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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, March 8, 1979 - Vol. 21 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 126 - Loi sur les normes du travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 126

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour entendre les mémoires concernant le projet de loi numéro 126, Loi sur les normes du travail. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson); M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou); M. Johnson (Anjou); M. Lavigne (Beauharnois); M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Pagé (Portneuf); M. Roy (Beauce-Sud); M. Vaillancourt (Jonquière). Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond); M. Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke); M. Jolivet (Laviolette); M. Laplante (Bourassa); M. Lefebvre (Viau); M. Paquet (Rosemont); M. Springate (Westmount); M. Samson (Rouyn-Noranda). J'inviterais les membres à faire nommer le député de Beauharnois comme rapporteur des travaux de cette commission.

M. Lavigne: Je n'ai pas d'objection.

Projet de loi no 126

Le Président (M. Marcoux): Aujourd'hui, après les introductions d'usage, nous entendrons les mémoires de la Confédération des syndicats nationaux, du Conseil québécois du commerce du détail, de l'Association des industries forestières du Québec Limitée, de la Centrale de l'enseignement du Québec, de l'Association des manufacturiers de mode enfantine et du Comité consultatif de l'immigration du Québec. M. le ministre.

Remarques générales

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, nous sommes réunis pour entendre les mémoires de ceux qui ont déposé de tels mémoires au secrétariat des commissions, en date du 1er mars. Nous avons reçu dix-huit mémoires, si je ne me trompe, plutôt vingt-quatre, pardon; alors quelques-uns sont entrés un peu plus tard. Nous en entendrons, donc, aujourd'hui et ensuite deux jours durant la semaine du 20, soit les 21, 22 ou 20, 21, selon le cas.

Nous allons discuter de ce projet de loi 126, qui s'appelait la Loi créant la commission des normes de travail à l'origine, et .maintenant, la Loi sur les normes du travail. Il s'agit, en fait, d'une série de dispositions qui refondent la Loi de la commission du salaire minimum, qui visent à permettre l'extension à l'ensemble des travailleurs du Québec, qu'ils soient syndiqués ou non, d'un minimum de conditions. Il faut bien comprendre, quand on parle de conditions minimales, qu'on ne pense pas et qu'on ne parle pas d'un plancher qui permettrait de considérer, finalement, que c'est l'Etat qui détermine les conditions de travail de l'ensemble des salariés du Québec. Nous sommes, comme gouvernement, convaincus que la meilleure façon, pour les salariés qui, librement, veulent y adhérer, d'acquérir des conditions de travail qui les satisfassent, cela demeure quand même la syndicalisation.

Cependant, en l'absence de syndicalisation pour des raisons historiques ou à cause de contraintes juridiques, les insuffisances de notre code, ou encore pour d'autres raisons d'extrême mobilité dans certains secteurs, par exemple, nous croyons qu'il valait la peine, après au-delà de 40 ans maintenant d'existence de la commission, de revoir l'ensemble de ces normes pour, d'une part, respecter un engagement que ce gouvernement a pris avant la dernière élection et, deuxièmement, reprendre également ce qui a été évoqué au sommet de la Malbaie, en mai 1977.

Ces conditions touchent, d'une part, ce projet de loi, parlent évidemment, pour les choses qui sont un peu plus prosaïques de la structure de la commission, de ses pouvoirs, de son mode de fonctionnement, sa composition et, sur le plan substantif, on établit une série de conditions qui permettent au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir par règlement certaines choses, mais surtout une série de dispositions vraiment contenues dans le projet de loi.

Je dois dire historiquement que le premier projet que j'avais soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre était beaucoup moins considérable, en termes de droit substantif, mais il donnait un pouvoir réglementaire extrêmement important au gouvernement.

La réaction à peu près unanime des membres du Conseil consultatif a amené le gouvernement a reformuler ce projet, les parties jugeant que ce pouvoir réglementaire était peut-être un peu exorbitant et qu'il est en général mieux de vraiment inscrire clairement dans les lois les droits, plutôt que laisser l'arbitraire à l'exécutif dans ce domaine.

Nous avons été sensibles à ce genre d'argument. A certains égards, je peux partager ce type de préoccupation. Nous avons quand même conservé un pouvoir réglementaire pour le gouvernement dans des matières où la souplesse est nécessaire à cause de la complexité technique des domaines à couvrir. J'ai l'impression, d'ailleurs, que certains des mémoires vont évoquer cela.

Sur le plan du droit substantif, évidemment, le salaire minimum lui-même continuera d'être fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil et non pas par la commission, bien qu'historiquement, on sache que c'est le gouvernement qui a toujours assumé la responsabilité de la fixation du salaire et non pas la commission qui était toujours dans un rôle un peu ingrat d'être obligée de faire les oeuvres, hautes ou basses, du gouvernement à cet égard.

Je pense qu'il faut que le pouvoir politique assume sa responsabilité de l'augmentation, du maintien ou du degré d'augmentation du salaire minimum.

Deuxièmement, une série de dispositions sur les différents congés, que ce soient les congés annuels, les congés hebdomadaires, le droit à avoir le congé, par opposition à simplement l'indemnisation pour l'équivalent du nombre de semaines, — c'est-à-dire les 4% — l'introduction de la notion de trois semaines après dix ans, les dispositions habilitantes qui camperont, de façon définitive, le pouvoir en matière d'ordonnances de congé de maternité beaucoup plus clairement. Une série de dispositions également en cas de rupture du contrat de travail, les conditions dans lesquelles ça se fait et, finalement, des dispositions qui vont rendre cette loi applicable, parce que les reproches qu'on a faits à cette loi, depuis quelques années, étaient que, finalement, elle était relativement inopérante; parce que, d'une part, les amendes étaient tellement ridicules que certains employeurs pouvaient décider ou choisir de ne pas être très diligents dans l'application de la loi et les sanctions étaient finalement minimes; d'autre part, parce que le salarié n'était pas vraiment protégé. Nous introduisons cette disposition qui est fondamentale pour la protection des droits des travailleurs, et nous la revoyons dans le cadre de cette loi, étant donné qu'on en a déjà discuté, lors de l'étude de la loi 43 l'an dernier. Nous permettons au travailleur qui se plaint à la Commission du salaire minimum d'obtenir la protection de son emploi, s'il devait être congédié, par la création du même type de présomption que celle qui existe dans le Code du travail, à l'égard du congédiement pour activités syndicales.

D'autres dispositions prévoient la création d'un fonds pour l'indemnisation des salariés victimes de faillite, avec évidemment des plafonds et, finalement, une autre disposition qui devrait rendre la loi beaucoup plus opérante auprès des travailleurs, qui est le droit que la commission aura d'indemniser le salarié pour les sommes qui lui seraient dues à cause d'un non-respect des dispositions de la loi, directement, et ensuite la commission verra à poursuivre l'employeur, le cas échéant. Ce qui, évidemment, risque de donner un peu plus de dents à l'application de la loi.

Or, de façon générale, je pense qu'il faut voir ce projet de loi comme étant une amélioration, je crois sensible, de la loi et des dispositions qui touchent quand même 1 500 000 salariés du Québec. Même si tous ceux-là ne sont pas nécessairement au salaire minimum, ils bénificieront à divers titres des protections ou de l'ensemble ou de certaines parties de la loi.

Je pense que, dans les circonstances, je serais prêt à écouter les mémoires et commentaires. J'espère que les gens qui viendront ici pourront répondre à nos questions. Evidemment, je présume qu'on aura l'occasion d'entendre les commentaires de l'Opposition.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Effectivement, lors du dépôt du projet de loi 126, nous avons — nous, de l'Opposition officielle — eu l'occasion de nous déclarer satisfaits à l'égard du principe et des principes que sous-tend le projet de loi 126. (10 h 30)

Je crois que tous les parlementaires de l'Assemblée nationale conviennent que ce projet de loi évoque des améliorations et présente des améliorations sensibles à l'égard des conditions minimales de travail qui s'appliqueront éventuellement, une fois le projet de loi adopté, à plus de 100 000 travailleurs du Québec. On convient qu'il y a peut-être 60% des travailleurs qui ne sont pas syndiqués au Québec, qui ne sont pas placés dans une position relative de force à l'égard de la négociation de leurs conditions de travail. Entre autres, nous nous déclarons particulièrement satisfaits que ce projet de loi vienne contribuer à améliorer la condition, notamment, des travailleurs féminins au Québec qui, dans plusieurs cas, ont été placés dans des positions nettement défavorables au chapitre des conditions de travail. Il en est ainsi, notamment, pour les travailleurs immigrants qui, jusque dans une certaine mesure, auront à vivre avec des avantages nettement améliorés avec cette loi.

Nous sommes aussi satisfaits, il va de soi, des prévisions en ce qui concerne la faillite de certaines entreprises et de la protection que le projet de loi entend accorder à ces travailleurs ainsi affectés.

Cependant, M. le Président, c'est quand même un projet de loi qui aura des impacts dans d'autres secteurs, par exemple dans les conventions collectives. On peut présumer d'ores et déjà que cela aura des impacts dans les négociations qui viendront ultérieurement. Cela aura évidemment une série d'impacts dans l'application, l'extension et le contenu de plusieurs décrets qui s'appliquent. Je suis convaincu que l'étude du projet de loi 126 nous permettra d'aborder toute cette question de type d'intervention de la part du gouvernement, notamment au chapitre des décrets où on se devra d'avoir un débat de fond sur cette question-là et sur l'orientation que le gouvernement devrait prendre, selon nous, dans tout ce débat.

Cependant, M. le Président, vous conviendrez que nos réserves s'expliquent; d'ailleurs, c'est là notre rôle. Notre rôle est de faire en sorte que les inquiétudes à l'égard d'un projet de loi, on puisse les discuter, les débattre, les faire valoir. C'est ainsi que, à plusieurs reprises, des réserves ainsi exprimées à l'égard du ministère du Travail, notamment, amènent des amendements qui, somme toute, bonifient un projet de loi. Sans vouloir revenir sur des exemples plus spécifiques auxquels je pourrais faire référence et au sujet desquels le ministre pourrait convenir, ce dernier pourrait d'emblée souscrire avec moi au principe voulant que, jusqu'à maintenant, l'Opposition a joué non seulement un rôle utile, mais nécessaire dans la bonification de projets de loi. Je n'aurai

qu'à me référer au projet de loi 110 qu'on a eu l'occasion d'étudier il n'y a pas longtemps alors que notre contribution a certainement valu au ministre de bonifier son projet de loi.

C'est ainsi qu'au chapitre des réserves, nous pouvons détecter dans ce projet de loi un pouvoir réglementaire qui est assez large. Le gouvernement se donne des pouvoirs, le gouvernement permet... Si on se réfère au libellé de l'article 126, des choses sont précisées, mais il y a beaucoup de matières, qui sont accordées exclusivement à la discrétion et au bon vouloir du lieutenant-gouverneur en conseil, au représentant de la couronne et de Sa Majesté, en l'occurrence, le ministre du Travail.

Là-dessus, on va intervenir longuement, on va poser des questions et on va probablement formuler des amendements ou des suggestions après la deuxième lecture, au moment de l'étude du projet de loi article par article. Je conviens cependant que la commission se voit accorder des pouvoirs auxquels il est nécessaire de souscrire, parce que c'est bien, dans un premier temps, de souscrire à des principes, mais il faut aussi qu'une commission qui sera chargée de voir à l'application de ce projet de loi ait les moyens d'intervenir. A plusieurs reprises, dans presque tous les chapitres du projet de loi, on voit la définition de ces pouvoirs accordés à la commission et dont plusieurs sont tout à fait justifiés.

Il y a un autre aspect qu'il faudra aussi envisager, c'est une mesure sociale dite progressive. Cependant, vous conviendrez que toute mesure sociale se doit d'être envisagée, d'être étudiée dans une perspective de croissance économique et de développement économique. Je crois que tout gouvernement ou tout législateur responsable ne peut étudier un tel projet de loi sans y voir l'impact qu'il aura dans l'économie du Québec, les coûts qu'il impliquera et aussi — il faudra en convenir, à un moment donné — il faudra envisager la capacité de payer, parce que ce sont, somme toute, les contribuables du Québec qui paieront.

On peut souscrire au principe voulant que l'entreprise, que celui qui a le capital soit obligé de s'astreindre et de répondre à certaines normes, à certaines conditions minimales de travail; mais vous n'êtes pas sans savoir qu'en fin de compte, c'est le consommateur qui paie et, bien souvent, ce consommateur, c'est le travailleur, c'est celui qui a à payer les taxes et les impôts.

Alors, M. le Président, c'est un volet important, je pense, de tout le débat qu'on devra envisager et cette mesure qui s'inscrit avec beaucoup d'autres — on a eu l'occasion d'écouter le discours inaugural du premier ministre avant hier...

M. Johnson: II était excellent.

M. Pagé:... qui contient un train de mesures... qui contient évidemment beaucoup de mots...

Mme Lavoie-Roux: ... les autres préjugés.

M. Chevrette: Très bon, très bon. Cela vous agace, cela vous agace.

M. Bellemare: Non, non, cela ne m'agace pas du tout.

M. Chevrette: Les journalistes sont tous des PQ?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm, je vous demanderais de respecter le calme de cette commission.

M. Bellemare: Je vais vous les nommer.

M. Chevrette: Ils vont s'identifier eux-mêmes.

M. Bellemare: Ils le sont déjà.

Le Président (M. Marcoux): La parole est au député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je crois que l'intervention du député de Johnson était tout à fait justifiée. Je n'en dirais pas autant du député de Joliette-Montcalm, cependant.

M. Johnson: Si je comprends bien, vous faites vôtre que tous les journalistes sont des PQ? Vous êtes d'accord avec cela?

M. Pagé: Non, non, les réserves... ce n'est pas ce que le député de Johnson a dit, voyons! Les réserves que le député de Johnson... ce que le député de Johnson a dit, M. le Président, et je vais me permettre de vous le réitérer, c'est qu'il y avait beaucoup de mots, il y avait beaucoup de paroles complètement futiles et inutiles dans ce discours. D'ailleurs, on aura l'occasion de répliquer et j'espère que mon collègue de Joliette sera là pour écouter attentivement.

M. Chevrette: D'ailleurs, je me réserve le droit de parole immédiatement après vous.

M. Pagé: J'espère que vous serez là pour écouter attentivement et sérieusement et vous serez à même de constater qu'il y a avait beaucoup de mots dans tout cela.

M. le Président, j'espère que ce débat nous permettra de vider la question du pouvoir réglementaire une fois pour toutes. On sait que le ministre est un homme, un député qui aime se donner des pouvoirs. On l'a vu dans d'autres lois: la mise en tutelle de l'AECQ, etc. On pourrait revenir là-dessus. Vous y avez assisté presque impuissant, M. le Président, et vous vous rappelez comment j'étais peiné pour vous de voir que vous soyez obligé de souscrire à un principe comme celui-là. Vous vous le rappelez. C'est un homme qui l'aime, le pouvoir réglementaire, et qui aime l'appliquer. C'est la remise en cause, M. le Président, du pouvoir législatif et du pouvoir qu'on a ici, à l'Assemblée nationale, et on va la vider, cette question.

La question de l'aspect économique, on va l'envisager et j'espère que vous serez en mesure de nous donner de bonnes réponses là-dessus, des réponses qui seront autres que les réponses vagues qu'on est en droit d'avoir à l'Assemblée bien souvent, comme le genre de réponse que vous nous avez donnée hier, notamment sur le conflit de travail à la CTCUQ.

M. le Président, mon préambule ne sera pas plus long. Je suis bien heureux d'avoir, ce matin, des intervenants. On a plusieurs mémoires à entendre et on commencera par la Fédération des syndicats nationaux à qui je souhaite la bienvenue.

M. le Président, je m'en voudrais de terminer mon intervention sans vous faire part, vous signaler et vous rappeler qu'aujourd'hui c'est la journée de la femme et je suis bien heureux d'avoir à mes côtés mon collègue le député...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. M. Chevrette: C'est un sexiste. M. Pagé: J'ai parlé des femmes. M. Johnson: Oui, des femmes. M. Pagé: Oui, c'est cela.

M. Chevrette: L'égalité ou l'indépendance, comment dites-vous cela?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Pagé: D'égal à égal.

M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas que cela soit un débat...

M. Johnson: De croisés.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: Oui, c'est cela, que ce soit une assemblée contradictoire à la table, on n'est pas ici pour cela.

Le ministre doit être félicité, M. le Président, d'avoir eu au moins le courage de nous apporter une loi qui va établir un nouveau Code du travail pour les syndiqués. Ce nouveau Code du travail va sûrement assujettir au moins 1 500 000 travailleurs, puisqu'on a dans la province 2 400 000 à 2 600 000 travailleurs; on a aussi 123 000 ou 124 000 employeurs. Je pense, M. le Président, que s'il y a des bonnes choses dans la loi 126, il y en a d'autres qui me laissent un peu perplexe et je les dirai après les mémoires, lors de la deuxième lecture en Chambre.

Je pense surtout à une question que je me pose en lisant la loi, et je me demande si ce n'est pas la fin et le cimetière des comités paritaires, où l'employeur et les employés font bon ménage actuellement et, dans bien des cas, je pense qu'à part de doubler la surveillance qui va être établie, je ne dis pas au ministre qu'il veut faire du patronage et remplacer les anciens employés de la Commission du salaire minimum par d'autres; non, loin de moi cette pensée. Je suis sûr et certain que ce n'est pas cela qui l'a dirigé mais il va y avoir, dans bien des cas, des surveillances doubles, des postes en double qui sont actuellement remplis par les comités paritaires et par une organisation qui semblent avoir produit des bons effets.

Il y a une autre chose qui m'a surpris et fort agréablement, c'est de voir les nombreux mémoires qui ont été faits par les différentes associations ou les représentants des employeurs ou d'autres groupes, qui sont très nombreux. Cela prouve une chose: lorsque le ministre veut entendre les parties, les parties se font un plaisir de venir donner leur opinion, contrairement à ce qu'il a fait pour la loi 110, quand il a fait l'oreille sourde à nos cris, à nos interventions pour qu'on puisse entendre, lors de l'étude du projet de loi 110, des intervenants qui l'auraient guidé.

M. le Président, vous verrez que le ministre s'est trompé, vous verrez que le ministre, pour la loi 110, va apporter des amendements, des amendements, des amendements. On l'a vu le 21 décembre, la session s'est ajournée sine die, elle a repris le 6 février et déjà le ministre avait apporté des amendements aux amendements.

M. Johnson: 126.

M. Bellemare: Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que le ministre se prépare, cette session-ci, à apporter des amendements au 110. Imaginez-vous! Au moins, là il y a une prudence, celle d'écouter un peu, je ne dis pas qu'il va en tenir compte, mais d'écouter les mémoires. Je suis agréablement surpris de voir qu'il y en a eu autant, parce que, dans le monde du travail, ce n'est pas comme dans le monde professionnel. Il y a là des accointances différentes, il y a des principes qui ont été établis depuis plusieurs années. Quand on a établi le salaire minimum dans la province de Québec, je vous garantis qu'il n'y avait pas de grandes relations, au point de vue du travail, au point de vue des considérations. Là, vous ajoutez deux éléments nouveaux; vous ajoutez les agriculteurs, moins leur famille et à condition qu'ils aient trois employés qui soient des permanents, bien sûr. Puis vous ajoutez les domestiques, pourvu qu'ils fassent 30 heures par semaine. On verra cela tout le long de... Mais je dis, mais je répète que, s'il y a du bon dans la loi... Il y a, par exemple, quelque chose que je trouve bien, c'est qu'un salarié de la province de Québec va être couvert dans une autre province, à l'extérieur. Cela, je trouve que c'est bien, c'est une bonne pensée. Je pense aussi que les domestiques qui travaillent 30 heures et plus par semaine vont être couverts, je pense que c'est une bonne amélioration.

Mme Lavoie-Roux: Mais il faut qu'ils habitent là, M. le député.

M. Pagé: II faut qu'ils habitent là, à la résidence...

Mme Lavoie-Roux: Oui, à la résidence. M. Bellemare: Ecoutez...

M. Chevrette: Voulez-vous proposer un amendement, Mme...

M. Bellemare: Je ne suis pas pour vous donner tout ce que j'ai écrit, je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai 64 amendements; oui, 64 amendements.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas sérieux, il y a 60 articles!

M. Bellemare: Oui, mais un instant, prenez vent si vous avez des trous.

M. Chevrette: On le sait, on le sait, fâchez-vous pas!

M. Bellemare: II y a une chose qui reste...

M. Pagé: ... 150.

M. Bellemare: D'abord, je pense...

M. Pagé: Vous n'avez pas lu le projet de loi.

M. Bellemare: ... qu'il n'a pas lu la loi.

M. Chevrette: II l'a dictée par coeur.

M. Bellemare: II l'a regardée de travers comme cela. Il est bien intelligent, par exemple, mais seulement ce n'est pas une assemblée contradictoire, M. le Président. Je voudrais simplement remarquer que la loi, en ce qui regarde la construction, par exemple, cela ne s'appliquera pas pour la construction. Je donnerai mon opinion dans le temps, mais je pense que cela aussi, il faudra que... Maintenant, pour les congés de maternité... Là encore, je reviendrai sur les congés de maternité, dans le temps, en Chambre probablement. Il reste que la composition de la commission, la Commission des normes du travail, va être composée de sept membres. Il va y avoir un PDG permanent, il va y avoir un président et puis il va y avoir des postes pour cinq ans, pour un certain nombre d'entre eux, et des postes pour trois ans. Je ne dis pas que ce ne sont pas encore des bonnes choses. Quoique j'aie certaines restrictions: Comment vont-ils être engagés, qui va être choisi? Le ministre, je ne dis pas que je l'accuse, mais comme il y a de belles places pour faire du patronage comme cela, M. le Président! (10 h 45)

En tout cas, je passe cela sous silence pour le moment.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes nostalgique.

M. Johnson: Vous avez déjà été président de la Commission des accidents du travail, je pense?

M. Bellemare: Je connais... Oui, oui! Est-ce que c'est une question que vous me posez?

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: Non, je ne vous le permets pas.

M. Johnson: Ah bon!

M. Bellemare: C'est vrai qu'elle informe, qu'elle effectue des études concernant les normes du travail, que la commission reçoit des plaintes des salariés. Là où je trouve qu'il y a une nouvelle disposition dans la loi, c'est celle des dommages à la suite d'une faillite. C'est sûrement du droit nouveau. Je pense que par règlement, surtout, la nature des créances qui donne droit aux prestations qu'elle peut verser à un salarié à la suite d'une faillite d'un employeur.

Il y aura aussi les conditions d'admissibilité pour cette partie-là, leur montant, leur modalité, leur versement. Je comprends que c'est une belle innovation, cette dernière est subrogée aux droits des salariés concernant la concurrence d'un montant ainsi payé.

Il reste que le prélèvement que vous allez imposer de 1% fait en sorte que cela représente des millions à la fin de l'année, contrairement à ce qui existait dans le salaire minimum, parce que vous l'avez haussé. Alors 1%...

M. Johnson: La loi a toujours prévu que cela pouvait être 1%, sauf que ce n'est pas un prélèvement de 1% qui a été fait...

M. Bellemare: Ah bon!

M. Johnson: C'est un dixième pour cent, en pratique.

M. Bellemare: Dans la loi actuelle, c'est 1%... M. Johnson: Comme dans la loi actuelle.

M. Bellemare: Oui, mais rien ne nous dit que ce sera un dixième pour cent.

M. Johnson: Voilà! On ne peut rien vous cacher.

M. Bellemare: Ah! C'est dans les bonnes intentions, les voeux pieux. L'enfer en est pavé. Oui, les voeux pieux.

Je dis aussi que les églises, les organismes de bienfaisance, les institutions d'enseignement, les comités paritaires en sont exempts, d'après la loi. C'est un article de la loi. Il reste, M. le Président, que le gouvernement fixe par règlement le salaire minimum, ainsi que le montant maximum exigé pour la chambre et la pension du salarié. C'est la

loi qui le prévoit. Maintenant, le pourboire, par exemple, n'est jamais compris dans le salaire, la pension ou la chambre du salarié. On change aussi de 45 heures à 44 heures. Il y a une raison que je devine à ce faire. Je vous le dirai tout à l'heure.

A l'exception du conjoint, 44 et 45 heures, et pour les enfants aussi. Les étudiants qui sont dans une colonie de vacances, on les exclut et on enlève aussi le salaire surnuméraire pour une période des foins chez les agriculteurs, période plus intensive.

M. Johnson: C'est un discours de troisième lecture.

M. Bellemare: Je n'ai pas à vous le préparer, mais j'ai à vous signaler que je le connais votre discours de troisième lecture. Je vous vois venir avec vos bons arguments, cachant, mon cher monsieur, ce que vous ne dites pas dans votre discours.

Dans la loi 110, c'était merveilleux. Vous avez dit seulement ce que vous faisiez de bien, mais ce qui était caché en dessous, vous ne l'avez jamais dit. Nous l'avons dit par exemple. On l'a dit à 3 h 20 du matin. On s'en souvient, mon collègue de Portneuf et moi; 3 h 20 du matin. Je ne sais pas si vous vous endormiez ce matin-là.

Une chose reste sûre, c'est que le salaire horaire remplace le salaire horaire minimum. C'est sûr. Il y a le travail supplémentaire qui sera payé temps et demi. Seulement, ça entraîne une majoration de 50% du salaire horaire effectif, par exemple, les 44 à 45 heures; ne l'oubliez pas. Cela fait une majoration de 50%. Quant aux jours fériés, je n'ai pas besoin de vous dire que vous allez avoir, demain matin, mon cher, à changer votre loi, parce que je n'ai pas à vous dire que les comités paritaires... Déjà le Code du travail et les conventions collectives qui existent pour 800 000 travailleurs, prévoient six congés au lieu de trois, comme ce sera le cas. Noël, le Jour de l'An, la Saint-Jean-Baptiste. Maintenant...

M. Pagé: Ce n'est plus la Saint-Jean-Baptiste.

M. Chevrette: La fête nationale des Québécois.

M. Pagé: II s'est fait couper la tête pour la deuxième fois, l'an dernier.

M. Johnson: Vous lirez la loi comme il faut.

M. Beliemare: Est-ce que je peux continuer, M. le Président? Je n'ennuie personne, ça ne dérange personne toujours?

M. Chevrette: Non, c'est même très intéressant!

M. Bellemare: Je ne voudrais déranger personne. Il y a une chose certaine, c'est que j'ai bien étudié le projet, je le connais pas mal à fond. Je vais me renseigner et je félicite ceux qui ont présenté des mémoires ou qui vont en présenter, parce que ça va nous donner un nouvel éclairage, afin que, en deuxième lecture, nous puissions détecter tous les manques qui existent dans ce projet de loi.

Là, vous avez établi 60 minutes pour un temps de repos, pourvu qu'il y ait eu cinq heures de travail de faites, mais il y a 30 minutes qui pourront être rémunérées; ça, c'est correct.

Maintenant, quand vous donnez des jours de congé payés à l'occasion du décès de son épouse, un enfant, sa mère, son père, son beau-père, sa belle-mère, sa belle-soeur, son beau-frère, le "kit" une journée payée et trois jours sans rémunération. Quand il y a une naissance aussi, il y a trois jours: deux jours non rémunérés et une journée payée.

Il y a aussi un autre détail; lorsqu'il y a une préavis pour un congédiement, c'est une semaine, s'il a effectué un an de travail. S'il a plus qu'un an de travail, l'employeur doit donner un avis de deux semaines. On en reparlera quand on arrivera à cet article.

Il y a une chose qui reste saine, c'est que la loi, en ce qui concerne le congé de maternité, interdit à l'employeur de congédier l'employée. C'est très bien, je pense que c'est encore mieux que l'ordonnance 17, parce que sur ça, au moins, vous avez écouté la Commission des droits de la personne qui vous disait que, pour ce qui a trait au congé de maternité, une employée ne devrait jamais être congédiée.

Enfin, M. le Président, le projet de loi 126 prévoit d'autres normes et ça, c'est important pour savoir le catalogue que vous allez nous servir, par règlement, dans les normes. Comment va-t-on établir les normes, par exemple, concernant les uniformes? Doit-il y avoir trois boutons en avant, deux boutons en arrière? Il va falloir que vous pensiez à tout ça.

Un instant! Les outils doivent couper...

M. Johnson: Non, voyons donc!

M. Bellemare: Mon père disait souvent: "Si tu as une hache qui ne garde pas son "taillant", jette-ça, Maurice."

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...

M. Bellemare: Cela, c'est le règlement qui va dire quelle sorte de hache, quelle longueur de marteau...

M. Johnson: M. le Président, avant que le député de Johnson...

M. Bellemare: Non, mais je...

M. Johnson: ...n'induise en erreur la commission, sur une question de règlement...

M. Bellemare: Un instant, je ne fais que dire ce qu'il y a dans votre loi...

M. Johnson: Non, sur une question de règlement...

M. Bellemare: ... au point de vue des normes générales qui ne sont pas...

M. Johnson: Sur une question de règlement, vous permettez? M. le Président, avant que le député de Johnson, qui nous livre ce matin une bonne partie de son humour et de sa bonne humeur, n'induise complètement la...

M. Bellemare: Vous l'avez un peu vous aussi!

M. Johnson:... commission en erreur, il s'agit de dire que c'est par règlement, effectivement, qu'on va déterminer les normes concernant les uniformes, les outils, etc. Il ne s'agit pas de décrire quels seront les outils et le nombre de boutons sur les uniformes, mais la disponibilité de ces uniformes, comme ça existe, d'ailleurs, dans deux ordonnances de la commission.

M. Bellemare: Oui, je suis au courant.

M. Johnson: On prévoit que le salarié est payé ou pas s'il apporte ses outils ou pas, etc. Je pense qu'il ne faudrait quand même pas...

M. Bellemare: M. le Président, sans que ce soit...

M. Johnson: Je comprends que c'est une bonne blague!

M. Bellemare: C'est pour vous montrer jusqu'où vous pouvez aller et pour vous prévenir de nous informer un peu des normes, pour qu'on puisse vous donner notre impression. On va entendre les mémoires dans quelques minutes...

M. Johnson: On va prévoir qu'il va y avoir des haches seulement à deux tranchants!

M. Bellemare: Oui, mais seulement un bon "taillant" qui coupe. Les vestiaires: s'il va y avoir deux ou trois crochets; les douches: si elles vont être à l'eau chaude ou à l'eau froide; les lieux de repos: pour savoir s'il y aura des lits ou s'il n'y en aura pas.

M. le Président, les normes seront d'ordre public, c'est clair, parce que la loi va les imposer par règlement; donc, personne ne pourra y déroger. C'est clair? J'ai été loin, tout à l'heure, dans mes comparaisons, pour avertir le ministre de faire attention parce que ça devient du droit nouveau, la question des normes de travail.

C'est justement son nom: Commission des normes du travail. Puisque cela devient d'ordre public, personne ne pourra y déroger. Les conventions collectives, qui ne contiendront pas les normes minimales au moment de l'adoption de la loi continueront d'avoir des effets jusqu'à leur échéance. Point. C'est cela la loi. Je pense que le ministre est bien conscient de cela.

Maintenant, il y a un droit de recours. C'est bien sûr que la Loi sur le recours collectif est là également pour rendre service à cet élément nouveau qui va être couvert par la Loi sur les normes du travail. Je pense aussi, M. le Président, aux congés et aux vacances qui pourront, dans certaines circonstances, être entièrement pris en charge par la commission à qui l'employé remettra alors tous ses droits de recours — cela est aussi important — à qui les employés remettront tous leurs droits de recours.

D'après la loi, les recours seront faits par voie de plaintes à la commission, mais il y a une soupape, le gars pourra garder son anonymat. Je pense que c'est normal et de bon augure.

La commission décidera du bien-fondé de la plainte pour indemniser d'avance le salarié. On va plus loin que cela. On dit que les sommes qui seront dues seront payées avec intérêts d'argent. Qui va l'établir? Quand? Au dépôt de la plainte ou à la fin du jugement? Je le dirai quand ce sera le temps, quand on étudiera le projet de loi article par article.

Pour ce qui est des $200 à $3000, je pense que, en pénalité, le ministre suit de loin les recommandations du Code du travail, mais je pense que cela devrait être plus que cela. La peur, c'est le commencement de la sagesse. Ce sont les saintes écritures qui ont dit cela; ce n'est pas moi. Je pense que cela n'est pas suffisant. A part le double emploi que vous allez faire des surveillants qui existent déjà dans votre ministère, vous allez créer tout un nouveau service qui, à part le comité paritaire, va faire d'autres formes de surveillance pour établir que ces normes soient respectées. Je ne dis pas que cela n'est pas une belle ouverture pour vous. Non, vous l'avez dans votre tête et on ne vous la changera pas. Vous n'avez pas des noms, mais vous avez des gens qui ont des faits saillants à vous noter pour être nommés.

Ces normes sont-elles excessives? Oui ou non? Ah! le ministre me dira: Le député a été ministre et il sait que ce ne sont que les préliminaires. Oui, je sais que ce sont les préliminaires, mais sont-elles excessives? Oui ou non? On verra cela. Mettront-elles en faillite les petites et moyennes industries? A-t-on un rapport de fait ce matin qui va nous être donné, qui va nous dire que cela ne dérangera pas les PME? Est-ce que, au bout de l'année 1979, on n'aura pas, après l'application de la loi, certaines manufactures, certaines petites PME qui vont disparaître? Il faudra faire attention. Je dirai cela aussi.

Les coûts. Est-ce que le ministre a fait préparer des coûts approximatifs impliqués dans cette nouvelle commission? Je le crois, parce que j'ai rencontré des gens qui, à part le salaire universitaire, gagnaient... C'est la réponse du ministre, pas de ce ministre-ci, mais d'un autre ministre, à qui j'ai posé la question: Donnez-moi donc le nombre d'universitaires qui gagnent de l'argent avec des consultations ou avec des documents qu'ils préparent? On en a vu gagner jusqu'à $55 000, pour des glissements de terrain et toutes sortes de choses. Le ministre a-t-il des études de prêtes

pour nous dire combien cela va coûter en application et combien de PME pourront tomber en faillite à cause de cela? J'aimerais bien savoir cela.

Maintenant, dans certains cas, pour les agriculteurs et les domestiques, on va un peu trop loin et trop vite. Est-ce que le contraire peut aussi s'appliquer? Est-ce qu'on est timide dans l'application de cette formulation nouvelle? Chose certaine, le ministre, en novembre dernier, lors du colloque annuel de l'Ecole des relations industrielles de l'Université de Montréal, déclarait ce qui suit: "Afin de tenir compte de l'impact de ces mesures au plan social de même qu'au plan économique, ces améliorations se feront graduellement et progressivement de façon à atténuer le coût excessif — ce n'est pas moi qui ai inventé cela, c'est le ministre, ce sont ses propres mots — de certaines compagnies aux prises actuellement avec des difficultés sur le plan de concurrence." (11 heures)

Premièrement, est-ce qu'on va détruire les comités paritaires? Deuxièmement, est-ce qu'on ne va pas trop vite au point de vue de l'application de la loi? Est-ce qu'on n'a pas un salaire minimum supérieur à tous les autres au Canada? Est-ce qu'on a les moyens de mettre en faillite certaines petites industries chez nos ruraux qui veulent véritablement participer au progrès économique, mais qui n'ont pas les moyens de suivre et qui sont bien contents d'employer 25 ou 30 personnes dans une petite municipalité? Ils seront assujettis à un nouveau Code du travail.

M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que j'entendrai avec beaucoup de plaisir les mémoires qui seront soumis. Je préparerai mon discours de deuxième lecture pour améliorer la loi. D'ailleurs, notre rôle n'est pas d'être critique du ministre, quoique, parfois, nous critiquions sévèrement certains faits, surtout quand on voit qu'il y a actuellement 5000 personnes en grève et que le ministre ne bronche pas, il est stoïque. Il dit: Non, non...

M. Johnson: On va vous montrer les statistiques dans quelques jours. Vous allez trouver cela intéressant.

M. Bellemare: Un instant, vos statistiques! J'ai été ministre du Travail et, quand on avait quatre, cinq ou six grèves, c'était le maximum.

M. Johnson: Voyons donc!

M. Bellemare: C'est moi qui ai établi le système de mentionner les grèves à tous les jours, et on avait cinq ou six grèves et elles ne duraient pas aussi longtemps qu'aujourd'hui. Je m'en occupais, par exemple, je n'étais pas un pompier, comme vous dites. Je m'en occupais, je les réglais, je barrais la porte et je les réglais. Dans bien des cas, c'est ce qui arrivait.

Merci, M. le Président, de ce dialogue que vous avez permis entre le ministre et moi, lequel a rehaussé ma thèse, mais le ministre a besoin d'être informé.

Je voudrais en terminant dire bonjour... non pas bonjour, mais présenter à notre leader parlementaire l'expression de nos meilleurs voeux. Je veux lui dire aussi que, avant qu'il ne le fasse lui-même, je vais le faire moi-même...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce votre fête?

M. Bellemare: ... en cette journée des dames, je voudrais lui présenter nos plus sincères félicitations d'avoir elle-même voulu prêcher par son exemple — l'intérêt public est en cause — d'avoir donné elle-même, par son travail, son dynamisme, un regain à notre Assemblée nationale. Elle l'a fait sans attraper la grippe.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Vous avez une question de privilège? Même si ce n'est pas possible en commission, on va vous en accorder une ce matin.

Mme Lavoie-Roux: Non, je n'en voudrais sûrement pas sur cette base. S'il y avait unanimité pour que je rectifie ce que les gens veulent fêter aujourd'hui... Je voudrais avoir l'unanimité.

J'ai reçu, à droite et à gauche, des bons voeux et je sais que cela part — comme on disait autrefois — d'un bon naturel et que c'est très sincère. Je voudrais quand même rappeler aux gens qui sont ici qu'il ne s'agit pas d'une fête aujourd'hui.

M. Bellemare: ... on se trouve à vous fêter indirectement.

Mme Lavoie-Roux: Dans ce sens, je l'accepte de bonne grâce. La journée internationale de la femme, pour moi, a trois dimensions. Je dirais que c'est une journée du souvenir, dans le sens qu'on veut commémorer les premiers mouvements qui se sont manifestés dans le monde occidental pour indiquer que les femmes avaient quand même le droit de lutter pour des principes d'égalité. C'est peut-être davantage une journée de solidarité par laquelle on veut s'associer à toutes les femmes, non seulement celles du Québec, du Canada et de l'Amérique du Nord, mais du monde entier. C'est surtout une journée d'engagement à poursuivre les efforts qui ont été commencés bien avant nous et où on se retrouve finalement par accident.

Je pense que c'est important de replacer la journée internationale de la femme dans sa véritable dimension. Je vous remercie quand même, M. le député de Johnson, mais je pense que c'est important qu'on situe cette journée dans son véritable contexte. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, avant de vous demander d'inviter le président de la CSN, et les personnes qui l'accompagnent, à faire lecture de

leur mémoire, j'aimerais exprimer quelques considérations à partir des propos tenus par les membres de l'Opposition. De même, je voudrais me joindre à tous les autres membres de la commission pour dire combien nous nous sentons solidaires du député de L'Acadie, non pas à titre de membre de l'Opposition, mais en tant que femme, en cette journée.

Le député de Johnson a parlé d'un nouveau Code du travail. Je pense qu'il ne faudrait pas quand même induire, encore une fois, au niveau de l'interprétation qui peut en être donnée à l'extérieur, les gens en erreur. Il ne s'agit pas d'un nouveau Code du travail, il s'agit bel et bien de conditions minimales. Il y a quelque chose, même, de presque péjoratif en disant minimales. Il s'agit d'établir une espèce de seuil ou un plancher vraiment minimal qui, à certains égards, peut paraître même timide, mais pour des raisons évidemment qui ont été évoquées par les membres de l'Opposition eux-mêmes. On sait que dans l'ensemble des provinces du Canada, ce qu'on appelle les "Labour Standards Act" qui sont plus ou moins l'équivalent de la Loi du salaire minimum, prévoient en général un pouvoir réglementaire et il y a eu l'implantation progressive, si on prend l'exemple de l'Ontario qui est plus près de nous, qui est plus comparable, peut-être, comme structure industrielle et même si on regarde le taux de syndicalisation, etc., ces normes ont été mises en vigueur vraiment progressivement. Je donnerai simplement un exemple: une journée de congé payé, au Québec, représente en termes de coût sur le plan économique, $85 millions en masse salariale. Alors, il est bien évident qu'à partir du moment où on fait le choix de procéder par voie législative par opposition à par voie réglementaire, il y a des limites à ce qu'on peut faire à l'économie, pour imposer directement un fardeau additionnel sur le plan financier, quel que soit l'objectif et tout aussi louable qu'il soit sur le plan social.

Deuxièmement, il y a le fait, c'est ma profonde conviction, qu'il n'appartient pas à l'Etat de fixer de façon paternaliste les conditions de travail de l'ensemble des travailleurs du Québec, mais vraiment, encore une fois, d'établir ce qui est un seuil. On dit que ce seuil devrait correspondre dans notre société finalement, à ce qui est perçu comme étant, à la fois socialement un minimum et, en même temps, économiquement faisable.

Troisièmement, l'objet de cette commission, c'est évidemment d'entendre des mémoires. Nous aurons l'occasion d'en entendre sans doute une vingtaine. Il y a eu quelques désistements, mais on aura les copies des mémoires quand même. C'est notre intention d'écouter ces mémoires avec beaucoup d'attention. Je n'ai pas écarté le fait, a priori, que nous devions reformuler des parties importantes de la loi. Cela dépendra de la pertinence des remarques qui nous seront faites. Je le dis tout de suite pour ne pas entendre les mêmes rengaines qu'on a entendues de la part de l'Opposition.

Une Voix: C'est vrai.

M. Johnson: On entend de longs discours de l'Opposition libérale qui vient nous dire: Nous voulons bonifier, la bonification et la superbonification, sauf que quand on va amender les lois, on se met à nous dire: Bien, vous présentez des lois qui ne sont pas prêtes, vous les amendez.

On est ici pour entendre les gens, on est ici pour entendre les intéressés ou les membres de la commission en cours de route, au cours de l'étude, article par article, avant la troisième lecture. On n'hésitera pas à reformuler là où cela nous apparaît reformulable, plausible et raisonnable, des parties du texte, c'est bien évident.

Mais on pense que, de façon générale, c'est le fruit d'une réflexion qui a été très longue, de consultations qui ont été abondantes, d'analyses, entre autres, sur le plan économique, sur le plan des coûts, sur le plan des implications administratives, sur le plan de l'applicabilité, qui font que c'est le meilleur travail qu'on pouvait faire, dans les circonstances.

L'autre dimension, c'est la question des comités paritaires qui est revenue à plusieurs reprises. Le ministère, depuis déjà un an et demi, procède à des évaluations de certains décrets. On en a déjà aboli quelques-uns, qui nous apparaissaient inutiles.

M. Bellemare: ...

M. Johnson: On en a... non, pas nécessairement.

M. Bellemare: Ah oui!

M. Johnson: II y a des comités paritaires qui ont leur raison d'être, leur raison de fonctionnement. Il y en a d'autres qui sont plus incrustrés dans la nature par habitude, qui ont donné lieu — dans certains cas, on a été obligé d'en mettre quelques-uns en tutelle — à des procédures administratives discutables, à des pratiques de polissage, si on veut, de mise en valeur des décrets qui apparaissaient, dans certains cas, discriminatoires à l'égard de certains salariés ou certaines entreprises.

Cela a aussi donné lieu à ce que certains, dans le monde syndical, n'hésitent pas à qualifier d'une forme de syndicalisme qui est parfois paresseux, le comité paritaire, qui a ses avantages, dont on peut reconnaître historiquement la nécessité de s'être implanté après la crise, dans les années trente, et qui visait à standardiser les conditions de la concurrence dans une situation économique difficile.

M. Bellemare: C'est un beau travail qui a été fait.

M. Johnson: II y en a certains qui traînent encore dans la nature et qui, dans le fond, permettent à une forme de syndicalisme de s'asseoir très tranquillement, de se contenter d'un prélèvement obligatoire et de ne plus être ce que doit être le syndicalisme, c'est-à-dire un instru-

ment constamment perfectible et revendicateur par définition, mais ferme, solide, démocratique, bien structuré. Dans certains cas, les comités paritaires ne nous apparaissent pas une des meilleures conditions pour que cela se réalise.

M. Bellemare: D'accord, c'est un beau travail.

M. Johnson: Encore une fois, c'est une évaluation, qui va, au contraire, dans le sens...

M. Bellemare: II a le nez fin.

M. Johnson:... de la démocratie plutôt que de l'autorité.

M. le Président, je vous demanderais, si vous le désirez — comme vous n'avez pas vraiment le choix — d'appeler les premiers présentateurs de mémoire.

M. Bellemare: Avant qu'on passe au mémoire de la CSN, j'aurais juste une question à vous poser: Est-ce que cet après-midi, comme je vais être obligé de m'absenter à partir de 15 heures ou 15 h 15 pour entendre le discours de réponse de notre chef en Chambre, il y aurait moyen de commencer peut-être une heure plus tard pour que je puisse rester en Chambre parce que ce n'est pas bien faisable par le leader parlementaire...

M. Johnson: Je comprends, sauf qu'on a déjà une journée de retard. On devait commencer hier.

M. Bellemare: Oui, mais le leader parlementaire a compris que la commission n'était pas formée légalement.

M. Johnson: Pardon?

M. Bellemare: La commission n'était pas formée légalement, au point de vue de la procédure. La commission n'a été formée qu'hier; le rapport a été fait en Chambre hier et, d'après nos règlements, tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas une journée d'écoulée, la commission n'a pas sa valeur d'exister.

M. Johnson: Je comprends bien, mais au-delà de cette...

M. Bellemare: Ce n'est pas une faveur qu'on m'a faite.

M. Johnson: ... question technique, on a quand même des citoyens qui se sont présentés ici et il y a, je pense, six groupes qui sont présents...

M. Bellemare: Cela ne peut pas arriver à tous les jours que notre chef parle sur une réponse au discours du trône.

M. Johnson: Une chance, oui!

M. Bellemare: Cela ne peut pas arriver mais seulement, là, cela arrive; je resterai en Chambre certainement et le leader parlementaire...

M. Chevrette: II y a eu des consentements donnés hier par le Parti libéral.

M. Pagé: M. le Président, sur cette motion, sans en faire une bataille de procédure, je serais d'accord et je souscris à ce qui est demandé par mon collègue de Johnson. Strictement par déférence à l'égard de l'Union Nationale, on pourrait amorcer nos travaux à 17 heures et permettre ainsi à notre collègue de Johnson d'être présent lors de l'intervention de son chef. Vous devriez nous dire oui parce qu'avant longtemps vous allez nous formuler cette demande. Vous allez voir. Vous serez bien heureux, d'ici quelques années, dans des délais quand même assez brefs, de nous faire cette demande pour aller assister à la réplique de votre chef; alors, permettez-nous le cet après-midi et on commencera à 17 heures.

M. Chevrette: Vous n'avez qu'à continuer à répliquer de la façon que vous le faites et vous allez répliquer longtemps.

M. Pagé: Ne soyez pas inquiet.

M. Bellemare: Voyons donc, vous avez perdu le goût du Québec pour avoir le goût du pouvoir; c'est clair, on voit cela.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): D'accord?

M. Johnson: Non, je n'ai pas dit que j'étais d'accord. Le député de Portneuf a l'accord facile quand cela fait son affaire.

M. Pagé: De toute façon, c'est le leader...

M. Johnson: Seulement quand cela fait son affaire.

M. Bellemare: Cela ne fait pas seulement son affaire, cela fait mon affaire et, au point de vue du parlementarisme, c'est un droit qui nous est donné d'entendre au moins le chef de notre parti.

M. Pagé: De toute façon, c'est le leader qui va décider, ce n'est pas lui.

M. Bellemare: Le leader m'a dit que...

M. Johnson: D'accord, mais à écouter l'Opposition, parfois, on a l'impression que les seuls droits parlementaires sont d'entendre l'Opposition. On a aussi un droit d'essayer de gouverner.

M. Bellemare: C'est nous qui fermons les sessions.

M. Johnson: Ce que je suggérerais, c'est peut-être qu'on procède le plus rapidement possible pour réussir à passer à travers le mémoire de la CSN ce matin et les questions qu'on aurait pour M. Rodrigue et ses acolytes et on verra, au moment de la reprise, cet après-midi. Je vais parler avec les leaders; je vous avoue que, personnellement, a priori, je suis plutôt réticent à cela. Vous savez qu'on a beaucoup de travail à faire; il ne s'agit pas de traîner cette histoire dans la nature pendant des mois.

M. Bellemare: Est-ce que cela peut arriver dix fois cette affaire? Non!

M. Johnson: Dieu merci!

M. Bellemare: C'est un cas particulier.

M. Chevrette: Une faveur.

M. Bellemare: Non, pas une faveur. Je demande qu'au point de vue parlementarisme, on...

M. Johnson: On verra cela à 12 h 30. (11 h 15)

Le président (M. Marcoux): Avant de demander au porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux de présenter son mémoire, je demanderais aux membres de la commission, je sais que vous avez eu des discussions avant l'ouverture, s'il y aurait entente pour que, de façon normale, on accorde une heure, s'il y a une proposition sur le déroulement de nos travaux et sur le...

M. Johnson: M. le Président, après en avoir discuté quelques minutes avec le représentant de l'Opposition libérale, je pense que le député de Johnson vient de hocher la tête de façon affirmative, on pourrait peut-être...

M. Bellemare: J'ai dit oui parce que cela avait du bon sens, faites donc comme moi quand je vous demande quelque chose.

M. Johnson: On pourrait peut-être prendre une heure, en principe, se dire que cela va être une heure au maximum par mémoire, comprenant, en général, selon l'importance du mémoire ou en termes de nombre de feuilles, à peu près vingt minutes de lecture ou de commentaires et ensuite vingt minutes de part et d'autre de la commission pour poser des questions, parce que l'on finit à midi trente, je pense.

M. Pagé: On siège à deux heures.

M. Johnson: Est-ce que l'on pourrait finir à midi trente pour passer à travers le mémoire de la CSN?

M. Pagé: Si votre suggestion d'un heure est acceptée, on finirait vers midi quinze ou midi vingt.

M. Johnson: Midi quinze. Alors, est-ce que cela vous irait à peu près une heure pour l'ensemble des mémoires, il y a des mémoires qui ont à peu près deux pages, remarquez.

M. Bellemare: M. le Président, est-ce que vous limitez le temps par parti pour les questions? Non.

M. Johnson: A peu près 20 minutes de chaque côté! Nous serions d'accord.

Le Président (M. Marcoux): La proposition que vous faites, c'est vingt minutes pour le mémoire, vingt minutes de questions, vingt minutes pour le parti au pouvoir, vingt minutes pour l'Opposition? Non?

M. Johnson: Non.

M. Pagé: En tout cas, on s'arrangera. Cela pourra être quinze, vingt-cinq, on ne se chicanera pas sur les minutes, on va les entendre. On part avec une heure.

M. Johnson: Bon! C'est cela, vous négociez tout le temps. On part avec une heure.

Le Président (M. Marcoux): Maintenant qu'il y a consensus pour prendre environ une heure par mémoire, une heure au maximum, j'inviterais d'abord la Confédération des syndicats nationaux à présenter son mémoire. J'inviterais à M. Rodrigue à nous présenter ses collègues.

Audition des mémoires des organismes intéressés

Confédération des syndicats nationaux

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre, madame, MM. les membres de la commission parlementaire, je vais d'abord vous présenter ceux qui m'accompagnent: Lucie Dagenais, adjointe à l'exécutif de la CSN, à ma gauche; Pierre Lamarche, adjoint à l'exécutif de la CSN lui aussi; et Mme Zaïda Nunez, qui est conseiller syndical à la CSN sur le plan des lois sociales.

M. Bellemare: Comment vous écrivez cela? M. Rodrigue: NUNEZ.

M. Bellemare: NUNEZ. Bon, son premier nom?

M. Rodrigue: Zaïda.

M. Bellemare: Zaïda, cela, je suis capable.

M. Rodrigue: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, madame, je voudrais d'abord souligner que, pour nous, il est important aussi de vous remercier de l'occasion qui nous est fournie, de venir faire nos commentaires sur le projet de loi

126, en ce qui concerne les normes de travail. Je voudrais souligner le fait que c'est d'autant plus important pour nous, à cause de la nature de notre organisation, et à cause de la réalité dans laquelle nous nous retrouvons. C'est d'autant plus important si nous considérons, selon les statistiques que nous connaissons, celles de 1974-1975 entre autres, que ceux qui sont sous la loi en ce qui concerne le salaire minimum, sont en majorité des femmes, effectivement, 70% sont des femmes, par conséquent, c'est sûrement aussi vrai sinon plus sur les normes de travail, en général, quand on parle de minimum. Je voudrais donc, avec votre permission, M. le Président, d'abord lire le mémoire. J'espère que ce sera relativement bref, parce que, à le résumer, comme l'histoire nous l'indique, on prendrait plus de temps que de le dire.

La CSN donne son accord aux principes d'une loi établissant les normes de travail. La CSN a toujours favorisé l'existence d'une loi établissant des conditions de travail applicables à tous les salariés, sans distinction. Cette prise de position, nous la répétons, en présentant nos commentaires et observations au sujet du projet de loi 126, qui a été déposé par le ministre du Travail, en décembre 1978.

Nous sommes d'avis que tous les travailleurs, syndiqués ou non, ont un droit strict à des conditions de travail qui leur permettent de vivre d'une manière décente. Ces conditions de travail ne doivent pas être trop inférieures à celles qui sont observées en moyenne pour l'ensemble des travailleurs, afin d'éviter de "marginaliser" davantage un pourcentage important des travailleurs. Le taux relativement faible de syndicalisation, au Québec, environ 38%, s'explique par plusieurs facteurs, dont les lacunes du Code du travail.

En effet, le Code du travail accorde un droit théorique à la syndicalisation, mais, en pratique, un grand nombre de travailleurs ne peuvent exercer ce droit, surtout ceux qui travaillent dans des établissements où le nombre d'employés est restreint. En raison de cette situation, il est davantage impérieux d'établir des conditions générales de travail qui soient convenables.

L'établissement de telles conditions de travail est aussi fort important pour les travailleurs syndiqués; en effet, révolution de leurs conditions de travail est freinée par l'état lamentable de celles du secteur non syndiqué.

L'Etat doit aussi assumer sa responsabilité en assurant à tous les travailleurs des conditions de travail de base, puisqu'il est évidemment impossible pour les organisations syndicales, en négociant entreprise par entreprise, d'en arriver à protéger tous les travailleurs.

Nous ne pouvons soutenir que les améliorations de vie des travailleurs doivent provenir uniquement des conventions collectives, surtout dans l'état actuel de la législation. D'ailleurs, l'action syndicale se fonde sur des revendications sociales, économiques, culturelles et politiques beaucoup plus larges et visant toute la collectivité indistinctement, qu'elle soit ou non organisée en syndicats.

Pour ces diverses raisons, nous donnons notre accord à une véritable loi prévoyant les normes du travail, mais nous ne pouvons donner notre assentiment à un nombre substantiel d'articles du projet de loi 126.

Pour la CSN, ces conditions doivent coller à une certaine réalité. Or, les propositions du projet de loi 126 sont tout à fait décevantes. Dans la plupart des cas, elles sont bien en deçà de la moyenne des conditions de travail observées au Québec. Elles sont fort éloignées des recommandations du groupe de travail présidé par Claude Castonguay en 1975, généralement inférieures à ce qui est prescrit dans la plupart des autres provinces ainsi que dans le Code canadien du travail. Elles ne sont pas conformes à certaines propositions du programme du Parti québécois en 1975. Nous démontrerons ces faits au cours de ce mémoire.

En permettant que plusieurs dispositions du projet de loi soient établies par voie réglementaire, le gouvernement pose un autre problème. La CSN estime que les conditions minimales de travail doivent être le plus possible prévues explicitement dans la loi.

Nous pourrions critiquer certains articles du projet de loi en disant que la proposition gouvernementale n'est pas assez généreuse, ce qui est le cas, par exemple, pour l'article 59 qui traite des jours chômés, fériés et payés. Bien sûr, le gouvernement nous répondra que son pouvoir réglementaire lui permettra d'aller plus loin. Toutefois, ne serait-il pas plus normal que le gouvernement ne se contente pas de nous dire son intention, mais bien de l'écrire dans la loi?

Quand toutes les dispositions qu'il est possible d'inclure dans un projet de loi le sont, les syndicats, de même que les partis politiques et les députés, peuvent en débattre publiquement. Comme on nous le rappellera sans doute, les mêmes critiques peuvent être adressées au gouvernement lorsqu'il adopte un règlement. Cependant, l'expérience nous démontre que, dans un tel cas, le gouvernement n'est pas tenu et ne se donne pas toujours la peine de consulter officiellement les organisations syndicales. Quoi qu'il en soit, le débat suscité par l'adoption d'un règlement est fort différent et beaucoup moins démocratique d'un débat suscité par l'adoption d'un projet de loi comprenant toutes les dispositions possibles et nécessaires.

Parce qu'un règlement se change rapidement, les travailleurs, surtout ceux qui sont affectés directement par les conditions générales, n'ont pas la même garantie que les conditions prévues par règlement s'appliqueront effectivement. Par exemple, lors de la dernière indexation du salaire minimum, les travailleurs qui s'attendaient à recevoir l'augmentation promise et décrétée par le gouvernement ont été déçus, parce que ce dernier a changé le règlement, ce qui a fait le bonheur des employeurs, mais non celui des travailleurs. Il aurait été normal que, lors d'un débat public, l'Assemblée nationale soit appelée à se prononcer sur cette modification majeure. La CSN, qui était

prête à contester la valeur de l'étude énonomique qui avait servi de justification à l'attitude nouvelle du gouvernement, n'a eu la possibilité de le faire qu'après la décision du gouvernement. Nous ne croyons pas que ce soit une bonne façon de vivre la démocratie.

De plus, la CSN désire faire remarquer que l'établissement de dispositions par voie réglementaire laisse le champ libre au chantage des compagnies et aux pressions des groupes qui ne partagent pas les intérêts des travailleurs, ce que nous dénonçons fortement.

Par conséquent, nous insistons pour que la loi inclue toutes les conditions minimales de travail qu'elle peut inclure et pour que ces conditions ne puissent être modifiées que par la voie du processus législatif. Il ne serait pas pertinent que l'Assemblée nationale prétende ne pas avoir le temps de s'occuper de ce problème puisqu'il s'agit de conditions de vie de centaines de milliers de travailleurs.

Notre position ne signifie pas qu'aucun pouvoir réglementaire ne puisse être prévu dans la loi. Nous estimons qu'il est normal que l'Assemblée nationale ne puisse décider dans le moindre détail de la façon qu'une loi sera appliquée, par exemple. Aussi, dans le domaine des modalités d'application d'une loi, et dans ce seul domaine, un pouvoir réglementaire est acceptable.

Avant de procéder à l'analyse détaillée du projet de loi, nous désirons soulever un autre point de portée générale. En 1974, le gouvernement de l'époque avait confié à un groupe de travail le soin d'étudier et de faire des recommandations sur la politique de salaire et des conditions minimales de travail. Ce groupe, qui était composé de M. Claude Castonguay, président, de Mme Diane Jean-Laberge, de MM. Paul Baril et Louis-J. Lemieux, présentait son rapport en mars 1975. Nous aurons l'occasion au cours de ce mémoire de traiter de ce rapport, mais il nous semble approprié de soulever immédiatement la question de l'universalité de l'application d'une loi portant sur les conditions minimales de travail.

Le projet de loi 126 prévoit toutes sortes d'exclusions, certaines spécifiées dans le projet, d'autres qui pourraient être décidées par règlement. Au moins quatre articles du projet de loi 126 traitent d'exclusions. Il s'agit des articles 3, 76, 86 et 88. En vertu de l'article 3, la loi ne s'appliquerait pas et, là, on cite la série de groupes auxquels la loi ne s'appliquerait pas. L'article 76 en fait de même, ainsi que l'article 86 qui permet au gouvernement d'exclure totalement de l'application de la loi et des règlements les organismes qu'il désigne. Cela pourrait être, par exemple, les hôpitaux, les collèges, les institutions privées d'enseignement ou tout autre organisme. En théorie, la loi et les règlements, par décision unique du gouvernement, pourraient ne plus s'appliquer à personne.

De plus, en vertu du même article, le gouvernement peut décider que le taux du salaire minimum ne s'applique plus à aucun salarié et il nous annonce qu'il vise notamment les salariés suivants:... Là, on inscrit l'ensemble des groupes.

Or, dans un premier temps, l'article prévoit que tous les travailleurs peuvent être exclus de l'application de la loi et de ses règlements; dans un deuxième temps, si tous les travailleurs ne sont pas déjà exclus, un nombre important d'entre eux pourraient l'être spécifiquement et nommément, sans que cette liste soit complète puisqu'elle est plutôt donnée à titre d'exemple.

On peut se demander ce que vient faire l'article 88 qui permet de soustraire de l'application de la loi certains établissements spécifiques, alors que l'article 86 donne le pouvoir au gouvernement de soustraire tous les organismes de l'application de la loi.

Enfin, toujours au chapitre des exclusions, rappelons que le gouvernement ne s'oblige pas à appliquer la loi envers ses employés, car pour ce faire, il faudrait qu'il le dise spécifiquement. Les employés du gouvernement qui ne sont pas assujettis à une convention collective recevront les traitements qu'il plaira au gouvernement de leur accorder; leur semaine de travail pourrait être de n'importe quelle durée; ils pourraient ne recevoir aucunes vacances payées, ni aucun jour chômé, férié, et les femmes pourraient ne pas avoir droit au congé de maternité.

A la suite de la lecture des articles précités, nous sommes en droit de nous demander s'il s'agit bien d'une loi des conditions générales de travail, puisque si elle était adoptée telle quelle, elle pourrait bien ne plus s'appliquer à aucun travailleur.

Pourtant, le groupe de travail Castonguay tenait un tout autre discours et recommandait fermement: "Que tous les salariés, incluant ceux à l'emploi du gouvernement, soient couverts par la Loi du salaire minimum."

En conséquence de ce qui précède, la CSN demande que soient rayées toutes les exclusions prévues au projet de loi 126. La loi doit être de portée universelle, elle doit s'appliquer à tous les travailleurs sans distinction.

Maintenant, les commentaires sur les différents articles du projet. D'abord, il nous faut parler du titre même de ce projet, "Loi sur les normes du travail". Le titre nous a surpris, et encore plus après lecture du projet de loi, car le dictionnaire Robert nous enseigne que norme signifie "état habituel, conforme à la majorité des cas". Si nous acceptons cette définition, ce projet de loi n'établit pas de normes du travail, il tente plutôt de mettre en place des conditions de travail minimales de travail. Or, le titre, pour ne pas tronquer la vérité, devrait être modifié en conséquence.

La définition de l'accouchement semble assez près de celle qui est déjà contenue dans l'ordonnance de la Commission du salaire minimum du 7 novembre 1978. Il nous semble qu'elle soit trop restrictive. L'expression "par provocation médicale légale" peut entraîner des débats juridiques que très souvent la salariée ne pourra supporter financièrement. De plus, ce qui n'est pas légal au Québec peut l'être aux Etats-Unis où une femme du Québec peut aller pour un avortement légal. Dans un tel cas, serait-il considéré qu'il s'agit de la

fin d'une grossesse par provocation médicale qui n'est pas légale? Par ailleurs, on ne retrouve pas cette expression dans les ententes entre les fédérations de médecins et le ministère des Affaires sociales, ententes qui régissent les tarifs payés aux médecins pour ces actes. Il ne faut pas oublier que l'application de la loi se fait en premier lieu par une décision d'un employeur; il ne faudrait pas faire en sorte que l'employeur ait à s'immiscer dans un domaine aussi privé et que l'employée ait des difficultés à faire reconnaître ses droits. Le gouvernement a déjà assez de moyens en vertu du Code criminel — ce que nous contestons d'ailleurs — pour ne pas introduire les employeurs dans cette question. En conséquence, nous demandons que soit rayé le mot "légale".

Nous comprenons que la définition du mot "salarié" vise à tout le moins à couvrir ce qu'il est convenu d'appeler "les entrepreneurs dépendants". Cette catégorie peut comprendre des camionneurs, des livreurs à domicile, etc. Si tel est l'objectif de cette définition, nous nous en réjouissons; nous aimerions toutefois que les choses soient dites plus clairement.

Au moins une autre interrogation nous vient à l'esprit à la lecture de cette définition. Est-ce que les salariés hors de l'établissement de l'employeur — travail à domicile — sont compris ou non dans cette définition? Dans l'affirmative, comme nous le souhaitons, pourquoi ne pas le dire clairement? Nous vous rappelons à ce sujet la position du groupe de travail Castonguay: "Que les salariés travaillant en dehors de l'établissement d'un employeur soient couverts par la Loi du salaire minimum. (11 h 30) "6. Que le taux minimum pour les salariés travaillant en dehors de l'établissement de l'employeur soit calculé d'après le taux et le mode de rémunération des salariés qui effectuent des tâches similaires à l'établissement de l'employeur".

A l'article 3 sur les exclusions, nous avons déjà exprimé notre opposition aux exclusions qui sont prévus à l'article 3. Nous ajoutons que nous ne voyons aucune rationalité à, d'une part, excluse de l'application de la loi un salarié travaillant à l'exploitation d'une ferme parce qu'il n'y a pas plus que deux autres salariés qui travaillent avec lui et, d'autre part, à couvrir par la loi celui qui y travaille avec trois autres salariés ou plus. Il s'agirait, nous supposons, de protéger la petite ferme familiale; aurait-on objection à permettre au salarié d'être protégé par les conditions minimales de travail? Ce ou ces salariés n'auraient-ils pas les mêmes obligations que les autres?

Nous sommes tout aussi opposés à ce que les domestiques qui résident chez l'employeur et ceux qui travaillent moins de 30 heures pour un même employeur soient exclus de l'application de la loi. Nous croyons que tous les domestiques devraient être protégés par la loi. Cette position est conforme aux recommandations du groupe Castonguay qui, à la page 78 de son rapport, écrit ce qui suit — et je vous laisse le loisir d'en prendre note.

A l'article 11, délégation des pouvoirs de la commission, nous sommes très étonnés de la teneur de cet article qui permet à la commission de déléguer tous ses pouvoirs à une personne. Si cet article est appliqué, pourquoi une commission? Faudrait-il présumer que les membres de la commission seront assez dociles pour déléguer à la première réunion tous leurs pouvoirs au président, par exemple, et ne revenir qu'au bout de trois ans, à la fin de leur mandat? Il est bien reconnu qu'une telle commission doive remplir son mandat au jour le jour et qu'à cette fin, une personne doive être autorisée à poser des gestes en conséquence pour faire rapport à la commission par la suite. Toutefois, nous sommes loin de cette situation avec le libellé de l'article 11 et c'est pourquoi nous nous opposons à cet article tel que rédigé.

Taux du salaire minimum et son indexation. Nous tenons à répéter notre revendication voulant que le taux du salaire minimum doive être prévu dans la loi de même que la formule d'indexation. Nous attirons de nouveau l'attention sur le fait que nous considérons le niveau du salaire minimum encore de loin inférieur à celui qui permettrait à un travailleur de vivre décemment. D'ailleurs, le niveau actuel ne correspond pas aux engagements initaux pris par le gouvernement et n'est pas non plus conforme aux promesses électorales du Parti québécois.

Nous ajoutons que si le rapport du groupe de travail Castonguay avait été appliqué dès sa parution, le niveau actuel du salaire minimum serait sensiblement plus élevé. Nous insistons donc pour une hausse importante du niveau actuel du salaire minimum. On peut dire que socialement c'est nécessaire et opposer à cela le fait qu'économiquement cela peut poser des problèmes sauf que, économiquement et socialement, ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté ou encore au niveau du salaire minimum, on leur impose des contraintes économiques et sociales importantes.

Nous attirons aussi l'attention sur le fait que l'article 39, tel que rédigé, pourrait permettre au gouvernement d'établir des taux minima régionaux. Nous espérons que telle n'est pas l'intention du gouvernement et, pour éviter de succomber à toute tentation éventuelle dans ce sens, nous demandons que le texte soit modifié en conséquence.

Nous sommes tout à fait surpris, en ce qui concerne la retenue sur le salaire, de la rédaction du deuxième paragraphe de l'article 48 qui stipule qu'une autorisation de retenue sur le salaire peut être révoquée en tout temps sauf lorsqu'il s'agit d'une adhésion à un régime d'assurance collective ou à un régime supplémentaire de rentes. Comment concilier ce texte avec l'article 38 du Code du travail qui prévoit la retenue syndicale obligatoire? Comment concilier ce texte avec les dispositions des conventions collectives qui prévoient des retenues syndicales sans possibilité de la part des salariés de retirer leur autorisation pendant la durée d'une convention collective?

Journée et semaine de travail. Cet article établit la semaine normale de travail à 44 heures et prévoit que le gouvernement peut, par règlement,

allonger la durée de la semaine. Nous nous opposons à la norme de 44 heures que nous désirons voir réduire à 40 heures et, conséquemment, nous nous opposons à ce que le gouvernement puisse fixer une semaine encore plus longue que celle qui est prévue dans cet article.

Nous demandons, de plus, que le nombre d'heures de travail quotidien soit fixé à huit pour éviter des abus considérables quant au non-paiement du temps supplémentaire; l'article 51, en ne fixant pas de limite quotidienne, permet à un employeur d'exiger d'un salarié qu'il travaille dix, douze heures par jour et même plus sans rémunération supplémentaire. Des heures de travail aussi longues sont susceptibles d'affecter la santé des travailleurs et souvent constituent un plus grand risque d'accidents du travail. Aussi, il nous apparaît que la loi des conditions minimales de travail devrait spécifier un nombre maximum d'heures de travail pour une journée. Quant à nous, la journée de huit heures nous semble d'application courante et cette norme devrait être universelle et stipulée dans la loi.

Au-delà de huit heures de travail par jour, le temps supplémentaire devrait donc être payé. Sur ce dernier point, le groupe de travail Castonguay partageait notre avis en recommandant toutefois une journée de neuf heures. Rappelons que sa proposition date de 1975.

Dans ce domaine des heures de travail, il est utile et opportun de se référer à la situation réelle des travailleurs québécois. Nous trouvons les indications nécessaires dans un document du Bureau de la statistique du Québec, "Statistique sur le marché du travail". Je vous ferai grâce de l'explication des tableaux, je vais simplement résumer les tableaux.

Le tableau 25 que nous extrayons de cette publication nous démontre qu'au Québec, en 1976, la semaine de travail dans à peu près tous les secteurs d'activités, syndiqués ou non, se situait à environ 40 heures. Dans les cas où la semaine de travail est supérieure à 40 heures, on peut croire que du temps supplémentaire a été effectué.

Dans le tableau 27, une enquête effectuée en 1976 auprès de 4502 établissements et 315 000 employés de bureau donne les résultats suivants: la semaine de travail est de cinq jours par semaine et la journée de travail est de moins de huit heures pour 99% des répondants: la journée de travail est de sept heures et demie ou moins pour 86% des répondants.

Le tableau 29 nous démontre que la durée de la semaine de travail pour 85% des employés hors bureau est de 40 heures ou moins et ces données valent pour 4131 établissements et 430 000 employés. De plus, on y apprend que 94% des salariés ont une semaine de cinq jours et 88% du même groupe ont des horaires quotidiens de huit heures ou moins.

Ces données devraient suffire pour entraîner un changement, quant à nous, à l'article 51 du projet de loi 126.

Rappelons tout de même que, par la loi C-8, le gouvernement du Canada a accepté la norme de 40 heures par semaine et la journée de huit heures. Cette législation ne s'applique que dans le cadre de la compétence fédérale pour les employés qui dépendent de cette juridiction. Le Code canadien du travail prévoit certaines exceptions, mais la semaine de travail ne peut jamais excéder 48 heures.

En Ontario — puisqu'il est courant d'établir des comparaisons avec cette province — la norme de huit heures par jour est appliquée, bien que la semaine de travail soit fixée à 48 heures. Mentionnons qu'en Saskatchewan, en plus de la norme de huit heures par jour, la semaine de 40 heures est prévue.

Pour terminer, est-il utile de citer le programme du Parti québécois, édition 1975? "En conséquence, un gouvernement du Parti québécois s'engage à:

Etablir une répartition plus juste du travail que la société doit assumer: a) fixer à 40 heures la semaine maximum régulière de travail; les heures supplémentaires seront rémunérées à temps et demi et les dimanches et jours fériés à temps double. Un employeur ne pourra obliger un employé à fournir des heures supplémentaires. En outre, l'application de la semaine de 40 heures ne devra pas entraîner de diminution de salaire; b) par la suite, viser à diminuer progressivement ces nombres d'heures, compte tenu de l'évolution de la technologie".

Bien sûr, le programme...

M. Bellemare: Cette référence est prise à la page 21, je pense.

M. Rodrigue: Elle est déchirée.

M. Bellemare: Elle est déchirée, il n'y a pas de référence...

M. Rodrigue: Bien sûr, le programme ne dit pas à quelle date cet engagement sera appliqué. Il est évident, cependant, que le gouvernement ne passera pas rapidement à la deuxième étape du programme s'il n'applique pas la première, c'est-à-dire la semaine de 40 heures.

Les revendications pour la semaine de 40 heures ne datent pas d'hier. En 1935, le Bureau international du travail adoptait: "que le principe de la semaine de 40 heures soit appliqué de telle manière qu'il ne comporte pas de diminution dans le niveau de vie des travailleurs".

Nous croyons que le gouvernement québécois n'a pas à craindre d'être critiqué pour son zèle si, en 1979, il établit par législation la semaine de 40 heures.

Des exclusions quant à la durée du travail. Nous avons déjà dénoncé fortement les différentes exclusions de catégories de salariés inscrites dans ce projet de loi et nous continuons de le faire pour ce qui est des exclusions qu'on trouve à l'article 53.

Selon cet article, la durée d'une semaine normale ne s'applique pas aux salariés suivants. Le groupe de travail Castonguay — nous partageons

son avis — plaide pour l'universalité de l'application de la Loi du salaire minimum. Il n'y a pas d'avantages à marginaliser les groupes de salariés, à les exclure de l'application d'une loi des conditions minimales de travail. Serait-ce au nom de la protection de l'entreprise familiale que le conjoint de l'employeur et ses enfants ne seraient pas couverts par la réglementation sur la durée du travail? Tient-on pour acquis qu'il n'y a pas d'exploitation des conjoints et des enfants dans certaines entreprises familiales?

A-t-on suffisamment songé, lorsqu'on se réfère au conjoint, qu'il s'agit en grande partie de femmes? Celles-ci ne sont pas assez exploitées dans d'autres domaines qu'il nous faudrait ajouter un autre moyen d'exploitation?

Les étudiants qui travaillent dans une colonie de vacances ont aussi droit à une durée normale de travail. Pourquoi devraient-ils faire 24 heures par jour sans rémunération adéquate?

Les salariés surnuméraires pendant la période des récoltes devraient aussi jouir de conditions de travail décentes.

Si, en raison du court temps de la récolte, il leur faut travailler plus longtemps, ils devraient être payés en conséquence. Il ne faut pas oublier que, parfois, cette catégorie de salariés peut être constituée d'immigrants, entre autres. Pourquoi en arriver à ajouter une autre forme de discrimination?

Cet article traite — on va en traiter à l'article 59 — des jours fériés, chômés et payés. Nous sommes déçus du fait que la loi ne prévoit que trois jours fériés, chômés et payés, la fête nationale des Québécois incluse.

Le gouvernement nous dira qu'il en prescrira d'autres par règlement. Il n'y a aucune raison pour ne pas le faire dans la loi, comme d'ailleurs le groupe de travail Castonguay le recommandait à la page 8 de son rapport: "que la loi prévoie huit jours fériés payés par année. A noter que cette recommandation a été faite en 1975.

Selon le document du Bureau de la statistique du Québec, la situation québécoise, en matière de jours fériés, chômés et payés, peut être décrite ainsi: Des 315 000 employés de bureau qui ont répondu à l'enquête, 85% jouissent d'au moins dix jours fériés payés par année. Pour ce qui est de l'enquête auprès de 430 000 employés hors bureau, au tableau 29, elle a révélé que plus de 75% d'entre eux ont droit à au moins dix jours de congés fériés par année.

Si on accepte le postulat que "la législation du salaire minimum peut être vue comme un moyen d'assurer à l'ensemble des travailleurs des conditions de travail dont une majorité bénéficie déjà", il ne devrait y avoir aucun obstacle à ce que la loi prévoie au moins dix jours fériés, chômés et payés.

Il est aussi intéressant de connaître la situation au Canada et dans les provinces pour ce qui est des jours fériés et payés. On voit qu'au Canada, il y en a neuf: Terre-Neuve, 13; Ontario, 8; Manitoba, 7; Colombie-Britannique, 8, et Alberta, 8.

A l'article 62, la compensation en cas de travail un jour férié. Cet article, qui traite du cas où un salarié travaille un jour férié payé, stipule que l'employeur peut le compenser en argent ou en temps. Il nous semble que l'article devrait être modifié, de façon que le salarié soit toujours compensé en argent, à moins qu'il ne demande lui-même à être compensé en temps. Il ne faut pas oublier que c'est le salarié qui subit l'inconvénient de travailler un jour férié et il serait normal que ce dernier puisse choisir son mode de compensation.

Une condition additionnelle: Cet article ajoute une nouvelle condition pour le droit du salarié de bénéficier du paiement d'un jour férié, condition qui n'apparaissait pas dans la Loi sur la fête nationale. Par cette disposition supplémentaire, non seulement le salarié devra avoir eu droit à un salaire pendant au moins dix jours dans les 30 jours précédant ce jour férié, mais encore, il ne devra pas s'être absenté du travail à la veille ou au lendemain de ce jour. Ajoutons toutefois qu'une telle absence sera permise sur l'autorisation de l'employeur pour une raison valable. Parce que l'expression "raison valable" n'est pas définie, il pourra être difficile pour un travailleur non syndiqué de justifier son absence et ce, même s'il a une bonne raison.

Ce texte permettra aussi à l'employeur mesquin de refuser le paiement si le salarié s'absente du travail pour une courte période de temps, par exemple s'il accuse un retard. Un refus dans une telle conjoncture pourrait donner lieu à un grief, mais, s'il n'y a pas de convention collective, cette disposition pourrait être une échappatoire au paiement des jours fériés.

Aux articles 67 et 68, les congés annuels payés. Le régime proposé de congés annuels prévoit deux semaines de vacances après un an de service et trois semaines après dix ans de service. Nous trouvons ces propositions timorées et nous suggérons que la loi des conditions minimales de travail stipule quatre semaines de vacances après un an. Dans le secteur public et parapublic, la règle négociée en 1976 prévoit quatre semaines de vacances après un an de service, ce qui s'applique à au moins 300 000 salariés au Québec.

Le programme du Parti québécois, en 1975, prévoyait aussi quatre semaines de vacances par année et cela, pour chaque employé à temps plein. Rappelons aussi que la convention no 132 de l'Organisation internationale du travail prévoit un minimum de trois semaines de vacances payées. Le Canada et certaines provinces accordent un régime de vacances plus généreux que celui prévu dans le projet de loi 126. Ainsi, le gouvernement fédéral a prévu un minimum de trois semaines après six ans de service, la Saskatchewan, un régime de trois semaines après un an et quatre semaines après dix ans. Le Manitoba n'accorde que deux semaines après un an, mais trois semaines après quatre ans.

Nous croyons utile aussi de citer ce qui existait au Québec, en 1975, en matière de congés payés pour les employés de bureau et hors bureau. Alors, le tableau suivant, le tableau 28,

révèle que 97% des employés de bureau ont un régime prévoyant trois semaines de vacances, 93% d'entre eux ont un régime qui prévoit quatre semaines de vacances et 59% bénéficient même d'un régime qui prévoit cinq semaines de vacances après un an.

Enfin, on a, au tableau 30, d'autres explications quant aux employés hors bureau: 90% ont un régime de trois semaines de vacances, 81% un régime de quatre semaines de vacances et 49% un régime de cinq semaines. Pour tous ces régimes, des vacances sont accordées selon le nombre d'années de service.

Enfin, nous voulons conclure cette question de la durée des congés annuels payés en rappelant qu'il n'est pas convenable de prévoir de si courtes périodes de vacances comme conditions minimales de travail. Ceci n'est pas compatible avec un objectif d'amélioration de la qualité de vie des travailleurs. (11 h 45)

A l'article 76, l'article des exclusions, dans une autre partie de ce mémoire, nous avons exprimé — on le rappelle — notre opposition à toute forme d'exclusion de l'application de cette loi à toutes catégories de salariés.

Nous rappelons ici notre opposition aux exclusions car elles démontrent une attitude discriminatoire à l'endroit des personnes concernées.

Aux articles 79 et 80, des congés sociaux. Les propositions du projet de loi 126 concernant les congés sociaux sont mesquines, quant à nous. Il ne nous apparaît pas suffisant de ne payer qu'une journée de congé à l'occasion du décès d'un membre de sa famille immédiate, plus une possibilité d'absence de trois jours sans paie. Il en est de même pour l'article 80 qui prévoit une absence d'une journée, sans salaire, pour le jour du mariage de l'un des enfants et de deux jours sans paie à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Il est vraiment curieux que rien ne soit prévu pour le mariage du salarié lui-même. En passant, on peut s'amuser un peu; le projet de loi ne prévoit pas de vacances ou de congé pour le salarié qui se marie. On pense que cela arrive encore ici au Québec de temps en temps.

Nous rappelons que le Code canadien du travail prévoit un congé payé de trois jours dans le cas du décès d'un membre de la famille immédiate du salarié.

Maintenant, le préavis du licenciement, l'article 81. La CSN estime qu'un préavis de deux semaines avant le licenciement d'un travailleur qui a passé des années de sa vie active au service d'une entreprise est trop court et que le préavis devrait être proportionnel au nombre d'années de service. Il ne serait pas du tout exagéré de prévoir dans la loi que le préavis après trois mois de service est de deux semaines et qu'il augmente d'une semaine par année de service.

Il faudrait aussi s'assurer que cet article n'annule pas l'article 45 de la loi 51 sur la qualification et la formation professionnelle, loi qui prévoit un préavis de licenciement plus long dans le cas d'un licenciement collectif, en attendant de modifier la loi tel qu'on le voudrait bien, nous de la CSN. Il faut bien se rendre compte que pour le travailleur, être licencié individuellement ou collectivement ne change pas sa situation de chômeur mais la loi sur les normes ne devrait pas annuler certains avantages existants déjà.

Le préavis a pour but d'éviter que le travailleur se retrouve brutalement sans travail et sans revenu, qu'il dispose d'un délai raisonnable pendant lequel son salaire lui sera versé et son emploi maintenu, pour s'adapter à la situation et chercher un autre emploi.

On va au suivant, à l'article 84, c'est-à-dire l'article des uniformes. Cet article traite des uniformes que l'employeur rend obligatoires en stipulant qu'il ne peut opérer aucune déduction du salaire minimum pour l'achat, l'usage ou l'entretien de cet uniforme. L'article, tel que rédigé, n'est pas satisfaisant parce que ce qui ne peut être fait directement pourra l'être indirectement. L'employeur n'aura pas le droit de déduire du salaire minimum l'achat de l'uniforme qu'il rend obligatoire, mais il pourra exiger du salarié qu'il se l'achète, évitant ainsi la déduction du salaire minimum et parvenant au même résultat. La loi doit donc prévoir que l'uniforme rendu obligatoire par l'employeur est à la charge de ce dernier.

Exclusions par règlement à l'article 86. On a rappelé plusieurs fois le fait qu'on est contre les exclusions. Nous réclamons, encore une fois, l'universalité de l'application de la loi sur les conditions minimales de travail.

Le taux du salaire au rendement. Le gouvernement se réserve le droit de fixer par règlement le salaire minimum "qui peut être établi au temps ou au rendement ou sur une autre base". La CSN est tout à fait contre le salaire au rendement qui constitue une surexploitation. Il faut dire clairement qu'en aucun cas le salaire minimum fixé au rendement ne doit être inférieur au taux du salaire minimum établi au temps. Dans certains secteurs industriels, il existe une pratique de négociation qui a comme résultat un salaire horaire inférieur au salaire minimum parce que les travailleurs sont payés au rendement. Un règlement permettant d'établir le taux au rendement pourrait consacrer cette façon de procéder qui devrait être abolie.

De plus, cette possibilité de réglementation semble incompatible avec l'article 40 qui stipule "qu'aucun avantage ayant une valeur pécuniaire ne doit entrer dans le calcul du salaire minimum".

Voyons maintenant la semaine de travail, à l'article 87. Une fois de plus, le gouvernement fait une entorse à l'universalité de l'application de la loi en se donnant la possibilité d'établir, par règlement, des normes spéciales sur la semaine de travail, notamment pour les domestiques, les salariés du commerce de l'alimentation au détail, des industries forestières, de la pêche, etc. Parce que la loi des conditions minimales de travail doit s'appliquer de la même façon pour tous les travailleurs, sans distinction, la CSN réclame la suppression de ce paragraphe discriminatoire.

Le congé de maternité à l'article 87f. Ce paragraphe stipule que le gouvernement peut, par

règlement, établir les modalités du congé de maternité. Nous tenons à répéter que le gouvernement n'a aucun motif valable d'établir ce droit par règlement plutôt que dans la loi.

L'argument invoqué par le ministre du Travail lors de la présentation de l'ordonnance, à savoir de procéder plus rapidement, ne tient plus.

Les changements demandés à l'ordonnance générale. Nous proposons plus loin des modifications à l'ordonnance actuellement en vigueur et demandons que cette ordonnance modifiée devienne un chapitre de la loi. Et là on décrit... Je pense que cela vaut la peine de le lire, à partir de l'article 7 en tout cas.

Durée du congé. Nous demandons un congé de 20 semaines au lieu de 18 semaines et que ce congé soit rémunéré à plein salaire, à condition que la salariée ait trois mois d'emploi dans les douze mois qui précèdent la date de la demande de congé.

A l'article 8, il faudrait biffer le deuxième paragraphe, parce qu'un congé de deux semaines seulement, après l'accouchement, est nettement insuffisant.

A l'article 9, il faudrait préciser:

Que la salariée pourrait obtenir une mutation ou un congé sur présomption scientifique s'il y a danger physique pour elle ou pour l'enfant à naître;

Que dans le cas de mutation, celle-ci ne doit pas entraîner de diminution de salaire et d'autres avantages reliés à l'emploi;

Que si la salariée ne peut obtenir une mutation, elle a droit à un congé payé en supplément du congé de maternité de 20 semaines et ce, pour toute la durée de la grossesse, si nécessaire;

Que l'employeur est tenu d'aviser une salariée enceinte de tout cas de maladie infectieuse dans son environnement et que si cela constitue un danger, le premier paragraphe s'applique.

A l'article 10, il faudrait biffer cet article.

A l'article 11, ce congé doit être payé.

A 12, ce congé doit être payé, quant à nous, aussi.

A l'article 14, il ne devrait pas y avoir de limite à ce congé de maladie, puisqu'il s'agit de complications causées par la naissance et qu'elles ne sont pas réglables automatiquement après quatre semaines. Sur présentation d'un certificat médical, la salariée devrait pouvoir obtenir un congé de maladie qui est recommandé par le médecin.

La loi devrait aussi prévoir:

Que les dispositions s'appliquent dans le cas d'adoption ou de prise en charge d'enfants;

Qu'il est interdit de congédier, suspendre, rétrograder, mettre à pied ou refuser une promotion à une salariée pour le motif qu'elle est enceinte;

Qu'il est interdit d'exclure des régimes collectifs d'assurance les complications reliées à la grossesse ou à la naissance;

Finalement, qu'il est permis à une femme enceinte de s'absenter sans perte de salaire pour recevoir les soins spécifiques aux femmes enceintes.

Enfin, la loi devrait prévoir un congé de paternité payé de deux semaines et congé parental, sans solde, pour la mère ou le père n'excédant pas deux ans.

L'article 88, toujours au niveau des exclusions. Comme nous l'avons déjà dit, l'article 88 qui prévoit la possibilité d'exclusion de certains organismes, partiellement ou totalement, de l'application totale ou partielle de loi nous semble superflue, parce que le gouvernement s'est déjà donné ce pouvoir à l'article 86. L'élimination de cet article s'impose d'autant plus qu'il pourrait constituer une discrimination à l'endroit des handicapés et des détenus.

A l'article 89, les normes variables. Non seulement le gouvernement se permet-il de fixer par règlements un grand nombre de conditions minimales de travail, mais encore il nous apprend son intention, à l'article 89, de faire varier les "normes" visées dans les articles 86, 87 et 88, "selon la branche d'activité et le genre de travail". Faut-il répéter que la loi des conditions minimales de travail ne doit comporter aucune discrimination.

Le paiement par la commission des sommes dues par les employeurs. La commission des normes du travail devrait payer la somme due à un employé en guise de dédommagement et, par la suite, réclamer à l'employeur ce qu'elle a versé pour lui. Habituellement, le travailleur a besoin de disposer rapidement de ce qu'on lui doit et le versement par la commission d'une somme allant au moins jusqu'au salaire minimum serait souhaitable. Nous demandons, donc, de remplacer le "peut" par "doit".

L'article 115, congédiement ou licenciement injustifié. La CSN endosse l'article 115 qui, toutefois, est trop limité. L'établissement des normes du travail devrait comprendre prioritairement des mesures visant à protéger l'emploi. Il est devenu indispensable de réglementer, en tout temps et en toute circonstance, le licenciement attribuable à l'initiative de l'employeur. Cela constitue une condition minimale de travail qui existe dans la législation du travail de la plupart des pays industrialisés pour les travailleurs syndiqués ou non.

Le licenciement, en tant que droit discrétionnaire et unilatéral de l'employeur, a des conséquences sociales et économiques trop graves pour la société tout entière pour qu'il ne soit pas soumis à une réglementation visant à contrôler l'arbitraire et les conséquences d'une telle décision. Dans la relation de travail, les travailleurs ne sont pas libres de se faire embaucher ou de refuser, car ils sont obligés de vendre leur force de travail, ceci étant leur seul moyen de subsistance. Les deux parties dans le contrat de travail, l'employeur et le salarié, ne se retrouvent donc pas sur un pied d'égalité économique; la liberté contractuelle n'existe pas vraiment, comme elle ne correspond pas à la réalité de la vie économique.

L'importance de la question a été soulevée par l'Organisation internationale du travail qui, dans la recommandation numéro 119 sur la cessation de la relation de travail en 1963, a établi à

l'article 2 (1) que: "Aucun licenciement ne devrait intervenir sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service."

Cette recommandation a été mise en application dans un bon nombre de pays membres de l'OIT. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle, dans la plupart des pays capitalistes industrialisés, il existe des législations qui, d'une part, contrôlent le droit discrétionnaire de l'employeur de licencier et, d'autre part, réglementent les conséquences du licenciement pour les travailleurs.

Elles ont consacré, d'une façon ou d'une autre, le principe selon lequel le travailleur doit pouvoir conserver son emploi à moins que l'employeur ait un motif valable pour mettre fin à l'emploi d'un travailleur.

Les motifs qui peuvent justifier le licenciement sont en général liés à des raisons d'ordre économique ou disciplinaire.

Les travailleurs licenciés, s'ils ne sont pas syndiqués, devraient pouvoir recourir à la Commission des normes du travail qui examinerait si le licenciement est justifié par un motif valable.

Si le licenciement est déclaré injustifié par la commission, celle-ci aurait le pouvoir d'ordonner que le travailleur soit réintégré dans sa fonction avec pleine compensation pour le salaire perdu.

Les amendements récents (C-8 en 1978) au Code canadien du travail prévoient à l'article 61, un recours en cas de congédiement injuste. Nous tenons à faire remarquer toutefois que cet article comporte une rédaction insatisfaisante car "aucune plainte ne peut être reçue lorsque la personne a été mise à pied par suite du manque de travail ou de la cessation d'une fonction". Or, il pourrait suffire que les employeurs affirment qu'ils licencient ou mettent à pied les travailleurs par manque de travail pour que ces derniers ne puissent avoir aucun recours pour vérifier si le motif est réel ou s'il cache une autre réalité.

Les législations étrangères considèrent de plus que le travailleur qui a passé plusieurs années au service de l'entreprise a acquis un droit à l'emploi et le fait d'être licencié lui cause un préjudice objectif que l'employeur doit dédommager.

L'indemnité de licenciement, de fin d'emploi, de départ, de perte d'emploi ou paie de séparation, a pour but d'indemniser le travailleur licencié pour le dommage causé; elle doit être payée par l'employeur dès qu'il licencie le travailleur, et même si le licenciement apparaît justifié par des motifs économiques.

En règle générale, le montant de la paie de séparation varie de un mois à une semaine de salaire pour chaque année de service, et elle est augmentée en fonction des années d'ancienneté.

Nous demandons le versement par l'employeur d'indemnités de licenciement équivalent à au moins un an de salaire aux travailleurs touchés par la fermeture totale ou partielle d'une entreprise.

Ces mesures constituent une réglementation du licenciement que le gouvernement devrait consacrer dans la loi, de façon que tous les travailleurs, syndiqués et non syndiqués, jouissent d'une protection réelle en cas de perte d'emploi.

Aux articles 123 à 125, qui traitent de la faillite, le chapitre VI prévoit que la commission peut, à même ses fonds, dédommager un salarié de façon totale ou partielle de pertes subies suite à la faillite de l'employeur.

La CSN se réjouit de ce principe, mais les mots "de la manière prévue par règlement" font que le principe ne constitue qu'une autre promesse. Il y a eu au Québec 943 faillites en 1976 et 1362 en 1977. Or, les travailleurs sont très mal protégés par la Loi des faillites.

La loi sur les normes — et non pas un éventuel règlement — doit prévoir que "la commission dédommage un salarié de la perte du salaire et d'autres avantages pécuniaires lui résultant de son contrat de travail, de la présente loi ou d'un règlement et qu'il a encourus comme conséquence de la faillite d'un employeur.

Voyons maintenant le contrat de travail. Une véritable législation sur les normes du travail doit réglementer les relations de travail dans ses aspects essentiels.

L'un de ces aspects, à notre avis, est le contrat de travail. Dans le cadre actuel, cette relation de travail est régie par le Code civil et les recours des travailleurs non syndiqués peuvent théoriquement s'exercer devant les cours régulières de justice. Or, l'économie du Code civil tient peu compte des contrats de travail, ce qui correspond à la réalité sociologique de 1866. Depuis, dans nos sociétés industrialisées, le salariat est devenu la règle fortement majoritaire.

Deux difficultés majeures se posent pour un travailleur qui déciderait d'exercer un recours contre son employeur. Il s'agit de l'absence fréquente d'un écrit sur les conditions d'emploi et les conditions de travail ainsi que les procédures complexes et onéreuses devant les tribunaux.

Nous savons comment, à l'heure actuelle, l'absence de contrat écrit pose d'innombrables difficultés pour les travailleurs qui sont soumis à l'arbitraire absolu en cette matière, car la parole de l'employeur constitue à l'heure actuelle la loi du contrat. Cette carence grave de notre législation permet aux employeurs d'imposer toutes sortes de changement à la baisse dans les conditions de travail comme bon leur semble sans que les salariés puissent avoir aucun recours pour réclamer le respect des conditions de travail établies par entente.

C'est pourquoi nous revendiquons que l'employeur remette à chaque salarié, lors de l'embauchage, un document décrivant les principales conditions d'emploi et de travail, c'est-à-dire salaire, journée et semaine de travail, jours de repos, horaires, congé annuel, avantages sociaux, fonctions, statut et lieu de travail. L'employeur serait également tenu d'aviser par écrit chaque salarié de tout changement à ces conditions de travail. (12 heures)

Nous demandons aussi que les pouvoirs de la commission soient modifiés pour qu'elle ait également le pouvoir d'entendre les plaintes sur le non-respect par l'employeur des conditions de travail stipulées, qui seraient remises au salarié.

Il nous semble que ces deux conditions, qui sont loin de remplacer les avantages de la syndi-calisation, contribueraient cependant davantage à assurer un minimum de droits pour un grand nombre de travailleurs.

Le temps partiel: II y a un sujet sur lequel nous désirons attirer l'attention de la commission. Au Québec, 55% des travailleurs rémunérés au taux du salaire minimum sont des travailleurs à temps partiel, et la plupart sont des femmes. Ces travailleurs sont la plupart du temps doublement exploités.

Il est important que la loi prévoie l'égalité pour cette catégorie de travailleurs — les temps partiels — et qu'ils aient droit à tous les avantages au prorata du temps travaillé.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, vous avez, à la suite, un résumé de l'ensemble des revendications de la CSN sur cette question. Evidemment, je me dispenserai de les lire, parce qu'on les a reprises un peu partout dans le mémoire.

C'est l'essentiel de notre position, de nos commentaires jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: M. Rodrigue, je voudrais d'abord souligner, malgré les divergences d'opinions assez profondes qui peuvent exister sur le contenu, le travail assez remarquable qui a été fait par la CSN dans l'analyse et dans sa présentation.

J'aurais quelques questions, parce que, dans le fond, ce que vous proposez là, M. Rodrigue, ça ressemble plus à un projet de société qu'à des conditions de travail minimales. Ce débat pourrait être long; on pourrait facilement déborder le cadre de la loi.

Il y a des questions qui nous embêtent quand on essaie de légiférer dans ce domaine; d'une part, on essaie de tenir compte de cette notion de libre association et de ce que peut apporter le syndicalisme et, d'autre part, de garantir un minimum de conditions de travail pour les gens.

C'est vrai, vous citez certaines lois qui, pour la plupart, je présume, même si vous ne les citez pas explicitement, sont des lois européennes où le contexte du développement des institutions syndicales a toujours été très différent de ce qu'il est en Amérique du Nord. Vous citez également, je présume, certaines choses qu'on rencontre dans des pays à régime socialiste, sociaux-démocrates du type suédois ou, à la rigueur, de l'Allemagne de l'Ouest, dans certains cas.

Il y a juste des choses qui m'ennuient très concrètement, quand, par exemple, on parle du salaire minimum; une revendication fondamentale de la CSN, on le sait, c'est l'indexation du salaire minimum, entre autres en s'inspirant du rapport Castonguay, du groupe Castonguay, à l'époque.

Que fait-on de l'argument économique dont vous disposez, je pense, un peu rapidement? Je suis d'accord avec vous que l'argument économique a permis aux hommes politiques de disposer rapidement des exigences sociales d'une hausse du salaire minimum; mais je pense qu'il ne faut pas pour autant disposer trop rapidement non plus de l'argument économique, à partir du moment où on va se décider à faire un progrès sur le plan social. Il existe, au Québec, un taux du salaire minimum qui, en ce moment, demeure le plus élevé et on vit dans une économie de compénétration et de concurrence avec nos voisins immédiats. Je pense aux Etats américains du nord-est, évidemment aux Maritimes et à l'Ontario, pour parler de nos voisins les plus proches.

Dans l'hypothèse où on indexerait un salaire minimum à partir de ce qu'il est aujourd'hui et où on l'indexerait à partir de maintenant au coût de la vie, est-ce que les conséquences macro-économiques de ça ne vous inquiètent pas, quand on tient compte du fait que, pour certaines de nos industries, au-delà de 60% de leur activité, dans certains secteurs, sont des marchés d'exportation et qu'en fin de compte, ça se traduit par des emplois ou pas d'emplois?

M. Rodrigue: D'abord, M. le ministre, une remarque d'ordre général quant à nos exemples ou à nos comparaisons et au projet de société que, selon vous, on propose plutôt que de proposer des amendements à la loi sur les normes...

M. Johnson: Vous proposez, je pense, des amendements très concrets. J'ai pris la peine de souligner que cela était fait de façon très méticuleuse, mais...

M. Rodrigue: On a tenté.

M. Johnson: ... je prends l'esprit général, au-delà de certaines recommandations dont on pourra sûrement tenir compte à certains égards.

M. Rodrigue: En ce qui concerne les comparaisons, je voudrais souligner qu'effectivement on prend des exemples ou certains exemples dans les pays occidentaux, en Europe, pays qui sont dans le même régime que nous, n'est-ce pas? D'autre part, nous considérons davantage cependant le fait que le Québec, à cause de plusieurs particularités, est capable de se donner lui-même ses projets de loi évidemment en tenant compte de ce qui existe autour de lui, mais nous pensons que sur ce plan-là il nous faut faire un effort en tenant compte de la réalité qu'on connaît et qu'on essaie de décrire dans le mémoire. On a tenté de faire cet effort, de décrire la réalité. C'est pourquoi nous citons plusieurs exemples européens, mais nous en citons davantage québécois quant à la description de la réalité, ce qui existe, et aussi au niveau du Canada.

Sur ce plan-là, s'il fallait parler d'un projet de société, je vous assure tout de suite que nous aurions plusieurs autres éléments à ajouter pour compléter nos commentaires sur ce mémoire.

En ce qui concerne l'argument économique quant au salaire minimum, à suivre le raisonnement ou certains raisonnements qu'on entend souvent, il faudrait payer ici des salaires de Hong Kong ou d'ailleurs, de certains pays d'Asie...

M. Johnson: Sans verser là-dedans.

M. Rodrigue: ... parce que...

M. Johnson: Sans verser là-dedans.

M. Rodrigue: Sans verser là-dedans effectivement, je vous soulignerais tout de suite que votre propre parti, il y a à peine quelque temps, considérait qu'il était important d'indexer le salaire minimum. L'indexer à quoi? C'est une autre question qu'on a déjà débattue d'ailleurs. Je souligne que même le patronat a été d'accord, en 1975, sur cette question. Le patronat n'était pas d'accord avec ce sur quoi on devait se baser pour indexer, ou encore, quel type d'indexation on devait apporter en ce qui concerne le salaire minimum. Mais pour nous, la réalité qu'on connaît actuellement, que les travailleurs connaissent, appelle sur ce plan-là un geste concret et surtout le maintien d'une décision gouvernementale qui avait déjà été prise. Le maintien, parce que c'est trop facile de prétexter que la raison économique, ou encore, trop facile de soutenir que parce que le salaire minimum est ce qu'il est au Québec, parce qu'il sera indexé, il y a des entreprises qui, à cause de cette raison, fermeraient. On n'est pas d'accord avec cette affirmation, quant à nous. On ne partage pas l'idée ou l'opinion même de certaines organisations syndicales qui seraient d'accord avec vous. La CSD avait exprimé cette opinion-là antérieurement, que le salaire minimum était un facteur. Pour nous, cela n'est pas le facteur qui détermine l'existence ou non d'une entreprise.

Je soulignerais que, en ce qui concerne l'indexation du salaire minimum, on ne voit pas comment, après toutes les études, les analyses sur lesquelles on peut diverger, vous et moi et d'autres, les conclusions auxquelles on en est arrivé — tout le monde, y compris le gouvernement actuel — maintenant, cela ne serait plus vrai et la réalité n'exigerait plus d'indexation. On ne comprend pas. Vous nous permettrez cela.

M. Johnson: J'ai une série de trois pages de questions à partir de l'étude du mémoire qu'on a faite chez nous quand on l'a reçu. Etant donné le peu de temps qu'il nous reste ce matin, ce sont des commentaires.

Vous avez soulevé une série de points dont, dans certains cas, on pourra tenir compte sûrement. On a analysé cela et on va continuer à le faire. On aura sûrement l'occasion d'en discuter entre les membres de la commission.

J'en aurais une sur les domestiques qui est un autre sujet assez sensible dans cette loi. L'objectif est évidemment de couvrir, dans la mesure du possible, des travailleuses — en général, ce sont des femmes dans l'immense majorité des cas — qui, par exemple, résident chez un employeur et où on sait que dans certains cas ce travail-là donne lieu à des conditions de ce que vous appelez dans un vocabulaire que je commence à connaître et à reconnaître de surexploitation, et non pas d'exploitation. C'est cela, l'objectif de la loi.

Vous allez plus loin et vous dites: Dans le fond, ça devrait être standardisé pour tout le monde, le travail domestique devrait être rémunéré au salaire minimum. Vous nous reprochez d'établir un pouvoir réglementaire, ce qui est également une remarque générale sur le projet. Concrètement, une domestique qui réside chez quelqu'un, doit-on considérer que du seul fait de sa présence dans la maison 24 heures par jour, cinq jours par semaine, sans compter les heures où elle sort de la maison... On a fait des calculs. Disons qu'une domestique résidente est soumise à la Loi du salaire minimum; au salaire minimum, à $3.47, on ne tient pas compte du fait qu'elle est logée, nourrie et théoriquement, ça revient à $700 par semaine. C'est ce que ça coûterait et ce serait le revenu d'une domestique, dans la mesure où on considère qu'au moment où elle réside à la maison, elle peut être appelée à "travailler", entre guillemets, s'il y a des enfants et qu'elle se lève la nuit pour s'en occuper.

Il est bien évident qu'on ne peut pas avoir un régime général, qui s'appliquerait à des employés qui ont des heures régulières dans un contexte industriel ou commercial, pour des gens qui, de fait sont, d'une certaine façon, en disponibilité dans le cadre du travail domestique. Ceci dit, il est bien clair qu'il faut qu'on empêche les horreurs qui existent dans certains cas où, entre autres, des femmes, surtout des immigrantes — entre autres, d'origine haïtienne, et ça, on le sait que cela existe — sont payées $25 par semaine; elles résident dans des conditions qui sont souvent à peu près inacceptables. C'est évident qu'il faut s'arranger pour couvrir cela.

L'extension de la loi à l'ensemble des domestiques, en pratique, ça pourrait signifier, si on ne détermine pas, d'une façon ou d'une autre, quelles sont les heures de travail — et comment peut-on déterminer quelles sont les heures de travail? — $700 par semaine.

M. Bellemare: Combien?

M. Johnson: $700 par semaine. Evidemment, c'est poussé in extremis.

M. Rodrigue: C'est une manière de décrire ce que pourraient être les règlements. Je voudrais souligner que l'exemple que vous donnez de la domestique qui est à la maison, cette domestique est dans un état de disponibilité, en quelque sorte. Elle pourrait résider à la maison et ne pas travailler, ne pas être en service. Il n'y a pas d'opposition ou de contradiction dans ce fait. D'autre part, si on considère l'état de disponibilité, on peut constater que, dans plusieurs secteurs économiques ou dans les services publics, il arrive souvent que des travailleurs soient appelés à être

en état de disponibilité sur les lieux du travail ou en dehors des lieux du travail, sans pour autant être compensés pour l'ensemble des heures où ils sont là. Il y a des normes fixées en ce qui concerne la rémunération.

En conséquence, ce qui est important pour nous, c'est d'essayer de régir, de réglementer sur le plan législatif la situation de ces femmes, de ces gens placés dans des circonstances très différentes du travailleur d'usine qui arrive à 8 heures, le matin, et qui termine à 17 heures. Dans ce sens, il faut tenir compte de l'ensemble de ces facteurs. Cela n'empêche pas, pour nous, l'application des normes minimales, dans leur cas, en tenant compte de la réalité dans laquelle ils sont placés, comme on en tient compte dans certaines catégories qui sont appelées à être en disponibilité, parfois 24 heures par jour, pendant une semaine de temps.

M. Johnson: En fait, ce qui est exactement ce que prévoit la loi, dans la mesure où on dit qu'on peut, dans le cas des domestiques, par règlement, fixer ces conditions, c'est bien évident, ou bien à moins qu'on le fasse dans la loi, mais, encore une fois, cela aurait été un exercice, je pense, assez compliqué que d'essayer de déterminer ce qu'est ce régime juridique dans la loi. Par règlement, il y a plus de souplesse, en pratique, et cela donne également plus de temps pour voir comment on peut en pratique ajouter des conditions qui peuvent varier. (12 h 15)

M. Rodrigue: II y a des exemples dans des conventions collectives existantes sur des services de garde, etc., 24 heures, comme je le disais, pendant une semaine parfois et à tour de rôle, pour différentes catégories de travailleurs. Quand vous parlez de la loi, quand nous prenons cette position, c'est que vous, vous les excluez de la loi. Nous, on dit: Elles ne doivent pas être exclues, on ne doit pas les exclure. Là, vous me répondez sur le plan des règlements: Bon! ce n'est pas facile d'arriver dans la loi à régir ou à fixer toutes les normes. Quant à nous, le point qui nous semble majeur, d'abord, c'est l'exclusion. On est contre l'exclusion de ces catégories et ensuite, quant aux modes qui seraient nécessaires pour réglementer la situation concrète de ces gens, là on est prêt à discuter.

M. Johnson: D'autre part, toujours sur les domestiques, cela va être ma dernière question là-dessus, c'est un problème qui n'est pas facile à régler. Cela peut paraître cynique de le dire et je ne voudrais pas qu'on perçoive cela comme étant finalement qu'il s'agit de permettre à des femmes d'en exploiter "d'autres". Mais, en pratique, la domestique, au sens large, s'occupe également de garder des enfants et travaille dans un foyer où déjà l'homme travaille à l'extérieur et où la femme, pour boucler le budget, pour augmenter la richesse de la famille ou par intérêt, mais dans la majorité des cas, pour augmenter les richesses de la famille, a choisi de travailler également. Il est bien clair que, dans un tel contexte, malgré le fait qu'on a multiplié par sept les budgets des garderies, il y a des chances que la femme ait recours à une gardienne. Or, vous avez dit vous-même que 60% à 70%, selon les données statistiques qu'on a, des personnes qui sont au salaire minimum sont des femmes. On pourrait en conclure, à partir d'un recoupement d'autres statistiques, qu'une majorité de ces femmes sont mariées et ont des enfants et ont donc recours, d'une façon ou d'une autre, dans certains cas, à des services de garderies, soit à des garderies communautaires, etc., ou aux services d'une gardienne. A partir du moment où la gardienne domestique, à la maison, est soumise au salaire minimum et que la femme qui a choisi d'aller travailler dans un commerce ou dans une usine est également soumise au salaire minimum, je pense qu'on a là une des plus extraordinaires incitations macroéconomiques à ne pas permettre un accès à la femme sur le marché du travail.

M. Rodrigue: Je vous rappelle que, sur ce plan, M. le ministre, quant à nous, la question des garderies est importante et c'est pour cela qu'on réclame les garderies publiques et gratuites pour l'ensemble du territoire, de façon que, justement, cela permette à la femme... Parce qu'on est très conscient d'un certain nombre de conditions qui existent et qui ne leur permettent pas d'exercer la fonction sociale et d'être sur le marché du travail. Cet exemple que vous me donnez, c'est un exemple qui est, bien sûr, tiré d'une série qui pourrait être faite, mais, pour nous, cela doit aussi être placé, accolé à d'autres conditions. Il est bien certain que la revendication de la CSN sur le plan des garderies, c'est fondamental pour favoriser et améliorer les conditions dans lesquelles les femmes se retrouvent et qui les empêchent effectivement, ou qui leur ferment, dans une certaine mesure, l'accès au marché du travail.

Dans ce sens, il n'est pas question pour nous de réclamer ou de revendiquer des niveaux de salaire pour un groupe, ce qui mènerait à la conclusion ou qui aurait comme conséquence de demander aux femmes, aux mères de famille, d'aller sur le marché du travail pour, essentiellement, payer leur gardienne quand elles ont besoin d'augmenter le budget familial ou autrement. Dans ce sens, on ne peut pas faire autrement que de vous dire qu'il faut accoler et régler l'autre problème en même temps. C'est un problème. Vous dites vous-même que vous avez augmenté le budget sept fois depuis à peine deux ans et demi...

M. Johnson: Ce n'est pas encore suffisant. Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas encore...

M. Rodrigue: Quant à nous, non seulement ce n'est pas sept fois, mais c'est le réseau entier des garderies qu'il nous faut arriver à mettre sur pied pour régler ce problème.

M. Chevrette: C'est un peu mieux que ce que vous avez fait pendant six mois.

Mme Lavoie-Roux: On peut faire les calculs.

M. Johnson: M. le Président, compte tenu de l'heure, je demanderais peut-être au député de Portneuf s'il permettrait au député de Johnson de procéder à ses questions au cas où, cet après-midi, pour une raison ou pour une autre...

M. Bellemare: Je n'en ai aucune.

M. Johnson: Vous n'avez pas de questions ni de commentaires?

M. Bellemare: Aucun. M. Chevrette: C'est clair.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Rodrigue, je vous remercie de la présentation de votre mémoire ce matin. C'est très bien fait; c'est bien étoffé, etc. Un très bref commentaire avant de formuler quelques questions; c'est un débat de fond auquel vous nous conviez ce matin. C'est évident que c'est un débat de fond, ce sont des questions de fond devant lesquelles le gouvernement actuellement et tous les gouvernements n'ont pas le choix; ils doivent faire face à ces questions fondamentales de la redistribution ou des programmes sociaux et ces choses-là. Ce que vous nous proposez — je reprends un peu ce que le ministre disait tantôt — sans être un projet de société, c'est tout au moins un projet d'envergure, un projet qui serait certainement plus équitable, plus juste et, dans plusieurs cas, justifié, mais qui nous convie à des déboursés très appréciables et qui nous obligerait, qui obligerait la collectivité à changer des sommes très importantes de place avec toutes les répercussions que cela peut avoir sur le développement économique.

J'aurais une première question très brève: Est-ce que vous avez pu évaluer, dans vos services, le projet de loi 126 comme tel? Quelle somme d'argent, en matière de déboursés, va-t-il impliquer; quel en sera l'effet dans l'entreprise? Ceci est dans un premier temps. Et j'aimerais que vous établissiez la comparaison avec ce que cela coûterait si le gouvernement ou si le projet de loi 126 incluait tout ce qu'il est prévu dans vos demandes et dans vos revendications.

M. Rodrigue: Votre question, M. le député, d'abord je pense que je serais malhonnête de vous dire que j'ai une réponse. Nous n'avons pas calculé le coût, parce qu'on considère que ce n'est pas là l'essentiel de notre débat, ni de notre rôle, de répondre à cette question. Mais on sait une chose, par exemple, c'est que les coûts sociaux, du fait qu'il y a 34% de la population ou à peu près qui vivent sous le seuil de la pauvreté, le fait qu'il y ait des centaines de milliers de personnes qui soient au salaire minimum, on l'affirme facilement parce qu'on sait dans des cas concrets la loi n'est pas toujours respectée, ce sont des coûts sociaux importants que l'on pourrait chiffrer et que l'on pourrait traduire par des réalités qui sont assez tristes, assez tristes. Alors dans ce sens, je vous dirai que la CSN, comme organisation, est prête à contribuer, puis à faire l'analyse d'un certain nombre de questions. Mais sur des besoins aussi essentiels que ceux-là, nous considérons que, d'une part, l'économie québécoise dans son ensemble a des responsabilités, pas uniquement le gouvernement, le patronat principalement sur cette question, il s'agit d'obliger le patronat à respecter les normes minimales de travail qui correspondent, encore une fois, à un minimum. Alors dans ce sens, la responsabilité de la CSN, c'est de décrire cette réalité, puis d'essayer dans une tentative, dans un effort, dans les circonstances, peut-être pas suffisant, mais que l'on considère réel, de mettre de l'avant des revendications pour répondre à ces besoins.

M. Johnson: J'ai oublié de passer un commentaire, et sa première question me le ramène. Vos statistiques que vous avez abondamment citées dans votre mémoire sont d'abord celles qui sont disponibles, elles sont relativement récentes et, encore une fois, je pense qu'il faut rendre cela à ceux qui ont fait la recherche chez vous, cependant elles s'appliquent dans le cas et quand vous parlez de la notion de ce que c'est qu'une norme à partir du Petit Robert, tout ce que c'est dans l'entendement général, vous vous servez de cela pour voir ce qui est observé de façon générale. Je vous ferai remarquer que ces statistiques visent les entreprises de plus de 20 salariés. Or, 85% des entreprises au Québec ont moins de dix salariés, et on sait que le gros de notre main-d'oeuvre qui travaille dans des conditions d'absence de syndicalisation ou qui est soumis comme seule protection au Code civil et à la Loi du salaire minimum, se retrouve dans ces entreprises. Evidemment, cela ne répond pas à la préoccupation sociale que vous avez établie tout à l'heure ou dont vous avez parlé. Sauf que sur le plan de l'analyse, les effets économiques d'une législation comme celle-là, il est bien évident qu'il faut en tenir compte, et que c'est là que le coût porte sur le plan économique.

Si vos statistiques démontrent qu'il y a 9% par exemple, des gens qui travaillent plus que 44 heures par semaine, c'est vrai pour les entreprises de plus de 20 employés. Pour les entreprises de moins de 20 employés qui forment 90% des entreprises au Québec, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est cela notre capitalisme au Québec, c'est un monde de PME, ce n'est pas tout à fait le règne des multinationales. Je regardais récemment une loi — ce sera mon dernier commentaire — allemande, dans le cadre de la participation des travailleurs aux décisions de l'entreprise au niveau du conseil d'administration, qui s'applique aux entreprises de 2000 employés et plus. Je trouve que c'est absolument fascinant comme mécanisme, sauf que je regarde au Québec et je ne suis pas capable de vous en nommer

dix. La réalité du Québec, c'est 125 000 entreprises, dont, à peu près, 120 000 ont moins de 20 employés. Il faut en tenir compte.

M. Rodrigue: Sur ce plan-là, je vous soulignerais cependant que les 90% d'entreprises en bas de 20 employés, cela ne représente pas 90% des travailleurs, d'une part.

M. Johnson: D'accord.

M. Rodrigue: D'autre part, en ce qui concerne les entreprises de moins de 20 employés, je vous signale aussi que, indépendamment des statistiques, on peut présumer que la situation pour ceux-là est à peu près identique à celle qu'on décrit en vertu des statistiques.

Je ne parle pas de l'aspect économique de l'entreprise. Je parle de la réalité des travailleurs, de ceux qui y travaillent. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte. C'est pour ça que la CSN a insisté depuis des années pour que le Canada et le Québec aussi se dotent d'une stratégie industrielle importante. On aura l'occasion de traiter de ces questions-là éventuellement...

M. Johnson: La semaine prochaine.

M. Rodrigue: La semaine prochaine, peut-être. On a effectivement insisté à plusieurs reprises et on va continuer d'insister parce que ça nous apparaît fondamental en termes de développement qui devrait être axé sur le fait qu'il faut répondre aux besoins sociaux de notre société.

M. Pagé: M. Rodrigue, vous avez répondu à ma question. Pour nous, ce n'est pas là la question. Cela entraînera évidemment un commentaire de ma part et d'autres questions que j'ai à vous formuler. J'ai des questions spécifiques aussi et mon collègue, le député de L'Acadie, a plusieurs questions à vous formuler. Pour ces motifs, M. le Président, je demanderais d'ajourner et on reviendra après le...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est mieux.

Le Président (M. Marcoux): Oui, si vous êtes disponibles à la reprise de nos travaux, les membres de la commission apprécieraient continuer à discuter de votre mémoire.

La commission ajourne ses travaux sine die et reprendra au milieu de l'après-midi, selon l'ordre de la Chambre.

Suspension de la séance à 12 h 28

Reprise de la séance à 16 h 45

Le Président (M. Dussault): Mesdames et messieurs, nous allons poursuivre les travaux de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre qui se réunit aux fins d'étudier les mémoires sur le projet de loi 126, Loi sur les normes du travail.

Sont membres de cette commission: MM. Bellemare (Johnson), Bisaillon (Sainte-Marie), Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), Johnson (Anjou), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) en remplacement de M. Mailloux (Charlevoix), MM. Pagé (Portneuf), Roy (Beauce-Sud) et Vaillancourt (Jonquière).

Pourraient aussi intervenir: MM. Brochu (Richmond), Forget (Saint-Laurent), Gosselin (Sherbrooke), Jolivet (Laviolette), Laplante (Bourassa), Lefebvre (Viau), Paquette (Rosemont), Springate (Westmount) et Samson (Rouyn-Noranda).

Avant de continuer les travaux, il faudrait vérifier si les groupes sont présents. Au moment où nous avons terminé les travaux ce matin, nous étions à entendre la Confédération des syndicats nationaux. Je voudrais savoir si le Conseil québécois du commerce du détail est présent? Présent.

L'Association des industries forestières du Québec limitée? Présente.

La Centrale de l'enseignement du Québec? Présente.

L'Association des manufacturiers de mode enfantine? Présente.

Le Comité consultatif de l'immigration du Québec? Présent.

Nous avons convenu, entre les partis, avant de commencer les travaux, que nous suspendrions les travaux quelques minutes après avoir pris les présences de façon à pouvoir avertir les groupes qui ne pourraient pas être entendus aujourd'hui, pour ne pas les forcer à rester ici.

Je suspends donc la séance pour quelques minutes, le temps d'une convention là-dessus.

Nous reprenons les travaux de la commission. Les groupes seront entendus dans l'ordre suivant, selon la convention établie entre les parties: D'abord, nous continuons avec la CSN; passera ensuite le Conseil québécois du commerce du détail; ensuite, l'Association des industries forestières du Québec limitée; ensuite la Centrale de l'enseignement du Québec. Nous pensons qu'il se peut fort bien qu'après la Centrale de l'enseignement du Québec, on ne puisse pas entendre l'Association des manufacturiers de mode enfantine et le Comité consultatif de l'immigration du Québec. De toute façon, ils ont été prévenus de cette éventualité; si c'était le cas, le secrétariat des commissions avertirait le plus tôt possible les personnes concernées de façon qu'elles sachent quand elles seront entendues si elles le sont. Elles seront évidemment entendues en priorité.

M. Pagé: M. le Président, y aurait-il possibilité que, pour les autres séances, à la veille de l'ajournement d'une séance, on établisse conjoin-

tement notre agenda de travail pour le lendemain, pour la séance ou la journée subséquente, de sorte qu'on ne soit pas obligé de convoquer des gens ici et de les faire attendre pour finalement leur dire: Malheureusement — comme on le fait cet après-midi, à 16 heures — c'est bien regrettable, il est fort probable que vous ne puissiez pas être entendus ce soir? Vous devez retourner à Montréal et vous reviendrez la semaine prochaine ou dans quinze jours.

M. Johnson: Effectivement, je ne peux faire autrement que le regretter, sauf que j'ai offert tout à l'heure aux députés de l'Opposition libérale de s'entendre pour vingt minutes pour l'exposé et vingt minutes d'un côté et de l'autre. On m'a répondu: Non pas vingt minutes pour la période des questions. Ce n'est pas nous qui voulons retarder. Si l'Opposition est capable de me faire savoir combien de temps elle entend prendre sur chacun des mémoires, on va peut-être pouvoir planifier. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas cela, on ne pourra pas planifier, on va être obligé de faire attendre les gens.

M. Pagé: Le ministre du Travail veut laisser croire que c'est à la suite de notre réaction que cela retarde. Ce n'est pas le cas, on est d'accord pour une heure.

M. Johnson: Oui?

M. Pagé: Oui, on est d'accord pour une heure.

M. Johnson: Au total. Pour tous les mémoires?

M. Pagé: Oui, sauf que vous allez prendre...

M. Johnson: II y a déjà une heure et quart de passée dans le cas de la CSN.

Le Président (M. Dussault): Si vous le permettez, messieurs, je pense que les points de vue ont été mutuellement entendus, en espérant qu'ils pourront améliorer les choses. Ceci dit...

M. Johnson: Pour le bon entendement de M. Orenstein et de M. Rafla, de l'Association des manufacturiers de mode enfantine et du Comité consultatif de l'immigration, il est fort probable que nous ne pourrons vous entendre ce soir. Cependant, si, à 21 heures, nous en avons terminé avec la CEQ, nous pourrons vous entendre. Si vous désirez quitter, nous pouvons vous assurer que vous serez les premiers entendus dès la reprise, dans la semaine du 20; nous vous en aviserons. Vous désirez quitter et revenir le 20, à ce moment-là? Est-ce que c'est la même chose pour le Conseil consultatif de l'immigration? Vous ne savez pas encore? De toute façon, vous pourrez nous le faire savoir et avertir M. Rafla qu'on l'entendra la semaine prochaine, le cas échéant. Ce ne sera pas lui, de toute façon.

Le Président (M. Dussault): Au moment où nous avions suspendu les travaux cet après-midi, M. le député de Portneuf avait la parole et il s'était écoulé dix minutes sous l'empire de son droit de parole. C'est une indication que je vous donne, M. le député, vous avez la parole.

M. Pagé: Etes-vous certain que ce n'est pas huit minutes?

Le Président (M. Dussault): C'est peut-être huit minutes, je vais vous laisser toute la chance.

M. Pagé: Cela veut dire qu'il me reste douze minutes.

Le Président (M. Dussault): Peut-être.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais quand même tenter d'être assez bref car ma collègue de l'Acadie a quelques questions à poser.

Mme Lavoie-Roux: Pas beaucoup.

M. Pagé: M. Rodrigue, au début de votre réponse à ma première question, vous disiez: La question n'est pas sur l'aspect des coûts économiques. Ne croyez-vous pas qu'avant longtemps il faudra que toutes les parties en présence, c'est-à-dire le milieu patronal, le milieu syndical, le gouvernement et même les partis politiques parce qu'ils contribuent dans une certaine mesure par leurs programmes à ajouter à la problématique de cette situation, ne croyez-vous pas qu'il faudra être plus prudent? Malheureusement, je conviens avec vous qu'un document comme celui-là et des revendications telles que celles que vous avez formulées ce matin sont, dans une très large mesure, justes et équitables, mais il faut voir, en tant que société, ce qu'on est capable de se payer et jusqu'où on est capable d'aller.

Je ne voudrais pas que vous l'envisagiez strictement du point de vue des parties syndicale et patronale. C'est un problème collectif qu'on a. Le gouvernement est fort conscient que si demain matin il acceptait toutes ces mesures... même le projet de loi 126 aura des implications énormes au sein de l'entreprise. Dans votre document, vous évoquez le fait qu'il y a eu 943 faillites au Québec en 1976 et 1362 en 1977.

Il y a de petites entreprises qui vont être particulièrement affectées par cette question, par un projet de loi comme le projet de loi 126 et cela risque de remettre en cause la possibilité pour ces entreprises de survivre. J'ajouterai à cela que les partis politiques ont leur mea culpa aussi à faire dans ce sens. Chacun des partis politiques, je crois, se sent obligé, lors de chaque campagne électorale, d'ajouter et de s'engager, et tout cela. Le véritable débat, il faudra qu'il se tienne avant longtemps. Il y a des entreprises qui ne seront plus capables de suffire, purement et simplement. Par cette réaction, je ne veux pas qu'on limite les avantages pour les travailleurs du Québec. Je suis

d'accord avec vous qu'il y a plusieurs choses qui doivent être faites. Je suis d'accord avec vous qu'il y a des congés et que la journée de travail devrait être limitée, que la semaine de travail et que les heures de travail devraient être limitées, etc., mais il faut avoir à l'esprit l'impact économique que cela aura éventuellement. C'est dans ce sens que je vous formulais ma première question, à savoir jusqu'où vous étiez-vous préoccupés de cet aspect.

M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais vous dire d'abord, parce que cela m'apparaît important, que la CSN, comme organisation, n'est pas d'accord avec le système économique actuel. Vous le savez. A court terme, nous cherchons des solutions à un certain nombre de problèmes qu'on constate dans la réalité. Votre question suppose qu'on traite beaucoup plus globalement de la situation économique que des normes minimales de travail. C'est pourquoi, ce matin, je disais qu'il y a des choses qui ne s'opposent pas, qui sont complémentaires. Par conséquent, je vous dirai que la CSN, comme organisation, trouve très grave de dire la réalité au niveau des conditions, mais trouve très grave aussi que le système économique dans lequel on est — on peut différer d'opinion là-dessus... Même les économistes libéraux, les économistes qui sont d'accord avec le système économique actuel, n'ont pas craint, comme Claude Castonguay dans un rapport, de proposer les mesures que la CSN revendique en partie dans son mémoire. Pourquoi ne l'ont-ils pas craint? Parce que cela a des conséquences bénéfiques sur le plan économique quand on augmente le salaire minimum. Vous pouvez nous dire: Cela peut mettre des entreprises dans des situations précaires. Je vous signale que si le nombre des faillites au Québec augmente, il augmente aussi en Ontario. Au Canada, globalement, il augmente et aux Etats-Unis aussi. En même temps, je vous dirai que le taux du salaire minimum là-bas est plus bas qu'ici.

Sur le plan général et sur le plan de l'investissement, par exemple, au pays, on sait que la dernière année, il y a eu $10 milliards qui sont sortis du Canada pour être investis à l'étranger, pris à même les profits réalisés au Canada, donc en partie au Québec. Ces profits ont été investis à l'étranger, ils n'ont pas bénéficié aux travailleurs qui gagnent le salaire minimum ou moins. Dans ce sens, on pense qu'effectivement le gouvernement doit légiférer pour forcer l'employeur à donner de meilleures conditions de travail à ses salariés.

Quant aux coûts globaux, je suis certain que M. Johnson aurait de la difficulté, au moment où on se parle, à me dire quels sont les coûts globaux des mesures que lui-même propose, indépendamment de nos désaccords ou de nos divergences. Je suis convaincu de cela. Je suis convaincu que votre parti ne pourrait pas me le dire non plus. C'est sûr que cela a des impacts, mais on affirme — sur cela, je prends le témoignage de la commission Castonguay — que cela a autant d'aspects bénéfiques que d'aspects négatifs, par- ce que, de ceux-là, on n'est pas certain. Par contre, on sait que s'il y a plus d'argent qui circule dans l'économie, il y a plus de consommation et cela permet, souvent, une meilleure situation et pour les travailleurs et pour l'ensemble de l'économie.

Dans ce sens, votre question étant un peu hypothétique, ma réponse est nécessairement hypothétique.

M. Pagé: Je n'en attendais pas moins, d'ailleurs. Je me résumerai à dire, avant de céder la parole à ma bonne amie, le député de L'Acadie, que — remarquez, mon commentaire n'est pas une fin de non-recevoir à vos propositions. Il y en a plusieurs qui, je crois et nous le croyons, sont justifiées. D'ailleurs, on aura l'occasion de l'indiquer, d'en faire part au ministre lors de l'étude du projet de loi article par article —.Je tiens à vous faire part que j'ai bien apprécié les commentaires que vous avez formulés dans votre mémoire en ce qui concerne les exclusions de la loi. (16 heures)

La question du pouvoir réglementaire nous apparaît, nous aussi, trop large. Entre autres, il y a la question bien spécifique du conjoint d'un employeur. Il faudra absolument, selon moi, que le gouvernement intervienne à ce chapitre. Il y a des cas qui sont certainement préjudiciables à ces gens qui travaillent, dont le conjoint est l'employeur. Ils ne peuvent participer aux différents programmes auxquels d'autres travailleurs peuvent souscrire et participer.

Je vous remercie beaucoup de vos commentaires. J'aurais une dernière question très brève à poser: Ne croyez-vous pas qu'un projet de loi comme celui-là va retarder la syndicalisation au Québec?

M. Rodrigue: Non, je ne le crois pas. Je suis convaincu, la CSN l'a exprimé souvent, qu'il doit y avoir législation sur les normes minimales. Cependant, les mécanismes d'accès au syndicalisme doivent être améliorés, on en convient. On reconnaît qu'il y a des lacunes, et on affirme depuis longtemps qu'il y a des lacunes au Code du travail, mais on ne veut pas, comme organisation syndicale, on se refuse à avoir un comportement égoïste et corporatiste vis-à-vis de tous ceux qui n'ont pas eu la possibilité de s'organiser encore. On considère que les normes minimales nuisent à ceux qui sont organisés — pas les normes minimales mais les conditions actuelles — ... En l'absence de normes minimales, elles nuisent à ceux qui sont organisés dans leurs revendications. En conséquence, on pense qu'il y a lieu de légiférer, on est d'accord avec le principe. Cependant, on diverge à certains égards sur le contenu, comme vous l'avez constaté depuis le matin.

M. Pagé: Sur ce sujet spécifique, c'est une approche libérale que vous avez.

Le Président (M. Dussault): Alors, merci, M. le député. Mme le député de L'Acadie.

M. Rodrigue: Est-elle péquiste aussi? Je ne le sais pas.

M. Pagé: Dans le sens pur du terme. M. Rodrigue: Ah bon!

Le Président (M. Dussault): Alors, s'il vous plaît, messieurs! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux d'abord dire à la CSN combien j'ai trouvé son mémoire clair et bien présenté. Il fait valoir des points... évidemment, on pourrait discuter longuement des coûts etc., mais je pense que cela clarifie certains points faibles du projet de loi 126.

La première remarque ou la remarque préalable que je voulais faire, en fait vous y avez répondu en répondant à la question du député de Portneuf. Il y a toujours ce danger, peut-être pas tellement de la part des syndicats que de la part d'un gouvernement, quel qu'il soit, qu'une fois les conditions minimales de travail établies, on se couche la conscience en paix. Le problème de la syndicalisation est moins préoccupant, parce que, finalement, les conditions minimales de travail sont là. On a une loi, on a protégé tout le monde. Alors, j'imagine que les syndicats ne s'endormiront pas, parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des conditions minimales de travail, comme vous le faites valoir lorsque vous critiquez le titre.

Evidemment, je n'en discuterai pas en détail, mais vous pouvez vous imaginer que je suis d'accord, et je pense que vous avez l'accord de beaucoup de monde, sur les corrections que vous voulez voir apportées aux congés de maternité. Je pense qu'il faut s'opposer au fait que ce n'est pas inclus dans la loi et que cela va relever encore de quelque ordonnance au règlement. C'est toujours un principe un peu ébréché que celui du congé de maternité. Même si on en fait grand état, il ne faut pas oublier que c'est un congé de maternité encore greffé sur l'assurance-chômage. Alors, une femme qui a un enfant, c'est une femme qui est en chômage et cela, vous n'avez pas été les premiers coupables, vous êtes seulement les deuxièmes coupables, après le gouvernement central, de faire l'association entre le chômage et les congés de maternité. Enfin, je ne veux pas m'étendre sur ces détails, il ne faut pas oublier que cela ne couvre qu'une partie des travailleurs. Cela ne couvre pas les travailleurs à temps partiel, cela ne couvre pas ceux qui sont en service domestique ou qui sont dans des entreprises familiales, agricoles ou autres. Je pense que personne ne se fait d'illusion, les $240 qui sont accordés par mois, c'est un congé de maternité, appelons-le mitigé — pas par mois, même pas, ce serait bien, $240 c'est pour la totalité. —

Je trouve intéressant le tableau que vous donnez des jours fériés ailleurs et dans la très grande majorité des conventions collectives qui existent. J'aimerais demander au ministre pourquoi, sous ce rapport particulier, on ne s'est pas montré un peu plus généreux, au moins dans ce projet de loi. Je pense qu'il y a peu de gens qui, aujourd'hui, prennent seulement le jour de Noël, le Jour de l'An et la fête nationale.

M. Johnson: Ce que le projet de loi dit...

M. Pagé: II y en a de plus en plus qui prennent le 1er juillet.

M. Johnson: Non, le 1er juillet, je dois vous dire...

M. Pagé: II y en a de plus en plus.

M. Johnson: ... ce n'est pas dans nos projets immédiats.

Mme Lavoie-Roux: ... faire de discussion sur ces choses-là.

M. Johnson: On verra peut-être... Non. Il y aurait un autre 1er qui passerait avant le 1er juillet.

Si on regarde les normes qui existent dans la plupart des autres provinces canadiennes, cela varie de 4 à 11 jours, mais, encore une fois, dans tous les cas, cela s'est instauré progressivement dans le temps, sur une période d'une trentaine d'années. Je pense qu'on en arrivera un jour... D'ailleurs, à l'occasion de ces visites que le chef de l'Opposition nous reproche de faire, mais qui nous permettent d'être en contact avec la population pour ne pas être trop "déconnectés", j'ai eu l'occasion de visiter certaines entreprises récemment et d'y rencontrer les salariés et leurs représentants, la plupart du temps. Je me suis rendu compte que dans une industrie où il n'y a pas de syndicat, à plusieurs reprises on pouvait voir qu'il y avait jusqu'à neuf jours de congés chômés payés. Il n'y a pas de syndicat et le salaire est légèrement plus élevé que celui du salaire minimum, c'est un fait. Le problème, c'est de l'évaluer de façon générale à cause des conséquences que cela aura, entre autres, dans les secteurs déjà syndiqués où les conventions collectives peuvent prévoir dans certains secteurs qu'il y a 12 et dans certains cas 17 jours chômés payés, en plus des vacances. 17 jours, ce sont les conditions à peu près idéales — les meilleures, devrais-je dire, pas nécessairement idéales. Le fait d'introduire une série de nouveaux jours aurait ce que les économistes anglais appellent le "ripple effect" qu'on a connu dans le secteur des décrets avec la hausse du salaire minimum. En plus d'une clause d'indexation automatique tous les six mois, il y avait une indexation qui s'ajoutait à l'augmentation du salaire minimum. Ce qui fait qu'on avait une espèce d'effet en accordéon, si on veut, des conditions.

Il est bien évident qu'intrinsèquement trois jours chômés payés, cela a l'air un peu ridicule, mais l'instauration progressive de jours chômés payés pour permettre aux entreprises qui risquent d'être les plus affectées et qui en donnent peut-être, mais pas nécessairement les jours où on irait les décerner, permet un réajustement progressif et je pense qu'on en arrivera à plusieurs jours de congé payés dans l'avenir...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'impression que le gouvernement part vraiment du mini mini minimum dans cette question...

M. Johnson: Minimorum.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. Vous-mêmes vous dites que même là où il n'y a pas de convention signée, souvent, on a neuf jours. Ce que vous craignez, c'est un peu une espèce d'escalade ou quelque chose comme cela.

Vous l'admettez vous-même, les gens vont le reconnaître et je serais étonnée que le Conseil du patronat ne reconnaisse pas que trois jours de congés fériés c'est insignifiant aujourd'hui.

Maintenant, si vous voulez laisser aux gens le loisir de déterminer qu'il y ait six ou sept jours de congés, il y a peut-être des modalités là-dedans... Mais quand vous limitez à trois jours... Enfin, c'est une remarque et là-dessus je...

M. Johnson: Je voudrais juste compléter ma réponse...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Johnson: ... sans vouloir sombrer dans la partisanerie aveugle, mais juste légèrement, on m'a cité longtemps le rapport Castonguay qui remonte quand même à quelques années...

Mme Lavoie-Roux: ... me dit-on.

M. Johnson: La différence, c'est qu'on n'a pas de rapport Castonguay, mais on le fait. Il faut commencer, c'est ce qu'on fait, on commence. Les chinois disent — j'ai eu l'occasion de le citer au député de l'Acadie au sujet du congé de maternité — : "La moitié du chemin d'un endroit à un autre est parcourue quand on a fait le premier pas". Je pense que la moitié du chemin est franchie, on fait le premier pas, on commence.

Mme Lavoie-Roux: Je vais être moins partisane que vous. Je suis prête à admettre que vous faites le premier pas, et j'espère que vous allez faire les premiers pas dans certains domaines, parce que je ne sais pas pourquoi on aurait un gouvernement...

Il reste que ce premier pas n'a pas besoin d'être extrêmement timide là où le bon sens ou le sens commun... Si au moins vous m'arriviez avec des données et vous me disiez: On a fait le relevé des moyennes ou petites entreprises et on a constaté que les gens ont au maximum, dans 60% des cas, deux jours de congés payés chômés. Je vous dirais: II faut peut-être faire évoluer la situation vers trois jours, mais je suis loin d'être convaincue que dans la réalité c'est ce qui existe présentement. Si vous aviez des données précises, on pourrait en discuter, mais vous parlez d'expérience, de contact, je fais la même chose et je pense...

M. Johnson: On peut revenir avec certaines études qu'on a là-dessus. Quand on étudiera le projet de loi article par article on aura l'occasion d'aller plus loin. Je retiens quand même la remarque générale du député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas prendre trop de temps. Il y a des choses, aussi, sur les vacances, c'est quinze jours et, par la suite, c'est trois semaines pour dix ans. Je pense que, de plus en plus, il y a une norme qui va vers au moins cinq ou six ans au lieu de dix ans. Ce sont des choses, comme vous dites, qui pourront être examinées en commission parlementaire.

Il y a une autre remarque que vous faisiez, à la page 19. Il nous semble que l'article devrait être pour que le salarié soit toujours compensé en argent, à moins qu'il demande lui-même à être compensé en temps. Il semble que l'article prévoit qu'il peut être compensé d'une façon ou de l'autre. C'est votre remarque que je ne saisis pas.

M. Rodrigue: Si vous me permettez, M. le Président, avant de revenir aux autres commentaires sur la syndicalisation et sur les congés fériés, je voudrais souligner le fait que si on revendique des congés fériés, le principe fondamental, c'est à cause du repos qui est une nécessité. En conséquence, on dit: Dans le cas où un salarié veut travailler ou accepte de travailler ou travaille un jour férié, on pense que c'est plus bénéfique pour l'employeur de lui demander de le prendre en temps que de le payer. On a constaté des exagérations sur ce plan. C'est pour cela qu'on veut laisser le choix au salarié de le prendre en temps, s'il le désire, mais que la règle normale soit que l'employeur le paie afin qu'il soit compensé pour la journée qu'il perd effectivement au moment où tous les autres, la majorité, sont en congé.

C'est à cause de l'exagération qu'on a constatée dans ce sens qu'on veut que ce soit le salarié qui ait le libre choix. Je voudrais faire deux petits commentaires, avec la permission du président. Sur la syndicalisation, je voudrais vous assurer qu'on ne s'endormira pas, d'autant plus qu'on est suffisamment surveillé de ce temps-ci; il faut rester éveillé. A l'intérieur de nos organisations démocratiques, on a de la surveillance et, à l'intérieur de la société, il semble qu'il y a des cadres qui s'intéressent à nous d'une façon particulière.

Deuxièmement, en ce qui concerne les congés fériés, nos statistiques sont faites à partir, bien sûr, des conventions, mais aussi de la réalité. Je voudrais dire que sur ce plan, il semble que le moyen terme serait d'un peu plus de trois jours. Si on a trente ans à rattraper, il serait peut-être temps qu'on fasse un petit bout de chemin. Ce petit bout nécessiterait au moins, si c'est vrai que le ministre constate, dans les entreprises où il n'y a pas d'organisations syndicales, que c'est une moyenne X, que le gouvernement légifère pour fixer... Cela ne veut pas dire non plus de la surenchère éventuelle au niveau des conventions collectives. Sur ce plan...

M. Johnson: Vous ne voyez pas cela comme risque, par exemple, que la détermination de...

M. Rodrigue: Je ne le vois pas parce qu'il y a des freins aux revendications syndicales. L'un des freins qu'on doit admettre est que, lorsque le gouvernement légifère au minimum, il y a aussi des employeurs qui s'organisent pour essayer de rabaisser au minimum les conditions de travail et d'empêcher d'aller trop loin. Je voudrais souligner qu'en 1975/76 le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à la suite du rapport Caston-guay qui prévoyait et qui recommandait huit jours a été d'accord avec les huit jours. Il me semble que le gouvernement devrait se rapprocher de cela davantage. Le patronat disait: On est d'accord avec huit jours mais on voudrait voir les modalités et on voudrait en discuter. On pense qu'on doit faire un effort supplémentaire au Québec dans ce sens.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais revenir sur le travail domestique. Il y a deux points qui ont été soulevés. Si je comprends bien, quand le travailleur domestique habite dans la résidence de l'employeur, il n'est pas soumis aux conditions minimales de travail. Je pense que le travailleur domestique dont on abuse le plus, c'est celui qui habite en résidence. Celui qui travaille trente heures — je ne veux pas dire que celui-là, on ne lui accorde pas les conditions minimales — est déjà en meilleure situation de se protéger contre les abus qui se font en service domestique. (16 h 15)

Je trouve vraiment regrettable... Je comprends que ça crée des problèmes financiers, mais je voudrais, juste en blaguant, M. le ministre, vous faire dire que vos calculs de $700, ça les fait travailler 28 heures par semaine au salaire minimum...

M. Pagé: A 17 heures par jour d'ailleurs! Mme Lavoie-Roux: C'est sans importance! M. Johnson: ...

Mme Lavoie-Roux: $700 par mois... Des Voix: Non, par semaine.

Mme Lavoie-Roux: Alors, par semaine, ça reviendrait à 28 heures de travail par jour, au salaire minimum.

M. Johnson: Non, c'était à cause du temps et demi, au-delà de 44 heures.

Mme Lavoie-Roux: Oui, à cause du temps et demi, d'accord.

M. Chevrette: On va vous retourner au CEGEP encore une fois, vous!

M. Johnson: Mais ça va nous faire plaisir de fournir une règle à calcul au député de Portneuf; il ne faut jamais l'écouter quand il vous conseille. Jamais!

Mme Lavoie-Roux: Oui? En tout cas, vous avez vu que c'était une taquinerie, alors ça va.

M. Pagé: Connaissant le souci d'intégrité et d'honnêteté de ma collègue; elle va convenir que ça ne vient pas de moi!

Mme Lavoie-Roux: Ni de moi non plus! C'est une remarque...

M. Chevrette: Mauvais conseiller.

Mme Lavoie-Roux: Alors, sur cette question de travail domestique, le ministre a soulevé l'objection qu'évidemment on est un peu dans une espèce de conflit où les femmes qui gagnent le salaire minimum vont être obligées de payer, à leur gardienne, le salaire minimum. Là aussi, il faudrait peut-être faire une petite étude, sans qu'elle soit trop exhaustive parce que ça prendrait trois ans, mais on pourrait la faire sur un échantillonnage réduit. Je ne suis pas convaincue que ce sont les femmes qui sortent pour aller gagner le salaire minimum, qui ont de l'aide domestique, à la maison, d'une façon générale. Je pense que, en général, elles s'arrangent avec la tante d'à côté, la voisine d'en arrière ou la grand-mère de l'autre côté de la rue qui vient à la maison, parce que écoutez... En tout cas je pense que ça vaudrait la peine d'examiner ça.

Je pense que l'objection n'est peut-être pas aussi valable que le ministre veut bien le dire. Evidemment, la question des garderies demeure entière et, même si le ministre dit: On a multiplié par sept; sur les $20 millions, il y en a $10 millions qui ne sont applicables que jusqu'au prochain budget et, si on tient compte des nouvelles places, si on tient compte de l'inflation, il ne faudrait peut-être pas trop se gargariser du multiple de sept, parce que, si on faisait un calcul un peu plus...

M. Pagé: C'est un chiffre biblique.

Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être un chiffre biblique, mais il faudrait peut-être avoir aussi des chiffres réels.

Alors, ce problème de garderies reste entier et, je pense, rejoint la difficulté que le ministre mentionnait. Ce que je veux faire valoir, c'est que — je n'ai pas eu le temps de regarder le mémoire de l'Association pour la défense des employés domestiques de Montréal — on a des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs et je pense que c'est le temps qu'on intervienne dans ce domaine, même pour ceux qui sont à domicile. Je pense qu'il faudrait les inclure quitte à procéder par réglementation s'il y a des exceptions ou des particularités qui s'appliquent à eux; là, on les laisse en dehors et cette situation, moi, je trouve

qu'elle est regrettable. C'est un point sensible, mais il ne faudrait pas essayer de protéger nos intérêts sur le dos des autres; ça, je pense que c'est important au départ.

Un dernier point — je pense que j'ai pris mon temps et que tout le monde attend — sur les immigrants temporaires, à la page 17. La seule remarque que je voudrais faire, c'est cette préoccupation que vous avez pour les immigrants ou les travailleurs temporaires. On a ici une occasion d'essayer de préciser un peu ce qu'on en fait et quelles conditions de travail on leur offre. A trois occasions, depuis l'automne — une fois au moment de l'étude du projet de loi 77 sur l'immigration; lors de l'étude du projet de loi 84 sur la carte d'assurance-maladie et aujourd'hui — j'ai eu l'occasion d'intervenir pour essayer de faire préciser un peu les conditions de travail de cette catégorie de personnes. Il y aura sans doute une coordination à faire avec les deux autres projets de loi pour qu'il y ait une espèce de concordance parce que, quand on a parlé lors de l'étude du projet de loi 77, on a dit: Cela viendra dans le projet de loi 84 et, au projet de loi 84, on a dit: Cela viendra dans les conditions minimales de travail. Je voudrais bien que le cercle se ferme et qu'on en tienne compte parce que je pense que c'est une catégorie de travailleurs qui est souvent exploitée.

J'arrête mes commentaires ici; j'en aurais d'autres, mais je ne veux pas abuser. Merci.

Le Président (M. Dussault): Merci, Mme le député. M. le député de Joliette-Montcalm, vous avez la parole.

M. Chevrette: Je veux revenir sur un point, celui de la syndicalisation. Même si vous avez affirmé tantôt que vous ne craigniez pas du tout les difficultés de syndicalisation et que vous vous basiez sur l'argument selon lequel les conditions affreuses des non-syndiqués ont une répercussion négative même sur les demandes syndicales actuelles, parce que les comparaisons s'établissent entre les deux, c'est du moins un des passages de votre mémoire. Ne craignez-vous pas que, dans les milieux peu nombreux, les petites unités d'accréditation, si les conditions deviennent passablement alléchantes, les gens soient de moins en moins intéressés à la syndicalisation?

M. Rodrigue: D'abord, je voudrais dire que, quant à nous, ce n'est pas un objectif, c'est un moyen. Deuxièmement, si on affirme qu'on n'a pas de crainte, c'est parce que, dans la réalité, depuis des années qu'on fait de l'organisation syndicale, on constate que le fait qu'il y ait un salaire minimum plus élevé au Québec, comme on nous le dit, que dans les autres provinces, cela n'empêche pas les travailleurs de se syndiquer, parce que le salaire minimum répond à un besoin minimal et non à l'ensemble des besoins. On constate, à la CSN en particulier, vous le verrez si vous regardez les statistiques, que, sur 1500 unités locales, on a des syndicats à partir de quatre, cinq ou six membres. La majorité de nos syndicats comprennent moins de 100 membres dans des secteurs, comme vous le mentionnez, plus difficiles que d'autres.

Dans ce sens-là, les normes minimales, c'est un peu le même phénomène. On ne dit pas que les normes minimales sont un objectif qui va servir à la syndicalisation, on n'affirme pas cela. L'argument selon lequel le fait qu'il n'existe pas de normes minimales régissant les conditions des plus démunis nuit concrètement à ceux qui sont organisés et qui revendiquent... c'est effectivement nuisible à certaines conjonctures ou autres.

Je prends l'exemple — je ne veux pas négocier ou amorcer la négociation du secteur public ici — du secteur public et du secteur privé. Quand on considère le taux de syndicalisation du secteur privé et le taux de syndicalisation du secteur public, on constate qu'il y a une différence. On se fait servir cet argument-là aussi au niveau des conditions à certaines occasions.

Sur ce plan-là, quant à la CSN, après en avoir fait l'analyse, le fait qu'il existe des normes minimales, ça ne peut pas mettre un frein à la syndicalisation comme telle. On est d'autant plus convaincu de cela qu'on insiste auprès du gouvernement pour qu'il s'assure que ces normes minimales soient appliquées, pour que les travailleurs aient des recours en fonction de la loi, parce qu'on pense que les employeurs vont tenter, dans certains cas, de ne pas les appliquer.

Dans ce sens-là, nos craintes ne sont pas là.

M. Chevrette: C'est ce à quoi je m'attendais dans le mémoire, c'est ce qui me renverse un peu. Je veux vous essayer un peu, je vous préviens tout de suite.

Idéologiquement, on était pratiquement en droit de s'attendre que vous nous serviez le discours de la récupération et de la non-syndicali-sation, que vous nous disiez l'on rendait difficile la syndicalisation. Je vous avoue que c'est une surprise de lire dans votre mémoire, par rapport au discours habituel de votre centrale, que vous êtes pour cela.

M. Rodrigue: Vous voyez, vous avez intérêt à lire davantage sur notre centrale. Vous allez constater qu'à court terme on propose beaucoup de solutions et que notre objectif n'est pas de faire des débats idéologiques sur ces questions-là. On est une organisation dont la mission fondamentale, première, est d'améliorer les conditions de vie des travailleurs. Alors, dans ce sens-là, on considère que le gouvernement a une responsabilité sur les normes minimales et, comme organisation syndicale, on pense qu'il doit agir et qu'il doit en même temps être préoccupé de l'amélioration du Code du travail.

Bien sûr, on le dit, on l'affirme, on va revendiquer sur ce plan-là. De notre côté, comme organisation syndicale, notre obligation est aussi de faire des efforts pour organiser les travailleurs qui ne le sont pas. C'est ce qu'on fait dans les circonstances actuelles.

On n'avait pas l'intention de venir faire un débat idéologique, mais si vous voulez échanger un peu là-dessus, on peut toujours le faire.

M. Chevrette: Je voulais manifester un peu, M. le Président, je vous avoue que...

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous ne compreniez pas. Vous avez un principe différent de celui du fédéral. Vous contestez le système mais vous ne voulez pas en discuter. Tandis qu'eux ils se disent: Le système on ne l'aime pas, mais on essaie de l'améliorer.

M. Chevrette: Qu'est-ce que l'on ne peut pas entendre...

Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît, Mme le député, vous ouvrez des portes qui sont difficiles à fermer.

M. Chevrette: M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Je voudrais seulement dire que cette orientation, cette position de la CSN, en regard du salaire minimum, est présente depuis 1934, concrètement, dans l'organisation que je représente. Alors, on n'a pas encore modifié cela, et on n'a pas l'intention de la modifier à court terme non plus, ni à moyen terme. Nous allons demeurer une organisation syndicale, je l'espère, peu importe le système dans lequel nous serons.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervenant?

M. Pagé: M. Rodrigue.

Le Président (M. Dussault): Oui, M. Rodrigue.

M. Rodrigue: C'est une requête; très brièvement, M. le Président. Je présume que le mémoire paraîtra au journal des Débats, ou quelque chose comme cela?

M. Johnson: C'est-à-dire que dans la mesure où vous avez fait lecture du mémoire, évidemment vous avez sauté un ou deux paragraphes et les tableaux, je ne sais pas s'il est coutume, M. le Président... Est-ce que, par motion, tout peut être reproduit ou...

M. Rodrigue: C'est un souhait...

Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas nécessaire. Si le groupe souhaite voir son mémoire, intégralement, paraître dans le journal des Débats, cela sera fait.

M. Rodrigue: C'est une requête, et on vous remercie, (voir Tableaux et résumé des revendications dans l'annexe I)

Le Président (M. Dussault): C'est parfait, M. Rodrigue. Oui, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre me permettrait seulement une petite question sur le licenciement. A la page 28 — la réponse je l'attends du ministre ou de M. Rodrigue — on dit, quant à ceux qui sont licenciés, que, si le licenciement est déclaré injustifié, la commission aurait le pouvoir d'ordonner que le travailleur soit réintégré dans sa fonction avec pleine compensation pour le salaire perdu. Est-ce que vous aurez une autre solution? En principe je pense que c'est vrai dans une grande organisation. Mais quand vous vous trouvez, je vais peut-être prendre un exemple extrême, dans du service domestique, si vous essayez de réintégrer la personne qui a été congédiée parce qu'elle ne s'entendait pas avec son employeur, je trouve cela difficile. Est-ce que vous auriez une autre solution au licenciement dans des cas qui concernent un groupe restreint?

M. Rodrigue: Non, on ne proposera pas de solution de rechange, pour la raison suivante: On pense que c'est du pouvoir de la commission d'évaluer ces questions ou encore du commissaire. Cela fait partie de la démonstration des raisons valables ou non valables pour licencier. Ce que l'on veut comme objectif c'est de protéger, donner un recours réel au travailleur qui serait victime d'un licenciement et qui aurait... On veut que la loi lui permette des recours concrets. Le reste est à évaluer en fonction du fait si c'est une raison valable ou pas, par la commission ou l'organisme...

Mme Lavoie-Roux: La réintégration est une règle absolue.

M. Rodrigue: La réintégration, on la veut comme règle absolue de pouvoir par la commission, mais c'est au mérite que la commission décidera s'il doit être ou non réinstallé.

Le Président (M. Dussault): Alors je vous remercie. M. le ministre, pour conclure.

M. Johnson: Oui, bien simplement pour remercier M. Rodrigue et ses collaborateurs. Je sais que les trois personnes qui l'accompagnent ont tous à un titre ou un autre travaillé à la présentation de ce mémoire qui, encore une fois, m'apparaît intéressant, c'est le moins que l'on puisse en dire. Je les remercie de s'être déplacés.

Conseil québécois du commerce de détail

Le Président (M. Dussault): Alors je remercie la CSN pour son témoignage et j'invite le groupe suivant, le Conseil Québécois du commerce de détail, à se présenter devant la commission. J'invite le porte-parole du groupe à se présenter et à nous présenter ses collègues.

M. Ponton (Gérald): M. le Président, Gérald Ponton, vice-président exécutif du Conseil québécois du commerce de détail. A ma gauche, Mme

Diane Laurin, secrétaire de la compagnie Steinberg. A mon extrême droite, M. François Legault, directeur du personnel adjoint de la maison Eaton, et M. Mike Opzoomer, directeur du personnel de la maison Simpson-Sears. J'aurais une demande à formuler à la présidence, compte tenu du temps, du nombre de mémoires et du travail que vous avez à faire. J'aimerais, avec la permission de la commission, obtenir que le mémoire soit versé de façon intégrale au journal des Débats, puisque je vais passer brièvement sur les aspects très techniques en tentant d'élaborer plutôt sur les questions qui nous apparaissent les plus préoccupantes pour notre association de commerce de détail. (Voir annexe II) (16 h 30)

Le Président (M. Marcoux): Alors, M. Ponton, votre souhait sera exaucé et je vous demanderais autant que possible, dans ces circonstances, de nous présenter votre point de vue en vingt minutes.

M. Ponton: Je veux bien me plier à cette démarche, M. le Président. Tout d'abord, notre association regroupe environ une centaine de membres réguliers qui exploitent 1000 établissements au Québec et dont, généralement parlant, le volume d'affaires représente 50% des ventes annuelles du commerce de détail au Québec. Nous comptons, parmi nos membres, les principaux magasins à succursales et à rayons ainsi que plusieurs indépendants.

Nous exprimons le point de vue de notre association sur les aspects les plus préoccupants du projet de loi pour vous dire que notre association a réagi favorablement au principe de l'introduction d'un projet de loi sur les normes minimales de travail. Le commerce de détail a quelques particularités qu'il serait bon de vous rappeler.

Le dollar du consommateur québécois est dépensé à des périodes fixes pendant l'année qui varient d'un mois à l'autre. Ainsi, le dernier trimestre de chaque année, qui est la période des Fêtes, est la période la plus importante. En 1976, ce trimestre représentait 9,4% des ventes globales de l'année et le maximum était atteint en décembre avec 10,9%. Le nombre d'employés fluctue en fonction de l'achalandage et ce particularisme de notre industrie nous a obligés à développer et à compter sur des employés réguliers, des employés à temps partiel qui travaillent moins que les employés réguliers et une autre catégorie d'employés, les employés occasionnels. Ces derniers sont appelés selon les beoins de l'entreprise et demeurent libres de se rapporter au travail. En grand nombre, cette dernière catégorie est embauchée exclusivement pour la période de pointe et est constituée en majorité de personnes qui autrement ne seraient pas sur le marché du travail.

De plus, contrairement à d'autres secteurs d'activité, le commerce de détail fonctionne en règle générale six jours par semaine et au Québec, à l'occasion de Noël, six soirs par semaine. Les mouvements de personnel, principalement de la main d'oeuvre occasionnelle, sont plus importants que dans d'autres secteurs d'activité, ce qui nous amène, M. le Président, au premier article, l'article 1h à la définition du mot salarié. Nous avons deux recommandations à formuler sur cette définition. La première concerne les officiers et les cadres d'une entreprise. Nous estimons, par exemple, que quelques-unes des dispositions sont d'application peu pratique pour autant que l'on s'adresse aux officiers de l'entreprise. Il y aurait lieu de songer à exclure de la portée du projet de loi les officiers de l'entreprise dont une définition peut être trouvée à la Loi des valeurs mobilières, à l'article 1, au paragraphe 7.

En ce qui concerne les cadres, nous avons la même réaction, principalement sur la question du salaire qui ne peut pas être payé à des intervalles de plus de sept jours. Dans beaucoup de nos entreprises, les cadres sont payés au mois. Les dispositions quant au repos obligatoire sont aussi d'application difficile pour les cadres de l'entreprise.

Nous avons, M. le Président, préparé une définition de ce que représente un cadre pour nous. C'est l'employé qui exerce une autorité déléguée dans l'entreprise et qui exerce une responsabilité de gestion. Alors, on pense que les dispositions étant d'application difficile, il serait préférable d'exclure les cadres de l'entreprise de la portée du projet de loi.

En ce qui a trait aux salariés en relation avec les heures de travail, le projet de loi s'étend sans distinction à tous les salariés, peu importe le nombre d'heures travaillées. Certaines dispositions du projet de loi, les articles 77 et 78, ne soulèvent aucune difficulté d'application, entre autres, pour les employés occasionnels. D'autres dispositions, par contre, l'article 59 et les suivants, les articles 79, 80 et 81 et les suivants ont des répercussions importantes sur nos entreprises, eu égard, comme je l'ai mentionné, au particularisme de notre secteur d'activité et à la nature même des fonctions de l'employé occasionnel.

De plus, le projet de loi ne contient aucune disposition permettant d'établir des moyennes pour les congés pour le cas des employés à temps partiel ou occasionnel.

Au sujet de l'article 64, ce qui nous apparaît le plus important, ce sont les conditions d'admissibilité aux congés fériés. Si les conditions, selon les dispositions actuelles, permettent à tous les employés occasionnels, même ceux qui gonflent artificiellement nos effectifs de personnel aux périodes les plus importantes, de bénéficier de ces congés, par le fait même cela impose un fardeau financier à nos entreprises. Il faut se rappeler que les employés sont embauchés pour une période fixe, normalement de deux mois, en novembre et décembre, et ne serait-ce la surcharge de travail occasionnée par cette période, ces personnes ne seraient pas au travail. Alors, c'est un peu artificiel comme situation, mais c'est réel.

Un bref sondage avant de me rendre ici aujourd'hui auprès de mes indépendants me permet de vous donner les informations suivantes:

Dans le cas d'un magasin indépendant ayant cinq succursales au Québec, qui a un chiffre d'affaires se situant entre $8 millions et $14 millions, en octobre, on comptait 70 employés occasionnels; en décembre 86, en janvier 76, et en février 56. Vous avez une variation de 30%.

Dans un autre type d'entreprises, qu'on peut appeler indépendant, similaire, en octobre, cette entreprise avait 90 employés occasionnels à son service, en décembre 182 et en février 66. Vous avez un mouvement de personnel, d'environ 100%.

Dans la grande entreprise, le même phénomène se retrouve, mais les variations sont moins importantes parce que les employés à temps partiel à longueur d'année travaillent plus d'heures et on a moins besoin de recourir à du personnel flottant qui est engagé strictement pour une période de deux mois. A titre d'exemple, dans un grand magasin du Québec, en période normale, on compte 2200 employés; à la période de Noël, on en compte 2600, alors qu'en janvier le nombre retombe à environ 2000, 2100 employés.

Un autre exemple, assez intéressant celui-là, de 1900, on procède à 2300 pour la période des Fêtes et, au 1er janvier ou en février, après la période d'inventaire, on retrouve le même phénomène de baisse des effectifs. Il y a donc une augmentation très importante, qui varie de 30% à 50%, dans la main-d'oeuvre occasionnelle.

Considérant le particularisme de notre secteur, on aurait des recommandations à formuler sur les conditions d'admissibilité aux congés fériés qui, si elles sont accordées, vont s'appliquer à tous nos employés réguliers et à tous nos employés réguliers à temps partiel, mais, de ce chef, excluraient, par exemple, les employés occasionnels qui ne se conformeraient pas à ces conditions d'admissibilité.

C'est, par exemple, trois mois d'emploi. Le ministre connaît sûrement la loi ontarienne sur le sujet. Comme deuxième condition, dix jours de travail dans les 30 jours précédant le congé, étant bien entendu qu'une journée de travail n'est pas nécessairement une journée complète et, de plus, que les employés aient travaillé dans la semaine précédant le congé ou sont inscrits à l'horaire pour travailler dans la semaine suivant le congé, dans le cas des deux congés qui sont prévus, soit Noël et le Jour de l'An.

J'ajouterais que dans la plus grande entreprise de détail, ces fêtes-là, ainsi que beaucoup d'autres dans l'année sont incluses, mais dans la plus petite entreprise de commerce de détail, soit les exemples que je vous ai mentionné tantôt, règle générale, les occasionnels ou les personnes engagées pour une période fixe ne bénéficient pas des congés de Noël et du Jour de l'An.

La même remarque au niveau des employés occasionnels, vu que je suis dans le sujet, s'applique également au niveau des articles 79 et 80. Nous recommandons que l'employé occasionnel, s'il est inscrit à l'horaire de travail une journée donnant ouverture à l'application des articles 79 et 80, puisse bénéficier de ces congés. Cependant, si l'employé n'est pas au travail et n'est pas, non plus, inscrit à l'horaire de travail pour cette journée, il devrait prendre ce congé à même ses journées libres et ne pas les appliquer à sa cédule de travail.

Finalement, comme je l'ai mentionné, aucune disposition aux articles 64, 78, 79, 80 et 81 ne permet d'utiliser des prorata pour les employés qui travaillent moins d'heures qu'un employé régulier. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre qu'un employé à temps partiel puisse bénéficier du même congé qu'un employé régulier, par exemple un employé qui ne travaille que 15, 18 ou 20 heures par semaine de façon régulière l'année durant.

Nous recommandons que les articles relatifs aux congés fériés et aux congés divers, ainsi qu'aux licenciements puissent comprendre des dispositions permettant d'établir des proportions pour les employés à temps partiel en fonction des heures travaillées par rapport à la semaine régulière ou au temps normal de travail.

Un autre point, mineur celui-là, au niveau de l'expression "service continu". Nous pensons que l'expression "service continu" devrait exclure la période durant laquelle la prestation ne peut être fournie à cause d'une grève ou d'un lock-out sans qu'il soit nécessaire de résilier le contrat. Dans sa rédaction actuelle, l'employeur serait tenu de fournir la prestation exigée, même dans les cas mentionnés, à moins de résilier le contrat conformément aux articles 81 et suivants. Donc, la semaine d'avis ou les deux semaines d'avis, selon les années.

Au niveau des articles 4 à 38, M. le Président, nous nous sommes interrogés sur les pouvoirs qui étaient attribués à la commission en vertu du projet de loi. Nous avons remarqué que la commission perdrait l'exercice de nombreux pouvoirs en vertu du projet de loi en faveur du gouvernement, contrairement à ce qui est dans le cas dans la loi actuelle.

Les articles 29 et 38 attribuent à la commission des pouvoirs de réglementation qui nous apparaissent de nature administrative, le gouvernement se réservant l'exercice du pouvoir réglementaire sur le fond du projet de loi. La commission nous apparaît comme ayant, dorénavant, un rôle administratif, alors que le rôle réglementaire important est confié au gouvernement sans que la commission puisse, dans les textes, faire valoir ses recommandations.

Nous croyons que ce changement n'est pas de nature à revaloriser le rôle de la commission et qu'il y aurait lieu de modifier cette orientation de façon que la commission puisse pleinement jouer son rôle. Ainsi, tous les pouvoirs, dont ceux des articles 39, 45, 51, 59, 86, 87 et 88 qui sont autant de pouvoirs de réglementation en vertu du projet de loi, devraient selon nous être exercés par la commission sous réserve de l'adoption d'arrêtés en conseil par le gouvernement et de la publication obligatoire du préavis de 60 jours.

En ce qui a trait au financement de la future commission des normes du travail, contrairement à la loi actuelle sur le salaire minimum, la nouvelle

lof va procurer des normes minimales de travail à l'ensemble des travailleurs. Contrairement à ce qui se retrouve, par exemple, à la Commission des accidents du travail où, pour une prime, un assureur, un employeur se procure une assurance, je ne pense pas qu'on puisse dire que la future commission des normes du travail va établir un service pour l'ensemble des employeurs, mais son objectif est d'établir des normes de travail pour l'ensemble des salariés et de voir à ce que ces normes soient respectées par les employeurs. En conséquence, on pense que le financement de la commission devrait émarger au budget de l'Etat et non pas venir des cotisations des employeurs.

Advenant que cette recommandation ne puisse être retenue par le gouvernement, nous pensons tout de même que le montant que la commission pourrait prélever chez l'employeur devrait être en fonction du montant de la masse salariale de l'employeur correspondant au salaire minimum qui est versé dans l'entreprise. Autrement on en arrive à des situations où l'entreprise, si elle a une masse salariale importante, peut être appelée à subventionner des employeurs qui ne se conformeraient pas à l'esprit et à la lettre de la loi. Le projet de loi prévoit l'imposition d'une pénalité, je pense, de 20% pour les employeurs délinquants et cela pourrait être une façon pour la commission de refaire ses frais au niveau des enquêtes qui pourraient survenir dans l'exercice de ses fonctions.

Une autre question préoccupante, M. le Président, a trait à l'avis obligatoire qui est prévu à l'article 32 du projet de loi. On retrouve également le corps de l'article 32 sur la publication obligatoire à l'article 90 qui fait également référence aux articles 36 et 37 du projet de loi. Nous constatons avec satisfaction l'incorporation de cet article qui impose la publication d'un avis de 60 jours avant l'entrée en vigueur d'un projet de règlement pour permettre aux intéressés de formuler leurs objections et leurs recommandations. Cependant, les articles 36 et 37 anéantissent complètement la portée de l'article 32 en permettant des exceptions qui, à toutes fins utiles, rendront inopérant l'application de l'article 32.

Nous recommandons en conséquence que les articles 36 et 37 du projet de loi soient retirés de même que toute référence à ces articles à l'article 90 du projet de loi.

Brièvement, sur des aspects plus techniques, M. le Président, notamment l'article 29h qui prévoit la production de rapports selon les périodes que la commission détermine. On pense qu'au nombre d'employeurs que compte le Québec, la future commission va être inondée de productions de documents et on s'interroge sérieusement sur la pertinence et l'utilité de ces documents. Peut-être, dans un effort de réduire les documents administratifs à être produits par les employeurs, y aurait-il lieu de s'inspirer du rapport qui est exigé par l'Office de la langue française en vertu de la Charte de la langue française qui demande, en fonction du nombre d'employés, de produire un rapport annuel, qu'on peut appeler qualitatif, don- nant les grandes lignes de l'entreprise, le nombre d'employés, de salariés à son service. Je pense que cette façon de procéder aurait pour avantage de diminuer le fardeau administratif et pourrait, par le fait même, renseigner la commission de façon à l'aider à réaliser les objectifs qui sont prévus dans le projet de loi.

Brièvement, sur l'article 42, nous en avons fait mention tantôt, le paiement ne doit pas dépasser la période de seize jours. Dans le cas des employés réguliers, cela ne présente pas de difficultés, mais dans le cas des cadres, cela est contraire aux pratiques que nous avons dans plusieurs de nos entreprises, soit le paiement au mois. (16 h 45)

Même chose au niveau de l'article 43, pour les enveloppes scellées, je ne pense pas qu'on ait fait la preuve de la nécessité; il y a une confidentialité qui existe entre le superviseur du magasin et l'employé de son service et, règle générale, dans beaucoup d'entreprises, les chèques sont remis en main propre. Le simple fait d'obliger à avoir une enveloppe dans une entreprise qui compte 15 000 employés représente des coûts qui, en s'ajoutant aux autres, deviennent assez importants. A ce moment-là, il y aurait peut-être lieu de s'interroger sur la nécessité de recourir à cet article.

Au niveau de l'article 82, renvoi pour cause, le projet de loi retient l'expression, "faute grave du salarié". Nous pensons que, dans un cas comme celui-là, faute grave du salarié nous apparaît très restrictif. Il y a d'autres motifs comme l'incompétence, l'insubordination, la rupture des conditions de travail qui, sans constituer des fautes graves de la part du salarié, constituent pour beaucoup d'entreprises des motifs de renvoi. Nous soumettons que notre recommandation aura pour effet d'élargir l'éventail des motifs de renvoi mais, au cas d'abus de l'utilisation de ce processus, le salarié, avec l'aide de la commission, est en mesure de contester la décision de l'employeur et de bénéficier de recours appropriés.

C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Ponton, votre discipline est exemplaire, vous n'avez pas pris vos 20 minutes. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Johnson: Merci, M. Ponton. Je fais miens, évidemment, les propos du président. Nous avons pris connaissance de votre mémoire, en détail. Encore une fois, je pense que c'est un mémoire qui est assez bien appuyé. Il y a là des divergences et on comprendra les difficultés de conciliation entre votre type de préoccupations et celles de ceux qui vous ont précédés. D'abord, certaines remarques techniques, 1j, l'exclusion du service continu de la grève et du lock-out, c'est déjà contenu dans l'ordonnance no 3 du salaire minimum; la constitutionnalité de l'article 2, paragraphe 2, c'est déjà dans la Loi du salaire minimum. Il ne semble pas qu'il y ait eu de problèmes là-dessus dans le passé.

L'article 29d, ainsi que l'article 29e sont des reproductions d'articles déjà existants dans la Loi du salaire minimum. Article 29 in fine, le double rapport pour les employeurs assujettis au décret, évidemment, la solution pourrait être de nature purement administrative ou il pourrait y avoir une entente ou une coordination au niveau des exigences relatives à chacun des rapports. Evidemment, il n'y a rien de contraignant, on prend ça en note.

On demande ensuite de biffer l'article 36 et l'article 37 qui rendent inapplicable, à vos yeux, l'article 32. Je ne pense pas. La règle, c'est l'article 32. On prévoit cependant, à partir du vieux principe qui dit "The king can do no wrong", que ça se pourrait que, pour des raisons, on le dit bien, d'intérêt public et d'urgence, le gouvernement soit appelé à prendre une décision qui soit hors des délais, pour une raison ou pour une autre. Encore une fois, la règle, c'est l'article 32. Théoriquement, oui, ça invalide, sauf que, dans le contexte dans lequel on vit, on peut s'imaginer que le gouvernement serait obligé de répondre, entre autres, à la période des questions en Chambre. On pourrait communiquer avec le député de Portneuf.

En pratique, je ne pense pas que l'article...

Mme Lavoie-Roux: C'est son rôle, le député de Portneuf.

M. Johnson: Sûrement, c'est son rôle. Ce que je veux dire, c'est qu'on établit, à l'article 32, le principe — c'est déjà aller au-delà de ce qui existe dans bien des lois— de l'exigence de la prépublication. On a de plus en plus tendance à le faire dans nos lois, on l'a remarqué depuis deux ans. Cependant, on ne peut jamais présumer qu'il n'y aura pas de situation qui, à un moment donné, oblige à prendre cette décision rapidement.

Dans le cas d'une ordonnance qui affecterait le salaire minimum ou d'un projet d'ordonnance qui touche le travail en forêt, pour une raison ou une autre, à cause d'une situation qui s'est développée, il pourrait y avoir des exigences dans le temps qui empêchent le prépublication et les longs délais qui sont prévus. Cependant, on dit: La normalité, c'est 32.

Sur une série d'autres articles, il y a une possibilité d'exclusion.

M. Bellemare: Le ministre me permet-il simplement une remarque?

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: A l'article 36, c'est dit en toutes lettres: "approuvé sans publication préalable". C'est cela que dit actuellement M. Ponton.

M. Johnson: II faut lire l'article 32 avant.

M. Bellemare: L'article 32, je l'ai certainement lu. "Les règlements visés dans l'article 31 — c'est sûr — doivent, avant d'être approuvés, être précédés d'un projet publié à la Gazette officielle." Mais on dit, à l'article 36, que s'il y avait une urgence, s'il était approuvé sans publication préalable, il faudrait qu'il y ait une urgence de la situation ou que l'intérêt public le commande.

M. Johnson: C'est cela.

M. Bellemare: Oui, on le dit dans la loi, mais c'est sûrement rattaché à l'obligation de l'article 32. Je dis que la prétention que fait M. Ponton, dans son mémoire, est peut-être discutable aussi.

M. Johnson: Encore une fois, je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure: l'article 32, c'est le principe; les articles 36 et 37, c'est l'exception.

M. Bellemare: Oui.

M. Johnson: Je pense qu'il faut présumer que les gouvernements, comme les citoyens en général, les organisations, opèrent dans le cadre des règles générales et non pas des exceptions.

M. Bellemare: Mais, à ce moment-là, le règlement n'est pas...

M. Johnson: Invalide pour autant.

M. Bellemare: ... invalide pour autant, c'est sûr. Il faudrait comprendre cela aussi, parce que la personne en charge peut peut-être trouver souvent l'occasion d'une urgence ou d'un intérêt public sous le couvert de n'importe quelle chose, le faire, parce qu'en vertu de la loi, cela ne devient sûrement pas invalide. C'est cela qu'on dit actuellement.

M. Johnson: L'article 42, la question des cadres, les seize mensuels, c'est une remarque pertinente, mais on croit qu'il y a une réponse dans l'article 86. Dans la mesure où la possibilité d'exclusions spécifiques pour les cadres pour toute la question du salaire, c'est inclus à l'article 86. C'est dans le sens de vos préoccupations, finalement, à moins que, sur le plan technique, la qualité de rédaction vous laisse croire que ce n'est pas suffisant, mais, dans notre esprit, c'est clair. On pourra le revoir, de toute façon, article par article.

L'affaire de l'enveloppe scellée, on en a fait le tour, je dois vous avouer. On va la revoir avec les autres mémoires également. Evidemment, ces dispositions de la loi actuelle, on sait que cela remonte à 1931.

M. Bellemare: 1936.

M. Johnson: 1936, pardon. On peut comprendre le contexte dans lequel cela se faisait. Aujourd'hui, on sait qu'il y a les paies informatisées, les transferts bancaires, le chèque personnalisé fait par ordinateur, etc.

M. Bellemare: ...

M. Johnson: II y a un problème. Il y aurait peut-être une solution, ce serait de dire que c'est par règlement qu'on le détermine. Il faut qu'on ait

fait le tour de toutes les possibilités, mais, là, je pense qu'on irait dans le sens d'une critique que vous avez, par ailleurs, sur le pouvoir de réglementation. Cela nous apparaît un peu complexe que de le mettre dans la loi. Cependant, la notion de l'enveloppe scellée, à l'origine, il faut se rappeler que c'était vraiment dans un but de protection de certaines catégories de salariés dont on abusait, dans un contexte bien précis.

Aux articles 45 et 59, on demande que les règlements soient soumis à l'avis de soixante jours. C'est déjà le cas par le biais des articles 87 et 90 qui renvoient aux articles 32 et 37, évidemment avec la réserve que vous faites sur l'article 37.

Aux articles 79 et 80, il s'agirait d'exclure les employés occasionnels. Cela me semble être finalement la pièce centrale de ce que vous nous avez présenté.

M. Ponton: Ainsi que l'article 64.

M. Johnson: Pardon?

M. Ponton: Ainsi que l'article 64.

M. Johnson: Ainsi que l'article 64, effectivement. Vous verriez, vous, une sorte de méthode pour tenir compte d'une espèce de prorata pour les occasionnels?

M. Bellemare: Sectionné autrement.

M. Johnson: Evidemment, je serais susceptible d'être sensible à un argument qui dirait: Ce n'est pas compliqué, à partir du moment où on exige des conditions, par exemple, de quatre jours continus dans les 18 derniers jours ou quelque chose comme cela, on pourrait présumer que dans les endroits où on embauche beaucoup de personnel occasionnel, que ce soit des étudiants le soir qui font de l'emballage dans les magasins à l'époque de Noël ou des choses comme celle-là, il pourrait y avoir une incitation financière, finalement, relativement importante à surfractionner ce temps pour ne pas rendre les gens admissibles. Encore une fois, je ne veux pas présumer de la mauvaise foi, mais on est bien conscient qu'on a affaire à une main-d'oeuvre qui est extrêmement...

On dit que ce sont des emplois créés artificiellement. Il faut se comprendre: c'est une activité économique qui n'est pas artificielle du tout, le "peak" de l'époque de Noël et du Jour de l'An, comme cela l'est à Pâques, dans le cas de ceux qui vendent du chocolat. Cela fait partie de la réalité de la société de consommation dans laquelle on vit. Donc, la main-d'oeuvre qui est appelée à travailler dans ce cadre, c'est quand même une main-d'oeuvre qui est essentielle au fonctionnement de l'entreprise et à la génération de ses profits. On sait que beaucoup des entreprises que votre association regroupe font effectivement une grosse partie de leur chiffre d'affaires, une proportion très importante dans ces deux ou trois mois; en tout cas, beaucoup plus que ce que cela serait sur un étalement normal de douze mois. Pardon?

M. Bellemare: Son argument à lui, si je le comprends, M. le ministre, c'est que les occasionnels, pour bénéficier des jours fériés...

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: Pour lui, c'est un problème qui revient souvent dans son mémoire.

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: Je pense que c'est cela, la question; c'est cela qui lui fait mai.

M. Johnson: Oui, c'est ce que j'essaie de cerner. Je voudrais peut-être qu'on en discute un peu plus longuement. Allez-y donc!

M. Ponton: M. le ministre, si vous le permettez, la proposition qu'on met de l'avant, c'est surtout au niveau des conditions d'admissibilité. Les congés comme tels, je pense que, face à une Loi sur les normes minimales de travail, qui ouvre une porte et qui établit des normes minimales, il faut qu'on les accepte et qu'on aille de l'avant à ce niveau avec les deux congés qui sont déjà prévus. Dans le cas du 24 juin, par exemple, on n'a eu strictement aucune difficulté. On a collaboré avec votre ministère pour faire des suggestions pour vraiment régler, encore une fois, le problème des occasionnels à ce niveau. Cela ne présentait pas de problème pour nous parce qu'il n'y avait pas de période très particulière. Dans le temps de Noël, où on a un gonflement sur deux mois, être obligé, de façon systématique, de payer deux congés a tous les employés qui travaillent uniquement deux mois par année nous apparaît comme étant hors de proportion avec l'objectif qu'on poursuit dans la loi. On est peut-être un des seuls secteurs où on a un "peak", comme vous le dites, si important dans le temps de Noël. En fait 10% à 12% des ventes annuelles en dollars, sont faites dans ces deux mois de l'année.

M. Bellemare: Le ministre disait ce matin que cela coûte pour une journée fériée...

M. Johnson: $85 millions.

M. Bellemare: $85 millions.

M. Johnson: C'est une des évaluations.

M. Bellemare: Pour un. S'il y en a trois...

M. Johnson: Remarquez qu'en pratique c'est autant d'argent injecté dans la propension marginale à consommer de ceux qui sont au salaire minimum.

M. Bellemare: D'accord.

M. Johnson: Je suis bien conscient de cela.

M. Bellemare: Seulement, il reste un fait certain. Si M. Ponton nous dit qu'il y a un

problème chez les occasionnels pour justifier l'octroi de jours fériés pour les deux nouvelles fêtes de Noël et du Jour de l'An, cela peut et cela doit être un problème terrible à régler au point de vue de la justice sociale aussi.

M. Ponton: Si vous le permettez, M. le ministre, pour faire suite à ces propos, comme je l'ai indiqué tantôt assez rapidement, on a quand même des variations de personnel occasionnel de l'ordre de 50%. Dans certains cas d'entreprises de moindre importance, cela va jusqu'à 100% des effectifs qui sont doublés à l'occasion de deux mois. Pour ce qui est d'accorder des congés fériés aux employés réguliers ou aux employés réguliers à temps partiel, qui travaillent 15 ou 20 heures avec un mécanisme de prorata — ce qui serait normal — cela ne représente aucune difficulté. Je pense qu'il faut qu'on aille de l'avant et qu'on les accepte. Cependant, vouloir introduire par le fait même pour tous les occasionnels qui sont deux mois dans nos magasins le critère d'admissibilité de dix jours dans les trente jours précédant le congé nous obligerait à supporter deux jours fériés pour un segment de la population qui travaille deux mois par année et qui, autrement, ne serait pas au travail, ne serait-ce que de l'achalandage additionnel. (17 heures)

M. Bellemare: Ce qui n'est pas juste pour ceux qui sont là à l'année.

M. Ponton: Ce qui n'est pas juste pour ceux qui sont là à l'année. Quand on a élaboré nos recommandations, M. le ministre, on a fait attention de les élaborer pour éviter ce qu'on appelle le tripotage des cédules. On vous recommande comme troisième critère qu'ils soient cédulés pour travailler où ils ont travaillé dans la semaine précédant, et là où ils sont inscrits à l'heure pour travailler dans la semaine suivant le congé. Alors, si vraiment on a besoin de ces employés, on ne s'amusera pas à les changer de journée, de façon à éviter ce qui n'est pas l'intention d'ailleurs de nos membres, de faire cela. On a quand même tenu compte de ce problème de façon à avoir une recommandation qui se tienne.

M. Bellemare: Vous avez parfaitement raison. J'aurais une question à vous poser, si celle-là est vidée, qui serait incidente parce que je ne serai pas ici ce soir.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Dussault): A moins que... Je pense bien que la commission...

M. Bellemare: Le ministre me donne la permission.

Le Président (M. Dussault): ... sera d'accord.

M. Johnson: Oui, cher frère.

Le Président (M. Dussault): Parce que je voudrais, autant que possible...

M. Bellemare: Oui, frère directeur.

Le Président (M. Dussault): ... ne pas priver les autres de leur droit de parole.

M. Bellemare: Non, au contraire. C'est parce que je n'y serai pas ce soir et je voudrais bien que, sur une question en particulier qui m'a bien frappé, si vous me le permettez...

M. Johnson: Oui, bah! enfin!

Mme Lavoie-Roux: Vous ne m'avez pas demandé la permission, mais cela me fait plaisir de vous la donner.

M. Bellemare: Merci infiniment, madame; vous êtes bien généreuse. Ce n'est pas de vous que j'avais peur. Quand vous dites: Le financement de la commission des normes du travail devrait provenir du budget de l'Etat, oh!...

M. Johnson: Si vous n'avez pas d'objection à cela, j'ai aussi des commentaires là-dessus.

M. Bellemare: Vous en avez, vous.

M. Johnson: On pourrait peut-être les prendre sujet par sujet.

M. Bellemare: Ah bon! D'accord.

M. Johnson: On pourrait peut-être les prendre sujet par sujet. Pour le moment...

M. Bellemare: Vous allez éclairer ma lanterne. M. Johnson: C'est cela. Pour le moment... M. Bellemare: D'accord.

M. Johnson: ... on était sur les temps partiels et les occasionnels.

M. Bellemare: Oui, vous avez bien raison. Oui. M. Johnson: Dans le cas des temps partiels... M. Bellemare: Allez-y.

M. Johnson: ... le projet...

M. Bellemare: Je pensais que vous aviez fini sur ce sujet...

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas vidé cette question encore.

M. Bellemare: On ne l'a pas vidée...

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Bellemare: J'en ai peur, là.

M. Johnson: Ce que vous mettez en évidence, c'est que finalement le projet de loi tenait compte des temps partiels à l'article 79, où l'on parle d'une indemnité pour salaire perdu. Donc, pour celui qui travaille quatre heures par jour, quatre jours par semaine, c'est le salaire perdu qui serait visé dans la compensation. Donc, votre problème du prorata des temps partiels est largement réglé par l'article 9. Sauf que cela ne règle pas le problème des occasionnels, je suis d'accord avec vous.

M. Ponton: M. le ministre, si vous me le permettez. Dans la mesure où l'employé est cédulé pour cette journée-là. Si l'employé n'est pas cédulé pour travailler, comment calcule-t-on le congé? Si, à un moment donné, il n'est pas sur la cédule de travail et que son père décède, comment applique-t-on l'article 79? Est-ce que l'employé peut venir nous voir et dire: Donnez-moi quatre heures, alors qu'il n'est pas sur la cédule de travail? Dans le cas où il est inscrit sur la cédule de travail, cela ne pose pas de problème; on va lui donner son congé et on est d'accord avec cela. Mais dans le cas où il ne l'est pas, cela amène des difficultés drôlement importantes.

M. Bellemare: 69.

M. Johnson: Mais s'il n'est pas cédulé, il ne reçoit rien.

M. Bellemare: 64, dis-je.

M. Johnson: Je pense qu'on se comprend très bien sur l'objectif. Cela devient peut-être une question d'interprétation et on verra à la clarifier s'il le faut, mais s'il n'est pas cédulé, par définition il n'était pas tenu de travailler, je veux dire qu'il n'y a pas d'indemnité à lui payer pour un salaire perdu. Maintenant, peut-être que le texte... Encore une fois, il y a une étape qui s'appelle l'étude article par article qui va nous permettre de fouiller très précisément. Je pense qu'on s'entend bien sur le contenu. Cela ne règle pas le problème des occasionnels, par exemple.

Une Voix: D'accord.

M. Johnson: On va essayer de tenir compte de vos suggestions en étant conscients de ce que cela peut représenter dans certains petits commerces, entre autres.

M. Bellemare: Que pensez-vous de 64?

M. Johnson: Dans l'ensemble de ce qui touche les occasionnels, que ce soit 64, 79 ou 80.

M. Bellemare: 80.

M. Johnson: L'autre chose sur le financement, pour en arriver là où voulait nous amener le député de Johnson...

M. Bellemare: C'est où, là?

M. Johnson: Evidemment, c'est la position... J'ai trouvé d'ailleurs votre précaution oratoire tout à fait pertinente quand vous avez dit: Au cas où notre suggestion ne serait pas retenue — elle ne sera pas en effet retenue — la commission du salaire minimum est financée depuis de nombreuses années par les cotisations des employeurs...

M. Bellemare: ... ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson:... depuis son origine. Même que cette loi prévoyait qu'une partie des services de conciliation et du commissariat du travail était financée par cela.

M. Bellemare: C'est cela.

M. Johnson: Le contexte dans lequel cela s'est fait, il faut se le rappeler, c'était à l'époque où le budget du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre au Québec était de l'ordre d'environ $200 000 par année. Il est de $100 millions maintenant.

M. Bellemare: On a aboli aussi le fameux service...

M. Johnson: Cela vous donne une idée.

M. Bellemare: On a aboli le service des négociations.

M. Johnson: Bon. Cependant, je pense qu'il y a deux façons de voir cela. Je sais que le Conseil du patronat est également de votre avis, comme l'ensemble du monde patronal, que finalement c'est une responsabilité d'Etat. Je pense qu'il faut le voir autrement. Il y a des précédents, au-delà de la Commission du salaire minimum; je ne parlerai pas de la Commission des accidents du travail qui est une mutuelle, où c'est normal, mais il y a la Régie des entreprises de construction du Québec, par exemple, qui oblige les 15 000 entrepreneurs en construction du Québec à payer une licence et c'est versé au fonds consolidé. Une partie de cela est retournée à la régie pour son administration.

De la même façon au niveau de la Commission du salaire minimum, on juge que c'est une participation des employeurs, dans la mesure où dans notre société je me refuse à percevoir comme étant, par définition, profondément antithétique — pour utiliser le vocabulaire de ceux qui s'inspirent des auteurs du 18e siècle sur les analyses sociales — les intérêts des travailleurs et des entreprises dans notre collectivité. Si on veut vraiment pencher dans une analyse vers l'impossibilité de concilier, pour le développement de toute

la société, les intérêts des employeurs et des salariés, je comprendrais votre position, comme je peux comprendre certaines idéologies dans le monde syndical, mais ce n'est pas le cas.

Je pense qu'il est normal, dans notre société, qu'on considère que les employeurs en tant que groupe dans notre société apportent une contribution, au-delà de ce qui se fait concrètement dans leur entreprise, au développement général d'une amélioration des conditions de travail des salariés. Parce que c'est cela, vivre en commun, je pense. Cela s'appelle un fardeau financier, dans un premier temps. Cela s'appelle aussi des affaires d'attitude dans d'autres temps et dans d'autres circonstances. Donc, le gouvernement entend maintenir la notion de cotisation des employeurs pour le financer.

Il y a un chiffre qui est sorti récemment et qui a fait grimper dans les rideaux certaines personnes; on a parlé de $100 millions. Il n'est pas question de cela. La loi prévoit déjà que cela peut être jusqu'à 1% mais...

M. Bellemare: $257 millions, j'ai vu cela dernièrement.

M. Johnson: Ouais. Enfin, 1% de la masse salariale totale au Québec. Cela aurait du sens, autour de $200 millions. Je ne pense pas que la Commission du salaire minimum va avoir un budget de $200 millions. En tout cas, quand la commission aura cela, j'en demanderai autant pour mon ministère.

M. Bellemare: II y a 1% dans votre loi.

M. Johnson: Non, non. Ce qu'on prévoit, c'est jusqu'à concurrence de 1%.

M. Bellemare: Cela peut aller là.

M. Johnson: Bon. En pratique, aujourd'hui, c'est un dixième de 1%.

M. Bellemare: D'accord.

M. Johnson: Un dixième de cela. Il est possible qu'on soit appelé à l'augmenter...

M. Bellemare: Ah! mon radar me dit que oui.

M. Johnson: ... sensiblement pour les fins de l'administration du nouveau régime.

M. Bellemare: Mon radar me dit que oui.

M. Johnson: Ah! c'est le gros bon sens, au-delà du radar.

M. Bellemare: Cela va arriver.

M. Johnson: Bon. A défaut de cela, votre suggestion vise à simplifier les dispositions de l'article 29h. Est-ce que vous pourriez reprendre? Je n'ai pas très bien saisi ce que vous disiez sur l'article 29h.

M. Ponton: Au niveau de l'article 29h, c'est qu'on n'établit pas de plafond. On parle de plafond en termes de pourcentage, mais on parle des salaires payés. Nous estimons que le 1% ou le montant qui sera déterminé devrait l'être d'après la masse salariale de l'entreprise qui correspond à ce que peut être le salaire minimum qui va être déterminé de temps à autre, de façon à éviter que l'entreprise qui a une masse salariale importante n'en arrive à subventionner l'employeur qui a une masse salariale moins importante et, dans un deuxième temps, la catégorie d'employeurs qui ne respecteraient pas l'objectif et l'esprit, ainsi que les normes de la future législation. Je ne pense pas qu'on puisse demander à une entreprise, même si elle est importante, de contribuer financièrement à la délinquance de certains employeurs lorsque, par exemple, la commission sera appelée à prendre des actions contre les employeurs qui ne respecteraient pas l'objectif de la loi.

Dans le projet de loi, on prend soin d'introduire une indemnité de 20%, je pense, qui peut être imposée à un délinquant. A ce moment-là, on se demande pourquoi l'entreprise qui a une masse salariale importante devrait être appelée, par ses contributions en fonction des salaires payés, à subventionner un autre type d'entreprise.

C'est un petit peu le même raisonnement qu'on a établi avec le dernier programme, à la Commission des accidents du travail, où on a essayé de compartimenter les risques par entreprise, de façon à éviter que certains types d'entreprises soient subventionnés par la contribution des autres employeurs. On pense qu'au niveau de la contribution, il y aurait lieu de s'inspirer de la même philosophie de façon à établir un équilibre ou une équité entre tous les employeurs.

M. Bellemare: Vous ne croyez pas, M. Ponton, que la loi doit être assez claire...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Johnson, si vous permettez, il faudrait quand même fonctionner selon l'ordre habituel, parce que M. le ministre...

M. Bellemare: II va falloir que je passe seulement après tout cela? Quand on a une question incidente comme celle-là, je ne pourrai pas la poser?

Le Président (M. Dussault): M. le député de Johnson, de toute façon, si c'est le fait que vous ne serez pas là ce soir qui vous préoccupe, vous aurez, je pense, le temps, d'ici 18 heures, de faire votre intervention.

M. Bellemare: Ah oui! mais là on discute d'un problème crucial.

M. Pagé: Les députés le permettent, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je n'y vois pas d'objection si la commission est d'accord. Vous avez la permission, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Vous ne croyez pas que la loi est claire, à 29h quand on dit que "ce règlement doit fixer la méthode, le taux de prélèvement, la période pour laquelle ce prélèvement est exigible et être accompagné d'un état estimatif des recettes et des dépenses..." Vous ne croyez pas que c'est assez clair?

M. Ponton: Je ne mets pas en doute la clarté, M. le Président, M. Bellemare, la clarté de 29h. C'est simplement qu'au niveau des salaires payés, on estime que plus l'employeur va verser des salaires intéressants en fonction de ce qui a été prévu à 29h, plus sa contribution va être importante, alors que nous, on estime que pour une équité, on devrait plafonner la contribution au niveau des salaires qui correspond au salaire minimum qui peut être en vigueur de temps à autre ou à un plafond qui va être établi pour couvrir l'ensemble des employeurs.

M. Bellemare: Quel pourcentage à peu près?

M. Ponton: Je n'ai pas de données sur le chiffre moyen...

M. Johnson: Par exemple, qu'on dise que la masse salariale cotisable des entreprises c'est X% jusqu'à un plafond qui va jusqu'à concurrence de $18 000 par année ou quelque chose comme cela. En fait, c'est le principe du salaire assurable de la CAT. Dans son état actuel, si je comprends bien, la loi le permettrait. C'est une suggestion que vous faites, mais il semble que la loi le permettrait. De toute façon, encore une fois, on tient compte de votre suggestion. On verra peut-être à en tenir compte.

Dernière chose sur la question de la faute grave, à 82, on est vraiment là à deux extrémités. D'une part, on entendait tout à l'heure le président de la CSN, qu'estime beaucoup le leader de l'Union Nationale, nous dire, dans le fond, que lui pensait que le salarié devait avoir un recours réel devant le commissaire du travail, ce qui à nos yeux ne relève pas nécessairement, ce qui à mes yeux en tout cas correspond par accident, je suis sûr, pas par vision dans le cas de la CSN, dommage qu'il ne soit pas là, mais par accident finalement, à créer littéralement une bureaucratie dans ce domaine.

Je pense que c'est bien plus le rôle d'un syndicat par la procédure de griefs de régler ces problèmes plutôt qu'à l'Etat de le faire. Par contre, vous arrivez et vous nous dites: Faute grave, ce n'est pas suffisant. C'est trop restrictif, c'est-à-dire, pour l'employeur. On a cherché toutes sortes de formules et cela m'apparaît être la formule la plus correcte en ce moment. Je peux peut-être vous entendre quelques secondes là-dessus.

M. Ponton: J'ai deux points, M. le Président, si vous me le permettez. Le premier point, M. le ministre, c'est le financement de la commission. On a été amené à élaborer cette hypothèse, compte tenu de l'universalité d'application du nouveau projet de loi. On était conscient des dispositions de la législation actuelle, mais compte tenu de l'objectif nouveau qui était établi, on pensait qu'il était normal que, comme l'objectif de la future commission est d'établir des normes minimales de travail pour l'ensemble des salariés et de s'assurer que ces normes soient respectées par les employeurs, c'était un service qui n'existait pas pour l'entreprise comme telle. On a été amené à suggérer qu'à ce moment le financement émarge au budget de l'Etat. (17 h 15)

Quant au deuxième point, M. le ministre, sur votre fin de non-recevoir sur la question du financement, j'aimerais quand même vous indiquer qu'à l'article 29h le dernier alinéa prévoit énormément d'exception à la cotisation ou au prélèvement. Si on est pour attacher un coût à la qualité d'employeur, je m'interroge sérieusement sur les raisons qui peuvent justifier un si grand nombre d'exemptions. Par exemple, les conseils scolaires, s'ils sont des employeurs au même titre que tous les autres employeurs, devraient être appelés...

M. Johnson: A financer la différence de fonds. Dans le cas des entreprises de construction c'est parce qu'elles sont exclues complètement du champ d'application de la loi. Je pense que vous n'y voyez pas d'objection, il y a déjà un prélèvement obligatoire chez le salarié comme chez l'entreprise. Dans le cas des institutions publiques, le financement est déjà collectif. Par contre, dans le cas — et on y a vu — spécifique des sociétés d'Etat qui concurrencent les entreprises privées, les sociétés d'Etat qui s'adonnent à des activités de nature commerciale, elles sont couvertes et elles devront financer, parce que leur activité est une activité économique de notre système. Je pense que c'est peut-être un peu cela.

Finalement, la dernière chose que je dirais sur la question du plafonnement, même si on va le regarder si ce n'est pas impossible, c'est qu'ultimement votre raisonnement — je l'étire un peu — nous amènera peut-être à considérer qu'il y a seulement les criminels qui devraient financer les services policiers. La police coûte cher dans une société et c'est l'ensemble des citoyens qui paie même si cela vise finalement juste des délinquants. S'il n'y avait pas de délinquants, on n'aurait pas besoin de police. Il y a également l'intérêt public. C'est un peu la même chose dans le cas du financement. En fait, vous voyez que ces raisonnements sont fragiles de part et d'autre et que cela devient, comme le disait le ministre Camille Laurin, cet après-midi, une question d'opinion des fois.

M. Ponton: D'accord. Un dernier point, M. le Président, sur les remarques du ministre Johnson relativement à l'article 82. Le simple point que nous voulons faire ressortir, nous avons fait une suggestion, un renvoi pour cause, mais pour cause, et je suis d'accord avec vous, c'est l'application très large et cela peut être appliqué à toutes

les sauces. Il n'en reste pas moins que ce qui est important c'est qu'il y a des mécanismes de contrôle qui sont prévus dans le projet de loi avec l'aide de la commission. Tantôt le ministre a abordé la question des griefs et dans beaucoup de cas ici on s'adresse à des employés non syndiqués. La commission va pouvoir apporter, avec son expertise, ses connaissances, une aide à ces employés. C'est qu'il faudrait éviter que les employés qui n'auraient pas nécessairement fait des fautes graves soient pris pour réintroduire l'entreprise comme telle, ce qui peut être susceptible d'amener des difficultés de compatibilité et de relations avec les employés. Dans beaucoup de cas, comme la CSN l'a mentionné, certains de nos membres ont déjà des syndicats, d'autres n'en ont pas, c'est une question individuelle. Mais l'élargissement de 82 permettrait l'appréciation de tous les motifs. Je pense que le projet de loi ne s'en porterait que mieux.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vais céder mon tour à mon collègue de L'Acadie, ayant dû m'absenter pour me rendre à mon bureau.

Le Président (M. Dussault): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance du mémoire pendant la présentation. Je voudrais revenir à l'article 29 — c'est un long article — à 29d et à 29e. Dans le cas de 29d, vous émettez certaines réserves, sans être trop précis. Est-ce que c'est la façon dont il est rédigé ou ce qu'on y prévoit peut-il créer vraiment des difficultés de fonctionnement à l'intérieur de vos commerces? Vous semblez soulever des difficultés et ce n'est pas précis.

M. Ponton: M. le Président, l'article 29d prévoit un pouvoir de réglementation à la commission pour un système d'enregistrement du temps. L'objet de notre recommandation est plus l'expression d'un souhait qu'une recommandation concrète, compte tenu que le règlement n'est pas encore présent. Mais les entreprises ont développé, depuis un certain temps, des systèmes au niveau des heures flexibles en fonction des besoins des employés et de nos entreprises. Le souhait que l'on formule, c'est d'éviter autant que possible un retour à des systèmes qui n'ont pas fait leur preuve comme le poinçon ou autres systèmes d'enregistrement du temps comme tel.

A ce moment-là, si on impose un cadre trop rigide, je ne pense pas qu'on va donner l'occasion aux employeurs et aux employés de vivre en harmonie avec le projet de loi. Je pense qu'il faut éviter, au niveau de l'article 29d, d'imposer sur le plan administratif un carcan, de façon que chacun soit pris avec un système d'enregistrement de temps qui ne répond pas aux objectifs de chacune des parties impliquées, soit les employés et les entreprises.

Mme Lavoie-Roux: Sur le même sujet. Selon votre expérience, est-ce qu'il n'y a pas une différence à cet égard entre le fonctionnement d'une plus grosse entreprise ou d'un commerce relativement considérable par rapport à des petits commerces où, peut-être, cela deviendrait assez aléatoire de laisser beaucoup de marge de manoeuvre? Avez-vous une expérience là-dessus?

M. Ponton: C'est sûr, pour répondre à la question de Mme le député de L'Acadie, que dans certains types d'entreprises plus petites, il y aura toujours, je pense, des cas ou des abus qu'on pourra dénoncer, mais je ne pense pas qu'on puisse, à cause de cette marginalité de cas, somme toute, en arriver à imposer une règle générale aux employeurs en général. La commission sera munie d'un pouvoir d'enquête, elle va avoir des inspecteurs et elle pourra très bien s'assurer si on satisfait aux exigences de son système. Il faudrait éviter un système rigide comme tel.

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas de l'article 29a, c'est peut-être davantage une question qui s'adresserait au ministre. Vous vous élevez contre le fait qu'à un moment donné vous soyez obligé de fournir ou de transmettre, à des périodes déterminées, des rapports écrits contenant des informations que vous jugez confidentielles mais qui, normalement, si je ne m'abuse, ne sont que du ressort du ministère du Revenu. Article 29e, M. le ministre.

M. Bellemare: La vie privée.

Une Voix: ...

M. Bellemare: Non, mais la vie privée.

Mme Lavoie-Roux: II y a un peu plus que cela.

M. Bellemare: Cela peut aller jusque dans la vie privée du gars ou de la femme.

M. Johnson: En fait, c'est une reproduction à peu près textuelle du texte de loi actuel. Cela fait partie des pouvoirs normaux.

M. Bellemare: La Commission des droits de la personne a condamné cela.

M. Johnson: Non, je ne pense pas. M. Chevrette: C'est l'article 29e, là. M. Bellemare: Oui, l'article 29e.

M. Johnson: "e) obliger un employeur professionnel ou une catégorie d'employeurs professionnels qu'elle désigne à lui transmettre, à des

périodes qu'elle détermine, un rapport écrit donnant les nom, prénom et adresse de chacun de ses salariés, son emploi, le nombre d'heures de travail normales et supplémentaires effectuées chaque semaine et le salaire payé;" cela existait en vertu de l'ancienne loi du salaire minimum. Le mécanisme de contrôle demeure ultimement celui-là.

M. Bellemare: Comment expliquez-vous que la Commission des droits de la personne puisse avoir condamné cela?

M. Johnson: Auriez-vous un article...

Mme Lavoie-Roux: C'est ce que vous indiquez, que la charte des droits et libertés consacre le droit à la vie privée pour chaque citoyen...

M. Johnson: Oui, mais si je comprends bien...

Mme Lavoie-Roux: ... mais il n'y a pas eu d'avis d'exprimé de sa part.

M. Johnson: ... il n'y a pas d'avis de la commission sur l'article.

M. Ponton: Non, non.

M. Johnson: Bon, c'est cela.

M. Ponton: Nous estimons que ces informations font partie du droit de l'employé et on s'interroge sur la possibilité de donner autant d'informations détaillées. On soulève également la pertinence du rapport. Au nombre d'entreprises que compte le Québec, nous nous interrogeons vraiment, M. le ministre, sur l'utilisation de tant de rapports. Si on donnait un profil général...

M. Johnson: C'est un pouvoir d'enquête comme dans l'ensemble des commissions où il y a des inspecteurs, etc. Théoriquement, je suis d'accord avec vous pour dire qu'une disposition comme celle-là pourrait théoriquement permettre à la Commission du salaire minimum, avec un arrêté en conseil du gouvernement le sanctionnant, ou même à la commission seule, d'obliger les 126 354 employeurs du Québec à fournir tout cela. Mais il faut être réaliste, c'est un pouvoir d'enquête.

De la même façon, je m'étonne un peu au sujet de l'article 29d. L'article 29d également reproduit à peu près ce que la loi dit en ce moment. Vous nous parlez des difficultés de fonctionnement. Est-ce parce que les employeurs ne la respectaient pas et qu'ils pensent que la commission va être efficace et va les obliger à la respecter ou si c'est parce que vous vivez des ennuis avec cela dans le moment?

M. Ponton: M. le ministre, j'aimerais simplement ajouter sur cette question, avec toute déférence pour votre opinion, que vous nous indiquez que c'est déjà dans la loi actuelle. Je vous le concède, je ne mets pas cela en doute. Lorsqu'on dépose un projet de loi visant à remodeler ou à changer la vocation d'une commission, je pense qu'on peut s'interroger sur la portée de certaines choses qui s'y sont glissées au cours des années et voir si elles sont toujours applicables eu égard au développement des entreprises et voir si elles atteignent effectivement les objectifs que l'on poursuit.

En rendant obligatoire de façon systématique la production de rapports, je vous soumets, avec tout le respect que j'ai pour cette commission, qu'on n'en arrivera pas nécessairement à rencontrer de bonnes normes de gestion administrative efficace. Si vous me dites, M. le ministre, que c'est pour des motifs d'enquête, je veux bien que les inspecteurs de la commission viennent, pour des motifs d'enquête, dans les livres de l'entreprise obtenir les informations qu'ils veulent selon les pouvoirs qui leur sont attribués. Mais je ne vois pas l'utilité, par-dessus tout cela, d'obliger les employeurs à produire régulièrement des rapports selon les périodes qui seront déterminées en vertu de l'article 29d.

M. Johnson: Cependant, pour que cela ait une signification, le pouvoir d'enquête, sur le contrôle des registres, il faut qu'il y ait une obligation de tenue de registres. On se comprend là-dessus.

M. Ponton: II y a un "payroll" dans l'entreprise. Si l'entreprise en tient un...

M. Johnson: Oui, mais vous avez vous-même parlé des variations importantes de personnel qu'on peut retrouver avec les occasionnels dans les périodes de pointe dans le type d'entreprise que vous représentez. Il faut qu'il y ait, quelque part, un minimum de conformité à un examen qui puisse être le plus simple possible, le plus objectif et le plus productif possible pour les fins d'enquête de la commission. Sans cela, ce serait trop simple de dire: II n'y a aucune règle, mais la commission peut aller inspecter les livres. Si la commission arrive et se rend compte que les livres sont tenus d'une façon telle, dans le cas d'un roulement de personnel de 50% en l'espace de deux mois à l'époque des Fêtes, qu'il n'y a pas moyen de s'y retrouver, c'est totalement inefficace. Il faut être conscient de cela aussi. La production de rapports, c'est une autre chose.

M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais demander à M. Legault qui a exprimé un intérêt à...

M. Legault (François): II y a une réalité actuelle dans les entreprises chez nous où il existe ce qu'on appelle l'horaire variable de travail — d'accord? — où les gens peuvent travailler six heures, dix heures, à leur goût, dans un cadre déterminé. Je pense qu'à l'article 29d on nous impose ou on impose aux employés un carcan. On revient à la méthode du poinçon!

M. Johnson: Comment les payez-vous?

M. Legault: Ils sont payés à la semaine. Ils ont un certain nombre d'heures à faire par semaine. Ils peuvent les faire en quatre jours. Ce sont des horaires variables.

M. Johnson: Oui. Mais il doit y avoir un minimum...

M. Legault: Cela n'existe pas uniquement chez nous!

M. Johnson: Oui, mais qu'on se comprenne bien. Je le sais, cela existe dans mon ministère, les horaires variables, au ministère du Travail. Mais je peux vous dire qu'il y a un moyen de contrôle. Pendant la période estivale, le vendredi il y a du monde à 7 h 45 dans le bureau et ils sont partis à 15 heures! Mais il y a un moyen de savoir qu'ils ne sont pas venus qu'une heure dans toute la semaine aussi. Il y a un mode de contrôle quelque part.

M. Legault: II y en a un, mais il peut y en avoir deux, trois et quatre.

M. Johnson: C'est vrai. Mais c'est pour cela que l'article ne dit pas imposer à tous les employeurs, etc., mais obliger un employeur professionnel ou une catégorie d'employeurs professionnels. C'est donc à partir du moment où on sent le besoin auprès d'une entreprise ou d'une catégorie d'entreprises. Il ne s'agit pas de dire que c'est la règle qui s'applique à tout le monde! C'est dans ce sens-là. Je pense qu'on se comprend.

M. Ponton: M. le Président, ce n'est pas que je veuille relancer le débat, mais la tenue du contrôle existe et je pense que les enquêteurs de la commission vont pouvoir venir et prendre ces informations-là dans nos livres, il n'y a pas de difficultés. Au niveau de l'exigence des rapports, je suis d'accord avec le ministre que le projet de règlement va permettre d'identifier une catégorie d'employeurs et qu'il est peu probable que, dans les faits, on l'applique à tous les employeurs, compte tenu du volume de rapports qui va en résulter. Je me fie aux bonnes paroles du ministre, mais le texte de loi pourrait permettre, en théorie, un dépassement de cela. Nous estimons qu'on pourrait obliger dans ce cas-là un employeur à donner un rapport sur le profil général de son entreprise. On pourrait trouver des moyens qui ne seraient pas contraignants au point d'empêcher la commission de faire son travail et, de notre côté, d'accaparer les entreprises au point de vue, dépendant de la fréquence, des rapports détaillés donnant les nom, prénom, adresse de chacun des salariés, son emploi, le nombre d'heures de travail normal et supplémentaire. Je vous soumettrai, avec tout le respect que j'ai pour les membres de la commission, que nous n'estimons pas que cela puisse être nécessaire. On pourrait utiliser un rapport plus général qui permettrait à la commission de remplir son mandat. (17 h 30)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je soulevais ces points-là parce que ce que vous indiquez, c'est qu'on ne vous impose pas des obligations qui soient inutiles, contraignantes et qui, finalement, ne vous servent peut-être pas tellement. A l'article 45, je vois difficilement les objections que vous faites en c) et en f). Vous dites: A toutes fins utiles, ces dispositions requièrent des informations qui ne sont pas essentielles. Vous donnez comme exemple le paragraphe c), l'emploi occupé par le salarié, sous prétexte qu'il doit normalement savoir quel emploi il occupe; et au paragraphe f), l'indication de la majoration s'appliquant pour les heures supplémentaires ne nous apparaît pas nécessaire. Mais est-ce que ce sont vraiment les deux seules objections que vous avez à l'énumération à laquelle on vous oblige? S'il ne s'agit que des paragraphes c) et f), du point de vue coût, du point de vue de la paperasse et du point de vue tenue de livres ou de registre, est-ce que c'est très compliqué de laisser le paragraphe c)? Cela peut-être intéressant pour un individu surtout qui peut travailler, par exemple, à avoir pas mal de temps supplémentaire, de savoir immédiatement le nombre d'heures supplémentaires pendant lesquelles il a travaillé. Je pense que cela peut être intéressant, même s'il peut aller au bureau du personnel le demander, etc.

M. Ponton: Nous sommes partis, M. le Président — pour répondre à la question de Mme le député de L'Acadie — de la situation actuelle qui prévalait dans beaucoup de nos entreprises, la façon dont les talons de chèque étaient préparés. On les a analysés en fonction des dispositions de l'article 45 et c'est à partir de cela qu'on en est arrivé à buter sur les paragraphes c) et f). Encore une fois, au niveau de l'emploi occupé par le salarié, on insiste beaucoup, dans nos entreprises, sur la relation entre le cadre et l'employé, et toutes les promotions, les emplois occupés, les responsabilités font l'objet de séances constantes, de programmes d'entraînement du personnel. A ce moment-là, cette information ne nous apparaissait pas essentielle. Si c'est le désir de la commission et du gouvernement de maintenir l'article 45 dans sa formulation actuelle, je pense que là-dessus, on peut simplement dire qu'il nous apparaissait qu'au niveau des paragraphes c) et f), c'étaient des renseignements qui n'étaient pas aussi importants que le montant de son salaire brut, le montant de son salaire net, les déductions à la source.

Mme Lavoie-Roux: Juste une petite remarque. Est-ce que dans la plupart, ou du moins dans les grandes entreprises — évidemment, il faudrait qu'elles soient assez grandes — ce serait informa-tif, de toute façon? Il s'agirait d'ajouter quelque chose au programme pour que ces deux informations s'y glissent ou y soient inscrites.

M. Ponton: Actuellement, elles ne sont pas comprises et certains ont soulevé — malgré que je ne puisse pas faire d'affirmation à ce sujet — des

difficultés sur la grandeur des talons, mais j'imagine qu'il faudrait effectuer des changements parce qu'il y a une limite à ce qu'on peut inscrire.

M. Johnson: Cela fait partie du plan de relance des pâtes et papiers. Je pourrais seulement ajouter que si vous êtes pris avec un salarié qui s'appelle Pierre Tremblay dans la région du Saguenay-Lac Saint-Jean, dans une entreprise qui a 200 employés à Chicoutimi, si vous n'avez pas son numéro d'assurance sociale, je pense que vous allez avoir un problème à l'identifier, si vous n'avez pas son emploi.

Mme Lavoie-Roux: On change cela avec le Code civil.

M. Ponton: On ne doute pas de cela, M. le ministre, mais au niveau des paragraphes c) et d), il nous apparaissait que ce n'étaient pas des renseignements qui étaient essentiels. Comme vous l'avez dit tantôt, c'est une opinion.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y avait une question incidente du député de Joliette-Montcalm.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Ce qui m'inquiète, c'est... Je comprends que c'est une interrogation que vous avez plus qu'une demande formelle, parce que si vous en faisiez une demande formelle, je vous avoue qu'on a affaire à des gens non structurés, non organisés qui ont, à toutes fins utiles, le loisir de loger une plainte à une commission qui est provinciale, déjà qui sont démunis, en termes de moyens de contrôle. Je trouve que la loi ne vient que permettre à ces individus de compiler eux-mêmes, personnellement, ou faire les calculs pour en arriver à voir si cela correspond à la somme de travail donné. Cela m'apparaît drôlement important. Je ne tiendrais pas le même langage si on était dans un groupe structuré, avec un organisme représentatif directement comme un syndicat. Je pense que si on veut éviter aussi la lourdeur administrative à la commission, il faut donner le maximum à l'employé pour qu'il puisse l'appliquer par lui-même, voir à l'application personnelle d'une loi. C'est dans cette optique qu'il faut comprendre l'article 45c et e.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question...

Le Président (M. Dussault): Y aurait-il une réponse de la part de M. Ponton?

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est vrai.

M. Ponton: J'apprécie le point de vue que M. Chevrette, député de Joliette-Montcalm, vient de donner, mais une association comme la nôtre, bien qu'on aimerait parler au nom des 25 000 détaillants que compte le Québec, n'a pas encore une année d'existence, donc elle n'en compte pas 25 000. On s'est placé dans l'optique de nos membres et des systèmes existant actuellement, de nos politiques internes dans nos entreprises et des difficultés d'application que pourraient représenter certaines dispositions, parce que nous y serons assujettis.

Il était assez difficile pour nous d'évoquer le cas ou de même penser à la situation à laquelle le député de Joliette-Montcalm fait référence.

Le Président (M. Dussault): Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez fait une évaluation — au moins avec un certain échantillonnage — du coût que peut représenter, par exemple, pour une entreprise majeure, les obligations nouvelles qui pourraient être créées à partir de ce projet de loi?

M. Ponton: M. le Président, au niveau de l'ensemble du projet de loi, nous n'en avons pas fait, mais au niveau des congés fériés, chômés et payés dans le cas des employés occasionnels, je pense que ça représente, pour nous, le morceau le plus important en termes de coût. Si on se base sur un critère, les relevés que j'ai obtenus avant de me présenter ici aujourd'hui, on assiste à des variations, mettons de 50% pour le temps des Fêtes, au niveau des employés occasionnels. Si tous ces gens sont assujettis aux congés de Noël et du Jour de l'An, je pense qu'on peut dire que pour nos membres — si on parle du commerce de détail en général, je n'oserais pas risquer de chiffres, parce que je ne pourrais pas y arriver, à quelques points près — ça représente des déboursés additionnels de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous n'avez pas fait d'étude rigoureuse, par exemple, sur quatre ou cinq types d'entreprises. Vous n'avez pas de données là-dessus?

M. Ponton: Tout ce que j'ai, sur quatre ou cinq types d'entreprises, ce sont les variations en termes d'employés. Par exemple, si je prends parmi nos membres les quatre grands magasins que j'ai consultés, on en arrive à une variation d'environ 6000 employés pour le temps des Fêtes; si je prends le cas des indépendants, qui sont très nombreux, on en arrive à des nombres aussi importants. Je pense qu'on peut dire que le commerce de détail, en règle générale, regroupe 122 000 à 140 000 personnes dans le secteur du commerce de détail comme tel, excluant le secteur de gros, parce que, à ce moment-là, les chiffres, au point de vue de l'emploi, totalisent environ 400 000 selon les dernières statistiques officielles. Si on applique un pourcentage de 50% de ce nombre, on parle de 50 000 à 60 000 employés additionnels pour le temps des Fêtes. Multipliant ces nombres par le salaire que ces gens gagnent et qui, dans plusieurs cas, est de beaucoup supérieur au salaire minimum qui est

déterminé par la législation, on en arrive à des sommes qui sont — je pense qu'on peut dire le mot — astronomiques.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le Président. Je talonne souvent le ministre du Travail sur le fonctionnement de la Commission du salaire minimum. Ce n'est peut-être pas aux employeurs que je devrais poser la question, mais il reste que je la poserai peut-être ensuite à des groupes syndicaux qui pourront nous donner l'autre côté de la médaille.

Est-ce que vous avez des problèmes avec le fonctionnement de la Commission du salaire minimum? Est-ce qu'elle a en main les outils pour faire son travail? Quelles sont, somme toute, les relations qui existent entre les entreprises et la Commission du salaire minimum, au point de vue du fonctionnement quotidien? Avez-vous des...

M. Ponton: De notre côté, je peux simplement parler d'expérience personnelle. L'expérience personnelle de notre association et de nos membres, depuis que je suis en poste avec l'association, a été très bonne avec la Commission du salaire minimum. On a eu à travailler avec la commission au niveau du projet de loi sur la fête nationale du 24 juin; cela a été positif. On a eu à travailler au niveau de l'ordonnance pour le congé de maternité. Toutes nos recommandations n'ont pas été entérinées mais, cependant, quelques-unes l'ont été. On en profite pour déplorer le fait que l'employeur n'a pas le droit de faire vérifier ou de s'assurer que le certificat médical, comme on l'avait suggéré dans le texte de nos propositions d'amendements, puisse être disponible pour l'employeur. On avait aussi un peu compris que, dans un projet éventuel, on pourrait peut-être tenir compte de cette dimension du problème.

En règle générale, les relations sont très bonnes et, même dans notre mémoire, on déplore le fait que bien qu'en pratique — je l'imagine — la commission va être sensibilisée au projet de règlement sur les normes de travail qu'elle va être chargée d'administrer, il n'en reste pas moins que, dans les textes, c'est le gouvernement qui se réserve cet attribut au niveau du pouvoir de réglementation importante. Là-dessus, on dénote ce qui nous apparaît une baisse d'importance du rôle de la Commission du salaire minimum mais on recommande de modifier cette orientation de façon à permettre vraiment à la commission de jouer le rôle qu'on veut lui confier.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. Ponton.

Le Président (M. Jolivet): Merci, Mme le député. M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci, vous êtes donc aimable, très aimable.

Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que vous dites que les cadres sont payés au mois; est-ce que c'est général cette tradition, cette prescription?

M. Ponton: Selon les informations que j'ai, M. le Président, cette information est exacte.

M. Bellemare: Pas aujourd'hui. Comment m'avez-vous dit?

M. Ponton: Cette information est exacte, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Que vous avez plusieurs cadres qui sont payés au mois?

M. Ponton: Tous les cadres sont payés au mois. Pas tous? Peut-être M. Legault ou M. Opzoomer?

Mme Lavoie-Roux: Les députés sont payés aux 15 jours.

M. Bellemare: Cela me surprend aussi parce qu'aujourd'hui, même si cela vient d'un système britannique un peu vétuste, on a changé cela même pour les députés qui étaient payés au mois. On a apporté un amendement à la Loi de la Législature et on est payé au moins à tous les 15 jours et il y en a, Dieu sait, qui courent après. En tous les cas, à plus forte raison chez les cadres, cela me surprend qu'il y ait un pourcentage de gens qui puissent critiquer cette formule à savoir ne pas dépasser 16 jours. Je n'ai pas l'impression que c'est généralisé aujourd'hui, parce que tout le monde fait son panier de provisions une fois par semaine et même à deux semaines, c'est déjà loin.

Je ne sais pas mais j'ai lu dans votre mémoire que vous demandiez, à cause des cadres, de garder sa disponibilité de payer tous les mois au lieu de tous les sept jours. J'aimerais bien vous entendre.

M. Ponton: Je pense, M. le Président, que lorsque nous avons procédé à l'élaboration du mémoire, il y a des représentants des entreprises membres du Conseil québécois qui ont demandé de pouvoir conserver la latitude de payer leurs cadres à la période d'un mois alors que certaines autres compagnies, comme M. Legault vient d'en attester et Mme Laurin de chez Steinberg, paient leurs cadres à période plus régulière mais il y en a encore qui paient leurs cadres au mois, entre autres chez M. Opzoomer, les cadres sont payés au mois; à la compagnie Sears aussi, je pense, si ma mémoire est fidèle. Je pense que l'objectif est de demander la latitude en fonction des politiques internes de l'entreprise.

M. Bellemare: Vous allez vous moderniser vous autres aussi; j'espère que la loi va... L'autre cas, celui du chèque de paye qui vient d'un ordinateur, qui va devoir être mis dans une enveloppe scellée, vous dites que vous n'aimez pas cela. Vous aimeriez mieux que le chèque de paye soit donné de main à main. J'aimerais vous entendre parce que, comme président de la Commission des accidents de travail, on avait ce système par ordinateur et...

M. Johnson: Peu importe si c'était votre commission?

M. Bellemare: Oui et j'ai poigné des gars, mon cher monsieur, qui ne savaient manipuler...

M. Johnson: Qui vous avait nommé déjà? M. Bellemare: Qui m'avait nommé? M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: L'honorable M. Bertrand. M. Johnson: C'était M. Bertrand?

M. Bellemare: Oui, le père de votre pee-wee, le pee-wee de Vanier.

M. Johnson: Vous le connaissiez bien, je pense.

M. Bellemare: Ne m'en faites pas parler; j'espère que votre allusion... c'est mon sujet de prédilection. (17 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Avant les pee-wee, il y a les plus petits.

M. Bellemare: Non, pas les midget. Les mosquito.

M. Lavigne: Les moustiques. Mme Lavoie-Roux: Les moustiques.

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Pour revenir à des choses très sérieuses, c'est en vertu de la loi que j'avais été nommé. Je pense que le ministre ne peut pas me reprocher d'avoir usurpé une fonction. C'était prévu dans la loi que quelqu'un d'autre qu'un avocat pouvait être nommé.

M. Chevrette: D'avoir usurpé une fonction.

M. Bellemare: Oui. Je n'ai pas usurpé... C'était selon la loi.

M. Chevrette: II ne peut pas vous reprocher d'avoir usurpé...

Une Voix: Vous avez été usurpateur...

Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît, messieurs! M. le député de Johnson, vous ne pouvez pas revenir après le souper, nous avez-vous dit.

M. Bellemare: Oui, oui, c'est vrai, mais dites donc au ministre de ne pas me distraire. Il aime ça parce qu'il sait que j'ai la réplique facile.

Mme Lavoie-Roux: Vous aimez ça aussi. M. Johnson: Et longue!

M. Bellemare: Oui, et je ne manque pas de piquant. Le cas de l'enveloppe scellée, pour vous autres, c'est un problème majeur...

M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, c'est un coup. Il y a des employeurs qui utilisent l'enveloppe, d'autres qui ne l'utilisent pas, qui remettent les chèques faits par ordinateur au superviseur du magasin, qui est le cadre responsable de l'entreprise. Vous savez que les entreprises à succursales s'étendent dans tout le Québec. Alors, chaque directeur de magasin s'occupe de remettre à l'employé son chèque. Pour l'entreprise qui a — il y en a une que j'ai en mémoire — au moins 15 000 ou 16 000 employés, il s'agit de 15 000 ou 16 000 enveloppes toutes les deux semaines et on estime que ce sont des coûts qu'on pourrait éviter, que l'entreprise peut décider d'éviter en fonction de ses politiques internes. C'est dans cet esprit-là que la recommandation a été faite.

M. Bellemare: La suggestion que je vais vous faire ne serait-elle pas bonne? Est-ce que le chèque ne pourrait pas être fait sur un chèque enveloppe?

M. Ponton: II y a peut-être des façons d'en arriver à faire un chèque-enveloppe, mais...

M. Johnson: Vous n'avez pas une compagnie de chèques-enveloppes, M. Bellemare?

M. Bellemare: Non, j'ai déjà eu deux imprimeries, mais... L'autre chose que je trouve — je ne me prononce pas définitivement — c'est qu'au sujet des articles 36 et 37, vous avez probablement raison. On aurait pu mettre ces deux choses-là dans l'article 32 et dire simplement que, lorsqu'il s'agit d'une question urgente et d'intérêt public, il peut y avoir une exception à l'article 32. On aurait pu l'ajouter à l'article 32. Cela aurait été bien plus facile que de faire deux articles différents. Je pense qu'on aurait pu avoir satisfaction quand même en ajoutant que, s'il y a urgence et intérêt public, cela n'invalide pas s'il n'y a pas eu la publication. Mais, actuellement, on fait deux articles différents et on répète aux deux articles que, malgré l'article 32 — à l'article 37 — le défaut de publication préalable ne le rend pas invalide.

Je ne suis pas sûr que sur ces deux articles-là, je n'aurai pas à intervenir.

Je voudrais revenir sur l'autre chose de votre mémoire. La "clause grand-père", qu'est-ce que c'est?

Mme Lavoie-Roux: II faut demander ça au ministre de l'Industrie et du Commerce...

M. Bellemare: Oui, l'épave, il se le fait reprocher assez.

M. Johnson: Ce n'est pas péjoratif, j'en suis sûr. M. Ponton va nous dire que ce n'est pas péjoratif.

M. Bellemare: Non, mais dans un mémoire, apparaissent au dernier... de l'article 45, devrait...

M. Chevrette: Cela ne vous a pas blessé?

M. Bellemare: Cela ne m'a pas blessé, j'ai lu simplement et je n'ai seulement pas frissonné.

La "clause grand-père", apparaissant au dernier alinéa de l'article 45, devrait être éliminée. Expliquez-nous donc cela. Pourquoi avoir employé la "clause grand-père"?

M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, je ne voudrais surtout pas que ce soit interprété dans le sens... Je pense que le député de Johnson a pu faire une intervention importante dans le passé. C'est une expression qu'on nomme en anglais "basket clause". C'est une clause omnibus qui permet d'insérer ou de ramasser toute espèce de renseignements et de dispositions qui seraient nécessaires, si on jugeait important d'édicter par règlement que des informations doivent apparaître sur le chèque de paie.

Je pense qu'on a pris la peine d'énumérer tous les points de nombreux paragraphes et qu'on pourrait très bien se passer de cette clause-là. Pourquoi faire l'exercice de tous les énumérer, si, en même temps et du même souffle, on peut exactement passer à côté en imposant toute espèce de renseignements dans les règlements.

M. Bellemare: J'ai compris ça, M. Ponton...

Mme Lavoie-Roux: Dans un sens de valorisation du projet.

M. Bellemare: Mais, chose certaine, tous ceux qui vont lire votre mémoire et qui sont de mon âge vont dire: Pourquoi nous attaque-t-on, nous de l'âge d'or? Pourquoi nous dit-on que nous sommes un porte-poussière pour tout ce qui peut ne pas être contenu dans une loi? Pourquoi rire du grand-père pour rien?

Mme Lavoie-Roux: C'est valorisateur...

M. Bellemare: Non, "la clause grand-père", on n'avait pas d'affaire à inclure ça dans le mémoire; c'est injuste pour l'âge d'or, je vous le dis.

M. Ponton: M. le Président, si vous permettez, je vais en prendre bonne note.

Le Président (M. Dussault): Je vous permets, oui.

M. Ponton: Si ce n'est que pour tout le respect que je porte à l'expérience du député de Johnson, je l'ai indiqué entre guillemets, ce qui, je pense...

M. Bellemare: C'est encore pire! Vous auriez pu garder vos guillemets pareil, ça ne revalorisait pas votre mémoire.

M. Ponton: M. le Président, je pourrais peut-être amender la clause pour qu'on lise "omnibus".

M. Bellemare: Non, mais je serais bien d'accord pour que vous demandiez au comité de rayer ça tout de suite.

M. Ponton: C'est ce que je fais, M. le Président, avec votre permission.

M. Bellemare: Bon, rayez-le.

M. Chevrette: Voyez-le souriant maintenant!

M. Bellemare: Très bien. Maintenant, quand on a dit que la commission devrait être financée entièrement par le gouvernement provincial, puisque — vous donnez cela comme argument — ça se fait dans toutes les autres provinces, êtes-vous au courant de ce que ça peut coûter à un gouvernement?

M. Ponton: M. le Président, on a lancé quelques chiffres tantôt. C'est fonction des budgets de la Commission du salaire minimum, mais c'est un fait que c'est la situation qui se retrouve dans la législation canadienne sur le même sujet, entre autres en vertu de l'Employment Standard Act de l'Ontario où le financement émarge au budget de la province. Encore une fois, dans l'optique nouvelle d'une application nouvelle, universelle et des objectifs que poursuit la Loi sur les normes du travail, il nous apparaissait logique de conclure que le financement devrait émarger au budget de l'Etat, parce que...

M. Bellemare: N'oubliez pas qu'une formule est déjà établie, dans la province de Québec, depuis des années et que celle-ci semble acceptée et acceptable, pour autant qu'on n'ira pas jusqu'à ce que dit le ministre dans son projet de loi 1% représenterait une obligation terrible pour les PME et pour d'autres. S'il fallait qu'elles se plient à ce 1%, cela représenterait des millions. Pour autant qu'on restera avec des bases raisonnables, même à 0.2%, — c'est peut-être normal de nos jours — il ne faut pas demander au gouvernement de financer le tout, quand la tradition est établie aujourd'hui parmi le monde ouvrier, les comités paritaires et un peu partout, que tout le monde accepte que le patron, l'employeur paie sa cotisation pour le salaire minimum. Je pense qu'on retournerait en arrière; là vous auriez véritablement une formule "grand-père" en faisant ça.

Une Voix: Ah!...

M. Bellemare: Non, je pense qu'on doit garder ce qu'on a d'acquis, au point de vue législatif, pour la population et que c'est l'employeur qui

— raisonnablement par exemple, pas dépasser la normale — devrait... Personne ne s'est plaint jusqu'à maintenant. J'ai été ministre du Travail et j'ai rarement entendu quelqu'un ne pas vouloir contribuer. Personne. J'ai déjà rencontré des gens qui ont fait faillite, par exemple, mais ils ne voulaient pas reconnaître qu'ils devaient en priorité au gouvernement la somme de 0.1%. Il reste qu'aujourd'hui le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul. Demander au gouvernement de faire du paternalisme d'Etat, moi, je suis contre ça. Aujourd'hui il y a assez de "téteux" après le gouvernement — je vais dire comme je l'ai déjà dit — qu'il n'a plus rien pour donner à boire à ceux qui ont soif... Non, M. le Président, je pense que c'est peut-être une expression d'opinion que vous avez laissé tomber, à la suite du patronat. Le patronat nous a envoyé son mémoire — j'ai eu l'occasion de le lire — et lui aussi est de votre avis; mais, lorsque le patronat viendra, je ne ferai pas comme à la commission de la CSN, je vais rester.

M. Ponton: Si vous permettez, M. le Président, la recommandation qui est faite est à la lumière... Je suis d'accord avec tout ce que le député de Johnson indique...

M. Johnson: Ah oui?

M. Ponton: Non, mais au niveau de la tradition.

M. Johnson: Ah ça, d'accord!

M. Ponton: ... à la lumière d'une nouvelle loi qui déborde les cadres d'une loi actuelle, qui transforme certaines des institutions qui vont être appelées à administrer la loi et aussi à la lumière d'un tout général comme les retransformations à la Commission des accidents du travail où vraiment on a un service d'assurance pour les employeurs basé sur une cotisation, comme le ministre a eu longuement le temps de l'expliquer, il nous est apparu que cela pourrait être une recommandation logique et envisageable, parce qu'on ne peut pas restreindre l'entreprise à un projet de loi précis. Elle voit l'ensemble des législations qui s'appliquent et les recommandations transpirent lorsqu'on a, par exemple, plus particulièrement un projet comme celui d'aujourd'hui. C'est un peu à la lumière de l'élaboration des politiques à la Commission des accidents du travail qui donne le service aux employeurs qu'on en est venu à la conclusion que, comme la législation était d'application universelle pour les salariés et que la Commission des normes du travail surveillerait l'application de ces normes, on pouvait en toute logique recommander que le budget émarge au budget de l'Etat.

M. Bellemare: $45 millions de plus.

M. Ponton: Je ne voudrais pas risquer de chiffre, M. le Président.

M. Bellemare: Mais si c'était un pourcentage d'à peu près un milliard quelques cents millions.

M. Johnson: On va en avoir des inspecteurs là!

M. Bellemare: Pardon?

C'est sa "job" préférée de toute façon.

M. Johnson: Allons, allons!

Le Président (M. Dussault): Avez-vous terminé votre intervention, M. le député de Johnson?

M. Bellemare: Merci, j'ai enfin dit ce que je voulais vous dire.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Johnson: Je voudrais remercier M. Ponton et les gens qui l'accompagnent pour leur mémoire. Encore une fois, on a eu l'occasion de prendre connaissance de leur mémoire. Cela nous a permis, d'ailleurs, peut-être, d'aller un peu plus dans le détail dans certaines choses, grâce à la période de questions. On essaiera de tenir compte de certaines de ces choses, évidemment, pas toutes, comme vous l'avez compris. Cela nous a fait plaisir de vous recevoir. Merci.

M. Ponton: Je remercie M. le ministre, ainsi que les membres de la commission.

Le Président (M. Dussault): Je remercie le Conseil québécois du commerce de détail de son témoignage et j'appelle immédiatement l'Association des industries forestières du Québec Limitée.

M. Bellemare: Un instant, un instant! M. le Président, est-ce qu'on pourrait savoir les mémoires qui seront présentés ce soir?

M. Johnson: II y en a deux: l'Association des industries forestières et la CEQ.

M. Bellemare: 5M et la CEQ.

M. Johnson: La CEQ, la Centrale des enseignants du Québec.

M. Bellemare: Oui, oui, voyons! Seulement, je regarde le numéro des mémoires.

M. Johnson: C'est 5 et 22. Peut-être pour éviter à ces messieurs qu'ils ne nous déballent leurs choses, comme il est 17 h 55, je vais peut-être demander la suspension des travaux, de toute façon. Je vous souhaite bon appétit, messieurs; on vous retrouve à 20 heures. D'accord? Merci.

Le Président (M. Dussault): Effectivement, messieurs, je voulais m'assurer qu'à 20 heures vous seriez présents à la table pour que nous puissions commencer immédiatement. Alors, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 heures

Reprise de la séance à 20 h 17

Le Président (M. Jolivet): La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour étudier les mémoires concernant la loi 126. Ce soir, nous avons comme premier intervenant l'Association des industries forestières du Québec. Je vous demande de vous identifier. Le porte-parole.

Association des industries forestières du Québec

M. Côté (Anatole): Anatole Côté, M. le Président, PDG de l'association. J'aimerais vous présenter mes compagnons: M. Louis Joubert, de la société Domtar; M. Laurent Tremblay, à mon extrême gauche, et M. Roger Ferragne, près de moi. Ces trois messieurs occupent des postes clés en relations industrielles dans leur compagnie respective. Alors, si vous le permettez, je vais procéder à la lecture du mémoire.

Nous remercions les membres de la commission de l'occasion offerte à l'industrie forestière de faire connaître ses vues sur le projet de loi sur les normes du travail.

L'Association des industries forestières, sous son entité actuelle, fut fondée en 1924. Elle groupe trente firmes ou corporations possédant des terrains forestiers et/ou engagées dans la fabrication des pâtes et papiers, du bois de sciage et de produits similaires dans la province de Québec. Entre autres, un de ses objectifs est de représenter ses membres sur toute question d'intérêt général se rattachant à l'industrie. De plus, nous avons cru justifié d'intervenir dans ce dossier puisque, par exemple, à elle seule l'industrie des pâtes et papiers compte plus de 40,000 employés.

Notre association fait partie du Conseil du patronat du Québec et appuie les points de vue exprimés par cet organisme. Cependant, puisque notre main-d'oeuvre tant en forêt qu'en usine sera régie par ces normes de travail et que notre industrie opère dans des conditions tout à fait particulières, l'association, au nom de ses membres, a jugé bon de présenter ce mémoire devant votre commission.

Commentaires particuliers sur certains articles. Article 1j. La définition du "service continu" proposée dans le projet de loi semble inclure dans le service d'un employé les périodes de mise à pied pour les emplois à caractère saisonnier, intermittent ou à temps partiel. Si tel est le cas, cette interprétation entraînera des implications monétaires lorsqu'on accordera des bénéfices basés sur la durée du service continu (voir les articles 66, 67, 68 et 73).

Nous recommandons que le législateur retienne la définition suivante de "service continu": la durée du service continu comprend les jours effectivement travaillés, les jours de maladie, les périodes de congé, les absences autorisées et les absences pour accident de travail.

Chapitre III, la commission, article 8. Advenant la création d'une commission des normes du travail, nous recommandons que la représentation patronale y soit paritaire puisque les employeurs sont les seuls à contribuer financièrement à ses frais administratifs.

Article 36. Cet article devrait être biffé car le critère d'urgence n'entre aucunement dans les buts visés par une loi établissant des normes de travail.

Article 37. Cet article devrait être biffé en concordance avec la remarque contenue à l'article 36.

Chapitre V, les normes de travail, section I, le salaire; article 41. Cet article devrait se lire ainsi: "le paiement du salaire peut être fait en espèces, par chèque ou par virement bancaire." En effet, le choix de la méthode de paiement devrait appartenir à l'employeur, ceci étant une question administrative. Toutefois, certains employeurs effectuent le paiement du salaire par virement bancaire à la suite d'une entente avec leurs employés.

Article 42. Nous demandons que soit ajouté au texte "à moins d'accord entre les parties".

Article 45c. Il est difficile d'ajouter des renseignements supplémentaires sur les bulletins de paie généralement utilisés. Pour cette raison, nous suggérons que soit rayé le paragraphe c) car, dans une même période de paie, un employé peut être affecté à plusieurs occupations. Dans ce cas, l'espage prévu ne serait pas suffisant.

Puisque les articles 29d et 29e prévoient un système d'enregistrement du travail vérifiable, nous croyons superflu de retransmettre ces renseignements sur les bulletins de paie.

Section II, la durée du travail; article 51. On devrait maintenir une semaine normale de travail d'au moins 45 heures. Certains de nos établissements dont les conditions de travail sont négociées fonctionnent sur cette base.

Article 52. Notre interprétation des articles 52 et 38m indique que l'étalement actuel de la semaine normale de travail sur une base de plusieurs semaines consécutives sera encore possible. Ceci répond à des situations concrètes. Certains employés, dans notre industrie, ont une semaine normale de travail de 42 heures réparties comme suit: Trois semaines de 40 heures et une semaine de 48 heures. D'autres horaires existent, tels que 80 heures de travail réparties sur huit jours consécutifs suivis de six jours de congé.

Section III, les jours fériés, chômés et payés; article 59. Les implications financières et administratives des jours fériés et chômés sont de même nature que celles du taux du salaire minimum et justifient la discussion et l'adoption de ces normes par l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs un principe observé dans le reste du Canada.

Article 61. Cet article, tel que rédigé, a des conséquences importantes au niveau de l'industrie forestière. Le taux de salaire d'un salarié rémunéré au rendement n'est pas déterminé pour un jour férié. Ce salaire varie selon le rendement. C'est un salaire brut qui inclut certaines dépenses afférentes à l'emploi. Par exemple, le coût d'achat et d'utilisation d'une scie mécanique, etc. Presque tous les travailleurs forestiers à l'emploi des grandes entreprises sont couverts par une conven-

tion collective contenant des mécanismes régissant le paiement des salariés rémunérés au rendement pour les congés payés. A la structure des taux horaires fut ajouté un taux spécifique pour indemniser un salarié rémunéré au rendement pour le temps non travaillé à l'occasion d'un bris de machinerie, d'une fête chômée et payée, d'un congé pour funérailles, etc.

Nous recommandons que le législateur tienne compte des mécanismes en place dans les conventions collectives et amende l'article 61 pour prévoir l'utilisation d'un taux horaire pour le paiement d'un jour férié, chômé et payé. A cette fin, nous suggérons que l'article 61 soit modifié de la façon suivante: "L'employeur doit verser au salarié rémunéré au temps, au rendement ou sur une autre base une indemnité équivalente à une journée normale de travail basée sur le taux journalier ou horaire de l'occupation. Le taux utilisé ne doit en aucun temps être inférieur au taux horaire de base en vigueur dans l'établissement."

Article 62. Les remarques formulées à l'article 61 s'appliquent également à l'article 62.

Article 64. Cet article devrait tenir compte des conditions d'admissibilité contenues dans la plupart des conventions collectives. A la dernière ligne, les mots "la veille ou le lendemain de ce jour" devraient être remplacés par "la veille et le lendemain de ce jour" pour éviter de la confusion dans l'interprétation. Cette demande tient compte de l'importance de pouvoir compter sur les services d'un salarié dans les jours qui précèdent et qui suivent un congé.

Section IV, les congés annuels payés, article 66. Lorsqu'un employé est mis à pied pendant une année de référence, seuls les mois complets travaillés devraient être retenus pour déterminer la durée des congés annuels.

Article 67. Si le "service continu" sous-entend que l'employé n'a pas subi de mise à pied pendant une année de référence, la durée du congé annuel prévu à cet article est acceptable.

Article 68. Si le "service continu" sous-entend que l'employé n'a pas subi de mise à pied pendant chacune des dix années de référence, la durée du congé annuel prévu à cet article est acceptable.

Article 73. Il est reconnu dans toutes les lois sur les normes de travail au Canada que l'indemnité pour vacances doit être un pourcentage du salaire brut gagné durant l'année de référence parce que les vacances se gagnent graduellement pendant l'année de référence.

Tel qu'il est rédigé, l'article 73 implique qu'un salarié saisonnier ou à emploi intermittent a droit à des vacances payées, sur la base du salaire normal régulier, de deux à trois semaines selon le cas. Ceci signifie qu'un tel employé accumule des crédits de vacances pendant ses périodes de mise à pied. Par exemple, un salarié qui compte 10 ans de service continu, tel qu'il est défini à l'article 1j et qui n'a qu'une période d'emploi d'un mois au cours d'une année, aurait droit à trois semaines complètes de vacances à son taux régulier, ce qui est nettement disproportionné à sa durée d'em- ploi. De plus pendant les périodes de mise à pied, le même employé peut travailler chez d'autres employeurs et accumuler d'autres semaines de vacances sur cette même base. Il est facile de percevoir que cette approche est contraire à l'intention du législateur. Dans le cas où l'employé a subi des mises à pied saisonnières dans l'année de référence, la norme de paiement des vacances devrait être celle du pourcentage du salaire brut seulement.

Section V, les repos et les congés divers, article 77. Nous recommandons que la concordance soit faite avec l'article 38m et l'article 52 concernant l'étalement. Cette concordance est très importante pour notre industrie à cause des nombreuses pratiques d'étalement, aussi bien en forêt que dans les usines. Par exemple, il existe des horaires de huit jours consécutifs de travail et de six jours consécutifs de congé en forêt ou de sept jours consécutifs de travail dans les usines.

Article 78. Le principe de la loi, ainsi qu'il est reconnu ailleurs au Canada, semble être qu'un salarié ne doit pas travailler plus de cinq heures consécutives sans qu'une période de repas ne lui soit accordée. D'ailleurs, ce même principe existe dans le règlement concernant les établissements industriels et commerciaux.

Tel que rédigé, l'article 78 est ambigu. Ainsi, un employeur ne pourrait faire travailler un salarié plus de quatre heures et demie (la pause-café incluse) sans lui accorder et lui payer trente minutes pour un repas. L'article devrait débuter par "au-delà d'une période" au lieu de "au cours d'une période". Une telle modification rendrait le texte beaucoup plus compatible avec les semaines de travail comprimées que l'on retrouve dans certaines conventions collectives, tel que mentionné à l'article 52.

Article 79. Il est important de faire la concordance avec l'article 61 et de prévoir un taux journalier ou horaire pour l'employé rémunéré au rendement qui s'absente à l'occasion d'un décès. Il y aurait également lieu d'ajouter que le salarié doit aviser son employeur.

Article 80. Nous recommandons d'ajouter que le salarié doit aviser son employeur au moins une semaine avant la date prévue.

Section VI, le préavis et le certificat de travail, article 81. Nous recommandons d'exclure les employés saisonniers et de faire la concordance avec l'article 45 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Comment se conformer à la loi lorsqu'une décision administrative visant le licenciement de salariés est prise quand ces mêmes salariés sont en période de mise à pied saisonnière?

De plus, nous proposons la modification de la deuxième phrase du premier paragraphe pour se lire ainsi: "le préavis est d'une semaine lorsque le salarié justifie plus de trois mois de service continu". (20 h 30)

Section VIII, les règlements. L'objectif que les règlements relatifs aux normes de travail devraient viser est d'établir les modalités d'application de la

loi. Or, comme les situations sont multiples et qu'en général les parties aux conventions collectives sont plus en mesure de cerner les problèmes et de leur apporter des solutions pratiques, la loi devrait laisser à ces parties le soin d'établir elles-mêmes les modalités d'application. Les règlements n'auraient un caractère obligatoire que là où il n'existe pas de convention collective. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Johnson: Je vous remercie, M. Côté. Donc, comme c'est le cas dans les autres mémoires, on a pris connaissance de votre mémoire dès qu'on l'a obtenu. On a analysé une bonne partie de ses implications. Je dois vous dire que vous avez, entre autres, une remarque technique tout à fait pertinente en ce qui a trait à l'article 78. Vous avez attiré notre attention sur quelque chose qui n'a pas été soulevé, par ailleurs: de remplacer "au cours" par "au-delà", ce qui est effectivement l'esprit de la disposition.

La question, évidemment, de fond qui se pose dans votre secteur, c'est évidemment le fait que vous avez affaire à des travailleurs saisonniers. Vous avez des opérations qui sont saisonnières et, en regard des dispositions qui s'appliquent à l'ensemble des salariés, vous pensez que cela devrait justifier des interventions un peu particulières.

Mais avant cela, je voudrais, peut-être non pas remettre en cause, mais au moins vous poser des questions sur certaines des prémisses. Est-ce que des trente firmes ou corporations que vous représentez tous les salariés sont syndiqués? Je devrais dire: Est-ce que tous les salariés sont couverts par une convention collective?

M. Côté: Je ne pourrais pas l'affirmer, mais je peux vous dire avec certitude que 95% des employés en cause sont syndiqués.

M. Johnson: A partir du moment où, effectivement, il y a des conventions collectives qui couvrent l'ensemble de vos salariés, y compris les salariés saisonniers — on sait, d'ailleurs, que vous avez un régime assez particulier au niveau de l'accréditation et de la reconnaissance du vote en forêt; ce n'est pas une technique très simple; c'est pour cela que nous avons une réglementation particulière, d'ailleurs, que le Conseil des ministres a approuvée mercredi dernier — il y a des dispositions dans la loi qui prévoient que l'étalement, avec toutes les conséquences qu'il y a autour de cela peut faire l'objet d'une dérogation à la Loi par convention collective, pour tenir compte de cette notion d'horaire variable du travailleur en forêt. Peut-être mettez-vous en cause la rédaction et tout cela; cela devient strictement une question technique à ce moment. Mais l'esprit de 52 et de 38 m est vraiment de permettre, en particulier dans des cas d'existence d'horaire variable ou de choses qui tiennent compte de contraintes dans le temps, comme celle-là, que par convention collec- tive on puisse y déroger. Si cela représente 95% de votre main-d'oeuvre, il resterait à savoir c'est qui les autres 5%, si ce sont des travailleurs en forêt ou pas. Evidemment, cela risquerait de poser des problèmes.

M. Côté: Le chiffre est peut-être supérieur, M. le Président, mais je pourrai le vérifier et en faire part à la commission.

M. Johnson: Maintenant, il y a certaines remarques que je vais me permettre. Quand on parle du virement bancaire, il nous apparaît important d'exiger le consentement du salarié, effectivement. C'est une question peut-être d'opinion, à moins que vous n'ayez quelque chose de très précis à faire valoir sur cette question.

M. Ferragne (Roger): En disant que vous aimez avoir le consentement des travailleurs, si, par entente syndicale, la convention prévoyait que la paie va être faite par virement bancaire, est-ce que ce serait un consentement ou est-ce qu'il faudrait que le consentement soit individuel?

M. Johnson: Bonne question, on en prend note. Je pense que le texte dans sa rédaction actuelle implique un consentement individuel, ce qui ne semble pas vous poser un problème, mais en pose un à vos syndicats, si je comprends bien. On en prend bonne note.

Dans le cas de l'article 45c, c'est un article rédigé essentiellement au bénéfice du salarié, de la même façon que les articles 29d et e) répondent à des besoins de commission. On a eu une longue discussion cet après-midi avec vos prédécesseurs sur cela. Encore une fois, il m'est permis de m'étonner un peu, compte tenu du fait que ces dispositions existaient en vertu des articles 8c et 9 d'une loi qui a 40 ans d'existence. Evidemment, je présume que vous aurez le même argument que vos prédécesseurs en disant: S'il y a une nouvelle loi, on peut peut-être remettre certaines choses en cause. J'aurai peut-être une tendance un peu conservatrice en vous disant: Compte tenu du fait que vous avez vécu avec cette loi pendant 40 ans, vous pouvez peut-être vivre encore un autre 40 ans.

Article 61. Le projet est en conformité avec la Loi sur la fête nationale et l'indemnité qui est prévue couvre, en fait, la perte réelle qui est subie par opposition à une perte théorique ou arbitraire qu'on pourrait fixer sur la base d'un taux horaire. Est-ce que je pourrais savoir, en gros, ce que cela peut représenter, en termes de volume ou d'importance, pour vous, ce genre de disposition sur le plan financier? Peut-être que je vais un peu loin dans le détail.

M. Tremblay (Laurent): On n'a pas fait d'étude exhaustive au niveau de l'industrie. Cependant, on a pris une unité administrative assez importante représentant une liste de paie d'environ $10 millions pour une année. Sur la partie des congés, si au lieu d'appliquer les mécanismes actuellement

inclus dans les conventions collectives de travail qui prévoient le paiement d'un taux horaire pour l'employé rémunéré au rendement, on devait payer un taux de salaire équivalant à ce que l'employé gagne normalement lorsqu'il travaille, on estime que ce point, seulement, peut représenter autour de 1.5% à 2% d'augmentation de la masse salariale.

En plus de cette augmentation de coût, il reste que l'autre problème en est un d'ordre administratif. Comment fait-on pour déterminer le salaire que l'employé rémunéré selon le rendement aurait gagné cette journée? Il peut quand même y avoir des variations au niveau d'un employé, mais surtout au niveau d'un employé à l'autre. C'est quand même la pratique qui existe présentement et qui est incluse dans toutes les conventions collectives. Cette pratique a été négociée dans les conventions collectives depuis l'existence du syndicalisme en forêt, c'est-à-dire depuis 1960.

M. Johnson: D'accord. Il y a d'autres éléments et je pense qu'on rentrerait peut-être dans ce qui m'apparaissait central... Je permettrais peut-être à M. Côté ou à ses collaborateurs de revenir sur ce qui vous apparaît le plus central, dans votre mémoire, c'est-à-dire les conditions particulières, non seulement de vos compagnies, mais de la nature du travail accompli par vos salariés, tant sur le plan saisonnier que sur les horaires. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose à votre mémoire, là-dessus? Par ailleurs, votre mémoire est très clair.

M. Ferragne: J'aimerais, pour le moins, souligner l'article 73. Quand on lit cet article tel qu'il est rédigé — probablement que l'intention n'est pas là — il permettrait de donner des vacances de semaine complète de salaire régulier pour des durées d'emploi de moins d'un an. La définition donnée au travail continu, autrefois, quand il n'y avait pas de conséquences...

Auparavant, la durée de service continu n'avait pas d'implication comme telle parce qu'on payait au pourcentage. L'ordonnance prévoyait de payer au pourcentage. Il n'y avait pas de conséquence. Il n'était pas question d'années de service pour donner plus de vacances. Mais lorsqu'on ajoute ces deux éléments-là, le salaire régulier et ensuite la question d'années de service, les mots "service continu" prennent une autre dimension et une autre importance. C'est là qu'on considère qu'il faudrait en tenir compte.

M. Johnson: Concernant la notion d'années de service applicable dans le cadre du projet de loi, comme on lit en ce moment, il est à remarquer que la seule différence entre la réalité actuelle et le changement apporté par le projet de loi, c'est pour ceux qui ont plus de dix ans de service.

M. Ferragne: Pas nécessairement! Si vous aviez les vacances au pourcentage des gains de la période de référence, il n'y aurait pas de problème.

M. Johnson: D'accord.

M. Ferragne: Mais lorsqu'on dit le salaire normal régulier, à ce moment-là, si je travaille trois mois, par exemple, mon salaire régulier d'une semaine, c'est 40 heures multipliées par X et à ce moment-là, mes vacances deviennent un coût. Il y a vraiment un coût addiditonnel au-dessus du salaire minimum comme conséquence. Le pourcentage du salaire ne se retrouve pas dans les autres législations canadiennes.

M. Joubert: Vous avez, par exemple, des employés qui vont aller d'une compagnie à l'autre, selon la saison des opérations, que ce soit de la drave, par exemple, dans le Saint-Maurice ou du camionnage ou peu importe... A ce moment-là, si le texte de la loi reste tel quel, à notre avis — c'est la recommandation qu'on veut souligner — un employé basé à 40 heures va pouvoir s'accumuler peut-être deux semaines de vacances à un endroit, deux autres semaines à un autre endroit, pouvoir même avoir trois périodes de vacances dans la même année parce qu'il a chevauché entre plus de deux employeurs.

Pour l'industrie forestière, c'est un des points capitaux vis-à-vis l'article 73.

M. Ferragne: Je pense que ce n'est pas seulement l'industrie forestière qui est concernée. Il y a d'autres industries et je pense que le commerce au détail, lorsqu'ils ont parlé du prorata, c'est un peu ce qu'ils visaient aussi.

M. Johnson: En d'autres termes, quelle que soit la solution juridique qu'on trouve, ce que vous dites, c'est que cela devrait refléter finalement un prorata de travail pour un employeur donné.

M. Ferragne: En étant au pourcentage, le problème est éliminé, en le laissant au pourcentage.

M. Johnson: D'accord. Une dernière question. Au sujet de votre dernière recommandation, l'objectif que les règlements relatifs aux normes de travail devraient viser est d'établir les modalités d'application de la loi. Or, comme les situations sont multiples et qu'en général les parties aux conventions collectives sont plus en mesure de cerner les problèmes et de leur apporter des solutions pratiques, la loi devrait laisser à ces parties le soin d'établir elles-mêmes les modalités d'application. Les règlements n'auraient un caractère obligatoire que là où il n'existe pas de convention collective.

Si je comprends bien, ce que vous dites, c'est que vous pensez que la loi ne devrait pas être d'ordre public. C'est cela carrément? C'est-à-dire que toute dérogation par convention collective devrait avoir préséance sur la loi?

M. Ferragne: C'est un peu ça. En réalité, si la loi est claire et définit réellement les normes comme telles, les modalités d'application de-

vraient être laissées à ceux qui négocient de façon à cerner bien des problèmes.

M. Johnson: C'est évidemment tout le problème de la notion d'équivalence que vous posez. On peut le prévoir spécifiquement sur la question des horaires, par exemple. Il est bien évident qu'on valorise, dans ce projet de loi et de façon générale dans le gouvernement, la préséance de conditions librement négociées par les parties sur n'importe quelle forme d'interventions, sauf que certaines choses nous amènent à dire qu'on les considère comme étant d'ordre public. Si on pense par exemple au congé de maternité, on sait qu'il y a des syndicats qui, depuis de nombreuses années, représentent un ensemble de salariés dont une partie sont des femmes et qui n'ont jamais été fichus de négocier des congés de maternité. Bon! Ce qui n'est pas nécessairement vrai pour les travailleurs en forêt. Je ne connais pas beaucoup de femmes qui travaillent en forêt. Il n'y en a pas tellement en tout cas qui font des travaux lourds. Si c'est comme dans la construction, il y en a six...

M. Ferragne: On en a un peu plus dans les cuisines.

M. Johnson: Dans les cuisines dans votre cas. M. Chevrette: J'en ai vu une... Mme Lavoie-Roux: A la baie James?

M. Chevrette: Non, qui travaille dans le bois, à l'émission de l'agriculture le dimanche. Il y avait une femme avec sa scie mécanique. Elle avait l'air forte...

Une Voix: D'où? (20 h 45)

M. Johnson: Est-ce que j'ai compris votre paragraphe final comme affirmant finalement que, pour vous, il devrait y avoir une préséance de conventions collectives, point?

M. Joubert (Louis): C'est parce qu 'on a déjà dans nos conventions collectives, d'une manière générale, une disposition qui dit: Toute loi d'ordre provincial ou fédéral doit en tout temps être observée si elle vient à l'encontre d'un règlement, d'une clause négociée entre les parties. Je vais vous donner un exemple pratique. Dernièrement, dans une de nos usines, le règlement qui allait être adopté par le gouvernement vis-à-vis des congés de maternité était, dans un cas d'une convention collective, supérieur à ce qu'il y avait déjà dans une convention collective. Alors, par le truchement de la clause que nous avions dans la convention collective, automatiquement, les employés étaient rehaussés à un minimum. Je ne sais pas si c'est dans ce sens que vous posez votre question, cependant?

M. Johnson: Oui, effectivement, sauf que tout le problème que cela pose, c'est toute la notion d'équivalences. La loi a déjà prévu, à une certaine époque, qu'il y avait des cas d'espèce. Il faut se souvenir du contexte dans lequel cela a été fait dans les années trente. Ce n'était pas tout à fait le même contexte qu'aujourd'hui; une compagnie pouvait aller demander des exemptions spécifiques. Il n'est plus question de revenir à cela. Alors, compte tenu de cela et compte tenu du problème de ce que l'interprétation des équivalences et du fait qu'on choisit de ne pas faire de la commission un autre tribunal du travail, il y a certains égards pour l'interprétation des conventions collectives. Mais je comprends le genre d'ennuis que cela peut vous donner et on va tenir compte de plusieurs de vos remarques, compte tenu de la nature un peu particulière de vos activités et du fait, d'ailleurs, que vous êtes couverts, dans l'immense majorité des cas, par les conventions collectives. C'est tout ce que j'avais pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Côté, messieurs, je veux vous remercier. Votre mémoire est très bien présenté, mettant en relief les problèmes qui sont susceptibles de vous concerner éventuellement en raison du caractère particulier de vos activités dans une certaine mesure. Plusieurs des arguments que vous invoquez, vous semblez bien les soutenir, entre autres en ce qui concerne vos représentations à l'égard de l'article 1j sur la définition du service continu. Vous mettez en relief un exemple ce soir. Un employé qui travaille pendant trois mois chez vous ou pendant une certaine période ou encore qui exerce certaines fonctions comme la drave pour revenir ensuite occuper d'autres fonctions chez un autre de vos membres, cela pourrait entraîner des problèmes au niveau de l'interprétation; je pense que vous avez ébranlé le ministre. Je commence à le connaître un peu, depuis le 4 octobre, et je pense qu'il va y donner suite. J'espère bien, de toute façon.

J'ai une question tout à fait spécifique. Au sujet de l'article 41, où vous demandez qu'il y ait une possibilité que le paiement soit fait par virements bancaires, est-ce que vous avez encore beaucoup d'employés de vos membres qui demeurent en forêt pendant des périodes continues et tout cela? Qu'est-ce qui le justifie? Est-ce que c'est pratiqué dans le moment, les virements bancaires, comparativement à des chèques?

M. Tremblay (Laurent): II y a quelques entreprises qui, actuellement, après entente avec le syndicat, ont négocié ce genre de paiement. Mais ce n'est pas répandu, ce n'est pas une règle générale.

M. Joubert: Pour répondre également à votre question, nous avons plusieurs usines où les employés le demandent à l'occasion; il y en a un certain nombre qu'il faut respecter, mais ce

sont des demandes individuelles. A ce moment, ce n'est pas une demande collective. Ils font faire les paiements directement, soit à la caisse populaire ou à la banque de leur choix. Je pense que ce n'était pas ce point de l'individu en cause qui était la question du ministre tantôt, par rapport à la remarque de M. Ferragne. C'est que là où on a des opérations forestières où les gens ont, disons, deux semaines consécutives en forêt et qu'ils ressortent après cela pour une semaine complète chez eux, ces gens font faire les paiements à la banque. Mais c'est à la suite, comme l'expliquait M. Ferragne, d'une entente collective avec le syndicat. Or, si on est limité par une entente individuelle, cela peut nous apporter sûrement des problèmes administratifs.

M. Pagé: A l'article 51, vous dites: On devrait maintenir une semaine normale de travail d'au moins 45 heures. Certains de nos établissements dont les conditions de travail sont négociées fonctionnent sur cette base. Qu'est-ce qui arrive des établissements qui n'ont pas de convention collective? En moyenne, chez vous, la semaine normale de travail est de combien d'heures pour l'exploitation en forêt, par exemple?

M. Tremblay (Laurent): En forêt, c'est 40 heures.

M. Pagé: Dans les scieries?

M. Tremblay (Laurent): Dans les scieries, c'est 45.

M. Pagé: Est-ce que vous avez pu calculer l'effet concernant l'article 52? Vous dites: Dans certains cas, certains employés de notre industrie ont une semaine normale de travail de 42 heures réparties comme suit: trois semaines de 40 heures, une semaine de 48 heures; d'autres horaires existent tels que 80 heures de travail sur huit jours, suivis de six jours de congé. Qu'est-ce que cela va impliquer, en termes de déboursés additionnels, l'application de la loi 126?

M. Ferragne: Présentement on croit que les articles qui sont là maintiennent une situation; on croit que ce qui est possible ajourd'hui sera encore possible. On l'a mis là en voulant dire: On souligne le fait; cela répond à un besoin. On dit indirectement: Merci de le dire et on va continuer à le faire. Il n'y a pas de coût parce que cela se fait déjà et on croit qu'on va pouvoir le faire encore avec l'article 52.

M. Pagé: D'accord. Il y avait une représentation à l'effet que vous demandiez que cela soit débattu à l'Assemblée nationale, l'article 59, soit: Les implications financières et administratives des jours fériés et chômés sont de même nature que celles du taux de salaire minimum et justifient la discussion et l'adoption de ces normes par l'Assemblée nationale. N'allez pas croire que je vais vous dire que je suis contre cela. On est favorable à ce que le débat soit le plus ouvert possible et avec la meilleure participation possible du législateur.

C'est l'essentiel des questions que j'avais à vous formuler. C'est très bref. Je pense que c'est assez clair de votre part et j'ose croire que le ministre du Travail saura donner suite aux représentations qui semblent justifiées dans plusieurs cas. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président.

Je veux d'abord remercier M. Côté de la présentation de son mémoire aussi et des différents points qu'il touche dans le projet de loi. Je dois lui dire, au départ, qu'évidemment je ne suis pas un technicien des normes du travail ni des lois du travail. Je dois remplacer ce soir M. Bellemare qui a dû s'absenter et qui s'en excuse d'ailleurs. J'aimerais quand même revenir sur un point que vous avez touché, à la toute fin de votre mémoire, lorsque vous dites, en parlant des règlements: "L'objectif que les règlements relatifs au normes de travail devraient viser est d'établir les modalités d'application de la loi." Or, comme les situations sont multiples et qu'en général les parties aux conventions collectives sont plus en mesure de cerner les problèmes et de leur apporter des solutions pratiques, la loi devrait laisser à ces parties le soin d'établir elles-mêmes les modalités d'application. Les règlements n'auraient un caractère obligatoire que là où il n'existe pas de convention collective.

Vous avez également mentionné dans vos remarques tout à l'heure que, je pense, environ 95% des gens que vous représentez sont sous le couvert de conventions collectives. J'aimerais vous demander de préciser peut-être davantage votre pensée en ce qui concerne ces règlements, le pouvoir du gouvernement dans la matière, surtout lorsqu'on regarde le projet de loi, l'article 86 comme tel, où on mentionne directement les salariés des exploitations forestières. On dit: "Le gouvernement peut faire des règlements pour assurer ou exclure de l'application totale ou partielle de la présente loi ou des règlements certains organismes qu'il désigne..." Et il continue plus loin en parlant des salariés des exploitations forestières. On trouve un peu les mêmes dispositions à l'article suivant, l'article 87, où on dit: "Le gouvernement peut fixer, par règlement, des normes du travail... le salaire minimum, le bulletin de paye," etc. ou encore, au paragraphe d) la semaine de travail. Cela peut s'appliquer dans les exploitations forestières, cette intervention réglementaire du gouvernement.

M. Côté, est-ce que vous pourriez préciser un peu la pensée de votre organisme sur la portée de ce pouvoir réglementaire du gouvernement dans cette matière?

M. Ferragne: Je vais répondre. Comme vous le mentionnez, par les exceptions que le projet de loi met concernant I'm-

dustrie forestière, on sent qu'il y a des situations bien particulières. Comme les conventions collectives sont là pour les couvrir, alors, on est logique avec nous-mêmes en disant: Si les normes sont des normes, les modalités d'application, laissez donc cela à la convention collective; on va s'en occuper d'une façon beaucoup plus pratique que la réglementation pourrait le faire. Alors, les exceptions faites à l'industrie forestière prouvent qu'il y a un besoin de laisser aux parties le soin de régler ce problème.

M. Brochu: Tel que cela fonctionne actuellement?

M. Ferragne: Présentement, oui. Actuellement, on a l'ordonnance 9 qui était une ordonnance qui est restée spéciale parce qu'il y a des situations spéciales et les conventions collectives. Il y a d'autres travailleurs, qui ne sont pas de notre industrie, qui n'ont pas de convention collective. Je dirais qu'il y a des modalités de l'ordonnance 9 où il y aura des nécessités de réglementation du type de l'ordonnance 9. Mais nous disons que là où il y a des conventions collectives nous cernons les problèmes, alors, laissez-nous continuer à cerner nos problèmes.

M. Brochu: Est-ce à dire, si je reprends l'argument par l'inverse, que la situation qui prévaut actuellement dans les organismes qui sont sous votre juridiction ne laisse pas connaître des besoins suffisamment évidents pour que le législateur prenne les pouvoirs réglementaires qu'il veut prendre ici?

M. Ferragne: Encore là, si vous prenez chaque convention collective...

M. Brochu: II n'y a pas de situations sur lesquelles...

M. Ferragne: ... vous avez, par exemple, des gens qui travaillent à 500 milles de chez eux, d'autres qui vont coucher chez eux à tous les soirs. Pour les réglementations concernant le transport, concernant les heures, il y a un tas de modalités qui doivent être cernées selon le contexte local. C'est pour cela qu'on considère que la meilleure manière est de laisser aux négociations le soin de faire le tour de ces problèmes particuliers.

M. Brochu: II y a tout un éventail de différences constantes dans le milieu?

M. Ponton: Oui.

M. Brochu: D'accord, merci. C'est ce que j'avais comme remarque et comme question.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Joliette-Montcalm

M. Chevrette: M. le Président, j'avais demandé, tout à l'heure à M. Côté, si les gens qui dé- frichent le long des routes, qui prennent des contrats à soumissions pour le ministère des Transports, cela faisait partie de votre groupe.

M. Côté: Non, M. le Président.

M. Chevrette: Cela ne fait pas partie de votre groupe. Donc, je vais faire une affirmation, dans ce cas, et j'aimerais entendre vos commentaires. Est-il exact — parce que je viens d'un milieu où je connaissais un peu le bois — que vous considérez que le gars qui est propriétaire d'une scie mécanique est, à toutes fins pratiques, un entrepreneur et, à ce moment, est considéré comme un artisan et non comme un salarié, ce qui vous permettrait facilement — et je l'affirme pour entendre vos commentaires — de contourner la loi existante?

M. Ferragne: C'est un salarié, il est couvert par les conventions collectives.

M. Chevrette: S'il est syndiqué.

M. Ferragne: S'il n'est pas syndiqué, il est comme un employé...

M. Chevrette: S'il n'est pas syndiqué, il pourrait être couvert par la Loi du salaire minimum.

M. Ferragne: J'imagine; je crois qu'il l'est.

M. Chevrette: Si vous l'engagez comme entrepreneur, qu'arrive-t-il? Vous vous foutez de la Loi du salaire minimum.

M. Ferragne: On ne le fait pas.

M. Chevrette: Vous le faites par petit contrat à un sous-contractant artisan en disant... Vous ne faites pas ça?

M. Ferragne: Non, parce que, actuellement...

M. Chevrette: Vous êtes sûrs de ça, vous autres?

M. Ferragne: ... nos employés... Oui, les travailleurs de nos certifications sont...

M. Chevrette: C'est la même chose pour les transporteurs?

M. Ferragne: Pour les transporteurs, c'est différent.

M. Chevrette: C'est différent, comment les considérez-vous, eux?

M. Ferragne: Ce sont deux choses.

M. Chevrette: Les gars qui travaillent 15, 16 ou 17 heures par jour...

M. Tremblay (Laurent): Au niveau du transport du bois, les chauffeurs de camion — là je ne

veux pas m'embarquer dans la question du règlement 12...

M. Chevrette: Non, on pourrait en parler à une autre commission parlementaire, de celui-là.

M. Tremblay (Laurent): C'est ça! Mais il y a déjà eu certaines questions qui ont été posées en ce qui a trait aux transporteurs et, dans la majorité des entreprises, les chauffeurs de camion qui sont affectés au transport du bois sont tous couverts par la convention collective de travail.

M. Chevrette: Ou bien ils m'ont empli, ou bien vous m'emplissez, parce que j'en connais un paquet qui ne sont pas couverts par une convention collective. Je m'excuse de vous dire ça, mais il y en a un paquet.

M. Ferragne: Qui appartiennent à nos industries?

M. Chevrette: Qui appartiennent à l'industrie forestière, pas nécessairement de votre groupe, mais qui travaillent dans l'industrie forestière. Ce sont des artisans autonomes, comme on dit, qui n'ont aucune protection, de quelque nature que ce soit, par vos conventions collectives, qui travaillent 16 ou 17 heures par jour et qui pourraient avoir droit aux bénéfices d'une loi. Le problème existe parce que vous les considérez comme des contracteurs artisans et non comme des salariés.

M. Tremblay (Laurent): Je puis vous affirmer que, au niveau de l'Association des industries forestières du Québec, des compagnies qui en sont membres, là où il y a une convention collective, les employés qui sont affectés au transport du bois sont régis par la convention collective. Maintenant, je suis bien prêt à admettre qu'il peut y avoir certains entrepreneurs indépendants qui peuvent avoir un contrat, soit avec une usine de sciage ou un autre entrepreneur du genre chez qui le transport du bois peut être non régi par une convention collective. Cela, je l'admets, mais au niveau des compagnies qui sont membres de l'Association des industries forestières du Québec — ce sont les compagnies majeures — les chauffeurs de camion préposés au transport du bois sont effectivement régis par les conventions collectives. (21 heures)

M. Chevrette: Si vous parlez des chauffeurs de camion de la compagnie elle-même, je sais que ce sont des salariés couverts. Mais je vous parle des entrepreneurs; ils sont engagés comme des petits contracteurs artisans. A ce moment-là, ils ne sont pas sous l'étiquette de "salariés".

M. Tremblay (Laurent): II y a une majorité importante des employés affectés au transport du bois en forêt qui sont propriétaires de leurs véhicules et qui sont couverts par la convention collective.

M. Joubert: Si ça peut confirmer l'argument que vous apportez au point de vue d'avoir plus d'éclairage sur le problème de la sous-traitance, les syndicats qui représentent les travailleurs forestiers se sont toujours opposés au fait que des chauffeurs de camion ne soient pas couverts par une convention collective et soient également membres du syndicat. Ce qui est arrivé, c'est qu'il s'est développé trois sortes d'individus. Vous avez le type qui est chauffeur salarié, au sens du Code du travail, d'une entreprise, qui travaille six, sept, huit, dix mois par année dans l'industrie forestière ou ailleurs. Celui-là est payé selon les termes de la convention collective, il est couvert par les bénéfices de la convention collective, il est membre du syndicat. C'est le premier groupe.

Le deuxième groupe. Vous avez des gens qui reviennent annuellement dans l'exploitation forestière. On les appelle les camionneurs artisans. Ils sont également couverts par le syndicat, ils sont couverts par les bénéfices de la convention collective en question. C'est le deuxième groupe.

Vous avez également un troisième groupe. A ce moment-là, c'est un vrai contrat de sous-traitance, dans le sens où vous l'entendiez il y a quelques minutes. Vous prenez, par exemple, un entrepreneur et vous dites: J'ai exactement tant de milles de chemin à faire, c'est occasionnel. Le type vient faire le chemin, il est lui-même couvert par la Commission des accidents du travail, il n'est pas couvert par la convention collective en question. C'est un contrat à forfait ou à tant le mille, comme le gouvernement peut en donner, comme n'importe quel propriétaire peut en donner.

Il ne faut pas passer à la conclusion générale que les gens viennent transporter du bois — c'est le transport qui était votre question précise — et qu'ils n'ont aucune couverture. Les syndicats en place s'opposeraient judicieusement à une telle politique. C'est à l'occasion seulement que vous pouvez avoir des contrats à forfait dans le vrai sens du terme.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je voudrais vous poser une question. Vous venez de nous donner un assez bon éventail à savoir comment ça se passe au niveau du transport. Je voudrais savoir si, au niveau de la coupe du bois, on procède à peu près de la même façon. Je sais bien que de grosses compagnies comme la Donohue et la CIP ont leurs propres bûcherons, leur propre machinerie et que les employés deviennent des travailleurs à l'année ou à l'heure qui sont protégés par les normes de la compagnie et qui sont probablement syndiqués.

D'après ce que j'en sais, je suis certain qu'il y a plusieurs petits entrepreneurs qui, par exemple, vont s'acheter une "Garrett", comme on dit dans les termes du métier, et qui vont prendre une superficie à couper. Si le propriétaire de la "Garrett" est seul propriétaire, il peut engager un ou deux bûcherons, avec leur scie mécanique. D'après

vous qui êtes dans le milieu, de quelle façon ces bûcherons sont-ils payés? Sont-ils payés à la corde? Sont-ils payés à l'heure? Sont-ils syndiqués? Sont-ils protégés d'une certaine façon au niveau des conditions de travail, au niveau des heures de travail, au niveau d'un salaire convenable? J'aimerais vous entendre parler sur ce type d'individus travailleurs du bois.

M. Joubert: A ma connaissance, chez nous cela n'existe pas. Je ne connais pas, à l'heure actuelle, d'exploitation forestière parmi les compagnies que nous représentons ici qui ont le genre de contrat dont vous parlez. Ce qu'on appelait autrefois les petits "jobbers", cela n'existe plus du tout. Même si vous travaillez mécaniquement et que vous donnez deux ou trois machines à quelqu'un ou que vous l'engagez avec deux ou trois machines, au point de vue de l'exploitation forestière, le type est couvert par une convention collective au sens du Code du travail. Dans les conventions collectives que je connais dans notre groupe, je n'en vois pas — je pourrais vérifier — dans le sens que vous expliquez présentement.

M. Lavigne: Si vous me permettez, avec une petite expérience comme je n'ai pas posé de question de ce type ou quelque chose de ce genre. L'été passé, je suis allé dans la région du Lac Saint-Jean où, dans les coupes de la Donohue, il y avait des sous-contrats qui étaient exécutés par des bûcherons qui avaient leur scie — la hache aujourd'hui on l'a accrochée, je pense que cela ne se pratique plus tellement — et qui avaient le fameux "tartare", que l'on appelle une "Garrett", pour sortir les billots du bois, qu'ils cordent, et puis après cela c'est le transport qui s'en occupe. Est-ce que ces gens, spécifiquement, qui ont des sous-contrats, qui sont en fait des sous-traitants de la compagnie Dohohue, en l'occurrence, ont une certaine protection, d'après vous? C'était cela le sens de ma question, mais vous me dites que...

M. Joubert: Je ne pourrais pas vous répondre spécifiquement pour Donohue parce qu'il y a une distinction à faire. Parce que Donohue, comme telle, dans le Lac-Saint-Jean, n'a pas d'exploitation forestière. Cela peut arriver, par exemple, que les gens qui travaillent pour le compte des scieries — il y a peut-être trois ou quatre scieries dont Donohue est propriétaire, mais que nous ne représentons pas ici, ce soir — puissent avoir des conditions de travail différentes. Mais je ne pourrais pas répondre en leur nom du tout.

M. Lavigne: D'accord, je vous remercie.

M. Johnson: Messieurs, d'abord, je voudrais vous remercier. J'aurais seulement une dernière question. Vous avez invoqué passablement l'argument des conventions collectives, en particulier M. Ferragne. Est-ce que vous avez pensé élaborer ce mémoire avec vos syndicats?

M. Ferragne: Si le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre avait fonctionné, probablement que l'idée serait venue. Mais c'est malheureux, on dirait que depuis deux ans il est un petit peu mourant. Je ne sais pas quel sorte de souffle cela va... Cela me fait de la peine.

M. Johnson: Ah! M. Ferragne, je m'excuse, il ne fallait pas vous aventurer sur une pente savonneuse comme cela, parce que je vais vous parler du CCTMO depuis deux ans. Je ne sais pas exactement de quoi vous me parlez, M. Ferragne, en ce moment. Si vous voulez parler des procès-verbaux et du nombre de réunions qu'il y a eu au CCTMO depuis deux ans, comparé à ce qu'il y a eu dans les cinq années précédentes... S'il vous plaît!

M. Ferragne: Ecoutez, je ne me réfère pas au Conseil de main-d'oeuvre général, je me réfère au Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt.

M. Johnson: Ah bon! vous parlez d'un sous-comité du CCTMO. Très bien.

M. Ferragne: Non, non, c'est un comité de la main-d'oeuvre de la forêt qui, depuis deux ans, a eu un problème. Je ne sais pas ce qu'il en est. Mais avant cela, déjà, pour un projet d'ordonnance, par exemple, on a travaillé ensemble. Alors, ce n'est pas la même chose.

M. Johnson: C'est une nuance importante, je pense. On se comprend bien, M. Ferragne, là-dessus. Maintenant, qu'il y ait un sous-comité du CCTMO qui était celui des travailleurs en forêt qui n'ait pas siégé...

M. Ferragne: C'est cela.

M. Johnson: Je m'excuse.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse M. le ministre...

M. Johnson: Ne vous excusez pas. Si on parle d'un sous-comité du Conseil consultatif...

M. Ferragne: C'est un comité qui s'appelle le Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt.

M. Johnson: Bon, d'accord. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas depuis deux ans?

M. Ferragne: Disons qu'il y a eu un problème, à un moment donné... Après six ans de fonctionnement actif — je pense que c'est le seul qui ait fonctionné réellement — pour différentes raisons de roulement de main-d'oeuvre des deux côtés, syndical et patronal, puis peut-être à cause du ministère, il y a eu une espèce de petite relâche et il a eu de la misère à repartir. On a essayé encore cet été de voir s'il n'y avait pas moyen de le repartir, parce que je pense qu'il a une fonction. Je pense que l'on pourrait obtenir encore quelque chose avec cela.

M. Johnson: Comment pensez-vous que cela pourrait être reparti? Pensez-vous que l'on peut vous aider là-dedans au ministère?

M. Ferragne: Je pense que oui.

M. Johnson: Oui? On va peut-être essayer cela. C'est un bon projet pour l'année. D'accord. Je vous remercie, messieurs. Je retiens de l'ensemble de vos commentaires, encore une fois, ceux qui sont reliés à la nature saisonnière des horaires, etc., au phénomène de la syndicalisation assez extensive, au fait que, de toute façon, vous avez été régis pendant de nombreuses années par une ordonnance particulière. On va essayer de tenir compte, dans la mesure du possible, de certaines de ces considérations, pour des raisons techniques. Encore une fois, en essayant de concilier cela avec l'objectif général de la loi qui est quand même une loi d'application générale. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Côté: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): La Centrale de l'enseignement du Québec. Maintenant, pendant que les gens s'installent à la table, compte tenu du fait que c'est probablement le dernier mémoire que nous avons à regarder ce soir, compte tenu du temps qu'il nous reste, je pourrai vous poser la question, vers 21 h 55, à savoir si l'on continue un peu plus loin que 22 heures.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai une suggestion à faire au président de la Centrale de l'enseignement du Québec. Compte tenu que le mémoire a 40 pages et qu'il y a 31 recommandations, si ma mémoire est fidèle, est-ce qu'il y a possibilité, d'abord, d'inscrire le mémoire au complet au procès-verbal, que vous en fassiez plutôt un résumé et que l'on s'attaque aux recommandations pour vous exempter de revenir, parce que l'on ne siège pas demain, de toute façon. Ceci pour vous exempter de revenir ultérieurement.

Une Voix: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Pourriez-vous vous identifier?

Une Voix: C'est justement la question que je posais.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Gaulin (Robert): Robert Gaulin, et à ma droite Henri Laberge, du programme de relations de travail à la CEQ, qui est l'un des rédacteurs de ce mémoire. A ma gauche éloigné, Luc Lockwell, directeur des relations du travail à la CEQ; M. Michel Agnaieff, directeur général et Germain Ménard, du service de l'information.

Dans notre document, il s'est glissé une erreur à la page 34, c'est un problème d'impression. Egalement, à la recommandation 23, il manque une ligne. Pour vous permettre d'avoir un document mieux ordonné, sans erreur typographique, on vous passe actuellement de nouvelles copies.

C'était mon intention, M. le Président, de commenter rapidement le texte et de ne pas le lire. Je vais passer rapidement, en insistant un peu plus sur certaines parties, quitte à ce que dans les questions on puisse développer certains éléments.

Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins du procès-verbal, nous acceptons donc que le mémoire soit annexé et vous en faites une...

M. Gaulin: J'en fais la demande, (voir annexe III)

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Gaulin: Merci. Je pense que si la centrale est ici ce soir, ce n'est pas que nous ayons des quantités de membres qui soient assujettis aux conditions minimales ou à la loi du salaire minimum, mais nous croyons de notre responsabilité de centrale syndicale de joindre nos efforts à d'autres pour faire en sorte que les conditions de travail de ceux que nous considérons comme les plus démunis de la société soient les meilleures possibles. Nous croyons que c'est une des responsabilités sociales, politiques et économiques des centrales syndicales que de faire en sorte que le sort des travailleurs soit amélioré, même s'ils ne sont pas organisés en syndicats.

Dans le mémoire que nous avions présenté avec la CSN en février 1977, nous avions insisté sur la nécessité de réviser en profondeur ces lois du travail et nous avions déposé à cette occasion quantité de revendications que nous considérions comme urgentes à ce moment.

C'est évident que bon nombre de recommandations de ce mémoire vont reprendre ces recommandations du mémoire commun avec une mise à jour d'un certain nombre d'entre elles. Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de souligner les conditions que nous jugions tout à fait inacceptables, en deça du minimum. Qu'on pense à la détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs, à toutes les procédures de congédiement sans protection, à l'insuffisance des congés, à l'incapacité de faire respecter la loi, aux obstacles à la syndicalisation, l'absence de politique réelle concernant le congé de maternité. C'est un ensemble de sujets sur lequel nous sommes souvent revenus et que nous aurons l'occasion de retoucher dans ce mémoire.

Disons d'abord que nous sommes d'accord avec le principe d'une loi fixant les conditions minimales de travail pour l'ensemble des travailleurs québécois. Cela ne veut pas dire que nous sommes satisfaits du projet de loi 126 et notamment des niveaux de conditions qui y sont fixés. Nous trouvons ces niveaux tout à fait insuffisants et nous formulons un ensemble de recommandations qui visent à hausser ces minimums.

Un point que nous voudrions souligner, c'est que nous croyons qu'il ne faut pas geler les revendications des travailleurs en fonction du minimum que nous fixerons. Il ne s'agit pas, par cette loi, de se laver la conscience et de faire un nettoyage qui tardait depuis longtemps et de dire qu'on va se

satisfaire de fixer, pour les 10,15 ou 25 prochaines années, un certain nombre de conditions et qu'on aura fait notre devoir, qu'on aura satisfait notre conscience sociale. (21 h 15)

II y a un autre point à souligner, c'est que c'est par la syndicalisation massive des travailleurs québécois qu'on va arriver à assurer aux travailleurs une véritable protection et qu'on va leur donner les moyens de défendre véritablement leurs intérêts. Nous aurions préféré une législation qui mette davantage l'accent sur la syndicalisation à une législation qui fixe des conditions minimales même si nous croyons nécessaire, dans notre société, de fixer des conditions minimales de travail.

Nous devons mettre en garde aussi le gouvernement contre les pressions qui pourraient survenir de différents milieux visant à trouver que ce qui est mineur dans la législation, c'est trop et qu'il faille, comme pour d'autres législations, procéder par étapes à une réduction des minimes avantages qui sont consentis dans cette loi.

Dans l'analyse de notre mémoire, nous pensons devoir insister d'abord sur la dimension des pouvoirs réglementaires. C'est un chapitre important du mémoire que nous proposons. Nous allons également, dans une deuxième partie, suggérer un certain nombre d'ajouts, de corrections aux normes proposées. Enfin, nous nous inquiétons de la capacité ou des moyens mis en oeuvre donnés véritablement aux travailleurs pour que cette loi soit appliquée partout.

Sur le premier aspect, le texte législatif et le pouvoir réglementaire, nous constatons que le projet de loi 126 propose des améliorations par rapport à la loi actuelle du salaire minimum. Il y a plus d'éléments qui sont fixés dans la loi actuelle. C'est un progrès, mais cela ne va pas assez loin. A notre avis, le projet de loi 126 laisse toujours une place beaucoup trop considérable à la réglementation administrative et la loi devrait inclure une description des principales normes de travail et là où cela n'est pas possible, elle devrait inclure un cadre général permettant de fixer les règles à partir desquelles ces normes de travail seraient progressivement ajustées.

La CEQ a, à diverses occasions, manifesté son inquiétude devant la tendance du législateur à produire de plus en plus de lois qui sont, avant tout, des extensions de pouvoirs accordés à des organismes administratifs et qui remettent à ces organismes le soin de définir les normes qu'ils auront la responsabilité de faire appliquer. C'est là, on pense, un danger important dans notre façon de procéder. Sans doute, il faut prévoir un pouvoir réglementaire pour préciser la façon de mettre en application les dispositions diverses des lois. Mais il nous apparaît important que ce soit la loi elle-même qui indique les règles de droit général et les principes sur lesquels doivent être appuyés les règlements prévus par la loi. Il nous semble inacceptable que le législateur abdique sa responsabilité essentielle au profit du pouvoir exécutif et souvent même des organismes administratifs.

Nous sommes obligés de constater que le projet de loi laisse encore aux pouvoirs réglementaires une possibilité trop grande de réduire la portée des normes contenues dans la loi et d'infléchir les objectifs fondamentaux de la loi. Il n'y a rien dans la loi actuelle qui dit que ce qui est convenu dans la loi sera un plancher et que, par règlement de la Commission des normes minimales, on ne puisse pas reculer et venir en deçà des principes, ou des déclarations, ou des éléments qu'on aurait mis de l'avant au moment de l'adoption de la loi.

Nous pensons que la loi doit être impérative là-dessus et prévoir que c'est impossible pour la commission d'édicter des normes à rabais.

Pour ce qui est des jours fériés, par exemple, la loi en prévoit deux alors qu'il y aurait facilement possibilité dans la loi de fixer un cadre beaucoup plus précis concernant le nombre des jours fériés.

Nous sommes déçus particulièrement concernant la question des congés de maternité. Il n'y a rien dans la loi. Il y a une ordonnance insatisfaisante pour nous qui a été édictée récemment et on n'a pas cru bon de reprendre dans la loi ou de fixer quoi que ce soit dans la loi concernant la question des congés de maternité. A notre avis, c'est une lacune grave de la loi qui devrait être corrigée.

Une autre lacune de la loi, à la page 7, dernier paragraphe, que je vais lire. Ce qui est très grave encore, à notre avis, c'est le vaste pouvoir de réglementation accordé au gouvernement par les articles 86 et 88 qui l'autorisent à exclure de l'application totale ou partielle de la loi certains organismes ou certaines catégories de salariés. Le gouvernement peut également fixer par règlements des normes de travail particulières pour les salariés qu'il aura exclus de l'application de la norme générale et ces normes exceptionnelles ne seront elles-mêmes soumises à aucun minimum garanti par la loi. La loi devrait aussi lier le gouvernement. Ce n'est pas clair dans la loi que les employés du gouvernement ou que le gouvernement lui-même sont soumis à l'application des dispositions de cette loi.

Il faudrait que les normes qui seront fixées ne soient pas des normes théoriques qui laissent au gouvernement toute discrétion d'exclure de leur application des organismes ou des catégories de salariés. Il faut que la loi soit très claire sur cet élément.

Il y a un certain nombre d'articles que je passe. A la page 9, on fait référence à des articles. A notre avis, les articles 86 et 88 devraient être supprimés; les articles 87, 89 et 90 devraient être réécrits pour permettre à l'ensemble du projet de loi de jouer le rôle positif que nous voulons lui reconnaître, de consolider dans un texte législatif fondamental les droits des travailleurs à des conditions minimales de travail.

Quant aux conditions minimales de travail elles-mêmes, nous pensons qu'il y a eu lieu d'ajouter ou de préciser un certain nombre d'éléments, notamment en ce qui concerne le salaire minimum. Nous ne croyons pas que la question du salaire minimum soit quelque chose qui soit clai-

rement et seulement édicté par des règlements ou des ordonnances. Nous croyons que la loi devrait établir une procédure à partir de laquelle le salaire minimum est fixé et déterminé, ajusté périodiquement — on parle de tous les trois mois dans ce mémoire — pour faire en sorte que cette question du salaire minimum ne soit pas soumise aux aléas de la politique, de la conjoncture ou d'études soi-disant scientifiques et forcément partielles. Je pense que c'est d'une importance sociale majeure et il faudrait, si on prend la peine de débattre une loi sur les conditions minimales, que là-dessus, sur la question du salaire, on soit très clair et que le gouvernement s'engage.

Pour nous, un salaire minimum qui serait indexé au coût de la vie, par exemple, cela n'a rien de mirobolant. C'est juste le minimum qui permet de protéger le pouvoir d'achat, la valeur du salaire et cela ne permet même pas au salaire minimum de s'ajuster à l'évolution du salaire moyen, par exemple. Nous croyons que l'obligation d'indexer régulièrement le salaire minimum devrait être incluse dans le texte de la loi. Nous n'avons pas étudié toutes les méthodes, toutes les possibilités pour la question de l'indexation, mais nous pensons qu'il y a d'autres méthodes que la simple indexation qui pourraient être ajustées pour permettre au salaire minimum de croître et permettre aussi que l'écart dans la rémunération dans notre société entre les groupes les plus avantagés et les groupes les moins avantagés aille constamment en s'amenuisant.

Sur la question de la durée du travail, nous croyons qu'il faut ramener la semaine de travail à 40 heures et qu'on devrait également définir ce qu'est la semaine normale de travail, non pas simplement en termes de quantité d'heures mais en termes de durée de la journée normale de travail. Il s'agit de s'ajuster pour que les cédules permettent aux travailleurs de jouir d'une véritable période de repos, de jouir de loisirs, de vaquer à leurs autres occupations et faire en sorte que le travail ne soit pas la seule occupation des salariés qui sont assujettis à ces dispositions.

Sur les jours fériés. Ce matin, j'ai assisté à la présentation de la CSN et à la discussion qui s'en suivit. Je ne reprends pas là-dessus, mais deux jours fériés dans la Loi sur les normes du travail, c'est vraiment inacceptable. On devrait s'ajuster avec d'autres lois, d'autres dispositions qui permettraient de fixer, à notre avis, une dizaine de jours chômés et payés aussi dans cette loi et de faire en sorte que les jours chômés, lorsqu'il y a obligation de travailler pour certaines catégories de travailleurs, soient des jours véritablement payés à temps double.

Quant aux congés annuels, nous avons souligné le problème des vacances. Les vacances devraient être portées à un mois pour l'ensemble des salariés et il devrait y avoir possibilité aussi, pour les travailleurs qui changent d'emploi en cours d'année, d'avoir droit à des vacances. Il ne s'agit pas que le droit effectif de prendre des vacances ne soit donné qu'au travailleur qui a acquis une certaine ancienneté, mais qu'il y ait la possibilité pour les travailleurs qui changent d'emploi d'avoir une période de vacances aussi, même si la rémunération, bien sûr, pour ces deux semaines de vacances, n'a pas à être assumée par le dernier des employeurs.

Il faut faire la distinction entre la possibilité de prendre des vacances et la façon de rémunérer ou de savoir qui rémunère cette vacance. Nous pensons aussi qu'à moins que le salarié ne soit libre de fixer lui-même sa période de vacances, il puisse y avoir obligation de prendre une couple de semaines de vacances durant l'été, et cela encore pour satisfaire à des besoins familiaux. Les gens ont des enfants, les vacances des enfants, cela se prend surtout l'été et on devrait fixer la période de vacances de façon à avoir la possibilité de prendre deux semaines de vacances durant l'été, à moins que le salarié ne soit libre de fixer ses vacances, de prendre ses vacances quand bon lui semble.

Sur la question des repos et des congés divers, nous pensons qu'il devrait y avoir un repos hebdomadaire suffisant pour faire en sorte qu'il y ait une période de 64 heures ou une période de 40 heures, selon qu'il y a une journée de congé, pour permettre un véritable repos. Le fait, par exemple, d'arrêter de travailler à minuit le samedi soir et de recommencer à travailler à minuit le dimanche, ou le lundi matin, pour nous ce n'est pas une période de repos suffisante. Là il y aurait lieu d'apporter des précisions aussi. Le repos, ce n'est pas juste pour permettre une récupération physique pour dormir, mais c'est pour permettre aussi de s'occuper et de vaquer à d'autres obligations.

A la page 23, sur la question du préavis et du certificat de travail, nous pensons qu'il faut aller au-delà de la notion de préavis retenue dans le projet de loi. Il est temps d'établir au grand jour qu'on ne peut pas congédier un travailleur pour n'importe quel motif. Il y a trois lois au moins, à notre avis, peut-être quatre avec la Charte des droits et libertés de la personne, qui mentionnent des motifs illicites pour lesquels on ne peut pas congédier. Il y a le Code du travail, la Charte de la langue française... Nous pensons que dans la Loi sur les normes du travail, il faudrait faire la jonction avec cela et établir aussi qu'on ne peut pas congédier un employé comme cela, quitte à ce que la commission enquête par la suite. Il devrait y avoir un préavis transmis au commissaire enquêteur et il devrait y avoir enquête aussi avant que le congédiement puisse éventuellement se faire.

Il y a un certain nombre de lois qu'on mentionne à la page 25 sur la question des licenciements collectifs. Il faudrait renforcer les dispositions de la loi pour que les travailleurs soient mieux protégés face aux licenciements collectifs. Nous parlons d'un an de salaire. Il y a des lois en France, en Belgique, en Grande-Bretagne, en Suède et dans plusieurs pays sur ces questions. Il y a aussi la question de la récupération et du droit au salaire. Nous pensons que le droit pour un travailleur de recevoir son salaire dans les cas d'insolvabilité de l'entreprise — on parle à la page 25 de cette question — devrait être reconnu clairement par la loi et que le salarié, le travailleur devrait être le premier servi, même avant le gou-

vernement et avant la perception de la fiscalité dans les cas d'insolvabilité ou de faillite des entreprises. Je pense que le salarié devrait être le premier. Il a travaillé, il a fait une certaine production et il devrait, à notre avis, être le premier à toucher les fruits ou les revenus de l'entreprise mise en faillite. (21 h 30)

Le congé parental. Vous connaissez notre revendication d'un droit réel à un congé de maternité avec plein salaire sans perte de droits, un congé de 20 semaines, la possibilité de profiter d'un certain nombre de congés aussi dans la période de maternité. Nous parlons du congé parental non rémunéré. C'est une notion qu'on tend à établir un peu partout, le droit pour le père ou la mère, une fois que la période de maternité est passée, de prendre un congé sans salaire, mais sans perte, non plus, du lien d'emploi; c'est cette dimension qu'on veut toucher là-dedans. La Loi du salaire minimum, la loi des conditions minimales est vraiment inadéquate quant à cette question des droits parentaux et nous invitons le législateur à corriger cette dimension.

Nous sommes conscients que ces objectifs, à la page 27, ne peuvent être atteints uniquement par les mécanismes prévus dans le présent projet de loi et en faisant porter notamment sur l'employeur de la travailleuse concernée le fardeau financier du congé de maternité. Nous ne pensons pas que, dans une entreprise où il y a plus de femmes, donc potentiellement plus de congés maternité, ce soit à l'employeur d'assumer le coût de l'ensemble des congés de maternité de son entreprise, ce qui pourrait avoir un effet discriminant quant à l'embauche. Mais nous pensons qu'il y aurait lieu de créer ce qu'on appelle la caisse québécoise des congés de maternité et des congés parentaux, une caisse administrée par l'Etat à laquelle contribuerait l'ensemble des employeurs, qu'ils aient juste des hommes dans l'entreprise ou seulement des femmes. On pourrait ainsi répartir sur un ensemble d'entreprises le coût de ces congés de maternité. Cela permettrait à certains employeurs de réaliser que c'est une obligation d'un employeur à l'égard de ses salariés de satisfaire à ces obligations.

Enfin, je passe rapidement à la page 28 sur l'application et l'efficacité de la loi. Nous reconnaissons l'utilité de la commission pour surveiller l'application de la loi. Cependant, nous nous gardons de tout enthousiasme naïf en ce domaine. Aucune commission, si efficace soit-elle et fût-elle équipée d'une armée d'enquêteurs — je pense que c'est vous qui le dites; on invite chacun des travailleurs à être un enquêteur, ce qui est plus difficile — ne remplacera l'action collective indispensable des travailleurs. Sauf que l'action collective indispensable des travailleurs, il faut parfois donner aux travailleurs des moyens de la réaliser. A cet égard, nous faisons un certain nombre de suggestions qui permettraient, même s'il n'y a pas de syndicat, même si la syndicalisation doit être souhaitée, de créer un appétit chez les travailleurs pour l'action collective.

Nous pensons, par exemple, qu'un salarié dans une entreprise pourrait, à l'égard de l'application de la Loi du salaire minimum, être représenté soit par un syndicat, soit par quelqu'un qui serait mandaté par ce travailleur ou par l'ensemble des travailleurs de l'entreprise, ou soit par quelqu'un d'autre. Plutôt que d'attendre que la commission fasse enquête et que l'enquêteur passe, nous pensons qu'on pourrait, un peu comme nous l'avons fait à l'égard de l'application de la Loi sur l'assu-rance-chômage, même si nous n'avions pas d'obligation, agir et représenter des travailleurs qui nous mandateraient.

Nous pensons aussi qu'un groupe de travailleurs pourrait se donner un genre d'association de bonne foi, qui n'est pas reconnue par le Code du travail, mais qui est reconnue aux fins d'application de la Loi du salaire minimum. Nous pensons qu'on devrait permettre à un travailleur une journée par année d'assister à des sessions de formation sur la Loi du salaire minimum pour que chacun des travailleurs puisse connaître le contenu de la loi, qu'il puisse connaître ses droits et qu'il puisse être placé en situation de faire appliquer ces droits-là.

Enfin, nous pensons qu'il devrait y avoir un rattrapage social et qu'on devrait éviter de s'endormir une fois qu'on aura adopté la loi 126. A cet égard, nous verrions bien la création d'une commission parlementaire itinérante qui ferait le tour du Québec de temps en temps et qui pourrait recevoir les griefs des différents salariés, des différents groupes et qui pourrait voir jusqu'à quel point la loi est appliquée, et jusqu'à quel point les dispositions de la loi sont satisfaisantes.

En conclusion, à la page 34, la CEQ rappelle que l'amélioration des conditions de travail constitue l'un des facteurs les plus fondamentaux de l'amélioration de la qualité de la vie de la très grande majorité des Québécois. On reconnaît que l'amélioration de la qualité de la vie et même l'amélioration des conditions de travail ne peuvent pas être obtenues uniquement par voie de négociations patronales-syndicales ou par les mécanismes de la convention collective. La CEQ constate qu'un grand nombre de Québécois ne jouissent même pas du droit au travail; c'est un autre élément important aussi, le droit de travailler, le droit au travail. La CEQ affirme que c'est par la planification du développement économique du Québec au service des travailleurs et par l'application d'une politique assurant une équitable répartition des richesses que pourront être assurées de bonnes conditions de travail et de vie à l'ensemble de la population, en particulier, à ceux plus démunis qui ne jouissent pas encore présentement du droit au travail.

La CEQ appelle l'indispensable prise en charge par les travailleurs de leur propre intérêt et réaffirme la nécessité d'organisation autonome des travailleurs québécois pour défendre et promouvoir leurs intérêts économique, politique et socio-culturel.

Enfin, nous formulons une trentaine de recommandations de différents ordres et je suis à votre disposition pour en expliciter quelques-unes.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Johnson: M. Gaulin, j'ai été frappé par le contenu de votre mémoire. Je ne sais pas dans quelle mesure vous l'avez amendé de façon considérable entre la première et la deuxième version. Ce sont des choses relativement mineures?

M. Gaulin: Oui, ce ne sont que des corrections typographiques.

M. Johnson: C'est, je pense, fondamentalement, un mémoire idéologique, si je peux me permettre l'expression, sans que ce soit méprisant ou péjoratif. Je serais tenté de dire, un peu comme le disait le député de Joliette-Montcalm, que c'est un peu une espèce de description de contrat social, que je vois là, qui me paraît déborder largement le cadre de l'étude de la loi 126. Il y a également un exposé qui me frappe, c'est d'abord la pertinence ou l'intérêt que représente une recommandation sur la question du congé de maternité. Je trouve extrêmement intéressante comme prospective la notion de la création d'une caisse centrale, en matière de congé de maternité, par opposition à la solution un peu simpliste ou un peu simple, un peu courte qui disait que c'est le congé payé automatiquement par l'employeur. Je pense que ce type de risque peut se partager sous la forme d'une espèce de mutuelle collective des employeurs en termes de coût, étant donné la variation, finalement, de la densité de la main-d'oeuvre féminine en âge d'être enceinte.

Par ailleurs, le mémoire me semble, à certains égards, contradictoire. D'une part, en épousant en cela les autres centrales et en particulier la CSN, vous dites: Le pouvoir réglementaire, quant à nous, il faut oublier cela. Il faudrait qu'il y ait le plus de choses possibles dans la loi. A côté de cela, vous dites: Figer dans une loi les conditions minimales, cela ne permet pas de progresser assez rapidement. Je vois une contradiction dans le mémoire quant à cela.

Deuxièmement, sur la question du pouvoir de représentation par opposition à l'inspection de la Commission du salaire minimum, vous établissez — si je me souviens bien de mes lectures, quand j'étais en rhétorique, sur les autogestionnaires — finalement un mécanisme qui semble s'inspirer de la notion d'autogestion, c'est-à-dire la formation plus ou moins spontanée d'un groupe en dehors du Code du travail pour les fins de représentation des intérêts des travailleurs. Il y a un mécanisme chez nous qui s'appelle le Code du travail, qui a d'ailleurs permis à des mouvements syndicaux importants dans notre société de se former, dont le vôtre. Cela implique des contraintes, cela implique de la discipline, cela implique beaucoup de travail. C'est d'ailleurs ce qui fait que le syndicalisme peut être vigoureux et non pas paresseux, il peut vraiment représenter les intérêts des travailleurs. Evoquer des solutions un peu globalisantes comme la formation, à travers n'importe quelle unité, d'un groupe "spontaniste" pour la revendication ne m'apparaît pas très rigoureux comme approche.

Finalement, je serais même tenté de dire que, si je regarde l'espèce d'ensemble de contrat social que j'y vois, couplé au droit de grief, je me demande s'il reste de la place pour des conventions collectives. Je regarde l'ensemble de ces conditions, plus le droit de grief. Il m'arrive souvent de visiter des entreprises, de rencontrer des salariés, syndiqués ou pas, leurs représentants. Dans le cas d'entreprises où il n'y a pas de salariés syndiqués, quand je visite une entreprise dans le cadre de mes fonctions, je demande toujours de rencontrer les travailleurs plutôt que de visiter seulement de l'équipement. Je pose toujours la question: Avez-vous un syndicat ici? J'obtiens trop souvent — je pense que c'est un signe dans notre société — la réaction suivante: Non, nous autres, on ne veut pas d'union ici. On peut en faire une analyse, encore une fois, qui pourrait être un peu simple et un peu courte et dire que, dans le fond, c'est parce que les gens sont dans un contexte de domination psychologique totale. J'ai rencontré des salariés qui gagnent $8.50 l'heure, qui ont douze jours de congés chômés payés par année et trois semaines de vacances la première année et quatre à partir de la troisième et même pas des possibilités de participation au capital dans l'entreprise et qui ne veulent pas voir de syndicat. J'ai aussi rencontré des travailleurs qui vivent des conditions beaucoup moins favorables que celles-là, qui n'ont pas de syndicat et qui n'en veulent pas. A partir du moment où une loi consacrerait des conditions comme celles que vous décrivez, accompagnées de l'équivalent d'un droit de grief, je me demande quel genre de recrutement pourrait se faire dans notre société ou, en tout cas, à partir de quel principe les mouvements syndicaux, autrement que dans un contexte carrément d'objectifs politiques, pourraient justifier leur présence dans notre société si cela n'est pas la défense, si on va fixer très paternellement dans les lois des conditions qui ressemblent plus à des conditions idéales d'une société en devenir que des conditions minimales.

Ce sont les questions de fond que j'ai autour du mémoire de la CEQ. J'ai une question précise que je vous pose immédiatement et, ensuite, je vous écouterai pour donner la parole à mes collègues. C'est concernant la question des domestiques. Il y a, dans l'enseignement — on le sait — un nombre élevé d'enseignants dont plusieurs sont des femmes mariées qui sont également des femmes au travail alors que leur mari, également, est au travail à l'extérieur de la maison. Je me demande de quelle façon vous voyez le problème des domestiques dans le cadre où on dirait: Les domestiques sont payés au salaire minimum sans réglementation particulière, puisque c'est une revendication, entre autres, de la CSN. Donc, pour une période équivalant aux périodes d'enseignement — disons au primaire, 23 ou 25 heures selon le cas; au moment où on se parle c'est peut-être 25 heures par semaine, plus le temps de voyagement, etc. Parlons de 35 heures par semaine en pratique au salaire minimum; qu'est-ce que cela représente pour les femmes membres de la CEQ

comme poids? Quel genre d'attitude pensez-vous que les femmes membres chez vous auraient face à cela? Parce que cela prendrait un drôle de gros morceau du salaire que vous avez négocié à la dernière convention collective.

M. Gaulin: Si vous me le permettez, si je commence par la question.

M. Johnson: Oui. Enfin, c'est...

M. Gaulin: Pour être sûr de ne pas l'oublier. M. Johnson: Oui.

M. Gaulin: Je crois qu'il y a du travail à faire auprès de nos membres concernant ces questions. C'est évident qu'on constate chez des enseignants qu'il y en a qui ont des domestiques et qui ne les traitent pas toujours de la façon qu'on voudrait. Cependant, je crois qu'un bon nombre d'enseignants accordent à leurs domestiques des conditions meilleures que celles qu'on peut trouver dans d'autres milieux. (21 h 45)

J'admets que c'est loin d'être parfait; on n'a pas fait d'enquête scientifique là-dessus pour voir le comportement des enseignants à l'égard de leurs domestiques. On entend différentes versions d'un côté comme de l'autre. J'admets qu'on aurait du travail à faire pour expliquer, nous aussi, à nos membres qu'ils doivent traiter leurs domestiques avec des égards en leur donnant des conditions plus avantageuses. Avec les améliorations de salaire qu'on a connues dans l'enseignement, ces conditions, je crois, se sont améliorées aussi.

Pour revenir, vous dites que notre mémoire est idéologique. Je l'admets, on l'admet. Tout ce que nous faisons est idéologique, sans savoir de quelle idéologie toujours, un peu comme ce que vous faites, je pense bien, est idéologique. Tout ce qu'on fait relève d'une certaine idéologie. Quant aux contradictions, je crois qu'il n'y en a pas entre le pouvoir réglementaire et la fixation d'un certain nombre de conditions minimales. D'abord, on a dit: Nécessité dans la loi de fixer, sur un certain nombre de sujets, des conditions minimales; sur d'autres sujets, de fixer les règles ou les normes à partir desquelles les conditions seraient ajustées. Par exemple, si on dit que le salaire minimum, c'est $3.33 dans la loi, c'est évident qu'on n'attendra pas des amendements à la loi à chaque année pour ajuster le salaire minimum. Il y aurait moyen de prévoir dans la loi un mécanisme, des règles ou des normes à partir desquelles le salaire pourrait évoluer tous les trois mois, tous les six mois ou tous les ans. D'autre part, on dit qu'on accepte le pouvoir réglementaire — à la page 6, en haut, premier paragraphe — mais celui-ci doit permettre de rehausser les éléments et les normes et non pas de les rabaisser. On dit qu'il ne devrait pas permettre d'exclure de la loi des catégories de salariés ou d'employés qui sont assujettis à la loi des conditions minimales. Nous pensons que le pouvoir réglementaire doit continuer d'exister, qu'il pourrait y avoir une procédure plus ouverte de préparation des règlements, de soumission de ces règlements à une consultation. La commission parlementaire itinérante que nous proposons serait un des mécanismes qui permettraient de faire des discussions publiques autour de ces questions et d'ajuster de temps à autre les éléments.

Quant au niveau des conditions versus le syndicalisme, nous établissons clairement dans notre mémoire, je crois, à plusieurs endroits, que notre option fondamentale, c'est la syndicalisa-tion. C'est par la syndicalisation que les travailleurs vont arriver à se donner des mécanismes qu'ils contrôlent et des possibilités d'intervenir pour avoir une véritable protection et voir les conditions s'appliquer. D'autre part, on ne peut pas faire des lois comme celle-là et ne pas se préoccuper de la possibilité et de la capacité d'application de ces lois. Il ne s'agit pas de dire: On fait une loi sans s'assurer — je ne sais pas à quel pourcentage — que la loi va effectivement s'appliquer et que les travailleurs qui essaient de la faire appliquer dans leur milieu ne seront pas pénalisés. On n'a pas vu souvent des travailleurs aller demander la permission à leur "boss" pour fonder un syndicat et aller dire au patron: On a l'intention de fonder un syndicat. Habituellement, le gars sort si vite qu'il n'a pas le temps de recevoir la réponse.

Nous pensons également que l'accession à la syndicalisation ne se fait pas avec du monde qui est maltraité et la thèse du martyr. Plus tu es martyrisé, plus tu es maltraité, plus tu es malheureux, plus tu es poigné, plus c'est facile de former un syndicat. Nous pensons que c'est plutôt le contraire et qu'à mesure qu'on découvre qu'on a des droits on a davantage envie de les faire respecter.

L'ouverture qu'on fait, par exemple, c'est de dire qu'il y aurait moyen de faciliter l'action collective et de ne pas toujours placer un travailleur face à un employeur. Il y aurait des mécanismes qui viseraient à favoriser davantage l'action collective. Vous savez comme nous les difficultés d'obtenir un certificat d'accréditation et d'obtenir véritablement une reconnaissance syndicale, de négocier une première convention collective et d'être effectivement protégés. Nous ne sommes pas dans un secteur des loisirs, dans des institutions privées où cela prend un an et demi, deux ans avant d'obtenir une accréditation, et un an avant de signer la convention collective. Cela fait trois ans. Pendant cette période, quand un syndicat est en formation, ce syndicat, à condition qu'il ne soit pas dominé par l'employeur, pourrait faire des représentations au nom des travailleurs, voir à faire appliquer la Loi du salaire minimum dans ce milieu.

Le droit de grief. On touche la dimension congédiement d'une façon particulière parce que nous pensons que cela fait partie du droit au travail et qu'il y a des abus de différents ordres qui se passent dans le secteur des congédiements, et que congédier ou régler les congédiements six mois ou plus après, ce n'est pas toujours la meilleure façon de corriger les situations.

Enfin, nous pensons à la formation aussi. Il ne s'agit pas seulement de compter sur une batterie d'inspecteurs, si bien intentionnés soient-ils. Les travailleurs eux-mêmes devraient être placés en situation de connaître les dispositions de la loi, de connaître les règlements. Pour un travailleur, pour nous autres, c'est complexe ces lois-là quand on se met à jouer dans les lois et les ordonnances. Le travailleur qui a à faire sa journée, qui n'est pas spécialisé là-dedans, on pense qu'il n'est pas toujours en mesure de s'y reconnaître et que s'il y avait, régionalement, localement, dans les villes, à un moment donné, des activités pour permettre d'expliquer aux travailleurs leurs droits, cela pourrait créer aussi peut-être une envie ou un besoin accru de se syndiquer. C'est évident que, par principe ou autrement, il y aura toujours des groupes qui préféreront ne pas se syndiquer. C'est que le syndicalisme n'a pas encore droit de cité plus qu'il faut dans notre société et que c'est encore un mal nécessaire. Lorsqu'il y aura plus de monde qui sera conscient que c'est un bien acquis, je pense bien que ce serait plus facile dans ce contexte d'opter pour une syndicalisation massive.

Quant à la syndicalisation, je pense qu'on aura d'autres occasions de s'en reparler.

M. Johnson: J'allais faire une blague au sujet d'une occasion prochaine, à laquelle vous ne participerez pas, mais je ne ferai pas la blague.

M. Gaulin: Je considère que j'ai plus de temps ici ce soir pour discuter qu'on va en avoir là-bas.

M. Johnson: Avant de passer la parole à mes collègues sur la syndicalisation — j'ai eu l'occasion de le dire, peut-être n'étiez-vous pas présent cet après-midi, j'ai eu l'occasion de le répéter sur plusieurs tribunes — ce gouvernement et le parti politique qui le forme, je pense, ont toujours affirmé, depuis l'existence du parti auquel j'appartiens, qu'à notre avis, la meilleure façon pour les travailleurs effectivement de se donner des conditions de travail, c'est par la syndicalisation. Et sans tomber dans la théorie du martyre, je suis d'accord avec vous qu'il y a quelque chose d'un peu "jusqu'au-boutiste" et aberrant. Mais, il y a des exigences, quant à moi, pour la syndicalisation qui vont au-delà d'un interventionnisme comme celui que je vois dans ce mémoire où cela m'apparaît, en tout cas, correspondre à la réalité peut-être du syndicalisme dans le secteur de l'enseignement où depuis 1964 — à l'exception, évidemment, des groupes de loisirs que vous mentionnez et de certaines institutions privées où vous devez le faire via le Code du travail, dans un contexte qui n'est pas toujours facile — cela m'apparaît refléter peut-être la facilité de la syndicalisation dans le secteur de l'enseignement de façon générale.

La chose est faite. Cela a peut-être été long à obtenir, mais c'est fait et les problèmes, aujourd'hui, c'est sur la longueur de règlement des griefs et sur le contenu de la convention collective au niveau d'une table centrale. C'est à ce niveau que se posent les problèmes. Ce n'est pas au niveau de ce que devrait être la vie syndicale, la formation du syndicat.

Finalement, il est très clair que le gouvernement, dans le cadre des études qu'il fait en ce moment sur certaines dispositions du Code du travail, se penche sur l'accréditation multipatronale depuis maintenant plusieurs mois et que c'est une des avenues, je pense, qu'il faut explorer effectivement. Encore une fois, je ne vois vraiment pas, en pratique, si cela peut représenter beaucoup de choses dans le secteur dans lequel vous oeuvrez. Je pense que non, relativement peu, à moins évidemment que votre centrale ait des objectifs de syndicalisation en dehors du secteur où elle n'est pas limitée, mais peut-être confinée en ce moment par la réalité.

M. Gaulin: Nous avons doublé le nombre d'accréditations depuis quelques années, ce sont des petites unités de quatre, cinq, dix ou quinze. Nous faisons notre effort nous aussi pour étendre la syndicalisation sans trop se disperser, ce qui peut compter pour une centrale sectorielle. Mais nous avons vécu, nous vivons des expériences et on sent que la syndicalisation, dans certains milieux, n'est pas toujours facile. On est en mesure de voir les limites actuelles du Code du travail. Cela nous amène à faire des suggestions et dire qu'il y a peut-être des étapes d'une prise de conscience auprès des travailleurs dans certains milieux, qu'ils peuvent s'entraider, qu'ils ne sont pas toujours en concurrence les uns par rapport aux autres. Cela arrive souvent dans les entreprises que celui qui s'agite c'est le premier à sortir, parce que la solidarité, l'esprit d'équipe, la conscience de groupe, cela n'existe pas facilement et notre système d'éducation n'a pas trop prêché pour créer ces valeurs non plus.

En tout cas, on vous invite à réfléchir. Ce ne sont pas des solutions magiques, on ne s'avance pas avec la vérité là-dessus, ce sont des choses auxquelles on a pensé. C'est une approche pédagogique qui dit que progressivement, peut-être en découvrant une certaine capacité d'agir collectif, on va se donner le goût de fonder un syndicat et de se structurer davantage dans un milieu.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Jolivet): De consentement, nous dépassons de quelques minutes 10 heures. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Gaulin, je tiens d'abord à vous faire part des excuses de mon collègue, Mme le député de L'Acadie, qui a dû quitter, qui aurait aimé avoir l'occasion d'échanger avec vous, parce que son seul avion disponible ce soir était vers 10 heures.

M. Gaulin, je vous remercie pour votre préoccupation au projet de loi no 126, pour votre participation à nos délibérations, à nos travaux. Je n'aurai qu'un commentaire et de très brèves questions parce que le temps fuit.

J'ai été particulièrement intéressé par un des éléments ou un des arguments invoqués dans la réponse que vous donniez à M. le ministre tout à l'heure, lorsque celui-ci s'interrogeait sur la question des domestiques. Vous nous avez dit — je voudrais vous citer le plus fidèlement possible: Nous regrettons que dans certains cas les enseignants qui embauchent des domestiques leur paient des salaires qui sont dérisoires ou pas suffisamment favorables. Mais étant donné les conditions de salaire et de traitement des enseignants, nous croyons, nous de la CEQ, qu'il devrait y avoir des améliorations dans ce sens, d'où une référence très nette à la capacité de payer de l'enseignant un ou une ou des domestiques au salaire minimum ou à un salaire qui serait plus élevé que les conditions qui sont présentement applicables.

Ne croyez-vous pas que la même chose s'applique dans l'économie du Québec, dans le contexte dans lequel on vit, dans la structure économique dans laquelle on vit? M. le ministre a jugé — je pense, à juste titre — que votre mémoire était, pour le moins qu'on puisse dire, assez idéologique. Croyez-vous sincèrement qu'on a les moyens de payer un programme comme celui que vous nous énoncez ce soir?

Vous savez, on a beaucoup de petites entreprises au Québec. Imaginez la petite entreprise du Québec qui embauche une dizaine d'employés, dans certains cas même moins; imaginez qu'elle ait à payer ce travailleur $5.25 l'heure. Non pas, comme je le disais cet après-midi aux gens de la CSN, qu'ils ne le mériteraient pas, non pas que ces gens n'ont pas le droit d'avoir des conditions de travail plus justes, plus équitables comparativement aux autres. Ce n'est pas cela le problème, ce n'est pas là qu'est la question malheureusement. Vous savez, la petite entreprise qui devrait payer demain matin son employé $5.25 l'heure devrait lui donner un minimum de 4 semaines par année de vacances, qui devrait lui permettre de prendre ses vacances l'été, qui devrait lui donner une semaine de vacances pour le congé de maternité ou le congé parental, qui devrait lui permettre de prendre une dizaine de jours par année, à son bon vouloir, pour se préoccuper davantage de la maladie des enfants, tout cela aura des répercussions sur les produits, cela aura des répercussions sur la concurrence; et non seulement sur la concurrence, mais le pot de café qui se vend $5.84 dans le moment, si le gars, au salaire minimum, paie $5.84, il gagnerait peut-être $5.25, mais il a de bonnes chances que son pot de café lui coûte $8. Peut-être que, pour un enseignant, un député, un avocat ou un médecin, payer le pot de café $8 au lieu de $5.84, cela peut plus ou moins passer, cela ne l'affecte pas trop, mais le gars au salaire minimum, même si le gars gagne $5.25, s'il doit payer son pot de café $9, cela va certainement l'affecter. (22 heures)

Je me dis que c'est très bien de vouloir se donner un projet de société tout à fait juste, équitable, à répartition, tout le monde va être riche, tout le monde va avoir des bénéfices marginaux et des bénéfices sociaux, mais il faudra, comme je le demandais à la CSN cet après-midi, qu'on s'assoie tous ensemble, abstraction faite de la légitimité de représentation que les milieux syndicaux ont à formuler, de la légitimité d'opinion ou de prise de position que le milieu patronal a à prendre et de la légitimité d'engagement politique que les formations politiques ont à prendre. Il faudra s'asseoir et voir ensemble jusqu'où on est capable d'aller dans tout cela.

Je suis d'accord que vous comparaissiez, je suis heureux qu'on puisse participer à un débat. C'est la première occasion que j'ai de rencontrer les gens de la CEQ et je m'attendais que le débat porte sur des choses, pour le moins que je puisse dire, qui auraient été plus facilement réalisables en termes de société. N'allez pas croire que c'est une prise de position qui veut dire qu'on n'est pas sympathique à ces éléments; l'idéal serait que tout le monde puisse prendre ses vacances chaque année, que ce soit 4 semaines et que ce soit en été, qu'on prenne des congés quand les enfants viennent au monde, qu'on prenne des congés quand le beau-père décède et qu'il y ait des droits de grief, etc., mais est-ce que, comme société, on est capable de se le donner dans le moment? A moins de changer tous nos critères sociaux.

M. Gaulin: C'est un grand débat que vous lancez là, on pourrait en parler pendant deux ou trois heures. Je crois qu'il faut faire une distinction importante entre la capacité de payer, qui peut être un problème d'adaptation sur une période donnée d'un système ou de certaines valeurs, et la volonté de payer. Prenons l'exemple des enseignants. Je pense que vous avez un peu déformé mes paroles. Je disais qu'à l'égard des enseignants sans doute il y a du progrès à faire; peut-être aussi est-ce une question de volonté, chez certains, de payer, parce que c'est plus facile de procéder comme ça. Il y a du monde pour qui cela s'est toujours fait comme ça. Les valeurs ou les responsabilités sont mises ailleurs et sont assumées autrement. A mon avis, c'est pour cela qu'on fait des conditions minimales et des lois, c'est pour fixer un certain nombre de règles en bas desquelles cela devient véritablement indécent. A notre avis, un travail ou un emploi qui ne permet pas à un père de famille de vivre d'une façon décente, c'est un travail qui n'a pas sa raison d'être. Il y a un certain nombre de choses, il y a des revendications là-dedans qui sont importantes, qui représentent un coût. Si c'était demain matin qu'il fallait appliquer cela, il y aurait un certain ajustement qui pourrait être difficile pour certaines entreprises. Là où la syndicalisation s'est faite, par exemple, là où on a amélioré d'une façon importante certaines conditions de travail, on a amélioré aussi souvent les procédés, les procédures, et les entreprises n'ont pas fait faillite, au contraire.

Au contraire, cela donne parfois lieu à une organisation de moderniser, de consentir la concurrence et de se lancer en avant vers la voie du

progrès. Ce ne sont pas les entreprises qui paient le moins bien les salariés qui sont les entreprises les plus progressistes nécessairement. Je crois que cela fait partie du débat. Nous notons là-dedans les revendications. Certaines ne coûteraient rien.

La question des vacances, par exemple. Dans la mesure où on reconnaît un droit à des vacances à un salarié, je pense qu'on peut reconnaître que le salarié pourrait choisir sa période de vacances à un moment donné, sauf certaines exceptions à certains endroits. S'il ne peut pas choisir ses vacances, qu'il y ait une période de vacances de fixée. C'est dans ce contexte qu'on a parlé des vacances. Dans notre société, est-ce qu'on peut accepter cela en 1978? Des vacances, c'est une belle phrase qu'on écrit; 4% et que le gars travaille. Combien y en a-t-il de salariés ou de travailleurs qui n'ont jamais pris de vacances ou qui n'ont pas pris de vacances sur une période X? On essaie dans la loi — on l'admet et on le reconnaît — d'améliorer ces choses-là. Peut-être y a-t-il lieu de faire un effort supplémentaire. Je pense que surtout il y a une question de volonté de payer, de reconnaître certains avantages additionnels et de faire en sorte que cela puisse s'appliquer.

M. Pagé: Merci de votre commentaire. J'aurai seulement un dernier commentaire. C'est que nous accueillons, nous aussi, assez favorablement votre position sur la question des congés de maternité, à savoir que cela devrait être assumé par la collectivité plutôt que strictement par les employeurs ou autrement. M. Gaulin, je voudrais vous remercier.

M. Brochu: M. le Président, je ne reviendrai pas sur la discussion qui vient de s'amorcer à la suite des propos du ministre et du député de Portneuf, malgré qu'il y aurait là matière à passablement de discussions et qu'un débat passablement intéressant pourrait s'ensuivre sur toutes les questions que vous soulevez et sur les nuances qui doivent être apportées dans ce domaine.

Je me limiterai, cependant, à revenir sur les propositions que vous avez faites dans le document que vous nous avez présenté qu'à cause du temps, évidemment, vous n'avez pu lire en entier. Il y a un sujet en particulier que vous présentez à la page 10 de votre mémoire. En haut de la page, vous dites: "Les articles 36 et 37 devraient donc être amendés de façon que les règlements adoptés de façon exceptionnelle au nom de l'urgence de la situation ne s'appliquent que pour une durée limitée et ne puissent être maintenus de façon permanente qu'après avoir été soumis à la procédure normale d'adoption." En ce qui me concerne, je n'ai pas trop suivi les travaux de la commission, mais il m'apparaît que c'est la première fois, je pense, que cette remarque est portée devant les membres de la commission. Elle m'apparaît tout à fait pertinente puisqu'elle apporte une certaine projection, une certaine assurance. J'aimerais que le ministre en tienne compte dans les correctifs qui pourraient être apportés au niveau du projet de loi et que le législateur, dans ce sens-là, avant d'adopter son cadre législatif définitif, en tienne compte.

Maintenant, vous parlez — vous l'avez mentionné, cette fois-ci, dans vos remarques préliminaires — de la gravité du fait que le gouvernement puisse exclure des organismes, des groupes et des catégories d'individus de l'application de la loi. Mais vous ne semblez pas aller plus loin dans le texte; j'ai regardé tout à l'heure. Est-ce à dire que la CEQ suggère qu'en pratique ce pouvoir d'exclure du gouvernement soit complètement rayé du projet de loi 126 ou si c'est une formule mitoyenne?

M. Gaulin: Nous pensons que cela devrait être par amendement législatif qu'on devrait éliminer, si on pense que c'est nécessaire, certaines catégories ou soustraire des groupes, soit en totalité, soit en partie, à l'application de la loi. Je pense qu'il y aurait un débat à faire là-dessus et qu'on devrait permettre aux gens concernés de s'expliquer, de faire des représentations et que cela devrait être une procédure d'amendement à la loi. Nous trouvons un caractère important qui affecte, dans le fond, la nature de la loi. La loi vise à fixer des conditions minimales de travail. Donc, ce sont des conditions minimales et elles s'appliquent. Nous ne voulons pas, dans ce contexte d'une loi qui est vraiment le minimum minimum, qu'il puisse y avoir une autre catégorie de gens en bas de ce minimum-là sans que cela donne lieu à des représentations, à des débats et à une modification législative.

M. Brochu: Je pense que vous suggérez que ce soit une approche cas par cas, à ce moment-là, au niveau législatif...

M. Gaulin: C'est cela.

M. Brochu: ... selon les situations particulières.

M. Gaulin: C'est cela.

M. Brochu: D'accord, merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de JoIiette-Montcalm.

M. Chevrette: M. Gaulin, quand vous avez préparé le mémoire, j'ai interprété à sa lecture, à la lecture surtout des recommandations, que vous présentiez quelque chose d'idéal. Si j'avais à vous poser une question colle, je vous dirais: Quel échéancier d'application nous suggérez-vous? Mais je ne vous la poserai pas. Je vais vous demander si vous vous êtes basé sur des recherches techniques ou... sur quel type d'évaluation arrivez-vous à fixer le salaire minimum à $5.25?

M. Gaulin: Sur les études traditionnelles qu'on fait et c'est l'indexation qui a été reportée dans

notre mémoire commun de février 1977; il y avait une présentation là-dessus et, à ce moment-là, c'était de l'ordre d'environ $4, je ne me souviens pas exactement. On a appliqué l'indexation là-dessus et ça donnait $5.25 à ce moment-ci.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous êtes interrogés sur l'impact, par exemple, sur les secteurs en difficulté? Vous savez qu'il y a des usines qui ferment et Dieu sait que le Parti libéral nous met cela sur le dos. Si les usines ferment, cela doit être parce qu'elles ne font pas grand profit dans ce secteur en difficulté. Et, bien souvent, ce sont des usines, en particulier dans le textile, le vêtement, c'est l'application du salaire minimum plus $0.10 l'heure.

M. Pagé: Prime au rendement.

M. Chevrette: Quel serait l'impact, imaginez-vous, sur les industries en difficulté présentement? Est-ce que vous vous êtes interrogés là-dessus?

M. Agnaieff (Michel): Je pense là-dessus, M. le député, qu'il faudrait peut-être jeter un coup d'oeil à nos conclusions, non pas aux recommandations seulement, mais aux conclusions où il est bien clairement dit que nous sommes heureux de constater que le premier ministre s'est enfin décidé à annoncer que cela prenait peut-être un peu de planification du développement économique du Québec. Le fait que nous ayons des installations obsolètes et qu'on pense de quelle façon nous en sommes arrivés à avoir du matériel vétuste dans certains secteurs de production, comme défenseurs des travailleurs, nous pensons qu'il n'appartient pas aux travailleurs de subir ce coût. C'est cela, la réalité concrète. Quand on traîne des machines remontant à 1912 dans certains secteurs, malgré toutes les subventions auxquelles on a eu droit, et que, dans d'autres cas, on a exporté vers un autre pays les subventions obtenues d'un autre palier gouvernemental et non pas celui-ci, je dis: II se crée des situations, effectivement, sur le plan économique, qui sont déplorables, mais faut-il les analyser à leur valeur propre.

Dans les coûts de production, les salaires constituent une composante. C'est une composante importante, je le concède, mais ce n'est qu'une seule composante. Il y a tout le coût du capital fixe. Nous disons aussi, dans le cadre des recommandations, à la page 39, qu'il s'agit de mettre de l'avant un plan de rattrapage social. Je pense qu'il y a là des mesures "escalatoires", graduelles, progressives à mettre de l'avant.

Quand vous parlez de contrat social, j'ose vous dire que le dépôt d'un projet de loi comme le projet de loi no 126 nous apparaît comme étant effectivement une pièce importante dans l'élaboration d'un contrat social. Ce sur quoi peut-être nous ne nous entendons pas, c'est sur la nature et le contenu du contrat social. Mais le fait de s'occuper de normes minimales de travail, je pense que c'est un pas en direction d'un contrat social et il n'y a rien de honteux là-dedans.

M. Gaulin: Je vais terminer là-dessus: Le problème que vous posez, c'est l'éternel problème qui se pose chaque fois qu'il y a eu débat sur la question de l'ajustement du salaire minimum, et chaque fois qu'on était censé l'augmenter de $0.10, c'était un paquet d'entreprises qui allaient tomber en faillite et cela ne se réalise pas. Nous n'avons pas fait d'étude là-dessus; on a réagi à l'étude du professeur Fortin qui a servi au gouvernement à éliminer l'indexation du salaire minimum et, à notre avis, c'est une étude qui ne traite pas du fond, de l'ensemble de la question. Il y a aussi les effets économiques et les effets sociaux d'une indexation du salaire minimum, du rehaussement en termes de circulation, en termes de retombées économiques et sociales, de création d'emplois éventuels, qui jouent également comme étant un élément important, qui n'ont pas été étudiés et qui n'ont pas été évalués du tout.

C'est évident que, plus on s'en tient à la politique actuelle du salaire minimum, qui est tout à fait inacceptable pour la CEQ, plus le rattrapage va s'imposer à un moment donné. C'est évident que geler le salaire minimum à $3.30 ou à $3.20 ou le remonter de $0.10 par année, par rapport à nous qui faisons des calculs d'indexation et qui croyons que l'indexation du salaire minimum au coût de la vie, c'est la base, c'est nécessaire, c'est essentiel au bon fonctionnement de notre société parce que, comme cela va, plus d'écart entre les deux va se créer, pour maintenir le salaire minimum au niveau actuel, à notre avis, il n'y a pas eu d'étude sérieuse faite là-dessus. (22 h 15)

M. Chevrette: M. le Président, une autre question. A mon avis, il y a dans cela des recommandations que l'on ne retrouve à peu près pas, en termes de contenu, même dans les contrats collectifs existants au Québec. Exemple, le congé de paternité d'une certaine façon. Que je sache, cela doit être minime les conventions collectives qui au Québec ont une clause de congé de paternité. Cela doit être très minime en termes de contrat. Je me demande — si ce n'est pas par le biais d'une loi — si l'objectif recherché n'est pas d'aller servir comme on faisait dans le bon vieux temps. On négociait une convention dans une commission scolaire, on allait chercher les meilleurs clauses, la meilleure convention et on s'en allait dans l'autre. Cela n'est pas votre objectif?

M. Gaulin: Non.

M. Chevrette: Cela a donc bien changé.

M. Gaulin: On ne vient pas négocier ici. Justement, on ne s'est pas placé en termes de négociation, d'une part, et on ne s'est pas placé non plus comme ayant la responsabilité de faire la loi.

M. Chevrette: D'accord.

M. Gaulin: Ce n'est pas nous qui faisons la loi. Nous vous soumettons des revendications sur lesquelles nous vous demandons de réfléchir et vous prendrez vos responsabilités. Si on n'est pas d'accord avec les amendements que vous allez apporter à la loi 126, sans doute on ne se gênera pas de vous le dire. Nous pensons que c'est là votre responsabilité. Nous pensons qu'il y a des choses là-dedans qui peuvent paraître innovatrices, révolutionnaires, qui peuvent paraître le fait d'une société qui existe dans les nuages ou qui existe ailleurs. Nous pensons qu'il faut les mettre de l'avant malgré tout cela et qu'on va créer des habitudes autour de cela et que ce n'est pas seulement en présentant les conditions minimales que vous autres vous avez mises de l'avant et les "charrieurs" d'épouvantails sur les faillites et l'incapacité de payer que vous allez être placés en situation de voir les différentes thèses autour de cela. Nous croyons qu'il y a d'autres groupes qui vont passer ici et qui vont vous supplier d'en enlever parce que ce qui est mis là, c'est trop. Pour nous, ce qui est mis là, c'est peu, pas assez.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Gaulin: Je voudrais simplement ajouter qu'il y a peut-être des choses qu'on a intégrées dans le présent mémoire à cause du fait qu'au niveau des tables de négociation on nous indiquait qu'il y avait peut-être certaines revendications qui relevaient plutôt de l'Etat que des employeurs comme tels. C'est peut-être cela qui explique que cela n'existe pas dans nos conventions collectives actuellement. Ainsi on profite de l'occasion pour dire à l'Etat qu'il y a certaines politiques sociales qu'on souhaiterait voir intégrées dans nos conventions collectives, mais que les gouvernements antérieurs se refusaient à nous accorder. On ne peut pas s'inspirer des conventions, on ne peut pas s'appuyer sur des acquis dans nos conventions, autrement dit.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. Gaulin, vous avez un peu mis le doigt sur la question quand vous revendiquez par votre rapport — aussi bien que la CSN l'a fait aussi, d'ailleurs — des conditions minimales de travail qui pour nous, en tant que gouvernement, nous apparaissent peut-être un peu exagérées. J'ai l'impression qu'on pourrait bouleverser en s'aventurant dans vos recommandations. En faire les nôtres d'une façon à peu près intégrale, ce serait bouleverser dans un court temps, peut-être un trop court, l'économie du pays, et on n'a pas peut-être assez d'études approfondies sur cette question.

Maintenant, on est bien conscient, comme gouvernement, aussi, que les conditions minimales de travail existant avant la naissance de la loi 126 sont désuètes et sont vraiment inférieures aux conditions de vie qu'on souhaite avoir pour nos Québécois. C'est pour cela que notre volonté de pondre ou de mettre sur pied cette fameuse loi 126 est une prise de conscience du gouvernement de ces conditions trop minimales de travail, celles qui existent présentement. Je pense que la loi 126, c'est un pas en avant. Je ne vous dis pas que ce sera la société parfaite et je pense que c'est être responsable comme gouvernement que de ne pas s'aventurer dans des conditions minimales de travail qui seraient à mon avis trop dans trop peu de temps. C'est un peu se conter des histoires. Et puis, il y en a qui donnent des cours de formation pour empêcher la formation des syndicats. Je pense qu'on vit dans une société comme cela, et dire que les gens vont se syndiquer sur la base de leur...

M. Johnson: A chacun ses marginaux.

M. Gaulin: ... difficulté de vivre et vont se sentir exploités; l'exploitation se découvre à partir d'une certaine formation ou information aussi. C'est la capacité de découvrir que notre sort pourrait changer, et il faut créer des conditions favorables pour cela. Les gens se syndiquent quand ils ont l'espoir de changer les choses sans trop de risque, et des fois ils ne se syndiquent pas parce qu'ils n'ont pas l'espoir, la capacité, les moyens, puisqu'il y a d'autres facteurs qui influencent davantage dans leur milieu. Je crois que si nos 31 recommandations étaient acceptées, je serais prêt à prendre une gageure que cela faciliterait la syndicalisation.

Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.

M. Laberge (Henri): C'est justement, plus il y a de droits fondamentaux reconnus, moins il y a de risque à se syndiquer. C'est la première réponse. Deuxièmement, quand on prend l'habitude d'avoir connaissance de droits et de les revendiquer, c'est là qu'on prend le goût d'en revendiquer d'autres. Reconnaître des droits, cela n'arrête pas le besoin de s'organiser pour les défendre, au contraire. Troisièmement, les droits qui seraient reconnus dans une loi comme celle-là, si on laissait cela uniquement à la machine bureaucratique pour les faire appliquer, ils ne s'appliqueraient pas. Il va falloir, à un moment donné, et les travailleurs vont s'en apercevoir, que même pas pour avoir une nouvelle convention collective, rien que pour faire respecter les droits qui leur sont reconnus par la loi, il faut qu'ils s'organisent collectivement. Cela, ils vont s'en rendre compte de plus en plus, surtout s'il y a de l'information qui les aide à connaître tous les droits qu'ils ont et qui ne sont pas respectés, parce qu'ils ne les connaissaient pas et qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se mettre en branle pour les faire respecter. Si les travailleurs commencent à s'organiser pour faire respecter une loi, une fois organisés, ils vont demander d'avoir une convention collective et de faire préciser davantage leurs conditions particulières dans leurs usines, ces droits généraux qui ont été établis, et d'obtenir des conditions particulières.

Je voudrais réagir aussi à une réflexion qui a été faite par M. Chevrette tout à l'heure, le député de Joliette à l'effet que...

M. Chevrette: Vous pouvez dire le nom, c'est entre nous autres qu'on n'a pas le droit. Vous autres, vous avez le droit.

M. Laberge (Henri): Ce que l'on recommande ici à la loi, c'est d'aller plus loin que ce que certaines conventions collectives apportent. Par exemple, dans le cas des congés parentaux, je pense qu'effectivement ce n'est pas la majorité des conventions qui prévoient ce que nous proposons, mais il y a des précédents. Ce gouvernement-ci a déjà voté des lois qui reconnaissaient aux travailleurs des droits qui n'étaient pas protégés par la majorité des conventions collectives. Je connais en particulier la loi 101 dont tout un chapitre garantit des droits qui n'étaient pas jusque-là garantis dans les conventions collectives.

M. Chevrette: La loi 45.

M. Laberge (Henri): La loi 45. Justement, un des arguments...

M. Chevrette: L'article 97c.

M. Laberge (Henri): Oui. Un des arguments que ce gouvernement-ci a utilisés pour cela c'est de dire, justement qu'il y a des choses qui sont tellement fondamentales qu'il ne faut pas laisser cela à la merci des rapports de force, mais il faut les garantir. Après cela, les rapports de force joueront pour améliorer si possible ces choses, mais il y a un plancher qu'il faut garantir par la loi.

M. Chevrette: Je ne veux pas vous contredire, M. Laberge, mais je vais vous donner des exemples. Il y a eu seulement un livre blanc sur la santé et la sécurité au travail. Puis l'argumentation de la CSN c'est que depuis que le livre blanc est sorti, il n'y a plus de possibilité de dépasser les orientations du livre blanc, alors qu'ils prétextent qu'avant qu'il y ait le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, ils pouvaient négocier des conditions passablement plus intéressantes. Je me le suis fait servir devant les universitaires, à l'Université de Montréal, je me suis fait servir cela à Sherbrooke, je me suis fait servir cela à différents endroits dans la province. Vous m'arrivez exactement avec un argument contraire.

M. Laberge (Henri): Non, loin de contredire ce que j'ai dit, ce que vous dites là le confirme. Cela prouve la nécessité de ne pas établir des normes trop basses.

M. Chevrette: Non, mais la CSN me dit: Si tu fixes dans une loi un droit pour un travailleur, nous ne pourrons plus dépasser, parce que les employeurs vont se retrancher derrière la loi et ne voudront absolument rien donner. Vous développez une argumentation contraire à ce moment-ci. Là-dessus, je vous avoue que — cela prendrait un trop long débat — je me le suis fait assez servir, et je prétendais le contraire, parce que je prétends qu'une convention collective, c'est basé sur un rapport de forces, et un rapport de forces, c'est censé être capable d'aboutir à quelque chose, à un moment donné. Donc je me dis que si la CSN nous sert cet argument-là, vous ne devez pas être d'accord sur ce point du mémoire conjoint, c'est certain.

M. Agnaieff: Les rapports de forces s'établissent entre syndiqués et employeurs et s'établissent entre groupes de pression et Etat. Cela fonctionne toujours ainsi. Le rapport des forces n'est pas toujours au même endroit. Mais face au congé parental, je pense que ce gouvernement-ci fait un effort pour décompartimenter ses activités par la création de ministères qui se préoccupent de l'obtention d'un revenu global. Moi, je pense qu'il y a une jonction peut-être à faire là-dedans avec la préoccupation nataliste que nous avons. Nous avons vécu l'application de quelques conventions collectives où il y a eu amélioration dans ces domaines-là. Je peux vous dire que les résultats ont été heureux de par la multiplication des événements heureux.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, je voudrais remercier M. Gaulin et ses collaborateurs. Loin de nous l'idée de mettre de côté votre mémoire dans son ensemble. Effectivement il contient une série de recommandations dont certaines — une ou deux — de nature technique, me paraissent pertinentes, d'autres qui soulèvent des interrogations, d'autres qui recoupent des préoccupations amenées par d'autres mouvements, et d'autres, qui, je pense, ne relèvent pas de cette loi ou des considérations devant cette commission. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Ajournement sine die.

Fin de la séance à 22 h 27

ANNEXE I

Tableaux et résumé des revendications de la Confédération des syndicats nationaux

relativement au projet de loi no 126 Loi sur les normes du travail

Référer à la version PDF page B-294

Référer à la version PDF page B-295

Référer à la version PDF page B-296

Référer à la version PDF page B-297

Référer à la version PDF page B-298

Référer à la version PDF page B-299

Référer à la version PDF page B-300

Résumé des revendications

La CSN revendique

(1) que soient rayées toutes les exclusions prévues. La loi doit être de portée universelle, elle doit s'appliquer à tous les travailleurs sans distinction

(2) que les droits soient prévus explicitement dans la loi et non par règlement

(3) que le mot "légale" soit rayé de l'article 1 a) et que la définition de l'accouchement se lise comme suit: "fin d'une grossesse par la mise au monde d'un enfant viable ou non, naturellement ou par provocation médicale"

(4) que l'article 1 h) soit clarifié pour que les entrepreneurs dépendants et les travailleurs à domicile soient explicitement protégés par la loi

(5) que l'article 11 soit révisé pour limiter la délégation des pouvoirs de la Commission

(6) que le taux du salaire minimum, la parité provinciale et la formule d'indexation soient prévus dans la loi, article 39

(7) que l'article 48, 2e paragraphe, sur la retenue par l'employeur de la cotisation syndicale soit modifié en concordance avec le Code du travail

(8) que l'article 51 soit modifié pour établir la semaine de travail de 40 heures et la journée de travail de huit heures

(9) que l'article 59 soit modifié pour établir dix jours fériés, chômés et payés

(10) que l'article 62 soit modifié de façon à ce qu'un salarié qui doit travailler un jour férié puisse être compensé en argent ou en temps, à son choix

(11) que la disposition de l'article 64 prévoyant le non-paiement d'un jour férié s'il y a absence la veille ou le lendemain soit annulée

(12) que la loi stipule quatre semaines de vacances payées après un an de service, articles 67 et 68

(13) que la durée des congés sociaux prévus à l'article 79 soit augmentée à trois jours dans le cas du décès d'un membre de la famille immédiate

(14) que la loi prévoie un congé payé à l'occasion du mariage du salarié, article 79

(15) que le préavis de licenciement après trois mois de service soit de deux semaines et qu'il augmente d'une semaine par année de service, article 81

(16) que l'uniforme rendu obligatoire par l'employeur soit à la charge de ce dernier, article 84

(17) que la possibilité d'établir le salaire minimum au rendement soit supprimée, article 87

(18) que le paragraphe d) de l'article 87 permettant des exceptions concernant la semaine de travail soit supprimé

(19) que les dispositions concernant le congé de maternité soient incluses dans la loi, que l'article 87 f) soit rayé et que l'ordonnance sur le congé de maternité soit modifiée

(20) que soient biffées les exceptions et exclusions prévues aux articles 86, 87 et 88 ainsi que l'article 89

(21) que la Commission doive payer les sommes dues à un employé et par la suite réclamer à l'employeur ce qu'elle a versé pour lui, article 111

(22) que tout travailleur, syndiqué ou non, ne puisse être congédié sans motif valable dont la preuve incombe à l'employeur

(23) que tout travailleur non syndiqué qui est congédié puisse exercer un recours devant la Commission qui a le pouvoir d'ordonner la réintégration avec pleine compensation pour le salaire perdu

(24) que tout employeur soit tenu de verser une indemnité de licenciement équivalent à au moins un an de salaire, aux salariés touchés par la fermeture totale ou partielle d'une entreprise

(25) que la loi prévoie que la Commission dédommage un salarié de la perte de salaire et autres avantages pécuniaires lui résultant de son contrat de travail, de la présente loi ou d'un règlement qu'il a encourue comme conséquence de la faillite

(26) que l'employeur, à l'embauche et chaque fois qu'il modifie les conditions de travail, soit tenu de remettre à chaque salarié un document décrivant les principales conditions d'emploi et de travail

(27) que les pouvoirs de la Commission soient modifiés pour qu'elle ait le pouvoir d'entendre les plaintes sur le non-respect par l'employeur des conditions de travail stipulées

(28) que la loi prévoie l'égalité pour les travailleurs à temps partiel et qu'ils aient droit à tous les avantages au prorata du temps travaillé.

ANNEXE II

Mémoire Conseil québécois du commerce de détail

présenté à la

commission parlementaire permanente du travail et de la main d'oeuvre

relativement au projet de loi no 126

Loi sur les normes du travail

Monsieur le Président

Monsieur le Ministre du Travail et de la Main d'Oeuvre

Membres de la Commission Parlementaire du Travail et de la Main d'Oeuvre

I- Liminaire

Ce mémoire vous est présenté par le Conseil Québécois du Commerce de Détail qui regroupe une centaine de membres réguliers qui exploitent environ mille (1,000) établissements au Québec et dont le volume d'affaires total représente approximativement cinquante pour cent (50%) des ventes annuelles du commerce de détail au Québec et plusieurs membres affiliés. Notre organisme compte, parmi ses membres, les principaux magasins à chaînes et à rayons et plusieurs indépendants.

Nous croyons approprié d'exprimer le point de vue de nos membres, relativement à certaines dispositions contenues au projet de loi No 126, Loi sur les normes minimales de travail. Le présent mémoire n'est pas une appréciation de tous et chacun des articles du projet, mais seulement de certains aspects du projet de loi qui préoccupent plus particulièrement les détaillants, considérant le secteur d'activités dans lequel ils sont engagés, soit le commerce de détail.

II- Introduction

Le commerce de détail est un des secteurs d'activités économiques important au Québec, aussi bien quant au volume de ventes, que sur les emplois. En 1977, les ventes au détail ont totalisé au Québec quinze milliards de dollars. Pour la même période, le commerce de détail employait 122,500 personnes au Québec chez les employeurs ayant 20 employés et plus.

Notre secteur d'activités est unique et est sujet à des fluctuations importantes. Compte tenu des habitudes d'achat des consommateurs à certaines périodes fixes de l'année, un partie du dollar du consommateur québécois est dépensé à des périodes fixes, soit Noël, Pâques, le solde étant réparti sur les autres mois de l'année du calendrier. Ainsi, en 1976, janvier, février et mars comptaient respectivement pour 6.7%, 6.4% et 7.3% des ventes de l'année, alors que avril, mai et juin enregistraient respective-

ment 8.8%, 8.7% et 9.0% des ventes. Juillet a totalisé 8.6% des ventes, août 7.9% et septembre 8.3%. Le dernier trimestre, en moyenne, a compté pour 9.4%, atteignant son maximum en décembre, avec 10.9%.

Le nombre d'employés fluctue également de façon importante au cours d'une même année pour atteindre son maximum à la période des Fêtes.

De plus, les périodes de fin de semaine sont, en règle générale, les plus actives et il y a, en conséquence, un ajustement des besoins de personnel correspondant à cette période plus active. Il en va de même des promotions qui demandent plus de personnel certains jours de la semaine.

Sans risque de se tromper, on peut dire qu'il y a proportionnellement plus de personnel pour les périodes plus actives de la semaine ou d'un mois par rapport à d'autres au cours de l'année. L'inverse est également vrai.

Ce particularisme de notre secteur d'activités nous a obligés à développer et à compter sur des employés réguliers et des employés à temps partiel, qui travaillent moins que les heures de la semaine normale de travail et une autre catégorie d'employés, les employés occasionnels. Ces derniers sont appelés selon les besoins de l'entreprise et demeurent libres de se rapporter au travail. Un grand nombre de cette dernière catégorie est embauché exclusivement pour la période de pointe et se constitue, en majorité, de personnes qui, autrement, ne seraient pas sur le marché du travail (étudiants ou ménagères, deuxième emploi).

De plus, contrairement à d'autres secteurs d'activités, le commerce de détail opère, en règle générale, six jours par semaine et, au Québec, à l'occasion de Noël, six soirs par semaine. Les mouvements de personnel, principalement de la main d'oeuvre occasionnelle, sont plus importants que dans d'autres secteurs d'activités économiques.

Après avoir brièvement situé notre secteur d'activités économiques à la lumière du projet de loi 126, nous aimerions vous faire part de nos recommandations sur le projet de loi à l'étude.

Ill—Modifications proposées Article Ih: Salaire

Dans sa version actuelle, le mot "salaire" couvre toute personne à l'emploi d'un employeur, peu importe les fonctions exercées ou le nombre d'heures de travail.

Nous aimerions aborder, dans un premier temps, la définition du mot "salaire" en relation avec les fonctions exercées et, par la suite, la définition du mot "salaire" en fonction des heures de travail. a) Le mot "salarié" en relation avec les fonctions exercées

Dans sa version actuelle, le mot "salarié" s'étend aux cadres et aux officiers de l'entreprise, c'est-à-dire toutes les personnes qui font partie de l'administration ou exercent des responsabilités de gestion de l'entreprise et représentent l'employeur dans ses relations avec les employés.

Nous estimons qu'il y aurait lieu d'exclure de cette définition les principaux officiers de l'entreprise en s'inspirant de la définition, à ce sujet, que l'on retrouve dans la Loi des Valeurs Mobilières du Québec. L'article I, paragraphe 7 de cette loi édicte ce qui suit: "Officier: Le Président ou un vice-président du conseil d'administration, le président, un vice-président, le secrétaire, le secrétaire-adjoint, le trésorier, le trésorier-adjoint ou le directeur général d'une compagnie, société ou association ou une autre personne désignée sous le titre d'officier, en vertu des règlements ou statuts de la compagnie, société ou association;"

II nous apparaît important de distinguer ces deux catégories d'employés, dont la première peut difficilement faire l'objet de l'application de certaines dispositions de la loi, tel le recours au fonds de faillite ou au repos obligatoire, prévu à l'article 77.

Nous croyons également qu'il est peu réaliste que tous les cadres de l'entreprise soient inclus dans la définition du mot "salarié". Pour nous, un cadre se définit comme étant l'employé qui exerce une autorité déléguée dans l'entreprise et qui exerce des responsabilités de gestion. L'inclusion des cadres de l'entreprise dans la définition du mot "salarié" nous apparaît peu pratique et d'application difficile.

Nous recommandons d'exclure de la définition du mot "salarié" les principaux officiers de l'entreprise et les cadres de l'entreprise. b) Le mot "salarié" en relation avec les heures de travail

Le mot "salarié" s'étend également au salarié, sans distiction du nombre d'heures de travail par semaine, assujettissant ainsi à la loi l'employé occasionnel.

Certaines dispositions du projet de loi, notamment l'article 77 et l'article 78, ne soulèvent aucune difficulté d'application. D'autres dispositions, par contre, notamment les articles 59 et suivants, 79 et 80 et les articles 81 et suivants, ont des répercussions importantes sur nos entreprises, eu égard au particularisme de notre secteur d'activités et à la natture même des fonctions de l'employé occasionnel.

De plus, le projet de loi ne contient aucune disposition permettant d'établir des moyennes pour les congés, dans le cas des employés à temps partiel et occasionnel.

Nous vous ferons part de nos recommandations au fur et à mesure de la revue des articles pertinents.

Article I j: Service continu

L'expression "service continu" devrait exclure la période durant laquelle la prestation de travail ne peut être fournie, à cause d'une grève ou d'un lock out et ce, sans qu'il soit nécessaire de résilier le contrat. Dans sa rédaction actuelle, l'employeur serait tenu de fournir la prestation exigée en vertu du contrat de travail, même en cas d'une grève ou d'un lock out, à moins de résilier le contrat, conformément aux articles 81 et suivants.

Article 2

Nous nous interrogeons sur la validité du paragraphe 2, de l'article 2 du projet de loi en ce qu'il s'applique aux employés qui seraient situés hors du Québec, alors que le domicile de l'entreprise, ou le siège social, ou le bureau de l'employeur, se trouve au Québec, conférant une portée extra-territoriale à la législation québécoise.

Le salarié qui exécute un travail hors du Québec est assujetti à la loi du lieu où il effectue ce travail et nous ne croyons pas que le projet de loi puisse s'appliquer à ce travailleur, même si la loi du lieu de travail n'établit pas de salaire minimum.

Nous recommandons d'omettre le paragraphe b) de l'article 2.

Articles 4 à 38: La Commission des normes du travail

Nous aimerions aborder la question des pouvoirs de la Commission et le financement par les employeurs.

Les pouvoirs de la Commission

Nous avons remarqué que la Commission perdait l'exercice de nombreux pouvoirs en vertu du projet de loi en faveur du Gouvernement. Les articles 29 et 38 attribuent à la Commission des pouvoirs de réglementation de nature administrative, le Gouvernement se réservant l'exercice du pouvoir réglementaire sur le fonds du projet de loi. La Commission aura dorénavant un rôle administratif, alors que le rôle réglementaire est confié au gouvernement, sans que la Commission puisse, dans les textes, faire valoir ses recommandations.

Nous croyons que ce changement fondamental n'est pas de nature à revaloriser la Commission et qu'il y aurait lieu de modifier cette orientation, de façon à ce que la Commission puisse pleinement jouer son rôle. Ainsi, tous les pouvoirs, dont ceux des articles 39, 45, 51, 59, 86, 87, 88 devraient être exercés par la Commission, sujet à l'adoption d'arrêtés en conseil par le gouvernement et au préavis de 60 jours de publication obligatoire.

Le financement

Le projet de loi 126, contrairement à la loi du salaire minimum, est d'application universelle et couvre toutes les normes du travail. Le projet de loi protégera l'ensemble des travailleurs et est d'inspiration sociale, permettant à l'Etat d'assurer un minimum aux citoyens dans leur milieu de travail. Le service d'inspection veillera à assurer le respect de ces normes et à protéger les travailleurs.

Nous croyons que, à l'instar de la situation dans les provinces canadiennes, le financement de la Commission des Normes du Travail devrait provenir du budget de l'Etat.

Article 29 d:

Ce paragraphe permettra d'imposer aux employeurs un système d'enregistrement du temps, soit l'heure de travail commencé, interrompu, repris et achevé.

Dans nos entreprises, ces systèmes ont été développés, permettant de connaître les heures de travail du personnel et des céduies de travail et d'heures flexibles ont été élaborées, en fonction des besoins de nos employés et de nos entreprises. Ces systèmes n'indiquent pas nécessairement l'heure où le travail a été interrompu ou repris (exemple, pause-café).

Dans nos entreprises, tous les employés ont droit à leur période de repos et à une période pour le repas. Les heures auxquelles ces droits sont exercés ne sont pas nécessairement inscrites dans un registre. Un relevé de présence est tenu et chaque superviseur voit à ce que les heures travaillées soient enregistrées.

Nous formulons le souhait que la future Commission propose des règlements qui tiennent compte de la situation dans les entreprises et des pratiques suivies pour éviter des retours au poinçon ou à d'autres systèmes qui ne se sont pas avérés aptes à rencontrer les objectifs d'une bonne gestion des ressources humaines.

Article 29 e:

Ce paragraphe soulève deux objections; la première se rapporte à la confidentialité de la relation employeur-employé et la deuxième, à la pertinence de produire le rapport qui serait requis, en vertu d'un règlement à venir.

La Charte des Droits et Libertés de la Personne consacre le droit à la vie privée pour chaque citoyen et nous estimons que les informations relatives à son emploi ou à son emploi du temps font partie du droit de l'employé comme citoyen, à sa vie privée. Le caractère confidentiel de cette relation employeur-employé est fortement ancré dans nos entreprises, quant aux salaires versés à nos employés, qu'ils soient cadres ou autres. Chaque entreprise se fait un devoir de traiter confidentiellement toute information relative à un employé. La législation fiscale québécoise, à titre d'exemple, traite confidentiellement toute information contenue dans le rapport d'impôt et prévoit des peines sévères pour toute personne ou employé de l'Etat qui ne respecterait pas cette exigence. Bien qu'il puisse y avoir des exceptions, ce principe s'applique et nous estimons qu'il devrait être respecté dans la législation proposée. Notre deuxième objection se rapporte à la pertinence des rapports qui seraient requis. Au nombre d'employeurs que compte le Québec, la future Commission aura besoin de tout son personnel actuel et même davantage, pour prendre connaissance des rapports qui seront produits. Si on exige des rapports, nous estimons que c'est pour en prendre connaissance, les analyser et en tirer quelque utilité qui, à première vue, ne nous apparaît pas évidente.

Si la Commission exige la production de rapports pour déceler la commission d'une infraction, advenant qu'une plainte soit logée, nous estimons que la Commission peut s'inspirer d'autres méthodes plus efficaces que celles d'exiger la production de rapports. La méthode retenue nous apparaît contraire à une bonne gestion et il serait plus indiqué que la Commission obtienne des informations pertinentes auprès de chaque entreprise, d'autant plus qu'un droit peut être imposé sur condamnation d'un intimé, en vertu du projet de loi.

La Charte de la langue française exige la production, par les entreprises, en fonction du nombre d'employés, d'un rapport qualitatif, donnant un profil général de l'entreprise et nous estimons qu'il y aurait lieu de s'inspirer de ce précédent au lieu et place des exigences du paragraphe e) de l'article 29.

Nous recommandons de modifier le paragraphe e) de l'article 29, pour exiger de tout employeur professionnel la production d'un rapport annuel qualitatif, donnant un profil général de l'entreprise, quant à son nombre d'employés, les heures de travail effectuées à temps normal ou à temps supplémentaire et les salaires payés.

Il y aurait lieu de préciser, sous réserve de notre recommandation sous les articles 4 à 38, que le droit prélevé, en vertu du paragraphe h) de l'article 29, soit limité à la masse salariale correspondant au salaire minimum, qui sera déterminé de temps à autre, en vertu du projet de loi. Nous estimons qu'il s'agit d'une recommandation bien légitime, puisque le projet de loi est d'application universelle à tous les employés, à quelques exceptions près et il nous apparaît que les sommes qui doivent être versées par des employeurs soient en fonction des objectifs poursuivis par la législation. Autrement, il en résulterait une situation où l'entreprise serait appelée à subventionner des employeurs ou des catégories d'employeurs qui ne respecteraient ni l'esprit ni la lettre du projet de loi.

Nous recommandons que le paragraphe h) soit modifié de façon à assujettir le prélèvement au montant des salaires payés correspondant au salaire minimum en vigueur.

Il faut aussi noter que le paragraphe h) accorde à la Commission le maximum du salaire assujetti à ce prélèvement et le minimum des salaires payés par l'employeur pour qu'il soit assujetti à ce prélèvement. La Commission peut, par un autre règlement, fixer le prélèvement sans que les employeurs n'aient aucun pouvoir de représentation au sein de la Commission. Or, il est admis, en droit parlementaire, qu'aucune taxe ne peut être levée sans qu'une représentation ne soit accordée; c'est l'application du "no taxation without representation". Le projet de loi vise à établir des normes de travail pour tous les employés, quel que soit leur secteur d'activités et, pour ce faire, le projet de loi prévoit que les employeurs défraieront les coûts de cette mesure. Contrairement à certains régimes d'assurance, comme la Commission des accidents du travail qui, sur la base d'une assurance, imposent une prime aux employeurs, la future Commission des normes du travail exercera les mêmes prérogatives, sans pour autant offrir un service aux employeurs, soit les personnes qui seront appelées à défrayer le fonctionnement de la future commission. Il nous apparaîtrait plus logique que, comme dans les autres provinces canadiennes, le budget nécessaire à l'accomplissement des fonctions de la future Commission des normes du travail provienne du budget de l'Etat, puisque la législation est d'application universelle et est, en fait, une mesure sociale pour tous les travailleurs.

Nous ne mettons pas en cause l'objectif poursuivi par la législation; cependant, dans ces circonstances, il nous apparaîtrait normal que le financement de la future Commission des normes du travail provienne du budget de l'Etat et non pas des employeurs.

Article 29, dernier paragraphe

L'article 29 contient un certain nombre d'exceptions au prélèvement et nous croyons, sous réserve de nos commentaires à l'article 29 h), que ces employeurs devraient également faire l'objet d'un prélèvement de la même façon que tous les employeurs au Québec.

Le projet de loi attache un coût à la qualité d'employeur et rien ne justifie, à notre avis, qu'on exempte des employeurs de la contribution financière.

Nous recommandons que le prélèvement soit exigible de tous les employeurs.

Nous aimerions soulever le problème posé en vertu de la loi des décrets de convention collective (S.R. 1964, chapitre 143) et le projet de loi sur les normes minimales du travail.

Plusieurs des dispositions de la loi des décrets de convention collective sont similaires au projet de loi sur les normes du travail, alors que d'autres sont différentes. L'entreprise peut difficilement s'y retrouver, compte tenu de la diversité des décrets et leurs exigences respectives, et le projet de loi 126 risque de compliquer davantage cette situation. Il y aurait sans doute lieu de songer à analyser le fonctionnement de cette loi et à poser le problème de la Loi des décrets de convention collective à la lumière de la Loi des normes du travail, afin d'assurer une coordination de tous ces agents de réglementation.

Articles 36 et 37

Nous constatons avec satisfaction que l'article 32 impose la publication d'un avis de 60 jours avant l'entrée en vigueur d'un projet de règlement, pour permettre aux intéressés de formuler leurs objections et recommandations.

Cependant, les articles 36 et 37 anéantissent complètement la portée de l'article 32, en permettant des exceptions qui, à toutes fins pratiques, rendront inopérante l'application de l'article 32, soit la publication obligatoire.

Dans les circonstances, la Commission des normes du travail et le gouvernement peuvent passer outre à la publication obligatoire et appliquer ce règlement de la même façon que s'il avait été publié.

Nous recommandons que les articles 36 et 37 soient retirés du projet de loi.

Article 42

Dans notre secteur d'activités, les cadres sont généralement payés à intervalles réguliers, mais plus longs que 16 jours. A titre d'exemple, il est fréquent que les cadres, principalement, soient payés au mois; cet article du projet imposerait des coûts additionnels qui ne nous semblent pas justifiés dans les circonstances.

Nous recommandons que les cadres ne soient pas assujettis à l'article 40.

Article 43

L'article 43 impose une obligation qui n'est pas nécessairement appliquée à toutes nos entreprises pour des raisons de régie interne propre à l'entreprise. Le cas de l'enveloppe scellée est un exemple où plusieurs de nos membres, qui emploient beaucoup de salariés, remettent le chèque de paie au salarié sous enveloppe par l'intermédiaire d'un cadre.

Cette disposition augmentera les coûts pour l'entreprise et nous ne sommes pas convaincus du bien fondé de cette exigence.

Nous recommandons d'omettre l'expression "sous enveloppe scellée" à l'article 43.

Article 45

A toutes fins pratiques, ces dispositions requièrent des informations qui, à notre avis, ne sont pas essentielles et n'ont pas nécessairement leur place sur un bulletin de paie; de nombreuses modifications devront être apportées inutilement au bulletin de paie et sans bénéfice pour les employés.

Paragraphe c

L'emploi occupé par le salarié apparaît dans son dossier d'emploi lorsqu'il a postulé la demande ou a été embauché. De plus, chaque promotion fait l'objet d'une rencontre avec l'employé ou d'une lettre à cet effet et l'employé est en tout temps conscient, ou connaît l'emploi qu'il occupe. Cette disposition ne nous apparaît pas nécessaire.

Paragraphe f

L'indication de la majoration applicable pour les heures supplémentaires ne nous apparaît pas nécessaire, puisque la loi indique les obligations de l'employeur à cet effet. De plus, ces renseigne-

merits sont disponibles en tout temps, au bureau du personnel de l'entreprise et sont connus du principal intéressé, soit l'employé lui-même.

La "clause grand-père" apparaissant au dernier alinéa de l'article 45 devrait, à notre avis, être éliminée, à moins d'assujettir le règlement qui serait adopté en vertu de cet alinéa au préavis de publication prévu à l'article 32 du projet de loi.

Article 59

Contrairement à l'article 32 du projet de loi, les règlements qui seront adoptés en vertu de l'article 59 ne seront pas assujettis à un avis obligatoire de publication de 60 jours.

Nous recommandons que tous les règlements qui seront adoptés en vertu du projet de loi 126, incluant ceux qui seront adoptés en vertu de l'article 59, fassent l'objet d'une publication obligatoire, conformément à l'article 32 du projet de loi.

Article 64

Le commerce de détail réalise une partie importante de son chiffre d'affaires à l'occasion de Noël et, en conséquence, les effectifs en personnel augmentent considérablement. La main-d'oeuvre additionnelle est constituée d'occasionnels qui ne sont employés que durant une courte période. L'obligation de payer les indemnités de congé à ces personnes est très onéreuse pour nos entreprises.

Nous recommandons que le projet de loi comprenne les conditions d'éligibilité suivantes, pour donner ouverture aux congés fériés, chômés et payés, édictés à l'article 59 du projet de loi: a). trois mois d'emploi avant la date du congé b). au moins dix jours de travail durant les trente jours précédant le congé (une journée de travail n'est pas nécessairement une journée complète) c). les employés ont travaillé dans la semaine précédant le congé et sont inscrits à l'horaire pour travailler dans la semaine suivant le congé.

Notre recommandation aura pour effet d'assujettir aux congés fériés, chômés et payés, les employés réguliers et à temps partiel de nos entreprises, mais écartera les personnes qui ont été embauchées pour une courte période, soit pour faire face à l'achalandage additionnel enregistré principalement durant les mois de novembre et de décembre de chaque année.

Dans le cas des employés à temps partiel ou occasionnels, aucune disposition du projet de loi ne nous permet d'établir des moyennes d'heures de travail par rapport à la semaine normale des employés réguliers pour déterminer l'étendue du congé et nous estimons que ce serait une lacune importante à corriger.

Il ne nous semble pas acceptable que l'employé à temps partiel ou l'employé occasionnel puisse avoir droit à la même durée de congé que l'employé régulier.

Nous recommandons que le projet de loi permette d'établir une moyenne des heures de travail au cours des trois mois précédant le congé pour déterminer la durée des congés chômés et payés, à l'exception des congés pour lesquels le salarié est inscrit à l'horaire de travail, auquel cas il aura droit, en vertu de l'article 60, à la durée complète du congé.

Article 70

Sous cet article du projet, il y aurait peut-être lieu de prévoir que le congé qui ne dépasse pas une semaine ne puisse être fractionné à moins d'entente contraire entre le salarié et l'employeur.

Article 78

L'article 78 est un autre exemple où il n'y a pas vraiment d'application et où on n'a pas fait la preuve de la nécessité d'appliquer cette disposition aux cadres de nos entreprises. En ce qui concerne les employés réguliers et les employés occasionnels, l'article 78 ne pose pas de difficultés.

Nous recommandons que les cadres de l'entreprise ne soient pas assujettis à l'application de l'article 78.

Article 79

Nous estimons qu'il y aurait lieu d'exclure les occasionnels de l'application de l'article 79, car rien n'assure que, premièrement, ces salariés auraient été inscrits à l'horaire dans la journée du décès et, deuxièmement, auraient travaillé la journée entière.

Dans la mesure où l'employé occasionnel est inscrit à l'horaire pour travailler une journée donnant ouverture à l'application de l'article 79, il y aurait lieu de lui accorder son congé; mais dans la mesure où

il n'est pas au travail et n'est pas non plus inscrit à l'horaire pour cette journée, il ne devrait pas être éligible au congé prévu à l'article 79.

Article 80

Nous aimerions de nouveau reprendre, sous cet article, les recommandations que nous faisions sous l'article 79 concernant les employés occasionnels. Dans la mesure où l'employé est inscrit à l'horaire pour travailler à cette occasion, il devrait être éligible au congé; si l'événement se produit à une date où le salarié n'est pas inscrit à l'horaire pour travailler, il devrait prendre ce congé à même ses journées libres et non pas les appliquer à l'horaire de travail.

De plus, l'article 80 devrait prévoir la nécessité, pour le salarié, de donner à l'employeur un avis raisonnable de la date à laquelle le salarié exercera ou se prévaudra de son congé.

Article 81

L'article 81 du projet de loi ne pose aucune difficulté d'application pour les employés réguliers. Cependant, dans le cas des employés occasionnels, la situation est autre.

Nous estimons que l'employé occasionnel qui travaille moins d'heures que l'employé régulier devrait bénéficier d'un avis au prorata de la moyenne hebdomadaire des heures travaillées au cours des trois mois précédant la fin de l'emploi. Dans les cas où une indemnité est versée pour tenir lieu de l'avis, l'indemnité devrait être calculée à partir du même critère.

Article 82

Nous estimons que l'article 82 du projet de loi est restrictif et qu'il y aurait lieu de substituer l'expression "faute grave du salarié" par l'expression "renvoi pour cause".

Plusieurs motifs de renvoi pourraient être interprétés comme n'étant pas couverts par l'article 82, tel l'incompétence, l'insubordination et rupture des conditions de travail. Nous convenons que notre recommandation aura pour effet d'élargir l'éventail des motifs de renvoi. Nous soumettons, dans ce cas, que le salarié est toujours en mesure de contester la décision de l'employeur par les recours appropriés.

Nous recommandons que l'expression "faute grave du salarié" soit remplacée par l'expression "renvoi pour cause".

Article 90

Nous aimerions, sous cet article, reprendre les commentaires que nous avons formulés en vertu des articles 36 et 37 du projet de loi. Encore une fois, l'article 32 rendu applicable par l'article 90 du projet de loi, deviendra complètement inopérant, considérant les dispositions des articles 36 et 37 de la loi.

Nous recommandons d'éliminer de l'article 90 toute référence aux articles 36 et 37 de la loi et de retirer ces deux articles du projet de loi. De plus, tous les règlements adoptés en vertu de la loi devraient être assujettis à la publication d'un avis, conformément à l'article 32 du projet de loi.

Article 93

Nous recommandons d'omettre du projet de loi l'article 93 qui impose à l'employeur professionnel une responsabilité vis-à-vis un sous-entrepreneur ou un sous-traitant, pour les obligations pécuniaires fixées par la présente loi ou les règlements.

Articles 123, 124 et 125

Bien que nous soyons, en principe, favorables à ce que tout salarié ne subisse pas de perte de salaire à la suite de la faillite d'un employeur, nous estimons que toute intervention dans ce domaine ne relève pas d'une loi sur les normes du travail, mais bien de la législation dans ce domaine.

La législation sur les faillites prévoit des mécanismes de remboursement préférentiel pour le salaire des employés. Il y aurait peut-être lieu d'exiger que les salaires soient payés avant que d'autres créanciers, comme la Couronne par exemple, n'exercent leur priorité.

Le tout respectueusement soumis

Le Conseil Québécois du Commerce de Détail Le 26 février 1979.

ANNEXE III

Mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec

sur le projet de loi no 126 portant sur les conditions minimales de travail

Introduction

La Centrale de l'enseignement du Québec est une des principales composantes du mouvement syndical québécois. A ce titre, elle détient, avec les autres centrales syndicales, une responsabilité conjointe quant à la défense des intérêts de l'ensemble des travailleurs du Québec. Cette responsabilité, qui dépasse largement le cadre de la négociation et de l'application des conventions collectives, s'exerce notamment par les interventions publiques des organismes syndicaux en regard des politiques gouvernementales qui touchent les intérêts économiques, politiques et culturels des travailleurs.

Dans leur mémoire commun présenté au gouvernement du Québec en février 1977, la C.S.N. et la C.E.Q. faisaient déjà des recommandations quant au contenu d'un éventuel projet de loi sur les conditions minimales de travail. Les demandes qui y étaient alors formulées étaient considérées comme urgentes. Un grand nombre d'entre elles ne faisaient que reprendre des revendications répétées du mouvement syndical depuis des années. C'est donc dire que le caractère d'urgence de ces revendications existe toujours.

Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises dans les années passées de critiquer l'insuffisance chronique des normes minimales de travail édictées par la Commission du salaire minimum ou occasionnellement par certains textes de lois (notamment le chapitre 51 des Lois du Québec: Lois sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre). Nous avons dénoncé entre autres choses la forte détérioration relative du salaire minimum par rapport au salaire moyen et même la détérioration absolue du pouvoir d'achat réel représenté par ce salaire minimum. Nous avons dénoncé l'absence de droits reconnus et garantis pour les travailleuses enceintes et pour les mères travailleuses quant à leur emploi et aux avantages reliés à leur emploi, aussi bien que la non-reconnaissance des droits parentaux au sein des conditions minimales de travail. Nous avons dénoncé le manque de protection des travailleuses en cas de congédiement individuel aussi bien qu'en cas de licenciement collectif. Nous avons dénoncé les abus que permettent toujours les lois et les règlements en vigueur quant aux heures de travail d'affilée imposées aux travailleurs. Nous avons dénoncé l'insignifiance des garanties en matière de congés (congés sociaux, congés parentaux, congés annuels). Nous avons dénoncé l'incapacité de la Commission du salaire minimum à faire respecter ses propres normes à l'égard des travailleurs non syndiqués. Nous avons dénoncé les obstacles à la syndicalisation qui demeurent presque insurmontables pour les travailleurs temporaires ou à temps partiel et pour ceux qui appartiennent à des unités de travail très réduites.

Ces prises de position sont toujours d'actualité. Le projet de loi sur les normes de travail devrait normalement répondre à ces diverses attentes maintes fois formulées. Nous regrettons qu'il ait tant tardé à paraître, mais nous continuons à être d'accord sur le principe d'une législation visant à garantir pour l'ensemble des travailleurs québécois des conditions de travail de base en-dessous desquelles il sera désormais interdit à quiconque de descendre. Ceci ne veut pas dire pour autant que nous sommes satisfaits des normes de travail proposées par le projet de loi 126.

Disons tout de suite, pour éviter tout malentendu à ce sujet, que nous jugeons les normes proposées nettement insuffisantes d'une part et que, d'autre part, nous n'avons pas l'intention de laisser enfermer ou encadrer dans un texte de loi les besoins et les aspirations des travailleurs. Qu'il soit bien clair que les revendications que nous allons véhiculer par le présent mémoire ne constitueront qu'une partie du minimum auquel devrait avoir droit tout travailleur salarié dans le Québec de 1979. Mais nous n'accepterions jamais de laisser geler les revendications des travailleurs en fonction d'un tel minimum.

L'adoption du présent projet de loi ne rendra donc pas moins utile ni moins nécessaire l'organisation syndicale des travailleurs, qui leur permet de pousser plus loin leurs revendications. Celles-ci demeurent légitimes. La syndicalisation massive des travailleurs québécois demeure un objectif prioritaire.

La nécessité et l'urgence de la législation proposée sont à resituer dans le contexte de la société capitaliste, qui engendre l'inégalité sociale, mais qui serait prête à accepter des mesures correctives partielles pour atténuer cette inquiétude si de telles mesures pouvaient contribuer à calmer les travailleurs et à diluer leur potentiel de lutte.

Or, dans notre société, les richesses sont produites par les travailleurs qui ne reçoivent sous forme de salaire qu'une petite partie de la richesse qu'ils ont créée. La lutte fondamentale des travailleurs ne peut donc pas se situer au niveau d'un minimum dit décent, mais vise ultimement la récupération de ce qui leur est dû, compte tenu de leur contribution à l'enrichissement collectif.

Bref, les travailleurs québécois ne demandent pas la charité; ils luttent pour la justice, ils revendiquent ce qui leur est dû.

Si le gouvernement actuel veut vraiment contribuer à la promotion des véritables intérêts des travailleurs, il résistera d'abord aux pressions et au chantage des milieux patronaux pour qu'il retire son

projet de loi ou pour qu'il modifie à la baisse son contenu, il verra ensuite à l'améliorer substantiellement dans le sens des revendications des travailleurs, mais il prendra aussi les mesures nécessaires pour assurer à tous les Québécois le droit au travail, il fera sauter les obstacles juridiques à la syndicalisation des travailleurs et favorisera positivement cette syndicalisation.

Bien que s'imposant de toute urgence dans la conjoncture politico-économique actuelle, le projet de loi 126, même amendé dans le sens de nos revendications, demeurera une mesure-cataplasme pour remédier partiellement à certains problèmes criants de la société capitaliste. Nous n'allons pas nier les améliorations certaines qu'apporte le projet de loi aux normes actuellement en vigueur, mais nous allons souligner fortement son insuffisance par rapport aux objectifs qu'il est censé poursuivre. Ce qui ne saurait indiquer que nous puissions nous satisfaire de la réalisation de tels objectifs.

Dans notre analyse critique du projet de loi 126, nous allons d'abord considérer le principe d'inclure dans le texte de la loi les principales normes minimales de travail et de protéger le minimum fixé par la loi contre l'arbitraire administratif. Nous allons ensuite considérer les normes proposées en elles-mêmes. Enfin, nous aborderons le problème de la mise en application des dispositions de la loi.

Le texte législatif et le pouvoir réglementaire

La Loi du salaire minimum, que vise à remplacer le projet de loi 126, ne détermine pas directement les normes de travail, pas même les conditions salariales. Elle a pour contenu essentiel la création d'une Commission du salaire minimum ayant le pouvoir d'édicter des ordonnances et la mise en place de mécanismes pour assurer l'application et l'observation desdites ordonnances. En somme, c'est essentiellement une loi de délégation du pouvoir législatif à l'administration.

Le projet de loi 126, bien que laissant toujours une place considérable à la réglementation administrative, inclut dans le texte législatif lui-même la définition et la descrption des principales normes de travail qu'il a pour objet de protéger.

C'est là sans doute, à première vue, l'aspect positif le plus important de ce projet de loi. Il faut saluer comme un progrès tout ce qui va dans le sens de rétablir la suprématie de la loi par rapport aux décisions administratives.

La C.E.Q. a, en diverses occasions, manifesté son inquiétude devant la tendance du législateur à produire de plus en plus des lois qui sont avant tout des extensions de pouvoirs accordées à des organismes administratifs et qui remettent à ces organismes le soin de définir les normes qu'ils auront la responsabilité de faire appliquer.

Sans doute est-il nécessaire de prévoir un pouvoir réglementaire pour préciser la façon de mettre en application les dispositions diverses de la loi. Mais, il nous apparaît important que ce soit la loi elle-même qui édicte les règles de droit générales et les principes sur lesquels doivent être appuyés les règlements prévus par la loi. Il nous semble inacceptable que le législateur abdique de sa responsabilité essentielle au profit du pouvoir exécutif et des organismes administratifs.

Dans un texte de loi portant sur des normes minimales, il est sans doute nécessaire de laisser au pouvoir réglementaire la possibilité de hausser certaines normes pour répondre de mieux en mieux aux besoins des travailleurs en tenant compte de l'évolution de la conjoncture. Mais si l'objectif de la loi est précisément d'assurer et de garantir un minimum, celui-ci doit être protégé contre l'arbitraire administratif et la loi doit donc interdire toute dérogation par voie réglementaire à ses intentions fondamentales.

Le projet de loi 126 ramène donc dans le texte même de la loi la grande majorité des normes minimales de travail contenues dans les ordonnances édictées par la Commission du salaire minimum en vertu des pouvoirs que lui conféraient les articles 13 et 14 de la Loi du salaire minimum. Il crée aussi quelques normes nouvelles notamment en ce qui regarde les jours fériés, chômés et payés ainsi que les congés annuels payés.

Ayant constaté un certain progrès à ce niveau, nous sommes obligés de noter aussitôt que le projet de loi laisse encore au pouvoir réglementaire une possibilité trop grande de réduire la portée des normes contenues dans la loi et d'infléchir les objectifs fondamentaux de la loi.

La technique de la législation déléguée est utilisée dans plusieurs articles et, très souvent, d'une manière pas très heureuse. Nous en donnerons quelques exemples.

D'abord, le salaire minimum est fixé par règlement et aucune balise n'est donnée au pouvoir réglementaire pour l'établir. La semaine normale de travail aux fins du calcul des heures supplémentaires est de 44 heures, sauf dans les cas où elle est fixée par règlement du gouvernement. Le texte ne précise aucune limite au pouvoir du gouvernement d'exclure des groupes de cette norme minimale et il ne dit pas non plus si ce pouvoir réglementaire doit s'exercer quand il y a lieu de renforcir la norme ou quand le gouvernement jugera utile de la remplacer par une norme à rabais. Pour ce qui est des jours fériés, chômés et payés, le projet de loi n'en détermine que deux (1er janvier et 25 décembre), les autres pouvant être fixés par règlement. Le projet de loi est muet en ce qui concerne la détermination des normes de travail portant sur les primes, indemnités et allocations diverses, de même que sur les outils, les douches, les vestiaires et les lieux de repos, tout aussi bien que sur le salaire minimum, le bulletin de paie, le montant pouvant être exigé pour la chambre et la pension, les congés de maternité, etc., si ce n'est pour édicter qu'en ces matières le gouvernement est autorisé à faire des règlements.

Nous sommes particulièrement déçus de ce que le projet de loi ne prescrive absolument rien quant aux congés de maternité et aux congés parentaux. Nous avons déjà critiqué le contenu (ou l'insuffisance de contenu) de l'ordonnance sur les congés de maternité. A notre avis, non seulement faudrait-il accorder beaucoup plus en ce domaine, mais le minimum acceptable devrait être garanti par le texte même de la loi, quitte à ce que, là comme ailleurs, le gouvernement soit autorisé à améliorer progressivement ce minimum.

Ce qui est très grave encore, à notre avis, c'est le vaste pouvoir de réglementation accordé au gouvernement par les articles 86 et 88 qui l'autorisent à exclure de l'application totale ou partielle de la loi certains organismes ou certaines catégories de salariés. Le gouvernement peut également fixer par règlements des normes de travail particulières pour les salariés qu'il aura exclus de l'application de la norme générale et ces normes exceptionnelles ne seront elles-mêmes soumises à aucun minimum garanti par la loi.

D'autre part, le gouvernement n'a pas prévu qu'il était lui-même lié par la loi qu'il fera adopter et que ses propres salariés seront donc couverts par les conditions minimales de travail qu'elle définit. En effet, conformément à la Loi d'interprétation, la loi ne lie le gouvernement que dans la mesure où elle affirme explicitement le lier.

Or, le gouvernement et les organismes qui dépendent de lui sont les plus gros employeurs au Québec. Il est donc important pour assurer l'efficacité et l'étanchéité de la loi de dire explicitement qu'elle liera le gouvernement et couvrira tous ses employés ainsi que les employés des organismes publics et parapublics.

La loi détermine donc des normes minimales théoriques, mais laisse au gouvernement toute discrétion d'exclure de leur application des organismes et des catégories de salariés. Ce qui nous amène à nuancer fortement le jugement préliminaire porté plus haut sur cet aspect positif du projet de loi qui ramène dans le texte législatif des dispositions laissées précédemment à la réglementation.

Nous sommes obligés de constater que ce que le gouvernement semble restituer d'une main au pouvoir législatif, il s'empresse de le reprendre largement de l'autre main.

Sans doute le fait que le gouvernement devra assumer l'odieux des dérogations qu'il a le pouvoir d'accorder constitue-t-il une certaine protection contre la prolifération de telles dérogations. Mais nous savons trop le désir du gouvernement québécois de s'attirer les bonnes grâces des milieux patronaux pour nous sentir vraiment rassurés à ce sujet. Et même si nous pouvions faire aveuglément confiance au gouvernement actuel en cette matière, nous devrions nous rappeler et lui rappeler que les gouvernements ne sont pas éternels.

Tout ce que nous aurons à dire de positif à propos du projet de loi devra être aussitôt et systématiquement nuancé par les considérations qui précèdent.

Notre premier objectif par rapport au projet de loi sera donc de limiter le pouvoir réglementaire et de l'encadrer de telle sorte qu'il ne puisse infléchir les objectifs fondamentaux de la loi ou en réduire la portée. Les règlements devront servir à préciser les modalités de mise en application de la loi ou à permettre l'amélioration de certaines normes minimales, non à exclure des organismes, des groupes ou des catégories d'individus de l'application de la loi.

D'ailleurs, le projet de loi soustrait directement à l'application de certaines de ses dispositions certaines catégories de salariés. Voir notamment les articles 53 à 76 avec lesquels nous sommes d'ailleurs en désaccord. Si le législateur juge que d'autres catégories de travailleurs ou les mêmes catégories pour d'autres dispositions doivent être ainsi soustraites de l'application partielle de la loi, qu'il ait le courage et la clairvoyance de le dire lui-même au lieu de s'en remettre aveuglément à l'Exécutif pour le faire. Nous serons alors plus en mesure de juger de la qualité du texte législatif en tenant compte de ses effets appréhendés. Nous combattrons de telles exclusions, mais nous saurons au moins à quoi nous en tenir. S'il croit que certains organismes doivent être dispensés de l'application totale ou partielle de la loi, qu'il détermine au moins, de façon nettement limitative, les conditions et les circonstances dans lesquelles le gouvernement pourra être autorisé à accorder de telles dispenses. A notre avis, les articles 86 et 88 devraient être supprimés et les articles 87, 89 et 90 être réécris pour permettre à l'ensemble du projet de loi de jouer le rôle positif que nous voulons lui reconnaître de consolider dans un texte législatif fondamental les droits des travailleurs à des conditions minimales de travail.

S'il est vrai qu'il est nécessaire de maintenir un pouvoir réglementaire pour les fins exposées plus haut, celui-ci doit s'exercer au grand jour, permettre la libre expression des intéressés sur le contenu des règlements et respecter le droit du public à l'information. Les articles 36 et 37 devraient donc être amendés de façon à ce que les règlements adoptés de façon exceptionnelle au nom de l'urgence de la situation ne s'appliquent que pour une durée limitée et ne puissent être maintenus de façon permanente qu'après avoir été soumis à la procédure normale d'adoption.

Si on acceptait de limiter et d'encadrer le pouvoir réglementaire dans le sens indiqué plus haut, nous pourrions alors reconnaître que, de façon générale, les normes de travail que veut établir le projet de loi no 126 constitueront, pour la majorité des salariés, une amélioration par rapport aux nonnes déjà prévues par les ordonnances. Ce qui ne nous empêchera pas toutefois de souligner leur caractère nettement insuffisant dans la conjoncture socio-économique présente.

Les conditions minimales de travail

A ne considérer que le titre du projet de loi no 126 par comparaison avec celui de la Loi qu'il doit remplacer, on serait facilement sous l'impression qu'on va élargir considérablement le champ des préoccupations du législateur quant aux conditions minimales de travail. Cet élargissement semblerait s'imposer du fait qu'il est de plus en plus impossible de séparer les conditions salariales des autres conditions de travail. Même dans une optique minimaliste, il ne suffit plus de garantir au travailleur un salaire décent lui permettant de surnager au-dessus du seuil de la pauvreté et de faire vivre sa famille, il faut aussi lui accorder des conditions respectant ses droits à la santé physique et psychique, au repos, au divertissement, à des activités culturelles de son choix, à une vie de famille et à un libre engagement social, ainsi qu'à un minimum de sécurité pour l'avenir.

Même s'il apporte effectivement des améliorations certaines aux conditions minimales actuellement en vigueur, le projet de loi est encore très loin d'assurer le minimum visé au paragraphe précédent et de protéger efficacement tous les droits fondamentaux des travailleurs face à leurs employeurs. D'ailleurs, il ne faut pas se laisser trop éblouir par le titre du projet de loi, car les normes du travail qu'il prescrit tombent presque entièrement dans les secteurs de préoccupation déjà couverts par les diverses ordonnances de la Commission du salaire minimun. La durée du travail, les congés et les périodes de repos étaient déjà couverts sous l'empire de la loi actuelle. Le projet de loi, dans ces domaines précis, propose des améliorations aux conditions minimales en vigueur, mais n'élargit pas le champ des préoccupations. Quant aux conditions concernant la santé au travail, elles feront l'objet d'une législation distincte. Voyons donc de plus près les diverses conditions minimales proposées.

A) Le salaire

La section I du chapitre IV du projet de loi (articles 39 à 50) reprend essentiellement le contenu des ordonnances concernant le salaire.

On note ici et là certaines améliorations. Mentionnons, entre autres, l'inclusion faite par l'article 49, dans la notion de pourboire, des frais de service ajoutés à la note du client et par conséquent l'obligation d'en remettre le montant au salarié. Mentionnons aussi qu'en vertu de l'article 48 (à comparer avec l'article 9 de l'ordonnance no 4) les retenues de salaire permises par la loi comprendront désormais celles qui sont imposées par une convention collective ou un décret et celles qui sont autorisées par un écrit du salarié. De plus, l'interdiction de faire des retenues de salaire, sauf dans les cas mentionnés dans la loi, protégera désormais l'ensemble du salaire et non plus seulement le salaire minimum comme c'est présentement le cas en vertu de l'ordonnance no 4 (article 9). Mentionnons encore que, en vertu des articles 46 et 47, nul ne peut exiger d'un salarié, lors du paiement de son salaire, d'autre formalité de signature que celle qui établit que la somme remise au salarié correspond au montant du salaire net indiqué sur le bulletin de paie et il sera désormais clair que l'acceptation par un salarié d'un bulletin de paie n'emporte pas renonciation (en tout ou en partie) au salaire qui lui est dû. Mentionnons enfin le principe énoncé à l'article 40 et qui a pour effet d'empêcher que le salaire minimum ne puisse être remplacé en tout ou en partie par des avantages ayant une valeur pécuniaire.

La grande faiblesse de la section du projet de loi portant sur le salaire, c'est son silence total quant aux critères devant guider la fixation du salaire minimum.

On pourrait prétendre que le salaire minimum peut difficilement être fixé directement dans le texte de la loi dans la mesure où la loi doit garder un certain caractère de permanence et si on admet par ailleurs la nécessité d'ajuster régulièrement le salaire minimum pour tenir compte des fluctuations du pouvoir d'achat réel d'une même valeur nominale. Mais une des raisons d'être d'une législation sur le salaire minimum n'est-elle pas précisément de protéger les salariés et notamment les plus démunis d'entre eux contre une détérioration abusive de leurs salaires réels.

Il ne faut pas raisonner vis-à-vis le salaire minimum comme s'il n'avait pour objectif que de garantir une valeur symbolique, c'est-à-dire un chiffre, indépendamment de ce qu'il représente en pouvoir d'achat réel. Ce qui nous amène à dire que la loi doit faire en sorte que le pouvoir d'achat représenté par le salaire minimum fixé à un moment donné doit au minimum être intégralement maintenu au sein même de la notion de salaire minimum.

Un gouvernement qui ne ferait qu'ajuster le salaire minimum à l'indice du coût de la vie n'a pas à se vanter d'élever le salaire minimum. Il ne fait alors que le maintenir en valeur absolue. Et s'il n'accorde même pas un tel ajustement, il le laisse baisser en valeur réelle.

A notre avis, la réduction du salaire minimum réel par décision du gouvernement ou par incurie du gouvernement doit être interdite par la loi.

Si on a cru bon de dire à l'article 91 que les normes du travail contenues dans la loi et les règlements sont d'ordre public, c'est sans doute que lesdites normes de travail sont considérées comme un minimum que l'on ne peut violer sans porter atteinte aux valeurs morales qui fondent l'ordre public, tel que nous l'entendons dans la société actuelle. Est-ce à dire que l'ordre public ne tient plus lorsque ces normes minimales sont violées? Est-ce à dire que l'ordre public ne peut pas s'accommoder de normes inférieures à celles-là? Et comment donc la loi qui édicte de telles normes et leur attribue un caractère aussi fondamental pourrait-elle permettre et autoriser leur dégradation par voie réglementaire et compromettre ainsi l'ordre public lui-même?

Si la notion d'ordre public a encore une signification, il nous semble que celui-ci exige à tout le moins qu'on ne laisse pas détériorer le salaire minimum en valeur réelle. Ce serait avoir une conception bien étriquée de l'ordre public que de ne le faire tenir qu'à une valeur nominale.

Nous ne raisonnons ici qu'à partir des valeurs qui fondent officiellement l'ordre social présent. Nous savons que cet ordre social s'accommode de bien des hypocrisies; on nous permettra de les souligner à l'occasion. C'est à partir également des valeurs officiellement acceptées que le programme du Parti québécois adopté en novembre 1974 prévoyait un taux de salaire minimum de $3.00 à cette date, indexé à la hausse du coût de la vie et à la productivité nationale. Si le gouvernement actuel avait appliqué cet article de programme, le salaire minimum aurait été fixé à $3.80 et non à $3.00 le 1er janvier 1977. Il y avait donc dès le point de départ une dérogation importante à l'esprit du programme de 1974. Mais maintenant, le gouvernement a décidé de déroger ouvertement à la lettre même du programme politique sur lequel il a été élu en 1976, en abandonnant le principe de l'indexation du salaire minimum.

L'obligation d'indexer régulièrement les salaires doit être incluse dans le texte même de la loi.

Or, la simple indexation au coût de la vie protégerait le pouvoir d'achat en valeur absolue des travailleurs payés au niveau du salaire minimum, mais n'empêcherait pas nécessairement une dégradation de leur situation économique relative par rapport aux autres travailleurs du Québec.

On pourrait proposer que le salaire minimum soit régulièrement indexé selon l'évolution du salaire moyen. Mais la simple indexation au salaire moyen empêcherait sans doute que ne s'accroissent indûment les écarts entre les salaires, mais ne protégerait pas nécessairement le pouvoir d'achat en valeur absolue représenté par le salaire minimum. Présentement, par exemple, on observe que le salaire moyen augmente moins vite que l'indice du coût de la vie. Ce qui se traduit par une perte de pouvoir d'achat pour l'ensemble des travailleurs.

C'est pourquoi nous proposons de modifier l'article 39 du projet de loi de façon à ce que le gouvernement ait l'obligation de fixer tous les trois mois le salaire minimum de telle sorte qu'il ne puisse jamais être inférieur à celui de la période précédente ni en pouvoir d'achat réel, ni en valeur relative par rapport au salaire moyen en évolution.

Pour ce qui est du taux minimum de départ, on pourrait l'inscrire directement dans la loi, soit le fixer par règlement avant l'adoption du projet de loi. A condition, bien sûr, que le mécanisme visé à l'alinéa précédant soit retenu et rendu obligatoire par la loi.

Nous avons déjà dit dans notre mémoire de février 1977 que le taux minimum devrait être fixé à $4.44 l'heure en date du premier (1er) novembre 1976. Indexé selon l'évolution du salaire moyen depuis cette date, ce taux minimum devrait être maintenant de $5.23. Indexé selon la progression de l'indice du coût de la vie, il devrait être de $5.25. C'est ce dernier montant que nous demandons au gouvernement d'appliquer aujourd'hui.

B) La durée du travail

Dans la section II du chapitre IV (articles 51 à 58), on reprend aussi, pour l'essentiel, les dispositions concernant la durée du travail que l'on retrouve dans les diverses ordonnances.

On remarque tout d'abord que la semaine "normale" de travail aux fins de calcul des heures supplémentaires a été diminuée de 45 heures à 44 heures. Ce qui équivaut à 5 1/2 jours à raison de 8 heures par jour. On pourra prendre acte de ce gain d'une heure par semaine, mais nous pensons que ce n'est pas suffisant. En 1979, il devrait être acquis que la semaine "normale" de travail est de 40 heures, c'est-à-dire de huit (8) heures par jour en moyenne pour une semaine de cinq (5) jours. D'autre part, nous regrettons que la semaine "normale" de travail ne soit définie que pour le calcul des heures supplémentaires. Nous croyons que le travailleur devrait avoir le droit de refuser du travail au-delà du nombre d'heures définissant la semaine "normale" de travail. (La semaine normale au sens du projet de loi, c'est la semaine des conditions minimales de travail; même ramenée à 40 heures, elle demeure au-delà de la norme généralement observée chez l'ensemble des travailleurs québécois et canadiens).

Dans un pays où sévit un tel taux de chômage, les deux mesures que nous suggérons se justifient amplement dans le cadre même des objectifs que poursuit le présent gouvernement. Il est possible aujourd'hui, sans réduire la production des biens et des services, d'accorder à tous les travailleurs une meilleure reconnaissance de leurs droits au repos, au divertissement, au loisir, à la culture et à la vie de famille. La reconnaissance effective de ces droits passe aujourd'hui par la réduction de la semaine normale de travail et par la possibilité pour le travailleur de refuser de travailler au-delà de cette semaine normale.

On peut, même en respectant la semaine de 40 heures, abuser de la santé et de la résistance physique ou psychique du travailleur par une trop forte concentration de ses heures de travail. Celle-ci peut, en certains cas, constituer un risque sérieux pour la sécurité du travailleur ou du public (pensons notamment au cas des chauffeurs).

Nous recommandons qu'en plus de la semaine "normale" de travail, on définisse aussi la journée "normale" de travail. Celle-ci devrait être de huit (8) heures au-delà desquelles le travailleur aurait droit de refuser de travailler et serait rémunéré, le cas échéant, au tarif du temps supplémentaire. Pour éviter des abus notamment dans le cas des travailleurs de nuit (dont la période de travail continu peut chevaucher deux journées), il faudrait préciser que les mêmes dispositions s'appliquent au travail d'affilée de plus de huit (8) heures.

C) Les jours fériés, chômés et payés

La section III du chapitre IV (articles 59 à 64) donne un statut particulier au 1er janvier et au 25 décembre en tant que jours fériés. Ces deux jours étaient déjà reconnus comme jours fériés en vertu du paragraphe 14 de l'article 17 du Code civil. Etaient également reconnus comme jours fériés, en vertu du même paragraphe: les dimanches, le vendredi saint, le lundi de Pâques, le 24 juin (ou le 25 juin, si le 24 tombe un dimanche), le 1er juillet (ou le 2 juillet, si le 1er tombe un dimanche), le premier lundi de septembre, l'anniversaire du Souverain et tout autre jour fixé par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil comme jour de fête publique ou d'action de grâces. Par l'article 55, ces jours fériés sont assimilés à des jours de travail aux fins du calcul des heures supplémentaires. A moins que nous ne comprenions mal la portée de cette disposition, cela semble vouloir dire que les heures de travail effectuées un jour férié (sauf Noël, le Jour de l'An et la Saint-Jean), sont tout simplement ajoutées aux heures faites les autres jours de la semaine jusqu'à concurrence de 44 heures et que ce n'est qu'au-delà de ces 44 heures que le travailleur est rémunéré au tarif du temps supplémentaire. Si tel est le cas, l'article 55 vide totalement la notion de jour férié de son sens propre. En somme, le Code civil énumère les jours fériés et la Loi sur les normes de travail nous dira que ces jours ne sont fériés que de nom, car ils sont assimilés à des jours de travail.

C'est avec cette toile de fond qu'il faut interpréter les articles 59 à 64. La vraie portée de cette section, c'est qu'il n'y aura plus désormais que trois jours fériés, chômés et payés au cours de l'année; le 24 juin l'est en vertu de la Loi sur la fête nationale. Nous ne comprenons pas pourquoi, dans une optique de consolidation, on n'a pas cru bon de le mentionner à l'article 59.

Nous croyons que, conformément à la norme généralement observée chez l'ensemble des travailleurs, on devrait consacrer dans la loi le droit, en plus des dimanches, à une dizaine de jours fériés, chômés et payés, par année, non assimilables à des jours de travail, et ouvrant droit au refus de travailler un de ces jours et à une rémunération au tarif du temps supplémentaire. Certains de ces jours fériés devraient être déterminés dans la loi (la Loi sur les normes de travail devrait concorder avec le Code civil). D'autres pourraient être déterminés soit dans les conventions collectives pour les travailleurs qu'elles régissent, soit par règlements pour les autres travailleurs.

Dans le cas des jours fériés hebdomadaires (les dimanches, selon le Code civil), tout travailleur devrait avoir, à tout le moins, le droit de refuser de travailler à la fois le samedi et le dimanche au cours d'une même fin de semaine et recevoir une rémunération supplémentaire s'il doit travailler à la fois le samedi et le dimanche.

Quant à la liste des jours fériés déterminés dans la loi (Code civil), nous croyons qu'on devrait y ajouter le 29 février et le premier (1er) mai, Fête des travailleurs.

Que le 29 février soit un jour férié, chômé et payé constituerait une simple mesure de justice. Car présentement les travailleurs font durant les années bissextiles une journée de travail supplémentaire et ils continuent à être payés au même salaire annuel que si l'année n'était pas bissextile. Ce qui fait que le salaire hebdomadaire est moins élevé durant une année bissextile que durant une année normale. Voilà donc présentement une journée de travail donnée gratuitement au patron par le travailleur. Nous demandons que cette journée soit restituée au travailleur.

D) Les congés annuels payés

La section IV du chapitre IV porte sur les congés annuels payés, dont traitait déjà l'Ordonnance no 3. On confirme le droit à deux semaines de congé payé après une année de service continu. Le projet de loi clarifie les modalités de prise de vacances et interdit clairement à l'employeur de remplacer les vacances par une indemnité compensatrice.

Toutefois, on n'a pas introduit le droit au congé annuel pour les travailleurs qui changent d'emploi en cours d'année. Pour ceux-ci, l'interdiction visée à l'article 72 ne s'applique pas, car ils reçoivent une indemnité compensatrice au moins égale à 4% du salaire gagné. Nous croyons que le travailleur devrait avoir toujours le droit à son congé annuel pris à même les indemnités qui lui ont été payées à cette fin par ses employeurs successifs ou à ses frais s'il le désire.

Pour rendre effective cette disposition, une période de congé annuel devrait être déterminée par la loi, en y laissant une certaine flexibilité pour tenir compte des besoins particuliers. Ainsi, nous suggérons qu'au moins deux semaines du congé annuel se prennent normalement entre le 24 juin et le premier lundi de septembre, à moins qu'une convention collective ou un décret en tenant lieu n'en dispose autrement, ou à moins que le salarié ne soit laissé totalement libre de les prendre à un moment de son choix.

L'amélioration la plus importante apportée par le projet de loi dans cette section par rapport à la situation présente, c'est le droit à une troisième semaine de congé annuel après 10 ans de service continu chez le même employeur. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une amélioration, mais nous trouvons que c'est vraiment trop peu.

Nous pensons qu'il serait temps de reconnaître le droit pour tous les salariés à quatre semaines de congé annuel payé et le droit à une cinquième semaine après 5 ans de service continu chez le même employeur. Il serait possible dès maintenant de reconnaître ces droits sans réduire la production des biens et des services au pays, étant donné le taux de chômage élevé que nous subissons.

Les indemnités de 4% et de 6% prévues à l'article 73 doivent être augmentées respectivement à 8 1/3% et à 10 2/3%.

E) Les repos et les congés divers

La section V du chapitre IV porte sur un aspect des conditions de travail que les législations antérieures ont négligé ou laissé se détériorer: celui des repos et congés divers. On part de tellement loin en ce domaine que l'on ne peut pas se contenter des améliorations proposées, lesquelles peuvent sembler importantes par rapport à ce qui existe déjà en droit, mais apparaître en même temps mesquines si on les met en relation avec les besoins et les aspirations des travailleurs.

L'article 77 n'apporte rien de neuf. Il reprend textuellement l'article 8 de l'Ordonnance no 4. Il garantit le droit à un repos hebdomadaire d'une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives. Ceci est nettement insuffisant, même dans l'optique d'assurer une journée de repos hebdomadaire.

Si, par exemple, le repos hebdomadaire est fixé au dimanche, le droit à un repos de vingt-quatre heures consécutives signifie qu'un travailleur pourrait cesser de travailler à minuit le samedi soir et être requis de reprendre le collier à minuit le dimanche soir. Ce n'est pas là un repos hebdomadaire.

Le repos hebdomadaire ne doit pas avoir pour seul objectif de donner au travailleur le temps de récupérer ses forces physiques avant de reprendre une autre semaine de travail. Il doit lui donner la possibilité de vivre avec sa famille ou d'accomplir des activités de son choix. En conséquence, on ne doit pas le placer dans la situation d'avoir à prendre deux nuits de sommeil à même ces vingt-quatre (24) heures.

Nous favorisons la semaine de travail de 40 heures, c'est-à-dire de 5 jours à 8 heures par jour parce que nous croyons que le travailleur a besoin de deux jours de repos par semaine. Dans cette perspective, si nous voulions protéger le droit à deux jours consécutifs de repos hebdomadaire, celui-ci devrait être de 64 heures consécutives (48 heures et 2 fois 8 heures). Nous admettons toutefois que l'on puisse, en certains cas, répartir en deux périodes ce repos hebdomadaire. Mais alors, il faut au moins garantir pour chacune de ces périodes une journée complète normale, c'est-à-dire une journée précédée d'une soirée et d'une nuit normales et suivie d'une autre nuit normale.

C'est pourquoi nous réclamons un repos hebdomadaire qui, s'il est pris en une seule période, devrait être d'une durée minimale de 64 heures consécutives et, s'il est pris en deux périodes discontinues, devrait comporter deux fois 40 heures consécutives. Ce ne serait là qu'une mesure de protection élémentaire du repos hebdomadaire contre la voracité ou l'inconscience de certains employeurs.

L'article 78 propose une timide amélioration à la situation présente. Désormais le salarié aura droit, pour chaque période de travail de cinq heures consécutives, à une période rémunérée de 30 minutes ou à une période non rémunérée de 60 minutes pour le repas.

Il vaut mieux sans doute assurer trente minutes pour le repas que de ne rien assurer du tout. C'est pourtant encore nettement insuffisant. Nous ne voyons vraiment pas pourquoi on veut ainsi permettre à l'employeur de pénaliser le travailleur qui prendrait 60 minutes pour son repas. Et pourquoi ne dit-on pas clairement que le travailleur a droit de prendre 60 minutes? Si la période de travail est de huit heures consécutives, il nous apparaîtrait comme de la décence élémentaire de lui reconnaître et garantir le droit à une période de 90 minutes pour le repas dont au moins 60 minutes rémunérées.

A l'occasion du décès ou des funérailles d'un de ses parents, le travailleur devrait avoir droit à cinq (5) jours d'absence dont au moins trois (3) sans perte ou diminution de salaire.

Nous trouvons étrange qu'à l'article 80, on ait prévu que le salarié puisse s'absenter le jour du mariage d'un de ses enfants, mais qu'il n'ait pas la même possibilité le jour de son propre mariage.

Nous reviendrons plus loin sur la question des congés parentaux, touchés de façon très partielle par l'article 80. Nous regrettons que l'on n'ait pas songé à couvrir enfin le problème des absences pour raison de maladie au sein des conditions minimales de travail. Des dispositions à cet effet sont prévues dans toutes les conventions collectives. Elles devraient inspirer une disposition minimale applicable à tous les travailleurs.

F) Le préavis et le certificat de travail

Les articles 81 à 83 apportent d'autres modifications importantes aux conditions minimales de travail en consacrant le droit au préavis ou à une indemnité compensatrice en cas de licenciement ainsi qu'à un certificat faisant état exclusivement de la nature et de la durée de son emploi.

A l'article 81, nous ne comprenons pas pourquoi on exclut du droit au préavis les salariés qui ont un contrat pour une entreprise déterminée. Cette exclusion pour le moins étrange risque bien d'enlever toute sa portée à une disposition tout à fait élémentaire.

Il faut aller au-delà de la notion de préavis retenue dans le projet de loi. Il est temps d'établir au grand jour qu'on ne peut pas congédier un travailleur pour n'importe quel motif. Au moins trois lois, à notre connaissance, mentionnent des motifs de congédiements qui rendent illicites lesdits congédiements. Il s'agit du Code du travail, qui interdit les congédiements pour activité syndicale, de la Charte de la langue française, qui interdit les congédiements pour la seule raison que le travailleur ne parle que

français et du présent projet de loi qui interdit les congédiements pour quatre motifs énumérés à l'article 114. Les trois lois citées prévoient en principe qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il n'a pas congédié son employé pour cette raison. Il y a cependant des échappatoires et malheureusement les travailleurs ne sont pas toujours informés de leurs droits dans les circonstances.

Nous proposons donc que la loi impose à l'employeur l'obligation de donner au Commissaire-enquêteur un préavis dans tous les cas de congédiement et d'indiquer dans ce préavis le motif du congédiement. L'employé serait informé en même temps que le Commissaire-enquêteur de son éventuel congédiement et des motifs invoqués. Le congédiement ne pourrait être effectif qu'après que le Commissaire-enquêteur aurait jugé qu'il n'est pas fait pour des motifs interdits par la loi.

Nous pensons aussi que le délai de préavis minimum devrait être augmenté d'une semaine par année de service.

Ceci n'aurait tout simplement pour effet que de rendre efficaces des dispositions législatives existantes par rapport aux objectifs qu'elles sont censées poursuivre. Mais il faudrait aller beaucoup plus loin pour enlever à l'employeur son pouvoir discrétionnaire quasi absolu de mettre fin à la relation de travail sans avoir à exprimer un motif valable.

Dans le cas des licenciements collectifs, il faudrait prévoir des indemnités de licenciement non inférieures à un an de salaire et qui devraient être allongées selon l'âge du travailleur et ses années de service. Le gouvernement du Québec n'innoverait pas alors, puisque des législations de cette nature existent en plusieurs autres pays, notamment en France, en Belgique, en Grande-Bretagne et en Suède.

A l'article 82, nous ne voyons pas la nécessité de mentionner comme exception à l'obligation de verser l'indemnité compensatrice les cas d'insolvabilité de l'employeur ou de force majeure. La mention du cas d'insolvabilité comme exception pourrait permettre à l'employeur de se déclarer insolvable après avoir payé ses autres dettes et se libérer ainsi de toute obligation vis-à-vis ses salariés congédiés. Nous croyons que la dette contractée à l'égard de ses salariés doit au contraire être prise en considération de façon prioritaire.

Nous souhaitons que l'on amende toutes les lois nécessaires pour garantir ce droit prioritaire au salaire, le droit pour le salarié à être considéré comme le premier créancier dans tous les cas de liquidation ou de faillite.

G) Les congés parentaux et les autres normes de travail

Comme nous l'avons déjà dit plus haut, nous regrettons que les autres normes de travail ne trouvent pas leur définition dans le texte même de la loi. Elles sont renvoyées à la réglementation gouvernementale.

Parmi celles-ci, il y a celle qui concerne les congés de maternité. Elle est présentement couverte par l'Ordonnance no 17. Il faut ajouter, en ce qui concerne les congés parentaux, les deux jours sans salaire prévus à l'article 80 à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. C'est très maigre.

Le droit à la maternité sans risque de discrimination au niveau de l'emploi ou des avantages reliés à l'emploi doit être formellement garanti par la loi. Le début de reconnaissance de ce droit à l'article 114 est insuffisant. La non-discrimination à l'embauche, à l'endroit non seulement des femmes enceintes mais également des femmes en état de devenir enceintes, doit notamment être couverte de façon très claire.

A ce droit général, il faut ajouter le droit au congé de maternité garanti directement par le texte de la loi. Ce congé doit être accordé avec plein salaire et sans perte de droits ou d'avantages pour une durée minimale de vingt semaines dans la période entourant la date prévue pour la naissance.

En plus de ce congé minimum à l'occasion d'une maternité, la mère doit avoir le droit de prolonger son absence au travail en utilisant un congé parental non rémunéré, mais sans rupture du lien d'emploi et sans perte d'aucun droit ou avantage relié à l'emploi. Ce congé parental consécutif à la naissance d'un enfant et pouvant s'étendre jusqu'à vingt-quatre (24) mois devrait être garanti comme un droit à la mère travailleuse.

Il faudrait prévoir que si la mère ne s'en prévaut pas, le père puisse, à la demande de la mère, s'en prévaloir aux mêmes conditions.

Le droit au congé parental sans salaire de vingt-quatre (24) mois devrait exister aussi et aux mêmes conditions dans le cas d'une adoption, pour la période consécutive à l'adoption.

Parmi les objectifs à atteindre en ce domaine, il y a d'abord celui d'assurer à la travailleuse qui met au monde un enfant que la société ne la pénalisera pas pour avoir accompli cette fonction sociale et qu'elle aura droit d'être mère sans perdre les avantages reliés à son emploi. Il y a ensuite celui de reconnaître la participation du père à la vie de sa famille et le droit pour celui-ci de s'y consacrer, le cas échéant, d'une façon intensive si tel est le choix du couple parental.

Il faut aussi permettre aux parents qui ont déjà des enfants de continuer à assumer normalement leurs rôles parentaux, notamment à l'occasion de maladies des enfants ou à l'occasion d'événements particulièrement importants dans la vie des enfants. C'est pourquoi nous demandons qu'on reconnaisse aux parents travailleurs le droit à une dizaine de jours par année de congés parentaux payés pour leur permettre d'assumer normalement leurs rôles parentaux.

Nous sommes conscients que ces objectifs ne peuvent pas être atteints uniquement par les mécanismes prévus dans le présent projet de loi et en faisant porter notamment sur l'employeur de la travailleuse concernée le fardeau financier du congé de maternité. Car alors, le risque serait que l'on développe une forme cachée de discrimination à l'embauche contre les femmes en état d'avoir des enfants. C'est pourquoi il faudra songé à créer une Caisse québécoise des congés de maternité et des congés parentaux administrée par l'Etat, à laquelle devraient contribuer tous les employeurs au prorata des salaires payés et indépendamment du sexe de leurs employés.

Application et efficacité de la loi

Nous avons souligné les graves insuffisances du projet de loi actuel au niveau de la définition des normes minimales de travail, c'est-à-dire qrant aux droits reconnus aux travailleurs par le texte du projet de loi. Nous reconnaissons toutefois que, par rapport à la situation actuelle, le projet de loi no 126 apporte des améliorations certaines.

Reste à voir si cette loi pourra être efficacement appliquée. Les mécanismes de contrôle et les recours prévus aux chapitres II, III et V s'inspirent essentiellement de la même philosophie que la présente Loi du salaire minimum.

La Commission des normes du travail remplace la Commission du salaire minimum et elle aura pour fonction de surveiller la mise en oeuvre et l'application des normes du travail. Le rôle de conciliation attribué à la Commission du salaire minimum est mis de côté; mais ce service est actuellement donné par le ministère du Travail.

Ce qui nous inquiète davantage en ce qui concerne le rôle attribué à la commission et ses moyens d'intervention, c'est le fait qu'on ne lui reconnaît pas le pouvoir de faire appliquer l'ensemble des dispositions de la loi concernant les conditions minimales de travail.

Par exemple, à l'article 97, on ne permet à la commission d'intervenir que pour réclamer la partie du salaire dû correspondant au salaire minimum. Pourquoi cette restriction et pourquoi placer le travailleur dans la situation d'avoir à utiliser un second recours pour récupérer le reste de son salaire? Il semble cependant y avoir contradiction ici avec les articles 110 et 111.

De plus, la commission n'a pas le devoir d'agir, elle en a seulement le pouvoir. Le salarié qui serait insatisfait de la façon dont la commission assume ses fonctions semble bien ne disposer d'aucun recours contre elle. Tout ce qu'il est en droit de requérir de la commission, c'est que son identité ne soit pas dévoilée pendant l'enquête consécutive à une plainte qu'il aurait formulée.

Les délais de prescription des actions civiles intentées en vertu de la loi sont souvent beaucoup trop courts. Bien des travailleurs ne sont pas informés de leurs droits ou peuvent en être informés trop tard. D'autres, par timidité ou par crainte de représailles, pourront tarder à faire valoir leurs droits.

En plus de prolonger les délais de prescription, il faudrait prévoir qu'à l'occasion d'un recours justifié utilisé dans les délais prescrits, on puisse remonter aussi loin que possible dans le passé quand il s'agit de réclamer des avantages reconnus par la loi dont un salarié a été privé durant plusieurs années consécutives.

Nous recommandons, bien sûr, la suppression totale de l'article 146 qui aurait pour effet de priver des travailleurs couverts par une convention collective des avantages de la loi. Nous demandons l'application intégrale des articles 91 et 92, étant entendu que les conventions collectives demeurent en vigueur dans toute la mesure de leur compatibilité avec les conditions minimales (en tant que minimales) contenues dans la loi.

Nous reconnaissons l'utilité de la commission pour surveiller l'application de la loi. Cependant, nous nous gardons de tout enthousiasme naïf en ce domaine. Aucune commission, si efficace soit-elle et fût-elle équipée d'une armée d'enquêteurs, ne remplacera l'action collective indispensable des travailleurs pour la défense de leurs droits.

D'une part, les enquêteurs et les surveillants ne peuvent pas être partout à la fois et d'autre part, les droits fondamentaux des travailleurs ne peuvent pas être définis une fois pour toutes d'une manière statique. Il est légitime que les exigences des travailleurs augmentent à mesure que la capacité de production de l'organisme économique s'accroît. Car pourquoi les travailleurs devraient-ils à perpétuité se contenter d'un minimum, fût-il garanti, alors que les capitalistes et leurs alliés de classe se partageraient presque seuls ou en forte priorité les fruits du progrès économique.

Nous n'acceptons pas par ailleurs que l'on mette en opposition les intérêts des travailleurs syndiqués et ceux des travailleurs non syndiqués. Les uns comme les autres profiteront d'une législation garantissant des normes minimales de travail. Ni les uns ni les autres ne peuvent se reposer exclusivement sur les garanties d'une telle législation. D'autre part, tous les travailleurs, syndiqués ou non, profitent des victoires syndicales et nous souhaitons que celles-ci aient une répercussion jusque dans la définition des normes minimales de travail applicables à tous.

C'est pourquoi notamment nous avons proposé que le salaire minimum soit indexé au salaire moyen. Des dispositions analogues pourraient s'appliquer à la semaine normale de travail et à la durée du congé annuel rémunéré. Ceci pour ne pas accroître indûment l'écart entre les conditions moyennes et les conditions minimales.

Mais il ne faudrait pas se contenter de ne pas laisser s'accroître l'écart, il faudrait aussi viser à le réduire dans la mesure du possible. C'est alors qu'il faudrait mettre de l'avant un plan de rattrapage social permettant une amélioration progressive des normes minimales garanties. Pour associer tous les intéressés à la définition et à la redéfinition constante du contenu du plan de rattrapage, on pourrait envisager, à titre permanent, la création d'une commission parlementaire itinérante sur les normes du travail. Cette commission parlementaire aurait comme fonction de conseiller le gouvernement dans la rédaction des règlements qui peuvent fixer des normes améliorées par rapport au texte de la loi et, périodiquement, de proposer des remises à jour de la loi elle-même.

Un tel plan de rattrapage social ne sera par ailleurs vraiment efficace que dans la mesure où les travailleurs concernés y détiendront une grande part d'initiative. Ils doivent se faire entendre. Les travailleurs du bas de l'échelle doivent surtout avoir la possibilité de se défendre eux-mêmes collectivement, d'élaborer entre eux leurs propres revendications, d'organiser leur action et de livrer leurs propres luttes.

Nous l'avons dit: une loi garantissant des conditions minimales de travail est d'une impérieuse nécessité dans le contexte actuel. Mais nous croyons encore davantage à l'action syndicale des travailleurs concernés.

En complément de la loi sur les conditions minimales de travail, il faudra donc privilégier un ensemble de mesures favorisant l'action collective et plus particulièrement la syndicalisation massive des travailleurs les plus démunis. L'article 120 du projet de loi va dans le sens de ce que nous suggérons. Mais il faut aller plus loin.

Il faudrait reconnaître explicitement aux organisations syndicales une possibilité d'intervention pour loger et faire cheminer des griefs en rapport avec l'application de la loi. Ce pouvoir d'intervention devrait même être reconnu à un syndicat qui n'a pas encore obtenu de certificat d'accréditation, à la seule condition qu'il puisse démontrer qu'il n'est pas dominé par l'employeur.

Le droit pour le travailleur de se faire représenter par une association de salariés de son choix pour toutes les procédures qu'il peut prendre en vertu de la loi devrait lui-même être explicitement affirmé et garanti.

Pour assurer une meilleure information sur le contenu de la loi et une meilleure implication des travailleurs concernés dans la défense de leurs droits, ceux-ci devraient avoir la possibilité de participer à une session annuelle d'information et de formation d'une journée ouvrable, sans perte de salaire, à raison d'un employé par groupe ou tranche de huit employés (ou, pour la dernière tranche, d'au moins cinq employés) dans chaque unité de travail. L'employé participant à cette session de formation serait choisi chaque année par le collectif des travailleurs de l'unité de travail concernée. Les unités de travail employant moins de cinq (5) salariés devraient libérer obligatoirement un travailleur à tous les deux ans pour participer à une telle session.

Certains peuvent penser que le fait d'accorder des normes minimales de travail convenables et de les faire connaître pourrait freiner la nécessaire syndicalisation des travailleurs. Nous ne sommes pas de cet avis.

Nous pensons au contraire que plus il y aura de droits nettement affirmés dans la législation, plus s'imposera pour les travailleurs la nécessité de se doter d'instruments efficaces pour faire valoir et respecter ces droits. Une armée d'inspecteurs relevant de la bureaucratie gouvernementale ne réussira jamais à faire respecter la plus parfaite ou la plus imparfaite des lois, si les travailleurs ne se prennent pas eux-mêmes en charge quant à la défense de leurs droits, que ceux-ci découlent d'un texte de loi ou d'une convention collective.

Si le gouvernement veut réellement contribuer à la libération des travailleurs, s'il croit vraiment à la nécessité de protéger les droits fondamentaux des travailleurs et de garantir des normes minimales de travail, il devra accompagner les dispositions contenues dans le projet de loi 126 d'un ensemble de mesures pour favoriser la syndicalisation massive des travailleurs québécois.

En conclusion

La CEQ rappelle que l'amélioration des conditions de travail constitue un des facteurs les plus fondamentaux de l'amélioration de la qualité de la vie pour la très grande majorité des Québécois. La CEQ rappelle que l'amélioration des conditions de travail constitue un des facteurs les plus fondamentaux de l'amélioration de la qualité de la vie pour la très grande majorité des Québécois.

La CEQ reconnaît que l'amélioration de la qualité de la vie et même l'amélioration des conditions de travail ne peuvent être obtenues uniquement par voie de négociation patronale-syndicale ou par les mécanismes des conventions collectives.

La CEQ constate qu'un grand nombre de Québécois ne jouissent même pas du droit au travail (une famille sur cinq touchée par le chômage).

La CEQ affirme que c'est par la planification du développement économique du Québec au service des travailleurs et par l'application d'une politique assurant une équitable répartition des richesses que pourront être assurées de bonnes conditions de travail et de vie à l'ensemble de la population, en particulier à ceux plus démunis qui ne jouissent pas encore présentement du droit au travail.

La CEQ appelle l'indispensable prise en charge par les travailleurs de leurs propres intérêts et réaffirme la nécessité d'organisations autonomes des travailleurs québécois pour défendre et promouvoir leurs intérêts économiques, politiques et socio-culturels.

A l'occasion du débat public sur le projet de loi no 126 portant sur les conditions minimales de travail, la CEQ formule les recommandations suivantes:

Résumé des recommandations

R.1 — Que le pouvoir réglementaire attribué par le projet de loi soit mieux encadré de façon à ce qu'il ne s'exerce que dans le sens des intentions avouées de la loi.

R.2 — Que le texte de loi laisse au pouvoir réglementaire la possibilité de hausser les normes minimales pour mieux répondre aux attentes des travailleurs, mais que la dégradation desdites normes par voie réglementaire soit interdite.

R.3 — Que le texte de la loi affirme son intention de lier le gouvernement et de couvrir par conséquent les salariés du gouvernement.

R.4 — Que le pouvoir attribué par le projet de loi au gouvernement de fixer par règlement le salaire minimum soit assorti de l'obligation de le fixer tous les trois mois, de telle sorte qu'il ne puisse jamais être inférieur à celui de la période précédente ni en pouvoir d'achat réel, ni en valeur relative par rapport au salaire moyen en évolution.

R.5 — Que le taux de départ du salaire minimum, servant de base aux indexations futures, soit fixé dans la loi ou par règlement avant l'adoption de la loi à $5,25 l'heure.

R.6 — Que la semaine normale de travail soit ramenée à 40 heures et que tout travailleur ait le droit de refuser de travailler au-delà de cette semaine normale.

R.7 — Que l'on définisse également une journée normale de travail assortie du droit pour tout travailleur de refuser de travailler au-delà du nombre d'heures qui la définit et de recevoir une rémunération au tarif du temps supplémentaire s'il accepte de travailler au-delà de cette journée normale.

R.8 — Que l'on reconnaisse le droit pour tout travailleur de refuser de travailler les jours fériés énumé-rés dans le Code civil et de recevoir, s'il travaille un de ces jours, une rémunération au tarif du temps supplémentaire ou un congé compensatoire.

R.9 — Que le 29 février et le premier mai soient ajoutés à la liste des jours fériés, chômés et payés.

R.10 — Que l'on reconnaisse également aux travailleurs qui ont changé d'emploi en cours d'année le droit à un congé annuel minimum.

R.11 — Que la loi détermine qu'au moins deux semaines de congé annuel soient prises entre le 24 juin et le premier lundi de septembre à moins qu'une convention collective ou un décret en tenant lieu n'en dispose autrement ou à moins que le salarié ne soit laissé totalement libre de les prendre à un moment de son choix.

R.12 — Que le congé annuel minimum soit porté immédiatement à quatre semaines et que le droit à une cinquième semaine soit acquis après cinq (5) ans de service continu chez le même employeur.

R.13 — Que le repos hebdomadaire soit d'une durée minimale de 64 heures consécutives s'il est pris en une seule période ou doive comporter deux fois 40 heures consécutives s'il est pris en deux périodes discontinues.

R.14 — Que l'on reconnaisse au salarié le droit de s'absenter de son travail sans perte et sans réduction de salaire le jour de son propre mariage.

R.15 — Que l'on reconnaisse le droit aux travailleurs qui ont des enfants mineurs à dix jours ouvrables de congé par année sans perte de salaire pour assumer leurs responsabilités parentales.

R.16 — Que les conditions minimales de travail comportent le droit à des jours de congé sans perte de salaire à l'occasion de maladies de courte durée, ainsi qu'à un régime obligatoire d'assurance-salaire pour couvrir les cas de maladies prolongées.

R.17 — Que tout employeur qui projette de congédier un de ses employés soit tenu d'en aviser le Commissaire-enquêteur et de l'informer, en même temps que l'employé concerné, des motifs du congédiement éventuel.

R.18 — Qu'aucun congédiement ne puisse être effectué avant que le Commissaire-enquêteur n'ait formellement reconnu que ce congédiement n'est pas fait pour des motifs interdits par la loi.

R.19 — Que, dans le cas de licenciement collectif, l'employeur soit tenu de verser une indemnité de licenciement non inférieure à un an de salaire et qui devrait être allongée selon l'âge du travailleur et ses années de service.

R.20 — Que la dette contractée en vertu de l'article 82 par un employeur envers un employé licencié soit assimilable à une dette de salaire.

R.21 — Qu'une dette de salaire ait priorité absolue sur tout autre genre de dette, y compris les dettes fiscales.

R.22 — Que le droit au congé de maternité soit inscrit dans le texte de la loi.

R.23 — Que l'on assure à la travailleuse qui donne naissance à un enfant le droit, pour l'accomplissement de cet acte social, à un congé de maternité de vingt (20) semaines avec plein salaire sans perte de droits ou d'avantages reliés à l'emploi, ainsi que le droit à un congé parental supplémentaire sans salaire et pouvant aller jusqu'à vingt-quatre (24) mois avec garantie d'emploi au retour, si elle choisit d'interrompre temporairement son travail pour vivre avec son enfant.

R.24 — Que soit créée une Caisse québécoise des congés de maternité et des congés parentaux administrée par l'Etat et à laquelle devraient contribuer tous les employeurs au prorata des salaires payés, indépendamment du sexe de leurs employés.

R.25 — Que, dans les cas où la mère ne se prévaudrait pas du congé parental sans salaire consécutif à son congé de maternité, le père puisse s'en prévaloir aux mêmes conditions.

R.26 — Que le congé parental sans salaire à la suite d'une naissance puisse s'appliquer dans les cas d'adoption.

R.27 — Que la Commission des normes du travail puisse intervenir pour réclamer de l'employeur récalcitrant la totalité du salaire dû et non la seule partie de ce salaire correspondant au salaire minimum.

R.28 — Que l'on reconnaisse explicitement au travailleur le droit de se faire représenter par une association de salariés de son choix pour toutes les procédures qu'il peut prendre en vertu de la loi pour protéger ses conditions de travail.

R.29 — Que, dans chaque unité de travail, des travailleurs choisis par leurs confrères soient libérés pour une journée chaque année sans perte de salaire pour participer à une session annuelle d'information et de formation sur les conditions minimales de travail.

R.30 — Que les dispositions contenues dans le projet de loi 126 soient accompagnées d'un ensemble de mesures pour favoriser la syndicalisation massive des travailleurs québécois.

R.31 — Que le gouvernement mette de l'avant un plan de rattrapage social permettant une amélioration progressive des normes minimales de travail et qu'à cette fin une Commission parlementaire itinérante des normes du travail soit instituée sur une base permanente avec le mandat de faire participer tous les intéressés à la définition du contenu du plan de rattrapage social, de conseiller le gouvernement sur l'amélioration des normes de travail et de proposer, le cas échéant, des remises à jour de la loi.

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