Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mercredi 29 mars 2023
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Vol. 47 N° 8
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
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Intervenants par tranches d'heure
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Blais, Suzanne
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Caron, Linda
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Lecours, Lucie
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Guillemette, Nancy
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Guillemette, Nancy
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Lecours, Lucie
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Blais, Suzanne
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Blais, Suzanne
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Caron, Linda
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Blais, Suzanne
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Tardif, Marie-Louise
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-quatre minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et
d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Picard (Soulanges) est remplacée par Mme Guillemette
(Roberval); Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis); et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est
remplacée par Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous allons entendre les
personnes suivantes : Mme Michèle Marchand ainsi que Mme Delphine Roigt.
Alors, pour l'heure, nous allons débuter
avec Mme Marchand. Bienvenue, Mme Marchand, à la commission. Je vais vous
inviter à vous présenter, et vous allez disposer d'une période de 10 minutes
pour faire votre exposé. Par la suite, les membres de la commission vont entamer
avec vous une période d'échange. Alors, la parole est à vous.
Mme Michèle Marchand
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
allons-y. Alors, moi, je me représente moi-même. Je ne fais plus partie... Je
ne représente plus un organisme, sauf que j'ai été, de 1999 à 2015, conseillère
en éthique auprès de la direction générale du Collège des médecins. Alors, j'ai
été partie prenante de tout le travail qui a été fait autour de l'aide médicale
à mourir. Je vous remercie donc de l'invitation parce que ce n'était pas obligé
du tout. Je ne fais pas partie des demandes habituelles.
Comme j'arrive à la fin de l'exercice, j'ai
tout suivi ça pour voir où ça s'en allait et je trouve que, vraiment, là, je n'aimerais
pas ça, être à votre place, parce qu'il y a eu une foison de bonnes idées, mais
je pense que c'est difficile de les ramener et de les ramasser <pour en
faire quelque chose...
Mme Marchand (Michèle) :
...mais
je pense que c'est difficile de les ramener et de les ramasser >pour en
faire quelque chose, et vous autres, vous êtes obligés de le trancher à un
moment donné. Donc, c'est extrêmement difficile. Moi-même, qui suis dans le
dossier, là... Depuis que j'ai arrêté, là, j'ai arrêté en 2015, je n'ai pas
arrêté d'y penser, là, mais ça fait à peu près 15, 20 ans que je pense à
ça, puis c'est encore compliqué, je trouve. Ça fait que je vais essayer de
ramasser les idées plutôt qu'aller sur des détails. Je ne suis pas juriste. Il
y a des juristes qui vous ont parlé... J'ai été clinicienne, mais je ne suis
pas une spécialiste des soins palliatifs ni de l'aide médicale à mourir. Donc,
c'est plutôt à titre de philosophe, on va dire, en se disant que les
philosophes n'ont pas de réponses, mais, des fois, ils aident à faire de
l'ordre dans les idées qu'on a. Donc, c'est ça que je vais essayer de faire. Je
pense qu'on a entendu plein, plein, plein de bonnes idées, et c'est ça, mais...
Par exemple, je vais vous donner une idée,
moi, qui m'a fait changer d'idée jusqu'à un certain point, là. Heureusement
qu'on a des organismes qui défendent les droits des handicapés puis qui leur
offrent des services, mais non seulement ils leur offrent des services, mais,
franchement, ils ont développé une bien bonne réflexion par rapport à ça. Donc,
eux, ce qu'ils nous ont fait... Moi, ce qu'ils m'ont fait comprendre, je ne
sais pas, vous autres, quelles conclusions vous allez en tirer, bien, c'est
que, quand on veut savoir ce qu'une personne, la personne concernée, veut, on
veut savoir, dans le fond, ce qui la fait souffrir. On ne veut pas savoir si on
va lui donner l'aide médicale à mourir au moment où elle nous dit ça. Ce qu'on
veut savoir, finalement, c'est qu'est-ce qui la fait souffrir de son point de
vue et comment on va l'aider à ce qu'elle souffre moins pour ne pas demander
l'aide médicale à mourir. Si on n'y arrive pas, bien là il y aura une demande
d'aide médicale à mourir. Je pense que c'est cette idée-là que plusieurs
organismes qui sont venus présenter, qui représentent des personnes handicapées,
ont voulu faire valoir, mais, en tout cas, moi, j'ai compris cette idée-là.
Ça fait que la question qu'on se posait
par rapport, par exemple, aux directives médicales anticipées, ce n'est pas si...
est-ce qu'on va faire ce que le patient a écrit dans sa demande, c'est que la
demande est importante parce qu'on veut savoir comment on va cheminer dans les
soins pour essayer de ne pas arriver à la demande, mais, si on n'y arrive pas,
il faut être assez fin pour baisser les bras puis dire... ne pas baisser les
bras, mais dire : Bien là, je pense que c'est le temps de l'aide médicale
à mourir. Donc, cette idée-là n'était pas claire jusqu'ici, je trouve, parce
qu'on disait : Il faut des douleurs objectivables. Il ne faut pas juste
des douleurs objectivables. Il faut que la personne nous ait dit ce qu'elle
craint comme souffrances... des souffrances objectivables, excusez-moi, ce
n'était pas «douleurs», là, mais il faut qu'elle nous ait dit ce qu'elle craint
comme souffrances pour qu'on sache avec elle qu'est-ce qu'on va faire avec puis
ne pas sauter tout de suite sur l'aide médicale à mourir quand ça va se
présenter.
Ça fait que je vais vous expliquer après,
je l'ai expliqué dans mon mémoire, pourquoi je trouve le projet de loi n° 11
de beaucoup supérieur au projet de loi n° 38, parce que, là, on passait
d'un à l'autre. À mon avis, c'était une dérive. En tout cas, ça, je vous
expliquerai ça un peu plus loin. Donc, je pense que la discussion, qui implique
beaucoup de monde, dont des organismes publics, à un moment donné, il faut que
ça ait une fin, mais ça a une utilité parce qu'on apprend ensemble. On apprend
ensemble. Comme celle qui va me suivre, là, sûrement qu'elle va nous parler des
comités d'éthique clinique. On n'a pas pensé à ce mécanisme-là, hein? On n'y a
pas pensé, mais peut-être qu'on devrait y penser pour les handicaps, pour les
maladies mentales.
• (11 h 30) •
Donc, je pense que c'est la même chose
pour la démence. Les gens, on veut savoir... pour essayer de mieux les traiter,
pour éviter... C'est probablement la même chose pour les maladies mentales et
ça va être la même chose pour plein d'autres pathologies, plein d'autres
pathologies, même s'il n'est pas question du tout de directives médicales
anticipées. Ça peut être une demande contemporaine, puis là, bien, c'est pour
ça qu'on veut savoir ce que les gens veulent, ce n'est pas pour l'appliquer
bêtement puis dire : Bien, c'est ça qu'il veut, c'est ça je vais faire,
même après, quand ça va se réaliser. Ce n'est pas ça, l'idée, et ça, cette
idée-là, là, de ne pas dire : Elle demande ça, je vais le faire, c'est ça
qui était à la base de notre loi. Ce n'était pas une loi sur l'aide médicale à
mourir puis ce ne l'est pas encore. Elle n'est pas encore amendée puis elle
n'est pas... Ce n'est pas une loi sur l'aide médicale à mourir. C'est une loi
sur les soins de fin de vie.
Donc, on voulait faire une loi qui nous
disait qu'on va faire... On ne mettra pas la charrue devant les bœufs, là. On
va mettre les ressources qu'il faut pour essayer que les gens ne le demandent
pas, puis, s'ils l'ont demandé, ce n'est pas de respecter tout de suite leur
demande, c'est de voir comment on peut les aider assez pour qu'on n'en arrive
pas à l'aide médicale à mourir. Je pense, c'est l'idée fondamentale qu'il y
avait derrière notre loi <québécoise...
>
11 h 30 (version révisée)
<
Mme Marchand (Michèle) :
...à
l'aide médicale à mourir. Je pense, c'est l'idée fondamentale qui avait
derrière la... notre loi >québécoise. Je ne sais pas si vous allez être
d'accord avec ça, mais, il me semble, c'était l'idée fondamentale puis, je
pense, c'est l'idée qu'il faut essayer de garder, qu'il faut essayer de ne pas
perdre. Mais c'est difficile parce que plus on ouvre à de multiples
pathologies, bien là... multiples problèmes de santé, excusez, des fois je
parle un peu comme un docteur, là, mais à de multiples problèmes de santé, bien
là plus c'est difficile de savoir comment on va faire ça, comment on va s'assurer
qu'il y ait des soins progressivement assez adéquats pour essayer de ne pas en
arriver sur l'aide médicale à mourir.
Moi, là, j'étais parmi ceux qui voulaient
ouvrir à l'aide médicale à mourir, mais pas comme quelque chose que quelqu'un
demande parce que c'est son droit, comme quelque chose qui s'impose quand
quelqu'un a des problèmes de santé puis qu'on n'en vient pas à bout, que, même
malgré tout ce qu'on veut faire, on n'en vient pas à bout. Puis ça, c'est un
gros, gros, gros défi parce que, là, il faut s'assurer que les soins sont
donnés et non seulement l'aide médicale à mourir.
C'est la grande différence, je trouve,
avec la loi canadienne, qui, elle, dit : Bien là, il faut avoir informé le
patient des recours. Bien oui, il faut avoir informé. Tu sais, je veux dire, si
on veut qu'il ait vraiment un choix puis qui exerce... qu'il exerce son
autonomie, là, encore faut-il... c'est... il n'est pas juste informé, mais que
ça existe, ces recours-là. Il faut que ça existe. Puis, comme société, bien, il
faut l'assurer.
Est-ce qu'on peut faire ça dans une loi
qui concerne seulement les soins de fin de vie? Je ne le sais pas. Je vous le
dis là, je ne le sais pas. On va-tu complexifier cette loi-là de sorte qu'elle
va finir par être une loi sur les soins? Il ne faut pas que ça arrive, là. Mais
comment on va faire pour garder l'idée que l'AMM devrait toujours arriver en
dernier recours, après des tentatives pour soustraire les gens qui sont
souffrants ou qui ont peur de l'être, de demander l'aide médicale à mourir? Je
ne sais pas si je me fais comprendre, là, parce que ce n'est pas toujours... ce
n'est pas simple. Ce n'est pas simple à comprendre. Ce n'est pas simple non
plus à mettre en application. Ce n'est pas simple pragmatiquement parce qu'on
ne va pas juste dire : Qu'est-ce que vous voulez?, puis là on va le faire.
Là, il faut voir est-ce que nos soins sont
adéquats. Puis là, là, quand on commence à parler de maladie mentale puis de
handicap, ils nous l'ont clairement dit, ce n'est plus des soins médicaux, là,
c'est des ressources sociales, c'est tout... c'est toutes sortes de choses qui
dépassent de beaucoup les soins et de beaucoup, beaucoup, beaucoup l'aide
médicale à mourir. On n'est pas les seuls à avoir fait ça, là, les Pays-Bas, là,
ça a commencé comme un droit, mais ça a fini finalement comme un soin. Tu sais,
là, c'est... ça a été revendiqué comme un droit, mais finalement c'est encadré
comme un soin. Et, les gens, ce n'est pas parce qu'ils demandent quelque chose
qu'automatiquement ils vont l'avoir. Il faut... «Oh! my», il me reste une
minute. Bon, bon, c'est ça.
Ça fait qu'il faut essayer de... C'est l'idée
fondamentale, et, à mon avis, il faut la garder. Ce n'est pas simple parce qu'il
faut avoir les moyens de ses ambitions. C'est ça que je veux dire, surtout. Et
ce n'est pas simple non plus, parce qu'il s'est greffé toutes sortes de
conflits là-dedans. Je viens de lire ce matin que le gouvernement fédéral vient
de publier le guide de pratique pour l'aide médicale à mourir chez... dans les
cas de maladie mentale. Charmant, n'est-ce pas? C'est... bon. Ça fait que... tu
sais, il y a toutes sortes, là, de difficultés qui se pointent. Il y a des gens
aussi qui ont opté pour une autre idée, qui est celle du suicide assisté. Là, c'est
le patient qui le demande, la personne qui la demande, puis on le fait. Mais ce
n'était pas ça, l'idée de notre loi, et j'espère que ce ne sera pas ça, mais c'est
permis par la loi fédérale.
Bon, je vais m'arrêter là. Je voulais
prendre point par point sur le projet de loi, mais on va répondre à des
questions, puis je pense que ça va... ça va y être.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Marchand. Je m'excuse, tantôt, je n'ai
pas mentionné votre titre, mais vous êtes... C'est Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Ah!
non, non, c'est correct.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette... ce... cette... voyons! Je m'en
allais dire «ce topo», mais je ne vais pas utiliser le mot «topo», mais le... cet
exposé. Donc, on va commencer la période d'échange, ça va vous permettre,
justement, de poursuivre point par point. On va commencer avec la ministre pour
une période de 16 min 30 s.
Mme Bélanger : Mme Marchand,
Dre Marchand, grand merci d'être là, c'est... c'est intéressant de vous
entendre. Et puis c'est vrai qu'on a un travail important à faire, qui est fort
complexe. Et vous allez peut-être avoir l'occasion de revenir avec vos... dans
vos <éléments...
Mme Bélanger :
...dans
vos >éléments de réponse, avec vos point par point, parce que je suis
curieuse de voir chacun de vos points. Mais ma première question, c'est... Je
comprends que vous avez maintenant... Vous dites : J'ai évolué dans tout
ça. Ça fait que, donc, est-ce que je comprends que vous avez maintenant des
réserves quant à l'inclusion de l'handicap neuromoteur grave et incurable
versus handicap? J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là.
Mme Marchand (Michèle) : Ah! c'est
clair pour moi. Je l'ai dit, je pense, dans... je ne sais pas si je l'ai dit
dans mon mémoire, c'est clair pour moi que ça... Il ne faut pas mettre «neuromoteur».
Mais, je pense, c'est clair pour moi, il y a plus d'affaires que... C'est pire
que ça, je pense que ça va être difficile, maintenant que ça a pris
l'orientation de ne pas faire de discrimination de personne, là, ça va être
difficile, même, de ne pas mettre les handicaps. Bon, les directives médicales
anticipées, on n'était pas obligés de mettre ça là, tu sais, ça, ça a été... puis,
je pense, à juste titre, parce que la démence, c'est un vrai problème, on
pourra en reparler. Puis je pense qu'on a bien fait de l'attaquer, mais les
handicaps, là, je pense qu'on n'aura pas le choix. Ça fait qu'il faut le faire
aussi subtilement qu'on a été capable de le faire pour les directives médicales
anticipées. Quelle procédure, quelle façon on va prendre pour que le
handicap... C'est-tu en le définissant mieux? Je ne le sais pas, là, je n'ai
pas la solution, mais c'est-tu en le définissant mieux... mais c'est surtout en
évitant que le fait d'être handicapé donne une priorité à quelqu'un. C'est le
fait d'être handicapé qui peut donner des souffrances qui, elles, vont donner
accès.
Et, pour ça, je pense... C'est pour ça que
je résume ça dans mon mémoire en disant : Plus on ouvre l'accès, là, plus
il faut être ferme, il faut être strict sur les conditions de souffrance, pas
de négliger la souffrance des gens, mais de bien évaluer si on a pris les
moyens adéquats pour éviter ça. On va le faire. Ce qu'on disait aux personnes
en fin de vie, là, ce n'est pas : Bon, vous avez le cancer, vous ne voulez
pas vivre ça, on va procéder. Ce n'est pas ça qu'on disait, on disait : Il
y a des soins palliatifs, vous allez essayer les soins palliatifs, tout le
monde va essayer. Tu sais, je veux dire, le monde ne veulent pas mourir, en
général. Ça fait que, là, ils vont essayer les soins palliatifs, mais on leur
promettait que, si ça allait mal... C'est ça qu'on fait dans notre... qu'on
fait encore. On leur promet que, si ça va mal, on va le faire, c'est ça qu'on
promet, mais encore faut-il que ça aille mal.
Ça fait que, là, c'est la même chose pour
les handicaps. Mais comment on va faire ça? Ça a été compliqué. Moi, je trouve,
le projet de loi n° 11, il est bon, là, mais il est compliqué, hein, parce
que, là, il fallait voir comment on va avoir des informations de la personne,
comment ça va évoluer dans les soins, comment ça va peut-être finir en AMM. On
ne veut pas que ça ne finisse pas en AMM jamais, mais on veut que ce soit le
moins souvent, le moins souvent possible. Comprenez-vous un peu l'idée?
Mme Bélanger : Tout à fait.
Mme Marchand (Michèle) : Mais
ça, trouver cette voie de passage là, là, ce n'est pas évident. Pour les
maladies mentales, je vais vous répondre à l'autre question que vous n'avez pas
posée, mais, pour les maladies mentales...
Mme Bélanger : Merci.
Mme Marchand (Michèle) : ...pour
les maladies mentales, je pense, ça va peut-être être plus simple parce que,
déjà, ça a été étudié au fédéral. Là, je suis un peu enragée, là, que... je ne
trouve pas ça... en tout cas, qu'ils publient les guides de pratique, mais
c'est étudié et c'est... Ça, ça ressemble plus à ce qu'on fait habituellement
quand on évalue une maladie évolutive ou intraitable, qui va mal, tu sais. Ça,
je pense que c'est... ça va peut-être... Ça va être difficile parce qu'il faut
éviter les dérives. Parce que, là, on a peur, on a peur de l'AMM chez les gens
handicapés, puis on a raison, puis on a peur de l'AMM chez les malades... les
pathologies mentales. On a raison, hein, on a peur de ça depuis qu'on sait
qu'il y a de l'AMM. Puis c'est des craintes justifiées pour lesquelles il faut
trouver des raisons.
• (11 h 40) •
Les directives médicales anticipées, on a
raison de craindre ça, ça peut être dangereux et c'est pour ça qu'on l'a
limité. C'est pour ça qu'on l'a... on a essayé que ce soit juste des gens qui
ont des diagnostics, pour qu'ils puissent nous informer de ce qui les craint...
ce qu'ils craignent, ce qu'ils ne veulent pas vivre, mais ce n'est pas parce
qu'ils ne veulent pas le vivre qu'ils ne le vivront pas. On va essayer de
trouver des moyens d'amenuiser leurs craintes au fur et à mesure, puis, si ce
n'est pas possible, bien, c'est ça. C'était vrai pour les soins palliatifs,
mais, les soins palliatifs, on savait à quoi on s'adressait comme soins. Puis,
même ça, on n'a pas réussi 100 %. Je vais vous dire quelque chose, là, tu
sais, même les soins palliatifs, on disait : Il faut que les soins
palliatifs soient développés et non seulement l'AMM. Ce n'est pas un succès
100 %, là. Donc, il faut bien voir que ça va être la même chose avec les
handicaps, s'ils sont... Ils vont être inclus. À mon avis, là, moi, je vois ça
venir, ils font des normes de pratique tout de suite, là, c'est sûr que... tu
sais, ça fait que ça va arriver, là. Ça fait qu'il va falloir trouver une façon
qu'on ne va pas aller trop vite avec le handicap ou avec la... avec les troubles
mentaux.
Mme Bélanger : Oui. Mais, ce
matin, la discussion, là, que vous nous amenez est vraiment importante. En
fait, vous nous dites, à la lumière de ce qu'on a entendu beaucoup <aussi...
Mme Bélanger :
...beaucoup
>aussi avec les personnes en situation de handicap qui ont mis l'emphase
sur les services, dans le fond, c'est ça qu'ils sont venus nous dire : les
soins puis les services, puis qu'à partir de là l'idée jaillit de dire : OK,
donc, faisons tout pour donner les soins et services.
Mais revenons... Dans le fond, l'aide
médicale à mourir devrait arriver quand on est rendu à une situation qui
s'impose de soi, en fait, parce que les souffrances sont inapaisantes,
intolérables, que tout a été fait et qu'on... On le sait, là, comme êtres
humains, tu sais, il y a des souffrances qui ne se soulagent pas, rendues à un
certain niveau...
Mme Marchand (Michèle) : Mais
il y a des... il y a d'autres... il y a...
Mme Bélanger : ...dans une
maladie ou dans une situation, et ça, je pense que, comme êtres humains... Puis
je vais faire un parallèle qui est peut-être un peu indécent, mais, quand même,
quand on voit des animaux souffrir, humainement, on va être tenté de les
soulager parce qu'on les voit souffrir. Bien, moi, je ramène ça aussi à ça,
puis je ne veux pas faire ce parallèle-là, là, mais je veux juste quand même...
c'est pour créer une image. Dans le fond, vous nous dites : La souffrance
devrait être extrêmement bien évaluée une fois qu'on a tout fait, là, les
services, l'organisation, etc., et cet élément-là est très, très important.
Mme Marchand (Michèle) : Et
surtout éclairé par ce que la personne elle-même a dit. C'est ça qu'on a mis...
qu'on a rajouté aux directives médicales anticipées, on veut qu'il nous dise ce
qu'il... pour pouvoir le traiter et pour pouvoir en disposer, et non pas lui
dire : Bien, si c'est ça que tu veux, c'est... quand ça va arriver, on va
le faire. Tu sais, il y a moyen. Il y a quelqu'un qui dit : Moi... je ne
sais pas, là, je ne veux pas être incontinent, là, puis il écrit ça, il dit ça,
là, il faut que quelqu'un l'accompagne pour dire : Écoute, là, il y a
quand même des moyens, peut-être, de vivre avec l'incontinence, tu sais, là,
puis c'est... puis peut-être, en fin de compte, qu'elle va tellement... tu
sais, puis que l'incontinence va faire partie du tableau, puis qu'il n'y a plus
rien à faire, puis que... tu sais, là, je veux dire, puis que quelqu'un va
décider de bonne foi de procéder. Mais encore faut-il... C'est ça que les
représentants des organismes de personnes handicapées nous ont dit : Encore
faut-il qu'on ait des ressources pour passer au travers nos... pour pallier les
incapacités qu'on a. Écoute... Mais ça, là, ce n'est pas nouveau, là, eux
autres nous ont dit ça pour le handicap, c'est ça qui était sous la Loi
concernant les soins de fin de vie, de dire : Il faut des bons soins
palliatifs avant de penser à l'aide médicale à mourir. Et c'est cette idée-là,
moi, que je souhaite qu'on ne perde pas, parce que, si on focusse juste sur
l'aide médicale à mourir, bien, on perd... on met la charrue devant les... je
sais, c'est bête, là, comme... mais on met la charrue devant les bœufs, et puis
on va être surpris par ce que la charrue va ramasser, là, tu sais, là, je...
Mme Bélanger : Exactement.
Mme Marchand (Michèle) : Il y
a bien du monde, là, qui aimerait mieux mourir que souffrir, là, puis, si on ne
les aide pas, bien, ils vont vouloir mourir, puis, si on ouvre, bien, ils vont
l'avoir. Ça fait que, tu sais, là, je... Ça fait que je pense que c'est cette
idée-là.
Moi, je ne suis pas une opposée, là, je ne
suis pas une... je ne suis pas une opposante à l'aide médicale à mourir, au
contraire, mais, je pense, la pente glissante que tout le monde nous mettait en
garde, là, elle existe, et c'est vrai que, quand on commence à vouloir ôter une
souffrance, pourquoi pas l'autre, quand on commence une affaire, pourquoi pas
l'autre, pourquoi pas les inaptes, les demandes anticipées? Moi, je suis
d'accord, mais il faut y aller avec prudence, parce que, sinon, on va débouler
carré, là. Tu sais, la pente glissante, c'est ça, c'est que le nombre augmente,
le nombre augmente. Je ne sais pas, là, on n'en a pas discuté, mais le nombre
augmente.
Ça fait que, moi, à mon avis, il faut être
bien ferme sur les conditions... les autres conditions, la souffrance, là, puis
le déclin avancé, la souffrance inapaisable puis le déclin avancé, parce que,
sinon, on va se ramasser avec quelque chose de surprend... pas surprenant, là, je
veux dire... c'est ça, oui, qu'on n'aimera pas.
Mme Bélanger : Très, très
intéressant. Je vais laisser la place à mes collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Avant de poursuivre dans les
discussions, je me dois de vous demander le consentement pour aller au-delà de
l'heure prévue, compte tenu que nous avons amorcé nos travaux avec un peu de
retard. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons donc... Il n'y a pas de
problème, vous allez pouvoir continuer vos... les travaux. Alors, je donne donc
la parole à la députée d'Abitibi-Ouest pour le... une période encore de
7 min 10 s. Le temps est à vous.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente, Dre Marchand, merci d'être parmi nous. Vous parlez beaucoup de la
souffrance. J'aimerais qu'on démystifie la souffrance, parce que, dans votre
discours, vous dites : La chose... le premier, c'est de pallier à la
souffrance. Alors, lorsqu'on est porté... lorsqu'on reçoit un diagnostic qui
est soit un cancer ou un pronostic qui est très sombre, souvent, on a une
souffrance, on a la souffrance physique et on a aussi la <souffrance...
Mme Blais :
...la >souffrance
psychologique. Avons-nous toutes les ressources nécessaires pour pallier à la
souffrance psychologique? Parce qu'on sait que, physique, on a des soins
palliatifs.
Mme Marchand (Michèle) : Non.
Non. On le sait tous, non, on n'a pas ces ressources-là. Non, on a de la misère
à traiter... tu sais, là, je veux dire, on n'a pas ces ressources-là. C'est
pour ça que l'orientation de la loi est très importante, parce que, si on se
met à faire l'aide médicale à mourir puis que les ressources sont manquantes,
autant pour le handicap que pour les maladies mentales, bien, moi, là, ce
n'était pas ça qui était... qui était prévu, hein, ce n'était pas ça qui était
prévu.
Mme Blais : J'aimerais
peut-être...
Mme Marchand (Michèle) : Peut-être,
c'est ça qui est prévu en Suisse, en Suisse, c'est ça qui est prévu, mais
encore faut-il que les personnes aptes... il faut qu'ils aient une maladie,
puis là, bien,... eux autres, c'est comme ça qu'ils ont conçu, là. Mais, nous
autres, là, ce n'est pas ça du tout, c'était en continuité avec les soins. Puis
c'est pour ça que les médecins se sont impliqués, c'est pour ça que la
profession médicale a été partie prenante positivement, mais là... Là, là,
c'est sûr qu'il y a des médecins qui vont s'impliquer, c'est sûr, il y en a, là,
mais c'est concentré, là, comprenez-vous? Mais moi, je trouve ça triste, parce
qu'on a réussi à ce que tout le monde, même les opposants, se dise : Ah!
bien, coudon, tu sais, ça a du bon sens, ça. Il y a des fois où on n'y arrive
pas, puis on est aussi bien d'aider le monde, mais il faut aider le monde
avant.
Mme Blais : Mais, lorsqu'on
parle de soins palliatifs, la ligne, elle est très mince vers la mort... vers
l'injection, la dernière injection finale. La ligne, elle est mince, parce
qu'on sait que l'état est moribond, et, lorsqu'on donne des doses
d'analgésiques, le patient peut faire un arrêt, éventuellement, dans sa
condition de santé, là. J'aimerais que vous démystifiiez la ligne, qui est
très, très mince.
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
oui, oui. Ça, là, il faut... Ça, c'est un point d'obscurité qu'il faut... qui
est facile à... qui est assez facile à lever, je pense. Bon, deux, j'aurais
deux réponses à dire. Les soins palliatifs, là, on a pris l'habitude de
dire : Les soins palliatifs, c'est les soins qu'on donne aux gens qui ont
un pronostic vital court, hein, c'est... puis c'est ça qui se passe. Les
maisons de soins palliatifs, là, les gens, il leur reste deux semaines, ça
va... tu sais, les... ils ont un pronostic vital, là, très raccourci, ils vont
mourir incessamment. C'est ça que l'on conçoit comme les soins palliatifs. Mais
les... Un soin palliatif, par définition, ce n'est pas ça, c'est un soin qui
veut soulager sans guérir puis sans précipiter la mort non plus. C'est ça, un
soin palliatif. Ça fait que ça peut être pour n'importe quoi. Sauf qu'on s'est
habitués à... on s'est habitués, la loi, notre loi a été faite comme ça, puis
les soins palliatifs se sont développés comme ça.
Il y a très peu de gens qui ont des
maladies mentales et puis qui sont en soins palliatifs. Moi, je n'en... tu
sais, je veux dire, il n'y en a pas, il n'y a pas de monde qui se... Des
handicapés, ils ne vont pas dans une maison de soins palliatifs, puis j'espère
qu'ils n'iront pas. Les maisons de soins palliatifs, là, je le dis dans mon
mémoire, elles en ont déjà plein les bras avec les gens sur le bord de la... Tu
sais, ce n'est pas financé à... ce n'est pas... ça n'a pas des finances
illimitées, ça, là. Si tout le monde qui veut l'aide médicale à mourir se pointe
dans les maisons de soins palliatifs, on se tire dans le pied, là, bon.
Ça fait que, là, il faut imaginer
l'équivalent des soins palliatifs pour des personnes handicapées. Mais là il
faut que ça soit chez eux, il faut qu'il y ait... tu sais, il faut que ce soit
dans un établissement, il faut que les patients... parce que... les patients
atteints de démence, il faut que les lieux qui les accueillent soient capables
d'offrir l'aide médicale à... autre chose que l'aide médicale à mourir d'abord,
puis l'aide médicale à mourir aussi, il faut rehausser la qualité des lieux où
ces personnes-là se retrouvent. Ça fait qu'on veut... c'est...
L'idée, ce n'est pas d'envoyer tout le
monde dans des maisons ou dans des unités de soins palliatifs, c'est d'avoir
l'équivalent d'une approche palliative pour des choses qui ne sont pas des
maladies mortelles. Puis ça, je ne pense pas qu'il faut être contre ça, mais
encore faut-il être capable de faire ça. On se sentait capable de risquer ça
pour les gens qui avaient un pronostic vital court. C'étaient les soins
palliatifs. On voulait les développer. Comme je vous le dis, ce n'est pas
100 % réussi. Est-ce qu'on peut se donner le défi de faire la même chose
pour des personnes qui ont des handicaps, qui ont des maladies mentales puis
qui ont plein d'autres choses? Parce que, là, s'il n'y a plus de critère de fin
de vie, là, ça ouvre à pas mal d'affaires, tu sais, là, il y a pas mal de monde
qui sont... bon.
• (11 h 50) •
Mme Blais : Merci, Dre Marchand.
Je vais laisser la place à mes collègues.
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
quand je pars, j'arrête difficilement. Excusez-moi, arrêtez-moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va poursuivre. Je vais juste vous mentionner qu'il reste
2 min 20 s. Et la parole est au... «au docteur», même, je vous appelais «docteur»,
là. Merci, Dre Marchand. Puis, la députée de Roberval, la parole est à vous.
Mme Guillemette : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dre Marchand, d'être avec nous aujourd'hui. J'aurais
une question, mais, comme on a juste deux minutes, je voudrais savoir :
Est-ce qu'il y a quelque chose que vous ne nous avez pas dit, que vous n'avez
pas eu le temps dans votre 10 minutes puis que vous voudriez vraiment nous
partager aujourd'hui?
Mme Marchand (Michèle) : Ah
oui! OK. Un détail pratique que les gens n'aimeront pas. La commission devrait
être plus ferme sur le respect des... de la <souffrance...
Mme Marchand (Michèle) :
...de
la >souffrance, pour le respect des autres critères. Si on ouvre aux
critères, il faut se trouver des façons d'être sûrs qu'on va limiter... Si on
ouvre à l'entrée, je vais vous simplifier ça, il faut être sûr qu'à la sortie,
là, il va y avoir un goulot en quelque part, là. Puis là on a conçu ça... Dans
les pays où ça a été légalisé, l'euthanasie, là, si... ils réfèrent ça aux
instances judiciaires. Moi, je ne tiens pas à ce que le docteur aille en
prison, c'est le dernier de mes vœux. Mais le message doit être clair auprès de
la population : Ce n'est pas vrai que c'est laissé à la discrétion des
patients dans une directive anticipée en particulier ni quand ils sont aptes, ce
n'est pas vrai que c'est laissé à leur discrétion : Moi, je veux ça puis
je vais l'avoir, là. Ce n'est pas vrai que c'est ça. Puis ce n'est pas vrai non
plus que ça va passer. Tu sais, là, c'est... Mais, si ça passe... Là, ils
réfèrent au Collège des médecins. Vous avez vu la position du Collège des
médecins actuellement. Ça fait que je ne le sais pas, mais moi, j'aimerais ça
être sûre qu'il y a quelqu'un qui va... qui va nous avertir s'il y a quelque
chose qui dérape, là, parce ça peut facilement déraper.
Mme Guillemette : ...le rôle
de la commission des soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Pour
le moment, ce n'est pas de rôle, mais, en général, où ça a été légalisé, là,
c'est un rôle de contrôle, et puis ils réfèrent aux instances judiciaires quand,
vraiment, ça dépasse les bornes.
Mme Guillemette : Mais la commission
des soins de fin de vie, qui analyse chaque année tous les cas, doivent aviser
la ministre ou doivent aviser s'il y a une...
Mme Marchand (Michèle) : Non,
le collège...
Mme Guillemette : Ils avisent
le collège.
Mme Marchand (Michèle) : Le
collège ou les CMDP des établissements.
Mme Guillemette : Donc,
est-ce qu'on devrait ajouter un mandat à la commission de soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Mme Guillemette : Merci.
Merci beaucoup, Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne me ferai pas aimer, là, je vous le dis, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dre Marchand. On
poursuit par contre nos échanges avec l'opposition officielle, Mme la... Westmount—Saint-Louis,
j'imagine? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous bénéficiez d'une
période de 12 min 23 s. Vous commencez.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dre Marchand, merci pour vos remarques, pour votre mémoire
puis pour les échanges qui sont très constructifs et très intéressants, entre
autres. Je ne veux pas reposer les mêmes questions de mes collègues, mais je
trouve très intéressants les échanges. Dans vos remarques préliminaires, vous
avez dit que... d'abord, pour renchérir un peu là-dessus, que, dans le fond, il
faut tout faire avant d'arriver à offrir un soin de fin de vie, puis c'était le
sens qu'on voulait avoir dans la première mouture de la première loi, mais vous
avez aussi dit... puis c'est vrai, là, on a eu une demande croissante de
demandes, même que Québec est au premier rang mondialement pour les demandes
d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Alors, est-ce que c'est un échec à
quelque part? Est-ce qu'on n'a pas rempli la mission de ce qu'on souhaitait de
la première loi?
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
je pense que ça a été une réussite. J'avais intitulé mon dernier mémoire L'AMM,
victime de son succès. Je pense, ça a été une réussite quand c'étaient
encore les personnes en fin de vie, là, quand c'étaient des gens qui avaient un
pronostic vital limité. Je pense, ça a été un plus, ça a été une réussite...
pas totale, parce que je pense qu'on n'a pas réussi à ce que les soins
palliatifs... on le voit, là, avec les plaintes qu'il y a maintenant, que les
soins palliatifs ne sont pas toujours accessibles, là. Donc, ce n'est pas une
réussite totale. Mais je pense que ça a fait consensus, tout le monde s'y est
mis. Moi, je pense que ce n'est pas un échec, ce n'est pas un échec. Sauf que,
si on n'est pas capable de faire la même... Il faut faire la même chose, là,
pas mal plus largement. Est-ce qu'on est capable de faire ça? Je ne le sais
pas.
Puis je vais même jusqu'à dire, comme Mme Hivon
vous a écrit dans son mémoire, moi, si on n'est pas capable... si on pense
qu'on n'est pas capable de faire ça, là, on est aussi bien de garder la loi sur
les soins de fin de vie pour les personnes en fin de vie puis se référer à
autre chose, le Code criminel pour les autres. Tu sais, là, si on n'est pas
capable, là... La bonne nouvelle, c'est qu'on a été capable pour les directives
anticipées, je pense, en tout cas, j'ai hâte de voir ce que ça va donner, parce
qu'il va falloir être ferme sur le suivi de ça. Mais, si on le fait comme on a
fini par le concevoir, là, par le... sur le... l'obliger, le suggérer, bien, je
pense que ça ne dérape pas. Il va falloir voir, mais... Il ne faut pas se
lancer, là, tête-bêche, là, puis la fuite en avant, parce que je pense qu'on va
avoir des méchantes surprises. Sinon, on est mieux de rester juste avec notre
loi de soins de fin de vie qui nous est particulière et, si c'est juste sur
l'aide... si c'est une loi juste sur l'aide médicale à mourir, concevoir autre
chose, se rapprocher plus de la loi canadienne ou quelque chose là.
Mme Maccarone : Bien, c'est
sûr, si on... On ne parle plus des soins de fin de vie, on... vous l'avez dit,
on enlève la condition de l'état...
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
moi...
Mme Maccarone : ...puis là on
est rendu à une maladie. Alors, je vous entends quand on parle des conditions,
puis, oui, c'est vrai, c'est très important, mais, selon vous, côté éthique,
parce que c'est votre expertise, une <personne...
Mme Maccarone :
...une
>personne en situation de handicap qui a perdu l'utilisation de ses
jambes, qui souffre, est-ce que c'est la même souffrance qu'une personne qui a
perdu l'utilisation de ses bras? Parce qu'on est face à un grave problème, on
n'est pas capable d'avoir une définition de la notion de handicap puis de souffrance.
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
mais, je pense, c'est justement ça, il ne faut pas comparer un handicap par
rapport à l'autre. Il faut voir comment, pour une personne, on a réussi à
pallier son handicap pour que la vie soit vivable. Et ça, c'est plus... c'est
plus... c'est plus pertinent que de savoir, bien, l'autre, qu'il a perdu... Tu
sais, peut-être, il y en a un qui va perdre tout, là. On a vu des
quadriplégiques intubés qui sont venus présenter, puis il y en a d'autres
qu'une petite perte va avoir un grand impact. Il faut comprendre pourquoi la
petite perte a un grand impact, est-ce que... est-ce qu'on a essayé d'avoir
tous les moyens. Peut-être que ça ne passera jamais chez cette personne-là puis
qu'elle va vouloir le réclamer, mais... Puis je ne suis pas contre qu'elle
l'ait, mais il faudrait être bien, bien sûrs qu'on a tout essayé avec...
Comprenez-vous un peu l'idée?
Mme Maccarone : Oui, oui,
oui, je comprends, oui.
Mme Marchand (Michèle) : L'autre
affaire, je veux vous dire aussi, c'est que les gens ont quand même le droit,
ça, ça a été mis dans les DMA puis c'est un droit inaliénable, de refuser des
traitements. Il est en droit de... Ça, c'est une autre clarification que je
veux absolument faire parce que, là, c'est... Les gens ont le droit, dans notre
régime de consentement, de consentir ou refuser un soin qui leur est proposé.
Ils n'ont pas le droit d'exiger un soin, ils ne peuvent pas exiger l'aide
médicale à mourir, pas plus qu'on peut demander une amputation, là, tu sais. Si
toi, tu... moi, je juge, je veux être amputée, là, bien, il n'y a personne qui
va me faire une amputation. On va dire : Bien, voyons donc, tu sais, bien,
penses-y deux minutes. Ce n'est pas l'équivalent, mais quelqu'un qui n'est
pas capable d'endurer, par exemple, qu'il a perdu un bras, bien là il faut
essayer de le convaincre qu'on va essayer d'autres choses, tu sais, là, je veux
dire, puis il faut essayer fort. Puis ça, on n'a peut-être pas toutes les
ressources pour essayer de faire ça fort. C'est les groupes de personnes
handicapées qui sont obligés de le faire.
Mme Maccarone : Bien... Puis
vous dites avec justesse, puis j'espère qu'on va avoir cette notion qui... que
ça soit très clair, surtout aussi dans le guide de pratique, parce que ça
aussi, ça devrait en faire partie, d'une notion de comment nous allons traiter
les personnes qui le souhaitent, qu'ils fassent une demande.
Avant de passer la parole à mes collègues
qui souhaitent aussi vous poser des questions, le rôle de tiers de confiance,
vous nous avez posé une question dans votre mémoire, mais vous... nous n'avons
pas clarifié votre position. Est-ce qu'on peut avoir un remplacement? Est-ce
que ça devrait être un membre de la famille ou non? C'est qui qui devrait
accompagner la personne? Est-ce que ça devrait être une obligation facultative?
Plein de questions.
Mme Marchand (Michèle) : C'est
fou, mais je vais vous décevoir parce que je ne sais pas quoi répondre à toutes
ces questions... pas secondaires dans le sens de... Mais la question... la
réponse prioritaire que je vous donnerais, là, c'est qu'on ne veut pas, en AMM,
d'avoir de consentement substitué pour le moment. C'était... C'est ça qui est
dangereux. Puis c'est ça qu'il faut avancer prudemment, il faut avancer
prudemment de... sur les demandes anticipées parce que c'est ça qui est
dangereux, le consentement, que ce ne soit plus la personne qui décide le
moindrement. Là, on avance tranquillement parce que c'est des gens qui sont
capables de décider, pour le moment, on est capable de parler avec eux autres,
là. Ça fait qu'il faut profiter qu'on peut parler avec eux autres pour savoir
comment on va s'orienter par la suite. Mais quelqu'un qui n'est pas capable,
là, là, ça veut dire que c'est un consentement substitué. C'est de ça dont il
faut s'éloigner. Est-ce qu'il faut que ce soit une... telle... Je ne sais pas.
Est-ce qu'il y en a un, deux, là? Je vous le dis, là, ça... C'est sûrement des
questions importantes, là, mais je pense qu'il faut réfléchir, c'est de dire :
Ça, on ne fait pas ça par consentement substitué pour le moment, puis, si
jamais ça vient, on va faire bien attention.
Mme Maccarone : Même si c'est
clairement identifié dans la demande anticipée. Tu sais, on a entendu aussi
hier, tu sais, on... Qu'est-ce qu'on fait face à un cas de résistance? Vous
avez aussi fait la mention. Les omnipraticiens qui ont passé en commission hier
nous ont demandé d'avoir le droit d'offrir une contention chimique. Alors,
éthiquement, est-ce qu'on fait fausse route ou est-ce que c'est la manière de
procéder?
• (12 heures) •
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
ce que je suis certaine... il y a des affaires que je suis certaine, des
affaires que je ne suis pas sûre, il y a... D'abord, éthiquement, là, tu sais,
on dit toujours : Il y a une réponse éthique. Je ne suis pas sûre, parce
que ça dépend. Bon, je pense qu'il ne faut pas invalider la demande pour
autant, c'est sûr, parce que ce n'est pas comme... Ce n'est pas un refus
catégorique, là. Il faut être capable de l'interpréter... mais il faut être
capable de l'interpréter pour essayer, on a vu la madame de Carpe Diem, là,
qui... pour essayer de calmer le jeu, pour essayer de calmer le jeu, sans
nécessairement qu'ils aillent dans le protocole. Peut-être, dans le protocole,
il va falloir mettre de la sédation. D'ailleurs, il y en a où... il y en a un
petit peu dans le protocole une fois la procédure commencée, mais peut-être
que... Peut-être, il va falloir. Mais la première affaire, c'est d'essayer de
trouver des façons plus... plus... plus douces, un peu, de... si c'est
possible. Si ce n'est pas possible, peut-être il faut aller jusqu'à la
sédation. Il faut quand même être cohérents, là, si on a décidé de le faire,
c'est parce que... ce n'est pas parce que la patiente l'a demandée, le patient
l'a demandée, c'est parce qu'on est convaincu qu'il faut le faire.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Dre Marchand. On poursuit donc avec la députée
de La Pinière. Je vous dis... je vous indique qu'il <reste...
>
12 h (version révisée)
< 17949
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) :
...je vous indique qu'il >reste
4 min 24 s.
Mme Caron : D'accord. Alors,
je vais y aller en rafale avec deux questions. La première, c'est qu'hier
quelqu'un nous a parlé... nous suggérait une terminologie inclusive qui s'énonçait
comme suit : «déficience et incapacité grave et incurable». Et je vois qu'en
page 7 de votre mémoire vous faites référence à une terminologie
semblable, en fait, du Code criminel : «...affectée [par des] problèmes de
santé graves et irrémédiables» ou bien : «[Atteint] d'une maladie, d'une
affection ou d'un handicap graves et incurables.» Alors, j'aimerais savoir si
vous trouvez que «déficience et incapacité graves et incurables» pourrait être
intéressant, plutôt que de parler de handicap.
Et ma deuxième question, en lien avec la
question qui a été posée par ma collègue : Est-ce que vous avez des
recommandations précises sur la composition et le rôle de la commission sur les
soins de vie qui seraient idéals, à votre avis?
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Je vais répondre à la deuxième question, parce que je l'ai mis dans mon
mémoire. Je pense que, si on veut étendre à des catégories de personnes comme des
gens qui... il faut mettre des gens qui oeuvrent auprès de ces patients-là ou
connaissent bien ce domaine-là, la maladie mentale, les handicaps. Là, je pense
que, pour le moment, c'est des représentants plutôt des organismes, mais, tu
sais, on pourrait s'organiser... C'est la même chose pour... Je pense qu'il
faut mettre des gens qui sont habitués avec les personnes démentes, les malades,
tu sais, qui oeuvrent auprès de ça pour la composition. Votre première
question, c'était quoi?
Mme Caron : C'était à propos
de la terminologie, «déficience», «incapacité».
Mme Marchand (Michèle) : Ah!
la terminologie. Moi... Bon, moi, je pense que ce serait plus... Moi, là... il
ne faut pas se lancer dans des batailles fédéral-provincial, on en a assez sans
en inventer, tu sais. Si on est capables de définir... de mettre le handicap
comme ils l'ont mis puis de le définir en axant sur les incapacités qui sont
reliées beaucoup à l'environnement, c'est vrai, puis qu'on veut pallier... on
veut que ce soit pallié avant de penser à des solutions comme les médicaments,
on veut démédicaliser ça aussi, bien, je pense, je pense... Je n'en ferais pas
une bataille, là, fédérale-provinciale, je mettrais «handicap» puis je serais
ferme sur... je ne sais pas si je le mettrais dans la loi, mais, en tout cas,
sur une définition du handicap qui est celle qu'ils nous ont proposée, et qui
est la conception moderne, je pense, des handicaps, et qui nous fait décrocher.
Ce n'est pas des maladies, ça, là, là, ce
n'est pas évolutif. Nous autres, là on n'est pas... Notre loi, là, c'est pour
des gens qui vont mourir; c'était non seulement évolutif, ils étaient pour
mourir. Là, on tombe de : ils vont mourir à évolutif. Là, on tombe d'évolutif
à pas évolutif. Mais les gens, même si ça n'évolue pas, ils sont souffrants
pareil. Ça fait que, là, tu sais, il faut changer un peu notre... non seulement
le vocabulaire, mais la façon... Ça fait que je pense que, si on décrit ou si
on conçoit les handicaps comme ça ailleurs que dans la loi, peut-être, mais
dans la façon dont ça va être réglementé...
Moi, pour être franche, là, où on en est,
là, je pense que l'aspect des directives médicales... des demandes anticipées
est assez bien travaillé pour prendre une chance, tu sais, moi je suis
prudente, là, mais... pour prendre une chance. Je pense que le reste, ça ne l'est
pas. Est-ce qu'il faut faire un moratoire, est-ce qu'il faut... Je ne sais pas,
là, jusqu'à quel point, mais je pense qu'on peut s'inspirer. Les travaux sont
vraiment plus avancés du côté fédéral, c'est parce qu'il y a des... puis les Québécois
y ont participé, Dr Gupta. Et, tu sais, je pense qu'on pourrait s'inspirer
de ce qui a été fait ailleurs, puis pas recommencer à zéro pour ce qui est des
maladies mentales, et, pour le handicap, bien, s'inspirer de ce qui est connu
chez les handicaps, que, dans le fond, la souffrance est reliée beaucoup à l'incapacité
et l'impossibilité d'avoir des ressources pour les pallier.
Mme Caron : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On va poursuivre... ah! avec... Il reste 44 secondes.
C'est parfait. Allez-y.
Mme Prass : Justement, dans
le cadre du refus, pensez-vous qu'il devrait y avoir un élément, y compris dans
le formulaire, qui dit explicitement, s'il y a une manifestation de refus de la
part de la personne, une fois qu'ils sont rendus inaptes, qu'on devrait quand
même procéder avec l'administration de l'AMM?
Mme Marchand (Michèle) : Je
pense que ça pourrait être une façon. Je pense que ça pourrait être une façon.
Mme Prass : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On est efficaces. Donc, on termine, Dre
Marchand, avec la députée de Sherbrooke. Et vous avez une période... une
période de temps de 4 min 8 s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Dans votre mémoire, vous nous invitez à insister sur les ressources
à déployer pour pallier les incapacités. C'est ce que vous venez d'exposer ici.
Je vous sens craintive, je sens que vous trouvez qu'on n'est pas prêts, socialement,
à offrir des alternatives, en termes de soins, puis ça fait écho, quand même, à
ce que plusieurs sont venus nous dire ici, là. Pour qu'on parle de libre choix,
il faut qu'il y ait un choix, donc il faut qu'il y ait d'autres types de
services pour pallier les incapacités. Est-ce que vous pensez qu'on devrait,
dans le processus législatif, bon, définir le handicap, prévoir les modalités
pour ça, mais se <laisser un temps...
Mme Labrie :
...
législatif, bon, définir le handicap, prévoir les modalités pour ça, mais se
>laisser un temps avant l'entrée en vigueur de ça pour déployer des
ressources, investir dans tout ce qui permet, en matière de services de soins,
de pallier les incapacités avant de faire entrer en vigueur cet article-là?
Mme Marchand (Michèle) : Ah
oui! Parce que... Oui, puis je me demande... Tu sais, il y a des gens qui ont
émis l'idée d'un moratoire, là. Je pense qu'on n'est pas prêts, là. Tu sais, ça
a été difficile pour les directives anticipées... les demandes anticipées, puis
c'était un problème majeur, mais ça nous a pris combien de temps, là, puis
combien de commissions, puis tout ça, puis là on a jugé... Mais on n'est pas...
on n'est pas plus prêts, là. Il y a eu des discussions intéressantes, mais de
là à traduire ça dans la loi, là, je pense qu'on ne l'a pas, là. Tu sais, on a
pogné quelque chose, mais on ne l'a pas encore traduit dans une loi, là, ça
fait que, là, je ne sais pas si c'est l'idée d'un moratoire, là. J'ai l'air à
ne pas savoir grand-chose, mais je pense qu'il faut vraiment prendre notre
temps, je pense qu'il faut vraiment prendre notre temps si on ne veut pas se
ramasser... Ce n'est pas correct.
L'autre affaire, par exemple, il y a
quelqu'un qui nous a dit hier qu'il ne faut pas que ça dépende juste de l'État.
Ils sont capables de s'organiser, tu sais, là, il ne faut pas attendre, non
plus, qu'on va avoir un système... Les soins palliatifs, là, je vais te dire,
ils se sont organisés tout seuls, hein? Tu sais, ce n'est pas venu trop, trop
de l'État. Il faut qu'ils soient financés quand même, là.
Mme Labrie : Comment on va
faire pour savoir si on est prêts, tu sais? Si on dit, par exemple : Bon,
bien, voici comment on définit le handicap, les modalités, on dit : Ça, ça
entre en vigueur quand... Tu sais, c'est quoi, les conditions à réunir pour se
dire : OK, quand ça, ça va entrer en vigueur, c'est vraiment un libre
choix, puis il y a vraiment des manières de pallier les incapacités? Comment on
peut l'évaluer, nous?
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne sais pas, mais je pense qu'il faut... Je ne sais pas quand est-ce qu'on va
pouvoir le mettre en application, mais je pense que, dans... d'ici... Bon, de
toute façon, il y a un an, là, pour les maladies mentales. Je ne comprends pas
qu'ils fassent le guide de pratiques tout de suite, mais, en tout cas, il faut
que le message soit clarifié auprès de la population, là, puis il faut que, sur
le handicap puis la pathologie mentale... dire : Écoutez, ce n'est pas ça,
notre loi, là, nous autres, là, c'est... Tu sais, là, il faut que ça arrive,
là, quand ça va bien mal. Bon, mais il y a des gens... c'est une position, ça,
il y a des gens qui ne pensent pas ça. Il y a des gens qui veulent, là, que... Ils
disent que, quand les gens sont tannés, c'est eux autres qui décident, et puis
c'est tout, tu sais, là. Mais ça, là, moi, qu'on rentre les docteurs là-dedans,
je trouve ça vraiment bizarre, parce que ce n'est pas comme ça, habituellement,
qu'on gère des soins puis qu'on aide des gens, tu sais, ce n'est pas de leur
dire : Bien là, si c'est ça que tu veux, ni... Les personnes handicapées,
elles ne veulent pas qu'on leur dise : Bon, bien, si c'est ça que tu veux,
tu vas l'avoir. Ils veulent pouvoir demander des ressources puis dire
eux-mêmes : Là, je pense que, tu sais...
Mme Labrie : Est-ce qu'il me
reste du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 45 secondes.
Mme Labrie : Bien, je ne sais
pas s'il y a autre chose que vous n'avez pas eu le temps de mentionner que vous
voulez ajouter. Non?
Mme Marchand (Michèle) : Bien,
il y en a plein, là, je ne saurais pas choisir...
Mme Labrie : Mais vous
estimez, en tout cas, le...
Mme Marchand (Michèle) : ...mais
je vous invite à lire mon mémoire.
Mme Labrie : Oui, bien, je
l'ai lu. Donc, la Commission sur les soins de fin de vie, ils nous l'ont dit
quand même, qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires par rapport à
l'ampleur que ça prenait. Vous, ce n'est pas juste au niveau des ressources,
c'est que... le mandat carrément qui devrait être modifié, en ce qui les
concerne?
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
j'aimerais que le message soit le même partout que c'est un soin de dernier
recours, puis un message ferme. Parce que les gens se sont imaginé que c'est la
meilleure façon de mourir, donc, je vais la demander puis, si je la veux, je
vais l'avoir. Et je pense que ce n'était pas ça, l'orientation du projet de
loi, puis moi, je n'aimerais pas que ça devienne ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Dre Marchand, merci beaucoup pour
votre mémoire, pour l'échange que nous avons eu aujourd'hui, c'était fort
intéressant. Alors, c'est ce qui met fin à cette rencontre.
Et, pour l'heure, je suspends, le temps...
quelques secondes, en fait, le temps de recevoir notre prochaine intervenante.
Merci beaucoup, Dre Marchand.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la Commission des relations
avec les citoyens... reprend ses travaux.
Nous recevons, donc, pour la prochaine
heure, Me Delphine Roigt, conseillère en éthique. Bienvenue, Me Roigt. Alors,
lorsqu'on s'est rencontrées, quelques secondes auparavant, je vous expliquais,
vous allez avoir 10 minutes pour exposer vos constats, et par la suite
nous allons procéder à une période d'échanges avec les membres de la
commission. Alors, le temps est à vous.
Mme Delphine Roigt
Mme Roigt (Delphine) : Parfait.
Bien, je remercie... Je vous remercie, Mme la Présidente. Députées de
l'Assemblée nationale et membres de la Commission des relations avec les
citoyens, merci beaucoup de cette opportunité que vous m'offrez de pouvoir vous
faire part un peu de mes réflexions.
Pour me présenter, d'abord, bien, je suis
avocate et éthicienne clinique dans le réseau de la santé et des services
sociaux depuis plus de 25 ans. J'ai travaillé dans tous les types
d'établissements, j'ai été impliquée dans des milliers de situations cliniques
qui font vivre des malaises éthiques aux soignants, aux équipes et aux
gestionnaires de même qu'aux usagers et leurs proches. Les principales
situations au cœur de ces consultations en éthique, bien, c'est celles qui
concernent, effectivement, l'aptitude, le consentement, le refus de soins, la
proportionnalité des soins, l'acharnement thérapeutique, le consentement
substitué, le rôle du représentant légal et aussi la fin de vie. Donc, on est
vraiment au cœur de l'application de la Loi concernant les soins de fin de vie.
J'ai eu le privilège de présenter lors des
auditions, en 2013, et en préparation de la présente audition, je suis allée
revoir ou relire le mémoire qu'on avait présenté, à l'époque, avec
l'Association québécoise en éthique clinique. Notre principal commentaire
général sur le projet de loi, à l'époque, était la nécessité de profiter de
l'entrée en vigueur de la loi pour bonifier l'offre de soins palliatifs et
l'étendre à l'ensemble du Québec. Ce qu'on disait à l'époque, si j'ouvre les
guillemets : «D'une part, les soins palliatifs, que l'on parle d'approche
palliative ou d'unités de soins palliatifs, sont loin d'être accessibles :
manque de lits destinés aux soins palliatifs, manque de professionnels formés,
difficulté de plusieurs médecins de passer des soins curatifs aux soins
palliatifs, préjugés des soignants, des patients et des proches de même que
refus des patients et des proches d'une approche palliative et difficulté de la
société en général à accepter la fin de vie.» Je ferme les guillemets. Je
reprends ces constats mot pour mot parce que, malheureusement, la loi n'a pas
eu les effets escomptés, sauf pour la mise en œuvre de l'aide médicale à
mourir.
Rappelons-nous les éléments centraux de
l'article 1 de la loi, hein : le droit à des soins de fin de vie dans
un continuum de soins, un soulagement des souffrances et la primauté des
volontés de la personne avec l'instauration des directives médicales anticipées.
L'intention du législateur et des parlementaires et le consensus citoyen
étaient pourtant clairs : éviter l'acharnement thérapeutique, respecter
l'autonomie le plus possible et assurer une fin de vie digne à tous en créant
un droit à des soins de fin de vie dans un continuum de soins. On a ainsi un
peu tenu pour acquis que tout était déjà en place pour les soins palliatifs et
de fin de vie, qu'il n'y avait qu'à instaurer l'aide médicale à mourir. Force
est de constater que, malheureusement, près de 10 ans plus tard, les mêmes
obstacles subsistent, les mêmes limites perdurent et les usagers ne reçoivent
pas les soins palliatifs et de fin de vie auxquels ils ont droit. Ils ne savent
pas en quoi ils consistent, ni même certains soignants, et un nombre encore
trop important de personnes ne savent pas qu'elles sont en fin de vie. Il faut
donner un coup de barre important.
Je vous ferai ainsi part de mes
inquiétudes, de mes réflexions dans un format sans fard, direct et droit au
but. Je ne me prononcerai pas sur le libellé spécifique des articles. Je ne me
prononcerai pas non plus sur la question spécifique de l'élargissement de
l'aide médicale à mourir, il se fera. J'espère apporter à la commission des
éléments de réflexion et de considération supplémentaires dans la mise en œuvre
de l'ensemble de la loi dans le souci du respect effectif au droit à des soins
palliatifs et de fin de vie, à une vie... à une fin de vie digne, dans un
continuum, tout au long de la vie.
Je cherche une réflexion sur différentes
valeurs, l'idée étant de ne pas promouvoir que l'autonomie, mais d'en assurer
l'exercice dans les meilleures conditions, dans le meilleur intérêt de la
personne. On ne veut plus de situations comme celle de Mme Andrée Simard, veuve
de Robert Bourassa. Les soins palliatifs et de fin de vie ne devraient jamais
être une question d'être au bon étage dans la bonne chambre, d'habiter la bonne
région avec le <bon code postal...
Mme Roigt (Delphine) :
...
d'être au bon étage dans la bonne chambre, d'habiter la bonne région avec le
>bon code postal. On ne veut plus dire : Mon patient n'est pas
rendu là. On ne veut plus de personnes en fin de vie qui ne savent pas qu'elles
le sont, qui arrivent dans des unités de soins palliatifs pour les dernières
24 heures. On ne veut plus de proches qui empêchent le soulagement adéquat
de la douleur, qui enfreignent le droit de la personne à des soins palliatifs
ou à une fin de vie digne. Et enfin on ne veut plus de professionnels de la
santé ou de proches qui vont à l'encontre de directives médicales anticipées ou
des volontés de fin de vie manifestes quant au refus de l'acharnement
thérapeutique.
Alors, j'ai sept prémisses à vous
présenter dans ma réflexion. La première : bien, les soins palliatifs et
de fin de vie sont méconnus de tous et pas assez accessibles. Alors, dans la
mesure où le critère de fin de vie est devenu inopérant pour l'aide médicale à
mourir, il devrait l'être pour l'accès aux soins palliatifs. Il faut renverser
cette perception que les soins palliatifs n'arrivent qu'à la toute fin d'une
longue maladie. Il est démontré depuis longtemps qu'une approche précoce de
soins palliatifs améliore la qualité de vie et même, parfois, augmente la vie
des personnes qui en ont... qui y ont accès. Les critères d'un, trois, six mois
de pronostic pour être admis en soins palliatifs sont devenus des dogmes qui
empêchent l'accès en temps opportun à la prise en charge de la douleur et des
symptômes dans ce continuum jusqu'à la fin de la vie. D'ailleurs, le critère de
fin de vie pour l'AMM parlait d'un pronostic pouvant aller jusqu'à un ou deux
ans à l'époque. La question à poser est : Seriez-vous surpris que cette
personne décède dans la prochaine année? Les critères d'accès aux soins
palliatifs s'avèrent donc plus restreints que pour obtenir l'AMM. Les soins
palliatifs devraient intervenir dès la récidive d'un cancer, dès le stade
terminal de maladie chronique, dès la présence de douleur, souffrance physique
ou psychique qui ne semble pouvoir être apaisée, ou à la demande de la personne
elle-même, évidemment, qui a droit d'être bien évaluée et de recevoir les soins
requis par son état. Il faut avoir la même ardeur à donner accès aux soins
palliatifs et de fin de vie que celle dévouée à l'aide médicale à mourir.
Deuxième prémisse : les directives
médicales anticipées doivent être rédigées avec le soutien d'un professionnel
de la santé et faire l'objet d'une discussion plus tôt dans le processus et en
continu. Bien que la loi soit entrée en vigueur depuis 2015, un rapport de la
Commission sur les soins de fin de vie portant sur la période de 2015 à 2018
indique que seulement 0,5 % de la population québécoise avait des
directives médicales anticipées inscrites au registre, donc à peu près
30 000 personnes sur 6 millions d'adultes que compte le Québec.
Selon le même rapport, le registre est consulté illégalement par les médecins,
selon les régions.
Si la fin de vie est importante, il faut
en parler pas qu'une seule fois, pas qu'à quelques jours de la fin, dans un
continuum de soins, lorsqu'une personne est atteinte de maladies chroniques,
d'un cancer, d'une maladie neurodégénérative. Le faible taux de complétion
démontre que les gens doivent être accompagnés. Le fait qu'il y ait des cas où
des proches ont pu exiger des soins que la personne n'aurait pas voulus
démontre la nécessité de donner les moyens d'assurer leur respect. La loi doit
être plus ferme à cet égard, pas seulement pour les directives anticipées
d'AMM. Les DMA seront le début de la réflexion qui va peut-être mener à des
directives anticipées pour l'aide médicale à mourir. Il faut aussi élargir
notre interprétation des directives médicales anticipées, qui sont actuellement
beaucoup trop restrictives, dans le formulaire de l'INESSS, dans le formulaire
qui est prévu avec... — voyons, mon Dieu! — la régie de la
santé et qui sont... et ne permettent pas de dire et de nommer les souffrances
que l'on veut éviter. Pouvoir notamment demander spécifiquement les soins
palliatifs et la sédation palliative à l'avance dans les DMA, ça permettrait de
nous assurer d'un meilleur consensus à cet égard et éviter de créer un système
où seule l'aide médicale à mourir a un statut particulier.
• (12 h 20) •
Troisième prémisse : le niveau
d'intervention médicale, qu'on appelle le NIM, est essentiel à la planification
des soins de fin de vie et doit être mieux encadré. Pourquoi une personne peut
demander l'aide médicale à mourir et se retrouver à un NIM A, soit les soins
maximaux, alors qu'on oblige une personne qui veut avoir des soins palliatifs
d'être en niveau de soins D? Pourquoi une personne pourrait avoir des
directives médicales anticipées qui refusent tous les soins mais se retrouver
en un niveau de soins A? Pourquoi une personne ayant clairement manifesté son
refus de la réanimation cardiorespiratoire dans une DMA la reçoit quand même si
les paramédics et ambulanciers sont appelés à son chevet? Les NIM ne sont pas
un buffet duquel une personne choisit des soins, mais bien le résultat d'une
réflexion et une discussion entre un patient et un soignant sur des objectifs
de soins réalistes et appropriés en lien avec des objectifs de vie aussi
réalistes et actualisés. Il faut que les discussions amenées par le patient ou
le soignant abordent nécessairement les deux, les NIM et les DMA, pour aider à
faire sens et assurer la cohérence des soins, mais aussi le respect, le plus
possible, des volontés du patient tout au long du continuum des soins.
Quatrième prémisse : les directives
médicales anticipées et le niveau d'intervention médicale sont des outils
essentiels et complémentaires pour planifier la fin de vie et faire <connaître...
Mme Roigt (Delphine) :
... outils essentiels et complémentaires pour planifier la fin de vie et faire
>connaître la volonté et soins... de soins et de vie. Comme pour les NIM,
les DMA devraient collaborer dans le contexte d'une relation thérapeutique et
faire l'objet de discussions avec un soignant dans une évaluation
interdisciplinaire. Présentement, les directives médicales anticipées peuvent
être complétées par une personne chez elle, sans discussion avec son médecin,
parce qu'on présume qu'elle a parlé avec son médecin, alors que, pour les
directives anticipées d'aide médicale à mourir, on a exigé ou on pense exiger
cette discussion, cet accompagnement. Il serait très difficile pour un soignant
qui ne connaît pas du tout le patient de tenter d'interpréter ces DMA. Les
recherches démontrent d'ailleurs qu'en cas de conflit, même lorsque la loi est
claire, les médecins respectent davantage les volontés des familles qui
menacent de les poursuivre si les soins sont cessés, même si cela va à
l'encontre des volontés écrites et connues du patient. Et ça, on l'a mentionné
en 2013.
Les volontés de la personne doivent être
respectées afin d'éviter l'acharnement thérapeutique et assurer un
accompagnement et un soulagement adéquats pour permettre une fin de vie digne.
Il faut y mettre autant de poids que ce qui est déployé pour l'aide médicale à
mourir. Prévoir les soins que l'on voudrait recevoir au moment où l'on
deviendrait inapte et que la fin de vie est envisagée ou qu'un traumatisme subi
nous laisse dans un état que l'on jugerait inacceptable est une chose;
déterminer à l'avance les soins et services que l'on voudrait recevoir en cas
d'inaptitude de manière générale en est une autre. Il faudrait envisager une
révision à une certaine fréquence, par exemple aux cinq ans, pour assurer leur
validité et leur actualisation.
Cinquième prémisse : il faut
développer un plan québécois pour une approche intégrée des soins palliatifs et
de fin de vie obligatoire et accessible à tous. Il faut une réflexion globale
sur les soins palliatifs et de fin de vie, mettre en œuvre les plans développés
au cours des années. Les médias relatent à plus soif des situations où les
personnes ne reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie de soulagement
de la douleur, n'ont pas accès aux soins et services nécessaires pour leur
permettre de demeurer à la maison. Il faut être sérieux à cet égard, d'autant
qu'on l'a été avec la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir.
Sixième prémisse : le refus de soins
ne doit pas avoir des applications légales différentes selon que la personne
demande l'AMM ou un autre soin. La proposition est à l'effet de pouvoir passer
outre le refus de la personne inapte ou le refus catégorique dans un contexte
de directive anticipée de la... d'aide médicale à mourir. De même, d'envisager
prévoir qu'elle puisse demander à l'avance d'être contentionnée et sédationnée
pour recevoir l'AMM représente un changement drastique à l'état du droit et se
doit d'être bien évalué. Il s'agit d'un écart important au droit civil tel
qu'on le connaît et à la protection dévolue aux personnes inaptes. Dans le
droit actuel, pour passer outre le refus de l'inapte, il faut recourir au
tribunal pour l'autorisation de soins, même avec un consentement substitué. La
mesure, telle que présentée, et les avis de certaines personnes ayant présenté
des mémoires feraient en sorte de ne pas avoir à recourir au tribunal.
Pourquoi créer une telle exception?
J'estime que la même protection doit s'appliquer pour tous les soins et pour
toute personne inapte, et donc que l'autorisation du tribunal soit nécessaire
pour procéder à l'AMM par demande anticipée si la personne la refuse au moment
de la faire. Cette idée qu'une manifestation clinique découlant de la situation
médicale de la personne ne constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à
mourir, qu'on retrouve au paragraphe 29.19 du projet de loi, est
novatrice, certes, mais crée un précédent important dans l'état du droit et
dans les valeurs qui sous-tendent le droit civil en ce qui a trait à la
protection des personnes vulnérables et inaptes. Le recours à l'autorisation du
tribunal constitue une mesure de sauvegarde essentielle et évite de créer deux
catégories de personnes : celles qui peuvent recevoir l'AMM, malgré un
refus, sans l'autorisation du tribunal et celles dont l'autorisation du
tribunal est nécessaire pour des soins visant leur bien-être et leur sécurité,
mais qu'elles refusent. Je crois aussi, comme toute... comme d'autres personnes
l'ont proposé, qu'un protocole clinique clair doive être élaboré pour soutenir
les soignants dans l'administration à des personnes inaptes et à
l'interprétation d'un refus de soins et d'un refus catégorique.
Finalement, septième prémisse :
importance d'avoir accès à des ressources de réflexion en éthique. Je vais
prêcher pour ma paroisse un petit peu. Je réitère la recommandation effectuée
il y a 10 ans. Plusieurs conseillères en éthique participent aux
réflexions de fin de vie dans leur établissement, mais leur présence n'est pas
égale partout ni dans tous les lieux. Comme le mentionne Dr David Lussier à la
page 23 de son mémoire, si on veut s'assurer que les GIS remplissent bien
leur rôle, il faudra leur donner les moyens de le faire avec des membres
libérés en partie de leurs autres tâches, des professionnels de diverses
disciplines ayant une formation adéquate et surtout la possibilité de se
référer à une personne-ressource pour leur communiquer une information fiable
et précise.
Il n'est pas rare que les cliniciens
soient mal informés ou mal conseillés par les GIS, qui ne possèdent pas
l'expertise ou la connaissance nécessaire. Les conseillères en éthique sont
impliquées à tous les jours et dans toutes les circonstances, à la jonction des
questions soulevées par la Loi concernant les soins de vie. Le document de
référence pour la constitution des groupes interdisciplinaires de soutien
prévoit la présence d'une ressource en éthique. Il faudrait à tout le moins que
les GIS aient des liens formels avec les <services en éthique...
Mme Roigt (Delphine) :
...
Il faudrait à tout le moins que les GIS aient des liens formels avec les >services
en éthique dans chaque établissement si la conseillère en éthique n'y siège
pas. L'éthique est utile, au-delà du prescrit, afin de déterminer ensemble,
avec les parties concernées et en fonction des valeurs qu'elles portent, qu'est-ce
qui est le mieux dans les circonstances.
En conclusion, l'engagement à l'égard de
la société québécoise, en 2013, était que la loi allait assurer un continuum de
soins jusqu'à la fin de vie. On doit constater un échec à cet égard. L'AMM est devenue
la mort que l'on souhaite par-dessus tout, celle qui se permet d'être digne.
Aussi, on avance très vite pour l'élargissement de l'accès à l'AMM, mais on se
questionne peu sur les ressources requises.
Déjà, plusieurs établissements ont de la
difficulté à assurer une couverture optimale, surtout avec l'élargissement aux
cas de mort naturelle non raisonnablement prévisibles. De plus, il faut
réfléchir à l'impact de prendre des ressources précieuses en clinique de la
douleur, en gériatrie et en clinique de la mémoire pour des évaluations d'AMM.
Ce sera alors un choix de société. Il faut revenir vers l'angle relationnel du
soin pour tout le continuum de fin de vie et non une autonomie s'exerçant pour
exiger des soins, faute de mieux ou seulement pour des demandes d'AMM. Et
voilà!
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Roigt. Vous avez des réflexions qui
vont certainement susciter des questions. Alors, on va commencer tout de suite
la période d'échange avec la députée de Roberval. On a pris un peu de temps sur
le temps du gouvernement pour que vous puissiez aller jusqu'au bout de vos
réflexions. Alors, il vous reste 11 min 40 s.
Mme Guillemette : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Me Roigt, d'être avec nous aujourd'hui. Le côté
éthique est très important, là, dans le projet de loi présent. Donc, dans le
projet de loi sur l'aide médicale à mourir qu'on a aujourd'hui, on soulève des
considérations. Et est-ce qu'il y a des considérations éthiques que le projet
de loi n'aurait pas prises en compte, là? Est-ce qu'il y a des angles morts que
vous auriez vus, que vous aimeriez nous lever un drapeau?
Mme Roigt (Delphine) : Il
y en a probablement plusieurs. L'enjeu principal que... Bien, évidemment, je
rejoins... J'ai quand même écouté plusieurs personnes qui ont soumis des
mémoires. La question des souffrances actualisées et la question de limiter...
toute la réflexion par rapport à l'ouverture pour les demandes anticipées et
différencier les symptômes, par exemple, comme l'incontinence, à la souffrance
que causerait l'incontinence, là, vous avez probablement eu plusieurs exemples
qui vous ont été donnés de faits de cette nature-là, donc, c'est très
important, tout ça, parce qu'une personne... On a tous, comme individus, de la
difficulté à se projeter s'il nous arrivait des choses, puis on est tous
surpris, quand quelque chose nous arrive, de dire : Ah, mon Dieu! je ne
pensais pas que je passerais au travers.
Donc, la question de l'actualisation, la
question, donc, aussi, de bien s'assurer que l'offre clinique, elle est là.
Parce que, présentement, et c'est ce qu'on disait en 2013, je trouve que le projet
de loi, encore une fois, met beaucoup d'accès sur l'autonomie, en tenant pour
acquis que les gens font des choix tout... tout éclairés. Mais on a tous nos
chambres d'échos, on a tous nos biais aussi. Et à tous les jours, je vous le dis,
à tous les jours, j'ai encore des gens qui ne savent pas ce que sont les soins
palliatifs, qui ne savent pas qu'ils pourraient y avoir accès. Donc, pour moi,
vraiment démystifier ça... Et c'est pour ça que, tout le long de mon propos, je
parle bien de soins palliatifs et de fin de vie, parce que, pour moi, c'est
deux choses différentes. On peut être en soins palliatifs très longtemps.
• (12 h 30) •
Je vais vous donner un exemple. Ma cousine
Claire est née avec sept malformations au cœur. Claire, c'est une miraculée de l'Institut
de cardiologie de Montréal. Claire est née en fin de vie parce que Claire, elle
savait que jamais elle ne guérirait de son cœur. Donc, quand on essaie de
regarder la personne sur son continuum de soins puis qu'on dit : Est-ce
qu'elle est dans guérir, stabiliser ou en fin de vie... Claire était en
stabiliser pendant très, très longtemps. Elle est décédée à 59 ans, il y a
déjà trois ans. Et on l'a accompagnée, notre famille, ma cousine et moi, dans
sa fin de vie. Et Claire croyait que les soins de fin de vie, croyait que les
soins palliatifs, c'étaient pour le mouroir, aux dernières minutes. Claire a
réussi... on a réussi à la convaincre d'en bénéficier pendant moins de
24 heures. Dès que sa douleur a été soulagée correctement, elle s'est
laissée aller. Mais elle a souffert, les dernières années.
Et donc moi, en tant que cousine, en tant
que membre d'une famille, en tant qu'éthicienne, je ne peux faire autrement, de
me dire : Par ses croyances et par les croyances partagées aussi par
l'équipe médicale, à quelques égards, et je ne porte pas de jugement sur l'équipe
médicale parce que c'est des <équipes...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Roigt (Delphine) :
...partagé
aussi par l'équipe médicale à quelques égards, et je ne porte pas de jugement
sur l'équipe médicale parce que c'est des >équipes médicales qui se sont
suivies pendant les 59 ans de vie de Claire, mais Claire n'avait jamais
vraiment compris qu'elle était née en fin de vie, et donc c'est ça, le biais.
Et donc on a beaucoup de travail à faire avec toutes les personnes qui ont
des... qui ont des maladies terminales chroniques, des cancers, etc., parce qu'on
a rarement, très peu de discussions avec elles à des moments précis pour les
accompagner.
Mme Guillemette : Ça m'amène
à vous demander... je vais faire un lien avec ce que vous venez de dire :
Comment faire? Est-ce qu'il y a des moyens à mettre en place pour ne pas que la
demande d'aide médicale à mourir soit en lien avec un manque de services ou un
manque de... Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut mettre concrètement, là,
dans notre projet de loi?
Mme Roigt (Delphine) : Mon
réflexe, ce serait de vous dire... OK. Mon réflexe, ce serait vous dire qu'il
faudrait que la personne ait essayé ou ait vraiment eu accès à des soins
palliatifs et de fin de vie pour qu'elle voie. Un peu comme le lien que vous
faites avec les troubles... les troubles neuro... les handicaps ou les troubles
neuromoteurs quand on... J'ai beaucoup entendu... Les gens disent : Bien
là, elle ne pourra pas demander l'AMM si elle n'a pas tenté une certaine
réadaptation, il faut qu'elle se laisse du temps. Mais c'est la même chose au
niveau des autres soins. Les gens ne savent pas que leur douleur peut être
apaisée si on ne leur a jamais offert et s'ils n'ont jamais essayé ce qui peut
leur permettre de ne pas souffrir. Bon, une fois que je dis ça, je vais avoir
tous les avocats de la planète, y compris moi qui suis avocate, qui vont vous
dire : Ça va à l'encontre de l'autonomie, la personne a le droit de
refuser. Oui, mais comment savoir que ses souffrances ne sont pas...
Mme Guillemette : Apaisables.
Mme Roigt (Delphine) : ...on
ne peut pas... apaisables dans des conditions optimales si les conditions
optimales, tu ne les as jamais essayées? Ça fait que je le sais que ça a l'air
très simpliste, ce que je vous dis, mais, présentement, et c'est ce qu'on voit
dans les médias, et je n'aime pas reprendre juste les médias parce qu'il y a
du... du sensationnalisme là-dedans, puis c'est réducteur, c'est une chambre d'écho,
ça aussi, mais il y a beaucoup de gens à qui on offre l'AMM parce qu'on ne sait
pas qui pourrait être admissible. Donc, quand je vous parle des critères de un,
trois, six mois qu'il faut enlever, là, pour avoir accès aux soins pals, il
faut... il faut changer cette dynamique-là, il faut... il faut dire... quelqu'un
qui présente une situation qui serait admissible à demander l'AMM, bien, c'est
parce qu'elle est aussi admissible à demander les soins palliatifs. Ça fait que
je ne sais pas ce qu'il faut changer dans la loi, mais ça, il faut que ça soit
clair dans le libellé, dans la façon dont on nomme les choses. Il faudrait que
je fasse un exercice peut-être plus attentif pour vous aider plus en détail,
mais, assurément, il faut que ça soit clair.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Merci beaucoup.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Me Roigt. On va
poursuivre la discussion avec la députée d'Abitibi-Ouest. Il reste 4 min
38 s.
Mme Blais : Merci beaucoup, maître.
Je voudrais vous entendre sur la dignité des individus. Alors, la demande
médicale à mourir, la souffrance, j'aimerais vous entendre, avoir votre point
de vue à ce sujet.
Mme Roigt (Delphine) : Bien
là, c'est l'éthicienne qui ne connaît pas assez bien ses philosophes, là, ça
va... ça va peut-être vous faire rire ou faire rire certains. Moi, je crois
vraiment à la dignité intrinsèque de la personne. La dignité, c'est... c'est la
personne elle-même qui décide ce qui est digne pour elle ou pas, ce n'est pas
dans le regard de l'autre. Donc, cette idée que c'est indigne d'être
incontinent, que c'est indigne de se ramasser en CHSLD, que c'est... je veux
dire, je trouve ça triste, comme société, qu'on porte ce jugement-là, qu'on
n'ait pas le goût de se retrouver là comme personne ou que... qu'on trouve ça
difficile. Que nos parents se soient retrouvés dans ces situations-là, c'est
une chose, mais... mais d'en faire un critère de dignité... Pour moi, l'indignité,
c'est la personne qui n'a pas accès aux soins dont elle a besoin. L'indignité,
c'est que, comme société, justement, comme on a vu un peu dernièrement que,
parce que tu n'es pas dans le bon code postal, tu ne puisses pas recevoir les
soins à domicile qui te permettraient de rester à domicile et de mourir de la
façon que tu veux mourir. Donc, je suis très stricte là-dessus. Pour moi, la
dignité, elle est intrinsèque, chaque humain... chaque être humain est digne.
Et c'est... c'est cette approche personnalisée, hein, qui est <prévue...
Mme Roigt (Delphine) :
...être
humain est digne. Et c'est... c'est cette approche personnalisée, hein, qui est
>prévue, d'ailleurs, dans la Loi sur les services de santé et services
sociaux, qui... approches personnalisées avec toutes les dimensions de la
personne puis qui vont nous permettre de voir qu'est-ce qui est digne pour vous,
qu'est-ce qui est important pour vous, qu'est-ce qui fait sens, qu'est-ce qui
constituerait un non négociable que vous... auquel vous ne voulez absolument
pas arriver. Et c'est ça, les discussions qu'on doit avoir avec les personnes
en fin de vie, avec les personnes qui veulent de l'aide médicale à mourir ou
même l'aide anticipée à l'aide médicale à mourir. Il faut que ça fasse sens
pour elles, et c'est ce travail-là qu'il faut faire avec elles.
Mme Blais : Que répondez-vous
à une famille lorsque la personne n'est pas... elle a un diagnostic de cancer
et elle dit : Moi, je ne veux pas être un fardeau pour ma famille, je veux
en finir le plus vite possible? Quelle est votre réponse?
Mme Roigt (Delphine) : Bien,
chaque famille a son histoire, hein?
Mme Blais : Comment juger?
Mme Roigt (Delphine) : Chaque
famille a son histoire. Mon expérience de plus d'un millier de consultations en
éthique me démontre que, même... même quand les familles sont épuisées, ce
temps-là qu'elles ont avec leurs proches en fin de vie, surtout si elles sont
accompagnées, donc accompagnées par des soignants, accompagnées par des soins
et des services, par des bénévoles... Il y a tellement de services qui sont
offerts. Le problème, c'est d'y avoir accès, donc.
Mais c'est... ce que je réponds, c'est que
ça serait le fun d'avoir une discussion où un tiers un peu neutre vous
accompagnerait, tu sais, la personne malade et ses proches, pour venir avoir
cette discussion-là. Il y a des gens qui font ça, il y a des thanadoulas qui
font ça, il y a des travailleuses sociales qui font ça. Il y a plein de gens,
dans le réseau, qui permettent ces discussions-là pour venir vraiment dire :
Tu n'es pas un poids, ou voici ce que je trouve difficile, ou... C'est des
conversations qui sont... qui sont difficiles à avoir, effectivement.
Mme Blais : Je vous remercie
beaucoup.
Mme Roigt (Delphine) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Me Roigt,
on va poursuivre nos discussions avec l'opposition officielle, qui bénéficie de
12 min 23 s. Je crois que c'est la députée de Westmount—Saint-Louis qui
va prendre la parole.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Bonjour.
Mme Roigt (Delphine) : Bonjour,
Mme Maccarone.
• (12 h 40) •
Mme Maccarone : Merci
beaucoup de nous aider dans notre réflexion, Me Roigt, c'est très intéressant
de vous entendre parler. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je veux vous
ramener sur la question de demande anticipée. Vous l'avez abordée un peu dans
vos remarques ainsi que dans votre mémoire, vous parlez de : ils doivent être
rédigés avec un soutien d'un professionnel de la santé. On a entendu plusieurs
points de vue là-dessus. L'Ordre des notaires, eux, évidemment, ils pensent que
ça va être important que ça soit fait avec eux.
Ce n'est pas une question d'être pour ou
contre. Je souhaite vous entendre là-dessus parce que, dans le but de protéger
les personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à
faire une demande anticipée. Puis on a aussi entendu, hier, l'ordre des... les
omnipraticiens, les médecins qui ont dit qu'eux, ils ne souhaitent pas être
responsable de déposer ces demandes dans le registre. Vous dites aussi qu'ils
ne sont pas consultés d'une façon équitable, dans le fond, puis c'est sérieux.
Alors, les balises que nous avons besoin en ce qui concerne les demandes
anticipées, puis de toujours garder la notion on veut que ça soit facile,
accessible.
On a aussi parlé de c'est qui qui devrait
accompagner la personne. Vous avez parlé d'un renouvellement à chaque cinq ans,
mais, quand on est en fin de vie, peut-être, puis on fait une demande
anticipée, peut-être cinq ans, c'est trop long dans certains cas. Alors, un peu
votre vision là-dessus.
Mme Roigt (Delphine) : Merci
de votre question. Les directives médicales anticipées actuellement, telles
qu'elles ont été conçues, elles ne... elles ne remplissent pas l'objectif,
selon moi, pour... pour plein de raisons. Et là je vais vous référer au... au
temps où j'étais à mes études de doctorat, que je n'ai pas complétées, mais
quand même. J'avais étudié l'équivalent américain, là, des directives, les
«advance directive», tout ça. Et ce qui était dit à l'époque, c'était :
un, le médecin attend que le patient amène la question, que le patient attend
que le médecin aborde la question. Donc, on se ramasse avec deux groupes ou
deux personnes qui attendent que l'autre aborde la question. Et la <finalité...
Mme Roigt (Delphine) :
...la
>finalité était que, peu importe qu'on y... ce qui était écrit, si la
famille contestait, bien, le médecin avait peur des poursuites et finalement ne
faisait pas ce qui était écrit dans les directives médicales anticipées. Donc,
tout ça, moi, à l'époque, m'avait amené à réfléchir. Puis, dans le fond, c'est
un bel effort qui a été fait avec la première mouture de la loi, mais, comme je
le mentionne, de mettre juste quatre ou cinq soins avec est-ce qu'on accepte ou
on refuse, je trouve que ce n'est pas suffisant. Ça ne nous donne absolument
aucune idée sur le sens de la vie de la personne, ce qu'elle... ce à quoi elle
aspire en fonction d'une maladie à venir. Donc, il faut amener la personne à se
projeter, et la personne, quand elle parle, bien, selon qu'elle est en pleine
santé... en pleine forme ou en bonne santé versus quelqu'un qui serait déjà
atteint d'une maladie, bien, vous allez avoir des directives médicales
anticipées qui vont être particulières.
Et donc, moi, je pense qu'il y a quelque
chose qui faut qui soit revu à ce niveau-là, complètement, parce que juste dire :
Je veux être réanimée ou pas, je veux de la dialyse ou pas, je veux être
alimentée artificiellement ou pas, ce n'est pas approprié parce que tu peux
vouloir être... Tu sais, moi, j'ai toujours dit : Moi, je suis prête à
être réanimée ou qu'on tente de me réanimer si je suis à l'hôpital puis que
vous me trouvez dans les 10 prochaines... dans les 10 minutes que je
ferais mon arrêt cardiorespiratoire. Mais, si vous ne savez pas quand est-ce
que ça s'est passé, bien, je ne veux pas qu'on tente de le réanimer, mais je n'ai
pas l'espace pour expliquer ça dans les directives médicales anticipées telles
qu'elles sont rédigées. Et là pourquoi je demande qu'il y ait une discussion,
c'est que toute cette idée de sens, là, présentement, il est discuté pour les
directives anticipées d'aide médicale à mourir, on n'a pas refait la réflexion,
on ne le repropose pas pour les directives médicales anticipées normales, entre
guillemets, là, sans AMM.
Donc, je pense qu'avant d'aller vers les
directives médicales anticipées pour l'AMM, il faut revoir notre façon de faire
les directives médicales anticipées. Je pense qu'il faut que ça fasse l'objet
d'une discussion obligatoire en interdisciplinarité, surtout quand on a déjà
des problèmes de santé. Si on est en pleine forme, on est en pleine santé, ça
pourrait être autre chose à ce moment-là, peut-être, puis il y aurait les
directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir. Mais, comme je
l'ai dit aussi dans mon document, il faut qu'il y ait une cohérence entre les
directives puis le niveau de soins, tu sais, s'assurer que, si je ne veux pas
d'acharnement thérapeutique, bien, il faut que ça soit clair partout que je ne
veux pas d'acharnement thérapeutique puis que je ne veux pas être réanimée sous
aucun prétexte. Là, présentement, on a différents documents qui peuvent avoir
des... des contradictions, puis, bien, bien honnêtement, ça fait en sorte que,
dans les faits, les médecins, ils ne voudront pas le faire contre les familles.
Donc, on a beaucoup encore de demandes d'acharnement thérapeutique à la demande
des familles. C'est ça, la réalité.
Mme Maccarone : Ça m'amène à
une autre question. Parce que vous avez abordé la question du refus versus
refus catégorique, puis je pose la question au fur et à mesure aux groupes qui
viennent témoigner. Puis vous avez introduit une notion que je trouve intéressante,
si... mettons, la différence entre refus et refus catégorique, parce que, là,
on n'arrime pas avec le Code civil, puis on peut se retrouver devant le
tribunal parce qu'on a des familles qui vont dire : Bien, ça, c'était un
refus catégorique ou un refus, mais la personne est inapte rendue à ce
moment-là. Je trouve très complexe cette notion de refus. C'est-tu une
résistance? Est-ce qu'il y a une façon que nous devons l'aborder dans la loi
pour assurer qu'il n'y a pas de dérive puis qu'on ne fait pas fausse route, des
amendements, peut-être, pour assurer que les personnes qui souhaitent refuser
sont aussi pleinement protégées, ainsi que leurs proches?
Mme Roigt (Delphine) : Bien,
j'ai deux options pour vous. La première, je la nomme, c'est de demeurer... de
garder la balise qui est celle du recours au tribunal, l'autorisation du
tribunal en cas de perception de refus. Ce qu'il faut comprendre, là, le... tout
le monde a le droit de refus, ça, c'est clair. Mais le Code civil en 1992,
quand il a été réformé, l'idée, c'était : On veut ajouter un degré
supplémentaire, hein? Nous, on sortait, là, en 1992, il faut se rappeler de ça,
de l'intention du législateur, le refus catégorique de l'inapte, c'était pour
permettre aux gens qui étaient en institution de... qui refusaient des soins,
de ne pas finalement le faire contre leur gré, et donc d'aller chercher
l'autorisation du tribunal. On voulait protéger nos personnes en institution
qui avaient subi des abus, puis il y avait eu, hein, des scandales. C'est quoi,
un refus catégorique d'une personne devenue <inapte...
Mme Roigt (Delphine) :
...C'est
quoi, un refus catégorique d'une personne devenue >inapte? Nous, autant
en soins, qu'en éthique, qu'en droit, moi, ce qu'on m'enseigne, c'est quand la
personne se débat. Là, ce que j'entends dans certains mémoires, de bouche à
oreille, c'est : Ah! bien, on va la contentionner puis on va la
sédationner pour lui donner parce qu'elle refuse catégoriquement. Ah! OK. Ça
fait qu'on fait ça pour l'AMM, mais, quand on a une personne qui a des troubles
de santé mentale, qui demande... qui a besoin de soins, mais qui les refuse
catégoriquement, elle, on va continuer à aller chercher l'autorisation du
tribunal parce qu'elle veut vivre, parce qu'on veut qu'elle vive. Ça ne marche
pas, là, il y a quelque chose... pour moi, ça ne fonctionne pas.
Mme Maccarone : ...
Mme Roigt (Delphine) : Ça
fait que ça, c'est autorisation du tribunal ou mettre en place ce que j'appelle
un bureau du consentement de l'inapte. Il y a ça aux États-Unis, il y a ça en
Ontario, il faudrait que je fouille la question un peu plus. Mais est-ce qu'on
pourrait, à ce moment-là, avoir...
Mme Maccarone : Nous sommes
en train de fouiller avec vous.
Mme Roigt (Delphine) : Oui. Quelque
chose de mitoyen qui permet, finalement, d'éviter le tribunal, qui, pour
certains, constitue quelque chose d'assez lourd, pour aller chercher vraiment
le sens du soin, puis d'être capables d'avoir aussi, peut-être, une certaine
jurisprudence plus sérieuse des cas pour être capables de bien manœuvrer
là-dedans. Donc, c'est une option.
Mme Maccarone : Merci des
précisions très intéressantes, puis nous sommes en train, je pense, tout le
monde autour de la table, de faire une petite recherche.
Une dernière question pour vous, éthique.
On a entendu aussi hier, les médecins souhaitent ne pas être obligés d'offrir
l'aide médicale à mourir, alors la notion qu'eux aussi peuvent refuser de
l'appliquer. Mais, en contresens, dans la loi, on exige maintenant, auprès de
toutes nos maisons de soins palliatifs, d'offrir l'aide médicale à mourir.
Est-ce que ça se peut que nous ferons face à une situation où les médecins qui
oeuvrent dans une maison de soins palliatifs peuvent tous refuser de l'offrir?
Éthiquement, c'est quoi notre rôle, comme législateur, pour s'assurer que les
soins sont offerts équitablement à travers le réseau, mais qu'on respecte aussi
les personnes professionnelles de la santé? Parce qu'eux aussi, ils ont des
valeurs qu'ils amènent à la table, puis on souhaite avoir quand même un
équilibre dans cette loi. Mais ça peut être une réalité. Comment devons-nous le
traiter dans la loi?
• (12 h 50) •
Mme Roigt (Delphine) : Ça
demeure un dilemme éthique pour moi. L'objection de conscience, peu importe la
raison, existe pour les professionnels de la santé, première chose. Deuxième
chose, il faut se rappeler que c'était une loi sur les soins de fin de vie, que
c'était un soin, dans un continuum de soins qui fonctionnait parce qu'on était
en fin de vie. Là, on enlève la fin de vie, on élargit, puis là on veut élargir
encore. Mettez-vous à la place des soignants, et pas les plus rébarbatifs. Moi,
je parle avec tout le monde, là, puis j'ai des médecins de... médecins
généralistes, j'ai des médecins spécialistes, j'ai toutes sortes de médecins
qui me parlent puis qui me disent : Moi, là, Delphine, là, le donner en
directive médicale... en directive avancée à quelqu'un qui serait, comme on les
appelle, un Alzheimer heureux ou un dément heureux, je ne sais pas comment je
vais... je débarque. Ça fait que ça, c'est un exemple.
L'autre exemple que j'ai, c'est, depuis
l'arrivée du critère de mort non raisonnablement prévisible, là, le «track
one»... «track one», «track two», là, qu'on voit avec la loi canadienne, et
tout ça, il y a vraiment une complexification des cas, il y a vraiment une
complexité, il y a vraiment... et pour plein, plein, plein de raisons. Et déjà
il y a beaucoup de médecins qui me disent : Aïe! Ce n'est pas pour ça que
j'avais signé, là. Moi, j'embarquais, puis ça faisait du sens, parce que je
soulageais quelqu'un qui souffrait, puis ce que j'avais à lui offrir ne
fonctionnait pas, puis je l'accompagnais là-dedans. Là, j'ai des gens qui
sont... tu sais, qui ne sont pas en fin de vie, qui ont des... qui ont des
handicaps, qui ont des problèmes de santé, certes, graves, mais qui n'ont pas
accès à un ascenseur, qui n'ont pas accès à un appartement adapté, qui ont...
puis qui ont plein d'autres facteurs, puis, oui, il y a une souffrance qui est
là, mais c'est long à évaluer.
Et donc, déjà, on sent que... hein, je le
disais dans mon document, il y a beaucoup d'établissements qui, présentement,
n'arrivent pas ou... en tout cas, moi, j'ai fait même des réflexions, avec
certains établissements, sur : Est-ce qu'on devrait avoir une liste de
priorisation de nos cas d'AMM, un peu comme on a dû le faire pour les
chirurgies en cas de pandémie? Parce qu'on... parce qu'il y en a beaucoup, il y
a une <augmentation...
Mme Roigt (Delphine) :
...en
cas de pandémie, parce qu'on... Parce qu'il y en a beaucoup, il y a une >augmentation
quand même de 30 % par année, puis vous remarquerez que le nombre de
médecins augmente, mais pas proportionnellement non plus.
Donc, vous me demandez quoi faire dans
votre... dans le projet de loi. C'est un soin, il devrait être offert partout,
mais on ne pourra jamais... Tu sais, si vous me dites : Je ne peux pas
forcer... Tiens, je vais vous faire un parallèle puis je n'ai pas la réponse.
Si vous me dites : Je ne peux pas forcer quelqu'un à essayer des soins pal,
s'il ne veut pas, parce que son autonomie prime, je ne vois pas comment je peux
forcer un médecin. Je trouve que le soin n'a pas de sens pour lui, dans ces
conditions-là, de le donner, le médecin ou l'IPS, par ailleurs.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous quitter... de... Vous quitter... Je ne vous
quitterai pas, je suis encore là. Je dois vous couper, par contre. Le temps...
le temps de l'opposition est terminé, mais on a encore un 4 min 8 s
avec la deuxième opposition représentée par la députée de Sherbrooke. Alors,
vous allez avoir encore du temps pour exprimer vos pensées. Le temps commence
pour vous maintenant.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous êtes habituée d'être confrontée à des
situations difficiles. On a des gens qui sont venus témoigner ici qu'elles
avaient été, soit elles-mêmes ou d'autres personnes, non informées de leur
droit d'avoir accès à l'aide médicale à mourir dans des situations assez
émotives, là, où parfois certains ont tenté d'attenter à leurs jours eux-mêmes
sans savoir qu'ils avaient accès à ce soin-là, déploraient que leur médecin ne
leur en avait pas parlé.
On a d'autres personnes qui ont témoigné
de la violence aussi de se faire proposer l'aide médicale à mourir, de se faire
parler de ce soin-là, alors que ce n'est pas du tout là où ils sont rendus ou,
en tout cas, que ce n'est pas leur intérêt de réfléchir à ça.
Vous nous avez mentionné que les soins
palliatifs ne sont pas toujours bien compris non plus, qu'il faudrait en parler
aux gens. J'imagine que, compte tenu des préjugés qui existent sur les soins
palliatifs, ce n'est pas toujours facile d'aborder ça non plus avec quelqu'un
qui n'est pas préparé, pour qui ça veut dire : Je vais mourir.
Comment on peut trouver l'équilibre entre
bien informer les gens de leurs droits, s'assurer qu'ils connaissent leurs
droits, mais, en même temps, s'assurer de ne pas non plus les heurter ou que ou
que ce soit reçu... Parce que, tu sais, le mot «violence» a été utilisé, là,
par rapport à recevoir de l'information non sollicitée.
Mme Roigt (Delphine) : Tout
ça se fait dans une relation thérapeutique. Donc, si, à la base, il y a... tu
sais, puis ça, c'était une des questions qu'on avait soulevées en 2013 : C'est
la responsabilité de qui? Quand quelqu'un présente plusieurs troubles de santé,
il y a plusieurs professionnels, c'est la responsabilité de qui? Puis ce n'est
pas toujours la personne avec laquelle on a le plus de liens qui va, des fois,
aborder ces questions-là, ça va être, tu sais, peu importe, puis le moment ne
sera pas très bien choisi.
Je pense que, si on est sérieux, je
reviens à peut-être certains indices que je vous ai donnés tout au long du
document, si on est sérieux avec cette idée d'une loi concernant les soins de
fin de vie dans un continuum, bien, il faut mettre toute la gomme pour avoir
des équipes dédiées, pour avoir des gens formés, pour avoir des déclencheurs
dans le dossier de l'usager, de la personne, qui nous permettent de dire :
Oups! OK, là, par exemple, son cancer, il y a une récidive de son cancer, bon,
bien, la discussion, il faut qu'elle ait lieu. Si elle n'a jamais eu lieu, il
faut qu'elle ait lieu, si elle a déjà eu lieu, il faut qu'on la reprenne.
Si quelqu'un arrive, que ce soit une
maladie rénale, cardiaque, pulmonaire, mais qu'on arrive au stade terminal, le
stade terminal, ça ne veut pas dire que tu vas mourir demain matin, le stade
terminal, ça veut dire tu étais dans le guérir, là, tu as une maladie
chronique, eh bien, tu es dans stabilisé parce que tu ne guériras jamais de ta
maladie chronique, puis, éventuellement, ton stabilisé, il commence à moins
fonctionner, puis là il faut commencer à envisager un soin de fin de vie. Mais,
le stabilisé, c'est... c'est finalement le début de la discussion, parce que,
dès que c'est chronique, ça veut dire qu'il faut que tu apprennes à vivre avec
la maladie, que tu apprennes à vivre avec. Donc, si on ne le fait pas en
continu...
Puis là, bien, il va y avoir des médecins
qui vont vous le dire : On ne veut pas leur faire perdre l'espoir, tout
ça, tout ça. Je le comprends, c'est toujours un balancier. Mais je pense qu'en
ayant des équipes dédiées, en ayant une réflexion vraiment proche de la
personne... Bon, la personne va nous dire qu'est-ce qu'elle a le goût
d'entendre. Qu'est-ce que vous connaissez de votre maladie? Qu'est-ce que... Qu'est-ce
que vous avez en... Qu'est-ce que vous avez comme questions? Tu sais, il y a
des.... il y a tellement de façons d'aborder ces questions-là. Ce n'est pas
tous les médecins qui sont formés là-dessus, hein? Les discussions de fin de
vie, là, il ne faut pas se leurrer, là, ce n'est pas tous les... tu sais, je
veux dire, les médecins l'apprennent dans leur formation, puis là je parle
juste des médecins, mais ça vaut pour les autres professionnels, mais ils n'ont
pas beaucoup de... d'occasions pour vraiment le tester, puis de se faire
évaluer, puis d'avoir une <rétroaction...
Mme Roigt (Delphine) :
...vraiment
le tester, puis de se faire évaluer puis d'avoir une >rétroaction. C'est
quelque chose qui s'apprend. Et donc d'espérer que la TS de l'équipe va le
faire ou que, tu sais... Il faut qu'il y ait une mobilisation là-dessus dans
nos équipes pour éviter tout ce que vous avez dit, pour éviter que, si on
l'aborde trop tôt puis que la personne n'est pas contente, bien, il faut
récupérer. Est-ce que... est-ce qu'on l'a abordé trop tôt parce qu'on ne
connaissait pas bien le diagnostic puis le pronostic ou c'est parce que,
vraiment, la personne n'était pas au courant? Tu sais, il y a plein, plein,
plein de facteurs qui rentrent en ligne de compte dans ce que vous me dites.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions.
Au nom des membres de la commission, à nouveau, un grand merci pour ces
réflexions. Ça va alimenter les nôtres, évidemment.
Alors, pour les membres de la commission,
je suspends jusqu'à 15 heures, où nous allons entamer la dernière ronde de
rencontres pour notre mandat. Merci beaucoup, tout le monde.
Des voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 03)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux en ce mercredi 29 mars.
Nous avons encore deux rencontres. Nous allons commencer par celle qui est
représentée par M. Steven Laperrière et M. Laurent Morissette, c'est-à-dire
le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec. Bienvenue, messieurs.
Alors, comme vous pouvez voir, nous sommes
un bon groupe de parlementaires qui sommes prêtes, parce que c'est toutes des
femmes, à vous entendre. Vous allez disposer d'une période de 10 minutes
pour présenter votre... les grandes lignes de votre mémoire, et va suivre
ensuite une période d'échange avec les parlementaires, les membres de la
commission. Alors, le temps commence pour vous dès maintenant.
Regroupement des
activistes pour l'inclusion au Québec (RAPLIQ)
M. Morissette (Laurent) : Merci.
Merci, Mme la Présidente et Mmes les membres de la commission. Comme vous le
savez, mon nom est Laurent Morissette. Je suis trésorier du RAPLIQ, qui est,
comme vous le savez, le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec,
qui est un organisme national fondé en 2009, qui accompagne et fait part de
revendications pour les gens en... pour la défense des droits des personnes en
situation de handicap depuis 2009. Et puis, sur un plan personnel, je peux vous
dire que je suis avec le RAPLIQ depuis 2011, mais le RAPLIQ a suscité chez moi
un esprit de pugnacité pour la défense des droits des personnes en situation de
handicap. Et puis je ne peux qu'être honoré d'être ici aujourd'hui pour
discuter de l'enjeu... des enjeux fondamentals qui couvrent ce projet de loi
sur l'aide médicale à mourir. Et puis, sur ce, je laisse la parole à mon
collègue, le directeur du RAPLIQ, M. Steven Laperrière.
M. Laperrière (Steven) : Merci,
Laurent. Mesdames les parlementaires, premièrement, merci beaucoup de nous
accueillir et de nous inviter à exprimer notre opinion parmi... dans le cadre
de ces travaux fort importants. Cette opinion qu'on vient porter aujourd'hui, c'est
une opinion qui vient d'un peu partout au Québec, de nos membres, de nos
partenaires, de nos fournisseurs, de nos amis. Alors, on a vraiment travaillé à
vous amener de meilleures opinions qu'on pouvait... les meilleures inquiétudes
puis les meilleures questions.
Au cours de la rédaction de ce mémoire et
de la préparation de cette audience, deux valeurs fondamentales ont guidé notre
préparation, c'est-à-dire la plus importante sera toujours la qualité de vie,
et la deuxième valeur, la dignité au moment du départ. En préparation de ce
mémoire, on a essayé de trouver la meilleure définition possible du terme «handicap»,
car la définition du handicap peut varier selon les contextes et les
perspectives. En général, le handicap se réfère à une limitation physique,
mentale ou sensorielle qui affecte les activités quotidiennes d'une personne et
qui peut poser des obstacles à sa participation pleine et entière dans la
société. Il est important de noter que le handicap ne doit pas être considéré
comme une <caractéristique intrinsèque...
M. Laperrière (Steven) :
...et
qui peut poser des obstacles à sa participation pleine et entière dans la
société. Il est important de noter que le handicap ne doit pas être considéré
comme une >caractéristique intrinsèque de la personne, mais plutôt comme
le résultat d'une interaction complexe entre les limitations de la personne et
les barrières sociales et environnementales. En d'autres termes, le handicap
est une construction sociale qui est influencée par les attitudes et les normes
de société, et ces barrières sont présentes aussi dans le système de santé. Il
est important de noter, et c'est un des principes qui a guidés notre... nos
travaux aussi, est de noter que des personnes atteintes d'un handicap ont les
mêmes droits que les autres membres de la société et doivent être traitées de
manière égale et équitable. Nous souhaitons évidemment que les travaux que vous
menez tiennent compte de cet aspect.
Un autre constat général quand on pense au
handicap, c'est que, souvent, les discussions que nous avons entre nous et avec
des partenaires, membres, et tout ça, c'est que, souvent, ces discussions-là se
concluent avec comme seule logique que les personnes handicapées coûtent cher à
la société, que ce soit en soins de santé, que ce soit en hébergement, en
institution ou soins à domicile, d'aide à la mobilité, etc., sans parler des
adaptations, accommodements physiques qu'on doit apporter au lieu, que ce
soient les cliniques, que ce soient des appareils tels des lève-personnes, telles
des tables d'examen accessibles ou des équipements à rayons X où il faut
nécessairement être debout pendant longtemps, bien, pour des personnes comme
Laurent, ça ne fonctionne pas.
Alors, il faut penser à tout ça, et c'est
toujours des coûts exceptionnels. Et, ceci expliquant cela, j'imagine que vous
n'êtes pas sans savoir, un fort pourcentage de la population des personnes
handicapées décèdent de d'autres causes que celles qui les handicapent, par
manque d'accès au système de santé. C'est une réalité. On pourrait parler des
cliniques de mammographies, entre autres. Contradictoirement à ça, les
personnes handicapées représentent une source de revenus constante et
importante aux médecins spécialistes et surtout aux chercheurs. Alors, il y a
une contradiction, puis c'est une contradiction qui est présente dans le
discours des personnes en situation de handicap.
Revenons à l'aide médicale à mourir, un
petit rappel historique auparavant. Est-ce que... Lorsqu'on lit toutes les
interventions, est-ce que nous n'avons pas appris du décès de M. Gabriel
Bouchard, qui, en 2015, se sentant abandonné par le système et face à des
perspectives de vie inacceptables en institution pour lui, dans des conditions
assez incroyables, préféra se laisser mourir de faim, alors qu'il aurait pu
vivre encore une dizaine d'années avec un système de support adéquat?
Malheureusement, on en est aujourd'hui à parler de ça et on espère que c'est...
les travaux que vous menez vont apporter une solution à ça.
Lorsqu'on parle d'aide médicale à mourir,
on a peur aux abus, on a peur aux dérives. Je vous raconte une histoire vécue
d'un de nos membres qu'on connaît très bien. Un homme d'une soixantaine
d'années, malade, vivant seul, sans un vrai système de support familial, outre
le soutien de sa famille du RAPLIQ, parce qu'il est sur notre CA puis il nous
considère comme sa famille, qui se fait dire par le responsable de son équipe
interdisciplinaire : Écoute, tu prends plus d'une trentaine de pilules par
jour, ton état ne s'améliore pas, tu veux continuer comme ça encore longtemps?
Tu auras peut-être une grande décision à prendre bientôt. Il s'est fait dire ça
par son infirmière pivot. Avec quoi vous pensez qu'il est reparti chez eux? Il
a dit : Coudon, elle est-tu en train de me demander de prendre la piqûre,
là? C'est avec cette impression-là qu'il est parti. Est-ce que c'est ça qu'elle
voulait dire? Je ne peux pas le dire, puis lui non plus, mais c'est
l'impression qu'il a eue.
• (15 h 10) •
Quand on entend ce genre de propos, et
malheureusement on l'entend plus souvent qu'on le voudrait, ce n'est pas un cas
unique, à lire certains mémoires et certains commentaires émis ici, en
personne, il est à se demander si certains ne sont pas en train de se
substituer à Mère Nature, ou à quelconque Dieu, ou, pire encore, de vous
demander de réfléchir à légaliser une nouvelle action T4 maquillée. C'est
l'impression qu'on a en lisant certains mémoires. Dans ce contexte, doit-on
vraiment se surprendre du nombre croissant de mémoires et d'exécutions de ces
demandes? Le rapport annuel de la commission sur les soins de vie révèle ces
statistiques. En 2021-2022, 5 % des Québécoises et des Québécois qui sont
décédés ont reçu l'aide médicale à mourir dans leur trajectoire vers le décès,
ce qui représente 3 663 personnes. C'est quand même un nombre assez
important.
Et, plus haut, nous mentionnons que le
débat que nous tenons est signe d'une société saine, et je le pense vraiment. Les
débats qu'on a aujourd'hui, c'est sain, mais nous avons presque envie de
reprendre ces mots, car est-il vraiment sain qu'une société accorde plus
d'importance à l'aide médicale à mourir qu'à l'aide médicale à vivre? Pire
encore, comme je le mentionnais dans le cadre, là, de monsieur, qui est un de
nos membres, pire encore, que cette future loi suggère à chaque individu, et
parfois subtilement, comme ça a été le cas, encouragé par le système, comme
mentionné précédemment, laissé à lui-même, sans système de support familial,
amical, social ou médical, l'encourager... Est-ce qu'on l'encourage <à
vivre...
M. Laperrière (Steven) :
...comme
mentionné précédemment, laissé à lui-même, sans système de support familial,
amical, social ou médical, l'encourager... Est-ce qu'on l'encourage >à
vivre ou est ce qu'on l'encourage à mourir? La question se pose.
Alors, bien que favorable à l'aide
médicale à mourir pour éviter une fin de vie indigne et des douleurs
intenables, le RAPLIQ émet des craintes quant à l'élargissement des critères
d'admissibilité proposés par le gouvernement. Il recommande que les patients
aient accès à des soins palliatifs de qualité et que leur décision d'opter pour
l'AMM soit... soit éclairée et volontaire. Les soins palliatifs, qui peuvent
également aider les patients à trouver un sens et une signification à leur vie
alors qu'ils arrivent à la fin de celle-ci, nous vous invitons, chers
parlementaires, à réfléchir à cette situation comme si vous étiez vous-mêmes en
situation de handicap.
Une autre contradiction qu'on a notée,
discrimination, on pourrait dire aussi, c'est le handicap neuromoteur grave. On
cherche à comprendre pourquoi rendre plus accessible de l'aide médicale à
mourir aux personnes avec un handicap neuromoteur grave. Sur quelle base
factuelle se permet-on de proposer cela, alors qu'il y a plein de personnes à
handicap neuromoteur grave qui n'ont pas de souffrance, qui n'ont pas de
douleur intense qui les rend... qui leur donne le goût de ne pas vivre? On peut
penser à deux personnes atteintes de sclérose en plaques, progressives depuis à
peu près le même nombre d'années et ayant à peu près le même âge. Une de ces
deux personnes peut être extrêmement souffrante, et on le sait, on connaît
cette personne-là, et une autre personne qui ne l'est pas.
Alors, pourquoi ouvrir la porte plus...
plus facilement vers l'aide médicale à mourir à des personnes atteintes d'un
handicap neuromoteur, alors que, bien, une personne sourde peut avoir un
cancer, peut avoir des grosses souffrances puis vouloir l'aide médicale à
mourir? Donc, est-ce qu'on est en train de discriminer les personnes
handicapées jusque dans les soins de fin de vie? S'il vous plaît, dites-moi que
ça ne se peut pas, là. Alors, c'est un peu ça, un des points importants. Puis
on parle de handicap, handicap neuromoteur, mais, comme je le disais aussi, il
y a des gens qui sont handicapés, toutes sortes de handicaps confondus, que ce
soit intellectuel, physique, peu importe, et nous croyons... et, si nous
croyons qu'il est primordial de maintenir les critères de mort naturelle,
raisonnables, prévisibles et de fin de vie comme prévu dans les lois, il faut
garantir, comme on disait, un de nos critères fondamentals, il faut garantir le
respect réel de la personne et de la dignité humaine. Et cette question fait
débat. Au sein de notre CA, nous avons perdu des membres, et au sein de nos
membres aussi, on a perdu des gens qui ont choisi l'aide médicale à mourir,
parce que, même si la fin de vie n'était pas prévisible, ils n'en pouvaient
plus, ils n'en pouvaient juste plus, puis ça se voyait, puis on sentait, puis
c'était une certaine déchéance.
Alors... alors, tu sais, en tant que regroupement,
nous sommes favorables à l'utilisation de l'aide médicale à mourir pour les
personnes dont la douleur est avérée et médicalement incontrôlable ou
incurable. Cependant, ce qu'on veut être sûr, c'est que, s'ils en font la
demande et que la fin de vie n'est pas imminente, nous reconnaissons également
la nécessité d'encadrer, de réglementer rigoureusement cette pratique pour
assurer la protection de tous les individus concernés. Et on ajouterait même
une question. Sur les comités consultatifs qui prennent la décision, à savoir est-ce
qu'on accepte une demande ou pas, est-ce qu'une personne handicapée siège sur
ces comités-là? Parce que la vision puis la perspective d'une personne
handicapée est forcément un peu différente de quelqu'un qui ne l'est pas.
Alors, la question est posée.
Et le dernier point que j'aimerais
faire... je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'achève.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...a accepté de prendre du temps. Allez-y. Allez-y.
M. Laperrière (Steven) : D'accord.
Mais c'est mon dernier point. Une chose, un angle qui est complètement évacué
jusqu'ici, c'est le don d'organes. On a des gens qui ont demandé l'aide
médicale à mourir, qui auraient voulu donner leurs organes viables, et la
coordination entre le centre qui donnait... qui exécutait à l'aide médicale à
mourir et Transplant Québec, ça n'a pas été possible puis ça a l'air que ce ne
sera pas possible non plus. Alors, j'aimerais que... j'aimerais que vous vous
penchiez sur cette question-là, parce que, de pouvoir donner ses organes,
c'est... pour la personne qui le fait, si c'est son souhait, c'est un... c'est
un baume sur une fin de vie imminente, c'est faire quelque chose de bien pour
la société, puis ça peut être un baume aussi pour la famille. Alors, je tenais
à rajouter ce point-là.
Et, en conclusion, mesdames, nous croyons
que ce mémoire touche plusieurs points qui ont des sources... qui sont des
sources d'inquiétude pour les personnes handicapées. Notre souhait est que ce
mémoire, au même titre que celui de nos collègues d'autres organismes et
individus, aura su vous éclairer sur les différentes sensibilités et craintes
en regard de ce projet de loi. Nous espérons que vous, mesdames les commissaires,
qui êtes aussi élues et législatrices, aurez le discernement, la sagesse et le
courage de faire les bonnes recommandations et de voter en faveur de ce qui est
le mieux <pour les concitoyens...
M. Laperrière (Steven) :
...aurez
le discernement, la sagesse et le courage de faire les bonnes recommandations
et de voter en faveur de ce qui est le mieux >pour les concitoyens et
concitoyennes handicapés, car la fin de vie de tous les Québécoises et
Québécois est entre vos mains. Bonne réflexion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Vous en mettez beaucoup sur
nos épaules, mais vous avez raison, c'est notre devoir. Merci pour cette
présentation. Je vous rappelle très, très respectueusement que notre objectif,
c'est de bonifier le projet de loi qui est déposé. Un projet de loi, c'est
perfectible, on le dit souvent. Alors, je vais donc entamer avec mes consœurs
la période d'échange avec vous. On va commencer par Mme la ministre, et il
reste 14 min 9 s.
Mme Bélanger : Oui. Alors, M.
Laperrière, M. Morissette, un grand merci de participer à notre commission. Votre
rapport est très clair, je veux le mentionner, ainsi que les recommandations,
et merci pour cette belle présentation.
Je voudrais quand même juste peut-être
revenir sur le fait... et peut-être vous rassurer, puis je comprends toutes les
appréhensions, là, que vous mentionnez, c'est que l'intention qu'on a eue de...
et la proposition de rendre accessible l'aide médicale à mourir aux personnes
ayant un handicap neuromoteur grave et incurable n'étaient pas basées sur le
fait d'ostraciser les personnes ayant un handicap mais plutôt sur le fait,
justement, comme vous l'avez mentionné, de dire que les personnes vivant
avec... ou étant en situation de handicap, je comprends bien qu'il y a une
nuance, là, donc, les personnes étant en situation de handicap ont les mêmes
droits, justement, que les autres personnes et de reconnaître qu'elles peuvent,
elles aussi, vivre des souffrances physiques, psychiques et naturellement tous
les autres critères qui sont dans la loi. Et c'est pour ça qu'on s'est
questionné.
Puis vous savez qu'au niveau fédéral la
notion de handicap est incluse, et donc ici, au Québec, par devoir de prudence et
pour éviter, justement, je dirais peut-être, des dérapages, il y a eu beaucoup de
réflexions, notamment avec des ordres professionnels, mais aussi avec des
organismes qui donnent des services aux personnes handicapées. Et il y a eu, à
un moment donné, un consensus de dire : OK, on va spécifier. Mais
l'objectif de le spécifier, c'était vraiment, justement, par devoir de prudence
puis aussi suite à l'affaire Truchon-Gladu, OK? C'est de là que tout ça part.
M. Laperrière (Steven) : Je
comprends.
Mme Bélanger : Mais on
comprend qu'en faisant ça, ça a créé, puis avec raison, avec raison, vous
faites bien de le mentionner, puis il y a d'autres groupes qui nous l'ont
soulevé, des questions, puis on est très sensibles à tout ce qu'on entend, là,
aujourd'hui. Ma question est... Je comprends que vous dites, dans le fond, il
ne faudrait pas que l'aide médicale à mourir soit un soin de dernier recours
parce qu'on n'a pas reçu les services psychosociaux, les services de santé, les
services dans la communauté, etc. Puis vous amenez même le fait que le
médecin... Puis là je vais rajouter... j'ajoute l'IPS parce qu'éventuellement vous
savez qu'on a intégré dans le plan... dans le projet de loi que l'IPS pourrait
aussi, au même titre que le médecin, procéder. Vous intégrez le fait que le
médecin devrait s'assurer, dans le cadre du processus, que la personne qui
demande l'aide médicale à mourir... Parce que l'élément essentiel, c'est qu'il
faut que ça vienne de la personne, en plus, hein, l'autodétermination...
• (15 h 20) •
M. Laperrière (Steven) : Exact.
Mme Bélanger : ...mais que le
médecin s'assure que la personne ne demande pas l'aide médicale à mourir et...
parce qu'il y a un manque de services médicaux, un manque de services sociaux
ou des services de soins palliatifs inappropriés. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, je trouve que cet élément-là est très important.
M. Laperrière (Steven) : Exact.
C'est le point... C'est certainement un des points les plus importants. Puis
une des plus grandes craintes des personnes en situation de handicap, en tout
cas, que moi, je connais, je ne connais personne qui veut mourir dans la
déchéance puis l'indignité, handicapé ou pas, mais personne ne veut mourir
parce qu'on n'a pas été au bout du chemin, c'est-à-dire que, quand un... que ce
soit un problème de santé mentale ou n'importe quoi, si la personne est dans
des douleurs intenses, intenables, incontrôlables, et avérée incurable et
incontrôlable par un médecin, à ce moment-là on veut bien considérer l'aide médicale
à mourir s'il n'y a pas d'autre chose à faire, si la personne le veut. Mais,
encore là, comment faire en sorte... comment baliser le tout, Mme la ministre,
pour faire en sorte de s'assurer que le médecin accomplit vraiment le devoir de
regarder toutes les options avant d'arriver à l'aide médicale à mourir? Je ne
suis pas médecin, je ne peux pas vous dire comment faire, mais je peux vous
dire ce que <les gens ressentent...
M. Laperrière (Steven) :
...regarder
toutes les options avant d'arriver à l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas
médecin, je ne peux pas vous dire comment faire, mais je peux vous dire ce que >les
gens ressentent, par exemple, et la peur que les gens ont, c'est celle-là,
c'est que les médecins n'iront pas au bout.
On fait juste penser, Mme la ministre, à
la... en période de pandémie, il était question que... est-ce qu'on donne des
ventilateurs aux personnes en situation de handicap? Là, je comprends qu'on
n'est pas dans la même situation, je le comprends. Je ne veux pas comparer des
pommes avec des carottes, là, mais cette discussion-là a déjà eu lieu. Alors,
je pense que l'inquiétude, elle est raisonnable, elle est palpable. Et, quand
je parle de lourde responsabilité qui est sur vos épaules à tous communément,
bien, c'est celle-là, c'est de prouver aux personnes handicapées, de baliser
tout ça, que le médecin va vraiment être obligé d'aller au bout de la démarche
thérapeutique, tout ce qui peut être fait pour aider quelqu'un avant
d'encourager ou... pas d'encourager, mais peut-être de promouvoir l'aide
médicale à mourir, dans un cas comme dans l'autre, pour éviter des
situations... qui est arrivée à notre monsieur, là.
Mme Bélanger : ...préciser,
là, parce que je veux être sûre de bien comprendre. Je pense qu'on est tous
soucieux, là, puis on est conscients de la responsabilité qu'on a, des
décisions qu'on a à prendre. Mais est-ce que vous êtes à l'aise... Là, je
comprends que «neuromoteur», vous nous dites : N'allez pas là, enlevez ça,
c'est discriminant, puis... bon. Est-ce que vous êtes à l'aise qu'on mette, dans
le projet de loi, les personnes vivant en situation de handicap ou vous aimez
mieux qu'on ne le mette pas et qu'on tienne compte des critères, comme, par exemple,
la volonté de la personne, l'aptitude à consentir, le déclin irréversible, le
caractère incurable, la maladie physique, souffrance, la souffrance physique?
Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on ne mette pas du tout le volet handicap
ou... Je veux vous entendre là-dessus.
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
je... Bien, Laurent, peut-être, tu veux dire quelque chose là-dessus?
M. Morissette (Laurent) : Bien,
écoutez, je... bien, je ne sais pas si je vais être complètement à côté de la track,
mais ce que moi, j'ai toujours dit, en tant que participant dans la vie civile,
c'est que ce qui nous définit, ce n'est pas nécessairement notre handicap. Je
veux dire, ce qui nous définit, c'est notre désir profond de participer à la
société, je veux dire. Donc, ce qui... Si on considère que ce qui nous définit
en tant qu'être vivant, ce n'est pas notre handicap, bien, il faudrait aussi
appliquer cette même logique lorsqu'il est question de soins de fin de vie, je
veux dire. Moi, personnellement, j'ai eu un oncle qui est mort pendant la
pandémie, justement, qui a eu affaire aux soins de fin de vie. Et puis, parce
que c'était un contexte de pandémie, tout ça, ça a été un petit peu expédié.
Donc, moi, personnellement, je dirais, sans
dire qu'il faudrait complètement évacuer les questions relatives au handicap,
je pense que ça ne devrait pas être le point central de la... des prises de
position.
M. Laperrière (Steven) : Et,
pour faire un peu de pouce là-dessus, Mme la ministre, un peu dans le même
sens, je pense que la Loi sur l'aide médicale à mourir, là, ça concerne tout le
monde, je veux dire, moi, vous, ça peut être n'importe qui. Donc, c'est un...
Moi, je le pense toujours comme un projet général, mais, en quelque part, je pense
qu'il est bien de... je pense que le handicap devrait rester une notion
présente dans le texte de loi de façon à protéger les personnes handicapées,
qui sont peut-être plus vulnérables que d'autres, qui ont parfois un système de
support familial, social un peu moins grand que d'autres. J'en connais plein,
de personnes handicapées qui sont toutes seules puis qui n'ont personne au
monde.
Alors, je pense qu'on doit le garder dans
les textes de loi, Mme la ministre, les parlementaires, mais beaucoup par mesure
de protection puis de s'assurer encore, un peu comme on le disait tantôt aussi,
au risque de me répéter, de bien baliser le travail des médecins puis des
professionnels pour être sûr qu'on aille au bout des options de traitements
disponibles pour chaque personne. C'est ce que je souhaiterais, Mme la
ministre.
Mme Bélanger : OK Merci.
Peut-être une dernière question, là, de mon côté. Vous évoquez la notion de
comité consultatif, c'est ce que vous avez mentionné, sur l'aide médicale à
mourir. À quoi faites-vous référence exactement? Qu'est-ce que vous proposez?
M. Laperrière (Steven) : Bien,
je comprends... Et peut-être que ma compréhension est erronée, je l'avoue, donc
je n'avance rien, mais je comprends que, lorsqu'il y a une demande d'aide médicale
à mourir qui est formulée, il y a comme un genre de comité de quelques
personnes qui analysent... Dites-moi que ce n'est pas juste une personne, s'il
vous plaît, là, dites-moi que ce n'est pas ça.
Mme Bélanger : OK.
Parlez-vous de la commission des soins de fin de vie? La commission des soins
de fin de vie ou un comité consultatif interne?
M. Laperrière (Steven) : Exact,
qu'il y ait au moins une personne en situation de handicap qui siège pour avoir
la perspective d'une personne handicapée, parce qu'une personne handicapée peut
bien comprendre le désespoir d'une autre personne, je pense, en tout cas, elle
peut mieux le comprendre <que moi...
M. Laperrière (Steven) :
...peut
bien comprendre le désespoir d'une autre personne, je pense, en tout cas, elle
peut mieux le comprendre >que moi.
Mme Bélanger : OK. Merci
beaucoup.
M. Laperrière (Steven) : Voilà.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuivre avec
la députée d'Abitibi-Ouest, qui aurait quelques questions pour vous. Il reste
4 min 40 s.
Mme Blais : Merci, Mme
la Présidente. M. Laperrière, M. Morrissette, merci de votre
présence. M. Morissette, j'aimerais qu'on parle de souffrance, souffrance
et douleur, parce qu'il existe des souffrances physiques et il existe aussi des
douleurs physiques dues à la mobilité, ces choses-là, et aussi des grandes
souffrances psychologiques. Quel genre de souffrance vous avez vécu?
M. Morissette (Laurent) : C'est
une question assez particulière, si je peux me permettre, parce que, moi, comme
je l'ai dit tout à l'heure, ce qui me définit, ce n'est pas nécessairement mon
handicap, là. Et puis, évidemment, ce qui est drôle, parce que j'ai souvent des
discussions avec des amis à moi puis qui me disent : Ah mon Dieu! J'ai mal
à... j'ai mal aux dents, j'ai mal à ci, mais je ne devrais pas me plaindre,
parce que toi, tu es une personne handicapée puis tu as... tu sais, tu es tout
le temps assis, 16 heures par jour, donc, tu as vraiment beaucoup de
douleurs. Bien, moi, honnêtement, je n'ai pas... je n'ai pas plus de douleur
que n'importe qui, sans dire que je n'en ai pas puis sans dire aussi que ça me
rend... ça me rend meilleur par rapport à quelqu'un d'autre, je veux dire. Tu
sais, la... je vous dirais, pour être le plus succinct possible, une... une des
plus grandes douleurs que je ressens, c'est... c'est de savoir que mes... je
n'aime pas les appeler comme ça, mais que mes compatriotes, je veux dire, en
situation de handicap vivent, sans nul doute, un nombre incommensurable de
douleurs psychologiques causées par le fait qu'ils et elles ne peuvent pas se...
s'accomplir pleinement en tant que citoyens à part entière dans la société
québécoise.
Je sais que ça ne répond pas
nécessairement à votre question, mais... mais plutôt que dire que j'ai
seulement mal au dos, mal aux fesses, j'ai voulu vraiment être plus... plus, un
petit peu plus... plus large, un peu, puis plus réaliste, honnêtement, parce
qu'honnêtement je pense qu'au-delà des douleurs physiques qui peuvent, s'il y a
un système de support adéquat pour une personne, qui peuvent être mitigées et
atténuées, si on s'assure que la personne est soutenue de façon adéquate non
seulement par son réseau de proches aidants, mais également par des employés,
comme des préposés aux bénéficiaires qui sont payés adéquatement, je pense
qu'aujourd'hui le pourcentage que nous avons... que nous avons émis de
5 %, on n'en serait probablement pas là actuellement, donc.
M. Laperrière (Steven) : Merci,
Laurent. Et, si je peux faire un petit mot là-dessus...
Mme Blais : Oui.
M. Laperrière (Steven) : ...on
parlera tantôt de handicap moteur versus handicap... handicap versus handicap
neuromoteur, pourquoi catégoriser les gens. Laurent fait extrêmement là-dedans.
Laurent, il a certains inconforts, il a certaines douleurs, mais il est loin
d'avoir des douleurs intenses, insupportables, à base quotidienne aussi. C'est un
peu l'exemple de ce que j'exprimais tantôt.
Mme Blais : Je vous
remercie beaucoup, M. Morissette, d'avoir pris le temps de répondre à ma
question, qui était assez directe. Merci.
M. Laperrière (Steven) :
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Il reste
1 min 10 s. Très courte question pour la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
• (15 h 30) •
Mme Tardif : ...M.
Morrisette, M. Laperrière, je crois.
M. Laperrière (Steven) : Oui.
Mme Tardif : Merci
d'être venus. Merci de vous être déplacés. Merci d'avoir préparé ce rapport,
qui est très complet. Ma question est très courte. Vous... On en revient au
projet de loi, là. Vous nous suggérez d'inclure les personnes avec des troubles
de santé mentale et de le rendre admissibles. Pourriez-vous m'expliquer un peu
davantage votre opinion par rapport à ça?
M. Laperrière (Steven) : Avec
plaisir. Pour la simple et bonne raison que les troubles de santé mentale,
c'est aussi un handicap. Mme la ministre posait tantôt... si on devait garder
le terme «handicap» dans les textes de loi. Bien, si on garde le texte
«handicap», à notre sens, santé mentale fait partie des handicaps aussi. Je
comprends que c'est une game différente, c'est une façon de penser différente,
je le comprends, mais ça demeure tout de même un handicap. Et on connaît des personnes
qui sont... qui ont des troubles de santé mentale, qui ont de grandes
souffrances psychologiques, psychiques, un grand mal de vivre qui est
incontrôlable, incurable.
Et, encore là, je demanderais aux
parlementaires de bien considérer qu'avant de considérer un... avant d'accorder
un droit d'aide médicale à mourir, de s'assurer que le médecin spécialiste, peu
importe, ait fait le tour de toute la question et qu'il n'y ait pas d'autres
options, parce que ces personnes-là sont encore peut-être un petit peu plus
vulnérables qu'une autre partie de la <population...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Laperrière (Steven) :
...de
s'assurer que le médecin, spécialiste, peu importe, ait fait le tour de toute
la question et qu'il n'y ait pas d'autre option, parce que ces personnes-là
sont encore peut-être un petit peu plus vulnérables qu'une autre partie de la >population.
Alors, j'espère que ça répond à votre question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Nous allons donc
poursuivre les discussions, cette fois avec l'opposition officielle, avec la
députée de...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : La Pinière. Merci. Vous avez une période de 12 min 23 s.
Mme Caron : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être présents avec nous. Une
question à propos du terme «handicap». Donc, ce que j'ai bien compris dans
votre présentation et dans la réponse tout à l'heure, c'est que «handicap»...
les personnes handicapées ne devraient pas être traitées autrement que la population
en général. Donc, à ce chapitre-là, peut-être que vous retireriez le terme «handicap».
Par contre, vous, vous le garderiez peut-être pour s'assurer que les personnes
handicapées n'ont pas... ne sont pas mises dans une situation où on leur propose,
par exemple, l'aide médicale à mourir faute de soins, que ce soit... peu
importe quel soin ou aide à demeurer à domicile.
Hier, il y a une personne qui est venue et
qui nous disait : Plutôt que de parler de «handicap», peut-être plutôt de «déficience
et d'incapacité grave et incurable». Est-ce que c'est quelque chose qui serait
plus acceptable pour vous ou non?
M. Laperrière (Steven) : Non,
et, pour la simple et bonne raison que, si on veut rentrer là-dedans, on va
commencer à catégoriser ce qu'est le handicap. Pour moi, quand on dit «handicap»...
Tu sais, il y a des gens qui vont dire «une personne en situation de handicap».
Moi, Laurent, là, je considère qu'il n'est pas handicapé. Quand il est devant
une marche, qu'il ne peut pas rentrer à quelque part, là, il est en situation
de handicap, mais, sinon, mon chum Laurent, là, c'est une personne handicapée,
point final. Il n'est pas blanc, il n'est pas noir, il n'est pas catholique, il
n'est pas... c'est une personne handicapée, c'est mon chum, «that's it».
Donc, pour moi, le terme «handicap»
englobe tout, que ce soit handicap... Parce qu'après ça on peut aller à
handicap moteur, handicap cognitif, handicap... tu sais, je veux dire, on ne
finit plus, là, on peut catégoriser ad vitam aeternam, mais «handicap», ça
définit bien, je pense, la situation d'à peu près toutes les personnes, jusqu'à
tant que quelqu'un me prouve le contraire, puis ce jour-là, il n'est pas arrivé
encore, je ne l'ai pas vu.
Mme Caron : D'accord. Bien,
en fait, en fait, c'est ce que la personne nous disait également, c'est que le
handicap est situationnel. Donc, c'est au moment, justement, où la personne
arrive devant une marche qu'elle ne peut pas franchir, mais la personne, dans
son entièreté, n'est pas... n'est pas handicapée.
Ma collègue avait proposé peut-être qu'il
y ait un forum qui soit organisé sur cette notion-là. Est-ce que c'est... ou
peut-être un comité pour définir le tout. Est-ce que vous seriez intéressés à
participer, peut-être, à ça?
M. Laperrière (Steven) : Mais
tellement! Mais tellement! Et, je vous en prie, si vous le faites,
invitez-nous. On va être des... on est partants de ça parce que c'est... La
définition du handicap puis la vie des personnes handicapées, les défis au
quotidien, c'est des choses qui sont mal exprimées, qui sont mal comprises puis
qui n'ont jamais été, à mon sens, communiquées comme il faut. Alors, oui, un
comité comme ça. Un comité comme ça, oui, s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il
vous plaît. Et invitez-nous, on va être des joueurs importants. Et, oui, s'il
vous plaît. C'est ça, ma réponse.
Mme Caron : D'accord. Merci.
Et puis je reviens aussi dans votre recommandation n° 11, à propos de la
présence d'au moins une personne handicapée sur les comités consultatifs sur l'aide
médicale à mourir. Donc, vous parlez vraiment des comités locaux ou qui serait
appelés à...
M. Laperrière (Steven) : Bien,
des gens qui sont... tu sais, je ne sais pas si le bon terme, c'est un comité,
mais, tu sais, comme je disais : J'espère que ce n'est pas juste une
personne qui décide, là, que ce soit un comité de deux, trois, quatre, cinq
personnes, «whatever». J'espère que... J'aimerais que ce soit mandatoire que,
dans le cas où la demande d'aide médicale à mourir est faite par une personne
handicapée, qu'il y ait au moins une personne handicapée qui fasse partie du
processus d'acceptation ou non de la demande.
Mme Caron : D'accord. Je vous
remercie beaucoup et je laisserais la parole à ma collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec la collègue de
D'Arcy-McGee pour une période de 8 min 39 s.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Merci de votre présence aujourd'hui et du mémoire. Je veux renchérir sur votre
point de vue qui... bien, votre crainte que certains services ne soient pas
offerts, plutôt que... et qu'on administre plutôt l'aide médicale à mourir.
Avez-vous, justement, une crainte que, dans certains cas, il y aurait des
services, des soins qui ne seront pas offerts parce qu'on se dit, comme vous
avez fait état plus tôt, que, bien, ces personnes-là s'en vont vers l'aide
médicale à mourir, donc pourquoi leur offrir les soins? Avez-vous une crainte
que cette mentalité-là se développe dans le système de la santé?
M. Laperrière (Steven) : Mais
clairement! Mais clairement, absolument et totalement. La réponse à ça, c'est
un gros oui, parce qu'on l'a vécu avec notre ami qui a vécu la situation que je
vous ai <rapportée...
M. Laperrière (Steven) :
...parce
qu'on l'a vécu avec notre ami, qui a vécu la situation que je vous ai >rapportée.
Il n'est pas en fin de vie, ce gars-là, là, puis c'est un actif pour la société,
mais là, soudainement, en quelque part, il y a quelqu'un qui décide :
Écoute, mon ami, tu prends 38, 39 pilules, là, puis, bien vite, je n'en
aurai plus, de pilules pour toi, là, ça fait qu'il va falloir que tu prennes
une décision bientôt. Qu'est-ce qu'elle voulait dire, la personne? On ne le
sait pas. Elle voulait-tu dire : Bien, pense à l'aide médicale à mourir? Ou
peut-être : Change de médecin, parce que moi, je peux... On ne sait pas ce
qu'elle a voulu dire, mais je sais que notre ami, il est sorti de là en se
disant : Bien, crime, elle m'a invité quasiment à prendre la piqûre, là,
c'est... lui, c'est ça qu'il a compris.
Alors, oui, j'ai peur que... j'ai peur que
parce qu'on n'a pas assez de lits, j'ai peur que parce qu'on n'a pas assez de
personnel, j'ai peur que parce que... Je ne sais pas comment... Je pourrais
vous en parler pendant deux heures, là, j'ai juste peur qu'un médecin, parce
qu'il a eu une mauvaise journée, parce qu'il est surchargé, parce que ça ne lui
tente juste pas, puis les personnes handicapées, ça l'écoeure, parce que ça
arrive, croyez-moi, j'ai juste peur qu'un médecin dise : Ah non! Là, on
a... je n'ai pas allé jusqu'au bout, là, mais de toute façon, regarde, il
achève, là, il lui reste deux ans, trois ans, quatre ans. Oui, oui, aide
médicale à mourir. Oui, j'ai peur de ça. Oui. Bien, en fait, ce n'est pas moi
qui a peur, c'est la communauté des personnes handicapées qui a peur. C'est ce
qu'on nous a communiqué, c'est ce qu'on nous a dit.
Et c'est vrai, il y a des hôpitaux où
l'accessibilité est très déficiente, il y a des examens que... Un examen
gynécologique, pour une femme handicapée qui ne peut pas se transférer seule,
ça peut être un exploit... pardon, ça peut être un exploit d'en avoir un.
Alors, ça, c'est une réalité, madame, c'est une vraie réalité, une réalité
vraie.
Alors, vous me demandez si on a peur. Oui,
on a peur, définitivement, pour toutes ces raisons-là. On a peur que les
médecins n'aillent pas jusqu'au bout de toutes les ressources nécessaires pour
aider les personnes à vivre, et non pas les aider, les encourager à mourir. On
voudrait qu'ils les encouragent à vivre en ayant la certitude qu'ils vont... qu'ils
exploitent toutes les solutions.
Mme Prass : Dans ce cas-là,
pensez-vous qu'il y aurait place qu'il y ait une évaluation obligatoire de
s'assurer que tous les services ont été donnés à cette personne-là avant qu'on
commence... avant qu'on procède à l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
ça, je ne sais pas quoi répondre à ça. Idéalement, je pense qu'on... idéalement,
je pense qu'on devrait avoir confiance en nos médecins, nos spécialistes, notre
système de santé, mais l'histoire nous prouve qu'on ne peut pas toujours avoir
cette confiance-là, je... Puis de... Ce que vous proposez, il me semble qu'il y
a un potentiel que ça pourrait retarder le moment entre la demande et
l'exécution.
Je réfléchis avec vous, mais j'irais
peut-être avec une commission annuelle qui serait chargée de regarder, mettons,
un certain pourcentage des demandes qui ont été faites versus qu'est-ce qui a
été accepté ou refusé puis sur quelle base on s'enligne pour accepter ça. Il me
semble que ça, ce serait plus acceptable, à mon sens. Puis là je parle en mon
nom à moi, pas au nom du RAPLIQ, mais, à mon sens à moi, ce serait plus
acceptable de faire ça que de retarder des demandes d'aide médicale à mourir...
qui souffrent parce qu'on veut faire trois fois sûrs qu'on est corrects, là. Je
pense qu'il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis. Quelqu'un qui
souffre, qui a mal, là, il ne faut pas qu'on s'accroche les pieds dans la
bureaucratie, mais une mesure d'examen annuel, ça, ça pourrait... ça pourrait
faire l'affaire, je pense.
• (15 h 40) •
Mme Prass : Et là je voudrais
venir sur votre recommandation n° 9, qui est en lien avec la notion du
refus. On sait bien que la personne va... faire leur demande quand ils sont en
état aptes, et ça se peut qu'ils fassent un refus physique, vocal, etc., une
fois qu'ils sont considérés plus... ils ne sont plus considérés aptes. Donc,
pensez-vous qu'il devrait y avoir, justement, un mécanisme pour que, même s'il
y a un refus, soit qu'on essaie de nouveau ou qu'il y ait un élément dans le
formulaire qui précise que, même si j'ai un refus physique, etc., qu'on procède
avec l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière (Steven) : Parlez-vous
dans un cas où le patient, la patiente en question aurait déjà donné son
accord?
Mme Prass : Exact.
M. Laperrière (Steven) : Oui,
absolument. Oui, oui, absolument. Et je pense même que... et on le mentionne,
en quelque part, je pense même que chaque personne qui fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir devrait désigner une tierce personne de
confiance assermentée, notifiée, s'il faut, pour le... notifiée et... voyons, notariée,
pardon, c'était dur, ça, notariée afin que les médecins sachent clairement qui
est l'interlocuteur principal et que cet interlocuteur principal là représente
la personne qui a besoin des soins d'aide médicale à vivre même si elle n'est
plus apte. Je pense que c'est essentiel, oui.
Mme Prass : Et qu'est-ce qui
arrive dans les dans le cas où la personne n'a pas désigné de tiers de
confiance? C'est qui qui devrait <reprendre...
Mme Prass :
...dans
le cas où la personne n'a pas désigné de tiers de confiance? C'est qui qui
devrait >reprendre ce rôle?
M. Laperrière (Steven) : ...peut-être
la curatelle publique, je ne sais pas, ou peut-être... Son médecin de famille
pourrait peut-être, dans un cas comme ça, dans... le cas échéant où la personne
a un médecin de famille, ce qui est une denrée rare parfois, mais le médecin...
J'irais vers le médecin spécialiste qui l'a suivie, parce que, si on parle
d'une personne en situation de handicap, règle générale, il y a un spécialiste
qui le suit à quelque part. Alors, il y a sûrement moyen, dans la chaîne, là,
de trouver... de trouver qui pourrait être cette personne responsable là et
confirmer le désir d'une personne qui demande l'aide médicale à mourir.
Mme Prass : Et, pour les
comités consultatifs, vous demandez qu'il y ait une participation d'une
personne handicapée qui siège là, est-ce que c'est plus pour un rôle de surveillance,
ou un rôle de conseil, ou pour parler, justement, au nom de cette personne-là?
M. Laperrière (Steven) : C'est
pour parler au nom de la personne handicapée, parce que je pense que, sans
porter atteinte à la personne, là, sans porter de jugement indu, il n'y a
qu'une personne handicapée qui peut comprendre une autre personne handicapée
d'un point de vue psychique, d'un point de vue mental, d'un point de vue de
comment on peut se sentir. Je le dis toujours, puis ça s'applique dans toutes
les choses qu'on fait, là, les plus grands experts du handicap, là, je
m'excuse, ce sont les personnes handicapées elles-mêmes. Et je ne pense pas
qu'une autre... je pense... excusez-moi, je recommence, je pense qu'une
personne handicapée doit faire partie de la discussion lorsqu'on évalue une
demande d'aide médicale à mourir qui concerne une personne handicapée. Qu'elle
soit apte ou pas à donner son consentement, je pense que c'est absolument
nécessaire. C'est une nécessité. Ça doit être fait.
Mme Prass : Il reste combien
de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Une minute. Conclusion.
Mme Prass : Ensuite, donc...
Ah oui! Excusez-moi. Vous avez mentionné la question de don d'organes.
M. Laperrière (Steven) : Oui.
Mme Prass : Est-ce que vous
voyez... Vous avez dit qu'il y avait un problème d'arrimation entre les deux. Avez-vous
une suggestion de comment ça pourrait mieux se faire pour s'assurer que ces
organes sont bien...
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
entre le moment où il y a une aide médicale à mourir et l'exécution...
l'acceptation de celle-ci et l'exécution de celle-ci, il y a quand même un
certain délai obligatoire. Je ne peux pas croire qu'en 2023... je ne peux pas
croire qu'il n'y a pas un centre qui dit : Écoutez, on fait... on donne
une aide médicale à mourir, monsieur, madame voudrait donner ses organes, ils
sont viables. Parce que, souvent, on pense que, parce que la madame, la
personne... la personne qui demande l'aide médicale à mourir, que ses organes
ne sont plus viables parce qu'elle est malade, parce qu'elle a un cancer, «whatever»,
mais ce n'est pas toujours le cas, hein? Donc, il faut penser que ça peut
arriver.
Et donc je ne peux pas croire qu'en 2023
il n'y a pas quelqu'un, à quelque part dans la chaîne, qui se dit :
Écoute, on a une aide médicale à mourir, on s'apprête à l'accepter, Transplant
Québec, on pense l'exécuter à telle date à la demande du patient, il y a-tu
moyen d'organiser nos flûtes, de s'arrimer puis d'aller prendre la personne,
l'amener tout de suite dans un centre, faire les prélèvements puis... en tout
cas, faire ce qu'il faut, là? Je ne suis pas médecin, là. Je n'ai peut-être pas
les bons termes, mais je pense que vous comprenez l'idée générale.
Alors, moi, je ne peux pas croire que ça,
ça ne peut pas arriver, et je pense que ce serait un très grand sentiment de...
je pense que les gens verraient ça d'un très bon oeil, d'avoir ce choix-là. Et
parce que, quand on en a parlé, en fait, c'est quelqu'un qui m'a amené ça, j'en
ai parlé à quelques autres personnes, puis là on m'a dit : Bien oui, mais
c'est un must, il le faut, si je peux aider quelqu'un avec mes organes à ma
mort imminente, bien, peut-être que je serais bien content de faire quelque
chose pour contribuer à ma société jusque dans la mort.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup... d'accomplissement de fin de vie, hein?
M. Laperrière (Steven) : Oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour avoir répondu aux questions. On est
rendus dans la dernière ronde, avec la députée de Sherbrooke, qui bénéficie
d'une période de 4 min 8 s.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Quand ma collègue vous a questionné sur la possibilité d'un forum,
votre intérêt à participer, vous avez répondu : Oui, oui, oui, avec un
intérêt débordant évident. J'aimerais ça, savoir ce que vous aimeriez dire,
ajouter de plus que ce que vous avez mentionné dans votre mémoire ou ici
aujourd'hui, dans le cadre d'un forum comme celui-là. Ça devrait être quoi,
pour vous, l'objectif d'un forum supplémentaire, là, si on en organisait un?
M. Laperrière (Steven) : Là,
vous me faites plaisir avec cette question-là. Je trouve que tous les dossiers
qui sont... tu sais, tous les besoins des personnes en situation de handicap
font rarement partie des débats publics, rarement, et ils font rarement partie
des décisions politiques aussi ou, s'ils le font, on n'en entend pas parler. Je
ne le dis pas comme un reproche, mais comme un fait. C'est ce qu'on voit, c'est
ce qu'on ressent.
Alors, un forum comme ça pourrait faire
comprendre que, premièrement, le handicap, là, ce n'est pas une tragédie. Puis
les personnes en situation de handicap n'ont pas besoin de la pitié du monde,
ils n'ont pas besoin de rien d'autre que des accommodements pour pouvoir
participer de façon pleine et entière à la société. Ce serait la <première...
M. Laperrière (Steven) :
...des
accommodements pour pouvoir participer de façon pleine et entière à la société.
Ce serait la >première chose que j'essaierais de comprendre.
La deuxième chose que je ferais, je
m'attarderais beaucoup, justement, aux accommodements. Les accommodements, là, tu
sais... Montréal, Québec, toutes les grandes villes, ça n'a pas été bâti en
pensant aux personnes handicapées. On doit faire du rétrofit. Ça coûte une
fortune, j'en suis conscient, mais il y a moyen de faire, si tout le monde se
met main dans la main, qu'on trouve des solutions plutôt que de trouver des
obstacles. Parce que, ces temps-ci, là, comment... Je vais essayer d'être clair
dans ce que je dis, ces temps-ci, là, quand il y a une marche, ça ne devient
plus un obstacle, ça devient une raison pour ne rien faire. Il y a un
commerçant qui m'a déjà dit, vrai comme je suis là : Bien, écoute, mon
ami, des personnes en fauteuil roulant qui viennent dans mon commerce, je n'en
ai pas. Je le sais, tu as deux marches en avant de ton commerce.
C'est le genre de chose que j'essaierais
d'adresser dans cette commission-là pour que les gens comprennent mieux, pour
que la société comprenne mieux mon chum Laurent, mes autres amis handicapés
partout au Québec, pour qu'on commence à mieux les comprendre, qu'ils ne font
pas pitié, qu'ils ont juste besoin d'accommodements. Puis il va aller s'en
acheter une, paire de jeans, dans ton magasin si tu aplanis tes marches. Je
sais qu'on est hors sujet, mais c'est... c'est votre question.
Mme Labrie : Non, mais, moi,
ça ne m'apparaît pas hors sujet. Bien, dans le fond, si je résume, vous sentez
un grand besoin, urgent, même, d'avoir un forum pour permettre de faire
entendre les voix des personnes avec un handicap, qu'on puisse tout le monde
mieux prendre conscience de leurs besoins et des aménagements à faire pour
répondre à leurs besoins. C'est ça que...
M. Laperrière (Steven) : C'est
nécessaire. Ne serait-ce qu'en termes d'habitation, on parle d'habitations...
d'habitations à prix modique, de logement social, on ne parle jamais de
logements adaptés, jamais.
M. Morissette (Laurent) : Si
vous me permettez de faire un petit peu de pouce là-dessus, tu sais, on parle
d'accessibilité, d'accessibilité universelle, parce que c'est ça, le mot de M. Laperrière,
en gros, mais il ne faut pas se limiter à l'accessibilité, il faut aussi... garantir
aussi, comme je disais précédemment, une pleine... une participation pleine et
entière à la société, mais ça passe aussi par l'éducation aussi. Parce que,
récemment, je... Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des coupures,
récemment au centre de services scolaire de Montréal, pour des élèves en
situation de handicap.
Donc, si on ne garantit pas aux citoyens
du Québec en situation de handicap un meilleur accès à l'éducation, avec des
ressources plus adéquates, mieux financées... Moi, j'ai été chanceux d'être...
de faire des études de génie, puis d'être professeur de maths très actif, puis
de contribuer économiquement à la société, mais je me plais malheureusement à
dire que je suis l'exception qui confirme la règle. Puis, je pense,
aujourd'hui, en 2023, c'est encore... Pour moi, c'est inacceptable que
j'entende, dans le transport adapté, des personnes qui me disent : Ah!
moi, j'ai 22 ans, mais je n'ai rien fait parce que, bon, moi, j'ai dû
quitter l'école en secondaire III parce que, bon, on m'a dit que je
n'avais pas de ressources, puis je n'étais pas capable de faire des affaires.
• (15 h 50) •
Tu sais, toute notre vie, on se fait dire
par une ou l'autre des personnes qu'on... que nous ne sommes pas comme les
autres. Et puis moi, je considère que, lorsque nous aurons mis tous les efforts
nécessaires pour assurer une inclusion pleine et entière de chaque personne, en
situation de handicap ou non, dans la vie de société, dans la vie du Québec,
on... je pourrai arrêter de penser que tous les efforts que nous faisons
actuellement, c'est un... c'est un constat d'échec actuellement, parce que,
pour... Comme je vous dis, pour moi, c'est inconcevable que des comptables en
situation de handicap, des avocats en situation de handicap, des informaticiens,
comme moi, en situation de handicap, c'est... des gens qui ont une vie sexuelle
en situation de handicap, c'est encore...
M. Laperrière (Steven) : C'est
encore tabou.
M. Morissette (Laurent) : C'est
encore tabou. Puis moi, honnêtement, j'ai fait plusieurs conférences puis, à
chaque fois que j'aborde ces questions-là, je cause la surprise.
Essentiellement, je mettrai les efforts de toute ma vie pour que le fait
d'aborder toutes ces questions-là, que je viens de mentionner, ce ne soit plus
une surprise, parce que, si je peux prendre comme exemple les combats
féministes, et tout ça, pendant 40 ans, 50 ans, 60 ans, que les
femmes prennent leur place causait une <surprise...
M. Morissette (Laurent) :
...et
tout ça, pendant 40 ans, 50 ans, 60 ans, que les femmes prennent
leur place causait une >surprise, encore... Donc, c'est sur le même
piédestal pour les personnes en situation de handicap actuellement. En 2023,
dans une société moderne, on en est encore là, puis moi, non seulement je
trouve ça malheureux mais, comme je le disais, c'est inconcevable.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Écoutez, c'est... J'ai laissé... j'ai laissé... Vous aviez
un témoignage fort, fort intéressant et qui est tombé dans des bonnes oreilles,
bien entendu, j'ai laissé le temps aller, mais, malheureusement, on est allés
au-delà du temps qui est imparti pour cette audition. Il me reste, au nom de
mes collègues, à vous remercier pour l'apport à nos travaux. Sachez que c'est...
comme je disais il y a quelques secondes, c'est rentré dans des bonnes
oreilles. On va travailler avec ça. Merci beaucoup.
Et je suspends la commission, le temps
qu'on installe le dernier groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 15 h 58)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Avant d'entendre notre prochain et
dernier groupe, je vais devoir vous demander votre consentement pour aller
au-delà de l'heure qui était prescrite. Consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, M. Caouette et Mme
Gauthier-Boudreault, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.
Alors, vous êtes nos derniers intervenants. Vous allez donc bénéficier d'une
période de 10 minutes d'abord pour vous présenter, ensuite exposer vos
idées, une partie de votre mémoire, que nous avons tous consulté, mais, bien
évidemment, vous allez avoir le temps de nous en exposer les grandes lignes.
Ensuite va s'ensuivre une période de questions avec les parlementaires. Alors,
le temps commence pour vous maintenant.
M. Martin Caouette et Mme Camille
Gauthier-Boudreault
M. Caouette (Martin) : Parfait.
Merci beaucoup. Donc, je tiens d'abord à remercier les membres de la
commission, en fait, pour l'invitation à intervenir sur cette importante
question que sont les soins de fin de vie. Donc, je suis Martin Caouette,
professeur au Département de psychoéducation et travail social de l'Université
du Québec à Trois-Rivières. Je suis accompagné également de ma collègue Camille
Gauthier-Boudreault, qui est professeure en ergothérapie, mais également la
sœur d'une personne polyhandicapée. On est tous les deux chercheurs à
l'Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre
de l'autisme et également au Centre interdisciplinaire de recherche sur la
réadaptation et l'intégration sociale.
Donc, évidemment, notre propos va porter
plus particulièrement sur l'ouverture que le projet de loi fait aux handicaps
neuromoteurs graves et incurables comme justification de l'accès à l'aide
médicale à mourir. Alors, on va soutenir le point de vue que le handicap
devrait être retiré, à ce moment-ci, du projet de loi pour être remplacé par
des termes plus consensuels, par exemple les termes de «déficience» et d'«incapacité»,
donc, tels qu'ils sont définis dans le modèle de développement humain, le
processus de production du handicap dont M. Fougeyrollas vous a parlé hier. De
plus, nous croyons que cette question devrait mener également à un débat plus
large concernant le soutien à apporter aux personnes qui sont concernées par le
handicap afin d'en arriver à un consensus social qui serait plus fort sur cette
question.
Donc, en tant que titulaire de la chaire
Autodétermination et handicap, il va de soi que la reconnaissance du droit de
toutes les personnes en situation de handicap d'exercer du contrôle et du
pouvoir sur leur vie, incluant la fin de celle-ci, est cohérente avec cette
volonté de leur permettre d'accéder à une pleine égalité de droits et de
chances et d'être des citoyens à part entière.
Or, malgré les apparences, la représentation
qui est faite du handicap, au sein du projet de loi, n'y contribue pas
complètement. D'abord, l'adjectif «neuromoteur», qui est accolé au mot
«handicap», est un terme parapluie qui pourrait recouvrir un ensemble de
conditions médicales dont le contour est très difficile à définir. Au final,
toute condition qui trouve son origine sur le plan neurologique et qui provoque
des limitations motrices pourrait être concernée par cette définition. Ainsi,
il en va de la personne qui compose avec une paralysie cérébrale, de certaines
personnes qui ont une déficience intellectuelle puis, voire même, de certaines
personnes autistes. Donc... l'expression «handicap neuromoteur» est donc trop
imprécise, car on peut difficilement y trouver une définition qui serait
consensuelle dans la littérature scientifique.
• (16 heures) •
Maintenant, ce qui est encore plus
problématique, c'est le terme «incurable» qui s'ajoute à la phrase. Ce terme
signifie littéralement «qui ne peut être guéri». C'est donc dire que la vision
du handicap qui est mise de l'avant par le projet de loi est une vision qui est
essentiellement médicale. Donc, cette perspective nous place vraiment en
rupture avec l'état des connaissances actuelles, qui positionnent clairement le
handicap comme la rencontre des caractéristiques d'une personne et d'un
environnement qui est plus ou moins adapté et inclusif. D'ailleurs, le Québec
se positionne avantageusement à travers le monde par la vision sociale du
handicap qui a été promue et qui est mise de l'avant également par l'Office des
personnes handicapées du Québec. Donc, concrètement, c'est un modèle qui
reconnaît que des déficiences des systèmes organiques et la présence
d'incapacités chez la <personne...
>
16 h (version révisée)
< M. Caouette (Martin) :
...concrètement,
c'est un modèle qui reconnaît qu'il y a des déficiences des systèmes organiques.
Et la présence d'incapacités chez la >personne sont des éléments
importants, bien sûr, pour comprendre le handicap, mais la seule composante
médicale est insuffisante pour comprendre ce qu'est le handicap.
Il faut donc porter notre regard sur un
élément essentiel, c'est-à-dire l'environnement dans lequel une personne
évolue. Autrement dit, il faut savoir dire par quoi la personne est handicapée.
Donc, une personne qui est handicapée par des préjugés, par un environnement
physique inadapté, par l'absence de services suffisants, c'est ce qui est en...
c'est ce qui cause, au final, la situation de handicap. Donc, référer à un
handicap incurable, c'est donc faire fi du rôle que joue l'environnement pour
comprendre le handicap. Donc, prétendre que le handicap découle, par exemple,
nécessairement d'une maladie, c'est inexact.
Maintenant, si on aborde la question de la
souffrance qui est insoutenable et qui mènerait à l'accès à l'aide médicale à
mourir, notamment la souffrance psychologique, donc, il va de soi que les
personnes en situation de handicap peuvent composer avec d'importantes douleurs...
avec d'importantes douleurs physiques qui sont liées à leurs caractéristiques
personnelles, mais, si on reconnaît le fait que le handicap découle d'une
interaction entre une personne et son environnement, comme cela est reconnu de
façon très large dans la littérature scientifique, il faut aussi considérer le
fait que cette douleur peut trouver son origine du côté de l'environnement de
la personne et qu'elle peut être de nature psychologique.
Autrement dit, la difficulté d'accéder à
un habitat qui correspond à ses besoins, les obstacles pour s'inclure en
emploi, les problèmes pour accéder à des services de transport adapté, la
complexité que peut représenter la gestion d'aide médicale à domicile, la
difficulté de s'imaginer vivre avec des incapacités dans une société qui
valorise la performance ne sont que quelques exemples des sources de souffrance
des personnes en situation de handicap. Je ne prétendrai jamais m'exprimer à
leur place, mais il faut reconnaître que ces souffrances psychologiques peuvent
être telles qu'elles peuvent mener une personne à considérer la mort comme la
seule option pour elle. À partir du moment où on reconnaît que la souffrance,
pour la personne en situation de handicap, peut trouver son origine non
seulement dans sa condition médicale, mais également dans son environnement, il
faut s'interroger sur ce qui est en place pour prévenir cette souffrance.
Ici, je crois qu'il est important de se
rappeler que l'accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est
atteinte d'une maladie incurable s'inscrit dans un continuum de soins
palliatifs et que cette dernière dispose de certaines garanties pour lui
permettre de vivre sa vie dans la dignité. Ce continuum, il est essentiel pour
prévenir la souffrance et éviter de faire de l'aide médicale à mourir un acte
qui est isolé. Donc, il est essentiel de se poser la question, pour les
personnes en situation de handicap, du continuum qui existe avant d'en arriver
à la décision d'accéder à l'aide médicale à mourir. Puisque la mort n'est pas l'aboutissement
logique d'une situation de handicap, quelles sont les garanties dont dispose la
personne en situation de handicap pour prévenir et éviter des souffrances? Et,
répétons-le, ces souffrances sont plus souvent causées par un environnement
physique et social inadapté et non inclusif que par de strictes douleurs
physiques.
Or, le projet de loi, actuellement, est
muet sur la question d'un continuum de soins et de soutien pour les personnes
en situation de handicap. Poser la question de ce continuum avant d'en arriver
à l'aide médicale à mourir, pour le handicap, va rapidement nous amener à nous
poser une autre question. Sommes-nous prêts à accepter, comme société, qu'une
personne en situation de handicap ait recours à l'aide médicale à mourir parce
que les souffrances qu'elle vit découlent de notre incapacité à lui offrir
socialement une réponse qui est suffisante à ses besoins? Personnellement, je
ne suis pas prêt à cette éventualité, mais ma seule voix est insuffisante, et
je considère que cette réponse doit venir d'un débat social plus large que la
seule étude du projet de loi ne permet pas de faire.
Deux dernières remarques avant de laisser
la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault. D'abord, il pourrait être
tentant d'aligner la législation québécoise sur celle du Canada au niveau de l'aide
médicale à mourir. Or, ce choix, en fait, ne viendrait pas régler un problème,
mais en causer un deuxième. La législation canadienne est problématique dans sa
forme pour les raisons que je vous ai décrites précédemment et par le fait qu'elle
se limite à une vision médicale du handicap, qui est insuffisante.
Deuxièmement, le terme «handicap» fait l'objet
de différentes définitions. Par exemple, du côté de l'Europe, on désigne
fréquemment la maladie mentale par l'expression «handicap psychique». Donc, si
vous choisissez de conserver le terme «handicap» dans le projet de loi, vous
risquez, par la confusion que ce terme peut apporter, d'ouvrir la porte pour
accéder à l'aide médicale à mourir à des personnes qui souffrent d'une maladie
mentale, une porte qui a été fermée d'un autre côté, notamment par le
gouvernement fédéral.
Donc, je laisse... Je vais céder
maintenant la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault, qui va s'exprimer
à la fois comme chercheuse, mais également soeur d'une personne polyhandicapée.
Mme Gauthier-Boudreault (Camille) :
Merci, Pr Caouette. Donc, laissez-moi vous raconter une brève tranche de
vie de ma soeur Anne, qui a 30 ans maintenant. Donc, Anne, c'est une
personne heureuse, digne et fière d'elle, et ce, bien qu'elle présente des
incapacités graves sur le plan intellectuel, moteur et <langagier, et ce,
depuis sa naissance...
Mme Gauthier-Boudreault (Camille) :
...des incapacités graves sur le plan intellectuel, moteur et >langagier,
et ce, depuis sa naissance. Et vous savez ce qui lui permet d'être une si
merveilleuse personne? Sa personnalité, oui, mais principalement son
environnement physique et social, car, quand Anne ne peut s'épanouir en
présence de ses amis dans les centres d'activités de jour, quand elle ne peut
s'accomplir au travers d'activités signifiantes et valorisantes et quand on ne
la considère pas dans les prises de décisions qui la concernent, elle peut
souffrir, et le soutien de son environnement est un facteur important dans le
respect de sa dignité, de son autonomie et de son humanité.
On ne parle pas ici d'une souffrance liée
à sa déficience intellectuelle profonde. Elle souffre d'un environnement qui
n'est pas adapté pour la soutenir dans l'atteinte de son plein potentiel. Cette
souffrance, nous l'avons constatée dramatiquement lors du confinement lié à la
COVID-19. Avec l'arrêt des services d'activités de jour, Anne est devenue
apathique, impatiente, à fleur de peau, et ce, même la présence et la
stimulation de mes parents et de moi-même ne suffisaient plus, et on a retrouvé
Anne, notre Anne, lorsque les services sont revenus, qu'elle a retrouvé sa vie
sociale et ses occupations quotidiennes.
Donc, le problème de souffrance d'Anne
était l'absence de services. L'important ici n'est donc pas de se demander si
l'aide médicale à mourir serait une solution, mais plutôt de se questionner sur
ses besoins et les services que nous devons mettre en place pour y répondre. Au
lieu de mettre en place de nouveaux paradigmes qui nous amènent à se dire que
la mort serait une délivrance, portons davantage notre regard sur le soutien de
la communauté et la mise en place de services générés par une évaluation biopsychosociale
de la personne et de son environnement dans l'objectif de créer des services
qui soutiennent la famille et le développement optimal de l'autonomie de la
personne dans une vision d'inclusion. Avec la modification de cette loi,
sommes-nous en train de favoriser l'accès à la mort au détriment de faciliter
l'accès à une vie, une vie qui laisse une pleine place à la personne, à ses
besoins et ce qu'elle peut apporter à la société?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, professeur... j'aurais dû le
mentionner dès le début, Pr Caouette, Pre Gauthier-Boudreault.
Alors, on va entamer la période d'échange
avec les parlementaires. On va commencer avec la ministre, et vous avez une
période de 16 min 30 s.
Mme Bélanger : Alors,
bonjour, M. Caouette, Mme Gauthier-Boudreault. Merci pour le mémoire,
la présentation, le témoignage. En fait, je comprends de votre mémoire que vous
nous proposez de retirer le terme «handicap neuromoteur», mais aussi le terme «handicap»,
dans les deux cas, et de remplacer par deux mots qui sont plus appropriés, qui
sont «déficience» et «incapacité», qui font référence au MDH-PPH. C'est bien
ça?
• (16 h 10) •
M. Caouette (Martin) : Tout à
fait, oui.
Mme Bélanger : OK. On est
beaucoup dans la sémantique, là. Les mots veulent dire quelque chose dans un
projet de loi, puis c'est très important. On a eu, depuis trois jours,
plusieurs groupes représentant des personnes en situation de handicap qui sont
venus nous présenter, là, je veux dire, toute la vision, toute la recherche,
aussi, scientifique au niveau de la terminologie puis au niveau aussi de la
définition de ce que c'est, le handicap, notamment le Pr Fougeyrollas, que vous
connaissez sans doute, là, qui est très connu des chercheurs, et tout ça, puis
je sais que vous avez un volet recherche aussi.
Spontanément, je vous dirais, c'est
extrêmement intéressant et c'est important. Puis je pense que vous nous avez
vraiment convaincus que les personnes vivant des situations de handicap ne
peuvent pas être apparentées à des personnes qui ont une maladie, puis il ne
faut pas que ça soit considéré comme ça. C'est possible qu'il y ait des
maladies, ceci étant dit, mais là ce n'est pas de ça qu'on parle. Mais je vous
avoue que MDH-PPH, c'est un peu compliqué à écrire dans un projet de loi, OK,
parce que c'est un terme très clinique, là. Pour avoir géré l'Institut de
réadaptation de Montréal pendant quelques années, je comprends ce que ça veut
dire, c'est beaucoup dans le vocabulaire des cliniciens, des professionnels de
la réadaptation, des professionnels de la recherche. Je pense que vous vous
comprenez bien dans ce sens-là, puis probablement avec les personnes en
situation de handicap, mais, pour M. et Mme Tout-le-monde, puis même peut-être
pour la législature, là, MDH-PPH, on s'entend qu'on est dans un univers un peu
plus spécialisé.
Moi, dans le fond, là, ce que je veux <entendre
de votre part, vous...
Mme Bélanger :
...là,
ce que je veux >entendre de votre part, vous voulez enlever «handicap
neuromoteur», enlever «handicap» et remplacer par le terme «déficience et
incapacité». Est-ce que ça, ça serait assez clair pour vous et pour les
personnes... les premières concernées, les personnes qui vivent en situation de
handicap, en sachant que «déficience et incapacité» fait référence au modèle
conceptuel MDH-PPH? Est-ce que c'est bien ça que je comprends?
M. Caouette (Martin) : C'est
exactement ça, parce qu'en fait il y a... la chose qui est importante là-dessus...
Puis je suis tout à fait conscient que MDH-PPH, ça ne veut absolument rien dire
pour la majorité des gens, mais c'est le grand cadre, en fait, qui organise
déjà, au niveau de l'Office des personnes handicapées du Québec... puis la loi
à part entière, en fait, est organisée autour de cette vision-là du handicap,
qui est extrêmement importante, parce qu'elle vient nous dire : Le
handicap, ce n'est pas juste quelque chose qui est inhérent à l'individu, mais
qui concerne aussi l'environnement.
Quand on veut permettre l'accès à l'aide
médicale à mourir, à mon sens, en fait, ce que j'en comprends, c'est parce
qu'on constate qu'il y a une souffrance qui est telle que l'individu ne peut
plus fonctionner. Cette souffrance-là, bien, elle trouve... ce qu'on souhaite,
c'est qu'elle trouve... en fait, ce qu'on considère, c'est qu'elle trouve sa
source du côté de l'individu. Quand on parle de déficience, d'incapacité, bien,
on est sur des facteurs individuels, et là, évidemment, si on a quelqu'un, par
exemple, qui souffre d'une déficience organique et que cette déficience-là lui
cause une douleur telle qu'on en arrive à la conclusion que l'aide médicale à
mourir est la seule solution possible, bien, on ne sera pas dans une situation
où on présume que des changements environnementaux auraient pu alléger ces
souffrances-là. Donc, maintenant, la définition de la déficience, c'est quand
même quelque chose qui peut... qui est assez clairement défini, là, notamment
dans les modèles auxquels on réfère.
Mme Bélanger : OK, peut-être
une autre... parce que vous savez que, dans le projet de loi, on ne voulait pas
définir les maladies non plus, là, aussi, ça fait qu'il y a aussi cet
élément-là auquel on est confrontés, mais je retiens, là, le terme «déficience
et incapacité», qui fait référence au grand modèle conceptuel de la
réadaptation, là, OK, puis, peut-être, mes collègues vont pouvoir certainement
clarifier ça, là, aussi.
Comme chercheur, vous êtes souvent en
contact avec d'autres chercheurs de d'autres centres de recherche, canadiens ou
internationals, et donc, au niveau canadien, vous avez vu que le volet de
l'handicap est intégré, là, maintenant, au Code criminel canadien, puis que le
trouble mental, en fait, la porte n'est pas fermée. En fait, ce qui est prévu,
c'est que ça va être examiné éventuellement d'ici un an, mais ils l'ont inclus
déjà. La terminologie est écrite dans le Code criminel, mais l'application, là,
à ce moment-ci, oui, la porte est fermée pour l'application en attendant qu'il
y ait des études à ce niveau-là.
Moi, j'aimerais revenir sur le mot «handicap»
au niveau canadien. Est-ce que... Comment vous voyez, là, si, dans le projet
québécois.... Puis là je veux juste votre impression de clinicien, là. Je ne
suis pas en train de vous demander de faire des concordances juridiques. Si on
met, dans notre projet de loi, «personne ayant une déficience et incapacité»,
est-ce que, pour vous, cette terminologie, tu sais, québécoise, francophone, de
l'OMS, peut-être, là, ça va être facile à comprendre par rapport à quand on
transpose ça au niveau canadien? Parce qu'il reste que le Code criminel
canadien est quand même là, là. On ne peut pas... ne pas faire comme si ça
n'existait pas. Est-ce que ça va être facile en termes de concordance?
M. Caouette (Martin) : Bien,
je pense que ça va être, oui, possible en termes de concordance. Je pense même
que ça va être plus efficace, parce qu'on a l'impression que le terme «handicap»,
en français et en anglais... sont nécessairement des synonymes puis portent
nécessairement le même bagage, mais ce n'est pas si évident que ça. Lorsqu'on
utilise... Et là, bon, sans faire nécessairement toutes les traductions, là, mais
«disability» versus «deficiency», c'est quelque chose qui est... c'est un terme
qui a... c'est des termes qui n'ont pas nécessairement des équivalents, là, qui
sont très précis. Quand on va parler, en fait, de déficience et d'incapacité,
là, on est capables d'avoir un comparable en anglais parce que le modèle qui
nous réunit, le modèle de processus de production du handicap, bien, on est
capables d'avoir son pendant anglophone puis d'être capables de faire un
parallèle. Ça fait que, de ce côté-là, moi, je pense qu'on risque d'avoir une
cohérence conceptuelle qui est plus large puis de créer un consensus au niveau
canadien qui va être plus... qui va être défendable, là, et je pense que, de ce
côté-là, moi, ça m'apparaît la meilleure solution.
Mme Bélanger : Alors,
lorsqu'on arrive au niveau canadien, le terme «déficience et incapacité» va
être compris aussi?
M. Caouette (Martin) : Oui,
tout à fait.
Mme Bélanger : D'accord, merci.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuive la
discussion du côté de la banquette ministérielle avec la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Mme Camille Gauthier-Boudreault ainsi que M. Caouette. Alors, merci pour
votre présentation. Lorsqu'on parle de déficience et incapacité, l'incapacité,
c'est large. Est-ce que vous le coteriez, exemple, un sur 10, incapacité... vous
<mettriez un degré d'incapacité...
Mme Blais :
...l'incapacité,
c'est large. Est-ce que vous le coteriez, exemple, un sur 10, incapacité... vous
>mettriez un degré d'incapacité et puis un degré de déficience? Parce
que c'est large, le mot «déficience», et c'est large, le mot «incapacité».
Comment on pourrait le faire pour être équitable?
M. Caouette (Martin) : Bien,
c'est très difficile, en fait, de venir poser un poids sur une déficience, là,
de venir mettre une mesure quantitative, parce qu'en fait il peut y avoir une
déficience d'un système organique. Je peux avoir une déficience, par exemple,
sur le plan visuel, mais l'impact, en fait, que cela peut avoir dans ma vie
peut être très variable. Donc, c'est sûr qu'on peut avoir des altérations qui
sont plus ou moins fortes, qui peuvent aller de légères à plus importantes, là,
quand il est question de déficience. Ça fait que, c'est sûr, la quantification
est toujours un défi. C'est pour ça, notamment, quand on parle de... quand on
met le mot «grave» dans le projet de loi, c'est très difficile aussi à... c'est
très difficile, en fait, à coter.
Je pense que, peut-être... Camille, est-ce
que tu souhaites peut-être renchérir, là? Parce que, je pense, sur le plan
d'ergothérapie...
Mme Gauthier-Boudreault (Camille) :
Oui, merci, Pr Caouette. C'est une très bonne question, en fait, et je vous
dirais que quantifier, c'est difficile parce que l'incapacité et la déficience,
je peux quand même avoir une notion assez subjective selon la personne qui va
la décrire, en fait, puis, un peu, dans mon témoignage, je mentionnais, là,
l'importance de l'évaluation biopsychosociale, donc, oui, d'avoir une vision
médicale, mais aussi d'avoir une vision aussi de l'impact de cette déficience
et de cette incapacité d'un point de vue de professionnels de la santé aussi,
qui ont cette vision complémentaire et holistique de la personne à travers sa
vie aussi. Donc, je vous dirais, ce serait difficile, là, de pouvoir
quantifier, mais, d'avoir au moins une vision qui est diverse, avec différentes
lunettes aussi, ça nous permet peut-être d'avoir une vision plus globale de la
personne, et donc de son degré de déficience et d'incapacité.
Mme Blais : Puis, en même
temps, le mot «déficience»... Est-ce que ça ne vous inquiète pas d'ouvrir la
porte à beaucoup de pathologies?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, si on définit clairement qu'est-ce qu'une déficience, en fait, puis...
justement, ça va nous permettre d'avoir des contours qui sont plus clairement
définis. Pour moi, le mot «handicap» ouvre encore beaucoup plus large, parce
que se retrouvent en situation de handicap un nombre très important de
personnes à différents moments, parce qu'un handicap, c'est contextuel, c'est
une situation de handicap, donc, qui met de l'avant des éléments personnels,
mais aussi un environnement, tandis que, si on parle de déficience, bien là on est
clairement sur des dimensions qui sont plus physiques, qui sont plus liées aux
organes, en fait, au corps humain, et là ça nous permet de circonscrire
davantage de quoi il s'agit puis quelle est la cause également de la souffrance
qui...
Mme Blais : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. On va poursuivre la
discussion avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Il reste six minutes.
• (16 h 20) •
Mme Tardif : Bonjour. Ça me
fait plaisir de vous voir. Mon Dieu! Je vais reculer un petit peu mon micro.
Bienvenue. Je connais Martin et je sais que c'est un chercheur émérite. Donc,
on est bien contents, contentes de vous avoir tous les deux ici aujourd'hui. Je
sais que vous faites des recherches et que vous êtes reconnus en Europe aussi.
Donc, merci du temps que vous avez mis, là, pour préparer le rapport. Ce n'est
jamais facile, c'est fastidieux.
Vous mettez beaucoup d'emphase, dans votre
rapport, dans votre mémoire, avec raison, je dirais, sur notre capacité à
offrir socialement tous les services qu'on doit offrir, et vous avez donné un
bon exemple, là, avec votre sœur. Donc, par rapport à l'environnement aussi et
par rapport aux services qu'on doit offrir, ça, on l'a bien saisi, ça fait
partie d'un continuum, mais on a du travail à faire partout. D'ailleurs, vous
le savez, là, le plan santé a été déposé aujourd'hui.
J'aimerais vous amener vers le projet de
loi dans son ensemble, parce que, là, au niveau du handicap neuromoteur, et de
la terminologie, et de la définition des mots, on en a parlé aussi, mais, au
niveau du projet de loi comme tel, est-ce que vous êtes pour ou vous êtes
contre? Est-ce que vous êtes pour... Disons que je suis plus spécifique. Est-ce
que vous seriez pour que cette aide médicale à mourir là soit offerte dans les
maisons de soins de fin de vie? Est-ce que vous êtes pour que ce soit... que
les superinfirmières aient davantage de services pour servir les gens sur
lesquels... pour lesquels vous faites des recherches? Donc, dans son ensemble,
par rapport au projet de loi, comment vous positionnez-vous?
M. Caouette (Martin) : Bien,
si je prends position personnellement, oui, je suis en faveur parce que, dans
une perspective d'autodétermination, c'est <aussi donner...
M. Caouette (Martin) :
...oui,
je suis en faveur, parce que, dans une perspective d'autodétermination, c'est >aussi
donner à l'individu, qu'il soit en situation de handicap ou pas, du pouvoir, en
fait, sur cette étape-là de sa vie qui est essentielle, qui est fondamentale,
en fait, qui peut être source de grandes souffrances pour la personne ou pour
ses proches ou qui peut se vivre aussi avec dignité puis avec respect. Donc,
personnellement, je suis tout à fait pour. Ce que je trouve intéressant de l'aide
médicale à mourir, c'est qu'elle s'inscrit, comme vous l'avez dit, dans un
continuum. Donc, on offre à la personne, en fait, différentes options avant
d'en arriver à cette éventualité-là, qui, lorsqu'elle se présente, bien,
s'inscrit dans la continuité de toute une démarche.
Pour les personnes en situation de
handicap particulièrement, ma crainte, en fait, c'est que cette éventualité-là,
d'accéder à l'aide médicale à mourir, devienne un acte isolé, comme,
finalement, une possibilité pour une personne qui doit composer subitement avec
cette situation-là, alors que, pour moi, je pense que, socialement, il faut
qu'on fasse aussi la démonstration de tout ce qui a été fait pour éviter d'en
arriver à cette situation-là, et, pour les personnes en situation de handicap,
bien, la souffrance, c'est souvent extérieur. La souffrance vient souvent de
tous les obstacles qui sont rencontrés.
Donc, pour moi, que les personnes puissent
y accéder, puissent accéder à l'aide médicale à mourir, je suis tout à fait en
faveur que ça... en faveur de ça, mais pas comme une réponse à notre incapacité
à leur donner accès à un environnement qui va leur permettre de se reconstruire
une vie puis de pleinement participer socialement.
Mme Tardif : Puis, en ce
sens, vous rejoignez parfaitement, là, plusieurs groupes qui sont venus, là,
dont le dernier groupe, qui est le Regroupement des activistes pour l'inclusion
au Québec. Cependant, il y avait une... il y avait une grande différence parce
qu'il y avait quelqu'un qui vivait avec un handicap, un ingénieur qui est venu
parler, là, juste avant vous, et eux, ils laissaient le terme «handicap» dans
le projet de loi. Vous comprenez que, là, on a plusieurs défis, là. Un après
l'autre, vous ne dites pas la même chose. Qu'est-ce que... Où est-ce qu'on s'en
va?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, là, moi, je pense que là où on va, c'est... on va vers la nécessité
d'un débat social aussi puis d'un espace qui va permettre à toutes les
personnes concernées par le handicap de pouvoir, justement, avoir... faire
valoir, en fait, leur point de vue, leur perspective, puis faire émerger un
consensus qui est plus fort. Là, à ce stade-ci, je pense qu'on est tous un peu
surpris de voir apparaître le terme «handicap neuromoteur». Ça fait que, sur le
fond des choses, je pense qu'on se rejoint, en fait, sur l'idée de dire :
On veut que les gens aient l'opportunité d'avoir une vie pleine et entière.
Maintenant, comment est-ce qu'on y arrive? Et, quand ce n'est pas possible
parce que la personne est dans un tel état de souffrance, comment on nomme cet
état de souffrance là, comment on le caractérise, où est-ce qu'on en met les
limites, c'est ça, en fait, qui devient un défi puis qui, à mon sens, demande
un débat social un peu plus grand pour en arriver à un consensus qui va être
plus clair là-dessus. Et je vous rejoins, je suis tout à fait d'accord avec
vous, je pense, ça pose un défi, à ce stade-ci, important.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on poursuit nos
discussions avec la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période totale de
12 min 23 s.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Pr Caouette, un plaisir de vous revoir. Bonjour, Pre
Gauthier-Boudreault, un plaisir de vous découvrir. Merci pour votre témoignage
et votre mémoire. Je vais prendre la balle au bond. Vous dites que nous avons
besoin d'avoir une discussion plus large comme, mettons, dans un forum. J'avais
fait la proposition d'un forum. Est-ce que c'est de ce genre... que vous
proposez?
M. Caouette (Martin) : Absolument,
je pense que c'est une excellente idée, c'est une excellente... et puis je
pense que ça va nous permettre... Bien, en fait, ce type de lieu là me semble aussi
l'occasion de débattre un peu plus largement de ce qui est en place
actuellement pour les personnes en situation de handicap, peut-être revoir
aussi notre façon d'accompagner les personnes en situation de handicap à
différentes étapes de la vie, pas simplement la fin de la vie, mais à
différentes étapes de la vie. Donc, oui, moi, ça me paraît tout à fait
indispensable, là, pour progresser sur cette question-là.
Mme Maccarone : Et est-ce que
vous seriez aussi également intéressés s'il y avait un comité d'experts, par
exemple, qui seraient mis ensemble pour discuter de ce que nous avons besoin à
l'intérieur de cette loi, comme une définition de «handicap», ou pas de définition
de «handicap», ou l'inclusion de «handicap neuromoteur»? Est-ce que vous vous
serez aussi disponibles et intéressés à participer?
M. Caouette (Martin) : Tout à
fait, tout à fait, parce que je pense qu'il faut engager le dialogue autour de
cette question-là et je pense qu'on travaille sur des perspectives
complémentaires liées au handicap. C'est le cas de moi et ma collègue en ce
moment. Donc, je pense qu'il faut ces multiples voix là pour en arriver à
dégager un consensus qu'on est capables de porter ensuite puis qui est en
adéquation aussi avec ce que, socialement, on souhaite pour les personnes en <situation
de handicap...
M. Caouette (Martin) :
...avec
ce que, socialement, on souhaite pour les personnes en >situation de
handicap.
Mme Maccarone : Excellent. Je
veux revenir sur la notion d'autodétermination. Je sais que c'est une notion
qui est très chère pour vous puis je souhaite vous entendre pour que ce soit
vraiment clair. Mettons, si j'avais un triangle puis j'avais «autodétermination»,
j'avais «aptitude», j'avais «souffrance», dans un monde parfait, où on sait
que, dans l'environnement de la personne en situation de handicap, on rejoint
tout ce que nous pouvons, mais cette personne souffre, puis on souhaite aussi
respecter la décision, l'autodétermination de la personne, que devons-nous
prévoir, qu'avons-nous de besoin? Est-ce qu'on a besoin d'avoir quelque chose
dans la loi pour avoir un respect des droits civils de ces personnes? Comment
voyez-vous cette... Dans le fond, ça nous... fait face à une problématique,
mais comment devons-nous la traiter?
M. Caouette (Martin) : Bien,
l'autodétermination, ça nous amène à reconnaître la valeur de la voix de la
personne sur sa situation personnelle, reconnaître, en fait, sa capacité à
prendre des décisions pour elle-même. Maintenant, cette décision-là, puis c'est
là qu'il faut avoir une vigilance, il faut s'assurer que cette personne...
cette décision-là s'appuie vraiment sur une démarche personnelle, que la
personne, elle a été accompagnée dans cette démarche-là, et que cette
décision-là n'est pas influencée de façon indue ou disproportionnée par des
raisons extérieures à elle. Si, au final, c'est l'incapacité de m'imaginer
vivre chez moi parce que je suis en situation de handicap, et là que je viens
de vivre un accident, je me retrouve en fauteuil roulant et je me dis :
Moi, je ne peux pas vivre de cette façon-là, donc je souhaite... je veux
accéder à l'aide médicale à mourir, bien, il y a aussi toute la question de
comment est-ce que l'accompagnement a été offert à la personne pour lui
permettre de se reconstruire, de reconstruire sa vie, compte tenu, en fait, de
cette nouvelle réalité là avec laquelle elle doit composer.
Donc, pour moi, c'est là que les garanties
doivent s'appliquer pour les personnes en situation de handicap. Qu'est-ce
qu'on vient garantir comme possibilité à une personne en situation de handicap
de pouvoir participer socialement, quel type d'accompagnement? Et, si, au terme
de toute cette démarche-là, d'accompagnement, la personne en arrive à la
conclusion que la souffrance est insoutenable, ingérable, et que l'accès à
l'aide médicale à mourir, en fait, c'est la seule possibilité, bien là on
pourra venir s'inscrire dans un continuum où on dit : On en est là, pour
cette personne-là, à ce moment-là, et faire la démonstration que, oui, c'est une
décision qui lui appartient, qui est mûrement réfléchie, qui correspond, en
fait, à sa volonté réelle et non pas à une influence externe qui viendrait, là,
fausser son jugement.
• (16 h 30) •
Mme Maccarone : Puis, en
parlant d'influence externe, on souhaite... évidemment qu'on ne souhaite pas
que ces personnes se ressentent comme un fardeau ou d'avoir l'influence de la
personne qui peut être à la charge de la personne en situation de handicap, qui
prend une décision pour elle ou pour lui. Comment voyez-vous le rôle du tiers
de confiance dans une demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir,
peut-être que ça soit une demande anticipée, parce que, si on rouvre la loi à
des personnes en situation de handicap, bien, eux aussi vont avoir accès à
faire des demandes anticipées, par exemple, parce que la souffrance
contemporaine et la souffrance anticipée, c'est aussi important pour eux.
Comment voyez-vous le rôle du tiers de confiance? Est-ce que ça doit être un membre
de la famille ou pas un membre de la famille, quelqu'un qui représente le... un
professionnel de la santé? Est-ce que ça devrait être notarié pour protéger la
personne qui se retrouve en situation de vulnérabilité? Comment voyez-vous ce
rôle qui est clé pour plusieurs personnes? Est-ce que... Puis aussi est-ce que
ça doit être obligatoire ou facultatif?
M. Caouette (Martin) : Bien,
moi, je pense qu'un tiers de confiance, dans une situation comme celle-là,
c'est essentiel. Donc, j'aurais plutôt tendance à dire : C'est quelque
chose qui doit être vraiment obligatoire. Un tiers de confiance... voilà, de
confiance, c'est un proche, à mon sens, qui a une connaissance qui, également,
est suffisante de la personne et qui est capable également de décoder chez elle
ce qu'elle va manifester, c'est-à-dire capable de faire une lecture, par
exemple, dans le cas de personnes qui sont non verbales, et puis je pense que
Camille pourrait très bien en témoigner, comment, par exemple, la
reconnaissance, le mode de communication peut être très personnel, qu'un tiers
de confiance, en fait, peut avoir ce rôle-là.
Il faut prévoir le fait que certaines
personnes sont isolées, que ce tiers de confiance là peut ne pas exister. Ça
fait que je pense qu'il faut prévoir aussi des alternatives, mais je pense
qu'aussi il doit y avoir la présence d'un professionnel, en fait, qui est
capable de faire une lecture pas juste médicale de la situation, mais vraiment
complète, holistique, biopsychosociale, donc qui est capable de voir aussi des
enjeux plus physiques, des enjeux plus médicaux, mais qui est capable de faire
une lecture aussi de la dynamique de la personne dans son environnement pour
venir aussi <témoigner du fait que...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Caouette (Martin) :
...de
la dynamique de la personne dans son environnement, pour venir aussi >témoigner
du fait que la décision du souhait de la personne, de ce qu'elle exprime, bien,
découle d'une décision libre et éclairée, que cette personne-là en arrive à
cette décision-là à travers l'exercice de son autodétermination et non pas sous
des pressions indues, même si ces pressions... de pressions indues, là, qui
découleraient de son environnement.
Mme Maccarone : Ce serait
quoi, votre opinion, en ce qui concerne un comité interdisciplinaire, par
exemple, qui va accompagner la personne rendu au moment où on va déclencher le
processus de l'aide médicale à mourir? Qui devrait faire partie de ce comité
quand on parle des personnes en situation de handicap? Est-ce que c'est vous?
Est-ce que c'est les membres de la famille? Est-ce que c'est... À part de... évidemment,
l'équipe de santé, qui devrait faire partie de ce comité?
M. Caouette (Martin) : Bien,
je pense qu'il y a comme un trio ici. Il y a l'équipe médicale, en fait, qui
est, évidemment, essentielle, mais il y a les proches, les membres de la
famille, ceux qui sont directement concernés, en fait, les proches de la
personne, puis un volet qui est plus psychosocial, en fait, qui doit être présent.
Là, ici, on peut penser notamment, bon, à certains groupes de professionnels,
les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs, certainement, et d'autres
groupes, en fait, là, notamment les ordres professionnels, peuvent être
sollicités, moi, je pense, sur ce plan-là, pour être capables d'identifier si
leurs membres sont capables d'offrir ce type d'accompagnement là, mais que ces
groupes-là, en fait, doivent être clairement formés aussi à ce type d'accompagnement
là.
Je pense qu'on ne peut pas s'improviser
dans cet accompagnement-là. Comprendre qu'est-ce que c'est, l'exercice de son
autodétermination, comment elle s'exprime, puis accompagner, en fait, pour
faire une lecture juste de la situation d'une personne, c'est important. C'est
d'autant plus important si on reconnaît le droit à l'autodétermination, parce
que, là, on entre dans une zone qui est très intime.
Donc, si on refusait, par exemple, l'accès
à l'aide médicale à mourir, il faut être tout à fait conscient de ce qu'on est
en train de faire là, tout comme c'est un geste aussi important que d'accepter
l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, il faut le faire, je dirais, avec une...
avec une très, très grande rigueur. Puis le croisement de ces différents
regards là, les proches, équipe médicale, équipe psychosociale, me paraît
probablement l'avenue la plus pertinente pour y arriver.
Mme Maccarone : Vous savez
sans doute qu'il y a un guide de pratique actuellement en place pour les soins
de fin de vie, incluant aide médicale à mourir, dans le continuum de soins pour
une personne qui est en fin de vie. Là, on enlève la notion de l'état, nous
sommes rendus en maladie. Est-ce que, dans le passé... vous êtes consultés pour
le développement de ce guide de pratique? Sinon, est-ce que vous pensez que ce
serait juste que vous faites partie d'une telle consultation pour le
développement d'un guide? Parce que, suite à l'adoption d'une loi ou même en
concurrentiel avec ce que nous sommes en train de faire actuellement, bien,
évidemment, le Collège des médecins ou peut-être d'autres experts sont en train
de développer ce guide, puis malgré qu'on a beaucoup de respect pour les
équipes médicales, mais votre collaboration puis votre participation me
semblent essentielles, le côté éthique, le côté recherche, en ce qui concerne
le développement de ce guide. Comment voyez-vous ça?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, pour moi, un guide comme celui-là doit être au croisement de
différents champs disciplinaires. Donc, un peu comme le handicap ne peut pas juste
s'expliquer par une vision médicale, il faut aussi qu'il y ait d'autres
disciplines. Ça fait que je pense que notre regard à tous les deux, oui,
pourrait venir bonifier, apporter... du moins, là, compléter, en fait, ce qui
est en train de se faire de ce côté-là.
Pour répondre à votre question, non, moi,
je n'ai jamais été consulté là-dessus, je ne crois pas du côté de ma collègue
non plus. Mais je pense que ce n'est pas... Mourir, ce n'est pas un acte
médical. Mourir, en fait, c'est une étape de la vie qui a des composantes
psychologiques, qui a des composantes psychosociales, qui a des composantes,
oui, médicales. Donc, si on est en train de s'intéresser à cette étape-là de la
vie, qu'on songe à un guide de pratique qui accompagne, au cours de cette étape
de vie là, oui, il faut le croisement de différents champs disciplinaires puis
des gens qui, chacun, possèdent peut-être une expertise ou un regard
spécifique, là, sur ces questions-là, pour y arriver.
Mme Maccarone : Il me reste
combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 1 min 20 s.
Mme Maccarone : Bon, 1 min 20 s.
J'étais pour vous offrir la balance de mon temps pour renchérir sur un point
que vous n'avez peut-être pas pu élaborer. Mais, avant de vous donner la
parole, je veux juste vous dire que vous n'êtes pas les seules personnes qui
parlent de... le continuum de soins. J'espère qu'on va pouvoir trouver un moyen
d'intégrer cette notion dans la loi, parce que... sache qu'évidemment ce n'est
pas ce qui est souhaité, c'est que, faute de son environnement ou accès aux
soins qu'on comprend, on fait face à beaucoup de défis actuellement dans le
réseau de santé... qu'une personne ferait demande à l'aide médicale à mourir.
Alors, il reste probablement 60 secondes,
le point, peut-être, le plus important que vous souhaitez qu'on quitte avec.
M. Caouette (Martin) : Oui,
bien, je ne sais pas si, Camille, tu souhaites <renchérir...
Mme Maccarone :
...qu'on
quitte avec.
M. Caouette (Martin) :
Oui,
bien, je ne sais pas si, Camille, tu souhaites >renchérir à ce
moment-là.
Mme Gauthier-Boudreault (Camille) :
Pas nécessairement, dans le sens que je suis en accord avec tout ce que
Martin... bien, Pr Caouette a mentionné. Je voulais peut-être juste
renchérir, peut-être, sur le point du consentement éclairé aussi. Donc,
parfois, on a accès... Les personnes qui... de qui on parle aujourd'hui, c'est
des personnes vulnérables qui ont peut-être un niveau de littératie parfois
plus limité. Donc, quand on parle de consentement éclairé, c'est aussi de leur
donner toute l'information pour que cette décision-là, qui est très importante
dans leur vie, bien, puisse être très bien comprise et qu'ils puissent être
accompagnés en connaissance de tous les termes et les impacts que ça va avoir
sur leur vie. Donc, c'était cette notion d'éclairé que je voulais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va terminer la ronde... pardon,
d'échange avec la collègue de Sherbrooke. Il reste au total 4 min 8 s.
La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Vous nous avez proposé de remplacer «handicap» par «déficience et
incapacité». Vous n'êtes pas les premiers à nous proposer cette formulation,
quoique c'est arrivé sur le tard dans les consultations, une telle formulation.
Je voulais vous demander... Dans votre mémoire, vous exprimez un certain
problème avec l'utilisation du mot «incurable» en lien avec handicap. Là, vous
nous proposez de remplacer complètement «handicap» par «déficience et
incapacité». Est-ce que, dans ce cas-là, on devrait garder incurable ou pas?
C'est quoi, votre position, là, là-dessus?
M. Caouette (Martin) : Bien,
c'est-à-dire que ce serait plus cohérent d'avoir le mot «incurable» quand il
est question d'une déficience, parce que, là, on parle vraiment d'un élément
lié à la santé. C'est-à-dire que, si on ne peut pas guérir d'une déficience, à
ce moment-là, oui, on pourrait dire qu'elle est incurable. C'est quelque chose
qui est permanent, en fait, chez la personne. Donc, ce serait plus logique. Un
handicap incurable, en fait, et là je ne veux pas tomber dans quelque chose de
trop théorique, mais conceptuellement, ce n'est pas possible de l'envisager
comme ça, ce n'est pas une... ce n'est pas deux termes qu'on peut associer, en
fait. On ne peut pas avoir... Le handicap, ce n'est pas quelque chose qui est
soit curable ou incurable, c'est... Donc, c'est pour ça que ce serait plus
logique avec le terme de «déficience» qui, lui, effectivement, réfère à quelque
chose qui est de nature physique.
Mme Labrie : OK, donc vous
nous recommandez d'inscrire dans la loi que la personne est atteinte d'une
maladie grave et incurable ou elle a une déficience et une incapacité grave et
incurable. Puis ça, ce serait une formulation qui viendrait éviter les risques
de discrimination, permettre l'autodétermination des personnes?
M. Caouette (Martin) : Oui,
et je me permets d'ajouter aussi, c'est que ça enverrait socialement un
message, là, que le handicap, c'est quelque chose avec lequel on doit composer
puis qui n'est pas quelque chose, en fait, qui constitue un terme à la vie, qui
constitue une... qui rend impossible, en fait, le fait de vivre une vie pleine
et entière. Il y a plusieurs personnes, là, qui se sentent concernées par le
handicap. Quand on vient mettre le mot «handicap» comme source pour accéder à
l'aide médicale à mourir, on envoie aussi un message socialement qui est quand
même assez négatif pour toutes les personnes en situation de handicap qui
réussissent malgré tout à relever le défi puis à continuer à avoir une vie
pleine et entière. Ça fait que moi, je pense qu'aussi l'impact social, ce qu'on
vient dire du handicap en le conservant dans le projet de loi dans sa forme
actuelle, je pense que ça, c'est un élément aussi qui serait problématique.
Mme Labrie : Et pourquoi
l'utilisation du mot «incapacité» n'est pas associée au même stigma que «handicap»?
M. Caouette (Martin) : Bien,
parce qu'en fait la déficience, elle est organique, elle est physique, en fait.
Concrètement, elle parle d'une altération, en fait, de certains systèmes
organiques, tandis que, quand on parle d'incapacité, en fait, on parle d'une
difficulté d'accomplir une activité physique, une activité, en fait, bon, de la
vie quotidienne, par exemple, en raison de la présence d'une déficience. Donc
là, pour être bien clair, l'idée, c'est de dire : C'est la déficience qui
est grave et incurable puis qui mène à différentes incapacités dans la
réalisation des activités de la vie quotidienne.
Donc, si moi, j'ai une incapacité
intellectuelle, par exemple, bien, j'ai peut-être une difficulté à faire
certaines... certaines lectures, par exemple, j'ai peut-être de la difficulté à
poser un jugement sur certains éléments, donc j'ai des incapacités qui vont
découler de la présence de certaines... de certaines déficiences chez moi,
mais, si on met en place un certain nombre de soutiens, bien, je peux pallier à
ces incapacités-là. Donc, je peux malgré tout être capable de vivre en
appartement, par exemple.
• (16 h 40) •
Mme Labrie : Je comprends la
distinction que vous faites, sauf que je me demande en quoi c'est moins
offensant ou blessant pour les personnes en situation de handicap qu'on utilise
les mots que vous nous proposez plutôt que «handicap» dans la loi, même si, sur
le fond, au niveau théorique, je comprends la différence, mais au niveau du
symbole que ça représente.
M. Caouette (Martin) : Les
gens ne se définissent pas comme des gens incapables. Il y a des personnes qui
vont utiliser, par exemple, l'expression «personne handicapée» pour parler de
soi, mais ce n'est pas un élément identitaire comme le mot... le mot «incapacité».
Donc, c'est là, en fait, que la nuance est extrêmement importante.
Mme Labrie : C'est maintenant
beaucoup plus clair. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, Pr Caouette, Pre Gauthier-Boudreault...
Boudreault, bien sûr, merci beaucoup de votre présence, vous nous avez éclairées.
Donc, on va continuer notre <travail...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...Gauthier-Boudreault... Boudreault,
bien
sûr,
merci beaucoup de votre présence, vous nous avez éclairés. Donc, on
va continuer notre >travail. Alors, il me reste, au nom des membres de
la commission, à vous souhaiter une bonne fin de journée.
Alors, merci beaucoup, mesdames. C'est
un... c'était le dernier... nos deux derniers représentants. C'est un projet de
loi qui a suscité beaucoup de questions, à cette étape-ci, beaucoup de... fixé
aussi beaucoup de constats. Alors, on a encore énormément de travail à faire.
Mémoires déposés
Mais, pour l'heure, les travaux de cette
étape-ci étant terminés... Par contre, avant de lever la séance, je vais
déposer, si vous me permettez, une trentaine d'autres mémoires, additionnés à
tous ceux que vous avez consultés et tous les gens que nous avons rencontrés.
Alors, pour dire que c'est un projet de loi qui a suscité et qui va continuer à
susciter beaucoup de... d'interrogations. Alors, voici.
Ceci étant fait, le dépôt des mémoires, la
commission, ayant donc accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 42)