(Onze heures vingt-quatre minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Picard (Soulanges) est remplacée par
Mme Guillemette (Roberval); Mme Garceau (Robert-Baldwin) est
remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis); et Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques)
est remplacée par Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous allons entendre les
personnes suivantes : Mme Michèle Marchand ainsi que Mme Delphine Roigt.
Alors, pour l'heure, nous allons débuter avec
Mme Marchand. Bienvenue, Mme Marchand, à la commission. Je vais vous inviter à
vous présenter, et vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour
faire votre exposé. Par la suite, les membres de la commission vont entamer
avec vous une période d'échange. Alors, la parole est à vous.
Mme Michèle
Marchand
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
allons-y. Alors, moi, je me représente moi-même. Je ne fais plus partie... Je
ne représente plus un organisme, sauf que j'ai été, de 1999 à 2015, conseillère
en éthique auprès de la direction générale du Collège des médecins. Alors, j'ai
été partie prenante de tout le travail qui a été fait autour de l'aide médicale
à mourir. Je vous remercie donc de l'invitation parce que ce n'était pas obligé
du tout. Je ne fais pas partie des demandes habituelles.
Comme j'arrive à la fin de l'exercice, j'ai tout
suivi ça pour voir où ça s'en allait et je trouve que, vraiment, là, je
n'aimerais pas ça, être à votre place, parce qu'il y a eu une foison de bonnes
idées, mais je pense que c'est difficile de les ramener et de les ramasser pour
en faire quelque chose, et vous autres, vous êtes obligés de le trancher à un
moment donné. Donc, c'est extrêmement difficile. Moi-même, qui suis dans le
dossier, là... Depuis que j'ai arrêté, là, j'ai arrêté en 2015, je n'ai pas arrêté
d'y penser, là, mais ça fait à peu près 15, 20 ans que je pense à ça, puis
c'est encore compliqué, je trouve. Ça fait que je vais essayer de ramasser les
idées plutôt qu'aller sur des détails. Je ne suis pas juriste. Il y a des
juristes qui vous ont parlé... J'ai été clinicienne, mais je ne suis pas une
spécialiste des soins palliatifs ni de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est
plutôt à titre de philosophe, on va dire, en se disant que les philosophes
n'ont pas de réponses, mais, des fois, ils aident à faire de l'ordre dans les
idées qu'on a. Donc, c'est ça que je vais essayer de faire. Je pense qu'on a
entendu plein, plein, plein de bonnes idées, et c'est ça, mais...
Par exemple, je vais vous donner une idée, moi,
qui m'a fait changer d'idée jusqu'à un certain point, là. Heureusement qu'on a
des organismes qui défendent les droits des handicapés puis qui leur offrent
des services, mais non seulement ils leur offrent des services, mais,
franchement, ils ont développé une bien bonne réflexion par rapport à ça. Donc,
eux, ce qu'ils nous ont fait... Moi, ce qu'ils m'ont fait comprendre, je ne
sais pas, vous autres, quelles conclusions vous allez en tirer, bien, c'est
que, quand on veut savoir ce qu'une personne, la personne concernée, veut, on
veut savoir, dans le fond, ce qui la fait souffrir. On ne veut pas savoir si on
va lui donner l'aide médicale à mourir au moment où elle nous dit ça. Ce qu'on
veut savoir, finalement, c'est qu'est-ce qui la fait souffrir de son point de
vue et comment on va l'aider à ce qu'elle souffre moins pour ne pas demander
l'aide médicale à mourir. Si on n'y arrive pas, bien là il y aura une demande
d'aide médicale à mourir. Je pense que c'est cette idée-là que plusieurs
organismes qui sont venus présenter, qui représentent des personnes
handicapées, ont voulu faire valoir, mais, en tout cas, moi, j'ai compris cette
idée-là.
Ça fait que la question qu'on se posait par
rapport, par exemple, aux directives médicales anticipées, ce n'est pas si...
est-ce qu'on va faire ce que le patient a écrit dans sa demande, c'est que la
demande est importante parce qu'on veut savoir comment on va cheminer dans les
soins pour essayer de ne pas arriver à la demande, mais, si on n'y arrive pas,
il faut être assez fin pour baisser les bras puis dire... ne pas baisser les
bras, mais dire : Bien là, je pense que c'est le temps de l'aide médicale
à mourir. Donc, cette idée-là n'était pas claire jusqu'ici, je trouve, parce
qu'on disait : Il faut des douleurs objectivables. Il ne faut pas juste des
douleurs objectivables. Il faut que la personne nous ait dit ce qu'elle craint comme souffrances... des souffrances
objectivables, excusez-moi, ce n'était pas «douleurs», là, mais il faut
qu'elle nous ait dit ce qu'elle craint comme souffrances pour qu'on sache avec
elle qu'est-ce qu'on va faire avec puis ne pas sauter tout de suite sur l'aide
médicale à mourir quand ça va se présenter.
Ça fait que je vais vous
expliquer après, je l'ai expliqué dans mon mémoire, pourquoi je trouve le
projet de loi n° 11 de beaucoup supérieur au projet de loi n° 38,
parce que, là, on passait d'un à l'autre. À mon avis, c'était une dérive. En
tout cas, ça, je vous expliquerai ça un peu plus loin. Donc, je pense que la
discussion, qui implique beaucoup de monde, dont des organismes publics, à un
moment donné, il faut que ça ait une fin, mais ça a une utilité parce qu'on
apprend ensemble. On apprend ensemble. Comme celle qui va me suivre, là,
sûrement qu'elle va nous parler des comités d'éthique clinique. On n'a pas
pensé à ce mécanisme-là, hein? On n'y a pas pensé, mais peut-être qu'on devrait
y penser pour les handicaps, pour les maladies mentales.
• (11 h 30) •
Donc, je pense que c'est la même chose pour la
démence. Les gens, on veut savoir... pour essayer de mieux les traiter, pour éviter... C'est probablement la
même chose pour les maladies mentales et ça va être la même chose pour
plein d'autres pathologies, plein d'autres pathologies, même s'il n'est pas
question du tout de directives médicales anticipées. Ça peut être une demande contemporaine,
puis là, bien, c'est pour ça qu'on veut savoir ce que les gens veulent, ce
n'est pas pour l'appliquer bêtement puis dire : Bien, c'est ça qu'il veut,
c'est ça je vais faire, même après, quand ça va se réaliser. Ce n'est pas ça,
l'idée, et ça, cette idée-là, là, de ne pas dire : Elle demande ça, je
vais le faire, c'est ça qui était à la base de notre loi. Ce n'était pas une
loi sur l'aide médicale à mourir puis ce ne l'est pas encore. Elle n'est pas
encore amendée puis elle n'est pas... Ce n'est pas une loi sur l'aide médicale
à mourir. C'est une loi sur les soins de fin de vie.
Donc, on voulait faire une loi qui nous disait
qu'on va faire... On ne mettra pas la charrue devant les boeufs, là. On va
mettre les ressources qu'il faut pour essayer que les gens ne le demandent pas,
puis, s'ils l'ont demandé, ce n'est pas de respecter tout de suite leur
demande, c'est de voir comment on peut les aider assez pour qu'on n'en arrive
pas à l'aide médicale à mourir. Je pense, c'est l'idée fondamentale qu'il y
avait derrière notre loi québécoise. Je ne
sais pas si vous allez être d'accord avec ça, mais, il me semble, c'était
l'idée fondamentale puis, je pense, c'est l'idée qu'il faut essayer de
garder, qu'il faut essayer de ne pas perdre. Mais c'est difficile parce que
plus on ouvre à de multiples pathologies,
bien là... multiples problèmes de santé, excusez, des fois je parle un peu
comme un docteur, là, mais à de multiples problèmes de santé, bien là
plus c'est difficile de savoir comment on va faire ça, comment on va s'assurer qu'il y ait des soins progressivement
assez adéquats pour essayer de ne pas en arriver sur l'aide médicale à
mourir.
Moi, là, j'étais parmi ceux qui voulaient ouvrir
à l'aide médicale à mourir, mais pas comme quelque chose que quelqu'un demande
parce que c'est son droit, comme quelque chose qui s'impose quand quelqu'un a
des problèmes de santé puis qu'on n'en vient pas à bout, que, même malgré tout
ce qu'on veut faire, on n'en vient pas à bout. Puis ça, c'est un gros, gros,
gros défi parce que, là, il faut s'assurer que les soins sont donnés et non
seulement l'aide médicale à mourir.
C'est la
grande différence, je trouve, avec la loi canadienne, qui, elle, dit :
Bien là, il faut avoir informé le patient des recours. Bien oui, il faut avoir informé. Tu sais, je veux dire, si
on veut qu'il ait vraiment un choix puis qui exerce... qu'il exerce son
autonomie, là, encore faut-il... c'est... il n'est pas juste informé, mais que
ça existe, ces recours-là. Il faut que ça existe. Puis, comme société, bien, il
faut l'assurer.
Est-ce qu'on peut faire ça dans une loi qui
concerne seulement les soins de fin de vie? Je ne le sais pas. Je vous le dis
là, je ne le sais pas. On va-tu complexifier cette loi-là de sorte qu'elle va
finir par être une loi sur les soins? Il ne faut pas que ça arrive, là. Mais
comment on va faire pour garder l'idée que l'AMM devrait toujours arriver en
dernier recours, après des tentatives pour soustraire les gens qui sont
souffrants ou qui ont peur de l'être, de demander l'aide médicale à mourir? Je
ne sais pas si je me fais comprendre, là, parce que ce n'est pas toujours... ce
n'est pas simple. Ce n'est pas simple à comprendre. Ce n'est pas simple non
plus à mettre en application. Ce n'est pas simple pragmatiquement parce qu'on
ne va pas juste dire : Qu'est-ce que vous voulez?, puis là on va le faire.
Là, il faut voir est-ce que nos soins sont
adéquats. Puis là, là, quand on commence à parler de maladie mentale puis de
handicap, ils nous l'ont clairement dit, ce n'est plus des soins médicaux, là,
c'est des ressources sociales, c'est tout...
c'est toutes sortes de choses qui dépassent de beaucoup les soins et de
beaucoup, beaucoup, beaucoup l'aide médicale à mourir. On n'est pas les
seuls à avoir fait ça, là, les Pays-Bas, là, ça a commencé comme un droit, mais
ça a fini finalement comme un soin. Tu sais, là, c'est... ça a été revendiqué
comme un droit, mais finalement c'est encadré comme un soin. Et, les gens, ce
n'est pas parce qu'ils demandent quelque chose qu'automatiquement ils vont
l'avoir. Il faut... «Oh! my», il me reste une minute. Bon, bon, c'est ça.
Ça fait qu'il faut essayer de... C'est l'idée
fondamentale, et, à mon avis, il faut la garder. Ce n'est pas simple parce
qu'il faut avoir les moyens de ses ambitions. C'est ça que je veux dire,
surtout. Et ce n'est pas simple non plus, parce qu'il s'est greffé toutes
sortes de conflits là-dedans. Je viens de lire ce matin que le gouvernement
fédéral vient de publier le guide de pratique pour l'aide médicale à mourir chez...
dans les cas de maladie mentale. Charmant, n'est-ce pas? C'est... bon. Ça fait
que... tu sais, il y a toutes sortes, là, de difficultés qui se pointent. Il y
a des gens aussi qui ont opté pour une autre idée, qui est celle du suicide
assisté. Là, c'est le patient qui le demande, la personne qui la demande, puis
on le fait. Mais ce n'était pas ça, l'idée de notre loi, et j'espère que ce ne
sera pas ça, mais c'est permis par la loi fédérale.
Bon, je vais m'arrêter là. Je voulais prendre
point par point sur le projet de loi, mais on va répondre à des questions, puis
je pense que ça va... ça va y être.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Marchand. Je m'excuse, tantôt, je n'ai
pas mentionné votre titre, mais vous êtes... C'est Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Ah! non,
non, c'est correct.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette... ce... cette...
voyons! Je m'en allais dire «ce topo», mais je ne vais pas utiliser le
mot «topo», mais le... cet exposé. Donc, on va commencer la période d'échange,
ça va vous permettre, justement, de poursuivre point par point. On va commencer
avec la ministre pour une période de 16 min 30 s.
Mme
Bélanger : Mme Marchand, Dre Marchand, grand merci d'être là, c'est...
c'est intéressant de vous entendre. Et puis c'est vrai qu'on a un travail
important à faire, qui est fort complexe. Et vous allez peut-être avoir
l'occasion de revenir avec vos... dans vos éléments de réponse, avec vos point
par point, parce que je suis curieuse de voir
chacun de vos points. Mais ma première question, c'est... Je comprends que vous
avez maintenant... Vous dites : J'ai évolué dans tout ça. Ça fait
que, donc, est-ce que je comprends que vous avez maintenant des réserves quant
à l'inclusion de l'handicap neuromoteur grave et incurable versus handicap?
J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là.
Mme Marchand
(Michèle) : Ah! c'est clair pour moi. Je l'ai dit, je pense, dans...
je ne sais pas si je l'ai dit dans mon mémoire, c'est clair pour moi que ça...
Il ne faut pas mettre «neuromoteur». Mais, je pense, c'est clair pour moi, il y a plus d'affaires que... C'est pire que
ça, je pense que ça va être difficile, maintenant que ça a pris
l'orientation de ne pas faire de discrimination de personne, là, ça va être
difficile, même, de ne pas mettre les handicaps. Bon, les directives médicales
anticipées, on n'était pas obligés de mettre ça là, tu sais, ça, ça a été...
puis, je pense, à juste titre, parce que la démence, c'est un vrai problème, on
pourra en reparler. Puis je pense qu'on a bien fait de l'attaquer, mais les
handicaps, là, je pense qu'on n'aura pas le choix. Ça fait qu'il faut le faire
aussi subtilement qu'on a été capable de le
faire pour les directives médicales anticipées. Quelle procédure, quelle façon
on va prendre pour que le handicap... C'est-tu en le définissant mieux?
Je ne le sais pas, là, je n'ai pas la solution, mais c'est-tu en le définissant
mieux... mais c'est surtout en évitant que le fait d'être handicapé donne une
priorité à quelqu'un. C'est le fait d'être handicapé qui peut donner des
souffrances qui, elles, vont donner accès.
Et, pour ça, je
pense... C'est pour ça que je résume ça dans mon mémoire en disant : Plus
on ouvre l'accès, là, plus il faut être ferme, il faut être strict sur les
conditions de souffrance, pas de négliger la souffrance des gens, mais de bien
évaluer si on a pris les moyens adéquats pour éviter ça. On va le faire. Ce
qu'on disait aux personnes en fin de vie, là, ce n'est pas : Bon, vous
avez le cancer, vous ne voulez pas vivre ça, on va procéder. Ce n'est pas ça qu'on disait, on disait : Il y a des soins
palliatifs, vous allez essayer les soins palliatifs, tout le monde va essayer.
Tu sais, je veux dire, le monde ne veulent pas mourir, en général. Ça
fait que, là, ils vont essayer les soins palliatifs, mais on leur promettait
que, si ça allait mal... C'est ça qu'on fait dans notre... qu'on fait encore.
On leur promet que, si ça va mal, on va le faire, c'est ça qu'on promet, mais
encore faut-il que ça aille mal.
Ça fait que, là,
c'est la même chose pour les handicaps. Mais comment on va faire ça? Ça a été
compliqué. Moi, je trouve, le projet de loi n° 11, il est bon, là, mais il
est compliqué, hein, parce que, là, il fallait voir comment on va avoir des informations
de la personne, comment ça va évoluer dans les soins, comment ça va peut-être
finir en AMM. On ne veut pas que ça ne finisse pas en AMM jamais, mais on veut
que ce soit le moins souvent, le moins souvent possible. Comprenez-vous un peu
l'idée?
Mme
Bélanger : Tout à fait.
Mme Marchand (Michèle) : Mais ça, trouver cette
voie de passage là, là, ce n'est pas évident. Pour les maladies
mentales, je vais vous répondre à l'autre question que vous n'avez pas posée,
mais, pour les maladies mentales...
Mme
Bélanger : Merci.
• (11 h 40) •
Mme Marchand
(Michèle) : ...pour les maladies mentales, je pense, ça va peut-être
être plus simple parce que, déjà, ça a été étudié au fédéral. Là, je suis un
peu enragée, là, que... je ne trouve pas ça... en tout cas, qu'ils publient les
guides de pratique, mais c'est étudié et c'est... Ça, ça ressemble plus à ce
qu'on fait habituellement quand on évalue une maladie évolutive ou intraitable,
qui va mal, tu sais. Ça, je pense que c'est... ça va peut-être... Ça va être difficile parce qu'il faut éviter les
dérives. Parce que, là, on a peur, on a peur de l'AMM chez les gens handicapés, puis on a raison, puis on a peur de
l'AMM chez les malades... les pathologies mentales. On a raison, hein,
on a peur de ça depuis qu'on sait qu'il y a
de l'AMM. Puis c'est des craintes justifiées pour lesquelles il faut trouver
des raisons.
Les directives
médicales anticipées, on a raison de craindre ça, ça peut être dangereux et
c'est pour ça qu'on l'a limité. C'est pour
ça qu'on l'a... on a essayé que ce soit juste des gens qui ont des diagnostics,
pour qu'ils puissent nous informer de ce qui les craint... ce qu'ils
craignent, ce qu'ils ne veulent pas vivre, mais ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas le vivre qu'ils ne le vivront pas.
On va essayer de trouver des moyens d'amenuiser leurs craintes au fur et
à mesure, puis, si ce n'est pas possible, bien, c'est ça. C'était vrai pour les
soins palliatifs, mais, les soins palliatifs, on savait à quoi on s'adressait
comme soins. Puis, même ça, on n'a pas réussi 100 %. Je vais vous dire
quelque chose, là, tu sais, même les soins palliatifs, on disait : Il faut
que les soins palliatifs soient développés et non seulement l'AMM. Ce n'est pas un succès 100 %, là.
Donc, il faut bien voir que ça va être la même chose avec les handicaps,
s'ils sont... Ils vont être inclus. À mon avis, là, moi, je vois ça venir, ils
font des normes de pratique tout de suite, là, c'est sûr que... tu sais, ça
fait que ça va arriver, là. Ça fait qu'il va falloir trouver une façon qu'on ne
va pas aller trop vite avec le handicap ou avec la... avec les troubles
mentaux.
Mme
Bélanger : Oui. Mais, ce matin, la discussion, là, que vous nous
amenez est vraiment importante. En fait, vous nous dites, à la lumière de ce
qu'on a entendu beaucoup aussi avec les personnes en situation de handicap qui ont mis l'emphase sur
les services, dans le fond, c'est ça qu'ils sont venus nous dire : les
soins puis les services, puis qu'à partir de là l'idée jaillit de
dire : OK, donc, faisons tout pour donner les soins et services.
Mais revenons... Dans
le fond, l'aide médicale à mourir devrait arriver quand on est rendu à une
situation qui s'impose de soi, en fait,
parce que les souffrances sont inapaisantes, intolérables, que tout a été fait
et qu'on... On le sait, là, comme êtres humains, tu sais, il y a des
souffrances qui ne se soulagent pas, rendues à un certain niveau...
Mme Marchand
(Michèle) : Mais il y a des... il y a d'autres... il y a...
Mme
Bélanger : ...dans une maladie ou dans une situation, et ça, je pense
que, comme êtres humains... Puis je vais faire un parallèle qui est peut-être
un peu indécent, mais, quand même, quand on voit des animaux souffrir,
humainement, on va être tenté de les soulager parce qu'on les voit souffrir.
Bien, moi, je ramène ça aussi à ça, puis je ne
veux pas faire ce parallèle-là, là, mais je veux juste quand même... c'est pour
créer une image. Dans le fond, vous nous dites : La souffrance devrait être extrêmement bien évaluée une
fois qu'on a tout fait, là, les services, l'organisation, etc., et cet élément-là
est très, très important.
Mme Marchand
(Michèle) : Et surtout éclairé par ce que la personne elle-même a dit.
C'est ça qu'on a mis... qu'on a rajouté aux directives médicales anticipées, on
veut qu'il nous dise ce qu'il... pour pouvoir le traiter et pour pouvoir en
disposer, et non pas lui dire : Bien, si c'est ça que tu veux, c'est...
quand ça va arriver, on va le faire. Tu
sais, il y a moyen. Il y a quelqu'un qui dit : Moi... je
ne sais pas, là, je ne veux pas être incontinent, là, puis il écrit
ça, il dit ça, là, il faut que quelqu'un l'accompagne pour dire : Écoute,
là, il y a quand même des moyens, peut-être, de vivre avec l'incontinence, tu
sais, là, puis c'est... puis peut-être, en fin de compte, qu'elle va
tellement... tu sais, puis que
l'incontinence va faire partie du tableau, puis qu'il n'y a plus rien à faire,
puis que... tu sais, là, je veux dire, puis que quelqu'un va décider de
bonne foi de procéder. Mais encore faut-il... C'est ça que les représentants
des organismes de personnes handicapées nous ont dit : Encore faut-il
qu'on ait des ressources pour passer au travers nos... pour pallier les
incapacités qu'on a. Écoute... Mais ça, là, ce n'est pas nouveau, là, eux
autres nous ont dit ça pour le handicap,
c'est ça qui était sous la Loi
concernant les soins de fin de vie,
de dire : Il faut des bons soins palliatifs avant de penser à l'aide médicale à mourir. Et c'est cette
idée-là, moi, que je souhaite qu'on ne perde pas, parce que, si on
focusse juste sur l'aide médicale à mourir, bien, on perd... on met la charrue
devant les... je sais, c'est bête, là, comme... mais on met la charrue devant
les boeufs, et puis on va être surpris par ce que la charrue va ramasser, là,
tu sais, là, je...
Mme
Bélanger : Exactement.
Mme Marchand
(Michèle) : Il y a bien du monde, là, qui aimerait mieux mourir que
souffrir, là, puis, si on ne les aide pas, bien, ils vont vouloir mourir, puis,
si on ouvre, bien, ils vont l'avoir. Ça fait que, tu sais, là, je... Ça fait
que je pense que c'est cette idée-là.
Moi, je ne suis pas
une opposée, là, je ne suis pas une... je ne suis pas une opposante à l'aide
médicale à mourir, au contraire, mais, je pense, la pente glissante que tout le
monde nous mettait en garde, là, elle existe, et c'est vrai que, quand on
commence à vouloir ôter une souffrance, pourquoi pas l'autre, quand on commence
une affaire, pourquoi pas l'autre, pourquoi
pas les inaptes, les demandes anticipées? Moi, je suis d'accord, mais il faut y
aller avec prudence, parce que,
sinon, on va débouler carré, là. Tu sais, la pente glissante, c'est ça, c'est
que le nombre augmente, le nombre augmente. Je ne sais pas, là, on n'en
a pas discuté, mais le nombre augmente.
Ça fait que, moi, à
mon avis, il faut être bien ferme sur les conditions... les autres conditions,
la souffrance, là, puis le déclin avancé, la
souffrance inapaisable puis le déclin avancé, parce que, sinon, on va se
ramasser avec quelque chose de surprend... pas surprenant, là, je veux
dire... c'est ça, oui, qu'on n'aimera pas.
Mme
Bélanger : Très, très intéressant. Je vais laisser la place à mes
collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci,
Mme la ministre. Avant de poursuivre dans les discussions, je me dois de
vous demander le consentement pour aller au-delà de l'heure prévue, compte tenu
que nous avons amorcé nos travaux avec un peu de retard. Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons donc... Il n'y a
pas de problème, vous allez pouvoir continuer vos... les travaux. Alors, je
donne donc la parole à la députée d'Abitibi-Ouest pour le... une période encore
de 7 min 10 s. Le temps est à vous.
Mme Blais : Merci,
Mme la Présidente, Dre Marchand, merci d'être parmi nous. Vous parlez beaucoup
de la souffrance. J'aimerais qu'on
démystifie la souffrance, parce que, dans votre discours, vous dites : La
chose... le premier, c'est de pallier à la souffrance. Alors, lorsqu'on
est porté... lorsqu'on reçoit un diagnostic qui est soit un cancer ou un
pronostic qui est très sombre, souvent, on a une souffrance, on a la souffrance
physique et on a aussi la souffrance psychologique. Avons-nous toutes les
ressources nécessaires pour pallier à la souffrance psychologique? Parce qu'on
sait que, physique, on a des soins palliatifs.
Mme Marchand
(Michèle) : Non. Non. On le sait tous, non, on n'a pas ces
ressources-là. Non, on a de la misère à traiter... tu sais, là, je veux dire,
on n'a pas ces ressources-là. C'est pour ça que l'orientation de la loi est
très importante, parce que, si on se met à faire l'aide médicale à mourir puis
que les ressources sont manquantes, autant pour
le handicap que pour les maladies mentales, bien, moi, là, ce n'était pas ça
qui était... qui était prévu, hein, ce n'était pas ça qui était prévu.
Mme Blais : J'aimerais peut-être...
Mme Marchand (Michèle) : Peut-être,
c'est ça qui est prévu en Suisse, en Suisse, c'est ça qui est prévu, mais
encore faut-il que les personnes aptes... il faut qu'ils aient une maladie,
puis là, bien... eux autres, c'est comme ça
qu'ils ont conçu, là. Mais, nous autres, là, ce n'est pas ça du tout, c'était
en continuité avec les soins. Puis c'est pour ça que les médecins se sont impliqués, c'est pour ça que la profession
médicale a été partie prenante positivement, mais là... Là, là, c'est sûr qu'il y a des médecins qui vont
s'impliquer, c'est sûr, il y en a, là, mais c'est concentré, là, comprenez-vous?
Mais moi, je trouve ça triste, parce qu'on a réussi à ce que tout le monde,
même les opposants, se dise : Ah! bien,
coudon, tu sais, ça a du bon sens, ça. Il y a des fois où on n'y arrive pas,
puis on est aussi bien d'aider le monde, mais il faut aider le monde
avant.
Mme
Blais : Mais, lorsqu'on parle de soins palliatifs, la
ligne, elle est très mince vers la mort... vers l'injection, la dernière
injection finale. La ligne, elle est mince, parce qu'on sait que l'état est
moribond, et, lorsqu'on donne des doses d'analgésiques, le patient peut faire
un arrêt, éventuellement, dans sa condition de santé, là. J'aimerais que vous
démystifiiez la ligne, qui est très, très mince.
Mme Marchand (Michèle) : Oui, oui,
oui. Ça, là, il faut... Ça, c'est un point d'obscurité qu'il faut... qui est
facile à... qui est assez facile à lever, je pense. Bon, deux, j'aurais
deux réponses à dire. Les soins palliatifs, là, on a pris l'habitude de
dire : Les soins palliatifs, c'est les soins qu'on donne aux gens qui ont
un pronostic vital court, hein, c'est...
puis c'est ça qui se passe. Les maisons de soins palliatifs, là, les gens, il
leur reste deux semaines, ça va... tu sais, les... ils ont un pronostic vital, là, très raccourci, ils vont
mourir incessamment. C'est ça que l'on conçoit comme les soins palliatifs. Mais les... Un soin palliatif,
par définition, ce n'est pas ça, c'est un soin qui veut soulager sans guérir
puis sans précipiter la mort non plus. C'est
ça, un soin palliatif. Ça fait que ça peut être pour n'importe quoi. Sauf qu'on
s'est habitués à... on s'est habitués, la
loi, notre loi a été faite comme ça, puis les soins palliatifs se sont
développés comme ça.
Il y a très peu de gens qui ont des maladies
mentales et puis qui sont en soins palliatifs. Moi, je n'en... tu sais, je veux
dire, il n'y en a pas, il n'y a pas de monde qui se... Des handicapés, ils ne
vont pas dans une maison de soins palliatifs, puis j'espère qu'ils n'iront pas.
Les maisons de soins palliatifs, là, je le dis dans mon mémoire, elles en ont
déjà plein les bras avec les gens sur le bord de la... Tu sais, ce n'est pas
financé à... ce n'est pas... ça n'a pas des finances illimitées, ça, là. Si
tout le monde qui veut l'aide médicale à mourir se pointe dans les maisons de soins
palliatifs, on se tire dans le pied, là, bon.
Ça fait que, là, il faut imaginer l'équivalent
des soins palliatifs pour des personnes handicapées. Mais là il faut que ça
soit chez eux, il faut qu'il y ait... tu sais, il faut que ce soit dans un
établissement, il faut que les patients... parce que... les patients atteints
de démence, il faut que les lieux qui les accueillent soient capables d'offrir
l'aide médicale à... autre chose que l'aide
médicale à mourir d'abord, puis l'aide médicale à mourir aussi, il faut
rehausser la qualité des lieux où ces personnes-là se retrouvent. Ça
fait qu'on veut... c'est...
L'idée, ce n'est pas d'envoyer tout le monde
dans des maisons ou dans des unités de soins palliatifs, c'est d'avoir
l'équivalent d'une approche palliative pour des choses qui ne sont pas des
maladies mortelles. Puis ça, je ne pense pas qu'il faut être contre ça, mais
encore faut-il être capable de faire ça. On se sentait capable de risquer ça
pour les gens qui avaient un pronostic vital court. C'étaient les soins
palliatifs. On voulait les développer. Comme je vous le dis, ce n'est pas
100 % réussi. Est-ce qu'on peut se donner le défi de faire la même chose
pour des personnes qui ont des handicaps, qui ont des maladies mentales puis
qui ont plein d'autres choses? Parce que, là, s'il n'y a plus de critère de fin
de vie, là, ça ouvre à pas mal d'affaires, tu sais, là, il y a pas mal de monde
qui sont... bon.
• (11 h 50) •
Mme Blais : Merci, Dre Marchand. Je
vais laisser la place à mes collègues.
Mme Marchand (Michèle) : Bon, quand
je pars, j'arrête difficilement. Excusez-moi, arrêtez-moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va poursuivre. Je vais juste vous mentionner qu'il reste
2 min 20 s. Et la parole est au... «au docteur», même, je vous appelais
«docteur», là. Merci, Dre Marchand. Puis, la députée de Roberval, la parole est
à vous.
Mme Guillemette : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dre Marchand, d'être avec nous aujourd'hui. J'aurais une
question, mais, comme on a juste deux minutes, je voudrais savoir : Est-ce
qu'il y a quelque chose que vous ne nous avez pas dit, que vous n'avez pas eu
le temps dans votre 10 minutes puis que vous voudriez vraiment nous
partager aujourd'hui?
Mme Marchand (Michèle) : Ah oui! OK.
Un détail pratique que les gens n'aimeront pas. La commission devrait être plus ferme sur le respect des... de
la souffrance, pour le respect des autres critères. Si on ouvre aux
critères, il faut se trouver des façons d'être sûrs qu'on
va limiter... Si on ouvre à l'entrée, je vais vous simplifier ça, il faut être
sûr qu'à la sortie, là, il va y avoir un goulot en quelque part, là. Puis là on
a conçu ça... Dans les pays où ça a été légalisé, l'euthanasie, là, si... ils
réfèrent ça aux instances judiciaires. Moi, je ne tiens pas à ce que le docteur
aille en prison, c'est le dernier de mes voeux. Mais le message doit être clair
auprès de la population : Ce n'est pas vrai que c'est laissé à la
discrétion des patients dans une directive anticipée en particulier ni quand
ils sont aptes, ce n'est pas vrai que c'est laissé à leur discrétion :
Moi, je veux ça puis je vais l'avoir, là. Ce n'est pas vrai que c'est ça. Puis
ce n'est pas vrai non plus que ça va passer. Tu sais, là, c'est... Mais, si ça
passe... Là, ils réfèrent au Collège des médecins. Vous avez vu la position du
Collège des médecins actuellement. Ça fait que je ne le sais pas, mais moi,
j'aimerais ça être sûre qu'il y a quelqu'un qui va... qui va nous avertir s'il
y a quelque chose qui dérape, là, parce ça peut facilement déraper.
Mme Guillemette : ...le rôle de la
commission des soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Pour le
moment, ce n'est pas de rôle, mais, en général, où ça a été légalisé, là, c'est
un rôle de contrôle, et puis ils réfèrent aux instances judiciaires quand,
vraiment, ça dépasse les bornes.
Mme Guillemette : Mais la commission
des soins de fin de vie, qui analyse chaque année tous les cas, doivent aviser
la ministre ou doivent aviser s'il y a une...
Mme Marchand (Michèle) : Non, le
collège...
Mme Guillemette : Ils avisent le
collège.
Mme Marchand (Michèle) : Le collège
ou les CMDP des établissements.
Mme Guillemette : Donc, est-ce qu'on
devrait ajouter un mandat à la commission de soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Mme Guillemette : Merci. Merci
beaucoup, Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Je ne me
ferai pas aimer, là, je vous le dis, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dre Marchand. On poursuit par contre nos échanges avec l'opposition
officielle, Mme la... Westmount—Saint-Louis, j'imagine? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous bénéficiez
d'une période de 12 min 23 s. Vous commencez.
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Marchand,
merci pour vos remarques, pour votre mémoire puis pour les échanges qui
sont très constructifs et très intéressants, entre autres. Je ne veux pas
reposer les mêmes questions de mes collègues, mais je trouve très intéressants
les échanges. Dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que... d'abord,
pour renchérir un peu là-dessus, que, dans le fond, il faut tout faire avant
d'arriver à offrir un soin de fin de vie, puis c'était le sens qu'on voulait
avoir dans la première mouture de la première loi, mais vous avez aussi dit...
puis c'est vrai, là, on a eu une demande croissante de demandes, même que
Québec est au premier rang mondialement pour les demandes d'avoir accès à
l'aide médicale à mourir. Alors, est-ce que c'est un échec à quelque part?
Est-ce qu'on n'a pas rempli la mission de ce qu'on souhaitait de la première
loi?
Mme Marchand (Michèle) : Moi, je
pense que ça a été une réussite. J'avais intitulé mon dernier mémoire L'AMM,
victime de son succès. Je pense, ça a été une réussite quand c'étaient
encore les personnes en fin de vie, là, quand c'étaient des gens qui avaient un
pronostic vital limité. Je pense, ça a été un plus, ça a été une réussite...
pas totale, parce que je pense qu'on n'a pas réussi à ce que les soins
palliatifs... on le voit, là, avec les plaintes qu'il y a maintenant, que les
soins palliatifs ne sont pas toujours accessibles, là. Donc, ce n'est pas une
réussite totale. Mais je pense que ça a fait
consensus, tout le monde s'y est mis. Moi, je pense que ce n'est pas un échec,
ce n'est pas un échec. Sauf que, si on n'est pas capable de faire la
même... Il faut faire la même chose, là, pas mal plus largement. Est-ce qu'on
est capable de faire ça? Je ne le sais pas.
Puis je vais même jusqu'à dire, comme
Mme Hivon vous a écrit dans son mémoire, moi, si on n'est pas capable...
si on pense qu'on n'est pas capable de faire ça, là, on est aussi bien de
garder la loi sur les soins de fin de vie
pour les personnes en fin de vie puis se référer à autre chose, le Code criminel pour les autres. Tu sais, là, si on n'est pas capable, là... La
bonne nouvelle, c'est qu'on a été capable pour les directives anticipées, je
pense, en tout cas, j'ai hâte de voir ce que ça va donner, parce qu'il va
falloir être ferme sur le suivi de ça. Mais, si on le fait comme on a fini par le concevoir, là, par le... sur le...
l'obliger, le suggérer, bien, je pense que ça ne dérape pas. Il va falloir
voir, mais... Il ne faut pas se lancer, là, tête-bêche, là, puis la fuite
en avant, parce que je pense qu'on va avoir des méchantes surprises. Sinon, on
est mieux de rester juste avec notre loi de soins de fin de vie qui nous est
particulière et, si c'est juste sur l'aide... si c'est une loi juste sur l'aide
médicale à mourir, concevoir autre chose, se rapprocher plus de la loi
canadienne ou quelque chose là.
Mme
Maccarone : Bien, c'est sûr, si on... On ne parle plus des
soins de fin de vie, on... vous l'avez dit, on enlève la condition de
l'état...
Mme Marchand (Michèle) : Bon, moi...
Mme
Maccarone : ...puis là on est rendu à une maladie. Alors, je
vous entends quand on parle des conditions, puis, oui, c'est vrai, c'est
très important, mais, selon vous, côté éthique, parce que c'est votre
expertise, une personne en situation de handicap qui a perdu l'utilisation de
ses jambes, qui souffre, est-ce que c'est la même souffrance qu'une personne
qui a perdu l'utilisation de ses bras? Parce qu'on est face à un grave
problème, on n'est pas capable d'avoir une définition de la notion de handicap
puis de souffrance.
Mme Marchand (Michèle) : Oui, mais,
je pense, c'est justement ça, il ne faut pas comparer un handicap par rapport à l'autre. Il faut voir comment, pour une
personne, on a réussi à pallier son handicap pour que la vie soit
vivable. Et ça, c'est plus... c'est plus...
c'est plus pertinent que de savoir, bien, l'autre, qu'il a perdu... Tu sais,
peut-être, il y en a un qui va perdre tout, là. On a vu des
quadriplégiques intubés qui sont venus présenter, puis il y en a d'autres
qu'une petite perte va avoir un grand
impact. Il faut comprendre pourquoi la petite perte a un grand impact, est-ce
que... est-ce qu'on a essayé d'avoir tous les moyens. Peut-être que ça
ne passera jamais chez cette personne-là puis qu'elle va vouloir le réclamer,
mais... Puis je ne suis pas contre qu'elle l'ait, mais il faudrait être bien,
bien sûrs qu'on a tout essayé avec... Comprenez-vous un peu l'idée?
Mme Maccarone : Oui, oui, oui, je
comprends, oui.
Mme Marchand (Michèle) : L'autre
affaire, je veux vous dire aussi, c'est que les gens ont quand même le droit,
ça, ça a été mis dans les DMA puis c'est un droit inaliénable, de refuser des
traitements. Il est en droit de... Ça, c'est une autre clarification que je
veux absolument faire parce que, là, c'est... Les gens ont le droit, dans notre
régime de consentement, de consentir ou refuser un soin qui leur est proposé.
Ils n'ont pas le droit d'exiger un soin, ils ne peuvent pas exiger l'aide
médicale à mourir, pas plus qu'on peut demander une amputation, là, tu sais. Si
toi, tu... moi, je juge, je veux être amputée, là, bien, il n'y a personne qui
va me faire une amputation. On va dire : Bien, voyons donc, tu sais, bien,
penses-y deux minutes. Ce n'est pas l'équivalent, mais quelqu'un qui n'est
pas capable d'endurer, par exemple, qu'il a perdu un bras, bien là il faut
essayer de le convaincre qu'on va essayer d'autres choses, tu sais, là, je veux
dire, puis il faut essayer fort. Puis ça, on n'a peut-être pas toutes les
ressources pour essayer de faire ça fort. C'est les groupes de personnes
handicapées qui sont obligés de le faire.
Mme Maccarone : Bien... Puis vous
dites avec justesse, puis j'espère qu'on va avoir cette notion qui... que ça
soit très clair, surtout aussi dans le guide de pratique, parce que ça aussi,
ça devrait en faire partie, d'une notion de comment nous allons traiter les
personnes qui le souhaitent, qu'ils fassent une demande.
Avant de passer la parole à mes collègues qui
souhaitent aussi vous poser des questions, le rôle de tiers de confiance, vous nous avez posé une question dans
votre mémoire, mais vous... nous n'avons pas clarifié votre position.
Est-ce qu'on peut avoir un remplacement? Est-ce que ça devrait être un membre
de la famille ou non? C'est qui qui devrait accompagner la personne? Est-ce que
ça devrait être une obligation facultative? Plein de questions.
Mme Marchand (Michèle) : C'est fou,
mais je vais vous décevoir parce que je ne sais pas quoi répondre à toutes ces questions... pas secondaires dans le
sens de... Mais la question... la réponse prioritaire que je vous
donnerais, là, c'est qu'on ne veut pas, en AMM, d'avoir de consentement
substitué pour le moment. C'était... C'est ça qui est dangereux. Puis c'est ça qu'il faut avancer prudemment, il faut avancer
prudemment de... sur les demandes anticipées parce que c'est ça qui est
dangereux, le consentement, que ce ne soit plus la personne qui décide le
moindrement. Là, on avance tranquillement parce que c'est des gens qui sont
capables de décider, pour le moment, on est capable de parler avec eux autres, là. Ça fait qu'il faut profiter qu'on peut
parler avec eux autres pour savoir comment on va s'orienter par la
suite. Mais quelqu'un qui n'est pas capable, là, là, ça veut dire que c'est un
consentement substitué. C'est de ça dont il faut s'éloigner. Est-ce qu'il faut
que ce soit une... telle... Je ne sais pas. Est-ce qu'il y en a un, deux, là?
Je vous le dis, là, ça... C'est sûrement des questions importantes, là, mais je
pense qu'il faut réfléchir, c'est de dire : Ça, on ne fait pas ça par
consentement substitué pour le moment, puis, si jamais ça vient, on va faire
bien attention.
Mme Maccarone : Même si c'est
clairement identifié dans la demande anticipée. Tu sais, on a entendu aussi hier, tu sais, on... Qu'est-ce qu'on fait face à
un cas de résistance? Vous avez aussi fait la mention. Les
omnipraticiens qui ont passé en commission
hier nous ont demandé d'avoir le droit d'offrir une contention chimique. Alors,
éthiquement, est-ce qu'on fait fausse route ou est-ce que c'est la manière de
procéder?
• (12 heures) •
Mme Marchand (Michèle) : Moi, ce que
je suis certaine... il y a des affaires que je suis certaine, des affaires que
je ne suis pas sûre, il y a... D'abord, éthiquement, là, tu sais, on dit
toujours : Il y a une réponse éthique. Je ne suis pas sûre, parce que ça
dépend. Bon, je pense qu'il ne faut pas invalider la demande pour autant, c'est
sûr, parce que ce n'est pas comme... Ce n'est pas un refus catégorique, là. Il
faut être capable de l'interpréter... mais il faut être capable de
l'interpréter pour essayer, on a vu la madame de Carpe Diem, là, qui... pour
essayer de calmer le jeu, pour essayer de calmer le jeu, sans nécessairement
qu'ils aillent dans le protocole. Peut-être, dans le protocole, il va falloir mettre de la sédation. D'ailleurs, il y en a
où... il y en a un petit peu dans le protocole une fois la procédure commencée,
mais peut-être que... Peut-être, il va falloir. Mais la première affaire, c'est
d'essayer de trouver des façons plus...
plus... plus douces, un peu, de... si c'est possible. Si ce n'est pas possible,
peut-être il faut aller jusqu'à la sédation. Il faut quand même être
cohérents, là, si on a décidé de le faire, c'est parce que... ce n'est pas
parce que la patiente l'a demandée, le patient l'a demandée, c'est parce qu'on
est convaincu qu'il faut le faire.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, Dre Marchand. On poursuit donc
avec la députée de La Pinière. Je vous dis... je vous indique qu'il reste 4 min
24 s.
Mme Caron : D'accord. Alors, je vais y aller en rafale avec
deux questions. La première, c'est qu'hier quelqu'un nous a parlé... nous suggérait une terminologie
inclusive qui s'énonçait comme suit : «déficience et incapacité grave
et incurable». Et je vois qu'en page 7 de votre mémoire vous faites
référence à une terminologie semblable, en fait, du Code criminel :
«...affectée [par des] problèmes de santé graves et irrémédiables» ou
bien : «[Atteint] d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap graves
et incurables.» Alors, j'aimerais savoir si vous trouvez que «déficience et
incapacité graves et incurables» pourrait être intéressant, plutôt que de
parler de handicap.
Et ma deuxième
question, en lien avec la question qui a été posée par ma collègue :
Est-ce que vous avez des recommandations précises sur la composition et le rôle
de la commission sur les soins de vie qui seraient idéals, à votre avis?
Mme Marchand (Michèle) :
Oui. Je vais répondre à la deuxième question, parce que je l'ai mis dans
mon mémoire. Je pense que, si on veut étendre à des catégories de personnes
comme des gens qui... il faut mettre des gens qui oeuvrent auprès de ces
patients-là ou connaissent bien ce domaine-là, la maladie mentale, les
handicaps. Là, je pense que, pour le moment, c'est des représentants plutôt des
organismes, mais, tu sais, on pourrait s'organiser... C'est la même chose
pour... Je pense qu'il faut mettre des gens qui sont habitués avec les
personnes démentes, les malades, tu sais, qui oeuvrent auprès de ça pour la
composition. Votre première question, c'était quoi?
Mme Caron : C'était
à propos de la terminologie, «déficience», «incapacité».
Mme Marchand (Michèle) : Ah! la terminologie.
Moi... Bon, moi, je pense que ce serait plus... Moi, là... il ne faut
pas se lancer dans des batailles fédéral-provincial, on en a assez sans en
inventer, tu sais. Si on est capables de définir... de mettre le handicap comme
ils l'ont mis puis de le définir en axant sur les incapacités qui sont reliées
beaucoup à l'environnement, c'est vrai, puis qu'on veut pallier... on veut que
ce soit pallié avant de penser à des solutions comme les médicaments, on veut
démédicaliser ça aussi, bien, je pense, je pense... Je n'en ferais pas une
bataille, là, fédérale-provinciale, je mettrais «handicap» puis je serais ferme
sur... je ne sais pas si je le mettrais dans la loi, mais, en tout cas, sur une
définition du handicap qui est celle qu'ils nous ont proposée, et qui est la
conception moderne, je pense, des handicaps, et qui nous fait décrocher.
Ce n'est pas des
maladies, ça, là, là, ce n'est pas évolutif. Nous autres, là on n'est pas...
Notre loi, là, c'est pour des gens qui vont mourir; c'était non seulement
évolutif, ils étaient pour mourir. Là, on tombe de : ils vont mourir à
évolutif. Là, on tombe d'évolutif à pas évolutif. Mais les gens, même si ça
n'évolue pas, ils sont souffrants pareil. Ça fait que, là, tu sais, il faut
changer un peu notre... non seulement le vocabulaire, mais la façon... Ça fait
que je pense que, si on décrit ou si on conçoit les handicaps comme ça ailleurs
que dans la loi, peut-être, mais dans la façon dont ça va être réglementé...
Moi, pour être
franche, là, où on en est, là, je pense que l'aspect des directives
médicales... des demandes anticipées est assez bien travaillé pour prendre une
chance, tu sais, moi je suis prudente, là, mais... pour prendre une chance. Je
pense que le reste, ça ne l'est pas. Est-ce qu'il faut faire un moratoire,
est-ce qu'il faut... Je ne sais pas, là, jusqu'à quel point, mais je pense
qu'on peut s'inspirer. Les travaux sont vraiment plus avancés du côté fédéral,
c'est parce qu'il y a des... puis les Québécois y ont participé, Dr Gupta.
Et, tu sais, je pense qu'on pourrait s'inspirer de ce qui a été fait ailleurs,
puis pas recommencer à zéro pour ce qui est des maladies mentales, et, pour le
handicap, bien, s'inspirer de ce qui est connu chez les handicaps, que, dans le
fond, la souffrance est reliée beaucoup à l'incapacité et l'impossibilité
d'avoir des ressources pour les pallier.
Mme Caron : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. On va poursuivre... ah! avec... Il reste 44 secondes.
C'est parfait. Allez-y.
Mme Prass : Justement,
dans le cadre du refus, pensez-vous qu'il devrait y avoir un élément, y compris
dans le formulaire, qui dit explicitement, s'il y a une manifestation de refus
de la part de la personne, une fois qu'ils sont rendus inaptes, qu'on devrait
quand même procéder avec l'administration de l'AMM?
Mme Marchand (Michèle) : Je pense que ça pourrait
être une façon. Je pense que ça pourrait être une façon.
Mme Prass : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. On est efficaces. Donc, on termine, Dre Marchand, avec la
députée de Sherbrooke. Et vous avez une période... une période de temps de
4 min 8 s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci,
Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous nous invitez à insister sur les
ressources à déployer pour pallier les incapacités. C'est ce que vous venez
d'exposer ici. Je vous sens craintive, je sens que vous trouvez qu'on n'est pas
prêts, socialement, à offrir des alternatives, en termes de soins, puis ça fait
écho, quand même, à ce que plusieurs sont venus nous dire ici, là. Pour qu'on
parle de libre choix, il faut qu'il y ait un choix, donc il faut qu'il y ait
d'autres types de services pour pallier les incapacités. Est-ce que vous pensez
qu'on devrait, dans le processus législatif, bon, définir le handicap, prévoir
les modalités pour ça, mais se laisser un temps avant l'entrée en vigueur de ça
pour déployer des ressources, investir dans tout ce qui permet, en matière de
services de soins, de pallier les incapacités avant de faire entrer en vigueur
cet article-là?
Mme Marchand
(Michèle) : Ah oui! Parce que... Oui, puis je me demande... Tu sais,
il y a des gens qui ont émis l'idée d'un moratoire, là. Je pense qu'on n'est
pas prêts, là. Tu sais, ça a été difficile pour les directives anticipées...
les demandes anticipées, puis c'était un problème majeur, mais ça nous a pris
combien de temps, là, puis combien de commissions, puis tout ça, puis là on a
jugé... Mais on n'est pas... on n'est pas plus prêts, là. Il y a eu des
discussions intéressantes, mais de là à traduire ça dans la loi, là, je pense
qu'on ne l'a pas, là. Tu sais, on a pogné quelque chose, mais on ne l'a pas
encore traduit dans une loi, là, ça fait que, là, je ne sais pas si c'est
l'idée d'un moratoire, là. J'ai l'air à ne pas savoir grand-chose, mais je
pense qu'il faut vraiment prendre notre temps, je pense qu'il faut vraiment
prendre notre temps si on ne veut pas se ramasser... Ce n'est pas correct.
L'autre affaire, par
exemple, il y a quelqu'un qui nous a dit hier qu'il ne faut pas que ça dépende
juste de l'État. Ils sont capables de s'organiser, tu sais, là, il ne faut pas
attendre, non plus, qu'on va avoir un système... Les soins palliatifs, là, je
vais te dire, ils se sont organisés tout seuls, hein? Tu sais, ce n'est pas
venu trop, trop de l'État. Il faut qu'ils soient financés quand même, là.
Mme Labrie : Comment
on va faire pour savoir si on est prêts, tu sais? Si on dit, par exemple :
Bon, bien, voici comment on définit le handicap, les modalités, on dit :
Ça, ça entre en vigueur quand... Tu sais, c'est quoi, les conditions à réunir pour se dire : OK, quand
ça, ça va entrer en vigueur, c'est vraiment un libre choix, puis il y a
vraiment des manières de pallier les incapacités? Comment on peut l'évaluer,
nous?
Mme Marchand
(Michèle) : Je ne sais pas, mais je pense qu'il faut... Je ne sais pas
quand est-ce qu'on va pouvoir le mettre en application, mais je pense que,
dans... d'ici... Bon, de toute façon, il y a un an, là, pour les maladies
mentales. Je ne comprends pas qu'ils fassent le guide de pratiques tout de
suite, mais, en tout cas, il faut que le message soit clarifié auprès de la
population, là, puis il faut que, sur le handicap puis la pathologie mentale...
dire : Écoutez, ce n'est pas ça, notre loi, là, nous autres, là, c'est...
Tu sais, là, il faut que ça arrive, là, quand ça va bien mal. Bon, mais il y a
des gens... c'est une position, ça, il y a des gens qui ne pensent pas ça. Il y
a des gens qui veulent, là, que... Ils disent que, quand les gens sont tannés,
c'est eux autres qui décident, et puis c'est tout, tu sais, là. Mais ça, là, moi, qu'on rentre les docteurs
là-dedans, je trouve ça vraiment bizarre, parce que ce n'est pas comme
ça, habituellement, qu'on gère des soins puis qu'on aide des gens, tu sais, ce
n'est pas de leur dire : Bien là, si c'est ça que tu veux, ni... Les
personnes handicapées, elles ne veulent pas qu'on leur dise : Bon, bien,
si c'est ça que tu veux, tu vas l'avoir. Ils veulent pouvoir demander des
ressources puis dire eux-mêmes : Là, je pense que, tu sais...
Mme Labrie : Est-ce
qu'il me reste du temps?
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : 45 secondes.
Mme Labrie : Bien,
je ne sais pas s'il y a autre chose que vous n'avez pas eu le temps de
mentionner que vous voulez ajouter. Non?
Mme Marchand
(Michèle) : Bien, il y en a plein, là, je ne saurais pas choisir...
Mme Labrie : Mais
vous estimez, en tout cas, le...
Mme Marchand
(Michèle) : ...mais je vous invite à lire mon mémoire.
Mme Labrie : Oui,
bien, je l'ai lu. Donc, la Commission sur les soins de fin de vie, ils nous
l'ont dit quand même, qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires par
rapport à l'ampleur que ça prenait. Vous, ce n'est pas juste au niveau des
ressources, c'est que... le mandat carrément qui devrait être modifié, en ce
qui les concerne?
Mme Marchand (Michèle) : Moi, j'aimerais que le
message soit le même partout que c'est un soin de dernier recours, puis
un message ferme. Parce que les gens se sont imaginé que c'est la meilleure façon
de mourir, donc, je vais la demander puis, si je la veux, je vais l'avoir. Et
je pense que ce n'était pas ça, l'orientation du projet de loi, puis moi, je
n'aimerais pas que ça devienne ça, là.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée.
Dre Marchand, merci beaucoup pour votre mémoire, pour l'échange que nous avons eu aujourd'hui, c'était fort
intéressant. Alors, c'est ce qui met fin à cette rencontre.
Et, pour l'heure, je suspends, le temps...
quelques secondes, en fait, le temps de recevoir notre prochaine intervenante.
Merci beaucoup, Dre Marchand.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la
Commission des relations avec les citoyens... reprend ses travaux.
Nous
recevons, donc, pour la prochaine heure, Me Delphine Roigt, conseillère en
éthique. Bienvenue, Me Roigt. Alors, lorsqu'on s'est rencontrées,
quelques secondes auparavant, je vous expliquais, vous allez avoir
10 minutes pour exposer vos constats, et
par la suite nous allons procéder à une période d'échanges avec les membres de
la commission. Alors, le temps est à vous.
Mme Delphine Roigt
Mme Roigt
(Delphine) : Parfait. Bien, je remercie... Je vous remercie, Mme
la Présidente. Députées de l'Assemblée
nationale et membres de la Commission des relations avec les citoyens, merci
beaucoup de cette opportunité que vous m'offrez de pouvoir vous faire
part un peu de mes réflexions.
Pour me présenter, d'abord, bien, je suis
avocate et éthicienne clinique dans le réseau de la santé et des services
sociaux depuis plus de 25 ans. J'ai travaillé dans tous les types
d'établissements, j'ai été impliquée dans des milliers de situations cliniques
qui font vivre des malaises éthiques aux soignants, aux équipes et aux
gestionnaires de même qu'aux usagers et leurs proches. Les principales
situations au coeur de ces consultations en éthique, bien, c'est celles qui
concernent, effectivement, l'aptitude, le consentement, le refus de soins, la
proportionnalité des soins, l'acharnement thérapeutique, le consentement
substitué, le rôle du représentant légal et aussi la fin de vie. Donc, on est
vraiment au coeur de l'application de la Loi concernant les soins de fin de
vie.
J'ai eu le privilège de présenter lors des
auditions, en 2013, et en préparation de la présente audition, je suis allée
revoir ou relire le mémoire qu'on avait présenté, à l'époque, avec
l'Association québécoise en éthique clinique. Notre principal commentaire
général sur le projet de loi, à l'époque, était la nécessité de profiter de
l'entrée en vigueur de la loi pour bonifier
l'offre de soins palliatifs et l'étendre à l'ensemble du Québec. Ce qu'on
disait à l'époque, si j'ouvre les guillemets : «D'une part, les
soins palliatifs, que l'on parle d'approche palliative ou d'unités de soins
palliatifs, sont loin d'être accessibles : manque de lits destinés aux
soins palliatifs, manque de professionnels formés, difficulté de plusieurs médecins de passer des soins curatifs aux soins
palliatifs, préjugés des soignants, des patients et des proches de même
que refus des patients et des proches d'une approche palliative et difficulté
de la société en général à accepter la fin de vie.» Je ferme les guillemets. Je
reprends ces constats mot pour mot parce que, malheureusement, la loi n'a pas
eu les effets escomptés, sauf pour la mise en oeuvre de l'aide médicale à
mourir.
Rappelons-nous les éléments centraux de
l'article 1 de la loi, hein : le droit à des soins de fin de vie dans
un continuum de soins, un soulagement des souffrances et la primauté des
volontés de la personne avec l'instauration des directives médicales
anticipées. L'intention du législateur et des parlementaires et le consensus
citoyen étaient pourtant clairs : éviter l'acharnement thérapeutique,
respecter l'autonomie le plus possible et assurer une fin de vie digne à tous
en créant un droit à des soins de fin de vie dans un continuum de soins. On a
ainsi un peu tenu pour acquis que tout était déjà en place pour les soins
palliatifs et de fin de vie, qu'il n'y avait qu'à instaurer l'aide médicale à
mourir. Force est de constater que, malheureusement, près de 10 ans plus
tard, les mêmes obstacles subsistent, les mêmes limites perdurent et les
usagers ne reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie auxquels ils ont
droit. Ils ne savent pas en quoi ils consistent, ni même certains soignants, et
un nombre encore trop important de personnes ne savent pas qu'elles sont en fin
de vie. Il faut donner un coup de barre important.
Je vous ferai ainsi part de mes inquiétudes, de
mes réflexions dans un format sans fard, direct et droit au but. Je ne me
prononcerai pas sur le libellé spécifique des articles. Je ne me prononcerai
pas non plus sur la question spécifique de l'élargissement de l'aide médicale à
mourir, il se fera. J'espère apporter à la commission des éléments de réflexion
et de considération supplémentaires dans la mise en oeuvre de l'ensemble de la
loi dans le souci du respect effectif au droit à des soins palliatifs et de fin
de vie, à une vie... à une fin de vie digne, dans un continuum, tout au long de
la vie.
Je cherche une réflexion sur différentes
valeurs, l'idée étant de ne pas promouvoir que l'autonomie, mais d'en assurer
l'exercice dans les meilleures conditions, dans le meilleur intérêt de la
personne. On ne veut plus de situations comme celle de Mme Andrée Simard, veuve
de Robert Bourassa. Les soins palliatifs et de fin de vie ne devraient jamais être une question d'être au bon
étage dans la bonne chambre, d'habiter la bonne région avec le bon code postal. On ne veut plus dire : Mon patient
n'est pas rendu là. On ne veut plus de personnes en fin de vie qui ne savent
pas qu'elles le sont, qui arrivent dans des
unités de soins palliatifs pour les dernières 24 heures. On ne veut plus
de proches qui empêchent le
soulagement adéquat de la douleur, qui enfreignent le droit de la personne à
des soins palliatifs ou à une fin de
vie digne. Et enfin on ne veut plus de professionnels de la santé ou de proches
qui vont à l'encontre de directives médicales anticipées ou des volontés
de fin de vie manifestes quant au refus de l'acharnement thérapeutique.
Alors, j'ai sept prémisses
à vous présenter dans ma réflexion. La première : bien, les soins
palliatifs et de fin de vie sont méconnus de tous et pas assez accessibles.
Alors, dans la mesure où le critère de fin de vie est devenu inopérant pour
l'aide médicale à mourir, il devrait l'être pour l'accès aux soins palliatifs.
Il faut renverser cette perception que les soins palliatifs n'arrivent qu'à la
toute fin d'une longue maladie. Il est démontré depuis longtemps qu'une approche précoce de soins palliatifs
améliore la qualité de vie et même, parfois, augmente la vie des
personnes qui en ont... qui y ont accès. Les
critères d'un, trois, six mois de pronostic pour être admis en soins palliatifs
sont devenus des dogmes qui empêchent
l'accès en temps opportun à la prise en charge de la douleur et des symptômes
dans ce continuum jusqu'à la fin de la vie. D'ailleurs, le critère de
fin de vie pour l'AMM parlait d'un pronostic pouvant aller jusqu'à un ou deux ans à l'époque. La question à poser
est : Seriez-vous surpris que cette personne décède dans la prochaine
année? Les critères d'accès aux soins palliatifs s'avèrent donc plus restreints
que pour obtenir l'AMM. Les soins palliatifs devraient intervenir dès la
récidive d'un cancer, dès le stade terminal de maladie chronique, dès la
présence de douleur, souffrance physique ou psychique qui ne semble pouvoir
être apaisée, ou à la demande de la personne elle-même, évidemment, qui a droit
d'être bien évaluée et de recevoir les soins requis par son état. Il faut avoir
la même ardeur à donner accès aux soins palliatifs et de fin de vie que celle
dévouée à l'aide médicale à mourir.
Deuxième
prémisse : les directives médicales anticipées doivent être rédigées avec
le soutien d'un professionnel de la santé et faire l'objet d'une
discussion plus tôt dans le processus et en continu. Bien que la loi soit
entrée en vigueur depuis 2015, un rapport de la Commission sur les soins de fin
de vie portant sur la période de 2015 à 2018 indique que seulement 0,5 % de la population québécoise avait des
directives médicales anticipées inscrites au registre, donc à peu près
30 000 personnes sur 6 millions d'adultes que compte le Québec.
Selon le même rapport, le registre est consulté illégalement par les médecins,
selon les régions.
Si la fin de
vie est importante, il faut en parler pas qu'une seule fois, pas qu'à quelques
jours de la fin, dans un continuum de
soins, lorsqu'une personne est atteinte de maladies chroniques, d'un cancer,
d'une maladie neurodégénérative. Le faible taux de complétion démontre
que les gens doivent être accompagnés. Le fait qu'il y ait des cas où des proches ont pu exiger des soins que la personne
n'aurait pas voulus démontre la nécessité de donner les moyens d'assurer
leur respect. La loi doit être plus ferme à cet égard, pas seulement pour les
directives anticipées d'AMM. Les DMA seront le début de la réflexion qui va
peut-être mener à des directives anticipées pour l'aide médicale à mourir. Il
faut aussi élargir notre interprétation des directives médicales anticipées,
qui sont actuellement beaucoup trop restrictives, dans le formulaire de l'INESSS, dans le formulaire qui est prévu avec... — voyons,
mon Dieu! — la
régie de la santé et qui sont... et
ne permettent pas de dire et de nommer les souffrances que l'on veut éviter.
Pouvoir notamment demander spécifiquement
les soins palliatifs et la sédation palliative à l'avance dans les DMA, ça
permettrait de nous assurer d'un meilleur consensus à cet égard et
éviter de créer un système où seule l'aide médicale à mourir a un statut
particulier.
• (12 h 20) •
Troisième prémisse : le niveau
d'intervention médicale, qu'on appelle le NIM, est essentiel à la planification
des soins de fin de vie et doit être mieux encadré. Pourquoi une personne peut
demander l'aide médicale à mourir et se retrouver à un NIM A, soit les soins
maximaux, alors qu'on oblige une personne qui veut avoir des soins palliatifs
d'être en niveau de soins D? Pourquoi une personne pourrait avoir des
directives médicales anticipées qui refusent tous les soins mais se retrouver
en un niveau de soins A? Pourquoi une personne ayant clairement manifesté son
refus de la réanimation cardiorespiratoire dans une DMA la reçoit quand même si
les paramédics et ambulanciers sont appelés à son chevet? Les NIM ne sont pas
un buffet duquel une personne choisit des soins, mais bien le résultat d'une
réflexion et une discussion entre un patient et un soignant sur des objectifs
de soins réalistes et appropriés en lien avec des objectifs de vie aussi
réalistes et actualisés. Il faut que les discussions amenées par le patient ou
le soignant abordent nécessairement les deux, les NIM et les DMA, pour aider à
faire sens et assurer la cohérence des soins, mais aussi le respect, le plus
possible, des volontés du patient tout au long du continuum des soins.
Quatrième prémisse : les directives
médicales anticipées et le niveau d'intervention médicale sont des outils
essentiels et complémentaires pour planifier la fin de vie et faire connaître
la volonté et soins... de soins et de vie. Comme pour les NIM, les DMA
devraient collaborer dans le contexte d'une relation thérapeutique et faire l'objet
de discussions avec un soignant dans une évaluation interdisciplinaire.
Présentement, les directives médicales anticipées peuvent être complétées par
une personne chez elle, sans discussion avec son médecin, parce qu'on présume
qu'elle a parlé avec son médecin, alors que, pour les directives anticipées
d'aide médicale à mourir, on a exigé ou on pense exiger cette discussion, cet
accompagnement. Il serait très difficile pour un soignant qui ne connaît pas du
tout le patient de tenter d'interpréter ces DMA. Les recherches démontrent
d'ailleurs qu'en cas de conflit, même lorsque la loi est claire, les médecins
respectent davantage les volontés des familles qui menacent de les poursuivre
si les soins sont cessés, même si cela va à l'encontre des volontés écrites et
connues du patient. Et ça, on l'a mentionné en 2013.
Les volontés de la personne doivent être
respectées afin d'éviter l'acharnement thérapeutique et assurer un
accompagnement et un soulagement adéquats pour permettre une fin de vie digne.
Il faut y mettre autant de poids que ce qui est déployé pour l'aide médicale à
mourir. Prévoir les soins que l'on voudrait recevoir au moment où l'on
deviendrait inapte et que la fin de vie est envisagée ou qu'un traumatisme subi
nous laisse dans un état que l'on jugerait inacceptable est une chose;
déterminer à l'avance les soins et services que l'on voudrait recevoir en cas
d'inaptitude de manière générale en est une autre. Il faudrait envisager une
révision à une certaine fréquence, par exemple aux cinq ans, pour assurer leur
validité et leur actualisation.
Cinquième prémisse : il faut développer un
plan québécois pour une approche intégrée des soins palliatifs et de fin de vie
obligatoire et accessible à tous. Il faut une réflexion globale sur les soins
palliatifs et de fin de vie, mettre en oeuvre les plans développés au cours des
années. Les médias relatent à plus soif des situations où les personnes ne
reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie de soulagement de la
douleur, n'ont pas accès aux soins et services
nécessaires pour leur permettre de demeurer à la maison. Il faut être sérieux à
cet égard, d'autant qu'on l'a été avec la mise en oeuvre de l'aide médicale à
mourir.
Sixième prémisse : le refus de soins ne
doit pas avoir des applications légales différentes selon que la personne
demande l'AMM ou un autre soin. La proposition est à l'effet de pouvoir passer
outre le refus de la personne inapte ou le refus catégorique dans un contexte
de directive anticipée de la... d'aide médicale à mourir. De même, d'envisager
prévoir qu'elle puisse demander à l'avance d'être contentionnée et sédationnée
pour recevoir l'AMM représente un changement drastique à l'état du droit et se
doit d'être bien évalué. Il s'agit d'un écart important au droit civil tel qu'on
le connaît et à la protection dévolue aux personnes inaptes. Dans le droit
actuel, pour passer outre le refus de l'inapte, il faut recourir au tribunal
pour l'autorisation de soins, même avec un consentement substitué. La mesure,
telle que présentée, et les avis de certaines personnes ayant présenté des
mémoires feraient en sorte de ne pas avoir à recourir au tribunal.
Pourquoi créer une telle exception? J'estime que
la même protection doit s'appliquer pour tous les soins et pour toute personne
inapte, et donc que l'autorisation du tribunal soit nécessaire pour procéder à
l'AMM par demande anticipée si la personne la refuse au moment de la faire.
Cette idée qu'une manifestation clinique découlant de la situation médicale de
la personne ne constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir,
qu'on retrouve au paragraphe 29.19 du projet de loi, est novatrice,
certes, mais crée un précédent important dans l'état du droit et dans les valeurs qui sous-tendent le droit civil
en ce qui a trait à la protection des personnes vulnérables et inaptes.
Le recours à l'autorisation du tribunal
constitue une mesure de sauvegarde essentielle et évite de créer deux
catégories de personnes : celles
qui peuvent recevoir l'AMM, malgré un refus, sans l'autorisation du tribunal et
celles dont l'autorisation du tribunal est nécessaire pour des soins
visant leur bien-être et leur sécurité, mais qu'elles refusent. Je crois aussi,
comme toute... comme d'autres personnes
l'ont proposé, qu'un protocole clinique clair doive être élaboré pour
soutenir les soignants dans l'administration
à des personnes inaptes et à l'interprétation d'un refus de soins et d'un refus
catégorique.
Finalement, septième prémisse : importance
d'avoir accès à des ressources de réflexion en éthique. Je vais prêcher pour ma
paroisse un petit peu. Je réitère la recommandation effectuée il y a
10 ans. Plusieurs conseillères en éthique participent aux réflexions de
fin de vie dans leur établissement, mais leur présence n'est pas égale partout
ni dans tous les lieux. Comme le mentionne Dr David Lussier à la page 23
de son mémoire, si on veut s'assurer que les GIS remplissent bien leur rôle, il
faudra leur donner les moyens de le faire avec des membres libérés en partie de
leurs autres tâches, des professionnels de diverses disciplines ayant une
formation adéquate et surtout la possibilité de se référer à une
personne-ressource pour leur communiquer une information fiable et précise.
Il n'est pas rare que les cliniciens soient mal
informés ou mal conseillés par les GIS, qui ne possèdent pas l'expertise ou la
connaissance nécessaire. Les conseillères en éthique sont impliquées à tous les
jours et dans toutes les circonstances, à la jonction des questions soulevées
par la Loi concernant les soins de vie. Le document de référence pour la
constitution des groupes interdisciplinaires de soutien prévoit la présence
d'une ressource en éthique. Il faudrait à
tout le moins que les GIS aient des liens formels avec les services en éthique
dans chaque établissement si la conseillère en éthique n'y siège pas.
L'éthique est utile, au-delà du prescrit, afin de déterminer ensemble, avec les
parties concernées et en fonction des valeurs qu'elles portent, qu'est-ce qui
est le mieux dans les circonstances.
En conclusion, l'engagement à l'égard de la
société québécoise, en 2013, était que la loi allait assurer un continuum de
soins jusqu'à la fin de vie. On doit constater un échec à cet égard. L'AMM est
devenue la mort que l'on souhaite par-dessus
tout, celle qui se permet d'être digne. Aussi, on avance très vite pour
l'élargissement de l'accès à l'AMM, mais on se questionne peu sur les
ressources requises.
Déjà,
plusieurs établissements ont de la difficulté à assurer une couverture
optimale, surtout avec l'élargissement aux cas de mort naturelle non
raisonnablement prévisibles. De plus, il faut réfléchir à l'impact de prendre
des ressources précieuses en clinique de la douleur, en gériatrie et en
clinique de la mémoire pour des évaluations d'AMM. Ce sera alors un choix de
société. Il faut revenir vers l'angle relationnel du soin pour tout le
continuum de fin de vie et non une autonomie s'exerçant pour exiger des soins,
faute de mieux ou seulement pour des demandes d'AMM. Et voilà!
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Roigt. Vous avez des réflexions qui
vont certainement susciter des questions. Alors, on va commencer tout de suite
la période d'échange avec la députée de Roberval. On a pris un peu de temps sur
le temps du gouvernement pour que vous puissiez aller jusqu'au bout de vos
réflexions. Alors, il vous reste 11 min 40 s.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Me Roigt, d'être avec nous aujourd'hui. Le côté éthique est
très important, là, dans le projet de loi présent. Donc, dans le projet de loi
sur l'aide médicale à mourir qu'on a aujourd'hui, on soulève des
considérations. Et est-ce qu'il y a des considérations éthiques que le projet
de loi n'aurait pas prises en compte, là? Est-ce qu'il y a des angles morts que
vous auriez vus, que vous aimeriez nous lever un drapeau?
Mme Roigt (Delphine) : Il y en
a probablement plusieurs. L'enjeu principal que... Bien, évidemment, je
rejoins... J'ai quand même écouté plusieurs personnes qui ont soumis des
mémoires. La question des souffrances actualisées et la question de limiter...
toute la réflexion par rapport à l'ouverture pour les demandes anticipées et
différencier les symptômes, par exemple, comme l'incontinence, à la souffrance
que causerait l'incontinence, là, vous avez probablement eu plusieurs exemples
qui vous ont été donnés de faits de cette nature-là, donc, c'est très important, tout ça, parce qu'une personne... On a
tous, comme individus, de la difficulté à se projeter s'il nous arrivait
des choses, puis on est tous surpris, quand quelque chose
nous arrive, de dire : Ah, mon Dieu! je ne pensais pas que je passerais au
travers.
Donc, la question de l'actualisation, la
question, donc, aussi, de bien s'assurer que l'offre clinique, elle est là.
Parce que, présentement, et c'est ce qu'on disait en 2013, je trouve que le
projet de loi, encore une fois, met beaucoup d'accès sur l'autonomie, en tenant
pour acquis que les gens font des choix tout... tout éclairés. Mais on a tous
nos chambres d'échos, on a tous nos biais aussi. Et à tous les jours, je vous
le dis, à tous les jours, j'ai encore des gens qui ne savent pas ce que sont
les soins palliatifs, qui ne savent pas qu'ils pourraient y avoir accès. Donc,
pour moi, vraiment démystifier ça... Et c'est pour ça que, tout le long de mon
propos, je parle bien de soins palliatifs et de fin de vie, parce que, pour
moi, c'est deux choses différentes. On peut être en soins palliatifs très
longtemps.
Je vais vous donner un exemple. Ma cousine
Claire est née avec sept malformations au coeur. Claire, c'est une miraculée de
l'Institut de cardiologie de Montréal. Claire est née en fin de vie parce que
Claire, elle savait que jamais elle ne guérirait de son coeur. Donc, quand on
essaie de regarder la personne sur son continuum de soins puis qu'on dit :
Est-ce qu'elle est dans guérir, stabiliser ou en fin de vie... Claire était en
stabiliser pendant très, très longtemps. Elle est décédée à 59 ans, il y a
déjà trois ans. Et on l'a accompagnée, notre famille, ma cousine et moi, dans sa fin de vie. Et Claire croyait que les
soins de fin de vie, croyait que les soins palliatifs, c'étaient pour le
mouroir, aux dernières minutes. Claire a réussi... on a réussi à la convaincre
d'en bénéficier pendant moins de 24 heures. Dès que sa douleur a été
soulagée correctement, elle s'est laissée aller. Mais elle a souffert, les
dernières années.
Et donc moi, en tant que cousine, en tant que
membre d'une famille, en tant qu'éthicienne, je ne peux faire autrement, de me
dire : Par ses croyances et par les croyances partagées aussi par l'équipe
médicale, à quelques égards, et je ne porte pas de jugement sur l'équipe
médicale parce que c'est des équipes médicales qui se sont suivies pendant les
59 ans de vie de Claire, mais Claire n'avait jamais vraiment compris
qu'elle était née en fin de vie, et donc c'est ça, le biais. Et donc on a
beaucoup de travail à faire avec toutes les personnes qui ont des... qui ont
des maladies terminales chroniques, des cancers, etc., parce qu'on a rarement,
très peu de discussions avec elles à des moments précis pour les accompagner.
• (12 h 30) •
Mme Guillemette : Ça m'amène à vous
demander... je vais faire un lien avec ce que vous venez de dire : Comment
faire? Est-ce qu'il y a des moyens à mettre en place pour ne pas que la demande
d'aide médicale à mourir soit en lien avec
un manque de services ou un manque de... Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut
mettre concrètement, là, dans notre projet de loi?
Mme Roigt (Delphine) : Mon réflexe,
ce serait de vous dire... OK. Mon réflexe, ce serait vous dire qu'il faudrait que la personne ait essayé ou ait vraiment
eu accès à des soins palliatifs et de fin de vie pour qu'elle voie. Un
peu comme le lien que vous faites avec les troubles... les troubles neuro...
les handicaps ou les troubles neuromoteurs quand
on... J'ai beaucoup entendu... Les gens disent : Bien là, elle ne pourra
pas demander l'AMM si elle n'a pas tenté une certaine réadaptation, il
faut qu'elle se laisse du temps. Mais c'est la même chose au niveau des autres
soins. Les gens ne savent pas que leur douleur peut être apaisée si on ne leur
a jamais offert et s'ils n'ont jamais essayé ce qui peut leur permettre de ne pas souffrir. Bon, une fois que je dis ça, je
vais avoir tous les avocats de la planète, y compris moi qui suis
avocate, qui vont vous dire : Ça va à l'encontre de l'autonomie, la
personne a le droit de refuser. Oui, mais comment savoir que ses souffrances ne
sont pas...
Mme Guillemette : Apaisables.
Mme Roigt (Delphine) : ...on ne peut
pas... apaisables dans des conditions optimales si les conditions optimales, tu
ne les as jamais essayées? Ça fait que je le sais que ça a l'air très
simpliste, ce que je vous dis, mais, présentement, et c'est ce qu'on voit dans
les médias, et je n'aime pas reprendre juste les médias parce qu'il y a du...
du sensationnalisme là-dedans, puis c'est réducteur, c'est une chambre d'écho,
ça aussi, mais il y a beaucoup de gens à qui on offre l'AMM parce qu'on ne sait
pas qui pourrait être admissible. Donc, quand je vous parle des critères de un, trois, six mois qu'il faut enlever, là, pour
avoir accès aux soins pals, il faut... il faut changer cette dynamique-là,
il faut... il faut dire... quelqu'un qui
présente une situation qui serait admissible à demander l'AMM, bien, c'est
parce qu'elle est aussi admissible à demander les soins palliatifs. Ça
fait que je ne sais pas ce qu'il faut changer dans la loi, mais ça, il faut que
ça soit clair dans le libellé, dans la façon dont on nomme les choses. Il
faudrait que je fasse un exercice peut-être plus attentif pour vous aider plus
en détail, mais, assurément, il faut que ça soit clair.
Mme Guillemette : Parfait. Merci.
Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Merci beaucoup.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Me Roigt. On va
poursuivre la discussion avec la députée d'Abitibi-Ouest. Il reste 4 min
38 s.
Mme Blais : Merci
beaucoup, maître. Je voudrais vous entendre sur la dignité des individus.
Alors, la demande médicale à mourir, la souffrance, j'aimerais vous
entendre, avoir votre point de vue à ce sujet.
Mme Roigt
(Delphine) : Bien là, c'est l'éthicienne qui ne connaît pas assez bien
ses philosophes, là, ça va... ça va peut-être vous faire rire ou faire rire
certains. Moi, je crois vraiment à la dignité intrinsèque de la personne. La
dignité, c'est... c'est la personne elle-même qui décide ce qui est digne pour
elle ou pas, ce n'est pas dans le regard de l'autre. Donc, cette idée que c'est
indigne d'être incontinent, que c'est indigne de se ramasser en CHSLD, que
c'est... je veux dire, je trouve ça triste, comme société, qu'on porte ce
jugement-là, qu'on n'ait pas le goût de se retrouver là comme personne ou
que... qu'on trouve ça difficile. Que nos parents se soient retrouvés dans ces
situations-là, c'est une chose, mais... mais d'en faire un critère de
dignité... Pour moi, l'indignité, c'est la personne qui n'a pas accès aux soins
dont elle a besoin. L'indignité, c'est que, comme société, justement, comme on
a vu un peu dernièrement que, parce que tu n'es pas dans le bon code postal, tu
ne puisses pas recevoir les soins à domicile qui
te permettraient de rester à domicile et de mourir de la façon que tu veux
mourir. Donc, je suis très stricte là-dessus. Pour moi, la dignité, elle est intrinsèque, chaque humain... chaque être
humain est digne. Et c'est... c'est cette approche personnalisée, hein, qui est prévue, d'ailleurs,
dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, qui...
approches personnalisées avec toutes les dimensions de la personne puis qui
vont nous permettre de voir qu'est-ce qui est digne pour vous, qu'est-ce qui est important pour vous, qu'est-ce qui fait
sens, qu'est-ce qui constituerait un non négociable que vous... auquel
vous ne voulez absolument pas arriver. Et c'est ça, les discussions qu'on doit
avoir avec les personnes en fin de vie, avec les personnes qui veulent de
l'aide médicale à mourir ou même l'aide anticipée à l'aide médicale à mourir.
Il faut que ça fasse sens pour elles, et c'est ce travail-là qu'il faut faire
avec elles.
Mme
Blais : Que répondez-vous à une famille lorsque la
personne n'est pas... elle a un diagnostic de cancer et elle dit : Moi, je ne veux pas être un
fardeau pour ma famille, je veux en finir le plus vite possible? Quelle est
votre réponse?
Mme Roigt (Delphine) : Bien, chaque
famille a son histoire, hein?
Mme Blais : Comment juger?
Mme Roigt
(Delphine) : Chaque famille
a son histoire. Mon expérience de plus d'un millier de consultations en éthique me démontre que, même... même quand les
familles sont épuisées, ce temps-là qu'elles ont avec leurs proches en fin de vie, surtout si elles sont accompagnées,
donc accompagnées par des soignants, accompagnées par des soins et des
services, par des bénévoles... Il y a tellement de services qui sont offerts.
Le problème, c'est d'y avoir accès, donc.
Mais c'est...
ce que je réponds, c'est que ça serait le fun d'avoir une discussion où un
tiers un peu neutre vous accompagnerait, tu sais, la personne malade et
ses proches, pour venir avoir cette discussion-là. Il y a des gens qui font ça, il y a des thanadoulas qui font ça, il y
a des travailleuses sociales qui font ça. Il y a plein de gens, dans le
réseau, qui permettent ces discussions-là pour venir vraiment dire : Tu
n'es pas un poids, ou voici ce que je trouve difficile, ou... C'est des
conversations qui sont... qui sont difficiles à avoir, effectivement.
Mme Blais : Je vous remercie
beaucoup.
Mme Roigt (Delphine) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Me Roigt,
on va poursuivre nos discussions avec l'opposition officielle, qui bénéficie de
12 min 23 s. Je crois que c'est la députée de Westmount—Saint-Louis
qui va prendre la parole.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Bonjour.
Mme Roigt (Delphine) : Bonjour, Mme
Maccarone.
• (12 h 40) •
Mme Maccarone : Merci beaucoup de
nous aider dans notre réflexion, Me Roigt, c'est très intéressant de vous
entendre parler. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je veux vous ramener sur la
question de demande anticipée. Vous l'avez abordée un peu dans vos remarques
ainsi que dans votre mémoire, vous parlez de : ils doivent être rédigés
avec un soutien d'un professionnel de la santé. On a entendu plusieurs points
de vue là-dessus. L'Ordre des notaires, eux, évidemment, ils pensent que ça va
être important que ça soit fait avec eux.
Ce n'est pas une question d'être pour ou contre.
Je souhaite vous entendre là-dessus parce que, dans le but de protéger les
personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à faire
une demande anticipée. Puis on a aussi entendu, hier, l'ordre des... les
omnipraticiens, les médecins qui ont dit qu'eux, ils ne souhaitent pas être
responsable de déposer ces demandes dans le registre. Vous dites aussi qu'ils
ne sont pas consultés d'une façon équitable, dans le fond, puis c'est sérieux.
Alors, les balises que nous avons besoin en ce qui concerne les demandes
anticipées, puis de toujours garder la notion on veut que ça soit facile,
accessible.
On a aussi parlé de c'est qui qui devrait
accompagner la personne. Vous avez parlé d'un renouvellement à chaque cinq ans,
mais, quand on est en fin de vie, peut-être, puis on fait une demande
anticipée, peut-être cinq ans, c'est trop long dans certains cas. Alors, un peu
votre vision là-dessus.
Mme Roigt (Delphine) : Merci de votre
question. Les directives médicales anticipées actuellement, telles qu'elles ont
été conçues, elles ne... elles ne remplissent pas l'objectif, selon moi,
pour... pour plein de raisons. Et là je vais vous référer
au... au temps où j'étais à mes études de doctorat, que je n'ai pas complétées,
mais quand même. J'avais étudié l'équivalent américain, là, des directives, les
«advance directive», tout ça. Et ce qui était dit à l'époque, c'était :
un, le médecin attend que le patient amène la question, que le patient attend
que le médecin aborde la question. Donc, on se ramasse avec deux groupes ou
deux personnes qui attendent que l'autre aborde la question. Et la finalité
était que, peu importe qu'on y... ce qui était écrit, si la famille contestait,
bien, le médecin avait peur des poursuites et finalement ne faisait pas ce qui
était écrit dans les directives médicales anticipées. Donc, tout ça, moi, à
l'époque, m'avait amené à réfléchir. Puis, dans le fond, c'est un bel effort
qui a été fait avec la première mouture de la loi, mais, comme je le mentionne,
de mettre juste quatre ou cinq soins avec est-ce qu'on accepte ou on refuse, je
trouve que ce n'est pas suffisant. Ça ne nous donne absolument aucune idée sur
le sens de la vie de la personne, ce qu'elle... ce à quoi elle aspire en
fonction d'une maladie à venir. Donc, il faut amener la personne à se projeter,
et la personne, quand elle parle, bien, selon qu'elle est en pleine santé... en
pleine forme ou en bonne santé versus quelqu'un qui serait déjà atteint d'une
maladie, bien, vous allez avoir des directives médicales anticipées qui vont
être particulières.
Et donc, moi, je pense qu'il y a quelque chose
qui faut qui soit revu à ce niveau-là, complètement, parce que juste
dire : Je veux être réanimée ou pas, je veux de la dialyse ou pas, je veux
être alimentée artificiellement ou pas, ce n'est pas approprié parce que tu
peux vouloir être... Tu sais, moi, j'ai toujours dit : Moi, je suis prête
à être réanimée ou qu'on tente de me réanimer si je suis à l'hôpital puis que
vous me trouvez dans les 10 prochaines... dans les 10 minutes que je ferais mon arrêt cardiorespiratoire. Mais, si
vous ne savez pas quand est-ce que ça s'est passé, bien, je ne veux pas
qu'on tente de le réanimer, mais je n'ai pas l'espace pour expliquer ça dans
les directives médicales anticipées telles qu'elles sont rédigées. Et là
pourquoi je demande qu'il y ait une discussion, c'est que toute cette idée de
sens, là, présentement, il est discuté pour les directives anticipées d'aide
médicale à mourir, on n'a pas refait la réflexion, on ne le repropose pas pour
les directives médicales anticipées normales, entre guillemets, là, sans AMM.
Donc, je pense qu'avant d'aller vers les
directives médicales anticipées pour l'AMM, il faut revoir notre façon de faire
les directives médicales anticipées. Je pense qu'il faut que ça fasse l'objet
d'une discussion obligatoire en interdisciplinarité, surtout quand on a déjà
des problèmes de santé. Si on est en pleine forme, on est en pleine santé, ça
pourrait être autre chose à ce moment-là, peut-être, puis il y aurait les
directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir. Mais, comme je
l'ai dit aussi dans mon document, il faut qu'il y ait une cohérence entre les
directives puis le niveau de soins, tu sais, s'assurer que, si je ne veux pas
d'acharnement thérapeutique, bien, il faut que
ça soit clair partout que je ne veux pas d'acharnement thérapeutique puis que
je ne veux pas être réanimée sous aucun prétexte. Là, présentement, on a
différents documents qui peuvent avoir des... des contradictions, puis, bien,
bien honnêtement, ça fait en sorte que, dans les faits, les médecins, ils ne
voudront pas le faire contre les familles. Donc, on a beaucoup encore de
demandes d'acharnement thérapeutique à la demande des familles. C'est ça, la
réalité.
Mme Maccarone : Ça m'amène à une
autre question. Parce que vous avez abordé la question du refus versus refus
catégorique, puis je pose la question au fur et à mesure aux groupes qui
viennent témoigner. Puis vous avez introduit une notion que je trouve
intéressante, si... mettons, la différence entre refus et refus catégorique,
parce que, là, on n'arrime pas avec le Code civil, puis on peut se retrouver
devant le tribunal parce qu'on a des familles qui vont dire : Bien, ça,
c'était un refus catégorique ou un refus, mais la personne est inapte rendue à
ce moment-là. Je trouve très complexe cette
notion de refus. C'est-tu une résistance? Est-ce qu'il y a une façon que nous
devons l'aborder dans la loi pour assurer qu'il n'y a pas de dérive puis
qu'on ne fait pas fausse route, des amendements, peut-être, pour assurer que
les personnes qui souhaitent refuser sont aussi pleinement protégées, ainsi que
leurs proches?
Mme Roigt (Delphine) : Bien, j'ai
deux options pour vous. La première, je la nomme, c'est de demeurer... de garder la balise qui est celle du recours au
tribunal, l'autorisation du tribunal en cas de perception de refus. Ce
qu'il faut comprendre, là, le... tout le monde a le droit de refus, ça, c'est clair.
Mais le Code civil en 1992, quand il a été réformé,
l'idée, c'était : On veut ajouter un degré supplémentaire, hein? Nous, on
sortait, là, en 1992, il faut se rappeler de ça, de l'intention du législateur, le refus catégorique de l'inapte, c'était pour
permettre aux gens qui étaient en institution de... qui refusaient des
soins, de ne pas finalement le faire contre leur gré, et donc d'aller chercher
l'autorisation du tribunal. On voulait protéger nos personnes en institution
qui avaient subi des abus, puis il y avait eu, hein, des scandales. C'est quoi, un refus catégorique d'une
personne devenue inapte? Nous, autant en soins, qu'en éthique, qu'en
droit, moi, ce qu'on m'enseigne, c'est quand la personne se débat. Là, ce que
j'entends dans certains mémoires, de bouche
à oreille, c'est : Ah! bien, on va la contentionner puis on va la
sédationner pour lui donner parce qu'elle refuse catégoriquement. Ah!
OK. Ça fait qu'on fait ça pour l'AMM, mais, quand on a une personne qui a des
troubles de santé mentale, qui demande... qui a besoin de soins, mais qui les
refuse catégoriquement, elle, on va continuer à aller chercher l'autorisation
du tribunal parce qu'elle veut vivre, parce qu'on veut qu'elle vive. Ça ne
marche pas, là, il y a quelque chose... pour moi, ça ne fonctionne pas.
Mme Maccarone : ...
Mme Roigt (Delphine) : Ça fait que
ça, c'est autorisation du tribunal ou mettre en place ce que j'appelle un
bureau du consentement de l'inapte. Il y a ça aux États-Unis, il y a ça en
Ontario, il faudrait que je fouille la question un peu plus. Mais est-ce qu'on
pourrait, à ce moment-là, avoir...
Mme Maccarone : Nous sommes en train
de fouiller avec vous.
Mme
Roigt (Delphine) : Oui. Quelque chose de mitoyen qui permet,
finalement, d'éviter le tribunal, qui, pour certains, constitue quelque chose
d'assez lourd, pour aller chercher vraiment le sens du soin, puis d'être capables d'avoir aussi, peut-être, une certaine
jurisprudence plus sérieuse des cas pour être capables de bien
manoeuvrer là-dedans. Donc, c'est une option.
Mme
Maccarone : Merci des précisions très intéressantes, puis nous sommes
en train, je pense, tout le monde autour de la table, de faire une petite
recherche.
Une
dernière question pour vous, éthique. On a entendu aussi hier, les médecins
souhaitent ne pas être obligés d'offrir l'aide médicale à mourir, alors
la notion qu'eux aussi peuvent refuser de l'appliquer. Mais, en contresens,
dans la loi, on exige maintenant, auprès de toutes nos maisons de soins
palliatifs, d'offrir l'aide médicale à mourir. Est-ce que ça se peut que nous
ferons face à une situation où les médecins qui oeuvrent dans une maison de
soins palliatifs peuvent tous refuser de l'offrir? Éthiquement, c'est quoi
notre rôle, comme législateur, pour s'assurer que les soins sont offerts
équitablement à travers le réseau, mais qu'on respecte aussi les personnes
professionnelles de la santé? Parce qu'eux aussi, ils ont des valeurs qu'ils
amènent à la table, puis on souhaite avoir quand même un équilibre dans cette
loi. Mais ça peut être une réalité. Comment devons-nous le traiter dans la loi?
• (12 h 50) •
Mme Roigt
(Delphine) : Ça demeure un dilemme éthique pour moi. L'objection de
conscience, peu importe la raison, existe pour les professionnels de la santé,
première chose. Deuxième chose, il faut se rappeler que c'était une loi sur les
soins de fin de vie, que c'était un soin, dans un continuum de soins qui
fonctionnait parce qu'on était en fin de vie. Là, on enlève la fin de vie, on
élargit, puis là on veut élargir encore. Mettez-vous à la place des soignants, et pas les plus rébarbatifs. Moi, je
parle avec tout le monde, là, puis j'ai des médecins de... médecins
généralistes, j'ai des médecins spécialistes, j'ai toutes sortes de médecins
qui me parlent puis qui me disent : Moi, là, Delphine, là, le donner en
directive médicale... en directive avancée à quelqu'un qui serait, comme on les
appelle, un Alzheimer heureux ou un dément heureux, je ne sais pas comment je
vais... je débarque. Ça fait que ça, c'est un exemple.
L'autre exemple que
j'ai, c'est, depuis l'arrivée du critère de mort non raisonnablement
prévisible, là, le «track one»... «track
one», «track two», là, qu'on voit avec la loi canadienne, et tout ça, il y a
vraiment une complexification des cas, il y a vraiment une complexité,
il y a vraiment... et pour plein, plein, plein de raisons. Et déjà il y a
beaucoup de médecins qui me disent :
Aïe! Ce n'est pas pour ça que j'avais signé, là. Moi, j'embarquais, puis ça
faisait du sens, parce que je
soulageais quelqu'un qui souffrait, puis ce que j'avais à lui offrir ne fonctionnait
pas, puis je l'accompagnais là-dedans. Là, j'ai des gens qui sont... tu
sais, qui ne sont pas en fin de vie, qui ont des... qui ont des handicaps, qui ont des problèmes de santé, certes, graves, mais
qui n'ont pas accès à un ascenseur, qui n'ont pas accès à un appartement
adapté, qui ont... puis qui ont plein
d'autres facteurs, puis, oui, il y a une souffrance qui est là, mais c'est long
à évaluer.
Et donc, déjà, on
sent que... hein, je le disais dans mon document, il y a beaucoup d'établissements
qui, présentement, n'arrivent pas ou... en tout cas, moi, j'ai fait même des
réflexions, avec certains établissements, sur : Est-ce qu'on devrait avoir une liste de priorisation de nos cas d'AMM,
un peu comme on a dû le faire pour les chirurgies en cas de pandémie?
Parce qu'on... parce qu'il y en a beaucoup, il y a une augmentation quand même
de 30 % par année, puis vous remarquerez que le nombre de médecins
augmente, mais pas proportionnellement non plus.
Donc,
vous me demandez quoi faire dans votre... dans le projet de loi. C'est un soin,
il devrait être offert partout, mais
on ne pourra jamais... Tu sais, si vous me dites : Je ne peux pas
forcer... Tiens, je vais vous faire un parallèle puis je n'ai pas la
réponse. Si vous me dites : Je ne peux pas forcer quelqu'un à essayer des
soins pal, s'il ne veut pas, parce que son autonomie prime, je ne vois pas
comment je peux forcer un médecin. Je trouve que le soin n'a pas de sens pour
lui, dans ces conditions-là, de le donner, le médecin ou l'IPS, par ailleurs.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Je dois vous quitter... de... Vous quitter...
Je ne vous quitterai pas, je suis encore là.
Je dois vous couper, par contre. Le temps... le temps de l'opposition est
terminé, mais on a encore un 4 min 8 s avec la deuxième
opposition représentée par la députée de Sherbrooke. Alors, vous allez avoir
encore du temps pour exprimer vos pensées. Le temps commence pour vous
maintenant.
Mme Labrie : Merci,
Mme la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous êtes habituée
d'être confrontée à des situations difficiles. On a des gens qui sont venus
témoigner ici qu'elles avaient été, soit
elles-mêmes ou d'autres personnes, non informées de leur droit d'avoir accès à
l'aide médicale à mourir dans des situations assez émotives, là, où
parfois certains ont tenté d'attenter à leurs jours eux-mêmes sans savoir
qu'ils avaient accès à ce soin-là, déploraient que leur médecin ne leur en
avait pas parlé.
On a d'autres
personnes qui ont témoigné de la violence aussi de se faire proposer l'aide
médicale à mourir, de se faire parler de ce soin-là, alors que ce n'est pas du
tout là où ils sont rendus ou, en tout cas, que ce n'est pas leur intérêt de
réfléchir à ça.
Vous nous avez
mentionné que les soins palliatifs ne sont pas toujours bien compris non plus,
qu'il faudrait en parler aux gens. J'imagine que, compte tenu des préjugés qui
existent sur les soins palliatifs, ce n'est pas toujours facile d'aborder ça
non plus avec quelqu'un qui n'est pas préparé, pour qui ça veut dire : Je
vais mourir.
Comment on peut
trouver l'équilibre entre bien informer les gens de leurs droits, s'assurer
qu'ils connaissent leurs droits, mais, en même temps, s'assurer de ne pas non
plus les heurter ou que ou que ce soit reçu... Parce que, tu sais, le mot
«violence» a été utilisé, là, par rapport à recevoir de l'information non
sollicitée.
Mme Roigt (Delphine) : Tout ça se
fait dans une relation thérapeutique. Donc, si, à la base, il y a... tu sais,
puis ça, c'était une des questions qu'on avait soulevées en 2013 : C'est
la responsabilité de qui? Quand quelqu'un présente
plusieurs troubles de santé, il y a plusieurs professionnels, c'est la
responsabilité de qui? Puis ce n'est pas toujours la personne avec laquelle on
a le plus de liens qui va, des fois, aborder ces questions-là, ça va être, tu
sais, peu importe, puis le moment ne sera pas très bien choisi.
Je pense que, si on est sérieux, je reviens à
peut-être certains indices que je vous ai donnés tout au long du document, si
on est sérieux avec cette idée d'une loi concernant les soins de fin de vie
dans un continuum, bien, il faut mettre toute la gomme pour avoir des équipes
dédiées, pour avoir des gens formés, pour avoir des déclencheurs dans le dossier de l'usager, de la personne, qui
nous permettent de dire : Oups! OK, là, par exemple, son cancer, il y
a une récidive de son cancer, bon, bien, la discussion, il faut qu'elle ait
lieu. Si elle n'a jamais eu lieu, il faut qu'elle ait lieu, si elle a déjà eu
lieu, il faut qu'on la reprenne.
Si quelqu'un arrive, que ce soit une maladie
rénale, cardiaque, pulmonaire, mais qu'on arrive au stade terminal, le stade terminal, ça ne veut pas dire
que tu vas mourir demain matin, le stade terminal, ça veut dire tu étais
dans le guérir, là, tu as une maladie chronique, eh bien, tu es dans stabilisé
parce que tu ne guériras jamais de ta maladie chronique,
puis, éventuellement, ton stabilisé, il commence à moins fonctionner, puis là
il faut commencer à envisager un soin de fin de vie. Mais, le stabilisé,
c'est... c'est finalement le début de la discussion, parce que, dès que c'est
chronique, ça veut dire qu'il faut que tu apprennes à vivre avec la maladie,
que tu apprennes à vivre avec. Donc, si on ne le fait pas en continu...
Puis là, bien, il va y avoir des médecins qui
vont vous le dire : On ne veut pas leur faire perdre l'espoir, tout ça,
tout ça. Je le comprends, c'est toujours un balancier. Mais je pense qu'en
ayant des équipes dédiées, en ayant une réflexion vraiment proche de la personne...
Bon, la personne va nous dire qu'est-ce qu'elle a le goût d'entendre. Qu'est-ce
que vous connaissez de votre maladie? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que vous avez
en... Qu'est-ce que vous avez comme questions? Tu sais, il y a des... il y a
tellement de façons d'aborder ces questions-là. Ce n'est pas tous les médecins
qui sont formés là-dessus, hein? Les discussions de fin de vie, là, il ne faut
pas se leurrer, là, ce n'est pas tous les... tu sais, je veux dire, les
médecins l'apprennent dans leur formation, puis là je parle juste des médecins,
mais ça vaut pour les autres professionnels, mais ils n'ont pas beaucoup de...
d'occasions pour vraiment le tester, puis de se faire évaluer, puis d'avoir une
rétroaction. C'est quelque chose qui s'apprend. Et donc d'espérer que la TS de
l'équipe va le faire ou que, tu sais... Il faut qu'il y ait une mobilisation
là-dessus dans nos équipes pour éviter tout ce que vous avez dit, pour éviter
que, si on l'aborde trop tôt puis que la personne n'est pas contente, bien, il
faut récupérer. Est-ce que... est-ce qu'on l'a abordé trop tôt parce qu'on ne
connaissait pas bien le diagnostic puis le pronostic
ou c'est parce que, vraiment, la personne n'était pas au courant? Tu sais, il y
a plein, plein, plein de facteurs qui rentrent en ligne de compte dans
ce que vous me dites.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions.
Au nom des membres de la commission, à nouveau, un grand merci pour ces
réflexions. Ça va alimenter les nôtres, évidemment.
Alors, pour les membres de la commission, je
suspends jusqu'à 15 heures, où nous allons entamer la dernière ronde de
rencontres pour notre mandat. Merci beaucoup, tout le monde.
Des voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 03)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses
travaux en ce mercredi 29 mars. Nous avons encore deux rencontres.
Nous allons commencer par celle qui est représentée par M. Steven
Laperrière et M. Laurent Morissette, c'est-à-dire le Regroupement des
activistes pour l'inclusion au Québec. Bienvenue, messieurs.
Alors, comme vous pouvez voir, nous sommes un
bon groupe de parlementaires qui sommes prêtes, parce que c'est toutes des femmes, à vous entendre. Vous allez disposer d'une
période de 10 minutes pour présenter votre... les grandes lignes de
votre mémoire, et va suivre ensuite une période d'échange avec les
parlementaires, les membres de la commission. Alors, le temps commence pour
vous dès maintenant.
Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec
(RAPLIQ)
M. Morissette
(Laurent) : Merci. Merci, Mme la Présidente et Mmes les membres de la
commission. Comme vous le savez, mon nom est Laurent Morissette. Je suis
trésorier du RAPLIQ, qui est, comme vous le savez, le Regroupement des
activistes pour l'inclusion au Québec, qui est un organisme national fondé en
2009, qui accompagne et fait part de revendications pour les gens en... pour la
défense des droits des personnes en situation de handicap depuis 2009. Et puis,
sur un plan personnel, je peux vous dire que je suis avec le RAPLIQ depuis
2011, mais le RAPLIQ a suscité chez moi un esprit de pugnacité pour la défense
des droits des personnes en situation de handicap. Et puis je ne peux qu'être
honoré d'être ici aujourd'hui pour discuter de l'enjeu... des enjeux
fondamentals qui couvrent ce projet de loi sur l'aide
médicale à mourir. Et puis, sur ce, je laisse la parole à mon collègue, le
directeur du RAPLIQ, M. Steven Laperrière.
M. Laperrière
(Steven) : Merci, Laurent. Mesdames les parlementaires, premièrement,
merci beaucoup de nous accueillir et de nous inviter à exprimer notre opinion
parmi... dans le cadre de ces travaux fort importants. Cette opinion qu'on
vient porter aujourd'hui, c'est une opinion qui vient d'un peu partout au
Québec, de nos membres, de nos partenaires,
de nos fournisseurs, de nos amis. Alors, on a vraiment travaillé à vous amener
de meilleures opinions qu'on pouvait... les meilleures inquiétudes puis
les meilleures questions.
Au cours de la
rédaction de ce mémoire et de la préparation de cette audience, deux valeurs
fondamentales ont guidé notre préparation, c'est-à-dire la plus importante sera
toujours la qualité de vie, et la deuxième valeur, la dignité au moment du
départ. En préparation de ce mémoire, on a essayé de trouver la meilleure
définition possible du terme «handicap», car la définition du handicap peut
varier selon les contextes et les perspectives. En général, le handicap se
réfère à une limitation physique, mentale ou sensorielle qui affecte les
activités quotidiennes d'une personne et qui
peut poser des obstacles à sa participation pleine et entière dans la société.
Il est important de noter que le handicap ne doit pas être considéré
comme une caractéristique intrinsèque de la personne, mais plutôt comme le
résultat d'une interaction complexe entre les limitations de la personne et les
barrières sociales et environnementales. En
d'autres termes, le handicap est une construction sociale qui est influencée
par les attitudes et les normes de société, et ces barrières sont
présentes aussi dans le système de santé. Il est important de noter, et c'est
un des principes qui a guidés notre... nos travaux aussi, est de noter que des
personnes atteintes d'un handicap ont les mêmes droits que les autres membres
de la société et doivent être traitées de manière égale et équitable. Nous
souhaitons évidemment que les travaux que vous menez tiennent compte de cet
aspect.
Un
autre constat général quand on pense au handicap, c'est que, souvent, les
discussions que nous avons entre nous
et avec des partenaires, membres, et tout ça, c'est que, souvent, ces
discussions-là se concluent avec comme seule logique que les personnes handicapées coûtent cher à la société, que ce
soit en soins de santé, que ce soit en hébergement, en institution ou
soins à domicile, d'aide à la mobilité, etc., sans parler des adaptations,
accommodements physiques qu'on doit apporter au lieu, que ce soient les cliniques,
que ce soient des appareils tels des lève-personnes, telles des tables d'examen
accessibles ou des équipements à rayons X où il faut nécessairement être
debout pendant longtemps, bien, pour des personnes comme Laurent, ça ne
fonctionne pas.
Alors, il faut penser
à tout ça, et c'est toujours des coûts exceptionnels. Et, ceci expliquant cela,
j'imagine que vous n'êtes pas sans savoir, un fort pourcentage de la population
des personnes handicapées décèdent de d'autres causes que celles qui les handicapent,
par manque d'accès au système de santé. C'est une réalité. On pourrait parler
des cliniques de mammographies, entre autres. Contradictoirement à ça, les
personnes handicapées représentent une source de revenus constante et
importante aux médecins spécialistes et surtout aux chercheurs. Alors, il y a
une contradiction, puis c'est une contradiction qui est présente dans le
discours des personnes en situation de handicap.
Revenons à l'aide
médicale à mourir, un petit rappel historique auparavant. Est-ce que...
Lorsqu'on lit toutes les interventions,
est-ce que nous n'avons pas appris du décès de M. Gabriel Bouchard, qui,
en 2015, se sentant abandonné par le système et face à des perspectives
de vie inacceptables en institution pour lui, dans des conditions assez incroyables, préféra se laisser mourir de faim,
alors qu'il aurait pu vivre encore une dizaine d'années avec un système
de support adéquat? Malheureusement, on en est aujourd'hui à parler de ça et on
espère que c'est... les travaux que vous menez vont apporter une solution à ça.
Lorsqu'on parle
d'aide médicale à mourir, on a peur aux abus, on a peur aux dérives. Je vous
raconte une histoire vécue d'un de nos membres qu'on connaît très bien. Un
homme d'une soixantaine d'années, malade, vivant seul, sans un vrai système de support familial, outre le soutien de sa
famille du RAPLIQ, parce qu'il est sur notre CA puis il nous considère comme sa famille, qui se fait
dire par le responsable de son équipe interdisciplinaire : Écoute, tu
prends plus d'une trentaine de pilules par jour, ton état ne s'améliore pas, tu
veux continuer comme ça encore longtemps? Tu auras peut-être une grande
décision à prendre bientôt. Il s'est fait dire ça par son infirmière pivot.
Avec quoi vous pensez qu'il est reparti chez eux? Il a dit : Coudon, elle
est-tu en train de me demander de prendre la piqûre, là? C'est avec cette
impression-là qu'il est parti. Est-ce que c'est ça qu'elle voulait dire? Je ne
peux pas le dire, puis lui non plus, mais c'est l'impression qu'il a eue.
• (15 h 10) •
Quand on entend ce
genre de propos, et malheureusement on l'entend plus souvent qu'on le voudrait,
ce n'est pas un cas unique, à lire certains mémoires et certains commentaires
émis ici, en personne, il est à se demander si certains ne sont pas en train de
se substituer à Mère Nature, ou à quelconque Dieu, ou, pire encore, de vous
demander de réfléchir à légaliser une nouvelle action T4 maquillée. C'est
l'impression qu'on a en lisant certains mémoires. Dans ce contexte, doit-on
vraiment se surprendre du nombre croissant de mémoires et d'exécutions de ces
demandes? Le rapport annuel de la commission sur les soins de vie révèle ces
statistiques. En 2021-2022, 5 % des Québécoises et des Québécois qui sont
décédés ont reçu l'aide médicale à mourir dans leur trajectoire vers le décès,
ce qui représente 3 663 personnes. C'est quand même un nombre assez
important.
Et, plus haut, nous
mentionnons que le débat que nous tenons est signe d'une société saine, et je
le pense vraiment. Les débats qu'on a aujourd'hui, c'est sain, mais nous avons
presque envie de reprendre ces mots, car est-il vraiment sain qu'une société
accorde plus d'importance à l'aide médicale à mourir qu'à l'aide médicale à
vivre? Pire encore, comme je le mentionnais dans le cadre, là, de monsieur, qui
est un de nos membres, pire encore, que cette future loi suggère à chaque
individu, et parfois subtilement, comme ça a été le cas, encouragé par le
système, comme mentionné précédemment,
laissé à lui-même, sans système de support familial, amical, social ou médical,
l'encourager... Est-ce qu'on l'encourage à vivre ou est ce qu'on l'encourage à
mourir? La question se pose.
Alors, bien que favorable
à l'aide médicale à mourir pour éviter une fin de vie indigne et des douleurs intenables, le RAPLIQ émet des craintes quant à
l'élargissement des critères d'admissibilité proposés par le
gouvernement. Il recommande que les patients aient accès à des soins palliatifs
de qualité et que leur décision d'opter pour l'AMM soit... soit éclairée et
volontaire. Les soins palliatifs, qui peuvent également aider les patients à
trouver un sens et une signification à leur vie alors qu'ils arrivent à la fin
de celle-ci, nous vous invitons, chers parlementaires, à réfléchir à cette
situation comme si vous étiez vous-mêmes en situation de handicap.
Une autre contradiction qu'on a notée,
discrimination, on pourrait dire aussi, c'est le handicap neuromoteur grave. On
cherche à comprendre pourquoi rendre plus accessible de l'aide médicale à
mourir aux personnes avec un handicap neuromoteur grave. Sur quelle base
factuelle se permet-on de proposer cela, alors qu'il y a plein de personnes à handicap neuromoteur grave qui n'ont
pas de souffrance, qui n'ont pas de douleur intense qui les rend... qui
leur donne le goût de ne pas vivre? On peut penser à deux personnes atteintes
de sclérose en plaques, progressives depuis à peu près le même nombre d'années
et ayant à peu près le même âge. Une de ces deux personnes peut être
extrêmement souffrante, et on le sait, on connaît cette personne-là, et une
autre personne qui ne l'est pas.
Alors, pourquoi ouvrir la porte plus... plus
facilement vers l'aide médicale à mourir à des personnes atteintes d'un
handicap neuromoteur, alors que, bien, une personne sourde peut avoir un
cancer, peut avoir des grosses souffrances puis vouloir l'aide médicale à
mourir? Donc, est-ce qu'on est en train de discriminer les personnes
handicapées jusque dans les soins de fin de vie? S'il vous plaît, dites-moi que
ça ne se peut pas, là. Alors, c'est un peu ça, un des points importants. Puis
on parle de handicap, handicap neuromoteur, mais, comme je le disais aussi, il y a des gens qui sont handicapés, toutes sortes de
handicaps confondus, que ce soit intellectuel, physique, peu importe, et
nous croyons... et, si nous croyons qu'il
est primordial de maintenir les critères de mort naturelle, raisonnables,
prévisibles et de fin de vie comme prévu dans les lois, il faut garantir, comme
on disait, un de nos critères fondamentals, il faut garantir le respect réel de
la personne et de la dignité humaine. Et cette question fait débat. Au sein de
notre CA, nous avons perdu des membres, et au sein de nos membres aussi, on a
perdu des gens qui ont choisi l'aide médicale à mourir, parce que, même si la
fin de vie n'était pas prévisible, ils n'en pouvaient plus, ils n'en pouvaient
juste plus, puis ça se voyait, puis on sentait, puis c'était une certaine
déchéance.
Alors... alors, tu sais, en tant que
regroupement, nous sommes favorables à l'utilisation de l'aide médicale à
mourir pour les personnes dont la douleur est avérée et médicalement
incontrôlable ou incurable. Cependant, ce qu'on veut être sûr, c'est que, s'ils
en font la demande et que la fin de vie n'est pas imminente, nous reconnaissons
également la nécessité d'encadrer, de réglementer rigoureusement cette pratique
pour assurer la protection de tous les individus concernés. Et on ajouterait
même une question. Sur les comités consultatifs qui prennent la décision, à
savoir est-ce qu'on accepte une demande ou pas, est-ce qu'une personne
handicapée siège sur ces comités-là? Parce que la vision puis la perspective
d'une personne handicapée est forcément un peu différente de quelqu'un qui ne
l'est pas. Alors, la question est posée.
Et le dernier point que j'aimerais faire... je
ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'achève.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...a accepté de prendre du temps. Allez-y. Allez-y.
M.
Laperrière (Steven) : D'accord. Mais c'est mon dernier point. Une chose,
un angle qui est complètement évacué jusqu'ici, c'est le don d'organes.
On a des gens qui ont demandé l'aide médicale à mourir, qui auraient voulu
donner leurs organes viables, et la coordination entre le centre qui donnait...
qui exécutait à l'aide médicale à mourir et
Transplant Québec, ça n'a pas été possible puis ça a l'air que ce ne sera pas
possible non plus. Alors, j'aimerais que... j'aimerais que vous vous
penchiez sur cette question-là, parce que, de pouvoir donner ses organes,
c'est... pour la personne qui le fait, si c'est son souhait, c'est un... c'est
un baume sur une fin de vie imminente, c'est faire quelque chose de bien pour
la société, puis ça peut être un baume aussi pour la famille. Alors, je tenais
à rajouter ce point-là.
Et, en conclusion, mesdames, nous croyons que ce
mémoire touche plusieurs points qui ont des sources... qui sont des sources
d'inquiétude pour les personnes handicapées. Notre souhait est que ce mémoire,
au même titre que celui de nos collègues d'autres organismes et individus, aura
su vous éclairer sur les différentes sensibilités et craintes en regard de ce
projet de loi. Nous espérons que vous, mesdames les commissaires, qui êtes
aussi élues et législatrices, aurez le discernement, la sagesse et le courage
de faire les bonnes recommandations et de voter en faveur de ce qui est le mieux pour les concitoyens et concitoyennes
handicapés, car la fin de vie de tous les Québécoises et Québécois est
entre vos mains. Bonne réflexion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Vous en mettez beaucoup sur
nos épaules, mais vous avez raison, c'est notre devoir. Merci pour cette
présentation. Je vous rappelle très, très respectueusement que notre objectif,
c'est de bonifier le projet de loi qui est déposé. Un projet de loi, c'est
perfectible, on le dit souvent. Alors, je vais donc entamer avec mes consoeurs
la période d'échange avec vous. On va commencer par Mme la ministre, et il
reste 14 min 9 s.
Mme
Bélanger : Oui. Alors, M. Laperrière, M. Morissette, un grand
merci de participer à notre commission. Votre rapport est très clair, je
veux le mentionner, ainsi que les recommandations, et merci pour cette belle
présentation.
Je voudrais quand même juste peut-être revenir
sur le fait... et peut-être vous rassurer, puis je comprends toutes les
appréhensions, là, que vous mentionnez, c'est que l'intention qu'on a eue de...
et la proposition de rendre accessible l'aide médicale à mourir aux personnes
ayant un handicap neuromoteur grave et incurable n'étaient pas basées sur le
fait d'ostraciser les personnes ayant un handicap mais plutôt sur le fait,
justement, comme vous l'avez mentionné, de dire que les
personnes vivant avec... ou étant en situation de handicap, je comprends bien
qu'il y a une nuance, là, donc, les
personnes étant en situation de handicap ont les mêmes droits, justement, que
les autres personnes et de reconnaître qu'elles peuvent, elles aussi,
vivre des souffrances physiques, psychiques et naturellement tous les autres
critères qui sont dans la loi. Et c'est pour ça qu'on s'est questionné.
Puis vous savez qu'au niveau fédéral la notion
de handicap est incluse, et donc ici, au Québec, par devoir de prudence et pour
éviter, justement, je dirais peut-être, des dérapages, il y a eu beaucoup de
réflexions, notamment avec des ordres
professionnels, mais aussi avec des organismes qui donnent des services aux
personnes handicapées. Et il y a eu,
à un moment donné, un consensus de dire : OK, on va spécifier. Mais
l'objectif de le spécifier, c'était vraiment, justement, par devoir de
prudence puis aussi suite à l'affaire Truchon-Gladu, OK? C'est de là que tout
ça part.
M. Laperrière (Steven) : Je
comprends.
Mme Bélanger : Mais on comprend
qu'en faisant ça, ça a créé, puis avec raison, avec raison, vous faites bien de
le mentionner, puis il y a d'autres groupes qui nous l'ont soulevé, des
questions, puis on est très sensibles à tout ce qu'on entend, là, aujourd'hui.
Ma question est... Je comprends que vous dites, dans le fond, il ne faudrait
pas que l'aide médicale à mourir soit un soin de dernier recours parce qu'on
n'a pas reçu les services psychosociaux, les services de santé, les services
dans la communauté, etc. Puis vous amenez même le fait que le médecin... Puis
là je vais rajouter... j'ajoute l'IPS parce qu'éventuellement vous savez qu'on
a intégré dans le plan... dans le projet de loi que l'IPS pourrait aussi, au même titre que le médecin, procéder. Vous
intégrez le fait que le médecin devrait s'assurer, dans le cadre du
processus, que la personne qui demande l'aide médicale à mourir... Parce que
l'élément essentiel, c'est qu'il faut que ça vienne de la personne, en plus,
hein, l'autodétermination...
• (15 h 20) •
M. Laperrière (Steven) : Exact.
Mme Bélanger : ...mais que le
médecin s'assure que la personne ne demande pas l'aide médicale à mourir et... parce qu'il y a un manque de services
médicaux, un manque de services sociaux ou des services de soins
palliatifs inappropriés. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, je trouve que
cet élément-là est très important.
M. Laperrière (Steven) : Exact.
C'est le point... C'est certainement un des points les plus importants. Puis
une des plus grandes craintes des personnes en situation de handicap, en tout
cas, que moi, je connais, je ne connais personne qui veut mourir dans la
déchéance puis l'indignité, handicapé ou pas, mais personne ne veut mourir
parce qu'on n'a pas été au bout du chemin, c'est-à-dire que, quand un... que ce
soit un problème de santé mentale ou n'importe quoi, si la personne est dans
des douleurs intenses, intenables, incontrôlables, et avérée incurable et
incontrôlable par un médecin, à ce moment-là on veut bien considérer l'aide
médicale à mourir s'il n'y a pas d'autre chose
à faire, si la personne le veut. Mais, encore là, comment faire en sorte...
comment baliser le tout, Mme la ministre, pour faire en sorte de
s'assurer que le médecin accomplit vraiment le devoir de regarder toutes les
options avant d'arriver à l'aide médicale à mourir? Je ne suis pas médecin, je
ne peux pas vous dire comment faire, mais je peux vous dire ce que les gens
ressentent, par exemple, et la peur que les gens ont, c'est celle-là, c'est que
les médecins n'iront pas au bout.
On fait juste
penser, Mme la ministre, à la... en période de pandémie, il était question
que... est-ce qu'on donne des ventilateurs aux personnes en situation de
handicap? Là, je comprends qu'on n'est pas dans la même situation, je le
comprends. Je ne veux pas comparer des pommes avec des carottes, là, mais cette
discussion-là a déjà eu lieu. Alors, je pense que l'inquiétude, elle est
raisonnable, elle est palpable. Et, quand je parle de lourde responsabilité qui
est sur vos épaules à tous communément,
bien, c'est celle-là, c'est de prouver aux personnes handicapées, de baliser
tout ça, que le médecin va vraiment être
obligé d'aller au bout de la démarche thérapeutique, tout ce qui peut être fait
pour aider quelqu'un avant d'encourager ou... pas d'encourager, mais peut-être
de promouvoir l'aide médicale à mourir, dans un cas comme dans l'autre, pour
éviter des situations... qui est arrivée à notre monsieur, là.
Mme Bélanger : ...préciser, là,
parce que je veux être sûre de bien comprendre. Je pense qu'on est tous
soucieux, là, puis on est conscients de la responsabilité qu'on a, des
décisions qu'on a à prendre. Mais est-ce que vous
êtes à l'aise... Là, je comprends que «neuromoteur», vous nous dites :
N'allez pas là, enlevez ça, c'est discriminant, puis... bon. Est-ce que vous êtes à l'aise qu'on mette, dans le projet
de loi, les personnes vivant en situation de handicap ou vous aimez
mieux qu'on ne le mette pas et qu'on tienne compte des critères, comme, par
exemple, la volonté de la personne, l'aptitude à consentir, le déclin
irréversible, le caractère incurable, la maladie physique, souffrance, la
souffrance physique? Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on ne mette pas du tout
le volet handicap ou... Je veux vous entendre là-dessus.
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
je... Bien, Laurent, peut-être, tu veux dire quelque chose là-dessus?
M. Morissette
(Laurent) : Bien, écoutez, je... bien, je ne sais pas si je vais être
complètement à côté de la track, mais ce que
moi, j'ai toujours dit, en tant que participant dans la vie civile, c'est que
ce qui nous définit, ce n'est pas nécessairement notre handicap. Je veux
dire, ce qui nous définit, c'est notre désir profond de participer à la
société, je veux dire. Donc, ce qui... Si on
considère que ce qui nous définit en tant qu'être vivant, ce n'est pas notre
handicap, bien, il faudrait aussi appliquer cette même logique lorsqu'il est
question de soins de fin de vie, je veux dire. Moi, personnellement,
j'ai eu un oncle qui est mort pendant la pandémie, justement, qui a eu affaire
aux soins de fin de vie. Et puis, parce que c'était un contexte de pandémie,
tout ça, ça a été un petit peu expédié.
Donc, moi,
personnellement, je dirais, sans dire qu'il faudrait complètement évacuer les
questions relatives au handicap, je pense que ça ne devrait pas être le point
central de la... des prises de position.
M. Laperrière
(Steven) : Et, pour faire un peu de pouce là-dessus, Mme la ministre,
un peu dans le même sens, je pense que la Loi sur l'aide médicale à mourir, là,
ça concerne tout le monde, je veux dire, moi, vous, ça peut être n'importe qui.
Donc, c'est un... Moi, je le pense toujours comme un projet général, mais, en
quelque part, je pense qu'il est bien de... je pense que le handicap devrait
rester une notion présente dans le texte de loi de façon à protéger les
personnes handicapées, qui sont peut-être plus vulnérables que d'autres, qui
ont parfois un système de support familial, social un peu moins grand que
d'autres. J'en connais plein, de personnes handicapées qui sont toutes seules
puis qui n'ont personne au monde.
Alors, je pense qu'on
doit le garder dans les textes de loi, Mme la ministre, les parlementaires,
mais beaucoup par mesure de protection puis de s'assurer encore, un peu comme
on le disait tantôt aussi, au risque de me répéter, de bien baliser le travail
des médecins puis des professionnels pour être sûr qu'on aille au bout des
options de traitements disponibles pour chaque personne. C'est ce que je
souhaiterais, Mme la ministre.
Mme Bélanger :
OK Merci. Peut-être une dernière
question, là, de mon côté. Vous évoquez la notion de comité consultatif, c'est ce que vous avez mentionné, sur
l'aide médicale à mourir. À quoi faites-vous référence exactement?
Qu'est-ce que vous proposez?
M. Laperrière
(Steven) : Bien, je comprends... Et peut-être que ma compréhension est
erronée, je l'avoue, donc je n'avance rien, mais je comprends que, lorsqu'il y
a une demande d'aide médicale à mourir qui est formulée, il y a comme un genre de comité de quelques
personnes qui analysent... Dites-moi que ce n'est pas juste une
personne, s'il vous plaît, là, dites-moi que ce n'est pas ça.
Mme
Bélanger : OK. Parlez-vous de la commission des soins de fin de vie?
La commission des soins de fin de vie ou un comité consultatif interne?
M. Laperrière
(Steven) : Exact, qu'il y ait au moins une personne en situation de
handicap qui siège pour avoir la perspective
d'une personne handicapée, parce qu'une personne handicapée peut bien
comprendre le désespoir d'une autre personne, je pense, en tout cas,
elle peut mieux le comprendre que moi.
Mme Bélanger :
OK. Merci beaucoup.
M. Laperrière
(Steven) : Voilà. Merci.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On
va donc poursuivre avec la députée d'Abitibi-Ouest, qui aurait quelques
questions pour vous. Il reste 4 min 40 s.
Mme Blais : Merci, Mme la Présidente.
M. Laperrière, M. Morrissette, merci de votre présence.
M. Morissette, j'aimerais qu'on parle de souffrance, souffrance et
douleur, parce qu'il existe des souffrances physiques et il existe aussi des
douleurs physiques dues à la mobilité, ces choses-là, et aussi des grandes
souffrances psychologiques. Quel genre de souffrance vous avez vécu?
M. Morissette
(Laurent) : C'est une question assez particulière, si je peux me
permettre, parce que, moi, comme je l'ai dit
tout à l'heure, ce qui me définit, ce n'est pas nécessairement mon handicap,
là. Et puis, évidemment, ce qui est drôle, parce que j'ai souvent des
discussions avec des amis à moi puis qui me disent : Ah mon Dieu! J'ai mal
à... j'ai mal aux dents, j'ai mal à ci, mais je ne devrais pas me plaindre,
parce que toi, tu es une personne handicapée puis tu as... tu sais, tu es tout
le temps assis, 16 heures par jour, donc, tu as vraiment beaucoup de
douleurs. Bien, moi, honnêtement, je n'ai pas... je n'ai pas plus de douleur
que n'importe qui, sans dire que je n'en ai pas puis sans dire aussi que ça me
rend... ça me rend meilleur par rapport à quelqu'un d'autre, je veux dire. Tu
sais, la... je vous dirais, pour être le
plus succinct possible, une... une des plus grandes douleurs que je ressens,
c'est... c'est de savoir que mes... je n'aime pas les appeler comme ça,
mais que mes compatriotes, je veux dire, en situation de handicap vivent, sans
nul doute, un nombre incommensurable de douleurs psychologiques causées par le fait
qu'ils et elles ne peuvent pas se... s'accomplir pleinement en tant que
citoyens à part entière dans la société québécoise.
Je sais que ça ne
répond pas nécessairement à votre question, mais... mais plutôt que dire que
j'ai seulement mal au dos, mal aux fesses,
j'ai voulu vraiment être plus... plus, un petit peu plus... plus large, un peu,
puis plus réaliste, honnêtement, parce qu'honnêtement je pense
qu'au-delà des douleurs physiques qui peuvent, s'il y a un système de support
adéquat pour une personne, qui peuvent être mitigées et atténuées, si on
s'assure que la personne est soutenue de façon adéquate non seulement par son
réseau de proches aidants, mais également par des employés, comme des préposés
aux bénéficiaires qui sont payés adéquatement, je pense qu'aujourd'hui le
pourcentage que nous avons... que nous avons émis de 5 %, on n'en serait
probablement pas là actuellement, donc.
M. Laperrière (Steven) : Merci,
Laurent. Et, si je peux faire un petit mot là-dessus...
Mme
Blais : Oui.
M. Laperrière (Steven) : ...on
parlera tantôt de handicap moteur versus handicap... handicap versus
handicap neuromoteur, pourquoi catégoriser les gens. Laurent fait extrêmement
là-dedans. Laurent, il a certains inconforts, il a certaines douleurs, mais il est
loin d'avoir des douleurs intenses, insupportables, à base quotidienne aussi.
C'est un peu l'exemple de ce que j'exprimais tantôt.
Mme Blais : Je vous remercie
beaucoup, M. Morissette, d'avoir pris le temps de répondre à ma question,
qui était assez directe. Merci.
M. Laperrière
(Steven) : Merci.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Il
reste 1 min 10 s. Très courte question pour la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
• (15 h 30) •
Mme Tardif :
...M. Morrisette, M. Laperrière, je crois.
M. Laperrière
(Steven) : Oui.
Mme Tardif :
Merci d'être venus. Merci de vous être déplacés. Merci d'avoir préparé ce
rapport, qui est très complet. Ma question
est très courte. Vous... On en revient au projet de loi, là. Vous nous suggérez
d'inclure les personnes avec des troubles de santé mentale et de le
rendre admissibles. Pourriez-vous m'expliquer un peu davantage votre opinion
par rapport à ça?
M. Laperrière
(Steven) : Avec plaisir. Pour la simple et bonne raison que les
troubles de santé mentale, c'est aussi un handicap. Mme la ministre posait
tantôt... si on devait garder le terme «handicap» dans les textes de loi. Bien, si on garde le texte «handicap», à
notre sens, santé mentale fait partie des handicaps aussi. Je comprends
que c'est une game différente, c'est une façon de penser différente, je le
comprends, mais ça demeure tout de même un handicap.
Et on connaît des personnes qui sont... qui ont des troubles de santé mentale,
qui ont de grandes souffrances psychologiques, psychiques, un grand mal
de vivre qui est incontrôlable, incurable.
Et, encore là, je
demanderais aux parlementaires de bien considérer qu'avant de considérer un...
avant d'accorder un droit d'aide médicale à mourir, de s'assurer que le médecin
spécialiste, peu importe, ait fait le tour de toute
la question et qu'il n'y ait pas d'autres options, parce que
ces personnes-là sont encore peut-être un petit peu plus vulnérables qu'une autre
partie de la population. Alors, j'espère que ça répond à votre question.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Nous
allons donc poursuivre les discussions, cette fois avec l'opposition
officielle, avec la députée de...
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : La Pinière. Merci. Vous avez une période de
12 min 23 s.
Mme Caron : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être présents avec
nous. Une question à propos du terme «handicap». Donc, ce que j'ai bien compris
dans votre présentation et dans la réponse tout à l'heure, c'est que
«handicap»... les personnes handicapées ne devraient pas être traitées
autrement que la population en général. Donc, à ce chapitre-là, peut-être que
vous retireriez le terme «handicap». Par contre, vous, vous le garderiez
peut-être pour s'assurer que les personnes handicapées n'ont pas... ne sont pas
mises dans une situation où on leur propose, par exemple, l'aide médicale à
mourir faute de soins, que ce soit... peu importe quel soin ou aide à demeurer
à domicile.
Hier, il y a une
personne qui est venue et qui nous disait : Plutôt que de parler de
«handicap», peut-être plutôt de «déficience et d'incapacité grave et
incurable». Est-ce que c'est quelque chose qui serait plus acceptable pour vous
ou non?
M. Laperrière
(Steven) : Non, et, pour la simple et bonne raison que, si on veut
rentrer là-dedans, on va commencer à catégoriser ce qu'est le handicap. Pour
moi, quand on dit «handicap»... Tu sais, il y a des gens qui vont dire «une
personne en situation de handicap». Moi, Laurent, là, je considère qu'il n'est
pas handicapé. Quand il est devant une marche, qu'il ne peut pas rentrer à
quelque part, là, il est en situation de handicap, mais, sinon, mon chum Laurent,
là, c'est une personne handicapée, point final. Il n'est pas blanc, il n'est
pas noir, il n'est pas catholique, il n'est pas... c'est une personne
handicapée, c'est mon chum, «that's it».
Donc, pour moi, le
terme «handicap» englobe tout, que ce soit handicap... Parce qu'après ça on
peut aller à handicap moteur, handicap cognitif, handicap... tu sais, je veux
dire, on ne finit plus, là, on peut catégoriser ad vitam aeternam, mais
«handicap», ça définit bien, je pense, la situation d'à peu près toutes les
personnes, jusqu'à tant que quelqu'un me prouve le contraire, puis ce jour-là,
il n'est pas arrivé encore, je ne l'ai pas vu.
Mme Caron : D'accord.
Bien, en fait, en fait, c'est ce que la personne nous disait également, c'est
que le handicap est situationnel. Donc, c'est au moment, justement, où la
personne arrive devant une marche qu'elle ne peut pas franchir, mais la
personne, dans son entièreté, n'est pas... n'est pas handicapée.
Ma collègue avait proposé peut-être qu'il y ait
un forum qui soit organisé sur cette notion-là. Est-ce que c'est... ou
peut-être un comité pour définir le tout. Est-ce que vous seriez intéressés à
participer, peut-être, à ça?
M. Laperrière (Steven) : Mais
tellement! Mais tellement! Et, je vous en prie, si vous le faites,
invitez-nous. On va être des... on est
partants de ça parce que c'est... La définition du handicap puis la vie des
personnes handicapées, les défis au
quotidien, c'est des choses qui sont mal exprimées, qui sont mal comprises puis
qui n'ont jamais été, à mon sens,
communiquées comme il faut. Alors, oui, un comité comme ça. Un comité comme ça,
oui, s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît. Et invitez-nous,
on va être des joueurs importants. Et, oui, s'il vous plaît. C'est ça, ma
réponse.
Mme Caron : D'accord. Merci. Et puis
je reviens aussi dans votre recommandation n° 11, à propos de la présence
d'au moins une personne handicapée sur les comités consultatifs sur l'aide
médicale à mourir. Donc, vous parlez vraiment des comités locaux ou qui serait
appelés à...
M. Laperrière (Steven) : Bien, des
gens qui sont... tu sais, je ne sais pas si le bon terme, c'est un comité,
mais, tu sais, comme je disais : J'espère que ce n'est pas juste une
personne qui décide, là, que ce soit un comité de deux, trois, quatre, cinq
personnes, «whatever». J'espère que... J'aimerais que ce soit mandatoire que,
dans le cas où la demande d'aide médicale à mourir est faite par une personne
handicapée, qu'il y ait au moins une personne handicapée qui fasse partie du
processus d'acceptation ou non de la demande.
Mme
Caron : D'accord. Je vous remercie beaucoup et je
laisserais la parole à ma collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec la collègue de
D'Arcy-McGee pour une période de 8 min 39 s.
Mme Prass : Merci beaucoup. Merci de
votre présence aujourd'hui et du mémoire. Je veux renchérir sur votre point de vue qui... bien, votre crainte que
certains services ne soient pas offerts, plutôt que... et qu'on
administre plutôt l'aide médicale à mourir. Avez-vous, justement, une crainte
que, dans certains cas, il y aurait des services, des soins qui ne seront pas
offerts parce qu'on se dit, comme vous avez fait état plus tôt, que, bien, ces
personnes-là s'en vont vers l'aide médicale à mourir, donc pourquoi leur offrir
les soins? Avez-vous une crainte que cette mentalité-là se développe dans le
système de la santé?
M. Laperrière (Steven) : Mais
clairement! Mais clairement, absolument et totalement. La réponse à ça, c'est
un gros oui, parce qu'on l'a vécu avec notre ami qui a vécu la situation que je
vous ai rapportée. Il n'est pas en fin de vie, ce gars-là, là, puis c'est un
actif pour la société, mais là, soudainement, en quelque part, il y a quelqu'un
qui décide : Écoute, mon ami, tu prends 38, 39 pilules, là, puis,
bien vite, je n'en aurai plus, de pilules pour toi, là, ça fait qu'il va
falloir que tu prennes une décision bientôt. Qu'est-ce qu'elle voulait dire, la
personne? On ne le sait pas. Elle voulait-tu dire : Bien, pense à l'aide
médicale à mourir? Ou peut-être : Change de médecin, parce que moi, je
peux... On ne sait pas ce qu'elle a voulu dire, mais je sais que notre ami, il
est sorti de là en se disant : Bien, crime, elle m'a invité quasiment à
prendre la piqûre, là, c'est... lui, c'est ça qu'il a compris.
Alors, oui, j'ai peur que... j'ai peur que parce
qu'on n'a pas assez de lits, j'ai peur que parce qu'on n'a pas assez de
personnel, j'ai peur que parce que... Je ne sais pas comment... Je pourrais
vous en parler pendant deux heures, là, j'ai juste peur qu'un médecin, parce
qu'il a eu une mauvaise journée, parce qu'il est surchargé, parce que ça ne lui
tente juste pas, puis les personnes handicapées, ça l'écoeure, parce que ça
arrive, croyez-moi, j'ai juste peur qu'un médecin dise : Ah non! Là, on a...
je n'ai pas allé jusqu'au bout, là, mais de toute façon, regarde, il achève,
là, il lui reste deux ans, trois ans, quatre ans. Oui, oui, aide médicale à
mourir. Oui, j'ai peur de ça. Oui. Bien, en fait, ce n'est pas moi qui a peur,
c'est la communauté des personnes handicapées qui a peur. C'est ce qu'on nous a
communiqué, c'est ce qu'on nous a dit.
Et c'est vrai, il y a des hôpitaux où
l'accessibilité est très déficiente, il y a des examens que... Un examen
gynécologique, pour une femme handicapée qui ne peut pas se transférer seule,
ça peut être un exploit... pardon, ça peut être un exploit d'en avoir un.
Alors, ça, c'est une réalité, madame, c'est une vraie réalité, une réalité
vraie.
Alors, vous me demandez si on a peur. Oui, on a
peur, définitivement, pour toutes ces raisons-là. On a peur que les médecins
n'aillent pas jusqu'au bout de toutes les ressources nécessaires pour aider les
personnes à vivre, et non pas les aider, les encourager à mourir. On voudrait
qu'ils les encouragent à vivre en ayant la certitude qu'ils vont... qu'ils
exploitent toutes les solutions.
Mme Prass : Dans ce cas-là,
pensez-vous qu'il y aurait place qu'il y ait une évaluation obligatoire de
s'assurer que tous les services ont été donnés à cette personne-là avant qu'on
commence... avant qu'on procède à l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière (Steven) : Écoutez, ça, je ne sais
pas quoi répondre à ça. Idéalement, je pense qu'on... idéalement, je
pense qu'on devrait avoir confiance en nos médecins, nos spécialistes, notre
système de santé, mais l'histoire nous prouve qu'on ne peut pas toujours avoir cette
confiance-là, je... Puis de... Ce que vous proposez, il me semble qu'il y
a un potentiel que ça pourrait retarder le moment entre la demande et l'exécution.
Je réfléchis avec
vous, mais j'irais peut-être avec une commission annuelle qui serait chargée de
regarder, mettons, un certain pourcentage des demandes qui ont été faites
versus qu'est-ce qui a été accepté ou refusé puis sur quelle base on s'enligne
pour accepter ça. Il me semble que ça, ce serait plus acceptable, à mon sens.
Puis là je parle en mon nom à moi, pas au nom du RAPLIQ, mais, à mon sens à
moi, ce serait plus acceptable de faire ça que de retarder des demandes d'aide
médicale à mourir... qui souffrent parce qu'on veut faire trois fois sûrs qu'on
est corrects, là. Je pense qu'il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du
tapis. Quelqu'un qui souffre, qui a mal, là, il ne faut pas qu'on s'accroche
les pieds dans la bureaucratie, mais une mesure d'examen annuel, ça, ça
pourrait... ça pourrait faire l'affaire, je pense.
• (15 h 40) •
Mme Prass : Et
là je voudrais venir sur votre recommandation n° 9, qui est en lien avec
la notion du refus. On sait bien que la personne va... faire leur demande quand
ils sont en état aptes, et ça se peut qu'ils fassent un refus physique, vocal,
etc., une fois qu'ils sont considérés plus... ils ne sont plus considérés
aptes. Donc, pensez-vous qu'il devrait y
avoir, justement, un mécanisme pour que, même s'il y a un refus, soit qu'on
essaie de nouveau ou qu'il y ait un
élément dans le formulaire qui précise que, même si j'ai un refus physique,
etc., qu'on procède avec l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière
(Steven) : Parlez-vous dans un cas où le patient, la patiente en
question aurait déjà donné son accord?
Mme Prass : Exact.
M. Laperrière (Steven) : Oui, absolument. Oui,
oui, absolument. Et je pense même que... et on le mentionne, en quelque
part, je pense même que chaque personne qui fait une demande anticipée d'aide
médicale à mourir devrait désigner une tierce personne de confiance
assermentée, notifiée, s'il faut, pour le... notifiée et... voyons, notariée,
pardon, c'était dur, ça, notariée afin que les médecins sachent clairement qui
est l'interlocuteur principal et que cet interlocuteur principal là représente
la personne qui a besoin des soins d'aide médicale à vivre même si elle n'est
plus apte. Je pense que c'est essentiel, oui.
Mme Prass : Et qu'est-ce qui arrive dans les dans le cas où la
personne n'a pas désigné de tiers de confiance? C'est qui qui devrait
reprendre ce rôle?
M. Laperrière
(Steven) : ...peut-être la curatelle publique, je ne sais pas, ou
peut-être... Son médecin de famille pourrait peut-être, dans un cas comme ça,
dans... le cas échéant où la personne a un médecin de famille, ce qui est une
denrée rare parfois, mais le médecin... J'irais vers le médecin spécialiste qui
l'a suivie, parce que, si on parle d'une
personne en situation de handicap, règle générale, il y a un spécialiste qui le
suit à quelque part. Alors, il y a sûrement
moyen, dans la chaîne, là, de trouver... de trouver qui pourrait être cette
personne responsable là et confirmer le désir d'une personne qui demande
l'aide médicale à mourir.
Mme Prass : Et,
pour les comités consultatifs, vous demandez qu'il y ait une participation
d'une personne handicapée qui siège là, est-ce que c'est plus pour un rôle de
surveillance, ou un rôle de conseil, ou pour parler, justement, au nom de cette
personne-là?
M. Laperrière
(Steven) : C'est pour parler au nom de la personne handicapée, parce
que je pense que, sans porter atteinte à la personne, là, sans porter de
jugement indu, il n'y a qu'une personne handicapée qui peut comprendre une
autre personne handicapée d'un point de vue psychique, d'un point de vue
mental, d'un point de vue de comment on peut
se sentir. Je le dis toujours, puis ça s'applique dans toutes les choses qu'on
fait, là, les plus grands experts du
handicap, là, je m'excuse, ce sont les personnes handicapées elles-mêmes. Et je
ne pense pas qu'une autre... je pense... excusez-moi, je recommence, je
pense qu'une personne handicapée doit faire partie de la discussion lorsqu'on
évalue une demande d'aide médicale à mourir qui concerne une personne
handicapée. Qu'elle soit apte ou pas à donner son consentement, je pense que
c'est absolument nécessaire. C'est une nécessité. Ça doit être fait.
Mme Prass : Il
reste combien de temps?
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Une minute. Conclusion.
Mme Prass : Ensuite,
donc... Ah oui! Excusez-moi. Vous avez mentionné la question de don d'organes.
M. Laperrière
(Steven) : Oui.
Mme Prass : Est-ce
que vous voyez... Vous avez dit qu'il y avait un problème d'arrimation entre
les deux. Avez-vous une suggestion de comment ça pourrait mieux se faire pour
s'assurer que ces organes sont bien...
M. Laperrière
(Steven) : Écoutez, entre le moment où il y a une aide médicale à
mourir et l'exécution... l'acceptation de celle-ci et l'exécution de celle-ci,
il y a quand même un certain délai obligatoire. Je ne peux pas croire qu'en
2023... je ne peux pas croire qu'il n'y a pas un centre qui dit : Écoutez,
on fait... on donne une aide médicale à
mourir, monsieur, madame voudrait donner ses organes, ils sont viables. Parce
que, souvent, on pense que, parce que
la madame, la personne... la personne qui demande l'aide médicale à mourir, que
ses organes ne sont plus viables parce qu'elle est malade, parce qu'elle
a un cancer, «whatever», mais ce n'est pas toujours le cas, hein? Donc, il faut
penser que ça peut arriver.
Et donc je ne peux pas croire qu'en 2023 il n'y
a pas quelqu'un, à quelque part dans la chaîne, qui se dit : Écoute, on a
une aide médicale à mourir, on s'apprête à l'accepter, Transplant Québec, on
pense l'exécuter à telle date à la demande du patient, il y a-tu moyen
d'organiser nos flûtes, de s'arrimer puis d'aller prendre la personne, l'amener
tout de suite dans un centre, faire les prélèvements puis... en tout cas, faire
ce qu'il faut, là? Je ne suis pas médecin, là. Je n'ai peut-être pas les bons
termes, mais je pense que vous comprenez l'idée générale.
Alors, moi, je ne peux pas croire que ça, ça ne
peut pas arriver, et je pense que ce serait un très grand sentiment de... je pense que les gens verraient ça
d'un très bon oeil, d'avoir ce choix-là. Et parce que, quand on en a
parlé, en fait, c'est quelqu'un qui m'a
amené ça, j'en ai parlé à quelques autres personnes, puis là on m'a dit :
Bien oui, mais c'est un must, il le faut, si je peux aider quelqu'un
avec mes organes à ma mort imminente, bien, peut-être que je serais bien
content de faire quelque chose pour contribuer à ma société jusque dans la
mort.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup... d'accomplissement de fin de vie, hein?
M. Laperrière (Steven) : Oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup pour avoir répondu aux questions. On est rendus dans la
dernière ronde, avec la députée de Sherbrooke, qui bénéficie d'une période de
4 min 8 s.
Mme
Labrie : Merci, Mme la Présidente. Quand ma collègue vous a
questionné sur la possibilité d'un forum, votre intérêt à participer,
vous avez répondu : Oui, oui, oui, avec un intérêt débordant évident.
J'aimerais ça, savoir ce que vous aimeriez
dire, ajouter de plus que ce que vous avez mentionné dans votre mémoire ou ici
aujourd'hui, dans le cadre d'un forum comme celui-là. Ça devrait être
quoi, pour vous, l'objectif d'un forum supplémentaire, là, si on en organisait
un?
M. Laperrière (Steven) : Là, vous me
faites plaisir avec cette question-là. Je trouve que tous les dossiers qui sont...
tu sais, tous les besoins des personnes en situation de handicap font rarement
partie des débats publics, rarement, et ils font rarement partie des décisions
politiques aussi ou, s'ils le font, on n'en entend pas parler. Je ne le dis pas
comme un reproche, mais comme un fait. C'est ce qu'on voit, c'est ce qu'on
ressent.
Alors, un forum comme ça pourrait faire
comprendre que, premièrement, le handicap, là, ce n'est pas une tragédie. Puis
les personnes en situation de handicap n'ont pas besoin de la pitié du monde,
ils n'ont pas besoin de rien d'autre que des
accommodements pour pouvoir participer de façon pleine et entière à la société.
Ce serait la première chose que j'essaierais de comprendre.
La deuxième
chose que je ferais, je m'attarderais beaucoup, justement, aux accommodements.
Les accommodements, là, tu sais...
Montréal, Québec, toutes les grandes villes, ça n'a pas été bâti en pensant aux
personnes handicapées. On doit faire du rétrofit. Ça coûte une fortune, j'en
suis conscient, mais il y a moyen de faire, si tout le monde se met main dans
la main, qu'on trouve des solutions plutôt que de trouver des obstacles. Parce
que, ces temps-ci, là, comment... Je vais
essayer d'être clair dans ce que je dis, ces temps-ci, là, quand il y a une
marche, ça ne devient plus un obstacle, ça devient une raison pour ne
rien faire. Il y a un commerçant qui m'a déjà dit, vrai comme je suis là :
Bien, écoute, mon ami, des personnes en fauteuil roulant qui viennent dans mon
commerce, je n'en ai pas. Je le sais, tu as deux marches en avant de ton
commerce.
C'est le genre de chose que j'essaierais
d'adresser dans cette commission-là pour que les gens comprennent mieux, pour que la société comprenne mieux mon
chum Laurent, mes autres amis handicapés partout au Québec, pour qu'on
commence à mieux les comprendre, qu'ils ne font pas pitié, qu'ils ont juste
besoin d'accommodements. Puis il va aller s'en acheter une, paire de jeans,
dans ton magasin si tu aplanis tes marches. Je sais qu'on est hors sujet, mais
c'est... c'est votre question.
Mme Labrie : Non, mais, moi, ça ne
m'apparaît pas hors sujet. Bien, dans le fond, si je résume, vous sentez un
grand besoin, urgent, même, d'avoir un forum pour permettre de faire entendre
les voix des personnes avec un handicap, qu'on puisse tout le monde mieux
prendre conscience de leurs besoins et des aménagements à faire pour répondre à
leurs besoins. C'est ça que...
M. Laperrière (Steven) : C'est
nécessaire. Ne serait-ce qu'en termes d'habitation, on parle d'habitations... d'habitations
à prix modique, de logement social, on ne parle jamais de logements adaptés,
jamais.
M. Morissette (Laurent) : Si vous me
permettez de faire un petit peu de pouce là-dessus, tu sais, on parle
d'accessibilité, d'accessibilité universelle, parce que c'est ça, le mot de
M. Laperrière, en gros, mais il ne faut pas se limiter à l'accessibilité,
il faut aussi... garantir aussi, comme je disais précédemment, une pleine...
une participation pleine
et entière à la société, mais ça passe aussi par l'éducation aussi. Parce que,
récemment, je... Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des coupures,
récemment au centre de services scolaire de Montréal, pour des élèves en
situation de handicap.
Donc, si on ne garantit pas aux citoyens du
Québec en situation de handicap un meilleur accès à l'éducation, avec des ressources plus adéquates, mieux
financées... Moi, j'ai été chanceux d'être... de faire des études de génie,
puis d'être professeur de maths très actif,
puis de contribuer économiquement à la société, mais je me plais
malheureusement à dire que je suis l'exception qui confirme la règle.
Puis, je pense, aujourd'hui, en 2023, c'est encore... Pour moi, c'est
inacceptable que j'entende, dans le transport adapté, des personnes qui me
disent : Ah! moi, j'ai 22 ans, mais je n'ai rien fait parce que, bon,
moi, j'ai dû quitter l'école en secondaire III parce que, bon, on m'a dit
que je n'avais pas de ressources, puis je n'étais pas capable de faire des
affaires.
Tu sais, toute notre vie, on se fait dire par
une ou l'autre des personnes qu'on... que nous ne sommes pas comme les autres.
Et puis moi, je considère que, lorsque nous aurons mis tous les efforts
nécessaires pour assurer une inclusion
pleine et entière de chaque personne, en situation de handicap ou non, dans la
vie de société, dans la vie du Québec,
on... je pourrai arrêter de penser que tous les efforts que nous faisons
actuellement, c'est un... c'est un constat d'échec actuellement, parce
que, pour... Comme je vous dis, pour moi, c'est inconcevable que des comptables
en situation de handicap, des avocats en
situation de handicap, des informaticiens, comme moi, en situation de
handicap, c'est... des gens qui ont une vie sexuelle en situation de handicap,
c'est encore...
• (15 h 50) •
M. Laperrière (Steven) : C'est
encore tabou.
M. Morissette (Laurent) : C'est
encore tabou. Puis moi, honnêtement, j'ai fait plusieurs conférences puis, à
chaque fois que j'aborde ces questions-là, je cause la surprise.
Essentiellement, je mettrai les efforts de toute ma vie pour que le fait
d'aborder toutes ces questions-là, que je viens de mentionner, ce ne soit plus
une surprise, parce que, si je peux prendre comme exemple les combats
féministes, et tout ça, pendant 40 ans, 50 ans, 60 ans, que les
femmes prennent leur place causait une surprise, encore... Donc, c'est sur le
même piédestal pour les personnes en situation de handicap actuellement. En
2023, dans une société moderne, on en est encore là, puis moi, non seulement je
trouve ça malheureux mais, comme je le disais, c'est inconcevable.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Écoutez, c'est... J'ai
laissé... j'ai laissé... Vous aviez un témoignage fort, fort intéressant et qui est tombé dans des
bonnes oreilles, bien entendu, j'ai laissé le temps aller, mais,
malheureusement, on est allés au-delà du temps qui est imparti pour cette
audition. Il me reste, au nom de mes collègues, à vous remercier pour l'apport
à nos travaux. Sachez que c'est... comme je disais il y a quelques secondes,
c'est rentré dans des bonnes oreilles. On va travailler avec ça. Merci beaucoup.
Et je suspends la commission, le temps qu'on
installe le dernier groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 15 h 58)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Avant d'entendre notre prochain et
dernier groupe, je vais devoir vous demander votre consentement pour aller
au-delà de l'heure qui était prescrite. Consentement?
Des voix : Consentement.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, M.
Caouette et Mme Gauthier-Boudreault, bienvenue à la Commission des
relations avec les citoyens. Alors, vous êtes nos derniers intervenants. Vous
allez donc bénéficier d'une période de
10 minutes d'abord pour vous présenter, ensuite exposer vos idées, une
partie de votre mémoire, que nous avons tous consulté, mais, bien
évidemment, vous allez avoir le temps de nous en exposer les grandes lignes.
Ensuite va s'ensuivre une période de questions avec les parlementaires. Alors,
le temps commence pour vous maintenant.
M. Martin Caouette
et Mme Camille Gauthier-Boudreault
M. Caouette (Martin) : Parfait.
Merci beaucoup. Donc, je tiens d'abord à remercier les membres de la
commission, en fait, pour l'invitation à intervenir sur cette importante
question que sont les soins de fin de vie. Donc, je suis Martin Caouette,
professeur au Département de psychoéducation et travail social de l'Université
du Québec à Trois-Rivières. Je suis accompagné également de ma collègue Camille
Gauthier-Boudreault, qui est professeure en ergothérapie, mais également la
soeur d'une personne polyhandicapée. On est tous les deux chercheurs à
l'Institut universitaire en déficience intellectuelle
et en trouble du spectre de l'autisme et également au Centre
interdisciplinaire de recherche sur la réadaptation et l'intégration sociale.
Donc, évidemment, notre propos va porter plus
particulièrement sur l'ouverture que le projet de loi fait aux handicaps
neuromoteurs graves et incurables comme justification de l'accès à l'aide
médicale à mourir. Alors, on va soutenir le point de vue
que le handicap devrait être retiré, à ce moment-ci, du projet de loi pour être
remplacé par des termes plus consensuels,
par exemple les termes de «déficience» et d'«incapacité», donc, tels qu'ils
sont définis dans le modèle de développement humain, le processus de
production du handicap dont M. Fougeyrollas vous a parlé hier. De plus, nous
croyons que cette question devrait mener également à un débat plus large
concernant le soutien à apporter aux personnes qui sont concernées par le
handicap afin d'en arriver à un consensus social qui serait plus fort sur cette
question.
Donc, en tant que titulaire de la chaire
Autodétermination et handicap, il va de soi que la reconnaissance du droit de
toutes les personnes en situation de handicap d'exercer du contrôle et du
pouvoir sur leur vie, incluant la fin de celle-ci, est cohérente avec cette
volonté de leur permettre d'accéder à une pleine égalité de droits et de
chances et d'être des citoyens à part entière.
Or, malgré les apparences, la représentation qui
est faite du handicap, au sein du projet de loi, n'y contribue pas complètement.
D'abord, l'adjectif «neuromoteur», qui est accolé au mot «handicap», est un
terme parapluie qui pourrait recouvrir un ensemble de conditions médicales dont
le contour est très difficile à définir. Au final, toute condition qui trouve son origine sur le plan
neurologique et qui provoque des limitations motrices pourrait être
concernée par cette définition. Ainsi, il en
va de la personne qui compose avec une paralysie cérébrale, de certaines
personnes qui ont une déficience
intellectuelle puis, voire même, de certaines personnes autistes. Donc...
l'expression «handicap neuromoteur» est donc trop imprécise, car on peut
difficilement y trouver une définition qui serait consensuelle dans la
littérature scientifique.
• (16 heures) •
Maintenant, ce qui est encore plus
problématique, c'est le terme «incurable» qui s'ajoute à la phrase. Ce terme
signifie littéralement «qui ne peut être guéri». C'est donc dire que la vision
du handicap qui est mise de l'avant par le projet de loi est une vision qui est
essentiellement médicale. Donc, cette perspective nous place vraiment en
rupture avec l'état des connaissances actuelles, qui positionnent clairement le
handicap comme la rencontre des caractéristiques d'une personne et d'un
environnement qui est plus ou moins adapté et inclusif. D'ailleurs, le Québec se positionne avantageusement à travers le monde
par la vision sociale du handicap qui a été promue et qui est mise de l'avant également par l'Office des personnes handicapées du Québec. Donc, concrètement, c'est un modèle qui
reconnaît que des déficiences des systèmes
organiques et la présence d'incapacités chez la personne sont des éléments
importants, bien sûr, pour comprendre le handicap, mais la seule composante
médicale est insuffisante pour comprendre ce qu'est le handicap.
Il faut donc
porter notre regard sur un élément essentiel, c'est-à-dire l'environnement dans
lequel une personne évolue. Autrement dit, il faut savoir dire par quoi
la personne est handicapée. Donc, une personne qui est handicapée par des
préjugés, par un environnement physique inadapté, par l'absence de services
suffisants, c'est ce qui est en... c'est ce
qui cause, au final, la situation de handicap. Donc, référer à un handicap
incurable, c'est donc faire fi du rôle que joue l'environnement pour comprendre le handicap. Donc, prétendre que le
handicap découle, par exemple, nécessairement d'une maladie, c'est
inexact.
Maintenant, si on aborde la question de la
souffrance qui est insoutenable et qui mènerait à l'accès à l'aide médicale à mourir, notamment la souffrance
psychologique, donc, il va de soi que les personnes en situation de
handicap peuvent composer avec d'importantes
douleurs... avec d'importantes douleurs physiques qui sont liées à leurs
caractéristiques personnelles, mais, si on
reconnaît le fait que le handicap découle d'une interaction entre une
personne et son environnement, comme cela est reconnu de façon très large dans
la littérature scientifique, il faut aussi considérer le fait que cette douleur
peut trouver son origine du côté de l'environnement de la personne et qu'elle
peut être de nature psychologique.
Autrement dit, la difficulté d'accéder à un
habitat qui correspond à ses besoins, les obstacles pour s'inclure en emploi,
les problèmes pour accéder à des services de transport adapté, la complexité
que peut représenter la gestion d'aide médicale à domicile, la difficulté de
s'imaginer vivre avec des incapacités dans une société qui valorise la
performance ne sont que quelques exemples des sources de souffrance des
personnes en situation de handicap. Je ne
prétendrai jamais m'exprimer à leur place, mais il faut reconnaître que ces
souffrances psychologiques peuvent
être telles qu'elles peuvent mener une personne à considérer la mort comme la
seule option pour elle. À partir du moment où on reconnaît que la
souffrance, pour la personne en situation de handicap, peut trouver son origine
non seulement dans sa condition médicale, mais également dans son
environnement, il faut s'interroger sur ce qui est en place pour prévenir cette
souffrance.
Ici, je crois qu'il est important de se rappeler
que l'accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une
maladie incurable s'inscrit dans un continuum de soins palliatifs et que cette
dernière dispose de certaines garanties pour lui permettre de vivre sa vie dans
la dignité. Ce continuum, il est essentiel pour prévenir la souffrance et éviter de faire de l'aide médicale à
mourir un acte qui est isolé. Donc, il est essentiel de se poser la
question, pour les personnes en situation de handicap, du continuum qui existe
avant d'en arriver à la décision d'accéder à l'aide médicale à mourir. Puisque
la mort n'est pas l'aboutissement logique d'une situation de handicap, quelles
sont les garanties dont dispose la personne
en situation de handicap pour prévenir et éviter des souffrances? Et, répétons-le,
ces souffrances sont plus souvent causées par un environnement physique et
social inadapté et non inclusif que par de strictes douleurs physiques.
Or, le projet de loi, actuellement, est muet sur
la question d'un continuum de soins et de soutien pour les personnes en
situation de handicap. Poser la question de ce continuum avant d'en arriver à
l'aide médicale à mourir, pour le handicap,
va rapidement nous amener à nous poser une autre question. Sommes-nous prêts à
accepter, comme société, qu'une personne en situation de handicap ait
recours à l'aide médicale à mourir parce que les souffrances qu'elle vit découlent de notre incapacité à lui
offrir socialement une réponse qui est suffisante à ses besoins?
Personnellement, je ne suis pas prêt à cette éventualité, mais ma seule voix
est insuffisante, et je considère que cette réponse doit venir d'un débat
social plus large que la seule étude du projet de loi ne permet pas de faire.
Deux dernières remarques avant de laisser la
parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault. D'abord, il pourrait être
tentant d'aligner la législation québécoise sur celle du Canada au niveau de
l'aide médicale à mourir. Or, ce choix, en fait, ne viendrait pas régler un
problème, mais en causer un deuxième. La législation canadienne est
problématique dans sa forme pour les raisons que je vous ai décrites
précédemment et par le fait qu'elle se limite à une vision médicale du
handicap, qui est insuffisante.
Deuxièmement, le terme «handicap» fait l'objet
de différentes définitions. Par exemple, du côté de l'Europe, on désigne fréquemment
la maladie mentale par l'expression «handicap psychique». Donc, si vous
choisissez de conserver le terme «handicap»
dans le projet de loi, vous risquez, par la confusion que ce terme peut
apporter, d'ouvrir la porte pour
accéder à l'aide médicale à mourir à des personnes qui souffrent d'une maladie
mentale, une porte qui a été fermée d'un autre côté, notamment par le
gouvernement fédéral.
Donc, je
laisse... Je vais céder maintenant la parole à ma collègue Camille
Gauthier-Boudreault, qui va s'exprimer à la fois comme chercheuse, mais
également soeur d'une personne polyhandicapée.
Mme
Gauthier-Boudreault (Camille) : Merci, Pr Caouette. Donc, laissez-moi vous
raconter une brève tranche de vie de
ma soeur Anne, qui a 30 ans maintenant. Donc, Anne, c'est une personne
heureuse, digne et fière d'elle, et ce, bien qu'elle présente des
incapacités graves sur le plan intellectuel, moteur et langagier, et ce, depuis
sa naissance. Et vous savez ce qui lui permet d'être une si merveilleuse
personne? Sa personnalité, oui, mais principalement son environnement physique
et social, car, quand Anne ne peut s'épanouir en présence de ses amis dans les
centres d'activités de jour, quand elle ne peut s'accomplir au travers
d'activités signifiantes et valorisantes et quand on ne la considère pas dans
les prises de décisions qui la concernent, elle peut souffrir, et le soutien de
son environnement est un facteur important dans le respect de sa dignité, de
son autonomie et de son humanité.
On ne parle
pas ici d'une souffrance liée à sa déficience intellectuelle profonde. Elle
souffre d'un environnement qui n'est pas adapté pour la soutenir dans
l'atteinte de son plein potentiel. Cette souffrance, nous l'avons constatée
dramatiquement lors du confinement lié à la COVID-19. Avec l'arrêt des services
d'activités de jour, Anne est devenue apathique, impatiente, à fleur de peau,
et ce, même la présence et la stimulation de mes parents et de moi-même ne
suffisaient plus, et on a retrouvé Anne, notre Anne, lorsque les services sont
revenus, qu'elle a retrouvé sa vie sociale et ses occupations quotidiennes.
Donc, le problème de souffrance d'Anne était
l'absence de services. L'important ici n'est donc pas de se demander si l'aide
médicale à mourir serait une solution, mais plutôt de se questionner sur ses
besoins et les services que nous devons mettre en place pour y répondre. Au
lieu de mettre en place de nouveaux paradigmes qui nous amènent à se dire que
la mort serait une délivrance, portons davantage notre regard sur le soutien de
la communauté et la mise en place de services générés par une évaluation
biopsychosociale de la personne et de son environnement dans l'objectif de
créer des services qui soutiennent la famille et le développement optimal de
l'autonomie de la personne dans une vision d'inclusion. Avec la modification de
cette loi, sommes-nous en train de favoriser l'accès à la mort au détriment de
faciliter l'accès à une vie, une vie qui laisse une pleine place à la personne,
à ses besoins et ce qu'elle peut apporter à la société?
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci,
professeur... j'aurais dû le mentionner dès le début, Pr Caouette, Pre
Gauthier-Boudreault.
Alors, on va entamer la période d'échange avec
les parlementaires. On va commencer avec la ministre, et vous avez une période
de 16 min 30 s.
Mme
Bélanger : Alors, bonjour, M. Caouette,
Mme Gauthier-Boudreault. Merci pour le mémoire, la présentation, le témoignage. En fait, je comprends de votre
mémoire que vous nous proposez de retirer le terme «handicap
neuromoteur», mais aussi le terme «handicap», dans les deux cas, et de
remplacer par deux mots qui sont plus appropriés, qui sont «déficience» et
«incapacité», qui font référence au MDH-PPH. C'est bien ça?
• (16 h 10) •
M. Caouette (Martin) : Tout à fait,
oui.
Mme Bélanger : OK. On est beaucoup
dans la sémantique, là. Les mots veulent dire quelque chose dans un projet de
loi, puis c'est très important. On a eu, depuis trois jours, plusieurs groupes
représentant des personnes en situation de handicap qui sont venus nous
présenter, là, je veux dire, toute la vision, toute la recherche, aussi, scientifique au niveau de la terminologie puis au
niveau aussi de la définition de ce que c'est, le handicap, notamment le
Pr Fougeyrollas, que vous connaissez sans doute, là, qui est très connu des
chercheurs, et tout ça, puis je sais que vous avez un volet recherche aussi.
Spontanément, je vous dirais, c'est extrêmement
intéressant et c'est important. Puis je pense que vous nous avez vraiment
convaincus que les personnes vivant des situations de handicap ne peuvent pas
être apparentées à des personnes qui ont une
maladie, puis il ne faut pas que ça soit considéré comme ça. C'est possible
qu'il y ait des maladies, ceci étant dit, mais là ce n'est pas de ça
qu'on parle. Mais je vous avoue que MDH-PPH, c'est un peu compliqué à écrire
dans un projet de loi, OK, parce que c'est un terme très clinique, là. Pour
avoir géré l'Institut de réadaptation de
Montréal pendant quelques années, je comprends ce que ça veut dire, c'est
beaucoup dans le vocabulaire des cliniciens, des professionnels de la réadaptation, des
professionnels de la recherche. Je pense que vous vous comprenez bien
dans ce sens-là, puis probablement avec les personnes en situation de handicap,
mais, pour M. et Mme Tout-le-monde, puis même peut-être pour la législature,
là, MDH-PPH, on s'entend qu'on est dans un univers un peu plus spécialisé.
Moi, dans le fond, là, ce que je veux entendre
de votre part, vous voulez enlever «handicap neuromoteur», enlever «handicap»
et remplacer par le terme «déficience et incapacité». Est-ce que ça, ça serait
assez clair pour vous et pour les personnes... les premières concernées, les
personnes qui vivent en situation de handicap, en sachant que «déficience et incapacité» fait référence au
modèle conceptuel MDH-PPH? Est-ce que c'est bien ça que je comprends?
M.
Caouette (Martin) : C'est exactement ça, parce qu'en fait il y a... la
chose qui est importante là-dessus... Puis je suis tout à fait conscient
que MDH-PPH, ça ne veut absolument rien dire pour la majorité des gens, mais
c'est le grand cadre, en fait, qui organise
déjà, au niveau de l'Office des personnes handicapées du Québec... puis la loi
à part entière, en fait, est
organisée autour de cette vision-là du handicap, qui est extrêmement
importante, parce qu'elle vient nous dire :
Le handicap, ce n'est pas juste quelque chose qui est inhérent à l'individu,
mais qui concerne aussi l'environnement.
Quand on veut permettre l'accès à l'aide
médicale à mourir, à mon sens, en fait, ce que j'en comprends, c'est parce qu'on constate qu'il y a une souffrance qui
est telle que l'individu ne peut plus fonctionner. Cette souffrance-là, bien, elle trouve... ce qu'on souhaite, c'est
qu'elle trouve... en fait, ce qu'on considère, c'est qu'elle trouve sa source
du côté de l'individu. Quand on parle de
déficience, d'incapacité, bien, on est sur des facteurs individuels, et là,
évidemment, si on a quelqu'un, par exemple, qui souffre d'une déficience
organique et que cette déficience-là lui cause une douleur telle qu'on en
arrive à la conclusion que l'aide médicale à mourir est la seule solution
possible, bien, on ne sera pas dans une situation où on présume que des
changements environnementaux auraient pu alléger ces souffrances-là. Donc,
maintenant, la définition de la déficience, c'est quand même quelque chose qui
peut... qui est assez clairement défini, là, notamment dans les modèles
auxquels on réfère.
Mme Bélanger : OK, peut-être une
autre... parce que vous savez que, dans le projet de loi, on ne voulait pas
définir les maladies non plus, là, aussi, ça fait qu'il y a aussi cet
élément-là auquel on est confrontés, mais je retiens, là, le terme «déficience
et incapacité», qui fait référence au grand modèle conceptuel de la
réadaptation, là, OK, puis, peut-être, mes collègues vont pouvoir certainement
clarifier ça, là, aussi.
Comme chercheur, vous êtes souvent en contact
avec d'autres chercheurs de d'autres centres de recherche, canadiens ou
internationals, et donc, au niveau canadien, vous avez vu que le volet de
l'handicap est intégré, là, maintenant, au
Code criminel canadien, puis que le trouble mental, en fait, la porte n'est pas
fermée. En fait, ce qui est prévu, c'est que ça va être examiné
éventuellement d'ici un an, mais ils l'ont inclus déjà. La terminologie est
écrite dans le Code criminel, mais l'application, là, à ce moment-ci, oui, la
porte est fermée pour l'application en attendant qu'il y ait des études à ce niveau-là.
Moi, j'aimerais revenir sur le mot «handicap» au
niveau canadien. Est-ce que... Comment vous voyez, là, si, dans le projet québécois... Puis là je veux juste
votre impression de clinicien, là. Je ne suis pas en train de vous
demander de faire des concordances
juridiques. Si on met, dans notre projet de loi, «personne ayant une déficience
et incapacité», est-ce que, pour vous, cette terminologie, tu sais,
québécoise, francophone, de l'OMS, peut-être, là, ça va être facile à
comprendre par rapport à quand on transpose ça au niveau canadien? Parce qu'il
reste que le Code criminel canadien est quand même là, là. On ne peut pas... ne
pas faire comme si ça n'existait pas. Est-ce que ça va être facile en termes de
concordance?
M. Caouette (Martin) : Bien, je
pense que ça va être, oui, possible en termes de concordance. Je pense même que
ça va être plus efficace, parce qu'on a l'impression que le terme «handicap»,
en français et en anglais... sont nécessairement des synonymes puis portent
nécessairement le même bagage, mais ce n'est pas si évident que ça. Lorsqu'on utilise... Et là, bon, sans faire nécessairement
toutes les traductions, là, mais «disability» versus «deficiency», c'est
quelque chose qui est... c'est un terme qui a... c'est des termes qui n'ont pas
nécessairement des équivalents, là, qui sont
très précis. Quand on va parler, en fait, de déficience et d'incapacité, là, on
est capables d'avoir un comparable en anglais parce que le modèle qui
nous réunit, le modèle de processus de production du handicap, bien, on est
capables d'avoir son pendant anglophone puis d'être capables de faire un parallèle.
Ça fait que, de ce côté-là, moi, je pense qu'on risque d'avoir une cohérence
conceptuelle qui est plus large puis de créer un consensus au niveau canadien
qui va être plus... qui va être défendable, là, et je pense que, de ce côté-là,
moi, ça m'apparaît la meilleure solution.
Mme Bélanger : Alors, lorsqu'on
arrive au niveau canadien, le terme «déficience et incapacité» va être compris
aussi?
M. Caouette (Martin) : Oui, tout à
fait.
Mme Bélanger : D'accord, merci.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuive la
discussion du côté de la banquette ministérielle avec la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Mme Camille Gauthier-Boudreault ainsi que M. Caouette. Alors, merci pour
votre présentation. Lorsqu'on parle de déficience et incapacité, l'incapacité,
c'est large. Est-ce que vous le coteriez, exemple, un sur
10, incapacité... vous mettriez un degré d'incapacité et puis un degré de déficience?
Parce que c'est large, le mot «déficience», et c'est large, le mot
«incapacité». Comment on pourrait le faire pour être équitable?
M. Caouette (Martin) : Bien, c'est
très difficile, en fait, de venir poser un poids sur une déficience, là, de venir
mettre une mesure quantitative, parce qu'en fait il peut y avoir une déficience
d'un système organique. Je peux avoir une déficience, par exemple, sur le plan
visuel, mais l'impact, en fait, que cela peut avoir dans ma vie peut être très variable. Donc, c'est sûr qu'on peut avoir
des altérations qui sont plus ou moins fortes, qui peuvent aller de
légères à plus importantes, là, quand il est question de déficience. Ça fait
que, c'est sûr, la quantification est toujours un défi. C'est pour ça, notamment, quand on parle de... quand on met le mot
«grave» dans le projet de loi, c'est très difficile aussi à... c'est
très difficile, en fait, à coter.
Je pense que, peut-être... Camille, est-ce que
tu souhaites peut-être renchérir, là? Parce que, je pense, sur le plan
d'ergothérapie...
Mme Gauthier-Boudreault (Camille) : Oui,
merci, Pr Caouette. C'est une très bonne question, en fait, et je vous dirais
que quantifier, c'est difficile parce que l'incapacité et la déficience, je
peux quand même avoir une notion assez subjective selon la personne qui va la
décrire, en fait, puis, un peu, dans mon témoignage, je mentionnais, là,
l'importance de l'évaluation biopsychosociale, donc, oui, d'avoir une vision
médicale, mais aussi d'avoir une vision aussi de l'impact de cette déficience
et de cette incapacité d'un point de vue de professionnels de la santé aussi,
qui ont cette vision complémentaire et
holistique de la personne à travers sa vie aussi. Donc, je vous dirais, ce
serait difficile, là, de pouvoir quantifier, mais, d'avoir au moins une
vision qui est diverse, avec différentes lunettes aussi, ça nous permet
peut-être d'avoir une vision plus globale de la personne, et donc de son degré
de déficience et d'incapacité.
Mme Blais : Puis, en même temps, le
mot «déficience»... Est-ce que ça ne vous inquiète pas d'ouvrir la porte à
beaucoup de pathologies?
M. Caouette (Martin) : Bien, en
fait, si on définit clairement qu'est-ce qu'une déficience, en fait, puis...
justement, ça va nous permettre d'avoir des contours qui sont plus clairement
définis. Pour moi, le mot «handicap» ouvre encore beaucoup plus large, parce
que se retrouvent en situation de handicap un nombre très important de
personnes à différents moments, parce qu'un handicap, c'est contextuel, c'est une
situation de handicap, donc, qui met de
l'avant des éléments personnels, mais aussi un environnement, tandis que, si on
parle de déficience, bien là on est clairement sur des dimensions qui
sont plus physiques, qui sont plus liées aux organes, en fait, au corps humain,
et là ça nous permet de circonscrire davantage de quoi il s'agit puis quelle
est la cause également de la souffrance qui...
Mme Blais : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée.
On va poursuivre la discussion avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Il reste six minutes.
• (16 h 20) •
Mme Tardif : Bonjour. Ça me fait
plaisir de vous voir. Mon Dieu! Je vais reculer un petit peu mon micro.
Bienvenue. Je connais Martin et je sais que c'est un chercheur émérite. Donc,
on est bien contents, contentes de vous avoir tous les deux ici aujourd'hui. Je
sais que vous faites des recherches et que vous êtes reconnus en Europe aussi.
Donc, merci du temps que vous avez mis, là, pour préparer le rapport. Ce n'est
jamais facile, c'est fastidieux.
Vous mettez beaucoup d'emphase, dans votre
rapport, dans votre mémoire, avec raison, je dirais, sur notre capacité à offrir socialement tous les services
qu'on doit offrir, et vous avez donné un bon exemple, là, avec votre
soeur. Donc, par rapport à l'environnement
aussi et par rapport aux services qu'on doit offrir, ça, on l'a bien saisi, ça
fait partie d'un continuum, mais on a
du travail à faire partout. D'ailleurs, vous le savez, là, le plan santé a été
déposé aujourd'hui.
J'aimerais vous amener vers le projet de loi
dans son ensemble, parce que, là, au niveau du handicap neuromoteur, et de la
terminologie, et de la définition des mots, on en a parlé aussi, mais, au
niveau du projet de loi comme tel, est-ce que vous êtes pour ou vous êtes
contre? Est-ce que vous êtes pour... Disons que je suis plus spécifique. Est-ce
que vous seriez pour que cette aide médicale à mourir là soit offerte dans les
maisons de soins de fin de vie? Est-ce que vous êtes pour que ce soit... que
les superinfirmières aient davantage de services pour servir les gens sur
lesquels... pour lesquels vous faites des recherches? Donc, dans son ensemble,
par rapport au projet de loi, comment vous positionnez-vous?
M. Caouette (Martin) : Bien, si je
prends position personnellement, oui, je suis en faveur parce que, dans une
perspective d'autodétermination, c'est aussi donner à l'individu, qu'il soit en
situation de handicap ou pas, du pouvoir, en fait, sur cette étape-là de sa vie
qui est essentielle, qui est fondamentale, en fait, qui peut être source de
grandes souffrances pour la personne ou pour ses proches ou qui peut se vivre
aussi avec dignité puis avec respect. Donc, personnellement, je suis tout à
fait pour. Ce que je trouve intéressant de l'aide médicale à mourir, c'est
qu'elle s'inscrit, comme vous l'avez dit,
dans un continuum. Donc, on offre à la personne, en fait, différentes options
avant d'en arriver à cette éventualité-là, qui, lorsqu'elle se présente,
bien, s'inscrit dans la continuité de toute une démarche.
Pour les
personnes en situation de handicap particulièrement, ma crainte, en fait, c'est
que cette éventualité-là, d'accéder à l'aide médicale à mourir, devienne
un acte isolé, comme, finalement, une possibilité pour une personne qui doit
composer subitement avec cette situation-là, alors que, pour moi, je pense que,
socialement, il faut qu'on fasse aussi la démonstration
de tout ce qui a été fait pour éviter d'en arriver à cette situation-là, et, pour
les personnes en situation de handicap,
bien, la souffrance, c'est souvent extérieur. La souffrance vient souvent de
tous les obstacles qui sont rencontrés.
Donc, pour moi, que les personnes puissent y
accéder, puissent accéder à l'aide médicale à mourir, je suis tout à fait en
faveur que ça... en faveur de ça, mais pas comme une réponse à notre incapacité
à leur donner accès à un environnement qui va leur permettre de se reconstruire
une vie puis de pleinement participer socialement.
Mme Tardif : Puis, en ce sens, vous
rejoignez parfaitement, là, plusieurs groupes qui sont venus, là, dont le dernier groupe, qui est le Regroupement des
activistes pour l'inclusion au Québec. Cependant, il y avait une... il y
avait une grande différence parce qu'il y avait quelqu'un qui vivait avec un
handicap, un ingénieur qui est venu parler, là, juste avant vous, et eux, ils laissaient le terme «handicap» dans le
projet de loi. Vous comprenez que, là, on a plusieurs défis, là. Un
après l'autre, vous ne dites pas la même chose. Qu'est-ce que... Où est-ce
qu'on s'en va?
M. Caouette (Martin) : Bien, en
fait, là, moi, je pense que là où on va, c'est... on va vers la nécessité d'un
débat social aussi puis d'un espace qui va permettre à toutes les personnes
concernées par le handicap de pouvoir, justement,
avoir... faire valoir, en fait, leur point de vue, leur perspective, puis faire
émerger un consensus qui est plus fort.
Là, à ce stade-ci, je pense qu'on est tous un peu surpris de voir apparaître le
terme «handicap neuromoteur». Ça fait que, sur le fond des choses, je
pense qu'on se rejoint, en fait, sur l'idée de dire : On veut que les gens
aient l'opportunité d'avoir une vie pleine
et entière. Maintenant, comment est-ce qu'on y arrive? Et, quand ce n'est pas
possible parce que la personne est dans un tel état de souffrance,
comment on nomme cet état de souffrance là, comment on le caractérise, où
est-ce qu'on en met les limites, c'est ça, en fait, qui devient un défi puis
qui, à mon sens, demande un débat social un peu plus grand pour en arriver à un
consensus qui va être plus clair là-dessus. Et je vous rejoins, je suis tout à
fait d'accord avec vous, je pense, ça pose un défi, à ce stade-ci, important.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on poursuit nos
discussions avec la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période totale
de 12 min 23 s.
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Pr Caouette, un
plaisir de vous revoir. Bonjour, Pre Gauthier-Boudreault, un plaisir de
vous découvrir. Merci pour votre témoignage et votre mémoire. Je vais prendre
la balle au bond. Vous dites que nous avons besoin d'avoir une discussion plus
large comme, mettons, dans un forum. J'avais fait la proposition d'un forum.
Est-ce que c'est de ce genre... que vous proposez?
M. Caouette (Martin) : Absolument,
je pense que c'est une excellente idée, c'est une excellente... et puis je
pense que ça va nous permettre... Bien, en fait, ce type de lieu là me semble
aussi l'occasion de débattre un peu plus largement
de ce qui est en place actuellement pour les personnes en situation de
handicap, peut-être revoir aussi notre façon d'accompagner les personnes
en situation de handicap à différentes étapes de la vie, pas simplement la fin
de la vie, mais à différentes étapes de la vie. Donc, oui, moi, ça me paraît
tout à fait indispensable, là, pour progresser sur cette question-là.
Mme Maccarone : Et est-ce que vous
seriez aussi également intéressés s'il y avait un comité d'experts, par
exemple, qui seraient mis ensemble pour discuter de ce que nous avons besoin à
l'intérieur de cette loi, comme une définition de «handicap», ou pas de
définition de «handicap», ou l'inclusion de «handicap neuromoteur»? Est-ce que
vous vous serez aussi disponibles et intéressés à participer?
M. Caouette (Martin) : Tout à fait,
tout à fait, parce que je pense qu'il faut engager le dialogue autour de cette
question-là et je pense qu'on travaille sur des perspectives complémentaires
liées au handicap. C'est le cas de moi et ma
collègue en ce moment. Donc, je pense qu'il faut ces multiples voix là pour en
arriver à dégager un consensus qu'on est capables de porter ensuite puis
qui est en adéquation aussi avec ce que, socialement, on souhaite pour les
personnes en situation de handicap.
Mme Maccarone : Excellent. Je veux
revenir sur la notion d'autodétermination. Je sais que c'est une notion qui est très chère pour vous puis je souhaite vous
entendre pour que ce soit vraiment clair. Mettons, si j'avais un
triangle puis j'avais «autodétermination»,
j'avais «aptitude», j'avais «souffrance», dans un monde parfait, où on sait
que, dans l'environnement de la personne en situation de handicap, on
rejoint tout ce que nous pouvons, mais cette personne souffre, puis on souhaite
aussi respecter la décision, l'autodétermination de la personne, que
devons-nous prévoir, qu'avons-nous de besoin? Est-ce qu'on a besoin d'avoir
quelque chose dans la loi pour avoir un respect des droits civils de ces
personnes? Comment voyez-vous cette... Dans le fond, ça nous... fait face à une
problématique, mais comment devons-nous la traiter?
M. Caouette (Martin) : Bien,
l'autodétermination, ça nous amène à reconnaître la valeur de la voix de la
personne sur sa situation personnelle, reconnaître, en fait, sa capacité à
prendre des décisions pour elle-même. Maintenant, cette décision-là, puis c'est
là qu'il faut avoir une vigilance, il faut s'assurer que cette personne...
cette décision-là s'appuie vraiment sur une démarche
personnelle, que la personne, elle a été accompagnée dans cette démarche-là, et
que cette décision-là n'est pas influencée de façon indue ou disproportionnée
par des raisons extérieures à elle. Si, au final, c'est l'incapacité de
m'imaginer vivre chez moi parce que je suis en situation de handicap, et là que
je viens de vivre un accident, je me retrouve en fauteuil roulant et je me
dis : Moi, je ne peux pas vivre de cette façon-là, donc je souhaite... je
veux accéder à l'aide médicale à mourir, bien, il y a aussi toute la question
de comment est-ce que l'accompagnement a été offert à la personne pour lui
permettre de se reconstruire, de reconstruire sa vie, compte tenu, en fait, de
cette nouvelle réalité là avec laquelle elle doit composer.
Donc, pour moi, c'est là que les garanties
doivent s'appliquer pour les personnes en situation de handicap. Qu'est-ce
qu'on vient garantir comme possibilité à une personne en situation de handicap
de pouvoir participer socialement, quel type d'accompagnement? Et, si, au terme
de toute cette démarche-là, d'accompagnement, la personne en arrive à la
conclusion que la souffrance est insoutenable, ingérable, et que l'accès à
l'aide médicale à mourir, en fait, c'est la seule possibilité, bien là on pourra
venir s'inscrire dans un continuum où on dit : On en est là, pour cette
personne-là, à ce moment-là, et faire la démonstration que, oui, c'est une
décision qui lui appartient, qui est mûrement réfléchie, qui correspond, en
fait, à sa volonté réelle et non pas à une influence externe qui viendrait, là,
fausser son jugement.
• (16 h 30) •
Mme Maccarone : Puis, en parlant
d'influence externe, on souhaite... évidemment qu'on ne souhaite pas que ces
personnes se ressentent comme un fardeau ou d'avoir l'influence de la personne
qui peut être à la charge de la personne en situation de handicap, qui prend
une décision pour elle ou pour lui. Comment voyez-vous le rôle du tiers de
confiance dans une demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, peut-être
que ça soit une demande anticipée, parce que, si on rouvre la loi à des
personnes en situation de handicap, bien, eux aussi vont avoir accès à faire
des demandes anticipées, par exemple, parce que la souffrance contemporaine et
la souffrance anticipée, c'est aussi important pour eux. Comment voyez-vous le
rôle du tiers de confiance? Est-ce que ça doit être un membre de la famille ou
pas un membre de la famille, quelqu'un qui représente le... un professionnel de
la santé? Est-ce que ça devrait être notarié pour protéger la personne qui se
retrouve en situation de vulnérabilité? Comment voyez-vous ce rôle qui est clé
pour plusieurs personnes? Est-ce que... Puis aussi est-ce que ça doit être
obligatoire ou facultatif?
M. Caouette (Martin) : Bien, moi, je
pense qu'un tiers de confiance, dans une situation comme celle-là, c'est
essentiel. Donc, j'aurais plutôt tendance à dire : C'est quelque chose qui
doit être vraiment obligatoire. Un tiers de confiance... voilà, de confiance,
c'est un proche, à mon sens, qui a une connaissance qui, également, est
suffisante de la personne et qui est capable
également de décoder chez elle ce qu'elle va manifester, c'est-à-dire capable
de faire une lecture, par exemple, dans le cas de personnes qui sont non
verbales, et puis je pense que Camille pourrait très bien en témoigner,
comment, par exemple, la reconnaissance, le mode de communication peut être
très personnel, qu'un tiers de confiance, en fait, peut avoir ce rôle-là.
Il faut prévoir le fait que certaines personnes
sont isolées, que ce tiers de confiance là peut ne pas exister. Ça fait que je
pense qu'il faut prévoir aussi des alternatives, mais je pense qu'aussi il doit
y avoir la présence d'un professionnel, en fait, qui est capable de faire une
lecture pas juste médicale de la situation, mais vraiment complète, holistique,
biopsychosociale, donc qui est capable de voir aussi des enjeux plus physiques,
des enjeux plus médicaux, mais qui est capable de faire une lecture aussi de la
dynamique de la personne dans son environnement pour venir aussi témoigner du
fait que la décision du souhait de la personne, de ce qu'elle exprime, bien,
découle d'une décision libre et éclairée, que cette personne-là en arrive à
cette décision-là à travers l'exercice de son autodétermination
et non pas sous des pressions indues, même si ces pressions... de pressions
indues, là, qui découleraient de son environnement.
Mme
Maccarone : Ce serait quoi, votre opinion, en ce qui concerne
un comité interdisciplinaire, par exemple, qui va accompagner la
personne rendu au moment où on va déclencher le processus de l'aide médicale à
mourir? Qui devrait faire partie de ce
comité quand on parle des personnes en situation de handicap? Est-ce que c'est
vous? Est-ce que c'est les membres de la famille? Est-ce que c'est... À
part de... évidemment, l'équipe de santé, qui devrait faire partie de ce
comité?
M. Caouette (Martin) : Bien, je
pense qu'il y a comme un trio ici. Il y a l'équipe médicale, en fait, qui est,
évidemment, essentielle, mais il y a les proches, les membres de la famille,
ceux qui sont directement concernés, en fait,
les proches de la personne, puis un volet qui est plus psychosocial, en fait,
qui doit être présent. Là, ici, on peut penser notamment, bon, à certains
groupes de professionnels, les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs,
certainement, et d'autres groupes, en fait,
là, notamment les ordres professionnels, peuvent être sollicités, moi, je
pense, sur ce plan-là, pour être capables d'identifier si leurs membres
sont capables d'offrir ce type d'accompagnement là, mais que ces groupes-là, en
fait, doivent être clairement formés aussi à ce type d'accompagnement là.
Je pense qu'on ne peut pas s'improviser dans cet
accompagnement-là. Comprendre qu'est-ce que c'est, l'exercice de son
autodétermination, comment elle s'exprime, puis accompagner, en fait, pour
faire une lecture juste de la situation
d'une personne, c'est important. C'est d'autant plus important si on reconnaît
le droit à l'autodétermination, parce que, là, on entre dans une zone
qui est très intime.
Donc, si on refusait,
par exemple, l'accès à l'aide médicale à mourir, il faut être tout à fait
conscient de ce qu'on est en train de faire là, tout comme c'est un geste aussi
important que d'accepter l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, il faut le faire, je dirais, avec une... avec une très,
très grande rigueur. Puis le croisement de ces différents regards là, les proches, équipe médicale, équipe
psychosociale, me paraît probablement l'avenue la plus pertinente pour y
arriver.
Mme
Maccarone : Vous savez sans doute qu'il y a un guide de pratique
actuellement en place pour les soins de fin de vie, incluant aide médicale à
mourir, dans le continuum de soins pour une personne qui est en fin de vie. Là,
on enlève la notion de l'état, nous sommes rendus en maladie. Est-ce que, dans
le passé... vous êtes consultés pour le développement de ce guide de pratique?
Sinon, est-ce que vous pensez que ce serait juste que vous faites partie d'une
telle consultation pour le développement d'un guide? Parce que, suite à
l'adoption d'une loi ou même en concurrentiel avec ce que nous sommes en train
de faire actuellement, bien, évidemment, le Collège des médecins ou peut-être
d'autres experts sont en train de développer ce guide, puis malgré qu'on a
beaucoup de respect pour les équipes médicales, mais votre collaboration puis
votre participation me semblent essentielles, le côté éthique, le côté
recherche, en ce qui concerne le développement de ce guide. Comment voyez-vous
ça?
M. Caouette (Martin) : Bien, en fait, pour moi,
un guide comme celui-là doit être au croisement de différents champs
disciplinaires. Donc, un peu comme le handicap ne peut pas juste s'expliquer
par une vision médicale, il faut aussi qu'il y ait d'autres disciplines. Ça
fait que je pense que notre regard à tous les deux, oui, pourrait venir
bonifier, apporter... du moins, là, compléter, en fait, ce qui est en train de
se faire de ce côté-là.
Pour répondre à votre
question, non, moi, je n'ai jamais été consulté là-dessus, je ne crois pas du
côté de ma collègue non plus. Mais je pense que ce n'est pas... Mourir, ce
n'est pas un acte médical. Mourir, en fait, c'est une étape de la vie qui a des composantes psychologiques, qui a des composantes
psychosociales, qui a des composantes, oui, médicales. Donc, si on est
en train de s'intéresser à cette étape-là de la vie, qu'on songe à un guide de
pratique qui accompagne, au cours de cette étape de vie là, oui, il faut le
croisement de différents champs disciplinaires puis des gens qui, chacun,
possèdent peut-être une expertise ou un regard spécifique, là, sur ces
questions-là, pour y arriver.
Mme
Maccarone : Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : 1 min 20 s.
Mme
Maccarone : Bon, 1 min 20 s. J'étais pour vous offrir
la balance de mon temps pour renchérir sur un point que vous n'avez peut-être
pas pu élaborer. Mais, avant de vous donner la parole, je veux juste vous dire
que vous n'êtes pas les seules personnes qui
parlent de... le continuum de soins. J'espère qu'on va pouvoir trouver un
moyen d'intégrer cette notion dans la loi, parce que... sache qu'évidemment ce
n'est pas ce qui est souhaité, c'est que, faute de son environnement ou accès
aux soins qu'on comprend, on fait face à beaucoup de défis actuellement dans le
réseau de santé... qu'une personne ferait demande à l'aide médicale à mourir.
Alors, il reste
probablement 60 secondes, le point, peut-être, le plus important que vous
souhaitez qu'on quitte avec.
M. Caouette
(Martin) : Oui, bien, je ne sais pas si, Camille, tu souhaites
renchérir à ce moment-là.
Mme
Gauthier-Boudreault (Camille) : Pas nécessairement, dans le sens que
je suis en accord avec tout ce que Martin...
bien, Pr Caouette a mentionné. Je voulais peut-être juste renchérir,
peut-être, sur le point du consentement éclairé aussi. Donc, parfois, on a accès... Les personnes qui... de qui
on parle aujourd'hui, c'est des personnes vulnérables qui ont peut-être
un niveau de littératie parfois plus limité. Donc, quand on parle de
consentement éclairé, c'est aussi de leur donner toute l'information pour que
cette décision-là, qui est très importante dans leur vie, bien, puisse être
très bien comprise et qu'ils puissent être accompagnés en connaissance de tous
les termes et les impacts que ça va avoir sur leur vie. Donc, c'était cette
notion d'éclairé que je voulais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Alors, on va terminer la ronde... pardon, d'échange avec la
collègue de Sherbrooke. Il reste au total 4 min 8 s. La parole
est à vous.
Mme Labrie : Merci,
Mme la Présidente. Vous nous avez proposé de remplacer «handicap» par
«déficience et incapacité». Vous n'êtes pas
les premiers à nous proposer cette formulation, quoique c'est arrivé sur le
tard dans les consultations, une
telle formulation. Je voulais vous demander... Dans votre mémoire, vous
exprimez un certain problème avec
l'utilisation du mot «incurable» en lien avec handicap. Là, vous nous proposez
de remplacer complètement «handicap» par «déficience et incapacité».
Est-ce que, dans ce cas-là, on devrait garder incurable ou pas? C'est quoi,
votre position, là, là-dessus?
M. Caouette
(Martin) : Bien, c'est-à-dire que ce serait plus cohérent d'avoir le
mot «incurable» quand il est question d'une déficience, parce que, là, on parle
vraiment d'un élément lié à la santé. C'est-à-dire que, si on ne peut pas
guérir d'une déficience, à ce moment-là, oui, on pourrait dire qu'elle est
incurable. C'est quelque chose qui est permanent, en fait, chez la personne.
Donc, ce serait plus logique. Un handicap incurable, en fait, et là je ne veux
pas tomber dans quelque chose de trop théorique, mais conceptuellement, ce
n'est pas possible de l'envisager comme ça, ce n'est pas une... ce n'est pas
deux termes qu'on peut associer, en fait. On ne peut pas avoir... Le handicap,
ce n'est pas quelque chose qui est soit curable ou incurable, c'est... Donc,
c'est pour ça que ce serait plus logique avec le terme de «déficience» qui,
lui, effectivement, réfère à quelque chose qui est de nature physique.
Mme Labrie : OK,
donc vous nous recommandez d'inscrire dans la loi que la personne est atteinte
d'une maladie grave et incurable ou elle a
une déficience et une incapacité grave et incurable. Puis ça, ce serait une
formulation qui viendrait éviter les risques de discrimination, permettre
l'autodétermination des personnes?
M. Caouette (Martin) : Oui, et je me
permets d'ajouter aussi, c'est que ça enverrait socialement un message, là, que le handicap, c'est quelque chose
avec lequel on doit composer puis qui n'est pas quelque chose, en fait,
qui constitue un terme à la vie, qui constitue une... qui rend impossible, en
fait, le fait de vivre une vie pleine et entière. Il y a plusieurs personnes,
là, qui se sentent concernées par le handicap. Quand on vient mettre le mot
«handicap» comme source pour accéder à l'aide médicale à mourir, on envoie
aussi un message socialement qui est quand même assez négatif pour toutes les
personnes en situation de handicap qui réussissent malgré tout à relever le
défi puis à continuer à avoir une vie pleine et entière. Ça fait que moi, je
pense qu'aussi l'impact social, ce qu'on vient dire du handicap en le
conservant dans le projet de loi dans sa forme actuelle, je pense que ça, c'est
un élément aussi qui serait problématique.
Mme
Labrie : Et pourquoi l'utilisation du mot «incapacité»
n'est pas associée au même stigma que «handicap»?
M. Caouette (Martin) : Bien, parce
qu'en fait la déficience, elle est organique, elle est physique, en fait.
Concrètement, elle parle d'une altération, en fait, de certains systèmes
organiques, tandis que, quand on parle d'incapacité, en fait, on parle d'une
difficulté d'accomplir une activité physique, une activité, en fait, bon, de la
vie quotidienne, par exemple, en raison de la présence d'une déficience. Donc
là, pour être bien clair, l'idée, c'est de dire : C'est la déficience qui
est grave et incurable puis qui mène à différentes incapacités dans la
réalisation des activités de la vie quotidienne.
Donc, si moi,
j'ai une incapacité intellectuelle, par exemple, bien, j'ai peut-être une
difficulté à faire certaines... certaines lectures, par exemple, j'ai
peut-être de la difficulté à poser un jugement sur certains éléments, donc j'ai
des incapacités qui vont découler de la présence de certaines... de certaines
déficiences chez moi, mais, si on met en place un certain nombre de soutiens,
bien, je peux pallier à ces incapacités-là. Donc, je peux malgré tout être
capable de vivre en appartement, par exemple.
• (16 h 40) •
Mme Labrie : Je comprends la
distinction que vous faites, sauf que je me demande en quoi c'est moins offensant ou blessant pour les personnes en
situation de handicap qu'on utilise les mots que vous nous proposez
plutôt que «handicap» dans la loi, même si, sur le fond, au niveau théorique,
je comprends la différence, mais au niveau du symbole que ça représente.
M. Caouette (Martin) : Les gens ne
se définissent pas comme des gens incapables. Il y a des personnes qui vont utiliser, par exemple, l'expression «personne
handicapée» pour parler de soi, mais ce n'est pas un élément identitaire
comme le mot... le mot «incapacité». Donc, c'est là, en fait, que la nuance est
extrêmement importante.
Mme Labrie : C'est maintenant
beaucoup plus clair. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, Pr Caouette,
Pre Gauthier-Boudreault... Boudreault, bien sûr,
merci beaucoup de votre présence, vous nous avez éclairées.
Donc, on va continuer notre travail. Alors, il me reste, au nom des
membres de la commission, à vous souhaiter une bonne fin de journée.
Alors, merci beaucoup, mesdames. C'est un...
c'était le dernier... nos deux derniers représentants. C'est un projet de loi qui a suscité beaucoup de questions,
à cette étape-ci, beaucoup de... fixé aussi beaucoup de constats. Alors,
on a encore énormément de travail à faire.
Mémoires déposés
Mais, pour l'heure, les travaux de cette
étape-ci étant terminés... Par contre, avant de lever la séance, je vais
déposer, si vous me permettez, une trentaine d'autres mémoires, additionnés à
tous ceux que vous avez consultés et tous les gens que nous avons rencontrés.
Alors, pour dire que c'est un projet de loi qui a suscité et qui va continuer à
susciter beaucoup de... d'interrogations. Alors, voici.
Ceci étant fait, le dépôt des mémoires, la
commission, ayant donc accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 42)