas la
même que quand tu la regardes, et ça, c'est dangereux. Et pour les personnes...
même, la plupart des personnes, il y en a qui vont vouloir nous prendre en
pitié parce qu'on est en fauteuil, mais pourtant, moi, je n'en veux pas de
pitié, là. Et je suis une personne autonome, je suis capable de bouger, je suis
capable de faire mes choses, Kristen aussi, puis elle a une situation de handicap,
puis je voudrais qu'elle le dise aussi, je pense qu'on n'est jamais perçus
exactement comme on est réellement.
Mme Robillard (Kristen) : Je
peux répondre. Je pense que, oui, souvent, les personnes qui ne sont pas
handicapées pensent que les personnes handicapées ne doivent pas être
heureuses, ne doivent pas s'épanouir, n'ont pas de fun, comme on dit en bon
Québécois. Ce n'est pas vrai. Mais je peux vous dire que, quand une personne <handicapée...
Mme Robillard (Kristen) :
Mais
je peux vous dire que, quand une personne >handicapée n'a pas les
services dont elle a besoin, ce n'est pas une vie qui est le fun. Quand tu as
ce que tu as de besoin pour faire le maximum que tu peux faire, et tu viens que
tu réalises qu'il y a des choses que tu faisais que tu ne peux plus faire... et
ça, on compose avec ça à tous les jours. Mais je pense que oui, il y a...
beaucoup de personnes qui ne sont pas handicapées pensent que les personnes
handicapées sont malheureuses, et puis je ne pense pas que c'est le cas, mais
elles peuvent être plus malheureuses quand elles n'ont pas les services dont
elles ont besoin pour vivre au maximum.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Écoutez, je suis vraiment désolée. On
avance, on avance. Il nous reste une dernière intervenante, la députée de
Sherbrooke, pour une période de 4 min 8 s.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Bien, d'abord, je veux vous dire que j'entends bien puis je partage
bon nombre des critiques que vous avez faites sur l'accès à des soins, des
services qui permettent aux personnes avec un handicap d'avoir une belle
qualité de vie, puis c'est vrai bien en dehors du réseau de la santé.
Malheureusement, on le constate, vous l'avez dit, en éducation, en transport,
un peu partout, il y a des limites, actuellement, dans l'accès aux soins et aux
services. On constate que, selon l'adresse de la personne, elle n'aura pas
accès aux mêmes choses. Puis ça m'apparaît évident que, pour un réel libre
choix, il faut que la personne ait accès à ce qui pourrait lui garantir une
qualité de vie, d'un autre côté, puis il y a du travail à faire là-dessus.
Là, en ce moment, je regarde votre
mémoire. À la recommandation 8, vous nous dites qu'il faudrait vérifier si
l'absence de services de santé ou de services sociaux peut expliquer une
demande d'aide médicale à mourir et débuter des démarches sans tarder pour
assurer ces services-là, si ce n'était pas le cas. Est-ce que vous nous
proposez ça parce que vous constatez qu'en ce moment ce n'est pas le cas dans
l'application actuelle de la loi?
M. Prévost (André) : Effectivement,
on a plusieurs témoignages, ce qui fait en sorte qu'il y a des personnes qui
estiment avoir des besoins de soutien à domicile, par exemple, puis qui n'ont pas
les services à la hauteur de leurs besoins. Écoutez, je n'invente... on
n'invente rien avec ce constat-là aujourd'hui, là, puis c'est vrai aussi pour
d'autres types de programmes, d'autres types de services. Ça dépend des régions
où vous êtes. Hier encore, au Téléjournal, on voyait qu'un CLSC n'avait
aucun services médicaux, alors qu'à côté il y en a. Donc, c'est sûr qu'il y a
un très, très, très grand travail à faire par rapport à la refondation du
système de santé au Québec.
Mme Labrie : Ce que je veux
dire, en fait, c'est que, quand une personne demande l'aide médicale à mourir,
elle dépose sa demande. Dans l'évaluation qui est faite de cette demande-là,
normalement, on est supposé vérifier si tout a été fait pour soulager les
souffrances de cette personne-là, si tous les services ont été mis à sa
disposition. J'entends qu'il y a beaucoup d'endroits où il y a des lacunes dans
les services mais est-ce que vous avez eu connaissance que des personnes ont
déposé une demande d'aide médicale à mourir et que l'évaluation n'a pas été faite
de... si tout avait été mis à sa disposition pour soulager ses souffrances?
• (17 h 10) •
M. Prévost (André) : Moi, je
ne pourrais pas parler là-dessus. Je ne sais pas, Paul, si tu as quelque chose
à...
M. Lupien (Paul) : Oui, bien,
moi, j'ai déjà entendu des gens dire : Regarde, là, moi, je vais la
demander, l'aide médicale à mourir, parce que, justement... puis ils vont la
demander puis ils vont dire : Je vais cacher des choses, mais je vais leur
dire que je souffre terriblement. Puis la plus grosse souffrance qu'ils ont, de
toute façon, elle est psychologique, et, vraiment, ils deviennent avec... ils
n'ont plus le goût de vivre, puis avec raison. Ils n'ont plus de services, ils
n'ont plus rien dans des régions où est-ce que le gars ne peut même pas aller
faire son épicerie, il ne peut... tu sais, qui est une chose obligatoire. Dans
plusieurs régions au Québec, présentement, on dit que l'épicerie, c'est un
loisir, et on ne fait pas de transport de loisir. Tabarnouche! Quel plaisir
avez-vous de vivre si vous ne pouvez même pas manger ce que vous avez le goût
de manger, etc., et faire vos choses correctement?
C'est ça qui est le côté plate, c'est que
là, présentement, on pogne des... on prend des gens qui ont une maladie, oui,
neurodégénérative, mais, en plus, ils sont atteints d'un problème psychologique
grave, et c'est ça qui aggrave le cas, et qui va donner l'impression... Même,
je suis sûr que le médecin, il n'en verra même pas la différence, parce que la
personne va être tellement démoralisée, et tout ça, elle souffre
intérieurement.
Mme Labrie : Mais dans la
situation que vous me décrivez, en mon sens, quand l'analyse est faite du
dossier, ce qui devrait être proposé au citoyen qui fait une demande, c'est
plutôt de mettre sur pied des services, par exemple, pour lui permettre d'aller
faire son épicerie. Je veux dire, ça m'apparaît irrecevable. Est-ce que vous
avez eu connaissance que des demandes ont été reçues positivement pour des raisons
aussi <évidentes...
Mme Labrie :
...vous
avez eu connaissance que des demandes ont été reçues positivement pour des
raisons aussi >évidentes, là, qu'il y avait juste une lacune dans les
services offerts?
M. Lupien (Paul) : Je vous
dirais que ceux qui m'en parlent, c'est des personnes qui, comme moi, ont des
maladies neurodégénératives, qui n'étaient pas vraiment incluses, avant, dans
l'aide médicale, que là, vous allez inclure, et je peux vous dire qu'il y en a
plusieurs qui ont le goût de ça.
M. Prévost (André) : En fait,
notre discours, ici...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup...
M. Prévost (André) : ...notre
discours ici est plus préventif qu'autre chose là. C'est par rapport aux
nouvelles clientèles qui pourraient être admissibles, là, qui ne le sont pas
actuellement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Prévost, M. Lupien, Mme Robillard,
Mme Beaudoin, merci beaucoup pour l'apport à nos travaux. Vos réflexions
vont certainement faire réfléchir les gens de la commission. Alors, c'est ce
qui met fin à cette audition.
Mmes les membres de la commission, nous
allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
Bonne fin de journée, mesdames, messieurs.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 15)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les... avec les citoyens, pardon, va poursuivre ses travaux.
Alors, nous avons avec nous, en ce moment,
M. Patrick Fougeyrollas — j'espère que j'ai bien prononcé votre
nom — qui est professeur associé... professeur spécialisé dans le
phénomène de la construction sociale du handicap, de l'Université Laval,
chercheur, Centre de recherche interdisciplinaire de recherche en réadaptation
et intégration sociale, membre fondateur et conseiller scientifique du Réseau
international sur le processus de production du handicap. Ensuite, nous avons
également Mme Lise Beauregard, docteure en service social, chercheure
retraitée du Centre interdisciplinaire en réadaptation et intégration sociale,
et également présidente du Réseau international sur le processus de production
du handicap. Et, finalement, M. Jean-Pierre Robin, psychoéducateur
retraité, président sortant et membre du conseil d'administration du Réseau
international sur le processus de production du handicap.
Mesdames... madame, messieurs, bienvenue à
la <commission...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Mesdames... madame, messieurs,
bienvenue à la >commission. Vous allez avoir une période de 10 minutes
pour votre exposé, ensuite, nous allons entamer la période de discussion avec
les membres de la commission. Le temps est commencé.
M. Patrick Fougeyrollas, Mme Line Beauregard et M.
Jean-Pierre Robin
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...Mme
la Présidente. Je vais laisser la parole à Mme Line Beauregard.
Mme Beauregard (Line) : Juste
pour une petite introduction. Donc, tout d'abord, nous remercions la Commission
des relations avec les citoyens de nous accueillir à cette consultation
particulière sur la question du handicap.
Alors, comme vous avez fait les
présentations, je ne vais pas répéter, mais je vais juste vous dire un petit
mot sur le Réseau international sur le processus de production du handicap, là,
qu'on appelle le RIPPH. C'est un organisme à but non lucratif basé à Québec et
qui a été fondé en 1986. Il oeuvre pour favoriser une réponse plus adéquate aux
besoins des personnes ayant des déficiences, des incapacités et vivant des
situations de handicap. Nos objectifs sont le soutien au développement des
connaissances et des expertises en lien avec l'application et la validation
d'un modèle conceptuel qui s'appelle le modèle de développement humain,
processus de production du handicap, que vous allez reconnaître, là, sous le
terme MDH-PPH. Nous faisons aussi de la diffusion de connaissances, notamment
par de la formation. Nous faisons aussi de la promotion des droits humains et
du réseautage international. Alors, je laisse M. Fougeyrollas vous parler du
mémoire.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Merci,
Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. La compréhension
de la notion de handicap a beaucoup évolué depuis les 50 dernières années.
Son utilisation dans le cadre du projet de loi n° 11 l'introduit comme une
condition autre que celle de maladie et devient un critère d'admissibilité
pouvant être invoqué pour faire une demande d'aide médicale à mourir. On y
nomme spécifiquement le handicap neuromoteur. L'objectif de notre propos vise à
clarifier la définition contemporaine du handicap et à préciser la pertinence
de son utilisation selon un modèle social interactif, personne, environnement,
participation sociale, tel qu'adopté en 2009, par le gouvernement du Québec,
avec la politique À part entière.
• (17 h 20) •
Pour bien saisir les transformations
historiques de la signification du handicap, il est nécessaire de les
contextualiser à partir du milieu des années 70. Ceci coïncide avec les
premières mesures publiques s'adressant globalement aux personnes handicapées,
au Québec et à l'international. C'est à cette période que l'on voit l'émergence
du mouvement de défense des droits des personnes handicapées et de leurs
proches. D'une compréhension essentiellement biomédicale et individuelle du
handicap, on est passés, progressivement, à un modèle social du handicap.
Dans une perspective individuelle, le
handicap... vu comme une caractéristique personnelle équivalente à un problème
de santé, qui entraîne des altérations, dysfonctions ou pertes d'un système
organique, ce qu'on appelle une déficience. Celle-ci entraîne une limitation de
capacités fonctionnelles, comme se mouvoir, voir, entendre, comprendre,
s'exprimer et se comporter.
Or, le modèle social va plus loin et
introduit l'environnement de vie comme partie intégrante du processus de
construction du handicap. Qualifié également de modèle sociopolitique, il a été
développé par des universitaires ayant des incapacités, et identifie les
facteurs environnementaux comme source d'oppression, de discrimination et
d'inégalités sociales. C'est ce modèle social qui a permis une unification du
plaidoyer des personnes ayant une très grande diversité de diagnostics, de
déficiences et d'incapacités, par une prise de conscience des obstacles communs
à l'exercice de leurs droits humains. Ce modèle est à la source d'un mouvement
d'émancipation de personnes largement invisibilisées, trop longtemps
institutionnalisées et prises en charge, au détriment du pouvoir d'agir, du
contrôle de leur vie et de la possibilité de leur autodétermination. Ce modèle
social a par la suite évolué vers un modèle interactif ou systémique,
réintroduisant les facteurs personnels comme aussi importants que les facteurs
environnementaux dans la compréhension des déterminants de la qualité de
participation sociale.
Le Québec a joué un rôle majeur dans les
travaux internationaux de développement de classifications, des conséquences
des maladies, troubles ou traumatismes, pilotés par l'Organisation mondiale de
la santé, pour la reconnaissance de l'environnement comme partie intégrante du
processus handicapant. Le modèle de développement humain, le MDH-PPH, et la
classification internationale MDH-PPH sont le fruit de travaux de conception,
d'expérimentation et de validation scientifiques menés depuis les années 90. La
version actuelle de cette classification a été publiée en 2018 et rayonne sur
le plan international, et tout <particulièrement...
M. Fougeyrollas (Patrick) :
...années 90. La version actuelle de cette classification a été
publiée en 2018 et rayonne sur le plan international, et tout >particulièrement
en Francophonie.
La révision de la définition de personne
handicapée en vigueur au Québec a été réalisée sous la coordination de l'OPHQ
sur la base de ce modèle, et adoptée dans la loi assurant l'exercice des droits
en 2005. Elle s'énonce ainsi : «toute personne ayant une déficience entraînant
une incapacité significative et persistante qui est sujette à rencontrer des
obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes».
La définition du handicap de la convention
internationale relative aux droits des personnes handicapées, la CDPH, élaborée
par l'ONU avec la participation active des organisations de personnes
handicapées contrôlées par celle-ci, dans une perspective par et pour, est
entièrement compatible avec le modèle social interactif personne-environnement
et le MDH-PPH. Adoptée par l'ONU en 2006, la convention de l'ONU a été ratifiée
par le Canada et le Québec en 2010, et cette législation internationale est
contraignante pour les États parties l'ayant ratifiée. La définition de la
convention : «Reconnaissant que la notion de handicap évolue et que le
handicap résulte de l'interaction entre des personnes présentant des
incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font
obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de
l'égalité avec les autres».
Rappelons que le MDH-PPH est donc le
modèle conceptuel adopté par l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec,
avec la politique À part entière, en 2009, et il sert de cadre de référence au
suivi de sa mise en œuvre gouvernementale. Selon le MDH-PPH, la définition, le
handicap n'est pas simplement lié à des caractéristiques personnelles. Le
handicap est le résultat de l'interaction continue entre des facteurs
personnels, les déficiences de notre corps, les capacités et incapacités, les
caractéristiques identitaires et des facteurs environnementaux qui sont
présents dans le contexte de vie réel pour réaliser les activités courantes et
rôles sociaux valorisés par cette personne. La qualité de la participation
sociale est donc toujours situationnelle et évolutive dans le temps. Une
situation de handicap est une restriction de la participation sociale.
Nos recommandations. Pour aborder la
question très sensible de l'introduction de la notion de handicap neuromoteur
du projet de loi, ou encore, de handicap tel que déjà présente dans le Code
criminel fédéral, nous faisons les recommandations suivantes :
Référer au MDH-PPH et à la classification
internationale pour bien distinguer les problèmes de santé avec leurs biais de
diagnostics médicaux, tels qu'ils sont répertoriés dans la classification des
maladies de l'OMS, par rapport à leurs manifestations sur les plans des
systèmes organiques, au niveau anatomique ou physiologique, des aptitudes
fonctionnelles et de la réalisation des habitudes de vie.
Deuxièmement, exclure tout qualificatif
spécifiant le handicap comme affectant certains systèmes organiques et
aptitudes fonctionnelles sur le mode de handicap neuromoteur, ou handicap
visuel, handicap auditif, handicap psychique. Ceci serait particulièrement
dommageable et confondant, compte tenu des efforts soutenus d'harmonisation
terminologique en cours depuis plusieurs décennies. La formulation appropriée,
correspondant à l'intention initiale du législateur, est de parler de
déficience neurologique, étant entendu que ces déficiences entraînent une ou
plusieurs incapacités fonctionnelles et comportementales. Il n'est pas
approprié de déduire de diagnostics médicaux dans une relation de cause à effet
systématique, leurs conséquences et manifestations sur les plans organique,
fonctionnel et des situations de handicap. Une situation de handicap ne peut
pas non plus être qualifiée de motrice, intellectuelle, psychique puisqu'elle
réfère à une mesure de la qualité de la participation sociale ou de l'exercice
des droits pour chaque personne dans son contexte de vie.
Troisièmement, utiliser la définition
légale de personne handicapée dans le respect de la clause d'impact du projet
de loi n° 11 dans le champ du handicap. Celle-ci est
cohérente avec la définition de la convention de l'ONU et du MDH-PPH.
Cinquièmement, offrir une
sensibilisation-formation de base aux praticiens de <l'aide...
M.
Fougeyrollas (Patrick) :
Cinquièmement, offrir une sensibilisation-formation de
base aux praticiens de >l'aide à... pardon, de l'aide à mourir sur
la compréhension contemporaine et sociale du handicap tel que défini dans le
MDH-PPH et la classification. Enfin, en accord avec la littérature scientifique
en études sociales du handicap, la classification MDH-PPH a introduit, pour la
première fois, sur le plan international, une nomenclature des facteurs
identitaires, en complément de celle des facteurs environnementaux. La
souffrance liée à ces caractéristiques identitaires et aux facteurs externes de
son environnement humain, social et matériel sont susceptibles d'exacerber le
caractère intolérable de celle-ci et influencer la volonté de mourir.
Sixièmement, considérer, dans l'évaluation
sociale de l'admissibilité, l'intersection des facteurs identitaires avec les
déficiences et incapacités, d'une part, et, d'autre part, la qualité de l'accès
aux leviers environnementaux, par exemple, l'accès inclusif aux soins, le
soutien à domicile, l'habitat, l'assistance et l'accompagnement, les
technologies, etc., répondant aux besoins spécifiques de la personne. Sur un
mode anticipé d'une demande d'aide à mourir, l'appréhension des souffrances
associées à l'acquisition de déficiences et incapacités sévères est fortement
influencée par les stéréotypes, préjugés et représentations sociales négatives
ou tragiques. La perte de signification de la vie et de sa valeur, la crainte
de la dépendance et du fardeau associé pour les proches et la société ne se
révèlent pas obligatoirement confirmées lorsque la personne a réellement vécu
l'expérience du processus handicapant. C'est le sens qu'il faut donner à la
notion de handicap évolutif, telle qu'affirmée par la convention de l'ONU. Le
caractère singulier et situé dans le temps ainsi que le contexte social de la
dynamique interactive entre la personne, son environnement et sa participation
sociale suggèrent un principe d'incertitude sur l'évolution et l'adaptabilité
du point de vue subjectif de la personne et le pronostic de souffrances
insupportables.
Septièmement, offrir la possibilité
d'intégrer, dans les processus d'analyse de la demande, un pair expert, ayant
un savoir expérientiel pertinent, pouvant éclairer la situation anticipée par
la personne.
Nous tenons à saluer le courage du
législateur d'appuyer ce projet sur la reconnaissance de l'autodétermination
pour toutes et tous. C'est un principe central du plaidoyer du mouvement de
défense des droits des personnes en situation de handicap, de la convention de
l'ONU et de la politique québécoise à part entière. Par ce mémoire, nous avons
voulu montrer l'importance des terminologies, des concepts choisis, tout
particulièrement sur la base des connaissances scientifiques développées sur la
compréhension du phénomène social du handicap. Le RIPPH et moi-même, nous
offrons notre collaboration pour les travaux à venir selon les besoins de la commission.
Je vous remercie.
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, monsieur... Pr Fougeyrollas, pour cette
présentation, pour les principes que vous avez émis. On va donc commencer la
période d'échange avec les gens de la commission, avec les députés membres de
la commission et, à tout seigneur, tout honneur, on va commencer par Mme la
ministre, pour une période de 13 min 3 s.
Mme Bélanger : Alors, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Pr Fougeyrollas, Mme Beauregard, M. Robin,
merci pour la présentation puis merci aussi pour l'histoire autour de la
définition de l'handicap. Je pense que c'est vraiment intéressant. Puis là on
voit bien, là, qu'on... que la définition et le modèle comme tel a évolué d'un
modèle médical, social et davantage systémique, puis je pense que c'est aussi
pour ça... Vous parlez d'acceptabilité sociale par rapport à l'aide médicale à
mourir, dans la possibilité que les personnes ayant un handicap puissent, si on
considère le volet de l'autodétermination, être considérées à juste titre, s'ils
remplissent les différents critères qui sont déjà dans la loi, là, c'est-à-dire
la capacité de... la volonté de la personne, l'aptitude à consentir, son déclin
irréversible, les souffrances physiques, psychiques inapaisantes et le
caractère, je dirais, bon, <vraiment, de l'irréversabilité...
>
17 h 30 (version révisée)
<19281
Mme
Bélanger :
...je dirais, bon, >vraiment, de l'irréversibilité.
Et vous avez vu que, dans le projet de loi, par prudence, nous avons tenté de
définir et d'intégrer le handicap, qu'on trouvait beaucoup plus large, et de le
spécifier à handicap neuromoteur. Je comprends, dans la présentation que vous
faites, que vous nous suggérez de ne pas aller là, de ne pas aller vers la... d'inclure
la notion de «handicap neuromoteur», mais de garder ça de façon plus large.
Donc, est-ce que c'est ma compréhension?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Exactement.
Ce qu'on dit, en fait, c'est qu'un handicap neuromoteur ici est pris comme un
diagnostic, alors qu'on ne peut pas déduire d'un diagnostic les conséquences
réelles que cela va avoir sur le corps, le fonctionnement de la personne, sur
ses incapacités, et, bien entendu, quand on comprend la... ce qu'on vient de
dire aussi, le contexte immédiat dans lequel il vit, justement, l'accès aux
soins ou véritablement l'ensemble de... du contexte environnemental, de ses
proches. Donc, on ne peut pas séparer ces choses-là.
Donc, parler simplement de handicap
neuromoteur en soi, comme un diagnostic, pour nous, n'est pas adéquat. Et, en
fait, c'est aussi le vrai... en termes de terminologie, il y a aussi un impact
à utiliser le terme de «handicap» dans un sens où, depuis longtemps, on essaie
de l'abandonner. Le handicap n'est pas une caractéristique de la personne,
hein, donc, si vous voulez.
Mme Bélanger : D'accord. Je
comprends très bien. Est-ce que... Bon, comme vous êtes professeur et vous êtes
très impliqué auprès de différents groupes, est-ce que vous croyez que les
différents groupes qui représentent des personnes ayant un handicap font un
consensus par rapport au fait d'exclure le volet handicap neuromoteur du projet
de loi? Est-ce qu'à votre connaissance il y a une acceptabilité de la part des
personnes qui... les premières personnes concernées?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Bien,
il y a déjà une réaction très importante à utiliser le terme «handicap», hein,
déjà en partant. Le fait qu'il soit neuromoteur, ça ne couvre qu'une partie de
la population, hein? On sait que les autres, parce qu'on les... on les associe
à des maladies chroniques, sont déjà couverts par la loi. Donc, en amenant les
handicaps neuromoteurs, on sous-entend que d'autres raisons qu'une maladie sont
en arrière de cela. Mais, en soi, ces personnes-là devraient bien sûr avoir
accès, mais pas sous l'étiquette diagnostique de handicap moteur, mais bien
parce qu'elles ont des déficiences ou des incapacités graves et incurables,
hein? Et, en fait, toute maladie, tout traumatisme peut se définir selon des
déficiences, des incapacités et éventuellement des situations de handicap. Bien
sûr, on n'est pas en situation de handicap dans toutes nos activités, hein? C'est
toujours en lien, justement, avec la prise en compte de notre contexte, qui
nous donne ou non, oui ou non, les possibilités de réaliser ce que nous voulons
et, du coup, d'avoir le goût de vivre ou non, hein?
Donc, c'est véritablement... Le handicap
neuromoteur, tel qu'on est là, ça laisse sous-entendre qu'il y a une porte d'entrée
directe, alors que ce n'est pas ça qu'il faut regarder, c'est la réalité d'une
personne dans son contexte, avec, effectivement, les déficiences et tous les
autres critères que vous avez mentionnés.
Mme Bélanger : OK. Peut-être
une dernière question, je vais laisser après la parole à mes collègues. Comme
professeur, est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter avec d'autres
professeurs de différentes écoles de réadaptation dans les autres provinces
canadiennes? Parce que la définition, en fait, c'est une définition qui a
été... que vous nous avez parlé tantôt, là, du modèle MDH-PPH. C'est une
définition, donc, qui a été adoptée de façon mondiale, là, très large. Est-ce
que du côté... parce qu'on entend moins ça du côté de nos collègues anglophones
des autres provinces.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Bien,
ça vient du côté anglophone, c'est-à-dire que, du côté francophone, je dirais,
ce n'est pas relativement récent, mais, au niveau universitaire, on n'a pas
d'études sur... sur les études <sociales...
M. Fougeyrollas (Patrick) :
...du
côté francophone, je dirais, ce n'est pas relativement récent, mais, au niveau
universitaire, on n'a pas d'études sur... sur les études >sociales du
handicap, alors que tout le volet des «disability studies», du côté anglophone,
effectivement, appuie complètement. C'est une perspective de droits humains qui
ne se situe pas... On ne peut pas dire que quelqu'un... vous avez un handicap,
comme quelque chose qui apparaît sur la personne, mais la définition que je
vous amène, effectivement, est appuyée du côté universitaire, mais aussi du
côté des «disability studies», qui sont des universitaires avec incapacité.
Mme Bélanger : Parfait. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. On va poursuivre la période d'échange
avec la députée de Laporte.
Mme Poulet : Merci de votre
participation à vous trois. Je reviens sur votre recommandation n° 7. Vous
parlez d'un pair expert ayant un savoir expérimentiel pertinent pouvant
éclairer la situation anticipée par la famille... par la personne, pardon. J'ai
une question, ça touche l'accompagnement de la famille, tiers de confiance.
Selon vous, comment on devrait procéder pour faire et traiter une demande
anticipée? J'aimerais vous entendre plus en détail concernant votre
recommandation n° 7.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Alors,
nous appuyons l'expertise d'une personne qui a un savoir expérientiel. De plus
en plus, on entend beaucoup parler des pairs patients et patients experts, tous
ces éléments-là, mais, dans le mouvement de défense de droit, le mouvement de
vie autonome donne une grande importance à l'expérience vécue par chacun comme
un savoir expérientiel qui permet de partager avec les autres, de soutenir une
personne qui vit une expérience similaire et, justement, de lui éclairer les
possibilités, le libre choix, en lui montrant toutes les opportunités
environnementales, qui vont bien au-delà des soins, mais qui constituent
l'ensemble de ce qui peut faire une qualité de vie. Je vais peut-être laisser
Jean-Pierre juste illustrer.
M. Robin (Jean-Pierre) : Oui,
bien, en fait, je crois que de faire référence à des personnes qui ont un...
disons, une longueur d'avance sur des expériences de vie difficiles, ça peut
permettre à une personne qui est en cheminement d'avoir une base de référence
pour faire, pour lui-même, les meilleurs choix. Il me semble que d'avoir,
auprès de soi, une personne qui a parcouru un peu de ce chemin-là avant nous,
ça ne peut être qu'aidant.
J'entendais récemment M. Hudon, qui a
témoigné devant vous, qui a fait, d'ailleurs, un témoignage tout à fait
percutant, et je n'ose pas imaginer comment il a dû se sentir, comment il a dû
sentir le sol s'ouvrir sous lui quand il a reçu son diagnostic. Alors, pour
lui, de voir comment les choses vont se dérouler dans les mois, dans les années
qui vont suivre, ça peut être extrêmement angoissant. C'est certainement très
angoissant. La référence ou le recours à un pair expert vient justement
permettre à la personne d'échanger librement avec une personne qui est experte
de sa propre vie et qui peut témoigner en toute ouverture sur les défis qui
sont devant... qui se dressent devant soi.
• (17 h 40) •
Mme Poulet : Merci. Je ne
sais pas s'il y a d'autres collègues qui...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, j'ai une autre collègue. Merci beaucoup, M. Robin. La
collègue de Vimont qui... Il vous reste 3 min 15 s.
Mme Schmaltz : OK, parfait,
je vais faire ça rapidement. Merci. Merci de votre présence.
J'aimerais bien revenir sur la définition
de handicap. Je comprends que vous voulez exclure les qualificatifs autour de
ce mot-là pour éviter... si j'ai bien compris, pour éviter de médicaliser le
terme ou de lui donner peut-être un sens qu'on ne voudrait pas. Par contre,
vous proposez de substituer le mot «handicap» à «déficience grave et incurable».
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...
Mme Schmaltz : Oui, je veux
comprendre c'est quoi, la différence, parce que, dans le mot «déficience», on
pourrait ajouter des qualificatifs, déficience intellectuelle, motrice. Je veux
comprendre la différence entre les deux termes. Est-ce que...
M. Fougeyrollas (Patrick) : C'est-à-dire
que vous ne pouvez pas... on ne peut pas utiliser le terme «handicap» pour lui
accoler une fonction, comme, sensorielle, psychique. C'était la perspective
biomédicale diagnostique qui permettait de faire ça. À partir du moment où on
adopte une définition sociale du <handicap...
M. Fougeyrollas (Patrick) :
...c'était la perspective biomédicale diagnostique qui permettait de
faire ça. À partir du moment où on adopte une définition sociale du >handicap,
comme une interaction entre la personne et l'environnement pour parler de
handicap, on peut... on doit parler de ce qui se passe vraiment, c'est-à-dire
qu'il y a un corps et des déficiences qui peuvent être effectivement, à ce
moment-là, neuromotrices et des incapacités, mais les incapacités peuvent être
très diversifiées. Et les situations de handicap sont la conséquence de cette...
la relation de ce profil de personnes avec l'agencement, avec un environnement
qui répond à ses besoins. Donc, dans ce sens-là, c'est pour cela que nous
intervenons sur le terme «handicap».
Le terme «handicap» est mal utilisé quand
on le prend comme handicap neuromoteur. Bien, déjà, il faut... il faudrait
enlever le «neuromoteur», comme c'est fait dans le... au niveau fédéral, mais,
là encore, le terme «handicap» en tant qu'étiquette fait extrêmement peur dans
le milieu, hein? Dès qu'il... dès qu'on nomme ce terme-là, les gens se disent :
Bon, on parle de moi. D'habitude, on n'en parle jamais, on est invisibilisé.
Puis, tout d'un coup, c'est pour l'aide médicale à mourir qu'on amène cette
question du handicap, alors qu'il faut toujours voir quelles sont les
conséquences pour cet individu. C'est toujours singulier, unique et avec une
personne dans sa vraie vie, avec la réalité, services ou pas, bon accueil ou
pas, mais il faut toujours refaire le portrait de cette personne réelle.
Donc, c'est pour ça que j'ai parlé d'un
principe d'incertitude. On ne le sait pas avant d'avoir rencontré cette
personne et avoir fait son portrait. Le problème dans l'admissibilité, c'est
que certains professionnels n'ont pas cette connaissance-là, et ils vont
véhiculer cette vision tragique de la vie des personnes handicapées plutôt que
de bien comprendre qu'il y a un ensemble d'alternatives. L'expert, le pair
expert, lui, est en mesure de dire comment on peut faire en sorte pour qu'il y
ait des compensations, des technologies, du support humain, un environnement
inclusif qui fait en sorte que la personne peut-être changera d'idée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette réponse. Le temps imparti à la
banquette gouvernementale est terminé, mais je me tourne du côté de
l'opposition officielle avec une période de 12 min 23 s pour la
députée de La Pinière. Le temps commence maintenant.
Mme Caron : Merci
beaucoup. Alors, merci à vous d'être là. Donc, je continue un peu sur la dernière
question. Si je comprends bien, c'est que vous enlèveriez du projet de loi le
mot «handicap» tout court, que ce soit... non seulement qu'on ne le qualifierait
pas comme neuromoteur, mais on ne l'enlèverait pas, on... Est-ce qu'on écrirait
plutôt «déficience» et «incapacité grave et incurable» à la place, partout où
le... où c'est indiqué «handicap» dans le projet de loi?
M. Fougeyrollas (Patrick) : C'est
notre recommandation.
Mme Caron : C'est votre
recommandation. D'accord. Et est-ce qu'il y a pour... Est-ce qu'il y a des
définitions de «grave et incurable»? Bien, «incurable» on comprend peut-être
plus, mais peut-être que le terme «grave» est plus difficile à bien définir.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Bien,
c'est-à-dire des déficiences sévères... Alors, dans le langage habituel, on va
parler de déficience sévère, et le... De toute manière, il faut qu'il y ait des
définitions quelque part. Si, des fois, le «handicap» devait demeurer, il faut
le définir. Et, si on le définit dans un sens qui est différent de
l'acceptation contemporaine, on a un problème, c'est qu'on ne pourra pas
l'utiliser tel quel dans la loi.
Mme Beauregard (Line) : Est-ce
que je pourrais juste ajouter... je peux? Oui, juste ajouter une petite
distinction, et je vais me prendre comme exemple, parce que, vous voyez, je
suis en fauteuil. Moi, j'ai une lésion à la moelle épinière, j'ai une
déficience au niveau de mon système nerveux. J'ai des incapacités de nature
motrice, parce que je ne peux pas marcher, et je vis des situations de handicap
selon mon environnement. Si mon environnement me répond à mes besoins, c'est
plus vivable. Si mon environnement est totalement plein d'obstacles, bien là,
je suis beaucoup en situation de handicap. Puis ça, ça varie, ce n'est pas
toujours... Puis chaque situation est... doit être analysée individuellement, puis
ça dépend des objectifs de vie de la personne aussi. Ça fait qu'on parle de...
Ce qu'on suggère, c'est de parler plutôt
de déficience et d'incapacité grave plutôt que le terme de «handicap» qui est
quelque <chose...
Mme Beauregard (Line) :
Ce
qu'on suggère, c'est de parler plutôt de déficience et d'incapacité grave
plutôt que le terme de «handicap» qui est quelque >chose qui varie aussi
selon la situation de la personne.
Mme Caron : D'accord. Merci,
c'est très éclairant. Quand vous disiez tantôt... puis là je vais utiliser le
mot «handicap» entre guillemets, parce que c'est ce que j'avais noté, mais vous
aviez dit... c'était, en fin de compte, la qualité de la participation sociale
qui est situationnelle. Alors, cette qualité de participation sociale, qui,
selon vous, est en mesure de l'apprécier?
M. Fougeyrollas (Patrick) : C'est
d'abord des personnes qui vont avoir conscience de l'importance de cet
environnement social, donc c'est plus des praticiens sociaux et des... Ça peut
être également aussi des proches, ça peut être des... justement, des pairs
aidants, hein, donc, qui ont cette capacité de regarder le volet social. Ça
peut être physique, ça peut être au niveau des services. Alors, il faut
avoir... Là, on parle d'une équipe interdisciplinaire, et effectivement, en
ayant cette perspective-là, je pense que ça y répondrait.
M. Robin (Jean-Pierre) : Et,
si je peux me permettre, en complément, c'est... au premier chef, c'est la
personne elle-même qui doit décider de... qui doit juger de la qualité de sa
participation sociale. Ce qui m'apparaîtrait insupportable à moi, peut-être que,
pour vous, ça aurait une autre signification, et peut-être que votre capacité à
composer avec des situations difficiles est plus grande chez vous qu'elle ne le
serait chez moi. Alors, je pense qu'il faut avoir cette confiance.
Et puis, moi, ce que j'ai compris du
projet de loi n° 11, c'est que ça va vraiment dans ce sens-là. Je pense
qu'il y a chez vous une volonté de soutenir l'autodétermination des gens. Donc,
ça va aussi jusque dans l'appréciation de sa propre situation, et considérant
les gens autour, médecins, spécialistes, professionnels de la santé et des
services sociaux, les comprenant comme étant des gens qui peuvent nous
conseiller, mais surtout pas décider à notre place.
Mme Caron : Et, dans votre
recommandation n° 6, vous faites référence à un accès
inclusif aux soins et vous avez parlé aussi de caractéristiques identitaires.
Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus sur ça, s'il vous plaît?
• (17 h 50) •
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui,
j'ai commencé avec l'aspect des caractéristiques identitaires. Donc, le... quand
on va parler d'avoir des déficiences et des incapacités, le ressenti des
personnes ou leur réalité va différer. Si c'est un homme, une femme, si... le
niveau de revenu, par exemple, le fait que ce soit un immigrant, le fait que ce
soit une personne racisée. Donc, c'est important que les gens qui prennent une
décision puissent savoir qu'une personne peut avoir une intersection, donc on
parle d'intersectionnalité qui vient aggraver, comme on pense pour la violence
envers les femmes handicapées, qui est très élevée, par exemple. Donc, ces
éléments doivent être pris en compte dans la décision, parce qu'elles viennent
complètement transformer le vécu de discrimination de la personne.
On ne peut pas juste regarder l'aspect de
la maladie. Il faut regarder l'identité de ces personnes, de la personne et
comment... On vit dans un monde capacitiste, c'est ça qui nous fait très peur,
hein? C'est-à-dire qu'on est habitué à vouloir structurer notre société pour
des personnes qui ont toutes leurs capacités, et ce point de vue là est
partout, hein, on le partage. C'est pareil que l'âgisme, hein, c'est pareil que
le sexisme. Donc, tous ces éléments-là viennent se surajouter, et il faut les
connaître.
Pour l'accès inclusif, est-ce que tu veux,
Jean-Pierre... Pour l'accès inclusif, là, c'est véritablement d'avoir une
approche d'accessibilité pour la diversité de la population, avec toutes ses
différences, hein, c'est l'inclusion. Et l'inclusion, c'est adapter notre
environnement, notre environnement social, mais ça peut être l'urbanisme et
tous les éléments architecturaux qui prennent compte de la réalité.
L'accès aux soins n'est pas inclusif. Si
vous voulez avoir certains types d'examens, il y a beaucoup d'examens qui
ont... Et ça, l'exemple premier, souvent, c'est celle des femmes qui veulent
avoir des services. Elles vont avoir des cancers sans les dépister, parce
qu'elles ne peuvent pas avoir accès à la mammographie. Donc, tous ces
éléments-là sont à prendre en compte, justement, pour <l'accès...
M. Fougeyrollas (Patrick) :
Donc, tous ces éléments-là sont à prendre en compte, justement, pour >l'accès
inclusif. Actuellement, les services ne sont pas inclusifs.
Mme Caron : Je vais céder la
parole à ma collègue de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Oui, donc, juste
pour revenir à votre recommandation n° 4 puis la notion de handicap et de
déficience. Autant que la notion de «handicap», comme vous l'avez définie, est
contraire à ce que peut être la volonté du projet de loi, le terme «déficience»,
je pense que, dans la société, a une connotation différente, une connotation
qui n'est pas nécessairement reconnue à la même capacité que celui du handicap,
donc qui pourrait amener à la confusion auprès des gens. Parce que c'est une...
c'est un terme qui est un petit peu plus large, qu'on identifie à d'autres
enjeux, qu'on n'identifie pas nécessairement, comme j'ai dit, à la notion de
handicap.
Est-ce... Comment est-ce que vous
définirez... ferez la définition de déficience, dans ce sens-là, pour que le
grand public puisse vraiment comprendre tout ce que vous voulez dire?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Ce
que je veux dire, déjà, c'est que ce soit handicap ou déficience, il faut
définir, hein, donc. Et, si on se met sous un angle législatif, je sais que
c'est très, très difficile de choisir des mots, parce qu'ils sont déjà utilisés
ailleurs, mais vous avez une loi avec une définition de personne handicapée qui
utilise déficience et incapacité significative et persistante, qui est
susceptible de... pour les personnes de rencontrer des obstacles dans leurs
activités courantes. Elle existe, la définition. Alors, après, la perception
qu'il peut y avoir sur la terminologie, effectivement, il faut définir et il
faut accompagner... il faut accompagner... et vous aurez exactement la même
chose avec handicap.
Mme Prass : Et, pour
renchérir sur la question des facteurs identitaires, il y a un groupe qui vient
de témoigner avant vous, justement, qui disait qu'il devrait y avoir un
mécanisme, par exemple, avant que la personne ait recours à l'administration de
l'aide médicale à mourir, de vérifier s'ils ont pu recevoir tous les services
de soins qui leur sont nécessaires pour ne pas souffrir, etc. Pensez-vous que,
justement, dans le même sens, les facteurs identitaires, il devrait y avoir un
mécanisme d'évaluation pour s'assurer que la personne qui a différents facteurs
ait reçu tous les soins, tous les services, etc., qu'il requiert avant de faire
appel à l'administration?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Si
on pense à une personne homosexuelle, par exemple, donc, est-ce qu'on a
vraiment tenu compte qu'elle ne peut pas recevoir son conjoint dans le CHSLD?
Tous ces éléments-là qui... L'idée, c'est pourquoi on dit «incertitude», c'est
que vous ne le savez pas. On ne peut pas rien savoir d'une personne avec
simplement un diagnostic, sans faire l'ensemble du tour d'horizon que... dont
je vous ai parlé, autant au niveau médical, bien entendu, mais de son histoire
personnelle, de toute son identité, celle qui est sociodémographique, si vous
voulez, mais celle aussi qui lui est attribuée et à laquelle elle se reconnaît,
elle s'identifie. Donc, cet élément-là, on ne peut pas le dire à l'avance, il
faut absolument... On ne peut jamais faire l'économie de cette rencontre avec la
personne et d'un portrait global. Il faut que les personnes qui font cet
examen-là aient la compétence de regarder l'ensemble des dimensions.
Et, au bout du compte, comme disait
Jean-Pierre, c'est l'autodétermination de la personne, mais l'autodétermination,
ce n'est pas une qualité personnelle, c'est quelque chose qu'on rend possible
par l'information éclairée et des alternatives. Et puis, par rapport à ce que
vous disiez, les gens, en général, sont tellement au bout qu'il n'est pas
question, si vous êtes au CHSLD, que vous avez des plaies de lit, que vous ne
voyez plus la possibilité de rentrer chez vous, que, véritablement, on fasse
une demande à la Société d'habitation du Québec pour adapter votre
environnement. Vous voyez? La personne, elle est prise dans les bris de
service, dans l'absence de services. Alors, il faut l'identifier, ça, mais le
temps que ça doit prendre pour pouvoir les mettre, s'ils n'existent pas,
qu'est-ce qu'on fait si... Donc, il y a vraiment un enjeu majeur pour que cet
élément-là ne devienne pas fondamental dans la décision de la personne.
Mme Prass : Et, dans le même
sens, pensez-vous qu'il serait nécessaire d'avoir une évaluation <psychologique...
Mme Prass :
Et, dans
le même sens, pensez-vous qu'il serait nécessaire d'avoir une évaluation >psychologique
de la personne avant qu'elle fasse la demande, justement, pour déterminer si
c'est des facteurs identitaires qui les amènent peut-être à prendre cette
décision plutôt que leur état de santé?
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...psychologique
qui tienne compte des facteurs identitaires. C'est rarement le cas dans les
évaluations.
Mme Prass : ...mais il faut
s'assurer que la personne prenne les décisions.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui,
absolument.
Mme Prass : Donc, encore une
fois, ce serait peut-être une façon de faire cette évaluation-là, d'avoir une
évaluation avec eux préalable à ce qu'ils fassent la demande pour s'assurer
qu'ils sont bien conscients que la demande vient de...
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse de vous interrompre.
Mme Prass : Oui?
La Présidente (Mme Poulet) : Le
temps est écoulé.
Mme Prass : D'accord. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on pourra poursuivre les discussions avec la députée de Sherbrooke. Vous avez
4 min 8 s.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
D'abord, je veux vous remercier, parce que vous venez de clarifier beaucoup de
choses. Je pense qu'on nous... on nous a fait beaucoup de mises en garde sur
l'utilisation du mot «handicap» puis, en particulier, du mot «neuromoteur».
Vous arrivez avec une proposition de formulation qui vient clarifier les
choses.
Vous venez de répondre à ma collègue qu'il
faudrait quand même définir «déficience» ou «incapacité» dans la loi pour
s'assurer que les choses soient claires. Vous avez dit que c'est une définition
qui existait déjà dans d'autres lois, qu'on pourrait reprendre. J'ai peut-être
mal capté, parce que je prenais des notes en même temps, mais est-ce que vous
parliez de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées?
Bon, je l'ai devant moi. Je n'y trouve pas de définition pour ça. Je trouve une
définition de personne handicapée, donc : «Toute personne ayant une
déficience, entraînant une incapacité significative et persistante, qui est
sujette à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités
courantes», mais je ne trouve pas de définition, là, de déficience et
d'incapacité. Donc, j'aimerais que vous nous éclairiez sur ce que vous avez dit
à propos de ça.
M. Robin (Jean-Pierre) : En
fait, puisque vous référez à la loi qui est dans les mains de l'OPHQ pour son
actualisation, eh bien, l'Office des personnes handicapées du Québec s'appuie
sur la base du MDH-PPH, donc sur la classification dont Patrick nous a parlé à
quelques reprises, là, aujourd'hui. Les définitions, elles sont là. Cette
classification-là, elle a été entièrement révisée en 2018. Elle est très
complète, autant pour décrire ce que sont les déficiences, ce que sont les
aptitudes parfois mises en péril qui deviennent... quand des capacités
deviennent des incapacités. Toutes les définitions sont là de façon exhaustive.
Alors, pour y référer, on en a une copie avec nous, mais, à partir de notre
site, là, tout est entièrement accessible et disponible.
Mme Labrie : ...de l'OPHQ,
mais ce n'est pas dans la loi spécifiquement, c'est défini ailleurs. C'est ce
que vous me dites?
M. Robin (Jean-Pierre) : C'est
ça, c'est ça. Oui, mais, pour répondre très clairement à votre question, une
déficience, c'est une rupture d'un système organique qui était... c'est une perte
d'intégrité d'un système organique. Par exemple, si j'ai une blessure à l'œil
qui va entraîner... si la guérison est totale, il n'y aura pas de déficience
notée. Il peut y avoir une perte de la vision, donc il y aura une déficience
organique qui va entraîner des... une perte de capacité visuelle pour
fonctionner au quotidien. Et cette perte de fonctions là peut évidemment
impacter les... mes habitudes de vie ou les habitudes de vie de la personne qui
porte la déficience.
Mme Labrie : Ça, c'est une
spécification que vous invitez à inscrire dans la loi sur l'aide médicale à
mourir. Il a été question, tout à l'heure, des personnes qui sont inquiètes,
là, par l'utilisation du mot «handicap» dans la loi. Il y en a effectivement
beaucoup. Est-ce que vous êtes confiants qu'en allant chercher cette
formulation-là, que vous nous proposez, et avec les définitions que vous nous
proposez, là, de déficience et d'incapacité, ce serait suffisant pour dissiper
les craintes qu'on entend?
• (18 heures) •
M. Fougeyrollas (Patrick) : On
a aussi une recommandation, je pense, sur l'aspect de la formation. Je pense
que c'est des choses qui devraient être disponibles pour les praticiens de
l'aide médicale à mourir, en fait, toute... toute l'équipe, hein, et pour avoir
justement conscience de ce modèle social, et de l'interaction avec
l'environnement, puis comment ça vient jouer sur la décision de la personne.
Mme Labrie : Ces craintes-là
ont été, à mon souvenir, plus souvent exprimées par des personnes qui travaillent
auprès de personnes qui ont un handicap que par des praticiens du domaine de la
santé. C'est pour ça que je vous demande un peu : Est-ce que les termes
auxquels vous nous suggérez de référer sont communément utilisés, compris par
des citoyens en situation de handicap?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui,
oui, tout à fait. Oui, oui, oui, absolument, oui. Et, je dirais, c'est vrai
puis c'est vrai au niveau international, hein, c'est défini aussi par l'Organisation
mondiale de la santé, les notions de déficience et incapacité sont <validées
scientifiquement...
>
18 h (version révisée)
< M. Fougeyrollas (Patrick) :
...défini
aussi par
l'Organisation mondiale de la santé. Les notions de déficience
et incapacité sont >validées scientifiquement et définies, mais il faut
qu'on puisse aller les chercher. Je suppose, c'est dans la réglementation ou
dans... vraiment, avec la définition complète.
La Présidente (Mme Poulet) : Je
vous... Désolée de vous interrompre, le temps alloué est terminé. Mme Beauregard,
M. Robin, M. Fougeyrollas, alors, je vous remercie pour votre importante
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants,
courts instants, afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise à 18 h 07)
La Présidente (Mme Poulet) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Alors, je souhaite
la bienvenue au Dr Claude Rivard, omnipraticien et expert patricien...
praticien, pardon, de l'aide médicale à mourir à l'Hôpital Pierre-Boucher; Dr Marc-André
Amyot, président, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec; Dr Sylvain
Dion, premier vice-président, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Alors, je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à commencer votre exposé.
MM. Claude Rivard, Marc-André Amyot et Sylvain Dion
M. Amyot (Marc-André) : Alors,
je suis le Dr Amyot. Je suis accompagné du Dr Sylvain Dion et du
Dr Claude Rivard. Dr Dion est premier vice-président, Dr Rivard
est membre du conseil d'administration de la FMOQ, et aussi vous l'avez invité
comme expert dans le domaine de l'aide médicale à mourir, ce qu'il est.
Alors, bonjour, Mme la Présidente, Mme la
ministre, Mmes les députées. Nous remercions les membres de la commission de
nous donner l'occasion de nous... de livrer nos commentaires à l'égard du
projet de loi n° 11. Les médecins de famille jouent un rôle de premier
plan en matière d'aide médicale à mourir. Non seulement ils effectuent
85 % des AMM, mais ils accompagnent les patients tout au long de leur vie
et de leur cheminement.
D'entrée de jeu, nous déclarons être
d'accord avec l'élargissement du projet de loi... avec l'élargissement que le
projet de loi apporte en éliminant le critère de fin de vie. Également, il est
important que les Québécois puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir
même s'ils perdent leur aptitude à y consentir avant son admission... avant son
administration.
Nous sommes donc favorables à ce que les
Québécois, même s'ils ne sont pas en fin de vie, puissent à l'avance, de
manière anticipée, dès qu'un diagnostic admissible est posé, déterminer par
écrit leur volonté à l'égard de l'AMM, et ce, en prévision de leur inaptitude.
Il faut aussi s'assurer que les soins palliatifs et les soins globaux soient
disponibles et facilement accessibles et que l'aide médicale à mourir ne soit
pas choisie par difficulté d'accès aux soins et aux soins palliatifs.
Concernant le handicap neuromoteur grave
et incurable, nous souhaitons que le projet de loi s'inscrive dans la logique
du jugement Truchon-Gladu mais aussi dans une logique de cohérence législative
avec la loi canadienne. Dans cette mesure, nous tenons à souligner notre accord
avec l'introduction du handicap dans les diagnostics admissibles aux fins de
l'aide médicale à mourir. Cependant, le mot «neuromoteur» devrait être retiré
en concordance avec la loi fédérale.
La législation québécoise, si ce «neuromoteur»
n'est pas retiré, serait en porte-à-faux avec la législation canadienne qui,
elle, rend admissible l'AMM aux personnes souffrant d'une maladie, d'une
affection ou d'un handicap grave et incurable. Les Québécois n'ont pas à être
restreints dans leurs choix par rapport aux Canadiens.
Un élément très important, les médecins
québécois n'ont pas à exercer sous l'empire de deux lois différentes. Nous
profitons donc de l'occasion pour réaffirmer que ce projet de loi doit
s'harmoniser avec la loi fédérale sur l'AMM.
• (18 h 10) •
Concernant les troubles mentaux, nous
pensons que la portée de la loi devrait s'étendre jusqu'à de telles
pathologies. Il nous apparaît difficile de faire la discrimination entre les
patients sur la base des diagnostics. Évidemment, des critères bien définis et
précis doivent préalablement être établis. Nous en faisons état dans notre
mémoire.
Concernant les demandes anticipées, le
projet de loi n° 11 restreint aux seules personnes déjà atteintes d'une
maladie grave et incurable la possibilité de formuler une demande anticipée.
Nous sommes d'accord avec cette position.
Concernant les témoignages vidéo, nous
croyons que la description des souffrances physiques et psychiques devrait
pouvoir être captée par témoignage vidéo. Cette vidéo pourra être visionnée
dans le futur par les professionnels sollicités pour donner le soin et qui
pourront ainsi valider si les souffrances énumérées par le patient sont
présentes. Un témoignage vidéo permet aux médecins de beaucoup mieux apprécier
un patient alors qu'il était apte.
Concernant l'obligation de verser les
demandes au registre, nous sommes contre l'obligation que voudrait imposer le <législateur...
M. Amyot (Marc-André) :
...au
registre, nous sommes contre l'obligation que voudrait imposer le >législateur
aux professionnels de verser les demandes d'AMM dans le Registre des directives
médicales anticipées. Je n'ai pas besoin de vous convaincre que les médecins de
famille sont déjà très surchargés. 20 % à 25 % de leur travail n'est
pas médical mais de la paperasse, et d'ajouter une exigence comme celle-là,
supplémentaire, c'est d'ajouter des technicalités administratives qui ne
relèvent pas du domaine médical.
Nous demandons le retrait de cette
exigence, et cette exigence-là devrait incomber aux personnes qui font une
demande. Et la même logique devrait s'appliquer pour l'article 29.10 en ce
qui concerne le retrait d'une demande.
Le législateur devrait également obliger
les personnes qui font des demandes anticipées d'aide médicale à mourir à
remplir les autres directives médicales en vue d'une éventuelle inaptitude, par
exemple, la décision d'être ou non réanimé, intubé, dialysé. Ceci permettrait
d'avoir une meilleure vue d'ensemble de ce que désire la personne comme soins
de fin de vie.
Autre commentaire, à l'article 29.6,
vous parlez de la désignation des tiers de confiance. Ce tiers de confiance là
ne devrait pas être une option, il devrait être obligatoire. La nomination d'un
deuxième tiers de confiance, elle, devrait être optionnelle. Et ce tiers de
confiance là devrait accompagner systématiquement la personne pour les
explications avec le médecin, la signature du formulaire et toutes les
technicalités qui en découlent.
Enfin, à la page 4 du mémoire, on
vous donne un résumé des différents... des différentes recommandations.
J'insiste sur le point 9, à l'article 29.19, au sujet de la
manifestation d'un refus. Cette manifestation-là devrait être clarifiée. Et
nous recommandons de permettre le recours à de la sédation à l'égard... ici, on
parle de «contention chimique», c'est une terminologie que nous utilisons en
médecine, à l'égard des manifestations cliniques découlant de la situation
médicale du patient.
À ce stade-ci, je m'arrêterai puis je
laisserai la parole au Dr Rivard pour préciser certains points.
M. Rivard (Claude) : Oui,
bonjour. Merci beaucoup de nous écouter par rapport à ce sujet-là. Moi, j'ai...
je suis en pratique depuis au-dessus de 25 ans. J'ai participé à la
première aide médicale à mourir qui s'est donnée à domicile, deux heures après
que la loi a été passée en 2015. Et j'en fais depuis ce temps-là, j'en ai fait
plusieurs centaines dans des conditions différentes. Ça peut être dans un
hôpital, ça peut être à la maison, ça peut être dans un champ, ça peut être
dans différents endroits, dans un parc.
L'important pour un praticien, et si vous
voulez que la loi soit applicable sur le terrain, il faut qu'il y ait une
certaine uniformité ou encore une congruence entre qu'est-ce que nous autres,
on fait, et qu'est-ce qui est écrit dans la loi. Le problème qu'on a
actuellement comme praticien, c'est qu'on est régis par deux lois. Et nos
compagnies d'assurance qui nous représentent, qui nous protègent, nous disent :
Vous êtes obligés de respecter la plus contraignante des deux lois, vous n'avez
pas le choix. Ça fait que, dans des cas, c'est la loi fédérale, qui est le Code
criminel, et, dans d'autres lois... dans d'autres cas, c'est la loi
provinciale.
Vous avez rajouté le handicap, c'est bon,
ça nous met... ça nous arrime avec la loi fédérale. On a maintenant un... des
mêmes termes. Ce qui manque dans la loi provinciale, ce serait peut-être aussi
de parler de qu'est-ce qu'on fait quand la mort n'est pas naturellement
prévisible. La mort... quand la mort est prévisible, c'est un... dans la loi
fédérale, c'est une voie un, avec exactement les mêmes manières au niveau de
comment le soin était donné. Et, dans la loi fédérale, ils disent : Quand
la mort n'est pas naturellement prévisible, dans ce temps-là, c'est une voie
deux, et là il faut attendre 90 jours, il faut avoir l'avis d'un expert.
Tu sais, il y a des choses qui ne sont pas
congruentes. Nous autres aussi, on en a, des gens qui demandent l'aide à mourir
mais qui ne sont pas en fin de vie, mais là on est obligés de suivre la loi
fédérale parce qu'il y a un vide juridique dans la loi provinciale. Alors, ce
serait une bonne idée de rajouter cet élément-là dans... au moins rajouter les
voies un et voie deux dans la loi provinciale, tant qu'à la changer.
Et on insiste, c'est très, très important,
les autres critères sont là pour nous aider et nous donner des balises de qui
est éligible pour l'aide à mourir. On parle de handicap, de fin de vie, de
maladie, mais il faut... Quand on parlait des incapacités, tantôt, dans... pour
les gens qui nous ont <précédés...
M. Rivard (Claude) :
...pour
les gens qui nous ont >précédés, au niveau du groupe qui nous a
précédés, un des critères qui vient après les maladies, affections et
handicaps, c'est stade avancé de déclin des capacités et qui est
irréversible. Alors, on a déjà un critère dans la loi qui parle que la capacité
est irréversible. Est-ce qu'un patient qui se passe le petit doigt dans la scie
ronde puis qui a perdu son doigt, il est handicapé? Oui. Est-ce qu'il y a un
déclin avancé de ses capacités? Non. Comprenez-vous? C'est l'ensemble des
critères qu'il faut regarder, qui nous dit : Oui, lui ou elle, cette
personne-là, elle est rendue là.
Si vous voulez que la loi s'applique et
qu'on soit capable de pouvoir le faire sur le terrain, il faut absolument
comprendre que cette fois-là, on ne le donne pas à une personne qui nous
attend, qui veut l'avoir vite, qui va tendre son bras quand l'infirmière va y
installer son soluté et puis qui va dire : Oui, je le veux avant d'avoir
le soin. On va faire affaire à des gens qui, cinq, six, sept ans après
avoir fait leur demande anticipée, à un moment donné, il y a quelqu'un qui va
lever la main puis qui va dire : Il n'est plus apte.
Et là, ces gens-là, ils bougent quand on
les lave, ils n'aiment pas quand on les retouche, ils n'aiment pas quand on les
rase, et là vous voulez qu'on installe... parce qu'au niveau fédéral, on a le
droit de donner la médication orale pour l'aide à mourir, partout ailleurs au
Canada. Au Québec, on n'a pas le droit, on est obligé d'utiliser la voie
intraveineuse. Si on utilise la voie intraveineuse, ce n'est pas un, c'est deux
solutés qu'il faut mettre, c'est deux cathéters. Si le patient l'arrache,
est-ce que moi, je considère ça comme étant un refus de recevoir l'aide à
mourir? Dans ce temps-là, tout le travail des évaluations qui auraient été
faites avant, les demandes, mettre ça sur les directives médicales anticipées,
ça n'aura servi à rien.
Ça fait qu'il y a peut-être beaucoup de
monde qui vont le demander, mais si on n'est pas capable d'encadrer sur comment
le soin se fait... et là je ne sais pas si c'est le législateur ou il faut que ce
soit mis dans le guide de pratique du collège, mais il faut penser que, si vous
changez la loi, il ne faut pas que ce soit une roue qui tourne à vide, il faut
qu'on soit capable de pouvoir l'appliquer sur le terrain en se sachant sécure
au niveau de la loi.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Mme la ministre a accepté de vous
laisser un droit de parole. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous. Il vous
reste 15 minutes.
• (18 h 20) •
Mme Bélanger : Oui, d'accord.
Bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé. J'ai le goût
de dire : Ça a le mérite d'être clair. C'est très clair, puis je pense
qu'on a besoin de clarté aussi, c'est une décision extrêmement importante qu'on
a ici, comme parlementaires, par rapport à ce projet de loi.
On a entendu beaucoup de groupes, on est
plus qu'à... quand on aura terminé le processus, on sera à plus de 35,
36 groupes et... Bien, vous avez assisté tantôt, je pense, à la
discussion, à une discussion importante, puis, sans tomber dans la sémantique,
on voit que les mots veulent dire des choses, puis c'est important que ce soit
clair pour tout le monde. Puis je vois que votre position, dans le fond, est de
dire : Harmonisons-nous le plus possible avec le Code criminel pour que ce
soit facile à interpréter et à comprendre pour nos médecins mais nos professionnels
aussi.
Et donc vous êtes en faveur de retirer le
terme «handicap neuromoteur». Vous savez que l'esprit pour lequel on l'a mis
dans le projet de loi, le volet neuromoteur, c'était par devoir de prudence
parce qu'on trouvait que la notion de handicap, ça peut être très, très large.
Puis ma question est : Supposons qu'on enlève le handicap neuromoteur,
est-ce que vous ressentez l'importance de définir, dans la loi, la notion de
handicap?
M. Rivard (Claude) : Dans la
loi fédérale, ce n'est pas défini, c'est : affection, maladie ou handicap.
À chaque fois qu'un juriste, qu'un juge s'est fait demander la question, il
vous... il a répondu aux gens qui étaient intéressés devant lui, ils ont dit :
Ce n'est pas à la loi à déterminer si... c'est quoi, une fin de vie ou c'est
quoi, un handicap. Vous êtes professionnels de la santé, c'est votre job à vous
à déterminer si le handicap est effectivement là, si la maladie est là, si
l'affection est là. Et, dans le cas de l'aide médicale à mourir, au niveau légal,
il faut que les autres <critères...
M. Rivard (Claude) :
...si
l'affection est là. Et, dans le cas de l'aide médicale à mourir, au niveau
légal, il faut que les autres >critères soient là aussi.
Mme Bélanger : Exact.
M. Rivard (Claude) : L'important....
C'est ça qui est important, c'est qu'on ne peut pas être un petit peu enceinte,
c'est... il faut avoir tous les critères, tu sais, on ne peut pas... S'il y a
un critère qui n'est pas cochable, que la personne... la personne n'est pas
assurée au sens de l'État, parce que sa carte d'assurance maladie est expirée,
elle n'est pas éligible à l'aide médicale à mourir. La personne n'a pas
18 ans, elle a 17 ans et 10 mois, elle n'est pas éligible à
l'aide médicale à mourir. Tu sais, c'est très important qu'il faut... que tous
les critères soient là.
Et là en rajoutant le handicap, sans
nécessairement qu'il y ait neuromoteur, ça va être aux praticiens à déterminer
si oui, la personne, elle a un handicap. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle une personne... Dans ma pratique, là, j'ai fait de l'urgence
12 ans, des soins intensifs pendant 13 ans, puis j'ai une pratique de
bureau en première ligne, puis maintenant je fais des soins palliatifs à
domicile. Je fais presque juste des aides à mourir à domicile, je n'en fais pas
à l'hôpital, et je peux vous dire que j'ai vu des gens tétraplégiques arriver
aux soins intensifs malades, puis ils ne voulaient pas mourir, ils voulaient
absolument vivre. Puis, quand j'ai parlé à la conjointe de ce patient-là, je
lui disais : Aïe! Il n'a pas beaucoup de qualité de vie. Elle dit : Vous
êtes qui, vous, pour juger de la qualité de vie de mon conjoint? Elle dit :
Hier, avant sa maladie, là, il était avec ses chums puis il jouait en ligne
avec ses... puis il maintient un blogue qui décrit c'est quoi, la vie d'une
personne handicapée, puis il est suivi par 8 000 personnes dans le
monde. Il était capable de bouger deux doigts, la bouche puis un oeil, c'est
tout. Il avait même un respirateur pour l'aider à respirer.
Les ergothérapeutes peuvent rajouter plein
de machines, de trucs sur une chaise pour permettre à une personne une certaine
autonomie. Il y en a qui ne les prendront pas, ces affaires-là, il y en a qui
vont les prendre. Nous autres, comme praticiens, c'est à nous autres à décider
si les souffrances et l'affection grave et incurable sont présentes, qui font
en sorte que, oui, il les remplit, les critères.
On ne vous demande pas de définir le
handicap, on vous demande juste d'être congruent par rapport au Code criminel
pour faire en sorte qu'on soit capable de pouvoir donner le soin. C'est ça que
vous voulez, qu'on donne le soin? Dans ce temps-là, il faut qu'on ait un cadre
légal qui nous permette de faire ça.
Tu sais, il y a d'autres choses aussi
comme : Comment vous faites pour déterminer que, la souffrance, elle est
objectivable? Les souffrances ne sont jamais objectivables même pour des
patients aptes. La souffrance, elle peut être identifiable, mais elle est
rarement objectivable, parce qu'une souffrance, c'est toujours quelque chose
qui est subjectif et rapporté par la personne. Tu sais, il faut faire attention
au niveau des mots qui sont mis, parce que si vous dites que c'est
objectivable, puis, dans ce temps-là, il y a un patient qui a fait une... une DAAMM,
une directive anticipée d'aide médicale à mourir, et que la famille n'était pas
d'accord à ce que l'aide médicale à mourir se fasse, si le docteur se retrouve
en cour puis il se fait dire par l'avocat de la poursuite : Comment vous
avez fait, docteur, pour objectiver les souffrances du patient...
On parle d'équipe de soins. Tu sais, moi,
si je ne suis plus... si je suis à la retraite dans huit ans, là, ce n'est pas
moi qui va faire l'aide à mourir du patient qui va faire... qui a fait la
demande anticipée d'aide médicale à mourir. L'équipe de soins qui, cinq, six,
sept, huit ans après, va avoir à évaluer c'est quoi que la personne ne voulait
pas vivre, il va falloir qu'elle ait... qu'elle se base sur quelque chose pour
être capable de pouvoir l'évaluer. Puis c'est pour ça qu'on a mis... on a
suggéré le fait qu'il y ait un truc vidéo qui soit capable d'être visible par
les équipes de soins des années plus tard. On ne parle pas de demandes
contemporaines, on parle de demandes anticipées à être évaluées alors que la
personne n'est plus apte. Alors là, c'est... «it's a whole new ball game», là,
tu sais, c'est complètement la même affaire, là, ce n'est pas le même type de
patient. Puis là ce qu'on veut, c'est que le praticien soit capable de le faire
dans les conditions les plus sécures possible et aussi que le soin soit donné
de façon humaine jusqu'à la fin, y compris pour ces personnes-là.
Mme Bélanger : Bien, merci,
c'est intéressant. Puis, Dr Rivard, dans le mémoire qui est présenté, vous
dites qu'il est... il serait obligatoire que l'équipe de soins évalue
régulièrement la personne pour savoir si les souffrances décrites dans sa
demande anticipée sont bien présentes. J'aimerais ça vous entendre un petit peu
plus là-dessus, parce que, là, on est dans le cadre... dans le contexte d'une
demande anticipée.
M. Rivard (Claude) : Oui.
Mme Bélanger : Vous
mentionnez que c'est important qu'on puisse évaluer régulièrement. Ça veut dire
quoi, régulièrement? Sur quelle base? Puis au moment où elle perd son aptitude,
comment on fait pour l'évaluer?
M. Rivard (Claude) : Bien,
d'abord, le rôle de l'équipe de soins devrait être là uniquement quand
l'aptitude est perdue. C'est des choses qui peuvent arriver des années plus
tard. Ça fait que, quand l'équipe, elle est... Actuellement, le <collège...
M. Rivard (Claude) :
Actuellement,
le >collège exige qu'une personne qui a fait une demande d'aide à mourir
et qui remplit les conditions pour la recevoir, une demande contemporaine, là,
il demande qu'il y ait une évaluation qui soit faite six mois plus tard si
l'aide à mourir n'a pas été faite dans les premiers six mois. Et le collège
l'exige pour être sûr que, la personne, elle remplit encore les critères.
Dans ce cas-là, on va avoir, des années
plus tard, quelqu'un qui va lever le flag en disant : Ma mère, mon père,
il n'est plus apte, mais il n'a peut-être pas les souffrances qu'il décrit,
qu'il voulait... Tu sais, je ne reconnais plus mes enfants. J'ai trois enfants,
j'en reconnais encore un. Il ne remplit pas les critères, parce que, si je ne
reconnais plus mes enfants, puis il en reconnaît encore un, bien, ça veut dire
que ce critère-là, il n'est pas là. Tu sais, c'est...
Quelqu'un qui est encore capable de
marcher, quelqu'un qui est encore capable de manger tout seul mais qui ne se
souvient plus de... Puis quelqu'un qui a ce qu'on appelle la démence heureuse,
là, dans ce temps-là, c'est dur d'arriver puis de dire que, oui, il y a des
souffrances. Il faut vraiment que ce soit clair au niveau de l'évolution. Et
ça, il y a juste un praticien qui est habitué, à la longue durée, qui est
habitué à des patients qui sont en fin de vie ou en démence... qui sont
capables de déterminer : Oui, la personne, elle coche. Mais quand est-ce
qu'on le fait? Il faut absolument que tous les critères soient là. Si les
critères ne sont pas tous là, on ne peut pas donner le soin.
Mme Bélanger : Donc,
l'importance des critères dans le projet de loi, bien sûr, et dans la loi, mais
vous avez aussi parlé de l'élaboration éventuelle... parce que tout ne peut pas
s'écrire dans un projet de loi, là, on comprend. La pratique professionnelle,
il y a des éléments qu'on ne peut pas écrire dans un projet de loi. Vous avez
parlé de guide clinique à faire en collaboration avec l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec. J'aimerais vous entendre, à quoi servirait ce guide-là,
peut-être juste pour l'ensemble des membres ici.
M. Dion (Sylvain) : C'est en
lien avec... entre autres, c'était sur l'aspect du patient qui est dément, pour
dire quelque chose, et qui aurait de l'agitation. Donc, on devrait avoir des
guides cliniques, autant du côté de l'Ordre des infirmières que du Collège des
médecins du Québec, de venir un petit peu nous donner des protocoles pour
pouvoir en arriver à ce que Dr Rivard expliquait tout à l'heure que, quand
on va vouloir installer les cathéters à un patient, bien, il ne les arrache pas
puis qu'on ne soit pas obligé de se battre avec lui, parce que, là, on n'est
carrément pas dans la dignité que notre patient recherchait. Donc, il faudra
qu'on soit capable d'avoir un protocole pour pouvoir le sédationner au
préalable pour prévenir cette agitation-là qui serait tout de même très
difficile à vivre, tant pour les praticiens et surtout pour les familles qui
vont nous... qui vont accompagner leur proche, là, dans un soin d'aide médicale
à mourir.
M. Rivard (Claude) : Le guide
du collège existe déjà. Et là, dans votre projet de loi, vous donnez le droit
aussi aux IPSPL de pouvoir donner ce soin-là et de faire les évaluations. Là,
eux autres, il va falloir qu'ils se mettent eux autres mêmes un guide de
pratique sur qu'est-ce qu'une pratique acceptable comme infirmière praticienne
spécialisée en première ligne. Il faut qu'eux autres se donnent un type de...
un guide de pratique comme le collège l'a mis. C'est juste que, là, si vous
changez la loi, c'est fait, il faut... le collège, il faut qu'il change son
guide de pratique.
Mme Bélanger : Tout à fait.
Et puis... Non, je pense, je vais laisser mes collègues continuer.
• (18 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, merci, Dr Rivard.
On va poursuivre la discussion. Il reste quatre minutes, j'ai trois
interventions, mais je vais céder la parole à la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : ...faire ça
vite. J'aimerais revenir au point 9, quand vous parlez de contention
chimique en cas de refus, ça veut dire quoi exactement?
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
ça veut dire pouvoir donner de la sédation, quand on dit contention chimique, parce
que, dans des directives médicales anticipées, quand va arriver le moment où la
personne va remplir les critères qu'elle aura déterminés lorsqu'elle sera apte,
Dr Rivard disait : Ces patients-là crient, sont agités quand on fait
leur toilette, imaginez installer un soluté. Ils vont retirer le bras. Alors,
vous...
Mme Schmaltz : Mais qu'est-ce
qui arrive... parce que je pensais que ça se faisait déjà, ça.
M. Amyot (Marc-André) : Bien
non, mais ça ne se fait pas actuellement, l'aide médicale à mourir, pour ces
patients-là. Alors, imaginez d'être obligé d'attacher un patient pour lui donner
l'aide médicale à mourir, ça... On ne peut pas faire ça, là, donc il faut être
capable de sédationner. On dit contention chimique, c'est sédationner la
personne, lui donner un calmant par la bouche pour lui permettre d'être calme,
relax et d'accepter le soluté ou le cathéter...
Une voix : ...
M. Amyot (Marc-André) :
...l'accès intraveineux. Claude, tu peux...
M. Rivard (Claude) : Oui,
c'est ça. <Dans le fond, ce qui arrive, c'est qu'il y a eu...
il y a à peu près quatre, cinq ans, il y a eu une cause...
>
18 h 30 (version révisée)
< M. Rivard (Claude) :
Oui,
c'est ça. >Dans le fond, ce qui arrive, c'est qu'il y a eu... il y a à
peu près quatre, cinq ans, il y a eu une cause aux Pays-Bas où la famille a
porté plainte parce qu'effectivement, là, ils ont commencé à le faire pour des patients
qui sont déments, puis la famille n'a pas aimé l'expérience du tout, là, où il
y a... Tu sais, il a fallu qu'ils se mettent à trois ou quatre pour tenir le
patient pour installer les solutés, là. Ce n'est pas la manière dont tu veux
voir un parent partir.
C'est complètement différent, au niveau de
la prestation qui est faite actuellement, où les patients... Tu sais, pour être
franc, là, je faisais enlever les horloges des chambres parce que les patients,
ils regardaient tout le temps l'heure, parce qu'ils disaient : Quand
est-ce qu'il arrive, le doc, quand est-ce qu'il arrive, le doc? Ça fait qu'eux
autres, ils sont pressés de te voir puis ils n'ont pas de problème, ils disent :
Oui, je le veux, deux fois, comme... puis ils tendent le bras, puis ils n'ont
pas de problème à avoir un cathéter d'installé, parce que, pour eux autres, c'est
une fin de souffrance, mais là, pour un patient dément, ce n'est plus la même
chose. Il faut absolument que le patient soit contentionné avant, parce que,
sans ça, ce ne sera pas un départ comme on est habitués à les voir, là, pas du
tout, là. Il faut...
Dans ce temps-là, au niveau médical, il
faut qu'il y ait quelqu'un... qu'il faut que ce soit notre ordre qui nous dise :
Oui, c'est correct que vous fassiez ça, si vous avez jugé que cette personne-là,
qui a fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir, est prête à recevoir
le soin, elle est éligible pour recevoir le soin. C'est la manière dont il faut
que ça se fasse.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Il me reste une petite intervention, une minute,
pour la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Ce sera très court. Merci à vous trois d'être là. Dr Amyot, vous
avez dit quelque chose que... j'ai besoin de clarification, là, vraiment, ce
sera... vous avez dit qu'il ne faut pas demander de verser les demandes d'aide
médicale dans le registre. J'ai besoin qu'on m'éclaire là-dessus.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
oui, oui. Il ne faut pas demander à ce que ce soit le médecin qui verse ces
directives médicales anticipées là au registre, il faut que ce soit le patient,
le tiers, la personne de confiance, mais demander une...
Mme Guillemette : OK. Et non
pas le médecin.
M. Amyot (Marc-André) : Non,
pas le médecin. Je ne dis pas de ne pas verser ça là, il faut qu'il soit versé
là, entendons-nous bien. Alors, c'est important de préciser. La communication,
c'est tellement important.
Mme Guillemette : Merci, Dr
Amyot.
M. Rivard (Claude) : ...
Mme Guillemette : Oui, oui,
oui.
M. Rivard (Claude) : Et la
loi qui a établi les directives médicales anticipées, c'est la loi sur les
soins de fin de vie. Et nous autres, si ces autres critères... ces autres
demandes anticipées là sont remplies, ça va nous aider, comme praticiens, à
être capable de pouvoir donner le soin. C'est déjà dans la loi, c'est juste que
vu qu'ils sont aptes, de la même manière dont, aujourd'hui, ce n'est pas les
médecins qui versent les directives... les DMA au registre provincial puis...
parce que les patients sont aptes, ça ne devrait pas être au docteur de le
faire, là.
Mme Guillemette : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. Mesdames, merci. Mme la ministre, merci beaucoup. Donc, on va
poursuivre la discussion avec l'opposition officielle qui détient une période
de temps de 16 min 30 s. La parole est à vous, Mme la députée de
Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Vous êtes
généreuse, Mme la Présidente. Je suis contente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, très généreuse.
Mme Maccarone : Bonjour,
docteurs. Merci beaucoup pour votre témoignage, votre exposé, votre mémoire,
puis merci aussi pour ce que vous faites. Quand vous parlez des statistiques,
85 % de la pratique, dans le fond, d'offrir ce soin de fin de vie,
actuellement, c'est fait par vous et votre ordre. C'est quand même
impressionnant. Ça fait que merci beaucoup, parce que... Je ne peux même pas
imaginer l'accompagnement que vous faites de ces personnes qui font cette
demande. Ça fait que... merci.
Je veux revenir un peu sur les points que
vous avez parlé, en termes d'harmoniser avec le cadre législatif fédéral. Je
pense que nous ne sommes pas nécessairement en désaccord. J'avoue, je l'ai déjà
dit en commission, que, je pense, c'est important de regarder la météo à
travers le Canada, puis c'est bien intéressant de voir qu'il pleut au Manitoba,
mais ce n'est pas nécessairement ici que je vais ouvrir mon parapluie. Ça fait
que je pense qu'on a une responsabilité d'adopter une loi à l'image de qui nous
sommes, comme Québécois, qui m'amène à la question... parce que, si le désir, c'est
de vouloir harmoniser avec la loi fédérale, parce que vous dites que vous avez
quand même des obligations auprès de vos assureurs... mais la demande anticipée
n'est pas quelque chose qui est prôné dans la loi fédérale, alors comment
voyez-vous ceci? Est-ce que ça vous pose un problème? Parce que les demandes
anticipées, c'est quelque chose qui serait fait ici et non au niveau de le
pays. Ce n'est pas dans le Code criminel. Voilà.
M. Dion (Sylvain) : Il n'y a
pas de problème à ce que le Québec soit en avance sur le reste du Canada pour
certaines mesures concernant l'accès à l'aide médicale à mourir, mais, à tout
le moins, entre autres, pour les cliniciens que nous sommes, il faut s'assurer
qu'on puisse exercer sous un cadre <juridique...
M. Dion (Sylvain) :
...entre
autres, pour les cliniciens que nous sommes, il faut s'assurer qu'on puisse
exercer sous un cadre >juridique qui ne nous met pas en porte-à-faux
entre les obligations canadiennes et les obligations... les obligations
fédérales et les obligations provinciales. Et comme disait Dr Rivard tout à
l'heure, nos assureurs, ce qu'ils nous disent, c'est qu'on doit pratiquer selon
les normes du régime qui est le plus restrictif. Donc, il faut, à ce moment-là,
qu'on s'harmonise dans ce sens-là.
Mais, pour ce qui est de votre
intervention, à savoir pour les demandes anticipées, moi, je pense qu'on est en
avance sur le reste du Canada. Puis probablement que, dans d'autres
juridictions, on va voir apparaître également cette notion-là, parce que, pour
les patients, entre autres, qui vont développer des troubles neurocognitifs,
c'est quelque chose quand même, là, qui est... Pour moi-même suivre de tels
patients, ils nous en parlent, actuellement, ils sont en attente de pouvoir
prendre de telles décisions, pour pouvoir décider un petit peu de quelle façon,
une fois qu'ils seront inaptes, ils vont pouvoir quitter ce monde de façon
digne, là, en présence de leur famille.
Mme Maccarone : Et, pour
cette demande anticipée, le formulaire, qui devrait le remplir? Est-ce que,
vous, vous avez un rôle d'accompagnement? Est-ce que c'est quelque chose qui
devrait être fait devant un notaire? Est-ce que le tiers de confiance devrait
accompagner la personne? Vous dites que le tiers de confiance devrait être
obligatoire et non facultatif. Alors, comment voyez-vous le processus de faire
cette demande?
M. Rivard (Claude) : Bien, le
tiers de confiance est... Nous autres, on a proposé qu'il soit obligatoire. Et,
dans le formulaire, déjà là, un des critères, c'est... il faut qu'il y ait un
consentement éclairé après discussion sur les alternatives au niveau des soins.
Tu ne peux pas avoir un consentement éclairé de la part du patient, s'il n'y a
pas un praticien habilité à décrire c'est quoi, une fin de vie en démence, puis
qui lui dit : Quand tu vas être rendu là, c'est-tu ça que tu veux? Pour
toi, c'est-tu acceptable? Il faut que... il faut absolument, littéralement,
faire une description du futur des souffrances alléguées qui vont arriver,
comme on le voit chez nos propres patients, mais comme cliniciens, l'expliquer
au patient. Et là le patient, il faut qu'il... devant le tiers de confiance, il
faut qu'il dise : Non, ça, je ne veux pas vivre ça, ça... je ne veux pas
me retrouver avec une culotte d'incontinence dans un lit, tu sais, ou je ne
veux pas commencer à... Quand les gens vont commencer à être obligés de me
donner à manger parce que je ne suis plus capable de manger, ou je vais être
aux purées, non, je ne veux pas me rendre là, mais avant, si je suis capable de
manger tout seul dans mon assiette, oui.
Quand ça, c'est exprimé... Ce serait
important que le tiers de confiance soit présent lors de ces explications-là et
que les trois signent. Actuellement, au niveau de la loi, c'est le patient qui
faut qu'il signe. S'il n'est pas capable de signer, c'est une autre personne
qui peut signer pour lui, un professionnel de la santé et un témoin. Et les
trois, il faut que ce soit la même date.
Dans la loi, vous demandez que le médecin
rencontre le patient et, après ça, s'il y a un tiers de confiance qui les
rencontre et qui tienne au courant des désirs du patient... Bien, ça peut tout
se faire en même temps. Ça fait que, là, ce que vous faites, c'est une
rencontre avec le tiers de confiance, le patient, le praticien, parce que ça
peut être un médecin comme une IPS, au niveau de la loi. Ces trois personnes-là
sont ensemble, ils ont une discussion sur qu'est-ce qu'exactement tu ne veux
pas vivre comme souffrances, et après on s'entend tous sur : oui, tu m'as
fait une demande anticipée, je signe, comme patient, je reçois la demande,
comme professionnel de la santé, le tiers de confiance signe comme témoin, OK?
Si vous voulez rajouter un autre témoin en plus, vous pouvez rajouter, il y a
de la place. C'est tout.
L'affaire qui est importante, c'est qu'il
va falloir qu'on développe un système standardisé terrain sur... qu'on est sûr
de parler de la continence, de l'alimentation, lavage, l'habillement, les AVQ,
les AVD, tu sais, les activités de la vie quotidienne, que les personnes font
tous les jours. Il faut qu'on soit capable de décrire ça. Il faut que la
personne, elle nous dise : Non, quand moi, je vais être rendue là, je ne
veux pas vivre ça. Et...
• (18 h 40) •
Mme Maccarone : C'est parce
que nous avons entendu que le formulaire dont vous parlez, c'est très difficile
à déterminer, ça va être quoi, les critères, de quel sens... Vous parlez d'un
vidéo, que je trouve une très bonne idée, mais accompagnant de... un document,
mais pas des petites boîtes qu'on coche...
M. Rivard (Claude) : Non, non.
Mme Maccarone : ...mais écrit.
Ça fait que c'est ça, c'est pour ça, des gens suggèrent peut-être que ce soit
notarié.
M. Rivard (Claude) : C'est
que... Bien, c'est parce que c'est... notarié, tu impliques des coûts. C'est
ça, l'affaire, c'est... Dans ce temps-là, ce n'est pas... Ça devrait pouvoir
continuer à se faire comme ça se fait là, mais l'important, c'est que le
clinicien, il ne faut pas qu'il oublie des affaires. Il faut vraiment que le
patient sache dans quoi... s'embarque. Moi, quand un patient... Je vois un
patient en fin de vie. <Quand...
M. Rivard (Claude) :
Je
vois un patient en fin de vie. >Quand je vois le patient en fin de vie
puis je lui dis : Comment vous voulez que ça se passe?, d'emblée, je vais
lui donner c'est quoi, ses choix de fin de vie : On peut vous garder à la
maison, mais là il faut que la famille s'implique, ça peut être un décès à
domicile avec une sédation palliative, si c'est ça que vous voulez. Si c'est
trop lourd pour la maison, dans ce temps-là, c'est un transfert en maison de
soins palliatifs ou encore en unité hospitalière, si vous n'êtes plus, vraiment
plus capable... alors là, recevoir des soins de fin de vie... ou encore c'est
l'aide à mourir, mais ces trois options-là sont offertes au patient en disant :
Je vous vois, vous êtes à domicile, vous êtes en fin de vie, comment vous
voulez que ça se passe? Voici vos options. De la même manière, il faut que nous
autres, on soit clairs au niveau des options qui sont offertes au patient des
années plus tard. Il ne faut pas... rien oublier.
Mme Maccarone : J'entends
votre proposition que ce soit peut-être le tiers de confiance qui enverra la
demande dans le Registre des directives médicales anticipées, mais je vous mets
au défi... Si, par exemple, c'est ma mère qui faire une demande anticipée puis
c'est mon père qui est le tiers de confiance, il a 80 ans, il n'a pas la
capacité ou la compréhension technique de pouvoir soumettre quelque chose.
Alors, est-ce qu'il y aura d'autres
options, selon vous? Parce que je comprends aussi la charge de paperasse pour
vous, on ne souhaite pas alourdir ce que vous faites non plus, mais je pense
que, quand on parle d'aussi faciliter les demandes, que ce soit accessible... Est-ce
que nous ne sommes pas en train de mettre plus de fardeau sur la
responsabilité, qui est déjà lourde, pour le tiers de confiance? Est-ce qu'on
n'a pas autre option?
M. Dion (Sylvain) : Bien, je
pense qu'il y a beaucoup d'éducation qu'on va devoir faire à la population sur
cette nouveauté-là qu'on apporte, qu'on amène. Et le tiers de confiance, ça ne
peut pas être le conjoint de notre madame de 75 ou 80 ans, ça ne devra pas
être un enfant ou quelqu'un d'autre de la famille, plus jeune, parce que ce qui
va être important pour nous, aussi, comme cliniciens... c'est qu'au fur et à
mesure que la maladie évolue chez notre patient, bien, qu'on ait un tiers de
confiance qui nous accompagne.
Tantôt, Mme la ministre posait la
question, là : C'est quoi, les évaluations périodiques? Mais on va les
faire, nous, pour savoir : Bien, le patient, il est rendu à un stade où il
n'est plus capable de manger tout seul, puis, dans ses directives médicales anticipées,
il nous avait dit que... Quand je serai rendu là, moi, là, vous devriez
m'administrer le soin. Donc, il faudra qu'on ait le tiers de confiance qui nous
accompagne. Donc, en principe, ça devra être quelqu'un qui est plus jeune pour
pouvoir faire ça, puis qui va rester apte, en plus de ça, c'est...
Mme Maccarone : C'est parce
que vous êtes en train d'introduire une autre notion, que nous devons en faire
un débat pour avoir des balises. Ça fait que j'entends ce que vous dites, c'est
juste que je ne sais pas si, personnellement, je souhaite limiter les choix. On
a déjà eu des discussions : est-ce que ça ne devrait pas être un membre
proche de la famille? Parce que ça aussi, on veut éviter des dérives, ou que
les gens font des demandes qui ne respectent pas nécessairement le choix de la
personne concernée parce qu'ils ont peur que c'est un fardeau, ou vice versa.
Alors, j'entends ce que vous dites, c'est juste que c'est la première fois que
j'entends aussi que nous devons avoir des limitations en termes de qui sera
choisi comme tiers de confiance.
J'ai très peu de temps, ça fait que je
souhaite vous poser autres questions. Je vois que vous avez envie de répondre,
mais... COPHAN, qui vient de passer pour témoigner ici aujourd'hui, nous...
avons fait un témoignage qui était crève-coeur puis très difficile à entendre,
en termes que les personnes en situation de handicap, puis peut-être... Puis je
vous amène sur l'angle de formation et le temps nécessaire avant de mettre en
vigueur la loi. Parce que ce qu'ils ont dit, c'est, apparemment, dans leur
expérience, faute de... manque de services, ils se sont fait offert l'aide
médicale à mourir parce qu'ils rentrent dans les critères, ils souffrent d'une
maladie grave, incurable, inapaisante, puis évidemment ça va dégrader.
Comment vous répondez à ceci? Qu'est-ce
qui manque pour éviter que nous entendons encore de telles histoires?
Qu'avez-vous besoin comme formation? Combien de temps avez-vous besoin avant
que la loi soit en vigueur pour s'assurer qu'on fait un accompagnement sain,
qu'on respecte l'autonomie de toutes les personnes qui souhaitent avoir accès,
puis qu'évidemment on parle beaucoup d'aide médicale à vivre avant d'offrir
médicale à mourir? C'est une longue question avec plusieurs facettes. Je vous
laisse le soin de...
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
je vous dirais, on a déjà des programmes de formation, on est un... La FMOQ est
un leader en programmes de formation. On fait des capsules vidéo qui sont
déposées sur notre site, on a également un programme de mentorat dans l'aide
médicale à mourir. Donc, ce sont des processus qui pourront être mis en place
ainsi que les guides de pratique qui seront établis par le Collège des <médecins...
M. Amyot (Marc-André) :
...mis
en place, ainsi que les guides de pratique qui seront établis par le Collège
des >médecins et l'Ordre des infirmières. Ça va être important de
déterminer...
M. Dion (Sylvain) : Je vous
avouerai, Mme la députée, que j'ai entendu des choses, cet après-midi, qui
m'ont fait friser un peu, ou défriser, et ça, c'est regrettable.
Effectivement, il va y avoir de la
formation. Je ne veux pas prendre la défense des intervenants qui le font, mais
je regardais... dans un reportage au Téléjournal, où on a offert à un monsieur
insuffisant cardiaque qui doit avoir des injections à toutes les semaines... à
tous les jours, pardon : Bien, avez-vous pensé à l'aide médicale à mourir?
Moi, je pense que, pour l'intervenant qui n'est pas capable de donner le soin,
malheureusement, des fois, c'est la solution qu'on trouve, et ça, il faut
bannir ça, parce que ça doit être une... Le premier critère, là... c'est
volontaire, l'aide médicale à mourir, c'est une demande. Quand on se fait
offrir... Ça ne devrait pas être ça.
Et là ça nous amène à un élément qu'on a
mis dans notre mémoire. Il ne faudrait pas qu'on perde de vie... de vue,
pardon, quand on parle de loi sur les soins de fin de vie, c'est bien d'autres
choses que l'aide médicale à mourir.
Et actuellement, on ne se le cachera pas,
dans notre réseau, on manque de ressources pour donner des soins qui sont
adaptés. Puis je pense que vous avez eu d'excellents témoignages, là, qui ont
été... des deux groupes qui nous ont précédés, là, qui l'ont vraiment bien
traduit, qu'il y a un manque de ressources et un manque d'accès à des soins.
Et, une fois que les gens... Il y a des
gens qui, quand les soins sont accessibles, vont peut-être dire : Non,
moi, j'ai tellement perdu de dignité que de venir me faire laver par une
préposée qui vient me voir à mon domicile, parce que je suis rendu affaibli,
tout ça, je suis... j'ai des incapacités ou des déficiences, comme on disait
tout à l'heure, je peux opter pour l'aide médicale à mourir. Mais autrement,
les autres qui n'y pensent pas... Il y avait le témoignage de monsieur... je ne
me rappelle pas son nom, tout à l'heure, on peut comprendre que c'est triste
qu'on soit rendu là par manque de ressources, mais il faut quand même, je
pense, qu'on sensibilise nos intervenants que ce n'est pas une solution. Au
lieu de me tourner vers le patient pour proposer l'aide médicale à mourir, bien,
je vais me tourner vers mon établissement pour me dire : Bien là, là, on a
besoin de donner des soins. C'est une responsabilité qu'on a comme protecteurs
de nos patients.
Mme Maccarone : Combien de
temps avez-vous besoin...
Une voix : ...
Mme Maccarone : Oui, il n'y a
pas de problème. Combien de temps avez-vous besoin, avant que la loi sera mise
en vigueur, pour la formation, pour assurer qu'on a un... qu'on accompagne nos
professionnels de la santé? Parce que, maintenant, ce ne serait plus uniquement
des médecins. Puis je vois que vous dites que vous souhaitez aussi que ce ne
soit pas obligé, pour des médecins qui ne souhaitent pas offrir l'aide médicale
à mourir, mais on ajoute aussi la notion d'infirmières praticiennes. Alors,
comment voyez-vous ça?
M. Amyot (Marc-André) : C'est
difficile de donner une période de temps. Tout dépendra de la vitesse à
laquelle le Collège des médecins, l'ordre des infirmières... Et peut-être que
les médecins, parce qu'ils ont une expertise, ils en font déjà, seront prêts
plus rapidement que les IPS. Il ne faudrait pas limiter le début et l'accès à
ce que tous les groupes soient prêts. Mais c'est difficile de vous donner une
période, quatre semaines, six semaines, un mois, deux mois, trois mois.
• (18 h 50) •
M. Rivard (Claude) : La loi
existe depuis décembre 2015. Elle n'est encore pas respectée. Il y a plein
de patients, puis vous les voyez dans les journaux, qui ont demandé l'aide à
mourir, verbale, on ne leur a jamais offert une demande écrite. Ça fait qu'il y
a encore de la formation à faire. La loi est déjà appliquée, là. Ça fait que
c'est un processus continu. Si vous regardez les statistiques, au niveau de la
Commission des soins de fin de vie, on en a fait 3 600, en 2021... non, 2020‑2021,
bon, 3 600 aides à mourir, 1 400 médecins qui ont donné le soin, mais
quand vous décortiquez les pourcentages, là, il y a 63 médecins qui ont fait 2 200
aides à mourir. Ça fait que ce n'est pas beaucoup de docteurs, là.
Mme Maccarone : Est-ce que ça,
c'est à cause de la notion de refus, parce qu'il y a plusieurs médecins qui ne
souhaitent pas poursuivre?
M. Rivard (Claude) : Il y a
beaucoup de médecins qui se sentent mal à l'aise à donner le soin, qui sont mal
à l'aise quand ils arrivent avec une demande. Il y a déjà une formation. Je
suis actuellement en train de monter un cours pancanadien sur la formation, en
sept volets, sur l'aide à mourir, qui va être... par Santé Canada, là, qui va
être en ligne à partir de septembre, là, mais il y a des besoins de formation,
actuellement, terrain, qu'il va falloir que ce soit pris au niveau des
organisations professionnelles, mais comme...
Le problème, il va être au niveau des
organisations du réseau de la santé, parce que ce n'est pas les docteurs qui
disent : Tu devrais penser à de l'aide à mourir. Le plus souvent, ça peut
être un fonctionnaire. Qu'est-ce qui s'est passé aux vétérans... chez les
vétérans, il y a deux ans? C'est le même fonctionnaire qui a dit à des vétérans
en chaise roulante : Bien, finalement, on ne peut pas te <fournir...
M. Rivard (Claude) :
...finalement,
on ne peut pas te >fournir ta chaise roulante, on ne peut pas te fournir
ton lift pour rentrer dans ton auto, tu devrais demander l'aide à mourir. Bien,
ce fonctionnaire-là, il s'est fait mettre dehors, de la même manière dont... une
infirmière qui offre à quelqu'un de demander l'aide à mourir, elle devrait
avoir une discussion avec sa supérieure immédiate, parce que ce n'est pas
quelque chose qui se fait, là, il faut que ça vienne de la personne.
Mme Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup, Dr Amyot... Dr Amyot, Dr Rivard et Dr Dion,
c'était vraiment intéressant. Merci pour le... votre apport à nos travaux.
Et, pour l'heure, je vais suspendre, le
temps que notre dernier intervenant puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 18 h 52)
(Reprise à 18 h 58)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Et avant qu'on ne poursuive, je vais
devoir vous demander votre consentement pour que nous puissions aller au-delà
de l'heure prévue. Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Consentement. Merci beaucoup. Alors, nous en sommes rendus
à la Coopérative québécoise pour la vie autonome, la Coop Assist, qui est
représentée par M. Jonathan Marchand, président et cofondateur de la Coop
Assist.
M. Marchand, bienvenue à la Commission des
relations avec les citoyens. Vous allez disposer d'une période de
10 minutes pour votre exposé. Ensuite, les membres de la commission sont là
pour vous interroger, pour vous poser quelques questions. Alors, le temps
commence maintenant.
Coop Assist, Coopérative québécoise pour la vie
autonome
M. Marchand (Jonathan) : Merci
beaucoup. Je vais commencer par me présenter. Mon nom, c'est Jonathan Marchand.
Je suis ingénieur réseau sénior en informatique. Je suis un activiste et je
suis un défenseur des droits des personnes handicapées au Québec. Je suis un
survivant du système institutionnel au Québec et de l'euthanasie. Je suis
atteint d'une condition dégénérative, une forme de dystrophie musculaire, et
j'ai eu un handicap toute ma vie.
Je suis un des cofondateurs et président
de Coop Assist, qui vise à mettre en place une assistance personnelle
autodirigée au Québec, et c'est pour que les personnes handicapées aient la
chance d'être incluses et de participer à la société québécoise. J'ai
46 ans et, comme Jean Truchon, j'ai été contraint de vivre pendant
10 ans dans le système institutionnel par manque de choix. Après un combat
politique acharné, j'ai quitté le CHSLD et je vis maintenant à domicile. J'ai
un travail, j'ai une blonde, j'ai un véhicule adapté. Toutefois, je suis en
liberté conditionnelle, car vivre dans la communauté, au Québec, ce n'est pas
un droit. J'aide maintenant d'autres personnes handicapées à quitter les
institutions ou à éviter ce sort.
• (19 heures) •
Je m'oppose à l'élargissement de l'aide
médicale à mourir parce que la mort dans la dignité n'existe pas sans la vie
dans la dignité. Les champions de l'euthanasie au Québec se disent les gardiens
du choix libre et éclairé. Je suis ici pour vous dire que ce choix n'existe pas
pour la grande majorité des personnes handicapées.
En 2010, suite à une grave pneumonie, je
me suis retrouvé aux soins intensifs, et on m'a fait une trachéostomie pour
m'aider à respirer. On m'a fait ça d'urgence, et maintenant, je respire à
l'aide d'un respirateur artificiel. On m'a expliqué que, désormais, quelqu'un
devrait être avec moi 24 heures sur 24 au cas où j'aurais besoin d'aide.
J'étais incapable de parler. Plusieurs médecins ont fait pression sur moi pour
que j'accepte l'euthanasie, les soins de confort pour <mettre fin à mes
jours...
>
19 h (version révisée)
< M. Marchand (Jonathan) :
...pression
sur moi pour que j'accepte l'euthanasie, les soins de confort pour >mettre
fin à mes jours, ce que je n'ai jamais demandé. J'ai passé les prochaines
semaines en réflexion en pleurant toutes les larmes de mon corps. Ma vie est
terminée? Vraiment? Pourquoi? Cette idée ne m'avait jamais traversé l'esprit. J'allais
de mieux en mieux. Mais perdre le contrôle sur ma vie, être complètement
dépendant des autres et devenir un fardeau pour mes proches, ça, ça m'était
insupportable.
Il n'existe pas de services de soutien
adéquats pour vivre en dehors des centres hospitaliers. Je devais choisir entre
la mort ou vivre dans un hôpital ou un CHSLD le restant de mes jours. Jamais on
ne m'a offert le choix de pouvoir continuer ma vie à domicile avec l'assistance
requise. Je n'étais pas prêt à abandonner mes proches et j'ai signalé mon refus
à être euthanasié, ce qui reviendra me hanter.
Le message qu'on t'envoie, c'est que c'est
toi, le problème, puis ton handicap. C'est très facile d'être... que tu es une
personne profondément malade, que c'est de ta faute, que ta vie... à mourir
puis que tu dois te contenter du peu qu'on t'accorde, que tu es un objet de
charité et de pitié, qu'il vaut mieux mourir que d'être comme toi, un pauvre handicapé.
J'ai commencé à m'en vouloir. Comme Jean
Truchon, on m'a refusé l'aide à domicile dont j'avais besoin. Je me suis plaint
aux plus hautes instances. On m'a répondu que c'était une question politique, car,
vivre dans la communauté, avec le soutien nécessaire, ce n'est pas un droit au
Québec.
Après deux ans et demi à l'hôpital, je me
suis retrouvé dans un CHSLD. Cet endroit, c'est une prison médicale. Tu n'as
plus le choix de l'endroit où tu vas vivre, avec qui. Ta vie de couple, c'est
terminé, tu ne peux pas vivre avec ta conjointe. Ta vie privée, oublie ça. Un
dossier est tenu sur tes moindres mouvements. Tu es maintenant la propriété du
gouvernement. Tu es institutionnalisé. Ce sont les gestionnaires, les
fonctionnaires, les infirmières et autres qui vont désormais décider comment tu
vas vivre. Tu es trop indépendant à leur goût? On va te casser. Il faut te
soumettre aux règles. Il faut être un bon petit handicapé, gentil, obéissant et
reconnaissant. Si tu es un récalcitrant, on va mettre en place des plans d'intervention
pour te contentionner jusqu'à ce que tu te soumettes. Tu as le choix : te
battre... ou accepter ta nouvelle réalité. Tu n'es plus en contrôle de ta vie.
Tu apprends vite à choisir tes combats.
À bout de ressources, je me suis soumis
puis j'ai sombré dans la dépression. J'avais honte de vivre dans un ghetto en
marge de la société. Le CHSLD, c'est un milieu carcéral incompatible avec la
vie humaine. C'est un endroit où on enferme les indésirables. Tu n'as plus de
contacts humains authentiques avec les gens. Tu en viens à remettre en question
ta propre valeur humaine. Et, à force de te faire toucher par près de 1 000 intervenants,
tu perds ton intégrité personnelle et tu te déconnectes de ton corps. Sans
humanité ni liberté, la vie n'a plus de sens. Je regrettais d'avoir refusé l'euthanasie.
J'étais Jean Truchon. Je suis resté trois ans et demi sans sortir de ma
chambre.
J'ai ensuite découvert qu'environ
70 % des personnes avec un handicap sévère vivent en institution au
Québec. Les autres s'accrochent à vivre à la maison mais se retrouvent souvent
aussi isolées. Beaucoup se sont suicidées ou ont accepté l'euthanasie pour
éviter de subir mon sort. Ce qui nous est offert n'est que le strict minimum
nécessaire à nos survies physiques et ne nous permet pas d'être inclus, de
participer et contribuer à la société. Ce qui me fait souffrir et me rend
vulnérable, ce n'est pas mon <handicap...
M. Marchand (Jonathan) :
Ce
qui me fait souffrir et me rend vulnérable, ce n'est pas mon >handicap, mais
bien le manque de soutien adéquat, d'accessibilité et la discrimination.
On travaille depuis 2018 pour faire
reconnaître la nécessité d'implanter des solutions pour aider les personnes
handicapées à vivre incluses dans la société. Suite à des travaux intensifs
avec le gouvernement, il a été déterminé qu'il fallait un projet de loi pour
enlever les barrières à notre inclusion sociale. M. Legault, et la CAQ, a
refusé d'entamer ces travaux.
Pourtant, sous ce même gouvernement, la
loi est en train d'être modifiée pour nous aider à s'enlever la vie. On va même
au-delà de ce qui a été prescrit par la cour. Et, tout ça, c'est fait au nom de
notre autonomie, de notre dignité et de notre soi-disant droit de choisir. Comment
est-ce qu'on est supposé interpréter ça? On offre aux personnes sans handicap
des services de prévention du suicide, mais je mérite une assistance au
suicide? On me l'a déjà dit : Si tu n'es pas satisfait de ce qu'on
t'offre, pourquoi ne pas accepter l'euthanasie?
Il ne peut y avoir de mort dans la dignité
et de liberté de choix aussi longtemps que nous serons contraints de vivre dans
des institutions, que nous allons devoir compter sur nos proches et nous sentir
comme des fardeaux, et que nous serons confrontés à de la discrimination.
Dans le système actuel, souvent, on ne
s'appartient plus dans la vie ou la mort. Les promoteurs de l'euthanasie... une
injection létale de l'État pour s'enlever la vie quand l'État ne fournit même
pas les services et le soutien nécessaires pour vivre dans la dignité.
Ma vie, elle vaut la peine d'être vécue.
Je veux être libre. Je n'ai aucunement confiance en le gouvernement, les
politiciens, les fonctionnaires et les médecins pour me dire ce que je peux et
ne peux pas faire dans ma vie et comment ma mort doit se dérouler. Avec de
l'assistance personnelle, un soutien adéquat, des soins palliatifs de qualité
et le refus de traitement, on est en mesure de prendre les meilleures décisions
pour nous sans nous discriminer et dévaloriser nos vies. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Marchand, pour votre témoignage.
Nous allons donc débuter la période
d'échange avec les membres de la commission et nous allons débuter de ce
côté-ci avec la ministre déléguée à la Santé, Mme la ministre, et ainsi que les
membres de cette portion... de la banquette ministérielle, en fait. Vous
disposez de 15 min 59 s. Le temps commence maintenant.
• (19 h 10) •
Mme Bélanger : Oui Mme la
Présidente, M. Marchand. Merci pour votre témoignage. Merci de partager votre
intimité avec nous. Vous avez dit des choses très fortes, qui sont...
M. Marchand (Jonathan) : En
fait, ce n'est pas un témoignage, là, c'est une déclaration politique, madame.
Mme Bélanger : OK. D'accord, il
n'y a pas de problème. De toute façon, ce que je veux vous mentionner, c'est
que j'apprécie, là, ce que vous venez de nous mentionner. Et je comprends très
bien que ce que vous dites, c'est que... vous avez parlé de l'absence de
services adéquats pour vivre à l'extérieur d'un CHSLD. Je comprends
qu'aujourd'hui vous ne vivez plus en CHSLD. Est-ce exact?
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
c'est ça. Depuis environ un an et demi, j'ai réussi à quitter, malgré tout,
malgré toutes les embûches, le CHSLD.
On avait un deal avec le gouvernement pour
créer un projet pilote, mais, en fin de compte, ça s'est terminé en projet
pilote pour une personne, pour moi. Donc, suite à ce précédent-là, on a
travaillé de notre côté pour élargir ce précédent-là avec d'autres personnes
handicapées, mais sans vraiment l'aide du gouvernement. Parce qu'il y avait une
promesse qui avait été faite par M. Legault et son gouvernement de mettre en
place un programme pour que les personnes handicapées puissent sortir des CHSLD,
mais, en ce moment, il n'y <a...
M. Marchand (Jonathan) :
...de
mettre en place un programme pour que les personnes handicapées puissent sortir
des CHSLD, mais, en ce moment, il n'y >a pas d'approche centralisée pour
rendre ça possible. Donc, c'est tous des deals à la pièce, individuels qui
doivent être faits avec des autorités, les CISSS et les CIUSSS. C'est
extrêmement difficile, madame. Ça prend des mois, des années avant d'avoir des
réponses favorables. Et, tout ça, c'est extrêmement compliqué, très difficile
pour chaque individu, très stressant.
Et c'est ce qu'on essaie de faire depuis
que j'ai quitté le CHSLD. Il y a environ quatre, cinq personnes qui ont réussi
à avoir de l'assistance comme j'ai eue depuis, mais il faut parler à chaque
CISSS et chaque CIUSSS du Québec pour les informer, hein, des précédents qui
ont été créés, des nouvelles approches qui ont été mises en place pour rendre,
justement, de l'assistance 24 heures sur 24, en continu, par exemple, et
vraiment aller jusqu'à la hauteur des besoins, là, des usagers.
Et malheureusement, il n'y a pas
d'approche, au niveau du ministère, pour rendre ça possible, là, tu sais. C'est
notre coopérative qui essaie de pousser chaque institution, chaque CISSS et
CIUSSS, là, pour rendre ça possible, puis, à date, on a peut-être quatre, cinq
CIUSSS qui ont collaboré. Il y en a d'autres qui ne veulent pas collaborer puis
il faut se battre constamment.
Mme Bélanger : Je comprends.
Est-ce que... Permettez-moi de vous poser une question. Depuis que vous n'êtes
plus en CHSLD, je comprends que, là, vous êtes à domicile. Comment vous jugez
les services que vous avez actuellement?
M. Marchand (Jonathan) : En
ce moment, ça va bien. C'est sûr que ça reste... dans tout système, moi, ce que
je décrie, ce que la coopérative décrie, c'est qu'on ne veut plus être traités
comme des patients, comme des malades, hein, qu'on est pris en charge puis
qu'on se fait dire comment les choses vont être. Ce qu'on veut, en fait, c'est
qu'on respecte notre citoyenneté et qu'on arrête de médicaliser un peu les
services qui sont offerts aux personnes handicapées.
Donc, par exemple, moi, chez moi, j'ai des
services. C'est moi qui engage moi-même mes assistants. C'est comme une petite
PME, hein? C'est moi qui gère tout, presque de a à z. Mais je dois faire
affaire au CLSC, qui va former des employés, et ça, ça devient extrêmement
compliqué, et c'est des professionnels qui vont former mes employés. Mais, dans
ça, c'est qui, l'expert, l'expert de mes besoins? C'est moi. C'est moi, l'expert
de ma vie. C'est moi, l'expert de mes besoins. Ce n'est pas les professionnels
de la santé. Je n'ai pas besoin d'infirmières spécialistes qui vont aller former
mes employés.
Donc, ça, ce que ça fait, c'est... quand
j'engage un employé, par exemple, il peut y avoir un deux semaines de formation
requise avant que l'employé puisse commencer à travailler. Ça fait que, vous
voyez, là, ça devient très compliqué, là, quand on fait l'embauche des
employés, etc. Puis, chez moi, je dois tenir un dossier, hein? Tous mes employés
doivent remplir un dossier comme si j'étais à l'hôpital, mais je suis chez moi,
à domicile. Donc, vous voyez, les tentacules du système, là, sont encore... ils
essaient tout le temps de rejoindre à domicile. Donc, il faut démédicaliser le
handicap pour faire en sorte qu'on soit vraiment autonome puis que notre
expertise soit reconnue.
Donc, c'est pour ça qu'on veut modifier la
loi pour démédicaliser l'handicapé au Québec puis nous sortir du système
institutionnel, institutionnel médico-industriel qu'on a. Ça, c'est des choses
qui ont déjà été faites ailleurs au Canada, ailleurs aux États-Unis, et partout
dans le monde.
Mme Bélanger : Peut-être une
dernière question, puis je vais laisser après mes collègues. Est-ce que vous
êtes en faveur de l'élargissement du projet de loi qu'on a déposé sur l'aide
médicale à mourir pour les...
M. Marchand (Jonathan) : De l'élargissement
de l'aide médicale à mourir? Non.
Mme Bélanger : De...
Attendez, je vais reprendre. Est-ce que vous êtes en faveur du fait que nous
avons élargi la portée du projet de loi pour inclure, maintenant, les personnes
ayant un handicap neuromoteur? Avez-vous fait une réflexion là-dessus? Est-ce
que vous êtes en faveur, oui ou non? J'aimerais ça, vous <entendre...
Mme Bélanger :
...une
réflexion là-dessus? Est-ce que vous êtes en faveur, oui ou non? J'aimerais ça,
vous >entendre là-dessus.
M. Marchand (Jonathan) : Non,
pas du tout... c'est complètement discriminant. Je veux dire, pourquoi il y a
une catégorie de personnes handicapées qui est nommée directement dans la loi?
Je veux dire, on pourrait-tu aller jusqu'à nommer les individus, hein? Je veux
dire, c'est quoi? Pourquoi on fait ça? Puis, même la notion de handicap devrait
être retirée du projet de loi, tout simplement. Il y a d'autres critères qui
sont là.
Mais, bon, je comprends pourquoi c'est là,
hein? Il y a eu une décision de la cour, c'est pour ça qu'on est ici
aujourd'hui. Mais bon, moi, tout ce qui concerne les personnes handicapées, je
ne pense pas qu'on devrait inclure ça dans le projet de loi. Puis je pense
qu'on va avoir beaucoup de difficulté à définir ce que c'est, le handicap. Et,
tu sais, ça, ça touche énormément de personnes, puis moi, je pense que ça
devrait être enlevé, tout simplement.
Mme Bélanger : Quand vous
dites que vous pensez que ça devrait être enlevé, vous dites le handicap
neuromoteur et handicap aussi?
M. Marchand (Jonathan) : Oui.
Mme Bélanger : D'accord.
M. Marchand (Jonathan) : Handicap
neuromoteur et toute la notion de handicap, là, oui.
Mme Bélanger : OK. Je vous
remercie, M. Marchand. Merci beaucoup.
M. Marchand (Jonathan) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je vais donc me tourner du
côté de la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Je pense que j'ai d'autres collègues qui veulent poser des
questions. Il y a un groupe avant vous, tout à l'heure, qui nous a parlé de
pairs experts au niveau des comités, au niveau de l'éthique. Parce que
j'entends ce que vous me dites, vous parlez d'autodétermination beaucoup et de
respect, et les gens... la personne nous disait : Bien, moi, ça me
porterait préjudice de ne pas avoir accès à ce soin-là. Vous lui dites quoi, à
cette personne-là? Que sa...
M. Marchand (Jonathan) : ...
Mme Guillemette : D'avoir
accès à l'aide médicale à mourir. Si elle souffre en tant que personne
handicapée, ça lui porterait préjudice, parce qu'il est handicapé, de ne pas
avoir accès à l'aide médicale à mourir s'il a des souffrances non apaisantes.
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
mais...
Mme Guillemette : On parle
toujours de souffrances ici, là.
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
mais ça, dans... tu sais, dans le continuum de services, avant l'aide médicale
à mourir, par exemple, on avait un continuum de services. Il avait... Pour les
options de fin de vie, il y a les soins palliatifs, hein? C'est ça, le standard
qu'on avait. Là, on vient de rajouter, bon, l'aide médicale à mourir, mais
avant, c'est quoi, les soins palliatifs ne fonctionnaient pas? La personne
qu'on parle, elle était-tu en fin de vie ou c'est une personne qui a déclaré
qu'elle souffre? C'était quoi, cette personne-là, pour que je sois plus
spécifique dans ma réponse?
• (19 h 20) •
Mme Guillemette : En fait, il
y a des souffrances qui ne sont pas apaisables par la médication, là, quelle
qu'elle soit.
M. Marchand (Jonathan) : Mais
est-ce qu'elle est en fin de vie?
Mme Guillemette : Oui,
c'étaient des personnes en fin de vie, mais la personne qui nous a posé la
question, ce n'était pas quelqu'un qui était en fin de vie, là. C'est quelqu'un
d'handicapé qui nous a mentionné qu'elle trouverait ça discriminatoire,
préjudiciable, parce qu'il est handicapé, de ne pas avoir accès à ce droit-là,
même s'il a de la souffrance extrême qui n'est pas apaisable.
M. Marchand (Jonathan) : Bien,
moi, ce que je crois, c'est que la Constitution... tu sais, il n'y a aucune
garantie là-dedans que l'État doit intervenir pour te tuer si jamais tu... c'est
une expérience de souffrance, là. Mais moi, ce que je demanderais à la personne,
c'est : Pourquoi tu souffres? C'est-tu une souffrance physique, psychologique?
C'est causé par quoi? Tu sais, moi, je ne l'ai pas en face de moi cette
personne-là.
Mais moi, ce que j'entends... parce que
j'en ai vu souvent, des témoignages de personnes handicapées qui souffrent,
hein, qui disent qu'ils souffrent, qui ont... qui veulent l'aide médicale à
mourir, et il y a tout le temps des raisons en dessous de ça. La première
raison que j'entends, c'est qu'ils ne veulent pas être un fardeau pour leurs
familles. Ils trouvent ça insupportable, là, d'avoir à être dépendants de leurs
proches. Et il y a aussi les gens, par exemple, qui se disent : Bien, ça
n'a pas de sens <que...
M. Marchand (Jonathan) :
Bien,
ça n'a pas de sens >que j'aie besoin d'aide, mettons, pour aller aux
toilettes, hein, ou que j'aie besoin pour manger, des choses comme ça. Pour
moi, c'est intolérable. Mais ça, il y a toujours une période de deuil, quand tu
fais l'expérience d'une situation de handicap, pour t'habituer, justement, à
avoir... à ajuster ton rythme de vie, puis ta routine, puis comment tu
fonctionnes. Mais l'être humain est extrêmement adaptable, puis on peut pallier
par des aides techniques ou un paquet de choses pour aider puis passer par-dessus
ça, là. Mais c'est ça, tu sais, la question que tu as, hypothétique, il
faudrait que je parle à cette personne-là puis que j'aie plus d'informations.
Mme Guillemette : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Marchand (Jonathan) : Mais,
tu sais, ce n'est pas à cause que tu es une personne handicapée qu'automatiquement
tu devrais avoir accès au suicide assisté, là, hein? Pourquoi, les personnes
handicapées, on aurait droit à être assistées à nous tuer, mais, quand c'est
une personne valide, on parle de prévention du suicide? Il n'y a pas une
discrimination là? Ça fait que, tu sais, il y a deux côtés de la médaille, là.
C'est...
Puis moi, je pense qu'on devrait être tous
égaux puis on devrait tous essayer de s'entraider. Puis le rôle de l'État, c'est
d'aider ses citoyens, pas de les aider à disparaître puis à se tuer, là. Tu
sais, moi, fondamentalement, l'État ne devrait pas faire ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. Marchand. Je pense que la question est terminée.
Il reste encore quelques minutes pour la députée d'Abitibi-Ouest avant qu'on se
tourne du côté de l'opposition. La parole est à vous, madame.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Marchand.
M. Marchand (Jonathan) : Bonjour.
Mme Blais : Merci de ce
témoignage, merci de votre courage et de votre résilience. Moi, je voudrais
vous entendre sur la souffrance, la souffrance psychologique. Est-ce que votre
souffrance psychologique, des fois, est plus forte que la souffrance physique?
J'aimerais vous entendre sur la définition d'une souffrance pour vous et d'une
douleur aussi. C'est quoi, la différence entre les deux?
M. Marchand (Jonathan) : Bien,
moi, comme j'ai dit, ce qui me fait souffrir, c'est de ne pas avoir l'assistance
que j'ai besoin pour être productif dans la société, hein, pour avoir ma place,
pour être inclus, ces choses-là. Aujourd'hui, c'est beaucoup mieux, mais encore
il reste beaucoup de choses à faire.
Moi, je considère que je suis en liberté
conditionnelle parce que ce n'est pas un droit, tu sais, d'avoir l'assistance
qu'une personne handicapée a besoin pour pouvoir vivre en société comme tout le
monde, là. Et il y a aussi la discrimination à laquelle on fait face. Donc, il
y a l'accès aux services, il y a un paquet de facteurs externes,
environnementaux, il y a l'accessibilité aussi. Tu sais, des fois, tu veux
sortir, tu ne peux pas sortir, tu ne peux pas aller aux endroits que tes amis,
ils vont, parce que c'est... les lieux ne sont pas accessibles. Donc, c'est...
qu'est-ce qui nous handicape souvent, c'est l'environnement, c'est les modèles
de services qui nous sont offerts et ce genre de choses là.
Donc, tu sais, la souffrance, elle ne vient
pas de moi. C'est quelque chose qui est externe à moi et qui fait en sorte que
je me suis ramassé 10 ans en CHSLD, où est-ce que je n'avais pas le choix
d'aller si je voulais continuer de vivre. Mais aujourd'hui, je suis de retour
dans la communauté, mais, encore une fois, ce n'est pas terminé. Ce que j'ai
obtenu, ça pourrait m'être retiré demain matin, là. Et puis ça, ce n'est pas un
droit, là. Donc, c'est ça, c'est un combat de chaque instant pour continuer,
puis d'essayer d'aider d'autres personnes, puis pouvoir continuer d'avancer.
Mais, au final, c'est ça, moi, la solution pour les personnes handicapées, ce n'est
pas le... d'abdiquer puis de disparaître, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Marchand. Mme la députée, le temps
imparti à la partie gouvernementale est terminé. Je dois maintenant me
retourner du côté de l'opposition officielle. Vous avez donc une période de
12 min de 23 s. C'est la députée de... de D'Arcy-McGee, je m'excuse,
qui a la parole. On poursuit nos échanges.
Mme Prass : Merci. Bonjour,
M. Marchand. Je vous salue pour votre courage, pour votre honnêteté, pour venir
nous <sensibiliser...
Mme Prass :
...pour
venir nous >sensibiliser à une réalité qu'on n'a pas été exposés jusqu'à
présent. Donc, sincèrement, du fond du coeur, merci de votre présence ce soir.
Moi, je... avant d'aborder la question sur
le projet de loi, je voudrais vous demander, à propos du projet pilote dont
vous parliez, justement, qui a fait en sorte que vous avez... vous êtes sorti
de cette...
Une voix : Institutionnalisation.
Mme Prass : Voilà, désolée.
Donc là, vous avez dit que... puis justement, un projet pilote, quand ça a du
succès, c'est quelque chose qui est répété, qui est implanté. Puis là vous nous
avez dit que, justement, ça a réussi dans votre cas, mais que les engagements
du gouvernement n'ont pas suivi. Pouvez-vous élaborer là-dessus, s'il vous
plaît?
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
bien, c'est ça, c'est... on avait eu une promesse que le gouvernement Legault
allait travailler pour sortir les personnes handicapées des CHSLD. On a
travaillé pendant des mois avec un comité, hein, qu'on avait formé, bon, de
gens de Coop Assist, des membres de la communauté des personnes handicapées et
aussi des membres du gouvernement pour pouvoir mettre en place un programme. Et
puis, en fin de compte, tu sais, on a fait des travaux pour déterminer
qu'est-ce qui était possible et c'étaient quoi, les barrières, c'étaient quoi,
les embûches, les documenter, bon, établir combien ça pourrait coûter, comment
on pourrait organiser tout ça.
Mais ce qu'on s'est rendu compte, c'est
que la loi devait être changée. Justement, pour démédicaliser le handicap puis
rendre la vie autonome possible pour les personnes handicapées au Québec, il
fallait qu'il y ait des règlements, des lois qui soient changées pour permettre
ça. Et c'était très difficile de faire ça, donc, parce que le gouvernement
disait qu'il n'y avait pas de place à l'agenda politique législatif pour faire
ces changements-là. Il n'y avait pas de volonté pour faire ces changements-là.
Donc, ce qu'on nous a proposé, en fin de
compte, c'est qu'au lieu de bâtir un programme... ils voulaient qu'on participe
à la construction de résidences pour personnes handicapées, hein, des nouvelles
institutions, et ça, c'est complètement contraire à ce qu'on veut. On ne veut
plus vivre dans des ghettos, tous regroupés ensemble. On veut pouvoir choisir
où on vit, avec qui et comment on va vivre. Donc, on va... Il ne faut pas être
restreint à tous vivre dans la même bâtisse, là. Donc, il y a tout le temps eu
un clash de visions comme ça, puis éventuellement le gouvernement a abandonné
le projet, et ça fait en sorte qu'on est là aujourd'hui, sans vraiment d'avancée
là-dessus.
• (19 h 30) •
Mais nous, ce qu'on a fait de notre
côté... parce que moi, d'un côté politique, ils ne pouvaient pas me garder en
CHSLD, c'était rendu intenable pour eux. Ça fait qu'ils m'ont fait un deal,
hein, pour que je puisse sortir, puis qu'on a réussi à utiliser ce précédent-là
pour, dans d'autres régions du Québec, que d'autres personnes obtiennent la
même chose. Mais c'est ça, c'est un travail acharné. Ça s'est fait depuis la
dernière année, environ, et il y a quatre, cinq personnes, là, qui ont des
ententes similaires à la mienne. Mais ça, encore là, c'est beaucoup trop
difficile d'avoir accès à ça, hein? C'est juste les personnes les plus fortes,
hein, les mieux organisées, les plus débrouillardes qui peuvent passer au
travers de ça. Les personnes qui ont... handicapées qui ont besoin de plus de
soutien, c'est très difficile d'accès. Ça fait que c'est très intimidant, faire
tout ça, là, parce qu'au travers de tout ça tu as tout le temps peur de perdre
tes services parce qu'il faut que tu confrontes les administrations des CISSS
et des CIUSSS, puis tu as tout le temps peur qu'ils vont te couper tes
services, qu'ils vont faire des représailles, puis ça devient très corsé, là.
Ça fait que, nous autres, ce qu'on
demande... Tu sais, on l'a prouvé que ça fonctionne. Mais là, tu sais, il faut
vraiment avoir une approche centralisée au sein du ministère et avoir un
programme, au Québec, pour rendre ça officiel, que ce soit reconnu, et il y a
beaucoup de travail à faire là-dessus, là.
Mme Prass : Mais je pense que
c'est fondamentalement le droit de la personne, qu'une personne qui a les
capacités... L'argent qu'on dépense pour que vous soyez dans un CHSLD, c'est
des ressources qui peuvent vous être données, justement, pour que vous restiez
à la maison et que vous exerciez votre vie de votre façon. Donc, tout à fait d'accord
et <contente de voir, justement, le...
>
19 h 30 (version révisée)
< 19301
Mme Prass :
...et
que vous exercez votre vie de votre façon. Donc, tout à fait d'accord et >contente
de voir, justement, le projet pilote qui a bien réussi. Donc, j'espère qu'il y
aura une conscientisation auprès du gouvernement pour que plus de choix soient
donnés aux personnes qui sont en situation handicap, que juste les... trouver
CHSLD comme solution.
Je voudrais vous demander, justement, à
cet égard, puis on a eu d'autres personnes qui ont témoigné, pensez-vous,
justement, la situation dans laquelle vous avez vécue dans le CHSLD,
pensez-vous qu'il y ait des circonstances... que le manque de services et de
ressources de la part du gouvernement envers les patients ferait en sorte que
leur niveau de souffrance, que ce soit physique ou psychologique, soit les
rendent... les rendent à un point où ils veulent demander l'aide médicale à
mourir? Et pouvez-vous élaborer là-dessus, s'il vous plaît?
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
tout à fait. Dans les dernières années, il y a eu des cas documentés de
personnes handicapées qui se sont suicidées ou qui ont eu accès à l'aide
médicale à mourir, parce qu'ils ne voulaient pas aller en CHSLD, parce qu'ils n'avaient
pas accès aux services qu'ils avaient besoin. Puis, tu sais, je pense à Yvan,
Yvan Tremblay, hein, qui est resté dans un appartement supervisé. À un moment
donné, ils lui ont dit : Bien là, tu ne pourras plus rester là, ça va
fermer... en CHSLD. Puis il n'a pas voulu, il n'a rien voulu savoir puis il s'est
enlevé la vie. Il y a aussi M. Raymond Bourbonnais, qui était en CHSLD. Il
avait l'amyotrophie spinale. Il avait, je pense, 65 ans. Et, suite à des
abus qu'il a eus en CHSLD et des violences, bien, il a décidé d'avoir recours à
l'euthanasie pour pouvoir quitter ce monde-là, parce qu'il ne voyait pas de
façon de retourner à domicile puis de pouvoir quitter ce CHSLD là. Pour lui, la
seule option, c'était de mourir.
Et, dans la communauté des personnes
handicapées, c'est souvent qu'ils ont des conditions dégénératives, tu sais,
comme la mienne. C'est une bête noire. C'est la menace constante que tu vas te
retrouver en CHSLD à un moment donné, parce que tu vas perdre des capacités, tu
n'aurais plus les services, tu sais, tes besoins vont dépasser l'offre de
service, et tu vas te retrouver confronté à aller en CHSLD. Et il y en a qui
décident de ne jamais subir ce sort-là et soit qu'ils s'enlèvent la vie ou ils
ont recours à l'euthanasie. Puis, dans notre cas, ce n'est pas
nécessairement... absolument nécessaire d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Tu sais, moi, en 2010, ils ont fait
pression sur moi pour que je l'accepte, bien, il n'y avait pas d'aide médicale
à mourir, là, tu sais, c'était juste une question, débrancher le respirateur...
donner de la morphine, puis, tu sais, en quelques heures, quelques minutes, je
ne serais plus là. Ça fait que, tu sais, souvent, quand tu as une condition, un
handicap sévère, tu sais, ça n'en prend pas beaucoup, là, pour mettre fin à tes
jours. Ça fait que c'est sûr qu'il y a toujours des pressions, là. Si tu n'as
pas le soutien nécessaire, c'est quoi, la réponse, qu'est-ce que tu vas faire.
Pour plusieurs, bien, ça semble impossible
d'obtenir les services que tu as besoin, parce que tu vois qu'il y a toutes
sortes d'histoires dans les médias, comme de quoi... ils n'ont pas accès aux
services, et ça semble une montagne impossible à déplacer, là. Ça fait que, tu
sais, ce n'est pas tout le monde qui peut se transformer en... qui va commencer
à travailler pendant huit ans, là, pour faire bouger les choses. Tu sais, il
faut rendre les services accessibles au commun des mortels, là.
Mme Prass : ...dans ce même
sens, pensez-vous que, quand une personne a fait une demande... Puis là ils
demandent le déclenchement, parce qu'ils sont rendus dans leurs... à un niveau,
dans leurs souffrances, pensez-vous qu'il devrait y avoir une évaluation,
justement, pour s'assurer que cette personne-là a reçu tous les services,
toutes les ressources, etc.? Parce que, sinon, il faudrait qu'on leur offre,
justement, ce répit-là avant d'aller de l'avant avec l'administration de l'aide
médicale à mourir.
M. Marchand (Jonathan) : Oui,
tout à fait, là. L'aide à la vie devrait passer avant l'aide médicale à mourir,
là, c'est... Tu sais, si une personne... devraient être offerts les services,
le soutien nécessaire pour pouvoir continuer leur vie en accordance avec <leurs
projets de vie...
M. Marchand (Jonathan) :
...accordance
avec >leurs projets de vie, qu'est-ce qu'ils veulent faire, hein? Puis,
tu sais, le projet de vie des gens, ce n'est pas vraiment d'aller dans un CHSLD
ou dans une maison des aînés, là. Ça fait que, tu sais, c'est quelque chose qui
doit être offert aux gens.
Et, tu sais, j'écoutais parler ceux qui
étaient là avant moi, le Collège des médecins, puis, tu sais, on ne devrait
jamais offrir d'emblée aux gens l'aide médicale à mourir, là. Tu sais, quand tu
vas voir le médecin à l'hôpital, habituellement, c'est pour te faire soigner, pour
t'aider, là, hein? Tu ne vas pas là dans le but de te faire euthanasier, de
mourir, là. Ça fait que ça devrait, plus tard, venir, la demande de la personne
qui... tu sais, du patient, en fait. Ça fait que... parce que se faire dire par
un médecin que, bon, là, peut-être tu devrais penser à mourir, hein... puis
c'est très violent, là, d'entendre ça, là, parce que, quand tu ne l'as pas
demandé, ça ne t'est même pas passé par l'esprit, tu as une personne en
position d'autorité qui est en train de te dire que, bien là, peut-être, c'est
le temps de mourir, ça a tout un impact sur une personne, là. Puis ce n'est pas
tout le monde qui va être capable de rationaliser tout ça puis se dire :
Bien là, peut-être que le médecin n'a pas raison, là, tu sais. C'est comme, moi,
quand j'ai fait l'expérience de ça, ça m'a vraiment secoué. Ça m'a pris un bon
bout de temps avant de comprendre que peut-être le médecin ne savait pas trop
de quoi il parlait, puis ça n'avait pas d'allure, là, ce qu'il me proposait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Marchand. Merci, Mme la députée. On
va entamer le dernier segment avec la députée de Sherbrooke. M. Marchand, je
vais vous ramener sur le projet de loi d'aide... de l'élargissement des soins
de fin de vie. Je veux vraiment vous ramener sur ce... si on veut pouvoir
avancer puis comprendre ce qu'on peut modifier dans le projet de loi. Alors, je
cède la parole à la députée de Sherbrooke, 4 min 8 s, pour votre
période de...
• (19 h 40) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. On va rester quand même un peu sur le même thème, parce que vous
avez parlé de la violence ressentie quand un professionnel de la santé aborde
le sujet de l'aide médicale à mourir avec quelqu'un qui... qui ne réfléchissait
pas à ça du tout, dont ce n'est pas le souhait, puis je peux tout à fait le
comprendre. En même temps, il y a aussi des gens qui sont venus témoigner ici
que c'était arrivé qu'ils aient été mal informés de leurs droits. Par exemple,
ils étaient admissibles puis ils n'étaient pas au courant. On ne peut pas
présumer que toutes les personnes vont savoir quels sont les critères...
qu'elles y répondent. Puis il y a une responsabilité aussi, quelque part,
d'informer les gens de leurs droits.
Comment vous pensez qu'on peut trouver
l'équilibre entre, justement, s'assurer du respect des droits des gens à
accéder à cette information-là sans le faire d'une manière qui va les heurter,
là? Parce que je comprends que ça peut être assez violent, là, quand ce n'est
pas le souhait de la personne.
M. Marchand (Jonathan) : Bien,
c'est sûr que c'est une contradiction, hein, parce que, tu sais, le problème
qu'on a, en fait, c'est qu'on a comme médicalisé ça, puis on dit que c'est un
soin, hein, d'offrir l'aide médicale à mourir, de tuer une personne, c'est un
soin. Puis, si c'est un soin, bien, il faut que tu le donnes dans les options
de soins. Quand tu vas voir ton médecin, il est comme requis d'en parler parce
que c'est un soin. Ça fait que là... Tu sais, je veux dire, c'est à cause de la
façon que ça a été implanté au Québec, mais, tu sais, il y a d'autres endroits
dans le monde où est-ce que ce n'est pas médicalisé comme ça. Tu sais, ce n'est
pas : Tu vas voir ton médecin puis il va t'offrir l'aide médicale à
mourir, là, c'est des trucs qui sont offerts par les maisons privées, c'est
fait au privé, et ce n'est pas implanté ici comme au Québec, là. Ici, c'est
comme imbriqué dans le système, et ça devient un droit, puis il faut l'offrir.
Donc, comment ça dépend de ça, je ne sais
pas, là, c'est vraiment la façon qu'on a décidé d'implanter ça. Mais, comme les
médecins disaient avant moi, c'est sûr que d'offrir ça d'emblée à une
personne... tu sais, mettons que <tu vas voir...
M. Marchand (Jonathan) :
...tu sais, mettons que >tu vas voir ton médecin
la première fois, puis le premier rendez-vous que tu as, puis il discute d'un
diagnostic, puis là il te dit tout de suite : On doit... on peut traiter,
on peut t'aider, mais aussi on peut offrir l'aide médicale à mourir... Moi, je
pense que ça devrait attendre, là, tu sais, peut-être discuter des options pour
aider la personne à pouvoir passer au travers, passer au travers de la crise
initiale même d'un diagnostic qui peut prendre quelques semaines, quelques
mois, voire même quelques années avant de s'adapter et, bon, après le choc
initial, peut-être discuter, tu sais, des autres options, hein? Mais oui....
Mme Labrie : Est-ce qu'on
devrait mettre à contribution des personnes qui ont une maladie grave,
incurable, des personnes qui vivent avec un handicap pour élaborer des
formations pour les professionnels de la santé, pour justement les amener à
développer les savoir-être par rapport à cette transmission d'informations là?
M. Marchand (Jonathan) : Je
pense qu'il y aurait énormément d'éducation à faire sur ce que c'est, le
handicap, comment on peut s'adapter, tu sais, d'avoir des références aussi, tu
sais, de patients qui ont passé au travers. Puis, tu sais, dans la communauté
des personnes handicapées, on fait tous souvent ça, là. C'est du soutien par
les pairs pour justement montrer aux personnes qui ont des nouveaux diagnostics,
bien, comment... c'est quoi, les possibilités de vie après que tu as eu un
diagnostic que c'est possible, puis les médecins pourraient bénéficier,
justement, d'être pairés, là, avec d'autres personnes handicapées, qui
pourraient alors montrer qu'il y a des options, là, parce que souvent, moi, quand
je parle...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M. Marchand. Merci, M. Marchand. C'est
tout le temps que nous avions. Merci, Mme la députée. Je vous... Au nom des
membres de la commission, encore une fois, merci d'avoir pris part à nos
travaux, d'avoir passé vos messages, d'avoir également fait témoignage de votre
situation. C'est très apprécié.
Et, sur l'heure, je suspends les travaux
jusqu'à demain, après les affaires courantes, si je ne m'abuse. Bonne soirée, Mmes
les élues.
(Fin de la séance à 19 h 44)