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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, March 23, 1979 - Vol. 21 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 126 - Loi sur les normes du travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 126

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.

Les membres de la commission sont M. Belle-mare (Johnson) remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Mailloux (Charlevoix), remplacé par M. Picotte (Maskinongé), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires des groupes suivants: Le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile, l'Union des producteurs agricoles et la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs Inc.

J'inviterais immédiatement le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile à venir nous présenter son mémoire. M. Lefebvre est-il là?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Alors, s'il vous plaît, présentez-nous vos collègues. Selon nos règles habituelles, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire ou le résumé de votre mémoire. Ensuite, il y a un échange d'une quarantaine de minutes avec les membres de la commission.

Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile

M. Lefebvre (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, permettez-moi de vous présenter un certain nombre de membres du bureau de direction du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. A ma gauche, M. Léo Saint-Louis, du local 511, FTQ, M. Emile Brazeau, FTQ, local 511, M. Jean Bréard, de la CSD, M. Gérard Latulippe, conseiller juridique et porte-parole du conseil.

M. Latulippe (Gérard): Dans un premier temps, si vous me le permettez, je vais faire un bref exposé. Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire en entier. J'ai l'intention d'en faire ressortir les éléments essentiels et de lire ce que nous considérons comme étant les éléments essentiels du mémoire qu'on a préparé, de lire effectivement ces parties qui, pour nous, constituent le coeur du mémoire.

M. Chevrette: Je suggérerais, M. le Président, qu'on le mette au journal des Débats comme on l'a fait pour les autres.

Le Président (M. Marcoux): II est proposé et accepté que le texte intégral du mémoire du Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile soit versé en annexe au journal des Débats? (Voir annexe)

M. Latulippe: Je vous remercie, M. le député.

Le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile compte actuellement 25 associations régionales d'employeurs et 19 syndicats regroupés régionalement en neuf comités paritaires sur l'étendue du Québec. Ils sont, en fait, parties contractantes à dix décrets qu'ils administrent, et régissent la qualification dans près de 8000 établissements de l'industrie de l'automobile où oeuvrent approximativement 45 000 salariés.

Pour vous donner une idée de l'importance de l'industrie de l'automobile dans l'économie québécoise, les chiffres de Statistique Canada révèlent une valeur estimée de ventes au détail au Québec, pour les dix premiers mois de 1978, de l'ordre de près de $14 milliards. En fait, ces chiffres indiquent que la part du commerce au détail dans l'industrie de l'automobile représente plus de 30%, proportionnellement au reste du commerce au détail au Québec. C'est donc dire qu'il s'agit d'une industrie de commerce au détail qui est fort importante, dans le commerce au détail, dans l'industrie au Québec.

Je voudrais d'abord vous mettre en garde. De fait, le conseil provincial souscrit pleinement au fondement social qui a inspiré la refonte de l'actuelle Loi du salaire minimum, et l'établissement des normes minimales pour tous les Québécois. Là-dessus, il y a un consensus, autant de la partie patronale que des parties syndicales au sein du conseil provincial et des différents comités paritaires.

Cette nouvelle loi contient évidemment des changements importants pour notre société. Ces changements auront-ils pour conséquence de donner une nouvelle approche aux relations de travail? Auront-ils des effets directs sur la santé économique des différents secteurs industriels de notre société québécoise? Seul l'avenir nous le dira, mais il est sage, je pense, aujourd'hui, de se pencher sur cette question afin d'étudier, d'évaluer et de tenter de prévoir les conséquences de demain.

Evidemment, ce n'est pas l'objet de ce mémoire de présenter une critique des différentes normes minimales incluses dans le projet de loi, puisque, comme vous le savez, le conseil provincial est composé à la fois d'associations patrona-

les et syndicales. C'est évidemment le rôle de ces différentes associations de voir à protéger les intérêts socio-économiques de leurs membres ainsi d'ailleurs qu'aux grands partenaires sociaux de notre économie.

Par ailleurs, je pense que notre rôle au sein du conseil provincial et le consensus qui s'est développé entre les partenaires sociaux, si vous me permettez l'expression, au sein du conseil, consiste à souligner que cette loi risque d'éliminer cette participation qu'on a vécue jusqu'à présent dans différents secteurs industriels, là où patrons et employés se retrouvent à une même table pour s'entendre sur des normes minimales de travail à appliquer dans leur champ d'activité. Cette loi risque aussi, évidemment, d'éliminer cette participation qu'on doit qualifier d'honnête, et risque de créer une situation instable en ce qu'elle assujettit, en fait, le salarié à deux modes de protection distincts: l'un purement étatique, l'autre mixte, impliquant la participation des partenaires sociaux, patronaux et syndicaux dans chaque secteur industriel.

Si on regarde les éléments de comparaison entre le projet de loi no 126 et le système en vigueur actuellement, au niveau des décrets, on s'aperçoit que les décrets, évidemment, et la Loi des décrets de convention collective vont continuer d'exister, malgré cette loi sur les normes minimales dans leur forme actuelle, comme un mode distinct d'établissement de normes minimales pour les secteurs qu'ils visent. Donc, on n'abolit pas les décrets par cette loi. Ils continuent d'exister. Les employeurs assujettis à un décret ne seront pas assujettis au prélèvement prévu par l'article 29h du projet de loi. En plus, une des dispositions les plus importantes que l'on retrouve, quant à nous, quant à l'effet que cela peut avoir sur les décrets dans l'industrie de l'automobile, c'est l'article 92 du projet de loi, soit qu'une disposition d'un décret qui contrevient à une norme de travail ou qui lui est inférieure est nulle de plein droit.

Dans un deuxième temps, quand on compare les normes qui sont dans ce projet de loi — et je répète effectivement que nous n'avons pas l'intention de porter ce jugement de valeur sur ces normes, ce n'est pas notre rôle — quand on fait la comparaison entre ces normes et ce qu'on a actuellement — je parle toujours de l'automobile, parce que c'est ce qui nous intéresse, je pense que c'est un des secteurs où il y a vraiment une vie qui se fait au niveau des décrets — on constate ceci: la majorité des normes qu'on l'on a dans nos décrets sont supérieures aux normes que l'on retrouve dans le projet de loi actuel.

Il est évident que les taux minimaux de salaire sont supérieurs dans l'industrie de l'automobile. Les taux sont rendus, pour un mécanicien, aux alentours de $7.25 l'heure. La semaine normale de travail pour la majorité des salariés de l'industrie est inférieure à ce qui est prévu dans le projet de loi. En général, il est très clair que nos décrets sont supérieurs aux normes prévues dans ce projet de loi.

Par ailleurs, il est aussi évident que certaines normes qu'on retrouve dans la Loi des normes minimales sont supérieures ou tout à fait nouvelles. On ne les a jamais vécues au niveau des décrets. Je vais vous donner quelques exemples: rétablissement d'un préavis de deux semaines avant le licenciement d'un salarié. Mon commentaire personnel est que c'est excellent, mais il s'agit d'une norme nouvelle qu'on ne retrouve pas actuellement au niveau des décrets. Le droit du salarié d'exiger de son employeur un certificat de travail et l'expiration de son contrat de travail sont aussi des normes nouvelles. Quand ces deux systèmes vont continuer d'évoluer avec les années, on va se retrouver avec des normes distinctes de ce qu'on trouve dans les décrets; ce seront de nouvelles normes, quoique, en ce qui concerne l'automobile, on est toujours supérieur aux normes minimales.

Qu'est-ce que cela va produire? Rappelons-nous l'article 92 selon lequel s'il y a dans la loi une norme minimale supérieure à ce qu'on trouve dans le décret, la norme contenue dans le décret deviendra nulle. Qu'arrivera-t-il pour le salarié de l'industrie de l'automobile qui est soumis, qui va continuer à être soumis à un décret, parce que les normes contenues dans son décret vont être supérieures aux normes minimales? Ou les salariés de l'industrie de l'automobile ne bénéficieront pas des normes contenues dans la loi, qui sont celles qui auront été supérieures à celles contenues dans le décret, ou on va institutionnaliser une espèce de mode — de la façon dont on l'interprète, on a peut-être tort — alternatif de protection, les comités paritaires, dans l'automobile, en tout cas, faisant respecter les normes du décret supérieur à la loi, et la commission des normes, d'un autre côté, faisant respecter les autres.

Je vais vous donner un exemple. Un mécanicien gagne $7.25 l'heure. Si le mécanicien du garage du coin n'est pas payé $7.25 l'heure, qui va réclamer ces $7.25 l'heure? C'est le comité paritaire. S'il est licencié sans préavis de quinze jours, qui va réclamer cela? Il va être obligé de s'en remettre aux normes minimales.

Deux modes distincts de protection. Il faut se poser la question, à ce moment-là: Qui va être l'organisme le mieux préparé pour faire respecter ces normes dans un secteur industriel spécifique? On prétend que là où il y a une vie dans l'industrie, là où il y a une concertation dans l'industrie, là où un comité fonctionne, là où les parties traitantes jouent leur rôle, ce sont elles qui seront les plus en mesure de les faire respecter? Pourquoi? D'abord parce que là où cela fonctionne, les comités ont une équipe spécialisée dans l'industrie de l'automobile qui procède non seulement sur réception de plaintes, mais qui vont procéder par visites suivies chez les employeurs, ce qui ne se fait pas au niveau de la Commission du salaire minimum, on connaît le problème. On procède par plainte, chez nous; il y a des inspecteurs spécialisés, des gens qui ont vécu dans l'industrie de l'automobile.

Le gars qui est inspecteur va savoir que la deuxième série de livres de l'employeur se trouve dans la deuxième table en-dessous, parce qu'il vit

dans cette industrie. Ce double système, on le pense, va aussi engendrer un dédoublement des coûts de surveillance et des conditions minimales applicables à ces salariés; deux systèmes au sein d'une même petite entreprise. Est-ce qu'il va falloir que le petit garagiste fasse deux rapports, un aux normes minimales et un autre au comité paritaire? On pense que le risque, c'est que lés décrets deviennent un peu des espèces de gruyères à la fois salariés et employeurs devront se référer constamment aux deux lois pour connaître les normes qui les régissent. (10 heures)

Le deuxième aspect de notre mémoire, avant d'en arriver aux conclusions, c'est que le projet de loi 126 établit un cadre de protection. Dans un premier temps, j'ai parlé des conditions qui peuvent être différentes; dans un deuxième temps, le projet de loi établit un cadre de protection et des instruments assurant le respect de ces normes minimales à peu près au même titre que la Loi des décrets. Cependant, ces instruments de protection créés par le projet de loi sont évidemment supérieurs à ceux qui sont actuellement donnés dans la Loi des décrets. C'est évident que cette loi a besoin d'être révisée, comme on l'a dit, elle a du poil aux jambes. D'ailleurs, on a fait des représentations dans le passé, les différentes parties traitantes, afin de faire en sorte que cette loi soit révisée. ;

Je vais vous donner un exemple du système de protection qui peut être différent dans les deux lois. On va revenir à notre maintien à $7.25 l'heure. S'il fait sa réclamation sous le coup du décret, il peut aller chercher six mois de salaire impayé. S'il n'est pas payé, il va aller chercher six mois. C'est une nouvelle loi pour les salariés qui sont sous la juridiction de la Commission des normes minimales. Il va aller chercher un an de salaire impayé. Evidemment, c'est un exemple. Il y à plusieurs exemples où cette loi est plus moderne; elle donne des éléments de protection qui sont supérieurs.

L'instauration de ce mode de protection pour les salariés assujettis à ces normes; minimales place les décrets de l'automobile et les parties traitantes devant les situations suivantes: Premièrement, les conditions de travail prévues dans les décrets qui sont supérieures aux normes minimales ne peuvent pas être appliquées aussi efficacement et avec autant de vigueur que les normes minimales appliquées par la Commission des normes minimales. Le législateur créé et met en opposition deux modes d'application des conditions minimales inégalement efficaces. Si on veut faire mourir les décrets d'une mort naturelle, il ne faut pas oublier les avantages supérieurs ou différents qu'apportent actuellement les décrets là où ils sont viables, principalement ceux de l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils s'appliquent. ;

En fait, nous croyons que c'est une politique ferme et irrévocable du gouvernement actuel que de compter sur le dynamisme intérieur des secteurs industriels du Québec et de favoriser l'entente de bonne foi et le travail concerté chez les composantes socio-économiques de l'industrie. En conséquence, la remise en question des décrets nous amène à mettre en garde le gouvernement sur un abandon pur et simple des décrets de leur loi habilitante. Agir ainsi, c'est battre en brèche les principes de base sur lesquels est fondée la viabilité des divers secteurs industriels, c'est mettre de côté les associations patronales et syndicales qui ont travaillé pendant des années à l'établissement d'un climat de travail sain dans l'industrie de l'automobile, c'est abandonner les autres rôles que jouent les parties traitantes et les comités paritaires qu'elles forment. Elles jouent d'autres rôles. Par exemple, dans l'industrie de l'automobile, il y a la qualification des salariés et ce sont les comités paritaires qui s'en occupent actuellement; c'est un élément important qu'il faut prendre en considération.

Deuxièmement, il existe dans l'industrie de l'automobile des comités formés de l'industrie et de l'école dont font partie le ministère de l'Education et les différentes composantes patronales et syndicales en vue d'amener les travailleurs de l'industrie à s'intégrer à l'industrie. C'est un élément important. On joue là sur la vie de l'industrie et sur les différentes composantes de l'industrie.

Enfin, nous pensons que les associations patronales et syndicales oeuvrant dans l'industrie de l'automobile sont beaucoup plus à même d'évaluer les conséquences des conditions minimales dont elles demandent par requête l'inclusion dans un décret quant à l'effet sur le prix, la concurrence, les exportations et le recrutement de la main-d'oeuvre. L'établissement par l'Etat des normes minimales sectorielles, si c'est le cas, si on en arrive là, sans l'intervention et la consultation des agents économiques de ce secteur industriel risque d'avoir un effet néfaste sur la viabilité de l'industrie de l'automobile quant au prix des services et des biens vendus, quant à la concurrence, quant à la négociation des conventions collectives du secteur.

Je pense que ce sont tous ces facteurs dont il faut tenir compte et c'est ce qui nous a amenés à suggérer les éléments suivants: Le projet de loi 126 maintient la loi des décrets de convention collective et les décrets. Evidemment, nous appuyons ce principe. Nous croyons aussi que dans les secteurs industriels, et particulièrement dans l'industrie de l'automobile où le dynamisme des parties traitantes est important, les conditions de travail sont généralement supérieures aux normes minimales imposées par le projet de loi et les comités paritaires jouent un rôle diversifié. Le législateur devrait maintenir la formule actuelle et encourager son évolution.

A cet effet, il y a deux recommandations principales, les autres s'y greffant. Si vous me le permettez, voici ce que l'on suggère: D'abord amender l'article 92 de façon que si une norme de travail est supérieure à celle d'un décret ou qu'elle n'apparaît pas dans un tel décret, qu'elle soit incluse de droit dans ce décret. C'est un peu ce qu'on a actuellement dans l'industrie de l'automobile. Il y a une disposition pour que, malgré toute

autre disposition de la présente section, l'employeur accorde à tout salarié des conditions au moins égales à celles prévues dans l'ordonnance no 3 de la Commission du salaire minimum. De fait, c'est ce qu'on a actuellement pour éviter ce double champ de juridiction dans le secteur industriel concerné. Si cela ne fonctionne pas et si un décret n'est pas capable d'être au-dessus des normes minimales, pourquoi le faire sauter? C'est évident que le lieutenant-gouverneur en conseil a les pouvoirs, actuellement, s'il juge qu'un décret ne joue plus son rôle, pour quelque motif que ce soit, ou bien parce qu'il est généralement inférieur aux normes minimales, il a dans la Loi des décrets le pouvoir de l'abroger unilatéralement.

Deuxième conclusion majeure, je pense qu'on devrait penser à amender concurremment la Loi des décrets de convention collective afin d'y inclure les instruments de protection inclus dans le projet de loi 126 et de ne pas créer deux modes inégaux de protection. Les autres conclusions, vous les verrez. Je pense qu'elles découlent de ces conclusions principales. C'est là, en fait, la teneur de notre mémoire. Je vous remercie.

Je pense qu'on va procéder à la période des questions. Alors, jusqu'à maintenant, comme je vous le dis, ce mémoire a été fait par consensus. C'est un peu ce qui se passe au niveau de l'industrie automobile, c'est un consensus qui s'est développé, c'est de la concertation qui s'est faite. Pour la période de questions, je vais passer la balle assez souvent aux autres, ne sachant pas si je vais être en mesure de maintenir ce consensus tout au long parce qu'il y a des parties patronales et des parties syndicales ici. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: Merci, Me Latulippe. Les décrets qui sont actuellement en vigueur, d'abord, en vertu de l'article 146, il faut bien se comprendre, on n'y touche pas. C'est clair. Quant aux décrets à venir, l'article 92 prévoit qu'ils ne devront pas contrevenir à la loi des normes; deuxièmement, s'il y a un vide, c'est la loi qui supplée. L'exemple, vous l'avez donné, c'est l'avis de licenciement. S'il y a une disposition d'un décret qui contrevient à une norme, la disposition, et elle seule, est nulle. Il faut bien se comprendre, cela n'annule pas le décret pour autant. Cela annule cette disposition, si elle contrevient aux normes.

Deuxièmement, la chose fondamentale que vous avez soulignée, au-delà de la sociologie que l'on peut faire des décrets, et particulièrement de ceux de l'automobile sur lesquels je ne reviendrai pas, je reconnais avec vous que c'est sans doute un des secteurs des décrets qui est le plus dynamique, 52 décrets qui restent au Québec... Je retiens essentiellement les difficultés que vous voyez en termes d'application.

Par exemple, sur la norme de licenciement, est-ce que le salarié dont l'employeur ne respecte pas les dispositions de la loi des normes va aller se plaindre au comité paritaire ou s'il va aller se plaindre à la Commission des normes? Evidemment, si cela n'est pas dans le décret, il va aller se plaindre à la Commission des normes. Si cela est dans le décret, n'appartient-il pas, à ce moment-là, aux parties de reproduire, dans les conventions collectives, comme elles le désirent, les dispositions des normes qui sont applicables; celles, en tout cas, qui, jusqu'à maintenant, font l'objet de vide?

La solution que vous proposez, c'est-à-dire d'amender l'article 92 pour faire en sorte que d'office les dispositions de la loi soient contenues dans les décrets, contient l'inconvénient suivant. Les décrets, comme vous le savez, sont issus de conventions collectives. Va-t-on permettre qu'un arbitre, si on inclut cela dans le décret ou si on est même amené à l'inclure dans les conventions collectives originales qui font l'objet de l'extension sous forme de décret, soit l'interprète d'une loi du Parlement, alors qu'on sait que l'interprète d'un décret, c'est la Cour provinciale, cela n'est pas un arbitre? Je préfère que les lois soient interprétées par les tribunaux plutôt que par des arbitres. Je n'ai pas d'objection au système d'arbitrage; bien au contraire. On ne peut quand même pas permettre la création d'une jurisprudence au niveau des arbitres, parallèlement à celle des tribunaux. Mais il n'y a rien qui empêche encore une fois que les parties décident, dans les ententes qu'elles signent sous forme de convention collective, d'y inclure toutes les normes qu'on retrouve dans la loi. Là, elles le feront, plutôt que de l'imposer par la loi.

M. Latulippe: Je peux répondre à cela. M. Johnson: Oui.

M. Latulippe: II y a deux choses. Tout d'abord, lorsque vous dites que, de fait, on préfère que cela soit interprété par la Cour provinciale; que le décret étant issu d'une convention collective, pourquoi le gouvernement s'immiscerait-il effectivement à ce niveau-là, cela n'est pas vrai. Le décret devient l'objet du gouvernement. Il est peut-être issu d'une convention collective, mais une fois décret, il devient l'objet du gouvernement. On va vous donner un exemple bien simple. Même si on veut prolonger in extenso une convention collective, ce n'est pas ce qui va se passer parce qu'il y a une requête qui est faite. Au niveau de l'extension juridique, on va nous dire: Faites attention parce que vous demandez — cela est arrivé, entre autres, dans certains endroits — $7.50, vous demandez $8. l'heure. Ecoutez! Les tiers là-dedans ont quelque chose à dire; ils ne sont pas capables de payer plus que $7.25. Alors, vous arrivez et vous corrigez de nouveau la norme. C'est avec raison, mais vous intervenez à ce moment-là. C'est en vertu de ce pouvoir que vous intervenez régulièrement dans les décrets et c'est en vertu de ce pouvoir que vous êtes intervenu, entre autres, dans différents décrets pour inclure comme norme minimale les taux de salaire mini-

mun qu'on trouve à la Commission du salaire minimum. Si on le fait aujourd'hui, on ne fait que consacrer ce qui est prévu dans la Loi des décrets. Maintenant, lorsque vous dites qu'il n'y a rien qui empêche les parties d'inclure les normes minimales dans le décret, je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus. Cependant, il y a ceci, c'est que cela ne se fait pas comme cela instantanément; il va y avoir un paquet de réglementations qui vont découler de ces normes. Il va toujours falloir se poser la question: Cette norme est-elle supérieure, est-elle inférieure au décret, est-elle égale? Il va y avoir une discordance de temps. On va passer un règlement, mais la négociation suivante, pour pouvoir appliquer cette norme, va arriver un an plus tard. Entre-temps, le gars ne sera pas protégé en vertu de cette norme. Qu'est-ce qui va se passer? C'est tout simplement pour éviter ces choses, je pense.

M. Johnson: Dans le fond, si je prenais votre argumentation et la poussais dans ses derniers retranchements...

M. Latulippe: Vous êtes très bon pour cela.

M. Johnson: ... cela milite en faveur de deux solutions in extremis. Ou bien vous dites: Tout ce qui est soumis au secteur des décrets n'est pas soumis à la loi des conditions minimales et laissez donc les parties s'organiser. On a entendu cela un petit peu de certains secteurs industriels, entre autres, ici: S'il y a un syndicat et s'il y a une association d'employeurs, laissez-les donc s'organiser. Ou encore vous dites: Tout ce qui découle de la loi des normes va être par définition appliqué par la commission des normes. Là, vous avez le double recours. Cela milite, finalement, si je pousse votre raisonnement encore une fois, en faveur d'une solution qui est tout ou rien en ce qui a trait au rôle de la commission. Que les parties négocient ce qu'elles veulent, quant à ce qu'elles veulent et la commission, parallèlement, va appliquer sa loi et va se servir de ses inspecteurs; il va y avoir le commissaire du travail pour d'autres affaires, etc. Moi, ce que j'essaie de chercher, c'est une solution qui pourrait peut-être imbriquer les deux processus. (10 h 15)

M. Latulippe: C'est ce que nous cherchons, nous aussi. En fait, ce que nous vous disons, c'est: Ecoutez, les normes minimales, ce sont des normes minimales et il faut que ce soit des normes minimales partout. Là où il y a des décrets qui fonctionnent, laissez les parties se concerter là-dessus. Laissez-les fonctionner dans leur décret. Quand cela ne fonctionne pas, intervenez par exemple. Si cela fonctionne, laissez-les donc jouer là-dedans, parce que c'est leur propre vie.

NI. Johnson: Oui, mais en pratique, sur le plan juridique, c'est d'ailleurs ce qu'on essaie de faire. Là où le décret fonctionne, on les laisse faire leurs affaires. Là où cela ne fonctionne pas, on est pas mal interventionniste. Ils n'aiment pas bien cela, mais on le fait. Sauf que, concrètement, quand on parle d'être interventionniste, on modifie le décret, on fait les évaluations de prépondérance. Dans certains cas, on met du monde en tutelle. Concrètement, comment verriez-vous que cela imbrique la loi des conditions minimales? En d'autres termes, est-ce que vous diriez: Très bien, que votre loi continue, mais laissez les comités paritaires administrer votre loi pour les fins de ceux qui sont touchés par les décrets?

M. Latulippe: Non, absolument pas. Ce qu'on dit, effectivement, c'est: laissez au niveau des décrets les parties négocier leurs conditions minimales comme elles le font actuellement et si, par hasard, il arrive qu'une norme minimale soit supérieure à une norme dans un décret, cela peut être une banalité. Introduisez-la automatiquement, une clause d'introduction automatique dans le décret.

M. Johnson:... absente. Par exemple, l'avis de licenciement. L'avis de licenciement n'existe pas dans votre décret. Le certificat de travail, cela n'existe pas dans votre décret. Donc, il y a trois situations qui peuvent se poser: ou ce que vous avez négocié est égal ou supérieur aux normes, ou encore, ce que vous avez négocié est contradictoire et inférieur aux normes, ou encore, vous n'avez rien négocié sur un sujet, il n'y a rien dans le décret. Dans les trois situations, comment voyez-vous cela? Dans le cas, évidemment, où ce que vous avez négocié est supérieur aux normes, on n'en parle même pas. C'est la règle, d'ailleurs, dans toutes les conventions collectives. On laisse cela aller. C'est la procédure normale qui est celle du grief, etc. Dans le cas où vous avez une norme qui est contradictoire ou inférieure...

M. Latulippe: A un moment donné, il arrive un règlement...

M. Johnson: Vous ce que vous dites c'est: par votre pouvoir, le ministre devrait modifier le décret.

M. Latulippe: Cela prend une clause. On modifie l'article 92 conformément à ce qu'on a déjà au niveau des décrets et en disant purement et simplement, s'il y a une norme qui est différente ou supérieure, qu'on l'introduise in extenso, ipso facto dans le décret. Là si à un moment donné, vous venez et vous nous dites: Ecoutez une minute, on est en train d'introduire toute notre loi dans vos décrets. Si vous n'êtes pas assez efficaces pour aller au-dessus, vous avez un pouvoir, M. le ministre. Vous avez le pouvoir de les abroger.

M. Johnson: D'abolir vos décrets, oui. J'ai essayé cela de ce temps-ci, je regarde cela dans le cas du décret du pain et cela n'a pas l'air de faire l'affaire du monde tellement qu'on regarde cela.

M. Latulippe: Mais si les conditions minimales...

M. Johnson: Vous savez comme moi que c'est prendre un marteau pilon pour tuer une mouche, des fois, abolir un décret.

M. Latulippe: Si le décret n'a plus sa raison d'être.

M. Johnson: C'est cela.

M. Latulippe: Mais ce n'est pas ce qui se passe dans l'industrie de l'automobile. Cette concertation qu'on retrouve au niveau de l'industrie de l'automobile, pourquoi pas effectivement la laisser fonctionner? Puis, il y a d'autres éléments au niveau des décrets. M. le ministre, si vous me permettez, là-dessus — je pense que c'est cela le point névralgique de notre mémoire — j'aimerais peut-être laisser la parole entre autres à M. Saint-Louis, pour donner un peu l'image de comment cela fonctionne effectivement au niveau de la concertation dans notre secteur industriel.

M. Saint-Louis, après peut-être M. Lefebvre.

M. Saint-Louis (Léo): Bien, en ce qui nous concerne, la FTQ, le local 511, nous faisons partie de la négociation des différents décrets, non seulement à Montréal, mais à Trois-Rivières, différents décrets.

M. Johnson: Saguenay-Lac-Saint-Jean. M. Saint-Louis: Abitibi.

M. Johnson: Vous n'êtes pas dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean ?

M. Saint-Louis: Non.

M. Johnson: C'est la CSD, je pense.

M. Saint-Louis: CSD ou CSN, parce que les trois centrales syndicales sont là. Ce matin, il y en a deux ici.

Nous nous intéressons à cela, cela paraît un peu drôle, parce que pour le syndicalisme des comités paritaires, habituellement, cela fonctionne plus ou moins bien. Mais, avec les lois actuelles sur le travail, il est très difficile d'arriver tant qu'on n'aura pas une accréditation sectorielle. On a des non-syndicables, on n'est pas capable de les syndiquer, comme dans les stations d'essence, les garages spécialisés; vous avez deux, trois ou quatre gars là-dedans, on demande une accréditation et on se revire de bord et il n'y a plus de gars. Ces gars, il faut quand même les protéger avec quelque chose. Nos membres nous délèguent à un comité paritaire pour faire la négociation. C'est entendu qu'on ne peut pas arriver et vendre notre convention collective et la mettre directement dans le décret, parce qu'une station d'essence, un concessionnaire ce n'est pas tout à fait la même chose. Ce n'est pas le même genre de mécaniciens et ainsi de suite, dont on a besoin là-dedans.

On négocie le plus haut possible, des fois cela peut prendre six mois, huit mois, un an à négocier, parce que notre force n'est pas comme si on était autour d'une table de négociations entre syndicat et patron. On réussit à faire quelque chose. Ce qu'on ne veut pas, c'est que des normes gouvernementales viennent dire aux salariés: Dans telle industrie, c'est nous qui allons décider pour vous. Actuellement, on le fait, et je pense qu'on le fait assez bien, parce qu'on n'a pas trop de critiques. Il faudrait qu'on puisse continuer à négocier et si les normes sont plus élevées, si certaines normes sont plus élevées, que ce soit comme le bill no 3, qu'automatiquement cela s'applique dans nos décrets. De cette manière, on n'aura pas de problèmes; cela va continuer à fonctionner et on va pouvoir continuer à négocier nous-mêmes pour arriver à quelque chose. Les salaires sont plus élevés que le salaire minimum, c'est entendu; il y a les journées de fête, les vacances. On a beaucoup de choses dans nos décrets; si elles n'étaient pas là, cela pourrait prendre un certain temps avant que le gouvernement puisse les appliquer.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président...

M. Lefebvre (Jean): M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires?

M. Lefebvre (Jean): ... du côté de la partie patronale, il faudrait bien comprendre qu'à l'intérieur de l'industrie de l'automobile il y a beaucoup de petits employeurs. Pour les petits employeurs, faire des relations de travail, c'est coûteux et ce n'est pas facile. Le gars qui répare les automobiles qui doit connaître les façons de faire sa publicité afin d'être, comme on dit en anglais, un "jack of all trade", le décret a pour effet, dans son cas, de lui donner un cadre de relations de travail avec des références où il peut facilement se retrouver.

Le décret dans l'automobile — je sais bien que ce n'est pas des relations de travail, mais c'est très important — fait de la qualification et de la formation aussi. Pour le petit employeur, la seule façon de survivre, c'est d'avoir des gens qualifiés. A cause de l'évolution de l'automobile — tout le monde a des automobiles — cela change vite. La seule façon de pouvoir rester en affaires — je suis un petit employeur — c'est d'avoir un endroit où on peut qualifier nos gens et où on peut avoir de l'aide de ce côté. La façon de le faire, à ce jour, c'est à l'intérieur des comités paritaires. Notre peur est que si vous enlevez les comités paritaires, on retombe avec rien.

J'ai essayé, dans la région de Lanaudière-Laurentides, depuis quatre ou cinq ans, de faire partie du CCR à la commission de formation professionnelle. On n'a abouti à rien, à absolument rien. A partir de là, si mes mécaniciens n'ont aucun endroit pour se recycler, je suis fini. C'est cela, l'importance du décret, à notre sens. Les

décrets de l'automobile sont peut-être différents des décrets de la guenille, ils sont peut-être bien différents des décrets de restaurant, etc.

Dans l'automobile, la qualification, c'est important. C'est votre vie à vous, les gens. La sécurité dans l'automobile, cela ne part pas de l'inspection d'un autobus qui fait la Sûreté du Québec; cela part de la personne qui répare l'autobus, cela part de la personne qui répare votre automobile. C'est vérifié et inspecté par des gens de l'industrie. On se rencontre pour faire des examens, pour décider ce qu'est un mécanicien au niveau des comités paritaires. Il n'y a pas d'autre endroit. On a essayé avec l'Education, cela n'a jamais fonctionné. On a pris les écoles que nous avions payées et on montre aux femmes comment faire du macramé à l'intérieur d'un atelier de débosselage. C'est cela, la commission de formation professionnelle. A partir de là, nous pensons que les décrets de l'automobile devraient rester et qu'on devrait essayer de continuer à faire des choses. Jamais un atelier de débosselage n'a été fait pour enseigner le macramé, la peinture ou ces choses-là. Vous savez pertinemment que, dans les commission de formation, c'est comme cela que cela se passe. On a essayé d'y aller et tout ce qu'on a eu, ce sont deux rencontres avec un fonctionnaire et la troisième fois on lui a dit: On ne veut plus entendre ce que tu as à nous dire. Tout ce qu'il faisait, c'est essayer de nous montrer où nous étions situés dans l'appareil gouvernemental et cela faisait trente heures qu'on perdait. Nous voulions avoir des choses concrètes comme ce qu'on fait dans le moment, des cours de formation.

M. Johnson: Vous me donnerez son nom quand nous sortirons tout à l'heure. Si vous me le permettez, juste une réflexion rapide sur les commissions de formation professionnelle. C'est également ce que je reproche à ce système qui a commencé en 1967, disait-on, sur une base expérimentale. Douze ans après, on est toujours dans les expériences où, effectivement, il se dépense à peu près $100 millions dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales dans le secteur de la formation professionnelle. Vous avez raison en ce qui concerne certains coins. Remarquez que c'est inégal. Vous avez utilisé une comparaison et une caricature. Il y a des endroits où cela peut fonctionner, dans certains métiers les commissions de formation, mais c'est vrai qu'il y a des ateliers de débosselage où il se donne des cours de macramé. Je ne suis pas sûr que cela soit une politique de main-d'oeuvre bien cohérente. C'est pour cela qu'on essaie de changer les choses depuis quelques années. J'entends le président qui nous dit que c'est peut-être la nouvelle culture qui fait qu'on apprend aussi le macramé en apprenant le débosselage. Je me permets de douter que l'on soit rendu dans une société qui soit à ce stade-là.

Juste une parenthèse là-dessus et cela me paraît opportun puisque c'est soulevé ici en commission. Il faut dire que les politiques de main-d'oeuvre sont évidemment aux prises avec un drôle de problème. Je comprends que le secteur de l'automobile — vous avez raison de le dire — est un des secteurs les plus dynamiques où, effectivement, il se fait de la qualification, réellement, par les comités paritaires, contrairement à d'autres secteurs où les décrets sont bien plus des résultantes historiques de choses qui se passaient dans les années après la crise et un peu avant la guerre qu'autre chose.

Mais il est extrêmement difficile, concrètement, quand il y a une double juridiction qui est à la fois fédérale et provinciale dans le secteur de la main-d'oeuvre, en vertu de la constitution, d'avoir des interventions cohérentes. C'est parce que les dames qui font du macramé dans les salles de débosselage, c'est le centre de la main-d'oeuvre du Canada qui les envoie au ministère, chez nous. C'est un des problèmes. C'est lui qui fait la sélection des clients et nous donnons les cours, c'est un peu aberrant, alors que je peux savoir, comme ministre de la Main-d'Oeuvre, qu'il y a un besoin du côté du recyclage des mécaniciens d'automobile. Ce n'est pas moi qui choisis les candidats, c'est le centre de la main-d'oeuvre du Canada. Evidemment, cela pose un problème de cohérence, sans compter d'ailleurs qu'il y a seulement quatorze ministères qui s'occupent de la main-d'oeuvre à l'intérieur du gouvernement du Québec. On a aussi des problèmes à régler dans notre propre maison. Cela, j'en conviens facilement.

Ceci dit, je retiens de l'exposé des deux représentants, celui du local 511 et le représentant patronal des comités paritaires, que, dans le fond, vous voyez d'abord une utilité bien concrète à vos comités, ce qu'on n'a pas l'intention de changer a priori. Vous le voyez, la loi ne prévoit pas l'abolition ou même le "phasing out" des comités. S'il y a une loi qui devrait prévoir cela, ce serait bien plus dans le cadre de l'accréditation multipatronale ou de l'accréditation sectorielle. Deuxièmement, c'est de trouver la formule. On va chercher et on va continuer à réfléchir là-dessus — on a encore un mois ou deux jusqu'à l'adoption — pour être sûr que, d'une part, les conditions minimales sont d'application générale, mais que, d'autre part, les chevauchements entre la juridiction des comités paritaires en vertu de la Loi des décrets et ceux des conditions minimales ne nous amènent pas un dédoublement bureaucratique qui soit inutile pour tout le monde. On va regarder cela. Il y a un moyen que vous proposez. Il y en a peut-être d'autres aussi. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé. (10 h 30)

M. Picotte: M. le Président, le rapport qui nous est présenté semble très intéressant à plusieurs égards et il y a aussi des suggestions qui touchent des points très importants. Il y en a un, entre autres, concernant l'article 92 qui a attiré mon attention. Justement, à la page 9, au sous-paragraphe b), on dit: "On s'institutionnalisera un mode alternatif de protection." J'aimerais savoir — je ne lirai évidemment pas tout le paragra-

phe parce que je pense que vous le connaissez — dans le concret, qu'est-ce que cela veut dire, dans votre esprit?

M. Latulippe: A quelle page faites-vous référence?

M. Picotte: A la page 9, au sujet de l'article 92, au sous-paragraphe b).

M. Latulippe: Cela veut dire ceci, concrètement. On va prendre le cas d'un mécanicien dans un garage qui paie un taux de $7.25 l'heure. En vertu des pouvoirs qui sont actuellement conférés dans la loi des décrets, si le gars n'est payé que $5 l'heure — et cela dure depuis un an — nous autres, on peut aller lui chercher six mois de salaire. On aimerait que ce soit un an de salaire. On a déjà fait des représentations pour cela. On aimerait cela que, dans la loi des décrets, on puisse aller chercher un an de salaire comme pour la Commission des normes minimales. La Commission des normes minimales pourra alors aller chercher, par exemple, un an de salaire en arrière. En vertu de la loi des décrets, on va aller chercher six mois de salaire. Ce sont là deux modes de protection différents.

Un autre exemple: les cartes de temps dans les garages. Nous autres, on peut faire la preuve lorsqu'on prend un employeur qui ne paie pas ses gars comme il doit le faire, s'il a un système de cartes de temps. Mais, s'il n'a pas de système de cartes de temps dans le garage, tu n'es pas capable de le prouver. Dans la loi des décrets, si le gars ne tient pas ses cartes de temps, c'est $20 d'amende. Le gars fait mieux de ne pas tenir des cartes de temps. En vertu des normes minimales, c'est $200 d'amende. C'est cela qu'on entend par mode de... Pourquoi ne pas faire la même chose pour nous autres dans les décrets? Dans ce sens-là, je me dis: Ce n'est pas cela un "phasing-out" s'il ne nous donne plus de protection. Pourquoi ne pas le faire quand même pour nous autres? C'est dans ce sens-là qu'on parle des modes alternatifs de protection.

M. Picotte: D'accord. Tantôt, le ministre a fait allusion à l'article 147 qui donne certaines assurances, mais vous ne semblez pas tout à fait — en tout cas, dans votre mémoire — d'accord. Vous prétendez, selon ce qui est écrit, que cela va beaucoup plus loin et que cela dépasse de beaucoup l'esprit du législateur. J'aimerais vous entendre parler encore de l'article 147 parce qu'il me semble que cela n'est pas si clair dans votre esprit.

M. Latulippe: Vous voulez dire l'article 146?

M. Picotte: L'article 146, oui. Je m'excuse. C'est à la page 10. En fait, vous dites: Tout un décret ou une convention collective deviendrait nul et sans effet renouvelable si une seule de ses dispositions contrevient à la loi ou si elle ne contient pas une seule des dispositions prévues dans cette loi. Le texte nous semble avoir large- ment débordé la pensée du législateur. Or, le ministre a fait allusion tantôt à l'article 146 en disant que cela n'était quand même pas...

M. Latulippe: Je n'ai pas voulu entrer là-dedans parce que, dans le fond, c'est un peu faire du juridisme. Maintenant, les avocats sont mal placés au Québec pour faire du juridisme.

M. Johnson: Je m'excuse. Pourquoi avez-vous dit cela, M. Latulippe?

M. Latulippe: En parlant de l'article 146 ou en parlant du juridisme?

M. Johnson: Du juridisme.

M. Latulippe: Quelle est votre opinion, M. Johnson?

M. Johnson: Non, je pense qu'il y a de la place pour les avocats.

M. Latulippe: Non, d'accord. Cela n'est pas assez...

M. Chevrette: Vous faisiez allusion à l'assurance.

M. Latulippe: Non, absolument pas. Ce que je veux dire, c'est que, de fait, je pense que le juridisme est dépassé pas seulement à cause d'événements politiques, mais aussi à cause de notre structure sociale. Ce que je veux dire, c'est que...

M. Johnson: Je vais me servir de cela, si vous me le permettez. Je vais vous interrompre parce que j'entends mes collègues parler de cela. Je vais peut-être faire une petite mise au point rapide sur un commentaire que j'ai passé en Chambre hier. De la même façon, je pense que, quand il y a des gens malheureux...

Une Voix: Sans commentaires.

M. Johnson: ... les avocats peuvent venir à leur aide, de la même façon les avocats ne vivraient pas si tout le monde était heureux. C'est simplement cela.

M. Latulippe: On aurait peut-être moins de démocratie. Ecoutez! L'article 146...

M. Johnson: C'est-à-dire que votre interprétation de l'article 146...

M. Latulippe: A mon avis, il n'est pas clair. Si vous voulez, on va le relire rapidement: "Malgré l'article 92, une convention collective en vigueur — ou un décret — ... dont les dispositions contreviennent aux normes de travail adoptées en vertu de la présente loi ou d'un règlement, ou qui ne contient pas l'une ou l'autre de ces normes, continue d'avoir effet jusqu'à son expiration."

Qu'est-ce qui arrive à son expiration? Est-ce que c'est tout le décret qui tombe? Ce n'est pas tout à fait clair.

M. Johnson: D'accord. On va le fouiller. Je pense que vous faites bien...

M. Latulippe: C'est parce que...

M. Johnson: C'est clair que ce n'est pas notre intention d'abolir les décrets au moment de leur expiration, qu'on se comprenne très bien là-dessus. On va vous rassurer là-dessus. Il s'agit simplement de dire que, quelles que soient les dispositions d'un décret, un décret qui est en cours n'est pas affecté par cette loi. Au moment de son renouvellement, cependant, une clause ou une disposition d'un décret qui serait contraire à la loi est nulle, et non pas le décret.

M. Latulippe: Oui mais...

M. Johnson: Qu'on se comprenne bien.

M. Latulippe: ... là-dessus, l'article 146 est ambigu.

M. Johnson: II faudrait peut-être le rédiger en conséquence.

M. Latulippe: En fait, il y a des tribunaux qui pourraient l'interpréter comme cela, je n'ai aucun doute là-dessus.

M. Picotte: La raison pour laquelle j'ai fait préciser cela, c'est que souvent l'esprit du législateur et la lettre de la loi sont différents. On s'en rend compte dans l'application. Les gens qui sont appelés à vivre avec cette loi sont, en bon canadien, "pognés" et cela cause tout un paquet de problèmes. Vous avez entendu le ministre tantôt sur certaines questions aussi. Je pense qu'il y a eu certaines clarifications, mais vous dites dans votre rapport, à la page 13: "Enfin, ou bien l'on veut faire mourir les décrets d'une mort naturelle et là on oublie les avantages supérieurs ou différents qu'apportent actuellement les décrets et principalement ceux de l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils s'appliquent, leurs employeurs et salariés." A ce moment-là, j'aimerais savoir si vous êtes toujours d'accord avec ce que vous avez écrit à la suite de certaines discussions que nous avons eues depuis le début de l'étude du mémoire. C'est quand même assez formel votre affaire.

M. Latulippe: On est encore d'accord, je pense bien, à moins qu'on me contredise.

M. Picotte: Pourriez-vous m'apporter des précisions?

M. Latulippe: On est encore d'accord. C'est-à-dire que...

M. Johnson: C'est beau la dynamique des décrets. On vous regarde aller, cela va bien. Vous parliez de la dynamique des décrets. Je vous vois continuer le consensus patronal-syndical à la table. Est-ce que cela fonctionne toujours comme cela?

M. Latulippe: Non, malheureusement. M. Johnson: D'accord.

M. Saint-Louis: II faudrait que vous assistiez à nos négociations.

M. Latulippe: Malheureusement. Vous voulez qu'on explique sur le fait qu'on pense qu'il peut y avoir un problème?

M. Picotte: Oui, parce que le ministre n'a pas semblé tellement vous convaincre dans ses réponses et la discussion non plus n'a pas changé votre optique.

NI. Johnson: Je ne suis pas d'accord.

M. Latulippe: En fait, ce qu'on pense, c'est qu'à cause des deux facteurs suivants: le fait que cela va devenir un petit peu des fromages de gruyère ou, en partie, des fromages de gruyère pour certaines normes, et, deuxièmement, que parallèlement on abandonne un petit peu la Loi des décrets en ne lui donnant pas de mordant, en ne la mettant pas à jour, en lui rasant le poil sur les jambes, on pense, dis-je, qu'il risque d'y avoir un "fade-out", automatiquement. L'employé, le salarié, le mécanicien qui est dans le garage aimerait bien cela qu'on puisse lui réclamer un an de salaire plutôt que six mois; il aimerait peut-être bien cela, s'il est congédié, de pouvoir aller devant un commissaire au travail. Il ne le peut pas en vertu de la Loi des décrets mais il a des conditions supérieures dans les décrets. Ce que nous voulons, et c'est peut-être cela... et là peut-être qu'on pourrait passer aux autres...

M. Saint-Louis: En fin de compte, ce que nous demandons, c'est que ce qui, dans le salaire minimum est supérieur au décret, automatiquement cela fasse partie du décret. C'est ce que nous voudrions en fin de compte, comme cela existe actuellement. Actuellement, si vous avez quelque chose dans le salaire minimum qui est plus haut que le décret, automatiquement cela s'applique dans le décret. On demande que cela continue.

M. Latulippe: Deuxièmement, je pense qu'il y a les autres choses qui se greffent à cela. Il y a les comités industrie-école, entre autres. On pourrait dire quelques mots là-dessus. Cela vit, un comité industrie-école, et M. Saint-Louis en est un des directeurs.

M. Saint-Louis: Oui, on fait partie du comité industrie-école. On fait affaire avec des profes-

seurs, des commissaires; il y a les employeurs et il y a les ouvriers qui sont là. Comme pour les stages qu'on fait faire dans les garages, pour éviter un "cheap labor" et pour empêcher un patron de prendre un stagiaire pendant un mois, un mois et demi, deux mois, on s'est fait des normes là-dessus. Si le stagiaire entre dans un garage, le patron ne peut pas arriver et "slacker" un gars, mettre un gars à pied quand même ce serait le dernier entré. On s'est fait des normes avec notre comité industrie-école et cela fonctionne. On a même fait changer des cours. Il y a des cours qui se donnaient en mécanique et qui n'étaient plus valables. On s'est concerté avec l'Education, et on a fait changer les cours. Ce sont toutes des choses que l'industrie a faites. On veut que cela continue à se faire.

M. Chevrette: La loi 126 une fois promulguée, il serait plus qu'étonnant que les décrets soient inférieurs à la loi 126, parce que cela va devenir un plancher minimum de conditions de travail. J'ai bien l'impression qu'à ce moment cela servira de point de départ à toute négociation éventuelle. Je suis convaincu de cela. A moins que les syndicats n'aient bien changé par rapport à mon temps, j'ai l'impression que vous allez vous en servir comme norme de base. Sauf qu'il y a une clarification que je n'ai pas comprise, parce que sur le plan juridique, vous avez sorti une argumentation au début que j'ai mal saisie. Ou fait d'avoir une clause de portée générale en disant, par exemple, dans une loi que les conditions minimales ainsi promulguées par la loi priment par rapport à toutes conditions inférieures, est-ce qu'on laisse cela à l'interprétation des arbitres? Vous avez fait la différence entre arbitre et tribunal et je n'ai pas saisi. Est-ce que cela vient placer ces conditions à interprétation, alors qu'une loi les promulgue de facto? Je n'ai pas compris la nuance, M. le ministre.

M. Johnson: Ce que la loi 126 dit, c'est que les conditions qu'on retrouve dans la loi 126 sont dites d'ordre public, c'est-à-dire qu'elles sont d'application générale et qu'on ne peut pas y contrevenir même par voie de contrat individuel ou de convention collective. L'inconvénient de l'inclusion des dispositions de la loi dans l'arrêté en conseil qui promulgue un décret, cela pose le problème de l'inclusion, oui ou non, de ces conditions dans le texte des conventions collectives elles-mêmes. Or, si les parties décident ou si on décide d'imposer dans une convention collective que l'article X, Y ou Z de la loi fait partie intégrante du texte d'une convention collective, le jour où quelqu'un fait un grief et s'en va devant un arbitre, l'arbitre, son rôle, ce n'est pas d'interpréter les lois, c'est d'interpréter une convention collective. Est-ce qu'on va laisser des arbitres interpréter les textes qui sont finalement des textes de la loi? C'est le danger qu'il y a. Quelle que soit la solution qu'on trouve, il faut éviter ce danger.

Par contre, le texte du décret, lui, est interpré- té en Cour provinciale. Je pense que c'est là que cela doit être interprété normalement dans la mesure où c'est un texte de loi; ce n'est pas une convention collective proprement dite.

M. Chevrette: Donc, une clause de portée générale qui dirait que là où il existe des conventions collectives, la loi 126 devient quand même un minimum, cela n'empêcherait pas un syndicat de souligner à son employé qu'il a le pouvoir de recourir à la Commission du salaire minimum...

M. Johnson: Voilà.

M. Chevrette: ... pour au moins se défendre comme protection minimale de base.

M. Johnson: De la même façon que cela existe en ce moment sous l'empire de la loi actuelle où effectivement un employé... C'est-à-dire non, pas de la même façon, parce qu'il y a une exclusion spécifique au moment où on se parle dans la Loi du salaire minimum des décrets, sauf que le contrat gouvernemental là-dessus, c'est que le ministre du Travail, en vertu de la loi de mil neuf cent trente et quelque, est celui qui a le pouvoir d'édicter ce qu'est le décret. Il peut le modifier et le ministre du Travail, depuis mil neuf cent trente et quelque, a toujours fait en sorte de modifier les clauses des décrets qui étaient inférieures aux conditions qu'on retrouvait dans les ordonnances de la Commission du salaire minimum.

M. Latulippe: Je ne peux pas être tout à fait d'accord avec vous sur le fait qu'insérer automatiquement une norme minimale dans un décret, cela amende la convention collective. Ce n'est pas la même chose, le décret et la convention.

M. Johnson: Je vous dis juste que, le jour où on le fait pour les décrets, ne pensez-vous pas qu'il y a des conventions collectives d'importance où on risque de se faire faire le même type de demande? (10 h 45)

M. Latulippe: Mais le décret c'est une question...

M. Johnson: Comment peut-on justifier cela de façon cohérente qu'on le fait pour les décrets et qu'on ne le fait pas pour les conventions collectives?

M. Latulippe: C'est parce qu'un décret ce n'est pas une convention collective.

M. Johnson: C'est une extension de convention collective.

M. Latulippe: C'est une extension mais cela devient en fait de la détermination, finalement, par l'Etat, des normes minimales. Alors quand l'Etat introduit dans un décret une norme minimale, il ne l'introduit pas avec la même philosophie que s'il le

faisait dans une convention collective, parce que la convention collective est la propriété des parties. On le fait actuellement au niveau des décrets, c'est ce qu'on propose et c'est ce qu'on fait. Vous pouvez le faire, cela n'implique pas son inclusion dans la convention collective de base.

M. Johnson: Je vous dis juste qu'on pourrait être dans une situation où, à un moment donné, des gens demandent qu'on fasse la même chose pour les fins d'une convention collective. Disons que la convention collective, je ne sais pas, dans une industrie dans la Beauce — je prends cette région, parce qu'il n'y a pas beaucoup de syndicats — ne prévoit pas d'avis de licenciement. Si c'est dans la convention collective qu'il y a un avis de licenciement et que la période c'est un mois au lieu de deux semaines, comme ce qui est prévu dans la loi actuellement, cela donne ouverture à la procédure de grief. Si cela donne ouverture jà la procédure de grief, cela donne donc la possibilité qu'un arbitre soit appelé à l'interpréter. Mais le jour où je dis que c'est d'ordre public, comme on le fait dans le projet de loi no 126, et qu'effectivement il n'y a aucune disposition dans la convention collective de Saint-Gérard de Beauce dans un type d'industrie, la plainte ne sera pas une plainte par voie de grief. La plainte va être une plainte par voie d'utilisation des services de la commission des normes du travail. C'est cela la cohérence qu'il faut rechercher: dans quelle mesure est-ce qu'on ne le fera pas dans les conventions collectives et dans quelle mesure on peut le faire dans le cas des décrets. Ce n'est pas seulement le problème en termes de cohérence sur le plan juridique, sur le plan des attitudes.

M. Chevrette: Les six mois...

Le Président (M. Marcoux): Sur le même point.

M. Chevrette: Oui. M. Latulippe a argumenté beaucoup sur les six mois par rapport à un an. Je voudrais peut-être dire que les six mois des décrets correspondaient, selon moi, aux six mois du Code du travail, le délai de prescription. C'est un peu pour cela que les six mois étaient correspondants, alors qu'ici ce sont des gens non structurés, non syndiqués qui n'ont personne pour les représenter. En termes d'approche et de philosophie, on ne peut pas complètement comparer, je pense.

M. Latulippe: Je suis d'accord avec vous en ce sens, mais c'est à titre d'exemple que je le notais. Un exemple peut-être un peu plus patent et qui relève des choses qui, je vous avoue, nous poignent aux tripes, des fois, dans les réclamations qu'on a, l'exemple de la définition de "salarié ". Qu'est-ce que c'est un salarié, en vertu de la Loi des décrets? Qu'est-ce que c'est un salarié, en vertu de notre nouvelle loi? Nous, dans la Loi des décrets, avec notre définition de "salarié", je vais vous dire, on est aux prises constamment avec le phénomène suivant — je ne les nommerai pas parce qu'en fait dans certains cas, c'est sub judice — on est aux prises avec des compagnies pétrolières, qui ne sont pas nécessairement des compagnies pétrolières, des compagnies qui ont des libre-service entre autres, certaines compagnies qui ont des libre-service et qui fonctionnent avec des gars qu'ils mettent là. Ils sont censés être des entrepreneurs, ces pauvres gars, ce sont des gérants, des gars à leur compte, ah! oui, à leur compte, ils sont là, il faut qu'ils soient là 24 heures par jour quasiment.

J'ai vu une bonne femme qui travaillait, qui était censée avoir une gérance dans un de ces établissements et qui venait pleurer à notre bureau constamment. De fait; elle était gérante, elle était obligée de payer constamment les "short" de caisse. On venait faire les inventaires dans son établissement, elle payait les "short" constamment, elle n'avait pas un mot à dire, elle finissait, quand on calculait cela au bout de la ligne, par faire $2 l'heure. C'est de l'esclavage moderne, et on en a aujourd'hui encore. Je pourrais vous en nommer, des compagnies qui font cela, et on est poigné avec cela à cause de la définition de "salarié". Cela on l'a.

M. Johnson: C'est le problème des artisans. L'autre secteur de cela, ce sont certaines chaînes de dépanneurs qui, en fait, emploient des gens, mais sauf que nos lois ont tendance, aujourd'hui... Par exemple, dans le cas de la Commission des accidents du travail, on a amendé les lois pour couvrir ces gens qui sont des espèces d'entrepreneurs artisans, pas au sens de la construction — on va essayer de ne pas parler de cela aujourd'hui — mais au sens général de ce qu'on reconnaît d'un entrepreneur individuel. Ceux qui sont dans un lien de préposition tel avec un employeur qu'à toutes fins utiles ils sont l'équivalent, en réalité, d'un salarié, c'est très clair qu'ils ont très peu de protection aujourd'hui. On a tendance à le faire de plus en plus à travers différentes lois, par exemple, et il y aura d'autres choses qui viendront au cours de l'année là-dessus.

M. Latulippe: Vous le faites dans la Loi sur les normes du travail. Misère, donnez-nous la même chose!

M. Johnson: Correct.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, j'avais quelques autres questions mais, étant donné l'heure qui avance, je vais laisser mon collègue de Bellechasse en poser quelques-unes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Vous voyez qu'avec le député de Maskinongé on s'entend très bien.

M. Chevrette: Cela ne passera pas ce matin!

M. Goulet: Vous comprenez pourquoi j'ai dû prendre connaissance très rapidement du mémoire. J'en reviens à la page 13. Je pense que c'est l'essentiel même du mémoire; en tout cas, quant à moi. Vous dites: "Dès lors, l'instauration de ce mode de protection pour les salariés assujettis à ces normes minimales place les décrets de l'automobile et de leurs parties contractantes face aux alternatives suivantes". Il y a trois paragraphes extrêmement importants que je ne lirai pas mais, personnellement, je trouve que c'est l'essentiel de votre mémoire.

Au niveau du comité paritaire de l'automobile, au moment où les patrons et les employés et tout ce monde se retrouvent à une table ronde et s'entendent sur des normes minimales de travail, au moment où il semble y avoir concertation, au moment où les comités paritaires s'occupent, dans ce domaine, de qualification et de perfectionnement, somme toute, au moment où cela fonctionne, vous semblez souligner le fait — pour ne pas dire affirmer — qu'on met en péril l'existence du comité paritaire comme tel. Croyez-vous vraiment que les comités paritaires, par le biais de la loi 126, vont disparaître? Quand pensez-vous que cela peut disparaître? Dans quel délai?

A la lecture de ce mémoire, c'est ce que j'ai retenu. Si je fais erreur, j'aimerais que vous me le disiez, mais c'est ce que j'ai retenu.

M. Latulippe: En fait, ce qu'on dit, c'est qu'effectivement, à force de nous ignorer — c'est une espèce de douce ignorance qui se passe — à force de nous écarter, de nous "discarter", on se pose des questions. Dans combien de temps ce sera, est-ce que ce sera dans six mois, dans un an ou dans deux ans? Je ne peux pas vous le dire, cela va dépendre de la vitesse avec laquelle on va jouer aux cartes. C'est tout simplement cela, c'est à une espèce de mort lente à laquelle on nous voue. C'est une espèce de supplice de la goutte d'eau. C'est un peu cela.

M. Goulet: A la suite des propos que vient de tenir monsieur et à la suite de ma question, j'aimerais savoir ce que le ministre pense vraiment de cela.

M. Johnson: Des décrets en général? De leur maintien? Des comités paritaires et de leur maintien?

M. Goulet: Les comités paritaires, en tout cas au niveau de l'automobile, d'après ces gens, on semble dire qu'avec la loi 126 cela va disparaître. On ne sait pas dans quel délai, on vient de nous dire que cela va dépendre de la vitesse à laquelle vous jouez aux cartes. Etes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Johnson: Non. M. Goulet: Pourquoi?

M. Johnson: Je n'ai jamais caché mon appréhension devant le type de fonctionnement de certains comités paritaires. Il y en a 53 au Québec et on n'a pas eu trop de difficulté, de façon générale, avec ceux du secteur de l'automobile. Mais si le secteur de l'automobile veut interpréter les hésitations du gouvernement face au mode de gestion des conventions collectives que constituent les comités paritaires à partir des tutelles qu'on a faites dans le secteur du vêtement, à partir des enquêtes qu'on a fait faire dans certains endroits ou à partir de l'abolition de deux décrets, je pense que ce serait inexact. Je pense qu'il y a encore de la place, au moment où on se parle, pour des comités paritaires et des décrets, où ils sont capables de justifier autre chose que l'application stricte du salaire minimum.

Là où il y a de la qualification, effectivement, je pense que cela représente un intérêt. Ceci dit, dans le cadre des discussions qu'il y aura sur l'accréditation multipatronale au cours des mois qui viennent, il est bien évident qu'à un moment donné, si on devait arriver à une forme d'accréditation multipatronale, il faudra, en conséquence, modifier la Loi des décrets de convention collective parce qu'il y aurait un recoupement entre les deux. Dans le cas des conditions minimales, je pense que ces recoupements, qui ont été soulignés, ne sont pas sans solution sur le plan juridique, mais il n'est pas de l'intention du gouvernement de se servir de la loi des conditions minimales pour abolir les décrets.

M. Goulet: Je voudrais savoir du ministre quelles garanties ces gens-là ont par le biais du projet de loi 126. Est-ce qu'on ne veut pas, avec ce projet de loi, ou n'est-ce pas dangereux — je pose la question — qu'à un moment donné les décrets ne servent qu'au perfectionnement et à la qualification des membres? Vous ne pensez pas que cela puisse aller jusque-là?

M. Johnson: Pas dans le cadre du projet de loi. Je pense qu'une des qualités des comités paritaires dans le secteur de l'automobile c'est effectivement qu'ils font de la qualification. Comme l'a souligné monsieur tout à l'heure, ils font peut-être un meilleur travail que ce qui se fait à travers l'appareil étatique, au niveau de la formation. En ce sens-là, ils ont leur justification et leur raison d'exister, sûrement. Maintenant, il y a d'autres intérêts à l'existence des comités paritaires, dans la mesure où c'est administré de façon correcte, dans la mesure où l'inspection des décrets ne sert pas — je n'accuse personne ici devant moi — dans un contexte, parfois, où il y a un semblant ou en tout cas une apparence de collusion entre certains membres du comité paritaire et les inspecteurs, pour sortir du marché certains employeurs ou même, dans certains cas, carrément une collusion entre certains représentants syndicaux et certains représentants patronaux, pour les mêmes fins. On a déjà vu cela et c'est pour cela qu'on a mis certains comités en tutelle. Maintenant, ce n'est pas le cas du secteur automobile.

M. Goulet: M. le Président, une autre question si vous me le permettez. Dans le mémoire, le terme qu'on emploie c'est mode alternatif de protection, double protection, double bureaucratie. Or, le ministre a dit tout à l'heure qu'on pouvait éviter cela, qu'il y avait des façons d'éviter cela autres que celles que les membres de ce comité proposent. Mais le ministre s'est limité à ces propos: II y a d'autres façons. Pourrait-il être plus explicite là-dessus et peut-être nous donner des exemples?

M. Johnson: C'est-a-dire que, brièvement, je ne prétends pas qu'on va réussir à mettre fin à toute forme de dédoublement parce qu'il en existe, au moment où on se parle, dans un tas de secteurs. Je dis juste qu'on peut réduire la marge des dédoublements. Les solutions sont aux articles 92 et 146, il s'agit de voir comment on va y toucher. On prépare cela.

M. Goulet: Ce n'est pas...

M. Johnson: On verra cela à l'étude article par article lors de la troisième lecture. Pour le moment nous sommes en commission parlementaire de première lecture.

M. Latulippe: Est-ce qu'on peut vous poser une question?

M. Johnson: Oui. Je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas de questions indiscrètes, il n'y a que des réponses qui le sont.

M. Latulippe: Ma question n'est pas indiscrète. Si ce n'est pas l'objet de la loi d'occasionner un "fade-out" — si vous me permettez l'expression — des décrets, pourquoi ne pas donner à la loi des décrets le même mordant qu'à la loi sur les normes minimales?

M. Johnson: Mais parce qu'on pourrait peut-être être appelé à toucher à la loi des décrets d'ici quelques mois ou d'ici un an ou deux, et que la modifier à nouveau ne me paraît pas utile. Je pense — je peux vous le dire — qu'on n'est pas mûr en ce moment pour soulever tout le problème de l'application des décrets. Ils sont là, il y en a qui vivotent, il y en a qui se maintiennent, il y en a qui sont dynamiques, il y en a qui ont été abolis. On en a aboli deux et il est possible qu'on en abolisse un ou deux autres. Mais je ne vois pas l'utilité, pour le moment, de rouvrir cette loi avec laquelle vivent les parties depuis 1930 environ. Elles vivent avec, et on la modifiera quand, substantiellement, on touchera à tout le phénomène de l'accréditation multipatronale.

M. Goulet: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Une dernière très courte question. Pour les gens de l'automobile il semble que la seule solution réside dans les amendements à la Loi des décrets de convention collective. Le ministre vient de nous dire qu'il ne devrait pas y avoir d'amendements. Naturellement, il y a quelque chose qui vous éloigne du ministre; chez vous, cela va bien, apparemment, dans le décret de l'automobile, c'est même à peu près là où cela va le mieux, et vous dites que la solution serait d'avoir des amendements à la loi des décrets. J'aimerais savoir quels amendements d'après vous parce que le ministre dit: II n'y aura pas d'amendements.

M. Latulippe: II y a deux choses qu'on dit. Premièrement, on dit qu'il devrait y avoir un amendement à l'article 92 de la loi sur les normes afin que, s'il y a une norme qui est supérieure dans les normes minimales, elle s'introduise automatiquement dans un décret. Je ne fais que le répéter. Deuxièmement, on dit: Parallèlement, donnez-nous, dans la loi des décrets, les mêmes instruments de travail pour protéger nos salariés non syndiqués dans ce secteur.

M. Johnson: Non syndicables. (11 heures)

M. Latulippe: Non syndicables, pardon. C'est cela. C'est un lapsus. Cela veut dire que les amendes, entre autres, sont désuètes et dépassées et je souligne que, de fait, il y a déjà eu des représentations qui sont en cours et qui ont été faites à ce sujet. Deuxièmement, on parle des amendes, on parle de la prescription. Par exemple, si l'employeur d'un salarié fait faillite dans le cas de la loi des décrets, il y aurait des dispositions à amender là. En fait, tous les instruments de protection qu'on retrouve dans la loi des normes, qu'on nous les donne donc aussi au niveau des décrets. Peut-être que, dans une première étape, ce qui est évidemment plus essentiel pour empêcher ce fait-là, alors qu'on nous dit qu'on ne veut pas qu'il se passe, ce serait simplement d'introduire automatiquement, comme cela existe actuellement, une clause d'inclusion automatique des normes supérieures qu'il peut y avoir.

Cela peut être bien ridicule. Je vais vous donner seulement un exemple. Prenons les heures de travail d'un pompiste, par exemple: admettons que, pendant une période d'un an ou pendant un certain intervalle, pour le pompiste, c'est 44 heures. Mettons qu'on se serait retrouvé avec 45 heures pour le pompiste. Pour ce pompiste-là, ce sont les normes qui s'appliqueraient, c'est-à-dire 44 heures. Oui, mais c'est ridicule. Pour tout le secteur de l'industrie de l'automobile, le décret s'applique, mais pour le pompiste, c'est 44 heures. Que fait-il, ce pompiste, pendant ce temps? Il va voir qui? Comment cela se passe-t-il? Qui va venir inspecter chez le garagiste pour faire respecter les 44 heures pour le pompiste? Il peut s'agir de normes aussi ténues que cela. On ne parle pas de la généralisation de normes qui sont inférieures. On parle de choses absolument ténues, de normes mineures, en général.

M. Goulet: M. le Président, je sais qu'il faut faire très rapidement.

M. Lefebvre (Jean): Excusez-moi, j'aurais seulement une autre petite remarque en tant que patron. Le patron qui est pris à suivre deux juridictions, à qui s'adresse-t-il pour savoir laquelle il suivra, parce qu'ici ce matin, cela a l'air qu'on n'est pas sûr? La loi va sortir. Les gens arriveront là. L'inspecteur du comité paritaire arrivera et dira: Moi, je fais respecter 45 heures. La Commission du salaire minimum viendra et dira: Moi, je fais respecter 44 heures. Le patron, lui, dans cela, aimerait bien savoir où il s'en va. Les veillées d'un petit patron sont toutes prises d'avance. Il remplit des papiers pour les gouvernements, non pas pour un gouvernement, mais pour les gouvernements. Sa seule solution, c'est de marier une secrétaire.

M. Johnson: Nous sommes prêts à en supprimer un. Nous sommes prêts à supprimer un niveau.

M. Giasson: Supprimer un gouvernement et doubler les formulaires.

M. Lefebvre (Jean): La solution, c'est de marier une secrétaire, mais, à un moment donné, elle est seulement secrétaire et elle n'est plus femme. Il faut se trouver une maîtresse. C'est compliqué, la vie, parfois.

Le Président (M. Marcoux): Nous avons une autre petite question à vous poser.

M. Goulet: Une très courte, M. le Président. Je sais que le temps est très précieux. Le ministre semble dire que les gens sont satisfaits de la loi. Vous dites que vous n'en n'êtes pas satisfaits. Vous demandez des amendements. Est-ce la première fois que vous demandez cela? Avez-vous déjà fait des demandes? Comment cela a-t-il été reçu au ministère? Est-ce nouveau ce matin pour vous?

M. Lefebvre (Jean): La loi des décrets?

M. Goulet: Oui, la loi des décrets. Vous demandez des amendements, mais le ministre dit: L'ensemble des gens semblent satisfaits de cette loi. Est-ce la première fois que vous en parlez au ministre dans votre mémoire?

M. Lefebvre (Jean): Certainement, à maintes reprises. On ne parle pas d'il y a deux ans. Cela fait beaucoup d'années qu'il y a eu des demandes vis-à-vis de la loi des décrets. Ce n'est certainement pas nouveau. La loi des décrets — on l'a dit — c'est 1934, refondue en 1946, quelque chose comme cela. Le vice des décrets, c'est que le gouvernement n'a jamais — et je dis le gouvernement en général; je ne parle pas du gouvernement actuel — voulu s'occuper de cela. On a toujours blâmé les parties, mais on n'a jamais aidé les parties à devenir meilleures. Au ministère du

Travail — non pas actuellement; quand je dis cela, cela fait dix ans que je le constate pour ma part — on n'a jamais eu l'appui qu'on devait avoir. Quand tu arrives dans des décrets, on te fait appliquer une loi et tu arrives là et tout ce que tu sais et ce que tu apprends, c'est à force de bûcher, et tout est du bénévolat de la part des patrons. Moi, j'ai un petit commerce et je suis à Québec depuis deux jours. Tout est laissé là. Après cela, pour siéger au comité paritaire, je fais 60 milles et cela me donne $5. Si vous parlez du salaire minimum, nous, les parties, je te dis qu'on est loin de cela en "mautadit". Après cela on vient nous dire: Ceux qui s'occupent de leur affaire et qui veulent que cela fonctionne avec le syndicat, on vous laisse de côté et on ne vous aide pas, et vous n'êtes pas bons en plus.

A un moment donné, il faudrait regarder tout cela et dire: Si on garde les comités paritaires, on va s'en occuper. Mais si on ne les garde pas et si on les noie dans le "crique", qu'on les noie tout de suite et dites-le nous. Cela fait dix ans qu'on donne de notre temps pour cela. Mais on croit en la formule parce qu'on a des avantages à retirer et je les ai mentionnés tout à l'heure: la qualification. Un petit employeur doit avoir une référence pour embaucher quelqu'un. Ma référence, c'est la qualification, ma référence pour le taux de salaire. On parle toujours du côté syndical, mais il y a aussi le côté patronal. Doit-on tirer une ligne et être égal pour faire de la concurrence? Si vous laissez des gens syndiqués et des non-syndiqués, nous autres, les non-syndiqués tant mieux pour nous. Pendant un petit bout de temps, on demande moins cher; cela fait notre affaire. Ce qui arrive, c'est qu'on n'a plus de main-d'oeuvre parce que la main-d'oeuvre, si on ne la paie pas, c'est de la pas bonne. Quand tu as de la main-d'oeuvre pas bonne, tu fermes tes portes. Dans l'automobile, c'est la seule place où on peut être assuré de cela. Le seul endroit, c'est quand les comités paritaires fonctionnent. A partir de là, on a qualifié dernièrement, dans certaines régions, il y a deux ou trois ans. Chez nous, dans notre comité, on a fait de la qualification de main-d'oeuvre. Des gars qui s'appelaient mécaniciens. On s'est fait dire, par des associations qui essaient de détruire les comités paritaires, vous êtes au courant de cela, à Joliette, pendant une audition, par un gars qui se promène dans la province et qui veut détruire les comités paritaires, il a dit qu'un mécanicien, c'est un gars qu'on prenait le matin, qu'on passait dans un baril de graisse et qu'on ressortait mécanicien. Les comités paritaires vont à l'autre bout et disent: C'est quelqu'un qu'on éduque et qu'on aide à former. C'est cela un comité paritaire.

M. Goulet: Comme le ministre l'a dit, vous allez encore attendre deux ou trois ans. Il ne semble pas disposé à...

M. Lefebvre (Jean): On est patient; cela fait dix ans.

M. Chevrette: Si j'ai bien compris, il s'agit... du ministre.

M. Lefebvre (Jean): C'est celui-là.

M. Chevrette: II me semble avoir lu cela quelque part.

M. Lefebvre (Jean): C'est assez décourageant pour les gars qui essaient de faire quelque chose qui a de l'allure.

M. Goulet: Merci, monsieur.

M. Johnson: Je peux vous dire une chose, c'est que si vous tenez absolument à avoir une photo, cela me fera plaisir. Venez à mon bureau, venez nous faire tirer le portrait.

M. Lefebvre (Jean): Non, je ne veux pas me faire tirer du tout.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie beaucoup, au nom de tous les membres de la commission, le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile. J'inviterais maintenant l'Union des producteurs agricoles à venir nous présenter son mémoire.

M. Couture, si vous voulez nous présenter vos collègues et nous présenter votre mémoire. Vous connaissez nos règles habituelles.

Union des producteurs agricoles

M. Couture (Paul): M. le Président, nous vous remercions d'abord de recevoir l'Union des producteurs agricoles. Ceux qui m'accompagnent sont M. Léo Vigneault, qui est secrétaire général adjoint à l'UPA, M. Jules Saint-Pierre, qui est trésorier et responsable du service de la main-d'oeuvre agricole, M. Robert Dagenais, qui est également du service de la main-d'oeuvre, et Me Pierrette Brosseau.

Nous avons présenté un court mémoire. Je pense que l'essentiel du mémoire, c'est qu'on n'est pas contre des normes du travail en agriculture, mais on voudrait des normes qui s'adaptent à notre particularité vu qu'on est une industrie à ciel ouvert et qui a des particularités spéciales.

Si vous me le permettez, je demanderais à M. Léo Vigneault de lire le mémoire de cinq pages. Ce sera très court. C'est peut-être la meilleure manière de le faire.

M. Vigneault (Léo): M. le Président, l'Union des producteurs agricoles est le porte-parole de l'ensemble des producteurs agricoles du Québec. Nos membres sont concernés par le projet de loi 126, Loi sur les normes du travail.

L'UPA demande à la commission parlementaire, dans le présent mémoire, de porter une attention particulière à différents aspects de ce projet de loi qui s'appliquent à bon nombre d'exploitations agricoles.

Ce mémoire développe les appréhensions de l'UPA face à ce projet de loi. Même si la loi reconnaît le caractère bien particulier des entreprises agricoles en excluant certaines exploita- tions agricoles de l'application de cette loi, nous croyons qu'on ne tient pas suffisamment compte des conditions générales qui prévalent dans l'agriculture.

Nous voulons vous indiquer les conditions particulières d'emploi qui existent en agriculture au Québec et dans les autres provinces et les particularités physiques et économiques d'exploitation des fermes face aux normes de travail qui seraient établies par cette loi.

Plusieurs dispositions du projet de loi no 126 sur les normes de travail concernent les travailleurs agricoles et conséquemment les exploitants agricoles. L'UPA présente, dans les pages qui suivent, son point de vue sur les dispositions qui doivent, selon elle, être l'objet de certaines modifications.

A l'article 3, alinéa a), on indique que ce projet de loi ne s'applique pas au — et je cite — au salarié employé à l'exploitation d'une ferme mise en valeur par une personne physique dont c'est l'activité principale, avec le conjoint, ses ascendants et ses descendants. Nous demandons que la loi ne s'applique pas, également, aux salariés employés d'une ferme mise en valeur par une société, une compagnie, un syndicat, une coopérative dont la majorité des membres ou actionnaires ont comme principale occupation l'exploitation de cette ferme et en sont les gestionnaires.

Nous croyons que les fermes familiales exploitées en copropriété père-fils-frères ou autres groupes de propriétaires doivent être dans une situation semblable à la ferme mise en valeur par une personne physique, vis-à-vis de l'application de cette loi.

Le projet de loi, à l'article 3, alinéa a), parle de la personne physique dont c'est l'activité principale. Nous demandons que cet article prévoie qu'une période de cinq ans soit accordée à tout nouvel exploitant agricole pour répondre à cette exigence de l'activité principale. Ceci voudrait dire que la loi ne s'appliquerait pas au salarié employé d'un nouvel exploitant agricole dont l'activité principale n'est pas l'exploitation de sa ferme, pour une période de cinq ans, comme le prévoient déjà certaines lois.

Les travailleurs agricoles dont le travail est relié à la production agricole dans les fermes et qui seront couverts par la loi doivent être exemptés de certaines dispositions de cette loi: les heures supplémentaires, le salaire minimum, le prélevé, le congé hebdomadaire. Ces conditions générales dans lesquelles évoluent les exploitations agricoles nous obligent à demander certaines exemptions de l'application des dispositions de la loi.

Le rendement du capital en agriculture est généralement de beaucoup inférieur à celui d'autres secteurs de l'économie. Les conditions de production, climatiques et autres, conditions imposées très souvent par la nature à l'exploitation agricole, commandent un rythme de travail et des conditions de travail particulières.

Par ailleurs, les exceptions consenties aux exploitations agricoles des autres provinces con-

cernant la législation du travail nous demandent d'être particulièrement prudents au Québec si nous voulons être capables de répondre à la concurrence. Nous joignons au présent mémoire, en annexe A, un tableau résumant la législation provinciale du travail, telle qu'elle existait en 1977, s'appliquant aux travailleurs agricoles des différentes provinces.

Nous croyons que les dispositions du présent projet de loi concernant les heures supplémentaires et le congé hebdomadaire ne doivent pas s'appliquer aux employés agricoles auxquels la loi s'applique par ailleurs. Dans les productions animales, ainsi que dans les productions végétales, des situations nombreuses se présenteront, indépendantes de la volonté de l'exploitant agricole, qui obligeront ce dernier et ses salariés à passer outre aux heures normales de travail et même, à certains moments, au congé hebdomadaire.

Un début de printemps pluvieux oblige les producteurs agricoles et les travailleurs de rattraper le temps perdu et de dépasser de beaucoup le nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la loi. Les mêmes conditions imposées par la nature obligeront l'exploitant et les travailleurs à reporter à la fin des travaux urgents le repos hebdomadaire.

Le salaire minimum horaire ne s'est pas appliqué jusqu'ici à l'agriculture. Nous croyons que l'ensemble des exploitations agricoles ne devrait pas, dans un avenir prévisible, y être soumis. Les exploitants agricoles, dans la majorité des productions, ne peuvent obtenir leur coût de production. La concurrence des exploitations agricoles des autres provinces qui ne sont pas soumises à la Loi du salaire minimum horaire pourrait être très désavantageuse économiquement pour les exploitations québécoises soumises à la loi. Généralement, dans les exploitations agricoles, le salaire payé au personnel permanent est un salaire hebdomadaire.

Les exploitations agricoles soumises à la loi ne devraient pas être tenues de payer le prélevé que la commission pourrait imposer en vertu de l'article 29, alinéa h), du projet de loi. Les raisons de notre demande sont dans l'ensemble les mêmes que celles invoquées au point précédent touchant le salaire minimum horaire. (11 h 15)

De plus, nous demandons que la Loi sur les normes du travail prévoie que toute réglementation qui en découlera et qui devra s'appliquer aux travailleurs agricoles fasse l'objet, avant son adoption, d'une consultation auprès de l'Union des producteurs agricoles. Les exploitations agricoles étant dans l'ensemble de petites entreprises, tout règlement les concernant devra être élaboré avec prudence. Nous remercions votre commission d'avoir accepté d'entendre notre point de vue, le point de vue de l'Union des producteurs agricoles. L'Union est disponible pour fournir les explications qui seraient nécessaires.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Johnson: Merci de la clarté, de la brièveté de votre mémoire. J'ai quelques questions. La première touche la copropriété. Est-ce que c'est quelque chose d'assez répandu la copropriété père-fils?

M. Couture (Paul): De plus en plus répandu. Dans beaucoup d'exploitations, aujourd'hui, les agriculteurs adoptent la formule de société ou la structure de compagnie. Cela peut être difficile de le dénombrer, mais il y a des milliers de cas où c'est constitué en compagnie. Ce que nous pensons, c'est que la même règle devrait s'appliquer pour autant qu'ils répondent aux mêmes exigences, que ce soit des travailleurs impliqués sur la ferme et qui l'exploitent, ou que ce soit un propriétaire individuel.

M. Johnson: D'accord. En d'autres termes, ce que vous demandez en ce qui a trait à cela, c'est que, dans la mesure où on fait une exemption pour l'exploitant et sa famille, on devrait faire une exemption pour les exploitants et leurs familles s'ils sont en copropriété.

M. Couture: Qui exploitent la ferme, on met cette réserve. Pour autant qu'ils exploitent la ferme.

M. Johnson: Qui exploitent la ferme, c'est évident. Ce n'est pas cela que je comprends quand vous me parlez de la période de cinq ans. Qui visez-vous exactement à 1.2?

M. Couture: Oui, c'est qu'il y a une formule pour permettre à un producteur qui s'établit en agriculture... Souvent, pour les premières années, pour compenser pour les revenus qu'il n'a pas sur la ferme, il va à l'extérieur. Par exemple, un type peut travailler à l'extérieur à faire de la culture maraîchère pendant la période d'été, mais cela peut être plus important, peut-être, le revenu qu'il va chercher temporairement à l'extérieur que ce qu'il va chercher sur la ferme. C'est pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'établir. Vous avez la même réserve au niveau de la politique d'établissement. La Loi du crédit agricole permet à un aspirant agriculteur d'acheter une ferme, de bénéficier de la Loi du crédit agricole, mais il a cinq ans pour devenir un producteur à plein temps. Je pense que c'est la même mentalité, la même philosophie qu'on a. C'est pour permettre l'établissement, favoriser l'établissement.

M. Johnson: M. Couture, je veux bien être sensible à cette dimension, mais je me rends compte qu'en même temps, probablement, vous étiez capable de couvrir des professeurs d'université et des "gentlemen farmers" avec cette disposition.

M. Couture: La condition c'est qu'il a cinq ans pour devenir un producteur à plein temps. C'est la même exigence dans le crédit agricole, dans la Loi du crédit agricole.

M. Johnson: L'urbain qui décide de s'acheter une ferme quelque part dans les Cantons de l'Est,

de s'établir dessus pendant cinq ans, il peut embaucher du personnel sans le payer au salaire minimum et si, au bout de cinq ans, il n'est pas devenu producteur agricole, s'il continue d'être un "gentleman farmer", alors là il le paierait au salaire minimum.

M. Couture: Ce n'est pas ce cas qu'on veut protéger nous autres. C'est celui qui veut s'établir.

M. Johnson: Cela m'étonnerait un peu d'ailleurs.

M. Couture: On a toujours des cas comme cela qui viennent s'introduire, mais on dit que l'idée c'est de permettre d'aider le producteur qui veut s'établir. Je pense bien que c'est la philosophie. On ne veut pas faire de la discrimination et dire: On ne veut pas...

M. Johnson: C'est cela. Ce que vous me dites, c'est que de la même façon que la Loi du crédit agricole prévoit des dispositions analogues pour les fins d'établissement, cela vise finalement ce monde-là. Il y en a quand même passablement?

M. Couture: Oui, il y en a. C'est parce que les capitaux nécessaires pour l'établissement en agriculture sont considérables. Donc, il y a une période de rodage, l'établissement n'est jamais spontané. Il est rarement spontané. Il faut, souvent, dans bien des cas qu'il y ait une progression. Donc, cela permet d'aller chercher d'autres revenus à l'extérieur. On ne dit pas à un bonhomme: Tu veux être agriculteur, demain matin tu l'es. Cela leur donne la possibilité de s'établir, c'est pour répondre à des pressions qu'on a eues.

M. Johnson: II ne pourra plus travailler dans la construction, par exemple, M. Couture. Cela a déjà été une source de revenu d'appoint, mais cela ne l'est plus maintenant.

M. Couture (Paul): Oui, mais notre mentalité, c'est de permettre l'établissement en agriculture.

M. Johnson: D'accord. Ceci dit, je tiens pour acquis que ce que vous décrivez sur les subventions, c'est finalement une aide à l'établissement, de la même façon que le crédit agricole y pourvoit. Il demeure quand même que cela soulève une question de principe importante. Est-ce parce qu'on va s'établir comme producteur agricole éventuellement qu'on peut utiliser de la main-d'oeuvre sans la payer au salaire minimum? Il y a déjà des exclusions qui sont prévues dans notre loi pour les membres de sa famille, si c'est inférieur à trois exploitants, etc.

M. Couture (Paul): Ce qu'on demande là-dedans, je pense, c'est qu'ils soient soumis aux mêmes normes que les autres agriculteurs pour une période de cinq ans. Pour des cas, cela peut être vrai, mais notre gros problème, ce ne sont pas tellement les normes du salaire minimum, parce que, règle générale, on les respecte, ces normes; ce sont les conditions spéciales à cause du climat. Il y a des compensations qui s'établissent. Admettons que j'ai un employé. Il peut y avoir des périodes tranquilles où on peut se permettre une certaine latitude, mais, à un moment donné, vu qu'on est une entreprise à ciel ouvert, s'il pleut quinze jours de temps et que cela s'adonne qu'une fin de semaine il fait beau, si tu as du foin dehors ou des récoltes à faire, il faut que tu les fasses cette journée. Tu donnes un coup parce qu'il faut que tu profites de la température et on ne le fait pas exprès. Mais, dans des années spéciales, si on est pris avec ces normes, cela gèle notre activité. Il y a des périodes de pointe qui ne sont pas tellement longues normalement, mais, vu qu'on est à la merci de la température, on n'a pas une grosse influence là-dessus. Donc, on essaie, à ces moments, de s'en servir toutes les journées où il est nécessaire de le faire, mais il y a des périodes de compensation, parce que, dans des périodes où ce n'est pas possible, tu peux donner plus de latitude à ton employé.

M. Johnson: Je voudrais juste vous rassurer, M. Couture. Malgré ce que dit parfois l'Opposition, ce gouvernement ne s'imagine pas qu'il est capable par une loi de changer le climat, je vous l'assure. Le climat social, oui, mais la température, non.

M. Couture (Paul): C'est parce que le climat, on le connaît; c'est pour cela qu'on essaie...

M. Johnson: De toute façon, c'est de juridiction fédérale.

M. Couture (Paul): Nous, ce sont surtout des ajustements avec la réalité de la ferme.

M. Johnson: D'accord. Juste quelques précisions quand même sur ce qui est en ce moment prévu. Mais j'attends avec beaucoup d'intérêt les commentaires que feront mes collègues qui connaissent mieux le milieu rural, le député de Joliette-Montcalm, entre autres, évidemment le critique officiel de l'Opposition officielle, ainsi que le député de Bellechasse et également probablement le député de Beauce-Nord.

M. Chevrette: Ah oui!

M. Johnson: Oui, il connaît cela un peu, oui. Il y a quand même des dispositions dans le projet de loi — qu'on se comprenne bien — où on essayait de circonscrire un peu ces choses, tout en essayant quand même de sauvegarder un minimum de principes. Je pense que ce n'est pas parce qu'on est dans le domaine agricole, même si on veut tenir compte de la réalité, y compris de celle du climat, qu'on doit mettre les travailleurs qui oeuvrent dans le milieu rural dans des conditions inférieures aux autres.

Malgré tout, l'article 86 prévoit une possibilité d'exemption des surnuméraires pendant les récol-

tes. La durée de travail; à l'article 53c, on prévoit qu'il n'y a pas de semaine normale pour les surnuméraires pendant la période des récoltes. Le congé annuel, à l'article 76e, prévoit la même exemption pour les surnuméraires. Le repos hebdomadaire et le prélèvement y sont évidemment soumis et c'est là que je vois le genre de problème que vous soulevez au sujet des récoltes. C'est tout ce que j'avais pour le moment. On prendra bonne note de vos commentaires.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Comme d'habitude, l'UPA nous présente un mémoire fort pratique et adapté à une situation qui est fort bien connue des représentants du monde agricole. En général, j'aimerais savoir, sur les fermes au Québec, que ce soit une ferme possédée par une personne physique ou par une corporation, une société ou une coopérative, est-il fréquent de retrouver plus de trois employés salariés?

M. Couture (Paul): II faut s'expliquer. Oui, pour des périodes temporaires. Si tu parles de trois employés à l'année, c'est plutôt rare, mais pour des périodes spéciales dans certaines cultures, comme les maraîchers, les pommes, les pommes de terre, pour des récoltes un peu plus spéciales, il y a des fermes qui ont plus de trois employés. Il y a aussi d'autres périodes. Dans le projet, on prévoit les récoltes, mais il y a la période des semences aussi qui n'est pas prévue dans le projet. M. Johnson parlait tout à l'heure de la période des récoltes, mais il y a aussi la période des semences qui est l'équivalent, qui est à l'autre bout de la chaîne.

M. Giasson: Cette modification du mode de propriété des fermes au Québec, c'est-à-dire la copropriété, quelle que soit la structure corporative, avez-vous l'impression que cela va continuer à se développer à un rythme aussi rapide que celui auquel on assiste depuis trois ou quatre ans?

M. Couture (Paul): Je pense que cela va se développer plus rapidement. Je pense que le rythme a été quand même assez lent. Il y a un changement de mentalité. Je vis présentement cette expérience, j'ai une compagnie avec mes enfants. Si j'ai pu la faire, ma compagnie avec les enfants, c'est parce que j'ai travaillé avec une société bona fide pendant peut-être 10 ans ou 15 ans. Il y a une mentalité à préparer, ce n'est pas tout à fait la même conception de la ferme, il y a des choses différentes. Chacun a un peu plus ses responsabilités, il y a une adaptation, un ajustement.

Je ne dis pas que c'est la solution à tous les maux, mais je pense que de plus en plus, avec la capitalisation que cela prend, ce n'est pas tout le monde qui peut fournir un capital de $300 000, $400 000 ou $500 000 aujourd'hui dans les fermes. Ce n'est pas tout le monde qui peut s'établir avec ces exigences. Je pense qu'il y a une adaptation et cela va se faire de plus en plus.

M. Giasson: A votre connaissance, M. Couture, est-ce que les salaires payés aux employés de ferme, en 1978, supportent assez bien les minimums qu'on exige comme base salariale au Québec?

M. Couture (Paul): Règle générale, oui. On a regardé un peu ce qu'on pouvait palper autour de nous et cela peut varier entre $160 et $180 par semaine, en tenant compte souvent de la pension ou de la location d'une maison à la disponibilité des employés, en tenant compte de cela, règle générale, surtout dans le cas de salariés à plein temps. Contrairement à ce qu'on pense, un employé agricole, ce n'est pas n'importe qui; c'est un gars qui est capable de prendre des responsabilités, qui est capable de voir s'il y a un problème avec une machine avant qu'elle soit finie. Cela prend un gars qui est capable de s'apercevoir que les animaux sont malades avant qu'ils meurent. Il y a une question de jugement là-dedans et c'est important. On a dit longtemps: Celui-là, il n'est pas "smatte", il va faire un cultivateur. Ce n'est pas vrai, ça prend des "smattes" et des gars aussi "smattes" que n'importe où ailleurs.

A partir de là, pour avoir une main-d'oeuvre intéressante à employer, il faut la payer. Personne ne travaille pour rien. On est intéressé et, règle générale, c'est payant pour nous. Il y a des conditions spéciales, cependant, à un moment donné, comme les récoltes, pendant lesquelles on va employer des jeunes, des enfants, des écoliers. Il pourrait y avoir des ajustements selon la situation. Des exigences de salaire minimum trop fortes pourraient créer des problèmes. On pourrait tenir compte de ce qui se passe surtout en Ontario parce qu'on est proche de l'Ontario. Il y a de la concurrence, à un moment donné, au niveau de ces productions. Ce sont des cas assez particuliers. (11 h 30)

M. Saint-Pierre: Dans les centres de main-d'oeuvre agricole que notre corporation a mis sur pied avec l'aide du ministère, qu'on administre, au 31 mars de cette année, on prévoit que la moyenne — je ne parle pas des plus hauts ou des plus bas — sera d'environ $170 par semaine, la moyenne du salaire qui est versé en argent ou sous forme de pension, de logement. Maintenant, il y a des cas, dans certaines spécialités, où on va beaucoup plus haut que cela parce qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre qualifiée en agriculture. Dans des endroits, il y a des employeurs qui paient effectivement des salaires beaucoup plus élevés que cela présentement. Cela dépend des catégories.

M. Giasson: J'ai également des réserves sur une de vos recommandations, soit celle de l'avantage de la non-application de la loi pour une période de cinq ans à l'endroit d'une personne qui désire s'établir en agriculture, qui se porte acqué-

reur d'une terre. Je comprends que vous avez à l'esprit le cas du jeune cultivateur qui veut continuer de travailler à l'extérieur; mais ne voyez-vous pas le danger d'une porte ouverte, assez grande, à l'endroit de gens qui, au fond, ne sont pas véritablement intéressés à devenir des producteurs agricoles au sens où on l'entend?

M. Couture (Paul): Nous sommes un peu conscients de cela et on essaie d'obtenir des lois qui protègent ces gens-là. Mais l'important est d'aller au moindre mal et de ne pas léser les jeunes producteurs qui veulent s'établir en agriculture et créer une situation où ils sont dans l'impossibilité de s'établir. La préoccupation est l'établissement des jeunes. On peut avoir des normes, mais comment les appliquer? Notre objectif est de protéger les jeunes qui veulent s'établir en agriculture, mais qui ne peuvent pas le faire, pour des raisons financières, rapidement. Ils le font en se développant pendant...

M. Giasson: Mais vous admettez que ce n'est pas facile d'établir des modalités, des critères qui pourraient permettre de juger du droit de non-application pour une période de cinq ans des dispositions de la loi par rapport à d'autres cas qui...

M. Couture (Paul): Ce n'est pas si facile d'appliquer le crédit agricole pour eux, dans la main-d'oeuvre. Le crédit agricole rembourse l'intérêt rétroactivement s'il y a eu des... Mais dans ces cas-là...

M. Giasson: Dans le cas présent...

M. Couture (Paul): ... je pense que le problème de rétablissement pour un jeune est important et on ne peut pas le négliger. Il faudrait regarder quelles sont les autres possibilités de ne pas ouvrir assez grand pour que tout le monde en abuse, mais je pense qu'il faut garder le souci de favoriser le plus possible l'établissement des jeunes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, très brièvement, j'avoue franchement que, lorsque j'ai vu M. Couture, j'ai regardé le projet de loi comme il faut pour voir si, entre le 1 et le 6, c'était un 1 ou un 2, je me suis aperçu qu'il y avait une différence de 1, mais entre les deux principes du projet de loi il y avait quand même un océan. Je dirai que je suis d'accord avec l'ensemble des recommandations faites par les représentants de l'UPA. Il y a juste une information que je voulais demander. Ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, avec ce qu'on propose à un endroit, qu'on peut avoir, au niveau de l'agriculture, deux sortes de salariés? Pour un travail égal, dans des conditions égales, vous ne pensez pas qu'on devrait avoir un salaire égal? Je vous demande pourquoi vous proposez qu'un individu qui fait exactement le même travail pour une société ou une compagnie, un syndicat, ou une coopérative n'aurait pas les mêmes conditions de travail que s'il travaillait pour M. le député de Beauce-Nord, qui pourrait être propriétaire d'une ferme, mais dont le revenu principal ne serait pas le revenu de la ferme. Quelle et la différence — c'est la question que je pose — quel que soit le patron, pour autant que le travail est égal dans des conditions égales? Vous voulez protéger le travailleur agricole, mais celui-ci va être porté à aller travailler d'abord là où il aura de meilleures conditions de travail et cela au détriment de celui qu'on veut protéger. Si je suis travailleur agricole et que je peux avoir de meilleures conditions de travail parce que je suis protégé par une loi, parce que monsieur a une ferme mais que son revenu principal ne provient pas de l'agriculture, contrairement à son voisin; Si, chez lui, je suis protégé par une loi et chez le voisin, je ne le suis pas, ne pensez-vous pas que d'abord le travailleur agricole va essayer d'aller travailler pour ceux qui exploitent des fermes et qui ne sont pas reconnus comme agriculteurs; parce que l'agriculture n'est pas leur revenu principal? Je pense que cela pourrait — en tout cas dans certains cas — aller au détriment de l'agriculteur lui-même qu'on veut protéger, celui dont c'est le gagne-pain. Ne voyez-vous pas là un danger?

M. Couture (Paul): Nous, notre objectif comme Union des producteurs agricoles, c'est de défendre le plus possible la ferme familiale. C'est là notre objectif. C'est la structure de ferme qu'on défend, où les gens sont impliqués dans le travail, la gestion et le financement. Donc, c'est la forme de ferme qu'on défend. Au sujet du danger qu'on souligne, je ne le vois pas si grand que cela parce que le nombre est quand même limité. Tu as un marché qui est saturé; pour autant que tu peux offrir des conditions qui sont assez normales... c'est comme les gars qui voudraient tous être juges, mais il y a une certaine saturation. Quand tu ne l'es pas, il faut que tu acceptes d'être seulement avocat ou autre chose. Je pense que c'est pareil. Les gars vont aller là, mais pour ce qui est de savoir quand ce marché sera saturé, moi, cela ne m'inquiète pas.

M. Goulet: Une petite question. Ne croyez-vous pas qu'un travailleur agricole, quel que soit l'endroit où il travaille, pour le même travail dans les mêmes conditions, devrait être protégé de la même façon? C'est tout un principe qu'on met en cause.

M. Couture (Paul): Oui, mais je serai d'accord avec vous pour autant que... Nous, on met comme condition qu'un agriculteur a droit aux mêmes revenus qu'une autre classe de la société. C'est normal, c'est logique et cela se défend. Mais comme on ne l'obtient pas, cette affaire-là, on dit: II faut que nous ayons un pendant à cela et des conditions qui s'ajustent un peu à cette économie-

là qu'on vit. C'est cela. L'idéal serait que nous touchions nos coûts de production et des revenus normaux. Là, on ne demanderait aucune faveur. On dirait: On va être soumis aux mêmes conditions que les autres. Qu'on me réponde à cette question et on ne demandera rien ici. On va dire: On va se soumettre à toutes les conditions et à toutes les normes. Mais comme on n'a pas atteint cela encore, on dit: En attendant, pour passer à travers et pour être concurrentiels avec les autres, cela nous prend un peu de choses, des accommodations et on dit: On n'est pas contre les normes. On veut et on est prêt à discuter des normes, mais des normes qui s'appliquent à nos entreprises, qui tiennent compte de certaines réalités.

M. Goulet: Une dernière question, M. le Président. Vous avez dit quelque chose tout à l'heure, à la suite d'une question du ministre, à savoir que la plupart de vos aides sur la ferme sont payés au salaire minimum. Vous avez dit que c'est dans un grand pourcentage, mais par contre, dans votre mémoire, à l'article 2.4, vous dites: Le salaire minimum horaire ne s'applique pas jusqu'ici à l'agriculteur et nous proposons qu'il ne s'applique pas non plus éventuellement. Pourquoi, à un moment donné, sentez-vous le besoin de mettre cela si, dans la grande majorité des cas, le salaire minimum horaire, vous le donnez?

M. Couture (Paul): C'est parce que lorsqu'on parle du salaire minimum, on parle de salaire horaire, mais à cause de notre particularité, on travaille beaucoup avec un salaire hebdomadaire ou un salaire mensuel.

M. Goulet: Je voudrais savoir si c'est parce que c'est difficile à un moment donné de comptabiliser les repas, l'aide au fermier, la chambre que vous lui donnez, et ainsi de suite. C'est pour cela que vous ne voulez pas être...

M. Couture (Paul): II y a surtout la question, je pense bien, entre le salaire horaire et le salaire hebdomadaire, la possibilité... Parce que d'habitude, on travaille beaucoup avec des employés à salaire hebdomadaire qui pourraient, au cours d'une semaine, faire peut-être plus que les heures normes, mais une autre semaine, on pourra leur donner une journée de congé. Et là, le gars peut faire des commissions ou bien, il va chez le médecin avec sa femme. Il y a cette souplesse dans nos entreprises qui est, je pense, un équivalent.

M. Goulet: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. Couture, je vous suis sur un bout, en particulier pour le temps de récolte et de semence. Si je prends même les producteurs de tabac de mon comté, c'est à peu près le problème majeur. Le tabac, il faut que tu le casses quand il est mûr. Si tu ne le casses pas, tu risques d'avoir de maudits problèmes en termes de revenus. Je suis d'accord avec vous là-dessus. La gelée et tout le "kit".

M. Goulet: Comme le référendum.

M. Chevrette: Non, ce n'est pas tout à fait la même... Vous avez sans cesse...

M. Johnson: C'est prévu, ne vous en faites pas.

M. Chevrette: ... des obsessions, mon cher ami. J'ai dit "sans cesse".

M. Ouellette: Pas 116.

M. Goulet: Pas 116. J'avais compris.

M. Johnson: II ne faudrait pas être dissident.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm, continuez donc.

M. Ouellette: Rappelez les dissidents à l'ordre.

M. Chevrette: Rappelez les dissidents à l'ordre, les intégrateurs.

Voici, M. Couture: j'ai un problème, par exemple, avec le deuxième paragraphe de 1.1. Vous parlez de sociétés, compagnies, syndicats et coopératives. Vous dites que la loi ne devrait pas s'appliquer. Je vous donne l'exemple d'un gros producteur de porc qui forme une compagnie avec sa femme et un de ses frères. Donc, la principale occupation, c'est l'exploitation, sauf qu'ils en multiplient un peu partout. Dans un comté, ils deviennent les rois du porc. Vous ne voudriez pas que la loi s'applique à ces gens-là. Effectivement, ils engagent plus de trois employés. Là-dessus, je ne suis vraiment pas capable de vous suivre parce que ce sont des gens qui, à cause de leur volume d'affaires ont des revenus, entre vous et moi, mauditement plus élevés que le type qui a une entreprise familiale. Je vous suis pour le type qui a une entreprise familiale, mais je ne vous suis vraiment pas pour les producteurs que je connais, dans mon coin, qui polluent à la tonne et qui se sacrent bien du salaire décent pour le salarié. J'aimerais vous entendre avec une argumentation beaucoup plus étoffée pour me convaincre de voter en faveur de ce que vous me demandez.

M. Couture (Paul): L'objectif pour nous, c'est de couvrir d'abord la ferme, c'est normal, que ce soit un père et son fils ou deux frères ou trois frères ensemble. Je pense bien que c'est cela qu'on veut obtenir. Concernant l'autre question, le producteur — tu veux dire un intégrateur — entre-t-il dans la définition d'un producteur ou si son revenu principal provient de son commerce de moulée ou parce qu'il y a de l'intégration?

M. Chevrette: Je vous garantis qu'il va dire qu'il est un producteur.

M. Couture (Paul): Oui, il va le dire, mais entre le dire et l'établir, c'est quand même différent.

M. Chevrette: Si c'est dur pour vous autres, c'est exactement dur aussi de le contrarier s'il se dit producteur et non pas vendeur de moulée. A partir de là, vous le couvrez dans votre demande ici. Je suis en complet désaccord parce que ces gars-là ont sacrement les moyens de payer au moins le salaire minimum et ils ont même des équipes de travail, vous le savez pertinemment. On leur permettrait de prendre des jeunes de 18,19 et 20 ans, tel que stipulé là, et de les faire travailler douze ou treize heures — pas de problème — en bas du salaire minimum aussi.

M. Giasson: Non, pas dans des fermes spécialisées dans l'élevage du porc. Elles ne fonctionnent pas avec des gars de 18 ans.

M. Johnson: Prenez le champignon.

M. Chevrette: Je m'excuse, mais il y en a qui fonctionnent avec des jeunes. Je vous amènerai dans mon comté faire un petit tour.

M. Giasson: Dans les fruits et légumes, c'est vrai.

M. Goulet: Avec la loi 116, il n'y aura plus de rois du porc.

M. Chevrette: II va y en avoir quand même, mais ils n'étoufferont pas les petits, avec la loi 116. C'est cela.

M. Goulet: II n'y aura plus de rois du porc et de rois du champignon avec la loi 116. Ils vont les contingenter.

M. Chevrette: Si vous voulez qu'on se parle de la loi 116, je vais vous en parler.

M. Goulet: Oui, tu amènes cela et c'est du passé.

M. Chevrette: Allez chercher Paradis à part cela; on va vous en parler.

M. Goulet: C'est du passé.

M. Couture (Paul): Je pense qu'il faudrait être capable de faire la démarcation. Ton producteur de porc qui fait de l'intégration, son intégration, il ne la fait pas partir de sa ferme, il la fait partir de sa meunerie. Il la fait partir de la meunerie, il ne la fait pas partir de la ferme. Je pense qu'il y a un point de démarcation qui doit quand même être faisable. Je ne dis pas que cela ne posera pas de problèmes mais, moi, si je suis un producteur agricole, je ne ferais pas d'intégration parce que je n'ai pas les récoltes pour faire de l'intégration.

Mais pour ce qui est de sa production agricole sur sa ferme, il a les mêmes droits que l'autre, je pense. Mais partir de la meunerie, il doit y avoir moyen. Je ne dis pas que c'est facile, mais il doit y avoir moyen de faire une démarcation, et le nombre d'employés aussi est assez considérable à ce moment-là. (11 h 45)

Je pense qu'il faut trouver un moyen de démarcation. L'objectif, nous, ce que nous voyons, au niveau de la structure de la ferme société ou compagnie, c'est que deux ou trois personnes, ou des gens de la même famille se mettent ensemble et exploitent pour justifier davantage les investissements, avoir des conditions de travail des fois un peu meilleures parce qu'ils peuvent se libérer de temps en temps, que ce type d'entreprise ne soit pas pénalisée.

M. Chevrette: Si on met cinq ans, moi aussi j'ai certaines réserves en ce sens qu'il m'apparaît que ce ne serait pas une façon en termes de conception; j'irais même sur le fond et non pas sur la modalité. En termes de conception, l'individu qui part en agriculture et qui va aller chercher un salaire à l'extérieur, en confiant à une main-d'oeuvre le travail sur sa ferme, ne seriez-vous pas mieux de rechercher plutôt, au niveau du ministère de l'Agriculture, un programme substantiel à rétablissement plutôt que d'essayer, à partir du projet de loi no 126, de chercher un moyen de renflouer la prime d'établissement? Je ne sais pas mais cela ne m'apparaît pas, en termes de philosophie de l'agriculture, être conforme.

M. Couture (Paul): En termes philosophiques, je vais m'accorder avec vous. Mais en termes pratiques, le gars dit: Je veux m'établir en agriculture. Il achète une ferme ou la ferme de son père; le père était vieux et avait négligé des choses. Avant de remettre cela en production, souvent il a besoin d'un revenu d'appoint, il a besoin de réorganiser son affaire. Cela donne cette possibilité. Vos appréhensions ne me surprennent pas, on les a eues. Avant d'accepter que le crédit agricole prête à des aspirants agriculteurs, on s'est posé un maudit paquet de questions. A un moment donné, pour favoriser l'établissement des jeunes agriculteurs, on a dit: Ecoute, il y a des risques qu'on prend mais on pense que cela peut favoriser l'établissement. On a beaucoup de gens. Quand je me suis établi en agriculture, j'ai fait du bois l'hiver parce que cela m'amenait un revenu complémentaire et cela m'a permis d'investir. J'arrivais et j'investissais; ce que je faisais dans le bois, je l'investissais en agriculture et c'est comme cela que j'ai bâti une organisation agricole. Et il y a beaucoup d'établissements qui se font de cette manière. Le gars n'a pas les capitaux et, à un moment donné, il arrive et investit au bout de quatre ou cinq ans. La période de noviciat est de cinq ans quand même. Mais qu'on ait des appréhensions... Je pense qu'on souhaite que ce soit le plus étanche possible; nous ne sommes pas intéressés à ce qu'on ait un bonhomme qui fasse

$40 000 par année et qui bénéficie de cela. Il n'en a pas besoin, ce n'est pas ce que nous voulons. Mais si un jeune dit qu'il a besoin d'une période pour réorganiser une ferme, parce que cela prend des capitaux aujourd'hui et ce n'est pas facile...

M. Chevrette: Une question rapide. Quelle réponse donneriez-vous à quelqu'un qui dirait ceci, pour aller dans le même sens que le député de Bellechasse? Deux salariés, deux petits frères travaillent pour deux producteurs différents. L'un travaille à $3.47 de taux, avec un congé hebdomadaire, l'autre travaille à $2.50 parce qu'il n'est pas soumis à la loi. Que répondriez-vous si vous étiez député?

M. Couture (Paul): Je dirais: Essaie de te placer à $3.40 avec un congé hebdomadaire et, si tu n'as pas de place, ton autre choix c'est de travailler pour l'autre.

M. Chevrette: En termes de justice et d'équité sociale...

M. Couture (Paul): Là on...

M. Johnson: J'en ai entendu des plus fortes.

M. Couture (Paul): C'est parce qu'on ne se forçait pas, mais on va se forcer peut-être. D'abord, la différence ne sera pas si forte que cela. La différence de salaire, comme tu dis, ne peut pas être aussi forte que cela parce qu'il y a quand même une concurrence. Si tu as un employé qui fait ton affaire, tu n'es pas trop intéressé à le changer. Il y a des normes là-dessus. Après cela, sur la question du congé hebdomadaire, je ne voudrais pas laisser l'impression que tu es contre les congés hebdomadaires pour des situations, pour des périodes précises, mais il y a une compensation qui se fait parce que ce sont de petites entreprises. Cela arrive souvent, un employé arrive et dit: Moi, là, il faut que j'aille conduire ma femme chez le médecin. Si j'étais dans une entreprise avec 50 employés, je dirais: Qu'elle y aille toute seule. Ce qui compte, tu as une petite entreprise, tu as un ou deux employés, tu dis: Cela ne cause pas de problème grave. Tu dis: Vas-y, et c'est le tour de l'autre. C'est humanisé pas mal.

Comme compensation à cela, à un moment donné, tu as une bourrée à donner, tu dis: II fait beau, bateau, et j'ai du foin sur le champ. Il va mouiller demain. Tu essaies de le sauver. Ou bien tu as une vache qui est en train de mourir parce que...

M. Johnson: Là-dessus, le congé hebdomadaire, il n'y a personne qui dit qu'il va se prendre en fin de semaine. La question pratique que je vais vous poser: Dans une exploitation agricole, à l'image de la majorité de celles que vous représentez à l'UPA, est-ce que cela se peut, compte tenu des conditions climatiques de l'époque où on est dans l'année quant aux récoltes, etc., que vous soyez appelé à exiger des travailleurs et des salariés de vos entreprises qu'ils travaillent plus de six jours d'affilée sans arrêt?

M. Couture (Paul): Oui, cela peut arriver dans des conditions spéciales. Nous autres pareil, on ne veut plus travailler huit jours par semaine, comme on dit. Je pense que cela peut arriver dans des conditions un peu spéciales, dans des cultures un peu spéciales et des climats un peu spéciaux. J'ai vu des années où il mouillait et, à un moment donné, en fin de semaine il fait beau. Tu n'as pas de contrôle là-dessus. Mais, pour sauver ta récolte, cela se peut. C'est parce qu'une loi, c'est une loi et, quand tu es soumis à une loi, comment est-ce que c'est? Après cela, ta loi tu la mets dans une machine administrative. C'est là qu'est le problème.

M. Goulet: Je serais d'accord avec le président de l'UPA.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: M. Couture, vous savez aussi bien que moi, sinon mieux, que, lorsqu'un législateur adopte des lois, il y a toujours un certain nombre de milliers de citoyens qui s'ingénient à essayer de passer à côté ou, en tout cas, d'utiliser à peu près tous les trous qu'on peut retrouver dans cette loi. Je pense que la loi 116 nous a convaincus de cela. Cela a été mon cas. Je trouve qu'à cet égard, vous êtes un peu, je ne dirais pas dissident, mais vous ouvrez des portes très larges et vous oubliez d'y installer des chaînes pour éviter qu'elles partent au grand vent. Mon collègue ici a fait allusion à l'exclusion que vous souhaitez des sociétés, compagnies, syndicats, coopératives, en plus des entreprises familiales. Personnellement, j'aurais peur, en ouvrant si grand cette porte, que tout le monde en profite pour s'infiltrer et échapper carrément à la loi.

Ce n'est pas là qu'est l'objet de ma question, c'est plutôt ce qui suit à l'article 1, 2. Quand vous parlez des cinq ans, j'ai peur qu'à un moment donné, plusieurs producteurs utilisent cette ouverture et, je ne sais pas, par certaines transactions bien synchronisées, réussissent à échapper presque en permanence à la loi, en utilisant ces cinq ans.

Maintenant, vous avez dit tout à l'heure que la Loi du crédit agricole prévoit ces cinq ans. Cette loi date de plusieurs années, elle a été utilisée par bien des agriculteurs. Est-ce que vous avez des statistiques qui pourraient nous convaincre qu'il n'y a pas eu d'abus dans ce sens ou pas trop, en tout cas?

M. Couture (Paul): Cela n'est pas une tradition, cela peut dater de quatre ou cinq ans à peu près, mais hier on rencontrait le président de l'Office du crédit agricole qui, lui, ne semble pas avoir eu de gros problèmes avec cela. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu des cas.

Pour la question soulevée, la question des dissidents — je ne veux pas être identifié comme un dissident — ce n'est pas dans cette optique qu'on vient ici. On est d'accord pour qu'il y ait des normes du travail en agriculture, et on est prêt à collaborer à les établir, mais en tenant compte de sa particularité.

Pour la question des compagnies, sociétés et coopératives, il y a une restriction là-dedans. Il faut qu'ils soient travailleurs sur leur ferme. Tu ne peux pas faire une compagnie... Admettons que je ramasse deux ministres et un juge et qu'ils font une compagnie, ils sont soumis à la loi, parce que le problème, c'est qu'il faut qu'ils travaillent sur leur ferme.

M. Johnson: Pas pour les cinq premières années, par exemple.

M. Couture (Paul): Pas pour les cinq premières années, mais il faudra que dans cinq ans...

M. Goulet: II y en a qui ont déjà commencé leur temps de probation.

M. Couture (Paul): A ce niveau, dans cinq ans, il faudra qu'ils fassent preuve de leur bonne volonté.

M. Johnson: D'accord.

M. Ouellette: Etes-vous certain que votre exemple est bon, parce que je doute qu'un ministre trouverait son revenu principal sur la ferme.

M. Goulet: II se prépare avant cinq ans, parce que cela s'en vient vite.

M. Couture: C'est quand même un défi à relever.

M. Ouellette: En somme, selon ce qu'on a vécu de la loi du prêt agricole, il n'y a pas eu d'abus majeur; donc, pour vous, ce n'est pas trop ouvert,

M. Couture (Paul): Non. M. Ouellette: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, M. Couture, ainsi que vos collègues.

M. Johnson: Je voudrais tout simplement vous assurer, messieurs, qu'on prend bonne note de vos remarques sans préjuger des résultats. Il y a effectivement une série de choses que vous avez énumérées bien clairement et sur lesquelles on va se pencher. Vous pouvez avoir l'espoir qu'on se relèvera après s'être penché. Bonjour, messieurs, merci.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant la Fédération québécoise des centres com- munautaires de loisirs à venir nous présenter son mémoire. Mme Bois n'est pas là. Monsieur, présentez-vous et présentez votre collègue avant de nous faire part de votre mémoire. Allez-y.

Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs

M. Lacombe (Fernand): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je commence par me présenter. Je suis Fernand Lacombe, président de la Fédération des centres communautaires de loisirs. Je suis accompagné de Me Richard Mailhot, conseiller juridique de la fédération. Si nous ne sommes pas plus nombreux, c'est que nous sommes obligés de nous ingénier à trouver des fonds pour les centres communautaires de sorte que nous ne pouvons pas être tellement nombreux pour présenter notre mémoire.

Le Président (M. Marcoux): On va vous écouter attentivement de toute façon.

M. Lacombe: Je voudrais être assez simple et partir d'un exemple pour en arriver à notre petite conclusion. Si vous êtes dans un centre communautaire de loisirs, que ce soit le Patro Roc-Amadour, à Québec, que ce soit le Centre Landry, à Trois-Rivières, ou le Centre de l'est de Montréal ou le Centre Saint-Jean-Baptiste, de Drummondville, et que vous avez à vous occuper de loisirs, vous avez à engager des jeunes de l'âge de 15 ans, 16 ans et 17 ans pour s'occuper d'autres jeunes au cours de l'été et au cours de l'année.

La loi 126 me semble très intéressante au niveau des travailleurs de la province de Québec. Mais, dans le domaine des loisirs, je crois qu'il a toujours été reconnu que les sommes versées, que ce soit aux moniteurs ou au personnel qui travaillent dans le secteur des loisirs, c'était beaucoup plus une rétribution qu'un véritable salaire, de sorte que quand vous avez à donner à un jeune de 15,16 ou 17 ans qui travaille durant l'été un salaire de $60 ou $70 par semaine, il y a toujours un autre aspect où le jeune a des responsabilités et apprend quelque chose. Si on est soumis à la loi, c'est la mort à court terme du terrain de jeu et du loisir. Nous aurions pu entrer dans beaucoup de détails, mais on vient seulement demander un genre d'exemption. Nous sollicitons un amendement à l'article 3 du projet de loi no 126, amendement qui pourrait se lire ainsi: "La présente loi ne s'applique pas — on ajoute un article d) — aux personnes employées à l'exécution de programmes récréatifs ou éducatifs organisés pour divers groupes d'âge ou d'activités de loisir telles que pour enfants handicapés, personnes âgées, etc.". Voilà simplement ce que nous demandons. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): Merci.

M. Johnson: Merci de la clarté de votre mémoire. D'abord, juste quelques questions. La

Fédération québécoise des centres communautaires de loisir regroupe combien d'organismes, à peu près?

M. Lacombe: Dans la province de Québec, actuellement, nous regroupons 16 centres de loisirs, dans la province.

M. Johnson: II y en a combien, au total, d'après vous, dans la province?

M. Lacombe: Personnellement, j'en nomme 16. Pour moi, il y a plusieurs centres qui se disent centres communautaires de loisirs et qui ne le sont pas dans le sens où nous l'entendons. Nous sommes actuellement à étudier, au niveau de la province, pour voir dans quelle mesure ce ne serait pas possible d'affilier d'autres centres communautaires. Mais on se rend compte que certains centres communautaires de loisirs n'ont pas ce que je trouve essentiel à un centre communautaire de loisirs, c'est-à-dire le milieu de vie. Si vous êtes dans un centre où vous louez des locaux, je n'appelle pas cela un centre de loisirs communautaire. C'est dans ce sens-là que je dis que les centres communautaires de loisirs au Québec ne sont peut-être pas aussi nombreux qu'on se l'imagine. Actuellement, nous en affilions 16. Nous espérons, dans un court terme, pouvoir en affilier un peu plus, en autant que cela réponde aux objectifs et aux critères d'un centre communautaire de loisirs. (12 heures)

M. Johnson: Les distinctions que vous faites ne sont peut-être pas nécessairement de nature juridique. Elles peuvent être d'interprétation, elles peuvent être philosophiques, idéologiques, sociales, etc. Evidemment, une loi fait rarement de l'idéologie, même s'il y en a une qui est censée sous-tendre.

Je vois en pratique ce que cela peut représenter au SAC le service d'aide communautaire de Saint-Conrad-d'Anjou dans mon comté. Ce sont des organismes qui sont regroupés, et je suis sûr que cela existe dans la plupart des comtés du Québec. Du fait qu'à l'occasion il va faire une soirée, il va demander à des jeunes de la paroisse de venir l'aider à installer les chaises dans la salle, etc., je pense qu'on peut comprendre qu'on n'a pas l'intention de faire en sorte que les gens qui participent à des activités de ce genre, des activités qui, finalement, sont centrées sur le bénévolat, soient soumis aux dispositions ou aux normes de la Commission du salaire minimum. Par contre, celui qui serait permanent dans un organisme, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas couvert. C'est toujours cela, le problème. C'est la distinction à faire. Peut-être que le clivage entre les organismes à but non lucratif et ceux qui ne le sont pas est peut-être une façon d'en arriver à cette distinction. Il y a une autre notion qui nous aide dans le cas des exclusions. Vous avez spécifiquement parlé des jeunes de 15,16 et 17 ans. Or, les jeunes de 15, 16 et 17 ans ne sont-ils pas, dans l'immense majorité des cas, des étudiants? Je vous pose la question.

M. Lacombe: Oui, je le crois.

M. Johnson: Dans la mesure où ce sont des étudiants et dans la mesure où on a affaire à un organisme à but non lucratif, je pense que l'esprit de la loi est de les exclure, même si, spécifiquement, on ne vise que les camps d'été. Je pense que les organismes dont vous parlez pourraient être visés, parce que cela peut aussi se situer en milieu urbain, paradoxalement, des espèces de camps d'été, des facilités, par exemple, dans un collège pour les gens venant d'autres paroisses d'une même ville. En fait, ce que j'avais à dire, c'est que je ne suis pas sûr qu'il faille l'exprimer sous la forme que vous suggérez, mais qu'on est sensible au genre de préoccupations que vous avez. On essaiera de trouver une solution à cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, cela rejoint assez étrangement ce qu'on a entendu hier dans les mémoires des camps d'été et je pense que le ministre a répondu assez bien à ces préoccupations. Evidemment, le ministre vient de souligner les emplois permanents qui peuvent exister dans ces choses-là. C'est évident, je pense bien, dans l'esprit de tout le monde. Même hier, on était d'accord à savoir qu'un employé qui est là à titre permanent, comme un cuisinier, par exemple, si on fait référence à hier, devrait être assujetti aux normes du projet de loi. Par contre, ce que vous avez semblé nous apporter comme exemple, ce matin, c'était surtout des jeunes qui travaillaient autant de façon bénévole, tout en pouvant être rémunérés quelque peu, mais qui apprenaient aussi en même temps; je pense que là-dessus, au point de vue du principe, nous, au nom de l'Opposition, sommes entièrement d'accord avec votre rapport.

Maintenant, doit-il être exprimé dans le même sens que vous le faites? Je pense bien que les juristes du ministère pourront se pencher sur ce point. J'imagine, avec les réponses que nous avons entendues hier et avec les problèmes qui semblent très bien s'apparenter, que cela n'accrochera pas tellement. Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire et pour avoir souligné ce fait à l'attention de la commission.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Brièvement, M. le Président. Je suis également d'accord avec la question de principe soulevée par la présentation de ce mémoire. Mais, à la suite de la réponse du ministre, je pense que ces gens-là peuvent être exclus de l'application de la loi, mais de quelle manière? Je pense que lors de l'étude de ce projet de loi article par article, il y aura moyen de le voir.

M. Johnson: Mais, encore une fois, la distinction qu'il faut faire, c'est...

M. Goulet: Permanent et...

M. Johnson: ... entre le salarié permanent et ce qu'on exprime en parlant d'occasionnel, bénévole, temporaire, ad hoc.

M. Goulet: Occasionnel, bénévole. C'est cela. Mais au niveau du principe demandé, je suis d'accord. C'est ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter? Oui.

M. Mailhot (Richard): Avec votre permission, je pense qu'il y a une distinction qui me semble bien importante. Il y a, dans les centres communautaires de loisirs, deux catégories de personnel: le personnel de service, c'est-à-dire secrétariat, entretien, approvisionnement et également le personnel d'animation. S'il y a un secteur où on ne peut pas compter hebdomadairement les heures consacrées aux loisirs, c'est bien chez le personnel d'animation. Parce que, évidemment, les activités valent ce que la préparation a été, de sorte que vous pouvez parfaitement combler une activité spécifique avec dix heures de préparation comme avec 30 heures de préparation, dépendant de ce que vous visez.

La deuxième remarque que j'aimerais soumettre à la commission, c'est que le projet de loi 126 ne définit pas ce qu'est une colonie de vacances. De plus en plus, on a des organismes qui tiennent, pendant la période estivale, ce qu'on appelle des camps de jour, des camps où les jeunes partent le matin et reviennent le soir, des camps qui nécessitent effectivement du personnel d'animation et du personnel de service.

Vous avez également des organisations qui maintiennent ces camps de jour sur des bases hebdomadaires, c'est-à-dire où on accueille pendant une semaine un groupe de jeunes sans, pour autant, avoir une clientèle sur une base de trois semaines comme on en retrouve dans les camps de vacances traditionnels. Je ne sais pas si c'est une nuance ou un éclaircissement qui pourrait être précisé dans le projet de loi 126. Je pense à une situation qu'on a connue, à titre d'exemple. On avait un centre communautaire de loisirs qui a tenu un camp de jour, l'été passé, à Saint-Camille et où on recevait des groupes de jeunes pour une période d'une semaine. Evidemment, il ne semble pas que ce genre d'activités cadre avec le thème traditionnel du camp de vacances, compte tenu de sa durée. Par contre, le personnel qui y est employé serait-il sujet aux normes du travail édictées par le projet de loi no 126?

M. Lacombe: J'ajouterais un petit mot.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lacombe: Je trouve très intéressant qu'au niveau de l'esprit tout semble être clair et précis. Mais on trouve bien pratique, des fois, que la lettre corresponde aussi à l'esprit.

M. Johnson: C'est pour cela, d'abord, qu'on tient des commissions parlementaires. C'est l'idée. Deuxièmement, c'est pour cela qu'on va ensuite procéder à l'étude article par article en commission également, avant la troisième lecture.

Le Président (M. Marcoux): Alors, je remercie la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs de la présentation de son mémoire.

Avant d'ajourner, je vous indiquerais la liste des mémoires pour mardi prochain. Le mémoire no 4, de la Société nationale de l'Est du Québec; le mémoire no 12, de la Chambre de commerce de la province de Québec; le mémoire no 20, de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec; le mémoire no 26, de la CSD; le mémoire no 16, de la Fédération des femmes du Québec.

La commission, mardi prochain, siégera mardi matin et mardi après-midi puisque mardi soir il y a le discours du budget et là nous saurons si nous payons plus ou moins d'impôt pour...

M. Johnson: Est-ce que cela complète la liste des mémoires?

Le Président (M. Marcoux): Ah! je ne sais pas.

M. Johnson: Normalement, cela devrait terminer la commission.

Le Président (M. Marcoux): Alors, la commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux à mardi, 10 heures, à la salle 91-A. Soyons tous là.

Fin de la séance à 12 h 9

ANNEXE

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

SUR LE PROJET DE LOI NUMÉRO 126, SUR LES NORMES DE TRAVAIL

PAR LE CONSEIL PROVINCIAL DES COMITÉS PARITAIRES

DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE

Représentativité du conseil provincial

Le Conseil Provincial des Comités Paritaires de l'Industrie de l'Automobile compte vingt-cinq (25) associations régionales d'employeurs et dix-neuf (19) syndicats regroupés régionalement en neuf (9) comités paritaires. La liste des parties contractantes apparaît à l'annexe I.

Ils sont parties contractantes à dix (10) décrets qu'ils administrent et ils régissent la qualification dans près de huit mille (8,000) établissements de l'industrie de l'automobile où oeuvrent approximativement quarante-cinq mille (45,000) salariés.

Importance de l'industrie de l'automobile dans l'économie québécoise

Les chiffres de statistiques Canada révèlent une valeur estimée de ventes au détail au Québec, pour les dix (10) premiers mois de 1978 de l'ordre de $13,853,618,000.00. La part de ces ventes pour l'industrie de l'automobile au Québec est comme suit:

Ventes de voitures neuves (concessionnaires) $2,707,853,000.00

Ventes de voitures d'occasions 54,257,000.00

Stations de service 841,557,000.00

Garage de mécanique 374,605,000.00

Pièces et accessoires d'automobiles 262,308,000.00

Ces chiffres indiquent donc que la part du commerce au détail dans l'industrie de l'automobile représente plus de trente pour cent (30%), proportionnellement au reste du commerce de détail au Québec.

Objectif du mémoire

Le Conseil Provincial souscrit au fondement social qui a inspiré la refonte de l'actuelle loi du salaire minimum et l'établissement des normes minimales pour tous les Québécois.

Cette nouvelle loi, comme toute autre loi, contient des changements importants pour notre société. Ces changements auront-ils pour conséquence de donner une nouvelle approche aux relations de travail?

Ou auront-ils des effets directs sur la santé économique dans différents secteurs industriels de notre société Québécoise? Seul l'avenir nous le dira, mais il est sage aujourd'hui de se pencher sur cette question afin d'étudier, d'évaluer et de tenter de prévoir aujourd'hui les conséquences de demain.

Ce n'est pas l'objet de ce mémoire de présenter une critique ou un appui de diverses normes minimales incluses dans ce projet de loi, puisque le Conseil Provincial est composé, à la fois, d'associations patronales et syndicales. C'est là le devoir des associations de voir à la protection des intérêts sociaux-économiques de leurs membres ainsi qu'aux grands partenaires sociaux de notre économie.

Nous croyons, cependant, que notre rôle consiste à souligner que cette loi risque d'éliminer à jamais cette participation vécue dans divers secteurs industriels, là où patrons et employés se retrouvent à une même table pour s'entendre sur des normes minimales de travail à appliquer dans leur champ d'activités. Cette nouvelle loi en plus d'éliminer cette honnête participation risque de créer une situation instable en ce qu'elle assujettit le salarié à deux (2) modes de protection. L'un purement étatique, l'autre mixte, impliquant la participation des partenaires sociaux, patronaux et syndicaux de chaque secteur industriel.

Analyse du système actuel en vigueur dans l'industrie de l'automobile

Les conditions minimales de travail dans l'industrie de l'automobile au Québec, sont déterminées par neuf (9) décrets (celui de l'automobile de Montréal apparaît en annexe II) adoptés suivant les dispositions de la loi des décrets de convention collective 1964 SRQ, chapitre cent quarante-trois (143).

Dans chaque juridiction territoriale, le décret résulte de l'extension juridique d'une convention collective de la région. Les taux minimaux de salaires dépassent ceux fixés par la commission du salaire minimum. Cette situation se retrouve dans la majorité des décrets. Voyons quelques exemples:

a- Les taux minimaux de salaire pour un mécanicien dans l'industrie de l'automobile varient entre $6.00 et $8.00 l'heure. b- Les taux minimaux de salaire dans l'industrie du bois ouvré varient entre $5.00 et $6.00 l'heure. c- Les taux minimaux de salaire dans l'industrie des matériaux de construction varient entre $5.75 et $5.85, dans la section block de béton et $7.12 et $8.00 l'heure, dans la section marbre. d- Les taux minimaux de salaire dans l'industrie des entrepreneurs en installation d'équipement pétrolier varient entre $5.00 et $8.68 l'heure. e- Les taux minimaux de salaire dans l'industrie de la serrurerie, de la menuiserie métallique varient entre $5.68 et $8.06 l'heure.

Pour une partie importante de ces industries ce sont là les taux effectivement payés et non un taux minimum. On ne peut plus, tout à fait parler de normes minimales.

Ces conditions minimales sont administrées par des comités paritaires qui détiennent leurs pouvoirs de la loi des décrets de convention collective. A titre d'exemple, le Comité Paritaire de Montréal a logé, pour l'année 1978, $238,618.58 en réclamation de salaire pour les salariés de l'industrie dans la seule juridiction territoriale du décret de Montréal, regroupant 3385 employeurs et 24,702 salariés.

Les comités paritaires appliquent, encore aujourd'hui, les règlements de qualification en vigueur, décernant les cartes de compétence et établissant les examens.

Plusieurs comités paritaires ont des politiques de stage et d'intégration professionnelle dans l'industrie. A titre d'exemple, nous joignons la politique de stages industriels du Comité Paritaire de l'Industrie de l'Automobile de Montréal, faisant l'objet d'une entente cadre à l'intérieur d'un comité industrie-école, auquel participent les parties contractantes au décret, le comité paritaire, le Ministère de l'Education, les commissions scolaires.

Dans d'autres secteurs industriels, notamment dans l'industrie du bois ouvré et l'industrie de la serrurerie et menuiserie métallique, on a établi un régime de sécurité sociale auquel participent les employeurs suivant les dispositions de l'article dix (10) de la loi des décrets de convention collective. A titre d'exemple dans l'industrie du bois ouvré, les salariés qui ne sont pas couverts par un régime comparable offert par leurs employeurs jouissent d'une assurance groupe, accident, maladie, salaire. Ils sont deux mille (2,000) sur les cinq mille (5,000) salariés de l'industrie à en jouir. Par ailleurs, dans l'industrie de la serrurerie et la menuiserie métallique, on a établi non seulement un régime d'assurance, mais un régime de retraite.

Le système actuel comporte des déficiences que le Conseil Provincial étudie au sein de ses comités et qu'il s'est donné comme objectif de combler: 1) Uniformisation et revision de la qualification de la main-d'oeuvre. 2) Prendre une part active à la formation et au perfectionnement de la main-d'oeuvre par le biais de cliniques industrielles et de stages établis au sein de comités-industrie-école. 3) Uniformisation des méthodes administratives des comités paritaires. 4) Restructuration des juridictions territoriales. 5) Recommandations sur des amendements à la loi des décrets de convention collective.

Éléments de comparaisons et contradictions entre le projet de loi 126 et le système actuel en vigueur 1) Les décrets et la loi des décrets de convention collective continuent d'exister dans leurs formes actuelles comme un mode différent d'établissement de normes minimales pour les secteurs qu'ils visent. 2) Les employeurs assujettis à un décret, ne sont pas assujettis au prélèvement prévu à l'article 29h du projet de loi. 3) Une disposition d'un décret qui contrevient à une norme de travail ou qui lui est inférieure est nulle de plein droit, (article 92 du projet de loi) 4) Malgré l'article quatre-vingt-douze (92), un décret dont les dispositions contreviennent aux normes de travail adoptées en vertu de la présente loi ou d'un règlement, ou qui ne contient pas l'une ou l'autre de ces normes, continue d'avoir effet jusqu'à son expiration, (article 146 du projet de loi) 5) Le Lieutenant-Gouverneur en conseil peut, sans aucune consultation, ordonner que l'observation d'un décret soit assurée par la Commission des Normes de Travail, (article 149 du projet de loi)

Les normes minimales de travail du projet de loi cent vingt-six (126) et les décrets

Nous ne porterons pas de jugement de valeur sur les normes minimales contenues au projet de loi puisque ce rôle revient à chacun des partenaires sociaux de faire des représentations distinctes reflétant leurs intérêts propres.

Cependant, nous constatons que certaines de ces normes sont inférieures, différentes ou supérieures à celles des décrets, en particulier, dans l'industrie de l'automobile. Nous nous bornerons à n'en donner quelques exemples:

1) Normes inférieures aux décrets: a- Les taux minimaux de salaires. b- La semaine normale de travail pour la majorité des salariés de l'industrie. c- Le nombre de jours fériés et chômés. d- La durée du congé annuel pour le salarié qui justifie vingt (20) ans de service continu chez le même employeur, e- Le nombre de jours de congés payés à l'occasion d'un décès. 2) Normes différentes à celles des décrets: a- Le projet de loi précise que le salarié doit recevoir son salaire en mains propres, sur les lieux de travail et pendant un jour ouvrable, précisions qui ne se retrouvent pas dans les décrets. b- Le fait que lors du paiement du salaire, il ne peut être exigé aucune formalité de signature autre que celle qui établit que la somme remise au salarié correspond au montant du salaire net indiqué sur le bulletin de paye n'apparaît pas dans les décrets. c- Le projet de loi cent vingt-six (126) confère au salarié le droit de fractionner son congé annuel en deux (2) périodes, alors que les décrets exigent une entente entre l'employeur et le salarié. d- Le droit du salarié de connaître la période de son congé annuel au moins deux (2) semaines à l'avance n'est pas spécifiquement prévu dans les décrets. 3) Normes supérieures au décret: a- L'établissement d'une période rémunérée de trente (30) minutes pour le repos: le décret en spécifie une de soixante (60) minutes sans rémunération. b- L'établissement d'un préavis de deux (2) semaines avant le licenciement d'un salarié. c- Le droit du salarié d'exiger de son employeur un certificat de travail à l'expiration de son contrat de travail.

D'une façon générale on constate que les conditions minimales contenues au décret sont supérieures, surtout quant à ses principales normes comparées à celles contenues dans le projet de loi. Par ailleurs, certaines normes se retrouvent aux deux (2) endroits, mais souvent avec des variantes mineures ou des précisions utiles.

Enfin, quelques normes sont nouvelles ou supérieures.

Dès lors, en appliquant les dispositions du projet de loi, nous nous retrouvons face aux alternatives suivantes: 1) L'article quatre-vingt-douze (92) reçoit application et les normes des décrets qui sont différentes de la loi deviennent nulles. — Nous ferons alors face à l'imbroglio suivant: a- Ou bien les salariés de l'industrie de l'automobile ne bénéficieront pas de ces normes contenues dans la loi et qui sont différentes ou supérieures à celles des décrets. b- Ou s'institutionnalisera un mode alternatif de protection, les comités paritaires faisant respecter les normes du décret supérieures à la loi et la commission des normes, faisant respecter les autres, avec cette distinction que la commission des normes sera un organisme moins préparé pour faire respecter ces normes dans un secteur industriel spécifique, et ce, pour les motifs suivants: 1. Les employeurs doivent faire parvenir des rapports mensuels aux comités paritaires, sur lesquels les contraventions à la loi y apparaissent souvent. 2. Les comités paritaires ont une équipe d'inspection spécialisée dans l'industrie de l'automobile qui procède, non seulement, sur réception de plaintes, mais surtout par des visites suivies chez les employeurs. 3. Il faut aussi souligner que ce double système de protection et d'inspection créerait une double bureaucratie qui aurait un effet néfaste et de confusion dans ces petites entreprises, dont est formée l'industrie de l'automobile. 4. Ce système engendrera un dédoublement des coûts de surveillance des conditions minimales applicables à ces salariés. 2) L'article cent quarante-six (146) recevrait application et les décrets continueraient d'avoir effet jusqu'à leur expiration épurés des clauses différentes des normes minimales et ne comprenant pas celles qui se trouvent dans la loi cent vingt-six (126) n'apparaissant pas au décret.

Les décrets deviendront ainsi des fromages de gruyère, les salariés et employeurs devant constamment référer aux deux (2) lois et à leurs règlements pour connaître les normes qui les régissent.

Tout cela nous mène à une confusion juridique des plus totale. Personne ne saura plus à quelle tête de ce monstre bicéphale faire appel.

D'autre part, l'article cent quarante-six (146) tel que rédigé, pourrait facilement recevoir l'interprétation suivante par les tribunaux:

Tout un décret ou une convention collective deviendrait nul et sans effet renouvelable si une seule de ces dispositions contrevient à la loi ou si elle ne contient pas une seule des dispositions prévues dans cette loi. Le texte nous semble avoir largement débordé la pensée du Législateur. Le Législateur n'a certainement pas voulu que les salariés régis par un décret ou une convention collective perdent tous les autres avantages que lui confèrent ce décret ou cette convention collective à cause de l'absence d'une norme si petite soit-elle. En effet plusieurs décrets contiennent des clauses de renouvellement automatique à leur expiration? Est-ce à dire que ces clauses n'auront plus d'effet et que tous les décrets mourront d'une mort naturelle dès leur expiration si une seule des normes minimales y est absente?

La loi sur les normes minimales et la loi des décrets de convention collective: éléments de comparaison

Le projet de loi cent vingt-six (126) établit un cadre de protection et des instruments assurant le respect de ses normes minimales au même titre que la loi des décrets de convention collective. Ainsi si l'on peut procéder par analogie, elle crée la commission des normes minimales comme la loi des décrets de convention collective créait les comités paritaires.

Cependant, les instruments de protection créés par le projet de loi, sont de beaucoup supérieurs à ceux de la loi des décrets de convention collective qui a besoin d'être revisée: représentation qui a été faite à plusieurs reprises par les différentes parties contractantes des décrets et par les comités paritaires.

Soulignons donc les éléments de protection additionnelle contenus dans la loi: 1) La définition de salarié est beaucoup plus large dans la loi sur les normes minimales ce qui constitue un élément majeur, compte tenu des nombreux problèmes juridiques causés par l'interprétation de cette notion, dans la loi des décrets de convention collective. 2) La possibilité de verser immédiatement au salarié le montant d'une réclamation de salaire, sans attendre le résultat d'une poursuite en justice, (article 111) 3) Le fait que la somme due au salarié porte intérêt à compter de la mise-en-demeure, (article 113) 4) Les motifs d'interdiction à un employeur de congédier, suspendre ou déplacer un salarié sont supérieurs à ceux prévus dans la loi des décrets de convention collective, (article 114) 5) La création d'un droit pour le salarié congédié, suspendu ou déplacé de faire appel auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du code du travail, (article 115) 6) L'extension à un an de la prescription de l'action civile, (article 116) 7) L'interruption de la prescription dès l'expédition des avis d'enquête de la commission à l'employeur, (article 117) 8) Les amendes prévues pour des infractions similaires à la loi des décrets de convention collective sont de beaucoup supérieures.

Dès lors, l'instauration de ce mode de protection pour les salariés assujettis à ces normes minimales placent les décrets de l'automobile et leurs parties contractantes face aux alternatives suivantes: 1) Les conditions de travail prévues dans les décrets et qui sont supérieures aux normes minimales ne peuvent pas être appliquées aussi efficacement et avec autant de vigueur que les normes minimales appliquées par la commission des normes minimales. 2) Le Législateur crée et met en opposition deux (2) modes d'application des conditions minimales inégalement efficaces. 3) Enfin, ou bien l'on veut faire mourir les décrets d'une mort naturelle et là on oublie les avantages supérieurs ou différents qu'apportent actuellement les décrets et principalement ceux de l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils s'appliquent, leurs employeurs et salariés.

La loi a-t-elle pour objet ou pour conséquence la disparition des décrets et de la loi des décrets

Les articles 92,146,149 du projet de loi cumulés avec le fait que le projet de loi ne confère pas à la loi des décrets, les mêmes pouvoirs pour assurer l'observation des décrets, nous porte à croire que l'on entend faire mourir en douce le régime des décrets en vigueur au Québec.

Nous ne porterons pas de jugement sur tous les décrets, leur vigueur ou leur vitalité. L'erreur consiste cependant à punir les secteurs industriels en pleine évolution ou les agents économiques et partenaires sociaux jouent leur rôle et ont à coeur la vie de leur industrie.

Nous crayons que c'est une politique ferme et irrévocable du gouvernement actuel de compter sur le dynamisme intérieur des secteurs industriels du Québec et de favoriser l'entente de bonne foi et le travail concerté chez les composantes socio-économiques de l'industrie.

En conséquence, la remise en question des décrets nous amène à mettre en garde le gouvernement sur un abandon pur et simple des décrets et de leur loi habilitante. Agir ainsi c'est battre en brèche les principes de base sur lesquels sont fondés la viabilité des divers secteurs industriels, c'est mettre de côté les associations patronales et syndicales qui ont travaillé pendant des années à l'établissement d'un climat de travail sain dans l'industrie de l'automobile, c'est abandonner les autres rôles que jouent les parties contractantes et les comités paritaires qu'elles forment. Que fait-on de la participation des associations patronales et syndicales au développement de leur industrie et de sa main-d'oeuvre? Pourquoi ignorer le travail positif accompli par des hommes de métier et remplacer subtilement leur initiative et leur dynamisme par l'intervention sèche, unilatérale de l'état? Est-ce là la façon d'encourager la motivation au sein de l'industrie?

Nous rappelons donc l'utilité de la formule actuelle: 1) Les associations patronales et syndicales oeuvrant dans l'industrie de l'automobile sont beaucoup plus à même d'évaluer les conséquences des conditions minimales dont ils demandent par requête, l'inclusion dans un décret, soit quant à l'effet sur le prix, la concurrence, les exportations, le recrutement de la main-d'oeuvre. 2) L'établissement par l'état des normes minimales sectorielles (spécialement quant à l'industrie de l'automobile) sans l'intervention ni la consultation des agents économiques de ce secteur industriel risque d'avoir un effet néfaste sur la viabilité de l'industrie de l'automobile: - quant aux prix des services et des biens vendus; - quant à la concurrence; - quant à la négociation des conventions collectives du secteur. 3) Serait-ce la volonté non exprimée et inavouée du gouvernement de remplacer les décrets par des règlements adoptés en vertu de l'article quatre-vingt-six (86)? Ce serait là de légiférer directement pour l'établissement des normes de travail dans l'industrie de l'automobile, en particulier, et dans d'autres secteurs industriels, normes qui ne sont plus tout à fait des normes minimales, puisqu'elles représentent souvent des conditions de travail effectives d'une bonne partie de l'industrie, et ce, en dehors des partenaires sociaux et agents économiques de cette industrie. 4) Les comités paritaires assurent une application plus personnalisée des conditions minimales et plus près du milieu de l'industrie de l'automobile que pourrait le faire une commission provinciale et centralisée. Ils assurent ainsi une auto-discipline par l'industrie elle-même et une application sectorielle des conditions minimales telle que contenue dans les décrets. 5) La mort lente des décrets et des comités paritaires risque de laisser des milliers de salariés sans qualification et ceci est d'une importance majeure, compte tenu de la nécessité d'assurer la sécurité des véhicules circulant sur nos routes, que ce soient des automobiles, autobus, ou autres véhicules de transport. 6) L'intégration de la main-d'oeuvre sortant des commissions scolaires et des écoles d'automobile dans le milieu du travail en serait sérieusement affectée et réduirait à néant l'excellent travail accompli par le comité industrie-école. 7) Qu'arrivera-t-il des régimes de sécurité sociale soit, les plans d'assurance collective ou les plans de fonds de pension que l'on retrouve dans différents décrets? Est-ce que ces salariés ne finiront pas par en être privés?

Suggestions à la commission

Le projet de loi cent vingt-six (126) maintient la loi des décrets de convention collective et les décrets et nous appuyons ce principe. Nous croyons aussi que dans les secteurs industriels et particulièrement dans l'industrie de l'automobile où le dynamisme des parties contractantes est important, les conditions de travail généralement supérieures aux normes minimales visées dans le projet de loi et où les comités paritaires jouent un rôle diversifié (qualification, bénéfices sociaux), comité industrie-école), le Législateur devrait maintenir la formule actuelle et encourager son évolution.

Malheureusement le projet de loi aura l'effet contraire.

Pour atteindre l'objectif énoncé plus haut, nous suggérons les amendements suivants au projet de loi: 1) Amender l'article quatre-vingt-douze (92) de façon à ce que si une norme de travail est supérieure à une norme d'un décret ou n'apparaît pas dans un tel décret, qu'elle soit incluse de droit dans ce décret.

De toute façon si le Lieutenant-Gouverneur en Conseil juge qu'un décret ne joue plus son rôle, pour quelque motif que ce soit, ou parce qu'il est généralement inférieur aux normes minimales, il a dans la loi des décrets de convention collective le pouvoir de l'abroger unilatéralement.

2) Enlever le deuxième paragraphe de l'article cent quarante-six (146) lequel devient inutile, du fait de l'amendement suggéré au paragraphe plus haut.

De fait, cet article est très mal rédigé et peut donner lieu à une interprétation par les tribunaux pouvant mener à l'expiration, purement et simplement, de tous les décrets dans tous les secteurs industriels sans qu'ils puissent être renouvelles. Si une seule des normes minimales ne s'y trouve pas. Dans la plupart des décrets on retrouve des clauses de renouvellement automatique. La façon dont l'article cent quarante-six (146) est rédigé nous laisse croire qu'aucun décret ne pourrait être renouvelle si une seule norme minimale ne s'y trouve pas ou y est supérieure. 3) Amender l'article cent quarante-neuf (149) du projet de loi, de façon à exiger le consentement du comité pour que l'observation d'un décret soit assurée par la Commission des normes de travail. De toute façon, si un comité paritaire ne joue pas son rôle, l'article vingt-trois A (23A) de la Loi des décrets de convention collective continue d'exister et la Commission des normes de travail peut agir en qualité d'administrateur dans un tel cas. 4) Amender la Loi des décrets de convention collective afin d'y inclure tous les instruments de protection inclus dans le projet de loi cent vingt-six (126) afin de ne pas créer deux modes inégaux de protection: - un pour les salariés assujettis à la loi des normes de travail; - l'autre pour les salariés soumis aux décrets.

En particulier, les éléments suivants devraient y être inclus: a- La définition de salarié de l'article 1H. b- Les éléments de protection contenus dans les chapitres traitant des recours, de la faillite, des infractions et des peines. 5) Amender l'article quatre-vingt-six (86) de façon à y exclure les programmes de stages industriels, d'initiation au travail des comités industrie-école, des comités paritaires et particulièrement des Comités paritaires de l'Industrie de l'automobile.

Ce mémoire vous est respectueusement soumis,

LE CONSEIL DES COMITÉS PARITAIRES DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE.

PAR: Jean Lefebvre Président

(ANNEXE 1) Liste des parties contractantes pour les différents décrets de l'automobile

COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE MONTRÉAL ET DU DISTRICT PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: L'Association des Marchands d'Automobiles de Montréal Ltée L'Association des Services de l'Automobile Inc. L'Association des Industries de l'Automobile du Canada L'Association des Garagistes Spécialisés Inc. Les Ateliers de Mécanique Automobile du Québec (sans siège) L'Association des Réchapeurs et Marchands de Pneus du Québec Inc.

SYNDICALE: La Fraternité Canadienne des Cheminots, Employés de Transports et Autres Ouvriers, local 511

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 3,385 SALARIÉS ASSUJETTIS: 24,702

COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE LA RÉGION DE QUÉBEC PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles de Québec Inc. Association des Services à l'Automobile

Association des Marchands d'Automobiles de Beauce et Dorchester Association des Industries de l'Automobile de Québec Inc. (sans siège)

SYNDICALE: Syndicat National des Employés de Garages de Québec Inc. (C.S.D.) Syndicat des Employés de Garages de Beauce et Dorchester (C.S.D.)

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 1,574 SALARIÉS ASSUJETTIS: 5,252

COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DES CANTONS DE L'EST (1971) PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles des Cantons de l'Est Association des Services à l'Automobile

Association des Grossistes en Pièces d'Automobiles de Sherbrooke Association des Marchands de Pièces d'Automobiles Inc. (sans siège)

SYNDICALE: Syndicat National des Employés de l'Automobile de Thetford Mines (CSN) Syndicat des Employés de Garages du Comté de Wolfe (CSN) Syndicat National des Employés de Garages de Granby et Région Association des Employés de Garages des Cantons de l'Est (CSN) Syndicat National des Employés de l'Automobile de la région de Victoriaville Fédération Démocratique de la Métallurgie, des Mines et des Produits Chimiques (CSD)

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 763

SALARIÉS ASSUJETTIS: 563 artisans — 4,130 salariés incluant temporaires

COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE LA MAURICIE PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles de la Mauricie

Association des Grossistes en pièces d'automobiles de la région de Trois-Rivières Union Commerciale Mauricienne Inc.

SYNDICALE: Fraternité Canadienne des Cheminots, Employés des Transports et autres Ouvriers, local 298 Ouvriers Unis des Textiles d'Amérique, loc. 390 section garages

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 426 SALARIÉS ASSUJETTIS: 1,602

COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE DRUMMOND

PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: L'Association des Marchands d'Automobiles Richelieu Inc. (section Drummond)

SYNDICALE: L'Association des Employés de Garages de Drummondville Inc. (CSN)

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 128 SALARIÉS ASSUJETTIS: 556

COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DES RÉGIONS LANAUDIÈRE-LAURENTIDES PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association Professionnelle de l'Industrie de l'Automobile (APA Lanaudière-Laurentides) Association des Marchands d'Automobiles des Laurentides

SYNDICALE: Syndicat des Employés de Garages de la Région de Joliette (CSD) Congrès du Travail du Canada (CTC)

Fraternité Canadienne des Cheminots, Employés des Transports et Autres Ouvriers (à venir)

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 955 SALARIÉS ASSUJETTIS: 2,100

COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE L'OUEST QUÉBÉCOIS PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles du Nord Ouest Québécois Association des Services à l'Automobile de Rouyn Noranda

SYNDICALE: Métallos Unis d'Amérique, local 15469

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 175 SALARIÉS ASSUJETTIS: 500

COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE RIMOUSKI

PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: Association des Garagistes de Rimouski

SYNDICALE: Syndicat National des Employés de Garages de Rimouski Inc.

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 85 SALARIÉS ASSUJETTIS: 438

COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DU COMTÉ DE ROBERVAL

PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE:

SYNDICALE:

EMPLOYEURS ASSUJETTIS:

SALARIÉS ASSUJETTIS:

COMITÉ PARITAIRE DES DÉTAILLANTS D'ESSENCE DU SAGUENAY

PARTIES CONTRACTANTES

PATRONALE: L'Association des Détaillants d'Essence du Saguenay

SYNDICALE: Syndicat des Employés des Détaillants d'Essence du Saguenay

EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 139 SALARIÉS ASSUJETTIS: 381

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