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Projet de loi no 126
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de
la main-d'oeuvre est réunie pour entendre les mémoires concernant
le projet de loi numéro 126, Loi sur les normes du travail. Les membres
de la commission sont: M. Bellemare (Johnson); M. Bisaillon (Sainte-Marie); M.
Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou); M. Johnson (Anjou); M.
Lavigne (Beauharnois); M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Pagé (Portneuf); M. Roy (Beauce-Sud); M.
Vaillancourt (Jonquière). Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond);
M. Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke); M. Jolivet (Laviolette);
M. Laplante (Bourassa); M. Lefebvre (Viau); M. Paquet (Rosemont); M. Springate
(Westmount); M. Samson (Rouyn-Noranda). J'inviterais les membres à faire
nommer le député de Beauharnois comme rapporteur des travaux de
cette commission.
M. Lavigne: Je n'ai pas d'objection.
Projet de loi no 126
Le Président (M. Marcoux): Aujourd'hui, après les
introductions d'usage, nous entendrons les mémoires de la
Confédération des syndicats nationaux, du Conseil
québécois du commerce du détail, de l'Association des
industries forestières du Québec Limitée, de la Centrale
de l'enseignement du Québec, de l'Association des manufacturiers de mode
enfantine et du Comité consultatif de l'immigration du Québec. M.
le ministre.
Remarques générales
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, nous sommes réunis
pour entendre les mémoires de ceux qui ont déposé de tels
mémoires au secrétariat des commissions, en date du 1er mars.
Nous avons reçu dix-huit mémoires, si je ne me trompe,
plutôt vingt-quatre, pardon; alors quelques-uns sont entrés un peu
plus tard. Nous en entendrons, donc, aujourd'hui et ensuite deux jours durant
la semaine du 20, soit les 21, 22 ou 20, 21, selon le cas.
Nous allons discuter de ce projet de loi 126, qui s'appelait la Loi
créant la commission des normes de travail à l'origine, et
.maintenant, la Loi sur les normes du travail. Il s'agit, en fait, d'une
série de dispositions qui refondent la Loi de la commission du salaire
minimum, qui visent à permettre l'extension à l'ensemble des
travailleurs du Québec, qu'ils soient syndiqués ou non, d'un
minimum de conditions. Il faut bien comprendre, quand on parle de conditions
minimales, qu'on ne pense pas et qu'on ne parle pas d'un plancher qui
permettrait de considérer, finalement, que c'est l'Etat qui
détermine les conditions de travail de l'ensemble des salariés du
Québec. Nous sommes, comme gouvernement, convaincus que la meilleure
façon, pour les salariés qui, librement, veulent y
adhérer, d'acquérir des conditions de travail qui les
satisfassent, cela demeure quand même la syndicalisation.
Cependant, en l'absence de syndicalisation pour des raisons historiques
ou à cause de contraintes juridiques, les insuffisances de notre code,
ou encore pour d'autres raisons d'extrême mobilité dans certains
secteurs, par exemple, nous croyons qu'il valait la peine, après
au-delà de 40 ans maintenant d'existence de la commission, de revoir
l'ensemble de ces normes pour, d'une part, respecter un engagement que ce
gouvernement a pris avant la dernière élection et,
deuxièmement, reprendre également ce qui a été
évoqué au sommet de la Malbaie, en mai 1977.
Ces conditions touchent, d'une part, ce projet de loi, parlent
évidemment, pour les choses qui sont un peu plus prosaïques de la
structure de la commission, de ses pouvoirs, de son mode de fonctionnement, sa
composition et, sur le plan substantif, on établit une série de
conditions qui permettent au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir
par règlement certaines choses, mais surtout une série de
dispositions vraiment contenues dans le projet de loi.
Je dois dire historiquement que le premier projet que j'avais soumis au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre était beaucoup
moins considérable, en termes de droit substantif, mais il donnait un
pouvoir réglementaire extrêmement important au gouvernement.
La réaction à peu près unanime des membres du
Conseil consultatif a amené le gouvernement a reformuler ce projet, les
parties jugeant que ce pouvoir réglementaire était
peut-être un peu exorbitant et qu'il est en général mieux
de vraiment inscrire clairement dans les lois les droits, plutôt que
laisser l'arbitraire à l'exécutif dans ce domaine.
Nous avons été sensibles à ce genre d'argument. A
certains égards, je peux partager ce type de préoccupation. Nous
avons quand même conservé un pouvoir réglementaire pour le
gouvernement dans des matières où la souplesse est
nécessaire à cause de la complexité technique des domaines
à couvrir. J'ai l'impression, d'ailleurs, que certains des
mémoires vont évoquer cela.
Sur le plan du droit substantif, évidemment, le salaire minimum
lui-même continuera d'être fixé par le lieutenant-gouverneur
en conseil et non pas par la commission, bien qu'historiquement, on sache que
c'est le gouvernement qui a toujours assumé la responsabilité de
la fixation du salaire et non pas la commission qui était toujours dans
un rôle un peu ingrat d'être obligée de faire les oeuvres,
hautes ou basses, du gouvernement à cet égard.
Je pense qu'il faut que le pouvoir politique assume sa
responsabilité de l'augmentation, du maintien ou du degré
d'augmentation du salaire minimum.
Deuxièmement, une série de dispositions sur les
différents congés, que ce soient les congés annuels, les
congés hebdomadaires, le droit à avoir le congé, par
opposition à simplement l'indemnisation pour l'équivalent du
nombre de semaines, c'est-à-dire les 4% l'introduction de
la notion de trois semaines après dix ans, les dispositions habilitantes
qui camperont, de façon définitive, le pouvoir en matière
d'ordonnances de congé de maternité beaucoup plus clairement. Une
série de dispositions également en cas de rupture du contrat de
travail, les conditions dans lesquelles ça se fait et, finalement, des
dispositions qui vont rendre cette loi applicable, parce que les reproches
qu'on a faits à cette loi, depuis quelques années, étaient
que, finalement, elle était relativement inopérante; parce que,
d'une part, les amendes étaient tellement ridicules que certains
employeurs pouvaient décider ou choisir de ne pas être très
diligents dans l'application de la loi et les sanctions étaient
finalement minimes; d'autre part, parce que le salarié n'était
pas vraiment protégé. Nous introduisons cette disposition qui est
fondamentale pour la protection des droits des travailleurs, et nous la
revoyons dans le cadre de cette loi, étant donné qu'on en a
déjà discuté, lors de l'étude de la loi 43 l'an
dernier. Nous permettons au travailleur qui se plaint à la Commission du
salaire minimum d'obtenir la protection de son emploi, s'il devait être
congédié, par la création du même type de
présomption que celle qui existe dans le Code du travail, à
l'égard du congédiement pour activités syndicales.
D'autres dispositions prévoient la création d'un fonds
pour l'indemnisation des salariés victimes de faillite, avec
évidemment des plafonds et, finalement, une autre disposition qui
devrait rendre la loi beaucoup plus opérante auprès des
travailleurs, qui est le droit que la commission aura d'indemniser le
salarié pour les sommes qui lui seraient dues à cause d'un
non-respect des dispositions de la loi, directement, et ensuite la commission
verra à poursuivre l'employeur, le cas échéant. Ce qui,
évidemment, risque de donner un peu plus de dents à l'application
de la loi.
Or, de façon générale, je pense qu'il faut voir ce
projet de loi comme étant une amélioration, je crois sensible, de
la loi et des dispositions qui touchent quand même 1 500 000
salariés du Québec. Même si tous ceux-là ne sont pas
nécessairement au salaire minimum, ils bénificieront à
divers titres des protections ou de l'ensemble ou de certaines parties de la
loi.
Je pense que, dans les circonstances, je serais prêt à
écouter les mémoires et commentaires. J'espère que les
gens qui viendront ici pourront répondre à nos questions.
Evidemment, je présume qu'on aura l'occasion d'entendre les commentaires
de l'Opposition.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Effectivement,
lors du dépôt du projet de loi 126, nous avons nous, de
l'Opposition officielle eu l'occasion de nous déclarer satisfaits
à l'égard du principe et des principes que sous-tend le projet de
loi 126. (10 h 30)
Je crois que tous les parlementaires de l'Assemblée nationale
conviennent que ce projet de loi évoque des améliorations et
présente des améliorations sensibles à l'égard des
conditions minimales de travail qui s'appliqueront éventuellement, une
fois le projet de loi adopté, à plus de 100 000 travailleurs du
Québec. On convient qu'il y a peut-être 60% des travailleurs qui
ne sont pas syndiqués au Québec, qui ne sont pas placés
dans une position relative de force à l'égard de la
négociation de leurs conditions de travail. Entre autres, nous nous
déclarons particulièrement satisfaits que ce projet de loi vienne
contribuer à améliorer la condition, notamment, des travailleurs
féminins au Québec qui, dans plusieurs cas, ont été
placés dans des positions nettement défavorables au chapitre des
conditions de travail. Il en est ainsi, notamment, pour les travailleurs
immigrants qui, jusque dans une certaine mesure, auront à vivre avec des
avantages nettement améliorés avec cette loi.
Nous sommes aussi satisfaits, il va de soi, des prévisions en ce
qui concerne la faillite de certaines entreprises et de la protection que le
projet de loi entend accorder à ces travailleurs ainsi
affectés.
Cependant, M. le Président, c'est quand même un projet de
loi qui aura des impacts dans d'autres secteurs, par exemple dans les
conventions collectives. On peut présumer d'ores et déjà
que cela aura des impacts dans les négociations qui viendront
ultérieurement. Cela aura évidemment une série d'impacts
dans l'application, l'extension et le contenu de plusieurs décrets qui
s'appliquent. Je suis convaincu que l'étude du projet de loi 126 nous
permettra d'aborder toute cette question de type d'intervention de la part du
gouvernement, notamment au chapitre des décrets où on se devra
d'avoir un débat de fond sur cette question-là et sur
l'orientation que le gouvernement devrait prendre, selon nous, dans tout ce
débat.
Cependant, M. le Président, vous conviendrez que nos
réserves s'expliquent; d'ailleurs, c'est là notre rôle.
Notre rôle est de faire en sorte que les inquiétudes à
l'égard d'un projet de loi, on puisse les discuter, les débattre,
les faire valoir. C'est ainsi que, à plusieurs reprises, des
réserves ainsi exprimées à l'égard du
ministère du Travail, notamment, amènent des amendements qui,
somme toute, bonifient un projet de loi. Sans vouloir revenir sur des exemples
plus spécifiques auxquels je pourrais faire référence et
au sujet desquels le ministre pourrait convenir, ce dernier pourrait
d'emblée souscrire avec moi au principe voulant que, jusqu'à
maintenant, l'Opposition a joué non seulement un rôle utile, mais
nécessaire dans la bonification de projets de loi. Je n'aurai
qu'à me référer au projet de loi 110 qu'on a eu
l'occasion d'étudier il n'y a pas longtemps alors que notre contribution
a certainement valu au ministre de bonifier son projet de loi.
C'est ainsi qu'au chapitre des réserves, nous pouvons
détecter dans ce projet de loi un pouvoir réglementaire qui est
assez large. Le gouvernement se donne des pouvoirs, le gouvernement permet...
Si on se réfère au libellé de l'article 126, des choses
sont précisées, mais il y a beaucoup de matières, qui sont
accordées exclusivement à la discrétion et au bon vouloir
du lieutenant-gouverneur en conseil, au représentant de la couronne et
de Sa Majesté, en l'occurrence, le ministre du Travail.
Là-dessus, on va intervenir longuement, on va poser des questions
et on va probablement formuler des amendements ou des suggestions après
la deuxième lecture, au moment de l'étude du projet de loi
article par article. Je conviens cependant que la commission se voit accorder
des pouvoirs auxquels il est nécessaire de souscrire, parce que c'est
bien, dans un premier temps, de souscrire à des principes, mais il faut
aussi qu'une commission qui sera chargée de voir à l'application
de ce projet de loi ait les moyens d'intervenir. A plusieurs reprises, dans
presque tous les chapitres du projet de loi, on voit la définition de
ces pouvoirs accordés à la commission et dont plusieurs sont tout
à fait justifiés.
Il y a un autre aspect qu'il faudra aussi envisager, c'est une mesure
sociale dite progressive. Cependant, vous conviendrez que toute mesure sociale
se doit d'être envisagée, d'être étudiée dans
une perspective de croissance économique et de développement
économique. Je crois que tout gouvernement ou tout législateur
responsable ne peut étudier un tel projet de loi sans y voir l'impact
qu'il aura dans l'économie du Québec, les coûts qu'il
impliquera et aussi il faudra en convenir, à un moment
donné il faudra envisager la capacité de payer, parce que
ce sont, somme toute, les contribuables du Québec qui paieront.
On peut souscrire au principe voulant que l'entreprise, que celui qui a
le capital soit obligé de s'astreindre et de répondre à
certaines normes, à certaines conditions minimales de travail; mais vous
n'êtes pas sans savoir qu'en fin de compte, c'est le consommateur qui
paie et, bien souvent, ce consommateur, c'est le travailleur, c'est celui qui a
à payer les taxes et les impôts.
Alors, M. le Président, c'est un volet important, je pense, de
tout le débat qu'on devra envisager et cette mesure qui s'inscrit avec
beaucoup d'autres on a eu l'occasion d'écouter le discours
inaugural du premier ministre avant hier...
M. Johnson: II était excellent.
M. Pagé:... qui contient un train de mesures... qui
contient évidemment beaucoup de mots...
Mme Lavoie-Roux: ... les autres préjugés.
M. Chevrette: Très bon, très bon. Cela vous agace,
cela vous agace.
M. Bellemare: Non, non, cela ne m'agace pas du tout.
M. Chevrette: Les journalistes sont tous des PQ?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm, je vous demanderais de respecter le calme de cette
commission.
M. Bellemare: Je vais vous les nommer.
M. Chevrette: Ils vont s'identifier eux-mêmes.
M. Bellemare: Ils le sont déjà.
Le Président (M. Marcoux): La parole est au
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je crois que
l'intervention du député de Johnson était tout à
fait justifiée. Je n'en dirais pas autant du député de
Joliette-Montcalm, cependant.
M. Johnson: Si je comprends bien, vous faites vôtre que
tous les journalistes sont des PQ? Vous êtes d'accord avec cela?
M. Pagé: Non, non, les réserves... ce n'est pas ce
que le député de Johnson a dit, voyons! Les réserves que
le député de Johnson... ce que le député de Johnson
a dit, M. le Président, et je vais me permettre de vous le
réitérer, c'est qu'il y avait beaucoup de mots, il y avait
beaucoup de paroles complètement futiles et inutiles dans ce discours.
D'ailleurs, on aura l'occasion de répliquer et j'espère que mon
collègue de Joliette sera là pour écouter
attentivement.
M. Chevrette: D'ailleurs, je me réserve le droit de parole
immédiatement après vous.
M. Pagé: J'espère que vous serez là pour
écouter attentivement et sérieusement et vous serez à
même de constater qu'il y a avait beaucoup de mots dans tout cela.
M. le Président, j'espère que ce débat nous
permettra de vider la question du pouvoir réglementaire une fois pour
toutes. On sait que le ministre est un homme, un député qui aime
se donner des pouvoirs. On l'a vu dans d'autres lois: la mise en tutelle de
l'AECQ, etc. On pourrait revenir là-dessus. Vous y avez assisté
presque impuissant, M. le Président, et vous vous rappelez comment
j'étais peiné pour vous de voir que vous soyez obligé de
souscrire à un principe comme celui-là. Vous vous le rappelez.
C'est un homme qui l'aime, le pouvoir réglementaire, et qui aime
l'appliquer. C'est la remise en cause, M. le Président, du pouvoir
législatif et du pouvoir qu'on a ici, à l'Assemblée
nationale, et on va la vider, cette question.
La question de l'aspect économique, on va l'envisager et
j'espère que vous serez en mesure de nous donner de bonnes
réponses là-dessus, des réponses qui seront autres que les
réponses vagues qu'on est en droit d'avoir à l'Assemblée
bien souvent, comme le genre de réponse que vous nous avez donnée
hier, notamment sur le conflit de travail à la CTCUQ.
M. le Président, mon préambule ne sera pas plus long. Je
suis bien heureux d'avoir, ce matin, des intervenants. On a plusieurs
mémoires à entendre et on commencera par la
Fédération des syndicats nationaux à qui je souhaite la
bienvenue.
M. le Président, je m'en voudrais de terminer mon intervention
sans vous faire part, vous signaler et vous rappeler qu'aujourd'hui c'est la
journée de la femme et je suis bien heureux d'avoir à mes
côtés mon collègue le député...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. M. Chevrette: C'est un
sexiste. M. Pagé: J'ai parlé des femmes. M. Johnson:
Oui, des femmes. M. Pagé: Oui, c'est cela.
M. Chevrette: L'égalité ou l'indépendance,
comment dites-vous cela?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Pagé: D'égal à égal.
M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas que cela
soit un débat...
M. Johnson: De croisés.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: Oui, c'est cela, que ce soit une assemblée
contradictoire à la table, on n'est pas ici pour cela.
Le ministre doit être félicité, M. le
Président, d'avoir eu au moins le courage de nous apporter une loi qui
va établir un nouveau Code du travail pour les syndiqués. Ce
nouveau Code du travail va sûrement assujettir au moins 1 500 000
travailleurs, puisqu'on a dans la province 2 400 000 à 2 600 000
travailleurs; on a aussi 123 000 ou 124 000 employeurs. Je pense, M. le
Président, que s'il y a des bonnes choses dans la loi 126, il y en a
d'autres qui me laissent un peu perplexe et je les dirai après les
mémoires, lors de la deuxième lecture en Chambre.
Je pense surtout à une question que je me pose en lisant la loi,
et je me demande si ce n'est pas la fin et le cimetière des
comités paritaires, où l'employeur et les employés font
bon ménage actuellement et, dans bien des cas, je pense qu'à part
de doubler la surveillance qui va être établie, je ne dis pas au
ministre qu'il veut faire du patronage et remplacer les anciens employés
de la Commission du salaire minimum par d'autres; non, loin de moi cette
pensée. Je suis sûr et certain que ce n'est pas cela qui l'a
dirigé mais il va y avoir, dans bien des cas, des surveillances doubles,
des postes en double qui sont actuellement remplis par les comités
paritaires et par une organisation qui semblent avoir produit des bons
effets.
Il y a une autre chose qui m'a surpris et fort agréablement,
c'est de voir les nombreux mémoires qui ont été faits par
les différentes associations ou les représentants des employeurs
ou d'autres groupes, qui sont très nombreux. Cela prouve une chose:
lorsque le ministre veut entendre les parties, les parties se font un plaisir
de venir donner leur opinion, contrairement à ce qu'il a fait pour la
loi 110, quand il a fait l'oreille sourde à nos cris, à nos
interventions pour qu'on puisse entendre, lors de l'étude du projet de
loi 110, des intervenants qui l'auraient guidé.
M. le Président, vous verrez que le ministre s'est trompé,
vous verrez que le ministre, pour la loi 110, va apporter des amendements, des
amendements, des amendements. On l'a vu le 21 décembre, la session s'est
ajournée sine die, elle a repris le 6 février et
déjà le ministre avait apporté des amendements aux
amendements.
M. Johnson: 126.
M. Bellemare: Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que le
ministre se prépare, cette session-ci, à apporter des amendements
au 110. Imaginez-vous! Au moins, là il y a une prudence, celle
d'écouter un peu, je ne dis pas qu'il va en tenir compte, mais
d'écouter les mémoires. Je suis agréablement surpris de
voir qu'il y en a eu autant, parce que, dans le monde du travail, ce n'est pas
comme dans le monde professionnel. Il y a là des accointances
différentes, il y a des principes qui ont été
établis depuis plusieurs années. Quand on a établi le
salaire minimum dans la province de Québec, je vous garantis qu'il n'y
avait pas de grandes relations, au point de vue du travail, au point de vue des
considérations. Là, vous ajoutez deux éléments
nouveaux; vous ajoutez les agriculteurs, moins leur famille et à
condition qu'ils aient trois employés qui soient des permanents, bien
sûr. Puis vous ajoutez les domestiques, pourvu qu'ils fassent 30 heures
par semaine. On verra cela tout le long de... Mais je dis, mais je
répète que, s'il y a du bon dans la loi... Il y a, par exemple,
quelque chose que je trouve bien, c'est qu'un salarié de la province de
Québec va être couvert dans une autre province, à
l'extérieur. Cela, je trouve que c'est bien, c'est une bonne
pensée. Je pense aussi que les domestiques qui travaillent 30 heures et
plus par semaine vont être couverts, je pense que c'est une bonne
amélioration.
Mme Lavoie-Roux: Mais il faut qu'ils habitent là, M. le
député.
M. Pagé: II faut qu'ils habitent là, à la
résidence...
Mme Lavoie-Roux: Oui, à la résidence. M.
Bellemare: Ecoutez...
M. Chevrette: Voulez-vous proposer un amendement, Mme...
M. Bellemare: Je ne suis pas pour vous donner tout ce que j'ai
écrit, je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai 64 amendements; oui, 64
amendements.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas sérieux, il y a 60
articles!
M. Bellemare: Oui, mais un instant, prenez vent si vous avez des
trous.
M. Chevrette: On le sait, on le sait, fâchez-vous pas!
M. Bellemare: II y a une chose qui reste...
M. Pagé: ... 150.
M. Bellemare: D'abord, je pense...
M. Pagé: Vous n'avez pas lu le projet de loi.
M. Bellemare: ... qu'il n'a pas lu la loi.
M. Chevrette: II l'a dictée par coeur.
M. Bellemare: II l'a regardée de travers comme cela. Il
est bien intelligent, par exemple, mais seulement ce n'est pas une
assemblée contradictoire, M. le Président. Je voudrais simplement
remarquer que la loi, en ce qui regarde la construction, par exemple, cela ne
s'appliquera pas pour la construction. Je donnerai mon opinion dans le temps,
mais je pense que cela aussi, il faudra que... Maintenant, pour les
congés de maternité... Là encore, je reviendrai sur les
congés de maternité, dans le temps, en Chambre probablement. Il
reste que la composition de la commission, la Commission des normes du travail,
va être composée de sept membres. Il va y avoir un PDG permanent,
il va y avoir un président et puis il va y avoir des postes pour cinq
ans, pour un certain nombre d'entre eux, et des postes pour trois ans. Je ne
dis pas que ce ne sont pas encore des bonnes choses. Quoique j'aie certaines
restrictions: Comment vont-ils être engagés, qui va être
choisi? Le ministre, je ne dis pas que je l'accuse, mais comme il y a de belles
places pour faire du patronage comme cela, M. le Président! (10 h
45)
En tout cas, je passe cela sous silence pour le moment.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes nostalgique.
M. Johnson: Vous avez déjà été
président de la Commission des accidents du travail, je pense?
M. Bellemare: Je connais... Oui, oui! Est-ce que c'est une
question que vous me posez?
M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: Non, je ne vous le permets pas.
M. Johnson: Ah bon!
M. Bellemare: C'est vrai qu'elle informe, qu'elle effectue des
études concernant les normes du travail, que la commission reçoit
des plaintes des salariés. Là où je trouve qu'il y a une
nouvelle disposition dans la loi, c'est celle des dommages à la suite
d'une faillite. C'est sûrement du droit nouveau. Je pense que par
règlement, surtout, la nature des créances qui donne droit aux
prestations qu'elle peut verser à un salarié à la suite
d'une faillite d'un employeur.
Il y aura aussi les conditions d'admissibilité pour cette
partie-là, leur montant, leur modalité, leur versement. Je
comprends que c'est une belle innovation, cette dernière est
subrogée aux droits des salariés concernant la concurrence d'un
montant ainsi payé.
Il reste que le prélèvement que vous allez imposer de 1%
fait en sorte que cela représente des millions à la fin de
l'année, contrairement à ce qui existait dans le salaire minimum,
parce que vous l'avez haussé. Alors 1%...
M. Johnson: La loi a toujours prévu que cela pouvait
être 1%, sauf que ce n'est pas un prélèvement de 1% qui a
été fait...
M. Bellemare: Ah bon!
M. Johnson: C'est un dixième pour cent, en pratique.
M. Bellemare: Dans la loi actuelle, c'est 1%... M. Johnson:
Comme dans la loi actuelle.
M. Bellemare: Oui, mais rien ne nous dit que ce sera un
dixième pour cent.
M. Johnson: Voilà! On ne peut rien vous cacher.
M. Bellemare: Ah! C'est dans les bonnes intentions, les voeux
pieux. L'enfer en est pavé. Oui, les voeux pieux.
Je dis aussi que les églises, les organismes de bienfaisance, les
institutions d'enseignement, les comités paritaires en sont exempts,
d'après la loi. C'est un article de la loi. Il reste, M. le
Président, que le gouvernement fixe par règlement le salaire
minimum, ainsi que le montant maximum exigé pour la chambre et la
pension du salarié. C'est la
loi qui le prévoit. Maintenant, le pourboire, par exemple, n'est
jamais compris dans le salaire, la pension ou la chambre du salarié. On
change aussi de 45 heures à 44 heures. Il y a une raison que je devine
à ce faire. Je vous le dirai tout à l'heure.
A l'exception du conjoint, 44 et 45 heures, et pour les enfants aussi.
Les étudiants qui sont dans une colonie de vacances, on les exclut et on
enlève aussi le salaire surnuméraire pour une période des
foins chez les agriculteurs, période plus intensive.
M. Johnson: C'est un discours de troisième lecture.
M. Bellemare: Je n'ai pas à vous le préparer, mais
j'ai à vous signaler que je le connais votre discours de
troisième lecture. Je vous vois venir avec vos bons arguments, cachant,
mon cher monsieur, ce que vous ne dites pas dans votre discours.
Dans la loi 110, c'était merveilleux. Vous avez dit seulement ce
que vous faisiez de bien, mais ce qui était caché en dessous,
vous ne l'avez jamais dit. Nous l'avons dit par exemple. On l'a dit à 3
h 20 du matin. On s'en souvient, mon collègue de Portneuf et moi; 3 h 20
du matin. Je ne sais pas si vous vous endormiez ce matin-là.
Une chose reste sûre, c'est que le salaire horaire remplace le
salaire horaire minimum. C'est sûr. Il y a le travail
supplémentaire qui sera payé temps et demi. Seulement, ça
entraîne une majoration de 50% du salaire horaire effectif, par exemple,
les 44 à 45 heures; ne l'oubliez pas. Cela fait une majoration de 50%.
Quant aux jours fériés, je n'ai pas besoin de vous dire que vous
allez avoir, demain matin, mon cher, à changer votre loi, parce que je
n'ai pas à vous dire que les comités paritaires...
Déjà le Code du travail et les conventions collectives qui
existent pour 800 000 travailleurs, prévoient six congés au lieu
de trois, comme ce sera le cas. Noël, le Jour de l'An, la
Saint-Jean-Baptiste. Maintenant...
M. Pagé: Ce n'est plus la Saint-Jean-Baptiste.
M. Chevrette: La fête nationale des
Québécois.
M. Pagé: II s'est fait couper la tête pour la
deuxième fois, l'an dernier.
M. Johnson: Vous lirez la loi comme il faut.
M. Beliemare: Est-ce que je peux continuer, M. le
Président? Je n'ennuie personne, ça ne dérange personne
toujours?
M. Chevrette: Non, c'est même très
intéressant!
M. Bellemare: Je ne voudrais déranger personne. Il y a une
chose certaine, c'est que j'ai bien étudié le projet, je le
connais pas mal à fond. Je vais me renseigner et je félicite ceux
qui ont présenté des mémoires ou qui vont en
présenter, parce que ça va nous donner un nouvel
éclairage, afin que, en deuxième lecture, nous puissions
détecter tous les manques qui existent dans ce projet de loi.
Là, vous avez établi 60 minutes pour un temps de repos,
pourvu qu'il y ait eu cinq heures de travail de faites, mais il y a 30 minutes
qui pourront être rémunérées; ça, c'est
correct.
Maintenant, quand vous donnez des jours de congé payés
à l'occasion du décès de son épouse, un enfant, sa
mère, son père, son beau-père, sa belle-mère, sa
belle-soeur, son beau-frère, le "kit" une journée payée et
trois jours sans rémunération. Quand il y a une naissance aussi,
il y a trois jours: deux jours non rémunérés et une
journée payée.
Il y a aussi un autre détail; lorsqu'il y a une préavis
pour un congédiement, c'est une semaine, s'il a effectué un an de
travail. S'il a plus qu'un an de travail, l'employeur doit donner un avis de
deux semaines. On en reparlera quand on arrivera à cet article.
Il y a une chose qui reste saine, c'est que la loi, en ce qui concerne
le congé de maternité, interdit à l'employeur de
congédier l'employée. C'est très bien, je pense que c'est
encore mieux que l'ordonnance 17, parce que sur ça, au moins, vous avez
écouté la Commission des droits de la personne qui vous disait
que, pour ce qui a trait au congé de maternité, une
employée ne devrait jamais être congédiée.
Enfin, M. le Président, le projet de loi 126 prévoit
d'autres normes et ça, c'est important pour savoir le catalogue que vous
allez nous servir, par règlement, dans les normes. Comment va-t-on
établir les normes, par exemple, concernant les uniformes? Doit-il y
avoir trois boutons en avant, deux boutons en arrière? Il va falloir que
vous pensiez à tout ça.
Un instant! Les outils doivent couper...
M. Johnson: Non, voyons donc!
M. Bellemare: Mon père disait souvent: "Si tu as une hache
qui ne garde pas son "taillant", jette-ça, Maurice."
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...
M. Bellemare: Cela, c'est le règlement qui va dire quelle
sorte de hache, quelle longueur de marteau...
M. Johnson: M. le Président, avant que le
député de Johnson...
M. Bellemare: Non, mais je...
M. Johnson: ...n'induise en erreur la commission, sur une
question de règlement...
M. Bellemare: Un instant, je ne fais que dire ce qu'il y a dans
votre loi...
M. Johnson: Non, sur une question de règlement...
M. Bellemare: ... au point de vue des normes
générales qui ne sont pas...
M. Johnson: Sur une question de règlement, vous permettez?
M. le Président, avant que le député de Johnson, qui nous
livre ce matin une bonne partie de son humour et de sa bonne humeur, n'induise
complètement la...
M. Bellemare: Vous l'avez un peu vous aussi!
M. Johnson:... commission en erreur, il s'agit de dire que c'est
par règlement, effectivement, qu'on va déterminer les normes
concernant les uniformes, les outils, etc. Il ne s'agit pas de décrire
quels seront les outils et le nombre de boutons sur les uniformes, mais la
disponibilité de ces uniformes, comme ça existe, d'ailleurs, dans
deux ordonnances de la commission.
M. Bellemare: Oui, je suis au courant.
M. Johnson: On prévoit que le salarié est
payé ou pas s'il apporte ses outils ou pas, etc. Je pense qu'il ne
faudrait quand même pas...
M. Bellemare: M. le Président, sans que ce soit...
M. Johnson: Je comprends que c'est une bonne blague!
M. Bellemare: C'est pour vous montrer jusqu'où vous pouvez
aller et pour vous prévenir de nous informer un peu des normes, pour
qu'on puisse vous donner notre impression. On va entendre les mémoires
dans quelques minutes...
M. Johnson: On va prévoir qu'il va y avoir des haches
seulement à deux tranchants!
M. Bellemare: Oui, mais seulement un bon "taillant" qui coupe.
Les vestiaires: s'il va y avoir deux ou trois crochets; les douches: si elles
vont être à l'eau chaude ou à l'eau froide; les lieux de
repos: pour savoir s'il y aura des lits ou s'il n'y en aura pas.
M. le Président, les normes seront d'ordre public, c'est clair,
parce que la loi va les imposer par règlement; donc, personne ne pourra
y déroger. C'est clair? J'ai été loin, tout à
l'heure, dans mes comparaisons, pour avertir le ministre de faire attention
parce que ça devient du droit nouveau, la question des normes de
travail.
C'est justement son nom: Commission des normes du travail. Puisque cela
devient d'ordre public, personne ne pourra y déroger. Les conventions
collectives, qui ne contiendront pas les normes minimales au moment de
l'adoption de la loi continueront d'avoir des effets jusqu'à leur
échéance. Point. C'est cela la loi. Je pense que le ministre est
bien conscient de cela.
Maintenant, il y a un droit de recours. C'est bien sûr que la Loi
sur le recours collectif est là également pour rendre service
à cet élément nouveau qui va être couvert par la Loi
sur les normes du travail. Je pense aussi, M. le Président, aux
congés et aux vacances qui pourront, dans certaines circonstances,
être entièrement pris en charge par la commission à qui
l'employé remettra alors tous ses droits de recours cela est
aussi important à qui les employés remettront tous leurs
droits de recours.
D'après la loi, les recours seront faits par voie de plaintes
à la commission, mais il y a une soupape, le gars pourra garder son
anonymat. Je pense que c'est normal et de bon augure.
La commission décidera du bien-fondé de la plainte pour
indemniser d'avance le salarié. On va plus loin que cela. On dit que les
sommes qui seront dues seront payées avec intérêts
d'argent. Qui va l'établir? Quand? Au dépôt de la plainte
ou à la fin du jugement? Je le dirai quand ce sera le temps, quand on
étudiera le projet de loi article par article.
Pour ce qui est des $200 à $3000, je pense que, en
pénalité, le ministre suit de loin les recommandations du Code du
travail, mais je pense que cela devrait être plus que cela. La peur,
c'est le commencement de la sagesse. Ce sont les saintes écritures qui
ont dit cela; ce n'est pas moi. Je pense que cela n'est pas suffisant. A part
le double emploi que vous allez faire des surveillants qui existent
déjà dans votre ministère, vous allez créer tout un
nouveau service qui, à part le comité paritaire, va faire
d'autres formes de surveillance pour établir que ces normes soient
respectées. Je ne dis pas que cela n'est pas une belle ouverture pour
vous. Non, vous l'avez dans votre tête et on ne vous la changera pas.
Vous n'avez pas des noms, mais vous avez des gens qui ont des faits saillants
à vous noter pour être nommés.
Ces normes sont-elles excessives? Oui ou non? Ah! le ministre me dira:
Le député a été ministre et il sait que ce ne sont
que les préliminaires. Oui, je sais que ce sont les
préliminaires, mais sont-elles excessives? Oui ou non? On verra cela.
Mettront-elles en faillite les petites et moyennes industries? A-t-on un
rapport de fait ce matin qui va nous être donné, qui va nous dire
que cela ne dérangera pas les PME? Est-ce que, au bout de l'année
1979, on n'aura pas, après l'application de la loi, certaines
manufactures, certaines petites PME qui vont disparaître? Il faudra faire
attention. Je dirai cela aussi.
Les coûts. Est-ce que le ministre a fait préparer des
coûts approximatifs impliqués dans cette nouvelle commission? Je
le crois, parce que j'ai rencontré des gens qui, à part le
salaire universitaire, gagnaient... C'est la réponse du ministre, pas de
ce ministre-ci, mais d'un autre ministre, à qui j'ai posé la
question: Donnez-moi donc le nombre d'universitaires qui gagnent de l'argent
avec des consultations ou avec des documents qu'ils préparent? On en a
vu gagner jusqu'à $55 000, pour des glissements de terrain et toutes
sortes de choses. Le ministre a-t-il des études de prêtes
pour nous dire combien cela va coûter en application et combien de
PME pourront tomber en faillite à cause de cela? J'aimerais bien savoir
cela.
Maintenant, dans certains cas, pour les agriculteurs et les domestiques,
on va un peu trop loin et trop vite. Est-ce que le contraire peut aussi
s'appliquer? Est-ce qu'on est timide dans l'application de cette formulation
nouvelle? Chose certaine, le ministre, en novembre dernier, lors du colloque
annuel de l'Ecole des relations industrielles de l'Université de
Montréal, déclarait ce qui suit: "Afin de tenir compte de
l'impact de ces mesures au plan social de même qu'au plan
économique, ces améliorations se feront graduellement et
progressivement de façon à atténuer le coût excessif
ce n'est pas moi qui ai inventé cela, c'est le ministre, ce sont
ses propres mots de certaines compagnies aux prises actuellement avec
des difficultés sur le plan de concurrence." (11 heures)
Premièrement, est-ce qu'on va détruire les comités
paritaires? Deuxièmement, est-ce qu'on ne va pas trop vite au point de
vue de l'application de la loi? Est-ce qu'on n'a pas un salaire minimum
supérieur à tous les autres au Canada? Est-ce qu'on a les moyens
de mettre en faillite certaines petites industries chez nos ruraux qui veulent
véritablement participer au progrès économique, mais qui
n'ont pas les moyens de suivre et qui sont bien contents d'employer 25 ou 30
personnes dans une petite municipalité? Ils seront assujettis à
un nouveau Code du travail.
M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que j'entendrai
avec beaucoup de plaisir les mémoires qui seront soumis. Je
préparerai mon discours de deuxième lecture pour améliorer
la loi. D'ailleurs, notre rôle n'est pas d'être critique du
ministre, quoique, parfois, nous critiquions sévèrement certains
faits, surtout quand on voit qu'il y a actuellement 5000 personnes en
grève et que le ministre ne bronche pas, il est stoïque. Il dit:
Non, non...
M. Johnson: On va vous montrer les statistiques dans quelques
jours. Vous allez trouver cela intéressant.
M. Bellemare: Un instant, vos statistiques! J'ai
été ministre du Travail et, quand on avait quatre, cinq ou six
grèves, c'était le maximum.
M. Johnson: Voyons donc!
M. Bellemare: C'est moi qui ai établi le système de
mentionner les grèves à tous les jours, et on avait cinq ou six
grèves et elles ne duraient pas aussi longtemps qu'aujourd'hui. Je m'en
occupais, par exemple, je n'étais pas un pompier, comme vous dites. Je
m'en occupais, je les réglais, je barrais la porte et je les
réglais. Dans bien des cas, c'est ce qui arrivait.
Merci, M. le Président, de ce dialogue que vous avez permis entre
le ministre et moi, lequel a rehaussé ma thèse, mais le ministre
a besoin d'être informé.
Je voudrais en terminant dire bonjour... non pas bonjour, mais
présenter à notre leader parlementaire l'expression de nos
meilleurs voeux. Je veux lui dire aussi que, avant qu'il ne le fasse
lui-même, je vais le faire moi-même...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce votre fête?
M. Bellemare: ... en cette journée des dames, je voudrais
lui présenter nos plus sincères félicitations d'avoir
elle-même voulu prêcher par son exemple
l'intérêt public est en cause d'avoir donné
elle-même, par son travail, son dynamisme, un regain à notre
Assemblée nationale. Elle l'a fait sans attraper la grippe.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Vous avez une question de
privilège? Même si ce n'est pas possible en commission, on va vous
en accorder une ce matin.
Mme Lavoie-Roux: Non, je n'en voudrais sûrement pas sur
cette base. S'il y avait unanimité pour que je rectifie ce que les gens
veulent fêter aujourd'hui... Je voudrais avoir l'unanimité.
J'ai reçu, à droite et à gauche, des bons voeux et
je sais que cela part comme on disait autrefois d'un bon naturel
et que c'est très sincère. Je voudrais quand même rappeler
aux gens qui sont ici qu'il ne s'agit pas d'une fête aujourd'hui.
M. Bellemare: ... on se trouve à vous fêter
indirectement.
Mme Lavoie-Roux: Dans ce sens, je l'accepte de bonne grâce.
La journée internationale de la femme, pour moi, a trois dimensions. Je
dirais que c'est une journée du souvenir, dans le sens qu'on veut
commémorer les premiers mouvements qui se sont manifestés dans le
monde occidental pour indiquer que les femmes avaient quand même le droit
de lutter pour des principes d'égalité. C'est peut-être
davantage une journée de solidarité par laquelle on veut
s'associer à toutes les femmes, non seulement celles du Québec,
du Canada et de l'Amérique du Nord, mais du monde entier. C'est surtout
une journée d'engagement à poursuivre les efforts qui ont
été commencés bien avant nous et où on se retrouve
finalement par accident.
Je pense que c'est important de replacer la journée
internationale de la femme dans sa véritable dimension. Je vous remercie
quand même, M. le député de Johnson, mais je pense que
c'est important qu'on situe cette journée dans son véritable
contexte. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M.
Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, avant de vous demander
d'inviter le président de la CSN, et les personnes qui l'accompagnent,
à faire lecture de
leur mémoire, j'aimerais exprimer quelques considérations
à partir des propos tenus par les membres de l'Opposition. De
même, je voudrais me joindre à tous les autres membres de la
commission pour dire combien nous nous sentons solidaires du
député de L'Acadie, non pas à titre de membre de
l'Opposition, mais en tant que femme, en cette journée.
Le député de Johnson a parlé d'un nouveau Code du
travail. Je pense qu'il ne faudrait pas quand même induire, encore une
fois, au niveau de l'interprétation qui peut en être donnée
à l'extérieur, les gens en erreur. Il ne s'agit pas d'un nouveau
Code du travail, il s'agit bel et bien de conditions minimales. Il y a quelque
chose, même, de presque péjoratif en disant minimales. Il s'agit
d'établir une espèce de seuil ou un plancher vraiment minimal
qui, à certains égards, peut paraître même timide,
mais pour des raisons évidemment qui ont été
évoquées par les membres de l'Opposition eux-mêmes. On sait
que dans l'ensemble des provinces du Canada, ce qu'on appelle les "Labour
Standards Act" qui sont plus ou moins l'équivalent de la Loi du salaire
minimum, prévoient en général un pouvoir
réglementaire et il y a eu l'implantation progressive, si on prend
l'exemple de l'Ontario qui est plus près de nous, qui est plus
comparable, peut-être, comme structure industrielle et même si on
regarde le taux de syndicalisation, etc., ces normes ont été
mises en vigueur vraiment progressivement. Je donnerai simplement un exemple:
une journée de congé payé, au Québec,
représente en termes de coût sur le plan économique, $85
millions en masse salariale. Alors, il est bien évident qu'à
partir du moment où on fait le choix de procéder par voie
législative par opposition à par voie réglementaire, il y
a des limites à ce qu'on peut faire à l'économie, pour
imposer directement un fardeau additionnel sur le plan financier, quel que soit
l'objectif et tout aussi louable qu'il soit sur le plan social.
Deuxièmement, il y a le fait, c'est ma profonde conviction, qu'il
n'appartient pas à l'Etat de fixer de façon paternaliste les
conditions de travail de l'ensemble des travailleurs du Québec, mais
vraiment, encore une fois, d'établir ce qui est un seuil. On dit que ce
seuil devrait correspondre dans notre société finalement,
à ce qui est perçu comme étant, à la fois
socialement un minimum et, en même temps, économiquement
faisable.
Troisièmement, l'objet de cette commission, c'est
évidemment d'entendre des mémoires. Nous aurons l'occasion d'en
entendre sans doute une vingtaine. Il y a eu quelques désistements, mais
on aura les copies des mémoires quand même. C'est notre intention
d'écouter ces mémoires avec beaucoup d'attention. Je n'ai pas
écarté le fait, a priori, que nous devions reformuler des parties
importantes de la loi. Cela dépendra de la pertinence des remarques qui
nous seront faites. Je le dis tout de suite pour ne pas entendre les
mêmes rengaines qu'on a entendues de la part de l'Opposition.
Une Voix: C'est vrai.
M. Johnson: On entend de longs discours de l'Opposition
libérale qui vient nous dire: Nous voulons bonifier, la bonification et
la superbonification, sauf que quand on va amender les lois, on se met à
nous dire: Bien, vous présentez des lois qui ne sont pas prêtes,
vous les amendez.
On est ici pour entendre les gens, on est ici pour entendre les
intéressés ou les membres de la commission en cours de route, au
cours de l'étude, article par article, avant la troisième
lecture. On n'hésitera pas à reformuler là où cela
nous apparaît reformulable, plausible et raisonnable, des parties du
texte, c'est bien évident.
Mais on pense que, de façon générale, c'est le
fruit d'une réflexion qui a été très longue, de
consultations qui ont été abondantes, d'analyses, entre autres,
sur le plan économique, sur le plan des coûts, sur le plan des
implications administratives, sur le plan de l'applicabilité, qui font
que c'est le meilleur travail qu'on pouvait faire, dans les circonstances.
L'autre dimension, c'est la question des comités paritaires qui
est revenue à plusieurs reprises. Le ministère, depuis
déjà un an et demi, procède à des
évaluations de certains décrets. On en a déjà aboli
quelques-uns, qui nous apparaissaient inutiles.
M. Bellemare: ...
M. Johnson: On en a... non, pas nécessairement.
M. Bellemare: Ah oui!
M. Johnson: II y a des comités paritaires qui ont leur
raison d'être, leur raison de fonctionnement. Il y en a d'autres qui sont
plus incrustrés dans la nature par habitude, qui ont donné lieu
dans certains cas, on a été obligé d'en mettre
quelques-uns en tutelle à des procédures administratives
discutables, à des pratiques de polissage, si on veut, de mise en valeur
des décrets qui apparaissaient, dans certains cas, discriminatoires
à l'égard de certains salariés ou certaines
entreprises.
Cela a aussi donné lieu à ce que certains, dans le monde
syndical, n'hésitent pas à qualifier d'une forme de syndicalisme
qui est parfois paresseux, le comité paritaire, qui a ses avantages,
dont on peut reconnaître historiquement la nécessité de
s'être implanté après la crise, dans les années
trente, et qui visait à standardiser les conditions de la concurrence
dans une situation économique difficile.
M. Bellemare: C'est un beau travail qui a été
fait.
M. Johnson: II y en a certains qui traînent encore dans la
nature et qui, dans le fond, permettent à une forme de syndicalisme de
s'asseoir très tranquillement, de se contenter d'un
prélèvement obligatoire et de ne plus être ce que doit
être le syndicalisme, c'est-à-dire un instru-
ment constamment perfectible et revendicateur par définition,
mais ferme, solide, démocratique, bien structuré. Dans certains
cas, les comités paritaires ne nous apparaissent pas une des meilleures
conditions pour que cela se réalise.
M. Bellemare: D'accord, c'est un beau travail.
M. Johnson: Encore une fois, c'est une évaluation, qui va,
au contraire, dans le sens...
M. Bellemare: II a le nez fin.
M. Johnson:... de la démocratie plutôt que de
l'autorité.
M. le Président, je vous demanderais, si vous le désirez
comme vous n'avez pas vraiment le choix d'appeler les premiers
présentateurs de mémoire.
M. Bellemare: Avant qu'on passe au mémoire de la CSN,
j'aurais juste une question à vous poser: Est-ce que cet
après-midi, comme je vais être obligé de m'absenter
à partir de 15 heures ou 15 h 15 pour entendre le discours de
réponse de notre chef en Chambre, il y aurait moyen de commencer
peut-être une heure plus tard pour que je puisse rester en Chambre parce
que ce n'est pas bien faisable par le leader parlementaire...
M. Johnson: Je comprends, sauf qu'on a déjà une
journée de retard. On devait commencer hier.
M. Bellemare: Oui, mais le leader parlementaire a compris que la
commission n'était pas formée légalement.
M. Johnson: Pardon?
M. Bellemare: La commission n'était pas formée
légalement, au point de vue de la procédure. La commission n'a
été formée qu'hier; le rapport a été fait en
Chambre hier et, d'après nos règlements, tant et aussi longtemps
qu'il n'y a pas une journée d'écoulée, la commission n'a
pas sa valeur d'exister.
M. Johnson: Je comprends bien, mais au-delà de
cette...
M. Bellemare: Ce n'est pas une faveur qu'on m'a faite.
M. Johnson: ... question technique, on a quand même des
citoyens qui se sont présentés ici et il y a, je pense, six
groupes qui sont présents...
M. Bellemare: Cela ne peut pas arriver à tous les jours
que notre chef parle sur une réponse au discours du trône.
M. Johnson: Une chance, oui!
M. Bellemare: Cela ne peut pas arriver mais seulement, là,
cela arrive; je resterai en Chambre certainement et le leader
parlementaire...
M. Chevrette: II y a eu des consentements donnés hier par
le Parti libéral.
M. Pagé: M. le Président, sur cette motion, sans en
faire une bataille de procédure, je serais d'accord et je souscris
à ce qui est demandé par mon collègue de Johnson.
Strictement par déférence à l'égard de l'Union
Nationale, on pourrait amorcer nos travaux à 17 heures et permettre
ainsi à notre collègue de Johnson d'être présent
lors de l'intervention de son chef. Vous devriez nous dire oui parce qu'avant
longtemps vous allez nous formuler cette demande. Vous allez voir. Vous serez
bien heureux, d'ici quelques années, dans des délais quand
même assez brefs, de nous faire cette demande pour aller assister
à la réplique de votre chef; alors, permettez-nous le cet
après-midi et on commencera à 17 heures.
M. Chevrette: Vous n'avez qu'à continuer à
répliquer de la façon que vous le faites et vous allez
répliquer longtemps.
M. Pagé: Ne soyez pas inquiet.
M. Bellemare: Voyons donc, vous avez perdu le goût du
Québec pour avoir le goût du pouvoir; c'est clair, on voit
cela.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): D'accord?
M. Johnson: Non, je n'ai pas dit que j'étais d'accord. Le
député de Portneuf a l'accord facile quand cela fait son
affaire.
M. Pagé: De toute façon, c'est le leader...
M. Johnson: Seulement quand cela fait son affaire.
M. Bellemare: Cela ne fait pas seulement son affaire, cela fait
mon affaire et, au point de vue du parlementarisme, c'est un droit qui nous est
donné d'entendre au moins le chef de notre parti.
M. Pagé: De toute façon, c'est le leader qui va
décider, ce n'est pas lui.
M. Bellemare: Le leader m'a dit que...
M. Johnson: D'accord, mais à écouter l'Opposition,
parfois, on a l'impression que les seuls droits parlementaires sont d'entendre
l'Opposition. On a aussi un droit d'essayer de gouverner.
M. Bellemare: C'est nous qui fermons les sessions.
M. Johnson: Ce que je suggérerais, c'est peut-être
qu'on procède le plus rapidement possible pour réussir à
passer à travers le mémoire de la CSN ce matin et les questions
qu'on aurait pour M. Rodrigue et ses acolytes et on verra, au moment de la
reprise, cet après-midi. Je vais parler avec les leaders; je vous avoue
que, personnellement, a priori, je suis plutôt réticent à
cela. Vous savez qu'on a beaucoup de travail à faire; il ne s'agit pas
de traîner cette histoire dans la nature pendant des mois.
M. Bellemare: Est-ce que cela peut arriver dix fois cette
affaire? Non!
M. Johnson: Dieu merci!
M. Bellemare: C'est un cas particulier.
M. Chevrette: Une faveur.
M. Bellemare: Non, pas une faveur. Je demande qu'au point de vue
parlementarisme, on...
M. Johnson: On verra cela à 12 h 30. (11 h 15)
Le président (M. Marcoux): Avant de demander au
porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux de
présenter son mémoire, je demanderais aux membres de la
commission, je sais que vous avez eu des discussions avant l'ouverture, s'il y
aurait entente pour que, de façon normale, on accorde une heure, s'il y
a une proposition sur le déroulement de nos travaux et sur le...
M. Johnson: M. le Président, après en avoir
discuté quelques minutes avec le représentant de l'Opposition
libérale, je pense que le député de Johnson vient de
hocher la tête de façon affirmative, on pourrait
peut-être...
M. Bellemare: J'ai dit oui parce que cela avait du bon sens,
faites donc comme moi quand je vous demande quelque chose.
M. Johnson: On pourrait peut-être prendre une heure, en
principe, se dire que cela va être une heure au maximum par
mémoire, comprenant, en général, selon l'importance du
mémoire ou en termes de nombre de feuilles, à peu près
vingt minutes de lecture ou de commentaires et ensuite vingt minutes de part et
d'autre de la commission pour poser des questions, parce que l'on finit
à midi trente, je pense.
M. Pagé: On siège à deux heures.
M. Johnson: Est-ce que l'on pourrait finir à midi trente
pour passer à travers le mémoire de la CSN?
M. Pagé: Si votre suggestion d'un heure est
acceptée, on finirait vers midi quinze ou midi vingt.
M. Johnson: Midi quinze. Alors, est-ce que cela vous irait
à peu près une heure pour l'ensemble des mémoires, il y a
des mémoires qui ont à peu près deux pages, remarquez.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que vous limitez le
temps par parti pour les questions? Non.
M. Johnson: A peu près 20 minutes de chaque
côté! Nous serions d'accord.
Le Président (M. Marcoux): La proposition que vous faites,
c'est vingt minutes pour le mémoire, vingt minutes de questions, vingt
minutes pour le parti au pouvoir, vingt minutes pour l'Opposition? Non?
M. Johnson: Non.
M. Pagé: En tout cas, on s'arrangera. Cela pourra
être quinze, vingt-cinq, on ne se chicanera pas sur les minutes, on va
les entendre. On part avec une heure.
M. Johnson: Bon! C'est cela, vous négociez tout le temps.
On part avec une heure.
Le Président (M. Marcoux): Maintenant qu'il y a consensus
pour prendre environ une heure par mémoire, une heure au maximum,
j'inviterais d'abord la Confédération des syndicats nationaux
à présenter son mémoire. J'inviterais à M. Rodrigue
à nous présenter ses collègues.
Audition des mémoires des organismes
intéressés
Confédération des syndicats
nationaux
M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre,
madame, MM. les membres de la commission parlementaire, je vais d'abord vous
présenter ceux qui m'accompagnent: Lucie Dagenais, adjointe à
l'exécutif de la CSN, à ma gauche; Pierre Lamarche, adjoint
à l'exécutif de la CSN lui aussi; et Mme Zaïda Nunez, qui
est conseiller syndical à la CSN sur le plan des lois sociales.
M. Bellemare: Comment vous écrivez cela? M. Rodrigue:
NUNEZ.
M. Bellemare: NUNEZ. Bon, son premier nom?
M. Rodrigue: Zaïda.
M. Bellemare: Zaïda, cela, je suis capable.
M. Rodrigue: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, madame, je voudrais d'abord souligner que, pour nous, il
est important aussi de vous remercier de l'occasion qui nous est fournie, de
venir faire nos commentaires sur le projet de loi
126, en ce qui concerne les normes de travail. Je voudrais souligner le
fait que c'est d'autant plus important pour nous, à cause de la nature
de notre organisation, et à cause de la réalité dans
laquelle nous nous retrouvons. C'est d'autant plus important si nous
considérons, selon les statistiques que nous connaissons, celles de
1974-1975 entre autres, que ceux qui sont sous la loi en ce qui concerne le
salaire minimum, sont en majorité des femmes, effectivement, 70% sont
des femmes, par conséquent, c'est sûrement aussi vrai sinon plus
sur les normes de travail, en général, quand on parle de minimum.
Je voudrais donc, avec votre permission, M. le Président, d'abord lire
le mémoire. J'espère que ce sera relativement bref, parce que,
à le résumer, comme l'histoire nous l'indique, on prendrait plus
de temps que de le dire.
La CSN donne son accord aux principes d'une loi établissant les
normes de travail. La CSN a toujours favorisé l'existence d'une loi
établissant des conditions de travail applicables à tous les
salariés, sans distinction. Cette prise de position, nous la
répétons, en présentant nos commentaires et observations
au sujet du projet de loi 126, qui a été déposé par
le ministre du Travail, en décembre 1978.
Nous sommes d'avis que tous les travailleurs, syndiqués ou non,
ont un droit strict à des conditions de travail qui leur permettent de
vivre d'une manière décente. Ces conditions de travail ne doivent
pas être trop inférieures à celles qui sont
observées en moyenne pour l'ensemble des travailleurs, afin
d'éviter de "marginaliser" davantage un pourcentage important des
travailleurs. Le taux relativement faible de syndicalisation, au Québec,
environ 38%, s'explique par plusieurs facteurs, dont les lacunes du Code du
travail.
En effet, le Code du travail accorde un droit théorique à
la syndicalisation, mais, en pratique, un grand nombre de travailleurs ne
peuvent exercer ce droit, surtout ceux qui travaillent dans des
établissements où le nombre d'employés est restreint. En
raison de cette situation, il est davantage impérieux d'établir
des conditions générales de travail qui soient convenables.
L'établissement de telles conditions de travail est aussi fort
important pour les travailleurs syndiqués; en effet, révolution
de leurs conditions de travail est freinée par l'état lamentable
de celles du secteur non syndiqué.
L'Etat doit aussi assumer sa responsabilité en assurant à
tous les travailleurs des conditions de travail de base, puisqu'il est
évidemment impossible pour les organisations syndicales, en
négociant entreprise par entreprise, d'en arriver à
protéger tous les travailleurs.
Nous ne pouvons soutenir que les améliorations de vie des
travailleurs doivent provenir uniquement des conventions collectives, surtout
dans l'état actuel de la législation. D'ailleurs, l'action
syndicale se fonde sur des revendications sociales, économiques,
culturelles et politiques beaucoup plus larges et visant toute la
collectivité indistinctement, qu'elle soit ou non organisée en
syndicats.
Pour ces diverses raisons, nous donnons notre accord à une
véritable loi prévoyant les normes du travail, mais nous ne
pouvons donner notre assentiment à un nombre substantiel d'articles du
projet de loi 126.
Pour la CSN, ces conditions doivent coller à une certaine
réalité. Or, les propositions du projet de loi 126 sont tout
à fait décevantes. Dans la plupart des cas, elles sont bien en
deçà de la moyenne des conditions de travail observées au
Québec. Elles sont fort éloignées des recommandations du
groupe de travail présidé par Claude Castonguay en 1975,
généralement inférieures à ce qui est prescrit dans
la plupart des autres provinces ainsi que dans le Code canadien du travail.
Elles ne sont pas conformes à certaines propositions du programme du
Parti québécois en 1975. Nous démontrerons ces faits au
cours de ce mémoire.
En permettant que plusieurs dispositions du projet de loi soient
établies par voie réglementaire, le gouvernement pose un autre
problème. La CSN estime que les conditions minimales de travail doivent
être le plus possible prévues explicitement dans la loi.
Nous pourrions critiquer certains articles du projet de loi en disant
que la proposition gouvernementale n'est pas assez généreuse, ce
qui est le cas, par exemple, pour l'article 59 qui traite des jours
chômés, fériés et payés. Bien sûr, le
gouvernement nous répondra que son pouvoir réglementaire lui
permettra d'aller plus loin. Toutefois, ne serait-il pas plus normal que le
gouvernement ne se contente pas de nous dire son intention, mais bien de
l'écrire dans la loi?
Quand toutes les dispositions qu'il est possible d'inclure dans un
projet de loi le sont, les syndicats, de même que les partis politiques
et les députés, peuvent en débattre publiquement. Comme on
nous le rappellera sans doute, les mêmes critiques peuvent être
adressées au gouvernement lorsqu'il adopte un règlement.
Cependant, l'expérience nous démontre que, dans un tel cas, le
gouvernement n'est pas tenu et ne se donne pas toujours la peine de consulter
officiellement les organisations syndicales. Quoi qu'il en soit, le
débat suscité par l'adoption d'un règlement est fort
différent et beaucoup moins démocratique d'un débat
suscité par l'adoption d'un projet de loi comprenant toutes les
dispositions possibles et nécessaires.
Parce qu'un règlement se change rapidement, les travailleurs,
surtout ceux qui sont affectés directement par les conditions
générales, n'ont pas la même garantie que les conditions
prévues par règlement s'appliqueront effectivement. Par exemple,
lors de la dernière indexation du salaire minimum, les travailleurs qui
s'attendaient à recevoir l'augmentation promise et
décrétée par le gouvernement ont été
déçus, parce que ce dernier a changé le règlement,
ce qui a fait le bonheur des employeurs, mais non celui des travailleurs. Il
aurait été normal que, lors d'un débat public,
l'Assemblée nationale soit appelée à se prononcer sur
cette modification majeure. La CSN, qui était
prête à contester la valeur de l'étude
énonomique qui avait servi de justification à l'attitude nouvelle
du gouvernement, n'a eu la possibilité de le faire qu'après la
décision du gouvernement. Nous ne croyons pas que ce soit une bonne
façon de vivre la démocratie.
De plus, la CSN désire faire remarquer que l'établissement
de dispositions par voie réglementaire laisse le champ libre au chantage
des compagnies et aux pressions des groupes qui ne partagent pas les
intérêts des travailleurs, ce que nous dénonçons
fortement.
Par conséquent, nous insistons pour que la loi inclue toutes les
conditions minimales de travail qu'elle peut inclure et pour que ces conditions
ne puissent être modifiées que par la voie du processus
législatif. Il ne serait pas pertinent que l'Assemblée nationale
prétende ne pas avoir le temps de s'occuper de ce problème
puisqu'il s'agit de conditions de vie de centaines de milliers de
travailleurs.
Notre position ne signifie pas qu'aucun pouvoir réglementaire ne
puisse être prévu dans la loi. Nous estimons qu'il est normal que
l'Assemblée nationale ne puisse décider dans le moindre
détail de la façon qu'une loi sera appliquée, par exemple.
Aussi, dans le domaine des modalités d'application d'une loi, et dans ce
seul domaine, un pouvoir réglementaire est acceptable.
Avant de procéder à l'analyse détaillée du
projet de loi, nous désirons soulever un autre point de portée
générale. En 1974, le gouvernement de l'époque avait
confié à un groupe de travail le soin d'étudier et de
faire des recommandations sur la politique de salaire et des conditions
minimales de travail. Ce groupe, qui était composé de M. Claude
Castonguay, président, de Mme Diane Jean-Laberge, de MM. Paul Baril et
Louis-J. Lemieux, présentait son rapport en mars 1975. Nous aurons
l'occasion au cours de ce mémoire de traiter de ce rapport, mais il nous
semble approprié de soulever immédiatement la question de
l'universalité de l'application d'une loi portant sur les conditions
minimales de travail.
Le projet de loi 126 prévoit toutes sortes d'exclusions,
certaines spécifiées dans le projet, d'autres qui pourraient
être décidées par règlement. Au moins quatre
articles du projet de loi 126 traitent d'exclusions. Il s'agit des articles 3,
76, 86 et 88. En vertu de l'article 3, la loi ne s'appliquerait pas et,
là, on cite la série de groupes auxquels la loi ne s'appliquerait
pas. L'article 76 en fait de même, ainsi que l'article 86 qui permet au
gouvernement d'exclure totalement de l'application de la loi et des
règlements les organismes qu'il désigne. Cela pourrait
être, par exemple, les hôpitaux, les collèges, les
institutions privées d'enseignement ou tout autre organisme. En
théorie, la loi et les règlements, par décision unique du
gouvernement, pourraient ne plus s'appliquer à personne.
De plus, en vertu du même article, le gouvernement peut
décider que le taux du salaire minimum ne s'applique plus à aucun
salarié et il nous annonce qu'il vise notamment les salariés
suivants:... Là, on inscrit l'ensemble des groupes.
Or, dans un premier temps, l'article prévoit que tous les
travailleurs peuvent être exclus de l'application de la loi et de ses
règlements; dans un deuxième temps, si tous les travailleurs ne
sont pas déjà exclus, un nombre important d'entre eux pourraient
l'être spécifiquement et nommément, sans que cette liste
soit complète puisqu'elle est plutôt donnée à titre
d'exemple.
On peut se demander ce que vient faire l'article 88 qui permet de
soustraire de l'application de la loi certains établissements
spécifiques, alors que l'article 86 donne le pouvoir au gouvernement de
soustraire tous les organismes de l'application de la loi.
Enfin, toujours au chapitre des exclusions, rappelons que le
gouvernement ne s'oblige pas à appliquer la loi envers ses
employés, car pour ce faire, il faudrait qu'il le dise
spécifiquement. Les employés du gouvernement qui ne sont pas
assujettis à une convention collective recevront les traitements qu'il
plaira au gouvernement de leur accorder; leur semaine de travail pourrait
être de n'importe quelle durée; ils pourraient ne recevoir aucunes
vacances payées, ni aucun jour chômé, férié,
et les femmes pourraient ne pas avoir droit au congé de
maternité.
A la suite de la lecture des articles précités, nous
sommes en droit de nous demander s'il s'agit bien d'une loi des conditions
générales de travail, puisque si elle était adoptée
telle quelle, elle pourrait bien ne plus s'appliquer à aucun
travailleur.
Pourtant, le groupe de travail Castonguay tenait un tout autre discours
et recommandait fermement: "Que tous les salariés, incluant ceux
à l'emploi du gouvernement, soient couverts par la Loi du salaire
minimum."
En conséquence de ce qui précède, la CSN demande
que soient rayées toutes les exclusions prévues au projet de loi
126. La loi doit être de portée universelle, elle doit s'appliquer
à tous les travailleurs sans distinction.
Maintenant, les commentaires sur les différents articles du
projet. D'abord, il nous faut parler du titre même de ce projet, "Loi sur
les normes du travail". Le titre nous a surpris, et encore plus après
lecture du projet de loi, car le dictionnaire Robert nous enseigne que norme
signifie "état habituel, conforme à la majorité des cas".
Si nous acceptons cette définition, ce projet de loi n'établit
pas de normes du travail, il tente plutôt de mettre en place des
conditions de travail minimales de travail. Or, le titre, pour ne pas tronquer
la vérité, devrait être modifié en
conséquence.
La définition de l'accouchement semble assez près de celle
qui est déjà contenue dans l'ordonnance de la Commission du
salaire minimum du 7 novembre 1978. Il nous semble qu'elle soit trop
restrictive. L'expression "par provocation médicale légale" peut
entraîner des débats juridiques que très souvent la
salariée ne pourra supporter financièrement. De plus, ce qui
n'est pas légal au Québec peut l'être aux Etats-Unis
où une femme du Québec peut aller pour un avortement
légal. Dans un tel cas, serait-il considéré qu'il s'agit
de la
fin d'une grossesse par provocation médicale qui n'est pas
légale? Par ailleurs, on ne retrouve pas cette expression dans les
ententes entre les fédérations de médecins et le
ministère des Affaires sociales, ententes qui régissent les
tarifs payés aux médecins pour ces actes. Il ne faut pas oublier
que l'application de la loi se fait en premier lieu par une décision
d'un employeur; il ne faudrait pas faire en sorte que l'employeur ait à
s'immiscer dans un domaine aussi privé et que l'employée ait des
difficultés à faire reconnaître ses droits. Le gouvernement
a déjà assez de moyens en vertu du Code criminel ce que
nous contestons d'ailleurs pour ne pas introduire les employeurs dans
cette question. En conséquence, nous demandons que soit rayé le
mot "légale".
Nous comprenons que la définition du mot "salarié" vise
à tout le moins à couvrir ce qu'il est convenu d'appeler "les
entrepreneurs dépendants". Cette catégorie peut comprendre des
camionneurs, des livreurs à domicile, etc. Si tel est l'objectif de
cette définition, nous nous en réjouissons; nous aimerions
toutefois que les choses soient dites plus clairement.
Au moins une autre interrogation nous vient à l'esprit à
la lecture de cette définition. Est-ce que les salariés hors de
l'établissement de l'employeur travail à domicile
sont compris ou non dans cette définition? Dans l'affirmative, comme
nous le souhaitons, pourquoi ne pas le dire clairement? Nous vous rappelons
à ce sujet la position du groupe de travail Castonguay: "Que les
salariés travaillant en dehors de l'établissement d'un employeur
soient couverts par la Loi du salaire minimum. (11 h 30) "6. Que le taux
minimum pour les salariés travaillant en dehors de
l'établissement de l'employeur soit calculé d'après le
taux et le mode de rémunération des salariés qui
effectuent des tâches similaires à l'établissement de
l'employeur".
A l'article 3 sur les exclusions, nous avons déjà
exprimé notre opposition aux exclusions qui sont prévus à
l'article 3. Nous ajoutons que nous ne voyons aucune rationalité
à, d'une part, excluse de l'application de la loi un salarié
travaillant à l'exploitation d'une ferme parce qu'il n'y a pas plus que
deux autres salariés qui travaillent avec lui et, d'autre part, à
couvrir par la loi celui qui y travaille avec trois autres salariés ou
plus. Il s'agirait, nous supposons, de protéger la petite ferme
familiale; aurait-on objection à permettre au salarié
d'être protégé par les conditions minimales de travail? Ce
ou ces salariés n'auraient-ils pas les mêmes obligations que les
autres?
Nous sommes tout aussi opposés à ce que les domestiques
qui résident chez l'employeur et ceux qui travaillent moins de 30 heures
pour un même employeur soient exclus de l'application de la loi. Nous
croyons que tous les domestiques devraient être protégés
par la loi. Cette position est conforme aux recommandations du groupe
Castonguay qui, à la page 78 de son rapport, écrit ce qui suit
et je vous laisse le loisir d'en prendre note.
A l'article 11, délégation des pouvoirs de la commission,
nous sommes très étonnés de la teneur de cet article qui
permet à la commission de déléguer tous ses pouvoirs
à une personne. Si cet article est appliqué, pourquoi une
commission? Faudrait-il présumer que les membres de la commission seront
assez dociles pour déléguer à la première
réunion tous leurs pouvoirs au président, par exemple, et ne
revenir qu'au bout de trois ans, à la fin de leur mandat? Il est bien
reconnu qu'une telle commission doive remplir son mandat au jour le jour et
qu'à cette fin, une personne doive être autorisée à
poser des gestes en conséquence pour faire rapport à la
commission par la suite. Toutefois, nous sommes loin de cette situation avec le
libellé de l'article 11 et c'est pourquoi nous nous opposons à
cet article tel que rédigé.
Taux du salaire minimum et son indexation. Nous tenons à
répéter notre revendication voulant que le taux du salaire
minimum doive être prévu dans la loi de même que la formule
d'indexation. Nous attirons de nouveau l'attention sur le fait que nous
considérons le niveau du salaire minimum encore de loin inférieur
à celui qui permettrait à un travailleur de vivre
décemment. D'ailleurs, le niveau actuel ne correspond pas aux
engagements initaux pris par le gouvernement et n'est pas non plus conforme aux
promesses électorales du Parti québécois.
Nous ajoutons que si le rapport du groupe de travail Castonguay avait
été appliqué dès sa parution, le niveau actuel du
salaire minimum serait sensiblement plus élevé. Nous insistons
donc pour une hausse importante du niveau actuel du salaire minimum. On peut
dire que socialement c'est nécessaire et opposer à cela le fait
qu'économiquement cela peut poser des problèmes sauf que,
économiquement et socialement, ceux qui vivent sous le seuil de la
pauvreté ou encore au niveau du salaire minimum, on leur impose des
contraintes économiques et sociales importantes.
Nous attirons aussi l'attention sur le fait que l'article 39, tel que
rédigé, pourrait permettre au gouvernement d'établir des
taux minima régionaux. Nous espérons que telle n'est pas
l'intention du gouvernement et, pour éviter de succomber à toute
tentation éventuelle dans ce sens, nous demandons que le texte soit
modifié en conséquence.
Nous sommes tout à fait surpris, en ce qui concerne la retenue
sur le salaire, de la rédaction du deuxième paragraphe de
l'article 48 qui stipule qu'une autorisation de retenue sur le salaire peut
être révoquée en tout temps sauf lorsqu'il s'agit d'une
adhésion à un régime d'assurance collective ou à un
régime supplémentaire de rentes. Comment concilier ce texte avec
l'article 38 du Code du travail qui prévoit la retenue syndicale
obligatoire? Comment concilier ce texte avec les dispositions des conventions
collectives qui prévoient des retenues syndicales sans
possibilité de la part des salariés de retirer leur autorisation
pendant la durée d'une convention collective?
Journée et semaine de travail. Cet article établit la
semaine normale de travail à 44 heures et prévoit que le
gouvernement peut, par règlement,
allonger la durée de la semaine. Nous nous opposons à la
norme de 44 heures que nous désirons voir réduire à 40
heures et, conséquemment, nous nous opposons à ce que le
gouvernement puisse fixer une semaine encore plus longue que celle qui est
prévue dans cet article.
Nous demandons, de plus, que le nombre d'heures de travail quotidien
soit fixé à huit pour éviter des abus considérables
quant au non-paiement du temps supplémentaire; l'article 51, en ne
fixant pas de limite quotidienne, permet à un employeur d'exiger d'un
salarié qu'il travaille dix, douze heures par jour et même plus
sans rémunération supplémentaire. Des heures de travail
aussi longues sont susceptibles d'affecter la santé des travailleurs et
souvent constituent un plus grand risque d'accidents du travail. Aussi, il nous
apparaît que la loi des conditions minimales de travail devrait
spécifier un nombre maximum d'heures de travail pour une journée.
Quant à nous, la journée de huit heures nous semble d'application
courante et cette norme devrait être universelle et stipulée dans
la loi.
Au-delà de huit heures de travail par jour, le temps
supplémentaire devrait donc être payé. Sur ce dernier
point, le groupe de travail Castonguay partageait notre avis en recommandant
toutefois une journée de neuf heures. Rappelons que sa proposition date
de 1975.
Dans ce domaine des heures de travail, il est utile et opportun de se
référer à la situation réelle des travailleurs
québécois. Nous trouvons les indications nécessaires dans
un document du Bureau de la statistique du Québec, "Statistique sur le
marché du travail". Je vous ferai grâce de l'explication des
tableaux, je vais simplement résumer les tableaux.
Le tableau 25 que nous extrayons de cette publication nous
démontre qu'au Québec, en 1976, la semaine de travail dans
à peu près tous les secteurs d'activités, syndiqués
ou non, se situait à environ 40 heures. Dans les cas où la
semaine de travail est supérieure à 40 heures, on peut croire que
du temps supplémentaire a été effectué.
Dans le tableau 27, une enquête effectuée en 1976
auprès de 4502 établissements et 315 000 employés de
bureau donne les résultats suivants: la semaine de travail est de cinq
jours par semaine et la journée de travail est de moins de huit heures
pour 99% des répondants: la journée de travail est de sept heures
et demie ou moins pour 86% des répondants.
Le tableau 29 nous démontre que la durée de la semaine de
travail pour 85% des employés hors bureau est de 40 heures ou moins et
ces données valent pour 4131 établissements et 430 000
employés. De plus, on y apprend que 94% des salariés ont une
semaine de cinq jours et 88% du même groupe ont des horaires quotidiens
de huit heures ou moins.
Ces données devraient suffire pour entraîner un changement,
quant à nous, à l'article 51 du projet de loi 126.
Rappelons tout de même que, par la loi C-8, le gouvernement du
Canada a accepté la norme de 40 heures par semaine et la journée
de huit heures. Cette législation ne s'applique que dans le cadre de la
compétence fédérale pour les employés qui
dépendent de cette juridiction. Le Code canadien du travail
prévoit certaines exceptions, mais la semaine de travail ne peut jamais
excéder 48 heures.
En Ontario puisqu'il est courant d'établir des
comparaisons avec cette province la norme de huit heures par jour est
appliquée, bien que la semaine de travail soit fixée à 48
heures. Mentionnons qu'en Saskatchewan, en plus de la norme de huit heures par
jour, la semaine de 40 heures est prévue.
Pour terminer, est-il utile de citer le programme du Parti
québécois, édition 1975? "En conséquence, un
gouvernement du Parti québécois s'engage à:
Etablir une répartition plus juste du travail que la
société doit assumer: a) fixer à 40 heures la semaine
maximum régulière de travail; les heures supplémentaires
seront rémunérées à temps et demi et les dimanches
et jours fériés à temps double. Un employeur ne pourra
obliger un employé à fournir des heures supplémentaires.
En outre, l'application de la semaine de 40 heures ne devra pas entraîner
de diminution de salaire; b) par la suite, viser à diminuer
progressivement ces nombres d'heures, compte tenu de l'évolution de la
technologie".
Bien sûr, le programme...
M. Bellemare: Cette référence est prise à la
page 21, je pense.
M. Rodrigue: Elle est déchirée.
M. Bellemare: Elle est déchirée, il n'y a pas de
référence...
M. Rodrigue: Bien sûr, le programme ne dit pas à
quelle date cet engagement sera appliqué. Il est évident,
cependant, que le gouvernement ne passera pas rapidement à la
deuxième étape du programme s'il n'applique pas la
première, c'est-à-dire la semaine de 40 heures.
Les revendications pour la semaine de 40 heures ne datent pas d'hier. En
1935, le Bureau international du travail adoptait: "que le principe de la
semaine de 40 heures soit appliqué de telle manière qu'il ne
comporte pas de diminution dans le niveau de vie des travailleurs".
Nous croyons que le gouvernement québécois n'a pas
à craindre d'être critiqué pour son zèle si, en
1979, il établit par législation la semaine de 40 heures.
Des exclusions quant à la durée du travail. Nous avons
déjà dénoncé fortement les différentes
exclusions de catégories de salariés inscrites dans ce projet de
loi et nous continuons de le faire pour ce qui est des exclusions qu'on trouve
à l'article 53.
Selon cet article, la durée d'une semaine normale ne s'applique
pas aux salariés suivants. Le groupe de travail Castonguay nous
partageons
son avis plaide pour l'universalité de l'application de la
Loi du salaire minimum. Il n'y a pas d'avantages à marginaliser les
groupes de salariés, à les exclure de l'application d'une loi des
conditions minimales de travail. Serait-ce au nom de la protection de
l'entreprise familiale que le conjoint de l'employeur et ses enfants ne
seraient pas couverts par la réglementation sur la durée du
travail? Tient-on pour acquis qu'il n'y a pas d'exploitation des conjoints et
des enfants dans certaines entreprises familiales?
A-t-on suffisamment songé, lorsqu'on se réfère au
conjoint, qu'il s'agit en grande partie de femmes? Celles-ci ne sont pas assez
exploitées dans d'autres domaines qu'il nous faudrait ajouter un autre
moyen d'exploitation?
Les étudiants qui travaillent dans une colonie de vacances ont
aussi droit à une durée normale de travail. Pourquoi
devraient-ils faire 24 heures par jour sans rémunération
adéquate?
Les salariés surnuméraires pendant la période des
récoltes devraient aussi jouir de conditions de travail
décentes.
Si, en raison du court temps de la récolte, il leur faut
travailler plus longtemps, ils devraient être payés en
conséquence. Il ne faut pas oublier que, parfois, cette catégorie
de salariés peut être constituée d'immigrants, entre
autres. Pourquoi en arriver à ajouter une autre forme de
discrimination?
Cet article traite on va en traiter à l'article 59
des jours fériés, chômés et payés. Nous
sommes déçus du fait que la loi ne prévoit que trois jours
fériés, chômés et payés, la fête
nationale des Québécois incluse.
Le gouvernement nous dira qu'il en prescrira d'autres par
règlement. Il n'y a aucune raison pour ne pas le faire dans la loi,
comme d'ailleurs le groupe de travail Castonguay le recommandait à la
page 8 de son rapport: "que la loi prévoie huit jours
fériés payés par année. A noter que cette
recommandation a été faite en 1975.
Selon le document du Bureau de la statistique du Québec, la
situation québécoise, en matière de jours
fériés, chômés et payés, peut être
décrite ainsi: Des 315 000 employés de bureau qui ont
répondu à l'enquête, 85% jouissent d'au moins dix jours
fériés payés par année. Pour ce qui est de
l'enquête auprès de 430 000 employés hors bureau, au
tableau 29, elle a révélé que plus de 75% d'entre eux ont
droit à au moins dix jours de congés fériés par
année.
Si on accepte le postulat que "la législation du salaire minimum
peut être vue comme un moyen d'assurer à l'ensemble des
travailleurs des conditions de travail dont une majorité
bénéficie déjà", il ne devrait y avoir aucun
obstacle à ce que la loi prévoie au moins dix jours
fériés, chômés et payés.
Il est aussi intéressant de connaître la situation au
Canada et dans les provinces pour ce qui est des jours fériés et
payés. On voit qu'au Canada, il y en a neuf: Terre-Neuve, 13; Ontario,
8; Manitoba, 7; Colombie-Britannique, 8, et Alberta, 8.
A l'article 62, la compensation en cas de travail un jour
férié. Cet article, qui traite du cas où un salarié
travaille un jour férié payé, stipule que l'employeur peut
le compenser en argent ou en temps. Il nous semble que l'article devrait
être modifié, de façon que le salarié soit toujours
compensé en argent, à moins qu'il ne demande lui-même
à être compensé en temps. Il ne faut pas oublier que c'est
le salarié qui subit l'inconvénient de travailler un jour
férié et il serait normal que ce dernier puisse choisir son mode
de compensation.
Une condition additionnelle: Cet article ajoute une nouvelle condition
pour le droit du salarié de bénéficier du paiement d'un
jour férié, condition qui n'apparaissait pas dans la Loi sur la
fête nationale. Par cette disposition supplémentaire, non
seulement le salarié devra avoir eu droit à un salaire pendant au
moins dix jours dans les 30 jours précédant ce jour
férié, mais encore, il ne devra pas s'être absenté
du travail à la veille ou au lendemain de ce jour. Ajoutons toutefois
qu'une telle absence sera permise sur l'autorisation de l'employeur pour une
raison valable. Parce que l'expression "raison valable" n'est pas
définie, il pourra être difficile pour un travailleur non
syndiqué de justifier son absence et ce, même s'il a une bonne
raison.
Ce texte permettra aussi à l'employeur mesquin de refuser le
paiement si le salarié s'absente du travail pour une courte
période de temps, par exemple s'il accuse un retard. Un refus dans une
telle conjoncture pourrait donner lieu à un grief, mais, s'il n'y a pas
de convention collective, cette disposition pourrait être une
échappatoire au paiement des jours fériés.
Aux articles 67 et 68, les congés annuels payés. Le
régime proposé de congés annuels prévoit deux
semaines de vacances après un an de service et trois semaines
après dix ans de service. Nous trouvons ces propositions timorées
et nous suggérons que la loi des conditions minimales de travail stipule
quatre semaines de vacances après un an. Dans le secteur public et
parapublic, la règle négociée en 1976 prévoit
quatre semaines de vacances après un an de service, ce qui s'applique
à au moins 300 000 salariés au Québec.
Le programme du Parti québécois, en 1975, prévoyait
aussi quatre semaines de vacances par année et cela, pour chaque
employé à temps plein. Rappelons aussi que la convention no 132
de l'Organisation internationale du travail prévoit un minimum de trois
semaines de vacances payées. Le Canada et certaines provinces accordent
un régime de vacances plus généreux que celui prévu
dans le projet de loi 126. Ainsi, le gouvernement fédéral a
prévu un minimum de trois semaines après six ans de service, la
Saskatchewan, un régime de trois semaines après un an et quatre
semaines après dix ans. Le Manitoba n'accorde que deux semaines
après un an, mais trois semaines après quatre ans.
Nous croyons utile aussi de citer ce qui existait au Québec, en
1975, en matière de congés payés pour les employés
de bureau et hors bureau. Alors, le tableau suivant, le tableau 28,
révèle que 97% des employés de bureau ont un
régime prévoyant trois semaines de vacances, 93% d'entre eux ont
un régime qui prévoit quatre semaines de vacances et 59%
bénéficient même d'un régime qui prévoit cinq
semaines de vacances après un an.
Enfin, on a, au tableau 30, d'autres explications quant aux
employés hors bureau: 90% ont un régime de trois semaines de
vacances, 81% un régime de quatre semaines de vacances et 49% un
régime de cinq semaines. Pour tous ces régimes, des vacances sont
accordées selon le nombre d'années de service.
Enfin, nous voulons conclure cette question de la durée des
congés annuels payés en rappelant qu'il n'est pas convenable de
prévoir de si courtes périodes de vacances comme conditions
minimales de travail. Ceci n'est pas compatible avec un objectif
d'amélioration de la qualité de vie des travailleurs. (11 h
45)
A l'article 76, l'article des exclusions, dans une autre partie de ce
mémoire, nous avons exprimé on le rappelle notre
opposition à toute forme d'exclusion de l'application de cette loi
à toutes catégories de salariés.
Nous rappelons ici notre opposition aux exclusions car elles
démontrent une attitude discriminatoire à l'endroit des personnes
concernées.
Aux articles 79 et 80, des congés sociaux. Les propositions du
projet de loi 126 concernant les congés sociaux sont mesquines, quant
à nous. Il ne nous apparaît pas suffisant de ne payer qu'une
journée de congé à l'occasion du décès d'un
membre de sa famille immédiate, plus une possibilité d'absence de
trois jours sans paie. Il en est de même pour l'article 80 qui
prévoit une absence d'une journée, sans salaire, pour le jour du
mariage de l'un des enfants et de deux jours sans paie à l'occasion de
la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Il est vraiment curieux que rien ne
soit prévu pour le mariage du salarié lui-même. En passant,
on peut s'amuser un peu; le projet de loi ne prévoit pas de vacances ou
de congé pour le salarié qui se marie. On pense que cela arrive
encore ici au Québec de temps en temps.
Nous rappelons que le Code canadien du travail prévoit un
congé payé de trois jours dans le cas du décès d'un
membre de la famille immédiate du salarié.
Maintenant, le préavis du licenciement, l'article 81. La CSN
estime qu'un préavis de deux semaines avant le licenciement d'un
travailleur qui a passé des années de sa vie active au service
d'une entreprise est trop court et que le préavis devrait être
proportionnel au nombre d'années de service. Il ne serait pas du tout
exagéré de prévoir dans la loi que le préavis
après trois mois de service est de deux semaines et qu'il augmente d'une
semaine par année de service.
Il faudrait aussi s'assurer que cet article n'annule pas l'article 45 de
la loi 51 sur la qualification et la formation professionnelle, loi qui
prévoit un préavis de licenciement plus long dans le cas d'un
licenciement collectif, en attendant de modifier la loi tel qu'on le voudrait
bien, nous de la CSN. Il faut bien se rendre compte que pour le travailleur,
être licencié individuellement ou collectivement ne change pas sa
situation de chômeur mais la loi sur les normes ne devrait pas annuler
certains avantages existants déjà.
Le préavis a pour but d'éviter que le travailleur se
retrouve brutalement sans travail et sans revenu, qu'il dispose d'un
délai raisonnable pendant lequel son salaire lui sera versé et
son emploi maintenu, pour s'adapter à la situation et chercher un autre
emploi.
On va au suivant, à l'article 84, c'est-à-dire l'article
des uniformes. Cet article traite des uniformes que l'employeur rend
obligatoires en stipulant qu'il ne peut opérer aucune déduction
du salaire minimum pour l'achat, l'usage ou l'entretien de cet uniforme.
L'article, tel que rédigé, n'est pas satisfaisant parce que ce
qui ne peut être fait directement pourra l'être indirectement.
L'employeur n'aura pas le droit de déduire du salaire minimum l'achat de
l'uniforme qu'il rend obligatoire, mais il pourra exiger du salarié
qu'il se l'achète, évitant ainsi la déduction du salaire
minimum et parvenant au même résultat. La loi doit donc
prévoir que l'uniforme rendu obligatoire par l'employeur est à la
charge de ce dernier.
Exclusions par règlement à l'article 86. On a
rappelé plusieurs fois le fait qu'on est contre les exclusions. Nous
réclamons, encore une fois, l'universalité de l'application de la
loi sur les conditions minimales de travail.
Le taux du salaire au rendement. Le gouvernement se réserve le
droit de fixer par règlement le salaire minimum "qui peut être
établi au temps ou au rendement ou sur une autre base". La CSN est tout
à fait contre le salaire au rendement qui constitue une surexploitation.
Il faut dire clairement qu'en aucun cas le salaire minimum fixé au
rendement ne doit être inférieur au taux du salaire minimum
établi au temps. Dans certains secteurs industriels, il existe une
pratique de négociation qui a comme résultat un salaire horaire
inférieur au salaire minimum parce que les travailleurs sont
payés au rendement. Un règlement permettant d'établir le
taux au rendement pourrait consacrer cette façon de procéder qui
devrait être abolie.
De plus, cette possibilité de réglementation semble
incompatible avec l'article 40 qui stipule "qu'aucun avantage ayant une valeur
pécuniaire ne doit entrer dans le calcul du salaire minimum".
Voyons maintenant la semaine de travail, à l'article 87. Une fois
de plus, le gouvernement fait une entorse à l'universalité de
l'application de la loi en se donnant la possibilité d'établir,
par règlement, des normes spéciales sur la semaine de travail,
notamment pour les domestiques, les salariés du commerce de
l'alimentation au détail, des industries forestières, de la
pêche, etc. Parce que la loi des conditions minimales de travail doit
s'appliquer de la même façon pour tous les travailleurs, sans
distinction, la CSN réclame la suppression de ce paragraphe
discriminatoire.
Le congé de maternité à l'article 87f. Ce
paragraphe stipule que le gouvernement peut, par
règlement, établir les modalités du congé de
maternité. Nous tenons à répéter que le
gouvernement n'a aucun motif valable d'établir ce droit par
règlement plutôt que dans la loi.
L'argument invoqué par le ministre du Travail lors de la
présentation de l'ordonnance, à savoir de procéder plus
rapidement, ne tient plus.
Les changements demandés à l'ordonnance
générale. Nous proposons plus loin des modifications à
l'ordonnance actuellement en vigueur et demandons que cette ordonnance
modifiée devienne un chapitre de la loi. Et là on
décrit... Je pense que cela vaut la peine de le lire, à partir de
l'article 7 en tout cas.
Durée du congé. Nous demandons un congé de 20
semaines au lieu de 18 semaines et que ce congé soit
rémunéré à plein salaire, à condition que la
salariée ait trois mois d'emploi dans les douze mois qui
précèdent la date de la demande de congé.
A l'article 8, il faudrait biffer le deuxième paragraphe, parce
qu'un congé de deux semaines seulement, après l'accouchement, est
nettement insuffisant.
A l'article 9, il faudrait préciser:
Que la salariée pourrait obtenir une mutation ou un congé
sur présomption scientifique s'il y a danger physique pour elle ou pour
l'enfant à naître;
Que dans le cas de mutation, celle-ci ne doit pas entraîner de
diminution de salaire et d'autres avantages reliés à
l'emploi;
Que si la salariée ne peut obtenir une mutation, elle a droit
à un congé payé en supplément du congé de
maternité de 20 semaines et ce, pour toute la durée de la
grossesse, si nécessaire;
Que l'employeur est tenu d'aviser une salariée enceinte de tout
cas de maladie infectieuse dans son environnement et que si cela constitue un
danger, le premier paragraphe s'applique.
A l'article 10, il faudrait biffer cet article.
A l'article 11, ce congé doit être payé.
A 12, ce congé doit être payé, quant à nous,
aussi.
A l'article 14, il ne devrait pas y avoir de limite à ce
congé de maladie, puisqu'il s'agit de complications causées par
la naissance et qu'elles ne sont pas réglables automatiquement
après quatre semaines. Sur présentation d'un certificat
médical, la salariée devrait pouvoir obtenir un congé de
maladie qui est recommandé par le médecin.
La loi devrait aussi prévoir:
Que les dispositions s'appliquent dans le cas d'adoption ou de prise en
charge d'enfants;
Qu'il est interdit de congédier, suspendre, rétrograder,
mettre à pied ou refuser une promotion à une salariée pour
le motif qu'elle est enceinte;
Qu'il est interdit d'exclure des régimes collectifs d'assurance
les complications reliées à la grossesse ou à la
naissance;
Finalement, qu'il est permis à une femme enceinte de s'absenter
sans perte de salaire pour recevoir les soins spécifiques aux femmes
enceintes.
Enfin, la loi devrait prévoir un congé de paternité
payé de deux semaines et congé parental, sans solde, pour la
mère ou le père n'excédant pas deux ans.
L'article 88, toujours au niveau des exclusions. Comme nous l'avons
déjà dit, l'article 88 qui prévoit la possibilité
d'exclusion de certains organismes, partiellement ou totalement, de
l'application totale ou partielle de loi nous semble superflue, parce que le
gouvernement s'est déjà donné ce pouvoir à
l'article 86. L'élimination de cet article s'impose d'autant plus qu'il
pourrait constituer une discrimination à l'endroit des handicapés
et des détenus.
A l'article 89, les normes variables. Non seulement le gouvernement se
permet-il de fixer par règlements un grand nombre de conditions
minimales de travail, mais encore il nous apprend son intention, à
l'article 89, de faire varier les "normes" visées dans les articles 86,
87 et 88, "selon la branche d'activité et le genre de travail". Faut-il
répéter que la loi des conditions minimales de travail ne doit
comporter aucune discrimination.
Le paiement par la commission des sommes dues par les employeurs. La
commission des normes du travail devrait payer la somme due à un
employé en guise de dédommagement et, par la suite,
réclamer à l'employeur ce qu'elle a versé pour lui.
Habituellement, le travailleur a besoin de disposer rapidement de ce qu'on lui
doit et le versement par la commission d'une somme allant au moins jusqu'au
salaire minimum serait souhaitable. Nous demandons, donc, de remplacer le
"peut" par "doit".
L'article 115, congédiement ou licenciement injustifié. La
CSN endosse l'article 115 qui, toutefois, est trop limité.
L'établissement des normes du travail devrait comprendre prioritairement
des mesures visant à protéger l'emploi. Il est devenu
indispensable de réglementer, en tout temps et en toute circonstance, le
licenciement attribuable à l'initiative de l'employeur. Cela constitue
une condition minimale de travail qui existe dans la législation du
travail de la plupart des pays industrialisés pour les travailleurs
syndiqués ou non.
Le licenciement, en tant que droit discrétionnaire et
unilatéral de l'employeur, a des conséquences sociales et
économiques trop graves pour la société tout
entière pour qu'il ne soit pas soumis à une réglementation
visant à contrôler l'arbitraire et les conséquences d'une
telle décision. Dans la relation de travail, les travailleurs ne sont
pas libres de se faire embaucher ou de refuser, car ils sont obligés de
vendre leur force de travail, ceci étant leur seul moyen de subsistance.
Les deux parties dans le contrat de travail, l'employeur et le salarié,
ne se retrouvent donc pas sur un pied d'égalité
économique; la liberté contractuelle n'existe pas vraiment, comme
elle ne correspond pas à la réalité de la vie
économique.
L'importance de la question a été soulevée par
l'Organisation internationale du travail qui, dans la recommandation
numéro 119 sur la cessation de la relation de travail en 1963, a
établi à
l'article 2 (1) que: "Aucun licenciement ne devrait intervenir sans
qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou
à la conduite du travailleur fondé sur les
nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de
l'établissement ou du service."
Cette recommandation a été mise en application dans un bon
nombre de pays membres de l'OIT. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle, dans
la plupart des pays capitalistes industrialisés, il existe des
législations qui, d'une part, contrôlent le droit
discrétionnaire de l'employeur de licencier et, d'autre part,
réglementent les conséquences du licenciement pour les
travailleurs.
Elles ont consacré, d'une façon ou d'une autre, le
principe selon lequel le travailleur doit pouvoir conserver son emploi à
moins que l'employeur ait un motif valable pour mettre fin à l'emploi
d'un travailleur.
Les motifs qui peuvent justifier le licenciement sont en
général liés à des raisons d'ordre
économique ou disciplinaire.
Les travailleurs licenciés, s'ils ne sont pas syndiqués,
devraient pouvoir recourir à la Commission des normes du travail qui
examinerait si le licenciement est justifié par un motif valable.
Si le licenciement est déclaré injustifié par la
commission, celle-ci aurait le pouvoir d'ordonner que le travailleur soit
réintégré dans sa fonction avec pleine compensation pour
le salaire perdu.
Les amendements récents (C-8 en 1978) au Code canadien du travail
prévoient à l'article 61, un recours en cas de
congédiement injuste. Nous tenons à faire remarquer toutefois que
cet article comporte une rédaction insatisfaisante car "aucune plainte
ne peut être reçue lorsque la personne a été mise
à pied par suite du manque de travail ou de la cessation d'une
fonction". Or, il pourrait suffire que les employeurs affirment qu'ils
licencient ou mettent à pied les travailleurs par manque de travail pour
que ces derniers ne puissent avoir aucun recours pour vérifier si le
motif est réel ou s'il cache une autre réalité.
Les législations étrangères considèrent de
plus que le travailleur qui a passé plusieurs années au service
de l'entreprise a acquis un droit à l'emploi et le fait d'être
licencié lui cause un préjudice objectif que l'employeur doit
dédommager.
L'indemnité de licenciement, de fin d'emploi, de départ,
de perte d'emploi ou paie de séparation, a pour but d'indemniser le
travailleur licencié pour le dommage causé; elle doit être
payée par l'employeur dès qu'il licencie le travailleur, et
même si le licenciement apparaît justifié par des motifs
économiques.
En règle générale, le montant de la paie de
séparation varie de un mois à une semaine de salaire pour chaque
année de service, et elle est augmentée en fonction des
années d'ancienneté.
Nous demandons le versement par l'employeur d'indemnités de
licenciement équivalent à au moins un an de salaire aux
travailleurs touchés par la fermeture totale ou partielle d'une
entreprise.
Ces mesures constituent une réglementation du licenciement que le
gouvernement devrait consacrer dans la loi, de façon que tous les
travailleurs, syndiqués et non syndiqués, jouissent d'une
protection réelle en cas de perte d'emploi.
Aux articles 123 à 125, qui traitent de la faillite, le chapitre
VI prévoit que la commission peut, à même ses fonds,
dédommager un salarié de façon totale ou partielle de
pertes subies suite à la faillite de l'employeur.
La CSN se réjouit de ce principe, mais les mots "de la
manière prévue par règlement" font que le principe ne
constitue qu'une autre promesse. Il y a eu au Québec 943 faillites en
1976 et 1362 en 1977. Or, les travailleurs sont très mal
protégés par la Loi des faillites.
La loi sur les normes et non pas un éventuel
règlement doit prévoir que "la commission dédommage
un salarié de la perte du salaire et d'autres avantages
pécuniaires lui résultant de son contrat de travail, de la
présente loi ou d'un règlement et qu'il a encourus comme
conséquence de la faillite d'un employeur.
Voyons maintenant le contrat de travail. Une véritable
législation sur les normes du travail doit réglementer les
relations de travail dans ses aspects essentiels.
L'un de ces aspects, à notre avis, est le contrat de travail.
Dans le cadre actuel, cette relation de travail est régie par le Code
civil et les recours des travailleurs non syndiqués peuvent
théoriquement s'exercer devant les cours régulières de
justice. Or, l'économie du Code civil tient peu compte des contrats de
travail, ce qui correspond à la réalité sociologique de
1866. Depuis, dans nos sociétés industrialisées, le
salariat est devenu la règle fortement majoritaire.
Deux difficultés majeures se posent pour un travailleur qui
déciderait d'exercer un recours contre son employeur. Il s'agit de
l'absence fréquente d'un écrit sur les conditions d'emploi et les
conditions de travail ainsi que les procédures complexes et
onéreuses devant les tribunaux.
Nous savons comment, à l'heure actuelle, l'absence de contrat
écrit pose d'innombrables difficultés pour les travailleurs qui
sont soumis à l'arbitraire absolu en cette matière, car la parole
de l'employeur constitue à l'heure actuelle la loi du contrat. Cette
carence grave de notre législation permet aux employeurs d'imposer
toutes sortes de changement à la baisse dans les conditions de travail
comme bon leur semble sans que les salariés puissent avoir aucun recours
pour réclamer le respect des conditions de travail établies par
entente.
C'est pourquoi nous revendiquons que l'employeur remette à chaque
salarié, lors de l'embauchage, un document décrivant les
principales conditions d'emploi et de travail, c'est-à-dire salaire,
journée et semaine de travail, jours de repos, horaires, congé
annuel, avantages sociaux, fonctions, statut et lieu de travail. L'employeur
serait également tenu d'aviser par écrit chaque salarié de
tout changement à ces conditions de travail. (12 heures)
Nous demandons aussi que les pouvoirs de la commission soient
modifiés pour qu'elle ait également le pouvoir d'entendre les
plaintes sur le non-respect par l'employeur des conditions de travail
stipulées, qui seraient remises au salarié.
Il nous semble que ces deux conditions, qui sont loin de remplacer les
avantages de la syndi-calisation, contribueraient cependant davantage à
assurer un minimum de droits pour un grand nombre de travailleurs.
Le temps partiel: II y a un sujet sur lequel nous désirons
attirer l'attention de la commission. Au Québec, 55% des travailleurs
rémunérés au taux du salaire minimum sont des travailleurs
à temps partiel, et la plupart sont des femmes. Ces travailleurs sont la
plupart du temps doublement exploités.
Il est important que la loi prévoie l'égalité pour
cette catégorie de travailleurs les temps partiels et
qu'ils aient droit à tous les avantages au prorata du temps
travaillé.
M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés, vous avez, à la suite, un résumé de
l'ensemble des revendications de la CSN sur cette question. Evidemment, je me
dispenserai de les lire, parce qu'on les a reprises un peu partout dans le
mémoire.
C'est l'essentiel de notre position, de nos commentaires jusqu'à
maintenant.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: M. Rodrigue, je voudrais d'abord souligner,
malgré les divergences d'opinions assez profondes qui peuvent exister
sur le contenu, le travail assez remarquable qui a été fait par
la CSN dans l'analyse et dans sa présentation.
J'aurais quelques questions, parce que, dans le fond, ce que vous
proposez là, M. Rodrigue, ça ressemble plus à un projet de
société qu'à des conditions de travail minimales. Ce
débat pourrait être long; on pourrait facilement déborder
le cadre de la loi.
Il y a des questions qui nous embêtent quand on essaie de
légiférer dans ce domaine; d'une part, on essaie de tenir compte
de cette notion de libre association et de ce que peut apporter le syndicalisme
et, d'autre part, de garantir un minimum de conditions de travail pour les
gens.
C'est vrai, vous citez certaines lois qui, pour la plupart, je
présume, même si vous ne les citez pas explicitement, sont des
lois européennes où le contexte du développement des
institutions syndicales a toujours été très
différent de ce qu'il est en Amérique du Nord. Vous citez
également, je présume, certaines choses qu'on rencontre dans des
pays à régime socialiste, sociaux-démocrates du type
suédois ou, à la rigueur, de l'Allemagne de l'Ouest, dans
certains cas.
Il y a juste des choses qui m'ennuient très concrètement,
quand, par exemple, on parle du salaire minimum; une revendication fondamentale
de la CSN, on le sait, c'est l'indexation du salaire minimum, entre autres en
s'inspirant du rapport Castonguay, du groupe Castonguay, à
l'époque.
Que fait-on de l'argument économique dont vous disposez, je
pense, un peu rapidement? Je suis d'accord avec vous que l'argument
économique a permis aux hommes politiques de disposer rapidement des
exigences sociales d'une hausse du salaire minimum; mais je pense qu'il ne faut
pas pour autant disposer trop rapidement non plus de l'argument
économique, à partir du moment où on va se décider
à faire un progrès sur le plan social. Il existe, au
Québec, un taux du salaire minimum qui, en ce moment, demeure le plus
élevé et on vit dans une économie de
compénétration et de concurrence avec nos voisins
immédiats. Je pense aux Etats américains du nord-est,
évidemment aux Maritimes et à l'Ontario, pour parler de nos
voisins les plus proches.
Dans l'hypothèse où on indexerait un salaire minimum
à partir de ce qu'il est aujourd'hui et où on l'indexerait
à partir de maintenant au coût de la vie, est-ce que les
conséquences macro-économiques de ça ne vous
inquiètent pas, quand on tient compte du fait que, pour certaines de nos
industries, au-delà de 60% de leur activité, dans certains
secteurs, sont des marchés d'exportation et qu'en fin de compte,
ça se traduit par des emplois ou pas d'emplois?
M. Rodrigue: D'abord, M. le ministre, une remarque d'ordre
général quant à nos exemples ou à nos comparaisons
et au projet de société que, selon vous, on propose plutôt
que de proposer des amendements à la loi sur les normes...
M. Johnson: Vous proposez, je pense, des amendements très
concrets. J'ai pris la peine de souligner que cela était fait de
façon très méticuleuse, mais...
M. Rodrigue: On a tenté.
M. Johnson: ... je prends l'esprit général,
au-delà de certaines recommandations dont on pourra sûrement tenir
compte à certains égards.
M. Rodrigue: En ce qui concerne les comparaisons, je voudrais
souligner qu'effectivement on prend des exemples ou certains exemples dans les
pays occidentaux, en Europe, pays qui sont dans le même régime que
nous, n'est-ce pas? D'autre part, nous considérons davantage cependant
le fait que le Québec, à cause de plusieurs
particularités, est capable de se donner lui-même ses projets de
loi évidemment en tenant compte de ce qui existe autour de lui, mais
nous pensons que sur ce plan-là il nous faut faire un effort en tenant
compte de la réalité qu'on connaît et qu'on essaie de
décrire dans le mémoire. On a tenté de faire cet effort,
de décrire la réalité. C'est pourquoi nous citons
plusieurs exemples européens, mais nous en citons davantage
québécois quant à la description de la
réalité, ce qui existe, et aussi au niveau du Canada.
Sur ce plan-là, s'il fallait parler d'un projet de
société, je vous assure tout de suite que nous aurions plusieurs
autres éléments à ajouter pour compléter nos
commentaires sur ce mémoire.
En ce qui concerne l'argument économique quant au salaire
minimum, à suivre le raisonnement ou certains raisonnements qu'on entend
souvent, il faudrait payer ici des salaires de Hong Kong ou d'ailleurs, de
certains pays d'Asie...
M. Johnson: Sans verser là-dedans.
M. Rodrigue: ... parce que...
M. Johnson: Sans verser là-dedans.
M. Rodrigue: Sans verser là-dedans effectivement, je vous
soulignerais tout de suite que votre propre parti, il y a à peine
quelque temps, considérait qu'il était important d'indexer le
salaire minimum. L'indexer à quoi? C'est une autre question qu'on a
déjà débattue d'ailleurs. Je souligne que même le
patronat a été d'accord, en 1975, sur cette question. Le patronat
n'était pas d'accord avec ce sur quoi on devait se baser pour indexer,
ou encore, quel type d'indexation on devait apporter en ce qui concerne le
salaire minimum. Mais pour nous, la réalité qu'on connaît
actuellement, que les travailleurs connaissent, appelle sur ce plan-là
un geste concret et surtout le maintien d'une décision gouvernementale
qui avait déjà été prise. Le maintien, parce que
c'est trop facile de prétexter que la raison économique, ou
encore, trop facile de soutenir que parce que le salaire minimum est ce qu'il
est au Québec, parce qu'il sera indexé, il y a des entreprises
qui, à cause de cette raison, fermeraient. On n'est pas d'accord avec
cette affirmation, quant à nous. On ne partage pas l'idée ou
l'opinion même de certaines organisations syndicales qui seraient
d'accord avec vous. La CSD avait exprimé cette opinion-là
antérieurement, que le salaire minimum était un facteur. Pour
nous, cela n'est pas le facteur qui détermine l'existence ou non d'une
entreprise.
Je soulignerais que, en ce qui concerne l'indexation du salaire minimum,
on ne voit pas comment, après toutes les études, les analyses sur
lesquelles on peut diverger, vous et moi et d'autres, les conclusions
auxquelles on en est arrivé tout le monde, y compris le
gouvernement actuel maintenant, cela ne serait plus vrai et la
réalité n'exigerait plus d'indexation. On ne comprend pas. Vous
nous permettrez cela.
M. Johnson: J'ai une série de trois pages de questions
à partir de l'étude du mémoire qu'on a faite chez nous
quand on l'a reçu. Etant donné le peu de temps qu'il nous reste
ce matin, ce sont des commentaires.
Vous avez soulevé une série de points dont, dans certains
cas, on pourra tenir compte sûrement. On a analysé cela et on va
continuer à le faire. On aura sûrement l'occasion d'en discuter
entre les membres de la commission.
J'en aurais une sur les domestiques qui est un autre sujet assez
sensible dans cette loi. L'objectif est évidemment de couvrir, dans la
mesure du possible, des travailleuses en général, ce sont
des femmes dans l'immense majorité des cas qui, par exemple,
résident chez un employeur et où on sait que dans certains cas ce
travail-là donne lieu à des conditions de ce que vous appelez
dans un vocabulaire que je commence à connaître et à
reconnaître de surexploitation, et non pas d'exploitation. C'est cela,
l'objectif de la loi.
Vous allez plus loin et vous dites: Dans le fond, ça devrait
être standardisé pour tout le monde, le travail domestique devrait
être rémunéré au salaire minimum. Vous nous
reprochez d'établir un pouvoir réglementaire, ce qui est
également une remarque générale sur le projet.
Concrètement, une domestique qui réside chez quelqu'un, doit-on
considérer que du seul fait de sa présence dans la maison 24
heures par jour, cinq jours par semaine, sans compter les heures où elle
sort de la maison... On a fait des calculs. Disons qu'une domestique
résidente est soumise à la Loi du salaire minimum; au salaire
minimum, à $3.47, on ne tient pas compte du fait qu'elle est
logée, nourrie et théoriquement, ça revient à $700
par semaine. C'est ce que ça coûterait et ce serait le revenu
d'une domestique, dans la mesure où on considère qu'au moment
où elle réside à la maison, elle peut être
appelée à "travailler", entre guillemets, s'il y a des enfants et
qu'elle se lève la nuit pour s'en occuper.
Il est bien évident qu'on ne peut pas avoir un régime
général, qui s'appliquerait à des employés qui ont
des heures régulières dans un contexte industriel ou commercial,
pour des gens qui, de fait sont, d'une certaine façon, en
disponibilité dans le cadre du travail domestique. Ceci dit, il est bien
clair qu'il faut qu'on empêche les horreurs qui existent dans certains
cas où, entre autres, des femmes, surtout des immigrantes entre
autres, d'origine haïtienne, et ça, on le sait que cela existe
sont payées $25 par semaine; elles résident dans des
conditions qui sont souvent à peu près inacceptables. C'est
évident qu'il faut s'arranger pour couvrir cela.
L'extension de la loi à l'ensemble des domestiques, en pratique,
ça pourrait signifier, si on ne détermine pas, d'une façon
ou d'une autre, quelles sont les heures de travail et comment peut-on
déterminer quelles sont les heures de travail? $700 par
semaine.
M. Bellemare: Combien?
M. Johnson: $700 par semaine. Evidemment, c'est poussé in
extremis.
M. Rodrigue: C'est une manière de décrire ce que
pourraient être les règlements. Je voudrais souligner que
l'exemple que vous donnez de la domestique qui est à la maison, cette
domestique est dans un état de disponibilité, en quelque sorte.
Elle pourrait résider à la maison et ne pas travailler, ne pas
être en service. Il n'y a pas d'opposition ou de contradiction dans ce
fait. D'autre part, si on considère l'état de
disponibilité, on peut constater que, dans plusieurs secteurs
économiques ou dans les services publics, il arrive souvent que des
travailleurs soient appelés à être
en état de disponibilité sur les lieux du travail ou en
dehors des lieux du travail, sans pour autant être compensés pour
l'ensemble des heures où ils sont là. Il y a des normes
fixées en ce qui concerne la rémunération.
En conséquence, ce qui est important pour nous, c'est d'essayer
de régir, de réglementer sur le plan législatif la
situation de ces femmes, de ces gens placés dans des circonstances
très différentes du travailleur d'usine qui arrive à 8
heures, le matin, et qui termine à 17 heures. Dans ce sens, il faut
tenir compte de l'ensemble de ces facteurs. Cela n'empêche pas, pour
nous, l'application des normes minimales, dans leur cas, en tenant compte de la
réalité dans laquelle ils sont placés, comme on en tient
compte dans certaines catégories qui sont appelées à
être en disponibilité, parfois 24 heures par jour, pendant une
semaine de temps.
M. Johnson: En fait, ce qui est exactement ce que prévoit
la loi, dans la mesure où on dit qu'on peut, dans le cas des
domestiques, par règlement, fixer ces conditions, c'est bien
évident, ou bien à moins qu'on le fasse dans la loi, mais, encore
une fois, cela aurait été un exercice, je pense, assez
compliqué que d'essayer de déterminer ce qu'est ce régime
juridique dans la loi. Par règlement, il y a plus de souplesse, en
pratique, et cela donne également plus de temps pour voir comment on
peut en pratique ajouter des conditions qui peuvent varier. (12 h 15)
M. Rodrigue: II y a des exemples dans des conventions collectives
existantes sur des services de garde, etc., 24 heures, comme je le disais,
pendant une semaine parfois et à tour de rôle, pour
différentes catégories de travailleurs. Quand vous parlez de la
loi, quand nous prenons cette position, c'est que vous, vous les excluez de la
loi. Nous, on dit: Elles ne doivent pas être exclues, on ne doit pas les
exclure. Là, vous me répondez sur le plan des règlements:
Bon! ce n'est pas facile d'arriver dans la loi à régir ou
à fixer toutes les normes. Quant à nous, le point qui nous semble
majeur, d'abord, c'est l'exclusion. On est contre l'exclusion de ces
catégories et ensuite, quant aux modes qui seraient nécessaires
pour réglementer la situation concrète de ces gens, là on
est prêt à discuter.
M. Johnson: D'autre part, toujours sur les domestiques, cela va
être ma dernière question là-dessus, c'est un
problème qui n'est pas facile à régler. Cela peut
paraître cynique de le dire et je ne voudrais pas qu'on perçoive
cela comme étant finalement qu'il s'agit de permettre à des
femmes d'en exploiter "d'autres". Mais, en pratique, la domestique, au sens
large, s'occupe également de garder des enfants et travaille dans un
foyer où déjà l'homme travaille à
l'extérieur et où la femme, pour boucler le budget, pour
augmenter la richesse de la famille ou par intérêt, mais dans la
majorité des cas, pour augmenter les richesses de la famille, a choisi
de travailler également. Il est bien clair que, dans un tel contexte,
malgré le fait qu'on a multiplié par sept les budgets des
garderies, il y a des chances que la femme ait recours à une gardienne.
Or, vous avez dit vous-même que 60% à 70%, selon les
données statistiques qu'on a, des personnes qui sont au salaire minimum
sont des femmes. On pourrait en conclure, à partir d'un recoupement
d'autres statistiques, qu'une majorité de ces femmes sont mariées
et ont des enfants et ont donc recours, d'une façon ou d'une autre, dans
certains cas, à des services de garderies, soit à des garderies
communautaires, etc., ou aux services d'une gardienne. A partir du moment
où la gardienne domestique, à la maison, est soumise au salaire
minimum et que la femme qui a choisi d'aller travailler dans un commerce ou
dans une usine est également soumise au salaire minimum, je pense qu'on
a là une des plus extraordinaires incitations macroéconomiques
à ne pas permettre un accès à la femme sur le
marché du travail.
M. Rodrigue: Je vous rappelle que, sur ce plan, M. le ministre,
quant à nous, la question des garderies est importante et c'est pour
cela qu'on réclame les garderies publiques et gratuites pour l'ensemble
du territoire, de façon que, justement, cela permette à la
femme... Parce qu'on est très conscient d'un certain nombre de
conditions qui existent et qui ne leur permettent pas d'exercer la fonction
sociale et d'être sur le marché du travail. Cet exemple que vous
me donnez, c'est un exemple qui est, bien sûr, tiré d'une
série qui pourrait être faite, mais, pour nous, cela doit aussi
être placé, accolé à d'autres conditions. Il est
bien certain que la revendication de la CSN sur le plan des garderies, c'est
fondamental pour favoriser et améliorer les conditions dans lesquelles
les femmes se retrouvent et qui les empêchent effectivement, ou qui leur
ferment, dans une certaine mesure, l'accès au marché du
travail.
Dans ce sens, il n'est pas question pour nous de réclamer ou de
revendiquer des niveaux de salaire pour un groupe, ce qui mènerait
à la conclusion ou qui aurait comme conséquence de demander aux
femmes, aux mères de famille, d'aller sur le marché du travail
pour, essentiellement, payer leur gardienne quand elles ont besoin d'augmenter
le budget familial ou autrement. Dans ce sens, on ne peut pas faire autrement
que de vous dire qu'il faut accoler et régler l'autre problème en
même temps. C'est un problème. Vous dites vous-même que vous
avez augmenté le budget sept fois depuis à peine deux ans et
demi...
M. Johnson: Ce n'est pas encore suffisant. Mme Lavoie-Roux:
Ce n'est pas encore...
M. Rodrigue: Quant à nous, non seulement ce n'est pas sept
fois, mais c'est le réseau entier des garderies qu'il nous faut arriver
à mettre sur pied pour régler ce problème.
M. Chevrette: C'est un peu mieux que ce que vous avez fait
pendant six mois.
Mme Lavoie-Roux: On peut faire les calculs.
M. Johnson: M. le Président, compte tenu de l'heure, je
demanderais peut-être au député de Portneuf s'il
permettrait au député de Johnson de procéder à ses
questions au cas où, cet après-midi, pour une raison ou pour une
autre...
M. Bellemare: Je n'en ai aucune.
M. Johnson: Vous n'avez pas de questions ni de commentaires?
M. Bellemare: Aucun. M. Chevrette: C'est clair.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Rodrigue, je
vous remercie de la présentation de votre mémoire ce matin. C'est
très bien fait; c'est bien étoffé, etc. Un très
bref commentaire avant de formuler quelques questions; c'est un débat de
fond auquel vous nous conviez ce matin. C'est évident que c'est un
débat de fond, ce sont des questions de fond devant lesquelles le
gouvernement actuellement et tous les gouvernements n'ont pas le choix; ils
doivent faire face à ces questions fondamentales de la redistribution ou
des programmes sociaux et ces choses-là. Ce que vous nous proposez
je reprends un peu ce que le ministre disait tantôt sans
être un projet de société, c'est tout au moins un projet
d'envergure, un projet qui serait certainement plus équitable, plus
juste et, dans plusieurs cas, justifié, mais qui nous convie à
des déboursés très appréciables et qui nous
obligerait, qui obligerait la collectivité à changer des sommes
très importantes de place avec toutes les répercussions que cela
peut avoir sur le développement économique.
J'aurais une première question très brève: Est-ce
que vous avez pu évaluer, dans vos services, le projet de loi 126 comme
tel? Quelle somme d'argent, en matière de déboursés,
va-t-il impliquer; quel en sera l'effet dans l'entreprise? Ceci est dans un
premier temps. Et j'aimerais que vous établissiez la comparaison avec ce
que cela coûterait si le gouvernement ou si le projet de loi 126 incluait
tout ce qu'il est prévu dans vos demandes et dans vos
revendications.
M. Rodrigue: Votre question, M. le député, d'abord
je pense que je serais malhonnête de vous dire que j'ai une
réponse. Nous n'avons pas calculé le coût, parce qu'on
considère que ce n'est pas là l'essentiel de notre débat,
ni de notre rôle, de répondre à cette question. Mais on
sait une chose, par exemple, c'est que les coûts sociaux, du fait qu'il y
a 34% de la population ou à peu près qui vivent sous le seuil de
la pauvreté, le fait qu'il y ait des centaines de milliers de personnes
qui soient au salaire minimum, on l'affirme facilement parce qu'on sait dans
des cas concrets la loi n'est pas toujours respectée, ce sont des
coûts sociaux importants que l'on pourrait chiffrer et que l'on pourrait
traduire par des réalités qui sont assez tristes, assez tristes.
Alors dans ce sens, je vous dirai que la CSN, comme organisation, est
prête à contribuer, puis à faire l'analyse d'un certain
nombre de questions. Mais sur des besoins aussi essentiels que ceux-là,
nous considérons que, d'une part, l'économie
québécoise dans son ensemble a des responsabilités, pas
uniquement le gouvernement, le patronat principalement sur cette question, il
s'agit d'obliger le patronat à respecter les normes minimales de travail
qui correspondent, encore une fois, à un minimum. Alors dans ce sens, la
responsabilité de la CSN, c'est de décrire cette
réalité, puis d'essayer dans une tentative, dans un effort, dans
les circonstances, peut-être pas suffisant, mais que l'on
considère réel, de mettre de l'avant des revendications pour
répondre à ces besoins.
M. Johnson: J'ai oublié de passer un commentaire, et sa
première question me le ramène. Vos statistiques que vous avez
abondamment citées dans votre mémoire sont d'abord celles qui
sont disponibles, elles sont relativement récentes et, encore une fois,
je pense qu'il faut rendre cela à ceux qui ont fait la recherche chez
vous, cependant elles s'appliquent dans le cas et quand vous parlez de la
notion de ce que c'est qu'une norme à partir du Petit Robert, tout ce
que c'est dans l'entendement général, vous vous servez de cela
pour voir ce qui est observé de façon générale. Je
vous ferai remarquer que ces statistiques visent les entreprises de plus de 20
salariés. Or, 85% des entreprises au Québec ont moins de dix
salariés, et on sait que le gros de notre main-d'oeuvre qui travaille
dans des conditions d'absence de syndicalisation ou qui est soumis comme seule
protection au Code civil et à la Loi du salaire minimum, se retrouve
dans ces entreprises. Evidemment, cela ne répond pas à la
préoccupation sociale que vous avez établie tout à l'heure
ou dont vous avez parlé. Sauf que sur le plan de l'analyse, les effets
économiques d'une législation comme celle-là, il est bien
évident qu'il faut en tenir compte, et que c'est là que le
coût porte sur le plan économique.
Si vos statistiques démontrent qu'il y a 9% par exemple, des gens
qui travaillent plus que 44 heures par semaine, c'est vrai pour les entreprises
de plus de 20 employés. Pour les entreprises de moins de 20
employés qui forment 90% des entreprises au Québec, parce qu'il
ne faut pas oublier que c'est cela notre capitalisme au Québec, c'est un
monde de PME, ce n'est pas tout à fait le règne des
multinationales. Je regardais récemment une loi ce sera mon
dernier commentaire allemande, dans le cadre de la participation des
travailleurs aux décisions de l'entreprise au niveau du conseil
d'administration, qui s'applique aux entreprises de 2000 employés et
plus. Je trouve que c'est absolument fascinant comme mécanisme, sauf que
je regarde au Québec et je ne suis pas capable de vous en nommer
dix. La réalité du Québec, c'est 125 000
entreprises, dont, à peu près, 120 000 ont moins de 20
employés. Il faut en tenir compte.
M. Rodrigue: Sur ce plan-là, je vous soulignerais
cependant que les 90% d'entreprises en bas de 20 employés, cela ne
représente pas 90% des travailleurs, d'une part.
M. Johnson: D'accord.
M. Rodrigue: D'autre part, en ce qui concerne les entreprises de
moins de 20 employés, je vous signale aussi que, indépendamment
des statistiques, on peut présumer que la situation pour ceux-là
est à peu près identique à celle qu'on décrit en
vertu des statistiques.
Je ne parle pas de l'aspect économique de l'entreprise. Je parle
de la réalité des travailleurs, de ceux qui y travaillent. Ce
sont des facteurs dont il faut tenir compte. C'est pour ça que la CSN a
insisté depuis des années pour que le Canada et le Québec
aussi se dotent d'une stratégie industrielle importante. On aura
l'occasion de traiter de ces questions-là éventuellement...
M. Johnson: La semaine prochaine.
M. Rodrigue: La semaine prochaine, peut-être. On a
effectivement insisté à plusieurs reprises et on va continuer
d'insister parce que ça nous apparaît fondamental en termes de
développement qui devrait être axé sur le fait qu'il faut
répondre aux besoins sociaux de notre société.
M. Pagé: M. Rodrigue, vous avez répondu à ma
question. Pour nous, ce n'est pas là la question. Cela entraînera
évidemment un commentaire de ma part et d'autres questions que j'ai
à vous formuler. J'ai des questions spécifiques aussi et mon
collègue, le député de L'Acadie, a plusieurs questions
à vous formuler. Pour ces motifs, M. le Président, je demanderais
d'ajourner et on reviendra après le...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est mieux.
Le Président (M. Marcoux): Oui, si vous êtes
disponibles à la reprise de nos travaux, les membres de la commission
apprécieraient continuer à discuter de votre mémoire.
La commission ajourne ses travaux sine die et reprendra au milieu de
l'après-midi, selon l'ordre de la Chambre.
Suspension de la séance à 12 h 28
Reprise de la séance à 16 h 45
Le Président (M. Dussault): Mesdames et messieurs, nous
allons poursuivre les travaux de la commission élue permanente du
travail et de la main-d'oeuvre qui se réunit aux fins d'étudier
les mémoires sur le projet de loi 126, Loi sur les normes du
travail.
Sont membres de cette commission: MM. Bellemare (Johnson), Bisaillon
(Sainte-Marie), Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), Johnson
(Anjou), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) en remplacement de
M. Mailloux (Charlevoix), MM. Pagé (Portneuf), Roy (Beauce-Sud) et
Vaillancourt (Jonquière).
Pourraient aussi intervenir: MM. Brochu (Richmond), Forget
(Saint-Laurent), Gosselin (Sherbrooke), Jolivet (Laviolette), Laplante
(Bourassa), Lefebvre (Viau), Paquette (Rosemont), Springate (Westmount) et
Samson (Rouyn-Noranda).
Avant de continuer les travaux, il faudrait vérifier si les
groupes sont présents. Au moment où nous avons terminé les
travaux ce matin, nous étions à entendre la
Confédération des syndicats nationaux. Je voudrais savoir si le
Conseil québécois du commerce du détail est
présent? Présent.
L'Association des industries forestières du Québec
limitée? Présente.
La Centrale de l'enseignement du Québec? Présente.
L'Association des manufacturiers de mode enfantine? Présente.
Le Comité consultatif de l'immigration du Québec?
Présent.
Nous avons convenu, entre les partis, avant de commencer les travaux,
que nous suspendrions les travaux quelques minutes après avoir pris les
présences de façon à pouvoir avertir les groupes qui ne
pourraient pas être entendus aujourd'hui, pour ne pas les forcer à
rester ici.
Je suspends donc la séance pour quelques minutes, le temps d'une
convention là-dessus.
Nous reprenons les travaux de la commission. Les groupes seront entendus
dans l'ordre suivant, selon la convention établie entre les parties:
D'abord, nous continuons avec la CSN; passera ensuite le Conseil
québécois du commerce du détail; ensuite, l'Association
des industries forestières du Québec limitée; ensuite la
Centrale de l'enseignement du Québec. Nous pensons qu'il se peut fort
bien qu'après la Centrale de l'enseignement du Québec, on ne
puisse pas entendre l'Association des manufacturiers de mode enfantine et le
Comité consultatif de l'immigration du Québec. De toute
façon, ils ont été prévenus de cette
éventualité; si c'était le cas, le secrétariat des
commissions avertirait le plus tôt possible les personnes
concernées de façon qu'elles sachent quand elles seront entendues
si elles le sont. Elles seront évidemment entendues en
priorité.
M. Pagé: M. le Président, y aurait-il
possibilité que, pour les autres séances, à la veille de
l'ajournement d'une séance, on établisse conjoin-
tement notre agenda de travail pour le lendemain, pour la séance
ou la journée subséquente, de sorte qu'on ne soit pas
obligé de convoquer des gens ici et de les faire attendre pour
finalement leur dire: Malheureusement comme on le fait cet
après-midi, à 16 heures c'est bien regrettable, il est
fort probable que vous ne puissiez pas être entendus ce soir? Vous devez
retourner à Montréal et vous reviendrez la semaine prochaine ou
dans quinze jours.
M. Johnson: Effectivement, je ne peux faire autrement que le
regretter, sauf que j'ai offert tout à l'heure aux députés
de l'Opposition libérale de s'entendre pour vingt minutes pour
l'exposé et vingt minutes d'un côté et de l'autre. On m'a
répondu: Non pas vingt minutes pour la période des questions. Ce
n'est pas nous qui voulons retarder. Si l'Opposition est capable de me faire
savoir combien de temps elle entend prendre sur chacun des mémoires, on
va peut-être pouvoir planifier. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'aura
pas cela, on ne pourra pas planifier, on va être obligé de faire
attendre les gens.
M. Pagé: Le ministre du Travail veut laisser croire que
c'est à la suite de notre réaction que cela retarde. Ce n'est pas
le cas, on est d'accord pour une heure.
M. Johnson: Oui?
M. Pagé: Oui, on est d'accord pour une heure.
M. Johnson: Au total. Pour tous les mémoires?
M. Pagé: Oui, sauf que vous allez prendre...
M. Johnson: II y a déjà une heure et quart de
passée dans le cas de la CSN.
Le Président (M. Dussault): Si vous le permettez,
messieurs, je pense que les points de vue ont été mutuellement
entendus, en espérant qu'ils pourront améliorer les choses. Ceci
dit...
M. Johnson: Pour le bon entendement de M. Orenstein et de M.
Rafla, de l'Association des manufacturiers de mode enfantine et du
Comité consultatif de l'immigration, il est fort probable que nous ne
pourrons vous entendre ce soir. Cependant, si, à 21 heures, nous en
avons terminé avec la CEQ, nous pourrons vous entendre. Si vous
désirez quitter, nous pouvons vous assurer que vous serez les premiers
entendus dès la reprise, dans la semaine du 20; nous vous en aviserons.
Vous désirez quitter et revenir le 20, à ce moment-là?
Est-ce que c'est la même chose pour le Conseil consultatif de
l'immigration? Vous ne savez pas encore? De toute façon, vous pourrez
nous le faire savoir et avertir M. Rafla qu'on l'entendra la semaine prochaine,
le cas échéant. Ce ne sera pas lui, de toute façon.
Le Président (M. Dussault): Au moment où nous
avions suspendu les travaux cet après-midi, M. le député
de Portneuf avait la parole et il s'était écoulé dix
minutes sous l'empire de son droit de parole. C'est une indication que je vous
donne, M. le député, vous avez la parole.
M. Pagé: Etes-vous certain que ce n'est pas huit
minutes?
Le Président (M. Dussault): C'est peut-être huit
minutes, je vais vous laisser toute la chance.
M. Pagé: Cela veut dire qu'il me reste douze minutes.
Le Président (M. Dussault): Peut-être.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais quand
même tenter d'être assez bref car ma collègue de l'Acadie a
quelques questions à poser.
Mme Lavoie-Roux: Pas beaucoup.
M. Pagé: M. Rodrigue, au début de votre
réponse à ma première question, vous disiez: La question
n'est pas sur l'aspect des coûts économiques. Ne croyez-vous pas
qu'avant longtemps il faudra que toutes les parties en présence,
c'est-à-dire le milieu patronal, le milieu syndical, le gouvernement et
même les partis politiques parce qu'ils contribuent dans une certaine
mesure par leurs programmes à ajouter à la problématique
de cette situation, ne croyez-vous pas qu'il faudra être plus prudent?
Malheureusement, je conviens avec vous qu'un document comme celui-là et
des revendications telles que celles que vous avez formulées ce matin
sont, dans une très large mesure, justes et équitables, mais il
faut voir, en tant que société, ce qu'on est capable de se payer
et jusqu'où on est capable d'aller.
Je ne voudrais pas que vous l'envisagiez strictement du point de vue des
parties syndicale et patronale. C'est un problème collectif qu'on a. Le
gouvernement est fort conscient que si demain matin il acceptait toutes ces
mesures... même le projet de loi 126 aura des implications énormes
au sein de l'entreprise. Dans votre document, vous évoquez le fait qu'il
y a eu 943 faillites au Québec en 1976 et 1362 en 1977.
Il y a de petites entreprises qui vont être
particulièrement affectées par cette question, par un projet de
loi comme le projet de loi 126 et cela risque de remettre en cause la
possibilité pour ces entreprises de survivre. J'ajouterai à cela
que les partis politiques ont leur mea culpa aussi à faire dans ce sens.
Chacun des partis politiques, je crois, se sent obligé, lors de chaque
campagne électorale, d'ajouter et de s'engager, et tout cela. Le
véritable débat, il faudra qu'il se tienne avant longtemps. Il y
a des entreprises qui ne seront plus capables de suffire, purement et
simplement. Par cette réaction, je ne veux pas qu'on limite les
avantages pour les travailleurs du Québec. Je suis
d'accord avec vous qu'il y a plusieurs choses qui doivent être
faites. Je suis d'accord avec vous qu'il y a des congés et que la
journée de travail devrait être limitée, que la semaine de
travail et que les heures de travail devraient être limitées,
etc., mais il faut avoir à l'esprit l'impact économique que cela
aura éventuellement. C'est dans ce sens que je vous formulais ma
première question, à savoir jusqu'où vous
étiez-vous préoccupés de cet aspect.
M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais vous dire
d'abord, parce que cela m'apparaît important, que la CSN, comme
organisation, n'est pas d'accord avec le système économique
actuel. Vous le savez. A court terme, nous cherchons des solutions à un
certain nombre de problèmes qu'on constate dans la
réalité. Votre question suppose qu'on traite beaucoup plus
globalement de la situation économique que des normes minimales de
travail. C'est pourquoi, ce matin, je disais qu'il y a des choses qui ne
s'opposent pas, qui sont complémentaires. Par conséquent, je vous
dirai que la CSN, comme organisation, trouve très grave de dire la
réalité au niveau des conditions, mais trouve très grave
aussi que le système économique dans lequel on est on peut
différer d'opinion là-dessus... Même les économistes
libéraux, les économistes qui sont d'accord avec le
système économique actuel, n'ont pas craint, comme Claude
Castonguay dans un rapport, de proposer les mesures que la CSN revendique en
partie dans son mémoire. Pourquoi ne l'ont-ils pas craint? Parce que
cela a des conséquences bénéfiques sur le plan
économique quand on augmente le salaire minimum. Vous pouvez nous dire:
Cela peut mettre des entreprises dans des situations précaires. Je vous
signale que si le nombre des faillites au Québec augmente, il augmente
aussi en Ontario. Au Canada, globalement, il augmente et aux Etats-Unis aussi.
En même temps, je vous dirai que le taux du salaire minimum là-bas
est plus bas qu'ici.
Sur le plan général et sur le plan de l'investissement,
par exemple, au pays, on sait que la dernière année, il y a eu
$10 milliards qui sont sortis du Canada pour être investis à
l'étranger, pris à même les profits réalisés
au Canada, donc en partie au Québec. Ces profits ont été
investis à l'étranger, ils n'ont pas
bénéficié aux travailleurs qui gagnent le salaire minimum
ou moins. Dans ce sens, on pense qu'effectivement le gouvernement doit
légiférer pour forcer l'employeur à donner de meilleures
conditions de travail à ses salariés.
Quant aux coûts globaux, je suis certain que M. Johnson aurait de
la difficulté, au moment où on se parle, à me dire quels
sont les coûts globaux des mesures que lui-même propose,
indépendamment de nos désaccords ou de nos divergences. Je suis
convaincu de cela. Je suis convaincu que votre parti ne pourrait pas me le dire
non plus. C'est sûr que cela a des impacts, mais on affirme sur
cela, je prends le témoignage de la commission Castonguay que
cela a autant d'aspects bénéfiques que d'aspects négatifs,
par- ce que, de ceux-là, on n'est pas certain. Par contre, on sait que
s'il y a plus d'argent qui circule dans l'économie, il y a plus de
consommation et cela permet, souvent, une meilleure situation et pour les
travailleurs et pour l'ensemble de l'économie.
Dans ce sens, votre question étant un peu hypothétique, ma
réponse est nécessairement hypothétique.
M. Pagé: Je n'en attendais pas moins, d'ailleurs. Je me
résumerai à dire, avant de céder la parole à ma
bonne amie, le député de L'Acadie, que remarquez, mon
commentaire n'est pas une fin de non-recevoir à vos propositions. Il y
en a plusieurs qui, je crois et nous le croyons, sont justifiées.
D'ailleurs, on aura l'occasion de l'indiquer, d'en faire part au ministre lors
de l'étude du projet de loi article par article .Je tiens à
vous faire part que j'ai bien apprécié les commentaires que vous
avez formulés dans votre mémoire en ce qui concerne les
exclusions de la loi. (16 heures)
La question du pouvoir réglementaire nous apparaît, nous
aussi, trop large. Entre autres, il y a la question bien spécifique du
conjoint d'un employeur. Il faudra absolument, selon moi, que le gouvernement
intervienne à ce chapitre. Il y a des cas qui sont certainement
préjudiciables à ces gens qui travaillent, dont le conjoint est
l'employeur. Ils ne peuvent participer aux différents programmes
auxquels d'autres travailleurs peuvent souscrire et participer.
Je vous remercie beaucoup de vos commentaires. J'aurais une
dernière question très brève à poser: Ne
croyez-vous pas qu'un projet de loi comme celui-là va retarder la
syndicalisation au Québec?
M. Rodrigue: Non, je ne le crois pas. Je suis convaincu, la CSN
l'a exprimé souvent, qu'il doit y avoir législation sur les
normes minimales. Cependant, les mécanismes d'accès au
syndicalisme doivent être améliorés, on en convient. On
reconnaît qu'il y a des lacunes, et on affirme depuis longtemps qu'il y a
des lacunes au Code du travail, mais on ne veut pas, comme organisation
syndicale, on se refuse à avoir un comportement égoïste et
corporatiste vis-à-vis de tous ceux qui n'ont pas eu la
possibilité de s'organiser encore. On considère que les normes
minimales nuisent à ceux qui sont organisés pas les normes
minimales mais les conditions actuelles ... En l'absence de normes
minimales, elles nuisent à ceux qui sont organisés dans leurs
revendications. En conséquence, on pense qu'il y a lieu de
légiférer, on est d'accord avec le principe. Cependant, on
diverge à certains égards sur le contenu, comme vous l'avez
constaté depuis le matin.
M. Pagé: Sur ce sujet spécifique, c'est une
approche libérale que vous avez.
Le Président (M. Dussault): Alors, merci, M. le
député. Mme le député de L'Acadie.
M. Rodrigue: Est-elle péquiste aussi? Je ne le sais
pas.
M. Pagé: Dans le sens pur du terme. M. Rodrigue: Ah
bon!
Le Président (M. Dussault): Alors, s'il vous plaît,
messieurs! Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux d'abord dire
à la CSN combien j'ai trouvé son mémoire clair et bien
présenté. Il fait valoir des points... évidemment, on
pourrait discuter longuement des coûts etc., mais je pense que cela
clarifie certains points faibles du projet de loi 126.
La première remarque ou la remarque préalable que je
voulais faire, en fait vous y avez répondu en répondant à
la question du député de Portneuf. Il y a toujours ce danger,
peut-être pas tellement de la part des syndicats que de la part d'un
gouvernement, quel qu'il soit, qu'une fois les conditions minimales de travail
établies, on se couche la conscience en paix. Le problème de la
syndicalisation est moins préoccupant, parce que, finalement, les
conditions minimales de travail sont là. On a une loi, on a
protégé tout le monde. Alors, j'imagine que les syndicats ne
s'endormiront pas, parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des conditions
minimales de travail, comme vous le faites valoir lorsque vous critiquez le
titre.
Evidemment, je n'en discuterai pas en détail, mais vous pouvez
vous imaginer que je suis d'accord, et je pense que vous avez l'accord de
beaucoup de monde, sur les corrections que vous voulez voir apportées
aux congés de maternité. Je pense qu'il faut s'opposer au fait
que ce n'est pas inclus dans la loi et que cela va relever encore de quelque
ordonnance au règlement. C'est toujours un principe un peu
ébréché que celui du congé de maternité.
Même si on en fait grand état, il ne faut pas oublier que c'est un
congé de maternité encore greffé sur
l'assurance-chômage. Alors, une femme qui a un enfant, c'est une femme
qui est en chômage et cela, vous n'avez pas été les
premiers coupables, vous êtes seulement les deuxièmes coupables,
après le gouvernement central, de faire l'association entre le
chômage et les congés de maternité. Enfin, je ne veux pas
m'étendre sur ces détails, il ne faut pas oublier que cela ne
couvre qu'une partie des travailleurs. Cela ne couvre pas les travailleurs
à temps partiel, cela ne couvre pas ceux qui sont en service domestique
ou qui sont dans des entreprises familiales, agricoles ou autres. Je pense que
personne ne se fait d'illusion, les $240 qui sont accordés par mois,
c'est un congé de maternité, appelons-le mitigé pas
par mois, même pas, ce serait bien, $240 c'est pour la totalité.
Je trouve intéressant le tableau que vous donnez des jours
fériés ailleurs et dans la très grande majorité des
conventions collectives qui existent. J'aimerais demander au ministre pourquoi,
sous ce rapport particulier, on ne s'est pas montré un peu plus
généreux, au moins dans ce projet de loi. Je pense qu'il y a peu
de gens qui, aujourd'hui, prennent seulement le jour de Noël, le Jour de
l'An et la fête nationale.
M. Johnson: Ce que le projet de loi dit...
M. Pagé: II y en a de plus en plus qui prennent le 1er
juillet.
M. Johnson: Non, le 1er juillet, je dois vous dire...
M. Pagé: II y en a de plus en plus.
M. Johnson: ... ce n'est pas dans nos projets
immédiats.
Mme Lavoie-Roux: ... faire de discussion sur ces
choses-là.
M. Johnson: On verra peut-être... Non. Il y aurait un autre
1er qui passerait avant le 1er juillet.
Si on regarde les normes qui existent dans la plupart des autres
provinces canadiennes, cela varie de 4 à 11 jours, mais, encore une
fois, dans tous les cas, cela s'est instauré progressivement dans le
temps, sur une période d'une trentaine d'années. Je pense qu'on
en arrivera un jour... D'ailleurs, à l'occasion de ces visites que le
chef de l'Opposition nous reproche de faire, mais qui nous permettent
d'être en contact avec la population pour ne pas être trop
"déconnectés", j'ai eu l'occasion de visiter certaines
entreprises récemment et d'y rencontrer les salariés et leurs
représentants, la plupart du temps. Je me suis rendu compte que dans une
industrie où il n'y a pas de syndicat, à plusieurs reprises on
pouvait voir qu'il y avait jusqu'à neuf jours de congés
chômés payés. Il n'y a pas de syndicat et le salaire est
légèrement plus élevé que celui du salaire minimum,
c'est un fait. Le problème, c'est de l'évaluer de façon
générale à cause des conséquences que cela aura,
entre autres, dans les secteurs déjà syndiqués où
les conventions collectives peuvent prévoir dans certains secteurs qu'il
y a 12 et dans certains cas 17 jours chômés payés, en plus
des vacances. 17 jours, ce sont les conditions à peu près
idéales les meilleures, devrais-je dire, pas
nécessairement idéales. Le fait d'introduire une série de
nouveaux jours aurait ce que les économistes anglais appellent le
"ripple effect" qu'on a connu dans le secteur des décrets avec la hausse
du salaire minimum. En plus d'une clause d'indexation automatique tous les six
mois, il y avait une indexation qui s'ajoutait à l'augmentation du
salaire minimum. Ce qui fait qu'on avait une espèce d'effet en
accordéon, si on veut, des conditions.
Il est bien évident qu'intrinsèquement trois jours
chômés payés, cela a l'air un peu ridicule, mais
l'instauration progressive de jours chômés payés pour
permettre aux entreprises qui risquent d'être les plus affectées
et qui en donnent peut-être, mais pas nécessairement les jours
où on irait les décerner, permet un réajustement
progressif et je pense qu'on en arrivera à plusieurs jours de
congé payés dans l'avenir...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'impression que le
gouvernement part vraiment du mini mini minimum dans cette question...
M. Johnson: Minimorum.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. Vous-mêmes vous dites que
même là où il n'y a pas de convention signée,
souvent, on a neuf jours. Ce que vous craignez, c'est un peu une espèce
d'escalade ou quelque chose comme cela.
Vous l'admettez vous-même, les gens vont le reconnaître et
je serais étonnée que le Conseil du patronat ne reconnaisse pas
que trois jours de congés fériés c'est insignifiant
aujourd'hui.
Maintenant, si vous voulez laisser aux gens le loisir de
déterminer qu'il y ait six ou sept jours de congés, il y a
peut-être des modalités là-dedans... Mais quand vous
limitez à trois jours... Enfin, c'est une remarque et là-dessus
je...
M. Johnson: Je voudrais juste compléter ma
réponse...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Johnson: ... sans vouloir sombrer dans la partisanerie
aveugle, mais juste légèrement, on m'a cité longtemps le
rapport Castonguay qui remonte quand même à quelques
années...
Mme Lavoie-Roux: ... me dit-on.
M. Johnson: La différence, c'est qu'on n'a pas de rapport
Castonguay, mais on le fait. Il faut commencer, c'est ce qu'on fait, on
commence. Les chinois disent j'ai eu l'occasion de le citer au
député de l'Acadie au sujet du congé de maternité
: "La moitié du chemin d'un endroit à un autre est
parcourue quand on a fait le premier pas". Je pense que la moitié du
chemin est franchie, on fait le premier pas, on commence.
Mme Lavoie-Roux: Je vais être moins partisane que vous. Je
suis prête à admettre que vous faites le premier pas, et
j'espère que vous allez faire les premiers pas dans certains domaines,
parce que je ne sais pas pourquoi on aurait un gouvernement...
Il reste que ce premier pas n'a pas besoin d'être
extrêmement timide là où le bon sens ou le sens commun...
Si au moins vous m'arriviez avec des données et vous me disiez: On a
fait le relevé des moyennes ou petites entreprises et on a
constaté que les gens ont au maximum, dans 60% des cas, deux jours de
congés payés chômés. Je vous dirais: II faut
peut-être faire évoluer la situation vers trois jours, mais je
suis loin d'être convaincue que dans la réalité c'est ce
qui existe présentement. Si vous aviez des données
précises, on pourrait en discuter, mais vous parlez d'expérience,
de contact, je fais la même chose et je pense...
M. Johnson: On peut revenir avec certaines études qu'on a
là-dessus. Quand on étudiera le projet de loi article par article
on aura l'occasion d'aller plus loin. Je retiens quand même la remarque
générale du député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas prendre trop de temps. Il y a des
choses, aussi, sur les vacances, c'est quinze jours et, par la suite, c'est
trois semaines pour dix ans. Je pense que, de plus en plus, il y a une norme
qui va vers au moins cinq ou six ans au lieu de dix ans. Ce sont des choses,
comme vous dites, qui pourront être examinées en commission
parlementaire.
Il y a une autre remarque que vous faisiez, à la page 19. Il nous
semble que l'article devrait être pour que le salarié soit
toujours compensé en argent, à moins qu'il demande lui-même
à être compensé en temps. Il semble que l'article
prévoit qu'il peut être compensé d'une façon ou de
l'autre. C'est votre remarque que je ne saisis pas.
M. Rodrigue: Si vous me permettez, M. le Président, avant
de revenir aux autres commentaires sur la syndicalisation et sur les
congés fériés, je voudrais souligner le fait que si on
revendique des congés fériés, le principe fondamental,
c'est à cause du repos qui est une nécessité. En
conséquence, on dit: Dans le cas où un salarié veut
travailler ou accepte de travailler ou travaille un jour férié,
on pense que c'est plus bénéfique pour l'employeur de lui
demander de le prendre en temps que de le payer. On a constaté des
exagérations sur ce plan. C'est pour cela qu'on veut laisser le choix au
salarié de le prendre en temps, s'il le désire, mais que la
règle normale soit que l'employeur le paie afin qu'il soit
compensé pour la journée qu'il perd effectivement au moment
où tous les autres, la majorité, sont en congé.
C'est à cause de l'exagération qu'on a constatée
dans ce sens qu'on veut que ce soit le salarié qui ait le libre choix.
Je voudrais faire deux petits commentaires, avec la permission du
président. Sur la syndicalisation, je voudrais vous assurer qu'on ne
s'endormira pas, d'autant plus qu'on est suffisamment surveillé de ce
temps-ci; il faut rester éveillé. A l'intérieur de nos
organisations démocratiques, on a de la surveillance et, à
l'intérieur de la société, il semble qu'il y a des cadres
qui s'intéressent à nous d'une façon
particulière.
Deuxièmement, en ce qui concerne les congés
fériés, nos statistiques sont faites à partir, bien
sûr, des conventions, mais aussi de la réalité. Je voudrais
dire que sur ce plan, il semble que le moyen terme serait d'un peu plus de
trois jours. Si on a trente ans à rattraper, il serait peut-être
temps qu'on fasse un petit bout de chemin. Ce petit bout nécessiterait
au moins, si c'est vrai que le ministre constate, dans les entreprises
où il n'y a pas d'organisations syndicales, que c'est une moyenne X, que
le gouvernement légifère pour fixer... Cela ne veut pas dire non
plus de la surenchère éventuelle au niveau des conventions
collectives. Sur ce plan...
M. Johnson: Vous ne voyez pas cela comme risque, par exemple, que
la détermination de...
M. Rodrigue: Je ne le vois pas parce qu'il y a des freins aux
revendications syndicales. L'un des freins qu'on doit admettre est que, lorsque
le gouvernement légifère au minimum, il y a aussi des employeurs
qui s'organisent pour essayer de rabaisser au minimum les conditions de travail
et d'empêcher d'aller trop loin. Je voudrais souligner qu'en 1975/76 le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à la suite du
rapport Caston-guay qui prévoyait et qui recommandait huit jours a
été d'accord avec les huit jours. Il me semble que le
gouvernement devrait se rapprocher de cela davantage. Le patronat disait: On
est d'accord avec huit jours mais on voudrait voir les modalités et on
voudrait en discuter. On pense qu'on doit faire un effort supplémentaire
au Québec dans ce sens.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais revenir sur
le travail domestique. Il y a deux points qui ont été
soulevés. Si je comprends bien, quand le travailleur domestique habite
dans la résidence de l'employeur, il n'est pas soumis aux conditions
minimales de travail. Je pense que le travailleur domestique dont on abuse le
plus, c'est celui qui habite en résidence. Celui qui travaille trente
heures je ne veux pas dire que celui-là, on ne lui accorde pas
les conditions minimales est déjà en meilleure situation
de se protéger contre les abus qui se font en service domestique. (16 h
15)
Je trouve vraiment regrettable... Je comprends que ça crée
des problèmes financiers, mais je voudrais, juste en blaguant, M. le
ministre, vous faire dire que vos calculs de $700, ça les fait
travailler 28 heures par semaine au salaire minimum...
M. Pagé: A 17 heures par jour d'ailleurs! Mme
Lavoie-Roux: C'est sans importance! M. Johnson: ...
Mme Lavoie-Roux: $700 par mois... Des Voix: Non, par
semaine.
Mme Lavoie-Roux: Alors, par semaine, ça reviendrait
à 28 heures de travail par jour, au salaire minimum.
M. Johnson: Non, c'était à cause du temps et demi,
au-delà de 44 heures.
Mme Lavoie-Roux: Oui, à cause du temps et demi,
d'accord.
M. Chevrette: On va vous retourner au CEGEP encore une fois,
vous!
M. Johnson: Mais ça va nous faire plaisir de fournir une
règle à calcul au député de Portneuf; il ne faut
jamais l'écouter quand il vous conseille. Jamais!
Mme Lavoie-Roux: Oui? En tout cas, vous avez vu que
c'était une taquinerie, alors ça va.
M. Pagé: Connaissant le souci d'intégrité et
d'honnêteté de ma collègue; elle va convenir que ça
ne vient pas de moi!
Mme Lavoie-Roux: Ni de moi non plus! C'est une remarque...
M. Chevrette: Mauvais conseiller.
Mme Lavoie-Roux: Alors, sur cette question de travail domestique,
le ministre a soulevé l'objection qu'évidemment on est un peu
dans une espèce de conflit où les femmes qui gagnent le salaire
minimum vont être obligées de payer, à leur gardienne, le
salaire minimum. Là aussi, il faudrait peut-être faire une petite
étude, sans qu'elle soit trop exhaustive parce que ça prendrait
trois ans, mais on pourrait la faire sur un échantillonnage
réduit. Je ne suis pas convaincue que ce sont les femmes qui sortent
pour aller gagner le salaire minimum, qui ont de l'aide domestique, à la
maison, d'une façon générale. Je pense que, en
général, elles s'arrangent avec la tante d'à
côté, la voisine d'en arrière ou la grand-mère de
l'autre côté de la rue qui vient à la maison, parce que
écoutez... En tout cas je pense que ça vaudrait la peine
d'examiner ça.
Je pense que l'objection n'est peut-être pas aussi valable que le
ministre veut bien le dire. Evidemment, la question des garderies demeure
entière et, même si le ministre dit: On a multiplié par
sept; sur les $20 millions, il y en a $10 millions qui ne sont applicables que
jusqu'au prochain budget et, si on tient compte des nouvelles places, si on
tient compte de l'inflation, il ne faudrait peut-être pas trop se
gargariser du multiple de sept, parce que, si on faisait un calcul un peu
plus...
M. Pagé: C'est un chiffre biblique.
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être un chiffre biblique, mais
il faudrait peut-être avoir aussi des chiffres réels.
Alors, ce problème de garderies reste entier et, je pense,
rejoint la difficulté que le ministre mentionnait. Ce que je veux faire
valoir, c'est que je n'ai pas eu le temps de regarder le mémoire
de l'Association pour la défense des employés domestiques de
Montréal on a des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs et
je pense que c'est le temps qu'on intervienne dans ce domaine, même pour
ceux qui sont à domicile. Je pense qu'il faudrait les inclure quitte
à procéder par réglementation s'il y a des exceptions ou
des particularités qui s'appliquent à eux; là, on les
laisse en dehors et cette situation, moi, je trouve
qu'elle est regrettable. C'est un point sensible, mais il ne faudrait
pas essayer de protéger nos intérêts sur le dos des autres;
ça, je pense que c'est important au départ.
Un dernier point je pense que j'ai pris mon temps et que tout le
monde attend sur les immigrants temporaires, à la page 17. La
seule remarque que je voudrais faire, c'est cette préoccupation que vous
avez pour les immigrants ou les travailleurs temporaires. On a ici une occasion
d'essayer de préciser un peu ce qu'on en fait et quelles conditions de
travail on leur offre. A trois occasions, depuis l'automne une fois au
moment de l'étude du projet de loi 77 sur l'immigration; lors de
l'étude du projet de loi 84 sur la carte d'assurance-maladie et
aujourd'hui j'ai eu l'occasion d'intervenir pour essayer de faire
préciser un peu les conditions de travail de cette catégorie de
personnes. Il y aura sans doute une coordination à faire avec les deux
autres projets de loi pour qu'il y ait une espèce de concordance parce
que, quand on a parlé lors de l'étude du projet de loi 77, on a
dit: Cela viendra dans le projet de loi 84 et, au projet de loi 84, on a dit:
Cela viendra dans les conditions minimales de travail. Je voudrais bien que le
cercle se ferme et qu'on en tienne compte parce que je pense que c'est une
catégorie de travailleurs qui est souvent exploitée.
J'arrête mes commentaires ici; j'en aurais d'autres, mais je ne
veux pas abuser. Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, Mme le
député. M. le député de Joliette-Montcalm, vous
avez la parole.
M. Chevrette: Je veux revenir sur un point, celui de la
syndicalisation. Même si vous avez affirmé tantôt que vous
ne craigniez pas du tout les difficultés de syndicalisation et que vous
vous basiez sur l'argument selon lequel les conditions affreuses des
non-syndiqués ont une répercussion négative même sur
les demandes syndicales actuelles, parce que les comparaisons
s'établissent entre les deux, c'est du moins un des passages de votre
mémoire. Ne craignez-vous pas que, dans les milieux peu nombreux, les
petites unités d'accréditation, si les conditions deviennent
passablement alléchantes, les gens soient de moins en moins
intéressés à la syndicalisation?
M. Rodrigue: D'abord, je voudrais dire que, quant à nous,
ce n'est pas un objectif, c'est un moyen. Deuxièmement, si on affirme
qu'on n'a pas de crainte, c'est parce que, dans la réalité,
depuis des années qu'on fait de l'organisation syndicale, on constate
que le fait qu'il y ait un salaire minimum plus élevé au
Québec, comme on nous le dit, que dans les autres provinces, cela
n'empêche pas les travailleurs de se syndiquer, parce que le salaire
minimum répond à un besoin minimal et non à l'ensemble des
besoins. On constate, à la CSN en particulier, vous le verrez si vous
regardez les statistiques, que, sur 1500 unités locales, on a des
syndicats à partir de quatre, cinq ou six membres. La majorité de
nos syndicats comprennent moins de 100 membres dans des secteurs, comme vous le
mentionnez, plus difficiles que d'autres.
Dans ce sens-là, les normes minimales, c'est un peu le même
phénomène. On ne dit pas que les normes minimales sont un
objectif qui va servir à la syndicalisation, on n'affirme pas cela.
L'argument selon lequel le fait qu'il n'existe pas de normes minimales
régissant les conditions des plus démunis nuit
concrètement à ceux qui sont organisés et qui
revendiquent... c'est effectivement nuisible à certaines conjonctures ou
autres.
Je prends l'exemple je ne veux pas négocier ou amorcer la
négociation du secteur public ici du secteur public et du secteur
privé. Quand on considère le taux de syndicalisation du secteur
privé et le taux de syndicalisation du secteur public, on constate qu'il
y a une différence. On se fait servir cet argument-là aussi au
niveau des conditions à certaines occasions.
Sur ce plan-là, quant à la CSN, après en avoir fait
l'analyse, le fait qu'il existe des normes minimales, ça ne peut pas
mettre un frein à la syndicalisation comme telle. On est d'autant plus
convaincu de cela qu'on insiste auprès du gouvernement pour qu'il
s'assure que ces normes minimales soient appliquées, pour que les
travailleurs aient des recours en fonction de la loi, parce qu'on pense que les
employeurs vont tenter, dans certains cas, de ne pas les appliquer.
Dans ce sens-là, nos craintes ne sont pas là.
M. Chevrette: C'est ce à quoi je m'attendais dans le
mémoire, c'est ce qui me renverse un peu. Je veux vous essayer un peu,
je vous préviens tout de suite.
Idéologiquement, on était pratiquement en droit de
s'attendre que vous nous serviez le discours de la récupération
et de la non-syndicali-sation, que vous nous disiez l'on rendait difficile la
syndicalisation. Je vous avoue que c'est une surprise de lire dans votre
mémoire, par rapport au discours habituel de votre centrale, que vous
êtes pour cela.
M. Rodrigue: Vous voyez, vous avez intérêt à
lire davantage sur notre centrale. Vous allez constater qu'à court terme
on propose beaucoup de solutions et que notre objectif n'est pas de faire des
débats idéologiques sur ces questions-là. On est une
organisation dont la mission fondamentale, première, est
d'améliorer les conditions de vie des travailleurs. Alors, dans ce
sens-là, on considère que le gouvernement a une
responsabilité sur les normes minimales et, comme organisation
syndicale, on pense qu'il doit agir et qu'il doit en même temps
être préoccupé de l'amélioration du Code du
travail.
Bien sûr, on le dit, on l'affirme, on va revendiquer sur ce
plan-là. De notre côté, comme organisation syndicale, notre
obligation est aussi de faire des efforts pour organiser les travailleurs qui
ne le sont pas. C'est ce qu'on fait dans les circonstances actuelles.
On n'avait pas l'intention de venir faire un débat
idéologique, mais si vous voulez échanger un peu
là-dessus, on peut toujours le faire.
M. Chevrette: Je voulais manifester un peu, M. le
Président, je vous avoue que...
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous ne compreniez pas. Vous
avez un principe différent de celui du fédéral. Vous
contestez le système mais vous ne voulez pas en discuter. Tandis qu'eux
ils se disent: Le système on ne l'aime pas, mais on essaie de
l'améliorer.
M. Chevrette: Qu'est-ce que l'on ne peut pas entendre...
Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît, Mme le
député, vous ouvrez des portes qui sont difficiles à
fermer.
M. Chevrette: M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Je voudrais seulement dire que cette orientation,
cette position de la CSN, en regard du salaire minimum, est présente
depuis 1934, concrètement, dans l'organisation que je représente.
Alors, on n'a pas encore modifié cela, et on n'a pas l'intention de la
modifier à court terme non plus, ni à moyen terme. Nous allons
demeurer une organisation syndicale, je l'espère, peu importe le
système dans lequel nous serons.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant?
M. Pagé: M. Rodrigue.
Le Président (M. Dussault): Oui, M. Rodrigue.
M. Rodrigue: C'est une requête; très
brièvement, M. le Président. Je présume que le
mémoire paraîtra au journal des Débats, ou quelque chose
comme cela?
M. Johnson: C'est-à-dire que dans la mesure où vous
avez fait lecture du mémoire, évidemment vous avez sauté
un ou deux paragraphes et les tableaux, je ne sais pas s'il est coutume, M. le
Président... Est-ce que, par motion, tout peut être reproduit
ou...
M. Rodrigue: C'est un souhait...
Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas
nécessaire. Si le groupe souhaite voir son mémoire,
intégralement, paraître dans le journal des Débats, cela
sera fait.
M. Rodrigue: C'est une requête, et on vous remercie, (voir
Tableaux et résumé des revendications dans l'annexe I)
Le Président (M. Dussault): C'est parfait, M. Rodrigue.
Oui, Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre me permettrait
seulement une petite question sur le licenciement. A la page 28 la
réponse je l'attends du ministre ou de M. Rodrigue on dit, quant
à ceux qui sont licenciés, que, si le licenciement est
déclaré injustifié, la commission aurait le pouvoir
d'ordonner que le travailleur soit réintégré dans sa
fonction avec pleine compensation pour le salaire perdu. Est-ce que vous aurez
une autre solution? En principe je pense que c'est vrai dans une grande
organisation. Mais quand vous vous trouvez, je vais peut-être prendre un
exemple extrême, dans du service domestique, si vous essayez de
réintégrer la personne qui a été
congédiée parce qu'elle ne s'entendait pas avec son employeur, je
trouve cela difficile. Est-ce que vous auriez une autre solution au
licenciement dans des cas qui concernent un groupe restreint?
M. Rodrigue: Non, on ne proposera pas de solution de rechange,
pour la raison suivante: On pense que c'est du pouvoir de la commission
d'évaluer ces questions ou encore du commissaire. Cela fait partie de la
démonstration des raisons valables ou non valables pour licencier. Ce
que l'on veut comme objectif c'est de protéger, donner un recours
réel au travailleur qui serait victime d'un licenciement et qui
aurait... On veut que la loi lui permette des recours concrets. Le reste est
à évaluer en fonction du fait si c'est une raison valable ou pas,
par la commission ou l'organisme...
Mme Lavoie-Roux: La réintégration est une
règle absolue.
M. Rodrigue: La réintégration, on la veut comme
règle absolue de pouvoir par la commission, mais c'est au mérite
que la commission décidera s'il doit être ou non
réinstallé.
Le Président (M. Dussault): Alors je vous remercie. M. le
ministre, pour conclure.
M. Johnson: Oui, bien simplement pour remercier M. Rodrigue et
ses collaborateurs. Je sais que les trois personnes qui l'accompagnent ont tous
à un titre ou un autre travaillé à la présentation
de ce mémoire qui, encore une fois, m'apparaît intéressant,
c'est le moins que l'on puisse en dire. Je les remercie de s'être
déplacés.
Conseil québécois du commerce de
détail
Le Président (M. Dussault): Alors je remercie la CSN pour
son témoignage et j'invite le groupe suivant, le Conseil
Québécois du commerce de détail, à se
présenter devant la commission. J'invite le porte-parole du groupe
à se présenter et à nous présenter ses
collègues.
M. Ponton (Gérald): M. le Président, Gérald
Ponton, vice-président exécutif du Conseil
québécois du commerce de détail. A ma gauche, Mme
Diane Laurin, secrétaire de la compagnie Steinberg. A mon
extrême droite, M. François Legault, directeur du personnel
adjoint de la maison Eaton, et M. Mike Opzoomer, directeur du personnel de la
maison Simpson-Sears. J'aurais une demande à formuler à la
présidence, compte tenu du temps, du nombre de mémoires et du
travail que vous avez à faire. J'aimerais, avec la permission de la
commission, obtenir que le mémoire soit versé de façon
intégrale au journal des Débats, puisque je vais passer
brièvement sur les aspects très techniques en tentant
d'élaborer plutôt sur les questions qui nous apparaissent les plus
préoccupantes pour notre association de commerce de détail. (Voir
annexe II) (16 h 30)
Le Président (M. Marcoux): Alors, M. Ponton, votre souhait
sera exaucé et je vous demanderais autant que possible, dans ces
circonstances, de nous présenter votre point de vue en vingt
minutes.
M. Ponton: Je veux bien me plier à cette démarche,
M. le Président. Tout d'abord, notre association regroupe environ une
centaine de membres réguliers qui exploitent 1000 établissements
au Québec et dont, généralement parlant, le volume
d'affaires représente 50% des ventes annuelles du commerce de
détail au Québec. Nous comptons, parmi nos membres, les
principaux magasins à succursales et à rayons ainsi que plusieurs
indépendants.
Nous exprimons le point de vue de notre association sur les aspects les
plus préoccupants du projet de loi pour vous dire que notre association
a réagi favorablement au principe de l'introduction d'un projet de loi
sur les normes minimales de travail. Le commerce de détail a quelques
particularités qu'il serait bon de vous rappeler.
Le dollar du consommateur québécois est
dépensé à des périodes fixes pendant l'année
qui varient d'un mois à l'autre. Ainsi, le dernier trimestre de chaque
année, qui est la période des Fêtes, est la période
la plus importante. En 1976, ce trimestre représentait 9,4% des ventes
globales de l'année et le maximum était atteint en
décembre avec 10,9%. Le nombre d'employés fluctue en fonction de
l'achalandage et ce particularisme de notre industrie nous a obligés
à développer et à compter sur des employés
réguliers, des employés à temps partiel qui travaillent
moins que les employés réguliers et une autre catégorie
d'employés, les employés occasionnels. Ces derniers sont
appelés selon les beoins de l'entreprise et demeurent libres de se
rapporter au travail. En grand nombre, cette dernière catégorie
est embauchée exclusivement pour la période de pointe et est
constituée en majorité de personnes qui autrement ne seraient pas
sur le marché du travail.
De plus, contrairement à d'autres secteurs d'activité, le
commerce de détail fonctionne en règle générale six
jours par semaine et au Québec, à l'occasion de Noël, six
soirs par semaine. Les mouvements de personnel, principalement de la main
d'oeuvre occasionnelle, sont plus importants que dans d'autres secteurs
d'activité, ce qui nous amène, M. le Président, au premier
article, l'article 1h à la définition du mot salarié. Nous
avons deux recommandations à formuler sur cette définition. La
première concerne les officiers et les cadres d'une entreprise. Nous
estimons, par exemple, que quelques-unes des dispositions sont d'application
peu pratique pour autant que l'on s'adresse aux officiers de l'entreprise. Il y
aurait lieu de songer à exclure de la portée du projet de loi les
officiers de l'entreprise dont une définition peut être
trouvée à la Loi des valeurs mobilières, à
l'article 1, au paragraphe 7.
En ce qui concerne les cadres, nous avons la même réaction,
principalement sur la question du salaire qui ne peut pas être
payé à des intervalles de plus de sept jours. Dans beaucoup de
nos entreprises, les cadres sont payés au mois. Les dispositions quant
au repos obligatoire sont aussi d'application difficile pour les cadres de
l'entreprise.
Nous avons, M. le Président, préparé une
définition de ce que représente un cadre pour nous. C'est
l'employé qui exerce une autorité déléguée
dans l'entreprise et qui exerce une responsabilité de gestion. Alors, on
pense que les dispositions étant d'application difficile, il serait
préférable d'exclure les cadres de l'entreprise de la
portée du projet de loi.
En ce qui a trait aux salariés en relation avec les heures de
travail, le projet de loi s'étend sans distinction à tous les
salariés, peu importe le nombre d'heures travaillées. Certaines
dispositions du projet de loi, les articles 77 et 78, ne soulèvent
aucune difficulté d'application, entre autres, pour les employés
occasionnels. D'autres dispositions, par contre, l'article 59 et les suivants,
les articles 79, 80 et 81 et les suivants ont des répercussions
importantes sur nos entreprises, eu égard, comme je l'ai
mentionné, au particularisme de notre secteur d'activité et
à la nature même des fonctions de l'employé
occasionnel.
De plus, le projet de loi ne contient aucune disposition permettant
d'établir des moyennes pour les congés pour le cas des
employés à temps partiel ou occasionnel.
Au sujet de l'article 64, ce qui nous apparaît le plus important,
ce sont les conditions d'admissibilité aux congés
fériés. Si les conditions, selon les dispositions actuelles,
permettent à tous les employés occasionnels, même ceux qui
gonflent artificiellement nos effectifs de personnel aux périodes les
plus importantes, de bénéficier de ces congés, par le fait
même cela impose un fardeau financier à nos entreprises. Il faut
se rappeler que les employés sont embauchés pour une
période fixe, normalement de deux mois, en novembre et décembre,
et ne serait-ce la surcharge de travail occasionnée par cette
période, ces personnes ne seraient pas au travail. Alors, c'est un peu
artificiel comme situation, mais c'est réel.
Un bref sondage avant de me rendre ici aujourd'hui auprès de mes
indépendants me permet de vous donner les informations suivantes:
Dans le cas d'un magasin indépendant ayant cinq succursales au
Québec, qui a un chiffre d'affaires se situant entre $8 millions et $14
millions, en octobre, on comptait 70 employés occasionnels; en
décembre 86, en janvier 76, et en février 56. Vous avez une
variation de 30%.
Dans un autre type d'entreprises, qu'on peut appeler indépendant,
similaire, en octobre, cette entreprise avait 90 employés occasionnels
à son service, en décembre 182 et en février 66. Vous avez
un mouvement de personnel, d'environ 100%.
Dans la grande entreprise, le même phénomène se
retrouve, mais les variations sont moins importantes parce que les
employés à temps partiel à longueur d'année
travaillent plus d'heures et on a moins besoin de recourir à du
personnel flottant qui est engagé strictement pour une période de
deux mois. A titre d'exemple, dans un grand magasin du Québec, en
période normale, on compte 2200 employés; à la
période de Noël, on en compte 2600, alors qu'en janvier le nombre
retombe à environ 2000, 2100 employés.
Un autre exemple, assez intéressant celui-là, de 1900, on
procède à 2300 pour la période des Fêtes et, au 1er
janvier ou en février, après la période d'inventaire, on
retrouve le même phénomène de baisse des effectifs. Il y a
donc une augmentation très importante, qui varie de 30% à 50%,
dans la main-d'oeuvre occasionnelle.
Considérant le particularisme de notre secteur, on aurait des
recommandations à formuler sur les conditions d'admissibilité aux
congés fériés qui, si elles sont accordées, vont
s'appliquer à tous nos employés réguliers et à tous
nos employés réguliers à temps partiel, mais, de ce chef,
excluraient, par exemple, les employés occasionnels qui ne se
conformeraient pas à ces conditions d'admissibilité.
C'est, par exemple, trois mois d'emploi. Le ministre connaît
sûrement la loi ontarienne sur le sujet. Comme deuxième condition,
dix jours de travail dans les 30 jours précédant le congé,
étant bien entendu qu'une journée de travail n'est pas
nécessairement une journée complète et, de plus, que les
employés aient travaillé dans la semaine précédant
le congé ou sont inscrits à l'horaire pour travailler dans la
semaine suivant le congé, dans le cas des deux congés qui sont
prévus, soit Noël et le Jour de l'An.
J'ajouterais que dans la plus grande entreprise de détail, ces
fêtes-là, ainsi que beaucoup d'autres dans l'année sont
incluses, mais dans la plus petite entreprise de commerce de détail,
soit les exemples que je vous ai mentionné tantôt, règle
générale, les occasionnels ou les personnes engagées pour
une période fixe ne bénéficient pas des congés de
Noël et du Jour de l'An.
La même remarque au niveau des employés occasionnels, vu
que je suis dans le sujet, s'applique également au niveau des articles
79 et 80. Nous recommandons que l'employé occasionnel, s'il est inscrit
à l'horaire de travail une journée donnant ouverture à
l'application des articles 79 et 80, puisse bénéficier de ces
congés. Cependant, si l'employé n'est pas au travail et n'est
pas, non plus, inscrit à l'horaire de travail pour cette journée,
il devrait prendre ce congé à même ses journées
libres et ne pas les appliquer à sa cédule de travail.
Finalement, comme je l'ai mentionné, aucune disposition aux
articles 64, 78, 79, 80 et 81 ne permet d'utiliser des prorata pour les
employés qui travaillent moins d'heures qu'un employé
régulier. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre qu'un
employé à temps partiel puisse bénéficier du
même congé qu'un employé régulier, par exemple un
employé qui ne travaille que 15, 18 ou 20 heures par semaine de
façon régulière l'année durant.
Nous recommandons que les articles relatifs aux congés
fériés et aux congés divers, ainsi qu'aux licenciements
puissent comprendre des dispositions permettant d'établir des
proportions pour les employés à temps partiel en fonction des
heures travaillées par rapport à la semaine
régulière ou au temps normal de travail.
Un autre point, mineur celui-là, au niveau de l'expression
"service continu". Nous pensons que l'expression "service continu" devrait
exclure la période durant laquelle la prestation ne peut être
fournie à cause d'une grève ou d'un lock-out sans qu'il soit
nécessaire de résilier le contrat. Dans sa rédaction
actuelle, l'employeur serait tenu de fournir la prestation exigée,
même dans les cas mentionnés, à moins de résilier le
contrat conformément aux articles 81 et suivants. Donc, la semaine
d'avis ou les deux semaines d'avis, selon les années.
Au niveau des articles 4 à 38, M. le Président, nous nous
sommes interrogés sur les pouvoirs qui étaient attribués
à la commission en vertu du projet de loi. Nous avons remarqué
que la commission perdrait l'exercice de nombreux pouvoirs en vertu du projet
de loi en faveur du gouvernement, contrairement à ce qui est dans le cas
dans la loi actuelle.
Les articles 29 et 38 attribuent à la commission des pouvoirs de
réglementation qui nous apparaissent de nature administrative, le
gouvernement se réservant l'exercice du pouvoir réglementaire sur
le fond du projet de loi. La commission nous apparaît comme ayant,
dorénavant, un rôle administratif, alors que le rôle
réglementaire important est confié au gouvernement sans que la
commission puisse, dans les textes, faire valoir ses recommandations.
Nous croyons que ce changement n'est pas de nature à revaloriser
le rôle de la commission et qu'il y aurait lieu de modifier cette
orientation de façon que la commission puisse pleinement jouer son
rôle. Ainsi, tous les pouvoirs, dont ceux des articles 39, 45, 51, 59,
86, 87 et 88 qui sont autant de pouvoirs de réglementation en vertu du
projet de loi, devraient selon nous être exercés par la commission
sous réserve de l'adoption d'arrêtés en conseil par le
gouvernement et de la publication obligatoire du préavis de 60
jours.
En ce qui a trait au financement de la future commission des normes du
travail, contrairement à la loi actuelle sur le salaire minimum, la
nouvelle
lof va procurer des normes minimales de travail à l'ensemble des
travailleurs. Contrairement à ce qui se retrouve, par exemple, à
la Commission des accidents du travail où, pour une prime, un assureur,
un employeur se procure une assurance, je ne pense pas qu'on puisse dire que la
future commission des normes du travail va établir un service pour
l'ensemble des employeurs, mais son objectif est d'établir des normes de
travail pour l'ensemble des salariés et de voir à ce que ces
normes soient respectées par les employeurs. En conséquence, on
pense que le financement de la commission devrait émarger au budget de
l'Etat et non pas venir des cotisations des employeurs.
Advenant que cette recommandation ne puisse être retenue par le
gouvernement, nous pensons tout de même que le montant que la commission
pourrait prélever chez l'employeur devrait être en fonction du
montant de la masse salariale de l'employeur correspondant au salaire minimum
qui est versé dans l'entreprise. Autrement on en arrive à des
situations où l'entreprise, si elle a une masse salariale importante,
peut être appelée à subventionner des employeurs qui ne se
conformeraient pas à l'esprit et à la lettre de la loi. Le projet
de loi prévoit l'imposition d'une pénalité, je pense, de
20% pour les employeurs délinquants et cela pourrait être une
façon pour la commission de refaire ses frais au niveau des
enquêtes qui pourraient survenir dans l'exercice de ses fonctions.
Une autre question préoccupante, M. le Président, a trait
à l'avis obligatoire qui est prévu à l'article 32 du
projet de loi. On retrouve également le corps de l'article 32 sur la
publication obligatoire à l'article 90 qui fait également
référence aux articles 36 et 37 du projet de loi. Nous constatons
avec satisfaction l'incorporation de cet article qui impose la publication d'un
avis de 60 jours avant l'entrée en vigueur d'un projet de
règlement pour permettre aux intéressés de formuler leurs
objections et leurs recommandations. Cependant, les articles 36 et 37
anéantissent complètement la portée de l'article 32 en
permettant des exceptions qui, à toutes fins utiles, rendront
inopérant l'application de l'article 32.
Nous recommandons en conséquence que les articles 36 et 37 du
projet de loi soient retirés de même que toute
référence à ces articles à l'article 90 du projet
de loi.
Brièvement, sur des aspects plus techniques, M. le
Président, notamment l'article 29h qui prévoit la production de
rapports selon les périodes que la commission détermine. On pense
qu'au nombre d'employeurs que compte le Québec, la future commission va
être inondée de productions de documents et on s'interroge
sérieusement sur la pertinence et l'utilité de ces documents.
Peut-être, dans un effort de réduire les documents administratifs
à être produits par les employeurs, y aurait-il lieu de s'inspirer
du rapport qui est exigé par l'Office de la langue française en
vertu de la Charte de la langue française qui demande, en fonction du
nombre d'employés, de produire un rapport annuel, qu'on peut appeler
qualitatif, don- nant les grandes lignes de l'entreprise, le nombre
d'employés, de salariés à son service. Je pense que cette
façon de procéder aurait pour avantage de diminuer le fardeau
administratif et pourrait, par le fait même, renseigner la commission de
façon à l'aider à réaliser les objectifs qui sont
prévus dans le projet de loi.
Brièvement, sur l'article 42, nous en avons fait mention
tantôt, le paiement ne doit pas dépasser la période de
seize jours. Dans le cas des employés réguliers, cela ne
présente pas de difficultés, mais dans le cas des cadres, cela
est contraire aux pratiques que nous avons dans plusieurs de nos entreprises,
soit le paiement au mois. (16 h 45)
Même chose au niveau de l'article 43, pour les enveloppes
scellées, je ne pense pas qu'on ait fait la preuve de la
nécessité; il y a une confidentialité qui existe entre le
superviseur du magasin et l'employé de son service et, règle
générale, dans beaucoup d'entreprises, les chèques sont
remis en main propre. Le simple fait d'obliger à avoir une enveloppe
dans une entreprise qui compte 15 000 employés représente des
coûts qui, en s'ajoutant aux autres, deviennent assez importants. A ce
moment-là, il y aurait peut-être lieu de s'interroger sur la
nécessité de recourir à cet article.
Au niveau de l'article 82, renvoi pour cause, le projet de loi retient
l'expression, "faute grave du salarié". Nous pensons que, dans un cas
comme celui-là, faute grave du salarié nous apparaît
très restrictif. Il y a d'autres motifs comme l'incompétence,
l'insubordination, la rupture des conditions de travail qui, sans constituer
des fautes graves de la part du salarié, constituent pour beaucoup
d'entreprises des motifs de renvoi. Nous soumettons que notre recommandation
aura pour effet d'élargir l'éventail des motifs de renvoi mais,
au cas d'abus de l'utilisation de ce processus, le salarié, avec l'aide
de la commission, est en mesure de contester la décision de l'employeur
et de bénéficier de recours appropriés.
C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Ponton,
votre discipline est exemplaire, vous n'avez pas pris vos 20 minutes. Je
cède la parole à M. le ministre.
M. Johnson: Merci, M. Ponton. Je fais miens, évidemment,
les propos du président. Nous avons pris connaissance de votre
mémoire, en détail. Encore une fois, je pense que c'est un
mémoire qui est assez bien appuyé. Il y a là des
divergences et on comprendra les difficultés de conciliation entre votre
type de préoccupations et celles de ceux qui vous ont
précédés. D'abord, certaines remarques techniques, 1j,
l'exclusion du service continu de la grève et du lock-out, c'est
déjà contenu dans l'ordonnance no 3 du salaire minimum; la
constitutionnalité de l'article 2, paragraphe 2, c'est
déjà dans la Loi du salaire minimum. Il ne semble pas qu'il y ait
eu de problèmes là-dessus dans le passé.
L'article 29d, ainsi que l'article 29e sont des reproductions d'articles
déjà existants dans la Loi du salaire minimum. Article 29 in
fine, le double rapport pour les employeurs assujettis au décret,
évidemment, la solution pourrait être de nature purement
administrative ou il pourrait y avoir une entente ou une coordination au niveau
des exigences relatives à chacun des rapports. Evidemment, il n'y a rien
de contraignant, on prend ça en note.
On demande ensuite de biffer l'article 36 et l'article 37 qui rendent
inapplicable, à vos yeux, l'article 32. Je ne pense pas. La
règle, c'est l'article 32. On prévoit cependant, à partir
du vieux principe qui dit "The king can do no wrong", que ça se pourrait
que, pour des raisons, on le dit bien, d'intérêt public et
d'urgence, le gouvernement soit appelé à prendre une
décision qui soit hors des délais, pour une raison ou pour une
autre. Encore une fois, la règle, c'est l'article 32.
Théoriquement, oui, ça invalide, sauf que, dans le contexte dans
lequel on vit, on peut s'imaginer que le gouvernement serait obligé de
répondre, entre autres, à la période des questions en
Chambre. On pourrait communiquer avec le député de Portneuf.
En pratique, je ne pense pas que l'article...
Mme Lavoie-Roux: C'est son rôle, le député de
Portneuf.
M. Johnson: Sûrement, c'est son rôle. Ce que je veux
dire, c'est qu'on établit, à l'article 32, le principe
c'est déjà aller au-delà de ce qui existe dans bien des
lois de l'exigence de la prépublication. On a de plus en plus
tendance à le faire dans nos lois, on l'a remarqué depuis deux
ans. Cependant, on ne peut jamais présumer qu'il n'y aura pas de
situation qui, à un moment donné, oblige à prendre cette
décision rapidement.
Dans le cas d'une ordonnance qui affecterait le salaire minimum ou d'un
projet d'ordonnance qui touche le travail en forêt, pour une raison ou
une autre, à cause d'une situation qui s'est développée,
il pourrait y avoir des exigences dans le temps qui empêchent le
prépublication et les longs délais qui sont prévus.
Cependant, on dit: La normalité, c'est 32.
Sur une série d'autres articles, il y a une possibilité
d'exclusion.
M. Bellemare: Le ministre me permet-il simplement une
remarque?
M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: A l'article 36, c'est dit en toutes lettres:
"approuvé sans publication préalable". C'est cela que dit
actuellement M. Ponton.
M. Johnson: II faut lire l'article 32 avant.
M. Bellemare: L'article 32, je l'ai certainement lu. "Les
règlements visés dans l'article 31 c'est sûr
doivent, avant d'être approuvés, être
précédés d'un projet publié à la Gazette
officielle." Mais on dit, à l'article 36, que s'il y avait une urgence,
s'il était approuvé sans publication préalable, il
faudrait qu'il y ait une urgence de la situation ou que l'intérêt
public le commande.
M. Johnson: C'est cela.
M. Bellemare: Oui, on le dit dans la loi, mais c'est
sûrement rattaché à l'obligation de l'article 32. Je dis
que la prétention que fait M. Ponton, dans son mémoire, est
peut-être discutable aussi.
M. Johnson: Encore une fois, je maintiens ce que j'ai dit tout
à l'heure: l'article 32, c'est le principe; les articles 36 et 37, c'est
l'exception.
M. Bellemare: Oui.
M. Johnson: Je pense qu'il faut présumer que les
gouvernements, comme les citoyens en général, les organisations,
opèrent dans le cadre des règles générales et non
pas des exceptions.
M. Bellemare: Mais, à ce moment-là, le
règlement n'est pas...
M. Johnson: Invalide pour autant.
M. Bellemare: ... invalide pour autant, c'est sûr. Il
faudrait comprendre cela aussi, parce que la personne en charge peut
peut-être trouver souvent l'occasion d'une urgence ou d'un
intérêt public sous le couvert de n'importe quelle chose, le
faire, parce qu'en vertu de la loi, cela ne devient sûrement pas
invalide. C'est cela qu'on dit actuellement.
M. Johnson: L'article 42, la question des cadres, les seize
mensuels, c'est une remarque pertinente, mais on croit qu'il y a une
réponse dans l'article 86. Dans la mesure où la
possibilité d'exclusions spécifiques pour les cadres pour toute
la question du salaire, c'est inclus à l'article 86. C'est dans le sens
de vos préoccupations, finalement, à moins que, sur le plan
technique, la qualité de rédaction vous laisse croire que ce
n'est pas suffisant, mais, dans notre esprit, c'est clair. On pourra le revoir,
de toute façon, article par article.
L'affaire de l'enveloppe scellée, on en a fait le tour, je dois
vous avouer. On va la revoir avec les autres mémoires également.
Evidemment, ces dispositions de la loi actuelle, on sait que cela remonte
à 1931.
M. Bellemare: 1936.
M. Johnson: 1936, pardon. On peut comprendre le contexte dans
lequel cela se faisait. Aujourd'hui, on sait qu'il y a les paies
informatisées, les transferts bancaires, le chèque
personnalisé fait par ordinateur, etc.
M. Bellemare: ...
M. Johnson: II y a un problème. Il y aurait
peut-être une solution, ce serait de dire que c'est par règlement
qu'on le détermine. Il faut qu'on ait
fait le tour de toutes les possibilités, mais, là, je
pense qu'on irait dans le sens d'une critique que vous avez, par ailleurs, sur
le pouvoir de réglementation. Cela nous apparaît un peu complexe
que de le mettre dans la loi. Cependant, la notion de l'enveloppe
scellée, à l'origine, il faut se rappeler que c'était
vraiment dans un but de protection de certaines catégories de
salariés dont on abusait, dans un contexte bien précis.
Aux articles 45 et 59, on demande que les règlements soient
soumis à l'avis de soixante jours. C'est déjà le cas par
le biais des articles 87 et 90 qui renvoient aux articles 32 et 37,
évidemment avec la réserve que vous faites sur l'article 37.
Aux articles 79 et 80, il s'agirait d'exclure les employés
occasionnels. Cela me semble être finalement la pièce centrale de
ce que vous nous avez présenté.
M. Ponton: Ainsi que l'article 64.
M. Johnson: Pardon?
M. Ponton: Ainsi que l'article 64.
M. Johnson: Ainsi que l'article 64, effectivement. Vous verriez,
vous, une sorte de méthode pour tenir compte d'une espèce de
prorata pour les occasionnels?
M. Bellemare: Sectionné autrement.
M. Johnson: Evidemment, je serais susceptible d'être
sensible à un argument qui dirait: Ce n'est pas compliqué,
à partir du moment où on exige des conditions, par exemple, de
quatre jours continus dans les 18 derniers jours ou quelque chose comme cela,
on pourrait présumer que dans les endroits où on embauche
beaucoup de personnel occasionnel, que ce soit des étudiants le soir qui
font de l'emballage dans les magasins à l'époque de Noël ou
des choses comme celle-là, il pourrait y avoir une incitation
financière, finalement, relativement importante à surfractionner
ce temps pour ne pas rendre les gens admissibles. Encore une fois, je ne veux
pas présumer de la mauvaise foi, mais on est bien conscient qu'on a
affaire à une main-d'oeuvre qui est extrêmement...
On dit que ce sont des emplois créés artificiellement. Il
faut se comprendre: c'est une activité économique qui n'est pas
artificielle du tout, le "peak" de l'époque de Noël et du Jour de
l'An, comme cela l'est à Pâques, dans le cas de ceux qui vendent
du chocolat. Cela fait partie de la réalité de la
société de consommation dans laquelle on vit. Donc, la
main-d'oeuvre qui est appelée à travailler dans ce cadre, c'est
quand même une main-d'oeuvre qui est essentielle au fonctionnement de
l'entreprise et à la génération de ses profits. On sait
que beaucoup des entreprises que votre association regroupe font effectivement
une grosse partie de leur chiffre d'affaires, une proportion très
importante dans ces deux ou trois mois; en tout cas, beaucoup plus que ce que
cela serait sur un étalement normal de douze mois. Pardon?
M. Bellemare: Son argument à lui, si je le comprends, M.
le ministre, c'est que les occasionnels, pour bénéficier des
jours fériés...
M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: Pour lui, c'est un problème qui revient
souvent dans son mémoire.
M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: Je pense que c'est cela, la question; c'est cela
qui lui fait mai.
M. Johnson: Oui, c'est ce que j'essaie de cerner. Je voudrais
peut-être qu'on en discute un peu plus longuement. Allez-y donc!
M. Ponton: M. le ministre, si vous le permettez, la proposition
qu'on met de l'avant, c'est surtout au niveau des conditions
d'admissibilité. Les congés comme tels, je pense que, face
à une Loi sur les normes minimales de travail, qui ouvre une porte et
qui établit des normes minimales, il faut qu'on les accepte et qu'on
aille de l'avant à ce niveau avec les deux congés qui sont
déjà prévus. Dans le cas du 24 juin, par exemple, on n'a
eu strictement aucune difficulté. On a collaboré avec votre
ministère pour faire des suggestions pour vraiment régler, encore
une fois, le problème des occasionnels à ce niveau. Cela ne
présentait pas de problème pour nous parce qu'il n'y avait pas de
période très particulière. Dans le temps de Noël,
où on a un gonflement sur deux mois, être obligé, de
façon systématique, de payer deux congés a tous les
employés qui travaillent uniquement deux mois par année nous
apparaît comme étant hors de proportion avec l'objectif qu'on
poursuit dans la loi. On est peut-être un des seuls secteurs où on
a un "peak", comme vous le dites, si important dans le temps de Noël. En
fait 10% à 12% des ventes annuelles en dollars, sont faites dans ces
deux mois de l'année.
M. Bellemare: Le ministre disait ce matin que cela coûte
pour une journée fériée...
M. Johnson: $85 millions.
M. Bellemare: $85 millions.
M. Johnson: C'est une des évaluations.
M. Bellemare: Pour un. S'il y en a trois...
M. Johnson: Remarquez qu'en pratique c'est autant d'argent
injecté dans la propension marginale à consommer de ceux qui sont
au salaire minimum.
M. Bellemare: D'accord.
M. Johnson: Je suis bien conscient de cela.
M. Bellemare: Seulement, il reste un fait certain. Si M. Ponton
nous dit qu'il y a un
problème chez les occasionnels pour justifier l'octroi de jours
fériés pour les deux nouvelles fêtes de Noël et du
Jour de l'An, cela peut et cela doit être un problème terrible
à régler au point de vue de la justice sociale aussi.
M. Ponton: Si vous le permettez, M. le ministre, pour faire suite
à ces propos, comme je l'ai indiqué tantôt assez
rapidement, on a quand même des variations de personnel occasionnel de
l'ordre de 50%. Dans certains cas d'entreprises de moindre importance, cela va
jusqu'à 100% des effectifs qui sont doublés à l'occasion
de deux mois. Pour ce qui est d'accorder des congés fériés
aux employés réguliers ou aux employés réguliers
à temps partiel, qui travaillent 15 ou 20 heures avec un
mécanisme de prorata ce qui serait normal cela ne
représente aucune difficulté. Je pense qu'il faut qu'on aille de
l'avant et qu'on les accepte. Cependant, vouloir introduire par le fait
même pour tous les occasionnels qui sont deux mois dans nos magasins le
critère d'admissibilité de dix jours dans les trente jours
précédant le congé nous obligerait à supporter deux
jours fériés pour un segment de la population qui travaille deux
mois par année et qui, autrement, ne serait pas au travail, ne serait-ce
que de l'achalandage additionnel. (17 heures)
M. Bellemare: Ce qui n'est pas juste pour ceux qui sont là
à l'année.
M. Ponton: Ce qui n'est pas juste pour ceux qui sont là
à l'année. Quand on a élaboré nos recommandations,
M. le ministre, on a fait attention de les élaborer pour éviter
ce qu'on appelle le tripotage des cédules. On vous recommande comme
troisième critère qu'ils soient cédulés pour
travailler où ils ont travaillé dans la semaine
précédant, et là où ils sont inscrits à
l'heure pour travailler dans la semaine suivant le congé. Alors, si
vraiment on a besoin de ces employés, on ne s'amusera pas à les
changer de journée, de façon à éviter ce qui n'est
pas l'intention d'ailleurs de nos membres, de faire cela. On a quand même
tenu compte de ce problème de façon à avoir une
recommandation qui se tienne.
M. Bellemare: Vous avez parfaitement raison. J'aurais une
question à vous poser, si celle-là est vidée, qui serait
incidente parce que je ne serai pas ici ce soir.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Merci.
Le Président (M. Dussault): A moins que... Je pense bien
que la commission...
M. Bellemare: Le ministre me donne la permission.
Le Président (M. Dussault): ... sera d'accord.
M. Johnson: Oui, cher frère.
Le Président (M. Dussault): Parce que je voudrais, autant
que possible...
M. Bellemare: Oui, frère directeur.
Le Président (M. Dussault): ... ne pas priver les autres
de leur droit de parole.
M. Bellemare: Non, au contraire. C'est parce que je n'y serai pas
ce soir et je voudrais bien que, sur une question en particulier qui m'a bien
frappé, si vous me le permettez...
M. Johnson: Oui, bah! enfin!
Mme Lavoie-Roux: Vous ne m'avez pas demandé la permission,
mais cela me fait plaisir de vous la donner.
M. Bellemare: Merci infiniment, madame; vous êtes bien
généreuse. Ce n'est pas de vous que j'avais peur. Quand vous
dites: Le financement de la commission des normes du travail devrait provenir
du budget de l'Etat, oh!...
M. Johnson: Si vous n'avez pas d'objection à cela, j'ai
aussi des commentaires là-dessus.
M. Bellemare: Vous en avez, vous.
M. Johnson: On pourrait peut-être les prendre sujet par
sujet.
M. Bellemare: Ah bon! D'accord.
M. Johnson: On pourrait peut-être les prendre sujet par
sujet. Pour le moment...
M. Bellemare: Vous allez éclairer ma lanterne. M.
Johnson: C'est cela. Pour le moment... M. Bellemare: D'accord.
M. Johnson: ... on était sur les temps partiels et les
occasionnels.
M. Bellemare: Oui, vous avez bien raison. Oui. M. Johnson:
Dans le cas des temps partiels... M. Bellemare: Allez-y.
M. Johnson: ... le projet...
M. Bellemare: Je pensais que vous aviez fini sur ce sujet...
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas vidé cette question
encore.
M. Bellemare: On ne l'a pas vidée...
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Bellemare: J'en ai peur, là.
M. Johnson: Ce que vous mettez en évidence, c'est que
finalement le projet de loi tenait compte des temps partiels à l'article
79, où l'on parle d'une indemnité pour salaire perdu. Donc, pour
celui qui travaille quatre heures par jour, quatre jours par semaine, c'est le
salaire perdu qui serait visé dans la compensation. Donc, votre
problème du prorata des temps partiels est largement réglé
par l'article 9. Sauf que cela ne règle pas le problème des
occasionnels, je suis d'accord avec vous.
M. Ponton: M. le ministre, si vous me le permettez. Dans la
mesure où l'employé est cédulé pour cette
journée-là. Si l'employé n'est pas cédulé
pour travailler, comment calcule-t-on le congé? Si, à un moment
donné, il n'est pas sur la cédule de travail et que son
père décède, comment applique-t-on l'article 79? Est-ce
que l'employé peut venir nous voir et dire: Donnez-moi quatre heures,
alors qu'il n'est pas sur la cédule de travail? Dans le cas où il
est inscrit sur la cédule de travail, cela ne pose pas de
problème; on va lui donner son congé et on est d'accord avec
cela. Mais dans le cas où il ne l'est pas, cela amène des
difficultés drôlement importantes.
M. Bellemare: 69.
M. Johnson: Mais s'il n'est pas cédulé, il ne
reçoit rien.
M. Bellemare: 64, dis-je.
M. Johnson: Je pense qu'on se comprend très bien sur
l'objectif. Cela devient peut-être une question d'interprétation
et on verra à la clarifier s'il le faut, mais s'il n'est pas
cédulé, par définition il n'était pas tenu de
travailler, je veux dire qu'il n'y a pas d'indemnité à lui payer
pour un salaire perdu. Maintenant, peut-être que le texte... Encore une
fois, il y a une étape qui s'appelle l'étude article par article
qui va nous permettre de fouiller très précisément. Je
pense qu'on s'entend bien sur le contenu. Cela ne règle pas le
problème des occasionnels, par exemple.
Une Voix: D'accord.
M. Johnson: On va essayer de tenir compte de vos suggestions en
étant conscients de ce que cela peut représenter dans certains
petits commerces, entre autres.
M. Bellemare: Que pensez-vous de 64?
M. Johnson: Dans l'ensemble de ce qui touche les occasionnels,
que ce soit 64, 79 ou 80.
M. Bellemare: 80.
M. Johnson: L'autre chose sur le financement, pour en arriver
là où voulait nous amener le député de
Johnson...
M. Bellemare: C'est où, là?
M. Johnson: Evidemment, c'est la position... J'ai trouvé
d'ailleurs votre précaution oratoire tout à fait pertinente quand
vous avez dit: Au cas où notre suggestion ne serait pas retenue
elle ne sera pas en effet retenue la commission du salaire minimum est
financée depuis de nombreuses années par les cotisations des
employeurs...
M. Bellemare: ... ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson:... depuis son origine. Même que cette loi
prévoyait qu'une partie des services de conciliation et du commissariat
du travail était financée par cela.
M. Bellemare: C'est cela.
M. Johnson: Le contexte dans lequel cela s'est fait, il faut se
le rappeler, c'était à l'époque où le budget du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre au Québec
était de l'ordre d'environ $200 000 par année. Il est de $100
millions maintenant.
M. Bellemare: On a aboli aussi le fameux service...
M. Johnson: Cela vous donne une idée.
M. Bellemare: On a aboli le service des négociations.
M. Johnson: Bon. Cependant, je pense qu'il y a deux façons
de voir cela. Je sais que le Conseil du patronat est également de votre
avis, comme l'ensemble du monde patronal, que finalement c'est une
responsabilité d'Etat. Je pense qu'il faut le voir autrement. Il y a des
précédents, au-delà de la Commission du salaire minimum;
je ne parlerai pas de la Commission des accidents du travail qui est une
mutuelle, où c'est normal, mais il y a la Régie des entreprises
de construction du Québec, par exemple, qui oblige les 15 000
entrepreneurs en construction du Québec à payer une licence et
c'est versé au fonds consolidé. Une partie de cela est
retournée à la régie pour son administration.
De la même façon au niveau de la Commission du salaire
minimum, on juge que c'est une participation des employeurs, dans la mesure
où dans notre société je me refuse à percevoir
comme étant, par définition, profondément
antithétique pour utiliser le vocabulaire de ceux qui s'inspirent
des auteurs du 18e siècle sur les analyses sociales les
intérêts des travailleurs et des entreprises dans notre
collectivité. Si on veut vraiment pencher dans une analyse vers
l'impossibilité de concilier, pour le développement de toute
la société, les intérêts des employeurs et
des salariés, je comprendrais votre position, comme je peux comprendre
certaines idéologies dans le monde syndical, mais ce n'est pas le
cas.
Je pense qu'il est normal, dans notre société, qu'on
considère que les employeurs en tant que groupe dans notre
société apportent une contribution, au-delà de ce qui se
fait concrètement dans leur entreprise, au développement
général d'une amélioration des conditions de travail des
salariés. Parce que c'est cela, vivre en commun, je pense. Cela
s'appelle un fardeau financier, dans un premier temps. Cela s'appelle aussi des
affaires d'attitude dans d'autres temps et dans d'autres circonstances. Donc,
le gouvernement entend maintenir la notion de cotisation des employeurs pour le
financer.
Il y a un chiffre qui est sorti récemment et qui a fait grimper
dans les rideaux certaines personnes; on a parlé de $100 millions. Il
n'est pas question de cela. La loi prévoit déjà que cela
peut être jusqu'à 1% mais...
M. Bellemare: $257 millions, j'ai vu cela
dernièrement.
M. Johnson: Ouais. Enfin, 1% de la masse salariale totale au
Québec. Cela aurait du sens, autour de $200 millions. Je ne pense pas
que la Commission du salaire minimum va avoir un budget de $200 millions. En
tout cas, quand la commission aura cela, j'en demanderai autant pour mon
ministère.
M. Bellemare: II y a 1% dans votre loi.
M. Johnson: Non, non. Ce qu'on prévoit, c'est
jusqu'à concurrence de 1%.
M. Bellemare: Cela peut aller là.
M. Johnson: Bon. En pratique, aujourd'hui, c'est un
dixième de 1%.
M. Bellemare: D'accord.
M. Johnson: Un dixième de cela. Il est possible qu'on soit
appelé à l'augmenter...
M. Bellemare: Ah! mon radar me dit que oui.
M. Johnson: ... sensiblement pour les fins de l'administration du
nouveau régime.
M. Bellemare: Mon radar me dit que oui.
M. Johnson: Ah! c'est le gros bon sens, au-delà du
radar.
M. Bellemare: Cela va arriver.
M. Johnson: Bon. A défaut de cela, votre suggestion vise
à simplifier les dispositions de l'article 29h. Est-ce que vous pourriez
reprendre? Je n'ai pas très bien saisi ce que vous disiez sur l'article
29h.
M. Ponton: Au niveau de l'article 29h, c'est qu'on
n'établit pas de plafond. On parle de plafond en termes de pourcentage,
mais on parle des salaires payés. Nous estimons que le 1% ou le montant
qui sera déterminé devrait l'être d'après la masse
salariale de l'entreprise qui correspond à ce que peut être le
salaire minimum qui va être déterminé de temps à
autre, de façon à éviter que l'entreprise qui a une masse
salariale importante n'en arrive à subventionner l'employeur qui a une
masse salariale moins importante et, dans un deuxième temps, la
catégorie d'employeurs qui ne respecteraient pas l'objectif et l'esprit,
ainsi que les normes de la future législation. Je ne pense pas qu'on
puisse demander à une entreprise, même si elle est importante, de
contribuer financièrement à la délinquance de certains
employeurs lorsque, par exemple, la commission sera appelée à
prendre des actions contre les employeurs qui ne respecteraient pas l'objectif
de la loi.
Dans le projet de loi, on prend soin d'introduire une indemnité
de 20%, je pense, qui peut être imposée à un
délinquant. A ce moment-là, on se demande pourquoi l'entreprise
qui a une masse salariale importante devrait être appelée, par ses
contributions en fonction des salaires payés, à subventionner un
autre type d'entreprise.
C'est un petit peu le même raisonnement qu'on a établi avec
le dernier programme, à la Commission des accidents du travail,
où on a essayé de compartimenter les risques par entreprise, de
façon à éviter que certains types d'entreprises soient
subventionnés par la contribution des autres employeurs. On pense qu'au
niveau de la contribution, il y aurait lieu de s'inspirer de la même
philosophie de façon à établir un équilibre ou une
équité entre tous les employeurs.
M. Bellemare: Vous ne croyez pas, M. Ponton, que la loi doit
être assez claire...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Johnson, si vous permettez, il faudrait quand même fonctionner selon
l'ordre habituel, parce que M. le ministre...
M. Bellemare: II va falloir que je passe seulement après
tout cela? Quand on a une question incidente comme celle-là, je ne
pourrai pas la poser?
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Johnson, de toute façon, si c'est le fait que vous ne serez pas
là ce soir qui vous préoccupe, vous aurez, je pense, le temps,
d'ici 18 heures, de faire votre intervention.
M. Bellemare: Ah oui! mais là on discute d'un
problème crucial.
M. Pagé: Les députés le permettent, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Je n'y vois pas d'objection si
la commission est d'accord. Vous avez la permission, M. le député
de Johnson.
M. Bellemare: Vous ne croyez pas que la loi est claire, à
29h quand on dit que "ce règlement doit fixer la méthode, le taux
de prélèvement, la période pour laquelle ce
prélèvement est exigible et être accompagné d'un
état estimatif des recettes et des dépenses..." Vous ne croyez
pas que c'est assez clair?
M. Ponton: Je ne mets pas en doute la clarté, M. le
Président, M. Bellemare, la clarté de 29h. C'est simplement qu'au
niveau des salaires payés, on estime que plus l'employeur va verser des
salaires intéressants en fonction de ce qui a été
prévu à 29h, plus sa contribution va être importante, alors
que nous, on estime que pour une équité, on devrait plafonner la
contribution au niveau des salaires qui correspond au salaire minimum qui peut
être en vigueur de temps à autre ou à un plafond qui va
être établi pour couvrir l'ensemble des employeurs.
M. Bellemare: Quel pourcentage à peu près?
M. Ponton: Je n'ai pas de données sur le chiffre
moyen...
M. Johnson: Par exemple, qu'on dise que la masse salariale
cotisable des entreprises c'est X% jusqu'à un plafond qui va
jusqu'à concurrence de $18 000 par année ou quelque chose comme
cela. En fait, c'est le principe du salaire assurable de la CAT. Dans son
état actuel, si je comprends bien, la loi le permettrait. C'est une
suggestion que vous faites, mais il semble que la loi le permettrait. De toute
façon, encore une fois, on tient compte de votre suggestion. On verra
peut-être à en tenir compte.
Dernière chose sur la question de la faute grave, à 82, on
est vraiment là à deux extrémités. D'une part, on
entendait tout à l'heure le président de la CSN, qu'estime
beaucoup le leader de l'Union Nationale, nous dire, dans le fond, que lui
pensait que le salarié devait avoir un recours réel devant le
commissaire du travail, ce qui à nos yeux ne relève pas
nécessairement, ce qui à mes yeux en tout cas correspond par
accident, je suis sûr, pas par vision dans le cas de la CSN, dommage
qu'il ne soit pas là, mais par accident finalement, à
créer littéralement une bureaucratie dans ce domaine.
Je pense que c'est bien plus le rôle d'un syndicat par la
procédure de griefs de régler ces problèmes plutôt
qu'à l'Etat de le faire. Par contre, vous arrivez et vous nous dites:
Faute grave, ce n'est pas suffisant. C'est trop restrictif,
c'est-à-dire, pour l'employeur. On a cherché toutes sortes de
formules et cela m'apparaît être la formule la plus correcte en ce
moment. Je peux peut-être vous entendre quelques secondes
là-dessus.
M. Ponton: J'ai deux points, M. le Président, si vous me
le permettez. Le premier point, M. le ministre, c'est le financement de la
commission. On a été amené à élaborer cette
hypothèse, compte tenu de l'universalité d'application du nouveau
projet de loi. On était conscient des dispositions de la
législation actuelle, mais compte tenu de l'objectif nouveau qui
était établi, on pensait qu'il était normal que, comme
l'objectif de la future commission est d'établir des normes minimales de
travail pour l'ensemble des salariés et de s'assurer que ces normes
soient respectées par les employeurs, c'était un service qui
n'existait pas pour l'entreprise comme telle. On a été
amené à suggérer qu'à ce moment le financement
émarge au budget de l'Etat. (17 h 15)
Quant au deuxième point, M. le ministre, sur votre fin de
non-recevoir sur la question du financement, j'aimerais quand même vous
indiquer qu'à l'article 29h le dernier alinéa prévoit
énormément d'exception à la cotisation ou au
prélèvement. Si on est pour attacher un coût à la
qualité d'employeur, je m'interroge sérieusement sur les raisons
qui peuvent justifier un si grand nombre d'exemptions. Par exemple, les
conseils scolaires, s'ils sont des employeurs au même titre que tous les
autres employeurs, devraient être appelés...
M. Johnson: A financer la différence de fonds. Dans le cas
des entreprises de construction c'est parce qu'elles sont exclues
complètement du champ d'application de la loi. Je pense que vous n'y
voyez pas d'objection, il y a déjà un prélèvement
obligatoire chez le salarié comme chez l'entreprise. Dans le cas des
institutions publiques, le financement est déjà collectif. Par
contre, dans le cas et on y a vu spécifique des
sociétés d'Etat qui concurrencent les entreprises privées,
les sociétés d'Etat qui s'adonnent à des activités
de nature commerciale, elles sont couvertes et elles devront financer, parce
que leur activité est une activité économique de notre
système. Je pense que c'est peut-être un peu cela.
Finalement, la dernière chose que je dirais sur la question du
plafonnement, même si on va le regarder si ce n'est pas impossible, c'est
qu'ultimement votre raisonnement je l'étire un peu nous
amènera peut-être à considérer qu'il y a seulement
les criminels qui devraient financer les services policiers. La police
coûte cher dans une société et c'est l'ensemble des
citoyens qui paie même si cela vise finalement juste des
délinquants. S'il n'y avait pas de délinquants, on n'aurait pas
besoin de police. Il y a également l'intérêt public. C'est
un peu la même chose dans le cas du financement. En fait, vous voyez que
ces raisonnements sont fragiles de part et d'autre et que cela devient, comme
le disait le ministre Camille Laurin, cet après-midi, une question
d'opinion des fois.
M. Ponton: D'accord. Un dernier point, M. le Président,
sur les remarques du ministre Johnson relativement à l'article 82. Le
simple point que nous voulons faire ressortir, nous avons fait une suggestion,
un renvoi pour cause, mais pour cause, et je suis d'accord avec vous, c'est
l'application très large et cela peut être appliqué
à toutes
les sauces. Il n'en reste pas moins que ce qui est important c'est qu'il
y a des mécanismes de contrôle qui sont prévus dans le
projet de loi avec l'aide de la commission. Tantôt le ministre a
abordé la question des griefs et dans beaucoup de cas ici on s'adresse
à des employés non syndiqués. La commission va pouvoir
apporter, avec son expertise, ses connaissances, une aide à ces
employés. C'est qu'il faudrait éviter que les employés qui
n'auraient pas nécessairement fait des fautes graves soient pris pour
réintroduire l'entreprise comme telle, ce qui peut être
susceptible d'amener des difficultés de compatibilité et de
relations avec les employés. Dans beaucoup de cas, comme la CSN l'a
mentionné, certains de nos membres ont déjà des syndicats,
d'autres n'en ont pas, c'est une question individuelle. Mais
l'élargissement de 82 permettrait l'appréciation de tous les
motifs. Je pense que le projet de loi ne s'en porterait que mieux.
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Je vais céder mon tour à mon
collègue de L'Acadie, ayant dû m'absenter pour me rendre à
mon bureau.
Le Président (M. Dussault): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai pris
connaissance du mémoire pendant la présentation. Je voudrais
revenir à l'article 29 c'est un long article à 29d
et à 29e. Dans le cas de 29d, vous émettez certaines
réserves, sans être trop précis. Est-ce que c'est la
façon dont il est rédigé ou ce qu'on y prévoit
peut-il créer vraiment des difficultés de fonctionnement à
l'intérieur de vos commerces? Vous semblez soulever des
difficultés et ce n'est pas précis.
M. Ponton: M. le Président, l'article 29d prévoit
un pouvoir de réglementation à la commission pour un
système d'enregistrement du temps. L'objet de notre recommandation est
plus l'expression d'un souhait qu'une recommandation concrète, compte
tenu que le règlement n'est pas encore présent. Mais les
entreprises ont développé, depuis un certain temps, des
systèmes au niveau des heures flexibles en fonction des besoins des
employés et de nos entreprises. Le souhait que l'on formule, c'est
d'éviter autant que possible un retour à des systèmes qui
n'ont pas fait leur preuve comme le poinçon ou autres systèmes
d'enregistrement du temps comme tel.
A ce moment-là, si on impose un cadre trop rigide, je ne pense
pas qu'on va donner l'occasion aux employeurs et aux employés de vivre
en harmonie avec le projet de loi. Je pense qu'il faut éviter, au niveau
de l'article 29d, d'imposer sur le plan administratif un carcan, de
façon que chacun soit pris avec un système d'enregistrement de
temps qui ne répond pas aux objectifs de chacune des parties
impliquées, soit les employés et les entreprises.
Mme Lavoie-Roux: Sur le même sujet. Selon votre
expérience, est-ce qu'il n'y a pas une différence à cet
égard entre le fonctionnement d'une plus grosse entreprise ou d'un
commerce relativement considérable par rapport à des petits
commerces où, peut-être, cela deviendrait assez aléatoire
de laisser beaucoup de marge de manoeuvre? Avez-vous une expérience
là-dessus?
M. Ponton: C'est sûr, pour répondre à la
question de Mme le député de L'Acadie, que dans certains types
d'entreprises plus petites, il y aura toujours, je pense, des cas ou des abus
qu'on pourra dénoncer, mais je ne pense pas qu'on puisse, à cause
de cette marginalité de cas, somme toute, en arriver à imposer
une règle générale aux employeurs en
général. La commission sera munie d'un pouvoir d'enquête,
elle va avoir des inspecteurs et elle pourra très bien s'assurer si on
satisfait aux exigences de son système. Il faudrait éviter un
système rigide comme tel.
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas de l'article 29a, c'est
peut-être davantage une question qui s'adresserait au ministre. Vous vous
élevez contre le fait qu'à un moment donné vous soyez
obligé de fournir ou de transmettre, à des périodes
déterminées, des rapports écrits contenant des
informations que vous jugez confidentielles mais qui, normalement, si je ne
m'abuse, ne sont que du ressort du ministère du Revenu. Article 29e, M.
le ministre.
M. Bellemare: La vie privée.
Une Voix: ...
M. Bellemare: Non, mais la vie privée.
Mme Lavoie-Roux: II y a un peu plus que cela.
M. Bellemare: Cela peut aller jusque dans la vie privée du
gars ou de la femme.
M. Johnson: En fait, c'est une reproduction à peu
près textuelle du texte de loi actuel. Cela fait partie des pouvoirs
normaux.
M. Bellemare: La Commission des droits de la personne a
condamné cela.
M. Johnson: Non, je ne pense pas. M. Chevrette: C'est
l'article 29e, là. M. Bellemare: Oui, l'article 29e.
M. Johnson: "e) obliger un employeur professionnel ou une
catégorie d'employeurs professionnels qu'elle désigne à
lui transmettre, à des
périodes qu'elle détermine, un rapport écrit
donnant les nom, prénom et adresse de chacun de ses salariés, son
emploi, le nombre d'heures de travail normales et supplémentaires
effectuées chaque semaine et le salaire payé;" cela existait en
vertu de l'ancienne loi du salaire minimum. Le mécanisme de
contrôle demeure ultimement celui-là.
M. Bellemare: Comment expliquez-vous que la Commission des droits
de la personne puisse avoir condamné cela?
M. Johnson: Auriez-vous un article...
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que vous indiquez, que la charte des
droits et libertés consacre le droit à la vie privée pour
chaque citoyen...
M. Johnson: Oui, mais si je comprends bien...
Mme Lavoie-Roux: ... mais il n'y a pas eu d'avis d'exprimé
de sa part.
M. Johnson: ... il n'y a pas d'avis de la commission sur
l'article.
M. Ponton: Non, non.
M. Johnson: Bon, c'est cela.
M. Ponton: Nous estimons que ces informations font partie du
droit de l'employé et on s'interroge sur la possibilité de donner
autant d'informations détaillées. On soulève
également la pertinence du rapport. Au nombre d'entreprises que compte
le Québec, nous nous interrogeons vraiment, M. le ministre, sur
l'utilisation de tant de rapports. Si on donnait un profil
général...
M. Johnson: C'est un pouvoir d'enquête comme dans
l'ensemble des commissions où il y a des inspecteurs, etc.
Théoriquement, je suis d'accord avec vous pour dire qu'une disposition
comme celle-là pourrait théoriquement permettre à la
Commission du salaire minimum, avec un arrêté en conseil du
gouvernement le sanctionnant, ou même à la commission seule,
d'obliger les 126 354 employeurs du Québec à fournir tout cela.
Mais il faut être réaliste, c'est un pouvoir d'enquête.
De la même façon, je m'étonne un peu au sujet de
l'article 29d. L'article 29d également reproduit à peu
près ce que la loi dit en ce moment. Vous nous parlez des
difficultés de fonctionnement. Est-ce parce que les employeurs ne la
respectaient pas et qu'ils pensent que la commission va être efficace et
va les obliger à la respecter ou si c'est parce que vous vivez des
ennuis avec cela dans le moment?
M. Ponton: M. le ministre, j'aimerais simplement ajouter sur
cette question, avec toute déférence pour votre opinion, que vous
nous indiquez que c'est déjà dans la loi actuelle. Je vous le
concède, je ne mets pas cela en doute. Lorsqu'on dépose un projet
de loi visant à remodeler ou à changer la vocation d'une
commission, je pense qu'on peut s'interroger sur la portée de certaines
choses qui s'y sont glissées au cours des années et voir si elles
sont toujours applicables eu égard au développement des
entreprises et voir si elles atteignent effectivement les objectifs que l'on
poursuit.
En rendant obligatoire de façon systématique la production
de rapports, je vous soumets, avec tout le respect que j'ai pour cette
commission, qu'on n'en arrivera pas nécessairement à rencontrer
de bonnes normes de gestion administrative efficace. Si vous me dites, M. le
ministre, que c'est pour des motifs d'enquête, je veux bien que les
inspecteurs de la commission viennent, pour des motifs d'enquête, dans
les livres de l'entreprise obtenir les informations qu'ils veulent selon les
pouvoirs qui leur sont attribués. Mais je ne vois pas l'utilité,
par-dessus tout cela, d'obliger les employeurs à produire
régulièrement des rapports selon les périodes qui seront
déterminées en vertu de l'article 29d.
M. Johnson: Cependant, pour que cela ait une signification, le
pouvoir d'enquête, sur le contrôle des registres, il faut qu'il y
ait une obligation de tenue de registres. On se comprend là-dessus.
M. Ponton: II y a un "payroll" dans l'entreprise. Si l'entreprise
en tient un...
M. Johnson: Oui, mais vous avez vous-même parlé des
variations importantes de personnel qu'on peut retrouver avec les occasionnels
dans les périodes de pointe dans le type d'entreprise que vous
représentez. Il faut qu'il y ait, quelque part, un minimum de
conformité à un examen qui puisse être le plus simple
possible, le plus objectif et le plus productif possible pour les fins
d'enquête de la commission. Sans cela, ce serait trop simple de dire: II
n'y a aucune règle, mais la commission peut aller inspecter les livres.
Si la commission arrive et se rend compte que les livres sont tenus d'une
façon telle, dans le cas d'un roulement de personnel de 50% en l'espace
de deux mois à l'époque des Fêtes, qu'il n'y a pas moyen de
s'y retrouver, c'est totalement inefficace. Il faut être conscient de
cela aussi. La production de rapports, c'est une autre chose.
M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, je
vais demander à M. Legault qui a exprimé un intérêt
à...
M. Legault (François): II y a une réalité
actuelle dans les entreprises chez nous où il existe ce qu'on appelle
l'horaire variable de travail d'accord? où les gens
peuvent travailler six heures, dix heures, à leur goût, dans un
cadre déterminé. Je pense qu'à l'article 29d on nous
impose ou on impose aux employés un carcan. On revient à la
méthode du poinçon!
M. Johnson: Comment les payez-vous?
M. Legault: Ils sont payés à la semaine. Ils ont un
certain nombre d'heures à faire par semaine. Ils peuvent les faire en
quatre jours. Ce sont des horaires variables.
M. Johnson: Oui. Mais il doit y avoir un minimum...
M. Legault: Cela n'existe pas uniquement chez nous!
M. Johnson: Oui, mais qu'on se comprenne bien. Je le sais, cela
existe dans mon ministère, les horaires variables, au ministère
du Travail. Mais je peux vous dire qu'il y a un moyen de contrôle.
Pendant la période estivale, le vendredi il y a du monde à 7 h 45
dans le bureau et ils sont partis à 15 heures! Mais il y a un moyen de
savoir qu'ils ne sont pas venus qu'une heure dans toute la semaine aussi. Il y
a un mode de contrôle quelque part.
M. Legault: II y en a un, mais il peut y en avoir deux, trois et
quatre.
M. Johnson: C'est vrai. Mais c'est pour cela que l'article ne dit
pas imposer à tous les employeurs, etc., mais obliger un employeur
professionnel ou une catégorie d'employeurs professionnels. C'est donc
à partir du moment où on sent le besoin auprès d'une
entreprise ou d'une catégorie d'entreprises. Il ne s'agit pas de dire
que c'est la règle qui s'applique à tout le monde! C'est dans ce
sens-là. Je pense qu'on se comprend.
M. Ponton: M. le Président, ce n'est pas que je veuille
relancer le débat, mais la tenue du contrôle existe et je pense
que les enquêteurs de la commission vont pouvoir venir et prendre ces
informations-là dans nos livres, il n'y a pas de difficultés. Au
niveau de l'exigence des rapports, je suis d'accord avec le ministre que le
projet de règlement va permettre d'identifier une catégorie
d'employeurs et qu'il est peu probable que, dans les faits, on l'applique
à tous les employeurs, compte tenu du volume de rapports qui va en
résulter. Je me fie aux bonnes paroles du ministre, mais le texte de loi
pourrait permettre, en théorie, un dépassement de cela. Nous
estimons qu'on pourrait obliger dans ce cas-là un employeur à
donner un rapport sur le profil général de son entreprise. On
pourrait trouver des moyens qui ne seraient pas contraignants au point
d'empêcher la commission de faire son travail et, de notre
côté, d'accaparer les entreprises au point de vue,
dépendant de la fréquence, des rapports détaillés
donnant les nom, prénom, adresse de chacun des salariés, son
emploi, le nombre d'heures de travail normal et supplémentaire. Je vous
soumettrai, avec tout le respect que j'ai pour les membres de la commission,
que nous n'estimons pas que cela puisse être nécessaire. On
pourrait utiliser un rapport plus général qui permettrait
à la commission de remplir son mandat. (17 h 30)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je soulevais ces
points-là parce que ce que vous indiquez, c'est qu'on ne vous impose pas
des obligations qui soient inutiles, contraignantes et qui, finalement, ne vous
servent peut-être pas tellement. A l'article 45, je vois difficilement
les objections que vous faites en c) et en f). Vous dites: A toutes fins
utiles, ces dispositions requièrent des informations qui ne sont pas
essentielles. Vous donnez comme exemple le paragraphe c), l'emploi
occupé par le salarié, sous prétexte qu'il doit
normalement savoir quel emploi il occupe; et au paragraphe f), l'indication de
la majoration s'appliquant pour les heures supplémentaires ne nous
apparaît pas nécessaire. Mais est-ce que ce sont vraiment les deux
seules objections que vous avez à l'énumération à
laquelle on vous oblige? S'il ne s'agit que des paragraphes c) et f), du point
de vue coût, du point de vue de la paperasse et du point de vue tenue de
livres ou de registre, est-ce que c'est très compliqué de laisser
le paragraphe c)? Cela peut-être intéressant pour un individu
surtout qui peut travailler, par exemple, à avoir pas mal de temps
supplémentaire, de savoir immédiatement le nombre d'heures
supplémentaires pendant lesquelles il a travaillé. Je pense que
cela peut être intéressant, même s'il peut aller au bureau
du personnel le demander, etc.
M. Ponton: Nous sommes partis, M. le Président pour
répondre à la question de Mme le député de L'Acadie
de la situation actuelle qui prévalait dans beaucoup de nos
entreprises, la façon dont les talons de chèque étaient
préparés. On les a analysés en fonction des dispositions
de l'article 45 et c'est à partir de cela qu'on en est arrivé
à buter sur les paragraphes c) et f). Encore une fois, au niveau de
l'emploi occupé par le salarié, on insiste beaucoup, dans nos
entreprises, sur la relation entre le cadre et l'employé, et toutes les
promotions, les emplois occupés, les responsabilités font l'objet
de séances constantes, de programmes d'entraînement du personnel.
A ce moment-là, cette information ne nous apparaissait pas essentielle.
Si c'est le désir de la commission et du gouvernement de maintenir
l'article 45 dans sa formulation actuelle, je pense que là-dessus, on
peut simplement dire qu'il nous apparaissait qu'au niveau des paragraphes c) et
f), c'étaient des renseignements qui n'étaient pas aussi
importants que le montant de son salaire brut, le montant de son salaire net,
les déductions à la source.
Mme Lavoie-Roux: Juste une petite remarque. Est-ce que dans la
plupart, ou du moins dans les grandes entreprises évidemment, il
faudrait qu'elles soient assez grandes ce serait informa-tif, de toute
façon? Il s'agirait d'ajouter quelque chose au programme pour que ces
deux informations s'y glissent ou y soient inscrites.
M. Ponton: Actuellement, elles ne sont pas comprises et certains
ont soulevé malgré que je ne puisse pas faire
d'affirmation à ce sujet des
difficultés sur la grandeur des talons, mais j'imagine qu'il
faudrait effectuer des changements parce qu'il y a une limite à ce qu'on
peut inscrire.
M. Johnson: Cela fait partie du plan de relance des pâtes
et papiers. Je pourrais seulement ajouter que si vous êtes pris avec un
salarié qui s'appelle Pierre Tremblay dans la région du
Saguenay-Lac Saint-Jean, dans une entreprise qui a 200 employés à
Chicoutimi, si vous n'avez pas son numéro d'assurance sociale, je pense
que vous allez avoir un problème à l'identifier, si vous n'avez
pas son emploi.
Mme Lavoie-Roux: On change cela avec le Code civil.
M. Ponton: On ne doute pas de cela, M. le ministre, mais au
niveau des paragraphes c) et d), il nous apparaissait que ce n'étaient
pas des renseignements qui étaient essentiels. Comme vous l'avez dit
tantôt, c'est une opinion.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y avait une question incidente du
député de Joliette-Montcalm.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Ce qui m'inquiète, c'est... Je comprends que
c'est une interrogation que vous avez plus qu'une demande formelle, parce que
si vous en faisiez une demande formelle, je vous avoue qu'on a affaire à
des gens non structurés, non organisés qui ont, à toutes
fins utiles, le loisir de loger une plainte à une commission qui est
provinciale, déjà qui sont démunis, en termes de moyens de
contrôle. Je trouve que la loi ne vient que permettre à ces
individus de compiler eux-mêmes, personnellement, ou faire les calculs
pour en arriver à voir si cela correspond à la somme de travail
donné. Cela m'apparaît drôlement important. Je ne tiendrais
pas le même langage si on était dans un groupe structuré,
avec un organisme représentatif directement comme un syndicat. Je pense
que si on veut éviter aussi la lourdeur administrative à la
commission, il faut donner le maximum à l'employé pour qu'il
puisse l'appliquer par lui-même, voir à l'application personnelle
d'une loi. C'est dans cette optique qu'il faut comprendre l'article 45c et
e.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question...
Le Président (M. Dussault): Y aurait-il une réponse
de la part de M. Ponton?
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est vrai.
M. Ponton: J'apprécie le point de vue que M. Chevrette,
député de Joliette-Montcalm, vient de donner, mais une
association comme la nôtre, bien qu'on aimerait parler au nom des 25 000
détaillants que compte le Québec, n'a pas encore une année
d'existence, donc elle n'en compte pas 25 000. On s'est placé dans
l'optique de nos membres et des systèmes existant actuellement, de nos
politiques internes dans nos entreprises et des difficultés
d'application que pourraient représenter certaines dispositions, parce
que nous y serons assujettis.
Il était assez difficile pour nous d'évoquer le cas ou de
même penser à la situation à laquelle le
député de Joliette-Montcalm fait référence.
Le Président (M. Dussault): Mme le
député.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez fait une évaluation
au moins avec un certain échantillonnage du coût que
peut représenter, par exemple, pour une entreprise majeure, les
obligations nouvelles qui pourraient être créées à
partir de ce projet de loi?
M. Ponton: M. le Président, au niveau de l'ensemble du
projet de loi, nous n'en avons pas fait, mais au niveau des congés
fériés, chômés et payés dans le cas des
employés occasionnels, je pense que ça représente, pour
nous, le morceau le plus important en termes de coût. Si on se base sur
un critère, les relevés que j'ai obtenus avant de me
présenter ici aujourd'hui, on assiste à des variations, mettons
de 50% pour le temps des Fêtes, au niveau des employés
occasionnels. Si tous ces gens sont assujettis aux congés de Noël
et du Jour de l'An, je pense qu'on peut dire que pour nos membres si on
parle du commerce de détail en général, je n'oserais pas
risquer de chiffres, parce que je ne pourrais pas y arriver, à quelques
points près ça représente des
déboursés additionnels de plusieurs centaines de milliers de
dollars.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous n'avez pas fait d'étude
rigoureuse, par exemple, sur quatre ou cinq types d'entreprises. Vous n'avez
pas de données là-dessus?
M. Ponton: Tout ce que j'ai, sur quatre ou cinq types
d'entreprises, ce sont les variations en termes d'employés. Par exemple,
si je prends parmi nos membres les quatre grands magasins que j'ai
consultés, on en arrive à une variation d'environ 6000
employés pour le temps des Fêtes; si je prends le cas des
indépendants, qui sont très nombreux, on en arrive à des
nombres aussi importants. Je pense qu'on peut dire que le commerce de
détail, en règle générale, regroupe 122 000
à 140 000 personnes dans le secteur du commerce de détail comme
tel, excluant le secteur de gros, parce que, à ce moment-là, les
chiffres, au point de vue de l'emploi, totalisent environ 400 000 selon les
dernières statistiques officielles. Si on applique un pourcentage de 50%
de ce nombre, on parle de 50 000 à 60 000 employés additionnels
pour le temps des Fêtes. Multipliant ces nombres par le salaire que ces
gens gagnent et qui, dans plusieurs cas, est de beaucoup supérieur au
salaire minimum qui est
déterminé par la législation, on en arrive à
des sommes qui sont je pense qu'on peut dire le mot
astronomiques.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le
Président. Je talonne souvent le ministre du Travail sur le
fonctionnement de la Commission du salaire minimum. Ce n'est peut-être
pas aux employeurs que je devrais poser la question, mais il reste que je la
poserai peut-être ensuite à des groupes syndicaux qui pourront
nous donner l'autre côté de la médaille.
Est-ce que vous avez des problèmes avec le fonctionnement de la
Commission du salaire minimum? Est-ce qu'elle a en main les outils pour faire
son travail? Quelles sont, somme toute, les relations qui existent entre les
entreprises et la Commission du salaire minimum, au point de vue du
fonctionnement quotidien? Avez-vous des...
M. Ponton: De notre côté, je peux simplement parler
d'expérience personnelle. L'expérience personnelle de notre
association et de nos membres, depuis que je suis en poste avec l'association,
a été très bonne avec la Commission du salaire minimum. On
a eu à travailler avec la commission au niveau du projet de loi sur la
fête nationale du 24 juin; cela a été positif. On a eu
à travailler au niveau de l'ordonnance pour le congé de
maternité. Toutes nos recommandations n'ont pas été
entérinées mais, cependant, quelques-unes l'ont
été. On en profite pour déplorer le fait que l'employeur
n'a pas le droit de faire vérifier ou de s'assurer que le certificat
médical, comme on l'avait suggéré dans le texte de nos
propositions d'amendements, puisse être disponible pour l'employeur. On
avait aussi un peu compris que, dans un projet éventuel, on pourrait
peut-être tenir compte de cette dimension du problème.
En règle générale, les relations sont très
bonnes et, même dans notre mémoire, on déplore le fait que
bien qu'en pratique je l'imagine la commission va être
sensibilisée au projet de règlement sur les normes de travail
qu'elle va être chargée d'administrer, il n'en reste pas moins
que, dans les textes, c'est le gouvernement qui se réserve cet attribut
au niveau du pouvoir de réglementation importante. Là-dessus, on
dénote ce qui nous apparaît une baisse d'importance du rôle
de la Commission du salaire minimum mais on recommande de modifier cette
orientation de façon à permettre vraiment à la commission
de jouer le rôle qu'on veut lui confier.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. Ponton.
Le Président (M. Jolivet): Merci, Mme le
député. M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Merci, vous êtes donc aimable, très
aimable.
Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que vous dites que
les cadres sont payés au mois; est-ce que c'est général
cette tradition, cette prescription?
M. Ponton: Selon les informations que j'ai, M. le
Président, cette information est exacte.
M. Bellemare: Pas aujourd'hui. Comment m'avez-vous dit?
M. Ponton: Cette information est exacte, M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: Que vous avez plusieurs cadres qui sont
payés au mois?
M. Ponton: Tous les cadres sont payés au mois. Pas tous?
Peut-être M. Legault ou M. Opzoomer?
Mme Lavoie-Roux: Les députés sont payés aux
15 jours.
M. Bellemare: Cela me surprend aussi parce qu'aujourd'hui,
même si cela vient d'un système britannique un peu vétuste,
on a changé cela même pour les députés qui
étaient payés au mois. On a apporté un amendement à
la Loi de la Législature et on est payé au moins à tous
les 15 jours et il y en a, Dieu sait, qui courent après. En tous les
cas, à plus forte raison chez les cadres, cela me surprend qu'il y ait
un pourcentage de gens qui puissent critiquer cette formule à savoir ne
pas dépasser 16 jours. Je n'ai pas l'impression que c'est
généralisé aujourd'hui, parce que tout le monde fait son
panier de provisions une fois par semaine et même à deux semaines,
c'est déjà loin.
Je ne sais pas mais j'ai lu dans votre mémoire que vous
demandiez, à cause des cadres, de garder sa disponibilité de
payer tous les mois au lieu de tous les sept jours. J'aimerais bien vous
entendre.
M. Ponton: Je pense, M. le Président, que lorsque nous
avons procédé à l'élaboration du mémoire, il
y a des représentants des entreprises membres du Conseil
québécois qui ont demandé de pouvoir conserver la latitude
de payer leurs cadres à la période d'un mois alors que certaines
autres compagnies, comme M. Legault vient d'en attester et Mme Laurin de chez
Steinberg, paient leurs cadres à période plus
régulière mais il y en a encore qui paient leurs cadres au mois,
entre autres chez M. Opzoomer, les cadres sont payés au mois; à
la compagnie Sears aussi, je pense, si ma mémoire est fidèle. Je
pense que l'objectif est de demander la latitude en fonction des politiques
internes de l'entreprise.
M. Bellemare: Vous allez vous moderniser vous autres aussi;
j'espère que la loi va... L'autre cas, celui du chèque de paye
qui vient d'un ordinateur, qui va devoir être mis dans une enveloppe
scellée, vous dites que vous n'aimez pas cela. Vous aimeriez mieux que
le chèque de paye soit donné de main à main. J'aimerais
vous entendre parce que, comme président de la Commission des accidents
de travail, on avait ce système par ordinateur et...
M. Johnson: Peu importe si c'était votre commission?
M. Bellemare: Oui et j'ai poigné des gars, mon cher
monsieur, qui ne savaient manipuler...
M. Johnson: Qui vous avait nommé déjà? M.
Bellemare: Qui m'avait nommé? M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: L'honorable M. Bertrand. M. Johnson:
C'était M. Bertrand?
M. Bellemare: Oui, le père de votre pee-wee, le pee-wee de
Vanier.
M. Johnson: Vous le connaissiez bien, je pense.
M. Bellemare: Ne m'en faites pas parler; j'espère que
votre allusion... c'est mon sujet de prédilection. (17 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Avant les pee-wee, il y a les plus petits.
M. Bellemare: Non, pas les midget. Les mosquito.
M. Lavigne: Les moustiques. Mme Lavoie-Roux: Les
moustiques.
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bellemare: Pour revenir à des choses très
sérieuses, c'est en vertu de la loi que j'avais été
nommé. Je pense que le ministre ne peut pas me reprocher d'avoir
usurpé une fonction. C'était prévu dans la loi que
quelqu'un d'autre qu'un avocat pouvait être nommé.
M. Chevrette: D'avoir usurpé une fonction.
M. Bellemare: Oui. Je n'ai pas usurpé... C'était
selon la loi.
M. Chevrette: II ne peut pas vous reprocher d'avoir
usurpé...
Une Voix: Vous avez été usurpateur...
Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît,
messieurs! M. le député de Johnson, vous ne pouvez pas revenir
après le souper, nous avez-vous dit.
M. Bellemare: Oui, oui, c'est vrai, mais dites donc au ministre
de ne pas me distraire. Il aime ça parce qu'il sait que j'ai la
réplique facile.
Mme Lavoie-Roux: Vous aimez ça aussi. M. Johnson:
Et longue!
M. Bellemare: Oui, et je ne manque pas de piquant. Le cas de
l'enveloppe scellée, pour vous autres, c'est un problème
majeur...
M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, c'est
un coup. Il y a des employeurs qui utilisent l'enveloppe, d'autres qui ne
l'utilisent pas, qui remettent les chèques faits par ordinateur au
superviseur du magasin, qui est le cadre responsable de l'entreprise. Vous
savez que les entreprises à succursales s'étendent dans tout le
Québec. Alors, chaque directeur de magasin s'occupe de remettre à
l'employé son chèque. Pour l'entreprise qui a il y en a
une que j'ai en mémoire au moins 15 000 ou 16 000
employés, il s'agit de 15 000 ou 16 000 enveloppes toutes les deux
semaines et on estime que ce sont des coûts qu'on pourrait éviter,
que l'entreprise peut décider d'éviter en fonction de ses
politiques internes. C'est dans cet esprit-là que la recommandation a
été faite.
M. Bellemare: La suggestion que je vais vous faire ne serait-elle
pas bonne? Est-ce que le chèque ne pourrait pas être fait sur un
chèque enveloppe?
M. Ponton: II y a peut-être des façons d'en arriver
à faire un chèque-enveloppe, mais...
M. Johnson: Vous n'avez pas une compagnie de
chèques-enveloppes, M. Bellemare?
M. Bellemare: Non, j'ai déjà eu deux imprimeries,
mais... L'autre chose que je trouve je ne me prononce pas
définitivement c'est qu'au sujet des articles 36 et 37, vous avez
probablement raison. On aurait pu mettre ces deux choses-là dans
l'article 32 et dire simplement que, lorsqu'il s'agit d'une question urgente et
d'intérêt public, il peut y avoir une exception à l'article
32. On aurait pu l'ajouter à l'article 32. Cela aurait été
bien plus facile que de faire deux articles différents. Je pense qu'on
aurait pu avoir satisfaction quand même en ajoutant que, s'il y a urgence
et intérêt public, cela n'invalide pas s'il n'y a pas eu la
publication. Mais, actuellement, on fait deux articles différents et on
répète aux deux articles que, malgré l'article 32
à l'article 37 le défaut de publication préalable
ne le rend pas invalide.
Je ne suis pas sûr que sur ces deux articles-là, je n'aurai
pas à intervenir.
Je voudrais revenir sur l'autre chose de votre mémoire. La
"clause grand-père", qu'est-ce que c'est?
Mme Lavoie-Roux: II faut demander ça au ministre de
l'Industrie et du Commerce...
M. Bellemare: Oui, l'épave, il se le fait reprocher
assez.
M. Johnson: Ce n'est pas péjoratif, j'en suis sûr.
M. Ponton va nous dire que ce n'est pas péjoratif.
M. Bellemare: Non, mais dans un mémoire, apparaissent au
dernier... de l'article 45, devrait...
M. Chevrette: Cela ne vous a pas blessé?
M. Bellemare: Cela ne m'a pas blessé, j'ai lu simplement
et je n'ai seulement pas frissonné.
La "clause grand-père", apparaissant au dernier alinéa de
l'article 45, devrait être éliminée. Expliquez-nous donc
cela. Pourquoi avoir employé la "clause grand-père"?
M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président, je ne
voudrais surtout pas que ce soit interprété dans le sens... Je
pense que le député de Johnson a pu faire une intervention
importante dans le passé. C'est une expression qu'on nomme en anglais
"basket clause". C'est une clause omnibus qui permet d'insérer ou de
ramasser toute espèce de renseignements et de dispositions qui seraient
nécessaires, si on jugeait important d'édicter par
règlement que des informations doivent apparaître sur le
chèque de paie.
Je pense qu'on a pris la peine d'énumérer tous les points
de nombreux paragraphes et qu'on pourrait très bien se passer de cette
clause-là. Pourquoi faire l'exercice de tous les énumérer,
si, en même temps et du même souffle, on peut exactement passer
à côté en imposant toute espèce de renseignements
dans les règlements.
M. Bellemare: J'ai compris ça, M. Ponton...
Mme Lavoie-Roux: Dans un sens de valorisation du projet.
M. Bellemare: Mais, chose certaine, tous ceux qui vont lire votre
mémoire et qui sont de mon âge vont dire: Pourquoi nous
attaque-t-on, nous de l'âge d'or? Pourquoi nous dit-on que nous sommes un
porte-poussière pour tout ce qui peut ne pas être contenu dans une
loi? Pourquoi rire du grand-père pour rien?
Mme Lavoie-Roux: C'est valorisateur...
M. Bellemare: Non, "la clause grand-père", on n'avait pas
d'affaire à inclure ça dans le mémoire; c'est injuste pour
l'âge d'or, je vous le dis.
M. Ponton: M. le Président, si vous permettez, je vais en
prendre bonne note.
Le Président (M. Dussault): Je vous permets, oui.
M. Ponton: Si ce n'est que pour tout le respect que je porte
à l'expérience du député de Johnson, je l'ai
indiqué entre guillemets, ce qui, je pense...
M. Bellemare: C'est encore pire! Vous auriez pu garder vos
guillemets pareil, ça ne revalorisait pas votre mémoire.
M. Ponton: M. le Président, je pourrais peut-être
amender la clause pour qu'on lise "omnibus".
M. Bellemare: Non, mais je serais bien d'accord pour que vous
demandiez au comité de rayer ça tout de suite.
M. Ponton: C'est ce que je fais, M. le Président, avec
votre permission.
M. Bellemare: Bon, rayez-le.
M. Chevrette: Voyez-le souriant maintenant!
M. Bellemare: Très bien. Maintenant, quand on a dit que la
commission devrait être financée entièrement par le
gouvernement provincial, puisque vous donnez cela comme argument
ça se fait dans toutes les autres provinces, êtes-vous au courant
de ce que ça peut coûter à un gouvernement?
M. Ponton: M. le Président, on a lancé quelques
chiffres tantôt. C'est fonction des budgets de la Commission du salaire
minimum, mais c'est un fait que c'est la situation qui se retrouve dans la
législation canadienne sur le même sujet, entre autres en vertu de
l'Employment Standard Act de l'Ontario où le financement émarge
au budget de la province. Encore une fois, dans l'optique nouvelle d'une
application nouvelle, universelle et des objectifs que poursuit la Loi sur les
normes du travail, il nous apparaissait logique de conclure que le financement
devrait émarger au budget de l'Etat, parce que...
M. Bellemare: N'oubliez pas qu'une formule est déjà
établie, dans la province de Québec, depuis des années et
que celle-ci semble acceptée et acceptable, pour autant qu'on n'ira pas
jusqu'à ce que dit le ministre dans son projet de loi 1%
représenterait une obligation terrible pour les PME et pour d'autres.
S'il fallait qu'elles se plient à ce 1%, cela représenterait des
millions. Pour autant qu'on restera avec des bases raisonnables, même
à 0.2%, c'est peut-être normal de nos jours il ne
faut pas demander au gouvernement de financer le tout, quand la tradition est
établie aujourd'hui parmi le monde ouvrier, les comités
paritaires et un peu partout, que tout le monde accepte que le patron,
l'employeur paie sa cotisation pour le salaire minimum. Je pense qu'on
retournerait en arrière; là vous auriez véritablement une
formule "grand-père" en faisant ça.
Une Voix: Ah!...
M. Bellemare: Non, je pense qu'on doit garder ce qu'on a
d'acquis, au point de vue législatif, pour la population et que c'est
l'employeur qui
raisonnablement par exemple, pas dépasser la normale
devrait... Personne ne s'est plaint jusqu'à maintenant. J'ai
été ministre du Travail et j'ai rarement entendu quelqu'un ne pas
vouloir contribuer. Personne. J'ai déjà rencontré des gens
qui ont fait faillite, par exemple, mais ils ne voulaient pas reconnaître
qu'ils devaient en priorité au gouvernement la somme de 0.1%. Il reste
qu'aujourd'hui le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul. Demander au
gouvernement de faire du paternalisme d'Etat, moi, je suis contre ça.
Aujourd'hui il y a assez de "téteux" après le gouvernement
je vais dire comme je l'ai déjà dit qu'il n'a plus rien
pour donner à boire à ceux qui ont soif... Non, M. le
Président, je pense que c'est peut-être une expression d'opinion
que vous avez laissé tomber, à la suite du patronat. Le patronat
nous a envoyé son mémoire j'ai eu l'occasion de le lire
et lui aussi est de votre avis; mais, lorsque le patronat viendra, je ne
ferai pas comme à la commission de la CSN, je vais rester.
M. Ponton: Si vous permettez, M. le Président, la
recommandation qui est faite est à la lumière... Je suis d'accord
avec tout ce que le député de Johnson indique...
M. Johnson: Ah oui?
M. Ponton: Non, mais au niveau de la tradition.
M. Johnson: Ah ça, d'accord!
M. Ponton: ... à la lumière d'une nouvelle loi qui
déborde les cadres d'une loi actuelle, qui transforme certaines des
institutions qui vont être appelées à administrer la loi et
aussi à la lumière d'un tout général comme les
retransformations à la Commission des accidents du travail où
vraiment on a un service d'assurance pour les employeurs basé sur une
cotisation, comme le ministre a eu longuement le temps de l'expliquer, il nous
est apparu que cela pourrait être une recommandation logique et
envisageable, parce qu'on ne peut pas restreindre l'entreprise à un
projet de loi précis. Elle voit l'ensemble des législations qui
s'appliquent et les recommandations transpirent lorsqu'on a, par exemple, plus
particulièrement un projet comme celui d'aujourd'hui. C'est un peu
à la lumière de l'élaboration des politiques à la
Commission des accidents du travail qui donne le service aux employeurs qu'on
en est venu à la conclusion que, comme la législation
était d'application universelle pour les salariés et que la
Commission des normes du travail surveillerait l'application de ces normes, on
pouvait en toute logique recommander que le budget émarge au budget de
l'Etat.
M. Bellemare: $45 millions de plus.
M. Ponton: Je ne voudrais pas risquer de chiffre, M. le
Président.
M. Bellemare: Mais si c'était un pourcentage d'à
peu près un milliard quelques cents millions.
M. Johnson: On va en avoir des inspecteurs là!
M. Bellemare: Pardon?
C'est sa "job" préférée de toute façon.
M. Johnson: Allons, allons!
Le Président (M. Dussault): Avez-vous terminé votre
intervention, M. le député de Johnson?
M. Bellemare: Merci, j'ai enfin dit ce que je voulais vous
dire.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Johnson: Je voudrais remercier M. Ponton et les gens qui
l'accompagnent pour leur mémoire. Encore une fois, on a eu l'occasion de
prendre connaissance de leur mémoire. Cela nous a permis, d'ailleurs,
peut-être, d'aller un peu plus dans le détail dans certaines
choses, grâce à la période de questions. On essaiera de
tenir compte de certaines de ces choses, évidemment, pas toutes, comme
vous l'avez compris. Cela nous a fait plaisir de vous recevoir. Merci.
M. Ponton: Je remercie M. le ministre, ainsi que les membres de
la commission.
Le Président (M. Dussault): Je remercie le Conseil
québécois du commerce de détail de son témoignage
et j'appelle immédiatement l'Association des industries
forestières du Québec Limitée.
M. Bellemare: Un instant, un instant! M. le Président,
est-ce qu'on pourrait savoir les mémoires qui seront
présentés ce soir?
M. Johnson: II y en a deux: l'Association des industries
forestières et la CEQ.
M. Bellemare: 5M et la CEQ.
M. Johnson: La CEQ, la Centrale des enseignants du
Québec.
M. Bellemare: Oui, oui, voyons! Seulement, je regarde le
numéro des mémoires.
M. Johnson: C'est 5 et 22. Peut-être pour éviter
à ces messieurs qu'ils ne nous déballent leurs choses, comme il
est 17 h 55, je vais peut-être demander la suspension des travaux, de
toute façon. Je vous souhaite bon appétit, messieurs; on vous
retrouve à 20 heures. D'accord? Merci.
Le Président (M. Dussault): Effectivement, messieurs, je
voulais m'assurer qu'à 20 heures vous seriez présents à la
table pour que nous puissions commencer immédiatement. Alors, je
suspends les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 heures
Reprise de la séance à 20 h 17
Le Président (M. Jolivet): La commission du travail et de
la main-d'oeuvre est réunie pour étudier les mémoires
concernant la loi 126. Ce soir, nous avons comme premier intervenant
l'Association des industries forestières du Québec. Je vous
demande de vous identifier. Le porte-parole.
Association des industries forestières du
Québec
M. Côté (Anatole): Anatole Côté, M. le
Président, PDG de l'association. J'aimerais vous présenter mes
compagnons: M. Louis Joubert, de la société Domtar; M. Laurent
Tremblay, à mon extrême gauche, et M. Roger Ferragne, près
de moi. Ces trois messieurs occupent des postes clés en relations
industrielles dans leur compagnie respective. Alors, si vous le permettez, je
vais procéder à la lecture du mémoire.
Nous remercions les membres de la commission de l'occasion offerte
à l'industrie forestière de faire connaître ses vues sur le
projet de loi sur les normes du travail.
L'Association des industries forestières, sous son entité
actuelle, fut fondée en 1924. Elle groupe trente firmes ou corporations
possédant des terrains forestiers et/ou engagées dans la
fabrication des pâtes et papiers, du bois de sciage et de produits
similaires dans la province de Québec. Entre autres, un de ses objectifs
est de représenter ses membres sur toute question d'intérêt
général se rattachant à l'industrie. De plus, nous avons
cru justifié d'intervenir dans ce dossier puisque, par exemple, à
elle seule l'industrie des pâtes et papiers compte plus de 40,000
employés.
Notre association fait partie du Conseil du patronat du Québec et
appuie les points de vue exprimés par cet organisme. Cependant, puisque
notre main-d'oeuvre tant en forêt qu'en usine sera régie par ces
normes de travail et que notre industrie opère dans des conditions tout
à fait particulières, l'association, au nom de ses membres, a
jugé bon de présenter ce mémoire devant votre
commission.
Commentaires particuliers sur certains articles. Article 1j. La
définition du "service continu" proposée dans le projet de loi
semble inclure dans le service d'un employé les périodes de mise
à pied pour les emplois à caractère saisonnier,
intermittent ou à temps partiel. Si tel est le cas, cette
interprétation entraînera des implications monétaires
lorsqu'on accordera des bénéfices basés sur la
durée du service continu (voir les articles 66, 67, 68 et 73).
Nous recommandons que le législateur retienne la
définition suivante de "service continu": la durée du service
continu comprend les jours effectivement travaillés, les jours de
maladie, les périodes de congé, les absences autorisées et
les absences pour accident de travail.
Chapitre III, la commission, article 8. Advenant la création
d'une commission des normes du travail, nous recommandons que la
représentation patronale y soit paritaire puisque les employeurs sont
les seuls à contribuer financièrement à ses frais
administratifs.
Article 36. Cet article devrait être biffé car le
critère d'urgence n'entre aucunement dans les buts visés par une
loi établissant des normes de travail.
Article 37. Cet article devrait être biffé en concordance
avec la remarque contenue à l'article 36.
Chapitre V, les normes de travail, section I, le salaire; article 41.
Cet article devrait se lire ainsi: "le paiement du salaire peut être fait
en espèces, par chèque ou par virement bancaire." En effet, le
choix de la méthode de paiement devrait appartenir à l'employeur,
ceci étant une question administrative. Toutefois, certains employeurs
effectuent le paiement du salaire par virement bancaire à la suite d'une
entente avec leurs employés.
Article 42. Nous demandons que soit ajouté au texte "à
moins d'accord entre les parties".
Article 45c. Il est difficile d'ajouter des renseignements
supplémentaires sur les bulletins de paie généralement
utilisés. Pour cette raison, nous suggérons que soit rayé
le paragraphe c) car, dans une même période de paie, un
employé peut être affecté à plusieurs occupations.
Dans ce cas, l'espage prévu ne serait pas suffisant.
Puisque les articles 29d et 29e prévoient un système
d'enregistrement du travail vérifiable, nous croyons superflu de
retransmettre ces renseignements sur les bulletins de paie.
Section II, la durée du travail; article 51. On devrait maintenir
une semaine normale de travail d'au moins 45 heures. Certains de nos
établissements dont les conditions de travail sont
négociées fonctionnent sur cette base.
Article 52. Notre interprétation des articles 52 et 38m indique
que l'étalement actuel de la semaine normale de travail sur une base de
plusieurs semaines consécutives sera encore possible. Ceci répond
à des situations concrètes. Certains employés, dans notre
industrie, ont une semaine normale de travail de 42 heures réparties
comme suit: Trois semaines de 40 heures et une semaine de 48 heures. D'autres
horaires existent, tels que 80 heures de travail réparties sur huit
jours consécutifs suivis de six jours de congé.
Section III, les jours fériés, chômés et
payés; article 59. Les implications financières et
administratives des jours fériés et chômés sont de
même nature que celles du taux du salaire minimum et justifient la
discussion et l'adoption de ces normes par l'Assemblée nationale. C'est
d'ailleurs un principe observé dans le reste du Canada.
Article 61. Cet article, tel que rédigé, a des
conséquences importantes au niveau de l'industrie forestière. Le
taux de salaire d'un salarié rémunéré au rendement
n'est pas déterminé pour un jour férié. Ce salaire
varie selon le rendement. C'est un salaire brut qui inclut certaines
dépenses afférentes à l'emploi. Par exemple, le coût
d'achat et d'utilisation d'une scie mécanique, etc. Presque tous les
travailleurs forestiers à l'emploi des grandes entreprises sont couverts
par une conven-
tion collective contenant des mécanismes régissant le
paiement des salariés rémunérés au rendement pour
les congés payés. A la structure des taux horaires fut
ajouté un taux spécifique pour indemniser un salarié
rémunéré au rendement pour le temps non travaillé
à l'occasion d'un bris de machinerie, d'une fête
chômée et payée, d'un congé pour funérailles,
etc.
Nous recommandons que le législateur tienne compte des
mécanismes en place dans les conventions collectives et amende l'article
61 pour prévoir l'utilisation d'un taux horaire pour le paiement d'un
jour férié, chômé et payé. A cette fin, nous
suggérons que l'article 61 soit modifié de la façon
suivante: "L'employeur doit verser au salarié
rémunéré au temps, au rendement ou sur une autre base une
indemnité équivalente à une journée normale de
travail basée sur le taux journalier ou horaire de l'occupation. Le taux
utilisé ne doit en aucun temps être inférieur au taux
horaire de base en vigueur dans l'établissement."
Article 62. Les remarques formulées à l'article 61
s'appliquent également à l'article 62.
Article 64. Cet article devrait tenir compte des conditions
d'admissibilité contenues dans la plupart des conventions collectives. A
la dernière ligne, les mots "la veille ou le lendemain de ce jour"
devraient être remplacés par "la veille et le lendemain de ce
jour" pour éviter de la confusion dans l'interprétation. Cette
demande tient compte de l'importance de pouvoir compter sur les services d'un
salarié dans les jours qui précèdent et qui suivent un
congé.
Section IV, les congés annuels payés, article 66.
Lorsqu'un employé est mis à pied pendant une année de
référence, seuls les mois complets travaillés devraient
être retenus pour déterminer la durée des congés
annuels.
Article 67. Si le "service continu" sous-entend que l'employé n'a
pas subi de mise à pied pendant une année de
référence, la durée du congé annuel prévu
à cet article est acceptable.
Article 68. Si le "service continu" sous-entend que l'employé n'a
pas subi de mise à pied pendant chacune des dix années de
référence, la durée du congé annuel prévu
à cet article est acceptable.
Article 73. Il est reconnu dans toutes les lois sur les normes de
travail au Canada que l'indemnité pour vacances doit être un
pourcentage du salaire brut gagné durant l'année de
référence parce que les vacances se gagnent graduellement pendant
l'année de référence.
Tel qu'il est rédigé, l'article 73 implique qu'un
salarié saisonnier ou à emploi intermittent a droit à des
vacances payées, sur la base du salaire normal régulier, de deux
à trois semaines selon le cas. Ceci signifie qu'un tel employé
accumule des crédits de vacances pendant ses périodes de mise
à pied. Par exemple, un salarié qui compte 10 ans de service
continu, tel qu'il est défini à l'article 1j et qui n'a qu'une
période d'emploi d'un mois au cours d'une année, aurait droit
à trois semaines complètes de vacances à son taux
régulier, ce qui est nettement disproportionné à sa
durée d'em- ploi. De plus pendant les périodes de mise à
pied, le même employé peut travailler chez d'autres employeurs et
accumuler d'autres semaines de vacances sur cette même base. Il est
facile de percevoir que cette approche est contraire à l'intention du
législateur. Dans le cas où l'employé a subi des mises
à pied saisonnières dans l'année de
référence, la norme de paiement des vacances devrait être
celle du pourcentage du salaire brut seulement.
Section V, les repos et les congés divers, article 77. Nous
recommandons que la concordance soit faite avec l'article 38m et l'article 52
concernant l'étalement. Cette concordance est très importante
pour notre industrie à cause des nombreuses pratiques
d'étalement, aussi bien en forêt que dans les usines. Par exemple,
il existe des horaires de huit jours consécutifs de travail et de six
jours consécutifs de congé en forêt ou de sept jours
consécutifs de travail dans les usines.
Article 78. Le principe de la loi, ainsi qu'il est reconnu ailleurs au
Canada, semble être qu'un salarié ne doit pas travailler plus de
cinq heures consécutives sans qu'une période de repas ne lui soit
accordée. D'ailleurs, ce même principe existe dans le
règlement concernant les établissements industriels et
commerciaux.
Tel que rédigé, l'article 78 est ambigu. Ainsi, un
employeur ne pourrait faire travailler un salarié plus de quatre heures
et demie (la pause-café incluse) sans lui accorder et lui payer trente
minutes pour un repas. L'article devrait débuter par "au-delà
d'une période" au lieu de "au cours d'une période". Une telle
modification rendrait le texte beaucoup plus compatible avec les semaines de
travail comprimées que l'on retrouve dans certaines conventions
collectives, tel que mentionné à l'article 52.
Article 79. Il est important de faire la concordance avec l'article 61
et de prévoir un taux journalier ou horaire pour l'employé
rémunéré au rendement qui s'absente à l'occasion
d'un décès. Il y aurait également lieu d'ajouter que le
salarié doit aviser son employeur.
Article 80. Nous recommandons d'ajouter que le salarié doit
aviser son employeur au moins une semaine avant la date prévue.
Section VI, le préavis et le certificat de travail, article 81.
Nous recommandons d'exclure les employés saisonniers et de faire la
concordance avec l'article 45 de la Loi sur la formation et la qualification
professionnelles de la main-d'oeuvre. Comment se conformer à la loi
lorsqu'une décision administrative visant le licenciement de
salariés est prise quand ces mêmes salariés sont en
période de mise à pied saisonnière?
De plus, nous proposons la modification de la deuxième phrase du
premier paragraphe pour se lire ainsi: "le préavis est d'une semaine
lorsque le salarié justifie plus de trois mois de service continu". (20
h 30)
Section VIII, les règlements. L'objectif que les
règlements relatifs aux normes de travail devraient viser est
d'établir les modalités d'application de la
loi. Or, comme les situations sont multiples et qu'en
général les parties aux conventions collectives sont plus en
mesure de cerner les problèmes et de leur apporter des solutions
pratiques, la loi devrait laisser à ces parties le soin d'établir
elles-mêmes les modalités d'application. Les règlements
n'auraient un caractère obligatoire que là où il n'existe
pas de convention collective. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Johnson: Je vous remercie, M. Côté. Donc, comme
c'est le cas dans les autres mémoires, on a pris connaissance de votre
mémoire dès qu'on l'a obtenu. On a analysé une bonne
partie de ses implications. Je dois vous dire que vous avez, entre autres, une
remarque technique tout à fait pertinente en ce qui a trait à
l'article 78. Vous avez attiré notre attention sur quelque chose qui n'a
pas été soulevé, par ailleurs: de remplacer "au cours" par
"au-delà", ce qui est effectivement l'esprit de la disposition.
La question, évidemment, de fond qui se pose dans votre secteur,
c'est évidemment le fait que vous avez affaire à des travailleurs
saisonniers. Vous avez des opérations qui sont saisonnières et,
en regard des dispositions qui s'appliquent à l'ensemble des
salariés, vous pensez que cela devrait justifier des interventions un
peu particulières.
Mais avant cela, je voudrais, peut-être non pas remettre en cause,
mais au moins vous poser des questions sur certaines des prémisses.
Est-ce que des trente firmes ou corporations que vous représentez tous
les salariés sont syndiqués? Je devrais dire: Est-ce que tous les
salariés sont couverts par une convention collective?
M. Côté: Je ne pourrais pas l'affirmer, mais je peux
vous dire avec certitude que 95% des employés en cause sont
syndiqués.
M. Johnson: A partir du moment où, effectivement, il y a
des conventions collectives qui couvrent l'ensemble de vos salariés, y
compris les salariés saisonniers on sait, d'ailleurs, que vous
avez un régime assez particulier au niveau de l'accréditation et
de la reconnaissance du vote en forêt; ce n'est pas une technique
très simple; c'est pour cela que nous avons une réglementation
particulière, d'ailleurs, que le Conseil des ministres a
approuvée mercredi dernier il y a des dispositions dans la loi
qui prévoient que l'étalement, avec toutes les
conséquences qu'il y a autour de cela peut faire l'objet d'une
dérogation à la Loi par convention collective, pour tenir compte
de cette notion d'horaire variable du travailleur en forêt.
Peut-être mettez-vous en cause la rédaction et tout cela; cela
devient strictement une question technique à ce moment. Mais l'esprit de
52 et de 38 m est vraiment de permettre, en particulier dans des cas
d'existence d'horaire variable ou de choses qui tiennent compte de contraintes
dans le temps, comme celle-là, que par convention collec- tive on puisse
y déroger. Si cela représente 95% de votre main-d'oeuvre, il
resterait à savoir c'est qui les autres 5%, si ce sont des travailleurs
en forêt ou pas. Evidemment, cela risquerait de poser des
problèmes.
M. Côté: Le chiffre est peut-être
supérieur, M. le Président, mais je pourrai le vérifier et
en faire part à la commission.
M. Johnson: Maintenant, il y a certaines remarques que je vais me
permettre. Quand on parle du virement bancaire, il nous apparaît
important d'exiger le consentement du salarié, effectivement. C'est une
question peut-être d'opinion, à moins que vous n'ayez quelque
chose de très précis à faire valoir sur cette
question.
M. Ferragne (Roger): En disant que vous aimez avoir le
consentement des travailleurs, si, par entente syndicale, la convention
prévoyait que la paie va être faite par virement bancaire, est-ce
que ce serait un consentement ou est-ce qu'il faudrait que le consentement soit
individuel?
M. Johnson: Bonne question, on en prend note. Je pense que le
texte dans sa rédaction actuelle implique un consentement individuel, ce
qui ne semble pas vous poser un problème, mais en pose un à vos
syndicats, si je comprends bien. On en prend bonne note.
Dans le cas de l'article 45c, c'est un article rédigé
essentiellement au bénéfice du salarié, de la même
façon que les articles 29d et e) répondent à des besoins
de commission. On a eu une longue discussion cet après-midi avec vos
prédécesseurs sur cela. Encore une fois, il m'est permis de
m'étonner un peu, compte tenu du fait que ces dispositions existaient en
vertu des articles 8c et 9 d'une loi qui a 40 ans d'existence. Evidemment, je
présume que vous aurez le même argument que vos
prédécesseurs en disant: S'il y a une nouvelle loi, on peut
peut-être remettre certaines choses en cause. J'aurai peut-être une
tendance un peu conservatrice en vous disant: Compte tenu du fait que vous avez
vécu avec cette loi pendant 40 ans, vous pouvez peut-être vivre
encore un autre 40 ans.
Article 61. Le projet est en conformité avec la Loi sur la
fête nationale et l'indemnité qui est prévue couvre, en
fait, la perte réelle qui est subie par opposition à une perte
théorique ou arbitraire qu'on pourrait fixer sur la base d'un taux
horaire. Est-ce que je pourrais savoir, en gros, ce que cela peut
représenter, en termes de volume ou d'importance, pour vous, ce genre de
disposition sur le plan financier? Peut-être que je vais un peu loin dans
le détail.
M. Tremblay (Laurent): On n'a pas fait d'étude exhaustive
au niveau de l'industrie. Cependant, on a pris une unité administrative
assez importante représentant une liste de paie d'environ $10 millions
pour une année. Sur la partie des congés, si au lieu d'appliquer
les mécanismes actuellement
inclus dans les conventions collectives de travail qui prévoient
le paiement d'un taux horaire pour l'employé
rémunéré au rendement, on devait payer un taux de salaire
équivalant à ce que l'employé gagne normalement lorsqu'il
travaille, on estime que ce point, seulement, peut représenter autour de
1.5% à 2% d'augmentation de la masse salariale.
En plus de cette augmentation de coût, il reste que l'autre
problème en est un d'ordre administratif. Comment fait-on pour
déterminer le salaire que l'employé rémunéré
selon le rendement aurait gagné cette journée? Il peut quand
même y avoir des variations au niveau d'un employé, mais surtout
au niveau d'un employé à l'autre. C'est quand même la
pratique qui existe présentement et qui est incluse dans toutes les
conventions collectives. Cette pratique a été
négociée dans les conventions collectives depuis l'existence du
syndicalisme en forêt, c'est-à-dire depuis 1960.
M. Johnson: D'accord. Il y a d'autres éléments et
je pense qu'on rentrerait peut-être dans ce qui m'apparaissait central...
Je permettrais peut-être à M. Côté ou à ses
collaborateurs de revenir sur ce qui vous apparaît le plus central, dans
votre mémoire, c'est-à-dire les conditions particulières,
non seulement de vos compagnies, mais de la nature du travail accompli par vos
salariés, tant sur le plan saisonnier que sur les horaires. Est-ce que
vous voulez ajouter quelque chose à votre mémoire,
là-dessus? Par ailleurs, votre mémoire est très clair.
M. Ferragne: J'aimerais, pour le moins, souligner l'article 73.
Quand on lit cet article tel qu'il est rédigé probablement
que l'intention n'est pas là il permettrait de donner des
vacances de semaine complète de salaire régulier pour des
durées d'emploi de moins d'un an. La définition donnée au
travail continu, autrefois, quand il n'y avait pas de
conséquences...
Auparavant, la durée de service continu n'avait pas d'implication
comme telle parce qu'on payait au pourcentage. L'ordonnance prévoyait de
payer au pourcentage. Il n'y avait pas de conséquence. Il n'était
pas question d'années de service pour donner plus de vacances. Mais
lorsqu'on ajoute ces deux éléments-là, le salaire
régulier et ensuite la question d'années de service, les mots
"service continu" prennent une autre dimension et une autre importance. C'est
là qu'on considère qu'il faudrait en tenir compte.
M. Johnson: Concernant la notion d'années de service
applicable dans le cadre du projet de loi, comme on lit en ce moment, il est
à remarquer que la seule différence entre la
réalité actuelle et le changement apporté par le projet de
loi, c'est pour ceux qui ont plus de dix ans de service.
M. Ferragne: Pas nécessairement! Si vous aviez les
vacances au pourcentage des gains de la période de
référence, il n'y aurait pas de problème.
M. Johnson: D'accord.
M. Ferragne: Mais lorsqu'on dit le salaire normal
régulier, à ce moment-là, si je travaille trois mois, par
exemple, mon salaire régulier d'une semaine, c'est 40 heures
multipliées par X et à ce moment-là, mes vacances
deviennent un coût. Il y a vraiment un coût addiditonnel au-dessus
du salaire minimum comme conséquence. Le pourcentage du salaire ne se
retrouve pas dans les autres législations canadiennes.
M. Joubert: Vous avez, par exemple, des employés qui vont
aller d'une compagnie à l'autre, selon la saison des opérations,
que ce soit de la drave, par exemple, dans le Saint-Maurice ou du camionnage ou
peu importe... A ce moment-là, si le texte de la loi reste tel quel,
à notre avis c'est la recommandation qu'on veut souligner
un employé basé à 40 heures va pouvoir s'accumuler
peut-être deux semaines de vacances à un endroit, deux autres
semaines à un autre endroit, pouvoir même avoir trois
périodes de vacances dans la même année parce qu'il a
chevauché entre plus de deux employeurs.
Pour l'industrie forestière, c'est un des points capitaux
vis-à-vis l'article 73.
M. Ferragne: Je pense que ce n'est pas seulement l'industrie
forestière qui est concernée. Il y a d'autres industries et je
pense que le commerce au détail, lorsqu'ils ont parlé du prorata,
c'est un peu ce qu'ils visaient aussi.
M. Johnson: En d'autres termes, quelle que soit la solution
juridique qu'on trouve, ce que vous dites, c'est que cela devrait
refléter finalement un prorata de travail pour un employeur
donné.
M. Ferragne: En étant au pourcentage, le problème
est éliminé, en le laissant au pourcentage.
M. Johnson: D'accord. Une dernière question. Au sujet de
votre dernière recommandation, l'objectif que les règlements
relatifs aux normes de travail devraient viser est d'établir les
modalités d'application de la loi. Or, comme les situations sont
multiples et qu'en général les parties aux conventions
collectives sont plus en mesure de cerner les problèmes et de leur
apporter des solutions pratiques, la loi devrait laisser à ces parties
le soin d'établir elles-mêmes les modalités d'application.
Les règlements n'auraient un caractère obligatoire que là
où il n'existe pas de convention collective.
Si je comprends bien, ce que vous dites, c'est que vous pensez que la
loi ne devrait pas être d'ordre public. C'est cela carrément?
C'est-à-dire que toute dérogation par convention collective
devrait avoir préséance sur la loi?
M. Ferragne: C'est un peu ça. En réalité, si
la loi est claire et définit réellement les normes comme telles,
les modalités d'application de-
vraient être laissées à ceux qui négocient de
façon à cerner bien des problèmes.
M. Johnson: C'est évidemment tout le problème de la
notion d'équivalence que vous posez. On peut le prévoir
spécifiquement sur la question des horaires, par exemple. Il est bien
évident qu'on valorise, dans ce projet de loi et de façon
générale dans le gouvernement, la préséance de
conditions librement négociées par les parties sur n'importe
quelle forme d'interventions, sauf que certaines choses nous amènent
à dire qu'on les considère comme étant d'ordre public. Si
on pense par exemple au congé de maternité, on sait qu'il y a des
syndicats qui, depuis de nombreuses années, représentent un
ensemble de salariés dont une partie sont des femmes et qui n'ont jamais
été fichus de négocier des congés de
maternité. Bon! Ce qui n'est pas nécessairement vrai pour les
travailleurs en forêt. Je ne connais pas beaucoup de femmes qui
travaillent en forêt. Il n'y en a pas tellement en tout cas qui font des
travaux lourds. Si c'est comme dans la construction, il y en a six...
M. Ferragne: On en a un peu plus dans les cuisines.
M. Johnson: Dans les cuisines dans votre cas. M. Chevrette:
J'en ai vu une... Mme Lavoie-Roux: A la baie James?
M. Chevrette: Non, qui travaille dans le bois, à
l'émission de l'agriculture le dimanche. Il y avait une femme avec sa
scie mécanique. Elle avait l'air forte...
Une Voix: D'où? (20 h 45)
M. Johnson: Est-ce que j'ai compris votre paragraphe final comme
affirmant finalement que, pour vous, il devrait y avoir une
préséance de conventions collectives, point?
M. Joubert (Louis): C'est parce qu 'on a déjà dans
nos conventions collectives, d'une manière générale, une
disposition qui dit: Toute loi d'ordre provincial ou fédéral doit
en tout temps être observée si elle vient à l'encontre d'un
règlement, d'une clause négociée entre les parties. Je
vais vous donner un exemple pratique. Dernièrement, dans une de nos
usines, le règlement qui allait être adopté par le
gouvernement vis-à-vis des congés de maternité
était, dans un cas d'une convention collective, supérieur
à ce qu'il y avait déjà dans une convention collective.
Alors, par le truchement de la clause que nous avions dans la convention
collective, automatiquement, les employés étaient
rehaussés à un minimum. Je ne sais pas si c'est dans ce sens que
vous posez votre question, cependant?
M. Johnson: Oui, effectivement, sauf que tout le problème
que cela pose, c'est toute la notion d'équivalences. La loi a
déjà prévu, à une certaine époque, qu'il y
avait des cas d'espèce. Il faut se souvenir du contexte dans lequel cela
a été fait dans les années trente. Ce n'était pas
tout à fait le même contexte qu'aujourd'hui; une compagnie pouvait
aller demander des exemptions spécifiques. Il n'est plus question de
revenir à cela. Alors, compte tenu de cela et compte tenu du
problème de ce que l'interprétation des équivalences et du
fait qu'on choisit de ne pas faire de la commission un autre tribunal du
travail, il y a certains égards pour l'interprétation des
conventions collectives. Mais je comprends le genre d'ennuis que cela peut vous
donner et on va tenir compte de plusieurs de vos remarques, compte tenu de la
nature un peu particulière de vos activités et du fait,
d'ailleurs, que vous êtes couverts, dans l'immense majorité des
cas, par les conventions collectives. C'est tout ce que j'avais pour le
moment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M.
Côté, messieurs, je veux vous remercier. Votre mémoire est
très bien présenté, mettant en relief les problèmes
qui sont susceptibles de vous concerner éventuellement en raison du
caractère particulier de vos activités dans une certaine mesure.
Plusieurs des arguments que vous invoquez, vous semblez bien les soutenir,
entre autres en ce qui concerne vos représentations à
l'égard de l'article 1j sur la définition du service continu.
Vous mettez en relief un exemple ce soir. Un employé qui travaille
pendant trois mois chez vous ou pendant une certaine période ou encore
qui exerce certaines fonctions comme la drave pour revenir ensuite occuper
d'autres fonctions chez un autre de vos membres, cela pourrait entraîner
des problèmes au niveau de l'interprétation; je pense que vous
avez ébranlé le ministre. Je commence à le connaître
un peu, depuis le 4 octobre, et je pense qu'il va y donner suite.
J'espère bien, de toute façon.
J'ai une question tout à fait spécifique. Au sujet de
l'article 41, où vous demandez qu'il y ait une possibilité que le
paiement soit fait par virements bancaires, est-ce que vous avez encore
beaucoup d'employés de vos membres qui demeurent en forêt pendant
des périodes continues et tout cela? Qu'est-ce qui le justifie? Est-ce
que c'est pratiqué dans le moment, les virements bancaires,
comparativement à des chèques?
M. Tremblay (Laurent): II y a quelques entreprises qui,
actuellement, après entente avec le syndicat, ont négocié
ce genre de paiement. Mais ce n'est pas répandu, ce n'est pas une
règle générale.
M. Joubert: Pour répondre également à votre
question, nous avons plusieurs usines où les employés le
demandent à l'occasion; il y en a un certain nombre qu'il faut
respecter, mais ce
sont des demandes individuelles. A ce moment, ce n'est pas une demande
collective. Ils font faire les paiements directement, soit à la caisse
populaire ou à la banque de leur choix. Je pense que ce n'était
pas ce point de l'individu en cause qui était la question du ministre
tantôt, par rapport à la remarque de M. Ferragne. C'est que
là où on a des opérations forestières où les
gens ont, disons, deux semaines consécutives en forêt et qu'ils
ressortent après cela pour une semaine complète chez eux, ces
gens font faire les paiements à la banque. Mais c'est à la suite,
comme l'expliquait M. Ferragne, d'une entente collective avec le syndicat. Or,
si on est limité par une entente individuelle, cela peut nous apporter
sûrement des problèmes administratifs.
M. Pagé: A l'article 51, vous dites: On devrait maintenir
une semaine normale de travail d'au moins 45 heures. Certains de nos
établissements dont les conditions de travail sont
négociées fonctionnent sur cette base. Qu'est-ce qui arrive des
établissements qui n'ont pas de convention collective? En moyenne, chez
vous, la semaine normale de travail est de combien d'heures pour l'exploitation
en forêt, par exemple?
M. Tremblay (Laurent): En forêt, c'est 40 heures.
M. Pagé: Dans les scieries?
M. Tremblay (Laurent): Dans les scieries, c'est 45.
M. Pagé: Est-ce que vous avez pu calculer l'effet
concernant l'article 52? Vous dites: Dans certains cas, certains
employés de notre industrie ont une semaine normale de travail de 42
heures réparties comme suit: trois semaines de 40 heures, une semaine de
48 heures; d'autres horaires existent tels que 80 heures de travail sur huit
jours, suivis de six jours de congé. Qu'est-ce que cela va impliquer, en
termes de déboursés additionnels, l'application de la loi
126?
M. Ferragne: Présentement on croit que les articles qui
sont là maintiennent une situation; on croit que ce qui est possible
ajourd'hui sera encore possible. On l'a mis là en voulant dire: On
souligne le fait; cela répond à un besoin. On dit indirectement:
Merci de le dire et on va continuer à le faire. Il n'y a pas de
coût parce que cela se fait déjà et on croit qu'on va
pouvoir le faire encore avec l'article 52.
M. Pagé: D'accord. Il y avait une représentation
à l'effet que vous demandiez que cela soit débattu à
l'Assemblée nationale, l'article 59, soit: Les implications
financières et administratives des jours fériés et
chômés sont de même nature que celles du taux de salaire
minimum et justifient la discussion et l'adoption de ces normes par
l'Assemblée nationale. N'allez pas croire que je vais vous dire que je
suis contre cela. On est favorable à ce que le débat soit le plus
ouvert possible et avec la meilleure participation possible du
législateur.
C'est l'essentiel des questions que j'avais à vous formuler.
C'est très bref. Je pense que c'est assez clair de votre part et j'ose
croire que le ministre du Travail saura donner suite aux représentations
qui semblent justifiées dans plusieurs cas. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président.
Je veux d'abord remercier M. Côté de la présentation
de son mémoire aussi et des différents points qu'il touche dans
le projet de loi. Je dois lui dire, au départ, qu'évidemment je
ne suis pas un technicien des normes du travail ni des lois du travail. Je dois
remplacer ce soir M. Bellemare qui a dû s'absenter et qui s'en excuse
d'ailleurs. J'aimerais quand même revenir sur un point que vous avez
touché, à la toute fin de votre mémoire, lorsque vous
dites, en parlant des règlements: "L'objectif que les règlements
relatifs au normes de travail devraient viser est d'établir les
modalités d'application de la loi." Or, comme les situations sont
multiples et qu'en général les parties aux conventions
collectives sont plus en mesure de cerner les problèmes et de leur
apporter des solutions pratiques, la loi devrait laisser à ces parties
le soin d'établir elles-mêmes les modalités d'application.
Les règlements n'auraient un caractère obligatoire que là
où il n'existe pas de convention collective.
Vous avez également mentionné dans vos remarques tout
à l'heure que, je pense, environ 95% des gens que vous
représentez sont sous le couvert de conventions collectives. J'aimerais
vous demander de préciser peut-être davantage votre pensée
en ce qui concerne ces règlements, le pouvoir du gouvernement dans la
matière, surtout lorsqu'on regarde le projet de loi, l'article 86 comme
tel, où on mentionne directement les salariés des exploitations
forestières. On dit: "Le gouvernement peut faire des règlements
pour assurer ou exclure de l'application totale ou partielle de la
présente loi ou des règlements certains organismes qu'il
désigne..." Et il continue plus loin en parlant des salariés des
exploitations forestières. On trouve un peu les mêmes dispositions
à l'article suivant, l'article 87, où on dit: "Le gouvernement
peut fixer, par règlement, des normes du travail... le salaire minimum,
le bulletin de paye," etc. ou encore, au paragraphe d) la semaine de travail.
Cela peut s'appliquer dans les exploitations forestières, cette
intervention réglementaire du gouvernement.
M. Côté, est-ce que vous pourriez préciser un peu la
pensée de votre organisme sur la portée de ce pouvoir
réglementaire du gouvernement dans cette matière?
M. Ferragne: Je vais répondre. Comme vous le mentionnez,
par les exceptions que le projet de loi met concernant I'm-
dustrie forestière, on sent qu'il y a des situations bien
particulières. Comme les conventions collectives sont là pour les
couvrir, alors, on est logique avec nous-mêmes en disant: Si les normes
sont des normes, les modalités d'application, laissez donc cela à
la convention collective; on va s'en occuper d'une façon beaucoup plus
pratique que la réglementation pourrait le faire. Alors, les exceptions
faites à l'industrie forestière prouvent qu'il y a un besoin de
laisser aux parties le soin de régler ce problème.
M. Brochu: Tel que cela fonctionne actuellement?
M. Ferragne: Présentement, oui. Actuellement, on a
l'ordonnance 9 qui était une ordonnance qui est restée
spéciale parce qu'il y a des situations spéciales et les
conventions collectives. Il y a d'autres travailleurs, qui ne sont pas de notre
industrie, qui n'ont pas de convention collective. Je dirais qu'il y a des
modalités de l'ordonnance 9 où il y aura des
nécessités de réglementation du type de l'ordonnance 9.
Mais nous disons que là où il y a des conventions collectives
nous cernons les problèmes, alors, laissez-nous continuer à
cerner nos problèmes.
M. Brochu: Est-ce à dire, si je reprends l'argument par
l'inverse, que la situation qui prévaut actuellement dans les organismes
qui sont sous votre juridiction ne laisse pas connaître des besoins
suffisamment évidents pour que le législateur prenne les pouvoirs
réglementaires qu'il veut prendre ici?
M. Ferragne: Encore là, si vous prenez chaque convention
collective...
M. Brochu: II n'y a pas de situations sur lesquelles...
M. Ferragne: ... vous avez, par exemple, des gens qui travaillent
à 500 milles de chez eux, d'autres qui vont coucher chez eux à
tous les soirs. Pour les réglementations concernant le transport,
concernant les heures, il y a un tas de modalités qui doivent être
cernées selon le contexte local. C'est pour cela qu'on considère
que la meilleure manière est de laisser aux négociations le soin
de faire le tour de ces problèmes particuliers.
M. Brochu: II y a tout un éventail de différences
constantes dans le milieu?
M. Ponton: Oui.
M. Brochu: D'accord, merci. C'est ce que j'avais comme remarque
et comme question.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Joliette-Montcalm
M. Chevrette: M. le Président, j'avais demandé,
tout à l'heure à M. Côté, si les gens qui dé-
frichent le long des routes, qui prennent des contrats à soumissions
pour le ministère des Transports, cela faisait partie de votre
groupe.
M. Côté: Non, M. le Président.
M. Chevrette: Cela ne fait pas partie de votre groupe. Donc, je
vais faire une affirmation, dans ce cas, et j'aimerais entendre vos
commentaires. Est-il exact parce que je viens d'un milieu où je
connaissais un peu le bois que vous considérez que le gars qui
est propriétaire d'une scie mécanique est, à toutes fins
pratiques, un entrepreneur et, à ce moment, est considéré
comme un artisan et non comme un salarié, ce qui vous permettrait
facilement et je l'affirme pour entendre vos commentaires de
contourner la loi existante?
M. Ferragne: C'est un salarié, il est couvert par les
conventions collectives.
M. Chevrette: S'il est syndiqué.
M. Ferragne: S'il n'est pas syndiqué, il est comme un
employé...
M. Chevrette: S'il n'est pas syndiqué, il pourrait
être couvert par la Loi du salaire minimum.
M. Ferragne: J'imagine; je crois qu'il l'est.
M. Chevrette: Si vous l'engagez comme entrepreneur,
qu'arrive-t-il? Vous vous foutez de la Loi du salaire minimum.
M. Ferragne: On ne le fait pas.
M. Chevrette: Vous le faites par petit contrat à un
sous-contractant artisan en disant... Vous ne faites pas ça?
M. Ferragne: Non, parce que, actuellement...
M. Chevrette: Vous êtes sûrs de ça, vous
autres?
M. Ferragne: ... nos employés... Oui, les travailleurs de
nos certifications sont...
M. Chevrette: C'est la même chose pour les
transporteurs?
M. Ferragne: Pour les transporteurs, c'est différent.
M. Chevrette: C'est différent, comment les
considérez-vous, eux?
M. Ferragne: Ce sont deux choses.
M. Chevrette: Les gars qui travaillent 15, 16 ou 17 heures par
jour...
M. Tremblay (Laurent): Au niveau du transport du bois, les
chauffeurs de camion là je ne
veux pas m'embarquer dans la question du règlement 12...
M. Chevrette: Non, on pourrait en parler à une autre
commission parlementaire, de celui-là.
M. Tremblay (Laurent): C'est ça! Mais il y a
déjà eu certaines questions qui ont été
posées en ce qui a trait aux transporteurs et, dans la majorité
des entreprises, les chauffeurs de camion qui sont affectés au transport
du bois sont tous couverts par la convention collective de travail.
M. Chevrette: Ou bien ils m'ont empli, ou bien vous m'emplissez,
parce que j'en connais un paquet qui ne sont pas couverts par une convention
collective. Je m'excuse de vous dire ça, mais il y en a un paquet.
M. Ferragne: Qui appartiennent à nos industries?
M. Chevrette: Qui appartiennent à l'industrie
forestière, pas nécessairement de votre groupe, mais qui
travaillent dans l'industrie forestière. Ce sont des artisans autonomes,
comme on dit, qui n'ont aucune protection, de quelque nature que ce soit, par
vos conventions collectives, qui travaillent 16 ou 17 heures par jour et qui
pourraient avoir droit aux bénéfices d'une loi. Le
problème existe parce que vous les considérez comme des
contracteurs artisans et non comme des salariés.
M. Tremblay (Laurent): Je puis vous affirmer que, au niveau de
l'Association des industries forestières du Québec, des
compagnies qui en sont membres, là où il y a une convention
collective, les employés qui sont affectés au transport du bois
sont régis par la convention collective. Maintenant, je suis bien
prêt à admettre qu'il peut y avoir certains entrepreneurs
indépendants qui peuvent avoir un contrat, soit avec une usine de sciage
ou un autre entrepreneur du genre chez qui le transport du bois peut être
non régi par une convention collective. Cela, je l'admets, mais au
niveau des compagnies qui sont membres de l'Association des industries
forestières du Québec ce sont les compagnies majeures
les chauffeurs de camion préposés au transport du bois
sont effectivement régis par les conventions collectives. (21
heures)
M. Chevrette: Si vous parlez des chauffeurs de camion de la
compagnie elle-même, je sais que ce sont des salariés couverts.
Mais je vous parle des entrepreneurs; ils sont engagés comme des petits
contracteurs artisans. A ce moment-là, ils ne sont pas sous
l'étiquette de "salariés".
M. Tremblay (Laurent): II y a une majorité importante des
employés affectés au transport du bois en forêt qui sont
propriétaires de leurs véhicules et qui sont couverts par la
convention collective.
M. Joubert: Si ça peut confirmer l'argument que vous
apportez au point de vue d'avoir plus d'éclairage sur le problème
de la sous-traitance, les syndicats qui représentent les travailleurs
forestiers se sont toujours opposés au fait que des chauffeurs de camion
ne soient pas couverts par une convention collective et soient également
membres du syndicat. Ce qui est arrivé, c'est qu'il s'est
développé trois sortes d'individus. Vous avez le type qui est
chauffeur salarié, au sens du Code du travail, d'une entreprise, qui
travaille six, sept, huit, dix mois par année dans l'industrie
forestière ou ailleurs. Celui-là est payé selon les termes
de la convention collective, il est couvert par les bénéfices de
la convention collective, il est membre du syndicat. C'est le premier
groupe.
Le deuxième groupe. Vous avez des gens qui reviennent
annuellement dans l'exploitation forestière. On les appelle les
camionneurs artisans. Ils sont également couverts par le syndicat, ils
sont couverts par les bénéfices de la convention collective en
question. C'est le deuxième groupe.
Vous avez également un troisième groupe. A ce
moment-là, c'est un vrai contrat de sous-traitance, dans le sens
où vous l'entendiez il y a quelques minutes. Vous prenez, par exemple,
un entrepreneur et vous dites: J'ai exactement tant de milles de chemin
à faire, c'est occasionnel. Le type vient faire le chemin, il est
lui-même couvert par la Commission des accidents du travail, il n'est pas
couvert par la convention collective en question. C'est un contrat à
forfait ou à tant le mille, comme le gouvernement peut en donner, comme
n'importe quel propriétaire peut en donner.
Il ne faut pas passer à la conclusion générale que
les gens viennent transporter du bois c'est le transport qui
était votre question précise et qu'ils n'ont aucune
couverture. Les syndicats en place s'opposeraient judicieusement à une
telle politique. C'est à l'occasion seulement que vous pouvez avoir des
contrats à forfait dans le vrai sens du terme.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Je voudrais vous poser une question. Vous venez de
nous donner un assez bon éventail à savoir comment ça se
passe au niveau du transport. Je voudrais savoir si, au niveau de la coupe du
bois, on procède à peu près de la même façon.
Je sais bien que de grosses compagnies comme la Donohue et la CIP ont leurs
propres bûcherons, leur propre machinerie et que les employés
deviennent des travailleurs à l'année ou à l'heure qui
sont protégés par les normes de la compagnie et qui sont
probablement syndiqués.
D'après ce que j'en sais, je suis certain qu'il y a plusieurs
petits entrepreneurs qui, par exemple, vont s'acheter une "Garrett", comme on
dit dans les termes du métier, et qui vont prendre une superficie
à couper. Si le propriétaire de la "Garrett" est seul
propriétaire, il peut engager un ou deux bûcherons, avec leur scie
mécanique. D'après
vous qui êtes dans le milieu, de quelle façon ces
bûcherons sont-ils payés? Sont-ils payés à la corde?
Sont-ils payés à l'heure? Sont-ils syndiqués? Sont-ils
protégés d'une certaine façon au niveau des conditions de
travail, au niveau des heures de travail, au niveau d'un salaire convenable?
J'aimerais vous entendre parler sur ce type d'individus travailleurs du
bois.
M. Joubert: A ma connaissance, chez nous cela n'existe pas. Je ne
connais pas, à l'heure actuelle, d'exploitation forestière parmi
les compagnies que nous représentons ici qui ont le genre de contrat
dont vous parlez. Ce qu'on appelait autrefois les petits "jobbers", cela
n'existe plus du tout. Même si vous travaillez mécaniquement et
que vous donnez deux ou trois machines à quelqu'un ou que vous l'engagez
avec deux ou trois machines, au point de vue de l'exploitation
forestière, le type est couvert par une convention collective au sens du
Code du travail. Dans les conventions collectives que je connais dans notre
groupe, je n'en vois pas je pourrais vérifier dans le sens
que vous expliquez présentement.
M. Lavigne: Si vous me permettez, avec une petite
expérience comme je n'ai pas posé de question de ce type ou
quelque chose de ce genre. L'été passé, je suis
allé dans la région du Lac Saint-Jean où, dans les coupes
de la Donohue, il y avait des sous-contrats qui étaient
exécutés par des bûcherons qui avaient leur scie la
hache aujourd'hui on l'a accrochée, je pense que cela ne se pratique
plus tellement et qui avaient le fameux "tartare", que l'on appelle une
"Garrett", pour sortir les billots du bois, qu'ils cordent, et puis
après cela c'est le transport qui s'en occupe. Est-ce que ces gens,
spécifiquement, qui ont des sous-contrats, qui sont en fait des
sous-traitants de la compagnie Dohohue, en l'occurrence, ont une certaine
protection, d'après vous? C'était cela le sens de ma question,
mais vous me dites que...
M. Joubert: Je ne pourrais pas vous répondre
spécifiquement pour Donohue parce qu'il y a une distinction à
faire. Parce que Donohue, comme telle, dans le Lac-Saint-Jean, n'a pas
d'exploitation forestière. Cela peut arriver, par exemple, que les gens
qui travaillent pour le compte des scieries il y a peut-être trois
ou quatre scieries dont Donohue est propriétaire, mais que nous ne
représentons pas ici, ce soir puissent avoir des conditions de
travail différentes. Mais je ne pourrais pas répondre en leur nom
du tout.
M. Lavigne: D'accord, je vous remercie.
M. Johnson: Messieurs, d'abord, je voudrais vous remercier.
J'aurais seulement une dernière question. Vous avez invoqué
passablement l'argument des conventions collectives, en particulier M.
Ferragne. Est-ce que vous avez pensé élaborer ce mémoire
avec vos syndicats?
M. Ferragne: Si le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre avait
fonctionné, probablement que l'idée serait venue. Mais c'est
malheureux, on dirait que depuis deux ans il est un petit peu mourant. Je ne
sais pas quel sorte de souffle cela va... Cela me fait de la peine.
M. Johnson: Ah! M. Ferragne, je m'excuse, il ne fallait pas vous
aventurer sur une pente savonneuse comme cela, parce que je vais vous parler du
CCTMO depuis deux ans. Je ne sais pas exactement de quoi vous me parlez, M.
Ferragne, en ce moment. Si vous voulez parler des procès-verbaux et du
nombre de réunions qu'il y a eu au CCTMO depuis deux ans, comparé
à ce qu'il y a eu dans les cinq années
précédentes... S'il vous plaît!
M. Ferragne: Ecoutez, je ne me réfère pas au
Conseil de main-d'oeuvre général, je me réfère au
Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt.
M. Johnson: Ah bon! vous parlez d'un sous-comité du CCTMO.
Très bien.
M. Ferragne: Non, non, c'est un comité de la main-d'oeuvre
de la forêt qui, depuis deux ans, a eu un problème. Je ne sais pas
ce qu'il en est. Mais avant cela, déjà, pour un projet
d'ordonnance, par exemple, on a travaillé ensemble. Alors, ce n'est pas
la même chose.
M. Johnson: C'est une nuance importante, je pense. On se comprend
bien, M. Ferragne, là-dessus. Maintenant, qu'il y ait un
sous-comité du CCTMO qui était celui des travailleurs en
forêt qui n'ait pas siégé...
M. Ferragne: C'est cela.
M. Johnson: Je m'excuse.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse M. le ministre...
M. Johnson: Ne vous excusez pas. Si on parle d'un
sous-comité du Conseil consultatif...
M. Ferragne: C'est un comité qui s'appelle le Conseil de
la main-d'oeuvre de la forêt.
M. Johnson: Bon, d'accord. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas
depuis deux ans?
M. Ferragne: Disons qu'il y a eu un problème, à un
moment donné... Après six ans de fonctionnement actif je
pense que c'est le seul qui ait fonctionné réellement pour
différentes raisons de roulement de main-d'oeuvre des deux
côtés, syndical et patronal, puis peut-être à cause
du ministère, il y a eu une espèce de petite relâche et il
a eu de la misère à repartir. On a essayé encore cet
été de voir s'il n'y avait pas moyen de le repartir, parce que je
pense qu'il a une fonction. Je pense que l'on pourrait obtenir encore quelque
chose avec cela.
M. Johnson: Comment pensez-vous que cela pourrait être
reparti? Pensez-vous que l'on peut vous aider là-dedans au
ministère?
M. Ferragne: Je pense que oui.
M. Johnson: Oui? On va peut-être essayer cela. C'est un bon
projet pour l'année. D'accord. Je vous remercie, messieurs. Je retiens
de l'ensemble de vos commentaires, encore une fois, ceux qui sont reliés
à la nature saisonnière des horaires, etc., au
phénomène de la syndicalisation assez extensive, au fait que, de
toute façon, vous avez été régis pendant de
nombreuses années par une ordonnance particulière. On va essayer
de tenir compte, dans la mesure du possible, de certaines de ces
considérations, pour des raisons techniques. Encore une fois, en
essayant de concilier cela avec l'objectif général de la loi qui
est quand même une loi d'application générale. Je vous
remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Côté:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): La Centrale de l'enseignement
du Québec. Maintenant, pendant que les gens s'installent à la
table, compte tenu du fait que c'est probablement le dernier mémoire que
nous avons à regarder ce soir, compte tenu du temps qu'il nous reste, je
pourrai vous poser la question, vers 21 h 55, à savoir si l'on continue
un peu plus loin que 22 heures.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai une suggestion
à faire au président de la Centrale de l'enseignement du
Québec. Compte tenu que le mémoire a 40 pages et qu'il y a 31
recommandations, si ma mémoire est fidèle, est-ce qu'il y a
possibilité, d'abord, d'inscrire le mémoire au complet au
procès-verbal, que vous en fassiez plutôt un résumé
et que l'on s'attaque aux recommandations pour vous exempter de revenir, parce
que l'on ne siège pas demain, de toute façon. Ceci pour vous
exempter de revenir ultérieurement.
Une Voix: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Pourriez-vous vous
identifier?
Une Voix: C'est justement la question que je posais.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Gaulin (Robert): Robert Gaulin, et à ma droite Henri
Laberge, du programme de relations de travail à la CEQ, qui est l'un des
rédacteurs de ce mémoire. A ma gauche éloigné, Luc
Lockwell, directeur des relations du travail à la CEQ; M. Michel
Agnaieff, directeur général et Germain Ménard, du service
de l'information.
Dans notre document, il s'est glissé une erreur à la page
34, c'est un problème d'impression. Egalement, à la
recommandation 23, il manque une ligne. Pour vous permettre d'avoir un document
mieux ordonné, sans erreur typographique, on vous passe actuellement de
nouvelles copies.
C'était mon intention, M. le Président, de commenter
rapidement le texte et de ne pas le lire. Je vais passer rapidement, en
insistant un peu plus sur certaines parties, quitte à ce que dans les
questions on puisse développer certains éléments.
Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins du
procès-verbal, nous acceptons donc que le mémoire soit
annexé et vous en faites une...
M. Gaulin: J'en fais la demande, (voir annexe III)
Le Président (M. Jolivet): C'est cela.
M. Gaulin: Merci. Je pense que si la centrale est ici ce soir, ce
n'est pas que nous ayons des quantités de membres qui soient assujettis
aux conditions minimales ou à la loi du salaire minimum, mais nous
croyons de notre responsabilité de centrale syndicale de joindre nos
efforts à d'autres pour faire en sorte que les conditions de travail de
ceux que nous considérons comme les plus démunis de la
société soient les meilleures possibles. Nous croyons que c'est
une des responsabilités sociales, politiques et économiques des
centrales syndicales que de faire en sorte que le sort des travailleurs soit
amélioré, même s'ils ne sont pas organisés en
syndicats.
Dans le mémoire que nous avions présenté avec la
CSN en février 1977, nous avions insisté sur la
nécessité de réviser en profondeur ces lois du travail et
nous avions déposé à cette occasion quantité de
revendications que nous considérions comme urgentes à ce
moment.
C'est évident que bon nombre de recommandations de ce
mémoire vont reprendre ces recommandations du mémoire commun avec
une mise à jour d'un certain nombre d'entre elles. Nous avons eu
l'occasion à plusieurs reprises de souligner les conditions que nous
jugions tout à fait inacceptables, en deça du minimum. Qu'on
pense à la détérioration du pouvoir d'achat des
travailleurs, à toutes les procédures de congédiement sans
protection, à l'insuffisance des congés, à
l'incapacité de faire respecter la loi, aux obstacles à la
syndicalisation, l'absence de politique réelle concernant le
congé de maternité. C'est un ensemble de sujets sur lequel nous
sommes souvent revenus et que nous aurons l'occasion de retoucher dans ce
mémoire.
Disons d'abord que nous sommes d'accord avec le principe d'une loi
fixant les conditions minimales de travail pour l'ensemble des travailleurs
québécois. Cela ne veut pas dire que nous sommes satisfaits du
projet de loi 126 et notamment des niveaux de conditions qui y sont
fixés. Nous trouvons ces niveaux tout à fait insuffisants et nous
formulons un ensemble de recommandations qui visent à hausser ces
minimums.
Un point que nous voudrions souligner, c'est que nous croyons qu'il ne
faut pas geler les revendications des travailleurs en fonction du minimum que
nous fixerons. Il ne s'agit pas, par cette loi, de se laver la conscience et de
faire un nettoyage qui tardait depuis longtemps et de dire qu'on va se
satisfaire de fixer, pour les 10,15 ou 25 prochaines années, un
certain nombre de conditions et qu'on aura fait notre devoir, qu'on aura
satisfait notre conscience sociale. (21 h 15)
II y a un autre point à souligner, c'est que c'est par la
syndicalisation massive des travailleurs québécois qu'on va
arriver à assurer aux travailleurs une véritable protection et
qu'on va leur donner les moyens de défendre véritablement leurs
intérêts. Nous aurions préféré une
législation qui mette davantage l'accent sur la syndicalisation à
une législation qui fixe des conditions minimales même si nous
croyons nécessaire, dans notre société, de fixer des
conditions minimales de travail.
Nous devons mettre en garde aussi le gouvernement contre les pressions
qui pourraient survenir de différents milieux visant à trouver
que ce qui est mineur dans la législation, c'est trop et qu'il faille,
comme pour d'autres législations, procéder par étapes
à une réduction des minimes avantages qui sont consentis dans
cette loi.
Dans l'analyse de notre mémoire, nous pensons devoir insister
d'abord sur la dimension des pouvoirs réglementaires. C'est un chapitre
important du mémoire que nous proposons. Nous allons également,
dans une deuxième partie, suggérer un certain nombre d'ajouts, de
corrections aux normes proposées. Enfin, nous nous inquiétons de
la capacité ou des moyens mis en oeuvre donnés
véritablement aux travailleurs pour que cette loi soit appliquée
partout.
Sur le premier aspect, le texte législatif et le pouvoir
réglementaire, nous constatons que le projet de loi 126 propose des
améliorations par rapport à la loi actuelle du salaire minimum.
Il y a plus d'éléments qui sont fixés dans la loi
actuelle. C'est un progrès, mais cela ne va pas assez loin. A notre
avis, le projet de loi 126 laisse toujours une place beaucoup trop
considérable à la réglementation administrative et la loi
devrait inclure une description des principales normes de travail et là
où cela n'est pas possible, elle devrait inclure un cadre
général permettant de fixer les règles à partir
desquelles ces normes de travail seraient progressivement ajustées.
La CEQ a, à diverses occasions, manifesté son
inquiétude devant la tendance du législateur à produire de
plus en plus de lois qui sont, avant tout, des extensions de pouvoirs
accordés à des organismes administratifs et qui remettent
à ces organismes le soin de définir les normes qu'ils auront la
responsabilité de faire appliquer. C'est là, on pense, un danger
important dans notre façon de procéder. Sans doute, il faut
prévoir un pouvoir réglementaire pour préciser la
façon de mettre en application les dispositions diverses des lois. Mais
il nous apparaît important que ce soit la loi elle-même qui indique
les règles de droit général et les principes sur lesquels
doivent être appuyés les règlements prévus par la
loi. Il nous semble inacceptable que le législateur abdique sa
responsabilité essentielle au profit du pouvoir exécutif et
souvent même des organismes administratifs.
Nous sommes obligés de constater que le projet de loi laisse
encore aux pouvoirs réglementaires une possibilité trop grande de
réduire la portée des normes contenues dans la loi et
d'infléchir les objectifs fondamentaux de la loi. Il n'y a rien dans la
loi actuelle qui dit que ce qui est convenu dans la loi sera un plancher et
que, par règlement de la Commission des normes minimales, on ne puisse
pas reculer et venir en deçà des principes, ou des
déclarations, ou des éléments qu'on aurait mis de l'avant
au moment de l'adoption de la loi.
Nous pensons que la loi doit être impérative
là-dessus et prévoir que c'est impossible pour la commission
d'édicter des normes à rabais.
Pour ce qui est des jours fériés, par exemple, la loi en
prévoit deux alors qu'il y aurait facilement possibilité dans la
loi de fixer un cadre beaucoup plus précis concernant le nombre des
jours fériés.
Nous sommes déçus particulièrement concernant la
question des congés de maternité. Il n'y a rien dans la loi. Il y
a une ordonnance insatisfaisante pour nous qui a été
édictée récemment et on n'a pas cru bon de reprendre dans
la loi ou de fixer quoi que ce soit dans la loi concernant la question des
congés de maternité. A notre avis, c'est une lacune grave de la
loi qui devrait être corrigée.
Une autre lacune de la loi, à la page 7, dernier paragraphe, que
je vais lire. Ce qui est très grave encore, à notre avis, c'est
le vaste pouvoir de réglementation accordé au gouvernement par
les articles 86 et 88 qui l'autorisent à exclure de l'application totale
ou partielle de la loi certains organismes ou certaines catégories de
salariés. Le gouvernement peut également fixer par
règlements des normes de travail particulières pour les
salariés qu'il aura exclus de l'application de la norme
générale et ces normes exceptionnelles ne seront
elles-mêmes soumises à aucun minimum garanti par la loi. La loi
devrait aussi lier le gouvernement. Ce n'est pas clair dans la loi que les
employés du gouvernement ou que le gouvernement lui-même sont
soumis à l'application des dispositions de cette loi.
Il faudrait que les normes qui seront fixées ne soient pas des
normes théoriques qui laissent au gouvernement toute discrétion
d'exclure de leur application des organismes ou des catégories de
salariés. Il faut que la loi soit très claire sur cet
élément.
Il y a un certain nombre d'articles que je passe. A la page 9, on fait
référence à des articles. A notre avis, les articles 86 et
88 devraient être supprimés; les articles 87, 89 et 90 devraient
être réécrits pour permettre à l'ensemble du projet
de loi de jouer le rôle positif que nous voulons lui reconnaître,
de consolider dans un texte législatif fondamental les droits des
travailleurs à des conditions minimales de travail.
Quant aux conditions minimales de travail elles-mêmes, nous
pensons qu'il y a eu lieu d'ajouter ou de préciser un certain nombre
d'éléments, notamment en ce qui concerne le salaire minimum. Nous
ne croyons pas que la question du salaire minimum soit quelque chose qui soit
clai-
rement et seulement édicté par des règlements ou
des ordonnances. Nous croyons que la loi devrait établir une
procédure à partir de laquelle le salaire minimum est fixé
et déterminé, ajusté périodiquement on parle
de tous les trois mois dans ce mémoire pour faire en sorte que
cette question du salaire minimum ne soit pas soumise aux aléas de la
politique, de la conjoncture ou d'études soi-disant scientifiques et
forcément partielles. Je pense que c'est d'une importance sociale
majeure et il faudrait, si on prend la peine de débattre une loi sur les
conditions minimales, que là-dessus, sur la question du salaire, on soit
très clair et que le gouvernement s'engage.
Pour nous, un salaire minimum qui serait indexé au coût de
la vie, par exemple, cela n'a rien de mirobolant. C'est juste le minimum qui
permet de protéger le pouvoir d'achat, la valeur du salaire et cela ne
permet même pas au salaire minimum de s'ajuster à
l'évolution du salaire moyen, par exemple. Nous croyons que l'obligation
d'indexer régulièrement le salaire minimum devrait être
incluse dans le texte de la loi. Nous n'avons pas étudié toutes
les méthodes, toutes les possibilités pour la question de
l'indexation, mais nous pensons qu'il y a d'autres méthodes que la
simple indexation qui pourraient être ajustées pour permettre au
salaire minimum de croître et permettre aussi que l'écart dans la
rémunération dans notre société entre les groupes
les plus avantagés et les groupes les moins avantagés aille
constamment en s'amenuisant.
Sur la question de la durée du travail, nous croyons qu'il faut
ramener la semaine de travail à 40 heures et qu'on devrait
également définir ce qu'est la semaine normale de travail, non
pas simplement en termes de quantité d'heures mais en termes de
durée de la journée normale de travail. Il s'agit de s'ajuster
pour que les cédules permettent aux travailleurs de jouir d'une
véritable période de repos, de jouir de loisirs, de vaquer
à leurs autres occupations et faire en sorte que le travail ne soit pas
la seule occupation des salariés qui sont assujettis à ces
dispositions.
Sur les jours fériés. Ce matin, j'ai assisté
à la présentation de la CSN et à la discussion qui s'en
suivit. Je ne reprends pas là-dessus, mais deux jours
fériés dans la Loi sur les normes du travail, c'est vraiment
inacceptable. On devrait s'ajuster avec d'autres lois, d'autres dispositions
qui permettraient de fixer, à notre avis, une dizaine de jours
chômés et payés aussi dans cette loi et de faire en sorte
que les jours chômés, lorsqu'il y a obligation de travailler pour
certaines catégories de travailleurs, soient des jours
véritablement payés à temps double.
Quant aux congés annuels, nous avons souligné le
problème des vacances. Les vacances devraient être portées
à un mois pour l'ensemble des salariés et il devrait y avoir
possibilité aussi, pour les travailleurs qui changent d'emploi en cours
d'année, d'avoir droit à des vacances. Il ne s'agit pas que le
droit effectif de prendre des vacances ne soit donné qu'au travailleur
qui a acquis une certaine ancienneté, mais qu'il y ait la
possibilité pour les travailleurs qui changent d'emploi d'avoir une
période de vacances aussi, même si la rémunération,
bien sûr, pour ces deux semaines de vacances, n'a pas à être
assumée par le dernier des employeurs.
Il faut faire la distinction entre la possibilité de prendre des
vacances et la façon de rémunérer ou de savoir qui
rémunère cette vacance. Nous pensons aussi qu'à moins que
le salarié ne soit libre de fixer lui-même sa période de
vacances, il puisse y avoir obligation de prendre une couple de semaines de
vacances durant l'été, et cela encore pour satisfaire à
des besoins familiaux. Les gens ont des enfants, les vacances des enfants, cela
se prend surtout l'été et on devrait fixer la période de
vacances de façon à avoir la possibilité de prendre deux
semaines de vacances durant l'été, à moins que le
salarié ne soit libre de fixer ses vacances, de prendre ses vacances
quand bon lui semble.
Sur la question des repos et des congés divers, nous pensons
qu'il devrait y avoir un repos hebdomadaire suffisant pour faire en sorte qu'il
y ait une période de 64 heures ou une période de 40 heures, selon
qu'il y a une journée de congé, pour permettre un
véritable repos. Le fait, par exemple, d'arrêter de travailler
à minuit le samedi soir et de recommencer à travailler à
minuit le dimanche, ou le lundi matin, pour nous ce n'est pas une
période de repos suffisante. Là il y aurait lieu d'apporter des
précisions aussi. Le repos, ce n'est pas juste pour permettre une
récupération physique pour dormir, mais c'est pour permettre
aussi de s'occuper et de vaquer à d'autres obligations.
A la page 23, sur la question du préavis et du certificat de
travail, nous pensons qu'il faut aller au-delà de la notion de
préavis retenue dans le projet de loi. Il est temps d'établir au
grand jour qu'on ne peut pas congédier un travailleur pour n'importe
quel motif. Il y a trois lois au moins, à notre avis, peut-être
quatre avec la Charte des droits et libertés de la personne, qui
mentionnent des motifs illicites pour lesquels on ne peut pas congédier.
Il y a le Code du travail, la Charte de la langue française... Nous
pensons que dans la Loi sur les normes du travail, il faudrait faire la
jonction avec cela et établir aussi qu'on ne peut pas congédier
un employé comme cela, quitte à ce que la commission
enquête par la suite. Il devrait y avoir un préavis transmis au
commissaire enquêteur et il devrait y avoir enquête aussi avant que
le congédiement puisse éventuellement se faire.
Il y a un certain nombre de lois qu'on mentionne à la page 25 sur
la question des licenciements collectifs. Il faudrait renforcer les
dispositions de la loi pour que les travailleurs soient mieux
protégés face aux licenciements collectifs. Nous parlons d'un an
de salaire. Il y a des lois en France, en Belgique, en Grande-Bretagne, en
Suède et dans plusieurs pays sur ces questions. Il y a aussi la question
de la récupération et du droit au salaire. Nous pensons que le
droit pour un travailleur de recevoir son salaire dans les cas
d'insolvabilité de l'entreprise on parle à la page 25 de
cette question devrait être reconnu clairement par la loi et que
le salarié, le travailleur devrait être le premier servi,
même avant le gou-
vernement et avant la perception de la fiscalité dans les cas
d'insolvabilité ou de faillite des entreprises. Je pense que le
salarié devrait être le premier. Il a travaillé, il a fait
une certaine production et il devrait, à notre avis, être le
premier à toucher les fruits ou les revenus de l'entreprise mise en
faillite. (21 h 30)
Le congé parental. Vous connaissez notre revendication d'un droit
réel à un congé de maternité avec plein salaire
sans perte de droits, un congé de 20 semaines, la possibilité de
profiter d'un certain nombre de congés aussi dans la période de
maternité. Nous parlons du congé parental non
rémunéré. C'est une notion qu'on tend à
établir un peu partout, le droit pour le père ou la mère,
une fois que la période de maternité est passée, de
prendre un congé sans salaire, mais sans perte, non plus, du lien
d'emploi; c'est cette dimension qu'on veut toucher là-dedans. La Loi du
salaire minimum, la loi des conditions minimales est vraiment inadéquate
quant à cette question des droits parentaux et nous invitons le
législateur à corriger cette dimension.
Nous sommes conscients que ces objectifs, à la page 27, ne
peuvent être atteints uniquement par les mécanismes prévus
dans le présent projet de loi et en faisant porter notamment sur
l'employeur de la travailleuse concernée le fardeau financier du
congé de maternité. Nous ne pensons pas que, dans une entreprise
où il y a plus de femmes, donc potentiellement plus de congés
maternité, ce soit à l'employeur d'assumer le coût de
l'ensemble des congés de maternité de son entreprise, ce qui
pourrait avoir un effet discriminant quant à l'embauche. Mais nous
pensons qu'il y aurait lieu de créer ce qu'on appelle la caisse
québécoise des congés de maternité et des
congés parentaux, une caisse administrée par l'Etat à
laquelle contribuerait l'ensemble des employeurs, qu'ils aient juste des hommes
dans l'entreprise ou seulement des femmes. On pourrait ainsi répartir
sur un ensemble d'entreprises le coût de ces congés de
maternité. Cela permettrait à certains employeurs de
réaliser que c'est une obligation d'un employeur à l'égard
de ses salariés de satisfaire à ces obligations.
Enfin, je passe rapidement à la page 28 sur l'application et
l'efficacité de la loi. Nous reconnaissons l'utilité de la
commission pour surveiller l'application de la loi. Cependant, nous nous
gardons de tout enthousiasme naïf en ce domaine. Aucune commission, si
efficace soit-elle et fût-elle équipée d'une armée
d'enquêteurs je pense que c'est vous qui le dites; on invite
chacun des travailleurs à être un enquêteur, ce qui est plus
difficile ne remplacera l'action collective indispensable des
travailleurs. Sauf que l'action collective indispensable des travailleurs, il
faut parfois donner aux travailleurs des moyens de la réaliser. A cet
égard, nous faisons un certain nombre de suggestions qui permettraient,
même s'il n'y a pas de syndicat, même si la syndicalisation doit
être souhaitée, de créer un appétit chez les
travailleurs pour l'action collective.
Nous pensons, par exemple, qu'un salarié dans une entreprise
pourrait, à l'égard de l'application de la Loi du salaire
minimum, être représenté soit par un syndicat, soit par
quelqu'un qui serait mandaté par ce travailleur ou par l'ensemble des
travailleurs de l'entreprise, ou soit par quelqu'un d'autre. Plutôt que
d'attendre que la commission fasse enquête et que l'enquêteur
passe, nous pensons qu'on pourrait, un peu comme nous l'avons fait à
l'égard de l'application de la Loi sur l'assu-rance-chômage,
même si nous n'avions pas d'obligation, agir et représenter des
travailleurs qui nous mandateraient.
Nous pensons aussi qu'un groupe de travailleurs pourrait se donner un
genre d'association de bonne foi, qui n'est pas reconnue par le Code du
travail, mais qui est reconnue aux fins d'application de la Loi du salaire
minimum. Nous pensons qu'on devrait permettre à un travailleur une
journée par année d'assister à des sessions de formation
sur la Loi du salaire minimum pour que chacun des travailleurs puisse
connaître le contenu de la loi, qu'il puisse connaître ses droits
et qu'il puisse être placé en situation de faire appliquer ces
droits-là.
Enfin, nous pensons qu'il devrait y avoir un rattrapage social et qu'on
devrait éviter de s'endormir une fois qu'on aura adopté la loi
126. A cet égard, nous verrions bien la création d'une commission
parlementaire itinérante qui ferait le tour du Québec de temps en
temps et qui pourrait recevoir les griefs des différents
salariés, des différents groupes et qui pourrait voir
jusqu'à quel point la loi est appliquée, et jusqu'à quel
point les dispositions de la loi sont satisfaisantes.
En conclusion, à la page 34, la CEQ rappelle que
l'amélioration des conditions de travail constitue l'un des facteurs les
plus fondamentaux de l'amélioration de la qualité de la vie de la
très grande majorité des Québécois. On
reconnaît que l'amélioration de la qualité de la vie et
même l'amélioration des conditions de travail ne peuvent pas
être obtenues uniquement par voie de négociations
patronales-syndicales ou par les mécanismes de la convention collective.
La CEQ constate qu'un grand nombre de Québécois ne jouissent
même pas du droit au travail; c'est un autre élément
important aussi, le droit de travailler, le droit au travail. La CEQ affirme
que c'est par la planification du développement économique du
Québec au service des travailleurs et par l'application d'une politique
assurant une équitable répartition des richesses que pourront
être assurées de bonnes conditions de travail et de vie à
l'ensemble de la population, en particulier, à ceux plus démunis
qui ne jouissent pas encore présentement du droit au travail.
La CEQ appelle l'indispensable prise en charge par les travailleurs de
leur propre intérêt et réaffirme la nécessité
d'organisation autonome des travailleurs québécois pour
défendre et promouvoir leurs intérêts économique,
politique et socio-culturel.
Enfin, nous formulons une trentaine de recommandations de
différents ordres et je suis à votre disposition pour en
expliciter quelques-unes.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Johnson: M. Gaulin, j'ai été frappé par
le contenu de votre mémoire. Je ne sais pas dans quelle mesure vous
l'avez amendé de façon considérable entre la
première et la deuxième version. Ce sont des choses relativement
mineures?
M. Gaulin: Oui, ce ne sont que des corrections
typographiques.
M. Johnson: C'est, je pense, fondamentalement, un mémoire
idéologique, si je peux me permettre l'expression, sans que ce soit
méprisant ou péjoratif. Je serais tenté de dire, un peu
comme le disait le député de Joliette-Montcalm, que c'est un peu
une espèce de description de contrat social, que je vois là, qui
me paraît déborder largement le cadre de l'étude de la loi
126. Il y a également un exposé qui me frappe, c'est d'abord la
pertinence ou l'intérêt que représente une recommandation
sur la question du congé de maternité. Je trouve
extrêmement intéressante comme prospective la notion de la
création d'une caisse centrale, en matière de congé de
maternité, par opposition à la solution un peu simpliste ou un
peu simple, un peu courte qui disait que c'est le congé payé
automatiquement par l'employeur. Je pense que ce type de risque peut se
partager sous la forme d'une espèce de mutuelle collective des
employeurs en termes de coût, étant donné la variation,
finalement, de la densité de la main-d'oeuvre féminine en
âge d'être enceinte.
Par ailleurs, le mémoire me semble, à certains
égards, contradictoire. D'une part, en épousant en cela les
autres centrales et en particulier la CSN, vous dites: Le pouvoir
réglementaire, quant à nous, il faut oublier cela. Il faudrait
qu'il y ait le plus de choses possibles dans la loi. A côté de
cela, vous dites: Figer dans une loi les conditions minimales, cela ne permet
pas de progresser assez rapidement. Je vois une contradiction dans le
mémoire quant à cela.
Deuxièmement, sur la question du pouvoir de représentation
par opposition à l'inspection de la Commission du salaire minimum, vous
établissez si je me souviens bien de mes lectures, quand
j'étais en rhétorique, sur les autogestionnaires
finalement un mécanisme qui semble s'inspirer de la notion
d'autogestion, c'est-à-dire la formation plus ou moins spontanée
d'un groupe en dehors du Code du travail pour les fins de représentation
des intérêts des travailleurs. Il y a un mécanisme chez
nous qui s'appelle le Code du travail, qui a d'ailleurs permis à des
mouvements syndicaux importants dans notre société de se former,
dont le vôtre. Cela implique des contraintes, cela implique de la
discipline, cela implique beaucoup de travail. C'est d'ailleurs ce qui fait que
le syndicalisme peut être vigoureux et non pas paresseux, il peut
vraiment représenter les intérêts des travailleurs. Evoquer
des solutions un peu globalisantes comme la formation, à travers
n'importe quelle unité, d'un groupe "spontaniste" pour la revendication
ne m'apparaît pas très rigoureux comme approche.
Finalement, je serais même tenté de dire que, si je regarde
l'espèce d'ensemble de contrat social que j'y vois, couplé au
droit de grief, je me demande s'il reste de la place pour des conventions
collectives. Je regarde l'ensemble de ces conditions, plus le droit de grief.
Il m'arrive souvent de visiter des entreprises, de rencontrer des
salariés, syndiqués ou pas, leurs représentants. Dans le
cas d'entreprises où il n'y a pas de salariés syndiqués,
quand je visite une entreprise dans le cadre de mes fonctions, je demande
toujours de rencontrer les travailleurs plutôt que de visiter seulement
de l'équipement. Je pose toujours la question: Avez-vous un syndicat
ici? J'obtiens trop souvent je pense que c'est un signe dans notre
société la réaction suivante: Non, nous autres, on
ne veut pas d'union ici. On peut en faire une analyse, encore une fois, qui
pourrait être un peu simple et un peu courte et dire que, dans le fond,
c'est parce que les gens sont dans un contexte de domination psychologique
totale. J'ai rencontré des salariés qui gagnent $8.50 l'heure,
qui ont douze jours de congés chômés payés par
année et trois semaines de vacances la première année et
quatre à partir de la troisième et même pas des
possibilités de participation au capital dans l'entreprise et qui ne
veulent pas voir de syndicat. J'ai aussi rencontré des travailleurs qui
vivent des conditions beaucoup moins favorables que celles-là, qui n'ont
pas de syndicat et qui n'en veulent pas. A partir du moment où une loi
consacrerait des conditions comme celles que vous décrivez,
accompagnées de l'équivalent d'un droit de grief, je me demande
quel genre de recrutement pourrait se faire dans notre société
ou, en tout cas, à partir de quel principe les mouvements syndicaux,
autrement que dans un contexte carrément d'objectifs politiques,
pourraient justifier leur présence dans notre société si
cela n'est pas la défense, si on va fixer très paternellement
dans les lois des conditions qui ressemblent plus à des conditions
idéales d'une société en devenir que des conditions
minimales.
Ce sont les questions de fond que j'ai autour du mémoire de la
CEQ. J'ai une question précise que je vous pose immédiatement et,
ensuite, je vous écouterai pour donner la parole à mes
collègues. C'est concernant la question des domestiques. Il y a, dans
l'enseignement on le sait un nombre élevé
d'enseignants dont plusieurs sont des femmes mariées qui sont
également des femmes au travail alors que leur mari, également,
est au travail à l'extérieur de la maison. Je me demande de
quelle façon vous voyez le problème des domestiques dans le cadre
où on dirait: Les domestiques sont payés au salaire minimum sans
réglementation particulière, puisque c'est une revendication,
entre autres, de la CSN. Donc, pour une période équivalant aux
périodes d'enseignement disons au primaire, 23 ou 25 heures selon
le cas; au moment où on se parle c'est peut-être 25 heures par
semaine, plus le temps de voyagement, etc. Parlons de 35 heures par semaine en
pratique au salaire minimum; qu'est-ce que cela représente pour les
femmes membres de la CEQ
comme poids? Quel genre d'attitude pensez-vous que les femmes membres
chez vous auraient face à cela? Parce que cela prendrait un drôle
de gros morceau du salaire que vous avez négocié à la
dernière convention collective.
M. Gaulin: Si vous me le permettez, si je commence par la
question.
M. Johnson: Oui. Enfin, c'est...
M. Gaulin: Pour être sûr de ne pas l'oublier. M.
Johnson: Oui.
M. Gaulin: Je crois qu'il y a du travail à faire
auprès de nos membres concernant ces questions. C'est évident
qu'on constate chez des enseignants qu'il y en a qui ont des domestiques et qui
ne les traitent pas toujours de la façon qu'on voudrait. Cependant, je
crois qu'un bon nombre d'enseignants accordent à leurs domestiques des
conditions meilleures que celles qu'on peut trouver dans d'autres milieux. (21
h 45)
J'admets que c'est loin d'être parfait; on n'a pas fait
d'enquête scientifique là-dessus pour voir le comportement des
enseignants à l'égard de leurs domestiques. On entend
différentes versions d'un côté comme de l'autre. J'admets
qu'on aurait du travail à faire pour expliquer, nous aussi, à nos
membres qu'ils doivent traiter leurs domestiques avec des égards en leur
donnant des conditions plus avantageuses. Avec les améliorations de
salaire qu'on a connues dans l'enseignement, ces conditions, je crois, se sont
améliorées aussi.
Pour revenir, vous dites que notre mémoire est
idéologique. Je l'admets, on l'admet. Tout ce que nous faisons est
idéologique, sans savoir de quelle idéologie toujours, un peu
comme ce que vous faites, je pense bien, est idéologique. Tout ce qu'on
fait relève d'une certaine idéologie. Quant aux contradictions,
je crois qu'il n'y en a pas entre le pouvoir réglementaire et la
fixation d'un certain nombre de conditions minimales. D'abord, on a dit:
Nécessité dans la loi de fixer, sur un certain nombre de sujets,
des conditions minimales; sur d'autres sujets, de fixer les règles ou
les normes à partir desquelles les conditions seraient ajustées.
Par exemple, si on dit que le salaire minimum, c'est $3.33 dans la loi, c'est
évident qu'on n'attendra pas des amendements à la loi à
chaque année pour ajuster le salaire minimum. Il y aurait moyen de
prévoir dans la loi un mécanisme, des règles ou des normes
à partir desquelles le salaire pourrait évoluer tous les trois
mois, tous les six mois ou tous les ans. D'autre part, on dit qu'on accepte le
pouvoir réglementaire à la page 6, en haut, premier
paragraphe mais celui-ci doit permettre de rehausser les
éléments et les normes et non pas de les rabaisser. On dit qu'il
ne devrait pas permettre d'exclure de la loi des catégories de
salariés ou d'employés qui sont assujettis à la loi des
conditions minimales. Nous pensons que le pouvoir réglementaire doit
continuer d'exister, qu'il pourrait y avoir une procédure plus ouverte
de préparation des règlements, de soumission de ces
règlements à une consultation. La commission parlementaire
itinérante que nous proposons serait un des mécanismes qui
permettraient de faire des discussions publiques autour de ces questions et
d'ajuster de temps à autre les éléments.
Quant au niveau des conditions versus le syndicalisme, nous
établissons clairement dans notre mémoire, je crois, à
plusieurs endroits, que notre option fondamentale, c'est la syndicalisa-tion.
C'est par la syndicalisation que les travailleurs vont arriver à se
donner des mécanismes qu'ils contrôlent et des possibilités
d'intervenir pour avoir une véritable protection et voir les conditions
s'appliquer. D'autre part, on ne peut pas faire des lois comme celle-là
et ne pas se préoccuper de la possibilité et de la
capacité d'application de ces lois. Il ne s'agit pas de dire: On fait
une loi sans s'assurer je ne sais pas à quel pourcentage
que la loi va effectivement s'appliquer et que les travailleurs qui essaient de
la faire appliquer dans leur milieu ne seront pas pénalisés. On
n'a pas vu souvent des travailleurs aller demander la permission à leur
"boss" pour fonder un syndicat et aller dire au patron: On a l'intention de
fonder un syndicat. Habituellement, le gars sort si vite qu'il n'a pas le temps
de recevoir la réponse.
Nous pensons également que l'accession à la
syndicalisation ne se fait pas avec du monde qui est maltraité et la
thèse du martyr. Plus tu es martyrisé, plus tu es
maltraité, plus tu es malheureux, plus tu es poigné, plus c'est
facile de former un syndicat. Nous pensons que c'est plutôt le contraire
et qu'à mesure qu'on découvre qu'on a des droits on a davantage
envie de les faire respecter.
L'ouverture qu'on fait, par exemple, c'est de dire qu'il y aurait moyen
de faciliter l'action collective et de ne pas toujours placer un travailleur
face à un employeur. Il y aurait des mécanismes qui viseraient
à favoriser davantage l'action collective. Vous savez comme nous les
difficultés d'obtenir un certificat d'accréditation et d'obtenir
véritablement une reconnaissance syndicale, de négocier une
première convention collective et d'être effectivement
protégés. Nous ne sommes pas dans un secteur des loisirs, dans
des institutions privées où cela prend un an et demi, deux ans
avant d'obtenir une accréditation, et un an avant de signer la
convention collective. Cela fait trois ans. Pendant cette période, quand
un syndicat est en formation, ce syndicat, à condition qu'il ne soit pas
dominé par l'employeur, pourrait faire des représentations au nom
des travailleurs, voir à faire appliquer la Loi du salaire minimum dans
ce milieu.
Le droit de grief. On touche la dimension congédiement d'une
façon particulière parce que nous pensons que cela fait partie du
droit au travail et qu'il y a des abus de différents ordres qui se
passent dans le secteur des congédiements, et que congédier ou
régler les congédiements six mois ou plus après, ce n'est
pas toujours la meilleure façon de corriger les situations.
Enfin, nous pensons à la formation aussi. Il ne s'agit pas
seulement de compter sur une batterie d'inspecteurs, si bien
intentionnés soient-ils. Les travailleurs eux-mêmes devraient
être placés en situation de connaître les dispositions de la
loi, de connaître les règlements. Pour un travailleur, pour nous
autres, c'est complexe ces lois-là quand on se met à jouer dans
les lois et les ordonnances. Le travailleur qui a à faire sa
journée, qui n'est pas spécialisé là-dedans, on
pense qu'il n'est pas toujours en mesure de s'y reconnaître et que s'il y
avait, régionalement, localement, dans les villes, à un moment
donné, des activités pour permettre d'expliquer aux travailleurs
leurs droits, cela pourrait créer aussi peut-être une envie ou un
besoin accru de se syndiquer. C'est évident que, par principe ou
autrement, il y aura toujours des groupes qui préféreront ne pas
se syndiquer. C'est que le syndicalisme n'a pas encore droit de cité
plus qu'il faut dans notre société et que c'est encore un mal
nécessaire. Lorsqu'il y aura plus de monde qui sera conscient que c'est
un bien acquis, je pense bien que ce serait plus facile dans ce contexte
d'opter pour une syndicalisation massive.
Quant à la syndicalisation, je pense qu'on aura d'autres
occasions de s'en reparler.
M. Johnson: J'allais faire une blague au sujet d'une occasion
prochaine, à laquelle vous ne participerez pas, mais je ne ferai pas la
blague.
M. Gaulin: Je considère que j'ai plus de temps ici ce soir
pour discuter qu'on va en avoir là-bas.
M. Johnson: Avant de passer la parole à mes
collègues sur la syndicalisation j'ai eu l'occasion de le dire,
peut-être n'étiez-vous pas présent cet après-midi,
j'ai eu l'occasion de le répéter sur plusieurs tribunes ce
gouvernement et le parti politique qui le forme, je pense, ont toujours
affirmé, depuis l'existence du parti auquel j'appartiens, qu'à
notre avis, la meilleure façon pour les travailleurs effectivement de se
donner des conditions de travail, c'est par la syndicalisation. Et sans tomber
dans la théorie du martyre, je suis d'accord avec vous qu'il y a quelque
chose d'un peu "jusqu'au-boutiste" et aberrant. Mais, il y a des exigences,
quant à moi, pour la syndicalisation qui vont au-delà d'un
interventionnisme comme celui que je vois dans ce mémoire où cela
m'apparaît, en tout cas, correspondre à la réalité
peut-être du syndicalisme dans le secteur de l'enseignement où
depuis 1964 à l'exception, évidemment, des groupes de
loisirs que vous mentionnez et de certaines institutions privées
où vous devez le faire via le Code du travail, dans un contexte qui
n'est pas toujours facile cela m'apparaît refléter
peut-être la facilité de la syndicalisation dans le secteur de
l'enseignement de façon générale.
La chose est faite. Cela a peut-être été long
à obtenir, mais c'est fait et les problèmes, aujourd'hui, c'est
sur la longueur de règlement des griefs et sur le contenu de la
convention collective au niveau d'une table centrale. C'est à ce niveau
que se posent les problèmes. Ce n'est pas au niveau de ce que devrait
être la vie syndicale, la formation du syndicat.
Finalement, il est très clair que le gouvernement, dans le cadre
des études qu'il fait en ce moment sur certaines dispositions du Code du
travail, se penche sur l'accréditation multipatronale depuis maintenant
plusieurs mois et que c'est une des avenues, je pense, qu'il faut explorer
effectivement. Encore une fois, je ne vois vraiment pas, en pratique, si cela
peut représenter beaucoup de choses dans le secteur dans lequel vous
oeuvrez. Je pense que non, relativement peu, à moins évidemment
que votre centrale ait des objectifs de syndicalisation en dehors du secteur
où elle n'est pas limitée, mais peut-être confinée
en ce moment par la réalité.
M. Gaulin: Nous avons doublé le nombre
d'accréditations depuis quelques années, ce sont des petites
unités de quatre, cinq, dix ou quinze. Nous faisons notre effort nous
aussi pour étendre la syndicalisation sans trop se disperser, ce qui
peut compter pour une centrale sectorielle. Mais nous avons vécu, nous
vivons des expériences et on sent que la syndicalisation, dans certains
milieux, n'est pas toujours facile. On est en mesure de voir les limites
actuelles du Code du travail. Cela nous amène à faire des
suggestions et dire qu'il y a peut-être des étapes d'une prise de
conscience auprès des travailleurs dans certains milieux, qu'ils peuvent
s'entraider, qu'ils ne sont pas toujours en concurrence les uns par rapport aux
autres. Cela arrive souvent dans les entreprises que celui qui s'agite c'est le
premier à sortir, parce que la solidarité, l'esprit
d'équipe, la conscience de groupe, cela n'existe pas facilement et notre
système d'éducation n'a pas trop prêché pour
créer ces valeurs non plus.
En tout cas, on vous invite à réfléchir. Ce ne sont
pas des solutions magiques, on ne s'avance pas avec la vérité
là-dessus, ce sont des choses auxquelles on a pensé. C'est une
approche pédagogique qui dit que progressivement, peut-être en
découvrant une certaine capacité d'agir collectif, on va se
donner le goût de fonder un syndicat et de se structurer davantage dans
un milieu.
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Jolivet): De consentement, nous
dépassons de quelques minutes 10 heures. M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Gaulin, je
tiens d'abord à vous faire part des excuses de mon collègue, Mme
le député de L'Acadie, qui a dû quitter, qui aurait
aimé avoir l'occasion d'échanger avec vous, parce que son seul
avion disponible ce soir était vers 10 heures.
M. Gaulin, je vous remercie pour votre préoccupation au projet de
loi no 126, pour votre participation à nos délibérations,
à nos travaux. Je n'aurai qu'un commentaire et de très
brèves questions parce que le temps fuit.
J'ai été particulièrement intéressé
par un des éléments ou un des arguments invoqués dans la
réponse que vous donniez à M. le ministre tout à l'heure,
lorsque celui-ci s'interrogeait sur la question des domestiques. Vous nous avez
dit je voudrais vous citer le plus fidèlement possible: Nous
regrettons que dans certains cas les enseignants qui embauchent des domestiques
leur paient des salaires qui sont dérisoires ou pas suffisamment
favorables. Mais étant donné les conditions de salaire et de
traitement des enseignants, nous croyons, nous de la CEQ, qu'il devrait y avoir
des améliorations dans ce sens, d'où une référence
très nette à la capacité de payer de l'enseignant un ou
une ou des domestiques au salaire minimum ou à un salaire qui serait
plus élevé que les conditions qui sont présentement
applicables.
Ne croyez-vous pas que la même chose s'applique dans
l'économie du Québec, dans le contexte dans lequel on vit, dans
la structure économique dans laquelle on vit? M. le ministre a
jugé je pense, à juste titre que votre
mémoire était, pour le moins qu'on puisse dire, assez
idéologique. Croyez-vous sincèrement qu'on a les moyens de payer
un programme comme celui que vous nous énoncez ce soir?
Vous savez, on a beaucoup de petites entreprises au Québec.
Imaginez la petite entreprise du Québec qui embauche une dizaine
d'employés, dans certains cas même moins; imaginez qu'elle ait
à payer ce travailleur $5.25 l'heure. Non pas, comme je le disais cet
après-midi aux gens de la CSN, qu'ils ne le mériteraient pas, non
pas que ces gens n'ont pas le droit d'avoir des conditions de travail plus
justes, plus équitables comparativement aux autres. Ce n'est pas cela le
problème, ce n'est pas là qu'est la question malheureusement.
Vous savez, la petite entreprise qui devrait payer demain matin son
employé $5.25 l'heure devrait lui donner un minimum de 4 semaines par
année de vacances, qui devrait lui permettre de prendre ses vacances
l'été, qui devrait lui donner une semaine de vacances pour le
congé de maternité ou le congé parental, qui devrait lui
permettre de prendre une dizaine de jours par année, à son bon
vouloir, pour se préoccuper davantage de la maladie des enfants, tout
cela aura des répercussions sur les produits, cela aura des
répercussions sur la concurrence; et non seulement sur la concurrence,
mais le pot de café qui se vend $5.84 dans le moment, si le gars, au
salaire minimum, paie $5.84, il gagnerait peut-être $5.25, mais il a de
bonnes chances que son pot de café lui coûte $8. Peut-être
que, pour un enseignant, un député, un avocat ou un
médecin, payer le pot de café $8 au lieu de $5.84, cela peut plus
ou moins passer, cela ne l'affecte pas trop, mais le gars au salaire minimum,
même si le gars gagne $5.25, s'il doit payer son pot de café $9,
cela va certainement l'affecter. (22 heures)
Je me dis que c'est très bien de vouloir se donner un projet de
société tout à fait juste, équitable, à
répartition, tout le monde va être riche, tout le monde va avoir
des bénéfices marginaux et des bénéfices sociaux,
mais il faudra, comme je le demandais à la CSN cet après-midi,
qu'on s'assoie tous ensemble, abstraction faite de la légitimité
de représentation que les milieux syndicaux ont à formuler, de la
légitimité d'opinion ou de prise de position que le milieu
patronal a à prendre et de la légitimité d'engagement
politique que les formations politiques ont à prendre. Il faudra
s'asseoir et voir ensemble jusqu'où on est capable d'aller dans tout
cela.
Je suis d'accord que vous comparaissiez, je suis heureux qu'on puisse
participer à un débat. C'est la première occasion que j'ai
de rencontrer les gens de la CEQ et je m'attendais que le débat porte
sur des choses, pour le moins que je puisse dire, qui auraient
été plus facilement réalisables en termes de
société. N'allez pas croire que c'est une prise de position qui
veut dire qu'on n'est pas sympathique à ces éléments;
l'idéal serait que tout le monde puisse prendre ses vacances chaque
année, que ce soit 4 semaines et que ce soit en été, qu'on
prenne des congés quand les enfants viennent au monde, qu'on prenne des
congés quand le beau-père décède et qu'il y ait des
droits de grief, etc., mais est-ce que, comme société, on est
capable de se le donner dans le moment? A moins de changer tous nos
critères sociaux.
M. Gaulin: C'est un grand débat que vous lancez là,
on pourrait en parler pendant deux ou trois heures. Je crois qu'il faut faire
une distinction importante entre la capacité de payer, qui peut
être un problème d'adaptation sur une période donnée
d'un système ou de certaines valeurs, et la volonté de payer.
Prenons l'exemple des enseignants. Je pense que vous avez un peu
déformé mes paroles. Je disais qu'à l'égard des
enseignants sans doute il y a du progrès à faire; peut-être
aussi est-ce une question de volonté, chez certains, de payer, parce que
c'est plus facile de procéder comme ça. Il y a du monde pour qui
cela s'est toujours fait comme ça. Les valeurs ou les
responsabilités sont mises ailleurs et sont assumées autrement. A
mon avis, c'est pour cela qu'on fait des conditions minimales et des lois,
c'est pour fixer un certain nombre de règles en bas desquelles cela
devient véritablement indécent. A notre avis, un travail ou un
emploi qui ne permet pas à un père de famille de vivre d'une
façon décente, c'est un travail qui n'a pas sa raison
d'être. Il y a un certain nombre de choses, il y a des revendications
là-dedans qui sont importantes, qui représentent un coût.
Si c'était demain matin qu'il fallait appliquer cela, il y aurait un
certain ajustement qui pourrait être difficile pour certaines
entreprises. Là où la syndicalisation s'est faite, par exemple,
là où on a amélioré d'une façon importante
certaines conditions de travail, on a amélioré aussi souvent les
procédés, les procédures, et les entreprises n'ont pas
fait faillite, au contraire.
Au contraire, cela donne parfois lieu à une organisation de
moderniser, de consentir la concurrence et de se lancer en avant vers la voie
du
progrès. Ce ne sont pas les entreprises qui paient le moins bien
les salariés qui sont les entreprises les plus progressistes
nécessairement. Je crois que cela fait partie du débat. Nous
notons là-dedans les revendications. Certaines ne coûteraient
rien.
La question des vacances, par exemple. Dans la mesure où on
reconnaît un droit à des vacances à un salarié, je
pense qu'on peut reconnaître que le salarié pourrait choisir sa
période de vacances à un moment donné, sauf certaines
exceptions à certains endroits. S'il ne peut pas choisir ses vacances,
qu'il y ait une période de vacances de fixée. C'est dans ce
contexte qu'on a parlé des vacances. Dans notre société,
est-ce qu'on peut accepter cela en 1978? Des vacances, c'est une belle phrase
qu'on écrit; 4% et que le gars travaille. Combien y en a-t-il de
salariés ou de travailleurs qui n'ont jamais pris de vacances ou qui
n'ont pas pris de vacances sur une période X? On essaie dans la loi
on l'admet et on le reconnaît d'améliorer ces
choses-là. Peut-être y a-t-il lieu de faire un effort
supplémentaire. Je pense que surtout il y a une question de
volonté de payer, de reconnaître certains avantages additionnels
et de faire en sorte que cela puisse s'appliquer.
M. Pagé: Merci de votre commentaire. J'aurai seulement un
dernier commentaire. C'est que nous accueillons, nous aussi, assez
favorablement votre position sur la question des congés de
maternité, à savoir que cela devrait être assumé par
la collectivité plutôt que strictement par les employeurs ou
autrement. M. Gaulin, je voudrais vous remercier.
M. Brochu: M. le Président, je ne reviendrai pas sur la
discussion qui vient de s'amorcer à la suite des propos du ministre et
du député de Portneuf, malgré qu'il y aurait là
matière à passablement de discussions et qu'un débat
passablement intéressant pourrait s'ensuivre sur toutes les questions
que vous soulevez et sur les nuances qui doivent être apportées
dans ce domaine.
Je me limiterai, cependant, à revenir sur les propositions que
vous avez faites dans le document que vous nous avez présenté
qu'à cause du temps, évidemment, vous n'avez pu lire en entier.
Il y a un sujet en particulier que vous présentez à la page 10 de
votre mémoire. En haut de la page, vous dites: "Les articles 36 et 37
devraient donc être amendés de façon que les
règlements adoptés de façon exceptionnelle au nom de
l'urgence de la situation ne s'appliquent que pour une durée
limitée et ne puissent être maintenus de façon permanente
qu'après avoir été soumis à la procédure
normale d'adoption." En ce qui me concerne, je n'ai pas trop suivi les travaux
de la commission, mais il m'apparaît que c'est la première fois,
je pense, que cette remarque est portée devant les membres de la
commission. Elle m'apparaît tout à fait pertinente puisqu'elle
apporte une certaine projection, une certaine assurance. J'aimerais que le
ministre en tienne compte dans les correctifs qui pourraient être
apportés au niveau du projet de loi et que le législateur, dans
ce sens-là, avant d'adopter son cadre législatif
définitif, en tienne compte.
Maintenant, vous parlez vous l'avez mentionné, cette
fois-ci, dans vos remarques préliminaires de la gravité du
fait que le gouvernement puisse exclure des organismes, des groupes et des
catégories d'individus de l'application de la loi. Mais vous ne semblez
pas aller plus loin dans le texte; j'ai regardé tout à l'heure.
Est-ce à dire que la CEQ suggère qu'en pratique ce pouvoir
d'exclure du gouvernement soit complètement rayé du projet de loi
126 ou si c'est une formule mitoyenne?
M. Gaulin: Nous pensons que cela devrait être par
amendement législatif qu'on devrait éliminer, si on pense que
c'est nécessaire, certaines catégories ou soustraire des groupes,
soit en totalité, soit en partie, à l'application de la loi. Je
pense qu'il y aurait un débat à faire là-dessus et qu'on
devrait permettre aux gens concernés de s'expliquer, de faire des
représentations et que cela devrait être une procédure
d'amendement à la loi. Nous trouvons un caractère important qui
affecte, dans le fond, la nature de la loi. La loi vise à fixer des
conditions minimales de travail. Donc, ce sont des conditions minimales et
elles s'appliquent. Nous ne voulons pas, dans ce contexte d'une loi qui est
vraiment le minimum minimum, qu'il puisse y avoir une autre catégorie de
gens en bas de ce minimum-là sans que cela donne lieu à des
représentations, à des débats et à une modification
législative.
M. Brochu: Je pense que vous suggérez que ce soit une
approche cas par cas, à ce moment-là, au niveau
législatif...
M. Gaulin: C'est cela.
M. Brochu: ... selon les situations particulières.
M. Gaulin: C'est cela.
M. Brochu: D'accord, merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
JoIiette-Montcalm.
M. Chevrette: M. Gaulin, quand vous avez préparé le
mémoire, j'ai interprété à sa lecture, à la
lecture surtout des recommandations, que vous présentiez quelque chose
d'idéal. Si j'avais à vous poser une question colle, je vous
dirais: Quel échéancier d'application nous suggérez-vous?
Mais je ne vous la poserai pas. Je vais vous demander si vous vous êtes
basé sur des recherches techniques ou... sur quel type
d'évaluation arrivez-vous à fixer le salaire minimum à
$5.25?
M. Gaulin: Sur les études traditionnelles qu'on fait et
c'est l'indexation qui a été reportée dans
notre mémoire commun de février 1977; il y avait une
présentation là-dessus et, à ce moment-là,
c'était de l'ordre d'environ $4, je ne me souviens pas exactement. On a
appliqué l'indexation là-dessus et ça donnait $5.25
à ce moment-ci.
M. Chevrette: Est-ce que vous vous êtes interrogés
sur l'impact, par exemple, sur les secteurs en difficulté? Vous savez
qu'il y a des usines qui ferment et Dieu sait que le Parti libéral nous
met cela sur le dos. Si les usines ferment, cela doit être parce qu'elles
ne font pas grand profit dans ce secteur en difficulté. Et, bien
souvent, ce sont des usines, en particulier dans le textile, le vêtement,
c'est l'application du salaire minimum plus $0.10 l'heure.
M. Pagé: Prime au rendement.
M. Chevrette: Quel serait l'impact, imaginez-vous, sur les
industries en difficulté présentement? Est-ce que vous vous
êtes interrogés là-dessus?
M. Agnaieff (Michel): Je pense là-dessus, M. le
député, qu'il faudrait peut-être jeter un coup d'oeil
à nos conclusions, non pas aux recommandations seulement, mais aux
conclusions où il est bien clairement dit que nous sommes heureux de
constater que le premier ministre s'est enfin décidé à
annoncer que cela prenait peut-être un peu de planification du
développement économique du Québec. Le fait que nous ayons
des installations obsolètes et qu'on pense de quelle façon nous
en sommes arrivés à avoir du matériel vétuste dans
certains secteurs de production, comme défenseurs des travailleurs, nous
pensons qu'il n'appartient pas aux travailleurs de subir ce coût. C'est
cela, la réalité concrète. Quand on traîne des
machines remontant à 1912 dans certains secteurs, malgré toutes
les subventions auxquelles on a eu droit, et que, dans d'autres cas, on a
exporté vers un autre pays les subventions obtenues d'un autre palier
gouvernemental et non pas celui-ci, je dis: II se crée des situations,
effectivement, sur le plan économique, qui sont déplorables, mais
faut-il les analyser à leur valeur propre.
Dans les coûts de production, les salaires constituent une
composante. C'est une composante importante, je le concède, mais ce
n'est qu'une seule composante. Il y a tout le coût du capital fixe. Nous
disons aussi, dans le cadre des recommandations, à la page 39, qu'il
s'agit de mettre de l'avant un plan de rattrapage social. Je pense qu'il y a
là des mesures "escalatoires", graduelles, progressives à mettre
de l'avant.
Quand vous parlez de contrat social, j'ose vous dire que le
dépôt d'un projet de loi comme le projet de loi no 126 nous
apparaît comme étant effectivement une pièce importante
dans l'élaboration d'un contrat social. Ce sur quoi peut-être nous
ne nous entendons pas, c'est sur la nature et le contenu du contrat social.
Mais le fait de s'occuper de normes minimales de travail, je pense que c'est un
pas en direction d'un contrat social et il n'y a rien de honteux
là-dedans.
M. Gaulin: Je vais terminer là-dessus: Le problème
que vous posez, c'est l'éternel problème qui se pose chaque fois
qu'il y a eu débat sur la question de l'ajustement du salaire minimum,
et chaque fois qu'on était censé l'augmenter de $0.10,
c'était un paquet d'entreprises qui allaient tomber en faillite et cela
ne se réalise pas. Nous n'avons pas fait d'étude
là-dessus; on a réagi à l'étude du professeur
Fortin qui a servi au gouvernement à éliminer l'indexation du
salaire minimum et, à notre avis, c'est une étude qui ne traite
pas du fond, de l'ensemble de la question. Il y a aussi les effets
économiques et les effets sociaux d'une indexation du salaire minimum,
du rehaussement en termes de circulation, en termes de retombées
économiques et sociales, de création d'emplois éventuels,
qui jouent également comme étant un élément
important, qui n'ont pas été étudiés et qui n'ont
pas été évalués du tout.
C'est évident que, plus on s'en tient à la politique
actuelle du salaire minimum, qui est tout à fait inacceptable pour la
CEQ, plus le rattrapage va s'imposer à un moment donné. C'est
évident que geler le salaire minimum à $3.30 ou à $3.20 ou
le remonter de $0.10 par année, par rapport à nous qui faisons
des calculs d'indexation et qui croyons que l'indexation du salaire minimum au
coût de la vie, c'est la base, c'est nécessaire, c'est essentiel
au bon fonctionnement de notre société parce que, comme cela va,
plus d'écart entre les deux va se créer, pour maintenir le
salaire minimum au niveau actuel, à notre avis, il n'y a pas eu
d'étude sérieuse faite là-dessus. (22 h 15)
M. Chevrette: M. le Président, une autre question. A mon
avis, il y a dans cela des recommandations que l'on ne retrouve à peu
près pas, en termes de contenu, même dans les contrats collectifs
existants au Québec. Exemple, le congé de paternité d'une
certaine façon. Que je sache, cela doit être minime les
conventions collectives qui au Québec ont une clause de congé de
paternité. Cela doit être très minime en termes de contrat.
Je me demande si ce n'est pas par le biais d'une loi si
l'objectif recherché n'est pas d'aller servir comme on faisait dans le
bon vieux temps. On négociait une convention dans une commission
scolaire, on allait chercher les meilleurs clauses, la meilleure convention et
on s'en allait dans l'autre. Cela n'est pas votre objectif?
M. Gaulin: Non.
M. Chevrette: Cela a donc bien changé.
M. Gaulin: On ne vient pas négocier ici. Justement, on ne
s'est pas placé en termes de négociation, d'une part, et on ne
s'est pas placé non plus comme ayant la responsabilité de faire
la loi.
M. Chevrette: D'accord.
M. Gaulin: Ce n'est pas nous qui faisons la loi. Nous vous
soumettons des revendications sur lesquelles nous vous demandons de
réfléchir et vous prendrez vos responsabilités. Si on
n'est pas d'accord avec les amendements que vous allez apporter à la loi
126, sans doute on ne se gênera pas de vous le dire. Nous pensons que
c'est là votre responsabilité. Nous pensons qu'il y a des choses
là-dedans qui peuvent paraître innovatrices,
révolutionnaires, qui peuvent paraître le fait d'une
société qui existe dans les nuages ou qui existe ailleurs. Nous
pensons qu'il faut les mettre de l'avant malgré tout cela et qu'on va
créer des habitudes autour de cela et que ce n'est pas seulement en
présentant les conditions minimales que vous autres vous avez mises de
l'avant et les "charrieurs" d'épouvantails sur les faillites et
l'incapacité de payer que vous allez être placés en
situation de voir les différentes thèses autour de cela. Nous
croyons qu'il y a d'autres groupes qui vont passer ici et qui vont vous
supplier d'en enlever parce que ce qui est mis là, c'est trop. Pour
nous, ce qui est mis là, c'est peu, pas assez.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Gaulin: Je voudrais simplement ajouter qu'il y a
peut-être des choses qu'on a intégrées dans le
présent mémoire à cause du fait qu'au niveau des tables de
négociation on nous indiquait qu'il y avait peut-être certaines
revendications qui relevaient plutôt de l'Etat que des employeurs comme
tels. C'est peut-être cela qui explique que cela n'existe pas dans nos
conventions collectives actuellement. Ainsi on profite de l'occasion pour dire
à l'Etat qu'il y a certaines politiques sociales qu'on souhaiterait voir
intégrées dans nos conventions collectives, mais que les
gouvernements antérieurs se refusaient à nous accorder. On ne
peut pas s'inspirer des conventions, on ne peut pas s'appuyer sur des acquis
dans nos conventions, autrement dit.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. Gaulin, vous avez un peu mis le doigt sur la
question quand vous revendiquez par votre rapport aussi bien que la CSN
l'a fait aussi, d'ailleurs des conditions minimales de travail qui pour
nous, en tant que gouvernement, nous apparaissent peut-être un peu
exagérées. J'ai l'impression qu'on pourrait bouleverser en
s'aventurant dans vos recommandations. En faire les nôtres d'une
façon à peu près intégrale, ce serait bouleverser
dans un court temps, peut-être un trop court, l'économie du pays,
et on n'a pas peut-être assez d'études approfondies sur cette
question.
Maintenant, on est bien conscient, comme gouvernement, aussi, que les
conditions minimales de travail existant avant la naissance de la loi 126 sont
désuètes et sont vraiment inférieures aux conditions de
vie qu'on souhaite avoir pour nos Québécois. C'est pour cela que
notre volonté de pondre ou de mettre sur pied cette fameuse loi 126 est
une prise de conscience du gouvernement de ces conditions trop minimales de
travail, celles qui existent présentement. Je pense que la loi 126,
c'est un pas en avant. Je ne vous dis pas que ce sera la société
parfaite et je pense que c'est être responsable comme gouvernement que de
ne pas s'aventurer dans des conditions minimales de travail qui seraient
à mon avis trop dans trop peu de temps. C'est un peu se conter des
histoires. Et puis, il y en a qui donnent des cours de formation pour
empêcher la formation des syndicats. Je pense qu'on vit dans une
société comme cela, et dire que les gens vont se syndiquer sur la
base de leur...
M. Johnson: A chacun ses marginaux.
M. Gaulin: ... difficulté de vivre et vont se sentir
exploités; l'exploitation se découvre à partir d'une
certaine formation ou information aussi. C'est la capacité de
découvrir que notre sort pourrait changer, et il faut créer des
conditions favorables pour cela. Les gens se syndiquent quand ils ont l'espoir
de changer les choses sans trop de risque, et des fois ils ne se syndiquent pas
parce qu'ils n'ont pas l'espoir, la capacité, les moyens, puisqu'il y a
d'autres facteurs qui influencent davantage dans leur milieu. Je crois que si
nos 31 recommandations étaient acceptées, je serais prêt
à prendre une gageure que cela faciliterait la syndicalisation.
Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.
M. Laberge (Henri): C'est justement, plus il y a de droits
fondamentaux reconnus, moins il y a de risque à se syndiquer. C'est la
première réponse. Deuxièmement, quand on prend l'habitude
d'avoir connaissance de droits et de les revendiquer, c'est là qu'on
prend le goût d'en revendiquer d'autres. Reconnaître des droits,
cela n'arrête pas le besoin de s'organiser pour les défendre, au
contraire. Troisièmement, les droits qui seraient reconnus dans une loi
comme celle-là, si on laissait cela uniquement à la machine
bureaucratique pour les faire appliquer, ils ne s'appliqueraient pas. Il va
falloir, à un moment donné, et les travailleurs vont s'en
apercevoir, que même pas pour avoir une nouvelle convention collective,
rien que pour faire respecter les droits qui leur sont reconnus par la loi, il
faut qu'ils s'organisent collectivement. Cela, ils vont s'en rendre compte de
plus en plus, surtout s'il y a de l'information qui les aide à
connaître tous les droits qu'ils ont et qui ne sont pas respectés,
parce qu'ils ne les connaissaient pas et qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se
mettre en branle pour les faire respecter. Si les travailleurs commencent
à s'organiser pour faire respecter une loi, une fois organisés,
ils vont demander d'avoir une convention collective et de faire préciser
davantage leurs conditions particulières dans leurs usines, ces droits
généraux qui ont été établis, et d'obtenir
des conditions particulières.
Je voudrais réagir aussi à une réflexion qui a
été faite par M. Chevrette tout à l'heure, le
député de Joliette à l'effet que...
M. Chevrette: Vous pouvez dire le nom, c'est entre nous autres
qu'on n'a pas le droit. Vous autres, vous avez le droit.
M. Laberge (Henri): Ce que l'on recommande ici à la loi,
c'est d'aller plus loin que ce que certaines conventions collectives apportent.
Par exemple, dans le cas des congés parentaux, je pense qu'effectivement
ce n'est pas la majorité des conventions qui prévoient ce que
nous proposons, mais il y a des précédents. Ce gouvernement-ci a
déjà voté des lois qui reconnaissaient aux travailleurs
des droits qui n'étaient pas protégés par la
majorité des conventions collectives. Je connais en particulier la loi
101 dont tout un chapitre garantit des droits qui n'étaient pas
jusque-là garantis dans les conventions collectives.
M. Chevrette: La loi 45.
M. Laberge (Henri): La loi 45. Justement, un des arguments...
M. Chevrette: L'article 97c.
M. Laberge (Henri): Oui. Un des arguments que ce gouvernement-ci
a utilisés pour cela c'est de dire, justement qu'il y a des choses qui
sont tellement fondamentales qu'il ne faut pas laisser cela à la merci
des rapports de force, mais il faut les garantir. Après cela, les
rapports de force joueront pour améliorer si possible ces choses, mais
il y a un plancher qu'il faut garantir par la loi.
M. Chevrette: Je ne veux pas vous contredire, M. Laberge, mais je
vais vous donner des exemples. Il y a eu seulement un livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail. Puis l'argumentation de
la CSN c'est que depuis que le livre blanc est sorti, il n'y a plus de
possibilité de dépasser les orientations du livre blanc, alors
qu'ils prétextent qu'avant qu'il y ait le livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail, ils pouvaient
négocier des conditions passablement plus intéressantes. Je me le
suis fait servir devant les universitaires, à l'Université de
Montréal, je me suis fait servir cela à Sherbrooke, je me suis
fait servir cela à différents endroits dans la province. Vous
m'arrivez exactement avec un argument contraire.
M. Laberge (Henri): Non, loin de contredire ce que j'ai dit, ce
que vous dites là le confirme. Cela prouve la nécessité de
ne pas établir des normes trop basses.
M. Chevrette: Non, mais la CSN me dit: Si tu fixes dans une loi
un droit pour un travailleur, nous ne pourrons plus dépasser, parce que
les employeurs vont se retrancher derrière la loi et ne voudront
absolument rien donner. Vous développez une argumentation contraire
à ce moment-ci. Là-dessus, je vous avoue que cela
prendrait un trop long débat je me le suis fait assez servir, et
je prétendais le contraire, parce que je prétends qu'une
convention collective, c'est basé sur un rapport de forces, et un
rapport de forces, c'est censé être capable d'aboutir à
quelque chose, à un moment donné. Donc je me dis que si la CSN
nous sert cet argument-là, vous ne devez pas être d'accord sur ce
point du mémoire conjoint, c'est certain.
M. Agnaieff: Les rapports de forces s'établissent entre
syndiqués et employeurs et s'établissent entre groupes de
pression et Etat. Cela fonctionne toujours ainsi. Le rapport des forces n'est
pas toujours au même endroit. Mais face au congé parental, je
pense que ce gouvernement-ci fait un effort pour décompartimenter ses
activités par la création de ministères qui se
préoccupent de l'obtention d'un revenu global. Moi, je pense qu'il y a
une jonction peut-être à faire là-dedans avec la
préoccupation nataliste que nous avons. Nous avons vécu
l'application de quelques conventions collectives où il y a eu
amélioration dans ces domaines-là. Je peux vous dire que les
résultats ont été heureux de par la multiplication des
événements heureux.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, je voudrais remercier M.
Gaulin et ses collaborateurs. Loin de nous l'idée de mettre de
côté votre mémoire dans son ensemble. Effectivement il
contient une série de recommandations dont certaines une ou deux
de nature technique, me paraissent pertinentes, d'autres qui
soulèvent des interrogations, d'autres qui recoupent des
préoccupations amenées par d'autres mouvements, et d'autres, qui,
je pense, ne relèvent pas de cette loi ou des considérations
devant cette commission. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Ajournement sine die.
Fin de la séance à 22 h 27
ANNEXE I
Tableaux et résumé des revendications de
la Confédération des syndicats nationaux
relativement au projet de loi no 126 Loi sur les
normes du travail
Référer à la version PDF page B-294
Référer à la version PDF page B-295
Référer à la version PDF page B-296
Référer à la version PDF page B-297
Référer à la version PDF page B-298
Référer à la version PDF page B-299
Référer à la version PDF page B-300
Résumé des revendications
La CSN revendique
(1) que soient rayées toutes les exclusions prévues. La
loi doit être de portée universelle, elle doit s'appliquer
à tous les travailleurs sans distinction
(2) que les droits soient prévus explicitement dans la loi et non
par règlement
(3) que le mot "légale" soit rayé de l'article 1 a) et que
la définition de l'accouchement se lise comme suit: "fin d'une grossesse
par la mise au monde d'un enfant viable ou non, naturellement ou par
provocation médicale"
(4) que l'article 1 h) soit clarifié pour que les entrepreneurs
dépendants et les travailleurs à domicile soient explicitement
protégés par la loi
(5) que l'article 11 soit révisé pour limiter la
délégation des pouvoirs de la Commission
(6) que le taux du salaire minimum, la parité provinciale et la
formule d'indexation soient prévus dans la loi, article 39
(7) que l'article 48, 2e paragraphe, sur la retenue par l'employeur de
la cotisation syndicale soit modifié en concordance avec le Code du
travail
(8) que l'article 51 soit modifié pour établir la semaine
de travail de 40 heures et la journée de travail de huit heures
(9) que l'article 59 soit modifié pour établir dix jours
fériés, chômés et payés
(10) que l'article 62 soit modifié de façon à ce
qu'un salarié qui doit travailler un jour férié puisse
être compensé en argent ou en temps, à son choix
(11) que la disposition de l'article 64 prévoyant le non-paiement
d'un jour férié s'il y a absence la veille ou le lendemain soit
annulée
(12) que la loi stipule quatre semaines de vacances payées
après un an de service, articles 67 et 68
(13) que la durée des congés sociaux prévus
à l'article 79 soit augmentée à trois jours dans le cas du
décès d'un membre de la famille immédiate
(14) que la loi prévoie un congé payé à
l'occasion du mariage du salarié, article 79
(15) que le préavis de licenciement après trois mois de
service soit de deux semaines et qu'il augmente d'une semaine par année
de service, article 81
(16) que l'uniforme rendu obligatoire par l'employeur soit à la
charge de ce dernier, article 84
(17) que la possibilité d'établir le salaire minimum au
rendement soit supprimée, article 87
(18) que le paragraphe d) de l'article 87 permettant des exceptions
concernant la semaine de travail soit supprimé
(19) que les dispositions concernant le congé de maternité
soient incluses dans la loi, que l'article 87 f) soit rayé et que
l'ordonnance sur le congé de maternité soit modifiée
(20) que soient biffées les exceptions et exclusions
prévues aux articles 86, 87 et 88 ainsi que l'article 89
(21) que la Commission doive payer les sommes dues à un
employé et par la suite réclamer à l'employeur ce qu'elle
a versé pour lui, article 111
(22) que tout travailleur, syndiqué ou non, ne puisse être
congédié sans motif valable dont la preuve incombe à
l'employeur
(23) que tout travailleur non syndiqué qui est
congédié puisse exercer un recours devant la Commission qui a le
pouvoir d'ordonner la réintégration avec pleine compensation pour
le salaire perdu
(24) que tout employeur soit tenu de verser une indemnité de
licenciement équivalent à au moins un an de salaire, aux
salariés touchés par la fermeture totale ou partielle d'une
entreprise
(25) que la loi prévoie que la Commission dédommage un
salarié de la perte de salaire et autres avantages pécuniaires
lui résultant de son contrat de travail, de la présente loi ou
d'un règlement qu'il a encourue comme conséquence de la
faillite
(26) que l'employeur, à l'embauche et chaque fois qu'il modifie
les conditions de travail, soit tenu de remettre à chaque salarié
un document décrivant les principales conditions d'emploi et de
travail
(27) que les pouvoirs de la Commission soient modifiés pour
qu'elle ait le pouvoir d'entendre les plaintes sur le non-respect par
l'employeur des conditions de travail stipulées
(28) que la loi prévoie l'égalité pour les
travailleurs à temps partiel et qu'ils aient droit à tous les
avantages au prorata du temps travaillé.
ANNEXE II
Mémoire Conseil québécois du
commerce de détail
présenté à la
commission parlementaire permanente du travail et de
la main d'oeuvre
relativement au projet de loi no 126
Loi sur les normes du travail
Monsieur le Président
Monsieur le Ministre du Travail et de la Main d'Oeuvre
Membres de la Commission Parlementaire du Travail et de la Main
d'Oeuvre
I-
Liminaire
Ce mémoire vous est présenté par le Conseil
Québécois du Commerce de Détail qui regroupe une centaine
de membres réguliers qui exploitent environ mille (1,000)
établissements au Québec et dont le volume d'affaires total
représente approximativement cinquante pour cent (50%) des ventes
annuelles du commerce de détail au Québec et plusieurs membres
affiliés. Notre organisme compte, parmi ses membres, les principaux
magasins à chaînes et à rayons et plusieurs
indépendants.
Nous croyons approprié d'exprimer le point de vue de nos membres,
relativement à certaines dispositions contenues au projet de loi No 126,
Loi sur les normes minimales de travail. Le présent mémoire n'est
pas une appréciation de tous et chacun des articles du projet, mais
seulement de certains aspects du projet de loi qui préoccupent plus
particulièrement les détaillants, considérant le secteur
d'activités dans lequel ils sont engagés, soit le commerce de
détail.
II-
Introduction
Le commerce de détail est un des secteurs d'activités
économiques important au Québec, aussi bien quant au volume de
ventes, que sur les emplois. En 1977, les ventes au détail ont
totalisé au Québec quinze milliards de dollars. Pour la
même période, le commerce de détail employait 122,500
personnes au Québec chez les employeurs ayant 20 employés et
plus.
Notre secteur d'activités est unique et est sujet à des
fluctuations importantes. Compte tenu des habitudes d'achat des consommateurs
à certaines périodes fixes de l'année, un partie du dollar
du consommateur québécois est dépensé à des
périodes fixes, soit Noël, Pâques, le solde étant
réparti sur les autres mois de l'année du calendrier. Ainsi, en
1976, janvier, février et mars comptaient respectivement pour 6.7%, 6.4%
et 7.3% des ventes de l'année, alors que avril, mai et juin
enregistraient respective-
ment 8.8%, 8.7% et 9.0% des ventes. Juillet a totalisé 8.6% des
ventes, août 7.9% et septembre 8.3%. Le dernier trimestre, en moyenne, a
compté pour 9.4%, atteignant son maximum en décembre, avec
10.9%.
Le nombre d'employés fluctue également de façon
importante au cours d'une même année pour atteindre son maximum
à la période des Fêtes.
De plus, les périodes de fin de semaine sont, en règle
générale, les plus actives et il y a, en conséquence, un
ajustement des besoins de personnel correspondant à cette période
plus active. Il en va de même des promotions qui demandent plus de
personnel certains jours de la semaine.
Sans risque de se tromper, on peut dire qu'il y a proportionnellement
plus de personnel pour les périodes plus actives de la semaine ou d'un
mois par rapport à d'autres au cours de l'année. L'inverse est
également vrai.
Ce particularisme de notre secteur d'activités nous a
obligés à développer et à compter sur des
employés réguliers et des employés à temps partiel,
qui travaillent moins que les heures de la semaine normale de travail et une
autre catégorie d'employés, les employés occasionnels. Ces
derniers sont appelés selon les besoins de l'entreprise et demeurent
libres de se rapporter au travail. Un grand nombre de cette dernière
catégorie est embauché exclusivement pour la période de
pointe et se constitue, en majorité, de personnes qui, autrement, ne
seraient pas sur le marché du travail (étudiants ou
ménagères, deuxième emploi).
De plus, contrairement à d'autres secteurs d'activités, le
commerce de détail opère, en règle générale,
six jours par semaine et, au Québec, à l'occasion de Noël,
six soirs par semaine. Les mouvements de personnel, principalement de la main
d'oeuvre occasionnelle, sont plus importants que dans d'autres secteurs
d'activités économiques.
Après avoir brièvement situé notre secteur
d'activités économiques à la lumière du projet de
loi 126, nous aimerions vous faire part de nos recommandations sur le projet de
loi à l'étude.
IllModifications proposées Article Ih: Salaire
Dans sa version actuelle, le mot "salaire" couvre toute personne
à l'emploi d'un employeur, peu importe les fonctions exercées ou
le nombre d'heures de travail.
Nous aimerions aborder, dans un premier temps, la définition du
mot "salaire" en relation avec les fonctions exercées et, par la suite,
la définition du mot "salaire" en fonction des heures de travail. a) Le
mot "salarié" en relation avec les fonctions exercées
Dans sa version actuelle, le mot "salarié" s'étend aux
cadres et aux officiers de l'entreprise, c'est-à-dire toutes les
personnes qui font partie de l'administration ou exercent des
responsabilités de gestion de l'entreprise et représentent
l'employeur dans ses relations avec les employés.
Nous estimons qu'il y aurait lieu d'exclure de cette définition
les principaux officiers de l'entreprise en s'inspirant de la
définition, à ce sujet, que l'on retrouve dans la Loi des Valeurs
Mobilières du Québec. L'article I, paragraphe 7 de cette loi
édicte ce qui suit: "Officier: Le Président ou un
vice-président du conseil d'administration, le président, un
vice-président, le secrétaire, le secrétaire-adjoint, le
trésorier, le trésorier-adjoint ou le directeur
général d'une compagnie, société ou association ou
une autre personne désignée sous le titre d'officier, en vertu
des règlements ou statuts de la compagnie, société ou
association;"
II nous apparaît important de distinguer ces deux
catégories d'employés, dont la première peut difficilement
faire l'objet de l'application de certaines dispositions de la loi, tel le
recours au fonds de faillite ou au repos obligatoire, prévu à
l'article 77.
Nous croyons également qu'il est peu réaliste que tous les
cadres de l'entreprise soient inclus dans la définition du mot
"salarié". Pour nous, un cadre se définit comme étant
l'employé qui exerce une autorité déléguée
dans l'entreprise et qui exerce des responsabilités de gestion.
L'inclusion des cadres de l'entreprise dans la définition du mot
"salarié" nous apparaît peu pratique et d'application
difficile.
Nous recommandons d'exclure de la définition du mot
"salarié" les principaux officiers de l'entreprise et les cadres de
l'entreprise. b) Le mot "salarié" en relation avec les heures de
travail
Le mot "salarié" s'étend également au
salarié, sans distiction du nombre d'heures de travail par semaine,
assujettissant ainsi à la loi l'employé occasionnel.
Certaines dispositions du projet de loi, notamment l'article 77 et
l'article 78, ne soulèvent aucune difficulté d'application.
D'autres dispositions, par contre, notamment les articles 59 et suivants, 79 et
80 et les articles 81 et suivants, ont des répercussions importantes sur
nos entreprises, eu égard au particularisme de notre secteur
d'activités et à la natture même des fonctions de
l'employé occasionnel.
De plus, le projet de loi ne contient aucune disposition permettant
d'établir des moyennes pour les congés, dans le cas des
employés à temps partiel et occasionnel.
Nous vous ferons part de nos recommandations au fur et à mesure
de la revue des articles pertinents.
Article I j: Service continu
L'expression "service continu" devrait exclure la période durant
laquelle la prestation de travail ne peut être fournie, à cause
d'une grève ou d'un lock out et ce, sans qu'il soit nécessaire de
résilier le contrat. Dans sa rédaction actuelle, l'employeur
serait tenu de fournir la prestation exigée en vertu du contrat de
travail, même en cas d'une grève ou d'un lock out, à moins
de résilier le contrat, conformément aux articles 81 et
suivants.
Article 2
Nous nous interrogeons sur la validité du paragraphe 2, de
l'article 2 du projet de loi en ce qu'il s'applique aux employés qui
seraient situés hors du Québec, alors que le domicile de
l'entreprise, ou le siège social, ou le bureau de l'employeur, se trouve
au Québec, conférant une portée extra-territoriale
à la législation québécoise.
Le salarié qui exécute un travail hors du Québec
est assujetti à la loi du lieu où il effectue ce travail et nous
ne croyons pas que le projet de loi puisse s'appliquer à ce travailleur,
même si la loi du lieu de travail n'établit pas de salaire
minimum.
Nous recommandons d'omettre le paragraphe b) de l'article 2.
Articles 4 à 38: La Commission des normes du travail
Nous aimerions aborder la question des pouvoirs de la Commission et le
financement par les employeurs.
Les pouvoirs de la Commission
Nous avons remarqué que la Commission perdait l'exercice de
nombreux pouvoirs en vertu du projet de loi en faveur du Gouvernement. Les
articles 29 et 38 attribuent à la Commission des pouvoirs de
réglementation de nature administrative, le Gouvernement se
réservant l'exercice du pouvoir réglementaire sur le fonds du
projet de loi. La Commission aura dorénavant un rôle
administratif, alors que le rôle réglementaire est confié
au gouvernement, sans que la Commission puisse, dans les textes, faire valoir
ses recommandations.
Nous croyons que ce changement fondamental n'est pas de nature à
revaloriser la Commission et qu'il y aurait lieu de modifier cette orientation,
de façon à ce que la Commission puisse pleinement jouer son
rôle. Ainsi, tous les pouvoirs, dont ceux des articles 39, 45, 51, 59,
86, 87, 88 devraient être exercés par la Commission, sujet
à l'adoption d'arrêtés en conseil par le gouvernement et au
préavis de 60 jours de publication obligatoire.
Le financement
Le projet de loi 126, contrairement à la loi du salaire minimum,
est d'application universelle et couvre toutes les normes du travail. Le projet
de loi protégera l'ensemble des travailleurs et est d'inspiration
sociale, permettant à l'Etat d'assurer un minimum aux citoyens dans leur
milieu de travail. Le service d'inspection veillera à assurer le respect
de ces normes et à protéger les travailleurs.
Nous croyons que, à l'instar de la situation dans les provinces
canadiennes, le financement de la Commission des Normes du Travail devrait
provenir du budget de l'Etat.
Article 29 d:
Ce paragraphe permettra d'imposer aux employeurs un système
d'enregistrement du temps, soit l'heure de travail commencé, interrompu,
repris et achevé.
Dans nos entreprises, ces systèmes ont été
développés, permettant de connaître les heures de travail
du personnel et des céduies de travail et d'heures flexibles ont
été élaborées, en fonction des besoins de nos
employés et de nos entreprises. Ces systèmes n'indiquent pas
nécessairement l'heure où le travail a été
interrompu ou repris (exemple, pause-café).
Dans nos entreprises, tous les employés ont droit à leur
période de repos et à une période pour le repas. Les
heures auxquelles ces droits sont exercés ne sont pas
nécessairement inscrites dans un registre. Un relevé de
présence est tenu et chaque superviseur voit à ce que les heures
travaillées soient enregistrées.
Nous formulons le souhait que la future Commission propose des
règlements qui tiennent compte de la situation dans les entreprises et
des pratiques suivies pour éviter des retours au poinçon ou
à d'autres systèmes qui ne se sont pas avérés aptes
à rencontrer les objectifs d'une bonne gestion des ressources
humaines.
Article 29 e:
Ce paragraphe soulève deux objections; la première se
rapporte à la confidentialité de la relation
employeur-employé et la deuxième, à la pertinence de
produire le rapport qui serait requis, en vertu d'un règlement à
venir.
La Charte des Droits et Libertés de la Personne consacre le droit
à la vie privée pour chaque citoyen et nous estimons que les
informations relatives à son emploi ou à son emploi du temps font
partie du droit de l'employé comme citoyen, à sa vie
privée. Le caractère confidentiel de cette relation
employeur-employé est fortement ancré dans nos entreprises, quant
aux salaires versés à nos employés, qu'ils soient cadres
ou autres. Chaque entreprise se fait un devoir de traiter confidentiellement
toute information relative à un employé. La législation
fiscale québécoise, à titre d'exemple, traite
confidentiellement toute information contenue dans le rapport d'impôt et
prévoit des peines sévères pour toute personne ou
employé de l'Etat qui ne respecterait pas cette exigence. Bien qu'il
puisse y avoir des exceptions, ce principe s'applique et nous estimons qu'il
devrait être respecté dans la législation proposée.
Notre deuxième objection se rapporte à la pertinence des rapports
qui seraient requis. Au nombre d'employeurs que compte le Québec, la
future Commission aura besoin de tout son personnel actuel et même
davantage, pour prendre connaissance des rapports qui seront produits. Si on
exige des rapports, nous estimons que c'est pour en prendre connaissance, les
analyser et en tirer quelque utilité qui, à première vue,
ne nous apparaît pas évidente.
Si la Commission exige la production de rapports pour déceler la
commission d'une infraction, advenant qu'une plainte soit logée, nous
estimons que la Commission peut s'inspirer d'autres méthodes plus
efficaces que celles d'exiger la production de rapports. La méthode
retenue nous apparaît contraire à une bonne gestion et il serait
plus indiqué que la Commission obtienne des informations pertinentes
auprès de chaque entreprise, d'autant plus qu'un droit peut être
imposé sur condamnation d'un intimé, en vertu du projet de
loi.
La Charte de la langue française exige la production, par les
entreprises, en fonction du nombre d'employés, d'un rapport qualitatif,
donnant un profil général de l'entreprise et nous estimons qu'il
y aurait lieu de s'inspirer de ce précédent au lieu et place des
exigences du paragraphe e) de l'article 29.
Nous recommandons de modifier le paragraphe e) de l'article 29, pour
exiger de tout employeur professionnel la production d'un rapport annuel
qualitatif, donnant un profil général de l'entreprise, quant
à son nombre d'employés, les heures de travail effectuées
à temps normal ou à temps supplémentaire et les salaires
payés.
Il y aurait lieu de préciser, sous réserve de notre
recommandation sous les articles 4 à 38, que le droit
prélevé, en vertu du paragraphe h) de l'article 29, soit
limité à la masse salariale correspondant au salaire minimum, qui
sera déterminé de temps à autre, en vertu du projet de
loi. Nous estimons qu'il s'agit d'une recommandation bien légitime,
puisque le projet de loi est d'application universelle à tous les
employés, à quelques exceptions près et il nous
apparaît que les sommes qui doivent être versées par des
employeurs soient en fonction des objectifs poursuivis par la
législation. Autrement, il en résulterait une situation où
l'entreprise serait appelée à subventionner des employeurs ou des
catégories d'employeurs qui ne respecteraient ni l'esprit ni la lettre
du projet de loi.
Nous recommandons que le paragraphe h) soit modifié de
façon à assujettir le prélèvement au montant des
salaires payés correspondant au salaire minimum en vigueur.
Il faut aussi noter que le paragraphe h) accorde à la Commission
le maximum du salaire assujetti à ce prélèvement et le
minimum des salaires payés par l'employeur pour qu'il soit assujetti
à ce prélèvement. La Commission peut, par un autre
règlement, fixer le prélèvement sans que les employeurs
n'aient aucun pouvoir de représentation au sein de la Commission. Or, il
est admis, en droit parlementaire, qu'aucune taxe ne peut être
levée sans qu'une représentation ne soit accordée; c'est
l'application du "no taxation without representation". Le projet de loi vise
à établir des normes de travail pour tous les employés,
quel que soit leur secteur d'activités et, pour ce faire, le projet de
loi prévoit que les employeurs défraieront les coûts de
cette mesure. Contrairement à certains régimes d'assurance, comme
la Commission des accidents du travail qui, sur la base d'une assurance,
imposent une prime aux employeurs, la future Commission des normes du travail
exercera les mêmes prérogatives, sans pour autant offrir un
service aux employeurs, soit les personnes qui seront appelées à
défrayer le fonctionnement de la future commission. Il nous
apparaîtrait plus logique que, comme dans les autres provinces
canadiennes, le budget nécessaire à l'accomplissement des
fonctions de la future Commission des normes du travail provienne du budget de
l'Etat, puisque la législation est d'application universelle et est, en
fait, une mesure sociale pour tous les travailleurs.
Nous ne mettons pas en cause l'objectif poursuivi par la
législation; cependant, dans ces circonstances, il nous
apparaîtrait normal que le financement de la future Commission des normes
du travail provienne du budget de l'Etat et non pas des employeurs.
Article 29, dernier paragraphe
L'article 29 contient un certain nombre d'exceptions au
prélèvement et nous croyons, sous réserve de nos
commentaires à l'article 29 h), que ces employeurs devraient
également faire l'objet d'un prélèvement de la même
façon que tous les employeurs au Québec.
Le projet de loi attache un coût à la qualité
d'employeur et rien ne justifie, à notre avis, qu'on exempte des
employeurs de la contribution financière.
Nous recommandons que le prélèvement soit exigible de tous
les employeurs.
Nous aimerions soulever le problème posé en vertu de la
loi des décrets de convention collective (S.R. 1964, chapitre 143) et le
projet de loi sur les normes minimales du travail.
Plusieurs des dispositions de la loi des décrets de convention
collective sont similaires au projet de loi sur les normes du travail, alors
que d'autres sont différentes. L'entreprise peut difficilement s'y
retrouver, compte tenu de la diversité des décrets et leurs
exigences respectives, et le projet de loi 126 risque de compliquer davantage
cette situation. Il y aurait sans doute lieu de songer à analyser le
fonctionnement de cette loi et à poser le problème de la Loi des
décrets de convention collective à la lumière de la Loi
des normes du travail, afin d'assurer une coordination de tous ces agents de
réglementation.
Articles 36 et 37
Nous constatons avec satisfaction que l'article 32 impose la publication
d'un avis de 60 jours avant l'entrée en vigueur d'un projet de
règlement, pour permettre aux intéressés de formuler leurs
objections et recommandations.
Cependant, les articles 36 et 37 anéantissent complètement
la portée de l'article 32, en permettant des exceptions qui, à
toutes fins pratiques, rendront inopérante l'application de l'article
32, soit la publication obligatoire.
Dans les circonstances, la Commission des normes du travail et le
gouvernement peuvent passer outre à la publication obligatoire et
appliquer ce règlement de la même façon que s'il avait
été publié.
Nous recommandons que les articles 36 et 37 soient retirés du
projet de loi.
Article 42
Dans notre secteur d'activités, les cadres sont
généralement payés à intervalles réguliers,
mais plus longs que 16 jours. A titre d'exemple, il est fréquent que les
cadres, principalement, soient payés au mois; cet article du projet
imposerait des coûts additionnels qui ne nous semblent pas
justifiés dans les circonstances.
Nous recommandons que les cadres ne soient pas assujettis à
l'article 40.
Article 43
L'article 43 impose une obligation qui n'est pas nécessairement
appliquée à toutes nos entreprises pour des raisons de
régie interne propre à l'entreprise. Le cas de l'enveloppe
scellée est un exemple où plusieurs de nos membres, qui emploient
beaucoup de salariés, remettent le chèque de paie au
salarié sous enveloppe par l'intermédiaire d'un cadre.
Cette disposition augmentera les coûts pour l'entreprise et nous
ne sommes pas convaincus du bien fondé de cette exigence.
Nous recommandons d'omettre l'expression "sous enveloppe scellée"
à l'article 43.
Article 45
A toutes fins pratiques, ces dispositions requièrent des
informations qui, à notre avis, ne sont pas essentielles et n'ont pas
nécessairement leur place sur un bulletin de paie; de nombreuses
modifications devront être apportées inutilement au bulletin de
paie et sans bénéfice pour les employés.
Paragraphe c
L'emploi occupé par le salarié apparaît dans son
dossier d'emploi lorsqu'il a postulé la demande ou a été
embauché. De plus, chaque promotion fait l'objet d'une rencontre avec
l'employé ou d'une lettre à cet effet et l'employé est en
tout temps conscient, ou connaît l'emploi qu'il occupe. Cette disposition
ne nous apparaît pas nécessaire.
Paragraphe f
L'indication de la majoration applicable pour les heures
supplémentaires ne nous apparaît pas nécessaire, puisque la
loi indique les obligations de l'employeur à cet effet. De plus, ces
renseigne-
merits sont disponibles en tout temps, au bureau du personnel de
l'entreprise et sont connus du principal intéressé, soit
l'employé lui-même.
La "clause grand-père" apparaissant au dernier alinéa de
l'article 45 devrait, à notre avis, être éliminée,
à moins d'assujettir le règlement qui serait adopté en
vertu de cet alinéa au préavis de publication prévu
à l'article 32 du projet de loi.
Article 59
Contrairement à l'article 32 du projet de loi, les
règlements qui seront adoptés en vertu de l'article 59 ne seront
pas assujettis à un avis obligatoire de publication de 60 jours.
Nous recommandons que tous les règlements qui seront
adoptés en vertu du projet de loi 126, incluant ceux qui seront
adoptés en vertu de l'article 59, fassent l'objet d'une publication
obligatoire, conformément à l'article 32 du projet de loi.
Article 64
Le commerce de détail réalise une partie importante de son
chiffre d'affaires à l'occasion de Noël et, en conséquence,
les effectifs en personnel augmentent considérablement. La main-d'oeuvre
additionnelle est constituée d'occasionnels qui ne sont employés
que durant une courte période. L'obligation de payer les
indemnités de congé à ces personnes est très
onéreuse pour nos entreprises.
Nous recommandons que le projet de loi comprenne les conditions
d'éligibilité suivantes, pour donner ouverture aux congés
fériés, chômés et payés,
édictés à l'article 59 du projet de loi: a). trois mois
d'emploi avant la date du congé b). au moins dix jours de travail durant
les trente jours précédant le congé (une journée de
travail n'est pas nécessairement une journée complète) c).
les employés ont travaillé dans la semaine
précédant le congé et sont inscrits à l'horaire
pour travailler dans la semaine suivant le congé.
Notre recommandation aura pour effet d'assujettir aux congés
fériés, chômés et payés, les employés
réguliers et à temps partiel de nos entreprises, mais
écartera les personnes qui ont été embauchées pour
une courte période, soit pour faire face à l'achalandage
additionnel enregistré principalement durant les mois de novembre et de
décembre de chaque année.
Dans le cas des employés à temps partiel ou occasionnels,
aucune disposition du projet de loi ne nous permet d'établir des
moyennes d'heures de travail par rapport à la semaine normale des
employés réguliers pour déterminer l'étendue du
congé et nous estimons que ce serait une lacune importante à
corriger.
Il ne nous semble pas acceptable que l'employé à temps
partiel ou l'employé occasionnel puisse avoir droit à la
même durée de congé que l'employé
régulier.
Nous recommandons que le projet de loi permette d'établir une
moyenne des heures de travail au cours des trois mois précédant
le congé pour déterminer la durée des congés
chômés et payés, à l'exception des congés
pour lesquels le salarié est inscrit à l'horaire de travail,
auquel cas il aura droit, en vertu de l'article 60, à la durée
complète du congé.
Article 70
Sous cet article du projet, il y aurait peut-être lieu de
prévoir que le congé qui ne dépasse pas une semaine ne
puisse être fractionné à moins d'entente contraire entre le
salarié et l'employeur.
Article 78
L'article 78 est un autre exemple où il n'y a pas vraiment
d'application et où on n'a pas fait la preuve de la
nécessité d'appliquer cette disposition aux cadres de nos
entreprises. En ce qui concerne les employés réguliers et les
employés occasionnels, l'article 78 ne pose pas de
difficultés.
Nous recommandons que les cadres de l'entreprise ne soient pas
assujettis à l'application de l'article 78.
Article 79
Nous estimons qu'il y aurait lieu d'exclure les occasionnels de
l'application de l'article 79, car rien n'assure que, premièrement, ces
salariés auraient été inscrits à l'horaire dans la
journée du décès et, deuxièmement, auraient
travaillé la journée entière.
Dans la mesure où l'employé occasionnel est inscrit
à l'horaire pour travailler une journée donnant ouverture
à l'application de l'article 79, il y aurait lieu de lui accorder son
congé; mais dans la mesure où
il n'est pas au travail et n'est pas non plus inscrit à l'horaire
pour cette journée, il ne devrait pas être éligible au
congé prévu à l'article 79.
Article 80
Nous aimerions de nouveau reprendre, sous cet article, les
recommandations que nous faisions sous l'article 79 concernant les
employés occasionnels. Dans la mesure où l'employé est
inscrit à l'horaire pour travailler à cette occasion, il devrait
être éligible au congé; si l'événement se
produit à une date où le salarié n'est pas inscrit
à l'horaire pour travailler, il devrait prendre ce congé à
même ses journées libres et non pas les appliquer à
l'horaire de travail.
De plus, l'article 80 devrait prévoir la nécessité,
pour le salarié, de donner à l'employeur un avis raisonnable de
la date à laquelle le salarié exercera ou se prévaudra de
son congé.
Article 81
L'article 81 du projet de loi ne pose aucune difficulté
d'application pour les employés réguliers. Cependant, dans le cas
des employés occasionnels, la situation est autre.
Nous estimons que l'employé occasionnel qui travaille moins
d'heures que l'employé régulier devrait bénéficier
d'un avis au prorata de la moyenne hebdomadaire des heures travaillées
au cours des trois mois précédant la fin de l'emploi. Dans les
cas où une indemnité est versée pour tenir lieu de l'avis,
l'indemnité devrait être calculée à partir du
même critère.
Article 82
Nous estimons que l'article 82 du projet de loi est restrictif et qu'il
y aurait lieu de substituer l'expression "faute grave du salarié" par
l'expression "renvoi pour cause".
Plusieurs motifs de renvoi pourraient être
interprétés comme n'étant pas couverts par l'article 82,
tel l'incompétence, l'insubordination et rupture des conditions de
travail. Nous convenons que notre recommandation aura pour effet
d'élargir l'éventail des motifs de renvoi. Nous soumettons, dans
ce cas, que le salarié est toujours en mesure de contester la
décision de l'employeur par les recours appropriés.
Nous recommandons que l'expression "faute grave du salarié" soit
remplacée par l'expression "renvoi pour cause".
Article 90
Nous aimerions, sous cet article, reprendre les commentaires que nous
avons formulés en vertu des articles 36 et 37 du projet de loi. Encore
une fois, l'article 32 rendu applicable par l'article 90 du projet de loi,
deviendra complètement inopérant, considérant les
dispositions des articles 36 et 37 de la loi.
Nous recommandons d'éliminer de l'article 90 toute
référence aux articles 36 et 37 de la loi et de retirer ces deux
articles du projet de loi. De plus, tous les règlements adoptés
en vertu de la loi devraient être assujettis à la publication d'un
avis, conformément à l'article 32 du projet de loi.
Article 93
Nous recommandons d'omettre du projet de loi l'article 93 qui impose
à l'employeur professionnel une responsabilité vis-à-vis
un sous-entrepreneur ou un sous-traitant, pour les obligations
pécuniaires fixées par la présente loi ou les
règlements.
Articles 123, 124 et 125
Bien que nous soyons, en principe, favorables à ce que tout
salarié ne subisse pas de perte de salaire à la suite de la
faillite d'un employeur, nous estimons que toute intervention dans ce domaine
ne relève pas d'une loi sur les normes du travail, mais bien de la
législation dans ce domaine.
La législation sur les faillites prévoit des
mécanismes de remboursement préférentiel pour le salaire
des employés. Il y aurait peut-être lieu d'exiger que les salaires
soient payés avant que d'autres créanciers, comme la Couronne par
exemple, n'exercent leur priorité.
Le tout respectueusement soumis
Le Conseil Québécois du Commerce de Détail Le 26
février 1979.
ANNEXE III
Mémoire de la Centrale de l'enseignement du
Québec
sur le projet de loi no 126 portant sur les conditions
minimales de travail
Introduction
La Centrale de l'enseignement du Québec est une des principales
composantes du mouvement syndical québécois. A ce titre, elle
détient, avec les autres centrales syndicales, une responsabilité
conjointe quant à la défense des intérêts de
l'ensemble des travailleurs du Québec. Cette responsabilité, qui
dépasse largement le cadre de la négociation et de l'application
des conventions collectives, s'exerce notamment par les interventions publiques
des organismes syndicaux en regard des politiques gouvernementales qui touchent
les intérêts économiques, politiques et culturels des
travailleurs.
Dans leur mémoire commun présenté au gouvernement
du Québec en février 1977, la C.S.N. et la C.E.Q. faisaient
déjà des recommandations quant au contenu d'un éventuel
projet de loi sur les conditions minimales de travail. Les demandes qui y
étaient alors formulées étaient considérées
comme urgentes. Un grand nombre d'entre elles ne faisaient que reprendre des
revendications répétées du mouvement syndical depuis des
années. C'est donc dire que le caractère d'urgence de ces
revendications existe toujours.
Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises dans les
années passées de critiquer l'insuffisance chronique des normes
minimales de travail édictées par la Commission du salaire
minimum ou occasionnellement par certains textes de lois (notamment le chapitre
51 des Lois du Québec: Lois sur la formation et la qualification
professionnelle de la main-d'oeuvre). Nous avons dénoncé entre
autres choses la forte détérioration relative du salaire minimum
par rapport au salaire moyen et même la détérioration
absolue du pouvoir d'achat réel représenté par ce salaire
minimum. Nous avons dénoncé l'absence de droits reconnus et
garantis pour les travailleuses enceintes et pour les mères
travailleuses quant à leur emploi et aux avantages reliés
à leur emploi, aussi bien que la non-reconnaissance des droits parentaux
au sein des conditions minimales de travail. Nous avons dénoncé
le manque de protection des travailleuses en cas de congédiement
individuel aussi bien qu'en cas de licenciement collectif. Nous avons
dénoncé les abus que permettent toujours les lois et les
règlements en vigueur quant aux heures de travail d'affilée
imposées aux travailleurs. Nous avons dénoncé
l'insignifiance des garanties en matière de congés (congés
sociaux, congés parentaux, congés annuels). Nous avons
dénoncé l'incapacité de la Commission du salaire minimum
à faire respecter ses propres normes à l'égard des
travailleurs non syndiqués. Nous avons dénoncé les
obstacles à la syndicalisation qui demeurent presque insurmontables pour
les travailleurs temporaires ou à temps partiel et pour ceux qui
appartiennent à des unités de travail très
réduites.
Ces prises de position sont toujours d'actualité. Le projet de
loi sur les normes de travail devrait normalement répondre à ces
diverses attentes maintes fois formulées. Nous regrettons qu'il ait tant
tardé à paraître, mais nous continuons à être
d'accord sur le principe d'une législation visant à garantir pour
l'ensemble des travailleurs québécois des conditions de travail
de base en-dessous desquelles il sera désormais interdit à
quiconque de descendre. Ceci ne veut pas dire pour autant que nous sommes
satisfaits des normes de travail proposées par le projet de loi 126.
Disons tout de suite, pour éviter tout malentendu à ce
sujet, que nous jugeons les normes proposées nettement insuffisantes
d'une part et que, d'autre part, nous n'avons pas l'intention de laisser
enfermer ou encadrer dans un texte de loi les besoins et les aspirations des
travailleurs. Qu'il soit bien clair que les revendications que nous allons
véhiculer par le présent mémoire ne constitueront qu'une
partie du minimum auquel devrait avoir droit tout travailleur salarié
dans le Québec de 1979. Mais nous n'accepterions jamais de laisser geler
les revendications des travailleurs en fonction d'un tel minimum.
L'adoption du présent projet de loi ne rendra donc pas moins
utile ni moins nécessaire l'organisation syndicale des travailleurs, qui
leur permet de pousser plus loin leurs revendications. Celles-ci demeurent
légitimes. La syndicalisation massive des travailleurs
québécois demeure un objectif prioritaire.
La nécessité et l'urgence de la législation
proposée sont à resituer dans le contexte de la
société capitaliste, qui engendre l'inégalité
sociale, mais qui serait prête à accepter des mesures correctives
partielles pour atténuer cette inquiétude si de telles mesures
pouvaient contribuer à calmer les travailleurs et à diluer leur
potentiel de lutte.
Or, dans notre société, les richesses sont produites par
les travailleurs qui ne reçoivent sous forme de salaire qu'une petite
partie de la richesse qu'ils ont créée. La lutte fondamentale des
travailleurs ne peut donc pas se situer au niveau d'un minimum dit
décent, mais vise ultimement la récupération de ce qui
leur est dû, compte tenu de leur contribution à l'enrichissement
collectif.
Bref, les travailleurs québécois ne demandent pas la
charité; ils luttent pour la justice, ils revendiquent ce qui leur est
dû.
Si le gouvernement actuel veut vraiment contribuer à la promotion
des véritables intérêts des travailleurs, il
résistera d'abord aux pressions et au chantage des milieux patronaux
pour qu'il retire son
projet de loi ou pour qu'il modifie à la baisse son contenu, il
verra ensuite à l'améliorer substantiellement dans le sens des
revendications des travailleurs, mais il prendra aussi les mesures
nécessaires pour assurer à tous les Québécois le
droit au travail, il fera sauter les obstacles juridiques à la
syndicalisation des travailleurs et favorisera positivement cette
syndicalisation.
Bien que s'imposant de toute urgence dans la conjoncture
politico-économique actuelle, le projet de loi 126, même
amendé dans le sens de nos revendications, demeurera une
mesure-cataplasme pour remédier partiellement à certains
problèmes criants de la société capitaliste. Nous n'allons
pas nier les améliorations certaines qu'apporte le projet de loi aux
normes actuellement en vigueur, mais nous allons souligner fortement son
insuffisance par rapport aux objectifs qu'il est censé poursuivre. Ce
qui ne saurait indiquer que nous puissions nous satisfaire de la
réalisation de tels objectifs.
Dans notre analyse critique du projet de loi 126, nous allons d'abord
considérer le principe d'inclure dans le texte de la loi les principales
normes minimales de travail et de protéger le minimum fixé par la
loi contre l'arbitraire administratif. Nous allons ensuite considérer
les normes proposées en elles-mêmes. Enfin, nous aborderons le
problème de la mise en application des dispositions de la loi.
Le texte législatif et le pouvoir
réglementaire
La Loi du salaire minimum, que vise à remplacer le projet de loi
126, ne détermine pas directement les normes de travail, pas même
les conditions salariales. Elle a pour contenu essentiel la création
d'une Commission du salaire minimum ayant le pouvoir d'édicter des
ordonnances et la mise en place de mécanismes pour assurer l'application
et l'observation desdites ordonnances. En somme, c'est essentiellement une loi
de délégation du pouvoir législatif à
l'administration.
Le projet de loi 126, bien que laissant toujours une place
considérable à la réglementation administrative, inclut
dans le texte législatif lui-même la définition et la
descrption des principales normes de travail qu'il a pour objet de
protéger.
C'est là sans doute, à première vue, l'aspect
positif le plus important de ce projet de loi. Il faut saluer comme un
progrès tout ce qui va dans le sens de rétablir la
suprématie de la loi par rapport aux décisions
administratives.
La C.E.Q. a, en diverses occasions, manifesté son
inquiétude devant la tendance du législateur à produire de
plus en plus des lois qui sont avant tout des extensions de pouvoirs
accordées à des organismes administratifs et qui remettent
à ces organismes le soin de définir les normes qu'ils auront la
responsabilité de faire appliquer.
Sans doute est-il nécessaire de prévoir un pouvoir
réglementaire pour préciser la façon de mettre en
application les dispositions diverses de la loi. Mais, il nous apparaît
important que ce soit la loi elle-même qui édicte les
règles de droit générales et les principes sur lesquels
doivent être appuyés les règlements prévus par la
loi. Il nous semble inacceptable que le législateur abdique de sa
responsabilité essentielle au profit du pouvoir exécutif et des
organismes administratifs.
Dans un texte de loi portant sur des normes minimales, il est sans doute
nécessaire de laisser au pouvoir réglementaire la
possibilité de hausser certaines normes pour répondre de mieux en
mieux aux besoins des travailleurs en tenant compte de l'évolution de la
conjoncture. Mais si l'objectif de la loi est précisément
d'assurer et de garantir un minimum, celui-ci doit être
protégé contre l'arbitraire administratif et la loi doit donc
interdire toute dérogation par voie réglementaire à ses
intentions fondamentales.
Le projet de loi 126 ramène donc dans le texte même de la
loi la grande majorité des normes minimales de travail contenues dans
les ordonnances édictées par la Commission du salaire minimum en
vertu des pouvoirs que lui conféraient les articles 13 et 14 de la Loi
du salaire minimum. Il crée aussi quelques normes nouvelles notamment en
ce qui regarde les jours fériés, chômés et
payés ainsi que les congés annuels payés.
Ayant constaté un certain progrès à ce niveau, nous
sommes obligés de noter aussitôt que le projet de loi laisse
encore au pouvoir réglementaire une possibilité trop grande de
réduire la portée des normes contenues dans la loi et
d'infléchir les objectifs fondamentaux de la loi.
La technique de la législation déléguée est
utilisée dans plusieurs articles et, très souvent, d'une
manière pas très heureuse. Nous en donnerons quelques
exemples.
D'abord, le salaire minimum est fixé par règlement et
aucune balise n'est donnée au pouvoir réglementaire pour
l'établir. La semaine normale de travail aux fins du calcul des heures
supplémentaires est de 44 heures, sauf dans les cas où elle est
fixée par règlement du gouvernement. Le texte ne précise
aucune limite au pouvoir du gouvernement d'exclure des groupes de cette norme
minimale et il ne dit pas non plus si ce pouvoir réglementaire doit
s'exercer quand il y a lieu de renforcir la norme ou quand le gouvernement
jugera utile de la remplacer par une norme à rabais. Pour ce qui est des
jours fériés, chômés et payés, le projet de
loi n'en détermine que deux (1er janvier et 25 décembre), les
autres pouvant être fixés par règlement. Le projet de loi
est muet en ce qui concerne la détermination des normes de travail
portant sur les primes, indemnités et allocations diverses, de
même que sur les outils, les douches, les vestiaires et les lieux de
repos, tout aussi bien que sur le salaire minimum, le bulletin de paie, le
montant pouvant être exigé pour la chambre et la pension, les
congés de maternité, etc., si ce n'est pour édicter qu'en
ces matières le gouvernement est autorisé à faire des
règlements.
Nous sommes particulièrement déçus de ce que le
projet de loi ne prescrive absolument rien quant aux congés de
maternité et aux congés parentaux. Nous avons déjà
critiqué le contenu (ou l'insuffisance de contenu) de l'ordonnance sur
les congés de maternité. A notre avis, non seulement faudrait-il
accorder beaucoup plus en ce domaine, mais le minimum acceptable devrait
être garanti par le texte même de la loi, quitte à ce que,
là comme ailleurs, le gouvernement soit autorisé à
améliorer progressivement ce minimum.
Ce qui est très grave encore, à notre avis, c'est le vaste
pouvoir de réglementation accordé au gouvernement par les
articles 86 et 88 qui l'autorisent à exclure de l'application totale ou
partielle de la loi certains organismes ou certaines catégories de
salariés. Le gouvernement peut également fixer par
règlements des normes de travail particulières pour les
salariés qu'il aura exclus de l'application de la norme
générale et ces normes exceptionnelles ne seront
elles-mêmes soumises à aucun minimum garanti par la loi.
D'autre part, le gouvernement n'a pas prévu qu'il était
lui-même lié par la loi qu'il fera adopter et que ses propres
salariés seront donc couverts par les conditions minimales de travail
qu'elle définit. En effet, conformément à la Loi
d'interprétation, la loi ne lie le gouvernement que dans la mesure
où elle affirme explicitement le lier.
Or, le gouvernement et les organismes qui dépendent de lui sont
les plus gros employeurs au Québec. Il est donc important pour assurer
l'efficacité et l'étanchéité de la loi de dire
explicitement qu'elle liera le gouvernement et couvrira tous ses
employés ainsi que les employés des organismes publics et
parapublics.
La loi détermine donc des normes minimales théoriques,
mais laisse au gouvernement toute discrétion d'exclure de leur
application des organismes et des catégories de salariés. Ce qui
nous amène à nuancer fortement le jugement préliminaire
porté plus haut sur cet aspect positif du projet de loi qui
ramène dans le texte législatif des dispositions laissées
précédemment à la réglementation.
Nous sommes obligés de constater que ce que le gouvernement
semble restituer d'une main au pouvoir législatif, il s'empresse de le
reprendre largement de l'autre main.
Sans doute le fait que le gouvernement devra assumer l'odieux des
dérogations qu'il a le pouvoir d'accorder constitue-t-il une certaine
protection contre la prolifération de telles dérogations. Mais
nous savons trop le désir du gouvernement québécois de
s'attirer les bonnes grâces des milieux patronaux pour nous sentir
vraiment rassurés à ce sujet. Et même si nous pouvions
faire aveuglément confiance au gouvernement actuel en cette
matière, nous devrions nous rappeler et lui rappeler que les
gouvernements ne sont pas éternels.
Tout ce que nous aurons à dire de positif à propos du
projet de loi devra être aussitôt et systématiquement
nuancé par les considérations qui précèdent.
Notre premier objectif par rapport au projet de loi sera donc de limiter
le pouvoir réglementaire et de l'encadrer de telle sorte qu'il ne puisse
infléchir les objectifs fondamentaux de la loi ou en réduire la
portée. Les règlements devront servir à préciser
les modalités de mise en application de la loi ou à permettre
l'amélioration de certaines normes minimales, non à exclure des
organismes, des groupes ou des catégories d'individus de l'application
de la loi.
D'ailleurs, le projet de loi soustrait directement à
l'application de certaines de ses dispositions certaines catégories de
salariés. Voir notamment les articles 53 à 76 avec lesquels nous
sommes d'ailleurs en désaccord. Si le législateur juge que
d'autres catégories de travailleurs ou les mêmes catégories
pour d'autres dispositions doivent être ainsi soustraites de
l'application partielle de la loi, qu'il ait le courage et la clairvoyance de
le dire lui-même au lieu de s'en remettre aveuglément à
l'Exécutif pour le faire. Nous serons alors plus en mesure de juger de
la qualité du texte législatif en tenant compte de ses effets
appréhendés. Nous combattrons de telles exclusions, mais nous
saurons au moins à quoi nous en tenir. S'il croit que certains
organismes doivent être dispensés de l'application totale ou
partielle de la loi, qu'il détermine au moins, de façon nettement
limitative, les conditions et les circonstances dans lesquelles le gouvernement
pourra être autorisé à accorder de telles dispenses. A
notre avis, les articles 86 et 88 devraient être supprimés et les
articles 87, 89 et 90 être réécris pour permettre à
l'ensemble du projet de loi de jouer le rôle positif que nous voulons lui
reconnaître de consolider dans un texte législatif fondamental les
droits des travailleurs à des conditions minimales de travail.
S'il est vrai qu'il est nécessaire de maintenir un pouvoir
réglementaire pour les fins exposées plus haut, celui-ci doit
s'exercer au grand jour, permettre la libre expression des
intéressés sur le contenu des règlements et respecter le
droit du public à l'information. Les articles 36 et 37 devraient donc
être amendés de façon à ce que les règlements
adoptés de façon exceptionnelle au nom de l'urgence de la
situation ne s'appliquent que pour une durée limitée et ne
puissent être maintenus de façon permanente qu'après avoir
été soumis à la procédure normale d'adoption.
Si on acceptait de limiter et d'encadrer le pouvoir réglementaire
dans le sens indiqué plus haut, nous pourrions alors reconnaître
que, de façon générale, les normes de travail que veut
établir le projet de loi no 126 constitueront, pour la majorité
des salariés, une amélioration par rapport aux nonnes
déjà prévues par les ordonnances. Ce qui ne nous
empêchera pas toutefois de souligner leur caractère nettement
insuffisant dans la conjoncture socio-économique présente.
Les conditions minimales de travail
A ne considérer que le titre du projet de loi no 126 par
comparaison avec celui de la Loi qu'il doit remplacer, on serait facilement
sous l'impression qu'on va élargir considérablement le champ des
préoccupations du législateur quant aux conditions minimales de
travail. Cet élargissement semblerait s'imposer du fait qu'il est de
plus en plus impossible de séparer les conditions salariales des autres
conditions de travail. Même dans une optique minimaliste, il ne suffit
plus de garantir au travailleur un salaire décent lui permettant de
surnager au-dessus du seuil de la pauvreté et de faire vivre sa famille,
il faut aussi lui accorder des conditions respectant ses droits à la
santé physique et psychique, au repos, au divertissement, à des
activités culturelles de son choix, à une vie de famille et
à un libre engagement social, ainsi qu'à un minimum de
sécurité pour l'avenir.
Même s'il apporte effectivement des améliorations certaines
aux conditions minimales actuellement en vigueur, le projet de loi est encore
très loin d'assurer le minimum visé au paragraphe
précédent et de protéger efficacement tous les droits
fondamentaux des travailleurs face à leurs employeurs. D'ailleurs, il ne
faut pas se laisser trop éblouir par le titre du projet de loi, car les
normes du travail qu'il prescrit tombent presque entièrement dans les
secteurs de préoccupation déjà couverts par les diverses
ordonnances de la Commission du salaire minimun. La durée du travail,
les congés et les périodes de repos étaient
déjà couverts sous l'empire de la loi actuelle. Le projet de loi,
dans ces domaines précis, propose des améliorations aux
conditions minimales en vigueur, mais n'élargit pas le champ des
préoccupations. Quant aux conditions concernant la santé au
travail, elles feront l'objet d'une législation distincte. Voyons donc
de plus près les diverses conditions minimales proposées.
A) Le salaire
La section I du chapitre IV du projet de loi (articles 39 à 50)
reprend essentiellement le contenu des ordonnances concernant le salaire.
On note ici et là certaines améliorations. Mentionnons,
entre autres, l'inclusion faite par l'article 49, dans la notion de pourboire,
des frais de service ajoutés à la note du client et par
conséquent l'obligation d'en remettre le montant au salarié.
Mentionnons aussi qu'en vertu de l'article 48 (à comparer avec l'article
9 de l'ordonnance no 4) les retenues de salaire permises par la loi
comprendront désormais celles qui sont imposées par une
convention collective ou un décret et celles qui sont autorisées
par un écrit du salarié. De plus, l'interdiction de faire des
retenues de salaire, sauf dans les cas mentionnés dans la loi,
protégera désormais l'ensemble du salaire et non plus seulement
le salaire minimum comme c'est présentement le cas en vertu de
l'ordonnance no 4 (article 9). Mentionnons encore que, en vertu des articles 46
et 47, nul ne peut exiger d'un salarié, lors du paiement de son salaire,
d'autre formalité de signature que celle qui établit que la somme
remise au salarié correspond au montant du salaire net indiqué
sur le bulletin de paie et il sera désormais clair que l'acceptation par
un salarié d'un bulletin de paie n'emporte pas renonciation (en tout ou
en partie) au salaire qui lui est dû. Mentionnons enfin le principe
énoncé à l'article 40 et qui a pour effet d'empêcher
que le salaire minimum ne puisse être remplacé en tout ou en
partie par des avantages ayant une valeur pécuniaire.
La grande faiblesse de la section du projet de loi portant sur le
salaire, c'est son silence total quant aux critères devant guider la
fixation du salaire minimum.
On pourrait prétendre que le salaire minimum peut difficilement
être fixé directement dans le texte de la loi dans la mesure
où la loi doit garder un certain caractère de permanence et si on
admet par ailleurs la nécessité d'ajuster
régulièrement le salaire minimum pour tenir compte des
fluctuations du pouvoir d'achat réel d'une même valeur nominale.
Mais une des raisons d'être d'une législation sur le salaire
minimum n'est-elle pas précisément de protéger les
salariés et notamment les plus démunis d'entre eux contre une
détérioration abusive de leurs salaires réels.
Il ne faut pas raisonner vis-à-vis le salaire minimum comme s'il
n'avait pour objectif que de garantir une valeur symbolique,
c'est-à-dire un chiffre, indépendamment de ce qu'il
représente en pouvoir d'achat réel. Ce qui nous amène
à dire que la loi doit faire en sorte que le pouvoir d'achat
représenté par le salaire minimum fixé à un moment
donné doit au minimum être intégralement maintenu au sein
même de la notion de salaire minimum.
Un gouvernement qui ne ferait qu'ajuster le salaire minimum à
l'indice du coût de la vie n'a pas à se vanter d'élever le
salaire minimum. Il ne fait alors que le maintenir en valeur absolue. Et s'il
n'accorde même pas un tel ajustement, il le laisse baisser en valeur
réelle.
A notre avis, la réduction du salaire minimum réel par
décision du gouvernement ou par incurie du gouvernement doit être
interdite par la loi.
Si on a cru bon de dire à l'article 91 que les normes du travail
contenues dans la loi et les règlements sont d'ordre public, c'est sans
doute que lesdites normes de travail sont considérées comme un
minimum que l'on ne peut violer sans porter atteinte aux valeurs morales qui
fondent l'ordre public, tel que nous l'entendons dans la société
actuelle. Est-ce à dire que l'ordre public ne tient plus lorsque ces
normes minimales sont violées? Est-ce à dire que l'ordre public
ne peut pas s'accommoder de normes inférieures à
celles-là? Et comment donc la loi qui édicte de telles normes et
leur attribue un caractère aussi fondamental pourrait-elle permettre et
autoriser leur dégradation par voie réglementaire et compromettre
ainsi l'ordre public lui-même?
Si la notion d'ordre public a encore une signification, il nous semble
que celui-ci exige à tout le moins qu'on ne laisse pas
détériorer le salaire minimum en valeur réelle. Ce serait
avoir une conception bien étriquée de l'ordre public que de ne le
faire tenir qu'à une valeur nominale.
Nous ne raisonnons ici qu'à partir des valeurs qui fondent
officiellement l'ordre social présent. Nous savons que cet ordre social
s'accommode de bien des hypocrisies; on nous permettra de les souligner
à l'occasion. C'est à partir également des valeurs
officiellement acceptées que le programme du Parti
québécois adopté en novembre 1974 prévoyait un taux
de salaire minimum de $3.00 à cette date, indexé à la
hausse du coût de la vie et à la productivité nationale. Si
le gouvernement actuel avait appliqué cet article de programme, le
salaire minimum aurait été fixé à $3.80 et non
à $3.00 le 1er janvier 1977. Il y avait donc dès le point de
départ une dérogation importante à l'esprit du programme
de 1974. Mais maintenant, le gouvernement a décidé de
déroger ouvertement à la lettre même du programme politique
sur lequel il a été élu en 1976, en abandonnant le
principe de l'indexation du salaire minimum.
L'obligation d'indexer régulièrement les salaires doit
être incluse dans le texte même de la loi.
Or, la simple indexation au coût de la vie protégerait le
pouvoir d'achat en valeur absolue des travailleurs payés au niveau du
salaire minimum, mais n'empêcherait pas nécessairement une
dégradation de leur situation économique relative par rapport aux
autres travailleurs du Québec.
On pourrait proposer que le salaire minimum soit
régulièrement indexé selon l'évolution du salaire
moyen. Mais la simple indexation au salaire moyen empêcherait sans doute
que ne s'accroissent indûment les écarts entre les salaires, mais
ne protégerait pas nécessairement le pouvoir d'achat en valeur
absolue représenté par le salaire minimum. Présentement,
par exemple, on observe que le salaire moyen augmente moins vite que l'indice
du coût de la vie. Ce qui se traduit par une perte de pouvoir d'achat
pour l'ensemble des travailleurs.
C'est pourquoi nous proposons de modifier l'article 39 du projet de loi
de façon à ce que le gouvernement ait l'obligation de fixer tous
les trois mois le salaire minimum de telle sorte qu'il ne puisse jamais
être inférieur à celui de la période
précédente ni en pouvoir d'achat réel, ni en valeur
relative par rapport au salaire moyen en évolution.
Pour ce qui est du taux minimum de départ, on pourrait l'inscrire
directement dans la loi, soit le fixer par règlement avant l'adoption du
projet de loi. A condition, bien sûr, que le mécanisme visé
à l'alinéa précédant soit retenu et rendu
obligatoire par la loi.
Nous avons déjà dit dans notre mémoire de
février 1977 que le taux minimum devrait être fixé à
$4.44 l'heure en date du premier (1er) novembre 1976. Indexé selon
l'évolution du salaire moyen depuis cette date, ce taux minimum devrait
être maintenant de $5.23. Indexé selon la progression de l'indice
du coût de la vie, il devrait être de $5.25. C'est ce dernier
montant que nous demandons au gouvernement d'appliquer aujourd'hui.
B) La durée du travail
Dans la section II du chapitre IV (articles 51 à 58), on reprend
aussi, pour l'essentiel, les dispositions concernant la durée du travail
que l'on retrouve dans les diverses ordonnances.
On remarque tout d'abord que la semaine "normale" de travail aux fins de
calcul des heures supplémentaires a été diminuée de
45 heures à 44 heures. Ce qui équivaut à 5 1/2 jours
à raison de 8 heures par jour. On pourra prendre acte de ce gain d'une
heure par semaine, mais nous pensons que ce n'est pas suffisant. En 1979, il
devrait être acquis que la semaine "normale" de travail est de 40 heures,
c'est-à-dire de huit (8) heures par jour en moyenne pour une semaine de
cinq (5) jours. D'autre part, nous regrettons que la semaine "normale" de
travail ne soit définie que pour le calcul des heures
supplémentaires. Nous croyons que le travailleur devrait avoir le droit
de refuser du travail au-delà du nombre d'heures définissant la
semaine "normale" de travail. (La semaine normale au sens du projet de loi,
c'est la semaine des conditions minimales de travail; même ramenée
à 40 heures, elle demeure au-delà de la norme
généralement observée chez l'ensemble des travailleurs
québécois et canadiens).
Dans un pays où sévit un tel taux de chômage, les
deux mesures que nous suggérons se justifient amplement dans le cadre
même des objectifs que poursuit le présent gouvernement. Il est
possible aujourd'hui, sans réduire la production des biens et des
services, d'accorder à tous les travailleurs une meilleure
reconnaissance de leurs droits au repos, au divertissement, au loisir, à
la culture et à la vie de famille. La reconnaissance effective de ces
droits passe aujourd'hui par la réduction de la semaine normale de
travail et par la possibilité pour le travailleur de refuser de
travailler au-delà de cette semaine normale.
On peut, même en respectant la semaine de 40 heures, abuser de la
santé et de la résistance physique ou psychique du travailleur
par une trop forte concentration de ses heures de travail. Celle-ci peut, en
certains cas, constituer un risque sérieux pour la
sécurité du travailleur ou du public (pensons notamment au cas
des chauffeurs).
Nous recommandons qu'en plus de la semaine "normale" de travail, on
définisse aussi la journée "normale" de travail. Celle-ci devrait
être de huit (8) heures au-delà desquelles le travailleur aurait
droit de refuser de travailler et serait rémunéré, le cas
échéant, au tarif du temps supplémentaire. Pour
éviter des abus notamment dans le cas des travailleurs de nuit (dont la
période de travail continu peut chevaucher deux journées), il
faudrait préciser que les mêmes dispositions s'appliquent au
travail d'affilée de plus de huit (8) heures.
C) Les jours fériés, chômés
et payés
La section III du chapitre IV (articles 59 à 64) donne un statut
particulier au 1er janvier et au 25 décembre en tant que jours
fériés. Ces deux jours étaient déjà reconnus
comme jours fériés en vertu du paragraphe 14 de l'article 17 du
Code civil. Etaient également reconnus comme jours fériés,
en vertu du même paragraphe: les dimanches, le vendredi saint, le lundi
de Pâques, le 24 juin (ou le 25 juin, si le 24 tombe un dimanche), le 1er
juillet (ou le 2 juillet, si le 1er tombe un dimanche), le premier lundi de
septembre, l'anniversaire du Souverain et tout autre jour fixé par
proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil comme jour de fête
publique ou d'action de grâces. Par l'article 55, ces jours
fériés sont assimilés à des jours de travail aux
fins du calcul des heures supplémentaires. A moins que nous ne
comprenions mal la portée de cette disposition, cela semble vouloir dire
que les heures de travail effectuées un jour férié (sauf
Noël, le Jour de l'An et la Saint-Jean), sont tout simplement
ajoutées aux heures faites les autres jours de la semaine jusqu'à
concurrence de 44 heures et que ce n'est qu'au-delà de ces 44 heures que
le travailleur est rémunéré au tarif du temps
supplémentaire. Si tel est le cas, l'article 55 vide totalement la
notion de jour férié de son sens propre. En somme, le Code civil
énumère les jours fériés et la Loi sur les normes
de travail nous dira que ces jours ne sont fériés que de nom, car
ils sont assimilés à des jours de travail.
C'est avec cette toile de fond qu'il faut interpréter les
articles 59 à 64. La vraie portée de cette section, c'est qu'il
n'y aura plus désormais que trois jours fériés,
chômés et payés au cours de l'année; le 24 juin
l'est en vertu de la Loi sur la fête nationale. Nous ne comprenons pas
pourquoi, dans une optique de consolidation, on n'a pas cru bon de le
mentionner à l'article 59.
Nous croyons que, conformément à la norme
généralement observée chez l'ensemble des travailleurs, on
devrait consacrer dans la loi le droit, en plus des dimanches, à une
dizaine de jours fériés, chômés et payés, par
année, non assimilables à des jours de travail, et ouvrant droit
au refus de travailler un de ces jours et à une
rémunération au tarif du temps supplémentaire. Certains de
ces jours fériés devraient être déterminés
dans la loi (la Loi sur les normes de travail devrait concorder avec le Code
civil). D'autres pourraient être déterminés soit dans les
conventions collectives pour les travailleurs qu'elles régissent, soit
par règlements pour les autres travailleurs.
Dans le cas des jours fériés hebdomadaires (les dimanches,
selon le Code civil), tout travailleur devrait avoir, à tout le moins,
le droit de refuser de travailler à la fois le samedi et le dimanche au
cours d'une même fin de semaine et recevoir une
rémunération supplémentaire s'il doit travailler à
la fois le samedi et le dimanche.
Quant à la liste des jours fériés
déterminés dans la loi (Code civil), nous croyons qu'on devrait y
ajouter le 29 février et le premier (1er) mai, Fête des
travailleurs.
Que le 29 février soit un jour férié,
chômé et payé constituerait une simple mesure de justice.
Car présentement les travailleurs font durant les années
bissextiles une journée de travail supplémentaire et ils
continuent à être payés au même salaire annuel que si
l'année n'était pas bissextile. Ce qui fait que le salaire
hebdomadaire est moins élevé durant une année bissextile
que durant une année normale. Voilà donc présentement une
journée de travail donnée gratuitement au patron par le
travailleur. Nous demandons que cette journée soit restituée au
travailleur.
D) Les congés annuels payés
La section IV du chapitre IV porte sur les congés annuels
payés, dont traitait déjà l'Ordonnance no 3. On confirme
le droit à deux semaines de congé payé après une
année de service continu. Le projet de loi clarifie les modalités
de prise de vacances et interdit clairement à l'employeur de remplacer
les vacances par une indemnité compensatrice.
Toutefois, on n'a pas introduit le droit au congé annuel pour les
travailleurs qui changent d'emploi en cours d'année. Pour ceux-ci,
l'interdiction visée à l'article 72 ne s'applique pas, car ils
reçoivent une indemnité compensatrice au moins égale
à 4% du salaire gagné. Nous croyons que le travailleur devrait
avoir toujours le droit à son congé annuel pris à
même les indemnités qui lui ont été payées
à cette fin par ses employeurs successifs ou à ses frais s'il le
désire.
Pour rendre effective cette disposition, une période de
congé annuel devrait être déterminée par la loi, en
y laissant une certaine flexibilité pour tenir compte des besoins
particuliers. Ainsi, nous suggérons qu'au moins deux semaines du
congé annuel se prennent normalement entre le 24 juin et le premier
lundi de septembre, à moins qu'une convention collective ou un
décret en tenant lieu n'en dispose autrement, ou à moins que le
salarié ne soit laissé totalement libre de les prendre à
un moment de son choix.
L'amélioration la plus importante apportée par le projet
de loi dans cette section par rapport à la situation présente,
c'est le droit à une troisième semaine de congé annuel
après 10 ans de service continu chez le même employeur. Nous
reconnaissons qu'il s'agit d'une amélioration, mais nous trouvons que
c'est vraiment trop peu.
Nous pensons qu'il serait temps de reconnaître le droit pour tous
les salariés à quatre semaines de congé annuel payé
et le droit à une cinquième semaine après 5 ans de service
continu chez le même employeur. Il serait possible dès maintenant
de reconnaître ces droits sans réduire la production des biens et
des services au pays, étant donné le taux de chômage
élevé que nous subissons.
Les indemnités de 4% et de 6% prévues à l'article
73 doivent être augmentées respectivement à 8 1/3% et
à 10 2/3%.
E)
Les repos et les congés
divers
La section V du chapitre IV porte sur un aspect des conditions de
travail que les législations antérieures ont
négligé ou laissé se détériorer: celui des
repos et congés divers. On part de tellement loin en ce domaine que l'on
ne peut pas se contenter des améliorations proposées, lesquelles
peuvent sembler importantes par rapport à ce qui existe
déjà en droit, mais apparaître en même temps
mesquines si on les met en relation avec les besoins et les aspirations des
travailleurs.
L'article 77 n'apporte rien de neuf. Il reprend textuellement l'article
8 de l'Ordonnance no 4. Il garantit le droit à un repos hebdomadaire
d'une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives. Ceci
est nettement insuffisant, même dans l'optique d'assurer une
journée de repos hebdomadaire.
Si, par exemple, le repos hebdomadaire est fixé au dimanche, le
droit à un repos de vingt-quatre heures consécutives signifie
qu'un travailleur pourrait cesser de travailler à minuit le samedi soir
et être requis de reprendre le collier à minuit le dimanche soir.
Ce n'est pas là un repos hebdomadaire.
Le repos hebdomadaire ne doit pas avoir pour seul objectif de donner au
travailleur le temps de récupérer ses forces physiques avant de
reprendre une autre semaine de travail. Il doit lui donner la
possibilité de vivre avec sa famille ou d'accomplir des activités
de son choix. En conséquence, on ne doit pas le placer dans la situation
d'avoir à prendre deux nuits de sommeil à même ces
vingt-quatre (24) heures.
Nous favorisons la semaine de travail de 40 heures, c'est-à-dire
de 5 jours à 8 heures par jour parce que nous croyons que le travailleur
a besoin de deux jours de repos par semaine. Dans cette perspective, si nous
voulions protéger le droit à deux jours consécutifs de
repos hebdomadaire, celui-ci devrait être de 64 heures
consécutives (48 heures et 2 fois 8 heures). Nous admettons toutefois
que l'on puisse, en certains cas, répartir en deux périodes ce
repos hebdomadaire. Mais alors, il faut au moins garantir pour chacune de ces
périodes une journée complète normale, c'est-à-dire
une journée précédée d'une soirée et d'une
nuit normales et suivie d'une autre nuit normale.
C'est pourquoi nous réclamons un repos hebdomadaire qui, s'il est
pris en une seule période, devrait être d'une durée
minimale de 64 heures consécutives et, s'il est pris en deux
périodes discontinues, devrait comporter deux fois 40 heures
consécutives. Ce ne serait là qu'une mesure de protection
élémentaire du repos hebdomadaire contre la voracité ou
l'inconscience de certains employeurs.
L'article 78 propose une timide amélioration à la
situation présente. Désormais le salarié aura droit, pour
chaque période de travail de cinq heures consécutives, à
une période rémunérée de 30 minutes ou à une
période non rémunérée de 60 minutes pour le
repas.
Il vaut mieux sans doute assurer trente minutes pour le repas que de ne
rien assurer du tout. C'est pourtant encore nettement insuffisant. Nous ne
voyons vraiment pas pourquoi on veut ainsi permettre à l'employeur de
pénaliser le travailleur qui prendrait 60 minutes pour son repas. Et
pourquoi ne dit-on pas clairement que le travailleur a droit de prendre 60
minutes? Si la période de travail est de huit heures
consécutives, il nous apparaîtrait comme de la décence
élémentaire de lui reconnaître et garantir le droit
à une période de 90 minutes pour le repas dont au moins 60
minutes rémunérées.
A l'occasion du décès ou des funérailles d'un de
ses parents, le travailleur devrait avoir droit à cinq (5) jours
d'absence dont au moins trois (3) sans perte ou diminution de salaire.
Nous trouvons étrange qu'à l'article 80, on ait
prévu que le salarié puisse s'absenter le jour du mariage d'un de
ses enfants, mais qu'il n'ait pas la même possibilité le jour de
son propre mariage.
Nous reviendrons plus loin sur la question des congés parentaux,
touchés de façon très partielle par l'article 80. Nous
regrettons que l'on n'ait pas songé à couvrir enfin le
problème des absences pour raison de maladie au sein des conditions
minimales de travail. Des dispositions à cet effet sont prévues
dans toutes les conventions collectives. Elles devraient inspirer une
disposition minimale applicable à tous les travailleurs.
F)
Le préavis et le certificat de
travail
Les articles 81 à 83 apportent d'autres modifications importantes
aux conditions minimales de travail en consacrant le droit au préavis ou
à une indemnité compensatrice en cas de licenciement ainsi
qu'à un certificat faisant état exclusivement de la nature et de
la durée de son emploi.
A l'article 81, nous ne comprenons pas pourquoi on exclut du droit au
préavis les salariés qui ont un contrat pour une entreprise
déterminée. Cette exclusion pour le moins étrange risque
bien d'enlever toute sa portée à une disposition tout à
fait élémentaire.
Il faut aller au-delà de la notion de préavis retenue dans
le projet de loi. Il est temps d'établir au grand jour qu'on ne peut pas
congédier un travailleur pour n'importe quel motif. Au moins trois lois,
à notre connaissance, mentionnent des motifs de congédiements qui
rendent illicites lesdits congédiements. Il s'agit du Code du travail,
qui interdit les congédiements pour activité syndicale, de la
Charte de la langue française, qui interdit les congédiements
pour la seule raison que le travailleur ne parle que
français et du présent projet de loi qui interdit les
congédiements pour quatre motifs énumérés à
l'article 114. Les trois lois citées prévoient en principe qu'il
appartient à l'employeur de démontrer qu'il n'a pas
congédié son employé pour cette raison. Il y a cependant
des échappatoires et malheureusement les travailleurs ne sont pas
toujours informés de leurs droits dans les circonstances.
Nous proposons donc que la loi impose à l'employeur l'obligation
de donner au Commissaire-enquêteur un préavis dans tous les cas de
congédiement et d'indiquer dans ce préavis le motif du
congédiement. L'employé serait informé en même temps
que le Commissaire-enquêteur de son éventuel congédiement
et des motifs invoqués. Le congédiement ne pourrait être
effectif qu'après que le Commissaire-enquêteur aurait jugé
qu'il n'est pas fait pour des motifs interdits par la loi.
Nous pensons aussi que le délai de préavis minimum devrait
être augmenté d'une semaine par année de service.
Ceci n'aurait tout simplement pour effet que de rendre efficaces des
dispositions législatives existantes par rapport aux objectifs qu'elles
sont censées poursuivre. Mais il faudrait aller beaucoup plus loin pour
enlever à l'employeur son pouvoir discrétionnaire quasi absolu de
mettre fin à la relation de travail sans avoir à exprimer un
motif valable.
Dans le cas des licenciements collectifs, il faudrait prévoir des
indemnités de licenciement non inférieures à un an de
salaire et qui devraient être allongées selon l'âge du
travailleur et ses années de service. Le gouvernement du Québec
n'innoverait pas alors, puisque des législations de cette nature
existent en plusieurs autres pays, notamment en France, en Belgique, en
Grande-Bretagne et en Suède.
A l'article 82, nous ne voyons pas la nécessité de
mentionner comme exception à l'obligation de verser l'indemnité
compensatrice les cas d'insolvabilité de l'employeur ou de force
majeure. La mention du cas d'insolvabilité comme exception pourrait
permettre à l'employeur de se déclarer insolvable après
avoir payé ses autres dettes et se libérer ainsi de toute
obligation vis-à-vis ses salariés congédiés. Nous
croyons que la dette contractée à l'égard de ses
salariés doit au contraire être prise en considération de
façon prioritaire.
Nous souhaitons que l'on amende toutes les lois nécessaires pour
garantir ce droit prioritaire au salaire, le droit pour le salarié
à être considéré comme le premier créancier
dans tous les cas de liquidation ou de faillite.
G) Les congés parentaux et les autres normes de
travail
Comme nous l'avons déjà dit plus haut, nous regrettons que
les autres normes de travail ne trouvent pas leur définition dans le
texte même de la loi. Elles sont renvoyées à la
réglementation gouvernementale.
Parmi celles-ci, il y a celle qui concerne les congés de
maternité. Elle est présentement couverte par l'Ordonnance no 17.
Il faut ajouter, en ce qui concerne les congés parentaux, les deux jours
sans salaire prévus à l'article 80 à l'occasion de la
naissance ou de l'adoption d'un enfant. C'est très maigre.
Le droit à la maternité sans risque de discrimination au
niveau de l'emploi ou des avantages reliés à l'emploi doit
être formellement garanti par la loi. Le début de reconnaissance
de ce droit à l'article 114 est insuffisant. La non-discrimination
à l'embauche, à l'endroit non seulement des femmes enceintes mais
également des femmes en état de devenir enceintes, doit notamment
être couverte de façon très claire.
A ce droit général, il faut ajouter le droit au
congé de maternité garanti directement par le texte de la loi. Ce
congé doit être accordé avec plein salaire et sans perte de
droits ou d'avantages pour une durée minimale de vingt semaines dans la
période entourant la date prévue pour la naissance.
En plus de ce congé minimum à l'occasion d'une
maternité, la mère doit avoir le droit de prolonger son absence
au travail en utilisant un congé parental non
rémunéré, mais sans rupture du lien d'emploi et sans perte
d'aucun droit ou avantage relié à l'emploi. Ce congé
parental consécutif à la naissance d'un enfant et pouvant
s'étendre jusqu'à vingt-quatre (24) mois devrait être
garanti comme un droit à la mère travailleuse.
Il faudrait prévoir que si la mère ne s'en prévaut
pas, le père puisse, à la demande de la mère, s'en
prévaloir aux mêmes conditions.
Le droit au congé parental sans salaire de vingt-quatre (24) mois
devrait exister aussi et aux mêmes conditions dans le cas d'une adoption,
pour la période consécutive à l'adoption.
Parmi les objectifs à atteindre en ce domaine, il y a d'abord
celui d'assurer à la travailleuse qui met au monde un enfant que la
société ne la pénalisera pas pour avoir accompli cette
fonction sociale et qu'elle aura droit d'être mère sans perdre les
avantages reliés à son emploi. Il y a ensuite celui de
reconnaître la participation du père à la vie de sa famille
et le droit pour celui-ci de s'y consacrer, le cas échéant, d'une
façon intensive si tel est le choix du couple parental.
Il faut aussi permettre aux parents qui ont déjà des
enfants de continuer à assumer normalement leurs rôles parentaux,
notamment à l'occasion de maladies des enfants ou à l'occasion
d'événements particulièrement importants dans la vie des
enfants. C'est pourquoi nous demandons qu'on reconnaisse aux parents
travailleurs le droit à une dizaine de jours par année de
congés parentaux payés pour leur permettre d'assumer normalement
leurs rôles parentaux.
Nous sommes conscients que ces objectifs ne peuvent pas être
atteints uniquement par les mécanismes prévus dans le
présent projet de loi et en faisant porter notamment sur l'employeur de
la travailleuse concernée le fardeau financier du congé de
maternité. Car alors, le risque serait que l'on développe une
forme cachée de discrimination à l'embauche contre les femmes en
état d'avoir des enfants. C'est pourquoi il faudra songé à
créer une Caisse québécoise des congés de
maternité et des congés parentaux administrée par l'Etat,
à laquelle devraient contribuer tous les employeurs au prorata des
salaires payés et indépendamment du sexe de leurs
employés.
Application et efficacité de la loi
Nous avons souligné les graves insuffisances du projet de loi
actuel au niveau de la définition des normes minimales de travail,
c'est-à-dire qrant aux droits reconnus aux travailleurs par le texte du
projet de loi. Nous reconnaissons toutefois que, par rapport à la
situation actuelle, le projet de loi no 126 apporte des améliorations
certaines.
Reste à voir si cette loi pourra être efficacement
appliquée. Les mécanismes de contrôle et les recours
prévus aux chapitres II, III et V s'inspirent essentiellement de la
même philosophie que la présente Loi du salaire minimum.
La Commission des normes du travail remplace la Commission du salaire
minimum et elle aura pour fonction de surveiller la mise en oeuvre et
l'application des normes du travail. Le rôle de conciliation
attribué à la Commission du salaire minimum est mis de
côté; mais ce service est actuellement donné par le
ministère du Travail.
Ce qui nous inquiète davantage en ce qui concerne le rôle
attribué à la commission et ses moyens d'intervention, c'est le
fait qu'on ne lui reconnaît pas le pouvoir de faire appliquer l'ensemble
des dispositions de la loi concernant les conditions minimales de travail.
Par exemple, à l'article 97, on ne permet à la commission
d'intervenir que pour réclamer la partie du salaire dû
correspondant au salaire minimum. Pourquoi cette restriction et pourquoi placer
le travailleur dans la situation d'avoir à utiliser un second recours
pour récupérer le reste de son salaire? Il semble cependant y
avoir contradiction ici avec les articles 110 et 111.
De plus, la commission n'a pas le devoir d'agir, elle en a seulement le
pouvoir. Le salarié qui serait insatisfait de la façon dont la
commission assume ses fonctions semble bien ne disposer d'aucun recours contre
elle. Tout ce qu'il est en droit de requérir de la commission, c'est que
son identité ne soit pas dévoilée pendant l'enquête
consécutive à une plainte qu'il aurait formulée.
Les délais de prescription des actions civiles intentées
en vertu de la loi sont souvent beaucoup trop courts. Bien des travailleurs ne
sont pas informés de leurs droits ou peuvent en être
informés trop tard. D'autres, par timidité ou par crainte de
représailles, pourront tarder à faire valoir leurs droits.
En plus de prolonger les délais de prescription, il faudrait
prévoir qu'à l'occasion d'un recours justifié
utilisé dans les délais prescrits, on puisse remonter aussi loin
que possible dans le passé quand il s'agit de réclamer des
avantages reconnus par la loi dont un salarié a été
privé durant plusieurs années consécutives.
Nous recommandons, bien sûr, la suppression totale de l'article
146 qui aurait pour effet de priver des travailleurs couverts par une
convention collective des avantages de la loi. Nous demandons l'application
intégrale des articles 91 et 92, étant entendu que les
conventions collectives demeurent en vigueur dans toute la mesure de leur
compatibilité avec les conditions minimales (en tant que minimales)
contenues dans la loi.
Nous reconnaissons l'utilité de la commission pour surveiller
l'application de la loi. Cependant, nous nous gardons de tout enthousiasme
naïf en ce domaine. Aucune commission, si efficace soit-elle et
fût-elle équipée d'une armée d'enquêteurs, ne
remplacera l'action collective indispensable des travailleurs pour la
défense de leurs droits.
D'une part, les enquêteurs et les surveillants ne peuvent pas
être partout à la fois et d'autre part, les droits fondamentaux
des travailleurs ne peuvent pas être définis une fois pour toutes
d'une manière statique. Il est légitime que les exigences des
travailleurs augmentent à mesure que la capacité de production de
l'organisme économique s'accroît. Car pourquoi les travailleurs
devraient-ils à perpétuité se contenter d'un minimum,
fût-il garanti, alors que les capitalistes et leurs alliés de
classe se partageraient presque seuls ou en forte priorité les fruits du
progrès économique.
Nous n'acceptons pas par ailleurs que l'on mette en opposition les
intérêts des travailleurs syndiqués et ceux des
travailleurs non syndiqués. Les uns comme les autres profiteront d'une
législation garantissant des normes minimales de travail. Ni les uns ni
les autres ne peuvent se reposer exclusivement sur les garanties d'une telle
législation. D'autre part, tous les travailleurs, syndiqués ou
non, profitent des victoires syndicales et nous souhaitons que celles-ci aient
une répercussion jusque dans la définition des normes minimales
de travail applicables à tous.
C'est pourquoi notamment nous avons proposé que le salaire
minimum soit indexé au salaire moyen. Des dispositions analogues
pourraient s'appliquer à la semaine normale de travail et à la
durée du congé annuel rémunéré. Ceci pour ne
pas accroître indûment l'écart entre les conditions moyennes
et les conditions minimales.
Mais il ne faudrait pas se contenter de ne pas laisser s'accroître
l'écart, il faudrait aussi viser à le réduire dans la
mesure du possible. C'est alors qu'il faudrait mettre de l'avant un plan de
rattrapage social permettant une amélioration progressive des normes
minimales garanties. Pour associer tous les intéressés à
la définition et à la redéfinition constante du contenu du
plan de rattrapage, on pourrait envisager, à titre permanent, la
création d'une commission parlementaire itinérante sur les normes
du travail. Cette commission parlementaire aurait comme fonction de conseiller
le gouvernement dans la rédaction des règlements qui peuvent
fixer des normes améliorées par rapport au texte de la loi et,
périodiquement, de proposer des remises à jour de la loi
elle-même.
Un tel plan de rattrapage social ne sera par ailleurs vraiment efficace
que dans la mesure où les travailleurs concernés y
détiendront une grande part d'initiative. Ils doivent se faire entendre.
Les travailleurs du bas de l'échelle doivent surtout avoir la
possibilité de se défendre eux-mêmes collectivement,
d'élaborer entre eux leurs propres revendications, d'organiser leur
action et de livrer leurs propres luttes.
Nous l'avons dit: une loi garantissant des conditions minimales de
travail est d'une impérieuse nécessité dans le contexte
actuel. Mais nous croyons encore davantage à l'action syndicale des
travailleurs concernés.
En complément de la loi sur les conditions minimales de travail,
il faudra donc privilégier un ensemble de mesures favorisant l'action
collective et plus particulièrement la syndicalisation massive des
travailleurs les plus démunis. L'article 120 du projet de loi va dans le
sens de ce que nous suggérons. Mais il faut aller plus loin.
Il faudrait reconnaître explicitement aux organisations syndicales
une possibilité d'intervention pour loger et faire cheminer des griefs
en rapport avec l'application de la loi. Ce pouvoir d'intervention devrait
même être reconnu à un syndicat qui n'a pas encore obtenu de
certificat d'accréditation, à la seule condition qu'il puisse
démontrer qu'il n'est pas dominé par l'employeur.
Le droit pour le travailleur de se faire représenter par une
association de salariés de son choix pour toutes les procédures
qu'il peut prendre en vertu de la loi devrait lui-même être
explicitement affirmé et garanti.
Pour assurer une meilleure information sur le contenu de la loi et une
meilleure implication des travailleurs concernés dans la défense
de leurs droits, ceux-ci devraient avoir la possibilité de participer
à une session annuelle d'information et de formation d'une
journée ouvrable, sans perte de salaire, à raison d'un
employé par groupe ou tranche de huit employés (ou, pour la
dernière tranche, d'au moins cinq employés) dans chaque
unité de travail. L'employé participant à cette session de
formation serait choisi chaque année par le collectif des travailleurs
de l'unité de travail concernée. Les unités de travail
employant moins de cinq (5) salariés devraient libérer
obligatoirement un travailleur à tous les deux ans pour participer
à une telle session.
Certains peuvent penser que le fait d'accorder des normes minimales de
travail convenables et de les faire connaître pourrait freiner la
nécessaire syndicalisation des travailleurs. Nous ne sommes pas de cet
avis.
Nous pensons au contraire que plus il y aura de droits nettement
affirmés dans la législation, plus s'imposera pour les
travailleurs la nécessité de se doter d'instruments efficaces
pour faire valoir et respecter ces droits. Une armée d'inspecteurs
relevant de la bureaucratie gouvernementale ne réussira jamais à
faire respecter la plus parfaite ou la plus imparfaite des lois, si les
travailleurs ne se prennent pas eux-mêmes en charge quant à la
défense de leurs droits, que ceux-ci découlent d'un texte de loi
ou d'une convention collective.
Si le gouvernement veut réellement contribuer à la
libération des travailleurs, s'il croit vraiment à la
nécessité de protéger les droits fondamentaux des
travailleurs et de garantir des normes minimales de travail, il devra
accompagner les dispositions contenues dans le projet de loi 126 d'un ensemble
de mesures pour favoriser la syndicalisation massive des travailleurs
québécois.
En conclusion
La CEQ rappelle que l'amélioration des conditions de travail
constitue un des facteurs les plus fondamentaux de l'amélioration de la
qualité de la vie pour la très grande majorité des
Québécois. La CEQ rappelle que l'amélioration des
conditions de travail constitue un des facteurs les plus fondamentaux de
l'amélioration de la qualité de la vie pour la très grande
majorité des Québécois.
La CEQ reconnaît que l'amélioration de la qualité de
la vie et même l'amélioration des conditions de travail ne peuvent
être obtenues uniquement par voie de négociation
patronale-syndicale ou par les mécanismes des conventions
collectives.
La CEQ constate qu'un grand nombre de Québécois ne
jouissent même pas du droit au travail (une famille sur cinq
touchée par le chômage).
La CEQ affirme que c'est par la planification du développement
économique du Québec au service des travailleurs et par
l'application d'une politique assurant une équitable répartition
des richesses que pourront être assurées de bonnes conditions de
travail et de vie à l'ensemble de la population, en particulier à
ceux plus démunis qui ne jouissent pas encore présentement du
droit au travail.
La CEQ appelle l'indispensable prise en charge par les travailleurs de
leurs propres intérêts et réaffirme la
nécessité d'organisations autonomes des travailleurs
québécois pour défendre et promouvoir leurs
intérêts économiques, politiques et socio-culturels.
A l'occasion du débat public sur le projet de loi no 126 portant
sur les conditions minimales de travail, la CEQ formule les recommandations
suivantes:
Résumé des recommandations
R.1 Que le pouvoir réglementaire attribué par le
projet de loi soit mieux encadré de façon à ce qu'il ne
s'exerce que dans le sens des intentions avouées de la loi.
R.2 Que le texte de loi laisse au pouvoir réglementaire la
possibilité de hausser les normes minimales pour mieux répondre
aux attentes des travailleurs, mais que la dégradation desdites normes
par voie réglementaire soit interdite.
R.3 Que le texte de la loi affirme son intention de lier le
gouvernement et de couvrir par conséquent les salariés du
gouvernement.
R.4 Que le pouvoir attribué par le projet de loi au
gouvernement de fixer par règlement le salaire minimum soit assorti de
l'obligation de le fixer tous les trois mois, de telle sorte qu'il ne puisse
jamais être inférieur à celui de la période
précédente ni en pouvoir d'achat réel, ni en valeur
relative par rapport au salaire moyen en évolution.
R.5 Que le taux de départ du salaire minimum, servant de
base aux indexations futures, soit fixé dans la loi ou par
règlement avant l'adoption de la loi à $5,25 l'heure.
R.6 Que la semaine normale de travail soit ramenée
à 40 heures et que tout travailleur ait le droit de refuser de
travailler au-delà de cette semaine normale.
R.7 Que l'on définisse également une journée
normale de travail assortie du droit pour tout travailleur de refuser de
travailler au-delà du nombre d'heures qui la définit et de
recevoir une rémunération au tarif du temps supplémentaire
s'il accepte de travailler au-delà de cette journée normale.
R.8 Que l'on reconnaisse le droit pour tout travailleur de
refuser de travailler les jours fériés
énumé-rés dans le Code civil et de recevoir, s'il
travaille un de ces jours, une rémunération au tarif du temps
supplémentaire ou un congé compensatoire.
R.9 Que le 29 février et le premier mai soient
ajoutés à la liste des jours fériés,
chômés et payés.
R.10 Que l'on reconnaisse également aux travailleurs qui
ont changé d'emploi en cours d'année le droit à un
congé annuel minimum.
R.11 Que la loi détermine qu'au moins deux semaines de
congé annuel soient prises entre le 24 juin et le premier lundi de
septembre à moins qu'une convention collective ou un décret en
tenant lieu n'en dispose autrement ou à moins que le salarié ne
soit laissé totalement libre de les prendre à un moment de son
choix.
R.12 Que le congé annuel minimum soit porté
immédiatement à quatre semaines et que le droit à une
cinquième semaine soit acquis après cinq (5) ans de service
continu chez le même employeur.
R.13 Que le repos hebdomadaire soit d'une durée minimale
de 64 heures consécutives s'il est pris en une seule période ou
doive comporter deux fois 40 heures consécutives s'il est pris en deux
périodes discontinues.
R.14 Que l'on reconnaisse au salarié le droit de
s'absenter de son travail sans perte et sans réduction de salaire le
jour de son propre mariage.
R.15 Que l'on reconnaisse le droit aux travailleurs qui ont des
enfants mineurs à dix jours ouvrables de congé par année
sans perte de salaire pour assumer leurs responsabilités parentales.
R.16 Que les conditions minimales de travail comportent le droit
à des jours de congé sans perte de salaire à l'occasion de
maladies de courte durée, ainsi qu'à un régime obligatoire
d'assurance-salaire pour couvrir les cas de maladies prolongées.
R.17 Que tout employeur qui projette de congédier un de
ses employés soit tenu d'en aviser le Commissaire-enquêteur et de
l'informer, en même temps que l'employé concerné, des
motifs du congédiement éventuel.
R.18 Qu'aucun congédiement ne puisse être
effectué avant que le Commissaire-enquêteur n'ait formellement
reconnu que ce congédiement n'est pas fait pour des motifs interdits par
la loi.
R.19 Que, dans le cas de licenciement collectif, l'employeur soit
tenu de verser une indemnité de licenciement non inférieure
à un an de salaire et qui devrait être allongée selon
l'âge du travailleur et ses années de service.
R.20 Que la dette contractée en vertu de l'article 82 par
un employeur envers un employé licencié soit assimilable à
une dette de salaire.
R.21 Qu'une dette de salaire ait priorité absolue sur tout
autre genre de dette, y compris les dettes fiscales.
R.22 Que le droit au congé de maternité soit
inscrit dans le texte de la loi.
R.23 Que l'on assure à la travailleuse qui donne naissance
à un enfant le droit, pour l'accomplissement de cet acte social,
à un congé de maternité de vingt (20) semaines avec plein
salaire sans perte de droits ou d'avantages reliés à l'emploi,
ainsi que le droit à un congé parental supplémentaire sans
salaire et pouvant aller jusqu'à vingt-quatre (24) mois avec garantie
d'emploi au retour, si elle choisit d'interrompre temporairement son travail
pour vivre avec son enfant.
R.24 Que soit créée une Caisse
québécoise des congés de maternité et des
congés parentaux administrée par l'Etat et à laquelle
devraient contribuer tous les employeurs au prorata des salaires payés,
indépendamment du sexe de leurs employés.
R.25 Que, dans les cas où la mère ne se
prévaudrait pas du congé parental sans salaire consécutif
à son congé de maternité, le père puisse s'en
prévaloir aux mêmes conditions.
R.26 Que le congé parental sans salaire à la suite
d'une naissance puisse s'appliquer dans les cas d'adoption.
R.27 Que la Commission des normes du travail puisse intervenir
pour réclamer de l'employeur récalcitrant la totalité du
salaire dû et non la seule partie de ce salaire correspondant au salaire
minimum.
R.28 Que l'on reconnaisse explicitement au travailleur le droit
de se faire représenter par une association de salariés de son
choix pour toutes les procédures qu'il peut prendre en vertu de la loi
pour protéger ses conditions de travail.
R.29 Que, dans chaque unité de travail, des travailleurs
choisis par leurs confrères soient libérés pour une
journée chaque année sans perte de salaire pour participer
à une session annuelle d'information et de formation sur les conditions
minimales de travail.
R.30 Que les dispositions contenues dans le projet de loi 126
soient accompagnées d'un ensemble de mesures pour favoriser la
syndicalisation massive des travailleurs québécois.
R.31 Que le gouvernement mette de l'avant un plan de rattrapage
social permettant une amélioration progressive des normes minimales de
travail et qu'à cette fin une Commission parlementaire itinérante
des normes du travail soit instituée sur une base permanente avec le
mandat de faire participer tous les intéressés à la
définition du contenu du plan de rattrapage social, de conseiller le
gouvernement sur l'amélioration des normes de travail et de proposer, le
cas échéant, des remises à jour de la loi.