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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, September 20, 2023 - Vol. 47 N° 17

Special consultations and public hearings on Bill 22 an Act respecting expropriation


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures seize minutes)

Le Président (M. Jacques) : Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations...

Le Président (M. Jacques) : ...et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi concernant l'expropriation.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Nous entendrons ce matin les organismes suivants : la ville de Mascouche ainsi que l'Institut de développement urbain du Québec.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la ville de Mascouche. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et a commencé votre exposé.

M. Tremblay (Guillaume) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, Mme la vice-première ministre et ministre des Transports, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission, vous me permettrez de saluer particulièrement mon député, donc M. le député de Masson. Je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de vous faire part de nos commentaires sur cet important projet de loi qui était tant attendu, ardemment, par le milieu municipal, dont bien sûr la ville de Mascouche. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Yohann Champagne, le directeur général adjoint et urbaniste de formation, ainsi que Me Charles Turcot, assistant-greffier, avocat de formation, qui cumule également 12 ans d'expérience en pratique privée en droit municipal.

M. Turcot (Charles) : Bonjour.

M. Tremblay (Guillaume) : La réforme de la Loi sur l'expropriation était souhaitée depuis un bon moment par la ville de Mascouche, si bien que nous appuyons ce projet de loi qui, à notre avis, permettra de rétablir un meilleur équilibre entre expropriants et l'exproprié. Nous sommes d'avis que l'intérêt collectif doit parfois primer sur les intérêts privés, notamment lorsqu'il est question de protection de l'environnement et du patrimoine de même que pour le développement de logements sociaux et communautaires. Soyons clairs ici, il ne s'agit pas de décider d'aller faire de l'acquisition de terrains à rabais. Il s'agit d'avoir des balises permettant l'acquisition d'immeubles à juste prix au bénéfice de la collectivité tout en permettant une compensation équitable et raisonnable aux propriétaires expropriés. Le manque de précision de la loi actuellement en vigueur a fait en sorte que les tribunaux ont accordé des indemnités sur des éléments purement spéculatifs faisant fi des pouvoirs discrétionnaires du conseil quant au développement du territoire.

Dans ce contexte, il y avait lieu de revoir la législation puisqu'en vertu de la loi actuelle les tribunaux ont souvent écarté le zonage en vigueur pour retenir un usage pourtant prohibé afin de fixer la valeur potentielle future. En ce sens, le projet de loi n° 22 constitue une approche équilibrée se fondant sur la juste valeur marchande au lieu de la valeur au propriétaire à titre d'indemnité principale. Ainsi, le projet de loi n° 22 devrait permettre aux municipalités d'avoir une certaine prévisibilité quant à l'indemnité totale qui devra être versée à l'occasion d'une expropriation. Cette prévisibilité, elle est essentielle à la saine gestion des finances publiques.

Bien que nous soyons en accord avec l'essence du projet de loi, nous sommes d'avis que certains amendements devraient être apportés afin de poursuivre le travail de modernisation de celle-ci. Mais pour cela vous me permettrez de céder la parole à deux experts à mes côtés, donc tout d'abord à M. Champagne et par la suite à M. Turcot.

M. Champagne (Yohann) : Merci. Donc, effectivement, le projet de mémoire de la ville de Mascouche appuie spécifiquement deux éléments phares du projet de loi et également vient formuler cinq recommandations dans le cadre de la bonification souhaitée du projet de loi.

Le premier élément central qu'on désire appuyer fortement, c'est évidemment le concept de fixation de l'indemnité en fonction de la juste valeur marchande et non pas d'une valeur au propriétaire. Les responsabilités au niveau environnemental notamment...  font en sorte qu'actuellement, sur la base de la valeur aux propriétaires, c'est extrêmement difficile et... d'être capable de rencontrer des objectifs de conservation, préservation des espaces verts au niveau de la ville. Et également le tribunal, actuellement, ne reconnaît pas ou vient écarté... en fait, vient faire fi de l'usage qui est actuellement exercé sur un terrain et même des usages qui pourraient être conformes au niveau du zonage. Donc, il y a un volet extrêmement spéculatif pour nous et hypothétique dans le cadre de l'établissement... du concept de valeur aux propriétaires est conflictuel, et ça fait en sorte qu'il y a des indemnités qui sont versées actuellement et qui sont complètement spéculatives et qui ne représentent pas le réel potentiel d'utilisation conforme du terrain. Donc, c'est un des éléments qu'on désire appuyer fortement.

• (11 h 20) •

M. Turcot (Charles) : Le concept de valeur aux propriétaires a également contribué à alourdir grandement les délais devant les tribunaux et dans les dossiers judiciaires, parce que ça exige une démonstration, une preuve complexe sur la faisabilité des projets, sur la rentabilité des projets et sur la planification des municipalités. J'ai vu des dossiers ayant plus de 100 jours d'audition en matière d'expropriation, ce n'est vraiment pas l'idéal pour l'accès à la justice. Mais on parle beaucoup de l'impact sur les ressources financières d'une municipalité quand il y a un dossier d'expropriation avec peu de prévisibilité sur les indemnités pouvant être versées. Bien, en fait...

M. Turcot (Charles) : ...Oui, il y a cet impact-là, mais il y a aussi l'impact sur les ressources humaines des municipalités, parce qu'un dossier qui dure plus de 100 jours ça demande beaucoup de travail à l'interne, du travail qu'on ne peut pas mettre sur d'autres dossiers, qui demande beaucoup de présence devant les tribunaux et de longs délais, parce que le 100 jours d'auditions ne se fait pas toujours en continu, donc ça alourdit grandement les auditions devant les tribunaux. Et on pense que le projet de loi va contribuer à rapprocher les parties, ça va permettre de régler davantage de dossiers, en ramenant ça à la juste valeur marchande et, aussi, en limitant aux usages probables, réalisables et permis sur un horizon de trois ans.

Donc, cet équilibre-là entre les intérêts collectifs et les intérêts individuels permettra de diminuer le nombre de litiges ou d'auditions devant le Tribunal administratif du Québec ou encore devant la Cour supérieure, en expropriation déguisée. Il s'agit aussi d'une approche qui va permettre de respecter davantage le pouvoir discrétionnaire des conseils municipaux sur le développement de son territoire également, car c'est sur un horizon de trois ans qu'on doit regarder qu'est-ce qui est probable comme usage.

Une autre recommandation qu'on fait, et ça, c'est une précision qu'on souhaite voir le législateur adopter, à l'article 87, il est question d'un usage probable, et non seulement possible. On pense que cette notion-là de «probable» devrait être précisée pour exclure spécifiquement de l'usage probable qu'est-ce qui requiert une approbation du conseil ou une entente avec le conseil municipal pour accorder un usage ou des éléments de zonage plus favorables. On peut penser au Règlement sur les plans d'aménagement d'ensemble ou, encore, sur le règlement sur les ententes sur les travaux municipaux.

Donc, actuellement, avec la valeur aux propriétaires, avec des usages qui sont accordés puis qui ne sont pas prévus à la réglementation, on se retrouve à prendre pour acquis que ces développements-là seraient permis par les municipalités. Donc, on pense que c'est essentiel de prévoir spécifiquement que, lorsque c'est un projet qui est prévu par le Règlement sur les plans d'aménagement d'ensemble, ce n'est pas un usage probable, et uniquement un usage possible, qui demanderait l'autorisation du conseil municipal, donc ça ne pourrait pas servir de base de réclamation dans un projet de loi. Évidemment, là, je ne parle pas des règlements sur les plans... les PIIA. Dans ce cas-ci, c'est une approbation sur des aspects esthétiques d'un projet. Donc, ce n'est pas de ce pouvoir discrétionnaire là dont je parle, mais c'est vraiment de négocier... Oui, on t'accorde peut-être une plus grande densité à ton projet, mais selon des balises négociées. Donc, c'est cet élément-là qu'on veut préciser, donc, que ce ne soit pas un usage probable.

Aussi, un autre point qu'on souhaite voir au projet de loi, c'est prévoir l'immunité, pour les municipalités, ou un mécanisme de compensation, pour les expropriations déguisées ou... les dossiers d'expropriation déguisés découlant d'une règle de concordance. On est d'avis qu'il ne revient pas aux contribuables d'une municipalité locale de payer la facture lorsqu'elle se fait poursuivre pour une expropriation déguisée à la suite de modifications à la réglementation pour une concordance réglementaire. On a parlé des... on en entend parler. Mais, lorsqu'il s'agit d'une orientation gouvernementale qui entraîne, en définitive, une modification à la réglementation, la ville devrait avoir une immunité complète face aux poursuites pour les expropriations déguisées. Mais, en même temps, on soutient que le propriétaire a quand même droit à une compensation juste, mais que ça ne devrait pas être à la municipalité locale de le payer. On défend ce principe puisque, comme le mentionne le gouvernement sur le site Consultation Québec, les orientations gouvernementales constituent le véhicule des préoccupations du gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Les orientations gouvernementales dépassent les intérêts purement locaux. En ce sens, le coût d'acquisition de tels terrains devrait être assumé collectivement, et non pas localement.

M. Champagne (Yohann) : À titre d'exemple, on peut, par exemple, donner, effectivement... pour un terrain pour un centre de services scolaire, pour l'établissement d'une nouvelle école, là. Avec, présentement, les orientations gouvernementales, bon, qui découlent dans le PMAD, elles sont venues fixer des seuils de densité, donc, à l'intérieur d'un certain secteur, pour nous, au niveau, par exemple, de la gare de Mascouche. Concrètement, évidemment, c'est une évaluation augmentée, pour l'ensemble des terrains, de façon substantielle. On vient cumuler à cet élément-là, également, l'exigence d'un choix de terrains, à l'intérieur. Bien, ça nous donne un scénario où est-ce que le centre de services scolaire pourrait déterminer un terrain spécifique, avec une augmentation extrêmement haute, une évaluation qui est extrêmement haute, au niveau des valeurs, alors que la ville n'a ni fait le choix des seuils de densité et ni le choix de l'emplacement. Donc, pour nous, il y a une incohérence par rapport au volet de concordance des orientations.

M. Turcot (Charles) : Un autre élément du projet de loi qu'on appuie, c'est les indemnités précisées et plafonnées. Il y a un plafonnement pour les indemnités pour troubles, ennuis et inconvénients, il y en a aussi pour les indemnités de convenance, et il y a beaucoup de précisions qui ont été amenées sur les indemnités de...

M. Turcot (Charles) : ...de l'entreprise. On croit que ça va aider à simplifier les dossiers parce que beaucoup d'expropriés faisaient preuve de beaucoup d'originalité dans le type de réclamations qu'ils formulaient, ce qui éloignait les parties d'un règlement ou d'une entente de gré à gré et qui exigeait souvent des jours d'audition devant le Tribunal administratif du Québec ou encore dans des dossiers devant la Cour supérieure. Donc, à nouveau, pour alléger les délais devant les tribunaux, alléger les dossiers devant les tribunaux et favoriser une bonne entente entre les parties, on appuie les indemnités précisées et plafonnées.

Ensuite, une autre proposition, c'est on aimerait voir une présomption au bénéfice des municipalités à l'effet qu'une relocalisation sur le territoire de la municipalité constitue une relocalisation à proximité. Dans le projet de loi, il y a des dispositions sur la relocalisation de la partie expropriée, mais pour le gouvernement provincial, ce n'est pas la même notion que pour une municipalité, la proximité. La municipalité peut offrir des options sur son territoire. Donc, on voudrait qu'il y ait une présomption irréfragable que si on relocalise sur le territoire, à ce moment-là, c'est à proximité. Il restera toujours la possibilité de faire le débat. Est-ce que ce terrain-là permet de rétablir sa situation? Donc on garde l'équilibre entre exproprier et expropriant quand même, parce que le débat va se centrer sur : est-ce que ça permet de rétablir la situation. On peut penser à un bord d'eau. Bien, sur le territoire, il n'y en a peut-être pas énormément de bords d'eau, mais, en plus, si on limite la notion de proximité, ça va être encore plus difficile de localiser cette personne-là. Donc, on pense que c'est de quoi qui est susceptible d'aider à régler des dossiers en disant : Vous êtes sur le territoire de la municipalité, c'est à proximité, maintenant, est-ce que ça permet de rétablir la situation? Et il restera maintenant la question de : est-ce que le terrain a la même valeur ou non? Et ça, il y a déjà des précisions au projet de loi et qu'on appuie qui viennent baliser une possibilité d'indemnité selon la valeur des terrains.

Ensuite, une autre précision un peu...

Le Président (M. Jacques) : En terminant.

M. Turcot (Charles) : Oui, oui, tout à fait. À l'article 592 de la Loi sur les cités et villes, actuellement, le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation ne considère pas une décision du Tribunal administratif du Québec comme étant un jugement. La conséquence, c'est que, pour une municipalité qui n'aurait pas les sommes requises à ses fonds courants pour payer une indemnité d'expropriation, elle doit passer par un processus... par le processus des personnes habiles à voter pour faire approuver son règlement d'emprunt. Donc, on croit que ce serait bien de préciser qu'une décision du tribunal administratif en matière d'expropriation équivaut à un jugement, ce qui permettrait de seulement aller chercher l'autorisation du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation. Sur ce, je vous remercie.

M. Tremblay (Guillaume) : Merci beaucoup. On est prêt à répondre à vos questions, M. le Président.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une durée de 14 min 13 s.

Mme Guilbault :Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Messieurs, d'être avec nous aujourd'hui. Très intéressant de vous entendre. Je vais partager mon temps, vous l'aurez deviné, avec mon collègue de Masson qui serait intéressé aussi de s'adresser à vous. Mais je vais quand même y aller d'emblée avec une ou deux questions.

Mais d'abord, comme je le dis toujours, là, vous êtes peut-être le 5, 6, 7e groupe d'une lignée de groupes issus du milieu municipal pour lesquels il y a des commentaires qui se recoupent, évidemment l'accueil favorable au projet de loi. Vous l'avez dit et je l'ai dit souvent depuis le début des consultations, c'est un engagement qu'on avait pris dans le dernier pacte fiscal qu'on a réitéré aussi depuis le nouveau mandat. Et donc ce projet de loi là vient le concrétiser. Donc... puis sans surprise, c'est ça, c'est bien accueilli, parce qu'on le sait tous, les projets d'infrastructure qu'on essaie de livrer pour nos citoyens, tant vous que nous, le gouvernement, que ce soit du transport, du transport collectif, des logements, des CPE, des écoles, etc., des parcs aussi, des milieux, des milieux de vie qu'on essaie de développer, l'accès à la nature, et tout ça, c'est très long et compliqué pour une foule de raisons. Mais si au moins on peut s'aider en modernisant la loi sur l'expropriation, alors qu'on est par ailleurs pris avec d'autres enjeux de coûts puis de chaînes d'approvisionnement, etc., mais, au moins, ce sur quoi on peut agir, on agit aujourd'hui. Donc, on est sur la même longueur d'onde là-dessus.

• (11 h 30) •

Vous amenez des commentaires intéressants, des nuances, des suggestions, des recommandations. Peut-être, je vous amènerais sur l'expropriation déguisée. Ça a été abordé par pas mal tout le monde, pas mal tous les groupes qui sont venus nous rencontrer à date. Je note que vous souhaiteriez une compensation en cas d'expropriation déguisée. Il y a d'autres groupes... bien, en fait, il y a un groupe, la Ville de Montréal, qui eux disaient les articles 170, 171 qui aborde l'expropriation déguisée, devrait être retirée du projet de loi. Ça devrait être traité autrement, aux Affaires municipales, l'ensemble des autres groupes, pour plusieurs, disaient : On ne devrait pas pouvoir réclamer d'indemnité quand on est....


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Guilbault :...ce n'est pas tout à fait la même chose que l'expropriation déguisée, mais, tu sais, quand on exproprie pour des objectifs gouvernementaux, pour des objectifs nobles, d'environnement, et tout ça. Et, sinon, pour ce qui est de l'expropriation déguisée, c'est ça, la plupart des groupes disaient : On devrait peut-être l'encadrer même encore davantage. Donc, vous, où est-ce que vous vous situez dans ce spectre-là de possibilités?

M. Tremblay (Guillaume) : Écoutez, clairement, nous, on est vraiment du côté de la Communauté métropolitaine de Montréal, donc on appuie le fait qu'il faut que ça reste à l'intérieur. Mais de l'encadrer un petit peu mieux, je veux dire, on serait à l'aise avec ça. Je ne sais pas, du côté de mon avocat professionnel, si vous avez des suggestions à aller de l'avant avec ça.

M. Turcot (Charles) : Évidemment, la rétroactivité de la loi, on peut avoir une crainte qu'il y ait une série de poursuites qui soient déposées avant l'entrée en vigueur de la loi. Donc, c'est sûr que ça amène un effet intéressant s'il y a un effet rétroactif. Encore là, il faut le baliser, à quel moment, un dossier en cours, est-ce que ça s'applique là? Est-ce que le dossier a été plaidé mais que le jugement n'a pas été rendu? Il y a peut-être des précisions à amener à ce niveau-là, mais, oui, on est favorable parce qu'il y ait une rétroactivité, mais, par contre, la possibilité de revenir sur notre réglementation qui a été adoptée dans le cadre d'une OGAT... qui a débuté par une OGAT dans un concept de concordance, à ce moment-là, bien, on n'a pas la possibilité de revenir sur notre réglementation parce qu'on sera pas conforme au schéma d'aménagement. Donc, c'est sûr, je pense qu'il faut continuer à travailler ces dispositions-là. Il y a encore du travail à faire. Puis, évidemment, on va être là si... pour collaborer, au besoin.

Mme Guilbault :D'accord. Puis peut-être une autre question, avant de céder la parole, sur... Parce qu'il y a une diversité de points de vue, là, évidemment, puis c'est normal, sur ce projet de loi là. Il y a certaines personnes, la plupart... tout le monde l'accueille favorablement, mais il y a certaines personnes qui font valoir que le fait de venir encadrer les indemnisations, les montants, de venir encadrer de façon générale le processus d'expropriation, évidemment, ça fait aussi le pari, ce projet de loi là, d'envoyer un certain signal aux gens qui pourraient être intéressés à faire des acquisitions avec des motifs bon, disons, de faire de l'argent ou, en tout cas, de rentabiliser cet investissement-là. Donc là, c'est sûr que ça envoie un certain message. Et donc il y en a qui peuvent dire, tu sais : Est-ce que ça va freiner le développement? Quelle incidence ça peut avoir sur des projets de développement, sur des investissements? Puis on pense beaucoup au logement, là, on est tous très, très habités par le besoin criant de logements ou la pleine jouissance de nos... du bien, de la propriété, tout ça. Alors, qu'est-ce que... quelles sont vos impressions là-dessus?

M. Tremblay (Guillaume) : On en parlait justement avant la rencontre, Mme la ministre. Je vais céder aussi la parole à MeTurcot.

M. Turcot (Charles) : Il y a des régimes semblables qu'on retrouve dans d'autres provinces, et ça n'a pas nui au développement. Également, je pense qu'il va y avoir peut-être moins d'acquisitions à titre spéculatif, donc, un promoteur, un entrepreneur qui fait l'acquisition d'un terrain, il va être incité à développer plus rapidement son terrain au lieu de s'asseoir en se disant : Bien, peut-être qu'éventuellement la municipalité va en avoir besoin et, avec la valeur au propriétaire, ça va être très rentable ou que ça va prendre de la valeur. Donc, on pense que ça peut inciter les promoteurs à développer plus rapidement.

M. Tremblay (Guillaume) : Et, si vous permettez aussi, Mme la ministre, je pense aussi que ça va être plus qu'intéressant pour tout l'aspect du logement social, avec les OMH, dans nos communautés. Si on veut faire l'acquisition d'un terrain, présentement, il n'y a pas trop de prévisibilité. Là, on va avoir un peu plus de prévisibilité, puis je pense que, pour le logement social, ça va vraiment donner un coup de main à l'ensemble des villes du Québec.

Mme Guilbault :Merci beaucoup. Je vais céder la parole à votre député de... Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Jacques) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Salutations d'usage à M. Tremblay, M. Turcot et M. Champagne. Content de vous retrouver ici, en commission. Vous savez, les projets que vous avez mentionnés tout à l'heure dans le mémoire, là, c'est une réalité, dans notre territoire, bien entendu, à proximité de la gare de Mascouche, là, ce que vous mentionnez, les possibilités, là. Vous avez fait mention pour une école dans ce secteur-là. On sait la forte croissance démographique qu'on a et les contraintes que nous avons avec le TOD, et, bien entendu, à proximité de Montréal, le fait que les coûts de construction sont très élevés dans notre secteur.

Peut-être, si vous voulez préciser sur l'exemple qui ferait du pouce sur les questions de Mme la ministre, là, un peu. C'est quoi les impacts? Est-ce que vous pouvez le chiffrer? Est-ce que vous avez un exemple au niveau monétaire de c'est quoi, la différence que ça représente pour votre municipalité?

M. Tremblay (Guillaume) : Bien, écoutez, je pourrais vous donner un exemple, par exemple, d'un dossier, un golf, là, que vous connaissez bien. Et donc, écoutez, sans le nommer, parce que vous savez qu'il y a une cause... on est devant la cour présentement, mais, si on fait juste comparer l'évaluation foncière du terrain de golf de Mascouche, l'évaluation foncière, c'est public, est environ à 3 954 000 $, et, présentement, le promoteur nous poursuit pour expropriation déguisée pour 62 millions. Vous avez un exemple assez...

M. Lemay : ...très bien. Merci pour cet exemple-là aussi. On en aurait parlé ultimement, mais bref vous l'avez abordé déjà, donc c'est bien correct. Vous savez, dans votre mémoire, vous parlez, au point 5, à la page 5 de votre mémoire, là, sur la présomption au bénéfice des municipalités à l'article 7 du projet de loi n° 22. Puis là vous voulez avoir un petit peu plus de précisions, parce qu'à l'article 7 on fait mention que, si l'expropriant peut acquérir de gré à gré ou une expropriation ou un démembrement du droit de propriété au bénéfice de l'immeuble, dans le fond, ce qu'on vient mentionner, c'est qu'on peut rétablir la situation en faisant l'acquisition d'un autre lieu à proximité. Puis, vous, votre point, c'est de mentionner que... vous dites : «Le terme "proximité" devrait être précisé davantage.» Là, je crois comprendre que vous voulez inclure... En tout cas, si je lis le mémoire que vous nous avez remis, est-ce que je dois comprendre que, pour vous, la proximité devrait être à l'intérieur du territoire de la municipalité?

M. Turcot (Charles) : Exactement. Il y a une présomption que, si on relocalise à l'intérieur de la municipalité, c'est nécessairement à proximité, et restera le débat à savoir si cette localisation-là permet de rétablir la situation de l'exproprié. Donc, ça laisse quand même... ça permet quand même à l'exproprié de prétendre : Mais non, ce n'est pas une situation qui permet de me rétablir, mais au moins ça évite un débat : Bien, je suis à plus de deux kilomètres de mon ancien terrain, donc je ne suis pas à proximité. Ça va simplifier les dossiers, ça va ouvrir les possibilités pour la municipalité dans un dossier d'expropriation en ouvrant les perspectives de relocalisation sur l'ensemble du territoire, peut-être des terrains qu'on a déjà en mains, ce qui va éviter une nouvelle acquisition dans le cadre d'un dossier pour relocaliser.

M. Tremblay (Guillaume) : Puis je pense que, pour le gouvernement, vous l'avez... vous le faites déjà, je pense, dans la loi... est ainsi faite. Ça fait que vous pourriez appliquer la même mentalité pour les villes en tant que telles.

M. Lemay : O.K. Sans dire que c'est un point pour lequel c'est bon ou mauvais, là, je fais juste mentionner que, tu sais, certains groupes nous arrivent puis nous disent... pour eux, la définition de proximité, c'est le même quartier, en voulant dire que, si on déracine quelqu'un de son quartier dans lequel il est présentement, tu sais, on devient hors proximité. Ça fait que je voulais juste avoir cette précision-là puis les explications sur votre point.

M. Turcot (Charles) : Oui, bien, on pense que, de toute façon, une entreprise, on ne va pas la relocaliser. On a un territoire, nous, 70 % agricole, c'est sûr que ça va être dans le périmètre urbain. Il y a plein de réalités dans les municipalités, mais quand même, sur le territoire de la municipalité, maintenant, il y a quand même un... Si le terrain a une moindre valeur, il y a déjà des précisions, dans le projet de loi, pour le considérer. Sur l'achalandage, il y a des précisions. Donc, je pense que tout le monde est bien protégé, mais ça va ouvrir le monde des possibilités. C'est vraiment pour faciliter les dossiers et éviter qu'un dossier d'expropriation fasse en sorte qu'on doive exproprier un autre terrain pour régler un premier dossier d'expropriation, donc ça... encore ça amène une lourdeur au processus d'expropriation. C'est ça, l'idée derrière cette précision qui est demandée au projet de loi.

M. Tremblay (Guillaume) : Puis là on parlait, M. le député, d'un dossier plus industriel, là, pour être bien compris, on ne parlait pas d'une résidence privée.

M. Turcot (Charles) : Une résidence privée, le débat se situe sur la possibilité de rétablir la... sa situation. Donc, on peut penser aux... Est-ce que l'enfant va pouvoir poursuivre ses études à la même école? Donc, c'est sûr qu'il y a quand même une considération pour la situation de l'exproprié, on ne l'exclut pas, mais ça ouvre le monde des possibilités quand même. Une municipalité, si elle délocalise totalement une partie expropriée d'une résidence familiale, bien, évidemment, on va considérer le quartier, parce que sinon, ça ne permettra pas de rétablir la situation. Donc, c'est quand même... c'est une décision qui serait importante, mais ça n'enlève... ça n'évacue pas totalement le débat de rétablir la situation.

• (11 h 40) •

M. Lemay : O.K., merci pour les précisions. Puis, M. Turcot, tout à l'heure, vous mentionniez, à l'article 592 de la Loi sur les cités et villes... puis ça fait partie de votre mémoire, là, votre item 6, là, à la page 5 de votre mémoire, puis vous mentionnez que ça serait bien d'avoir un amendement, si on veut, une modification à l'alinéa 2 de l'article 592 sur la Loi sur les cités et villes. Et là moi, je ne suis pas juriste, là, mais j'aimerais juste avoir un petit peu plus de précisions. Parce que je comprends, au niveau des règlements d'emprunt, qu'il y a des enjeux, mais qu'est-ce que ça viendrait faire concrètement pour vous si on faisait cette modification? Ça vous permettrait d'avoir quel type d'agilité supplémentaire?

M. Turcot (Charles) : En fait, on n'a jamais eu un cas problématique, mais il n'y a jamais de problème tant qu'il n'y en a pas un. Donc, les indemnités d'expropriation, c'est souvent des montants importants. Et, si on ne l'a pas au fond courant, il faut procéder par règlement à l'emprunt, et les personnes habiles à voter peuvent signer un registre pour demander la tenue d'un scrutin référendaire. Et, en matière d'expropriation, si on a un règlement d'emprunt, on est obligé de passer par ce processus-là. Donc, le jour que des citoyens signeraient le registre, il faudrait faire un scrutin référendaire, ce qui va retarder le paiement d'une indemnité d'expropriation qui a pourtant été déterminée par le tribunal...

M. Turcot (Charles) : ...administratif du Québec. Donc, c'est juste une précision qui permettrait de faciliter, en allant voir au ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, en demandant : Voici, j'ai un règlement d'emprunt, pouvez-vous l'approuver? On a eu un... une décision qui a été rendue par le Tribunal administratif du Québec, ce qui est un... ce qui est déjà prévu pour un jugement de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec dans la loi, mais pas pour une décision du Tribunal administratif du Québec. C'est une interprétation au ministère des Affaires municipales et de l'Habitation. En venant baliser le tout dans la loi, bien, il n'y aura plus de doute sur l'interprétation et on pourrait passer directement à l'approbation du ministère.

M. Lemay : Merci, M. Turcot, pour ces précisions. J'aimerais ça revenir maintenant sur le golf de Mascouche, là, si vous pouvez en parler ou pas. Mais, en fait, on a d'autres groupes qui vont venir nous rencontrer, au courant de la journée et demain aussi, sur les associations de golf, puis ils mentionnent, eux, dans leurs mémoires, que leur inquiétude, ce serait qu'une municipalité pourrait décider d'exproprier en partie le terrain, et là, dans le fond, ce qui ferait en sorte qu'il y aurait une partie du terrain de golf qui ne serait pas exproprié, mais une autre partie qu'il le serait. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette information-là ou est-ce que vous avez une réaction face à cette possibilité-là?

M. Tremblay (Guillaume) : Bien, écoutez, moi, tant et aussi longtemps que ça... Dans le mémoire, je pense que de la manière qu'il est expliqué, c'est tant et aussi longtemps que ça correspond à un objectif, par exemple, des OGAT, donc tant que ça reste pour un objectif public, que... là, je ne vous parlerai pas de l'exemple de Mascouche, mais je pourrais parler d'un autre exemple d'un autre golf dans une autre municipalité. Si une ville décide de conserver une grande portion puis, sur une petite portion, par exemple, de mettre une école, bien, je veux dire, on s'entend que c'est toujours dans un objectif public. Je pense que, de ce côté-là, c'est important de toujours avoir la notion d'une priorité en lien avec les OGAT ou dans une propriété d'une communauté et non pour faire, par exemple, un parc d'affaires ou... On est vraiment dans un souci, là, de préservation. Et, quand on parle de préservation en milieu humide, je pense que ça fait l'unanimité au Québec, là, qu'il faut de plus en plus faire attention à l'environnement.

M. Lemay : Oui, merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on avait ensemble, mais je vous salue puis au plaisir de vous recroiser à Mascouche.

M. Tremblay (Guillaume) : Merci, M. le député de Masson.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Jacques) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle, le porte-parole, M. le député d'Acadie.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci d'être là avec nous. Merci également pour votre mémoire. D'emblée, j'aimerais aborder un élément que vous soulevez dans votre mémoire, et il n'y a à peu près personne qui a soulevé ça jusqu'à maintenant, c'est à la page quatre, trois, en haut, quand vous prévoyez une immunité aux municipalités ou un mécanisme de compensation. Et donc est-ce que je comprends bien en disant que vous souhaitez la création d'un fonds gouvernemental pour les municipalités locales qui seraient obligées de verser, par exemple, une indemnité d'expropriation plus élevée ou qui dépasse leur budget? Est-ce que je comprends bien?

M. Tremblay (Guillaume) : Bien, nous, ce qu'on dit, c'est que, lorsque c'est pour correspondre à une orientation gouvernementale.... Puis, tu sais, on va laisser au législateur trouver la meilleure solution possible, mais clairement, pour nous, ce qui est important, c'est que, quand ça vient d'une orientation puis que la ville est obligée de faire un changement, puis là, après ça, on se fait poursuivre pour expropriation déguisée, bien, il y a clairement... Vous comprenez que ce n'est pas juste à une petite ville, puis là, Mascouche, je peux dire... je pense qu'au Québec on est pareil une ville de grande importance, mais imaginez-vous, au Québec, des plus petites villes qui arriveraient avec une obligation de préserver tel, tel terrain dans le cadre d'un plan métropolitain ou d'un objectif, puis là la ville se fait poursuivre pour expropriation déguisée. Il y a clairement là un enjeu important, oui, pour Mascouche mais pour l'ensemble des villes du Québec. Donc, ce qu'on invite au législateur, c'est de réfléchir à ça puis de mettre de l'avant peut-être un mécanisme financier pour accompagner les villes quand c'est pour une demande en lien avec des orientations gouvernementales ou des institutions qui sont au-dessus des villes, disons.

M. Turcot (Charles) : C'est ça, c'est un enjeu national et non pas local, alors que cet enjeu national là, c'est la localité qui doit en assumer la facture actuellement. C'est le point qu'on veut faire valoir. Donc, on va... on ne peut pas dire au législateur de quelle façon baliser ça, mais on veut soumettre ce souci-là, que cet enjeu national là, bien, ce soit à la collectivité, globalement, d'assumer les coûts.

M. Morin : Écoutez, c'est un point très intéressant que vous soulevez parce que je comprends que, tout dépendant de l'aménagement du territoire, des lois en vigueur, notamment pour la protection de l'environnement, il y a... vous avez des obligations, et donc, si vous voulez consacrer une partie importante de votre ville, par exemple, à des espaces verts, bien, vous allez peut-être devoir faire face... vous allez devoir exproprier des...

19 253 M. Morin : ...et ça, vous êtes obligés de le faire parce que la réglementation vous oblige à le faire. Donc, ce n'est pas finalement votre décision, et vous vous ramassez dans une situation où le propriétaire, lui, légitime, peut dire : Bien, écoutez, expropriez-moi, mais moi, je ne veux pas perdre d'argent non plus. J'ai un droit de propriété valable. Donc, au fond, ce que vous dites, c'est que le gouvernement devrait créer un fonds pour ces cas-là parce que, vous, vous êtes obligé d'agir. L'exproprié va devoir perdre son droit de propriété, mais vous ne voulez pas être obligé d'en faire les frais compte tenu que c'est une obligation que la loi du gouvernement vous impose. Donc, c'est...

M. Tremblay (Guillaume) : C'est exactement ça, M. le député. Si, mettons... Je vais vous donner un exemple plus que concret, là, mais quand vous regardez dans la CMM qui a des objectifs de conserver de plus en plus d'espaces verts, vous savez, la réalité de Montréal versus ses banlieues, c'est souvent dans les banlieues qu'on retrouve... Moi, chez nous, j'ai la chance d'être à la tête d'une ville qui a 34 % d'espaces boisés. Beaucoup de Montréalais, beaucoup de gens du Grand Montréal viennent s'amuser chez nous, puis c'est même notre carte d'entrée, puis on en est fiers, mais si on veut garder des espaces boisés de grande importance à travers la grande... la grande région de Montréal, ce n'est pas juste à la ville qui a des espaces boisés d'assumer à 100 % les coûts lorsque ça va venir d'une directive, par exemple, du Plan métropolitain d'aménagement et de développement de la CMM.

C'est un exemple que je vous donne au niveau du boisé, mais ça pourrait être la même chose avec les milieux hydriques et les milieux humides, là. Vous savez, on met tout à jour nos plages et nos milieux hydriques, là, présentement, et il va y avoir des impacts importants. Puis je pense, comme tout le monde, collectivement, pas parce qu'une ville s'est développée à vitesse grand V puis qu'une autre ville a décidé de préserver plus d'espace boisé qu'il faut qu'elle soit pénalisée à terme parce que, cette ville-là, elle a pris ses responsabilités de conserver des espaces verts.

19 253 M. Morin : C'est ça, non. Puis c'est un excellent... c'est un excellent élément que vous soulevez. Effectivement, si une ville est diligente et qu'elle croit véritablement à la conservation d'espaces verts, et donc qu'elle agit, bien, elle ne voudrait pas être pénalisée. Et cette idée là, je la trouve très créative parce qu'au fond, tout dépendant du fonds et de la façon dont il est géré, ça pourrait permettre à l'exproprié d'avoir une valeur qui va lui permettre de se relocaliser, donc de ne pas perdre, parce qu'évidemment, on ne veut pas nécessairement que les gens perdent, mais ça permettrait aussi à la ville de mieux gérer, évidemment, son budget parce que, vous, vous êtes obligés d'agir.

Donc, je voulais juste vous souligner, très peu, très peu de villes ont souligné ça, ont demandé ça ou ont eu une réflexion là-dessus, et je trouve ça particulièrement créatif. Alors, merci pour cette suggestion-là.

Une voix : Merci.

19 253 M. Morin : Je vous en prie. Maintenant, dans votre expérience, parce qu'évidemment la loi donne des balises, on parle de la juste valeur marchande avec d'autres types d'indemnités bien définies. Mais ça, c'est quand, évidemment, il n'y a pas... il n'y a pas nécessairement d'entente. Dans votre expérience, c'est quoi le pourcentage de dossiers d'expropriation qui se règlent de gré à gré?

M. Turcot (Charles) : À Mascouche, est-ce qu'on a une idée?

M. Tremblay (Guillaume) : Honnêtement, on pourrait même vous revenir à la commission avec la réponse exacte, mais l'objectif ultime, là, moi, je pense que ça, c'est important de le dire, c'est toujours de faire du gré à gré. On n'est vraiment pas dans... Tu sais, l'expropriation, ce n'est pas quelque chose qu'on utilise très, très souvent. Malgré, tu sais, qu'à un moment donné, si on veut être assis dans le siège un peu de chauffeur pour avoir une négociation plus juste et plus équitable, on pense que cette modification-là est plus qu'importante. Mais on pourrait vous revenir avec la donnée, si vous voulez, le nombre de fois qu'on a été de gré à gré versus... Ça nous fera plaisir de le partager avec les membres de la commission.

• (11 h 50) •

M. Turcot (Charles) : C'est sûr que, quand c'est une parcelle de terrain, souvent, ça se règle plus facilement que quand c'est un terrain... un terrain qui a...  où la personne prétend qu'elle va pouvoir faire un développement éventuellement. Mais quand j'étais au privé, en fait, souvent, le dossier se retrouvait sur notre bureau parce que ça ne s'était pas réglé de gré à gré. Donc, j'aurais un peu une opinion déformée du pourcentage qui peuvent se régler. Mais c'est au moins nous donner par les nouvelles précisions au projet de loi, ça va nous donner beaucoup plus de rapprochements. Par exemple, si on parle de la valeur de convenance, c'est maximum 20 000 $, bien, si c'est ça qui sépare les parties, je pense qu'on va tous être conscients que d'aller devant le Tribunal administratif du Québec, le 20 000 $, il va fondre comme neige au soleil.

19 253 M. Morin : Très bien...

M. Tremblay (Guillaume) : Et c'est un avocat qui dit ça.

19 253 M. Morin : Oui, non. Je vous... Je vous remercie. Très, très intéressant. Bon, on a... Mme la ministre en a parlé, on a parlé beaucoup des articles 170, 171. Il y a des villes qui demandent une immunité, d'autres qui demandent une présomption. Toute la question de l'expropriation...

M. Morin : ...déguisée, vous, dans votre réalité, est-ce que ça pose un gros enjeu pour votre ville? Puis vous demandez quoi, une immunité, une présomption? C'est quoi, votre position là-dessus? Puis, dans votre expérience, est-ce que ça entraîne des difficultés particulières chez vous, à Mascouche?

M. Tremblay (Guillaume) : Bien, il faut comprendre, là, tantôt je vous donnais un exemple concret, avec un terrain de golf, que, présentement, on est poursuivis pour expropriation déguisée. C'est des données qui sont publiques, là, c'est pour ça que je peux les donner, je vais faire attention dans mes... Ça, on est poursuivis pour 62 millions versus un terrain qui, selon l'évaluation foncière, en vaut 3,9 millions. Donc, vous allez comprendre que, pour nous, c'est une donnée, dans le projet de loi, qui est plus qu'importante, de là nous nous collons très grandement sur la position de la Communauté métropolitaine de Montréal. Pour nous, c'est plus qu'important.

M. Morin : O.K. Je vous remercie. Autre question, vous avez souligné, et corrigez-moi si je fais erreur, que, pour vous, à l'article 7, quand on parle, évidemment, de la possibilité d'être relocalisé à proximité, vous voulez que ça soit précisé «à l'intérieur de la même ville». Est-ce que je vous comprends bien ou si vous voulez donner... vous voulez quand même laisser une certaine... en fait, une certaine discrétion ou marge de manœuvre, comme c'est écrit à l'article 7?

M. Turcot (Charles) : Le concept «à proximité», ce serait spécifiquement pour les municipalités locales, ce serait sur le territoire de la municipalité, c'est présumé être à proximité. Et là il resterait à faire le débat à savoir si ça permet de rétablir la situation pour l'exproprié. Donc, c'est juste pour ouvrir la possibilité, pour éviter que ce soit un débat d'un kilomètre, deux kilomètres, là, est-ce que c'est à proximité ou non? Sur le territoire, ce le serait.

M. Tremblay (Guillaume) : Si vous permettez, M. le député, aussi on pourrait y aller avec l'usage. Je pense que notre message qu'on lance aujourd'hui, si, par exemple, une industrie se doit d'être relocalisée, vous allez comprendre, comme mon collègue disait tantôt, ça ne serait pas dans un parc... ça ne serait pas dans un... dans une terre agricole, ça serait dans un autre parc industriel. Mais je peux comprendre... Puis tantôt c'est venu me chercher, l'exemple qu'on donnait avec un citoyen, dans un quartier, qui va à l'école. Moi, je peux comprendre que, quand on parle de résidences privées, on est dans un autre débat. Mais nous, ici, notre message, c'est surtout pour le commercial, pour l'industriel. Quand on dit commercial, industriel dans la même localité, dans la même ville, on pense que ce n'est pas là l'impact majeur si tu restes dans la même communauté, là.

M. Morin : O.K. Donc, en fait, il faudrait spécifier davantage et réserver votre demande à un usage commercial. Parce qu'évidemment, moi, l'exemple...

M. Tremblay (Guillaume) : Et industriel.

M. Morin : Et industriel.

M. Tremblay (Guillaume) : Et industriel.

M. Morin : Parce que l'exemple que j'allais vous donner... tout dépendant, évidemment, de la grandeur de la ville, de la municipalité, mais, si vous prenez par exemple une ville comme Québec ou Montréal puis que vous restez, je ne sais pas, moi, dans un arrondissement de la ville dans l'est puis vous vous ramassez complètement dans l'ouest, donc non seulement vous changez d'école, vous changez de centre de services scolaire, vous vous ramassez dans un autre milieu de vie. Donc, je comprends que votre demande ne vise pas ça, mais que vous la limitez à un usage commercial ou industriel.

M. Tremblay (Guillaume) : Tout à fait.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie.

M. Tremblay (Guillaume) : Parce que, dans les villes... dans les municipalités, là, avec toutes les possibilités, des fois, de... comment qu'on appelle ça, tu sais, quand tu prends un secteur, tu le...

M. Champagne (Yohann) : Gentrification... changements...

M. Tremblay (Guillaume) : Donc, quand on fait des changements, c'est facile pour nous puis ça pourrait nous permettre justement de... c'est ça, d'avancer.

M. Morin : Très bien. Autre chose, dans votre mémoire, vous avez piqué ma curiosité à la page 5. Vous en avez parlé récemment, mais je veux juste m'assurer de bien comprendre. Vous soulignez que le MAMH ne considère pas les décisions du TAQ comme un jugement, puis il me semble qu'un jugement du TAQ, c'est un jugement. Donc, je voudrais juste essayer de comprendre.

M. Turcot (Charles) : Le ministère considère que... Vu que ça provient d'un choix discrétionnaire de la ville d'aller en expropriation, il ne considère pas que c'est un jugement en tant que tel qui entraîne l'application de l'article 592 de la Loi sur les cités et villes pour éviter le processus référendaire pour une indemnité d'expropriation. Nous croyons, à la ville de Mascouche, effectivement, qu'une décision du Tribunal administratif du Québec devrait être considérée comme un jugement pour éviter ce processus-là. Comme je le mentionne, on n'a pas eu de problématique particulière à la ville de Mascouche, mais on profite de l'occasion de discuter du projet de loi pour... qui a aussi un but de faciliter les débats et faciliter aussi... accélérer le processus. Eh bien là, c'est... Pour accélérer le processus d'indemnisation, si on peut juste aller chercher l'approbation du ministère, comme pour un autre jugement, on croit que ce serait un amendement profitable au projet de loi.

M. Tremblay (Guillaume) : Si vous me permettez, M. le député, j'ai rapidement un...

M. Tremblay (Guillaume) : ...une ville...

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup, ça... Merci beaucoup, ça termine l'intervention avec l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, en l'occurrence M. le député de Taschereau.

M. Grandmont : J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Jacques) : Pour quatre minutes.

M. Grandmont : Merci beaucoup. Donc, on a 4 minutes. Merci, M. le Président. M. Chabot, M. Champagne, M. le maire Tremblay, content de vous retrouver. Merci pour votre présentation, votre mémoire, c'est très important, évidemment. Je vous amènerais peut-être sur deux éléments. Le premier concerne un élément, là, que la CMM nous a proposé, le fait de pouvoir exproprier... donner les pouvoirs expropriants à une ville pour aller récupérer une terre agricole qui n'aurait pas été exploitée dans les trois dernières années. Il y a un territoire agricole assez important, là, dans votre ville, évidemment. Donc, je voulais savoir est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition-là proposée par la CMQ... la CMM, pardon.

M. Tremblay (Guillaume) : Bien, honnêtement... La CMM. Écoutez, on ne s'est pas arrêtés là-dessus, mais, je veux dire, ça pourrait être quelque chose d'intéressant à évaluer. Tu sais, cependant, il faut comprendre tout le personnel puis le temps qu'on aurait... Puis je comprends l'objectif derrière. Maintenant, c'est le... comme on dit, le jus de bras qu'il faudrait avoir pour nous accompagner, mais, si on veut manger... continuer à manger local, clairement il faut s'assurer que nos terres agricoles sont en exploitation. Donc, sur le principe, on est d'accord. Maintenant, c'est sur le comment qu'on pourrait y arriver. Clairement, on aurait besoin d'aide, là, mais on n'est pas nécessairement en désaccord.

M. Grandmont : Parfait. Merci pour votre réponse. L'autre chose que je voulais aborder avec vous aussi touche, là, les articles 170, 171, les expropriations déguisées. Je pense que, dans le fond, c'est peut-être une question de clarification que j'ai besoin, là... une clarification que j'ai besoin de votre part. Si, d'un côté, vous demandez l'immunité pour toute action qui serait posée par la ville de Mascouche en concordance avec les orientations gouvernementales puis le schéma... puis le PMAD puis le schéma... PMAD, oui, c'est ça, PMAD puis le schéma, est-ce que... Donc, vous voulez l'immunité mais, de l'autre côté, un fonds qui permettrait de dédommager les expropriés, en fait, pour ces mêmes actions là pour lesquelles vous avez une immunité. Ça fait que j'ai de la misère à comprendre la mécanique entre les deux. Si on a une immunité, en quoi on a besoin d'un fonds pour dédommager?

M. Turcot (Charles) : En fait, c'est notre position qu'on veut quand même que l'exproprié puisse avoir une juste valeur pour sa propriété, et, de l'autre côté, on mentionne que ce n'est pas à la municipalité de payer. Donc, l'immunité éviterait de recevoir des poursuites, mais quand même cet exproprié-là pourrait se tourner vers un fonds. Parce que, lui, qu'est-ce qu'il va prétendre, c'est que la réglementation a un effet équivalent à l'expropriation, donc ne pourrait pas poursuivre la ville mais pourrait quand même se tourner vers un fonds pour être indemnisé selon la juste valeur marchande de son terrain. Donc, c'est la position de la ville à ce niveau-là. On n'a pas été en profondeur sur la rétroactivité de la loi, on n'a pas soumis un point particulier à ce niveau-là parce qu'on voyait qu'il y avait des positions divergentes et on n'était pas en mesure de se positionner exactement qu'est-ce qu'on pensait sur la rétroactivité, mais on croyait que c'était quand même une bonne idée sur l'indemnité. Mais on pense important de penser à la personne expropriée quand même, qui doit recevoir une juste valeur marchande, de là l'idée du fonds.

M. Grandmont : D'accord. Est-ce que vous avez envisagé également, dans vos réflexions, là... je comprends qu'il n'y a rien d'arrêté précisément, mais que ce fonds-là aussi ait une valeur rétroactive?

M. Tremblay (Guillaume) : ...il va falloir clairement, avec tous les dossiers qui sont en cours présentement. Tu sais, si vous faites juste regarder les dossiers des golfs à travers le Québec, là, même le gouvernement du Québec est mis en cause, c'est à peu près pour 500 millions de dollars, présentement, qu'on est poursuivi pour expropriation déguisée. Donc, il y a une réalité, et il va falloir, parce que sinon, là, c'est collectivement : comment qu'on va y arriver?

M. Grandmont : O.K., parfait. Bien, je vous remercie pour ces précisions-là. Je vous remercie encore pour votre mémoire, c'est très éclairant. Et puis, bien, au plaisir.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre participation à la commission.

On allait suspendre quelques instants pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 heures)


 
 

12 h (version non révisée)

(Reprise à 12 h 06)

Le Président (M. Jacques) : Je souhaite la bienvenue maintenant à l'Institut de développement urbain du Québec. Je vous rappelle que vous disposez...

Le Président (M. Jacques) : ...disposez de 10 minutes pour faire votre exposé avant de débuter les échanges avec les membres de la commission.

Mme Melançon (Isabelle) : Alors, merci, M. le Président. Mme la vice-première ministre, ministre des Transports et de la Mobilité durable, messieurs, Mesdames les députés, je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour cette commission parlementaire.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent, donc Me Adina Georgescu, qui est associée au cabinet d'avocats Miller Thomson, et maître Luc Gratton, également avocat chez Miller Thomson. Je tiens à les remercier particulièrement d'avoir accepté d'être à mes côtés aujourd'hui. Et je tiens également à souligner le travail exceptionnel qu'ils ont fait dans l'analyse du projet de loi n° 22.

Comme le mentionnait la ministre, dans ses remarques préliminaires en début de cette consultation particulière, le projet de loi n° 22 répond aux demandes répétées des instances municipales qui souhaitent essentiellement réduire les coûts d'expropriation. Mais la ministre a aussi mentionné vouloir chercher l'équilibre entre expropriants et expropriés avec cette réforme.

Je tiens à la rassurer, nous aussi, nous souhaitons que soit respecté l'équilibre entre les droits et obligations de l'expropriant et ceux de l'exproprié. Malheureusement, non seulement le projet de loi n° 22 ne préserve pas cet équilibre fondé sur plus de 100 ans de jurisprudence, il fait exactement le contraire.

Si le projet de loi devait être adopté, tel quel, cela se traduirait en un déséquilibre important à l'avantage de l'expropriant qui deviendrait en quelque sorte juge et partie. Nous sommes donc ici pour exprimer le point de vue de la partie expropriée, qui, je le souligne au passage, n'a jamais été consultée au moment de l'élaboration de ce projet de loi. En effet, seuls les représentants de la partie expropriante ont été consultés.

Ce qui devait initialement être un exercice visant à uniformiser la procédure d'expropriation pour réduire les délais se conclut avec un projet de loi qui propose de nouvelles règles en matière d'indemnisation des expropriés. Uniformiser la procédure d'expropriation était souhaité et faisait consensus, faire table rase sur plus de 100 ans de jurisprudence en modifiant les règles d'indemnisation, certainement pas.

Nous sommes d'avis que toute réforme de la loi devrait respecter l'équilibre entre les droits et les obligations de l'expropriant et ceux de l'exproprié tant à l'égard de la procédure d'expropriation qu'à l'égard de l'indemnisation.

Nous avons donc pris le soin d'analyser le projet de loi article par article afin de formuler des recommandations qui visent à rétablir cet équilibre et ainsi s'assurer que les réformes puissent se faire tout en respect des droits de l'exproprié.

Mme la ministre, saviez-vous que plus de 90 % des dossiers d'expropriation au Québec se règlent hors cour, preuve que le mécanisme actuel fonctionne? Est-ce qu'il est perfectible?, absolument, mais pour solutionner des cas d'exception, est-ce vraiment nécessaire de créer un déséquilibre à l'avantage unique de l'expropriant en enlevant des droits aux expropriés? Certainement pas.

Dans les faits, l'expropriation constitue déjà l'atteinte la plus radicale au droit de propriété. Il s'agit d'un pouvoir extraordinaire, un pouvoir d'exception dans une démocratie, sa contrepartie doit être le paiement d'une juste indemnité qui tient compte du préjudice infligé. Exproprier, c'est d'abord confisquer. Le citoyen exproprié est dépouillé de son bien contre son gré. Un exproprié, c'est un propriétaire qui ne demande pas à vendre, mais que l'on achète malgré lui, alors ce n'est pas un prix, c'est une indemnité qui lui est due.

• (12 h 10) •

La loi actuelle définit l'indemnité en termes simples et courts : «l'indemnité est fixée d'après la valeur du bien exproprié et du préjudice directement causé par l'expropriation.» En clair, une indemnité doit permettre au citoyen frappé par l'expropriation de se procurer une chose absolument semblable.

Le projet de loi n° 22 retire des droits à l'exproprié. Il va à l'encontre de la règle fondamentale d'une juste indemnité énoncée à l'article 952 du Code civil du Québec et balaie du même coup près de 100 ans de jurisprudence des tribunaux canadiens et québécois. En retirant des droits à l'exproprié, le projet de loi n° 22 marque un recul historique du droit de propriété.

J'aimerais à présent dire quelques mots sur l'argumentation développée par certains groupes de la partie expropriante lors de leur passage devant cette commission. En laissant entendre que les entrepreneurs immobiliers s'enrichissent en faisant... en se faisant déposséder de leurs biens, ils leur font subir un procès d'intention.

Mme la ministre, les membres de l'Institut du...

Mme Melançon (Isabelle) : ...urbain, que je représente aujourd'hui, sont des femmes et des hommes qui ont la fibre entrepreneuriale, qui développent des projets, qui bâtissent des quartiers, des milieux de vie, des habitations, dont nous avons besoin plus que jamais. Ils ne sont pas de méchants spéculateurs sans scrupule, comme voudraient nous faire croire certains groupes d'expropriants. Et j'ajouterais qu'avec ce genre de logique certains expropriants remettent également en doute l'impartialité des juges, car, lorsqu'il y a litige, c'est le rôle du tribunal de fixer une juste indemnité permettant à l'exproprié de reconstituer son patrimoine, comme il l'était avant de se faire confisquer, sans être appauvri ni injustement enrichi aux dépens des fonds publics.

Dans sa version actuelle, le projet de loi n° 22... du projet de loi n° 22, Québec se trouve à faire cavalier seul et deviendrait l'endroit le plus restrictif au Canada. C'est un mauvais signal qu'on envoie aux investisseurs d'ici et d'ailleurs. Dans notre mémoire, on démontre de façon claire que, contrairement à ce qu'avancent certains groupes expropriants pour justifier la modification des règles entourant l'indemnisation, les lois des autres provinces n'ont pas tenté de modifier le concept de l'usage le meilleur et le plus profitable. Il demeure toujours le principe fondamental en... en matière, dis-je, d'indemnisation, principe qui est confirmé par la jurisprudence de ces provinces.

Donc, ne pas accorder une juste et pleine indemnisation aux propriétaires serait non seulement injuste et abusif, mais cela porterait également atteinte à l'attractivité économique du Québec. Pourquoi un propriétaire voudrait-il investir au Québec s'il risque de ne pas être pleinement indemnisé en cas d'expropriation? En pleine crise du logement, l'objectif devrait être de sécuriser les investissements privés, notamment dans le contexte où la SCHL estime que le Québec a besoin de 860 000 logements de plus d'ici 2030 pour rétablir l'équilibre et l'abordabilité, ce qui veut dire qu'il faudrait construire plus de 120 000 logements de plus par année. Le problème, c'est qu'en même temps plusieurs facteurs conjoncturels... Donc, on vit actuellement des facteurs conjoncturels autres, notamment la hausse du taux directeur, les coûts de construction, des conditions de prêt, tout ça a plombé la construction résidentielle. Cette année, elle connaît ses pires résultats en plus de 20 ans avec une baisse des mises en chantier d'autour de 50 %. Le résultat? Seulement 35 000 logements auront été construits en 2023. On s'éloigne donc dangereusement de la cible qui vise à rétablir l'équilibre et l'abordabilité. Devant une telle situation, le gouvernement devrait mettre en place urgemment des incitatifs permettant la construction d'unités dans les plus brefs délais plutôt que de débattre de la dépossession rapide et à rabais des biens des entrepreneurs immobiliers.

Maintenant, j'aimerais entretenir la commission des changements proposés dans les règles procédurales. Si l'un des objectifs du projet de loi est d'accélérer l'expropriation pour permettre de réaliser plus rapidement des projets publics, L'IDU soumet respectueusement que la réforme des règles d'expropriation proposée ici ne permettrait pas d'atteindre ce but. Au contraire, ces nouvelles règles auraient pour effet de rendre le processus substantiellement plus lourd et rigide, multipliant les étapes procédurales et allongeant par le fait même les délais, cela aurait pour conséquence d'ajouter une pression supplémentaire sur les tribunaux, déjà débordés. Et, je le rappelle, 90 % des dossiers d'expropriation actuellement se règlent hors cour. Plusieurs dispositions du projet de loi font en sorte d'accorder un pouvoir extraordinaire à l'expropriant.

Le premier élément sur lequel je veux insister est la fixation d'un délai de trois ans aux fins d'établir l'usage le meilleur et le plus profitable à l'article 87. Ce délai est arbitraire et inapproprié quand on sait que les autorités expropriantes, les gouvernements supérieurs et les municipalités sont largement responsables des délais pour autoriser des projets immobiliers, délais d'ailleurs qui ne cessent de s'allonger depuis quelques années. Avec le projet de loi n° 22, on place notamment les municipalités dans une situation privilégiée puisque ce sont elles qui autorisent au préalable toute modification de zonage et qui octroient les différents permis nécessaires à la réalisation de projets immobiliers, situation dans laquelle une ville se trouverait à être ainsi juge...

Mme Melançon (Isabelle) : ...et partie. Le projet de loi autoriserait dorénavant les villes qui souhaitent exproprier un propriétaire de modifier le zonage du terrain au préalable, au préalable, de sorte à en diminuer la valeur aux fins du calcul de l'indemnité due aux propriétaires expropriés.

Le deuxième élément concerne les dépenses d'un exproprié... qu'un exproprié peut engager. À l'article 74 du projet de loi, l'expropriant se voit octroyer un droit de regard, un droit de désaccord, ainsi qu'un droit de s'adresser aux TAQ à l'égard des dépenses qu'elle souhaite engager l'exproprié et qui sont liées à une indemnité que celui-ci entend réclamer.

Alors, je serai tout à fait disponible pour répondre à vos questions, M. le Président. Je vois que le temps manque, mais en définitive le projet de loi n° 22 donne la capacité aux villes de devenir juge et partie. Merci. Je suis prête à répondre à vos questions.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 15 min 40 s.

Mme Guilbault :Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Melançon et les personnes qui vous accompagnent. Merci d'être ici. Je ne sais pas si les personnes en arrière vous accompagnent aussi, mais donc tous les membres de l'institut présents, merci beaucoup d'être avec nous et d'apporter ce point de vue là, parce que vous l'avez dit, et on a eu beaucoup de représentants issus du milieu municipal, et on a eu l'UPA, on a eu divers groupes, et ils étaient tous favorables au projet de loi, sauf peut être l'Ordre des évaluateurs agréés, quoiqu'il se disait favorable mais avec plusieurs bémols. Mais, bref, tout ça pour dire que vous amenez un point de vue... un point de vue différent, donc c'est très intéressant. Et vous avez raison de dire que, mon souci, puis je crois qu'il est partagé par tout le monde autour de la table sans vouloir leur mettre de mots dans la bouche, c'est la recherche de l'équilibre entre l'expropriant, l'exproprié. Et le principe de l'expropriation dit qu'on ne devrait ni s'enrichir ni s'appauvrir lors d'une expropriation. Donc c'est ce qu'on sait ce qu'on se propose de faire avec le projet de loi. Et notre sensibilité...

Évidemment, nous, on est au gouvernement, donc un peu comme les villes d'ailleurs, on a cette pression de pouvoir livrer des projets pour nos citoyens dans des délais et des coûts qui sont les plus raisonnables possible. C'est vraiment ce qu'on a. C'est la principale préoccupation qui est derrière ce projet de loi là. Et vous le savez, ayant été vous-même une élue qui attendait après des projets dans votre circonscription dans le passé, vous savez que notamment les expropriations, pas seulement ça... Et vous avez dit à juste titre, là : Les paramètres conjoncturels sont à la hausse. Il y a toutes sortes de paramètres conjoncturels qui sont complexes pour plein de raisons dans le monde en ce moment.

Mais il reste que l'expropriation, c'est une loi qui relève du gouvernement, sur laquelle on a une emprise, et beaucoup de délais actuellement et beaucoup de coûts, une partie importante des coûts dans les projets d'infrastructure sont liés aux procédures d'expropriation qui sont lourdes, qui sont longues et qui ouvrent la porte à des coûts. Et là, on regardait, là, on a plusieurs exemples de projets où les coûts ont explosé, notamment à cause des expropriations. Puis là, dernièrement, il y avait un article à Sherbrooke, le pont Grandes-Fourches, où on évaluait les coûts d'expropriation à 3 millions qui sont rendus à 14 millions au moment où on se parle. Alors...

Et je sais que vous dites que les propriétaires sont là pour faire du développement, sont là pour la bonne cause, pour faire des projets pour nos citoyens. Ils ne sont pas là pour s'enrichir et tout ça mais... Et je vous et je vous donne un autre exemple la CMM qui est venue la semaine dernière, qui nous disait : Nous, en ce moment... Puis vous savez aussi que les villes sont prises avec son partenaire dans l'atteinte d'objectifs environnementaux aux 30 % d'aires protégées et tout ça. Alors, ils disaient : Nous la CMM, en ce moment, on a un lot de terrains qu'on évalue, nous, à 68 millions et les propriétaires l'évaluent à 504 ou 508 millions. Alors déjà là, il y a un delta qui est de la plus grande importance à plus grande incidence financière. Donc, je pourrais vous donner toutes sortes d'exemples comme ça.

• (12 h 20) •

Mais donc, comment est-ce qu'on concilie votre point de vue sur la chose avec la réalité du fait que, dans la vraie vie, les projets coûtent cher? Et la STM était ici hier, on est en plein prolongement de la ligne bleue après tant d'années, puis a une des choses qui fait que c'est si long, c'est justement les procédures d'expropriation, entre autres, et eux estiment à 13 % du coût du projet lié aux expropriations. Donc sur un projet évalué actuellement à 6,4 milliards, c'est 832 millions en expropriations. Une partie de ça continuerait d'être déboursée même avec la nouvelle loi. C'est ce que je dis toujours, les chiffres ne tomberont pas à zéro, mais on peut penser que ça serait moindre. Donc, comment est-ce que vous conciliez le point de vue que vous amenez avec la réalité du fait que, dans plein de projets d'infrastructure, ça fait exploser les coûts et les délais?

Mme Melançon (Isabelle) : Bien, je vais le répéter parce que je pense que c'était important qu'on se le dise ici là. 90 % même 93 %, j'ai lu chez les évaluateurs, pour cent....

Mme Melançon (Isabelle) : ...des cas d'expropriation se règlent de gré à gré. Je ne pense pas que ce soit... Puis, tout à l'heure, vous disiez avec justesse, Mme la ministre, que les entrepreneurs immobiliers sont là pour faire du développement. Quand on dit : Ils ne sont pas là pour s'enrichir, ils sont là pour s'enrichir. Bien sûr, on est dans un modèle capitaliste, mais ils ne sont pas là pour s'enrichir sur le dos des contribuables. Ce n'est pas en faisant de l'expropriation qu'ils s'enrichissent, c'est en faisant des projets. Donc, ce qu'on entend, là, actuellement, puis c'est ce qui est très difficile pour les membres de l'IDU, bien entendu, c'est de croire que les expropriés, donc les propriétaires actuellement, sont assis puis ils attendent la parade pour faire de l'argent. Je veux juste vous dire, les promoteurs, ils font des sous quand ils font des projets, pas quand ils attendent pour être expropriés. Ça, c'est totalement faux de croire ça.

Est-ce que les promoteurs actuellement veulent voir du développement, du développement, par exemple, pour du transport en commun? La réponse, c'est oui. La réponse, c'est oui. Tout le monde est pour la vertu, là. Honnêtement, tout le monde veut avoir des projets. Est-ce que cela va diminuer les coûts? Vous parliez de 13 % tout à l'heure. Est-ce qu'on va tomber à moins de 13 %? Et je vous le rappelle, là, vous êtes en train de faire un projet de loi pour 7 % de cas d'exception qui se retrouvent devant les tribunaux actuellement.

Alors, nous, ce qu'on veut principalement, c'est que ça ne se fasse pas sur le dos des propriétaires. L'équilibre dont vous parliez tout à l'heure, Mme la ministre, là, avec lequel je suis tout à fait d'accord, on ne le retrouve pas versus le projet de loi, versus la loi de 1973 dans lequel il y avait des droits pour les expropriés. Ces droits-là, on ne les retrouve plus à l'intérieur du projet de loi n° 22 et, à un moment donné, nous, on veut surtout faire valoir qu'on a un besoin d'équilibre, mais on a aussi un besoin de stabilité. Parce qu'actuellement, vous parliez avec justesse de la crise du logement qui sévit, honnêtement, au Canada, au Canada, le Québec va être le plus restrictif, et ça, ça va faire fuir certains investisseurs. Qu'ils soient du Canada, qu'ils soient du Québec, ça va faire... il va y avoir une fuite, malheureusement, dans nos capitaux qui vont se faire, alors que c'est maintenant qu'on a besoin d'argent, c'est maintenant qu'on doit sortir du logement de terre. Mais à partir du moment où il y a des propriétaires qui vont regarder ça puis qui vont dire : Là, attends un petit peu, là, au Québec, c'est là où c'est le plus dangereux où on peut se faire exproprier avec une perte de droits. Bien, c'est certain qu'il va y avoir une fuite de capitaux. Est-ce que vous aviez d'autres choses à ajouter? Me Gratton?

M. Gratton (Luc) : Je veux juste juste dire la chose suivante ce n'est pas en faisant l'économie de payer la juste indemnité à des propriétaires de façon à ce que des projets coûtent moins cher que l'on va atteindre l'objectif désiré. Il y a un principe qui est celui de la valeur à l'exproprié qui veut que l'exproprié soit replacé dans la même situation au terme de... en vertu de par l'indemnité qu'il l'était avant d'être exproprié. Ce principe-là, il est attaqué de plusieurs façons dans le projet de loi et ces attaques-là visent à réduire les coûts. Mais ce n'est pas en réduisant les coûts que l'on atteint la justice, et on va avoir toutes sortes d'effets pervers qui vont résulter de cette situation-là.

Je reprends votre exemple. Je ne connais pas l'exemple du pont de Grandes-Fourches. Je ne sais pas si le 3 millions, c'est une mauvaise estimation de départ. Ce que je sais, c'est que si ça coûte 14 millions, selon les règles que l'on a actuellement, bien, c'est parce que ça vaut 14 millions. Et si on veut réaliser le projet, bien, ça va être 14 millions, de la même façon que si les coûts de construction augmentent sur le marché, on peut bien trouver ça déplorable, mais ce sont les coûts sur le marché et on doit vivre en fonction de ça.

Dans la Loi sur l'expropriation, il y a une notion de justice qui est fondamentale, la règle de la valeur à l'exproprié. Le but, l'objectif de le mettre dans la même situation où il l'était s'il n'avait pas été exproprié, ce but-là est fondamental et il existe depuis plus de 100 ans, et on ne devrait pas le supprimer juste pour faire des économies. Il y a une question de justice et d'équité fondamentale entre les corps publics expropriants et les expropriés. Et ce ne sont pas que les développeurs dont on doit parler, ce sont tous les expropriés. Tous les expropriés, et, malheureusement, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas représentés par des organisations, vont être dans cette situation-là. Et comme le dit Mme Mélançon, en pratique, il va y avoir... ça va avoir des impacts sur le marché.

M. Gratton (Luc) : ...parce que ça... Sachant que, si vous risquez d'être exproprié, vous n'allez pas être payé le montant que ça prend pour vous replacer dans la même situation. C'est bien sûr qu'il y a des investissements qui ne se feront pas. Voilà.

Mme Georgescu (Adina-Christina) : …ajouter peut-être un point, ici, on se compare aux autres juridictions, justement, en parlant de l'attractivité du Québec, pour les investissements, les autres juridictions canadiennes, pour la plupart, à titre d'exemple, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont un régime de compensation, d'indemnisation de l'exproprié qui ressemble à ce qui est actuellement en place au Québec. Donc, une valeur à l'exproprié pour l'indemniser entièrement du préjudice subi en raison de l'expropriation. Donc, certainement, les investisseurs qui se trouvent dans une situation à devoir choisir entre une juridiction comme le Québec, avec un projet de loi qui est beaucoup plus restrictif, versus l'Ontario, la Colombie-Britannique ou une autre juridiction canadienne, le choix ne sera pas très, très, très difficile à faire.

Mme Guilbault :Oui, merci, j'aurais eu d'autres questions, mais je vais laisser le reste de mon temps à ma collègue de Châteauguay. Merci.

Le Président (M. Jacques) : Merci, Mme la ministre. Donc, je cède la parole à la députée de Châteauguay pour cinq minutes 40 s.

Mme Gendron : Merci beaucoup. Bonjour, Mme Melançon, Maître Gratton, Me Adina. Bienvenue chez vous, Mme Melançon. En fait, j'ai bien entendu ce que vous avez parlé. Et puis, vous parlez beaucoup de logement. Oui, ça a une importance capitale. Par contre, on a eu plusieurs groupes qui nous ont confirmé que c'est certain qu'ils préfèrent faire des ententes gré à gré avec les expropriés. Vous l'avez même confirmé en disant qu'il y a 93 % des gens qui font... la majorité des expropriations se font hors cour. Donc, il resterait... bon, hors cour de gré à gré, il resterait comme un 7 %. Moi, j'aimerais savoir, dans des... on parle de logements, mais dans des situations comme mettons le corridor vers Châteauguay... Qu'est-ce que vous répondez aux municipalités ou aux groupes environnementaux qui veulent protéger ces lieux de biodiversité et ces terrains verts là? Qu'est-ce que vous leur répondez à ces groupes-là?

Mme Melançon (Isabelle) : Bien, il y a deux cas, puis je connais un peu le projet... le projet dont vous parlez. Actuellement, là, ça ne peut pas...  Tout ne peut pas se faire sur le dos des propriétaires. Tout ne peut pas se faire sur le dos des propriétaires. Quand on parle d'un projet collectif, bien, je pense que c'est collectif. À partir du moment où il y a des ententes qui peuvent être faites, puis vous avez raison de rappeler que c'est 93 % des ententes qui se font de gré à gré. L'autre 7 %, il se règle où? Il se règle devant le tribunal administratif et ce n'est pas l'exproprié qui règle, qui donne... qui fait un boulier, là, puis qui sort les chiffres. C'est un juge qui prend une décision quant à la valeur. Alors, honnêtement, au moment où on se parle, actuellement, s'il y a 7% des cas qui se retrouvent devant les tribunaux, il faut faire confiance aux juges qui actuellement regardent la loi, font les évaluations. Maître Gratton, je pense que, sur les 7 %, ce n'est pas toujours en gain de cause pour les expropriés, n'est-ce pas?

• (12 h 30) •

M. Gratton (Luc) : Bien, pas du tout parce que le tribunal, puis la jurisprudence, le principe de base, de remettre l'exproprié à la même situation, on dit bien, dans la jurisprudence : Sans sans l'appauvrir ni l'enrichir injustement. Alors, on cherche justement à lui donner le juste montant qui va le compenser, mais qui ne le compensera pas d'une façon qui est excessive. Les tribunaux sont extrêmement préoccupés par la question de la double indemnisation, par la question de la spéculation. Ne pensez pas qu'ils sont là pour récompenser la spéculation. Les principes qui sont élaborés par la jurisprudence depuis 100 ans ne visent pas à encourager la spéculation, ils visent à engager une juste indemnité. Et la juste indemnité, c'est celle qui récompense l'exproprié du plein potentiel de son immeuble, mais d'un potentiel qui est réalisable, qui est probable, d'un préjudice qui a vraiment été causé par l'expropriation, sans l'enrichir. Et donc il y a une préoccupation pour le coût collectif. Et ça existe depuis 100 ans et c'est ça, notre jurisprudence.

Mme Melançon (Isabelle) : Et si je peux simplement ajouter, il y a toute la procédure aussi qui est dans le projet de loi n° 22 qu'on va devoir revoir. Donc, je dirais aux citoyens là-bas : Ça va être encore plus long avec le projet de loi n° 22. Parce que savez-vous quoi? Le 7 % actuellement qui se retrouve devant les tribunaux, bien, le chiffre ne va pas gonfler, là, il va exploser...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Melançon (Isabelle) : ...maître Georgescu, probablement que vous pourriez... vous pourrez donner plus de détails à Mme la députée.

Mme Georgescu (Adina-Christina) : Absolument. Je peux le faire tout de suite. Effectivement, à travers certaines des nouvelles règles qui sont introduites du point de vue procédural dans le nouveau projet de loi, on pense faire accélérer le processus. Et, quand je parle du processus, je parle du processus, du processus de l'instance d'expropriation, donc, devant les tribunaux. Mais, contrairement à cet objectif que l'on essaie d'atteindre, je pense qu'on réussit à faire exactement le contraire.

Quelques exemples concrets. En vertu de l'article 108 du projet de loi, on permet au tribunal administratif de traiter des questions incidentes qui sont essentielles pour la détermination de l'indemnité définitive à laquelle l'exproprié aura droit. Ce que ça veut dire en pratique, c'est que le tribunal administratif pourra être saisi, pendant l'instance d'expropriation, de certaines questions fondamentales, comme, par exemple, la détermination de l'usage le meilleur et le plus profitable, qui sert à déterminer la valeur marchande de la propriété qui est expropriée. Et d'autres qui sont d'aussi grande importance, déterminer la valeur marchande elle-même, déterminer les chefs de réclamation de chaque type d'indemnités, selon le cas, qui sera applicable.

Et, en ayant, en ayant ce type de petit procès à l'intérieur de l'instance d'expropriation, on est en train de créer des débats additionnels qui vont, d'une part, lier les parties rendues au procès au fonds pour l'indemnité définitive, alors que le tribunal n'a pas entre les mains, au moment de rendre sa décision interlocutoire incidente, toute la preuve nécessaire. Et, d'autre part, à cause des délais d'appel, on pourrait se retrouver à être, devant les tribunaux, des instances supérieures également pendant plusieurs, plusieurs années.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Ceci termine la période d'échange avec la partie gouvernementale. Je cède maintenant la parole au député d'Acadie pour 12 minutes 23.

M. Morin : Merci, merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci, merci d'être là. Merci de nous éclairer et merci pour votre mémoire. Merci de nous donner, finalement, un éclairage différent, parce que ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'était quand même assez unanime. Je trouve les considérations que vous apportez particulièrement intéressantes. En fait, il y a l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec qui, eux aussi, bon, en fait, ont mis un peu en garde le législateur. Ils ont dit par ailleurs que le projet de loi n'était pas mauvais, mais qu'il pouvait être... il était perfectible. Puis évidemment, bien, vous le savez, c'est ça, le rôle d'un législateur, c'est-à-dire de s'assurer qu'un projet de loi va être juste, qu'il va y avoir un équilibre. Puis c'est particulièrement vrai, je vous dirais, pour l'opposition officielle, parce que ça nous permet d'inviter le gouvernement à regarder différents aspects d'un projet de loi.

La question que j'ai pour vous, parce qu'évidemment moi aussi, je recherche l'équilibre, on veut que personne ne s'enrichisse indûment, puis on ne veut pas que les gens s'appauvrissent non plus. Il est très probable que, compte tenu de la majorité gouvernementale, ce projet de loi soit adopté. Ça, je pense que ce n'est pas une grosse vérité que je viens de sortir là. D'après vous, quel est le point le plus critique qui devrait être modifié, amendé, avec le projet de loi, pour qu'on soit capable de rétablir un équilibre? Parce que ce que vous nous dites, au fond, c'est que ça crée un déséquilibre.

Mme Melançon (Isabelle) : Bien, merci, merci pour cette question. J'attirerais votre attention, si vous me permettez, M. le député, sur deux articles, article 87. L'article 87 dans le fond, permet, dorénavant, à un expropriant de modifier un zonage au préalable pour diminuer la valeur pour le calcul de l'indemnité. Ça, honnêtement, ça s'appelle, le «Planning Bright», ce qui est interdit actuellement. Dans l'actuel projet de loi, ça va donner, donc... ça va permettre, puis on va le dire, là, aux municipalités de changer des zonages pour être sûr de pouvoir payer moins cher une indemnité. Donc, l'article 87... puis je vais laisser les avocats peut-être aller un peu plus loin. L'article 74...

Mme Melançon (Isabelle) : ...l'article 74, c'est sur les dépenses autorisées par l'expropriation pour l'exproprié. Honnêtement, là, on parle non seulement d'un recul quant au droit de propriété, mais, en plus de ça, on parle de recul pour les droits d'un propriétaire d'avoir des avis de professionnels pour pouvoir... parce qu'on va se le dire, là, ma mère qui se fait exproprier demain matin, là, elle ne connaît pas la loi, elle va avoir besoin d'avoir des professionnels autour d'elle, mais elle va devoir demander la permission à l'expropriant avant de pouvoir décider de donner un contrat à un professionnel qui va pouvoir l'accompagner. Ça, honnêtement, c'est du jamais vu.

Donc, sur l'article 87, sur l'article 74, je vous dirais que c'est les deux points de déséquilibre majeurs. Il y en a plusieurs autres, là, je vais vous laisser le soin de bien éplucher le mémoire qu'on vous dépose. Mais assurément, à cause de ça, la finalité, c'est qu'il va y avoir un recul quant à l'attractivité économique du Québec. Et ça, c'est important. Ça, honnêtement, on ne peut pas perdre ça de vue actuellement, là, quand on sait que le Québec va devenir, donc, le plus exigeant en matière de processus d'expropriation. À un moment donné, ça, il y a des gens qui vont se gratter la tête puis qui vont dire : Bien, des investissements, on va peut-être les faire ailleurs qu'au Québec, alors qu'on est dans une crise du logement, alors qu'on a besoin de montants importants actuellement pour pouvoir permettre de lever des logements un peu partout, parce que la crise du logement n'est pas uniquement à Montréal, n'est pas uniquement à Québec, est dans toutes les régions du Québec. Me Georgescu.

Mme Georgescu (Adina-Christina) : Si je peux me permettre, relativement au «planning blight» auquel Mme Melançon vient de faire référence, je veux juste faire un comparatif avec d'autres juridictions. La Colombie-Britannique, dans sa loi sur l'expropriation, exclut expressément, à l'article 33, la possibilité pour le tribunal de tenir compte, dans la fixation de l'indemnité à l'exproprié, des démarches du corps expropriant pour changer les usages, changer le zonage, changer les règles en place afin de notamment réduire la valeur de la propriété en vue de l'expropriation. Le «planning blight» est textuellement et expressément interdit par la législation de la Colombie-Britannique.

En Ontario, la situation est très similaire, quoique pas aussi expresse dans la loi. Les tribunaux, depuis des années, des dizaines d'années, sont aux mêmes effets, le «planning blight» est une pratique qui est interdite et on ne tient pas compte des démarches antérieures à l'expropriation prises par le corps expropriant pour changer les règles, changer les usages autorisés afin d'essayer de réduire la valeur lors de la fixation de l'indemnité définitive à l'exproprié. Donc, je vous dirais, si on compare avec les autres juridictions, le Québec serait, avec ce nouveau projet de loi, le plus restrictif.

M. Morin : Dans la loi... en fait, projet de loi, on parle de la juste valeur marchande, mais avec ça, bien là, il arrive un cadre qui va venir baliser les indemnités. Est-ce que je me trompe si, dans d'autres juridictions au Canada, notamment en Ontario, en Colombie-Britannique, on parle aussi de la juste valeur marchande?

• (12 h 40) •

Mme Georgescu (Adina-Christina) : Je peux y aller. Tout à fait, on parle de la juste valeur marchande dans ces autres juridictions également, mais la juste valeur marchande est toujours calculée sur la base du même principe, l'usage, le meilleur est le plus profitable, selon l'interprétation qui en est faite aujourd'hui au Québec par nos propres tribunaux. C'est un principe de base fondamental qui est applicable à travers le Canada et depuis une centaine... plus d'une centaine d'années, comme le mentionnait Me Gratton tout à l'heure et Mme Melançon dans ses mots introductifs. Ce n'est pas quelque chose qui est hors de l'ordinaire. Même si on utilise le terme «valeur marchande», la valeur marchande est basée sur des principes d'évaluation foncière, d'évaluation... quand on parle de l'Ordre des évaluateurs du Québec, c'est à eux qu'on fait référence. C'est un principe d'évaluation qui est utilisé pour fonder cette valeur marchande là et c'est le même principe qui est utilisé partout, il n'y a aucune distinction.

On parle, au Québec, de façon plus particulière, de ce qu'on appelle la valeur à l'expropriété, qui est une particularité, mais ce n'est pas parce qu'on utilise ce terme-là que ça veut dire nécessairement que les autres juridictions ne font pas l'exercice de la même manière, c'est juste qu'ils l'appellent différemment. Dans les autres juridictions, ça s'appelle... je m'excuse, je n'ai pas le terme... Le terme ne me revient pas, je n'arrête pas de l'oublier, mais je vais vous le donner dans un instant, il y a un terme en anglais. Le «special economic advantage», qui tient compte... on peut le traduire, au Québec, dans le nouveau projet de loi, comme...

Mme Georgescu (Adina-Christina) : ...étant l'indemnité de convenance. Le «special economic advantage» est la valeur particulière que l'on peut donner à un bien par rapport au propriétaire qui, lui, en bénéficie d'une manière très spéciale, d'une manière dont un autre propriétaire, qui serait propriétaire de la même propriété, ne bénéficierait pas. Dans toutes les autres juridictions canadiennes, cette portion de l'indemnité bénéficie à tous les types d'expropriés. Avec le nouveau projet de loi n° 22, on limite au Québec l'indemnité de convenance strictement au secteur résidentiel, donc seulement si quelqu'un se fait exproprier de sa résidence principale.

M. Morin : Je vous remercie. Il y a plusieurs municipalités... puis vous avez peut-être regardé les audiences de la commission, là, ça fait plusieurs jours qu'on siège. Il y a plusieurs municipalités qui nous ont dit : Écoutez, c'est un bon projet de loi. Il faut faire quelque chose parce que, nous, on a des obligations en vertu de la loi. On est obligés de refaire nos zones d'urbanisme. On est obligé de protéger des zones, éventuellement, pour protéger l'environnement. On a des zones hydriques. Donc, nous, on n'a pas le choix, là, on est obligés d'adopter des règlements. Et là, bien, évidemment, après ça, ça fait en sorte qu'il y a des gens qui vont être expropriés, mais on ne voudrait pas qu'on ait à payer pour ça ou qu'on plaide de l'expropriation déguisée parce que finalement, on n'a pas le choix de faire ça. Qu'est-ce que vous répondez à ces villes-là qui disent : Écoutez, nous, on est coincés, là, on n'a pas le choix, là?

M. Gratton (Luc) : Je comprends qu'effectivement, en vertu du cadre d'aménagement, elles peuvent ne pas avoir le choix, mais il faut bien comprendre que ça ne va pas résulter nécessairement dans des situations qui ne pourront pas se régler conformément aux règles actuelles.

D'abord, ce n'est pas parce que, je veux dire, vous êtes obligés d'exproprier un milieu humide que ça va vous coûter une fortune. Si le milieu humide, il était déjà zoné depuis 40 ans comme un milieu naturel, la personne qui l'a acquis il y a 20 ans, elle ne sera pas indemnisée d'une façon indue. Elle a un bien qui est déjà zoné milieu humide, et sa valeur, c'est celle d'un milieu humide déjà zoné comme tel.

Si, par contre, elle a un zonage résidentiel à l'égard d'un milieu que tout à coup on découvre qu'il est humide, et sur ce milieu... dans ce milieu résidentiel, elle a posé divers gestes, par exemple adopter un zonage résidentiel, négocier des ententes sur la desserte des terrains en cause, signer des protocoles de développement du terrain, et qu'elle change son fusil d'épaule, parce qu'elle se sent contrainte par ce cadre-là, et qu'elle le zone conservation en application de ce nouveau cadre là, et qu'elle l'exproprie, bien, c'est bien malheureux, mais en vertu de nos règles, elle va devoir indemniser le propriétaire pour le potentiel qu'il avait à l'égard de ce logement-là.

Alors, il va y avoir différentes situations, et c'est ça notre jurisprudence, comme je vous dis. On... Il y a des règles qui font en sorte qu'on doit considérer la situation concrète devant laquelle on fait face. Et probablement que ça va être plus difficile dans cette situation-là, mais ce n'est pas une raison pour priver le propriétaire de ce à quoi il a droit, de ses investissements, de ce qu'il a payé en termes de taxes pendant les années passées, des efforts qu'il a faits, des frais professionnels qu'il a engagés, puis de lui dire : Bien, écoute, nous, collectivité, on a besoin de ton terrain, puis c'est bien dommage, c'est le cadre dans lequel on doit agir, puis on ne paiera pas ce que ça vaut, point à la ligne. Ce n'est pas la réponse acceptable. J'ai entendu parler tantôt de fonds qui pouvaient être mis à la disposition des municipalités si on leur impose des obligations qu'en vertu du cadre actuel dans une perspective d'indemniser justement l'exproprié. Si on a besoin de fonds, bien, il va falloir dégager des fonds autrement. Mais on ne peut pas demander au propriétaire d'être celui qui va, dans le fond, donner son terrain à la communauté pour exécuter ce... pour entrer dans ce nouveau cadre là. Voilà.

M. Morin : Merci. Il me reste encore une minute, deux minutes?

Le Président (M. Jacques) : Trois secondes.

M. Morin : Trois secondes... Qu'est-ce que vous pensez d'un protocole d'instance pour faciliter la procédure devant le TAQ?

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Ceci met fin à la période d'échanges. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau pour 4 minutes, 8.

M. Grandmont : Oui. Merci, M. le Président. Me Gratton, Me Georgescu, Mme Melançon, merci d'être là aujourd'hui. J'aimerais d'abord aller sur le 93 % versus 7 % que vous avez beaucoup évoqué...

M. Grandmont : ...93 % des cas qui se règlent de gré à gré. On comprend que, sur l'ensemble de ce qui se passe au Québec, j'imagine qu'il y en a beaucoup, là. J'ai beaucoup suivi le dossier du tramway, évidemment, des fois, c'est des petites... on appelle ça des lichettes de terrain. Donc, des cas, il doit y en avoir énormément au Québec. Je peux comprendre que le 7 % représente peut-être plus des cas qui sont coûteux, complexes dans des projets, des grands ensembles, ligne bleue et autres projets de ce type-là. Le 7 %, là, sur la valeur totale des expropriations au Québec, des montants qui sont versés en indemnisation, là, ça représente combien, ce 7 % là de l'ensemble?

M. Gratton (Luc) : On n'a pas... on ne peut pas vous donner de réponse, ça doit varier avec les années, là. Écoutez, c'est comme dans le domaine civil, on a des règles, dans le Code civil, qui aménage les droits des... les droits et obligations des gens entre eux. Comme avocats, nous autres, l'expérience que l'on a, c'est que 90 % des dossiers de litigieux vont se régler hors cours. Mais, je veux dire, d'une année à l'autre le montant qui va se régler, je n'en ai pas connaissance. Et je ne pense pas...

M. Grandmont : On peut soupçonner que ça... On peut soupçonner que ça va être un montant quand même plus important que 7 %.

M. Gratton (Luc) : Ah! ça, c'est évident, c'est évident.

M. Grandmont : Parfait. Vous avez parlé aussi de la crise du logement. Je m'interroge quand même, parce que depuis... La crise du logement, elle existe... ce n'est pas un phénomène récent, elle existe depuis au moins... Moi, j'ai commencé à travailler dans des comités de citoyens il y a longtemps, en 2005, puis déjà on parlait de la crise du logement, qui avait débuté en 2000. On joue dans des règles, le p.l. n° 22 n'est pas encore adopté, sanctionné, il y a une crise du logement. En quoi le contexte actuel n'a pas permis de régler cette crise du logement là? Donc, vous soupçonnez que le 22 l'empêcherait... empêcherait de régler cette crise du logement là, alors qu'elle existe depuis déjà 20, 23 ans, cette crise-là. Alors, il est où, le risque? Elle est où, la crainte, finalement, là?

Mme Melançon (Isabelle) : Bien, il y en a plusieurs. Dans le fond, ça va être un nouveau cadre juridique qui sera exclusif au Québec, si on adopte le projet de loi n° 22 dans sa mouture actuelle, là, contrairement à tout ce qui est fait ailleurs dans le Canada. Je pense que Maître Georgescu vous l'a bien élaboré tout à l'heure. La problématique, c'est qu'actuellement... Puis là je vais mettre vraiment mon chapeau IDU, là. Actuellement, on a un problème conjoncturel avec les taux d'intérêt, avec tout ce qui se passe, là, vous le savez mieux que quiconque, là, on a cette problématique-là, mais il vient s'ajouter des couches à chaque fois sur le dos des entrepreneurs immobiliers.

Par exemple, là, on a décidé, du côté d'Ottawa, d'enlever la TPS. Du côté de l'Ontario, on a décidé d'enlever la taxe provinciale, chose qu'on n'a pas décidé de faire du côté du Québec. Savez-vous que les investisseurs vont se dire : Il y a un problème, actuellement, avec le projet de loi n° 22 au Québec, il n'y a plus de TVQ... il n'y a plus de TVO, donc, la taxe de vente de l'Ontario, il y a plus de... on va s'en aller en Ontario, on va aller investir, on va aller mettre des capitaux en Ontario. Ils vont faire la même chose avec la Colombie-Britannique, qui ont aussi fait des choix autres. Donc, c'est... les choix qui sont faits aujourd'hui mettent une pression supplémentaire, alors que je veux juste vous dire, là : Les promoteurs ont besoin de tout sauf d'une pression supplémentaire, actuellement, pour faire du logement.

M. Grandmont : Il y a des groupes qui sont venus nous voir, puis ils nous ont dit : Ce que les promoteurs ont besoin, c'est de la prévisibilité. Puis ils nous ont dit qu'à l'intérieur du p.l. n° 22, de la façon dont il est écrit, il y a même de la matière à lutter contre la crise du logement, au contraire... tout à fait au contraire de ce que vous dites actuellement, là.

Mme Melançon (Isabelle) : Bien, moi, je peux vous dire que je représente quand même la très, très grande partie des entrepreneurs immobiliers, puis il n'y a pas personne qui est venu me dire qu'à l'intérieur du projet de loi n° 22, tel qu'il est rédigé actuellement, avec le déséquilibre que ça va créer, ça va permettre de sortir du logement de terre.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Ceci termine la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous remercie pour votre participation.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 50)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Jacques) : Bonjour à tous. La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi no 22, Loi concernant l'expropriation. Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : Vivre en ville, l'Association nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada et le Centre québécois du droit de l'environnement.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de Vivre en ville. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

M. Savard (Christian) : Bonjour à tous. D'abord, merci à la commission pour l'invitation pour venir commenter cet important projet de loi. Mon nom est Christian Savard, je suis directeur général de Vivre en ville. Je suis accompagné de Samuel Pagé Plouffe, directeur affaires publiques chez Vivre en ville, également.

Donc, d'entrée de jeu, on tient à saluer l'intention du gouvernement de moderniser le régime d'expropriation québécois. On sait que le Québec s'est donné des objectifs importants en matière environnementale, notamment en protection du territoire. On sait que, lors de la COP15, de l'année dernière, on a décidé de viser une protection de 30 % de notre territoire. On sait également qu'on a des enjeux en matière de logement, et une des clés, c'est le contrôle du foncier pour les villes, si on veut construire plus de logements, que ce soit privé ou public, il faut que les villes aient davantage d'outils pour avoir un certain contrôle du foncier, particulièrement pour le logement social, où est-ce qu'avoir des terrains est très difficile. Considérant aussi que le gouvernement a pris des engagements de construire de grands projets de transport public, ayant vu, dans les dernières années, des projets de transport public menacés, en matière de coûts, en raison du régime actuel d'expropriation, et considérant également que le Québec s'est doté d'une politique nationale d'architecture et d'aménagement du territoire qui marque un certain virage dans l'importance qu'on donne à comment on aménage nos villes et qui va demander aux différents paliers de gouvernement, que ce soit le gouvernement du Québec ou les villes, davantage d'outils pour atteindre les objectifs, on ne peut qu'encourager le gouvernement à aller le plus loin possible dans la modernisation de cette loi-là afin de faciliter les processus et de diminuer les coûts pour les pouvoirs publics.

Nous avons... on n'a pas... on ne croit pas avoir la finesse sur les technicalités juridiques. Toutefois, sur la portée du projet de loi, on croit qu'on a quelques recommandations dans notre mémoire, qu'on vous a transmis, qui pourraient le bonifier et l'amener, là, un peu plus loin. Donc, je laisse maintenant mon collègue vous présenter quelques-unes de ces recommandations.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Merci. Merci, Christian. Bonjour, tout le monde. Je commencerais rapidement par une statistique : en 1980, 75 % des enfants québécois allaient à l'école à pied. Aujourd'hui, c'est moins de 25 % des enfants qui peuvent le faire. Et ça, la raison pour laquelle c'est le cas, c'est que les écoles, comme d'autres services publics, se sont beaucoup éloignées, hein, notamment en raison de l'étalement urbain. Donc, les services du quotidien se sont éloignés. Et là je veux juste vous dire, on ne prétend pas que l'expropriation, le régime d'expropriation à lui seul est responsable de cette statistique-là, bien sûr que non, par contre, il est vrai...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...comme il est souvent plus cher et plus compliqué d'aller chercher un terrain qui est bien situé, qui est sous-utilisé, mais qui se trouve à proximité des services, ça a comme conséquence, effectivement, que les services sont souvent moins bien localisés. Et on a encore tout récemment un exemple d'école qui se retrouve, là, en périphérie, sur le bord d'une autoroute, à un endroit où même la qualité de l'air est néfaste pour les enfants. Et ce que l'on se dit, c'est : Avec un régime de l'expropriation renouvelé, c'est vrai pour les écoles, mais ce sera vrai pour les autres services publics, ce sera vrai même pour le développement de la mobilité durable, ce sera vrai pour l'habitation. Il sera possible d'en faire plus pour pour moins cher.

Alors, notre mémoire, là, ça s'appelle Pour un régime d'expropriation au service de l'intérêt public. Et on trouve que cette idée-là d'intérêt public est vraiment fondamentale dans la discussion qu'on a à avoir, intérêt public, certes, pour ce que ça coûte aux contribuables québécois de développer des infrastructures, mais intérêt public aussi pour une qualité de vie collective, là. On passe beaucoup plus de temps, je veux dire, je donnais l'exemple, là, avec les écoles, beaucoup plus de temps dans la congestion, parce que... parce qu'on a un développement qui est très étalé, parce que les terrains les plus intéressants, souvent, sont... sont trop chers.

Alors, je passe rapidement à nos principales recommandations. La première recommandation. Élargir la portée du projet de loi pour habiliter les pouvoirs publics à utiliser l'expropriation pour accélérer et encadrer le développement des terrains autour des infrastructures de transport en commun. Je ne crois pas être le seul, en tout cas, que... Vivre en ville, on n'est pas les seuls à avoir fait cette proposition-là devant cette commission. Je sais que la STM, notamment, en a fait part. On a regardé un peu ce qui se passe, là, en Colombie-Britannique, puis effectivement on trouve que c'est un modèle qui est inspirant. Donc, c'est notre première recommandation.

Ensuite, peut-être notre recommandation la plus originale, exiger que toute expropriation soit réalisée en cohérence avec les finalités de la planification territoriale. Donc, les finalités de la planification territoriale, c'est un... c'est un article qui se retrouve dans la... dans la LAU, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui a été modifiée, là, tout récemment, donc, au mois de juin dernier. Et on a ajouté donc une série d'objectifs de pourquoi on fait de la planification territoriale. Et, pour nous, c'est un petit peu un garde-fou parce que ces objectifs-là, vous... vous pourriez, vous pourriez aller les consulter, ce sont tous des objectifs qui vont dans le sens de l'intérêt public.

Alors, comme disait Christian tout à l'heure, on a une nouvelle politique d'aménagement du territoire. Et définitivement le renouvellement du régime d'expropriation, ça peut être un puissant outil pour l'aménagement durable du territoire. Et pourquoi pas, là, on a même une proposition de libellé sur comment on pourrait le faire, là, mais pourquoi pas donc avoir les finalités de la planification territoriale pour guider, finalement, pour guider le législateur qui décide d'exproprier, ou enfin les pouvoirs publics?

Recommandation 3. Inclure la lutte contre les changements climatiques et la protection de la biodiversité comme motif d'utilité publique ou de fins municipales. Là, ce que je dirais là-dessus, là, notamment pour guider les tribunaux dans leur interprétation et peut-être une interprétation qui pourrait être évolutive en fonction de l'évolution de la science. Et concrètement, demain matin, comment... comment cette recommandation-là transformerait l'interprétation des tribunaux? Je ne le sais pas, mais je pense que, justement, les tribunaux seraient invités à, justement, à se fier davantage à la science climatique.

• (15 h 10) •

Recommandation 4. Consacrer la valeur marchande comme base de la fixation de l'indemnité d'expropriation, comme le propose le projet de loi, et baliser davantage ce concept. Donc, pour l'essentiel, comme le... comme le disait Christian tout à l'heure, nous à Vivre en ville, on reçoit bien le projet de loi, on le voit d'un bon oeil et on appuie, là, la décision d'y aller avec la valeur marchande pour... pour déterminer les montants d'expropriation. On constate qu'il y a différents... différents partenaires, notamment de la CMQ, qui ont souhaité que ça... qu'il y ait un balisage un peu resserré de la manière dont on détermine l'indemnisation qui doit être fournie. Mais somme toute, cette recommandation-là, le message que l'on veut passer, c'est que l'on appuie l'orientation générale du projet de loi.

On a deux propositions aussi où, là, franchement, on a une grande humilité, là. On propose d'étudier la possibilité d'indemnités réduites pour décourager la négligence et l'abandon d'immeubles et pour encourager la construction résidentielle...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...terrain qui est vague ou qui est sous-utilisé depuis très longtemps, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une certaine, disons, pénalité dans le montant de l'indemnisation, justement, pour encourager la construction résidentielle, pour faire face à la crise de l'habitation? C'est une question qu'on pose. Puis peut-être que ce serait un régime transitoire, mais on propose aux décideurs, à tout le moins, d'y réfléchir. J'ai essayé de consulter, là, l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi. J'ai trouvé une version préliminaire, mais je n'ai pas trouvé, donc, tous les détails, je ne sais pas si ça a été considéré.

Recommandation 7, adopter les articles sur l'expropriation déguisée inscrits dans le projet de loi, et recommandation 8 — il faut vraiment les lire ensemble — lors d'une prochaine intervention législative du ministère des Affaires municipales, donc, codifier le principe et, essentiellement, donc, protéger les pouvoirs des municipalités en matière d'urbanisme, de zonage, tout ça, parce qu'on ne croit pas qu'à travers n° 22 on va régler la question de l'expropriation déguisée. C'est une question qui est particulièrement, disons, urgente depuis les deux dernières années, depuis les décisions récentes des tribunaux. Le ministère des Affaires municipales aura à fournir, je crois, une solution législative pour clarifier les choses, mais je ne crois pas qu'on y arrivera à ce moment-ci.

Donc, ce sera tout pour ce qui est de nos recommandations spécifiques, et on est, évidemment, disposés à prendre l'ensemble de vos questions.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre présentation. J'invite maintenant la députée d'Argenteuil à débuter les échanges.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. M. Savard, M. Pagé-Plouffe, peut-être, avant tout, excusez la ministre, qui est absente, elle est au salon bleu en motion du mercredi. Elle aurait bien aimé être avec vous. Donc, je vais tenter d'être aussi éloquente qu'elle.

On sait que, bon, le dépôt de projet de loi, vous l'avez bien vu, c'était une demande, depuis des années, à maintes reprises, par le milieu municipal et d'autres acteurs de la société. On voit que la loi actuelle a d'importants impacts sur la hausse des outils... des coûts des projets d'infrastructure, des infrastructures, notamment, ou des projets structurants, et sur les délais de livraison. Et depuis le début de la consultation, il y a une majorité, là, d'intervenants, à ce jour, qui sont en faveur du projet de loi.

En novembre 2021, vous aviez co-signé une lettre, notamment, M. Savard, où vous souhaitiez que la réforme devait avoir pour objectif une meilleure localisation, un meilleur contrôle des coûts des équipements publics et une réalisation plus efficace des projets. Malgré ce que vous nous avez partagé, est-ce que vous considérez que l'objectif est atteint?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, pour l'essentiel, je crois que l'objectif est atteint. On devra, je crois, mesurer l'atteinte de cet objectif-là au moment de la mise en œuvre de la nouvelle loi. J'ai essayé de me faire une tête combien on va économiser avec ça, et c'est difficile parce que ce que le projet de loi vient faire, c'est limiter la spéculation, et la spéculation, bien, parfois, un projet de loi... excusez-moi, une expropriation... Par exemple, pour la ligne bleue, certains terrains ont coûté quatre fois plus cher que l'estimation du départ. Est-ce que ce sera le cas pour l'ensemble des expropriations? Est-ce que les indemnisations vont être réduites de manière faramineuse à chaque fois? C'est évident que la réponse est non. Et on sera bien intéressés de voir à quel point ça contribue à améliorer, à diminuer les coûts, dans certains cas, et, aussi, à améliorer la rapidité de la livraison.

Mais ce que j'ai à dire là-dessus, c'est que, je crois, le gouvernement a fait, c'est de répondre positivement à la demande qui a été faite, beaucoup par le milieu municipal, mais, vraiment, pas que par le milieu municipal. Vous avez nommé la lettre ouverte que l'on avait signée. Donc, il n'y a pas de surprise pour nous, hein? La demande qui a été faite, c'était, effectivement, d'y aller sur la valeur marchande, et donc, oui, somme toute, le projet de loi va dans le bon sens...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...je spécifie quand même sur la question de l'expropriation déguisée, c'est tout autre sujet.

Mme Grondin : J'aurais évidemment des questions à ce sujet. Mais... mais avant d'embarquer dans cet aspect-là du projet de loi et surtout sur toute la question de la protection des milieux naturels - c'est mon dada, donc on pourra en parler si nous avons le temps - on a eu quelques intervenants, là, qui sont venus pour nous expliquer en fait que ce projet de loi aurait des impacts sur le développement d'habitations, par exemple, ou qui viendrait réduire l'attraction des investissements. J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là.

M. Savard (Christian) : Nos difficultés à comprendre pourquoi ça ferait ça, oon l'a entendu, puis on n'est pas... on ne comprend pas. Il n'y aurait... Il n'y aurait personne qui va perdre sa chemise. Il n'y a pas de remise en question du droit de propriété. On n'est pas en train de saisir des terres, on est en train de moderniser une vieille loi qui, de par son évolution avec le temps, a montré ses limites de manière flagrante.

On l'a vu, il y a un paquet d'intervenants qui sont venus nous dire : Vous voyez, on n'a pas pu faire ça à cause de ça ou ça nous a coûté des dizaines de millions de plus à cause de ça. Et je crois... Je ne crois pas que les propriétaires vont être floués dans l'expropriation. Il ne faut pas oublier non plus que, tu sais, il y a une limite à ce que les pouvoirs publics vont pouvoir exproprier, là. Tu sais, tu ne le fais pas pour le faire. Tu le fais parce que tu as des très bonnes raisons d'intérêt public. Et je pense que les défis auxquels font face... qu'on fait face nécessitent ce genre d'intervention là.

On se rend compte qu'à travers le monde les sociétés qui réussissent, là, à relever un certain nombre des défis environnementaux, sociaux qu'on a, très souvent les pouvoirs publics n'ont plus accès à du foncier. Mais il y a différentes manières de ça. Des fois, ils possèdent d'avance, mais parfois il faut pouvoir acheter. Et le régime actuel ne fonctionne pas et est en quelque sorte brisé.

Je pense que personne qui... Nous, on n'a pas cette interprétation-là qui est que les gens. Puis il ne faut pas oublier que le régime québécois... il y en a d'autres ailleurs, des régimes d'expropriation qui sont souvent mieux calibrés, et je ne pense pas qu'on quitte ces juridictions-là pour ça, là. Donc, probablement que le régime québécois actuellement est trop généreux.

Mme Grondin : Oui, allez-y.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Un petit élément complémentaire. Si on réussit à construire plus efficacement et à moindre coût des projets de transport collectif, bien, forcément à construire plus parce qu'on en aura plus pour notre argent. Et je nous invite à penser au développement immobilier qui se fait tout autour du REM. On voit ce que ça a comme conséquences quand on lance des projets de mobilité, de mobilité durable, ça propulse en fait le développement de l'habitation. Après, bien, c'est vrai qu'il faut avoir les capacités d'offrir de l'habitation qui réponde aux différents besoins. Et je sais que les gens en habitation, notamment logement social, tout ça, ont des revendications pour le projet de loi. Je crois que c'est important de les entendre. Mais somme toute, on voit d'un bon oeil, à la fois pour la fois pour le transport et pour l'habitation, ce qui se trouve dans un projet de loi.

• (15 h 20) •

Mme Grondin : M. le Président, il me reste combien de temps pour que... parce que j'ai beaucoup de questions

Le Président (M. Jacques) : 9 min 31 s.

Mme Grondin : Ah! yé. Si on va du côté de la protection des milieux naturels, si on prend l'aspect, par exemple, d'expropriation déguisée, il y a eu, au cours de la présente consultation, différentes propositions. Vous soulignez le fait qu'il est probablement très important d'enchâsser le principe - en fait, je le résume comme ça, mais n'hésitez pas à me corriger - le principe qui reconnaît les devoirs du milieu municipal, des devoirs qui sont sans équivoque en matière de protection de la biodiversité. Vous en parlez notamment à la page 17 de votre mémoire. Est-ce que je comprends bien, dans le fond, qu'il y a peut-être un autre véhicule que le projet de loi n° 22 qui viendrait enchâsser ce principe-là?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, absolument. Donc, ce que le projet de loi fait, c'est...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...de débuter une certaine codification de la question de l'expropriation déguisée. Ceci dit, on est loin d'avoir une clarification et une protection des pouvoirs des municipalités en matière de zonage, d'urbanisme, de réglementation. Et donc, bon, nous, on est à l'aise, là, à ce que le gouvernement adopte les articles qui concernent l'expropriation déguisée dans le projet de loi. Ceci dit, on est convaincus qu'il sera nécessaire d'y avoir une seconde intervention législative, celle-ci du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, spécifiquement pour protéger les pouvoirs des municipalités en matière de protection du territoire, protection des milieux naturels, et essentiellement ce sont des pouvoirs de zonage, hein? Et, à cet égard-là, bien, quand les municipalités utilisent ces pouvoirs-là, il ne faut pas que ça donne... il faut que ça donne lieu à des indemnités. Et l'expropriation déguisée, c'est un concept qui a été interprété par les tribunaux, et là, maintenant qu'on constate, là... On avait fait partie, à Vivre en ville, même d'un recours à la Cour suprême, on y réfère dans notre mémoire, et, bon, la Cour suprême a refusé de l'entendre. Et donc, maintenant, la balle est complètement dans le camp du législateur.

Et moi, une chose qui me rassurerait beaucoup en fait, c'est qu'il y ait un engagement, peut-être de Mme la ministre ou, enfin, du gouvernement, que, dans un deuxième temps, on y revienne, à la question de l'expropriation déguisée, peu importe lequel véhicule, mais peut-être dans un omnibus municipal, donc pour donner de la... de la clarté, de la prévisibilité aux municipalités qui ont des obligations très importantes en matière de protection du territoire puis qui vont devenir de plus en plus importantes. Christian parlait tout à l'heure de la politique d'aménagement du territoire. Dans les nouvelles orientations gouvernementales, on va exiger d'identifier, de protéger, par exemple, les corridors écologiques, tout ça. Mais on se retrouve en ce moment dans une espèce de flou ou de vide... pas de vide juridique, en fait, je dirais, dans une incertitude qui limite définitivement la capacité des municipalités à le faire.

Mme Grondin : Bien, en fait, peut-être, pour vous rassurer d'emblée, je sais que la ministre discute actuellement avec la ministre des Affaires municipales et le ministre de l'Environnement. Donc, effectivement, là, ils sont en train de regarder de quelle façon et si c'est possible d'intervenir à ce niveau-là.

Vous avez parlé... En fait, il y a certains intervenants qui suggèrent de définir ce que c'est, une expropriation déguisée. Est-ce que vous considérez que c'est un élément qui est essentiel?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Pas à ce moment-ci.

Mme Grondin : Parfait. Peut-être une autre petite question. Je vous ramène à la recommandation numéro deux, en fait : «Exiger que toute expropriation soit réalisée en cohérence avec les finalités de la planification territoriale». Vous en avez parlé. En fait, j'aimerais bien saisir parce que je vous avoue que, d'emblée, je suis un peu préoccupée. La connaissance du territoire au sein des MRC, elle n'est pas pareille partout au Québec, puis il y a encore beaucoup de connaissances à acquérir. Il y a des enjeux qu'on va découvrir, notamment avec les changements climatiques ou l'adaptation aux changements climatiques, il y a des... Donc, est-ce que ce n'est pas un peu comme encarcaner la loi sur l'expropriation si on le met dans un outil de planification territoriale qui n'est pas révisé quotidiennement, nécessairement?

M. Savard (Christian) : J'aurais tendance à dire que... Puis je comprends pourquoi on pose la question. J'aurais tendance à dire qu'à notre lecture c'est le contraire, elle renforce la loi, parce que les finalités sont relativement larges, hein, et concernent notamment l'adaptation aux changements climatiques. Et c'est aussi une manière de lancer... de renforcer le message de la bonne planification et que ce n'est pas qu'un caprice, par exemple, d'un gouvernement, de faire de l'expropriation, c'est parce que ça s'inscrit à travers les orientations qu'il a inscrites dans une... dans sa loi qui concerne le territoire, donc la LAU.

Donc, pour nous, ça vient au contraire embrasser un peu plus large et donner plus de force aux motifs d'expropriation. Donc...

M. Savard (Christian) : ...C'est un enjeu de cohérence et de renforcer, je dirais, tout le régime d'aménagement du Québec en faisant ça. Donc, c'est comme ça que... C'est dans... c'est le sens de notre proposition.

Mme Grondin : ...en désaccord, mais peut-être, pour le commun des mortels, peut-être, c'est peut-être le terme «finalité», en fait, qui, selon moi, n'est peut-être pas assez concret. Qu'est-ce que ça veut dire, vraiment, là? Est-ce que vous êtes... Vous seriez en mesure de me donner un exemple, par exemple, pour la protection de la biodiversité? Ça serait ça, le grand... La grande finalité, même si on ne connaît pas les endroits où il faudrait conserver sur un territoire, par exemple?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Absolument. En fait, les finalités, c'est un terme, effectivement, qui est assez technique. Les finalités de la planification territoriale, c'est tout simplement un article auquel on réfère qui se trouve dans la nouvelle loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Et donc il y a une série d'objectifs communs qu'on se donne sur la planification territoriale. Et l'objectif neuf se lit ainsi : «la conservation et la mise en valeur des milieux naturels, de la biodiversité ainsi que l'accessibilité à la nature». Donc, effectivement, ce à quoi vous référiez s'y trouverait directement, disons, impacté, où on aurait le réflexe, finalement, quand on fait des expropriations, de s'assurer de respecter cette finalité-là, de protection de la biodiversité.

Peut-être un dernier élément. La bonne planification nous permet aussi d'aller plus vite. Parce que, justement, quand on se rend compte sur le tard que le choix du terrain qui a été fait pour une école ou pour x service public se retrouve à être contesté par la population, parce qu'il est loin des services, parce que, comme on disait tout à l'heure, parce que la qualité de l'air est mauvaise, bien là, il faut revenir à la planche à dessin puis il faut revenir en arrière. Donc, la planification a cette vertu-là, la bonne planification, quand on se donne un plan de match, d'arriver à mettre en œuvre plus rapidement nos projets.

Mme Grondin : Donc, c'est comme un argument de plus en termes de prévisibilité?

M. Savard (Christian) : Oui, c'est un argument de plus en termes de prévisibilité et de légitimité des opérations d'expropriation. C'est comme ça qu'on l'a pensé. Mais... puis... et de manière générale, on parle de prévisibilité, c'est pour ça que nous, je conclurais peut-être votre... En disant : On dit, à la fin, que le projet de loi devrait être... Entrer en vigueur, le nouveau régime, lors de l'adoption du projet de loi, donc ne pas attendre six mois et... Mais également prendre tout de suite les recommandations sur la... l'Expropriation déguisée, parce qu'il y a comme une urgence d'agir dans tellement de domaines que... Et on a... qu'il faut agir le plus vite possible et ne pas attendre au projet parfait et ne pas faire des délais. Je pense que c'est un outil qui est essentiel. Je voulais préciser ça.

Mme Grondin : C'est malheureusement fini.

M. Savard (Christian) : Merci.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre intervention, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député d'Acadie, pour 16 minutes 31 s.

• (15 h 30) •

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là avec nous. Merci pour votre mémoire.

J'ai quelques questions pour vous. Notamment, à la recommandation quatre de votre mémoire, à la page cinq, donc, vous suggérez de consacrer la valeur marchande comme base de fixation de l'indemnité d'expropriation, comme le propose le projet de loi, et de baliser davantage ce concept. J'aimerais ça que vous puissiez nous parler davantage, qu'est-ce que vous entendez par «baliser davantage ce concept». Parce que, quand on regarde le projet de loi, la valeur marchande du droit exproprié est, au fond, la valeur que le législateur retient. Puis après ça, quand on va voir aux articles, entre autres, 75, 84, 87, 88 et suivants, le législateur, dans son projet de loi, nous propose déjà des formules pour calculer les indemnités. Donc, qu'est-ce qu'on pourrait baliser davantage?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, c'est le concept, là, de l'usage possible et l'usage probable. En fait, comme la CMQ l'a dit dans son mémoire, on a l'impression que des précisions pourraient être apportées sur les éléments de preuve qu'une personne expropriée doit présenter pour démontrer, là, la probabilité...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...par exemple de la concrétisation d'un usage qui pourrait être fait par le terrain. Encore une fois, on a une certaine humilité aussi. Peut-être que le projet de loi va assez loin, mais on entend différents intervenants nous dire : Là dessus, là, sur l'usage possible, l'usage probable, il y a un flou qui gagnerait à être précisé. Et, à cet égard-là, je serais bien même curieux d'entendre ce que... tu sais, ce que le gouvernement a à dire sur le risque d'interprétation que les tribunaux pourraient faire de ce concept-là. Et, bien, la CMQ y a référé, la FUM aussi. Donc, on fait écho à cette préoccupation là, mais avec une certaine humilité.

M. Morin : Donc, en fait, vous, vous référez au fond plus spécifiquement à l'article 87 du projet de loi, si je ne me trompe pas, où... quand le législateur dit dans son projet de loi : L'usage le meilleur et le plus profitable d'un droit est celui que confère au droit la valeur la plus élevée en argent. Puis, après ça, bien, en quatre, on dit : Il est probable et non seulement possible que cet usage se concrétise dans les trois ans qui suivent la date de l'expropriation. Donc, c'est de ça dont vous parlez?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Exactement de ça dont on parle.

M. Morin : O.K. O.K., parfait. Donc, vous voudriez au fond que le législateur...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...clarifie...

M. Morin : ...précise davantage c'est quoi, probable?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : L'usage le meilleur et l'usage probable, effectivement. Et peut-être que c'est à travers des clarifications au cours de la commission que ça se fera. Est-ce que, nécessairement, c'est par un amendement au projet de loi? On n'en est pas certain. On sait que les tribunaux vont souvent se référer aux discussions qui ont lieu lors de l'adoption des articles. Mais oui, clarifier les choses nous semblerait dans ce cas-là utile.

M. Morin : O.K. Dans ce même paragraphe là, quatre, le législateur propose une période de trois ans suivant la date de l'expropriation pour, évidemment, l'usage probable qui va se concrétiser. Il y a des groupes qui nous ont dit que trois ans, ce n'était peut-être pas assez long, parce que, dans bien des cas, pour obtenir différentes autorisations, permis, des différents paliers de gouvernement, ça prend beaucoup de temps. Est-ce que vous pensez que le trois ans, c'est suffisant? Est-ce que ça devrait être plus long que trois ans?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : On n'a pas commenté sur le trois ans dans notre mémoire, et je pense qu'on n'a même pas échangé entre nous là-dessus. À ma lecture et à la lecture de collèges qui ont travaillé sur le mémoire, c'était un temps qui était justifié. C'est certain que nous, dans la balance entre intérêt public et l'intérêt de l'exproprié, bien, on penche du côté de l'intérêt public. Donc, rajouter des années, je pense qu'on le verrait avec suspicion. Mais on n'a pas davantage une position là-dessus.

M. Savard (Christian) : De manière générale, on... Il y a... rajouter des années pourrait nous faire glisser dans une nouvelle série d'interprétations et qui nous mèneraient à des possibles dérives du régime actuel. A priori, là, pour répondre à votre question à chaud, c'est... ce serait inquiétant d'aller plus loin. Et puis même, c'est l'élément qui nous chicotte, là, de dire : Cet aspect là du projet de loi peut-tu ouvrir la porte à... dans le fond, on ait encore des indemnités trop élevées puis qu'on ne réduit pas à réduire les coûts des expropriations. Donc, comme on le disait, c'est avec une certaine humilité. Donc c'est pour ça qu'on croit qu'il faut s'attarder à cet aspect-là pour être sûr qu'on fasse tout ça pour que ça ait le résultat voulu en ce qui concerne l'accélération des projets et la réduction des coûts.

M. Morin : Il est clair, à la lecture de votre mémoire, et vous n'êtes pas le seul groupe... Mais là, vous venez de souligner spécifiquement qu'évidemment vous accordez une attention et une importance particulière, au fond, au droit de l'expropriant. Mais évidemment, c'est important. Et puis d'autres groupes nous ont dit qu'il fallait rechercher un équilibre. Donc, que faites-vous du droit de l'exproprié?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, dans l'estimation de l'indemnisation, déjà, il y a quand même une approche cas par cas. Alors, il y aura certainement certains cas où des... des parties expropriées se retrouveront avec une indemnisation moindre qu'espérée. Mais il demeure qu'une... il y a encore...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...la prise en compte du préjudice, donc, au-delà de l'unique valeur marchande, ces éléments-là sont encore pris en compte. Et moi, dans la lecture que je fais des articles du projet de loi, c'est qu'effectivement il y a une approche au cas par cas. Donc, on n'est pas dans une rigidité absolue qui empêche de prendre en compte la situation des parties expropriées. Donc, voilà. A priori, on est assez rassurés, en fait, du respect du droit de propriété. On est plutôt, à l'inverse, inquiets des coûts très, très, très importants qui s'emballent souvent pour de nombreux projets d'infrastructures, là.

M. Morin : O.K. Merci. Toujours dans votre mémoire, vous faites une référence, à la page 11, en haut, au régime qui est utilisé en Colombie-Britannique, et vous suggérez qu'au fond le législateur s'inspire de ce qui se fait en Colombie-Britannique dans le cadre de projets de loi qui ont été adoptés à la Loi sur les transports pour du développement, transport durable et collectif, avec les nouveaux pouvoirs d'expropriation en lien avec leur système TOD, Transit Oriented Development. Avez-vous fait une analyse ou est-ce que vous savez si le processus d'expropriation en Colombie-Britannique est comparable à celui du Québec ou... Parce que, là, vous voulez des pouvoirs accrus pour l'expropriant, est-ce que vous savez comment ils compensent l'exproprié?

M. Savard (Christian) : C'est une très bonne question qu'on pourrait fouiller. C'est un pouvoir relativement nouveau en Colombie-Britannique. Ils font face à des enjeux encore plus criants que nous, en matière d'habitation, en matière de développement d'unités d'habitation, et donc afin d'accélérer le redéveloppement autour du transport en commun, ils se sont dotés de cet outil-là, un peu à la manière, là, que, je pense, j'ai cru comprendre, que la Société de transport de Montréal le proposait, également. Ils se sont dotés de cet outil-là pour accélérer. Et donc le but étant de faire en sorte de fournir plus rapidement des unités d'habitation construites aux abords du transport en commun. Parce que ça peut arriver, des fois, que, bien... Tu sais, la plupart du temps, ce que les pouvoirs publics vont préférer, c'est que, bon, bien... Si ça se redéveloppe parce qu'il y a un propriétaire qui a acheté les terrains et que ça va vite, les pouvoirs publics n'utiliseront pas l'expropriation, là. Ça coûte de l'argent, il ne faut pas oublier que c'est un régime d'exception, là, ce n'est pas... le but n'est pas... on n'aura pas l'argent pour acheter le Québec, donc, mais le but étant, bien, s'il y a un terrain très stratégiquement situé et qui ne bouge pas parce qu'il y a des propriétaires que ça ne les intéresse pas, qui sont assis sur leur terrain, que... pour plein de raisons, bien, qu'ils aient cet outil-là pour dire : Écoutez, là-dessus, on pourrait construire deux belles unités d'habitation situées à 800 mètres du transport en commun, ça serait du toit pour du monde, bien, donnons-nous cette possibilité-là de pouvoir... que les pouvoirs publics puissent exproprier pour cette fin-là, à proximité du transport en commun.

• (15 h 40) •

Mais la... Votre question est bonne, pour revenir très précisément. On n'est pas des spécialistes du droit, de la question des expropriations, mais aller fouiller un peu serait intéressant. On va peut-être essayer de le faire. On essaie de le faire, mais c'est...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : On aime ça faire des...

M. Savard (Christian) : On pourra vous revenir, même, éventuellement, si on trouve des choses.

M. Morin : Non. Mais j'apprécierais parce que, tu sais, je reconnais votre expertise puis la... toute la pertinence de vos propos puis de ce que vous voulez faire comme groupe, comme association. Sauf qu'un peu plus tôt ce matin... puis, je ne sais pas, vous avez peut-être écouté le témoignage de l'Institut de développement urbain du Québec. Mais, entre autres, il nous mentionnait qu'en Colombie-Britannique par exemple, les tribunaux bien... Comprenaient comme base la valeur marchande, avaient beaucoup plus de discrétion que ce que le projet de loi au Québec veut faire, et donc que, souvent, on utilisait, par exemple, la valeur au propriétaire pour compenser les expropriés.

Donc, ce que je comprends... Puis c'est pour ça, si vous pouvez évidemment vérifier puis nous revenir, j'apprécierais grandement. Parce que ce que je comprends, c'est que l'autorité...

M. Morin : ...ce que je comprends, c'est que l'autorité expropriante a peut-être plus de pouvoir pour agir rapidement, mais par ailleurs l'exproprié, lui, perdrait probablement moins qu'avec les balises qui sont suggérées dans la loi ou dans le projet de loi actuel du Québec. Donc, on retrouverait cet équilibre, qu'on risquerait peut-être de perdre si le projet de loi était adopté tel qu'il est?

M. Savard (Christian) : Personnellement... De notre côté, on trouve que l'équilibre, actuellement, n'est pas le bon et que d'élargir certains pouvoirs, notamment pour du développement autour du transport en commun, dans la lignée du projet de loi, est le meilleur des mondes pour l'intérêt public, selon nous. Mais je peux comprendre que d'autres tiennent une position différente, là, mais il ne faut pas... Comme je le dis, il n'y a pas de remise en question du droit de propriété, et tout le monde sera indemnisé, personne ne va perdre de l'argent. De l'argent potentiel, éventuellement, peut-être, mais c'est ça qui nous a menés à la situation actuelle, qui a fait en sorte que... - je pense, la ligne bleue est un bel exemple - mais que les villes aussi ne peuvent pas agir pour protéger le territoire, pour protéger la biodiversité. Donc, en ce sens-là, je pense qu'il y a...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Mais, quand on parle de...

M. Savard (Christian) : Vas-y.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Mais, quand on parle de l'intérêt public, là, il y a la question pécuniaire, là, donc que les sommes des expropriations, pour les contribuables, soient raisonnables. Mais loger le monde, développer suffisamment d'unités d'habitation, ça nous semble être d'autant plus fondamental. Et, à cet égard-là, bien, comme l'a dit Christian, ça nous fera plaisir d'analyser et d'approfondir la réflexion sur le modèle de la Colombie-Britannique.

M. Morin : Puis je suis tout à fait d'accord avec vous que se loger, un logement, pour quelqu'un, c'est quelque chose qui est vraiment fondamental. D'ailleurs, le projet de loi, ici, parle d'une forme d'indemnité pour les locataires. Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant? Parce qu'évidemment, un locataire - puis vous l'avez dit, là, on le vit avec une crise du logement présentement - un locataire qui resterait dans un appartement depuis 10 ou 12 ans, donc qui a un loyer évidemment qui augmente, mais qui est probablement moindre que des loyers qu'il paierait dans le même quartier, là, aujourd'hui... Est-ce que vous pensez que le projet de loi le protège suffisamment, qu'il pourrait se relocaliser ou s'il va être obligé d'aller véritablement ailleurs?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Encore une fois, moi, ma compréhension, c'est qu'il y a... il demeure qu'il y a une approche au cas par cas. Est-ce que dans la pratique, ce sera suffisant? Bien, la question est bonne, parce que les prix de l'immobilier évoluent tellement rapidement qu'il faudrait quasiment une mise à jour en continu de la manière dont on détermine les indemnités, là. Donc, c'est le genre de choses qu'il faudra, je pense, apprécier dans la pratique. Ceci dit, une chose qui est certaine, si on exproprie et qu'on construit 10 fois, 15 fois, 20 fois plus de logements dans le secteur, c'est certain que pour l'ensemble de la population on se retrouve avec des meilleures conditions, là, d'abordabilité, là.

M. Savard (Christian) : Mais c'est quand même intéressant d'aborder la question des locataires et de prévoir quelque chose dans le projet de loi. Ce n'est pas quelque chose que j'ai regardé en particulier, mais de... on aurait pu juste regarder l'intérêt du propriétaire seul, tu sais, et d'ouvrir la porte est intéressant.

M. Morin : Parce qu'évidemment, la question des locataires m'interpelle aussi, puis je comprends que, si dans un projet collectif un promoteur construit plusieurs logements, bon, après quelques années, ça va être mieux pour l'ensemble de la collectivité. Mais, entre-temps, les locataires et propriétaires qui ont été expropriés, eux, doivent se reloger maintenant. Donc, très bien. Écoutez, je vous remercie.

Dernière question, parce qu'il me reste à peu près une minute, M. le Président, à peine. La ville de Mascouche, ce matin, nous disait que dans certains cas ils n'ont pas le choix de procéder à des expropriations, parce qu'ils doivent se conformer à des règlements, que ce soit de... Communauté métropolitaine ou des règlements du gouvernement en matière, par exemple, de protection de milieux humides, protection de l'environnement et que, là, ils sont obligés d'agir, puis des fois, que ça leur coûte cher. Et ils prévoyaient où ils suggéraient un fonds que le gouvernement pourrait mettre à la disposition des municipalités pour compenser les sommes qu'ils auraient à payer. Est-ce que c'est quelque chose sur laquelle vous avez réfléchi? Est-ce que vous ça vous apparaît une option utile pour aider les villes ou pas?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, je... On peut y aller?

Le Président (M. Jacques) : Trois secondes.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : La priorité doit être du côté de la clarification de l'expropriation déguisée, donc, davantage que de miser sur l'expropriation pour protéger le milieu naturel...

Le Président (M. Jacques) : ...merci beaucoup à vous deux pour votre participation aux travaux de la commission.

Donc, nous suspendons quelques instants pour faire place au prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Jacques) : Je souhaite maintenant la bienvenue à l'Association nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada. Je vous invite à vous présenter et à faire votre allocution de 10 minutes. Après coup, les membres de la commission vous interpelleront et discuteront avec vous. Merci.

M. Pilon (Daniel) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais changer un petit peu mon discours puisque Mme la ministre n'est pas là. Donc, bonjour à vous, députés et députées membres de la commission. Merci de nous recevoir aujourd'hui pour discuter de la loi 22. Nous sommes très heureux d'être ici présents. Donc, je m'appelle Daniel Pilon, propriétaire de troisième génération du terrain de golf à Saint-Zotique. Je suis actuellement le président du conseil d'administration national de l'Association nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada. Je suis accompagné ici de Mme Lucie Charlebois, que vous devez tous connaître, Mme Charlebois, qui connaît aussi l'industrie du golf, étant elle-même de la famille du golf, sa fille étant la troisième génération du club de golf familial. Aussi avec moi, j'ai M. David Bérubé, directeur régional, Mme Carole Bergeron, vice-présidente, ainsi que Nathalie Lavallée, directrice des opérations au Bureau chef à Ottawa.

L'Association existe depuis plus de 30 ans, et nous offrons à nos 1 500 membres canadiens et 130 membres québécois une grande variété de services allant du marketing jusqu'à la défense des droits et des intérêts. D'entrée de jeu, j'aimerais spécifier que l'association n'est pas ici, aujourd'hui, pour démontrer une contrepartie de la loi mais bien pour travailler ensemble, pour faire évoluer la loi, pour que tout le monde en... puisse en être gagnant. Aujourd'hui, l'ANPTG est présente devant vous pour établir nos préoccupations face à cette nouvelle loi et les règlements encadrant le droit d'expropriation au Québec. Nous croyons que cette loi, dans le contexte politique actuel, pourrait rapidement faire reculer, même voir disparaître une portion considérable de l'industrie du golf dans la province.

Vous savez, le golf est bien plus qu'un simple sport, c'est une tradition profondément ancrée dans notre province. C'est une portion unique de notre tissu social des banlieues, villes, villages et régions du Québec. Ce sont aussi des liens familiaux qui se tissent à travers des générations. Combien de jeunes enfants jouent avec leurs grands-parents? Donc, c'est des souvenirs d'été. C'est des emplois d'été pour nos jeunes et c'est aussi des emplois d'été pour nos semi-retraités. Ce sont aussi des entreprises locales, des petites PME qui contribuent à notre économie et qui motivent les adeptes à visiter des endroits de toutes les communautés partout au Québec. Rappelons-nous que le golf a été un moyen de détendre les Québécois de tous les âges et niveaux sociaux, de relâcher leur stress pendant la...

M. Pilon (Daniel) : ...la pandémie, étant la seule activité qui a été permise aux Québécois et Québécoises en mai 2020. Soulignons que la majorité d'entre eux, d'ailleurs, ont continué sur le merveilleux sport qu'est le golf. C'est sûr qu'on ne peut pas passer sous silence le merveilleux travail des «frontliners», des gens de la première ligne pendant la pandémie, mais lorsqu'on a eu l'autorisation d'ouvrir nos terrains de golf, le 20 mai 2020, bien, ce sont nos employés qui étaient là pour accueillir les golfeurs, pour les déstresser, leur faire prendre le plein air, prendre une bonne marche dans un club de golf.

De plus, le golf a un impact important sur la santé physique, la santé mentale. D'ailleurs, plusieurs études démontrent les bienfaits du golf, tels que la diminution des risques cardiovasculaires, réduction du cholestérol nocif. Le golf permet aussi de travailler le souffle, tonifie le corps, réduit le stress. Il permet de profiter du plein air et favorise la détente. Le golf inculque aussi la patience, la concentration ainsi que la persévérance. D'ailleurs, combien de jeunes enfants sont dans des camps de jour dans les clubs de golf du Québec pour justement apprendre ces belles valeurs-là que le golf peut inculper?

D'après l'étude d'impact économique du golf au Canada faite en 2009 par l'Alliance nationale des associations de golf, NAGA, le golf a injecté près de 3,2 milliards dans le PIB du Québec. C'est un pilier sur lequel reposent de nombreuses familles, surtout dans les régions. On parle ici de plus de 27 000 emplois directement reliés au golf, 18 000 emplois indirects pour un total de 45 000 emplois qui est relié au golf. Donc, on parle d'un revenu des ménages de 1,9 milliard, ça, c'est si on parle de 2019. La prochaine étude va être effective au mois d'avril 2024.

Donc, ce projet de loi, même basé sur une volonté légitime de moderniser le processus d'expropriation, pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les terrains de golf de la province. Il ouvre alors la porte à des expropriations à moindres coûts pour les municipalités, mettant ainsi en danger des entreprises familiales qui sont le cœur même de notre communauté.

Les expropriations sont déjà un cauchemar pour les propriétaires, mais cette loi rend la relocalisation pratiquement impossible en dissociant l'indemnisation de la réalité du marché. Par exemple, un propriétaire de terrain de golf se fait exproprier et il veut se relocaliser. Il va devoir discuter avec un autre propriétaire pour acheter un 5 ou 6 millions de pieds carrés à la valeur du marché et la valeur de l'activité économique dans toute sa potentialité où est probablement le bon zonage. De plus, il faut se rappeler qu'il y aura des délais pour l'obtention des permis, des autorisations en fonction des problématiques, telles que le respect des zones humides. Ensuite, nous devons ajouter les délais sur la construction du parcours, les installations, construction du pavillon principal. Donc, la loi n° 22 décourage aussi les investissements dans l'industrie du golf en amplifiant considérablement le risque d'expropriation et en diminuant les montants d'indemnisation.

Un autre exemple. Je n'irai pas investir un 2 millions de dollars sur un système d'irrigation, un système de drainage si j'ai au-dessus de ma tête une épée de Damoclès, ce qui peut faire que, excusez, M. Pilon, on vous exproprie votre terrain de golf. Je ne récupérerai pas mes investissements. Ça peut aussi faire fuir les gens qui veulent investir pour bâtir un nouveau parcours. Ça peut faire fuir aussi les investisseurs d'une autre province, d'un autre pays qui veut acheter un club de golf au Québec pour peut-être juste l'emmener dans un niveau international, amener un tournoi de LPGA. Donc, c'est toutes ces choses-là qui peuvent être vraiment... côté investissement.

• (16 heures) •

Une réduction progressive du nombre de terrains de golf signifiera moins de nouveaux parcours, moins de possibilités d'emploi pour nos jeunes et nos jeunes retraités, moins de dynamisme touristique et moins de revenus pour nos communautés aussi. S'ajoute à tout ça le drame, un drame trop souvent oublié dans les articles traitant de ce projet de loi, des familles expropriées qui ont consacré leur vie et parfois plusieurs générations à faire prospérer leur entreprise. Parfois, ces entreprises familiales opéraient à perte pour une année ou deux, comme un été, comme cette année, où est-ce qu'il a plu beaucoup, c'est difficile pour les golfs. Ce sont des propriétaires qui ont travaillé sans compter les heures, qui ont manqué des parties de soccer de leurs enfants, des parties de baseball, qui ont sacrifié leur santé pour le bienfait de leur entreprise car c'était leur bébé, c'était à eux. Il y avait la pression des générations aussi auparavant qui fait qu'on continue la business, mais ils savaient qu'ils avaient devant eux une valeur sûre avec leurs investissements, que leurs terrains gagnaient en valeur au même titre qu'un multiplexe, qu'une maison ou simplement des REER.

Vous savez, mon père, il me disait souvent : Dan, du pied carré, ça ne perd pas de valeur. Achète-toi une terre, une terre agricole ne peut pas perdre de valeur. Un terrain de golf, c'est du pied carré, ça ne perd pas de valeur. Mais, aujourd'hui, une menace plane au-dessus...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Pilon (Daniel) : ...de leur tête la menace qu'ils peuvent perdre leurs investissements de plusieurs générations. Je ne connais aucun Québécois qui aimerait et accepterait sans se défendre que leurs investissements d'une vie, un patrimoine familial, soit amputé de 20 %, 30 %, voire même 40 % après une expropriation.

L'ANPTG est consciente que, derrière cette loi, l'intention du ministère n'est pas de provoquer plus d'expropriation mais bien de moderniser et de clarifier le processus. Par contre, en pratique, l'indemnisation financière a toujours été le principal frein limitant les villes et gouvernements. Il s'agissait alors d'un pensez-y-bien, un pensez-y-bien important. En changeant les modalités de ce pensez-y-bien en faveur des corps expropriants, cet équilibre fragile est déstabilisé et met à risque l'ensemble des propriétaires de terrains de golf du Québec. Nous connaissons tous l'impact communautaire dévastateur qu'ont eu les expropriations requises pour le développement de l'aéroport de Mirabel ainsi que du parc Forillon. Mon but ici n'est pas de vous faire faire une comparaison mais plutôt de rappeler au gouvernement concerné d'être prudent et de faire preuve de beaucoup de vigilance dans le déploiement de cette nouvelle loi.

Premièrement, il est nécessaire d'offrir au public plus de détails et de nuances sur les indemnisations reçues suite à une expropriation. L'indemnisation financière est le contrepoids légal à ce pouvoir exorbitant et les Québécois méritent d'obtenir plus d'informations intelligibles pour tout sur les implications de cette loi. Avant le déploiement du projet de loi n° 22, il est impératif que le gouvernement présente, détaille et discute de l'analyse d'impact réglementaire menée par le ministère des Transports avec les industries potentiellement affectées par une augmentation des expropriations.

En conclusion, nous vous invitons à prendre en considération les enjeux que nous soulevons aujourd'hui et à envisager les amendements au projet de loi n° 22. L'ANPTG ne conteste pas la nécessité d'équilibrer les intérêts des municipalités ou des propriétaires, mais nous plaidons en faveur d'une réforme qui protège l'industrie du golf au Québec et les autres industries dépendantes d'un grand terrain. Vous comprendrez que l'industrie du golf ne se limite pas à un sport, elle est un moteur économique, touristique, social pour les jeunes comme pour les moins jeunes dans les quatre coins de la province. Si nous ne protégeons pas nos terrains de golf, les Québécois risquent de perdre bien plus que des fairways et des greens, nous risquons de perdre des emplois, des entreprises familiales, des traditions et une partie de notre identité touristique.

Messieurs, dames, je vous remercie énormément de votre écoute. Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Châteauguay pour une intervention de 16 minutes 20.

Mme Gendron : Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue chez vous. Mme Charlebois, M. Pilon, un grand merci d'être là aujourd'hui. Je ne doute aucunement que ça doit avoir un certain défi de venir aujourd'hui pour vous. Je tiens également à souligner la présence de votre équipe mais également vous vous féliciter pour... Je sais c'est quoi, une entreprise familiale, je sais à quel point on peut s'investir, puis je... on le constate tous ici aujourd'hui, là. Je pense qu'en fait vous êtes un passionné, là, ça s'entend puis ça se voit. Donc, un gros, gros merci. Je reconnais votre présence ici. Puis surtout aussi j'entends bien vos inquiétudes, mais je dois aussi vous remercier pour votre ouverture. C'est très apprécié.

En fait, moi, si je me permets, je veux juste remettre quelque chose en contexte. Mme Charlebois, vous avez une grande expérience politique. Puis, si on se remet dans le contexte d'un dossier que vous connaissiez très bien et que vous connaissez très bien encore, vous savez, la lourdeur, en ce moment, des démarches d'expropriation en lien avec, justement, le financement, et tout ça, est-ce que certains projets de nature, bien, publique, en fait, tel que l'hôpital de Vaudreuil-Soulanges, le processus, bon, on avance tranquillement, il n'est même pas terminé encore aujourd'hui, vous ne croirez pas... Vous... Est-ce que vous pensez que des choses importantes comme un hôpital n'auraient pas pu être rendues possibles plus rapidement, si on avait bénéficié d'un projet de loi comme celui-ci?

Mme Charlebois (Lucie) : Bien, merci de me poser la question. Vous me faites extrêmement plaisir de vous parler de l'hôpital Vaudreuil-Soulanges, parce qu'on l'a initié, Yvon Marcoux et moi, puis je l'ai fini avec Mme la députée de Vaudreuil. Je n'ai pas perdu mon langage parlementaire, vous voyez, je ne l'appelle même pas par son nom. Mais c'est un projet qui me tient encore à cœur et que je vois que le gouvernement poursuit.

Je tiens à saluer la poursuite de la chose. Mais ceci étant dit, oui, ça aurait été plus facile, effectivement, si... puis on n'est pas...

Mme Charlebois (Lucie) : ...ce que M. Pilon vous a dit. On n'est pas contre la modernisation de la loi puis on n'est pas contre la réduction des délais. On n'est pas contre la modernisation de cette loi-là, là. Ce qu'on dit, c'est : Soyons prudents, pour ne pas... Tu sais, s'il y avait eu un choix comme d'aller, exemple, construire l'hôpital sur son terrain de golf ou le terrain de golf de ma fille, pas sûre que ça aurait été une bonne idée. Il aurait fallu faire des recherches plus approfondies. Puis je me souviens, à cette époque, comment on a fait de recherches, puis même qu'après toutes les recherches, puis mon Dieu! qu'il y en a eu de fait, on le mettait dans la forêt, on le remettait sur le terrain où il est actuellement, on l'a mis à plusieurs endroits, l'hôpital. Mais quand vous êtes arrivés au pouvoir, la première chose que vous avez faite, c'est remettre ce processus décisionnel là en question, ça fait que ça a tardé. Mais, effectivement, est-ce qu'on aurait pu faire plus vite? Oui, je vous l'accorde, bien oui, parce que, si la loi avait été modernisée, ça aurait été plus rapide. Vous avez raison, parce que là, il y a eu une question d'expropriation avec les gens qui étaient là, puis ça a tardé, puis, pourtant, le terrain ne servait pas à grand-chose. Vous avez tout à fait raison.

Mais ce qu'on vous dit... Puis là, je vais laisser la parole à M. Pilon, parce que c'est lui qui est le représentant pour les terrains de golf. Moi, je suis ici seulement pour l'appuyer, avec ma petite expérience politique. Et ce que je veux vous dire, c'est qu'on est ici pour vous parler spécifiquement des terrains de golf et de dire : Faites attention pour ne pas qu'on perde cette expertise-là. Parce que, comme il vous le disait, si on relocalise un terrain de golf qui a une valeur X puis qu'on le met ailleurs, premièrement, il faut tenir en compte : Est-ce qu'on aura la meilleure... le même environnement économique? Un. Deux, est-ce qu'on aura le même... Parce qu'il faut faire des affaires, hein? Ça fait que, si tu as moins de monde où tu t'en vas, c'est bien moins payant à la fin. Puis, deux, est-ce qu'on aura la même enveloppe pour reconstruire? Parce que, si le terrain de golf vaut... je ne sais pas, moi, je vous donne un chiffre... 10 millions, bien, ça me prend 10 millions pour reconstruire, et même plus, parce qu'il y a des équipements qui ne fonctionneront plus. M. Pilon peut poursuivre là-dessus.

M. Pilon (Daniel) : Non. Effectivement, Lucie, vous avez entièrement raison. Donc, nous, on est vraiment là pour... Effectivement, il faut que le processus soit accéléré, parce qu'il est déjà très long, on le sait. Mais nous, côté golf, ce qu'on veut, c'est : on ne veut pas que chaque expropriation arrive à la fermeture d'un club de golf, à la perte de 70, 80, 100 emplois dans une petite communauté, des fois, de 2 500, 3 000 habitants. On parle souvent, tu sais, des grosses usines qui ferment puis qui... on parle de ceux-là, mais là on parle vraiment d'une industrie qui engage des étudiants, des semi-retraités. C'est des emplois d'été, effectivement, mais c'est vraiment... c'est 70 à 100 personnes, par terrain de golf exproprié, qui vont perdre leur emploi, tout simplement.

Mme Gendron : Je comprends. Puis, dans une optique où est-ce que dans... en tout cas, semble-t-il que les chiffres, c'est autour de 93 % des ententes sont en faites hors cour, donc de gré à gré, puis, tu sais, que les deux parties sont satisfaites d'une entente, vous ne pensez pas que la nouvelle loi, justement, elle pourrait être plus prévisible puis laisser plus de latitude, justement, puis favoriser le gré à gré, mais également auprès des terrains de golf tels que le vôtre, là?

M. Pilon (Daniel) : Bien, comme Mme Melançon disait ce matin, c'est 93 % des expropriations qui sont réglées au gré à gré. Si ça continue encore comme ça, ça va être merveilleux, ça va être bien. Mais moi, par la suite, je ne peux pas répondre, je ne peux pas mettre des mots dans la bouche d'un propriétaire ou d'un exploitant d'un terrain de golf de comment est-ce qu'il peut s'entendre avec la municipalité ou le gouvernement pour établir son indemnité. Moi, je suis ici pour dire qu'en ce moment, où est-ce que ça s'en va, bien, les risques sont que c'est des clubs de... C'est la perte d'une industrie peut-être, là. Donc, c'est là-dessus qu'on s'en va.

• (16 h 10) •

Mme Gendron : Bien, j'entends vraiment ce que vous dites.

Mme Charlebois (Lucie) : C'est la valeur marchande qui nous inquiète, là.

Mme Gendron : Oui, je comprends.

M. Pilon (Daniel) : Puis c'est surtout... tu sais, je vais vouloir reprendre un petit peu une phrase que j'ai prise. C'est surtout si c'est un club de golf exproprié, puis on parle d'un terrain de 5 à 6 millions de pieds carrés, et dans... J'essaie de trouver le bon terme, là, que quelqu'un a utilisé aujourd'hui, là. On doit être capables de relocaliser ce terrain de golf là, OK, dans une condition, la même, si on veut, dans une même région économique. Donc, il faut acheter un autre terrain de golf.

Moi, j'aime beaucoup prendre mon exemple, moi, à Saint-Zotique, une petite municipalité puis... Parce que je connais mon dossier puis je connais ma municipalité. J'ai un terrain de 5 millions de pieds carrés en plein centre du village. Demain matin, la municipalité décide de m'exproprier pour des raisons x, y, z, qui sont pour le bien de la communauté, je le comprends. Mais je dois être en mesure d'être capable de me relocaliser aussi. Parce que moi, je suis troisième génération de mon entreprise familiale, j'ai un petit gars de six ans qui s'en vient puis j'aimerais ça qu'elle reprenne, la business. Mais, si je me fais exproprier puis je ne peux pas me rebâtir un terrain de golf, si je n'ai même pas les moyens de m'acheter un terrain pour me rebâtir un terrain de golf, c'est juste terminé, on tourne la page, puis, tu sais, c'est tout, là...

Mme Gendron : ...mais je crois que je vais passer la parole à ma collègue, la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Maintenant, oui?

Mme Gendron : Bien, oui. Je n'irai pas à mon autre question. Je vous laisse...

Le Président (M. Jacques) : Merci. Le droit de parole, c'est au président à le donner, donc... Je vous ai laissé faire depuis deux jours, là, mais là ça devient un peu trop fort. Donc, Mme la députée d'Argenteuil, à vous la parole.

Mme Grondin : Merci, M. le Président, de nous remettre à l'ordre. M. Pilon, Mme Charlebois, je trouve ça beau. Vous rendez un très bel hommage, là, à la pratique du golf au Québec. Vous savez, chez moi, on vient de fêter le 100ᵉ anniversaire du club de golf de Lachute. Donc, je comprends très bien. Puis je comprends aussi, là, qu'un terrain de golf peut être un moteur économique ou de vitalité dans un milieu, dans une communauté. Par contre... Puis je suis contente, à l'instar de ma collègue, ici, que j'entends une certaine ouverture. Vous avez dit que vous n'êtes pas contre le projet de loi, contre sa modernisation. J'entends aussi certaines de vos préoccupations. Mais moi, j'ai une question. Tu sais, il y a des exemples très concrets de golf au Québec. Tu sais, je pense à Beloeil, à Candiac, à Lorraine puis même chez moi, peux être, où le golf n'est plus rentable. Les propriétaires ont de lourdes pertes de dettes, et là, leur volonté, c'est de transformer cet usage-là, qui est honorable, en condos. Là, on est ailleurs. Et donc j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là que, là, n'a pas abordé encore. Mais c'est l'une des raisons pour laquelle, tu sais, on amène ce projet de loi là. Parce que, là, on est dans... on est ailleurs, là. On n'est pas dans ce que vous décrivez de façon honorable, là.

M. Pilon (Daniel) : Vous avez entièrement raison, mais je ne suis pas là pour débattre les intérêts des promoteurs immobiliers. Ce que vous me parlez, c'est vraiment une poignée de terrains de golf dans la région de Montréal. Vous me parlez de Belœil qui est un club de golf qui est encore en opération, puis je ne veux pas tomber dans les détails, mais, eux, ils ne demandent pas grand-chose, ils demandent juste une petite partie de terrain pour être capable de continuer nos opérations par la suite, qui est le champ de pratique. En ce moment avec la RCI, tu sais, ils sont bloqués dans leurs projets. La RCI, c'est un peu le début d'une expropriation, on va s'entendre. Il y a d'autres terrains de golf dans la région métropolitaine qu'il y a un RCI qui est implanté puis ça fait que ça gèle à leur propriétaire. Donc, c'est un peu encore un début d'une l'expropriation, un RCI.

Ce que je veux dire, c'est... vous me parlez de quelques terrains de golf. On peut les nommer, là, Rosemère, Mascouche ce matin, la Ville de Mascouche, La Prairie, Candiac, c'est tous des terrains de golf qui ont été vendus il y a plusieurs années, il y a quelques années, mais moi, je ne suis pas là pour défendre les intérêts de ces personnes-là, moi, je suis là pour défendre les intérêts du Club de golf de Lachute, du Club de golf Léry qui est juste à côté, Club de golf Summerlea, Atlantide, Île-Perrot, Saint-Zotique, Rivière-Rouge. Je suis là pour défendre les intérêts de ces clubs de golf là, qui se passent de génération en génération pour être capables de continuer la pérennité de l'industrie du golf au Québec. Donc, les quelques clubs de golf qui ont été vendus pour des condos, tu sais, l'IDU peut s'en occuper, là. Est-ce que ça répond à la question?

Mme Grondin : C'est très clair. Merci. M. le Président, j'ai fini.

Le Président (M. Jacques) : M. le député de Masson, à votre tour.

M. Lemay : Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, dans vos recommandations que vous avez apportées dans votre mémoire, votre quatrième recommandation, ça parle d'un mécanisme pour... si jamais il y avait une expropriation partielle. Puis là j'aimerais vous entendre davantage sur c'est quoi vous voyez comme mécanisme, dans le fond. Parce que je comprends... tu sais, vous, vous voyez ça un mécanisme pour un golf qui est actuellement ouvert et en opération. Tu sais, c'est différent de, si exemple, le golf a fermé, c'était un golf, puis là il y a quelqu'un qui détient les titres de propriété pour un éventuel projet, là. Ça fait que ça, vous parlez pour un golf en opération.

M. Pilon (Daniel) : Oui.

M. Lemay : Parfait. Puis avez-vous des détails ou des exemples de comment vous voyez ce mécanisme-là?

M. Pilon (Daniel) : C'est sûr qu'il y a plusieurs manières de voir les choses. Puis il faut vraiment, après ça, s'asseoir tous ensemble, puis vraiment plus négocier, puis regarder ça ensemble. Mais on comprend que, si un club de golf...

M. Pilon (Daniel) : ...se fait exproprier, je ne sais pas, il y a un beau site sur le bord du fleuve Saint-Laurent, par exemple, puis la municipalité décide que ça serait un beau parc pour les citoyens, d'avoir quatre trous, prendre les quatre trous qu'il y a sur le terrain de golf puis faire un beau parc sur le bord du fleuve, comme ça, ils vont avoir... les gens vont avoir accès à l'eau.

M. Lemay : Ça, on comprend. On peut vous en donner, des exemples, ça pourrait être une école, ça pourrait être une maison des aînés, ça pourrait être n'importe quoi. Mais, tu sais, si, exemple, une ville ou une instance décidait de, justement, faire cette expropriation-là, partielle parce qu'ils veulent juste un petit bout, comme vous dites, c'est quoi le mécanisme que vous voyez, vous?

M. Pilon (Daniel) : bien, c'est que là, en expropriant quatre trous, le terrain de golf vient de perdre toute sa valeur.

M. Lemay : Mais ça, on le comprend, là.

M. Pilon (Daniel) : On le comprend. C'est quoi le... mais est-ce que c'est un changement de zonage pour être capable de faire d'autres choses par la suite? Tu sais, il faut aussi que la municipalité soit ouverte à dire : Regarde, oui, on va prendre quatre trous, on s'excuse, il vous en reste 14. Mais un terrain de golf à 14 trous, je ne sais pas si vous jouez au golf, là, mais ce n'est pas intéressant, là, on va dire la vérité. Mais, tu sais, après ça, est-ce que la municipalité peut dire : Regardez, non, on va faire tel projet, on peut faire telle chose avec, on peut acheter le terrain pour... tout racheter le terrain ou, carrément, juste changer le zonage pour...

M. Lemay : Ça fait que, si je reformule, dans le fond, votre idée, c'est que, pour vous, un mécanisme, ça serait... Si on fait un usage collectif partiel, ça serait de pouvoir permettre un autre usage sur la balance du reste du terrain.

M. Pilon (Daniel) : Ou la revente totale. Tu sais, ça reste que, tu sais, c'est un sport qui requiert 18 trous, donc, en enlever quatre, ce n'est même plus considéré comme du golf. Excusez-moi, ça, c'est une opinion personnelle.

M. Lemay : Non, non, je comprends.

Mme Charlebois (Lucie) : Puis la valeur marchande, là, il faut faire attention, parce que la valeur marchande, ce n'est pas la valeur aux taxes, ce n'est pas la valeur... C'est un genre d'entreprise où il y a le chiffre d'affaires, il y a la valeur du terrain, il y a la valeur de l'entièreté de l'entreprise, comment elle est équipée, tout ça. Ça fait que c'est tout ça à voir, là. Puis, dépendamment où elle est située, l'entreprise, elle vaut plus cher ou moins cher. Tu sais, en Gaspésie, ça ne vaut pas le même prix qu'à Saint-Zotique. Puis je n'ai rien contre la Gaspésie, là, je suis allée à Fort-Prével, c'est un beau terrain, tout ça, mais ce n'est pas la même valeur... Voilà.

M. Lemay : Merci beaucoup pour les éclaircissements, c'est très apprécié.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Donc, ça termine l'intervention de la partie gouvernementale. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle, M. le député d'Acadie, pour 14 minutes 18 secondes.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bon après-midi.  Merci, merci d'être là. Ça apporte un éclairage particulier, vraiment différent sur ce projet de loi. Votre témoignage est intéressant, parce que, jusqu'à maintenant, on a entendu beaucoup, beaucoup d'organisations municipales, villes, sociétés de transport, mais très, très peu d'associations, par exemple, sauf peut-être pour l'UPA dans le domaine agricole avec les agriculteurs, mais peu d'associations qui représentaient, par exemple, des propriétaires qui ont une corporation ou une compagnie quelconque, là. Donc, j'imagine qu'un terrain de golf, ce n'est pas toujours un organisme à but non lucratif, là, donc le montage, sa capacité juridique est sûrement différente.

• (16 h 20) •

Donc, c'est superintéressant, parce qu'au fond, ce que je comprends de votre témoignage, c'est que vous n'êtes pas contre le projet de loi, vous voulez que ça aille plus vite, mais, au fond, vous recherchez un équilibre entre le droit des expropriants et le droit des expropriés. Et est-ce que je me trompe si... Parce que, tu sais, on a entendu plusieurs histoires de golf ou même de terrains de golf qui avaient été vendus, puis là le promoteur, ou bien il y a un changement de zonage, ou il ne peut développer, où là il poursuit la ville. Mais ça, ce n'est plus vraiment une expropriation, je comprends que le terrain a été vendu, puis là, bien, c'est quelqu'un d'autre. Vous, les gens que vous représentez, ils ont des terrains de golf puis les gens veulent continuer de jouer au golf. Puis c'est des terrains de golf qui fonctionnent, mais évidemment vous êtes un peu inquiets des dispositions du projet de loi actuel. Je résume bien, je résume bien l'affaire.

Vous avez parlé, à un moment donné, que vous avez peut-être peur. Puis, si j'exagère, rappelez-moi à l'ordre, mais vous avez peut-être parlé que vous aviez peur même que l'industrie disparaisse à un moment donné. Il y a combien... Avez-vous une idée, il y a combien d'employés qui travaillent au Québec, dans des terrains de golf présentement?

M. Pilon (Daniel) : Notre ancienne étude, qu'on a faite en 2019, parlait de... 25 000... 27 000 employés, excusez-moi, qui travaillaient dans l'industrie du golf...

M. Pilon (Daniel) : ...comme je mentionnais un peu plus tôt, on est en train de refaire la nouvelle étude économique au Canada, donc elle va être remise au mois d'avril 2024, mais c'est 27 000 emplois directs et 18 000 emplois indirects, donc pour un total de 45 000 emplois qui est relié au golf.

M. Morin : 45 000 emplois reliés au golf au Québec présentement. O.K. Merci. Et donc je comprends que, dans le projet de loi, le gouvernement parle beaucoup de la valeur marchande. Donc, ça, évidemment, ce n'est pas la valeur qu'il y a sur l'évaluation municipale, on s'entend. Puis l'article... la loi définit un peu comment est évaluée la valeur marchande, mais la loi impose aussi plusieurs paramètres en ce qui a trait aux indemnités pour le Tribunal administratif du Québec. Parmi ces paramètres-là, d'abord, est-ce que vous êtes d'accord ou pas avec le prix de la valeur marchande? Parce qu'il y a des paramètres des indemnités qui sont trop restrictives, donc qui feraient en sorte qu'un exproprié se ramasserait véritablement désavantagé. Puis est-ce qu'il y a des... vous avez des solutions à apporter qui feraient en sorte que l'équilibre pourrait être respecté?

M. Pilon (Daniel) : C'est sûr que, nous, notre idéal, c'est vraiment : on veut être capable de prendre le golf puis de le mettre ailleurs, c'est... notre priorité numéro un, c'est ça. Et, avec les limites d'indemnités qui sont établies, en ce moment, par le projet de loi, c'est carrément impossible, c'est... ça tient du miracle si on est capable d'être capable de faire ça, là.

Puis... Excuse-moi... O.K., excusez. Puis l'intérêt public aussi... Tu sais, le projet de loi pour l'intérêt public, c'est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier que le golf a aussi l'intérêt public en tête avec la santé physique, la santé mentale des jeunes Québécois, des plus vieux, l'économie. On parle de 1,9 milliard sur les revenus familiaux au Québec, ça, c'est encore l'étude de 2019, ainsi que 3,2 milliards sur le PIB. Ça fait partie, ça aussi, de l'intérêt public. C'est le tourisme, l'environnement, tu sais, la TVQ, les... on peut en nommer, en nommer, en nommer, là, mais, tu sais, le golf, l'industrie, a aussi l'intérêt du public en tête. C'est pour ça qu'on demande d'être capable de se replacer à une autre place et non pas juste offrir le tiers de la valeur pour une construction.

Mme Charlebois (Lucie) : ...de payer le vrai montant qui... ça coûterait une relocalisation, à ceux qui ont investi toute leur vie là-dedans. Moi, je pense à son grand-père, je pense à son père, à lui. Tu sais, c'est toute une vie qui a été investie, trois générations en ligne, la valeur du terrain, elle a changé au fil des années. Alors, moi, s'il n'est pas capable de se relocaliser, il faut qu'il ait la même valeur que s'il se relocalisait, à mon sens, parce que c'est comme leur fonds de pension qu'ils se sont transmis de génération en génération. Qui voudrait se voir amputer son fonds de pension? Personne ici, je pense, mais pas plus les terrains de golf. Parce que, comme l'a dit Mme tantôt, il y a des terrains qui ont des années déficitaires, mais, sur une moyenne, ils arrivent, là, mais ce n'est pas... tu sais, ce n'est pas nécessairement la panacée pour tout le monde, sauf qu'ils misent sur leur fonds de pension, mais s'ils se le font enlever... Moi, je pense qu'il y a un pouvoir excessif pour les municipalités en ce moment. Ça, c'est mon avis. Excusez, M. le Président.

M. Morin : Avec le projet de loi actuel. Au projet de loi, parce que vous en parlez dans votre mémoire, les articles 104 et 106, la perte de valeur de convenance dans le projet actuel ne peut excéder 20 000 $. Je comprends que, dans votre cas, ce serait nettement insuffisant.

M. Pilon (Daniel) : ...même pas le déménagement des meubles d'une place à l'autre.

M. Morin : Et puis, évidemment, on fixe, à 106, l'indemnité pour les troubles, les ennuis, les inconvénients. Ça ne peut pas excéder 5 000 $. Donc j'imagine que ça non plus...

M. Pilon (Daniel) : Il faut enlever les limites dans... Ces deux articles de loi là, il faut les enlever parce qu'il faut enlever ces limites-là. Et je crois que ces deux articles de loi là, ces deux articles, ils sont basés beaucoup sur une maison familiale, ils ne prennent pas en considération les commerces en général ou même les... ceux... les propriétaires terriens comme les golfs ou les industries, là.

M. Morin : Bien. Est-ce que vous avez pensé à d'autres fourchettes? Est-ce que vous avez des statistiques sur ce que ça pourrait être pour aider...

M. Morin : ...législateur ou si vous préférez laisser ça au tribunal, suite, par exemple, à une évaluation qui serait faite au cas par cas?

M. Pilon (Daniel) : C'est tout du cas par cas, parce que, comme j'expliquais tout à l'heure, un terrain situé, comme Lucie a dit, à Saint-Prime... racheter un terrain de 5 millions de pieds carrés à Saint-Prime, c'est une valeur, mais racheter un terrain de 6 millions, 5 millions de pieds carrés à Laval, ce n'est pas du tout la même chose, là. Et donc c'est... tout est du cas par cas, mais il faut vraiment prendre en considération tous ces tenants et aboutissants-là, là.

M. Morin : O.K. Parfait. Ce matin, l'Institut de développement urbain du Québec nous soulignait qu'après avoir parlé avec l'Ordre des évaluateurs agréés, finalement, ils trouvaient que la valeur au propriétaire était probablement une valeur qui serait plus juste, dans certains cas, pour les expropriés. Est-ce que c'est quelque chose que vous partagez?

M. Pilon (Daniel) : Valeur au propriétaire... Oui. Ça dépend jusqu'où ça va, je crois, tu sais. Je crois que la valeur au propriétaire a été établie à 10 ans, je crois, dans le nouveau projet de loi, est-ce que je me trompe ou... Donc, si on revient, mettons, au principe où est-ce qu'on est exproprié en partie, donc quelques trous, la valeur au propriétaire sur 10 ans n'est pas la même valeur que si on est exproprié au complet, à 100 %, juste pas exproprié du tout, là.

M. Morin : Dans votre recommandation 2, vous dites qu'«il est impératif que le gouvernement présente, et détaille, et discute de l'analyse d'impact réglementaire menée par le ministère des Transports avec les industries potentiellement affectées par une augmentation des expropriations». Donc, cette analyse -là, d'impact, est-ce que vous l'avez demandée? Est-ce que vous avez essayé de... Vous l'avez? O.K. O.K.

M. Pilon (Daniel) : Oui. Tout est à zéro. C'est ce que... Tu sais, je regarde puis j'en parlais avec nos professionnels, puis même eux sont... bien, il manque des choses. Ce n'est pas complété. Les périodes d'implantation sont toutes à 0 $, tous les chiffres dans l'analyse des impacts réglementaires du 11 mai 2023 sont à zéro, partout, partout.

Donc, on veut juste avoir une meilleure... Assurément, elle a été faite dans les règles de l'art, je suis persuadé, mais il nous manque des chiffres, il nous manque des statistiques pour être capable de faire une thèse par la suite, pour dire : O.K., oui, c'est correct, ou ce n'est pas correct, mais, pour le moment il nous manque des spécifications.

M. Morin : O.K. Je vous remercie. Parfait, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Jacques) : Merci, M. le député. Et j'invite maintenant... je donne la parole à Mme la députée de Vaudreuil pour une intervention de 2 min 12 s.

Mme Nichols : C'est trop gentil, M. le Président. J'apprécie vraiment beaucoup, merci. Bien, merci, merci d'être parmi nous. Je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que je vais essayer de faire ça vite. Je pense que vous avez compris d'emblée que vous n'avez pas à convaincre les gens autour de la table. Il doit y avoir une couple de golfeurs autour de la table... ah! peut-être même la ministre, qui est une golfeuse... un golfeur, oui, le président aussi est un golfeur. Donc, il y avait vraiment de l'intérêt, là, pour les clubs de golf, ça, je pense que c'était clair, on peut le cocher.

Bien, dans le fond, moi, ce que je comprends de votre intervention, là, c'est que, tu sais, vous avez peur... bien, je comprends qu'il y a une peur, là, en arrière de tout ça puis je que je comprends, là, la volonté puis l'esprit familial aussi, là, derrière tout ça, mais vous avez peur d'être les premiers visés par les municipalités dans le cas d'une expropriation, est-ce que c'est ça que je comprends?

• (16 h 30) •

M. Pilon (Daniel) : Bien oui, c'est facile, puis je vais en profiter pour le mentionner à Mme la ministre que, tu sais, d'entrée de jeu, on est favorable à la loi, mais, quand on regarde tous les groupes qui sont passés ici cette semaine, lundi, mardi, mercredi, c'est tous le même discours. Tout le monde parle des golfs, c'est la cible, c'est les golfs. Toutes les commissions parlementaires que j'ai écoutées depuis la semaine dernière, il y a au moins quelqu'un, à quelque part, qui parle du «target» des golfs et d'économies substantielles. C'est les trois mots qui font que, bien, on va s'ouvrir les yeux puis on va se dire : C'est ça qui est inquiétant, c'est nous qui est la cible.

Mme Nichols : Oui, c'est inquiétant, c'est sûr. Les golfs, c'est des zones vertes, aussi, dans les municipalités. Mais je comprends que vous, vous avez peur d'être ciblés en premier, suite... particulièrement suite à ce que vous avez entendu cette semaine, là, dans le cadre...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Nichols : ...de cette commission-là. On a compris aussi qu'il y avait une ouverture, peut-être pour une certaine mixité, hein peut-être les golfs qui fonctionnent moins bien, qui voudraient vendre un neuf trous ... fonctionner à un autre neuf trous. Donc, est-ce que vous pensez que ça... ou je suggère, là, qu'une possibilité de développer, là... des balises ou des critères dans le cas que la ville ciblerait particulièrement, particulièrement un club de golf. Est-ce qu'on pourrait mettre des règles, en particulier, dès que le club de golf est visé? Je le sais que c'est une expropriation, puis absolument, une expropriation, c'est rare que, quand on se fait dire : Tu es exproprié, c'est rare qu'on dit : Aïe! Youpi, c'est donc bien le fun, tu sais, c'est plutôt rare, là. Mais est-ce que vous voudriez qu'on mette en place certains critères dans les cas particuliers où un golf est visé?

M. Pilon (Daniel) : ...c'est possible s'il y a d'autres consultations, puis si le ministère en place veut écouter les groupes qui sont dans la partie expropriée, on est prêt à s'asseoir, nous puis l'équipe, pour peut-être travailler ces balises-là pour arriver à une balance, un balancier où est-ce que tout le monde va être heureux là-dedans. Donc, je suis vraiment ouvert à discuter par la suite, là, dans les prochains mois, là.

Le Président (M. Jacques) : Merci. Merci pour votre intervention. Merci de votre présence en commission. J'ai laissé un peu de latitude à Mme la députée de Vaudreuil.

Donc, nous allons suspendre quelques instants pour accueillir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 39)

Le Président (M. Jacques) : Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Voghel, du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

(Visioconférence)

M. Voghel (Merlin) : Merci, M. le Président. Donc, bonjour, Mme la ministre. Bonjour, Mesdames, Messieurs les parlementaires. Mon nom est Merlin Voghel. Je suis avocat au Centre québécois du droit de l'environnement, qui vous remercie de l'occasion qui lui est offerte de venir s'exprimer devant vous au sujet du projet de loi n° 22, qui est d'une importance fondamentale pour la transition écologique. En fait, c'est le vecteur par lequel le Québec se dotera ou non de la capacité de mener à bien cette transition écologique.

• (16 h 40) •

Le phénomène de l'expropriation déguisée, tout autant que de l'indemnisation pour expropriation d'ailleurs, met en péril notre capacité à conserver notre territoire au bénéfice de l'environnement pour lui-même, mais aussi au bénéfice de notre économie et de nos collectivités. Nos collectivités n'ont pas les moyens de protéger le territoire selon un coût imprévisible dicté par la spéculation foncière ou par les projets futurs d'un entrepreneur.

Dans ce contexte-là, à la présentation du projet de loi n° 22, le CQDE saluait l'initiative annoncée du gouvernement de s'attaquer à ces problématiques. Suivant la lecture et une analyse détaillée du projet de loi n° 22, ce sont davantage les mots prononcés par la juge en chef du Québec, l'honorable Manon Savard, lors de la rentrée judiciaire, en septembre, qui me viennent à l'esprit. Elle comparait alors deux des grands défis de notre temps : l'accès à la justice et la crise climatique. Elle disait : «Nous connaissons les causes de la précarité de notre situation, nous savons ce qui doit être fait pour y remédier, mais il y a encore des acteurs qui ne sont pas habités par le sentiment d'urgence que requiert la situation.» Avec égards et malgré toute prétention contraire, le projet de loi n° 22...

M. Voghel (Merlin) : ...deux échouent, selon nous au CQDE, à offrir des réponses qui sont adaptées à l'urgence que représentent les changements climatiques et la perte de la biodiversité.

Avant la présente allocution, le CQDE a eu l'occasion de prendre connaissance de plusieurs des interventions devant la commission et de plusieurs des mémoires qui ont été déposés. Je tiens à le dire, notre organisme n'a pas l'habitude de crier au loup pour le plaisir de le faire ou pour faire sensation. Nous avons cependant l'avantage d'être parfaitement indépendants et de bénéficier d'une expertise juridique exempte de tout intérêt quant aux dynamiques de l'expropriation, si ce n'est notre intérêt pour la protection de l'environnement. Et pour le projet de loi n° 22, nous persistons et nous signons, nous sommes plus qu'inquiets des effets du projet de loi s'il était adopté sous sa forme actuelle.

D'emblée, malgré les notes explicatives qui apparaissent au projet de loi et son désir allégué de répondre au phénomène de l'expropriation déguisée, le projet de loi n'encadre pas ce qui est ou ce qui n'est pas de l'expropriation déguisée. Il n'encadre pas les critères de l'utilisation raisonnable qui est employée par les tribunaux pour déterminer si les contraintes imposées à un propriétaire ont un effet de dépossession. Il laisse encore ce poids reposer sur le corps judiciaire avec toute l'imprévisibilité que l'exercice comporte en l'absence de balises légales claires. Le projet de loi, il n'instaure aucune prévisibilité non plus pour les instances provinciales ou municipales qui sont désireuses d'user de leurs pouvoirs de conservation sans verser dans l'expropriation. Il témoigne tout au plus d'une tentative d'encadrer la réparation qui serait applicable en cas d'expropriation déguisée. Et encore, le projet de loi n° 22 n'est le fait que pour les pouvoirs municipaux en oubliant les pouvoirs provinciaux de conservation.

Dans ce contexte, notre constat est à l'effet que le projet de loi, il ne diminue absolument pas le risque de poursuite judiciaire en expropriation déguisée avec tous les frais et honoraires que cela comporte, mais il accentue ces risques en vertu des articles... par les articles, pardon, 170 et 171. Et s'il y a une chose que j'aimerais voir retenue de la présente allocution, c'est que les articles 170 et 171 ne doivent pas, selon nous, être adoptés sous leur forme actuelle. J'ai entendu certains des acteurs qui se sont présentés devant la commission alléguer le caractère essentiel de ces dispositions-là que sont les dispositions... en fait, les articles 170 et 171, et le CQDE est loin d'être de cet avis.

En fait, l'article 170, il élargit la possibilité d'alléguer une expropriation déguisée en raison de l'effet de dépossession d'un droit plutôt qu'en raison d'une contrainte de céder la propriété. Sans verser dans le jargon juridique, ce que je souhaite porter à votre attention, c'est qu'un droit, selon les termes mêmes du projet de loi n° 22, donc, à son article deux, et selon le sens juridique du terme entendu par le Code civil, ça comprend aussi des démembrements du droit de propriété qui sont des droits réels.

En vertu du projet de loi, dès qu'un usage sera restreint ou limité, c'est donc dire qu'il sera possible de se pourvoir devant les tribunaux, d'alléguer une dépossession sur un droit et de demander une indemnisation pour expropriation déguisée, c'est un des dangers que tient à porter à votre attention le CQDE et qui ne semble avoir été souligné par aucun des acteurs qui s'est présenté devant la commission. Or, par essence, lorsqu'on parle de conservation des milieux naturels, ces pouvoirs-là, ils ont toujours pour effet de venir limiter les usages sur un terrain, constituent donc un démembrement ou une modalité du droit de propriété. Ce qu'on constate, c'est donc un élargissement considérable du spectre de l'expropriation déguisée qui est présente dans le projet de loi n° 22 et pas une limitation de l'expropriation déguisée. Et je vous épargne ici les autres problématiques qu'on constate aux articles 170 et 171.

Une autre approche qui existe, outre celle qu'adopte le projet de loi n° 22, c'est d'accorder une immunité aux instances municipales pour les pouvoirs exercés en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou pour se conformer aux OGAT notamment, on l'a entendu à quelques reprises. En matière de protection de l'environnement, le CQDE n'est pas fermé à cette avenue. Cependant, il faut garder certains éléments à l'esprit, notamment qu'une immunité de la nature de celle qui est demandée, juridiquement, elle n'empêche pas les recours judiciaires, elle l'empêche pas de recourir aux tribunaux pour alléguer une expropriation de fait. Il y a des recours présentement pendants malgré une immunité de cette nature-là et ces recours durent depuis fort longtemps. Je pourrais vous en reparler s'il y a des questions à cet égard.

Mais il y a plus que ça, c'est que les pouvoirs pour lesquels sont demandées des immunités par les instances municipales ne concernent pas que la conservation, ils visent en fait toutes les fins municipales prévues notamment aux articles 113, 115 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Et il faut se rappeler que l'adoption d'immunité revient à légaliser le fait que, dans certains cas, il y aura un acte ou un règlement qui aura effectivement pour effet d'entraîner un...

M. Voghel (Merlin) : ...dépossession, une expropriation déguisée ou de fait, comme on préfère l'appeler, et donc qui constituera une expropriation sans indemnisation. Juridiquement, l'Assemblée nationale, elle dispose du pouvoir d'adopter des mesures qui prévoient une expropriation sans indemnisation. C'est, à notre avis, incontestable. La question ici, c'est plus de se demander si vraiment, en l'occurrence, dans une loi d'application générale, c'est l'approche qui est souhaitable.

Notre recommandation, au CQDE, elle constitue une solution mitoyenne. En fait, ce qu'on vous recommande, vous le trouvez majoritairement à l'annexe un de notre mémoire assez, assez étoffé, qui a été déposé, et, à l'annexe un, ce qu'on vous recommande, c'est de définir concrètement ce qui est et ce qui n'est pas une expropriation dans un contexte de conservation. C'est aussi d'écarter la possibilité de recourir aux tribunaux lorsque les recours sont dénués de chance de succès raisonnable, donc selon un mécanisme d'autorisation préalable. Et, finalement, dans les cas où nous serions face à une expropriation de fait, donc dans les rares cas où nous serions face à une expropriation déguisée ou de droit en contexte de conservation, alors le CQDE considère qu'il y a aussi lieu de rétablir l'équilibre souhaitable en s'attaquant à l'indemnisation.

Selon plusieurs acteurs qui se sont présentés devant vous, et en tout respect, ce qu'on entend, c'est que la valeur au propriétaire, elle aurait été écartée par le projet de loi n° 22. Il y en a plusieurs qui allèguent que c'est une avancée majeure que propose le projet de loi. Or, la valeur au propriétaire, c'est ce qui était anciennement prévu par l'article 58 de la loi sur l'expropriation, qui prévoit une indemnisation pour la valeur marchande d'un bien, selon l'UMEPP, l'utilisation la meilleure et la plus profitable, ainsi qu'une indemnisation des préjudices qui sont subis en raison de l'expropriation, ce qui forme le tout de l'indemnisation. Or, c'est, à toutes fins pratiques, ce que prévoit le projet de loi n° 22, qui n'écarte pas la valeur au propriétaire, mais qui plutôt la concrétise et la cristallise dans un projet de loi, en déterminant différents pôles d'indemnisation ou en s'en remettant largement à la notion de l'UMEPP.

La seule distinction notable au projet de loi, c'est le retrait des indemnités lorsqu'on s'en remet à une valeur selon l'utilisation la meilleure et la plus profitable. On voit ça à l'article 96, alinéa trois du projet de loi. Or, dans un contexte de conservation des milieux naturels, ce ne sont pas et ça n'a jamais été les indemnités accessoires qui sont problématiques, c'est bel et bien l'UMEPP. C'est l'UMEPP qui entraîne des indemnités qui sont prohibitives et c'est le caractère imprévisible de l'UMEPP qui entraîne aussi des débats qui sont interminables, des débats d'experts devant les tribunaux qui se produisent aux frais de la collectivité. Les recommandations du CQDE visent justement à endiguer ces deux problématiques-là.

Dans un contexte adversarial, bien, c'est aussi l'UMEPP qui déporte sur les évaluateurs agréés un fardeau qui... au contour qui est flou et qui met à risque, je le dis avec tout respect, la crédibilité de la profession, dans une certaine mesure. Pour le CQDE, lorsque s'impose une indemnisation pour expropriation aux fins de conservation, l'État n'a pas à garantir les aspirations aux profits, et il est temps de se donner les moyens de protéger notre territoire tout en maintenant la justice sociale.

• (16 h 50) •

Selon nous, il doit y avoir des avancées majeures qui sont réalisées avec des impacts concrets sur les coûts d'indemnisation et non pas uniquement sur les questions d'indemnités qui n'ont qu'une incidence peu significative en matière d'indemnisation pour expropriation lorsqu'on se situe en contexte de conservation ou d'exercice de pouvoir de conservation. C'est pourquoi ce que nous proposons, c'est une solution encore ici mitoyenne, raisonnable, à savoir de se fonder davantage sur une indemnisation fondée sur la valeur de l'évaluation municipale, l'évaluation foncière, tout en accordant à l'exproprié des indemnités qui sont prévues au projet de loi pour éviter les injustices, tout ça afin de fixer l'évaluation dans le temps, la valeur évaluée dans le temps, afin de mettre fin aussi aux débats d'experts devant les tribunaux, de désengorger les tribunaux, au bénéfice, bien entendu, de l'environnement, mais tout en assurant aussi une protection adéquate aux propriétaires.

Ça complète mon allocution. Je vous remercie, M. le Président. Je pense que je suis dans les temps.

Le Président (M. Jacques) : Un petit peu... une minute de plus, mais on vous a... on l'a prise sur le temps du gouvernement. Je vous remercie pour votre exposé.

M. Voghel (Merlin) : Merci.

Le Président (M. Jacques) : Je voulais vous souligner aussi que vos documents ont été remis par greffier aux membres de la commission.

Donc, je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une intervention de 15 minutes 30.

Mme Guilbault :Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous pour l'exposé très, très intéressant, très enrichissant. On commence à... Vous êtes... Je pense qu'on est, quoi, peut-être à notre 18e groupe. Donc, on commence à avoir une bonne idée, un peu, de divers points de vue puis de gens qui amènent des angles nouveaux. On a eu beaucoup de gens issus...

Mme Guilbault :...du milieu municipal qui avaient des points de vue sensiblement similaires. Mais après, on a eu aussi d'autres intervenants et vous faites partie des intervenants qui ont leur propre angle. Alors, on trouve ça toujours très intéressant nous ici. D'ailleurs, j'aurai ma collègue d'Argenteuil qui aura des questions aussi, sans doute pour vous.

Donc, je vais commencer par un élément que vous n'avez pas abordé, sauf erreur, là, mais j'aimerais juste savoir ce que vous en pensez, parce que vous êtes vous-même juriste. Et j'aurai aussi une autre question... bien, en fait, j'aurai au moins deux, trois questions, mais il y a des gens qui ont dit, et je pense qu'on aura le Barreau du Québec normalement demain, je crois... demain, c'est ça, demain. Mais ça a été, le fait que ce projet de loi là aurait pour effet de... puis, en fait, vous le dites quelque part, il y a une citation à quelque part en exergue, dans votre mémoire, où vous dites qu'on augmente le risque de poursuites judiciaires et que... et que c'est ça, finalement on... la protection des milieux naturels, je ne sais pas, je paraphrase, là, mais bref, sur la partie poursuites judiciaires, et le... je dirais, l'opinion générale selon laquelle... avec ce projet de loi là, parce que, nous, évidemment, le pari qu'on fait avec le projet de loi, c'est de deux ordres. Premièrement, on vient encadrer toutes sortes de notions qui actuellement ne le sont pas, à la faveur de coûts d'expropriation moins élevés, donc de coûts de projets moins élevés. C'est sûr que nous, comme gouvernement, on paie ça avec l'argent des contribuables, alors, puis là avec le coût de la vie, l'inflation, et tout ça, des choses dont vous êtes conscients aussi, sans doute. Alors, tu sais, on veut que les projets coûtent moins cher.

Et ensuite de ça, les délais. Donc, pour nous, le signal que le projet de loi envoie, puis le fait de moderniser la loi après 40 ans, va faire en sorte que chacun va savoir davantage à quoi s'en tenir et que tout va prendre moins de temps, finalement. Parce qu'à la fois dans la procédure d'expropriation comme telle et justement dans le risque de poursuites, parce que les gens... ça va être tellement plus encadré, ça va être suffisamment plus encadré pour que, peut-être, ça dissuade des gens d'aller au tribunal. Bref, il y a quand même, c'est ça, certains points de vue à l'effet que ça pourrait avoir pour effet l'effet inverse, finalement, et qu'on embourbe encore davantage le réseau de la justice. Parce que... et mon collègue l'avait déjà évoqué, mon collègue d'Acadie ici qui est juriste aussi, on a derrière aussi ce souci là du fait qu'il y a beaucoup déjà de cas dans nos tribunaux. Puis bon, les délais en justice, c'est un... complètement autre chose, là, mais ça touche ça. Alors, bref, vous, qu'en pensez-vous? Pensez-vous qu'on atteint l'objectif de désembourber?

M. Voghel (Merlin) : Bien, d'abord, je tiens à dire que j'espère que vous aurez deux, trois questions pour moi. C'est le but de ma présence et je tiens à dire que je suis conscient, c'est un sujet qui est extrêmement complexe, l'expropriation, hein? Lorsqu'on s'y plonge, il y a un degré de réponse qui pourrait être adopté par le gouvernement, et ce n'est pas... par l'Assemblée nationale, pardon, mais ce n'est pas facile de déterminer lequel rétablit réellement l'équilibre, donc d'où la disparité des points de vue, j'en conviens.

Assurément, le CQDE, on ne dit pas que le projet va venir nuire à la protection des milieux naturels. Ce qu'on réitère, par contre, c'est qu'effectivement il risque d'encourager les recours. Pourquoi? Parce que, comme je viens de le dire, en vertu de l'article 170, on élargit le spectre de l'expropriation déguisée. Donc, je vous donne un exemple, un propriétaire qui, sur son terrain, ne peut plus utiliser une partie de son terrain qu'il n'a jamais utilisé, qui est un boisé, qui soudainement est conservé, ne perd pas l'usage qui a toujours eu cours sur sa propriété, mais se voit plutôt dépouillé de l'usage qu'il peut faire sur une partie de la propriété, ce qui peut être considéré comme un démembrement en vertu de l'article 70, et donc appeler à un recours en expropriation déguisée et en indemnité. C'est là qu'on voit un élargissement important du spectre de l'expropriation déguisée, donc un potentiel accroissement des recours devant les tribunaux.

Au niveau temporel, maintenant, si vous me permettez de répondre en deux volets, au niveau temporel, le projet de loi, ce qu'il prévoit, de mémoire, à l'article 240, c'est une sanction, une entrée en vigueur six mois après la sanction du projet de loi. Selon le CQDE, ça risque d'engendrer une course contre la montre pour se prévaloir de recours qui sont sous un régime plus favorable, notamment, en fait, d'indemnisations. Parce qu'on ne nie pas que le projet de loi n° 22 va avoir un certain effet dans la réduction des coûts, ce qu'on... des coûts d'indemnisation. Ce qu'on vous dit, par contre, c'est que cette diminution-là, elle n'est pas suffisante pour permettre non seulement au gouvernement et à l'État, les instances municipales, de s'acquitter de leur devoir de conservation, mais d'un même souffle, reconnaître aussi la responsabilité des propriétaires dans cet effort de conservation là qui n'incombe pas uniquement à l'État, mais aussi aux individus, selon nous.

Donc, d'où notre suggestion d'agir sur l'indemnisation en fixant la valeur dans le temps. Mais j'aurais tendance à vous dire, pour éviter un engorgement des tribunaux, en raison de la portée temporelle du projet de loi n° 22, ce qu'on vous suggère, c'est d'agir rétroactivement. L'Assemblée nationale, elle a le pouvoir de le faire, elle a le pouvoir d'intervenir pour modifier, y compris l'interprétation de la loi, alors qu'un recours est déjà pendant...

M. Voghel (Merlin) : ...les tribunaux se sont déjà prononcés sur cet aspect-là, dont la Cour suprême, il est possible de venir modifier l'interprétation de la loi. Et si vous regardez notre mémoire à notre dernière recommandation, ce que nous suggérons, c'est de mandater le procureur général afin qu'il intervienne, fasse suspendre les instances jusqu'à ce que le projet de loi soit sanctionné pour s'assurer qu'on répande... réponde réellement au cri d'alarme qui a été lancé par les municipalités. J'ai écouté notamment la CMM qui reconnaissait faire face à plus d'1 milliard de dollars en indemnisations demandées dans le cadre de recours. Reconnaître qu'on veut agir sur l'expropriation déguisée, selon nous, c'est vouloir se donner les moyens d'agir pour endiguer un transfert massif de fonds publics vers des intérêts privés, notamment dans le cas des recours pendants, mais aussi immédiatement dès la sanction.

Mme Guilbault :Puis pour les notions, justement, je disais qu'on venait encadrer certaines notions qui actuellement ne le sont pas. Donc... Bien, d'abord remplacer la valeur du propriétaire par la valeur marchande, venir encadrer l'UMPP, vous avez abordé l'UMPP... l'UMEPP, je pense que vous l'appelez?

M. Voghel (Merlin) : L'UMEPP.

Mme Guilbault :L'UMEPP. Parfait. Je vais appeler ça comme ça maintenant. Donc l'UMEPP et... Et donc... Et même l'expropriation déguisée, les articles 170, 171, quoique certainement imparfaits, on vient quand même ajouter des balises, tu sais, le trois ans. On vient ajouter aussi pour les municipalités une possibilité de se retirer. Donc, ces notions-là qu'on vient baliser, est-ce qu'à tout le moins vous considérez que c'est un gain ou une avancée? Ou est-ce que, selon vous, ça n'atteint pas l'objectif? Toujours d'avoir de la prévisibilité puis...

M. Voghel (Merlin) : En tout respect...

Mme Guilbault :Oui, allez-y.

M. Voghel (Merlin) : Ça accroît la prévisibilité. Je pense que personne ne peut le nier. En toute franchise, ça accroît la prévisibilité. Cependant, est-ce que ça fait suffisamment de travail? Est-ce que ça répond suffisamment aux problématiques? En tout respect, la réponse, elle est non. Je reviens aux articles 170, 171. Ce qu'on voit, c'est qu'elle permet le retrait d'un acte qui aurait un effet de dépossession uniquement lorsqu'il découle notamment de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou de la Loi sur le patrimoine culturel. Ces deux dispositions là ne couvrent même pas la compétence des municipalités en matière environnementale qui sont prévues à la Loi sur les compétences municipales. Donc, on occulte le plan réglementation environnementale qui est la sphère de prédilection de l'expropriation déguisée. Donc, dans sa portée et dans leur portée, les articles 170, 171 ne s'intéressent même pas à la compétence environnementale municipale. Les pouvoirs provinciaux ne bénéficieraient pas... Je ne veux pas prendre trop de temps non plus, là, je... Donc les pouvoirs municipaux ne...

Mme Guilbault :Le partage du temps, c'est toujours complexe.

M. Voghel (Merlin) : Oui, ça, c'est... Je n'ai aucun doute. Mais les pouvoirs provinciaux ne bénéficieraient même pas de cette mesure-là. Il faut toujours garder à l'esprit aussi que donner l'opportunité à une municipalité de retirer un acte, généralement, elle ne pourra pas le faire. Pourquoi? Bien, parce que cet acte-là, qui a un effet de dépossession, un effet expropriant, bien, il découle d'obligations qui proviennent du gouvernement provincial. Donc, on offre finalement la possibilité aux municipalités de retirer ce que, dans la plupart des cas, elles ne pourront pas retirer. Et encore, lorsqu'elles le pourront, on le fait au détriment de l'environnement. Ce qu'on dit, c'est finalement payer ou retirer ce qui vous coûtera trop cher pour vous acquitter de vos obligations en matière de protection environnementale. C'est une approche qui est assez inquiétante.

Je reviens sur l'UMEPP, sur les indemnités. Je vous ai fait transmettre une feuille en soutien à l'allocution que je vous présente aujourd'hui. Je ne sais pas si vous l'avez sous la main, Mme la ministre, mais j'attire votre attention sur la deuxième page, donc l'endos, ça a été imprimé recto verso. J'y ai recensé trois cas que j'ai pris au hasard en matière de conservation. J'ai tenté de regarder quand même des décisions du Tribunal administratif du Québec relativement récentes en matière d'expropriation. Et le projet de loi no 22 prévoit entre autres que lorsqu'on s'en remet à l'UMEPP pour calculer l'indemnité, il n'y a pas d'indemnité accessoire en préjudice pour convenance, troubles, ennuis, inconvénients.

• (17 heures) •

Si vous regardez les chiffres dans la colonne de droite, dans le tableau que je vous ai fourni, ce que vous allez constater, c'est que les montants pour ces indemnités accessoires là, ils sont d'une incidence très faible par rapport à l'indemnité immobilière qui est accordée selon l'UMEPP. L'UMEPP, pour le CQDE, elle est problématique sous diverses dimensions, notamment temporelles. Je ne veux pas vous embourber dans les détails, mais on élabore beaucoup sur cet aspect-là dans notre mémoire, mais l'UMEPP, elle est aussi problématique en termes d'imprévisibilité. Lorsque vous regardez le document, vous ne l'avez peut-être pas sous les yeux, mais ce qu'on voit, c'est que les débats d'experts devant les tribunaux en matière de détermination de l'UMEPP, ça entraîne des disparités importantes des montants. La première affaire, Sintra, c'est une affaire qui a été tranchée en 2023, en juin 2023, si ma mémoire est juste. L'expert évaluateur de l'expropriante mentionnait un coût, selon l'UMEPP, de 894 000 $. Je suis dans la colonne...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Voghel (Merlin) : ...au centre, le premier carré au centre, dans la colonne du centre. Selon l'exproprié, l'expert de l'exproprié, cette évaluation-là, elle était de 2,6 millions de dollars. On a une disparité de près de 2 millions. Et l'indemnité finalement accordée par le tribunal, elle est de 2 millions. Lorsqu'on regarde les indemnités accessoires accordées, on parle de 5 000 $. Entre vous et moi, en termes de fonds publics, 5 000 $ versus près de 2 millions de dollars pour une indemnité immobilière, ce n'est pas en contournant les indemnités accessoires qu'on réalise des gains intéressants en termes d'équilibre souhaitable entre l'intérêt collectif et individuel en matière d'indemnisation pour expropriation. Même chose si je regarde la décision tout de suite en dessous, Terrebonne, c'était pour la création d'un corridor de biodiversité. Ce qu'on constate, c'est : pour l'expropriante, la valeur, selon l'UMEPP, était de 11,4 millions et, selon les expropriés, donc un évaluateur agréé et mandaté par les expropriés, on était à 140,6 millions de dollars de valeur.

Donc, lorsqu'on dit que l'UNEPP est un barème prévisible, en tout respect, ça me semble assez erroné et c'est surtout un barème qui ne semble pas suffisamment fiable pour permettre aux tribunaux d'éviter des débats d'experts qui sont extrêmement lourds. Et surtout, au risque de me répéter, le fait d'agir sur les indemnités ne s'attaque pas au réel problème des indemnités prohibitives qui découle davantage de l'application de l'UMEPP.

Le projet de loi, à son article 87, effectue certaines codifications de ce qu'est l'UMEPP. Il reprend, cependant, presque précisément mot pour mot les normes actuelles de pratique des évaluateurs agréés. C'est une codification de ce qu'on voit déjà dans la jurisprudence de ce qui est déjà appliqué par les évaluateurs. Et, selon nous, le fait de codifier n'aura pas pour effet d'endiguer les problématiques qu'on constate en termes d'indemnisation.

Mme Guilbault :Parfait. Merci beaucoup. Je vais céder la parole à ma collègue d'Argenteuil pour le reste de notre temps. Merci beaucoup. Très intéressant.

M. Voghel (Merlin) : Ça fait plaisir. Merci, à vous.

Le Président (M. Jacques) : Merci, Mme la ministre.

Mme Grondin : Vous me donnez la parole, M. le Président?

Le Président (M. Jacques) : Oui, Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci. Me Voghel, merci beaucoup. En fait, je constate que vous avez dédié, évidemment, votre mémoire sur toute la question de la protection des milieux naturels, la conservation, mais il reste que le projet de loi actuel a aussi probablement des effets intéressants sur d'autres projets structurants d'utilité publique si on pense au transport en commun ou au logement abordable, ou tout autre enjeu que l'on vit comme société. Est-ce que... si on met de côté la partie conservation, est-ce que vous considérez, d'une part, qu'il y a comme un juste équilibre que l'on retrouve entre l'exproprié et l'expropriant? Et est-ce que vous trouvez que ce projet de loi là répond à certains objectifs, qui sont une meilleure localisation, un meilleur contrôle des coûts pour les équipements publics et peut-être une réalisation plus efficace des projets structurants publics?

M. Voghel (Merlin) : Assurément notre organisme ne s'intéresse qu'à la conservation environnementale. Notre mission, c'est la protection de l'environnement. Donc, lorsque vient le temps de s'intéresser aux autres dynamiques, c'est un choix conscient de notre part de cibler notre mémoire et notre analyse uniquement sur les... que sur les pouvoirs de conservation.

Je vous explique pourquoi brièvement. C'est qu'actuellement on fait face à une crise. La Cour suprême, en 2021, nous le disait, les changements climatiques, c'est un défi existentiel qui met en péril la survie, bon, de notre espèce, de nos collectivités, pas uniquement au Canada mais à l'échelle planétaire. C'est reconnu par le plus haut tribunal au pays. Cette urgence-là, elle nous impose des efforts dans un laps de temps très réduit et des efforts très importants dans un laps de temps réduit, ce qui emporte donc une pression importante sur les finances publiques dans un laps de temps réduit. En bon Québécois, les actions qu'on veut poser pour lutter contre les changements climatiques, il faut les poser maintenant par des actions concrètes, sérieuses et de grande ampleur. Est-ce que l'État, avec les fonds dont elle dispose, elle a les fonds pour s'acquitter de cette mission-là? Selon nous, elle a besoin de bénéficier d'un certain apport qui découle notamment des propriétaires, tout en respectant leurs droits. On doit s'assurer que l'État peut répondre et se dote des moyens de répondre à l'urgence climatique.

Quant aux autres projets structurants, j'en reviens à votre question, Mme la députée d'Argenteuil. Les autres...

M. Voghel (Merlin) : ...projets, ils sont généralement vitaux pour les collectivités, personne ne peut le nier, s'exerce toujours à des fins publiques. L'expropriation doit s'exercer à des fins publiques, c'est un concept légal. Malgré tout, dans certains cas, il y a de ces projets d'infrastructure là qui peuvent être reportés.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Ceci termine le temps du gouvernement, donc je cède maintenant la parole à M. le député.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Merci, Me Voghel. Merci pour votre mémoire, en fait, très, très fouillé, avec un nombre important de décisions jurisprudentielles à l'appui.

Je comprends qu'évidemment, compte tenu de votre organisme, vous vous intéressez en matière de conservation, protection de l'environnement, et c'est vraiment votre expertise. Maintenant, j'aimerais... Parce qu'on essaie de rechercher un équilibre. Je comprends ce que vous dites également, qu'il y a urgence d'agir, là, puis vous citez la Cour suprême pour appuyer votre énoncé. Mais, en termes d'équilibre entre l'expropriant puis l'exproprié, parce qu'évidemment la personne qui va perdre un bien, forcément, va devoir se relocaliser ailleurs, ça peut être une entreprise, ça peut être un particulier avec sa résidence, ça peut être des locataires, et donc, dans cet équilibre-là, il faut qu'il y ait une indemnité qui soit donnée à un moment donné. Je comprends que vous, vous craignez, au fond, que le projet de loi n° 22 n'aille pas assez loin en termes de pouvoir qu'il pourrait donner à des organismes expropriés. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Voghel (Merlin) : En fait, ce n'est pas... Notre position n'est pas à l'effet que le projet de loi ne donne pas suffisamment de pouvoir. C'est plutôt qu'il n'encadre pas un phénomène qui se produit déjà devant les tribunaux, l'expropriation de fait. On se remémore que l'expropriation de fait, ça découle d'allégations comme quoi un acte ou un règlement, qui n'est pas un règlement d'expropriation, un pouvoir d'expropriation, a un effet de dépossession sur le propriétaire. Donc, le projet de loi devrait encadrer pour réduire la possibilité d'alléguer une expropriation de fait, donc devrait créer des balises légales claires, qui permettent de résorber ce phénomène. Le projet de loi, à notre sens, ne met pas en cause les pouvoirs d'expropriation qui sont déjà prévus dans la loi.

Je me permets d'aborder ce que vous disiez...

M. Morin : Donc là, vous faites référence aux articles 170, 171, notamment?

M. Voghel (Merlin) : En fait, 170 et 171 abordent la réparation en cas d'expropriation, de conclusion d'un tribunal comme quoi il y a expropriation déguisée. Donc, ce qu'on dit, c'est, à ce moment-là, la chance sera donnée à l'instance municipale de retirer l'acte ou de faire le choix de payer l'indemnité qui aura été déterminée par les tribunaux. Donc, on parle de la réparation, mais on ne vient pas encadrer ce qu'est ou ce qui n'est pas de l'expropriation déguisée.

M. Morin : Et, à ce moment-là, est-ce que, selon vous, inclure dans le projet de loi une définition de ce que c'est que l'expropriation déguisée pourrait augmenter, finalement, la portée ou l'utilité du projet de loi?

• (17 h 10) •

M. Voghel (Merlin) : Certainement, certainement, en fait, c'est même une recommandation directe que fait le CQDE dans le cadre de son mémoire. Vous allez le trouver à l'annexe un de notre mémoire. Je vais vous donner la disposition précise. Donc, vous en verrez un exemple à l'article 176, qui est proposé en page 60 de notre mémoire. Et, bien entendu, nous y réfléchissons uniquement en termes de conservation. Pourquoi? Bien, parce que l'urgence de la situation appelle à encadrer strictement ce qui est et ce qui n'est pas de l'expropriation de fait.

Le fait d'adopter une disposition, telle qui vous est suggérée à l'article 176 de notre mémoire, permettrait aux instances municipales et provinciales de venir se coller sur les critères légaux qui seraient élaborés lorsqu'elles exercent des pouvoirs qui ne sont pas des pouvoirs d'expropriation. Donc, autrement dit, en s'assurant de respecter les critères qui sont là, nos instances publiques n'auraient pas à s'inquiéter d'un recours en expropriation de fait, éviteraient donc les frais d'honoraires, les frais judiciaires et l'engorgement des tribunaux.

En fait, le corpus qu'on vous a soumis en annexe un reflète l'ensemble de nos recommandations. S'il est intégré tel quel au projet de loi n° 22, le CQDE n'aurait pas d'inquiétude en matière d'expropriation de fait lorsqu'on est en contexte de conservation. Pourquoi? Bien, parce qu'on viendrait donner les coudées franches à l'ensemble des autorités publiques pour agir en matière de protection de l'environnement...

M. Voghel (Merlin) : ...tout en assurant l'équilibre envers le propriétaire, une protection qui est suffisante. Vous me posez la question, à savoir il faut lui donner une indemnité à ce propriétaire-là qui fait l'objet d'une expropriation. Certainement, qu'il faut le faire, c'est une question, à notre sens, de justice sociale, mais encore faut-il que cette indemnité ne verse pas non plus dans le profit ou dans la spéculation.

C'est la raison pour laquelle on se remet à une évaluation municipale, qui, parfois, pourra être moindre qu'un... parfois, pour être plus qu'un... On le reconnaît, il peut y avoir certains glissements. Là où on atteint des garanties suffisantes, c'est en combinant une indemnité selon l'évaluation municipale à d'autres pôles d'indemnisation, notamment préjudices, valeur de convenance, troubles, ennuis, inconvénients, y compris, selon ce que projette le projet de loi no 22, des indemnités en réaménagement aussi.

Donc, la valeur municipale, on vous le soumet, il ne faut pas la démoniser, parce qu'elle est complétée par d'autres indemnités que prévoit déjà le projet de loi et qui permettent donc aux propriétaires d'en sortir la tête haute sans subir un préjudice, tout en réinstaurant un équilibre pour la société aussi, qui doit agir en matière de conservation.

M. Morin : On a écouté, cet après-midi, l'Association des propriétaires de terrains de golf, qui, eux, évidemment, ont des craintes parce que, justement, ils disent : Si jamais on est expropriés ou si on est expropriés partiellement, ça pourrait être pour des fins de conservation, même si un terrain de golf, en soi, c'est un espace vert, que, finalement, ils ne pourront jamais se relocaliser, donc, avec le projet de loi actuel, et donc continuer évidemment cette activité-là, sportive et commerciale. Vous en pensez quoi?

M. Voghel (Merlin) : Ce pouvoir, il existe déjà, hein, projet de loi no 22 ou non. Les propriétaires de terrains de golf sont déjà à risque de se faire exproprier, comme tout citoyen, d'ailleurs, lorsqu'un citoyen a sur son terrain des espaces verts. Les pouvoirs d'expropriation, ils existent, ils ne sont pas nouveaux. En fait, Mme la ministre le soulignait tout à l'heure, ça va être la première refonte de la loi depuis près de 40 ans. Ça ne change pas la donne, en termes de pouvoirs, mais alors pas du tout.

Là où on veut voir la donne changer, c'est en termes d'indemnisation. Et encore, bien, si un terrain de golf ne peut pas se relocaliser, peut-être en va-t-il d'un choix de société aussi. Peut-être que les valeurs sociales ont évolué et appellent à des mesures qui sont autres. Il faut le considérer, ça aussi, en tout respect pour les propriétaires de golf, qui est une activité parfaitement sensationnelle, je le dis avec un sourire, mais, malheureusement, il y a cette réalité dans la difficulté de se retrouver un endroit où habiter pour tout le monde, et c'est peut-être un autre enjeu social. Quand on pense aux logements sociaux aussi, il y a d'autres dimensions qui doivent être considérées. On ne parle pas uniquement d'expropriation, mais d'une myriade de dimensions collectives, là, de dimensions sociales.

M. Morin : Et je comprends de vos propos, en fait, quand on réfère aux articles 170, 171, qu'au fond permettre à une municipalité de se retirer plutôt que de payer un montant, bien, dans bien des cas, la municipalité ne peut pas parce que le règlement l'oblige à faire ce qu'elle fait. Donc, au fond, c'est deux articles qui ne sont peut-être pas très utiles pour les municipalités. En tout cas, ça n'ajoute pas beaucoup de mécanismes utiles pour eux, parce qu'ils sont obligés d'adopter certaines réglementations, ils ne pourraient pas se retirer de toute façon. Donc, je comprends que, là-dessus, le projet de loi, selon vous, fait fausse route.

M. Voghel (Merlin) : Oui, tout à fait. Et fausse route notamment par l'élargissement de la possibilité de plaider l'expropriation déguisée.

M. Morin : O.K., parfait. J'ai une dernière question. Le projet de loi permet aussi des types d'indemnités pour les locataires. C'est aussi quelque chose, évidemment, moi, qui m'habite. Quelqu'un qui resterait dans un logement, parce que, des fois, il y a des expropriés qui sont de grands propriétaires, il y en a, des fois, c'est des petits propriétaires, il y a des locataires. Quelqu'un qui vit dans son logement depuis 10, 12 ans... On a une crise du logement, pensez-vous que le projet de loi est suffisant pour que ces gens-là puissent se relocaliser et trouver un logement ailleurs ou s'il faudrait bonifier le projet de loi en ce sens-là, quant aux indemnités?

M. Voghel (Merlin) : Avec égard, ce qu'il faudrait peut-être bonifier, c'est la disponibilité des logements sur le marché locatif. Lorsqu'on réfléchit, au CQDE, à la question de l'expropriation, c'est sûr qu'on y réfléchit beaucoup en termes d'expropriation de fait, parce que c'est ce qui affecte beaucoup les pouvoirs de conservation. Lorsqu'on vient protéger des milieux, ce sont généralement des milieux qui ne sont pas développés, des milieux naturels non développés qu'on souhaite conserver. Dans ce contexte-là, la mise en jeu des droits des locataires est beaucoup moins fréquente, beaucoup moins importante. Un locataire n'est pas un propriétaire et ne peut donc pas alléguer une expropriation...

M. Voghel (Merlin) : ...déguisée. Donc, c'est la raison pour laquelle le CQDE ne s'intéresse pas à ces dimensions-là dans le cadre de son mémoire. Je ne voudrais pas me prononcer sur quelque chose qui n'a pas été creusé et je ne voudrais pas vous induire en erreur.

M. Morin : Parfait, je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jacques) : Merci, M. le député d'Acadie. Je cède maintenant la parole à M. le député de Taschereau.

M. Grandmont : Merci beaucoup. Merci, Me Vogel, pour votre intervention, votre mémoire aussi, très, très étayé, très, très complet. Merci de votre participation. Écoutez, j'ai envie de vous entendre, d'abord, sur ce que vous proposez, en fait, là, à la page 53, là. Vous parlez d'un régime particulier d'indemnisation pour les expropriations à fins de conservation. Est-ce que ça veut dire que, pour le reste du p.l. n° 22, on est à la bonne place pour les expropriations qui sont d'autres finalités? Est-ce qu'on va assez loin? Parce que vous semblez vous concentrer vraiment sur les fins de conservation. Est-ce que le reste, dans le fond, le p.l. est correct, est assez solide?

M. Voghel (Merlin) : J'aimerais beaucoup pouvoir vous répondre. Encore une fois, en tout respect, je ne veux pas le faire, pour ne pas vous induire en erreur et pour respecter la mission de l'organisme que je représente. Notre mission se concentre exclusivement sur la conservation, sur la protection des milieux naturels. C'est la raison pour laquelle on vous soumet un régime qui est distinct. Pourquoi? Encore une fois, j'y reviens, urgence d'agir. Par contre, pour ce qui est des autres dimensions, ce n'est pas notre mission d'avancer là-dedans, ce n'est pas notre mission de se pencher sur ces sujets-là.

M. Grandmont : Parfait, excellent. Bien, en tout cas, c'est une idée qu'on va retenir, qui est intéressante. Sinon, pour l'article 170, vous mentionnez que ça ne couvre même pas les pouvoirs de zonage régulier des municipalités ni les expropriations effectuées par le gouvernement. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu là-dessus, s'il vous plaît?

M. Voghel (Merlin) : Oui, certainement. En fait, c'est que l'expropriation, ce n'est pas l'apanage uniquement, là, des municipalités. C'est l'apanage aussi du gouvernement provincial, des autorités provinciales, ministères, organismes de l'État, à proprement parler. Donc, le provincial, si vous me permettez ce langage, ne s'octroie aucune réparation, donc, même imparfaite, en tout respect, selon ce qu'on constate aux articles 170 et 171. Les autorités publiques provinciales ne bénéficieront même pas de ce régime-là.

Mais, plus encore, lorsqu'on regarde le libellé même de l'article 170... je ne sais pas si vous avez le projet de loi sous les yeux, j'y vais dans un petit instant... ce qu'on peut y lire, c'est que, bon, «le recours d'un titulaire d'un droit portant sur un immeuble, devant la Cour supérieure, en réparation du préjudice subi en raison de l'effet de dépossession de son droit ou de suppression de tout usage raisonnable qui résulte d'un acte municipal — donc, on exclut les instances provinciales — pris en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou en vertu de la section III du chapitre IV de la Loi sur le patrimoine culturel»... Or, la compétence des municipalités en matière d'environnement, elle est à la Loi sur les compétences municipales.

Donc, je vous donne un exemple. Une municipalité qui, aujourd'hui, adopterait un règlement, en vertu de ses compétences environnementales, pour venir encadrer les usages, par exemple, en milieu forestier, aux fins de protection de l'environnement, ne bénéficierait même pas du mécanisme qui est prévu à 170 et, dans un cas où elle adopterait une telle réglementation, en réponse à une obligation qui découle d'une loi provinciale ou d'OGAT, orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire, ne pourrait même pas, non plus, bénéficier, ici, de ce pouvoir-là.

• (17 h 20) •

Donc, on est face à un silence de la loi, un grand vide, où, finalement, on tente d'offrir un plan B aux municipalités, un plan B qui est dangereux, parce qu'il accroît le phénomène de l'expropriation déguisée, mais qui, en plus, omet la compétence principale des municipalités en matière environnementale.

M. Grandmont : Parfait, merci, c'est très éclairant. J'ai vu des yeux s'écarquiller quand vous parliez. Peut-être une dernière chose, rapidement. Il y a la CMM qui nous a proposé, là, un élément intéressant, elle disait... elle demandait des pouvoirs d'expropriation pour les municipalités sur des terres agricoles non exploitées depuis trois ans. Est-ce que vous pensez que c'est un élément qui peut être intéressant à ajouter au p.l.?

M. Voghel (Merlin) : J'ai tendance à vous dire : Je n'ai pas exploré cette voie-là. Ce n'est pas quelque chose qu'on a envisagé, parce qu'on se situe davantage dans encadrer, du côté du CQDE, encadrer ce qui est ou ce qui n'est pas de l'expropriation, et, à notre sens, ça, ça suffit. Ensuite de ça, les pouvoirs d'expropriation, ils sont déjà prévus dans des lois particulières. Les municipalités, elles ont déjà des pouvoirs d'expropriation qui sont prévus au Code municipal, qui sont prévus aussi à la Loi sur les cités et villes, dépendamment de quelle instance municipale on parle. Donc, le pouvoir d'expropriation, il existe déjà.

Ensuite, c'est une question éminemment juridique. Pourquoi? Mais parce que le zonage agricole, il est de la compétence de la...

M. Voghel (Merlin) : ...le TAQ avec une compétence exclusive accordée à la CPTAQ.

M. Grandmont : Merci beaucoup pour vos propos éclairants.

M. Voghel (Merlin) : Merci à vous.

Le Président (M. Jacques) : Merci beaucoup, M. le député. Je vous remercie aussi, M. Voghel, pour la contribution à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à jeudi, 21 septembre 2023, à 7 h 30, où elle se réunira en séance de travail.

(Fin de la séance à 17 h 22)


 
 

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