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Projet de loi no 126
(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour
poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126,
Loi sur les normes du travail.
Les membres de la commission sont M. Belle-mare (Johnson)
remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M.
Lavigne (Beauharnois), remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord), M.
Mailloux (Charlevoix), remplacé par M. Picotte (Maskinongé), M.
Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt
(Jonquière).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M.
Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.
Springate (Westmount).
Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires des groupes suivants:
Le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de
l'automobile, l'Union des producteurs agricoles et la Fédération
québécoise des centres communautaires de loisirs Inc.
J'inviterais immédiatement le Conseil provincial des
comités paritaires de l'industrie de l'automobile à venir nous
présenter son mémoire. M. Lefebvre est-il là?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Marcoux): Alors, s'il vous plaît,
présentez-nous vos collègues. Selon nos règles
habituelles, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre
mémoire ou le résumé de votre mémoire. Ensuite, il
y a un échange d'une quarantaine de minutes avec les membres de la
commission.
Conseil provincial des comités paritaires de
l'industrie de l'automobile
M. Lefebvre (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, permettez-moi de vous présenter un certain
nombre de membres du bureau de direction du Conseil provincial des
comités paritaires de l'industrie de l'automobile. A ma gauche, M.
Léo Saint-Louis, du local 511, FTQ, M. Emile Brazeau, FTQ, local 511, M.
Jean Bréard, de la CSD, M. Gérard Latulippe, conseiller juridique
et porte-parole du conseil.
M. Latulippe (Gérard): Dans un premier temps, si vous me
le permettez, je vais faire un bref exposé. Je n'ai pas l'intention de
lire le mémoire en entier. J'ai l'intention d'en faire ressortir les
éléments essentiels et de lire ce que nous considérons
comme étant les éléments essentiels du mémoire
qu'on a préparé, de lire effectivement ces parties qui, pour
nous, constituent le coeur du mémoire.
M. Chevrette: Je suggérerais, M. le Président,
qu'on le mette au journal des Débats comme on l'a fait pour les
autres.
Le Président (M. Marcoux): II est proposé et
accepté que le texte intégral du mémoire du Conseil
provincial des comités paritaires de l'industrie de l'automobile soit
versé en annexe au journal des Débats? (Voir annexe)
M. Latulippe: Je vous remercie, M. le député.
Le Conseil provincial des comités paritaires de l'industrie de
l'automobile compte actuellement 25 associations régionales d'employeurs
et 19 syndicats regroupés régionalement en neuf comités
paritaires sur l'étendue du Québec. Ils sont, en fait, parties
contractantes à dix décrets qu'ils administrent, et
régissent la qualification dans près de 8000
établissements de l'industrie de l'automobile où oeuvrent
approximativement 45 000 salariés.
Pour vous donner une idée de l'importance de l'industrie de
l'automobile dans l'économie québécoise, les chiffres de
Statistique Canada révèlent une valeur estimée de ventes
au détail au Québec, pour les dix premiers mois de 1978, de
l'ordre de près de $14 milliards. En fait, ces chiffres indiquent que la
part du commerce au détail dans l'industrie de l'automobile
représente plus de 30%, proportionnellement au reste du commerce au
détail au Québec. C'est donc dire qu'il s'agit d'une industrie de
commerce au détail qui est fort importante, dans le commerce au
détail, dans l'industrie au Québec.
Je voudrais d'abord vous mettre en garde. De fait, le conseil provincial
souscrit pleinement au fondement social qui a inspiré la refonte de
l'actuelle Loi du salaire minimum, et l'établissement des normes
minimales pour tous les Québécois. Là-dessus, il y a un
consensus, autant de la partie patronale que des parties syndicales au sein du
conseil provincial et des différents comités paritaires.
Cette nouvelle loi contient évidemment des changements importants
pour notre société. Ces changements auront-ils pour
conséquence de donner une nouvelle approche aux relations de travail?
Auront-ils des effets directs sur la santé économique des
différents secteurs industriels de notre société
québécoise? Seul l'avenir nous le dira, mais il est sage, je
pense, aujourd'hui, de se pencher sur cette question afin d'étudier,
d'évaluer et de tenter de prévoir les conséquences de
demain.
Evidemment, ce n'est pas l'objet de ce mémoire de
présenter une critique des différentes normes minimales incluses
dans le projet de loi, puisque, comme vous le savez, le conseil provincial est
composé à la fois d'associations patrona-
les et syndicales. C'est évidemment le rôle de ces
différentes associations de voir à protéger les
intérêts socio-économiques de leurs membres ainsi
d'ailleurs qu'aux grands partenaires sociaux de notre économie.
Par ailleurs, je pense que notre rôle au sein du conseil
provincial et le consensus qui s'est développé entre les
partenaires sociaux, si vous me permettez l'expression, au sein du conseil,
consiste à souligner que cette loi risque d'éliminer cette
participation qu'on a vécue jusqu'à présent dans
différents secteurs industriels, là où patrons et
employés se retrouvent à une même table pour s'entendre sur
des normes minimales de travail à appliquer dans leur champ
d'activité. Cette loi risque aussi, évidemment, d'éliminer
cette participation qu'on doit qualifier d'honnête, et risque de
créer une situation instable en ce qu'elle assujettit, en fait, le
salarié à deux modes de protection distincts: l'un purement
étatique, l'autre mixte, impliquant la participation des partenaires
sociaux, patronaux et syndicaux dans chaque secteur industriel.
Si on regarde les éléments de comparaison entre le projet
de loi no 126 et le système en vigueur actuellement, au niveau des
décrets, on s'aperçoit que les décrets, évidemment,
et la Loi des décrets de convention collective vont continuer d'exister,
malgré cette loi sur les normes minimales dans leur forme actuelle,
comme un mode distinct d'établissement de normes minimales pour les
secteurs qu'ils visent. Donc, on n'abolit pas les décrets par cette loi.
Ils continuent d'exister. Les employeurs assujettis à un décret
ne seront pas assujettis au prélèvement prévu par
l'article 29h du projet de loi. En plus, une des dispositions les plus
importantes que l'on retrouve, quant à nous, quant à l'effet que
cela peut avoir sur les décrets dans l'industrie de l'automobile, c'est
l'article 92 du projet de loi, soit qu'une disposition d'un décret qui
contrevient à une norme de travail ou qui lui est inférieure est
nulle de plein droit.
Dans un deuxième temps, quand on compare les normes qui sont dans
ce projet de loi et je répète effectivement que nous
n'avons pas l'intention de porter ce jugement de valeur sur ces normes, ce
n'est pas notre rôle quand on fait la comparaison entre ces normes
et ce qu'on a actuellement je parle toujours de l'automobile, parce que
c'est ce qui nous intéresse, je pense que c'est un des secteurs
où il y a vraiment une vie qui se fait au niveau des décrets
on constate ceci: la majorité des normes qu'on l'on a dans nos
décrets sont supérieures aux normes que l'on retrouve dans le
projet de loi actuel.
Il est évident que les taux minimaux de salaire sont
supérieurs dans l'industrie de l'automobile. Les taux sont rendus, pour
un mécanicien, aux alentours de $7.25 l'heure. La semaine normale de
travail pour la majorité des salariés de l'industrie est
inférieure à ce qui est prévu dans le projet de loi. En
général, il est très clair que nos décrets sont
supérieurs aux normes prévues dans ce projet de loi.
Par ailleurs, il est aussi évident que certaines normes qu'on
retrouve dans la Loi des normes minimales sont supérieures ou tout
à fait nouvelles. On ne les a jamais vécues au niveau des
décrets. Je vais vous donner quelques exemples: rétablissement
d'un préavis de deux semaines avant le licenciement d'un salarié.
Mon commentaire personnel est que c'est excellent, mais il s'agit d'une norme
nouvelle qu'on ne retrouve pas actuellement au niveau des décrets. Le
droit du salarié d'exiger de son employeur un certificat de travail et
l'expiration de son contrat de travail sont aussi des normes nouvelles. Quand
ces deux systèmes vont continuer d'évoluer avec les
années, on va se retrouver avec des normes distinctes de ce qu'on trouve
dans les décrets; ce seront de nouvelles normes, quoique, en ce qui
concerne l'automobile, on est toujours supérieur aux normes
minimales.
Qu'est-ce que cela va produire? Rappelons-nous l'article 92 selon lequel
s'il y a dans la loi une norme minimale supérieure à ce qu'on
trouve dans le décret, la norme contenue dans le décret deviendra
nulle. Qu'arrivera-t-il pour le salarié de l'industrie de l'automobile
qui est soumis, qui va continuer à être soumis à un
décret, parce que les normes contenues dans son décret vont
être supérieures aux normes minimales? Ou les salariés de
l'industrie de l'automobile ne bénéficieront pas des normes
contenues dans la loi, qui sont celles qui auront été
supérieures à celles contenues dans le décret, ou on va
institutionnaliser une espèce de mode de la façon dont on
l'interprète, on a peut-être tort alternatif de protection,
les comités paritaires, dans l'automobile, en tout cas, faisant
respecter les normes du décret supérieur à la loi, et la
commission des normes, d'un autre côté, faisant respecter les
autres.
Je vais vous donner un exemple. Un mécanicien gagne $7.25
l'heure. Si le mécanicien du garage du coin n'est pas payé $7.25
l'heure, qui va réclamer ces $7.25 l'heure? C'est le comité
paritaire. S'il est licencié sans préavis de quinze jours, qui va
réclamer cela? Il va être obligé de s'en remettre aux
normes minimales.
Deux modes distincts de protection. Il faut se poser la question,
à ce moment-là: Qui va être l'organisme le mieux
préparé pour faire respecter ces normes dans un secteur
industriel spécifique? On prétend que là où il y a
une vie dans l'industrie, là où il y a une concertation dans
l'industrie, là où un comité fonctionne, là
où les parties traitantes jouent leur rôle, ce sont elles qui
seront les plus en mesure de les faire respecter? Pourquoi? D'abord parce que
là où cela fonctionne, les comités ont une équipe
spécialisée dans l'industrie de l'automobile qui procède
non seulement sur réception de plaintes, mais qui vont procéder
par visites suivies chez les employeurs, ce qui ne se fait pas au niveau de la
Commission du salaire minimum, on connaît le problème. On
procède par plainte, chez nous; il y a des inspecteurs
spécialisés, des gens qui ont vécu dans l'industrie de
l'automobile.
Le gars qui est inspecteur va savoir que la deuxième série
de livres de l'employeur se trouve dans la deuxième table en-dessous,
parce qu'il vit
dans cette industrie. Ce double système, on le pense, va aussi
engendrer un dédoublement des coûts de surveillance et des
conditions minimales applicables à ces salariés; deux
systèmes au sein d'une même petite entreprise. Est-ce qu'il va
falloir que le petit garagiste fasse deux rapports, un aux normes minimales et
un autre au comité paritaire? On pense que le risque, c'est que
lés décrets deviennent un peu des espèces de
gruyères à la fois salariés et employeurs devront se
référer constamment aux deux lois pour connaître les normes
qui les régissent. (10 heures)
Le deuxième aspect de notre mémoire, avant d'en arriver
aux conclusions, c'est que le projet de loi 126 établit un cadre de
protection. Dans un premier temps, j'ai parlé des conditions qui peuvent
être différentes; dans un deuxième temps, le projet de loi
établit un cadre de protection et des instruments assurant le respect de
ces normes minimales à peu près au même titre que la Loi
des décrets. Cependant, ces instruments de protection
créés par le projet de loi sont évidemment
supérieurs à ceux qui sont actuellement donnés dans la Loi
des décrets. C'est évident que cette loi a besoin d'être
révisée, comme on l'a dit, elle a du poil aux jambes. D'ailleurs,
on a fait des représentations dans le passé, les
différentes parties traitantes, afin de faire en sorte que cette loi
soit révisée. ;
Je vais vous donner un exemple du système de protection qui peut
être différent dans les deux lois. On va revenir à notre
maintien à $7.25 l'heure. S'il fait sa réclamation sous le coup
du décret, il peut aller chercher six mois de salaire impayé.
S'il n'est pas payé, il va aller chercher six mois. C'est une nouvelle
loi pour les salariés qui sont sous la juridiction de la Commission des
normes minimales. Il va aller chercher un an de salaire impayé.
Evidemment, c'est un exemple. Il y à plusieurs exemples où cette
loi est plus moderne; elle donne des éléments de protection qui
sont supérieurs.
L'instauration de ce mode de protection pour les salariés
assujettis à ces normes; minimales place les décrets de
l'automobile et les parties traitantes devant les situations suivantes:
Premièrement, les conditions de travail prévues dans les
décrets qui sont supérieures aux normes minimales ne peuvent pas
être appliquées aussi efficacement et avec autant de vigueur que
les normes minimales appliquées par la Commission des normes minimales.
Le législateur créé et met en opposition deux modes
d'application des conditions minimales inégalement efficaces. Si on veut
faire mourir les décrets d'une mort naturelle, il ne faut pas oublier
les avantages supérieurs ou différents qu'apportent actuellement
les décrets là où ils sont viables, principalement ceux de
l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils s'appliquent. ;
En fait, nous croyons que c'est une politique ferme et
irrévocable du gouvernement actuel que de compter sur le dynamisme
intérieur des secteurs industriels du Québec et de favoriser
l'entente de bonne foi et le travail concerté chez les composantes
socio-économiques de l'industrie. En conséquence, la remise en
question des décrets nous amène à mettre en garde le
gouvernement sur un abandon pur et simple des décrets de leur loi
habilitante. Agir ainsi, c'est battre en brèche les principes de base
sur lesquels est fondée la viabilité des divers secteurs
industriels, c'est mettre de côté les associations patronales et
syndicales qui ont travaillé pendant des années à
l'établissement d'un climat de travail sain dans l'industrie de
l'automobile, c'est abandonner les autres rôles que jouent les parties
traitantes et les comités paritaires qu'elles forment. Elles jouent
d'autres rôles. Par exemple, dans l'industrie de l'automobile, il y a la
qualification des salariés et ce sont les comités paritaires qui
s'en occupent actuellement; c'est un élément important qu'il faut
prendre en considération.
Deuxièmement, il existe dans l'industrie de l'automobile des
comités formés de l'industrie et de l'école dont font
partie le ministère de l'Education et les différentes composantes
patronales et syndicales en vue d'amener les travailleurs de l'industrie
à s'intégrer à l'industrie. C'est un élément
important. On joue là sur la vie de l'industrie et sur les
différentes composantes de l'industrie.
Enfin, nous pensons que les associations patronales et syndicales
oeuvrant dans l'industrie de l'automobile sont beaucoup plus à
même d'évaluer les conséquences des conditions minimales
dont elles demandent par requête l'inclusion dans un décret quant
à l'effet sur le prix, la concurrence, les exportations et le
recrutement de la main-d'oeuvre. L'établissement par l'Etat des normes
minimales sectorielles, si c'est le cas, si on en arrive là, sans
l'intervention et la consultation des agents économiques de ce secteur
industriel risque d'avoir un effet néfaste sur la viabilité de
l'industrie de l'automobile quant au prix des services et des biens vendus,
quant à la concurrence, quant à la négociation des
conventions collectives du secteur.
Je pense que ce sont tous ces facteurs dont il faut tenir compte et
c'est ce qui nous a amenés à suggérer les
éléments suivants: Le projet de loi 126 maintient la loi des
décrets de convention collective et les décrets. Evidemment, nous
appuyons ce principe. Nous croyons aussi que dans les secteurs industriels, et
particulièrement dans l'industrie de l'automobile où le dynamisme
des parties traitantes est important, les conditions de travail sont
généralement supérieures aux normes minimales
imposées par le projet de loi et les comités paritaires jouent un
rôle diversifié. Le législateur devrait maintenir la
formule actuelle et encourager son évolution.
A cet effet, il y a deux recommandations principales, les autres s'y
greffant. Si vous me le permettez, voici ce que l'on suggère: D'abord
amender l'article 92 de façon que si une norme de travail est
supérieure à celle d'un décret ou qu'elle n'apparaît
pas dans un tel décret, qu'elle soit incluse de droit dans ce
décret. C'est un peu ce qu'on a actuellement dans l'industrie de
l'automobile. Il y a une disposition pour que, malgré toute
autre disposition de la présente section, l'employeur accorde
à tout salarié des conditions au moins égales à
celles prévues dans l'ordonnance no 3 de la Commission du salaire
minimum. De fait, c'est ce qu'on a actuellement pour éviter ce double
champ de juridiction dans le secteur industriel concerné. Si cela ne
fonctionne pas et si un décret n'est pas capable d'être au-dessus
des normes minimales, pourquoi le faire sauter? C'est évident que le
lieutenant-gouverneur en conseil a les pouvoirs, actuellement, s'il juge qu'un
décret ne joue plus son rôle, pour quelque motif que ce soit, ou
bien parce qu'il est généralement inférieur aux normes
minimales, il a dans la Loi des décrets le pouvoir de l'abroger
unilatéralement.
Deuxième conclusion majeure, je pense qu'on devrait penser
à amender concurremment la Loi des décrets de convention
collective afin d'y inclure les instruments de protection inclus dans le projet
de loi 126 et de ne pas créer deux modes inégaux de protection.
Les autres conclusions, vous les verrez. Je pense qu'elles découlent de
ces conclusions principales. C'est là, en fait, la teneur de notre
mémoire. Je vous remercie.
Je pense qu'on va procéder à la période des
questions. Alors, jusqu'à maintenant, comme je vous le dis, ce
mémoire a été fait par consensus. C'est un peu ce qui se
passe au niveau de l'industrie automobile, c'est un consensus qui s'est
développé, c'est de la concertation qui s'est faite. Pour la
période de questions, je vais passer la balle assez souvent aux autres,
ne sachant pas si je vais être en mesure de maintenir ce consensus tout
au long parce qu'il y a des parties patronales et des parties syndicales ici.
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: Merci, Me Latulippe. Les décrets qui sont
actuellement en vigueur, d'abord, en vertu de l'article 146, il faut bien se
comprendre, on n'y touche pas. C'est clair. Quant aux décrets à
venir, l'article 92 prévoit qu'ils ne devront pas contrevenir à
la loi des normes; deuxièmement, s'il y a un vide, c'est la loi qui
supplée. L'exemple, vous l'avez donné, c'est l'avis de
licenciement. S'il y a une disposition d'un décret qui contrevient
à une norme, la disposition, et elle seule, est nulle. Il faut bien se
comprendre, cela n'annule pas le décret pour autant. Cela annule cette
disposition, si elle contrevient aux normes.
Deuxièmement, la chose fondamentale que vous avez
soulignée, au-delà de la sociologie que l'on peut faire des
décrets, et particulièrement de ceux de l'automobile sur lesquels
je ne reviendrai pas, je reconnais avec vous que c'est sans doute un des
secteurs des décrets qui est le plus dynamique, 52 décrets qui
restent au Québec... Je retiens essentiellement les difficultés
que vous voyez en termes d'application.
Par exemple, sur la norme de licenciement, est-ce que le salarié
dont l'employeur ne respecte pas les dispositions de la loi des normes va aller
se plaindre au comité paritaire ou s'il va aller se plaindre à la
Commission des normes? Evidemment, si cela n'est pas dans le décret, il
va aller se plaindre à la Commission des normes. Si cela est dans le
décret, n'appartient-il pas, à ce moment-là, aux parties
de reproduire, dans les conventions collectives, comme elles le
désirent, les dispositions des normes qui sont applicables; celles, en
tout cas, qui, jusqu'à maintenant, font l'objet de vide?
La solution que vous proposez, c'est-à-dire d'amender l'article
92 pour faire en sorte que d'office les dispositions de la loi soient contenues
dans les décrets, contient l'inconvénient suivant. Les
décrets, comme vous le savez, sont issus de conventions collectives.
Va-t-on permettre qu'un arbitre, si on inclut cela dans le décret ou si
on est même amené à l'inclure dans les conventions
collectives originales qui font l'objet de l'extension sous forme de
décret, soit l'interprète d'une loi du Parlement, alors qu'on
sait que l'interprète d'un décret, c'est la Cour provinciale,
cela n'est pas un arbitre? Je préfère que les lois soient
interprétées par les tribunaux plutôt que par des arbitres.
Je n'ai pas d'objection au système d'arbitrage; bien au contraire. On ne
peut quand même pas permettre la création d'une jurisprudence au
niveau des arbitres, parallèlement à celle des tribunaux. Mais il
n'y a rien qui empêche encore une fois que les parties décident,
dans les ententes qu'elles signent sous forme de convention collective, d'y
inclure toutes les normes qu'on retrouve dans la loi. Là, elles le
feront, plutôt que de l'imposer par la loi.
M. Latulippe: Je peux répondre à cela. M.
Johnson: Oui.
M. Latulippe: II y a deux choses. Tout d'abord, lorsque vous
dites que, de fait, on préfère que cela soit
interprété par la Cour provinciale; que le décret
étant issu d'une convention collective, pourquoi le gouvernement
s'immiscerait-il effectivement à ce niveau-là, cela n'est pas
vrai. Le décret devient l'objet du gouvernement. Il est peut-être
issu d'une convention collective, mais une fois décret, il devient
l'objet du gouvernement. On va vous donner un exemple bien simple. Même
si on veut prolonger in extenso une convention collective, ce n'est pas ce qui
va se passer parce qu'il y a une requête qui est faite. Au niveau de
l'extension juridique, on va nous dire: Faites attention parce que vous
demandez cela est arrivé, entre autres, dans certains endroits
$7.50, vous demandez $8. l'heure. Ecoutez! Les tiers là-dedans
ont quelque chose à dire; ils ne sont pas capables de payer plus que
$7.25. Alors, vous arrivez et vous corrigez de nouveau la norme. C'est avec
raison, mais vous intervenez à ce moment-là. C'est en vertu de ce
pouvoir que vous intervenez régulièrement dans les décrets
et c'est en vertu de ce pouvoir que vous êtes intervenu, entre autres,
dans différents décrets pour inclure comme norme minimale les
taux de salaire mini-
mun qu'on trouve à la Commission du salaire minimum. Si on le
fait aujourd'hui, on ne fait que consacrer ce qui est prévu dans la Loi
des décrets. Maintenant, lorsque vous dites qu'il n'y a rien qui
empêche les parties d'inclure les normes minimales dans le décret,
je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus. Cependant, il y
a ceci, c'est que cela ne se fait pas comme cela instantanément; il va y
avoir un paquet de réglementations qui vont découler de ces
normes. Il va toujours falloir se poser la question: Cette norme est-elle
supérieure, est-elle inférieure au décret, est-elle
égale? Il va y avoir une discordance de temps. On va passer un
règlement, mais la négociation suivante, pour pouvoir appliquer
cette norme, va arriver un an plus tard. Entre-temps, le gars ne sera pas
protégé en vertu de cette norme. Qu'est-ce qui va se passer?
C'est tout simplement pour éviter ces choses, je pense.
M. Johnson: Dans le fond, si je prenais votre argumentation et la
poussais dans ses derniers retranchements...
M. Latulippe: Vous êtes très bon pour cela.
M. Johnson: ... cela milite en faveur de deux solutions in
extremis. Ou bien vous dites: Tout ce qui est soumis au secteur des
décrets n'est pas soumis à la loi des conditions minimales et
laissez donc les parties s'organiser. On a entendu cela un petit peu de
certains secteurs industriels, entre autres, ici: S'il y a un syndicat et s'il
y a une association d'employeurs, laissez-les donc s'organiser. Ou encore vous
dites: Tout ce qui découle de la loi des normes va être par
définition appliqué par la commission des normes. Là, vous
avez le double recours. Cela milite, finalement, si je pousse votre
raisonnement encore une fois, en faveur d'une solution qui est tout ou rien en
ce qui a trait au rôle de la commission. Que les parties négocient
ce qu'elles veulent, quant à ce qu'elles veulent et la commission,
parallèlement, va appliquer sa loi et va se servir de ses inspecteurs;
il va y avoir le commissaire du travail pour d'autres affaires, etc. Moi, ce
que j'essaie de chercher, c'est une solution qui pourrait peut-être
imbriquer les deux processus. (10 h 15)
M. Latulippe: C'est ce que nous cherchons, nous aussi. En fait,
ce que nous vous disons, c'est: Ecoutez, les normes minimales, ce sont des
normes minimales et il faut que ce soit des normes minimales partout. Là
où il y a des décrets qui fonctionnent, laissez les parties se
concerter là-dessus. Laissez-les fonctionner dans leur décret.
Quand cela ne fonctionne pas, intervenez par exemple. Si cela fonctionne,
laissez-les donc jouer là-dedans, parce que c'est leur propre vie.
NI. Johnson: Oui, mais en pratique, sur le plan juridique, c'est
d'ailleurs ce qu'on essaie de faire. Là où le décret
fonctionne, on les laisse faire leurs affaires. Là où cela ne
fonctionne pas, on est pas mal interventionniste. Ils n'aiment pas bien cela,
mais on le fait. Sauf que, concrètement, quand on parle d'être
interventionniste, on modifie le décret, on fait les évaluations
de prépondérance. Dans certains cas, on met du monde en tutelle.
Concrètement, comment verriez-vous que cela imbrique la loi des
conditions minimales? En d'autres termes, est-ce que vous diriez: Très
bien, que votre loi continue, mais laissez les comités paritaires
administrer votre loi pour les fins de ceux qui sont touchés par les
décrets?
M. Latulippe: Non, absolument pas. Ce qu'on dit, effectivement,
c'est: laissez au niveau des décrets les parties négocier leurs
conditions minimales comme elles le font actuellement et si, par hasard, il
arrive qu'une norme minimale soit supérieure à une norme dans un
décret, cela peut être une banalité. Introduisez-la
automatiquement, une clause d'introduction automatique dans le
décret.
M. Johnson:... absente. Par exemple, l'avis de licenciement.
L'avis de licenciement n'existe pas dans votre décret. Le certificat de
travail, cela n'existe pas dans votre décret. Donc, il y a trois
situations qui peuvent se poser: ou ce que vous avez négocié est
égal ou supérieur aux normes, ou encore, ce que vous avez
négocié est contradictoire et inférieur aux normes, ou
encore, vous n'avez rien négocié sur un sujet, il n'y a rien dans
le décret. Dans les trois situations, comment voyez-vous cela? Dans le
cas, évidemment, où ce que vous avez négocié est
supérieur aux normes, on n'en parle même pas. C'est la
règle, d'ailleurs, dans toutes les conventions collectives. On laisse
cela aller. C'est la procédure normale qui est celle du grief, etc. Dans
le cas où vous avez une norme qui est contradictoire ou
inférieure...
M. Latulippe: A un moment donné, il arrive un
règlement...
M. Johnson: Vous ce que vous dites c'est: par votre pouvoir, le
ministre devrait modifier le décret.
M. Latulippe: Cela prend une clause. On modifie l'article 92
conformément à ce qu'on a déjà au niveau des
décrets et en disant purement et simplement, s'il y a une norme qui est
différente ou supérieure, qu'on l'introduise in extenso, ipso
facto dans le décret. Là si à un moment donné, vous
venez et vous nous dites: Ecoutez une minute, on est en train d'introduire
toute notre loi dans vos décrets. Si vous n'êtes pas assez
efficaces pour aller au-dessus, vous avez un pouvoir, M. le ministre. Vous avez
le pouvoir de les abroger.
M. Johnson: D'abolir vos décrets, oui. J'ai essayé
cela de ce temps-ci, je regarde cela dans le cas du décret du pain et
cela n'a pas l'air de faire l'affaire du monde tellement qu'on regarde
cela.
M. Latulippe: Mais si les conditions minimales...
M. Johnson: Vous savez comme moi que c'est prendre un marteau
pilon pour tuer une mouche, des fois, abolir un décret.
M. Latulippe: Si le décret n'a plus sa raison
d'être.
M. Johnson: C'est cela.
M. Latulippe: Mais ce n'est pas ce qui se passe dans l'industrie
de l'automobile. Cette concertation qu'on retrouve au niveau de l'industrie de
l'automobile, pourquoi pas effectivement la laisser fonctionner? Puis, il y a
d'autres éléments au niveau des décrets. M. le ministre,
si vous me permettez, là-dessus je pense que c'est cela le point
névralgique de notre mémoire j'aimerais peut-être
laisser la parole entre autres à M. Saint-Louis, pour donner un peu
l'image de comment cela fonctionne effectivement au niveau de la concertation
dans notre secteur industriel.
M. Saint-Louis, après peut-être M. Lefebvre.
M. Saint-Louis (Léo): Bien, en ce qui nous concerne, la
FTQ, le local 511, nous faisons partie de la négociation des
différents décrets, non seulement à Montréal, mais
à Trois-Rivières, différents décrets.
M. Johnson: Saguenay-Lac-Saint-Jean. M. Saint-Louis:
Abitibi.
M. Johnson: Vous n'êtes pas dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean
?
M. Saint-Louis: Non.
M. Johnson: C'est la CSD, je pense.
M. Saint-Louis: CSD ou CSN, parce que les trois centrales
syndicales sont là. Ce matin, il y en a deux ici.
Nous nous intéressons à cela, cela paraît un peu
drôle, parce que pour le syndicalisme des comités paritaires,
habituellement, cela fonctionne plus ou moins bien. Mais, avec les lois
actuelles sur le travail, il est très difficile d'arriver tant qu'on
n'aura pas une accréditation sectorielle. On a des non-syndicables, on
n'est pas capable de les syndiquer, comme dans les stations d'essence, les
garages spécialisés; vous avez deux, trois ou quatre gars
là-dedans, on demande une accréditation et on se revire de bord
et il n'y a plus de gars. Ces gars, il faut quand même les
protéger avec quelque chose. Nos membres nous délèguent
à un comité paritaire pour faire la négociation. C'est
entendu qu'on ne peut pas arriver et vendre notre convention collective et la
mettre directement dans le décret, parce qu'une station d'essence, un
concessionnaire ce n'est pas tout à fait la même chose. Ce n'est
pas le même genre de mécaniciens et ainsi de suite, dont on a
besoin là-dedans.
On négocie le plus haut possible, des fois cela peut prendre six
mois, huit mois, un an à négocier, parce que notre force n'est
pas comme si on était autour d'une table de négociations entre
syndicat et patron. On réussit à faire quelque chose. Ce qu'on ne
veut pas, c'est que des normes gouvernementales viennent dire aux
salariés: Dans telle industrie, c'est nous qui allons décider
pour vous. Actuellement, on le fait, et je pense qu'on le fait assez bien,
parce qu'on n'a pas trop de critiques. Il faudrait qu'on puisse continuer
à négocier et si les normes sont plus élevées, si
certaines normes sont plus élevées, que ce soit comme le bill no
3, qu'automatiquement cela s'applique dans nos décrets. De cette
manière, on n'aura pas de problèmes; cela va continuer à
fonctionner et on va pouvoir continuer à négocier
nous-mêmes pour arriver à quelque chose. Les salaires sont plus
élevés que le salaire minimum, c'est entendu; il y a les
journées de fête, les vacances. On a beaucoup de choses dans nos
décrets; si elles n'étaient pas là, cela pourrait prendre
un certain temps avant que le gouvernement puisse les appliquer.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président...
M. Lefebvre (Jean): M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires?
M. Lefebvre (Jean): ... du côté de la partie
patronale, il faudrait bien comprendre qu'à l'intérieur de
l'industrie de l'automobile il y a beaucoup de petits employeurs. Pour les
petits employeurs, faire des relations de travail, c'est coûteux et ce
n'est pas facile. Le gars qui répare les automobiles qui doit
connaître les façons de faire sa publicité afin
d'être, comme on dit en anglais, un "jack of all trade", le décret
a pour effet, dans son cas, de lui donner un cadre de relations de travail avec
des références où il peut facilement se retrouver.
Le décret dans l'automobile je sais bien que ce n'est pas
des relations de travail, mais c'est très important fait de la
qualification et de la formation aussi. Pour le petit employeur, la seule
façon de survivre, c'est d'avoir des gens qualifiés. A cause de
l'évolution de l'automobile tout le monde a des automobiles
cela change vite. La seule façon de pouvoir rester en affaires
je suis un petit employeur c'est d'avoir un endroit où on
peut qualifier nos gens et où on peut avoir de l'aide de ce
côté. La façon de le faire, à ce jour, c'est
à l'intérieur des comités paritaires. Notre peur est que
si vous enlevez les comités paritaires, on retombe avec rien.
J'ai essayé, dans la région de
Lanaudière-Laurentides, depuis quatre ou cinq ans, de faire partie du
CCR à la commission de formation professionnelle. On n'a abouti à
rien, à absolument rien. A partir de là, si mes
mécaniciens n'ont aucun endroit pour se recycler, je suis fini. C'est
cela, l'importance du décret, à notre sens. Les
décrets de l'automobile sont peut-être différents
des décrets de la guenille, ils sont peut-être bien
différents des décrets de restaurant, etc.
Dans l'automobile, la qualification, c'est important. C'est votre vie
à vous, les gens. La sécurité dans l'automobile, cela ne
part pas de l'inspection d'un autobus qui fait la Sûreté du
Québec; cela part de la personne qui répare l'autobus, cela part
de la personne qui répare votre automobile. C'est vérifié
et inspecté par des gens de l'industrie. On se rencontre pour faire des
examens, pour décider ce qu'est un mécanicien au niveau des
comités paritaires. Il n'y a pas d'autre endroit. On a essayé
avec l'Education, cela n'a jamais fonctionné. On a pris les
écoles que nous avions payées et on montre aux femmes comment
faire du macramé à l'intérieur d'un atelier de
débosselage. C'est cela, la commission de formation professionnelle. A
partir de là, nous pensons que les décrets de l'automobile
devraient rester et qu'on devrait essayer de continuer à faire des
choses. Jamais un atelier de débosselage n'a été fait pour
enseigner le macramé, la peinture ou ces choses-là. Vous savez
pertinemment que, dans les commission de formation, c'est comme cela que cela
se passe. On a essayé d'y aller et tout ce qu'on a eu, ce sont deux
rencontres avec un fonctionnaire et la troisième fois on lui a dit: On
ne veut plus entendre ce que tu as à nous dire. Tout ce qu'il faisait,
c'est essayer de nous montrer où nous étions situés dans
l'appareil gouvernemental et cela faisait trente heures qu'on perdait. Nous
voulions avoir des choses concrètes comme ce qu'on fait dans le moment,
des cours de formation.
M. Johnson: Vous me donnerez son nom quand nous sortirons tout
à l'heure. Si vous me le permettez, juste une réflexion rapide
sur les commissions de formation professionnelle. C'est également ce que
je reproche à ce système qui a commencé en 1967,
disait-on, sur une base expérimentale. Douze ans après, on est
toujours dans les expériences où, effectivement, il se
dépense à peu près $100 millions dans le cadre d'ententes
fédérales-provinciales dans le secteur de la formation
professionnelle. Vous avez raison en ce qui concerne certains coins. Remarquez
que c'est inégal. Vous avez utilisé une comparaison et une
caricature. Il y a des endroits où cela peut fonctionner, dans certains
métiers les commissions de formation, mais c'est vrai qu'il y a des
ateliers de débosselage où il se donne des cours de
macramé. Je ne suis pas sûr que cela soit une politique de
main-d'oeuvre bien cohérente. C'est pour cela qu'on essaie de changer
les choses depuis quelques années. J'entends le président qui
nous dit que c'est peut-être la nouvelle culture qui fait qu'on apprend
aussi le macramé en apprenant le débosselage. Je me permets de
douter que l'on soit rendu dans une société qui soit à ce
stade-là.
Juste une parenthèse là-dessus et cela me paraît
opportun puisque c'est soulevé ici en commission. Il faut dire que les
politiques de main-d'oeuvre sont évidemment aux prises avec un
drôle de problème. Je comprends que le secteur de l'automobile
vous avez raison de le dire est un des secteurs les plus
dynamiques où, effectivement, il se fait de la qualification,
réellement, par les comités paritaires, contrairement à
d'autres secteurs où les décrets sont bien plus des
résultantes historiques de choses qui se passaient dans les
années après la crise et un peu avant la guerre qu'autre
chose.
Mais il est extrêmement difficile, concrètement, quand il y
a une double juridiction qui est à la fois fédérale et
provinciale dans le secteur de la main-d'oeuvre, en vertu de la constitution,
d'avoir des interventions cohérentes. C'est parce que les dames qui font
du macramé dans les salles de débosselage, c'est le centre de la
main-d'oeuvre du Canada qui les envoie au ministère, chez nous. C'est un
des problèmes. C'est lui qui fait la sélection des clients et
nous donnons les cours, c'est un peu aberrant, alors que je peux savoir, comme
ministre de la Main-d'Oeuvre, qu'il y a un besoin du côté du
recyclage des mécaniciens d'automobile. Ce n'est pas moi qui choisis les
candidats, c'est le centre de la main-d'oeuvre du Canada. Evidemment, cela pose
un problème de cohérence, sans compter d'ailleurs qu'il y a
seulement quatorze ministères qui s'occupent de la main-d'oeuvre
à l'intérieur du gouvernement du Québec. On a aussi des
problèmes à régler dans notre propre maison. Cela, j'en
conviens facilement.
Ceci dit, je retiens de l'exposé des deux représentants,
celui du local 511 et le représentant patronal des comités
paritaires, que, dans le fond, vous voyez d'abord une utilité bien
concrète à vos comités, ce qu'on n'a pas l'intention de
changer a priori. Vous le voyez, la loi ne prévoit pas l'abolition ou
même le "phasing out" des comités. S'il y a une loi qui devrait
prévoir cela, ce serait bien plus dans le cadre de
l'accréditation multipatronale ou de l'accréditation sectorielle.
Deuxièmement, c'est de trouver la formule. On va chercher et on va
continuer à réfléchir là-dessus on a encore
un mois ou deux jusqu'à l'adoption pour être sûr que,
d'une part, les conditions minimales sont d'application générale,
mais que, d'autre part, les chevauchements entre la juridiction des
comités paritaires en vertu de la Loi des décrets et ceux des
conditions minimales ne nous amènent pas un dédoublement
bureaucratique qui soit inutile pour tout le monde. On va regarder cela. Il y a
un moyen que vous proposez. Il y en a peut-être d'autres aussi. Je vous
remercie, messieurs.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé. (10 h 30)
M. Picotte: M. le Président, le rapport qui nous est
présenté semble très intéressant à plusieurs
égards et il y a aussi des suggestions qui touchent des points
très importants. Il y en a un, entre autres, concernant l'article 92 qui
a attiré mon attention. Justement, à la page 9, au
sous-paragraphe b), on dit: "On s'institutionnalisera un mode alternatif de
protection." J'aimerais savoir je ne lirai évidemment pas tout le
paragra-
phe parce que je pense que vous le connaissez dans le concret,
qu'est-ce que cela veut dire, dans votre esprit?
M. Latulippe: A quelle page faites-vous
référence?
M. Picotte: A la page 9, au sujet de l'article 92, au
sous-paragraphe b).
M. Latulippe: Cela veut dire ceci, concrètement. On va
prendre le cas d'un mécanicien dans un garage qui paie un taux de $7.25
l'heure. En vertu des pouvoirs qui sont actuellement conférés
dans la loi des décrets, si le gars n'est payé que $5 l'heure
et cela dure depuis un an nous autres, on peut aller lui chercher
six mois de salaire. On aimerait que ce soit un an de salaire. On a
déjà fait des représentations pour cela. On aimerait cela
que, dans la loi des décrets, on puisse aller chercher un an de salaire
comme pour la Commission des normes minimales. La Commission des normes
minimales pourra alors aller chercher, par exemple, un an de salaire en
arrière. En vertu de la loi des décrets, on va aller chercher six
mois de salaire. Ce sont là deux modes de protection
différents.
Un autre exemple: les cartes de temps dans les garages. Nous autres, on
peut faire la preuve lorsqu'on prend un employeur qui ne paie pas ses gars
comme il doit le faire, s'il a un système de cartes de temps. Mais, s'il
n'a pas de système de cartes de temps dans le garage, tu n'es pas
capable de le prouver. Dans la loi des décrets, si le gars ne tient pas
ses cartes de temps, c'est $20 d'amende. Le gars fait mieux de ne pas tenir des
cartes de temps. En vertu des normes minimales, c'est $200 d'amende. C'est cela
qu'on entend par mode de... Pourquoi ne pas faire la même chose pour nous
autres dans les décrets? Dans ce sens-là, je me dis: Ce n'est pas
cela un "phasing-out" s'il ne nous donne plus de protection. Pourquoi ne pas le
faire quand même pour nous autres? C'est dans ce sens-là qu'on
parle des modes alternatifs de protection.
M. Picotte: D'accord. Tantôt, le ministre a fait allusion
à l'article 147 qui donne certaines assurances, mais vous ne semblez pas
tout à fait en tout cas, dans votre mémoire
d'accord. Vous prétendez, selon ce qui est écrit, que cela va
beaucoup plus loin et que cela dépasse de beaucoup l'esprit du
législateur. J'aimerais vous entendre parler encore de l'article 147
parce qu'il me semble que cela n'est pas si clair dans votre esprit.
M. Latulippe: Vous voulez dire l'article 146?
M. Picotte: L'article 146, oui. Je m'excuse. C'est à la
page 10. En fait, vous dites: Tout un décret ou une convention
collective deviendrait nul et sans effet renouvelable si une seule de ses
dispositions contrevient à la loi ou si elle ne contient pas une seule
des dispositions prévues dans cette loi. Le texte nous semble avoir
large- ment débordé la pensée du législateur. Or,
le ministre a fait allusion tantôt à l'article 146 en disant que
cela n'était quand même pas...
M. Latulippe: Je n'ai pas voulu entrer là-dedans parce
que, dans le fond, c'est un peu faire du juridisme. Maintenant, les avocats
sont mal placés au Québec pour faire du juridisme.
M. Johnson: Je m'excuse. Pourquoi avez-vous dit cela, M.
Latulippe?
M. Latulippe: En parlant de l'article 146 ou en parlant du
juridisme?
M. Johnson: Du juridisme.
M. Latulippe: Quelle est votre opinion, M. Johnson?
M. Johnson: Non, je pense qu'il y a de la place pour les
avocats.
M. Latulippe: Non, d'accord. Cela n'est pas assez...
M. Chevrette: Vous faisiez allusion à l'assurance.
M. Latulippe: Non, absolument pas. Ce que je veux dire, c'est
que, de fait, je pense que le juridisme est dépassé pas seulement
à cause d'événements politiques, mais aussi à cause
de notre structure sociale. Ce que je veux dire, c'est que...
M. Johnson: Je vais me servir de cela, si vous me le permettez.
Je vais vous interrompre parce que j'entends mes collègues parler de
cela. Je vais peut-être faire une petite mise au point rapide sur un
commentaire que j'ai passé en Chambre hier. De la même
façon, je pense que, quand il y a des gens malheureux...
Une Voix: Sans commentaires.
M. Johnson: ... les avocats peuvent venir à leur aide, de
la même façon les avocats ne vivraient pas si tout le monde
était heureux. C'est simplement cela.
M. Latulippe: On aurait peut-être moins de
démocratie. Ecoutez! L'article 146...
M. Johnson: C'est-à-dire que votre interprétation
de l'article 146...
M. Latulippe: A mon avis, il n'est pas clair. Si vous voulez, on
va le relire rapidement: "Malgré l'article 92, une convention collective
en vigueur ou un décret ... dont les dispositions
contreviennent aux normes de travail adoptées en vertu de la
présente loi ou d'un règlement, ou qui ne contient pas l'une ou
l'autre de ces normes, continue d'avoir effet jusqu'à son
expiration."
Qu'est-ce qui arrive à son expiration? Est-ce que c'est tout le
décret qui tombe? Ce n'est pas tout à fait clair.
M. Johnson: D'accord. On va le fouiller. Je pense que vous faites
bien...
M. Latulippe: C'est parce que...
M. Johnson: C'est clair que ce n'est pas notre intention d'abolir
les décrets au moment de leur expiration, qu'on se comprenne très
bien là-dessus. On va vous rassurer là-dessus. Il s'agit
simplement de dire que, quelles que soient les dispositions d'un décret,
un décret qui est en cours n'est pas affecté par cette loi. Au
moment de son renouvellement, cependant, une clause ou une disposition d'un
décret qui serait contraire à la loi est nulle, et non pas le
décret.
M. Latulippe: Oui mais...
M. Johnson: Qu'on se comprenne bien.
M. Latulippe: ... là-dessus, l'article 146 est ambigu.
M. Johnson: II faudrait peut-être le rédiger en
conséquence.
M. Latulippe: En fait, il y a des tribunaux qui pourraient
l'interpréter comme cela, je n'ai aucun doute là-dessus.
M. Picotte: La raison pour laquelle j'ai fait préciser
cela, c'est que souvent l'esprit du législateur et la lettre de la loi
sont différents. On s'en rend compte dans l'application. Les gens qui
sont appelés à vivre avec cette loi sont, en bon canadien,
"pognés" et cela cause tout un paquet de problèmes. Vous avez
entendu le ministre tantôt sur certaines questions aussi. Je pense qu'il
y a eu certaines clarifications, mais vous dites dans votre rapport, à
la page 13: "Enfin, ou bien l'on veut faire mourir les décrets d'une
mort naturelle et là on oublie les avantages supérieurs ou
différents qu'apportent actuellement les décrets et
principalement ceux de l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils
s'appliquent, leurs employeurs et salariés." A ce moment-là,
j'aimerais savoir si vous êtes toujours d'accord avec ce que vous avez
écrit à la suite de certaines discussions que nous avons eues
depuis le début de l'étude du mémoire. C'est quand
même assez formel votre affaire.
M. Latulippe: On est encore d'accord, je pense bien, à
moins qu'on me contredise.
M. Picotte: Pourriez-vous m'apporter des précisions?
M. Latulippe: On est encore d'accord. C'est-à-dire
que...
M. Johnson: C'est beau la dynamique des décrets. On vous
regarde aller, cela va bien. Vous parliez de la dynamique des décrets.
Je vous vois continuer le consensus patronal-syndical à la table. Est-ce
que cela fonctionne toujours comme cela?
M. Latulippe: Non, malheureusement. M. Johnson:
D'accord.
M. Saint-Louis: II faudrait que vous assistiez à nos
négociations.
M. Latulippe: Malheureusement. Vous voulez qu'on explique sur le
fait qu'on pense qu'il peut y avoir un problème?
M. Picotte: Oui, parce que le ministre n'a pas semblé
tellement vous convaincre dans ses réponses et la discussion non plus
n'a pas changé votre optique.
NI. Johnson: Je ne suis pas d'accord.
M. Latulippe: En fait, ce qu'on pense, c'est qu'à cause
des deux facteurs suivants: le fait que cela va devenir un petit peu des
fromages de gruyère ou, en partie, des fromages de gruyère pour
certaines normes, et, deuxièmement, que parallèlement on
abandonne un petit peu la Loi des décrets en ne lui donnant pas de
mordant, en ne la mettant pas à jour, en lui rasant le poil sur les
jambes, on pense, dis-je, qu'il risque d'y avoir un "fade-out",
automatiquement. L'employé, le salarié, le mécanicien qui
est dans le garage aimerait bien cela qu'on puisse lui réclamer un an de
salaire plutôt que six mois; il aimerait peut-être bien cela, s'il
est congédié, de pouvoir aller devant un commissaire au travail.
Il ne le peut pas en vertu de la Loi des décrets mais il a des
conditions supérieures dans les décrets. Ce que nous voulons, et
c'est peut-être cela... et là peut-être qu'on pourrait
passer aux autres...
M. Saint-Louis: En fin de compte, ce que nous demandons, c'est
que ce qui, dans le salaire minimum est supérieur au décret,
automatiquement cela fasse partie du décret. C'est ce que nous voudrions
en fin de compte, comme cela existe actuellement. Actuellement, si vous avez
quelque chose dans le salaire minimum qui est plus haut que le décret,
automatiquement cela s'applique dans le décret. On demande que cela
continue.
M. Latulippe: Deuxièmement, je pense qu'il y a les autres
choses qui se greffent à cela. Il y a les comités
industrie-école, entre autres. On pourrait dire quelques mots
là-dessus. Cela vit, un comité industrie-école, et M.
Saint-Louis en est un des directeurs.
M. Saint-Louis: Oui, on fait partie du comité
industrie-école. On fait affaire avec des profes-
seurs, des commissaires; il y a les employeurs et il y a les ouvriers
qui sont là. Comme pour les stages qu'on fait faire dans les garages,
pour éviter un "cheap labor" et pour empêcher un patron de prendre
un stagiaire pendant un mois, un mois et demi, deux mois, on s'est fait des
normes là-dessus. Si le stagiaire entre dans un garage, le patron ne
peut pas arriver et "slacker" un gars, mettre un gars à pied quand
même ce serait le dernier entré. On s'est fait des normes avec
notre comité industrie-école et cela fonctionne. On a même
fait changer des cours. Il y a des cours qui se donnaient en mécanique
et qui n'étaient plus valables. On s'est concerté avec
l'Education, et on a fait changer les cours. Ce sont toutes des choses que
l'industrie a faites. On veut que cela continue à se faire.
M. Chevrette: La loi 126 une fois promulguée, il serait
plus qu'étonnant que les décrets soient inférieurs
à la loi 126, parce que cela va devenir un plancher minimum de
conditions de travail. J'ai bien l'impression qu'à ce moment cela
servira de point de départ à toute négociation
éventuelle. Je suis convaincu de cela. A moins que les syndicats n'aient
bien changé par rapport à mon temps, j'ai l'impression que vous
allez vous en servir comme norme de base. Sauf qu'il y a une clarification que
je n'ai pas comprise, parce que sur le plan juridique, vous avez sorti une
argumentation au début que j'ai mal saisie. Ou fait d'avoir une clause
de portée générale en disant, par exemple, dans une loi
que les conditions minimales ainsi promulguées par la loi priment par
rapport à toutes conditions inférieures, est-ce qu'on laisse cela
à l'interprétation des arbitres? Vous avez fait la
différence entre arbitre et tribunal et je n'ai pas saisi. Est-ce que
cela vient placer ces conditions à interprétation, alors qu'une
loi les promulgue de facto? Je n'ai pas compris la nuance, M. le ministre.
M. Johnson: Ce que la loi 126 dit, c'est que les conditions qu'on
retrouve dans la loi 126 sont dites d'ordre public, c'est-à-dire
qu'elles sont d'application générale et qu'on ne peut pas y
contrevenir même par voie de contrat individuel ou de convention
collective. L'inconvénient de l'inclusion des dispositions de la loi
dans l'arrêté en conseil qui promulgue un décret, cela pose
le problème de l'inclusion, oui ou non, de ces conditions dans le texte
des conventions collectives elles-mêmes. Or, si les parties
décident ou si on décide d'imposer dans une convention collective
que l'article X, Y ou Z de la loi fait partie intégrante du texte d'une
convention collective, le jour où quelqu'un fait un grief et s'en va
devant un arbitre, l'arbitre, son rôle, ce n'est pas d'interpréter
les lois, c'est d'interpréter une convention collective. Est-ce qu'on va
laisser des arbitres interpréter les textes qui sont finalement des
textes de la loi? C'est le danger qu'il y a. Quelle que soit la solution qu'on
trouve, il faut éviter ce danger.
Par contre, le texte du décret, lui, est interpré-
té en Cour provinciale. Je pense que c'est là que cela doit
être interprété normalement dans la mesure où c'est
un texte de loi; ce n'est pas une convention collective proprement dite.
M. Chevrette: Donc, une clause de portée
générale qui dirait que là où il existe des
conventions collectives, la loi 126 devient quand même un minimum, cela
n'empêcherait pas un syndicat de souligner à son employé
qu'il a le pouvoir de recourir à la Commission du salaire minimum...
M. Johnson: Voilà.
M. Chevrette: ... pour au moins se défendre comme
protection minimale de base.
M. Johnson: De la même façon que cela existe en ce
moment sous l'empire de la loi actuelle où effectivement un
employé... C'est-à-dire non, pas de la même façon,
parce qu'il y a une exclusion spécifique au moment où on se parle
dans la Loi du salaire minimum des décrets, sauf que le contrat
gouvernemental là-dessus, c'est que le ministre du Travail, en vertu de
la loi de mil neuf cent trente et quelque, est celui qui a le pouvoir
d'édicter ce qu'est le décret. Il peut le modifier et le ministre
du Travail, depuis mil neuf cent trente et quelque, a toujours fait en sorte de
modifier les clauses des décrets qui étaient inférieures
aux conditions qu'on retrouvait dans les ordonnances de la Commission du
salaire minimum.
M. Latulippe: Je ne peux pas être tout à fait
d'accord avec vous sur le fait qu'insérer automatiquement une norme
minimale dans un décret, cela amende la convention collective. Ce n'est
pas la même chose, le décret et la convention.
M. Johnson: Je vous dis juste que, le jour où on le fait
pour les décrets, ne pensez-vous pas qu'il y a des conventions
collectives d'importance où on risque de se faire faire le même
type de demande? (10 h 45)
M. Latulippe: Mais le décret c'est une question...
M. Johnson: Comment peut-on justifier cela de façon
cohérente qu'on le fait pour les décrets et qu'on ne le fait pas
pour les conventions collectives?
M. Latulippe: C'est parce qu'un décret ce n'est pas une
convention collective.
M. Johnson: C'est une extension de convention collective.
M. Latulippe: C'est une extension mais cela devient en fait de la
détermination, finalement, par l'Etat, des normes minimales. Alors quand
l'Etat introduit dans un décret une norme minimale, il ne l'introduit
pas avec la même philosophie que s'il le
faisait dans une convention collective, parce que la convention
collective est la propriété des parties. On le fait actuellement
au niveau des décrets, c'est ce qu'on propose et c'est ce qu'on fait.
Vous pouvez le faire, cela n'implique pas son inclusion dans la convention
collective de base.
M. Johnson: Je vous dis juste qu'on pourrait être dans une
situation où, à un moment donné, des gens demandent qu'on
fasse la même chose pour les fins d'une convention collective. Disons que
la convention collective, je ne sais pas, dans une industrie dans la Beauce
je prends cette région, parce qu'il n'y a pas beaucoup de
syndicats ne prévoit pas d'avis de licenciement. Si c'est dans la
convention collective qu'il y a un avis de licenciement et que la
période c'est un mois au lieu de deux semaines, comme ce qui est
prévu dans la loi actuellement, cela donne ouverture à la
procédure de grief. Si cela donne ouverture jà la
procédure de grief, cela donne donc la possibilité qu'un arbitre
soit appelé à l'interpréter. Mais le jour où je dis
que c'est d'ordre public, comme on le fait dans le projet de loi no 126, et
qu'effectivement il n'y a aucune disposition dans la convention collective de
Saint-Gérard de Beauce dans un type d'industrie, la plainte ne sera pas
une plainte par voie de grief. La plainte va être une plainte par voie
d'utilisation des services de la commission des normes du travail. C'est cela
la cohérence qu'il faut rechercher: dans quelle mesure est-ce qu'on ne
le fera pas dans les conventions collectives et dans quelle mesure on peut le
faire dans le cas des décrets. Ce n'est pas seulement le problème
en termes de cohérence sur le plan juridique, sur le plan des
attitudes.
M. Chevrette: Les six mois...
Le Président (M. Marcoux): Sur le même point.
M. Chevrette: Oui. M. Latulippe a argumenté beaucoup sur
les six mois par rapport à un an. Je voudrais peut-être dire que
les six mois des décrets correspondaient, selon moi, aux six mois du
Code du travail, le délai de prescription. C'est un peu pour cela que
les six mois étaient correspondants, alors qu'ici ce sont des gens non
structurés, non syndiqués qui n'ont personne pour les
représenter. En termes d'approche et de philosophie, on ne peut pas
complètement comparer, je pense.
M. Latulippe: Je suis d'accord avec vous en ce sens, mais c'est
à titre d'exemple que je le notais. Un exemple peut-être un peu
plus patent et qui relève des choses qui, je vous avoue, nous poignent
aux tripes, des fois, dans les réclamations qu'on a, l'exemple de la
définition de "salarié ". Qu'est-ce que c'est un salarié,
en vertu de la Loi des décrets? Qu'est-ce que c'est un salarié,
en vertu de notre nouvelle loi? Nous, dans la Loi des décrets, avec
notre définition de "salarié", je vais vous dire, on est aux
prises constamment avec le phénomène suivant je ne les
nommerai pas parce qu'en fait dans certains cas, c'est sub judice on est
aux prises avec des compagnies pétrolières, qui ne sont pas
nécessairement des compagnies pétrolières, des compagnies
qui ont des libre-service entre autres, certaines compagnies qui ont des
libre-service et qui fonctionnent avec des gars qu'ils mettent là. Ils
sont censés être des entrepreneurs, ces pauvres gars, ce sont des
gérants, des gars à leur compte, ah! oui, à leur compte,
ils sont là, il faut qu'ils soient là 24 heures par jour
quasiment.
J'ai vu une bonne femme qui travaillait, qui était censée
avoir une gérance dans un de ces établissements et qui venait
pleurer à notre bureau constamment. De fait; elle était
gérante, elle était obligée de payer constamment les
"short" de caisse. On venait faire les inventaires dans son
établissement, elle payait les "short" constamment, elle n'avait pas un
mot à dire, elle finissait, quand on calculait cela au bout de la ligne,
par faire $2 l'heure. C'est de l'esclavage moderne, et on en a aujourd'hui
encore. Je pourrais vous en nommer, des compagnies qui font cela, et on est
poigné avec cela à cause de la définition de
"salarié". Cela on l'a.
M. Johnson: C'est le problème des artisans. L'autre
secteur de cela, ce sont certaines chaînes de dépanneurs qui, en
fait, emploient des gens, mais sauf que nos lois ont tendance, aujourd'hui...
Par exemple, dans le cas de la Commission des accidents du travail, on a
amendé les lois pour couvrir ces gens qui sont des espèces
d'entrepreneurs artisans, pas au sens de la construction on va essayer
de ne pas parler de cela aujourd'hui mais au sens général
de ce qu'on reconnaît d'un entrepreneur individuel. Ceux qui sont dans un
lien de préposition tel avec un employeur qu'à toutes fins utiles
ils sont l'équivalent, en réalité, d'un salarié,
c'est très clair qu'ils ont très peu de protection aujourd'hui.
On a tendance à le faire de plus en plus à travers
différentes lois, par exemple, et il y aura d'autres choses qui
viendront au cours de l'année là-dessus.
M. Latulippe: Vous le faites dans la Loi sur les normes du
travail. Misère, donnez-nous la même chose!
M. Johnson: Correct.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, j'avais quelques autres
questions mais, étant donné l'heure qui avance, je vais laisser
mon collègue de Bellechasse en poser quelques-unes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Vous voyez qu'avec le
député de Maskinongé on s'entend très bien.
M. Chevrette: Cela ne passera pas ce matin!
M. Goulet: Vous comprenez pourquoi j'ai dû prendre
connaissance très rapidement du mémoire. J'en reviens à la
page 13. Je pense que c'est l'essentiel même du mémoire; en tout
cas, quant à moi. Vous dites: "Dès lors, l'instauration de ce
mode de protection pour les salariés assujettis à ces normes
minimales place les décrets de l'automobile et de leurs parties
contractantes face aux alternatives suivantes". Il y a trois paragraphes
extrêmement importants que je ne lirai pas mais, personnellement, je
trouve que c'est l'essentiel de votre mémoire.
Au niveau du comité paritaire de l'automobile, au moment
où les patrons et les employés et tout ce monde se retrouvent
à une table ronde et s'entendent sur des normes minimales de travail, au
moment où il semble y avoir concertation, au moment où les
comités paritaires s'occupent, dans ce domaine, de qualification et de
perfectionnement, somme toute, au moment où cela fonctionne, vous
semblez souligner le fait pour ne pas dire affirmer qu'on met en
péril l'existence du comité paritaire comme tel. Croyez-vous
vraiment que les comités paritaires, par le biais de la loi 126, vont
disparaître? Quand pensez-vous que cela peut disparaître? Dans quel
délai?
A la lecture de ce mémoire, c'est ce que j'ai retenu. Si je fais
erreur, j'aimerais que vous me le disiez, mais c'est ce que j'ai retenu.
M. Latulippe: En fait, ce qu'on dit, c'est qu'effectivement,
à force de nous ignorer c'est une espèce de douce
ignorance qui se passe à force de nous écarter, de nous
"discarter", on se pose des questions. Dans combien de temps ce sera, est-ce
que ce sera dans six mois, dans un an ou dans deux ans? Je ne peux pas vous le
dire, cela va dépendre de la vitesse avec laquelle on va jouer aux
cartes. C'est tout simplement cela, c'est à une espèce de mort
lente à laquelle on nous voue. C'est une espèce de supplice de la
goutte d'eau. C'est un peu cela.
M. Goulet: A la suite des propos que vient de tenir monsieur et
à la suite de ma question, j'aimerais savoir ce que le ministre pense
vraiment de cela.
M. Johnson: Des décrets en général? De leur
maintien? Des comités paritaires et de leur maintien?
M. Goulet: Les comités paritaires, en tout cas au niveau
de l'automobile, d'après ces gens, on semble dire qu'avec la loi 126
cela va disparaître. On ne sait pas dans quel délai, on vient de
nous dire que cela va dépendre de la vitesse à laquelle vous
jouez aux cartes. Etes-vous d'accord avec cette affirmation?
M. Johnson: Non. M. Goulet: Pourquoi?
M. Johnson: Je n'ai jamais caché mon appréhension
devant le type de fonctionnement de certains comités paritaires. Il y en
a 53 au Québec et on n'a pas eu trop de difficulté, de
façon générale, avec ceux du secteur de l'automobile. Mais
si le secteur de l'automobile veut interpréter les hésitations du
gouvernement face au mode de gestion des conventions collectives que
constituent les comités paritaires à partir des tutelles qu'on a
faites dans le secteur du vêtement, à partir des enquêtes
qu'on a fait faire dans certains endroits ou à partir de l'abolition de
deux décrets, je pense que ce serait inexact. Je pense qu'il y a encore
de la place, au moment où on se parle, pour des comités
paritaires et des décrets, où ils sont capables de justifier
autre chose que l'application stricte du salaire minimum.
Là où il y a de la qualification, effectivement, je pense
que cela représente un intérêt. Ceci dit, dans le cadre des
discussions qu'il y aura sur l'accréditation multipatronale au cours des
mois qui viennent, il est bien évident qu'à un moment
donné, si on devait arriver à une forme d'accréditation
multipatronale, il faudra, en conséquence, modifier la Loi des
décrets de convention collective parce qu'il y aurait un recoupement
entre les deux. Dans le cas des conditions minimales, je pense que ces
recoupements, qui ont été soulignés, ne sont pas sans
solution sur le plan juridique, mais il n'est pas de l'intention du
gouvernement de se servir de la loi des conditions minimales pour abolir les
décrets.
M. Goulet: Je voudrais savoir du ministre quelles garanties ces
gens-là ont par le biais du projet de loi 126. Est-ce qu'on ne veut pas,
avec ce projet de loi, ou n'est-ce pas dangereux je pose la question
qu'à un moment donné les décrets ne servent qu'au
perfectionnement et à la qualification des membres? Vous ne pensez pas
que cela puisse aller jusque-là?
M. Johnson: Pas dans le cadre du projet de loi. Je pense qu'une
des qualités des comités paritaires dans le secteur de
l'automobile c'est effectivement qu'ils font de la qualification. Comme l'a
souligné monsieur tout à l'heure, ils font peut-être un
meilleur travail que ce qui se fait à travers l'appareil
étatique, au niveau de la formation. En ce sens-là, ils ont leur
justification et leur raison d'exister, sûrement. Maintenant, il y a
d'autres intérêts à l'existence des comités
paritaires, dans la mesure où c'est administré de façon
correcte, dans la mesure où l'inspection des décrets ne sert pas
je n'accuse personne ici devant moi dans un contexte, parfois,
où il y a un semblant ou en tout cas une apparence de collusion entre
certains membres du comité paritaire et les inspecteurs, pour sortir du
marché certains employeurs ou même, dans certains cas,
carrément une collusion entre certains représentants syndicaux et
certains représentants patronaux, pour les mêmes fins. On a
déjà vu cela et c'est pour cela qu'on a mis certains
comités en tutelle. Maintenant, ce n'est pas le cas du secteur
automobile.
M. Goulet: M. le Président, une autre question si vous me
le permettez. Dans le mémoire, le terme qu'on emploie c'est mode
alternatif de protection, double protection, double bureaucratie. Or, le
ministre a dit tout à l'heure qu'on pouvait éviter cela, qu'il y
avait des façons d'éviter cela autres que celles que les membres
de ce comité proposent. Mais le ministre s'est limité à
ces propos: II y a d'autres façons. Pourrait-il être plus
explicite là-dessus et peut-être nous donner des exemples?
M. Johnson: C'est-a-dire que, brièvement, je ne
prétends pas qu'on va réussir à mettre fin à toute
forme de dédoublement parce qu'il en existe, au moment où on se
parle, dans un tas de secteurs. Je dis juste qu'on peut réduire la marge
des dédoublements. Les solutions sont aux articles 92 et 146, il s'agit
de voir comment on va y toucher. On prépare cela.
M. Goulet: Ce n'est pas...
M. Johnson: On verra cela à l'étude article par
article lors de la troisième lecture. Pour le moment nous sommes en
commission parlementaire de première lecture.
M. Latulippe: Est-ce qu'on peut vous poser une question?
M. Johnson: Oui. Je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas de
questions indiscrètes, il n'y a que des réponses qui le sont.
M. Latulippe: Ma question n'est pas indiscrète. Si ce
n'est pas l'objet de la loi d'occasionner un "fade-out" si vous me
permettez l'expression des décrets, pourquoi ne pas donner
à la loi des décrets le même mordant qu'à la loi sur
les normes minimales?
M. Johnson: Mais parce qu'on pourrait peut-être être
appelé à toucher à la loi des décrets d'ici
quelques mois ou d'ici un an ou deux, et que la modifier à nouveau ne me
paraît pas utile. Je pense je peux vous le dire qu'on n'est
pas mûr en ce moment pour soulever tout le problème de
l'application des décrets. Ils sont là, il y en a qui vivotent,
il y en a qui se maintiennent, il y en a qui sont dynamiques, il y en a qui ont
été abolis. On en a aboli deux et il est possible qu'on en
abolisse un ou deux autres. Mais je ne vois pas l'utilité, pour le
moment, de rouvrir cette loi avec laquelle vivent les parties depuis 1930
environ. Elles vivent avec, et on la modifiera quand, substantiellement, on
touchera à tout le phénomène de l'accréditation
multipatronale.
M. Goulet: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Une dernière très courte question. Pour
les gens de l'automobile il semble que la seule solution réside dans les
amendements à la Loi des décrets de convention collective. Le
ministre vient de nous dire qu'il ne devrait pas y avoir d'amendements.
Naturellement, il y a quelque chose qui vous éloigne du ministre; chez
vous, cela va bien, apparemment, dans le décret de l'automobile, c'est
même à peu près là où cela va le mieux, et
vous dites que la solution serait d'avoir des amendements à la loi des
décrets. J'aimerais savoir quels amendements d'après vous parce
que le ministre dit: II n'y aura pas d'amendements.
M. Latulippe: II y a deux choses qu'on dit. Premièrement,
on dit qu'il devrait y avoir un amendement à l'article 92 de la loi sur
les normes afin que, s'il y a une norme qui est supérieure dans les
normes minimales, elle s'introduise automatiquement dans un décret. Je
ne fais que le répéter. Deuxièmement, on dit:
Parallèlement, donnez-nous, dans la loi des décrets, les
mêmes instruments de travail pour protéger nos salariés non
syndiqués dans ce secteur.
M. Johnson: Non syndicables. (11 heures)
M. Latulippe: Non syndicables, pardon. C'est cela. C'est un
lapsus. Cela veut dire que les amendes, entre autres, sont
désuètes et dépassées et je souligne que, de fait,
il y a déjà eu des représentations qui sont en cours et
qui ont été faites à ce sujet. Deuxièmement, on
parle des amendes, on parle de la prescription. Par exemple, si l'employeur
d'un salarié fait faillite dans le cas de la loi des décrets, il
y aurait des dispositions à amender là. En fait, tous les
instruments de protection qu'on retrouve dans la loi des normes, qu'on nous les
donne donc aussi au niveau des décrets. Peut-être que, dans une
première étape, ce qui est évidemment plus essentiel pour
empêcher ce fait-là, alors qu'on nous dit qu'on ne veut pas qu'il
se passe, ce serait simplement d'introduire automatiquement, comme cela existe
actuellement, une clause d'inclusion automatique des normes supérieures
qu'il peut y avoir.
Cela peut être bien ridicule. Je vais vous donner seulement un
exemple. Prenons les heures de travail d'un pompiste, par exemple: admettons
que, pendant une période d'un an ou pendant un certain intervalle, pour
le pompiste, c'est 44 heures. Mettons qu'on se serait retrouvé avec 45
heures pour le pompiste. Pour ce pompiste-là, ce sont les normes qui
s'appliqueraient, c'est-à-dire 44 heures. Oui, mais c'est ridicule. Pour
tout le secteur de l'industrie de l'automobile, le décret s'applique,
mais pour le pompiste, c'est 44 heures. Que fait-il, ce pompiste, pendant ce
temps? Il va voir qui? Comment cela se passe-t-il? Qui va venir inspecter chez
le garagiste pour faire respecter les 44 heures pour le pompiste? Il peut
s'agir de normes aussi ténues que cela. On ne parle pas de la
généralisation de normes qui sont inférieures. On parle de
choses absolument ténues, de normes mineures, en
général.
M. Goulet: M. le Président, je sais qu'il faut faire
très rapidement.
M. Lefebvre (Jean): Excusez-moi, j'aurais seulement une autre
petite remarque en tant que patron. Le patron qui est pris à suivre deux
juridictions, à qui s'adresse-t-il pour savoir laquelle il suivra, parce
qu'ici ce matin, cela a l'air qu'on n'est pas sûr? La loi va sortir. Les
gens arriveront là. L'inspecteur du comité paritaire arrivera et
dira: Moi, je fais respecter 45 heures. La Commission du salaire minimum
viendra et dira: Moi, je fais respecter 44 heures. Le patron, lui, dans cela,
aimerait bien savoir où il s'en va. Les veillées d'un petit
patron sont toutes prises d'avance. Il remplit des papiers pour les
gouvernements, non pas pour un gouvernement, mais pour les gouvernements. Sa
seule solution, c'est de marier une secrétaire.
M. Johnson: Nous sommes prêts à en supprimer un.
Nous sommes prêts à supprimer un niveau.
M. Giasson: Supprimer un gouvernement et doubler les
formulaires.
M. Lefebvre (Jean): La solution, c'est de marier une
secrétaire, mais, à un moment donné, elle est seulement
secrétaire et elle n'est plus femme. Il faut se trouver une
maîtresse. C'est compliqué, la vie, parfois.
Le Président (M. Marcoux): Nous avons une autre petite
question à vous poser.
M. Goulet: Une très courte, M. le Président. Je
sais que le temps est très précieux. Le ministre semble dire que
les gens sont satisfaits de la loi. Vous dites que vous n'en n'êtes pas
satisfaits. Vous demandez des amendements. Est-ce la première fois que
vous demandez cela? Avez-vous déjà fait des demandes? Comment
cela a-t-il été reçu au ministère? Est-ce nouveau
ce matin pour vous?
M. Lefebvre (Jean): La loi des décrets?
M. Goulet: Oui, la loi des décrets. Vous demandez des
amendements, mais le ministre dit: L'ensemble des gens semblent satisfaits de
cette loi. Est-ce la première fois que vous en parlez au ministre dans
votre mémoire?
M. Lefebvre (Jean): Certainement, à maintes reprises. On
ne parle pas d'il y a deux ans. Cela fait beaucoup d'années qu'il y a eu
des demandes vis-à-vis de la loi des décrets. Ce n'est
certainement pas nouveau. La loi des décrets on l'a dit
c'est 1934, refondue en 1946, quelque chose comme cela. Le vice des
décrets, c'est que le gouvernement n'a jamais et je dis le
gouvernement en général; je ne parle pas du gouvernement actuel
voulu s'occuper de cela. On a toujours blâmé les parties,
mais on n'a jamais aidé les parties à devenir meilleures. Au
ministère du
Travail non pas actuellement; quand je dis cela, cela fait dix
ans que je le constate pour ma part on n'a jamais eu l'appui qu'on
devait avoir. Quand tu arrives dans des décrets, on te fait appliquer
une loi et tu arrives là et tout ce que tu sais et ce que tu apprends,
c'est à force de bûcher, et tout est du bénévolat de
la part des patrons. Moi, j'ai un petit commerce et je suis à
Québec depuis deux jours. Tout est laissé là. Après
cela, pour siéger au comité paritaire, je fais 60 milles et cela
me donne $5. Si vous parlez du salaire minimum, nous, les parties, je te dis
qu'on est loin de cela en "mautadit". Après cela on vient nous dire:
Ceux qui s'occupent de leur affaire et qui veulent que cela fonctionne avec le
syndicat, on vous laisse de côté et on ne vous aide pas, et vous
n'êtes pas bons en plus.
A un moment donné, il faudrait regarder tout cela et dire: Si on
garde les comités paritaires, on va s'en occuper. Mais si on ne les
garde pas et si on les noie dans le "crique", qu'on les noie tout de suite et
dites-le nous. Cela fait dix ans qu'on donne de notre temps pour cela. Mais on
croit en la formule parce qu'on a des avantages à retirer et je les ai
mentionnés tout à l'heure: la qualification. Un petit employeur
doit avoir une référence pour embaucher quelqu'un. Ma
référence, c'est la qualification, ma référence
pour le taux de salaire. On parle toujours du côté syndical, mais
il y a aussi le côté patronal. Doit-on tirer une ligne et
être égal pour faire de la concurrence? Si vous laissez des gens
syndiqués et des non-syndiqués, nous autres, les
non-syndiqués tant mieux pour nous. Pendant un petit bout de temps, on
demande moins cher; cela fait notre affaire. Ce qui arrive, c'est qu'on n'a
plus de main-d'oeuvre parce que la main-d'oeuvre, si on ne la paie pas, c'est
de la pas bonne. Quand tu as de la main-d'oeuvre pas bonne, tu fermes tes
portes. Dans l'automobile, c'est la seule place où on peut être
assuré de cela. Le seul endroit, c'est quand les comités
paritaires fonctionnent. A partir de là, on a qualifié
dernièrement, dans certaines régions, il y a deux ou trois ans.
Chez nous, dans notre comité, on a fait de la qualification de
main-d'oeuvre. Des gars qui s'appelaient mécaniciens. On s'est fait
dire, par des associations qui essaient de détruire les comités
paritaires, vous êtes au courant de cela, à Joliette, pendant une
audition, par un gars qui se promène dans la province et qui veut
détruire les comités paritaires, il a dit qu'un
mécanicien, c'est un gars qu'on prenait le matin, qu'on passait dans un
baril de graisse et qu'on ressortait mécanicien. Les comités
paritaires vont à l'autre bout et disent: C'est quelqu'un qu'on
éduque et qu'on aide à former. C'est cela un comité
paritaire.
M. Goulet: Comme le ministre l'a dit, vous allez encore attendre
deux ou trois ans. Il ne semble pas disposé à...
M. Lefebvre (Jean): On est patient; cela fait dix ans.
M. Chevrette: Si j'ai bien compris, il s'agit... du ministre.
M. Lefebvre (Jean): C'est celui-là.
M. Chevrette: II me semble avoir lu cela quelque part.
M. Lefebvre (Jean): C'est assez décourageant pour les gars
qui essaient de faire quelque chose qui a de l'allure.
M. Goulet: Merci, monsieur.
M. Johnson: Je peux vous dire une chose, c'est que si vous tenez
absolument à avoir une photo, cela me fera plaisir. Venez à mon
bureau, venez nous faire tirer le portrait.
M. Lefebvre (Jean): Non, je ne veux pas me faire tirer du
tout.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie beaucoup, au nom de
tous les membres de la commission, le Conseil provincial des comités
paritaires de l'industrie de l'automobile. J'inviterais maintenant l'Union des
producteurs agricoles à venir nous présenter son
mémoire.
M. Couture, si vous voulez nous présenter vos collègues et
nous présenter votre mémoire. Vous connaissez nos règles
habituelles.
Union des producteurs agricoles
M. Couture (Paul): M. le Président, nous vous remercions
d'abord de recevoir l'Union des producteurs agricoles. Ceux qui m'accompagnent
sont M. Léo Vigneault, qui est secrétaire général
adjoint à l'UPA, M. Jules Saint-Pierre, qui est trésorier et
responsable du service de la main-d'oeuvre agricole, M. Robert Dagenais, qui
est également du service de la main-d'oeuvre, et Me Pierrette
Brosseau.
Nous avons présenté un court mémoire. Je pense que
l'essentiel du mémoire, c'est qu'on n'est pas contre des normes du
travail en agriculture, mais on voudrait des normes qui s'adaptent à
notre particularité vu qu'on est une industrie à ciel ouvert et
qui a des particularités spéciales.
Si vous me le permettez, je demanderais à M. Léo Vigneault
de lire le mémoire de cinq pages. Ce sera très court. C'est
peut-être la meilleure manière de le faire.
M. Vigneault (Léo): M. le Président, l'Union des
producteurs agricoles est le porte-parole de l'ensemble des producteurs
agricoles du Québec. Nos membres sont concernés par le projet de
loi 126, Loi sur les normes du travail.
L'UPA demande à la commission parlementaire, dans le
présent mémoire, de porter une attention particulière
à différents aspects de ce projet de loi qui s'appliquent
à bon nombre d'exploitations agricoles.
Ce mémoire développe les appréhensions de l'UPA
face à ce projet de loi. Même si la loi reconnaît le
caractère bien particulier des entreprises agricoles en excluant
certaines exploita- tions agricoles de l'application de cette loi, nous croyons
qu'on ne tient pas suffisamment compte des conditions générales
qui prévalent dans l'agriculture.
Nous voulons vous indiquer les conditions particulières d'emploi
qui existent en agriculture au Québec et dans les autres provinces et
les particularités physiques et économiques d'exploitation des
fermes face aux normes de travail qui seraient établies par cette
loi.
Plusieurs dispositions du projet de loi no 126 sur les normes de travail
concernent les travailleurs agricoles et conséquemment les exploitants
agricoles. L'UPA présente, dans les pages qui suivent, son point de vue
sur les dispositions qui doivent, selon elle, être l'objet de certaines
modifications.
A l'article 3, alinéa a), on indique que ce projet de loi ne
s'applique pas au et je cite au salarié employé
à l'exploitation d'une ferme mise en valeur par une personne physique
dont c'est l'activité principale, avec le conjoint, ses ascendants et
ses descendants. Nous demandons que la loi ne s'applique pas, également,
aux salariés employés d'une ferme mise en valeur par une
société, une compagnie, un syndicat, une coopérative dont
la majorité des membres ou actionnaires ont comme principale occupation
l'exploitation de cette ferme et en sont les gestionnaires.
Nous croyons que les fermes familiales exploitées en
copropriété père-fils-frères ou autres groupes de
propriétaires doivent être dans une situation semblable à
la ferme mise en valeur par une personne physique, vis-à-vis de
l'application de cette loi.
Le projet de loi, à l'article 3, alinéa a), parle de la
personne physique dont c'est l'activité principale. Nous demandons que
cet article prévoie qu'une période de cinq ans soit
accordée à tout nouvel exploitant agricole pour répondre
à cette exigence de l'activité principale. Ceci voudrait dire que
la loi ne s'appliquerait pas au salarié employé d'un nouvel
exploitant agricole dont l'activité principale n'est pas l'exploitation
de sa ferme, pour une période de cinq ans, comme le prévoient
déjà certaines lois.
Les travailleurs agricoles dont le travail est relié à la
production agricole dans les fermes et qui seront couverts par la loi doivent
être exemptés de certaines dispositions de cette loi: les heures
supplémentaires, le salaire minimum, le prélevé, le
congé hebdomadaire. Ces conditions générales dans
lesquelles évoluent les exploitations agricoles nous obligent à
demander certaines exemptions de l'application des dispositions de la loi.
Le rendement du capital en agriculture est généralement de
beaucoup inférieur à celui d'autres secteurs de
l'économie. Les conditions de production, climatiques et autres,
conditions imposées très souvent par la nature à
l'exploitation agricole, commandent un rythme de travail et des conditions de
travail particulières.
Par ailleurs, les exceptions consenties aux exploitations agricoles des
autres provinces con-
cernant la législation du travail nous demandent d'être
particulièrement prudents au Québec si nous voulons être
capables de répondre à la concurrence. Nous joignons au
présent mémoire, en annexe A, un tableau résumant la
législation provinciale du travail, telle qu'elle existait en 1977,
s'appliquant aux travailleurs agricoles des différentes provinces.
Nous croyons que les dispositions du présent projet de loi
concernant les heures supplémentaires et le congé hebdomadaire ne
doivent pas s'appliquer aux employés agricoles auxquels la loi
s'applique par ailleurs. Dans les productions animales, ainsi que dans les
productions végétales, des situations nombreuses se
présenteront, indépendantes de la volonté de l'exploitant
agricole, qui obligeront ce dernier et ses salariés à passer
outre aux heures normales de travail et même, à certains moments,
au congé hebdomadaire.
Un début de printemps pluvieux oblige les producteurs agricoles
et les travailleurs de rattraper le temps perdu et de dépasser de
beaucoup le nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la
loi. Les mêmes conditions imposées par la nature obligeront
l'exploitant et les travailleurs à reporter à la fin des travaux
urgents le repos hebdomadaire.
Le salaire minimum horaire ne s'est pas appliqué jusqu'ici
à l'agriculture. Nous croyons que l'ensemble des exploitations agricoles
ne devrait pas, dans un avenir prévisible, y être soumis. Les
exploitants agricoles, dans la majorité des productions, ne peuvent
obtenir leur coût de production. La concurrence des exploitations
agricoles des autres provinces qui ne sont pas soumises à la Loi du
salaire minimum horaire pourrait être très désavantageuse
économiquement pour les exploitations québécoises soumises
à la loi. Généralement, dans les exploitations agricoles,
le salaire payé au personnel permanent est un salaire hebdomadaire.
Les exploitations agricoles soumises à la loi ne devraient pas
être tenues de payer le prélevé que la commission pourrait
imposer en vertu de l'article 29, alinéa h), du projet de loi. Les
raisons de notre demande sont dans l'ensemble les mêmes que celles
invoquées au point précédent touchant le salaire minimum
horaire. (11 h 15)
De plus, nous demandons que la Loi sur les normes du travail
prévoie que toute réglementation qui en découlera et qui
devra s'appliquer aux travailleurs agricoles fasse l'objet, avant son adoption,
d'une consultation auprès de l'Union des producteurs agricoles. Les
exploitations agricoles étant dans l'ensemble de petites entreprises,
tout règlement les concernant devra être élaboré
avec prudence. Nous remercions votre commission d'avoir accepté
d'entendre notre point de vue, le point de vue de l'Union des producteurs
agricoles. L'Union est disponible pour fournir les explications qui seraient
nécessaires.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Johnson:
Merci de la clarté, de la brièveté de votre
mémoire. J'ai quelques questions. La première touche la
copropriété. Est-ce que c'est quelque chose d'assez
répandu la copropriété père-fils?
M. Couture (Paul): De plus en plus répandu. Dans beaucoup
d'exploitations, aujourd'hui, les agriculteurs adoptent la formule de
société ou la structure de compagnie. Cela peut être
difficile de le dénombrer, mais il y a des milliers de cas où
c'est constitué en compagnie. Ce que nous pensons, c'est que la
même règle devrait s'appliquer pour autant qu'ils répondent
aux mêmes exigences, que ce soit des travailleurs impliqués sur la
ferme et qui l'exploitent, ou que ce soit un propriétaire
individuel.
M. Johnson: D'accord. En d'autres termes, ce que vous demandez en
ce qui a trait à cela, c'est que, dans la mesure où on fait une
exemption pour l'exploitant et sa famille, on devrait faire une exemption pour
les exploitants et leurs familles s'ils sont en copropriété.
M. Couture: Qui exploitent la ferme, on met cette réserve.
Pour autant qu'ils exploitent la ferme.
M. Johnson: Qui exploitent la ferme, c'est évident. Ce
n'est pas cela que je comprends quand vous me parlez de la période de
cinq ans. Qui visez-vous exactement à 1.2?
M. Couture: Oui, c'est qu'il y a une formule pour permettre
à un producteur qui s'établit en agriculture... Souvent, pour les
premières années, pour compenser pour les revenus qu'il n'a pas
sur la ferme, il va à l'extérieur. Par exemple, un type peut
travailler à l'extérieur à faire de la culture
maraîchère pendant la période d'été, mais
cela peut être plus important, peut-être, le revenu qu'il va
chercher temporairement à l'extérieur que ce qu'il va chercher
sur la ferme. C'est pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'établir.
Vous avez la même réserve au niveau de la politique
d'établissement. La Loi du crédit agricole permet à un
aspirant agriculteur d'acheter une ferme, de bénéficier de la Loi
du crédit agricole, mais il a cinq ans pour devenir un producteur
à plein temps. Je pense que c'est la même mentalité, la
même philosophie qu'on a. C'est pour permettre l'établissement,
favoriser l'établissement.
M. Johnson: M. Couture, je veux bien être sensible à
cette dimension, mais je me rends compte qu'en même temps, probablement,
vous étiez capable de couvrir des professeurs d'université et des
"gentlemen farmers" avec cette disposition.
M. Couture: La condition c'est qu'il a cinq ans pour devenir un
producteur à plein temps. C'est la même exigence dans le
crédit agricole, dans la Loi du crédit agricole.
M. Johnson: L'urbain qui décide de s'acheter une ferme
quelque part dans les Cantons de l'Est,
de s'établir dessus pendant cinq ans, il peut embaucher du
personnel sans le payer au salaire minimum et si, au bout de cinq ans, il n'est
pas devenu producteur agricole, s'il continue d'être un "gentleman
farmer", alors là il le paierait au salaire minimum.
M. Couture: Ce n'est pas ce cas qu'on veut protéger nous
autres. C'est celui qui veut s'établir.
M. Johnson: Cela m'étonnerait un peu d'ailleurs.
M. Couture: On a toujours des cas comme cela qui viennent
s'introduire, mais on dit que l'idée c'est de permettre d'aider le
producteur qui veut s'établir. Je pense bien que c'est la philosophie.
On ne veut pas faire de la discrimination et dire: On ne veut pas...
M. Johnson: C'est cela. Ce que vous me dites, c'est que de la
même façon que la Loi du crédit agricole prévoit des
dispositions analogues pour les fins d'établissement, cela vise
finalement ce monde-là. Il y en a quand même passablement?
M. Couture: Oui, il y en a. C'est parce que les capitaux
nécessaires pour l'établissement en agriculture sont
considérables. Donc, il y a une période de rodage,
l'établissement n'est jamais spontané. Il est rarement
spontané. Il faut, souvent, dans bien des cas qu'il y ait une
progression. Donc, cela permet d'aller chercher d'autres revenus à
l'extérieur. On ne dit pas à un bonhomme: Tu veux être
agriculteur, demain matin tu l'es. Cela leur donne la possibilité de
s'établir, c'est pour répondre à des pressions qu'on a
eues.
M. Johnson: II ne pourra plus travailler dans la construction,
par exemple, M. Couture. Cela a déjà été une source
de revenu d'appoint, mais cela ne l'est plus maintenant.
M. Couture (Paul): Oui, mais notre mentalité, c'est de
permettre l'établissement en agriculture.
M. Johnson: D'accord. Ceci dit, je tiens pour acquis que ce que
vous décrivez sur les subventions, c'est finalement une aide à
l'établissement, de la même façon que le crédit
agricole y pourvoit. Il demeure quand même que cela soulève une
question de principe importante. Est-ce parce qu'on va s'établir comme
producteur agricole éventuellement qu'on peut utiliser de la
main-d'oeuvre sans la payer au salaire minimum? Il y a déjà des
exclusions qui sont prévues dans notre loi pour les membres de sa
famille, si c'est inférieur à trois exploitants, etc.
M. Couture (Paul): Ce qu'on demande là-dedans, je pense,
c'est qu'ils soient soumis aux mêmes normes que les autres agriculteurs
pour une période de cinq ans. Pour des cas, cela peut être vrai,
mais notre gros problème, ce ne sont pas tellement les normes du salaire
minimum, parce que, règle générale, on les respecte, ces
normes; ce sont les conditions spéciales à cause du climat. Il y
a des compensations qui s'établissent. Admettons que j'ai un
employé. Il peut y avoir des périodes tranquilles où on
peut se permettre une certaine latitude, mais, à un moment donné,
vu qu'on est une entreprise à ciel ouvert, s'il pleut quinze jours de
temps et que cela s'adonne qu'une fin de semaine il fait beau, si tu as du foin
dehors ou des récoltes à faire, il faut que tu les fasses cette
journée. Tu donnes un coup parce qu'il faut que tu profites de la
température et on ne le fait pas exprès. Mais, dans des
années spéciales, si on est pris avec ces normes, cela
gèle notre activité. Il y a des périodes de pointe qui ne
sont pas tellement longues normalement, mais, vu qu'on est à la merci de
la température, on n'a pas une grosse influence là-dessus. Donc,
on essaie, à ces moments, de s'en servir toutes les journées
où il est nécessaire de le faire, mais il y a des périodes
de compensation, parce que, dans des périodes où ce n'est pas
possible, tu peux donner plus de latitude à ton employé.
M. Johnson: Je voudrais juste vous rassurer, M. Couture.
Malgré ce que dit parfois l'Opposition, ce gouvernement ne s'imagine pas
qu'il est capable par une loi de changer le climat, je vous l'assure. Le climat
social, oui, mais la température, non.
M. Couture (Paul): C'est parce que le climat, on le
connaît; c'est pour cela qu'on essaie...
M. Johnson: De toute façon, c'est de juridiction
fédérale.
M. Couture (Paul): Nous, ce sont surtout des ajustements avec la
réalité de la ferme.
M. Johnson: D'accord. Juste quelques précisions quand
même sur ce qui est en ce moment prévu. Mais j'attends avec
beaucoup d'intérêt les commentaires que feront mes
collègues qui connaissent mieux le milieu rural, le député
de Joliette-Montcalm, entre autres, évidemment le critique officiel de
l'Opposition officielle, ainsi que le député de Bellechasse et
également probablement le député de Beauce-Nord.
M. Chevrette: Ah oui!
M. Johnson: Oui, il connaît cela un peu, oui. Il y a quand
même des dispositions dans le projet de loi qu'on se comprenne
bien où on essayait de circonscrire un peu ces choses, tout en
essayant quand même de sauvegarder un minimum de principes. Je pense que
ce n'est pas parce qu'on est dans le domaine agricole, même si on veut
tenir compte de la réalité, y compris de celle du climat, qu'on
doit mettre les travailleurs qui oeuvrent dans le milieu rural dans des
conditions inférieures aux autres.
Malgré tout, l'article 86 prévoit une possibilité
d'exemption des surnuméraires pendant les récol-
tes. La durée de travail; à l'article 53c, on
prévoit qu'il n'y a pas de semaine normale pour les surnuméraires
pendant la période des récoltes. Le congé annuel, à
l'article 76e, prévoit la même exemption pour les
surnuméraires. Le repos hebdomadaire et le prélèvement y
sont évidemment soumis et c'est là que je vois le genre de
problème que vous soulevez au sujet des récoltes. C'est tout ce
que j'avais pour le moment. On prendra bonne note de vos commentaires.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Comme d'habitude,
l'UPA nous présente un mémoire fort pratique et adapté
à une situation qui est fort bien connue des représentants du
monde agricole. En général, j'aimerais savoir, sur les fermes au
Québec, que ce soit une ferme possédée par une personne
physique ou par une corporation, une société ou une
coopérative, est-il fréquent de retrouver plus de trois
employés salariés?
M. Couture (Paul): II faut s'expliquer. Oui, pour des
périodes temporaires. Si tu parles de trois employés à
l'année, c'est plutôt rare, mais pour des périodes
spéciales dans certaines cultures, comme les maraîchers, les
pommes, les pommes de terre, pour des récoltes un peu plus
spéciales, il y a des fermes qui ont plus de trois employés. Il y
a aussi d'autres périodes. Dans le projet, on prévoit les
récoltes, mais il y a la période des semences aussi qui n'est pas
prévue dans le projet. M. Johnson parlait tout à l'heure de la
période des récoltes, mais il y a aussi la période des
semences qui est l'équivalent, qui est à l'autre bout de la
chaîne.
M. Giasson: Cette modification du mode de propriété
des fermes au Québec, c'est-à-dire la copropriété,
quelle que soit la structure corporative, avez-vous l'impression que cela va
continuer à se développer à un rythme aussi rapide que
celui auquel on assiste depuis trois ou quatre ans?
M. Couture (Paul): Je pense que cela va se développer plus
rapidement. Je pense que le rythme a été quand même assez
lent. Il y a un changement de mentalité. Je vis présentement
cette expérience, j'ai une compagnie avec mes enfants. Si j'ai pu la
faire, ma compagnie avec les enfants, c'est parce que j'ai travaillé
avec une société bona fide pendant peut-être 10 ans ou 15
ans. Il y a une mentalité à préparer, ce n'est pas tout
à fait la même conception de la ferme, il y a des choses
différentes. Chacun a un peu plus ses responsabilités, il y a une
adaptation, un ajustement.
Je ne dis pas que c'est la solution à tous les maux, mais je
pense que de plus en plus, avec la capitalisation que cela prend, ce n'est pas
tout le monde qui peut fournir un capital de $300 000, $400 000 ou $500 000
aujourd'hui dans les fermes. Ce n'est pas tout le monde qui peut
s'établir avec ces exigences. Je pense qu'il y a une adaptation et cela
va se faire de plus en plus.
M. Giasson: A votre connaissance, M. Couture, est-ce que les
salaires payés aux employés de ferme, en 1978, supportent assez
bien les minimums qu'on exige comme base salariale au Québec?
M. Couture (Paul): Règle générale, oui. On a
regardé un peu ce qu'on pouvait palper autour de nous et cela peut
varier entre $160 et $180 par semaine, en tenant compte souvent de la pension
ou de la location d'une maison à la disponibilité des
employés, en tenant compte de cela, règle générale,
surtout dans le cas de salariés à plein temps. Contrairement
à ce qu'on pense, un employé agricole, ce n'est pas n'importe
qui; c'est un gars qui est capable de prendre des responsabilités, qui
est capable de voir s'il y a un problème avec une machine avant qu'elle
soit finie. Cela prend un gars qui est capable de s'apercevoir que les animaux
sont malades avant qu'ils meurent. Il y a une question de jugement
là-dedans et c'est important. On a dit longtemps: Celui-là, il
n'est pas "smatte", il va faire un cultivateur. Ce n'est pas vrai, ça
prend des "smattes" et des gars aussi "smattes" que n'importe où
ailleurs.
A partir de là, pour avoir une main-d'oeuvre intéressante
à employer, il faut la payer. Personne ne travaille pour rien. On est
intéressé et, règle générale, c'est payant
pour nous. Il y a des conditions spéciales, cependant, à un
moment donné, comme les récoltes, pendant lesquelles on va
employer des jeunes, des enfants, des écoliers. Il pourrait y avoir des
ajustements selon la situation. Des exigences de salaire minimum trop fortes
pourraient créer des problèmes. On pourrait tenir compte de ce
qui se passe surtout en Ontario parce qu'on est proche de l'Ontario. Il y a de
la concurrence, à un moment donné, au niveau de ces productions.
Ce sont des cas assez particuliers. (11 h 30)
M. Saint-Pierre: Dans les centres de main-d'oeuvre agricole que
notre corporation a mis sur pied avec l'aide du ministère, qu'on
administre, au 31 mars de cette année, on prévoit que la moyenne
je ne parle pas des plus hauts ou des plus bas sera d'environ
$170 par semaine, la moyenne du salaire qui est versé en argent ou sous
forme de pension, de logement. Maintenant, il y a des cas, dans certaines
spécialités, où on va beaucoup plus haut que cela parce
qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre qualifiée en agriculture. Dans
des endroits, il y a des employeurs qui paient effectivement des salaires
beaucoup plus élevés que cela présentement. Cela
dépend des catégories.
M. Giasson: J'ai également des réserves sur une de
vos recommandations, soit celle de l'avantage de la non-application de la loi
pour une période de cinq ans à l'endroit d'une personne qui
désire s'établir en agriculture, qui se porte acqué-
reur d'une terre. Je comprends que vous avez à l'esprit le cas du
jeune cultivateur qui veut continuer de travailler à l'extérieur;
mais ne voyez-vous pas le danger d'une porte ouverte, assez grande, à
l'endroit de gens qui, au fond, ne sont pas véritablement
intéressés à devenir des producteurs agricoles au sens
où on l'entend?
M. Couture (Paul): Nous sommes un peu conscients de cela et on
essaie d'obtenir des lois qui protègent ces gens-là. Mais
l'important est d'aller au moindre mal et de ne pas léser les jeunes
producteurs qui veulent s'établir en agriculture et créer une
situation où ils sont dans l'impossibilité de s'établir.
La préoccupation est l'établissement des jeunes. On peut avoir
des normes, mais comment les appliquer? Notre objectif est de protéger
les jeunes qui veulent s'établir en agriculture, mais qui ne peuvent pas
le faire, pour des raisons financières, rapidement. Ils le font en se
développant pendant...
M. Giasson: Mais vous admettez que ce n'est pas facile
d'établir des modalités, des critères qui pourraient
permettre de juger du droit de non-application pour une période de cinq
ans des dispositions de la loi par rapport à d'autres cas qui...
M. Couture (Paul): Ce n'est pas si facile d'appliquer le
crédit agricole pour eux, dans la main-d'oeuvre. Le crédit
agricole rembourse l'intérêt rétroactivement s'il y a eu
des... Mais dans ces cas-là...
M. Giasson: Dans le cas présent...
M. Couture (Paul): ... je pense que le problème de
rétablissement pour un jeune est important et on ne peut pas le
négliger. Il faudrait regarder quelles sont les autres
possibilités de ne pas ouvrir assez grand pour que tout le monde en
abuse, mais je pense qu'il faut garder le souci de favoriser le plus possible
l'établissement des jeunes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, très brièvement,
j'avoue franchement que, lorsque j'ai vu M. Couture, j'ai regardé le
projet de loi comme il faut pour voir si, entre le 1 et le 6, c'était un
1 ou un 2, je me suis aperçu qu'il y avait une différence de 1,
mais entre les deux principes du projet de loi il y avait quand même un
océan. Je dirai que je suis d'accord avec l'ensemble des recommandations
faites par les représentants de l'UPA. Il y a juste une information que
je voulais demander. Ne pensez-vous pas qu'à un moment donné,
avec ce qu'on propose à un endroit, qu'on peut avoir, au niveau de
l'agriculture, deux sortes de salariés? Pour un travail égal,
dans des conditions égales, vous ne pensez pas qu'on devrait avoir un
salaire égal? Je vous demande pourquoi vous proposez qu'un individu qui
fait exactement le même travail pour une société ou une
compagnie, un syndicat, ou une coopérative n'aurait pas les mêmes
conditions de travail que s'il travaillait pour M. le député de
Beauce-Nord, qui pourrait être propriétaire d'une ferme, mais dont
le revenu principal ne serait pas le revenu de la ferme. Quelle et la
différence c'est la question que je pose quel que soit le
patron, pour autant que le travail est égal dans des conditions
égales? Vous voulez protéger le travailleur agricole, mais
celui-ci va être porté à aller travailler d'abord là
où il aura de meilleures conditions de travail et cela au
détriment de celui qu'on veut protéger. Si je suis travailleur
agricole et que je peux avoir de meilleures conditions de travail parce que je
suis protégé par une loi, parce que monsieur a une ferme mais que
son revenu principal ne provient pas de l'agriculture, contrairement à
son voisin; Si, chez lui, je suis protégé par une loi et chez le
voisin, je ne le suis pas, ne pensez-vous pas que d'abord le travailleur
agricole va essayer d'aller travailler pour ceux qui exploitent des fermes et
qui ne sont pas reconnus comme agriculteurs; parce que l'agriculture n'est pas
leur revenu principal? Je pense que cela pourrait en tout cas dans
certains cas aller au détriment de l'agriculteur lui-même
qu'on veut protéger, celui dont c'est le gagne-pain. Ne voyez-vous pas
là un danger?
M. Couture (Paul): Nous, notre objectif comme Union des
producteurs agricoles, c'est de défendre le plus possible la ferme
familiale. C'est là notre objectif. C'est la structure de ferme qu'on
défend, où les gens sont impliqués dans le travail, la
gestion et le financement. Donc, c'est la forme de ferme qu'on défend.
Au sujet du danger qu'on souligne, je ne le vois pas si grand que cela parce
que le nombre est quand même limité. Tu as un marché qui
est saturé; pour autant que tu peux offrir des conditions qui sont assez
normales... c'est comme les gars qui voudraient tous être juges, mais il
y a une certaine saturation. Quand tu ne l'es pas, il faut que tu acceptes
d'être seulement avocat ou autre chose. Je pense que c'est pareil. Les
gars vont aller là, mais pour ce qui est de savoir quand ce
marché sera saturé, moi, cela ne m'inquiète pas.
M. Goulet: Une petite question. Ne croyez-vous pas qu'un
travailleur agricole, quel que soit l'endroit où il travaille, pour le
même travail dans les mêmes conditions, devrait être
protégé de la même façon? C'est tout un principe
qu'on met en cause.
M. Couture (Paul): Oui, mais je serai d'accord avec vous pour
autant que... Nous, on met comme condition qu'un agriculteur a droit aux
mêmes revenus qu'une autre classe de la société. C'est
normal, c'est logique et cela se défend. Mais comme on ne l'obtient pas,
cette affaire-là, on dit: II faut que nous ayons un pendant à
cela et des conditions qui s'ajustent un peu à cette
économie-
là qu'on vit. C'est cela. L'idéal serait que nous
touchions nos coûts de production et des revenus normaux. Là, on
ne demanderait aucune faveur. On dirait: On va être soumis aux
mêmes conditions que les autres. Qu'on me réponde à cette
question et on ne demandera rien ici. On va dire: On va se soumettre à
toutes les conditions et à toutes les normes. Mais comme on n'a pas
atteint cela encore, on dit: En attendant, pour passer à travers et pour
être concurrentiels avec les autres, cela nous prend un peu de choses,
des accommodations et on dit: On n'est pas contre les normes. On veut et on est
prêt à discuter des normes, mais des normes qui s'appliquent
à nos entreprises, qui tiennent compte de certaines
réalités.
M. Goulet: Une dernière question, M. le Président.
Vous avez dit quelque chose tout à l'heure, à la suite d'une
question du ministre, à savoir que la plupart de vos aides sur la ferme
sont payés au salaire minimum. Vous avez dit que c'est dans un grand
pourcentage, mais par contre, dans votre mémoire, à l'article
2.4, vous dites: Le salaire minimum horaire ne s'applique pas jusqu'ici
à l'agriculteur et nous proposons qu'il ne s'applique pas non plus
éventuellement. Pourquoi, à un moment donné, sentez-vous
le besoin de mettre cela si, dans la grande majorité des cas, le salaire
minimum horaire, vous le donnez?
M. Couture (Paul): C'est parce que lorsqu'on parle du salaire
minimum, on parle de salaire horaire, mais à cause de notre
particularité, on travaille beaucoup avec un salaire hebdomadaire ou un
salaire mensuel.
M. Goulet: Je voudrais savoir si c'est parce que c'est difficile
à un moment donné de comptabiliser les repas, l'aide au fermier,
la chambre que vous lui donnez, et ainsi de suite. C'est pour cela que vous ne
voulez pas être...
M. Couture (Paul): II y a surtout la question, je pense bien,
entre le salaire horaire et le salaire hebdomadaire, la possibilité...
Parce que d'habitude, on travaille beaucoup avec des employés à
salaire hebdomadaire qui pourraient, au cours d'une semaine, faire
peut-être plus que les heures normes, mais une autre semaine, on pourra
leur donner une journée de congé. Et là, le gars peut
faire des commissions ou bien, il va chez le médecin avec sa femme. Il y
a cette souplesse dans nos entreprises qui est, je pense, un
équivalent.
M. Goulet: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. Couture, je vous suis sur un bout, en
particulier pour le temps de récolte et de semence. Si je prends
même les producteurs de tabac de mon comté, c'est à peu
près le problème majeur. Le tabac, il faut que tu le casses quand
il est mûr. Si tu ne le casses pas, tu risques d'avoir de maudits
problèmes en termes de revenus. Je suis d'accord avec vous
là-dessus. La gelée et tout le "kit".
M. Goulet: Comme le référendum.
M. Chevrette: Non, ce n'est pas tout à fait la
même... Vous avez sans cesse...
M. Johnson: C'est prévu, ne vous en faites pas.
M. Chevrette: ... des obsessions, mon cher ami. J'ai dit "sans
cesse".
M. Ouellette: Pas 116.
M. Goulet: Pas 116. J'avais compris.
M. Johnson: II ne faudrait pas être dissident.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm, continuez donc.
M. Ouellette: Rappelez les dissidents à l'ordre.
M. Chevrette: Rappelez les dissidents à l'ordre, les
intégrateurs.
Voici, M. Couture: j'ai un problème, par exemple, avec le
deuxième paragraphe de 1.1. Vous parlez de sociétés,
compagnies, syndicats et coopératives. Vous dites que la loi ne devrait
pas s'appliquer. Je vous donne l'exemple d'un gros producteur de porc qui forme
une compagnie avec sa femme et un de ses frères. Donc, la principale
occupation, c'est l'exploitation, sauf qu'ils en multiplient un peu partout.
Dans un comté, ils deviennent les rois du porc. Vous ne voudriez pas que
la loi s'applique à ces gens-là. Effectivement, ils engagent plus
de trois employés. Là-dessus, je ne suis vraiment pas capable de
vous suivre parce que ce sont des gens qui, à cause de leur volume
d'affaires ont des revenus, entre vous et moi, mauditement plus
élevés que le type qui a une entreprise familiale. Je vous suis
pour le type qui a une entreprise familiale, mais je ne vous suis vraiment pas
pour les producteurs que je connais, dans mon coin, qui polluent à la
tonne et qui se sacrent bien du salaire décent pour le salarié.
J'aimerais vous entendre avec une argumentation beaucoup plus
étoffée pour me convaincre de voter en faveur de ce que vous me
demandez.
M. Couture (Paul): L'objectif pour nous, c'est de couvrir d'abord
la ferme, c'est normal, que ce soit un père et son fils ou deux
frères ou trois frères ensemble. Je pense bien que c'est cela
qu'on veut obtenir. Concernant l'autre question, le producteur tu veux
dire un intégrateur entre-t-il dans la définition d'un
producteur ou si son revenu principal provient de son commerce de moulée
ou parce qu'il y a de l'intégration?
M. Chevrette: Je vous garantis qu'il va dire qu'il est un
producteur.
M. Couture (Paul): Oui, il va le dire, mais entre le dire et
l'établir, c'est quand même différent.
M. Chevrette: Si c'est dur pour vous autres, c'est exactement dur
aussi de le contrarier s'il se dit producteur et non pas vendeur de
moulée. A partir de là, vous le couvrez dans votre demande ici.
Je suis en complet désaccord parce que ces gars-là ont sacrement
les moyens de payer au moins le salaire minimum et ils ont même des
équipes de travail, vous le savez pertinemment. On leur permettrait de
prendre des jeunes de 18,19 et 20 ans, tel que stipulé là, et de
les faire travailler douze ou treize heures pas de problème
en bas du salaire minimum aussi.
M. Giasson: Non, pas dans des fermes spécialisées
dans l'élevage du porc. Elles ne fonctionnent pas avec des gars de 18
ans.
M. Johnson: Prenez le champignon.
M. Chevrette: Je m'excuse, mais il y en a qui fonctionnent avec
des jeunes. Je vous amènerai dans mon comté faire un petit
tour.
M. Giasson: Dans les fruits et légumes, c'est vrai.
M. Goulet: Avec la loi 116, il n'y aura plus de rois du porc.
M. Chevrette: II va y en avoir quand même, mais ils
n'étoufferont pas les petits, avec la loi 116. C'est cela.
M. Goulet: II n'y aura plus de rois du porc et de rois du
champignon avec la loi 116. Ils vont les contingenter.
M. Chevrette: Si vous voulez qu'on se parle de la loi 116, je
vais vous en parler.
M. Goulet: Oui, tu amènes cela et c'est du
passé.
M. Chevrette: Allez chercher Paradis à part cela; on va
vous en parler.
M. Goulet: C'est du passé.
M. Couture (Paul): Je pense qu'il faudrait être capable de
faire la démarcation. Ton producteur de porc qui fait de
l'intégration, son intégration, il ne la fait pas partir de sa
ferme, il la fait partir de sa meunerie. Il la fait partir de la meunerie, il
ne la fait pas partir de la ferme. Je pense qu'il y a un point de
démarcation qui doit quand même être faisable. Je ne dis pas
que cela ne posera pas de problèmes mais, moi, si je suis un producteur
agricole, je ne ferais pas d'intégration parce que je n'ai pas les
récoltes pour faire de l'intégration.
Mais pour ce qui est de sa production agricole sur sa ferme, il a les
mêmes droits que l'autre, je pense. Mais partir de la meunerie, il doit y
avoir moyen. Je ne dis pas que c'est facile, mais il doit y avoir moyen de
faire une démarcation, et le nombre d'employés aussi est assez
considérable à ce moment-là. (11 h 45)
Je pense qu'il faut trouver un moyen de démarcation. L'objectif,
nous, ce que nous voyons, au niveau de la structure de la ferme
société ou compagnie, c'est que deux ou trois personnes, ou des
gens de la même famille se mettent ensemble et exploitent pour justifier
davantage les investissements, avoir des conditions de travail des fois un peu
meilleures parce qu'ils peuvent se libérer de temps en temps, que ce
type d'entreprise ne soit pas pénalisée.
M. Chevrette: Si on met cinq ans, moi aussi j'ai certaines
réserves en ce sens qu'il m'apparaît que ce ne serait pas une
façon en termes de conception; j'irais même sur le fond et non pas
sur la modalité. En termes de conception, l'individu qui part en
agriculture et qui va aller chercher un salaire à l'extérieur, en
confiant à une main-d'oeuvre le travail sur sa ferme, ne seriez-vous pas
mieux de rechercher plutôt, au niveau du ministère de
l'Agriculture, un programme substantiel à rétablissement
plutôt que d'essayer, à partir du projet de loi no 126, de
chercher un moyen de renflouer la prime d'établissement? Je ne sais pas
mais cela ne m'apparaît pas, en termes de philosophie de l'agriculture,
être conforme.
M. Couture (Paul): En termes philosophiques, je vais m'accorder
avec vous. Mais en termes pratiques, le gars dit: Je veux m'établir en
agriculture. Il achète une ferme ou la ferme de son père; le
père était vieux et avait négligé des choses. Avant
de remettre cela en production, souvent il a besoin d'un revenu d'appoint, il a
besoin de réorganiser son affaire. Cela donne cette possibilité.
Vos appréhensions ne me surprennent pas, on les a eues. Avant d'accepter
que le crédit agricole prête à des aspirants agriculteurs,
on s'est posé un maudit paquet de questions. A un moment donné,
pour favoriser l'établissement des jeunes agriculteurs, on a dit:
Ecoute, il y a des risques qu'on prend mais on pense que cela peut favoriser
l'établissement. On a beaucoup de gens. Quand je me suis établi
en agriculture, j'ai fait du bois l'hiver parce que cela m'amenait un revenu
complémentaire et cela m'a permis d'investir. J'arrivais et
j'investissais; ce que je faisais dans le bois, je l'investissais en
agriculture et c'est comme cela que j'ai bâti une organisation agricole.
Et il y a beaucoup d'établissements qui se font de cette manière.
Le gars n'a pas les capitaux et, à un moment donné, il arrive et
investit au bout de quatre ou cinq ans. La période de noviciat est de
cinq ans quand même. Mais qu'on ait des appréhensions... Je pense
qu'on souhaite que ce soit le plus étanche possible; nous ne sommes pas
intéressés à ce qu'on ait un bonhomme qui fasse
$40 000 par année et qui bénéficie de cela. Il n'en
a pas besoin, ce n'est pas ce que nous voulons. Mais si un jeune dit qu'il a
besoin d'une période pour réorganiser une ferme, parce que cela
prend des capitaux aujourd'hui et ce n'est pas facile...
M. Chevrette: Une question rapide. Quelle réponse
donneriez-vous à quelqu'un qui dirait ceci, pour aller dans le
même sens que le député de Bellechasse? Deux
salariés, deux petits frères travaillent pour deux producteurs
différents. L'un travaille à $3.47 de taux, avec un congé
hebdomadaire, l'autre travaille à $2.50 parce qu'il n'est pas soumis
à la loi. Que répondriez-vous si vous étiez
député?
M. Couture (Paul): Je dirais: Essaie de te placer à $3.40
avec un congé hebdomadaire et, si tu n'as pas de place, ton autre choix
c'est de travailler pour l'autre.
M. Chevrette: En termes de justice et d'équité
sociale...
M. Couture (Paul): Là on...
M. Johnson: J'en ai entendu des plus fortes.
M. Couture (Paul): C'est parce qu'on ne se forçait pas,
mais on va se forcer peut-être. D'abord, la différence ne sera pas
si forte que cela. La différence de salaire, comme tu dis, ne peut pas
être aussi forte que cela parce qu'il y a quand même une
concurrence. Si tu as un employé qui fait ton affaire, tu n'es pas trop
intéressé à le changer. Il y a des normes
là-dessus. Après cela, sur la question du congé
hebdomadaire, je ne voudrais pas laisser l'impression que tu es contre les
congés hebdomadaires pour des situations, pour des périodes
précises, mais il y a une compensation qui se fait parce que ce sont de
petites entreprises. Cela arrive souvent, un employé arrive et dit: Moi,
là, il faut que j'aille conduire ma femme chez le médecin. Si
j'étais dans une entreprise avec 50 employés, je dirais: Qu'elle
y aille toute seule. Ce qui compte, tu as une petite entreprise, tu as un ou
deux employés, tu dis: Cela ne cause pas de problème grave. Tu
dis: Vas-y, et c'est le tour de l'autre. C'est humanisé pas mal.
Comme compensation à cela, à un moment donné, tu as
une bourrée à donner, tu dis: II fait beau, bateau, et j'ai du
foin sur le champ. Il va mouiller demain. Tu essaies de le sauver. Ou bien tu
as une vache qui est en train de mourir parce que...
M. Johnson: Là-dessus, le congé hebdomadaire, il
n'y a personne qui dit qu'il va se prendre en fin de semaine. La question
pratique que je vais vous poser: Dans une exploitation agricole, à
l'image de la majorité de celles que vous représentez à
l'UPA, est-ce que cela se peut, compte tenu des conditions climatiques de
l'époque où on est dans l'année quant aux récoltes,
etc., que vous soyez appelé à exiger des travailleurs et des
salariés de vos entreprises qu'ils travaillent plus de six jours
d'affilée sans arrêt?
M. Couture (Paul): Oui, cela peut arriver dans des conditions
spéciales. Nous autres pareil, on ne veut plus travailler huit jours par
semaine, comme on dit. Je pense que cela peut arriver dans des conditions un
peu spéciales, dans des cultures un peu spéciales et des climats
un peu spéciaux. J'ai vu des années où il mouillait et,
à un moment donné, en fin de semaine il fait beau. Tu n'as pas de
contrôle là-dessus. Mais, pour sauver ta récolte, cela se
peut. C'est parce qu'une loi, c'est une loi et, quand tu es soumis à une
loi, comment est-ce que c'est? Après cela, ta loi tu la mets dans une
machine administrative. C'est là qu'est le problème.
M. Goulet: Je serais d'accord avec le président de
l'UPA.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Nord.
M. Ouellette: M. Couture, vous savez aussi bien que moi, sinon
mieux, que, lorsqu'un législateur adopte des lois, il y a toujours un
certain nombre de milliers de citoyens qui s'ingénient à essayer
de passer à côté ou, en tout cas, d'utiliser à peu
près tous les trous qu'on peut retrouver dans cette loi. Je pense que la
loi 116 nous a convaincus de cela. Cela a été mon cas. Je trouve
qu'à cet égard, vous êtes un peu, je ne dirais pas
dissident, mais vous ouvrez des portes très larges et vous oubliez d'y
installer des chaînes pour éviter qu'elles partent au grand vent.
Mon collègue ici a fait allusion à l'exclusion que vous souhaitez
des sociétés, compagnies, syndicats, coopératives, en plus
des entreprises familiales. Personnellement, j'aurais peur, en ouvrant si grand
cette porte, que tout le monde en profite pour s'infiltrer et échapper
carrément à la loi.
Ce n'est pas là qu'est l'objet de ma question, c'est plutôt
ce qui suit à l'article 1, 2. Quand vous parlez des cinq ans, j'ai peur
qu'à un moment donné, plusieurs producteurs utilisent cette
ouverture et, je ne sais pas, par certaines transactions bien
synchronisées, réussissent à échapper presque en
permanence à la loi, en utilisant ces cinq ans.
Maintenant, vous avez dit tout à l'heure que la Loi du
crédit agricole prévoit ces cinq ans. Cette loi date de plusieurs
années, elle a été utilisée par bien des
agriculteurs. Est-ce que vous avez des statistiques qui pourraient nous
convaincre qu'il n'y a pas eu d'abus dans ce sens ou pas trop, en tout cas?
M. Couture (Paul): Cela n'est pas une tradition, cela peut dater
de quatre ou cinq ans à peu près, mais hier on rencontrait le
président de l'Office du crédit agricole qui, lui, ne semble pas
avoir eu de gros problèmes avec cela. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu
des cas.
Pour la question soulevée, la question des dissidents je
ne veux pas être identifié comme un dissident ce n'est pas
dans cette optique qu'on vient ici. On est d'accord pour qu'il y ait des normes
du travail en agriculture, et on est prêt à collaborer à
les établir, mais en tenant compte de sa particularité.
Pour la question des compagnies, sociétés et
coopératives, il y a une restriction là-dedans. Il faut qu'ils
soient travailleurs sur leur ferme. Tu ne peux pas faire une compagnie...
Admettons que je ramasse deux ministres et un juge et qu'ils font une
compagnie, ils sont soumis à la loi, parce que le problème, c'est
qu'il faut qu'ils travaillent sur leur ferme.
M. Johnson: Pas pour les cinq premières années, par
exemple.
M. Couture (Paul): Pas pour les cinq premières
années, mais il faudra que dans cinq ans...
M. Goulet: II y en a qui ont déjà commencé
leur temps de probation.
M. Couture (Paul): A ce niveau, dans cinq ans, il faudra qu'ils
fassent preuve de leur bonne volonté.
M. Johnson: D'accord.
M. Ouellette: Etes-vous certain que votre exemple est bon, parce
que je doute qu'un ministre trouverait son revenu principal sur la ferme.
M. Goulet: II se prépare avant cinq ans, parce que cela
s'en vient vite.
M. Couture: C'est quand même un défi à
relever.
M. Ouellette: En somme, selon ce qu'on a vécu de la loi du
prêt agricole, il n'y a pas eu d'abus majeur; donc, pour vous, ce n'est
pas trop ouvert,
M. Couture (Paul): Non. M. Ouellette: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, M. Couture,
ainsi que vos collègues.
M. Johnson: Je voudrais tout simplement vous assurer, messieurs,
qu'on prend bonne note de vos remarques sans préjuger des
résultats. Il y a effectivement une série de choses que vous avez
énumérées bien clairement et sur lesquelles on va se
pencher. Vous pouvez avoir l'espoir qu'on se relèvera après
s'être penché. Bonjour, messieurs, merci.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant la
Fédération québécoise des centres com- munautaires
de loisirs à venir nous présenter son mémoire. Mme Bois
n'est pas là. Monsieur, présentez-vous et présentez votre
collègue avant de nous faire part de votre mémoire. Allez-y.
Fédération québécoise des
centres communautaires de loisirs
M. Lacombe (Fernand): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, je commence par me présenter. Je suis
Fernand Lacombe, président de la Fédération des centres
communautaires de loisirs. Je suis accompagné de Me Richard Mailhot,
conseiller juridique de la fédération. Si nous ne sommes pas plus
nombreux, c'est que nous sommes obligés de nous ingénier à
trouver des fonds pour les centres communautaires de sorte que nous ne pouvons
pas être tellement nombreux pour présenter notre
mémoire.
Le Président (M. Marcoux): On va vous écouter
attentivement de toute façon.
M. Lacombe: Je voudrais être assez simple et partir d'un
exemple pour en arriver à notre petite conclusion. Si vous êtes
dans un centre communautaire de loisirs, que ce soit le Patro Roc-Amadour,
à Québec, que ce soit le Centre Landry, à
Trois-Rivières, ou le Centre de l'est de Montréal ou le Centre
Saint-Jean-Baptiste, de Drummondville, et que vous avez à vous occuper
de loisirs, vous avez à engager des jeunes de l'âge de 15 ans, 16
ans et 17 ans pour s'occuper d'autres jeunes au cours de l'été et
au cours de l'année.
La loi 126 me semble très intéressante au niveau des
travailleurs de la province de Québec. Mais, dans le domaine des
loisirs, je crois qu'il a toujours été reconnu que les sommes
versées, que ce soit aux moniteurs ou au personnel qui travaillent dans
le secteur des loisirs, c'était beaucoup plus une rétribution
qu'un véritable salaire, de sorte que quand vous avez à donner
à un jeune de 15,16 ou 17 ans qui travaille durant l'été
un salaire de $60 ou $70 par semaine, il y a toujours un autre aspect où
le jeune a des responsabilités et apprend quelque chose. Si on est
soumis à la loi, c'est la mort à court terme du terrain de jeu et
du loisir. Nous aurions pu entrer dans beaucoup de détails, mais on
vient seulement demander un genre d'exemption. Nous sollicitons un amendement
à l'article 3 du projet de loi no 126, amendement qui pourrait se lire
ainsi: "La présente loi ne s'applique pas on ajoute un article d)
aux personnes employées à l'exécution de programmes
récréatifs ou éducatifs organisés pour divers
groupes d'âge ou d'activités de loisir telles que pour enfants
handicapés, personnes âgées, etc.". Voilà simplement
ce que nous demandons. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): Merci.
M. Johnson: Merci de la clarté de votre mémoire.
D'abord, juste quelques questions. La
Fédération québécoise des centres
communautaires de loisir regroupe combien d'organismes, à peu
près?
M. Lacombe: Dans la province de Québec, actuellement, nous
regroupons 16 centres de loisirs, dans la province.
M. Johnson: II y en a combien, au total, d'après vous,
dans la province?
M. Lacombe: Personnellement, j'en nomme 16. Pour moi, il y a
plusieurs centres qui se disent centres communautaires de loisirs et qui ne le
sont pas dans le sens où nous l'entendons. Nous sommes actuellement
à étudier, au niveau de la province, pour voir dans quelle mesure
ce ne serait pas possible d'affilier d'autres centres communautaires. Mais on
se rend compte que certains centres communautaires de loisirs n'ont pas ce que
je trouve essentiel à un centre communautaire de loisirs,
c'est-à-dire le milieu de vie. Si vous êtes dans un centre
où vous louez des locaux, je n'appelle pas cela un centre de loisirs
communautaire. C'est dans ce sens-là que je dis que les centres
communautaires de loisirs au Québec ne sont peut-être pas aussi
nombreux qu'on se l'imagine. Actuellement, nous en affilions 16. Nous
espérons, dans un court terme, pouvoir en affilier un peu plus, en
autant que cela réponde aux objectifs et aux critères d'un centre
communautaire de loisirs. (12 heures)
M. Johnson: Les distinctions que vous faites ne sont
peut-être pas nécessairement de nature juridique. Elles peuvent
être d'interprétation, elles peuvent être philosophiques,
idéologiques, sociales, etc. Evidemment, une loi fait rarement de
l'idéologie, même s'il y en a une qui est censée
sous-tendre.
Je vois en pratique ce que cela peut représenter au SAC le
service d'aide communautaire de Saint-Conrad-d'Anjou dans mon comté. Ce
sont des organismes qui sont regroupés, et je suis sûr que cela
existe dans la plupart des comtés du Québec. Du fait qu'à
l'occasion il va faire une soirée, il va demander à des jeunes de
la paroisse de venir l'aider à installer les chaises dans la salle,
etc., je pense qu'on peut comprendre qu'on n'a pas l'intention de faire en
sorte que les gens qui participent à des activités de ce genre,
des activités qui, finalement, sont centrées sur le
bénévolat, soient soumis aux dispositions ou aux normes de la
Commission du salaire minimum. Par contre, celui qui serait permanent dans un
organisme, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas couvert. C'est toujours
cela, le problème. C'est la distinction à faire. Peut-être
que le clivage entre les organismes à but non lucratif et ceux qui ne le
sont pas est peut-être une façon d'en arriver à cette
distinction. Il y a une autre notion qui nous aide dans le cas des exclusions.
Vous avez spécifiquement parlé des jeunes de 15,16 et 17 ans. Or,
les jeunes de 15, 16 et 17 ans ne sont-ils pas, dans l'immense majorité
des cas, des étudiants? Je vous pose la question.
M. Lacombe: Oui, je le crois.
M. Johnson: Dans la mesure où ce sont des étudiants
et dans la mesure où on a affaire à un organisme à but non
lucratif, je pense que l'esprit de la loi est de les exclure, même si,
spécifiquement, on ne vise que les camps d'été. Je pense
que les organismes dont vous parlez pourraient être visés, parce
que cela peut aussi se situer en milieu urbain, paradoxalement, des
espèces de camps d'été, des facilités, par exemple,
dans un collège pour les gens venant d'autres paroisses d'une même
ville. En fait, ce que j'avais à dire, c'est que je ne suis pas
sûr qu'il faille l'exprimer sous la forme que vous suggérez, mais
qu'on est sensible au genre de préoccupations que vous avez. On essaiera
de trouver une solution à cela.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, cela rejoint assez
étrangement ce qu'on a entendu hier dans les mémoires des camps
d'été et je pense que le ministre a répondu assez bien
à ces préoccupations. Evidemment, le ministre vient de souligner
les emplois permanents qui peuvent exister dans ces choses-là. C'est
évident, je pense bien, dans l'esprit de tout le monde. Même hier,
on était d'accord à savoir qu'un employé qui est là
à titre permanent, comme un cuisinier, par exemple, si on fait
référence à hier, devrait être assujetti aux normes
du projet de loi. Par contre, ce que vous avez semblé nous apporter
comme exemple, ce matin, c'était surtout des jeunes qui travaillaient
autant de façon bénévole, tout en pouvant être
rémunérés quelque peu, mais qui apprenaient aussi en
même temps; je pense que là-dessus, au point de vue du principe,
nous, au nom de l'Opposition, sommes entièrement d'accord avec votre
rapport.
Maintenant, doit-il être exprimé dans le même sens
que vous le faites? Je pense bien que les juristes du ministère pourront
se pencher sur ce point. J'imagine, avec les réponses que nous avons
entendues hier et avec les problèmes qui semblent très bien
s'apparenter, que cela n'accrochera pas tellement. Alors, je vous remercie pour
la présentation de votre mémoire et pour avoir souligné ce
fait à l'attention de la commission.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Brièvement, M. le Président. Je suis
également d'accord avec la question de principe soulevée par la
présentation de ce mémoire. Mais, à la suite de la
réponse du ministre, je pense que ces gens-là peuvent être
exclus de l'application de la loi, mais de quelle manière? Je pense que
lors de l'étude de ce projet de loi article par article, il y aura moyen
de le voir.
M. Johnson: Mais, encore une fois, la distinction qu'il faut
faire, c'est...
M. Goulet: Permanent et...
M. Johnson: ... entre le salarié permanent et ce qu'on
exprime en parlant d'occasionnel, bénévole, temporaire, ad
hoc.
M. Goulet: Occasionnel, bénévole. C'est cela. Mais
au niveau du principe demandé, je suis d'accord. C'est ce que j'avais
à dire, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires à ajouter? Oui.
M. Mailhot (Richard): Avec votre permission, je pense qu'il y a
une distinction qui me semble bien importante. Il y a, dans les centres
communautaires de loisirs, deux catégories de personnel: le personnel de
service, c'est-à-dire secrétariat, entretien, approvisionnement
et également le personnel d'animation. S'il y a un secteur où on
ne peut pas compter hebdomadairement les heures consacrées aux loisirs,
c'est bien chez le personnel d'animation. Parce que, évidemment, les
activités valent ce que la préparation a été, de
sorte que vous pouvez parfaitement combler une activité
spécifique avec dix heures de préparation comme avec 30 heures de
préparation, dépendant de ce que vous visez.
La deuxième remarque que j'aimerais soumettre à la
commission, c'est que le projet de loi 126 ne définit pas ce qu'est une
colonie de vacances. De plus en plus, on a des organismes qui tiennent, pendant
la période estivale, ce qu'on appelle des camps de jour, des camps
où les jeunes partent le matin et reviennent le soir, des camps qui
nécessitent effectivement du personnel d'animation et du personnel de
service.
Vous avez également des organisations qui maintiennent ces camps
de jour sur des bases hebdomadaires, c'est-à-dire où on accueille
pendant une semaine un groupe de jeunes sans, pour autant, avoir une
clientèle sur une base de trois semaines comme on en retrouve dans les
camps de vacances traditionnels. Je ne sais pas si c'est une nuance ou un
éclaircissement qui pourrait être précisé dans le
projet de loi 126. Je pense à une situation qu'on a connue, à
titre d'exemple. On avait un centre communautaire de loisirs qui a tenu un camp
de jour, l'été passé, à Saint-Camille et où
on recevait des groupes de jeunes pour une période d'une semaine.
Evidemment, il ne semble pas que ce genre d'activités cadre avec le
thème traditionnel du camp de vacances, compte tenu de sa durée.
Par contre, le personnel qui y est employé serait-il sujet aux normes du
travail édictées par le projet de loi no 126?
M. Lacombe: J'ajouterais un petit mot.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lacombe: Je trouve très intéressant qu'au niveau
de l'esprit tout semble être clair et précis. Mais on trouve bien
pratique, des fois, que la lettre corresponde aussi à l'esprit.
M. Johnson: C'est pour cela, d'abord, qu'on tient des commissions
parlementaires. C'est l'idée. Deuxièmement, c'est pour cela qu'on
va ensuite procéder à l'étude article par article en
commission également, avant la troisième lecture.
Le Président (M. Marcoux): Alors, je remercie la
Fédération québécoise des centres communautaires de
loisirs de la présentation de son mémoire.
Avant d'ajourner, je vous indiquerais la liste des mémoires pour
mardi prochain. Le mémoire no 4, de la Société nationale
de l'Est du Québec; le mémoire no 12, de la Chambre de commerce
de la province de Québec; le mémoire no 20, de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec; le mémoire no 26, de
la CSD; le mémoire no 16, de la Fédération des femmes du
Québec.
La commission, mardi prochain, siégera mardi matin et mardi
après-midi puisque mardi soir il y a le discours du budget et là
nous saurons si nous payons plus ou moins d'impôt pour...
M. Johnson: Est-ce que cela complète la liste des
mémoires?
Le Président (M. Marcoux): Ah! je ne sais pas.
M. Johnson: Normalement, cela devrait terminer la commission.
Le Président (M. Marcoux): Alors, la commission du travail
et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux à mardi, 10 heures, à
la salle 91-A. Soyons tous là.
Fin de la séance à 12 h 9
ANNEXE
MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA
COMMISSION PARLEMENTAIRE
SUR LE PROJET DE LOI NUMÉRO 126, SUR LES NORMES
DE TRAVAIL
PAR LE CONSEIL PROVINCIAL DES COMITÉS
PARITAIRES
DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE
Représentativité du conseil
provincial
Le Conseil Provincial des Comités Paritaires de l'Industrie de
l'Automobile compte vingt-cinq (25) associations régionales d'employeurs
et dix-neuf (19) syndicats regroupés régionalement en neuf (9)
comités paritaires. La liste des parties contractantes apparaît
à l'annexe I.
Ils sont parties contractantes à dix (10) décrets qu'ils
administrent et ils régissent la qualification dans près de huit
mille (8,000) établissements de l'industrie de l'automobile où
oeuvrent approximativement quarante-cinq mille (45,000) salariés.
Importance de l'industrie de l'automobile dans
l'économie québécoise
Les chiffres de statistiques Canada révèlent une valeur
estimée de ventes au détail au Québec, pour les dix (10)
premiers mois de 1978 de l'ordre de $13,853,618,000.00. La part de ces ventes
pour l'industrie de l'automobile au Québec est comme suit:
Ventes de voitures neuves (concessionnaires) $2,707,853,000.00
Ventes de voitures d'occasions 54,257,000.00
Stations de service 841,557,000.00
Garage de mécanique 374,605,000.00
Pièces et accessoires d'automobiles 262,308,000.00
Ces chiffres indiquent donc que la part du commerce au détail
dans l'industrie de l'automobile représente plus de trente pour cent
(30%), proportionnellement au reste du commerce de détail au
Québec.
Objectif du mémoire
Le Conseil Provincial souscrit au fondement social qui a inspiré
la refonte de l'actuelle loi du salaire minimum et l'établissement des
normes minimales pour tous les Québécois.
Cette nouvelle loi, comme toute autre loi, contient des changements
importants pour notre société. Ces changements auront-ils pour
conséquence de donner une nouvelle approche aux relations de
travail?
Ou auront-ils des effets directs sur la santé économique
dans différents secteurs industriels de notre société
Québécoise? Seul l'avenir nous le dira, mais il est sage
aujourd'hui de se pencher sur cette question afin d'étudier,
d'évaluer et de tenter de prévoir aujourd'hui les
conséquences de demain.
Ce n'est pas l'objet de ce mémoire de présenter une
critique ou un appui de diverses normes minimales incluses dans ce projet de
loi, puisque le Conseil Provincial est composé, à la fois,
d'associations patronales et syndicales. C'est là le devoir des
associations de voir à la protection des intérêts
sociaux-économiques de leurs membres ainsi qu'aux grands partenaires
sociaux de notre économie.
Nous croyons, cependant, que notre rôle consiste à
souligner que cette loi risque d'éliminer à jamais cette
participation vécue dans divers secteurs industriels, là
où patrons et employés se retrouvent à une même
table pour s'entendre sur des normes minimales de travail à appliquer
dans leur champ d'activités. Cette nouvelle loi en plus
d'éliminer cette honnête participation risque de créer une
situation instable en ce qu'elle assujettit le salarié à deux (2)
modes de protection. L'un purement étatique, l'autre mixte, impliquant
la participation des partenaires sociaux, patronaux et syndicaux de chaque
secteur industriel.
Analyse du système actuel en vigueur dans
l'industrie de l'automobile
Les conditions minimales de travail dans l'industrie de l'automobile au
Québec, sont déterminées par neuf (9) décrets
(celui de l'automobile de Montréal apparaît en annexe II)
adoptés suivant les dispositions de la loi des décrets de
convention collective 1964 SRQ, chapitre cent quarante-trois (143).
Dans chaque juridiction territoriale, le décret résulte de
l'extension juridique d'une convention collective de la région. Les taux
minimaux de salaires dépassent ceux fixés par la commission du
salaire minimum. Cette situation se retrouve dans la majorité des
décrets. Voyons quelques exemples:
a- Les taux minimaux de salaire pour un mécanicien dans
l'industrie de l'automobile varient entre $6.00 et $8.00 l'heure. b- Les taux
minimaux de salaire dans l'industrie du bois ouvré varient entre $5.00
et $6.00 l'heure. c- Les taux minimaux de salaire dans l'industrie des
matériaux de construction varient entre $5.75 et $5.85, dans la section
block de béton et $7.12 et $8.00 l'heure, dans la section marbre. d- Les
taux minimaux de salaire dans l'industrie des entrepreneurs en installation
d'équipement pétrolier varient entre $5.00 et $8.68 l'heure. e-
Les taux minimaux de salaire dans l'industrie de la serrurerie, de la
menuiserie métallique varient entre $5.68 et $8.06 l'heure.
Pour une partie importante de ces industries ce sont là les taux
effectivement payés et non un taux minimum. On ne peut plus, tout
à fait parler de normes minimales.
Ces conditions minimales sont administrées par des comités
paritaires qui détiennent leurs pouvoirs de la loi des décrets de
convention collective. A titre d'exemple, le Comité Paritaire de
Montréal a logé, pour l'année 1978, $238,618.58 en
réclamation de salaire pour les salariés de l'industrie dans la
seule juridiction territoriale du décret de Montréal, regroupant
3385 employeurs et 24,702 salariés.
Les comités paritaires appliquent, encore aujourd'hui, les
règlements de qualification en vigueur, décernant les cartes de
compétence et établissant les examens.
Plusieurs comités paritaires ont des politiques de stage et
d'intégration professionnelle dans l'industrie. A titre d'exemple, nous
joignons la politique de stages industriels du Comité Paritaire de
l'Industrie de l'Automobile de Montréal, faisant l'objet d'une entente
cadre à l'intérieur d'un comité industrie-école,
auquel participent les parties contractantes au décret, le comité
paritaire, le Ministère de l'Education, les commissions scolaires.
Dans d'autres secteurs industriels, notamment dans l'industrie du bois
ouvré et l'industrie de la serrurerie et menuiserie métallique,
on a établi un régime de sécurité sociale auquel
participent les employeurs suivant les dispositions de l'article dix (10) de la
loi des décrets de convention collective. A titre d'exemple dans
l'industrie du bois ouvré, les salariés qui ne sont pas couverts
par un régime comparable offert par leurs employeurs jouissent d'une
assurance groupe, accident, maladie, salaire. Ils sont deux mille (2,000) sur
les cinq mille (5,000) salariés de l'industrie à en jouir. Par
ailleurs, dans l'industrie de la serrurerie et la menuiserie métallique,
on a établi non seulement un régime d'assurance, mais un
régime de retraite.
Le système actuel comporte des déficiences que le Conseil
Provincial étudie au sein de ses comités et qu'il s'est
donné comme objectif de combler: 1) Uniformisation et revision de la
qualification de la main-d'oeuvre. 2) Prendre une part active à la
formation et au perfectionnement de la main-d'oeuvre par le biais de cliniques
industrielles et de stages établis au sein de
comités-industrie-école. 3) Uniformisation des méthodes
administratives des comités paritaires. 4) Restructuration des
juridictions territoriales. 5) Recommandations sur des amendements à la
loi des décrets de convention collective.
Éléments de comparaisons et contradictions entre le
projet de loi 126 et le système actuel en vigueur 1) Les
décrets et la loi des décrets de convention collective continuent
d'exister dans leurs formes actuelles comme un mode différent
d'établissement de normes minimales pour les secteurs qu'ils visent. 2)
Les employeurs assujettis à un décret, ne sont pas assujettis au
prélèvement prévu à l'article 29h du projet de loi.
3) Une disposition d'un décret qui contrevient à une norme de
travail ou qui lui est inférieure est nulle de plein droit, (article 92
du projet de loi) 4) Malgré l'article quatre-vingt-douze (92), un
décret dont les dispositions contreviennent aux normes de travail
adoptées en vertu de la présente loi ou d'un règlement, ou
qui ne contient pas l'une ou l'autre de ces normes, continue d'avoir effet
jusqu'à son expiration, (article 146 du projet de loi) 5) Le
Lieutenant-Gouverneur en conseil peut, sans aucune consultation, ordonner que
l'observation d'un décret soit assurée par la Commission des
Normes de Travail, (article 149 du projet de loi)
Les normes minimales de travail du projet de loi cent
vingt-six (126) et les décrets
Nous ne porterons pas de jugement de valeur sur les normes minimales
contenues au projet de loi puisque ce rôle revient à chacun des
partenaires sociaux de faire des représentations distinctes
reflétant leurs intérêts propres.
Cependant, nous constatons que certaines de ces normes sont
inférieures, différentes ou supérieures à celles
des décrets, en particulier, dans l'industrie de l'automobile. Nous nous
bornerons à n'en donner quelques exemples:
1) Normes inférieures aux décrets: a- Les taux minimaux de
salaires. b- La semaine normale de travail pour la majorité des
salariés de l'industrie. c- Le nombre de jours fériés et
chômés. d- La durée du congé annuel pour le
salarié qui justifie vingt (20) ans de service continu chez le
même employeur, e- Le nombre de jours de congés payés
à l'occasion d'un décès. 2) Normes différentes
à celles des décrets: a- Le projet de loi précise que le
salarié doit recevoir son salaire en mains propres, sur les lieux de
travail et pendant un jour ouvrable, précisions qui ne se retrouvent pas
dans les décrets. b- Le fait que lors du paiement du salaire, il ne peut
être exigé aucune formalité de signature autre que celle
qui établit que la somme remise au salarié correspond au montant
du salaire net indiqué sur le bulletin de paye n'apparaît pas dans
les décrets. c- Le projet de loi cent vingt-six (126) confère au
salarié le droit de fractionner son congé annuel en deux (2)
périodes, alors que les décrets exigent une entente entre
l'employeur et le salarié. d- Le droit du salarié de
connaître la période de son congé annuel au moins deux (2)
semaines à l'avance n'est pas spécifiquement prévu dans
les décrets. 3) Normes supérieures au décret: a-
L'établissement d'une période rémunérée de
trente (30) minutes pour le repos: le décret en spécifie une de
soixante (60) minutes sans rémunération. b-
L'établissement d'un préavis de deux (2) semaines avant le
licenciement d'un salarié. c- Le droit du salarié d'exiger de son
employeur un certificat de travail à l'expiration de son contrat de
travail.
D'une façon générale on constate que les conditions
minimales contenues au décret sont supérieures, surtout quant
à ses principales normes comparées à celles contenues dans
le projet de loi. Par ailleurs, certaines normes se retrouvent aux deux (2)
endroits, mais souvent avec des variantes mineures ou des précisions
utiles.
Enfin, quelques normes sont nouvelles ou supérieures.
Dès lors, en appliquant les dispositions du projet de loi, nous
nous retrouvons face aux alternatives suivantes: 1) L'article
quatre-vingt-douze (92) reçoit application et les normes des
décrets qui sont différentes de la loi deviennent nulles.
Nous ferons alors face à l'imbroglio suivant: a- Ou bien les
salariés de l'industrie de l'automobile ne bénéficieront
pas de ces normes contenues dans la loi et qui sont différentes ou
supérieures à celles des décrets. b- Ou
s'institutionnalisera un mode alternatif de protection, les comités
paritaires faisant respecter les normes du décret supérieures
à la loi et la commission des normes, faisant respecter les autres, avec
cette distinction que la commission des normes sera un organisme moins
préparé pour faire respecter ces normes dans un secteur
industriel spécifique, et ce, pour les motifs suivants: 1. Les
employeurs doivent faire parvenir des rapports mensuels aux comités
paritaires, sur lesquels les contraventions à la loi y apparaissent
souvent. 2. Les comités paritaires ont une équipe d'inspection
spécialisée dans l'industrie de l'automobile qui procède,
non seulement, sur réception de plaintes, mais surtout par des visites
suivies chez les employeurs. 3. Il faut aussi souligner que ce double
système de protection et d'inspection créerait une double
bureaucratie qui aurait un effet néfaste et de confusion dans ces
petites entreprises, dont est formée l'industrie de l'automobile. 4. Ce
système engendrera un dédoublement des coûts de
surveillance des conditions minimales applicables à ces salariés.
2) L'article cent quarante-six (146) recevrait application et les
décrets continueraient d'avoir effet jusqu'à leur expiration
épurés des clauses différentes des normes minimales et ne
comprenant pas celles qui se trouvent dans la loi cent vingt-six (126)
n'apparaissant pas au décret.
Les décrets deviendront ainsi des fromages de gruyère, les
salariés et employeurs devant constamment référer aux deux
(2) lois et à leurs règlements pour connaître les normes
qui les régissent.
Tout cela nous mène à une confusion juridique des plus
totale. Personne ne saura plus à quelle tête de ce monstre
bicéphale faire appel.
D'autre part, l'article cent quarante-six (146) tel que
rédigé, pourrait facilement recevoir l'interprétation
suivante par les tribunaux:
Tout un décret ou une convention collective deviendrait nul et
sans effet renouvelable si une seule de ces dispositions contrevient à
la loi ou si elle ne contient pas une seule des dispositions prévues
dans cette loi. Le texte nous semble avoir largement débordé la
pensée du Législateur. Le Législateur n'a certainement pas
voulu que les salariés régis par un décret ou une
convention collective perdent tous les autres avantages que lui
confèrent ce décret ou cette convention collective à cause
de l'absence d'une norme si petite soit-elle. En effet plusieurs décrets
contiennent des clauses de renouvellement automatique à leur expiration?
Est-ce à dire que ces clauses n'auront plus d'effet et que tous les
décrets mourront d'une mort naturelle dès leur expiration si une
seule des normes minimales y est absente?
La loi sur les normes minimales et la loi des décrets de
convention collective: éléments de comparaison
Le projet de loi cent vingt-six (126) établit un cadre de
protection et des instruments assurant le respect de ses normes minimales au
même titre que la loi des décrets de convention collective. Ainsi
si l'on peut procéder par analogie, elle crée la commission des
normes minimales comme la loi des décrets de convention collective
créait les comités paritaires.
Cependant, les instruments de protection créés par le
projet de loi, sont de beaucoup supérieurs à ceux de la loi des
décrets de convention collective qui a besoin d'être
revisée: représentation qui a été faite à
plusieurs reprises par les différentes parties contractantes des
décrets et par les comités paritaires.
Soulignons donc les éléments de protection additionnelle
contenus dans la loi: 1) La définition de salarié est beaucoup
plus large dans la loi sur les normes minimales ce qui constitue un
élément majeur, compte tenu des nombreux problèmes
juridiques causés par l'interprétation de cette notion, dans la
loi des décrets de convention collective. 2) La possibilité de
verser immédiatement au salarié le montant d'une
réclamation de salaire, sans attendre le résultat d'une poursuite
en justice, (article 111) 3) Le fait que la somme due au salarié porte
intérêt à compter de la mise-en-demeure, (article 113) 4)
Les motifs d'interdiction à un employeur de congédier, suspendre
ou déplacer un salarié sont supérieurs à ceux
prévus dans la loi des décrets de convention collective, (article
114) 5) La création d'un droit pour le salarié
congédié, suspendu ou déplacé de faire appel
auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du code du
travail, (article 115) 6) L'extension à un an de la prescription de
l'action civile, (article 116) 7) L'interruption de la prescription dès
l'expédition des avis d'enquête de la commission à
l'employeur, (article 117) 8) Les amendes prévues pour des infractions
similaires à la loi des décrets de convention collective sont de
beaucoup supérieures.
Dès lors, l'instauration de ce mode de protection pour les
salariés assujettis à ces normes minimales placent les
décrets de l'automobile et leurs parties contractantes face aux
alternatives suivantes: 1) Les conditions de travail prévues dans les
décrets et qui sont supérieures aux normes minimales ne peuvent
pas être appliquées aussi efficacement et avec autant de vigueur
que les normes minimales appliquées par la commission des normes
minimales. 2) Le Législateur crée et met en opposition deux (2)
modes d'application des conditions minimales inégalement efficaces. 3)
Enfin, ou bien l'on veut faire mourir les décrets d'une mort naturelle
et là on oublie les avantages supérieurs ou différents
qu'apportent actuellement les décrets et principalement ceux de
l'automobile pour les secteurs industriels auxquels ils s'appliquent, leurs
employeurs et salariés.
La loi a-t-elle pour objet ou pour conséquence
la disparition des décrets et de la loi des décrets
Les articles 92,146,149 du projet de loi cumulés avec le fait que
le projet de loi ne confère pas à la loi des décrets, les
mêmes pouvoirs pour assurer l'observation des décrets, nous porte
à croire que l'on entend faire mourir en douce le régime des
décrets en vigueur au Québec.
Nous ne porterons pas de jugement sur tous les décrets, leur
vigueur ou leur vitalité. L'erreur consiste cependant à punir les
secteurs industriels en pleine évolution ou les agents
économiques et partenaires sociaux jouent leur rôle et ont
à coeur la vie de leur industrie.
Nous crayons que c'est une politique ferme et irrévocable du
gouvernement actuel de compter sur le dynamisme intérieur des secteurs
industriels du Québec et de favoriser l'entente de bonne foi et le
travail concerté chez les composantes socio-économiques de
l'industrie.
En conséquence, la remise en question des décrets nous
amène à mettre en garde le gouvernement sur un abandon pur et
simple des décrets et de leur loi habilitante. Agir ainsi c'est battre
en brèche les principes de base sur lesquels sont fondés la
viabilité des divers secteurs industriels, c'est mettre de
côté les associations patronales et syndicales qui ont
travaillé pendant des années à l'établissement d'un
climat de travail sain dans l'industrie de l'automobile, c'est abandonner les
autres rôles que jouent les parties contractantes et les comités
paritaires qu'elles forment. Que fait-on de la participation des associations
patronales et syndicales au développement de leur industrie et de sa
main-d'oeuvre? Pourquoi ignorer le travail positif accompli par des hommes de
métier et remplacer subtilement leur initiative et leur dynamisme par
l'intervention sèche, unilatérale de l'état? Est-ce
là la façon d'encourager la motivation au sein de
l'industrie?
Nous rappelons donc l'utilité de la formule actuelle: 1) Les
associations patronales et syndicales oeuvrant dans l'industrie de l'automobile
sont beaucoup plus à même d'évaluer les conséquences
des conditions minimales dont ils demandent par requête, l'inclusion dans
un décret, soit quant à l'effet sur le prix, la concurrence, les
exportations, le recrutement de la main-d'oeuvre. 2) L'établissement par
l'état des normes minimales sectorielles (spécialement quant
à l'industrie de l'automobile) sans l'intervention ni la consultation
des agents économiques de ce secteur industriel risque d'avoir un effet
néfaste sur la viabilité de l'industrie de l'automobile: - quant
aux prix des services et des biens vendus; - quant à la concurrence; -
quant à la négociation des conventions collectives du secteur. 3)
Serait-ce la volonté non exprimée et inavouée du
gouvernement de remplacer les décrets par des règlements
adoptés en vertu de l'article quatre-vingt-six (86)? Ce serait là
de légiférer directement pour l'établissement des normes
de travail dans l'industrie de l'automobile, en particulier, et dans d'autres
secteurs industriels, normes qui ne sont plus tout à fait des normes
minimales, puisqu'elles représentent souvent des conditions de travail
effectives d'une bonne partie de l'industrie, et ce, en dehors des partenaires
sociaux et agents économiques de cette industrie. 4) Les comités
paritaires assurent une application plus personnalisée des conditions
minimales et plus près du milieu de l'industrie de l'automobile que
pourrait le faire une commission provinciale et centralisée. Ils
assurent ainsi une auto-discipline par l'industrie elle-même et une
application sectorielle des conditions minimales telle que contenue dans les
décrets. 5) La mort lente des décrets et des comités
paritaires risque de laisser des milliers de salariés sans qualification
et ceci est d'une importance majeure, compte tenu de la nécessité
d'assurer la sécurité des véhicules circulant sur nos
routes, que ce soient des automobiles, autobus, ou autres véhicules de
transport. 6) L'intégration de la main-d'oeuvre sortant des commissions
scolaires et des écoles d'automobile dans le milieu du travail en serait
sérieusement affectée et réduirait à néant
l'excellent travail accompli par le comité industrie-école. 7)
Qu'arrivera-t-il des régimes de sécurité sociale soit, les
plans d'assurance collective ou les plans de fonds de pension que l'on retrouve
dans différents décrets? Est-ce que ces salariés ne
finiront pas par en être privés?
Suggestions à la commission
Le projet de loi cent vingt-six (126) maintient la loi des
décrets de convention collective et les décrets et nous appuyons
ce principe. Nous croyons aussi que dans les secteurs industriels et
particulièrement dans l'industrie de l'automobile où le dynamisme
des parties contractantes est important, les conditions de travail
généralement supérieures aux normes minimales
visées dans le projet de loi et où les comités paritaires
jouent un rôle diversifié (qualification, bénéfices
sociaux), comité industrie-école), le Législateur devrait
maintenir la formule actuelle et encourager son évolution.
Malheureusement le projet de loi aura l'effet contraire.
Pour atteindre l'objectif énoncé plus haut, nous
suggérons les amendements suivants au projet de loi: 1) Amender
l'article quatre-vingt-douze (92) de façon à ce que si une norme
de travail est supérieure à une norme d'un décret ou
n'apparaît pas dans un tel décret, qu'elle soit incluse de droit
dans ce décret.
De toute façon si le Lieutenant-Gouverneur en Conseil juge qu'un
décret ne joue plus son rôle, pour quelque motif que ce soit, ou
parce qu'il est généralement inférieur aux normes
minimales, il a dans la loi des décrets de convention collective le
pouvoir de l'abroger unilatéralement.
2) Enlever le deuxième paragraphe de l'article cent quarante-six
(146) lequel devient inutile, du fait de l'amendement suggéré au
paragraphe plus haut.
De fait, cet article est très mal rédigé et peut
donner lieu à une interprétation par les tribunaux pouvant mener
à l'expiration, purement et simplement, de tous les décrets dans
tous les secteurs industriels sans qu'ils puissent être renouvelles. Si
une seule des normes minimales ne s'y trouve pas. Dans la plupart des
décrets on retrouve des clauses de renouvellement automatique. La
façon dont l'article cent quarante-six (146) est rédigé
nous laisse croire qu'aucun décret ne pourrait être renouvelle si
une seule norme minimale ne s'y trouve pas ou y est supérieure. 3)
Amender l'article cent quarante-neuf (149) du projet de loi, de façon
à exiger le consentement du comité pour que l'observation d'un
décret soit assurée par la Commission des normes de travail. De
toute façon, si un comité paritaire ne joue pas son rôle,
l'article vingt-trois A (23A) de la Loi des décrets de convention
collective continue d'exister et la Commission des normes de travail peut agir
en qualité d'administrateur dans un tel cas. 4) Amender la Loi des
décrets de convention collective afin d'y inclure tous les instruments
de protection inclus dans le projet de loi cent vingt-six (126) afin de ne pas
créer deux modes inégaux de protection: - un pour les
salariés assujettis à la loi des normes de travail; - l'autre
pour les salariés soumis aux décrets.
En particulier, les éléments suivants devraient y
être inclus: a- La définition de salarié de l'article 1H.
b- Les éléments de protection contenus dans les chapitres
traitant des recours, de la faillite, des infractions et des peines. 5) Amender
l'article quatre-vingt-six (86) de façon à y exclure les
programmes de stages industriels, d'initiation au travail des comités
industrie-école, des comités paritaires et
particulièrement des Comités paritaires de l'Industrie de
l'automobile.
Ce mémoire vous est respectueusement soumis,
LE CONSEIL DES COMITÉS PARITAIRES DE L'INDUSTRIE DE
L'AUTOMOBILE.
PAR: Jean Lefebvre Président
(ANNEXE 1) Liste des parties contractantes pour les
différents décrets de l'automobile
COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE
MONTRÉAL ET DU DISTRICT PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: L'Association des Marchands d'Automobiles de Montréal
Ltée L'Association des Services de l'Automobile Inc. L'Association des
Industries de l'Automobile du Canada L'Association des Garagistes
Spécialisés Inc. Les Ateliers de Mécanique Automobile du
Québec (sans siège) L'Association des Réchapeurs et
Marchands de Pneus du Québec Inc.
SYNDICALE: La Fraternité Canadienne des Cheminots,
Employés de Transports et Autres Ouvriers, local 511
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 3,385 SALARIÉS ASSUJETTIS: 24,702
COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE LA RÉGION DE
QUÉBEC PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles de Québec Inc.
Association des Services à l'Automobile
Association des Marchands d'Automobiles de Beauce et Dorchester
Association des Industries de l'Automobile de Québec Inc. (sans
siège)
SYNDICALE: Syndicat National des Employés de Garages de
Québec Inc. (C.S.D.) Syndicat des Employés de Garages de Beauce
et Dorchester (C.S.D.)
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 1,574 SALARIÉS ASSUJETTIS: 5,252
COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DES CANTONS DE
L'EST (1971) PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles des Cantons de l'Est
Association des Services à l'Automobile
Association des Grossistes en Pièces d'Automobiles de Sherbrooke
Association des Marchands de Pièces d'Automobiles Inc. (sans
siège)
SYNDICALE: Syndicat National des Employés de l'Automobile de
Thetford Mines (CSN) Syndicat des Employés de Garages du Comté de
Wolfe (CSN) Syndicat National des Employés de Garages de Granby et
Région Association des Employés de Garages des Cantons de l'Est
(CSN) Syndicat National des Employés de l'Automobile de la région
de Victoriaville Fédération Démocratique de la
Métallurgie, des Mines et des Produits Chimiques (CSD)
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 763
SALARIÉS ASSUJETTIS: 563 artisans 4,130 salariés
incluant temporaires
COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE LA MAURICIE PARTIES
CONTRACTANTES
PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles de la Mauricie
Association des Grossistes en pièces d'automobiles de la
région de Trois-Rivières Union Commerciale Mauricienne Inc.
SYNDICALE: Fraternité Canadienne des Cheminots, Employés
des Transports et autres Ouvriers, local 298 Ouvriers Unis des Textiles
d'Amérique, loc. 390 section garages
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 426 SALARIÉS ASSUJETTIS: 1,602
COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE DRUMMOND
PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: L'Association des Marchands d'Automobiles Richelieu Inc.
(section Drummond)
SYNDICALE: L'Association des Employés de Garages de Drummondville
Inc. (CSN)
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 128 SALARIÉS ASSUJETTIS: 556
COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DES RÉGIONS
LANAUDIÈRE-LAURENTIDES PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: Association Professionnelle de l'Industrie de l'Automobile
(APA Lanaudière-Laurentides) Association des Marchands d'Automobiles des
Laurentides
SYNDICALE: Syndicat des Employés de Garages de la Région
de Joliette (CSD) Congrès du Travail du Canada (CTC)
Fraternité Canadienne des Cheminots, Employés des
Transports et Autres Ouvriers (à venir)
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 955 SALARIÉS ASSUJETTIS: 2,100
COMITÉ PARITAIRE DE L'AUTOMOBILE DE L'OUEST
QUÉBÉCOIS PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: Association des Marchands d'Automobiles du Nord Ouest
Québécois Association des Services à l'Automobile de Rouyn
Noranda
SYNDICALE: Métallos Unis d'Amérique, local 15469
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 175 SALARIÉS ASSUJETTIS: 500
COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DE RIMOUSKI
PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: Association des Garagistes de Rimouski
SYNDICALE: Syndicat National des Employés de Garages de Rimouski
Inc.
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 85 SALARIÉS ASSUJETTIS: 438
COMITÉ PARITAIRE DE L'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE DU COMTÉ
DE ROBERVAL
PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE:
SYNDICALE:
EMPLOYEURS ASSUJETTIS:
SALARIÉS ASSUJETTIS:
COMITÉ PARITAIRE DES DÉTAILLANTS D'ESSENCE DU SAGUENAY
PARTIES CONTRACTANTES
PATRONALE: L'Association des Détaillants d'Essence du
Saguenay
SYNDICALE: Syndicat des Employés des Détaillants d'Essence
du Saguenay
EMPLOYEURS ASSUJETTIS: 139 SALARIÉS ASSUJETTIS: 381