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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, September 11, 1979 - Vol. 21 N° 177

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf), M. Vaillancourt (Jonquière), remplacé par M. Marois (Laporte).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent).

M. Pagé: Remplacé par Mme Thérèse Lavoie-Roux.

Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount)...

M. Pagé: Remplacé par M. Vaillancourt (Orford).

Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Aujourd'hui, nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux, CSN, en même temps que la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques. Egalement, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, ainsi que la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois Inc.

Quant au Conseil central de la CSN (Montréal), qui avait été invité à venir témoigner aujourd'hui, il a avisé le secrétariat des commissions hier que, son mémoire n'étant pas prêt, il ne pourra pas venir témoigner devant la commission maintenant.

M. Bellemare: Je m'excuse, M. le Président, vous m'accordez la parole... C'est un homme qui est représenté dans une association assez importante. Cela fait des années que ce monsieur gueule contre les lois du gouvernement. Il aurait été intéressant de l'avoir devant nous ce matin. Je pensais qu'il viendrait, Michel Chartrand. Cela fait des années que ce monsieur déblatère contre tous les gouvernements et impose des sanctions extraordinaires...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre, M. le député de Johnson!

M. Bellemare: ... ce serait le temps de lui dire qu'il y a eu des gestes de posés.

Le Président (M. Marcoux): Vous aurez tout le loisir de faire...

M. Bellemare: II ne sera pas là.

Le Président (M. Marcoux): ... ces commentaires ou d'autres tantôt lorsque vous aurez le droit d'intervenir. J'informais simplement les membres de la commission de l'avis que le secrétariat des commissions avait reçu. (10 h 15)

J'inviterais maintenant la Confédération des syndicats nationaux, ainsi que la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques de la CSN à venir s'il vous plaît nous présenter leur mémoire.

CSN, Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques

et Fédération nationale des syndicats du bâtiment

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue, je m'excuse. Si vous voulez nous présenter tous vos collègues.

M. Rodrigue: Merci.

Le Président (M. Marcoux): Pas tous ceux qui sont dans la salle, parce que ce serait trop long.

M. Rodrigue: M. le Président, messieurs les ministres, messieurs les députés, je voudrais, effectivement, avec votre permission, d'abord, vous présenter les camarades qui m'accompagnent en commençant par l'extrême gauche: Gilles Robichaud, de la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois (CSN), le président de la fédération, Yvon Leclerc, et Gisèle Cartier, première vice-présidente de la CSN. A ma droite, Pierre Lamarche, adjoint à l'exécutif de la CSN, Sylvio Gagnon qui est président de la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie, et des produits chimiques, Oliva Lemay qui est officier de cette fédération à la vice-présidence et, ensuite, Paul Doyon, du comité interfédérations (CSN).

Avec votre permission, M. le Président, je voudrais signaler aussi la présence d'une trentaine de mineurs de l'amiante de Thetford qui nous accompagnent et, si elles ne sont pas arrivées, un groupe de veuves de travailleurs de l'amiante viendront faire un petit tour à cette commission au cours de la matinée.

La Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques affiliée à la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois affiliée à la CSN ont déposé un mémoire décrivant les situations propres de chacun de ces deux secteurs. Je voudrais vous signaler, cependant, que ces deux fédérations professionnelles ne désirent pas témoigner en tant que telles séparément de la CSN aujourd'hui. M. Yvon Le-clerc, comme vous le constatez, nous accompagne; il est le président de la fédération. Il pourra répondre aux questions qui pourraient être posées par les membres de la commission sur le mémoire déposé. Il en est de même de M. Gagnon, du camarade Gagnon qui est le président de la Fédération de la métallurgie. Cependant, nous demandons que ces mémoires soient inscrits au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse. Pour que ce soit très clair, en ce qui concerne le mémoire de la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois, au lieu de les entendre à la fin de nos travaux comme troisième intervenant, vous désirez qu'ils soient joints à votre groupe pour faire une seule présentation.

M. Rodrigue: Voilà, c'est cela! S'il y avait des questions sur leur mémoire, s'ils avaient, eux, une remarque à faire sur le cadre général ou des précisions à apporter, on demande d'être entendu ensemble.

Le Président (M. Marcoux): Vous demandez, par le fait même, que les trois mémoires soient versés au journal des Débats intégralement.

M. Rodrigue: C'est cela, exactement.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la commission sont d'accord? Consentement. Alors, procédez. (Voir annexes)

M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais aussi signaler que la CSN, en plus du mémoire qu'elle a déposé, a déposé une annexe qui commente article par article le projet de loi. Nous demandons que cette annexe soit aussi rapportée au journal des Débats parce qu'elle contient effectivement des suggestions et des recommandations ou des propositions et des modifications.

Le Président (M. Marcoux): Ce sera fait. (Voir annexe)

M. Rodrigue: La situation particulière des travailleurs de la construction justifie des dispositions, quant à nous, particulières de la loi. Il est important de se rappeler que les travailleurs de la construction sont tous syndiqués par la loi, sauf quelques rares exceptions, on pense à la Manic, par exemple, et de plus, elle oblige les employeurs à négocier en cartel et un décret résulte de cette négociation. C'est l'Office de la construction qui est responsable de l'application de ce décret.

Quant aux conditions matérielles de travail, il faut se rappeler que dans la construction, un travailleur change souvent d'employeur. Par conséquent, il change souvent aussi de lieu de travail et il a presque constamment, au cours de sa vie de travail, de nouveaux compagnons de travail. Ainsi, par exemple, l'absence d'un lieu de travail permanent, la mobilité de la main-d'oeuvre dans la construction et la multitude d'employeurs rendent la vie syndicale traditionnelle très difficile sinon irréalisable. il est alors nécessaire de prévoir des mécanismes appropriés à ce secteur. Cependant, le projet de loi 17 ne nous paraît pas répondre à ces besoins-là et aux besoins les plus urgents tout au moins, en plus de diminuer, quant à notre lecture, les acquis du décret de la construction.

Je vous signale tout de suite qu'il y a deux corrections à ce mémoire qui sont déposées par écrit au secrétariat; des petites corrections. Quant à la situation dans les syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, il s'agit — et on pense important de le rappeler au début de cette commission — d'un secteur de l'activité économique où la santé et la sécurité des travailleurs sont constamment menacées pour plusieurs raisons, à cause de l'utilisation, par exemple, d'un équipement particulièrement lourd et la présence de nombreux agents agresseurs dans ce secteur. On pense principalement au bruit, à la chaleur, à l'humidité, aux poussières, aux gaz, aux explosifs dans les fonderies, dans les mines et dans les usines en général.

Pour revenir au cadre général du mémoire, je voudrais le lire, avec votre permission. Cela demande quelques minutes, mais je crois qu'il est préférable de le faire. Dès le départ, la CSN tient à exprimer le fait qu'elle est favorable à la promulgation d'une loi qui assure la santé et la sécurité au travail. Nous l'avons souvent exprimé et, d'ailleurs, la position de la CSN sur la protection légale des droits de tous les travailleurs remonte aux origines de notre mouvement.

Dès le premier congrès, en 1921, la CTCC formulait des demandes visant l'amélioration des conditions de vie et de travail de l'ensemble des travailleurs. Une résolution de ce premier congrès revendiquait précisément "que les compensations prévues à la Loi des accidents du travail soient étendues à tous les employés rémunérés. '

La CSN a toujours affirmé et continue d'affirmer que c'est une mission essentielle, et une raison d'être même du mouvement syndical de revendiquer des protections pour l'ensemble des travailleurs, qu'ils soient ou non syndiqués. La CSN estime que des droits doivent être accordés par la loi à l'ensemble des travailleurs et que ces droits doivent constituer des seuils minimaux. Nous nous opposons au projet de loi 17 parce que, dans sa forme actuelle, nous n'y retrouvons pas ce que nous estimons être essentiel pour empêcher que la santé physique et mentale des travailleurs ne soit altérée et pour assurer la sécurité et l'intégrité physique et mentale des travailleurs.

La CSN a formulé depuis plusieurs années des revendications fondamentales pour la santé et la

sécurité au travail. Les syndicats ont dû mener des combats importants qui ont parfois marqué l'histoire du Québec pour finalement inscrire des droits dans leurs conventions collectives.

Nous ne retrouvons pas, dans l'actuel projet de loi, une mécanique qui assure l'exercice des droits et la réalisation des objectifs énoncés par le gouvernement, c'est-à-dire l'élimination des dangers à la source, le droit de refuser un travail dangereux, le respect de l'intégrité physique des travailleurs, etc. En fait, sous prétexte d'aider les travailleurs, le projet de loi 17 érige plusieurs entraves à l'action syndicale dans le domaine de la santé et de la sécurité. Les aveux du président de la Commission des accidents du travail laissent songeur. Pour le moins, ils justifient les craintes de ceux qui appréhendent un plan machiavélique visant à contrer l'action syndicale, afin de freiner les revendications ouvrières en matière de sécurité-santé. C'est ce que l'on devine, pour le moins, lorsque le président de la CAT affirme sans ambages dans le Devoir du 23 novembre 1978, et je cite: "II s'agit d'un droit exercé individuellement et non collectivement. En matière de relations de travail, il y avait longtemps qu'on avait vu cela. Une telle loi va rompre avec le courant moderne de la reconnaissance des droits des travailleurs."

Les droits des travailleurs qui sont reconnus dans les lois sont le résultat des combats qu'ils ont menés parce qu'ils étaient syndiqués. C'est ce que l'histoire des travailleurs, dans tous les pays du monde, nous enseigne. Dans notre société, les lois sur l'assurance-chômage, les heures de travail, les régimes publics de rentes, le salaire minimum sont des exemples de ces gains. Dans cette perspective et dans un domaine aussi vital que la santé et la sécurité des travailleurs, les priver du seul instrument permanent de défense de leurs intérêts, c'est plutôt chercher à paralyser leur capacité de revendication et de lutte et clairement mener une politique "anti-travailleurs" que de "rompre avec un courant moderne."

On ne peut pas, d'une part, prétendre vouloir aider les travailleurs et, d'autre part, s'attaquer à leur organisation syndicale. Ce que démontre l'histoire du mouvement ouvrier, c'est que les travailleurs non organisés bénéficient éventuellement des droits acquis par les travailleurs organisés.

Ainsi, en entravant les organisations syndicales, tous les travailleurs sont condamnés à ne plus pouvoir améliorer et même à voir se détériorer leurs conditions de travail. Tous les gouvernements qui avaient un préjugé favorable au capital ont tenté d'affaiblir les organisations syndicales.

Les origines récentes du projet de loi 17. La propagande entourant le livre blanc et le projet de loi 17 voulait nous faire croire que la création des comités paritaires et la reconnaissance de cesser un travail dangereux constituaient une réforme novatrice et profonde. Il faut redonner, quant à nous, aux innovations du projet de loi 17 des origines plus humbles. Les tribunaux d'arbitrage reconnaissent depuis longtemps et avec constance que le refus d'accomplir un travail dangereux provient de l'exercice d'un droit naturel. En outre, le règlement concernant les établissements industriels et commerciaux reconnaît déjà ce droit.

A l'exception des dispositions relatives au représentant à la prévention, le rapport du comité d'étude sur la salubrité dans l'industrie de l'amiante, le rapport Beaudry paru en octobre 1976, contenait déjà la lettre et l'esprit du projet de loi et même les infractions et pénalités.

Voyons les comités paritaires. Le comité paritaire de santé et sécurité au travail, lieu privilégié de discussions employeurs et employés, constitue la pierre angulaire du projet de loi qui lui reconnaît une juridiction exclusive pour décider des litiges relatifs à la santé et à la sécurité.

Dans l'esprit des signataires du rapport Beau-dry, une telle structure juridique devait fournir l'occasion de dialoguer et d'assumer conjointement la responsabilité de résoudre le problème relatif à la salubrité du milieu de travail et à la prévention des maladies professionnelles. Les auteurs reconnaissent avoir été largement influencés par les pratiques de la Suède et de la République fédérale allemande. Toutefois, en Suède, ce processus de règlement des litiges ne se termine pas dans un cul-de-sac. L'esprit de dialogue et de coparticipation des représentants syndicaux est appuyé sur le pouvoir qui leur est donné de faire cesser le travail. Dans le projet de loi 17, sauf pour le choix du médecin, le choix de moyens et d'équipements de protection individuelle et l'établissement de programmes de formation et d'information, c'est l'employeur qui dispose d'un veto. Le pouvoir décisionnel s'appuie ensuite sur le droit de gérance et, hormis l'hypothèse improbable d'un spontanéisme collaborationniste, l'employeur peut aussi bloquer toute initiative au sein même du comité paritaire ou en provenance du comité paritaire.

La portée réelle des comités paritaires consiste donc à faire des recommandations, à coopérer avec l'employeur, à recevoir les copies d'avis d'accidents et de plaintes, à enquêter conjointement, à transmettre les informations à la commission. S'imaginer, dans ces circonstances, que le modèle suédois devienne opérant, c'est se soumettre à la pensée magique et cultiver une naïveté pernicieuse.

Le projet de loi 17 substitue aux syndicats un ou quelques travaileurs, membres élus au comité paritaire, qui deviennent, en collaboration avec les membres désignés par le patron, responsables de la santé et sécurité au travail. Cette responsabilité s'exerce en appliquant le programme de prévention établi par l'employeur.

Certes, le projet de loi stipule qu'une convention collective, par exemple, peut contenir des dispositions plus avantageuses pour un travailleur (article 3). Il dit aussi que la loi ne peut diminuer les droits d'un travailleur protégé par une convention collective, une loi, un règlement, un décret, un arrêté en conseil ou une ordonnance en vigueur (article 7) mais il existe par la suite, comme condition d'exercice, que ces pouvoirs et obligations soient conciliables (article 280) avec les droits et obligations des comités paritaires

prévus à la loi. C'est donc dire que finalement, comme le proposait le livre blanc, le comité paritaire se voit confier une juridiction exclusive sur plusieurs des activités relatives à la santé et à la sécurité.

Sauf des circonstances peu fréquentes où un seul syndicat représente tous les salariés d'un employeur, les représentants de l'ensemble des travailleurs au comité paritaire détiendront un mandat général, irrévocable et ne seront pas soumis au contrôle des assemblées générales, alors que, de son côté, l'employeur pourra désigner ses commettants, les révoquer et leur demander des comptes et même les congédier ou encore les gratifier de promotions.

La force du syndicat est donc atténuée alors que la force de l'employeur, quant à nous, à notre lecture, est épargnée par cette rupture du courant moderne. Ainsi, la société Asbestos corporation, qu'elle soit assise dans le bureau du ministre des Finances, à la table de négociation, devant la Cour supérieure ou au comité paritaire de santé et sécurité, est et demeure la même personne morale. Ses intérêts, sa stratégie ne changent pas selon le lieu ou ses représentants. (10 h 30)

La mise sur pied de comités paritaires n'affaiblira pas le pouvoir de négociation des compagnies. Au contraire, elles seront soustraites aux conflits d'intérêts. Elles pourront toujours consentir aux syndicats des droits, puisque ceux-ci devront, au demeurant, être conciliables avec les pouvoirs et obligations des comités paritaires prévus à la loi.

Depuis fort longtemps, les travailleurs se sont regroupés pour résister aux agressions du capital. Les premières luttes syndicales ont eu pour objet la santé et la sécurité. Les travailleurs ont alors cherché à se protéger par la négociation de leurs conditions de travail. Ils ont commencé en cherchant à éliminer le travail des enfants puis ils se sont battus pour réduire la semaine de travail à quarante heures. Ils se sont battus pour des périodes de vacances plus longues et pour le droit à une pension à 70, 65 puis 60 ans. Ils se battent encore pour réduire le fardeau de tâche, pour diminuer les cadences, pour éliminer le système de travail à la pièce. Les travailleurs ont toujours cherché à humaniser les lieux de travail.

Contrairement à ce qu'affirment le rapport Beaudry et le président de la CAT, les travailleurs ne cherchent pas à monnayer leur santé et leur sécurité; ils se battent pour les protéger. Par exemple, la majoration du salaire pour un travail exécuté en temps supplémentaire n'a jamais eu pour considération l'enrichissement des travailleurs. C'est une pénalité imposée à l'employeur dans un but de dissuasion, car il ne s'agit pas de monnayer leur santé, mais, bien au contraire, encore une fois, de la protéger par l'établissement d'heures normales de travail.

Le projet de loi propose d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs par le biais d'un comité paritaire expurgé des conflits d'intérêts et de l'esprit de litige. En d'autres termes, ce qu'un rapport de forces n'a su obtenir, le dialogue constructif entre capital et travail saurait donc le gagner? Nous aurons peut-être réalisé un progrès le jour où ceux qui nous entretiennent de la bonne foi nous entretiendront de la très bonne foi.

Les luttes syndicales des mineurs d'amiante de Thetford, des travailleurs de Fer et Titane, de Canada Metal, de Vickers, de Cegelec, de Gaz Métropolitain, d'Atlas Asbestos, de Marquis risquent quant à nous, d'être vidées de leur sens par les exigences conciliatoires du projet de loi 17 (article 280). A titre d'exemple, le droit de refuser un travail dangereux dans la convention collective des employés de Gaz Métropolitain n'est pas restreint par l'existence d'un risque normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées. Quel régime s'appliquera après la promulgation de la loi9 Est-ce que ce sera le régime contractuel, c'est-à-dire la convention collective, ou le régime légal? Si c'est le régime contractuel, comment l'employeur, le représentant à la prévention, deux représentants du comité paritaire, interpréteront-ils leurs rôle et fonction? Selon la convention collective ou selon la loi, encore une fois?

Le décret de la construction ne traite que de conditions susceptibles de mettre la santé et la sécurité d'un travailleur en danger. Quelle sera la règle finalement appliquée après la promulgation de la loi? Dans la convention collective de Vickers, un autre exemple, il suffit d'alléguer le danger et, alors, soit le travailleur, soit un représentant syndical peut refuser l'exécution du travail. Le syndicat pourra-t-il toujours intervenir après la promulgation du projet de loi 17?

Notre expérience syndicale nous permet sérieusement de douter que les droits acquis à ces conventions collectives et décrets puissent être maintenus. En effet, en transmutant par l'article 280 les comités syndicaux existants en comités de santé et de sécurité prévus au projet de loi et en ne reconnaissant que les autres pouvoirs et obligations conciliables avec le projet de loi 17, la loi conscrit les comités syndicaux. Elle leur attribue les fonctions décrites à l'article 67 et les prive des autres droits et obligations contractuels qui ne sont pas conciliables avec la loi.

Par exemple, l'appréhension d'un danger tel que décrit à la convention collective des employés du Gaz métropolitain n'est pas conciliable avec l'existence d'un danger normalement et habituellement inhérent. L'existence de conditions susceptibles de mettre la santé et la sécurité en danger, telles que formulées au décret de la construction, peut fort bien être en contradiction avec l'existence d'un danger normalement et habituellement inhérent.

Par la suite, dans l'application des mécanismes de règlement des litiges, les représentants syndicaux seront soumis au rôle que leur impose la loi par le jeu de l'article 280. Ils auront eux-mêmes à convenir du changement à la règle contractuelle et si, d'aventure, le salarié veut déposer un grief, l'employeur plaidera qu'il se trouve ailleurs devant le mauvais forum, que l'instance qui a juridiction pour trancher le litige,

c'est l'inspecteur puis, finalement, la commission.

Plusieurs autres conventions collectives prévoient des mécanismes inconciliables avec les dispositions du projet de loi no 17, soit à propos du droit de refuser un travail dangereux, pour le droit indépendant d'enquête, pour le lieu de discussion et de contestation des conditions de travail ou pour tout autre mécanisme constitué par la loi.

Dans ces circonstances, quiconque connaît les relations patronales-ouvrières peut d'ores et déjà deviner la chance inespérée que le projet de loi donne à un patron qui voudrait reprendre des droits concédés à la suite d'un rapport de force, effectivement. En effet, quelle interprétation donneront la commission, les tribunaux d'arbitrage et même la Cour supérieure ou les tribunaux d'appel aux exigences conciliatoires? Pendant tout le temps que prendront ces mesures préliminaires et dilatoires, en vertu de quelle règle la santé et la sécurité des travailleurs seront-elles protégées? Sur quelle base juridique, par exemple, les parties entreprendront-elles le renouvellement de la convention collective?

Si, par hasard, le syndicat recommandait à ses membres de ne pas se soumettre à une directive émise par le comité paritaire qu'il estimerait contraire à la convention collective, deviendra-t-il alors possible de sanctions d'outrage au tribunal? (Pouvoir, par ailleurs, dont la constitutionnalité est douteusement conférée au Tribunal du travail, division de la Cour provinciale; article 200).

La CSN, M. le ministre, a recommandé à ses syndicats affiliés de considérer les comités paritaires comme lieux de dépôt des revendications des travailleurs. Nous opposons à l'institution des comités paritaires le contrôle démocratique que peuvent exercer les travailleurs à l'intérieur des assemblées syndicales. Le choix du moyen des comités paritaires devrait être laissé aux syndicats.

La CSN estime que non seulement la loi doit reconnaître aux syndicats le droit de s'occuper de la santé et de la sécurité, mais, qu'en plus, la loi doit leur accorder des pouvoirs et des droits minimaux.

Pour assurer une protection aux travailleurs non syndiqués, le gouvernement, quant à nous, doit établir des normes adéquates et se donner les moyens de les faire appliquer rigoureusement. On a ça dans d'autres domaines. On pense au salaire minimum. On pense aux normes minimales de travail, etc.

On nous répliquera peut-être que telle formule n'amènera qu'une protection incomplète. Peut-être, mais qu'y a-t-il de plus utopique que la constitution de comités paritaires dans des entreprises où les travailleurs n'ont pas de syndicat pour les défendre?

Voyons un peu le droit de refuser un travail dangereux. A la lecture du projet de loi, il faut bien constater, malgré la dénonciation vigoureuse des conceptions fatalistes, que la fatalité aura toute sa place lorsqu'elle se fera normalement et habituellement inhérente. Mais quelle est la portée exacte de cette inhérence?

On prétendra que chaque cas en est un d'espèce. On raisonnera par comparaison, en donnant l'exemple du pompier et du policier.

Quant au bruit d'une machine que l'on n'a jamais cherché à éliminer, quant au nouveau produit chimique non répertorié mais mis en marché, quant à l'émanation de gaz et dans une multitude d'autres cas, les travailleurs devront attendre le jugement final de la commission pour savoir s'ils subissaient un danger normalement et habituellement inhérent, car si la loi établit un droit, elle le formule d'une manière complexe. La loi prévoit non seulement que le travailleur a le droit de connaître l'existence d'un danger, mais qu'il en a aussi l'obligation et qu'alors, il doit déterminer si ce danger est normalement et habituellement inhérent. La loi prévoit également que l'employeur, le représentant à la prévention, deux représentants des comités paritaires, dans certaines circonstances d'autres travailleurs à qui le travail est demandé, l'inspecteur et finalement la commission peuvent et doivent réviser le jugement du travailleur afin de l'infirmer ou de le confirmer.

N'aurait-il pas été plus simple de respecter l'intelligence des travailleurs comme le font le règlement 3787, le décret de la construction et plusieurs conventions collectives? Quand il s'est agi des droits de la langue française, par exemple, ce même gouvernement a légiféré d'une manière convenable en laissant aux travailleurs l'initiative de juger. Il appartient alors à l'employeur de démontrer aux travailleurs, le cas échéant au syndicat, puis finalement à l'office que ces exigences sont justifiées. La loi stipule en outre qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être imposée au travailleur en répression de l'exercice de son droit, et vous pouvez vérifier à la Charte de la langue française, je suis certain que vous la connaissez mieux que moi.

Le législateur, dans sa sagesse, n'a pas cru opportun d'imaginer que ce droit puisse être utilisé de mauvaise foi, comme il est dit au projet de loi 17. Bien sûr, la mauvaise foi ne se présume pas, elle se prouve difficilement aussi. Quels sont les précédents qui justifient les craintes d'une utilisation abusive, voire excessive ou irrationnelle, de l'exercice du droit de refuser un travail dangereux, droit déjà reconnu au règlement 3787, au décret de la construction et, encore une fois, dans plusieurs conventions collectives? Pour imaginer de tels abus, il faut méconnaître ou mépriser les travailleurs. Si le mécanisme prévu à la loi ne faisait que rendre compte d'un préjugé, passe encore! Il ouvre cependant la porte à une répression patronale exemplaire. En effet, dès qu'une dernière instance siégeant en révision du jugement du travailleur aurai décidé que l'exercice du droit de refus était mal fondé, l'employeur pourra entreprendre de congédier le travailleur, en alléguant tout simplement sa mauvaise foi. Bien sûr, l'employeur perdra peut-être éventuellement, mais après combien de temps, six mois, un an, deux ans, devant le commissaire du travail ou encore devant le Tribunal du travail. Pendant ce temps-là,

quant à nous, la répression patronale servira d'exemple aux autres travailleurs de l'entreprise.

Les précédents ne manquent pas et on en a des exemples. Il est aussi illégal de congédier des travailleurs qui veulent se former en syndicat que de congédier un travailleur qui se tromperait de bonne foi en cessant un travail. Pourtant, et vous le savez, quotidiennement, des commissaires du travail sont saisis de plaintes de congédiement pour activités syndicales qui prennent six mois, un an et parfois deux ans pour être réglées. Le refus de reconnaître aux syndicats le droit d'arrêter un travail dangereux pour les travailleurs est une capitulation, quant à nous, devant les exigences que pose le patronat.

La loi affirme un droit à la santé et à la sécurité — article 8 — et crée l'obligation pour le travailleur de protéger sa santé et sa sécurité. Elle en interdit cependant l'exercice aux représentants du travailleur. Une telle négation du devoir de représentation des syndicats conduit à des situations aussi absurdes que la suivante: des travailleurs dont la santé et la sécurité sont mises en péril par le travail d'un camarade ne peuvent arrêter de travailler tant que ce dernier ne sera pas arrêté (article 11). Il reste donc aux autres travailleurs d'espérer qu'il devienne suffisamment brave pour exercer son droit en leur faveur.

Enfin, comment peut-on nous expliquer qu'après une attente de six heures le droit et l'obligation d'assurer la santé et la sécurité deviennent moins impérieux? S'agit-il d'un droit prescriptible par six heures d'attente?

Fondamentalement, la CSN n'accepte pas et ne reconnaît pas qu'un travailleur puisse être exposé à un risque normalement et habituellement inhérent. Un droit pondéré à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, ça n'existe pas. Ce droit est naturel, fondamental et inaliénable. Il ne peut supporter de limitation.

On ne peut pas prétendre vouloir éliminer le danger à la source et, par ailleurs, accepter certains risques comme normaux, habituels et inhérents. Ces deux principes, quant à nous, s'excluent. Prétendre permettre leur coexistence, c'est entretenir une absurdité.

La CSN, donc, revendique le droit pour le travailleur ou le syndicat au nom du travailleur d'arrêter de travailler dans des conditions que le travailleur ou que le syndicat juge dangereuses pour sa sécurité ou sa santé ou celle de ses compagnons de travail et ce, sans pénalité. La CSN revendique également que le non-respect, par exemple, par l'employeur des normes, lois et règlements entraîne aussi ce droit.

En attribuant au représentant à la prévention le droit d'enquête, le projet de loi no 17 poursuit son intention avouée d'éliminer les organisations syndicales du domaine de la sécurité-santé. Notre expérience syndicale nous enseigne qu'il n'y a pas de moyens plus démocratiques que le contrôle par l'assemblée générale des mandats exercés par un représentant. Or, la loi n'attribue à la collectivité, laquelle, dans la majorité des cas, est différente de l'organisation syndicale, que le pouvoir d'élire le représentant à la prévention. C'est l'intégrité morale de ce dernier qui garantira l'exercice du mandat. Drôle de réduction que celle qui limite les intérêts d'une collectivité à l'éthique d'un individu.

Si les travailleurs se regroupent en syndicats, c'est pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. La loi vise à les empêcher d'exercer ce rôle en conférant une juridiction exclusive au représentant à la prévention, comme elle le fait, à notre lecture, encore une fois, pour les comités paritaires. (10 h 45)

La CSN revendique le droit, donc, pour le syndicat d'enquêter partout, indépendamment du patron, en tout temps sur tout sujet relatif à la santé et à la sécurité au travail, en utilisant les appareils de mesure nécessaires.

Si les travailleurs ignorent que leurs conditions de travail sont dangereuses, selon le rapport Beaudry et le livre blanc, c'est parce qu'ils ne participent pas aux associations patronales. Il suffirait alors de proposer la création d'un organisme paritaire pour qu'enfin les patrons aient l'occasion de transmettre leurs connaissances. C'est une conception, quant à nous, un peu naïve, comme le rapporte le Washington Post du 12 novembre 1978. Je voudrais dire tout de suite qu'il s'agit là d'un recours collectif, aux Etats-Unis, de travailleurs de l'amiante, soit dans le transport, dans la transformation ou ailleurs, vis-à-vis des compagnies d'amiante, ce qui implique une somme importante. Au procès, parmi les documents déposés en preuve, des lettres et documents en provenance des plus grands producteurs et qui remontent jusqu'à 1934 démontrent que des membres importants des conseils d'administration de la Johns-Manville et de la Raybestos Manhattan ont tenté de cacher que l'amiante représentait un danger potentiel pour la santé des travailleurs. Ces documents indiquent également que les dirigeants étaient autorisés à biffer ou diminuer les passages traitant des maladies provoquées par l'amiante dans les centres de recherche financés par l'industrie. Les doux compagnies nient avoir caché de l'information.

Les documents et témoignages d'anciens dirigeants du secteur de l'amiante déclarent que les industries ont contribué des milliers de dollars pour mettre sur pied des projets de recherche à Saranac Lake, New York, au cours des années trente et quarante, et que les compagnies ont ensuite empêche les chercheurs de publier les résultats des recherches démontrant le danger éventuel pour les être humains que représente l'amiante.

Les documents démontrent qu'un autre important producteur, la compagnie Philip Carey, a ignoré les avertissements donnés par son propre médecin à propos du danger de l'amiante, et qu'elle l'a ensuite congédiée lorsqu'il l'a avisée d'éventuelles poursuites légales de la part des travailleurs atteints d'amiantose.

Des documents en provenance des compagnies démontrent qu'elles ont réglé à l'amiable des réclamations pour maladie ou mort de travail-

leurs qui avaient été exposés à l'amiante plusieurs années, avant même que les compagnies et que l'industrie de l'amiante reconnaissent que l'amiante représentait un grave danger pour les travailleurs.

D'autres documents et des témoignages d'anciens dirigeants établissent que la Johns-Manville, le plus grand manufacturier américain de l'amiante, avait établi la politique, au cours des années soixante-dix, de ne pas dire aux travailleurs que leurs examens médicaux démontraient qu'ils étaient atteints d'amiantose. La politique a été poursuivie même si, au cours des années précédentes, l'industrie de l'amiante avant déjà reconnu l'existence de la maladie et malgré le fait que les dirigeants des compagnies avaient été informés que la maladie est évolutive et mortelle, à moins d'être traitée au tout début.

Après avoir noté dans son rapport que la maladie est irréversible et permanente, Smith ajoute qu'éventuellement une compensation devrait être versée à chacun de ces travailleurs. Mais tant qu'un travailleur n'est pas déclaré invalide, on ne devrait pas l'informer de sa condition de santé pour lui permettre de vivre et de travailler en paix et permettre à la compagnie de bénéficier de ses nombreuses années d'expérience.

Kenneth Wallis Smith, en 1949, était le directeur des services de la médecine pour la Johns-Manville. On trouve cela important de le noter. Quant à nous, c'est toujours, en vertu de cette constatation ou de ces constatations — c'est pourquoi cela nous fait douter — par le pouvoir magique, semble-t-on nous dire, de la parité que ces compagnies et les autres compagnies modifieraient leur comportement et leur profits.

Le juge Beaudry, dans un article déjà cité, donne un bref rappel historique des problèmes de santé et de travail au Québec. En 1916, on parlait de la formation d'un Conseil supérieur d'hygiène dont le personnel serait préposé à la santé des ouvriers. En 1930, il y a eu la création de la Commission Montpetit pour étudier les questions relevant de l'hygiène industrielle et, en 1932, cette commission a remis un rapport, déplorant l'incompréhension du problème, l'insuffisance des moyens d'action en la matière et la carence des recherches appropriées à la santé des travailleurs.

En 1949, c'était la grève de l'amiante, en 1975, également, et on pourrait en citer d'autres. C'est dire que les travailleurs n'ont pas attendu l'information que pourraient leur fournir leurs employeurs pour se convaincre que leurs conditions de travail étaient dommageables à leur santé et à leur sécurité.

L'histoire s'est répétée avec le chlorure de vinyle. Dès 1938, Schauman avait démontré la toxicité de ce produit au cours d'expériences sur les animaux. La chlorure de vinyle cause une forme mortelle et extrêmement rare de cancer du foie. Ce n'est qu'en 1974, aux Etats-Unis, qu'on décrétait que les travailleurs de la production de vinyle ne devaient plus être exposés aux vapeurs plastiques.

La norme initiale d'exposition de 500 parties par million de particules était ramenée à un niveau indiscernable, c'est-à-dire à 1ppm. Au Québec, actuellement, on peut légalement exposer un travailleur à une dose de 500 ppm de chlorure de vinyle et ce, depuis 1971. Pourquoi ce gouvernement, qui prétend se préoccuper de la santé des travailleurs, n'a-t-il pas suivi l'exemple des Américains et ramené la norme à 1 ppm? Parce qu'il n'existe pas d'association sectorielle pour lui souffler le renseignement? Nous, on pense que non.

La mise sur pied d'associations sectorielles risque fort, selon la CSN, de fournir le bon prétexte aux employeurs. Aux demandes d'information provenant du comité paritaire, on répondra probablement que le problème est à l'étude, que la recherche doit se continuer un an, deux ans, cinq ans et qu'entre-temps le travailleur n'a qu'à attendre et à travailler, à assumer sa condition en quelque sorte.

La CSN entend continuer d'informer et de former elle-même ses affiliés et revendique donc la part juste des crédits disponibles qui lui reviennent à cette fin. Pour dénoncer les fabulations des spécialistes de l'amiante, il a fallu — et on le rappelle — que la CSN entreprenne l'enquête indépendante avec les chercheurs du Mont-Sinaï, il y a quelques années.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il faudra repenser la règle de la suprématie de la loi si le projet de loi no 17 est adopté tel que rédigé. Même si l'Assemblée nationale croit adopter une loi s'appliquant à tous les travailleurs et employeurs, la commission — encore une fois, selon notre lecture — peut, de son propre chef, contrevenir à la volonté de l'Assemblée nationale en exemptant de l'application de la loi, en tout ou en partie, des personnes, des travailleurs, des employeurs, des lieux de travail, des établissements et des chantiers de construction. De telles exemptions ont force de loi dès qu'entérinées par le Conseil des ministres, sans que l'Assemblée nationale en soit saisie.

Ce transfert du pouvoir législatif au pouvoir exécutif et à une commission indépendante est encore plus menaçant lorsqu'il comprend le pouvoir général de réglementer et le champ d'application de la loi et les modalités d'application de la loi. Un tel pouvoir est nettement antidémocratique. Bien sûr, il y a un précédent. Le moratoire (ou la sorte de semi-moratoire) que le gouvernement du Québec a consenti à l'industrie et de l'amiante est certainement un des précédents les plus accablants. Mais à tout le moins, dans ce cas, ce ne sont pas les membres de l'Assemblée nationale qui se sont défilés de leurs responsabilités.

Plusieurs des pouvoirs de la commission sont excessifs, notamment: le pouvoir d'établir des catégories d'établissements et de chantiers de construction; de déterminer ce que constitue une association syndicale ou patronale aux fins de l'article 173; de déterminer les moyens et équipements de protection en fonction des catégories

qu'elle établit; de déterminer qui est incapable d'exécuter un travail en fonction de ses capacités physiques; de définir les contaminants et matières dangereuses.

La délégation des pouvoirs à des comités réduits et la concentration de pouvoirs sont également abusives et excessives. Elles constituent, selon la CSN, le risque fort inquiétant d'engendrer une bureaucratie soustraite aux contrôles démocratiques.

Par l'institution de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le gouvernement entend confier à une mutuelle patronale le contrôle des fonds de recherche, le financement du coût des inspecteurs, le rôle de prévention, la responsabilité de la recherche, de la formation, de l'information, l'établissement des normes de contrôle et l'appel des décisions des inspecteurs et, finalement, l'établissement de programmes de santé et la réparation des torts.

Nous estimons que, pour assurer vraiment la santé et la sécurité au travail, il est impérieux et fondamental de ne pas permettre que de tels conflits d'intérêts existent. Nous suggérons que la réparation et la compensation soient laissées à la commission qui agira à seul titre d'agent payeur; que le traitement, la prévention et la recherche soient confiés à la responsabilité du ministère des Affaires sociales; que soit établi — on trouve important d'y réfléchir — un bureau des normes indépendant; que l'inspectorat relève entièrement du ministère de l'environnement. Nous savons qu'il n'y a pas de ministère, mais on a un ministre délégué à l'environnement. Alors, c'est, peut-être, une suggestion, en passant, qui devrait être retenue. Enfin, que la formation et l'information soient laissées aux organisations syndicales pour les travailleurs syndiqués et à un autre ministère qui n'est pas directement en conflit d'intérêts pour faire la formation et l'information auprès des non-syndiqués.

Voyons un peu l'inspectorat. A défaut de la formation d'un organisme tel qu'une régie de santé au travail, qui aurait pu regrouper tous les services d'inspection sous une même autorité, tel que le recommandait M. Beaudry, il faut prévoir le regroupement de tous les inspecteurs dans un organisme indépendant. Cela afin d'assurer une cohérence et une efficacité aux enquêtes. En effet, certains inspecteurs autorisés à faire enquête sur la qualité de l'environnement ne peuvent parfois poursuivre leur enquête parce qu'elle tombe alors sous une autre juridiction, celle de la CAT, par exemple, ou encore celle des mines.

Comme le rapportait le juge Beaudry, il faut éviter que les inspecteurs soient intégrés à un ministère dont l'une des vocations comporte la promotion d'intérêts économiques contradictoires avec la défense des droits des travailleurs. La CSN revendique donc que le nombre des inspecteurs en santé et en sécurité soit augmenté, qu'ils soient soustraits aux influences en contradiction avec leur travail et qu'il y ait regroupement des inspecteurs qui sont responsables de l'application des lois. Au ministère de l'Environnement, c'est la même suggestion.

La médecine du travail. Afin d'assurer un régime réel de prévention et de traitements médicaux, il est d'une absolue nécessité d'affirmer l'indépendance complète de tout l'aspect médical. Nous ne pouvons aucunement faire confiance, quant à nous en tout cas, aux médecins des compagnies. Nos craintes se fondent sur des expériences vécues dans l'amiante, à la QIT, ou dans plusieurs usines où les médecins des compagnies se soumettent davantage aux intérêts des compagnies qu'aux intérêts des travailleurs. Le vice-président exécutif du Conseil du patronat, M. Dufour, a fait preuve d'honnêteté en avouant, au cours de l'émission Forum, à Radio-Canada, que le médecin de la compagnie, en fait, était un gestionnaire.

Nous sommes d'accord avec la disparition des médecins de compagnie. Nous nous opposons donc au mécanisme que prévoit le projet de loi 17 en référant à une entente devant intervenir au comité paritaire ou, à défaut d'entente, à une décision de la commission ou du chef du département de santé communautaire. D'autant plus que le projet de loi, quant à nous, invente un nouveau mécanisme pour s'assurer qu'en cas de désaccord au comité paritaire et même s'il n'a pas été agréé par le centre hospitalier, le médecin de compagnie peut s'adresser à la Commission des affaires sociales, auquel cas la préférence lui sera accordée; l'article 92 dit explicitement ceci: "En tenant compte... de la qualification du médecin, de sa compétence scientifique, de son comportement, de son observance des règlements et plus particulièrement de son expérience pertinente dans le domaine de la médecine du travail. " Le projet de loi 17 réaffirme donc, quant à nous, la préférence aux médecins de compagnie dont traitait le livre blanc.

Notre régime médical a toujours reconnu, comme garantie d'une pratique médicale de qualité et comme fondement de l'acceptation de traitements, la liberté du choix du médecin.

Nous estimons qu'il ne doit pas y avoir d'exception à cette règle lorsque les maladies ou accidents surviennent à l'occasion du travail. En conséquence, nous revendiquons le droit pour le travailleur de choisir son médecin ce qui signifie également le droit de refuser d'être soumis aux examens des autres médecins.

Au plan collectif, pour les études épidémiologiques, pour la recherche, pour établir le plan de prévention, pour effectuer le dépistage, etc., la reconnaissance du même droit doit entraîner que le médecin responsable soit choisi par le syndicat ou l'ensemble des travailleurs s'il n'y a pas de syndicat.

Dans ce cadre, les médecins ainsi que les établissements publics appelés à dispenser les soins de santé doivent être sous la juridiction du ministère des Affaires sociales et les médecins choisis par les travailleurs doivent avoir accès aux équipements, services et établissements publics, DSC, CLSC, etc.

Le droit de choisir son propre médecin et le droit collectif de choisir un médecin responsable du programme de santé doit obligatoirement entraîner que l'agrégation de ces médecins ne soit

pas soumise au contrôle des centres hospitaliers. La liberté du choix du médecin implique la reconnaissance par les autorités publiques de son droit d'exercice de la médecine, mais surtout les employeurs ne doivent pas pouvoir demander et obtenir que le médecin choisi par les travailleurs soit démis, comme le permet l'article 91. Car enfin, pour quel motif une compagnie demanderait-elle le congédiement d'un médecin? Pour manque de compétence dans la prestation des soins auprès des travailleurs? On s'interroge là-dessus.

Cette liberté pour le syndicat de choisir un conseiller en qui il peut avoir confiance ne doit pas se limiter au seul médecin. On pense aux ingénieurs, aux hygiénistes, aux ergonomes, aux toxicologues, aux audiologistes et à plusieurs autres experts qui peuvent intervenir et parfois plus adéquatement que les médecins eux-mêmes. La loi doit reconnaître le droit de pouvoir recourir à ces spécialistes sans entrave.

Les infractions et les pénalités. Dans un article publié dans la revue suédoise, Now, le Dr Lund-gnen rapporte que l'industrie forestière suédoise a réduit son taux d'accident de 27% et la gravité des blessures subies de 50% en remplaçant le plan boni par la paie mensuelle.

Dans un article publié dans le journal Le Devoir, le président de la CAT, Robert Sauvé, rapporte qu'à l'avenir il y aura responsabilité partagée et que plusieurs verront dans ce changement l'amorce du "no-fault" en matière d'accident du travail. Personnellement, je pense qu'il ne peut pas en être autrement, conclut-il.

Voilà. Puisque les travailleurs siègent au comité paritaire, puisqu'ils ont leurs représentants à la prévention, puisque maintenant ils ont des droits et des obligations, ils deviennent responsables de leur état de santé et de leurs conditions de sécurité. S'ils sont responsables, ils peuvent donc être poursuivis. D'où la nécessité du chapitre XIV. (11 heures)

Ce que vise le projet de loi 17 par la création d'obligations pour les travailleurs, par l'attribution de fonctions aux comités paritaires et par l'établissement de lourdes amendes, c'est d'établir un véritable régime policier — quant à nous, c'est la conséquence — à l'usine, dans les établissements, sur les chantiers, dans les mines.

Le comité paritaire a pour premier devoir de choisir les équipements de protection. Le travailleur a comme première obligation de connaître le programme de prévention que lui a destiné le patron et de porter l'équipement de protection. Le représentant à la prévention a pour première fonction d'appliquer le programme établi par le patron et de surveiller si les équipements de protection sont portés. Dès que le travailleur est pris en défaut, il est passible d'une amende allant jusqu'à $500. Lorsqu'on obtient une ordonnance du Tribunal du travail, on peut alors le condamner à $5000 ou à une peine d'emprisonnement d'un an. Voilà l'objectif de la loi: utiliser un travailleur, le représentant à la prévention comme police du patron, tel qu'on le perçoit. Son rôle sera d'obliger les travailleurs à se soumettre au programme de pré- vention du patron, lequel sera probablement l'ancien code de discipline.

La CSN s'oppose à ce que les travailleurs soient condamnés, parce que ce sont les employeurs qui sont responsables des conditions dangereuses et qui devraient avoir l'obligation de les éliminer à la source. D'ailleurs, le niveau des amendes souffre de démesure. Selon le projet de loi, un travailleur peut être condamné à $500, ce qui représente approximativement 5% du salaire moyen d'un travailleur. C'est donc deux ou trois semaines sans paie. Pour la Johns-Manville, pour la Reynolds, pour la ITT, pour Noranda et combien d'autres, $1000 ne correspondent pas ou ne représentent pas 5% des revenus annuels de ces compagnies.

En conclusion, nous sommes d'accord avec le ministre Marois, quand il écrit que les dangers et les risques ne sont pas inhérents au milieu du travail et que tous doivent ne pas les accepter comme faisant partie de la réalité quotidienne. Pourquoi, M. le ministre, ne présentez-vous pas un projet de loi sur la santé et la sécurité en accord avec ce principe? C'est une revendication fondamentale de la CSN.

Nous sommes d'accord avec le juge René Beaudry quand il écrit que les politiques décisionnelles de l'entreprise sont généralement dictées par la notion du profit et la volonté de la réaliser. Nous sommes d'accord avec lui quand il écrit, dans l'article déjà cité, que l'ingénieur a souvent à faire face à certaines situations conflictuelles entre sa responsabilité et le "Corporate Policy" et qu'il en résulte, à longue échéance, une perte d'intérêt et une fuite de dialogue quant aux aspects humains de l'exercice de sa profession. Nous ajoutons que cette situation conflictuelle n'est pas seulement vécue par l'ingénieur, mais par tous les cadres de l'usine et qu'elle ne nous étonne pas. Comme les travailleurs, ces cadres font face au même employeur et vivent toujours dans la crainte de rater une promotion, d'être congédiés s'ils émettent une opinion ou prennent une décision que leur employeur considère contraire à ses intérêts.

C'est pourquoi nous pensons que les signataires du rapport Beaudry s'illusionnent grandement quand, pour justifier, l'institutionnalisation du comité paritaire de salubrité, ils écrivent, d'une part, et je cite: "Dans l'exercice quotidien de ses responsabilités, l'employeur doit déléguer ses pouvoirs à des représentants qui attachent plus de prix à des valeurs humaines, telles que la salubrité et la santé, qu'à l'attrait du profit." D'autre part: "Le personnel de cadre doit s'adapter aux exigences nouvelles en cette matière (santé et salubrité au travail) et bien comprendre qu'il s'agit là d'une des réformes sociales les plus importantes. On est en droit d'attendre les mêmes efforts de compréhension et d'adaptation de la part de spécialistes de toutes les disciplines qui exercent une activité quelconque reliée à la vie de l'entreprise. Presque toujours en situation d'intermédiaire entre les intérêts de la gérance et ceux de la main-d'oeuvre, les cadres et spécialistes n'en sont pas moins tenus

de travailler, de rechercher et de proposer des solutions en accord avec une prise de conscience objective des nécessités sociales."

Enfin, pourquoi l'employeur, qui sait très bien que l'élimination des dangers à la source représente un coût, que l'établissement de conditions hygiéniques représente un coût, que l'application de programmes de santé et de sécurité représente un coût, que la reconnaissance du droit de refuser un travail dangereux représente un coût, que l'indemnisation complète des malades et des accidentés représente un coût, pourquoi cet employeur, par la seule vertu d'une structure, le comité paritaire de santé et de sécurité, deviendrait-il soudainement préoccupé par la santé et la sécurité des travailleurs de son usine au point d'y déléguer, pour le représenter, des cadres hautement humanisés avec mandat d'y défendre non pas le "Corporate Policy", mais la santé et la sécurité des travailleurs? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait avant aujourd'hui? Pourquoi les cadres, les spécialistes se sentiraient-ils soudainement l'âme de héros par la seule vertu magique de l'existence de ce comité paritaire de salubrité? Pourquoi oseraient-ils recommander et approuver des solutions dont ils savent que leur employeur ne veut pas?

Il faut être assuré de son gagne-pain et de sa pension pour imaginer qu'un salarié, fût-il cadre, puisse se permettre de jouer seul au héros social.

Il y a longtemps que les travailleurs ont compris cette réalité. C'est pourquoi ils ne peuvent s'en remettre à une action individuelle ou isolée. Les travailleurs savent que c'est en s'orga-nisant et en luttant collectivement qu'ils réussissent à améliorer leurs conditions de travail et, ainsi, leur santé et leur sécurité.

Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est la seule loi du profit qui guide les employeurs dans le choix de leurs décisions, même celles qui concernent la santé et la sécurité au travail. Toute notre expérience syndicale nous enseigne aussi que tous les beaux discours sur la collaboration et sur la participation ne changeront rien au rapport de force qui est inhérent à la réalité économique dans laquelle nous vivons. Toute notre expérience nous enseigne que les écrits, les textes de loi, les structures mises en place par un gouvernement ne sont pas neutres, qu'ils favorisent l'une ou l'autre des deux parties en présence, l'employeur ou les travailleurs, et que ce qui les détermine, c'est l'utilisation que peut en faire l'une ou l'autre des parties.

En conséquence, nous revendiquons la promulgation d'une loi qui assure vraiment la santé et la sécurité des travailleurs. Une loi qui protégerait vraiment les travailleurs, pour nous, reconnaîtrait, premièrement, que les dangers et risques ne sont pas inhérents au milieu du travail, que c'est à l'employeur de démontrer que le danger n'existe pas. Cette loi ferait en sorte qu'il y ait suffisamment de moyens prévus pour permettre l'élimination des dangers à la source, reconnaîtrait aux travailleurs et aux syndicats, au nom des travailleurs, le droit d'arrêter de travailler dans des conditions que le travailleur ou le syndicat juge dangereuses pour sa santé et sa sécurité et ce, sans pénalité, le non-respect, par l'employeur, des normes, lois et règlements entraînant aussi ce droit; reconnaîtrait aussi aux syndicats le droit d'enquêter partout, en tout temps, sur tout sujet relatif à la santé et à la sécurité au travail, indépendamment du patron ou de tout comité paritaire; reconnaîtrait le droit à la pleine sécurité d'emploi et du salaire en cas d'accident ou de maladie du travail; reconnaîtrait notre droit au médecin de notre choix et au paiement de la compensation sur la base de son diagnostic.

Entre-temps, le gouvernement, quant à nous, doit, au lieu de mettre en veilleuse l'application des normes existantes, augmenter le nombre d'inspecteurs et faire rigoureusement appliquer les normes. Déjà, pour nous, si les normes existantes étaient appliquées d'une façon réelle et raisonnable, la situation serait améliorée sensiblement.

En outre, le gouvernement doit améliorer la loi 52 visant les victimes de l'amiantose et de la silicose et l'étendre à toutes les victimes des maladies du travail; supprimer les restrictions concernant l'indemnisation aux veuves de moins de 35 ans; supprimer les dispositions qui empêchent de poursuivre les tiers; supprimer les dispositions qui empêchent de poursuivre l'employeur en cas d'accident ou de maladie du travail; donner aux syndicats le droit de poursuivre à l'occasion de violation par les employeurs des lois et règlements ayant trait à la santé et à la sécurité au travail; recouvrer des compagnies les coûts des traitements nécessités par les accidents ou les maladies du travail.

Avec votre permission, M. le ministre, quelques mots supplémentaires sur l'analyse que nous avons faite de la loi article par article. Juste pour vous citer un exemple: la formulation de l'article 280. Quant à nous, nous pensons que le gouvernement a la responsabilité de regarder cette partie d'une façon sérieuse, parce que, quand on traite de la conciliabilité de ce qui peut exister dans une convention collective avec la loi, ça pose, quant à nous, un problème réel, et c'est pourquoi vous allez constater, dans notre analyse article par article, que nous faisons des suggestions. Nous interprétons, bien sûr, la loi. Vous y retrouverez notre lecture de cette loi. Mais nous faisons aussi un certain nombre de suggestions qui, quant à nous, devraient intervenir sur l'article 3, l'article 7, l'article 280, par exemple.

A la page 6 de notre analyse, à l'article 280, par exemple, on propose d'ajouter, après le deuxièmement, "lorsque... et au troisièmement, "l'association accréditée en fait la demande" et modifier le dernier paragraphe ainsi, "un tel comité jouit dès lors des droits et est assujetti aux mêmes obligations qu'un comité de santé et de sécurité constitué en vertu de la présente loi" — on fait référence aux comités syndicaux — "en outre de tout droit, pouvoir ou obligation stipulé à la convention collective". C'est pour indiquer que, quant à nous, il faut clarifier ce point-là, et il ne faut pas placer les travailleurs

dans une situation où ils auraient acquis des choses importantes, des gains importants et ils les perdraient par toutes sortes de mesures dilatoires d'interprétation de la loi, etc. Nous pourrons revenir sur d'autres exemples comme ceux-là au cours du débat.

Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. Je donne maintenant la parole au ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier les porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux, de la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et de la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois.

Evidemment, il y a beaucoup de choses dans l'ensemble de ces trois mémoires et du document en annexe que j'ai lus — bien sûr, vous le devinez — certainement très attentivement, je parle de ces quatre documents, en y incluant l'annexe. Je suis heureux de constater, quand même, que dans un certain nombre de points, et même un certain nombre de points fondamentaux, comme vous l'avez évoqué dans votre exposé, M. le Président, comme cela ressort, d'ailleurs, du document annexe, en particulier, que vous reconnaissez qu'il y a quand même, dans le projet de loi, de votre point de vue, un certain nombre de choses qui sont valables. C'est déjà ça de pris comme point de départ.

Je voudrais redire... Chacun peut faire ses lectures, pour reprendre votre expression, la lecture du projet de loi, je vous expliquerai un peu la lecture que nous avons faite des différents mémoires que nous avons reçus. Il n'en reste pas moins que fondamentalement l'objectif essentiel que vise le gouvernement du Québec, c'est d'essayer de se donner le meilleur outil juridique possible; quand je dis "se donner", je veux dire de donner à l'ensemble de la collectivité québécoise le meilleur projet de loi, le meilleur outil juridique possible nous permettant de viser à éliminer les causes mêmes d'accidents et de maladies. Je ne reviendrai pas sur les déclarations de fond qui soutiennent cet objectif, le fait que nous ne croyons pas que doive se perpétuer une conception fataliste du travail, je ne reviendrai pas sur le fait... Vous l'avez évoqué dans un sens, mais il ne faut pas perdre de vue, non plus, l'autre direction. Vous avez évoqué cette notion de profit qui est attachée à l'entreprise, mais la situation actuelle, il y a un certain nombre d'entreprises, en tout cas pour ceux qui ne sont pas capables de calculer plus loin que leur commencement de bout de nez et qui ne raisonnent qu'en termes de chiffres sur le plan économique, on ne perd certainement pas de vue le fait que l'état actuel d'accidents et de maladies, sur la base des chiffres connus — et j'ai toujours dit que mes chiffres étaient modérés — présentement, comme sociétés, sur la base des derniers chiffres qu'on a en main, on s'est payé — quand je dis "on", cela exclut non seulement la personne qui parle parce que, pour l'essentiel, ce sont les entre- prises qui ont assumé ce coût — des coûts économiques directs et indirects de $2 500 000 000; les chiffres sont modérés, encore une fois.

Il y a un certain nombre — pas suffisamment, loin de là — d'entreprises qui ont commencé à considérer ces chiffres. En d'autres termes, je ne pense pas que la perspective même, l'état, les faits, la lecture, simplement, des faits, nous donne une situation bloquée. Je pense qu'au contraire, on bénéficie d'une situation qui peut permettre, à condition qu'on s'y mette ensemble, d'ouvrir une perspective de changements, et de changements fondamentaux. Bien sûr, on n'a jamais pensé, et je pense que personne ne croit — je ne crois pas que les hommes et les femmes qui travaillent y croient, non plus — qu'on pourra y arriver, pour reprendre l'expression, comme je l'ai souvent utilisée, du célèbre architecte Le Corbusier, à des usines vertes en deux jours ou en deux mois. C'est un travail qui se devra d'être continu.

Les résultats, sur la base d'expériences concrètes, vécues, dans divers coins, que ce soit la Saskatchewan, que ce soit l'Allemagne, que ce soit la Suède, qui ont fait leur réforme à la mesure de leurs réalités sociales et économiques, à la mesure des ressources financières possibles, disponibles, sachant que tout ne peut pas être fait en même temps, le résultat net pour ceux qui ont un peu d'ancienneté dans ce domaine — je pense à la Saskatchewan, notamment, à l'Allemagne — que c'est après une période de quatre ou cinq ans, et les comités paritaires sont un des instruments... Vous avez semblé — encore une fois, peut-être que de mon côté, je fais une mauvaise lecture de votre mémoire ou de vos commentaires — indiquer que pour atteindre cet objectif, le canal, le moyen, l'instrument, comme si c'était quelque chose d'unique, c'est le comité paritaire. (11 h 15)

Cela me semble être une lecture peut-être un peu courte du projet de loi, à moins qu'il ne soit à ce point ambigu ou confus et qu'il suppose des clarifications; ce qui est fort possible, remarquez. Mais je tiens à signaler quand même que dans les réformes menées par d'autres provinces ou d'autres pays et même, d'ailleurs, dans bon nombre de conventions collectives signées au Québec et indépendamment des comités paritaires issus de l'arrêté en conseil 3787 émanant de la Loi des établissements industriels et commerciaux, des comités paritaires négociés, des comités paritaires, d'ailleurs, qui apparaissent dans des conventions collectives négociées dans les toutes récentes années et sur la base de l'expérience des coins qui ont de l'ancienneté, on a constaté que par un ensemble de mesures cohérentes et qui se tiennent, et en impliquant directement ceux qui sont concernés et leurs représentants... je reviendrai d'ailleurs là-dessus.

En Allemagne et en Saskatchewan, on a pu constater après une période de quatre ans, une cassure importante dans le nombre d'accidents et de maladies, à la condition de s'y mettre. Dans ce sens-là, encore une fois, les comités ne sont qu'un des outils.

En restant toujours dans le domaine des remarques plus générales pour l'instant — encore une fois, c'est purement ma lecture et je ne veux surtout pas être injuste, c'est le droit légitime de n'importe quel groupe de faire valoir son point de vue, la façon qu'il l'entend, pour faire en sorte qu'à l'occasion d'une discussion comme celle-là dans une commission parlementaire, à la lumière des éclairages, des recommandations, des suggestions et des points de vue des divers groupes on en arrive ensemble — c'est le seul objectif qu'on doit viser — je vais exercer mon droit de refus ou c'est lui qui exerce son droit de refus — savoir qu'on se donne le meilleur projet de loi possible. C'est le seul objectif qu'on peut avoir.

Dans votre mémoire il y a, au fond, aussi un discours et vous étayez ou étoffez une lecture, dites-vous, du projet de loi; ça c'est une chose. A partir notamment d'un discours du président de la Commission des accidents du travail du Québec ou de commentaires formulés par la Commission Beaudry, c'est une façon d'étayer un discours, mais je pense bien qu'il ne revient ni au président de la Commission des accidents du travail du Québec, ni à une commission qui a déjà siégé, qui nous a fait connaître son point de vue, il me semble que ce n'est pas par ce biais-là que se traduit la volonté d'un gouvernement. Que vous vous fondiez sur des déclarations de membres du gouvernement, que vous vous fondiez sur certaines de mes déclarations, ça m'apparaît plus que légitime, ça m'apparaît tout à fait fondé. C'est ce qui trace l'approche, la conception, les visées, les objectifs que le gouvernement se donne.

Partant de là, et cela étant dit, je voudrais formuler un certain nombre de commentaires, questions, vous permettant de réagir là-dessus. Bien sûr, je ne pourrai pas tout reprendre, mais je voudrais vous dire en passant, parce qu'il me semble y avoir — je l'ai relu encore très attentivement, hier — un certain écart quant au discours, entre l'annexe et le mémoire. Je vais revenir en détail là-dessus, un peu plus loin, m'en tenant, pour l'instant, au mémoire, à la page 27. J'avoue honnêtement que je ne comprends pas. A la page 27 vous nous proposez que la réparation et la compensation soient laissées à la commission... que le traitement, la prévention et la recherche soient confiés au ministère des Affaires sociales et aussi, si je comprends bien l'ensemble du contrôle du domaine de la santé... Un bureau des normes indépendant, l'inspectorat regroupé, je pense qu'on s'entend là-dessus sur l'idée fondamentale qu'il faut qu'il y ait là un regroupement.

Nous ajoutons à cela et je voudrais vous dire tout de suite en passant, et cela ne s'écrit pas dans un projet de loi, que le gouvernement a l'intention de s'assurer et de faire en sorte que les ressources humaines et financières requises soient là. Déjà, le livre blanc indiquait, sur des espèces de projections et d'hypothèses de projections de coûts, qu'on proposait de faire passer de $8 millions à $11 millions l'ensemble des ressources financières dans le domaine de l'inspectorat. On est en train de procéder à une analyse de l'opérationnalisa- tion, de la réorganisation des services d'inspection, de leur regroupement et de leur régionalisation, parce qu'on croit qu'il est important qu'il y ait une présence permanente en région. Je dois remettre dans les meilleurs délais, dès que je le pourrai, des recommandations très précises au Conseil des ministres en ce sens. C'est donc notre intention arrêtée d'aller dans cette perspective.

Ce que je ne comprends pas, c'est que vous nous proposiez, quant à ce morceau-là, le ministère de l'environnement. Il y a l'autre morceau qui revient, quant à la formation et à l'information. En d'autres termes, notre opinion — et c'est aussi la lecture que j'avais cru faire de certaines recommandations ou suggestions antérieures de la CSN; remarquez que je peux me tromper; je donne cela sous réserve — c'était qu'il fallait mettre un terme à l'émiettement des morceaux. Vous nous dites, en passant: Commencez donc par appliquer les lois, les règles et quelques emmanchures de bouts de règlements qui existent; déjà, si c'était appliqué et respecté, ce serait un pas considérable en avant. Je vous dis que vous avez parfaitement raison là-dessus, sur les faits. Cependant, un des problèmes majeurs — je pense que je commence à en parler un peu en connaissance de cause pour voir la machine administrative d'en dedans — c'est l'émiettement de tous les morceaux dans toutes les directions.

Ce n'est pas juste le fait de regrouper qui va régler notre problème. C'est une des dimensions essentielles que le regroupement des services d'inspection et qu'on arrête d'émietter cela, d'assurer leur régionalisation, tout en maintenant des coins où cela va supposer de la spécialisation. Il est évident que les inspecteurs, par exemple, pour le secteur minier ne supposent pas le même genre de qualifications et de compétence que dans le secteur de la construction. Ce sont deux choses bien différentes. Donc, cela n'exclut pas la spécialisation. On est bien d'accord là-dessus.

Mais vous nous proposez encore le maintien de toute une série de morceaux émiettés sous divers contrôles de coins de l'administration, de façon différente, bien sûr, car vous ne retransposez pas la réalité actuelle. J'avoue que je ne comprends pas parce que je demeure, jusqu'à nouvel ordre, profondément convaincu que cela va nous replacer très rapidement dans le même état d'émiettement où vous avez sept lois présentement, vingt règlements — tout cela va être regroupé en un morceau — et pas loin de six coins de l'administration publique qui touchent à cela, avec les résultats qu'on connaît: quand on veut essayer d'organiser le déclenchement d'un certain nombre d'opérations bien orchestrées et qui permettent de mettre ensemble non seulement la fameuse approche qui vise à corriger des choses, vous le dites et avec raison: II y a des choses qui ne réparent pas dans ce domaine et il est temps qu'on s'attaque à la racine même des maux. Si on veut arriver à cela, il me semble qu'il faut, au contraire, regrouper les morceaux et s'assurer que l'organisme qui pilote l'essentiel de tout cela est un organisme au conseil d'adminis-

tration duquel les représentants des travailleurs siègent à part entière. J'avoue que j'aimerais avoir quelques explications là-dessus, parce que honnêtement je ne suis pas certain, je ne comprends pas.

Une chose sur laquelle je voudrais m'arrêter tout de suite... Vous y revenez dans votre analyse article par article dans l'annexe. Incidemment, je tiens à vous dire tout de suite qu'on va examiner à la loupe les recommandations qui sont contenues dans l'annexe. Il y a un certain nombre de recommandations — je ne vous le cacherai pas; je vais vous le dire comme je le pense — qui m'apparaissent intéressantes à première vue, en tout cas qui méritent d'être examinées de très près et on va le faire. Je ne dis pas qu'on va retenir ce qu'il y a là-dedans. Je dis qu'on va les étudier au mérite. Il m'apparaît qu'il y a des choses intéressantes.

C'est d'ailleurs, dans votre annexe que vous signalez qu'il y a certaines choses qui sont introduites dans le projet de loi, qui ne sont quand même pas si mal que cela, que ce soit l'introduction du retrait préventif, que ce soit l'introduction du fait que, si un inspecteur a recours, comme quelque chose d'ultime, à la fermeture d'un coin d'une entreprise, l'employeur sera obligé dorénavant de payer les hommes et les femmes qui se trouveraient à être privés de leur travail pendant une certaine période, la période requise pour corriger les problèmes à la source.

Je voudrais, très rapidement, m'arrêter à l'article 48. Quand on parle de la lecture des textes qu'on fait, les uns et les autres, je comprends qu'à partir de l'analyse que vous faites de divers commentaires, de divers points que vous ramassez, vous regardiez le projet de loi avec peut-être beaucoup de suspicion, dans le genre: que peut-il y avoir de caché derrière chaque mot?

Je ne vous cacherai pas que j'ai abordé votre mémoire et l'annexe avec beaucoup d'ouverture d'esprit. On va regarder très attentivement toutes et chacune de vos recommandations, malgré une lecture ou un discours qui, parfois, peut me paraître un peu excessif.

A l'article 48, par exemple, vous dites: — c'est une façon de lire des textes de loi — Le premier point d'un programme de prévention, c'est l'identification. Vous le formulez presque — c'est comme ça que j'ai écouté encore attentivement, ce matin — vous présentez encore cela comme étant une priorité. Je ne veux pas être injuste, mais c'est encore un peu comme ça que j'ai compris votre intervention: ça va être l'identification des moyens et d'équipements de protection individuelle. Vous ne mentionnez pas le paragraphe 3 de l'article 48; on peut bien mettre le paragraphe 3 à la place du paragraphe 1, ça ne changera rien sur le plan de l'interprétation juridique.

Ce qui est fondamental à l'article 48 — on le dit dans le premier paragraphe et remarquez que s'il y a des ambiguïtés, si ce n'est pas clair, je suis prêt à regarder les textes pour être sûr qu'ils disent bien ce qu'ils doivent dire et que ça ne peut pas prêter flan à interprétation qui soit autre que les objectifs visés — le premier paragraphe dit que le programme de prévention — donc l'ensemble de ce que doit contenir le programme de prévention — a pour objectif d'éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. Donc il y a obligation pour un employeur. Ce qui est une chose complètement nouvelle. Il n'y a aucune loi qui oblige actuellement les entreprises à se donner un programme de prévention, incluant, notamment, "des programmes d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail..."

Vous avez évoqué en annexe — on va le regarder, parce que je pense que vous mettez le doigt sur quelque chose qui est réel; nous, on pensait que c'était intégré dans la notion d'organisation du travail — la question des plans bonis. On pourrait évoquer aussi autre chose, dans certains cas les horaires brisés, l'organisation du travail, l'équipement. L'équipement dont on parle là, ce n'est pas l'équipement de sécurité individuelle, c'est l'équipement à l'intérieur, la machinerie, etc., le matériel, les contaminants, les matières dangereuses, les procédés d'utilisation. En d'autres termes, ça vise essentiellement l'environnement même du travail, si on veut corriger à la source et viser à éliminer à la source. S'il y a ambiguïté là-dessus, si ça ne vous apparaît pas clair, je suis bien prêt à regarder à nouveau, mais, il me semble que, à ma connaissance, sous réserve, je ne sais pas si d'autres lois ou d'autres projets de loi incluent une chose comme celle-là, c'est prévu chez nous.

Il y a des recommandations que vous faites dans votre annexe, en particulier concernant les définitions des contaminants en matières dangereuses, les maladies professionnelles, notamment, mais non exclusivement, conne dirait l'autre, qui, à mon avis, méritent d'être regardées de très près.

Il y a vos commentaires concernant — je pense que vous avez raison, il faut les lire l'un en regard de l'autre — les articles 7 et 280. Vous craignez que l'article 280 vise — c'est presque comme si vous nous disiez: C'est votre intention cachée et on vient de la trouver — à réduire les pouvoirs, les acquis des syndicats. (11 h 30)

Je vais le dire et ça ne vous convaincra probablement pas, mais ce n'est pas notre intention. On n'a jamais visé à réduire les droits d'une association accréditée, bien au contraire. Il y a d'ailleurs un syndicat qui est venu témoigner devant nous, il y a quelques jours, et de son point de vue — c'était un point de vue; cela vaut ce que vaut un point de vue — basé sur sa pratique, il disait que sur la base de son expérience, précisément à cause des articles 7 et 280, il percevait cela à l'opposé, il le voyait comme la possibilité, lors de l'entrée en vigueur, de faire en sorte que l'essentiel de ce qu'il a d'acquis se trouve accru, à la hausse.

Maintenant, si le texte tel qu'il est des deux articles prête à ambiguïté, on va le réexaminer très

attentivement dans cette perspective-là. Il n'est certainement pas dans notre intention de réduire l'acquis. Quand on parle, par exemple, à l'article 280 — je voudrais donner un exemple pour illustrer ma pensée — de ce qui est ou n'est pas conciliable, ne perdez pas de vue que l'article 280, bien sûr, touche les conventions collectives, touche aussi la Loi des établissements industriels et commerciaux. Vous avez, dans l'arrêté en conseil 3787, les articles 14.3.1 et 14.3.2 qui concernent les comités paritaires créés en vertu de la Loi des établissements industriels et commerciaux. Vous savez qu'en vertu de cette loi-là et de ce règlement-là étaient créés des comités dans le cas où il y avait vingt travailleurs et une fréquence de 25 accidents par million d'heures de travail. Il est évident que cela devient quelque chose qui est inconciliable, puisque la perspective est d'aller au-delà de cela.

Je prends un autre exemple. Le comité de sécurité — c'est l'article 14.3.2 — doit être composé d'un nombre égal de représentants de travailleurs et d'employeurs. Cela devient inconciliable dans la mesure où le projet de loi dit qu'il doit y avoir au moins — je le formule dans mon jargon, quitte à se coller au texte — un nombre égal de travailleurs et de représentants de l'employeur, ce qui n'exclut pas qu'il y ait un plus grand nombre de représentants des travailleurs, parce qu'on sait fort bien que, dans des entreprises de plus grande taille, il y a des roulements, il y a des horaires, de telle sorte qu'il est important d'assurer une présence. C'est beaucoup plus dans ce sens-là. On va regarder, partant de là quand même, vos commentaires là-dessus.

Il y a une chose additionnelle que je tiens à vous dire. Cela ne m'apparaît pas nécessaire de le dire dans la loi, mais si vous pensez... C'est que vous accrochez à tout cela toute une série d'interprétations, auxquelles interprétations — je vous le dis en toute honnêteté — je ne suis pas capable de me rallier, parce que je ne fais pas la même lecture du texte probablement, non pas probablement, sûrement. Vous dites, par exemple, que vous craignez, en quelque sorte, que les travailleurs, les hommes et les femmes syndiqués, dans le cas où il y a un syndicat, qui seront désignés par le syndicat pour siéger sur le comité paritaire, que vous perdiez, comme groupe d'hommes et de femmes organisé en un syndicat, le contrôle sur eux, en d'autres termes, que cela devienne quelque chose qui soit manipulé pour l'essentiel par l'employeur et dans un cadre juridique figé.

Au fond, je me demande si, analogiquement, vous ne faites pas le même genre d'analyse dans le cas du représentant à la prévention, c'est-à-dire qu'essentiellement, l'idée est que les travailleurs ont le droit et les syndicats... parce que dans le cas où il y a un syndicat... Peut-être que le texte est ambigu, mais je voudrais vous dire là-dessus tout de suite clairement notre intention. Nous croyons que le même mode de nomination du représentant à la prévention doit prévaloir que pour le mode de nomination des membres du comité paritaire, c'est-à-dire essentiellement que, dans le cas où il y a un syndicat, cela doit être fait par le syndicat conformément à ses règles, à ses règlements, à ses procédures, par son mode de fonctionnement. Si le texte est ambigu là-dessus, on va le regarder de très près. La seule chose qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir jonction, qu'un représentant à la prévention doit être un de ceux ou de celles qui siègent sur le comité paritaire, partant de l'idée qu'il est normal que pour les hommes et les femmes au travail, dans le cas où il y a un syndicat, il y ait un minimum de permanences libérées pour faire un certain nombre de tâches que vous demandez, d'ailleurs. Quand vous dites, par exemple, que le syndicat doit avoir le droit d'enquêter, le représentant à la prévention est issu de qui et d'où?

Si le texte est ambigu, quant à son choix, la façon de le nommer, je viens d'expliquer exactement ce qu'on vise, si on ne fait pas la même lecture du texte — je comprends qu'on ne fait pas la même lecture du texte — on va le regarder en conséquence, mais notre intention est très claire, et précisément, notamment, est donné au représentant à la prévention qui est choisi par le syndicat, dans le cas où il y a un syndicat, le droit de procéder à des inspections et qu'il ait du temps libre pour ce faire...

Une chose additionnelle: Partant de là, le syndicat qui a le pouvoir de nommer, conformément à ses règlements et le reste, ses membres... le pouvoir de nommer, c'est vrai que ce n'est pas dit dans la loi, mais l'interprétation juridique normale, me semble-t-il, d'un texte comme celui-là, c'est que le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir de dénommer. Le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir d'exiger que quelqu'un rende compte de son mandat. Le pouvoir de nommer entraîne que, le cas échéant, des mandats, des directives, des perspectives soient indiqués au représentant de la même façon qu'un syndicat qui élit un exécutif, souvent dans des résolutions, lui donne des mandats, lui donne des indications et le reste. Je comprends qu'on ne fait pas la même lecture du texte de loi — on va le regarder — mais j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Il y a une chose que je voudrais dire, en passant, qui est une des recommandations de la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie, des produits chimiques, c'est le retrait du mot "positif". Vous aurez noté, j'espère — je présume que c'est une autre bonne chose — que c'est dans le projet de loi. On a eu l'occasion d'en discuter avec des représentants patronaux, il y a quelques jours, de cette proposition qui est dans le projet de loi.

Je ne veux pas abuser, je pense que j'ai déjà pris passablement de temps. Il y a seulement une dernière chose sur laquelle je terminerais. C'est la question du droit de refus. Il y a certaines interrogations que vous formulez, qu'on va regarder. Bien sûr, vous dites — en un certain sens, c'est vrai, cela existe dans le décret de la construction, cela existait dans l'arrêté en conseil 3787, mais vous savez comme moi le genre d'application que cela a reçu —. Il n'y en a pas eu beaucoup. Les cas

et la jurisprudence dans ce domaine, cela ne fait pas six pieds d'épais. On sait fort bien, et vous savez fort bien pourquoi, en particulier, dans le domaine de la construction. Vous demandez l'introduction du refus par le représentant syndical. Le travailleur ou le syndicat, en son nom — c'est la proposition que vous formulez en annexe — a le droit d'arrêter de travailler dans les conditions que le travailleur ou le syndicat juge dangereuses pour sa santé ou sa sécurité. Vous savez probablement qu'il n'y a aucune loi au monde qui contient ce que vous demandez. La loi qui va le plus loin, à notre connaissance, au monde, quant à l'introduction de l'initiation du droit par un représentant syndical, c'est la loi suédoise, qui est relativement récente. Les Suédois ont leur façon de procéder. Ils mettent une loi à l'essai et, par la suite, cela devient quelque chose qui est confirmé. Donc, cela a commencé vers 1976 ou 1979. Vous savez que dans le texte de loi suédoise, c'est uniquement dans le cas de danger grave et immédiat. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Quand la Suède l'a introduite, quand elle s'est rendue là, elle n'avait pas loin de 30, 35 ou 40 ans de social-démocratie dans le corps, il y avait plus de 90% des hommes et des femmes au travail qui étaient syndiqués, qui étaient organisés, ce qui est loin d'être notre situation au Québec. On a encore un bout de chemin à faire.

C'est une première chose. Je m'excuse, je vais terminer là-dessus, je ne serai pas long. Même si j'ai tendance à être un "verbo-moteur", je pense que je peux me permettre de me faire aller un peu, ce matin. Quant à l'interprétation que vous donnez à l'expression "normalement et habituellement inhérent", je comprends qu'au fond votre crainte, en tout cas, une de vos craintes — et elle est légitime — est que, dans une entreprise où on ne respecterait pas des normes élémentaires, où il est habituel, dans le sens que c'est presque une tradition de fonctionnement dans l'entreprise, à savoir que c'est insalubre de façon inacceptable, l'interprétation de l'expression "normalement et habituellement inhérent" à la fonction soit de conclure et de dire: C'est traditionnellement insalubre dans l'entreprise. Donc, conclusion, voilà un beau cas où ça ne s'applique pas. C'est ça, fondamentalement, votre crainte. Je comprends ça et je comprends votre crainte.

Mais, ce qu'on vise, c'est ce qui est inhérent à la fonction, à la tâche. On donnait le cas — vous l'avez évoqué — du policier et du pompier, et tout le monde va convenir que le gars de la brigade criminelle, il y a quelque chose qui est dangereux dans son métier. Il y a quelque chose qui est inhérent... Quand un gars part pour procéder à l'arrestation de gens qui sont armés et en train de commettre un acte criminel, je pense que tout le monde va admettre qu'il y a un danger là. Le pompier qui monte — le feu, jusqu'à nouvel ordre, ça brûle — c'est déjà un métier où il y a quelque chose d'inhérent au métier. Cela ne veut pas dire que rien ne doit être fait et il est possible, d'ailleurs, de faire des choses pour faire en sorte de réduire les risques au maximum. Là, il y a quelque chose qui est inhérent à la fonction.

Une entreprise qui serait dans un état d'insalubrité depuis X années, qui n'a rien fait, strictement rien, ça, ce n'est pas inhérent à la fonction. C'est peut-être inhérent aux habitudes de fonctionnement de l'entreprise, et nous, là-dessus, ce qu'on dit, comme bon nombre d'autres et comme vous autres: II faut que ça change. Cela, ce n'est pas inhérent à la fonction. Donc, c'est notre distinction dans les faits.

Si le texte, quant à la l'interprétation juridique cependant, peut mener à des ambiguïtés d'interprétation, si ça devait être interprété par des tribunaux ou des arbitrages, on va regarder le texte dans cette perspective. Franchement, j'ai déjà évoqué le cas. C'est un cas réel, le cas des pompiers. Je pense que tout le monde va quand même admettre qu'il y a quelque chose qui est inhérent à leur fonction qui est déjà dangereuse. Cela n'a pas empêché, par exemple, en Saskatchewan, des pompiers d'exercer le droit de refus. Il y avait des pivots, des échelles, sur un cas très concret, qui étaient dans un état de délabrement qui faisait que, par grands vents, quand les pompiers étaient en haut de l'échelle, ils risquaient d'être projetés en bas. La solution, ce n'est certainement pas de les attacher à l'échelle. Ils ont exercé leur droit de refus à l'occasion d'une pratique. Ils n'avaient pas réussi, par le fonctionnement de leur comité paritaire, à obtenir que le problème soit réglé à la source et corrigé à la source. Ils ont utilisé ce recours, qui est un recours ultime. Ils l'ont utilisé. Ils ont obtenu gain de cause et cela a été réparé.

Je pense qu'il y a là une distinction. Là-dessus, je pense que la commission apprécierait avoir votre opinion, premièrement, quant à certaines situations particulières où c'est vrai qu'il y a un danger qui fait partie de la fonction, en prenant les cas des policiers, brigade criminelle, pompiers. Quelle est votre réaction face à ces situations, premièrement, à la lumière de la recommandation que vous faites?

Deuxièmement — un autre cas qui a été évoqué — lorsque la santé d'autres personnes pourrait être mise en péril dans l'exercice du droit de refus. Je tiens à dire à nouveau qu'à mon avis — on va le regarder sur le plan juridique — le non-respect des normes, ce n'est pas quelque chose qui est inhérent à une fonction ou à une tâche. C'est anormal. Ce n'est pas acceptable, et ça ne doit pas bloquer l'exercice du droit de refus.

Voilà, M. le Président, je m'excuse. J'ai été déjà pas mal long. Ce sont pas mal de commentaires et de questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le Président, M. Rodrigue.

M. Rodrigue: M. le Président, très brièvement, à mon tour, je voudrais apporter quelques réflexions ou réponses aux questions du ministre. (11 h 45)

D'abord, je voudrais dire que notre lecture a été fortement influencée par les discours de ceux qui ont précédé notre discours; je pense au président de la CAT, je pense au rapport de la

commission Beaudry. Quand on se réfère à ce qu'a dit le président de la CAT, on est porté à croire que notre lecture, à certains égards, à plusieurs égards, d'ailleurs, est peut-être très correcte sur certains désaccords que vous appelez parfois certaines craintes.

Je voudrais tout de suite, pas dans l'ordre, nécessairement, souligner qu'en ce qui concerne la question, à la page 27, de la dispersion des moyens que vous avez nommés, autant en ce qui concerne l'inspectorat qu'un certain nombre d'autres lieux pour régler d'autres choses, effectivement, la tradition à la CSN, à venir jusqu'à récemment, a toujours été d'essayer d'éliminer les multiples juridictions, notamment au chapitre de l'inspectorat. On a toujours cherché et on a toujours plaidé que cela devait être de juridiction, en ce qui concerne l'inspectorat, du ministère du Travail, dans le temps. On avait des positions en 1966. Au CCTMO, au cours des années, on a maintenu ces positions jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps, un an ou un an et demi, et maintenant, la CSN, dans l'évaluation de sa pratique, dans l'évaluation de la réalité, en est arrivée à d'autres conclusions. Pourquoi? Parce que, d'abord, on considère que la commission, effectivement, devrait être seulement un agent payeur pour nous à cause des conflits que ça peut engendrer quant au reste des juridictions.

Le ministère des Affaires sociales, en ce qui concerne le traitement, la prévention et la recherche, cette responsabilité devrait lui être confiée parce que nous pensons que sa vocation, comme ministère des Affaires sociales, est en plein celle qui correspond à ces besoins, en termes de juridiction. On pense que les expériences, le vécu au cours des années et les moyens mis en place dans le réseau des affaires sociales, en termes de réseau intégré, permettent et motivent cela.

Quant au bureau des normes, M. le ministre, je voudrais souligner que cela ne nous apparaît ni farfelu, ni inventé parce qu'il existe des pays, effectivement, en Occident, où il y a des bureaux de normes indépendants. Cela existe même sur le plan international. En ce qui concerne l'inspectorat, ce sur quoi nous sommes d'accord, c'est que l'inspectorat soit regroupé, que ses énergies ou ses moyens soient regroupés à un endroit. Nous pensons qu'il nous faut viser l'objectif de regrouper l'inspectorat dans un forum où il n'y a effectivement aucun conflit d'intérêts de vocation sur le plan économique, etc., sur ce plan. C'est pour cela qu'on en est arrivé à suggérer l'environnement parce qu'on a connu des expériences où parfois les inspecteurs de la CAT ou les inspecteurs d'un autre ministère n'arrivaient pas à aller jusqu'au bout dans leurs enquêtes. Finalement, c'était parfois l'environnement qui finissait par terminer les travaux ou, à la suite de pressions, aller au moins essayer de vérifier la situation.

En ce qui concerne le cinquièmement, la formation et l'information, j'ai compris que vous aviez compris l'importance de cette revendication et que cela ne créait pas de confusion dans votre esprit. Nous soutenons que la formation et l'infor- mation, cela doit être laissé aux organisations syndicales qui doivent elles-mêmes former les travailleurs, les militants, les responsables qui ont à agir sur ce plan.

Je voudrais revenir à...

M. Marois: Juste un commentaire là-dessus, en passant, ce qui n'exclut pas, dans notre esprit, pour autant, qu'il y ait, en plus, un certain nombre de programmes-cadres d'information, qu'ils soient à l'échelle nationale, qu'ils soient sectoriels. Ce qu'on dit — et le projet de loi, je pense, est bien clair là-dessus — vous savez que des représentants patronaux ont contesté l'article de la CAT sur lequel la commission prétendait se fonder et croyait avoir juridiction pour verser des subventions aux associations accréditées. On dit: De toute façon, c'est fini ce débat juridique là en ce qui nous concerne, puisqu'il y a un article très précis dans le projet de loi qui prévoit que des ressources financières requises doivent être mises à la disposition des associations accréditées, pour qu'elles puissent développer leur propre programme d'information et de formation. On est d'accord là-dessus.

Si vous me permettez — je m'excuse de vous interrompre, M. le Président, en passant — il y a une chose qui me chicote, parce que je me demande vraiment comment vous pouvez en arriver à conclure cette interprétation-là. Ça m'a fait un peu sursauter et j'avais oublié de le mentionner. Dans le cas des médecins, vous semblez, à la lecture de toute une série d'articles et notamment d'un passage de l'article sur l'appel à la Commission des Affaires sociales, conclure qu'en bout de ligne, ça accorderait la préférence à des médecins qui étaient déjà là. J'aimerais avoir des explications sur cette question aussi.

M. Rodrigue: J'ai un commentaire sur la dernière question. Le critère de l'expérience pertinente en médecine du travail nous indique que, par ce biais-là, la conclusion et le résultat seraient que ce serait le médecin de compagnie qui, une fois entré dans le réseau des Affaires sociales, serait susceptible de revenir à ce chapitre. C'est pourquoi on a soulevé le problème et on a soulevé la question.

Vous avez posé plusieurs questions et je veux être bref aussi. Pour répondre à certaines autres questions que vous avez soulevées, il y a des intentions que vous avez annoncées, il y a une interprétation différente de la nôtre que vous faites de la loi. C'est bien sûr, c'est bien évident, on le constate ce matin. Pour revenir à cela, vous dites: Notre objectif, c'est de faire en sorte de se donner le meilleur projet de loi possible. Notre objectif, à la CSN, c'est qu'il y ait un projet de loi sur la santé et la sécurité, mais qu'il atteigne effectivement le résultat qu'on escompte. La lecture juridique — et je comprends les préoccupations, il faut, dans une législation, prévoir le plus grand nombre de choses, mais quant à nous, il y a des expériences que nous vivons, qui nous démontrent que non seulement on a raison d'avoir des craintes, mais parce qu'on vit avec ces problèmes-là tous les jours, on

sait comment ça ce passe, notamment sur certaines questions.

Vous dites que votre intention n'est pas de réduire les droits des syndicats accrédités, par exemple, au moment où on se parle. Sur ce point-là, la philosophie fondamentale de la loi, toute la philosophie de fond du projet de loi no 17, nous conduit à cette conclusion-là. Comment — et j'aimerais vous poser la question à mon tour — allez-vous traduire dans le projet de loi votre intention réelle, si c'est celle-là, en ce qui concerne deux points en particulier, les comités paritaires et l'article 280 que vous avez soulevé tout à l'heure? Qu'est-ce que vous allez faire comme amendements pour permettre aux syndicats, par exemple, de négocier indépendamment des règles que fixe la loi? Ce que je veux dire c'est que la loi est là, on la considère comme un minima. Est-ce que les syndicats pourront négocier les conditions supérieures et est-ce que ces conditions ne seront pas mises en cause par le conciliabilité prévue à l'article 280? C'est une question importante en ce qui nous concerne, à cause des acquis que nous avons et à cause de l'avenir.

Il est vrai que le taux de syndicalisation au Québec est moins élevé qu'en Suède, mais on ne commencera pas à se décrire cette réalité-là, on la connaît trop tous les deux et on sait trop de quoi cela dépend. C'est le même phénomène dans le cas du refus pour le décret de la construction. Vous m'avez dit: Combien de cas y a-t-il eu en ce qui concerne le décret de la construction? Dans la construction, l'application du décret, comme dans plusieurs établissements industriels et commerciaux, est aussi reliée à l'ensemble des conditions et des droits qu'ont les travailleurs. Sans sécurité d'emploi et sans ancienneté dans la construction, c'est ce qu'on dit depuis des années, c'est quasiment impensable que le règlement, le décret soit appliqué de façon raisonnable, parce que chaque fois qu'un travailleur veut l'appliquer, il est menacé de mise à pied, il est menacé de congédiement, ou d'autres mesures disciplinaires.

Toujours sur le droit de refus, vous dites: "Notre intention, n'est pas de réduire les pouvoirs des syndicats existants". Sur les conventions collectives, d'une part, j'ai posé la question.

D'autre part, sur le droit de refus, comment pouvez-vous nous expliquer que la loi qui constamment réfère aux droits d'un travailleur, partout dans la loi, on réfère aux droits d'un travailleur, on ne réfère jamais aux droits des travailleurs; le travailleur, un travailleur, etc.. Comment pouvez-vous nous expliquer, dans le cas du droit de refus — vous donniez l'exemple de la Saskatchewan — qu'un syndicat peut, dans certains cas, exercer un recours légitime — vous avez utilisé cette expression — en termes de droit de refus, soit par le biais de la concertation ou autrement, sur le plan des arrêts de travail quand cela n'a pas fonctionné, qu'ils puissent recourir à cela avec l'existence du Code du travail qui prévoit, par exemple, des délais de grèves légales, etc? J'aimerais que vous nous donniez votre opinion là-dessus et que vous nous disiez quelles sont vos intentions, parce que le Code du travail interdit la grève illégale. C'est défini par le code, comme étant un arrêt de travail concerté. Alors, on présume que quand un travailleur arrête, exerce son droit individuel que d'autres travailleurs sont concernés par le danger existant ou font la même interprétation que le travailleur de la situation, à ce moment, la situation n'est pas corrigée quand on a suivi l'ensemble des processus de la loi. Des travailleurs se concertent et arrêtent de travailler; c'est une grève illégale.

Donc, si des travailleurs se concertent, comme je le dis, sans que le projet no 17 ou sans que la loi 17 explicitement leur permette ce droit collectif de refuser, on se retrouve dans une situation — je me permets de vous le dire — où on va nous dire, encore une fois, qu'on est dans un cas de grève illégale et où les syndicats vont être passibles de poursuite, d'outrage, de prison, d'injonction, etc.

Je voudrais également commenter un autre point que vous avez soulevé quand vous parlez des termes utilisés en ce qui concerne le danger inhérent à l'emploi ou à la fonction. Pour nous, ce n'est pas tellement une question juridique. C'est une question de réalité de tous les jours. On se bute... C'est une question philosophique aussi, parce que quand vous nous donnez l'exemple du policier — entre moi et vous — qui s'en va à l'occasion d'un vol dans une caisse populaire où il y a des bandits qui sont en train de voler $30 000, c'est parce qu'on décide que les $30 000 ont suffisamment de valeur pour mettre en danger la vie de trois ou deux gars. C'est un choix économique qu'on fait. On choisit de protéger $30 000 et...

M. Marois: M. le Président, comment réagissez-vous quand il s'agit des gars de la même brigade, que ce soit $5000, $3000 ou $300, et en plus avec des otages détenus en-dedans, est-ce que vous admettez qu'il y a là un côté qui est un peu dangereux dans ce métier?

M. Rodrigue: Cela ne règle pas... l'exemple que vous me donnez est le genre qui se produit, bien sûr. Mais je dis — ce sont des exemples qui se sont produits sur une échelle — qu'il y a un certain nombre de choix qui sont faits quand on est dans cette matière.

Alors, quand on parle du danger inhérent, en fonction d'une fonction ou d'un emploi donné, quant à nous, le problème fondamental demeure l'objectif fondamental que vous dites rechercher et qu'on dit rechercher, c'est-à-dire l'élimination des dangers à la source.

On sait que dans la pratique, les employeurs, constamment, en vertu de 48 que vous m'avez cité tout à l'heure, en présumant qu'il y a un programme de prévention, une des premières tâches du comité paritaire qu'on touche là-dedans, une fois que l'objectif global est défini, c'est l'équipement, les instruments, les appareils protecteurs, etc.

Ce qu'on dit, ce qu'on soutient fondamentalement, c'est que ces appareils vont être utilisés et considérés comme des moyens temporaires, parce

que l'objectif, c'est l'élimination du danger à la source.

(12 heures)

Le projet de loi ne précise pas ça. Il ne nous indique d'aucune façon que ces moyens sont des moyens temporaires pour essayer de régler la situation, ce qui nous fait dire que l'agent de prévention, le comité paritaire vont être des agents de l'employeur pour forcer les travailleurs à respecter d'abord le port d'équipement et, ensuite s'ils ne le font pas, à agir au niveau des pénalités. C'est pour ça qu'on dit que, dans la loi, on n'est pas protégé contre ces tactiques; on peut avoir raison dans deux ans, mais effectivement, pendant ce délai, il y a une foule de travailleurs qui ne pourront pas de fait exercer leurs droits à cause de la peur, des craintes, etc.

Ce sont effectivement nos prétentions et nous pensons que, sur ce plan, toutes les interprétations sont possibles et que nous serons dans plusieurs situations de complications. Comme on vous l'a dit tout à l'heure, il y a des droits fondamentaux qui sont reconnus, comme le droit à la syndicalisation; on est constamment appelé à défendre des gars et des filles congédiés pour activités syndicales. C'est un peu le même phénomène qu'on craint dans le projet de loi no 17.

Quant à la nomination des membres des comités paritaires et au fait que le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir de dénommer, nous ne sommes pas de cet avis, tel que nous interprétons la loi actuellement. Nous pensons que si ça n'est pas clarifié sur ce plan...

M. Marois: Le pouvoir de dénommer?

M. Rodrigue: Bien sûr, ou que le pouvoir appartient à celui qui nomme, il a ce pouvoir de dénommer, de changer son représentant. Vous nous dites: C'est ça qu'on veut dire, c'est ça qu'on recherche, c'est ça qu'on interprète. Alors, on pense que...

M. Marois: Je vais le faire regarder. Mes juristes disent toujours que le pouvoir de nommer entraîne celui de dénommer, mais, si vous pensez que ça ajoute quelque chose de l'ajouter, je veux bien le regarder.

M. Rodrigue: Cela est une chose, M. le ministre, mais quand vous nous dites: Le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir de dénommer, en même temps vous nous dites: On veut reconnaître au syndicat, aux travailleurs et aux travailleuses qui sont là, le pouvoir de nommer son représentant. Mais dans quelle situation se retrouve-t-on quand, dans une usine, on est en présence de 1000 travailleurs et qu'il y en a 500 d'organisés syndicalement? Les 500 autres sont organisés dans trois autres unités d'accréditation ou pas du tout. Est-ce que c'est le syndicat encore qui va nommer le représentant pour l'ensemble des travailleurs de l'usine? Qu'est-ce qui va arriver? On risque d'être noyé dans une série de regroupements, même si on est organisé. Alors, ce sont ces problèmes qu'on voit venir.

M. Marois: Est-ce que dans le cas de la loi 101 le même problème ne s'est pas posé?

M. Rodrigue: Je pense qu'effectivement nous nous retrouvons dans une situation similaire.

M. Marois: Et est-ce que des solutions n'ont pas été trouvées entre les parties à condition d'avoir une certaine souplesse et de respecter un certain nombre de règles de base? Est-ce qu'on n'en est pas arrivé à des situations où ces problèmes ont pu être résolus...

M. Rodrigue: Oui, mais vous admettrez avec moi...

M. Marois: ... à condition d'essayer d'éviter de figer les choses?

M. Rodrigue: ... que ce n'est pas la même situation quotidienne, quand même. Vous avez cru bon dans le projet de loi...

M. Marois: Dans le cas de la loi 101, pour les comités paritaires, je prends note que ce n'est pas la même situation. Je prends aussi note que vous faites la comparaison avec la loi 101 pour la mauvaise foi.

M. Rodrigue: Je parlais des conséquences de nominations; ce ne sont pas les mêmes effets et ça n'a pas les mêmes conséquences. Je pourrais vous dire que vous avez cru bon d'être plus clairs dans la loi 101 sur un certain nombre de choses et que, dans le projet de loi no 17, c'est plus confus.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, remercier les gens de la CSN, de la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, ainsi que la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois du mémoire, des documents et de l'annexe qui ont été déposés ce matin. Je voudrais saluer cordialement tous les travailleurs et membres de la CSN qui ont jugé bon de venir prendre contact avec la commission parlementaire réunie pour étudier le projet de loi no 17 et souhaiter la bienvenue avec beaucoup de respect et mes salutations bien distinguées, au groupe de dames qui sont venues à la commission ce matin qui pourraient nous parler des effets des mesures que nous allons adopter ou que nous sommes appelés à adopter éventuellement.

M. le Président, je vais me limiter à un bref commentaire et à des questions. J'aimerais bien entendre M. Rodrigue sur les commentaires que je vais formuler sur l'interprétation qu'on donne ou qu'il donne et que nous donnons, du côté de l'Opposition officielle, au projet de loi 17, et j'aurai quelques questions par la suite.

Vous déposez un mémoire ce matin dans lequel vous dites: Nous souscrivons au principe. Nous sommes d'accord sur plusieurs des éléments

qui sont contenus dans le projet de loi 17. Déjà, jusqu'à maintenant, plusieurs intervenants ont eu l'occasion de nous dire la même chose, à savoir qu'essentiellement ils étaient d'accord sur les objectifs recherchés, jusque dans une certaine mesure, sur l'approche qui est donnée et sur le principe du projet de loi, sans pour autant être d'accord sur le libellé et certains aspects bien spécifiques du projet de loi.

Ce qui est proposé dans le projet de loi 17, l'objectif recherché, comme c'était écrit dans le livre blanc, quoique c'est peut-être plus difficile de le retrouver dans le projet de loi 17, c'est qu'on procède collectivement, conjointement à l'élimination des causes d'accidents et de maladies industrielles.

Tout le monde convient, autour de cette table, dans tous les partis politiques et parmi tous les intervenants, qu'on ne peut pas tolérer et qu'on ne peut pas accepter, qu'un gouvernement ne peut pas accepter et qu'un individu ne peut pas accepter, comme membre d'une société, qu'on continue à se payer ce dommage-là et se payer cette situation qu'on a chaque année, avec toutes les implications que cela peut comporter, les milliers de dossiers qui sont ouverts chaque année à la Commission des accidents du travail, encore là des centaines de milliers de requêtes et de réclamations qui sont présentées, plus de 200 personnes qui y laissent leur vie par année. C'est inacceptable et il faut agir.

Le gouvernement a traduit des objectifs, a déposé un livre blanc sur lequel certains groupes ont été consultés. Ce livre blanc a abouti à un projet de loi-cadre qu'on est à étudier actuellement. Ce projet de loi vient surtout faire une réforme de la structure. C'est ce que nous croyons. Ce projet de loi établit les nouveaux mécanismes. Ce projet de loi nous parle d'une participation plus active, d'une prise en charge véritable par les travailleurs des mécanismes et leur participation aux services de santé et de sécurité. Encore là, on peut être d'accord là-dessus, mais, essentiellement, que fait ce projet de loi? Il vient créer une Commission sur la santé et la sécurité au travail qui aura un mandat particulier, qui aura, entre autres, l'aspect, l'obligation de rédiger les programmes de santé et les adopter avec un pouvoir réglementaire qui nous apparaît comme étant exorbitant. On aura, au sein des entreprises, un mécanisme de participation employeur-employés, avec les comités paritaires. Je pourrai y revenir tantôt. Tout l'aspect médical du dossier ou du problème est remis dans le réseau public, dans les services publics avec les centres hospitaliers et les services de santé communautaire, les CLSC, etc.

Vous avez longuement fait état dans votre mémoire des comités paritaires. C'est peut-être là un problème d'interprétation. Peut-être que l'interprétation qu'on donne aux articles relatifs aux comités paritaires n'est pas bonne. Nous n'avons pas la prétention d'avoir la vérité absolue, mais vous lancez ce matin dans le débat les mêmes inquiétudes que celles que nous avons. Le minis- tre nous dit: On va voir tout cela; on va peut-être corriger certains articles; le libellé de notre texte n'est peut-être pas suffisamment clair à certains égards. Je me dis essentiellement ceci: Les comités paritaires, c'est une structure qui, dans certains cas, ne sera pas nouvelle. C'est une structure qui peut être valable et concluante en autant qu'elle a des pouvoirs. C'est bien de parler de structure, de mécanismes de participation et de prise en charge par les travailleurs, de participation de ceux-ci aux problèmes de santé et de sécurité, mais encore faut-il qu'à l'intérieur de ces mécanismes, aux endroits où ils ont des pouvoirs, aux endroits où ils ont une place ils aient des pouvoirs.

Nous avons proposé — vous en avez peut-être pris connaissance — nous avons formulé le voeu que, pour ce qui concerne le comité paritaire, il n'y ait pas d'obligation comme telle dans la loi dans le sens que, dans les entreprises où il y a déjà des syndicats, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'établir dans la loi un mécanisme de comités paritaires. Il nous apparaît, quant à nous, que dans les industries, les entreprises où il y a des syndicats, c'est une chose qui est négociable. Jusqu'à maintenant, dans plusieurs catégories d'industries, dans plusieurs catégories d'entreprises, il y a déjà des comités paritaires qui sont le fruit, somme toute, d'une négociation, parce qu'on a au Québec — vous pourrez revenir là-dessus peut-être — des comités paritaires comme ceux-là qui ont négocié. On a déjà atteint des objectifs par la négociation, objectifs qui sont recherchés par le projet de loi.

Je crains que cela impose une certaine limitation aux possibilités pour les travailleurs de participer véritablement à la définition, aux obligations et aux droits qui sont édictés en vertu du projet de loi 17. D'abord, votre position sur la possibilité que, dans les entreprises où il y a des syndicats, il n'y en ait pas, que ce soit laissé à la libre négociation des parties, votre interprétation des pouvoirs du comité paritaire, eu égard aux articles 63 et 64 — je me permets de les reprendre parce que c'est important — on en a discuté brièvement jeudi soir, à la toute fin des travaux de la commission.

L'article 63 du projet de loi donne les fonctions du comité de santé et de la sécurité du travail. Il y a deux éléments dans ces articles — c'est de 1 à 13: Premièrement, les fonctions du comité sont de choisir les moyens et les équipements de protection individuelle qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs de l'établissement; deuxièmement, d'établir, au sein du programme de prévention, des programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité — je vous épargne la nomenclature de tout le reste — troisièmement, faire des recommandations; quatrièmement, coopérer — ce n'est pas trop décisionnel — intervenir, faire des recommandations à l'employeur, etc.

A l'article 64, on peut voir ce qui arrivera dans les cas où, à l'intérieur du comité de santé et de

sécurité, il y a désaccord, qu'est-ce qui arrive effectivement? "En cas de désaccord au sein du comité relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63, les représentants des travailleurs adressent par écrit leurs recommandations aux représentants des employeurs qui sont tenus d'y répondre par écrit". Là, c'est l'enclenchement du processus d'appel à la Commission de santé et de sécurité, la commission provinciale.

L'interprétation qu'on en donne, c'est que les pouvoirs sont quand même très limités pour les comités de santé et de sécurité à l'intérieur d'une entreprise, puisqu'il y aura un droit d'appel de prévu seulement dans les cas de l'application des premier et deuxième alinéas de l'article 63. Pour le reste, on peut se poser la question, à savoir ce qui adviendra ou ce qui arrivera. Le ministre en donne une interprétation différente. Je ne sais pas s'il a eu le temps d'y réfléchir en fin de semaine, de regarder cela avec ses juristes, mais il pourrait tout au moins prendre quelques minutes, après que vous aurez fait vos commentaires, pour nous répondre là-dessus, s'il y a des éléments nouveaux à apporter au dossier. Quant à nous, nous croyons que si on veut donner de véritables pouvoirs à ces comités, on devra élargir l'application de l'article 63 et les mécanismes d'appel, nécessairement.

Il y a un autre aspect. Nous croyons — j'aimerais bien, encore une fois, avoir votre opinion — nous avons soutenu, et nous le soutenons encore, que la commission, au lieu d'établir des programmes de santé qui s'appliqueront à toutes les entreprises du Québec, à toutes les catégories d'entreprises, même à la petite entreprise qui a douze employés, aurait dû — le projet de loi devrait le dire, le projet de loi devrait le prévoir — intervenir dans des secteurs prioritaires avec un objectif à atteindre dans certains secteurs prioritaires où il y a des problèmes. On sait qu'il y a des problèmes dans certains secteurs de l'industrie, dans certains secteurs des entreprises. Intervenir avec des normes spécifiques à ces entreprises, c'est la crainte qu'on a.

Vous aurez des représentants des travailleurs qui siégeront à cette commission. Vous avez de l'expérience des comités paritaires, des grandes commissions et des participations et tout ça. Nous craignons, quant à nous, que cette commission édicte des normes qui, dans les faits, seront minimales. C'est là, le danger, quant à nous. Normes minimales qui auront l'effet suivant: Dans certains secteurs de l'industrie, il y a des entreprises qui ont des blâmes à prendre, il y a des entreprises qui n'ont pas rempli leurs responsabilités et ça, on a eu l'occasion d'en parler jusqu'à maintenant et on aura l'occasion d'en reparler quand certains groupes comparaîtront devant nous. (12 h 15)

II y a aussi au Québec des entreprises à l'intérieur desquelles la relation employeur-employé, à la suite d'une négociation pour le renouvellement de la convention collective... Il y a, dans ces entreprises, des efforts qui ont été déployés et des objectifs qui ont été atteints. Dans certaines catégories d'entreprises, il y a des normes spécifiques qui s'appliquent, des normes qu'on s'est données. Nous craignons, quant à nous, qu'on fasse table rase de tout ça et que le droit pour la commission d'édicter un programme-cadre de santé qui s'appliquera à certains secteurs de façon vague et générale avec les limitations que ça peut impliquer, avec toute la pondération, parce qu'on peut présumer qu'il y aura une certaine pondération de tout ça au niveau de la commission; il y a des facteurs qui vont être nettement déterminants, le facteur économique, le facteur de la possibilité, pour certaines catégories d'industries, de s'adapter techniquement à des normes édictées et tout ça... Somme toute, la grande crainte que nous avons, c'est que ce soit une norme strictement minimale et que ça fasse table rase de ce qui est déjà au-delà de la norme minimale dans certaines catégories d'industries.

Si on tient pour acquis que les programmes de santé devraient s'appliquer dans les secteurs prioritaires, si on tient pour acquis, par sucroît, que dans ces secteurs — on peut présumer qu'ils sont largement syndiqués — les comités de santé seraient possibles lorsque les deux parties le veulent, le syndicat et l'employeur, lorsque le syndicat le veut, nous disons: Les syndicats, par la négociation, pourraient faire davantage pour aller au-delà de la norme minimale, mais nous croyons que le comité paritaire, tel qu'institué et tel que défini en termes de pouvoirs à 63, 64, soit une limitation aux pouvoirs des travailleurs en ce sens-là.

C'est là le sens de mon premier commentaire. Il y a des questions. J'aimerais bien avoir votre position là-dessus, et je reviendrai avec des questions plus spécifiques, entre autres, sur le sujet tout à fait contentieux qui laisse place à l'interprétation, qui est la notion du droit de refus.

M. Rodrigue: Avec votre permission, je voudrais dire d'abord que nous sommes d'accord avec une loi — nous l'avons exprimé — le patronat aussi est d'accord avec une loi. Mais nous ne voulons pas une loi qui ne veut rien dire. On veut une loi qui dit ce que nécessite la situation en termes de correction, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, ce que nous disons quant au comité paritaire et des syndicats, pour essayer de synthétiser notre position, c'est que, peu importe ce que le gouvernement ou l'Opposition donne comme interprétation généreuse du rôle des syndicats, nous, ce que nous savons, c'est que les employeurs, eux, après l'adoption de la loi, vont en donner une interprétation restrictive et ils vont tenter de limiter la santé et la sécurité au rôle — c'est-à-dire les comités — consultatif des comités paritaires. Ils vont tenter de réduire la santé et de la limiter au rôle consultatif des comités paritaires.

Nous savons que ça ne fonctionne pas ainsi. Quant à nous, notre expérience, c'est qu'avec des compagnies qui recherchent le profit il faut développer un rapport de forces. C'est cela, l'économie

libérale; on peut s'entendre au moins là-dessus, même sans partager l'ensemble de la description. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il faut laisser aux syndicats toute la capacité de représenter les travailleurs. Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il était d'accord là-dessus. On veut que ce soit écrit dans la loi, on veut qu'il soit inscrit dans la loi que les syndicats vont représenter les travailleurs sur cette question.

Ce que les compagnies ont déjà fait, quant à nous, c'est douteux. L'Association des mines a dit qu'elle s'en occupait depuis 1944 devant cette commission parlementaire. C'est drôle, quatre ans avant la grève de 1949. On voit, à la lecture du Washington Post, dans quel sens les compagnies qui sont concernées s'en sont occupées aussi, particulièrement dans l'amiante. C'est par un cas isolé à la QIT qu'on a su que les travailleurs n'ont jamais été informés de leur état de surdité par les compagnies. Il a fallu mettre en place, à l'occasion d'une discussion avec l'employeur, des moyens syndicaux pour forcer l'employeur, dans un premier temps, à réparer, mais, finalement, pour forcer la description et la connaissance de la réalité et des conditions des travailleurs.

En ce qui concerne les comités paritaires, c'est cela que nous pensons. Effectivement, ce que nous disons, c'est que nous avons dans les conventions collectives des gains supérieurs à la loi. On pense qu'il y a des dangers qu'ils soient remis en cause par les articles dont on a parlé précédemment. Cela, c'est principalement ce que nous pensons. Quant à la commission, nous l'avons dit, pour nous, elle a trop de pouvoirs. C'est une commission qui a des pouvoirs immenses. Cela met en question, pour nous, la démocratie parce que c'est du pouvoir législatif cédé à une commission et on est en désaccord avec cela. Quant à son comportement, éventuellement, et quant aux normes qu'elle devrait fixer, aux secteurs qu'elle devrait fixer comme étant des secteurs prioritaires, nous considérons que, quand le travail s'amorcera, dépendant du cadre dans lequel on se trouvera, ce sera le temps de voir quelle sorte de discussions nous pourrons faire à ce moment-là. Pour l'instant, ce que nous recherchons, c'est une loi avec des objectifs et des dispositions qui soient claires sur ces questions.

Je ne sais pas si M. Leclerc...

Le Président (M. Marcoux): M. Leclerc.

M. Leclerc (Yvon): Si vous me le permettez, j'aimerais, avant de répondre à M. le député, attirer votre attention sur trois morts accidentelles qui se sont produites la semaine dernière, pendant que vous entendiez des mémoires. Il y a trois travailleurs qui sont morts accidentellement. Mardi, le 4 septembre, Michel Brière, un soudeur de 30 ans, président du syndicat des travailleurs de la compagnie Canadian Welding de Montréal, a été tué sur le coup en tombant d'une plate-forme à 30 pieds du sol. Michel Brière travaillait dans le noir à l'intérieur d'un silo; sa chute fut fatale.

Le jeudi 6 septembre, à 11 heures du matin, un travailleur de la construction, dans les Lau- rentides, Serge Bruyère, boutefeu de métier, à l'emploi de la compagnie Lemieux Inc., de Val Barrette, est tué sur le coup lorsqu'une charge de dynamite a explosé. C'étaient des travaux de voirie, dont le surveillant était un chef d'équipe du ministère des Transports du Québec.

Un travailleur à l'emploi de la compagnie Pitt Québec s'est noyé samedi le 8 septembre dans les eaux de la rivière Outaouais. Il est tombé d'une barge servant aux travaux de dragage actuellement en cours au barrage de Carillon de l'Hydro-Québec, une société d'Etat. Cette compagnie était récemment reconnue coupable également, en Ontario, de fraude. On pourrait dire bien d'autres choses sur cette même compagnie qui continue à oeuvrer au Québec.

Si on présente nos objections à cette loi-là, c'est parce qu'on possède une expérience depuis un certain nombre d'années. Personnellement, j'ai travaillé dans les mines durant treize ans. J'ai vécu l'expérience des comités paritaires. C'était de la foutaise. On refusait même d'informer des travailleurs qu'ils ne devaient plus travailler sous terre à un moment donné. C'était marqué sur leur carte: "no more work under ground". Je me souviens avoir rencontré un député, M. Bellemare, à l'hôtel Albert, dans les années 60, où on nous avait promis que les cartes, les certificats de mineurs, les rayons-X seraient transmis aux travailleurs. Cela a pris bien des luttes et c'est encore loin d'être favorable aux travailleurs.

Les comités de chantiers paritaires, on vous rappelle à la page 25 de notre mémoire, messieurs, ce qui a été écrit par l'inspecteur en chef du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui les définira comme suit: "C'est un groupe de personnes qui ne peuvent individuellement rien faire et qui décident ensemble qu'il n'y a rien à faire". C'est rapporté dans un rapport du comité de recherche en sécurité de l'Office de la construction du Québec, novembre 1976, page 52.

Il n'y a pas si longtemps vous avez dit, M. Pagé, de l'article 64...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Johnson me demande de quel droit vous parlez. Je voudrais indiquer au député de Johnson que le député de Portneuf a posé plusieurs questions et M. Leclerc fait partie du groupe de la CSN; entre autres, il présente le mémoire du Syndicat CSN des bâtiments, et cela fait partie des réponses aux questions posées par le député de Portneuf.

M. Pagé: C'est ça. Continuez, M. Leclerc.

M. Leclerc: Merci, on n'aime pas se faire rappeler certaines choses...

M. Bellemare: Je vais vous en rappeler tout à l'heure...

M. Leclerc: En 1964...

M. Bellemare: Attendez, je vais vous en rappeler d'autres...

M. Pagé: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. Pagé: Question de règlement...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Un instant, M. Leclerc. Je suis convaincu que le député de Johnson, qui habituellement donne sa collaboration à la présidence, va continuer à garder son calme. Il aura tout le loisir tantôt, immédiatement après le député de Portneuf, de faire les commentaires à la fois sur les mémoires présentés et poser des questions et intervenir dans le débat. Actuellement, c'est M. Leclerc qui répond à la question du député de Portneuf.

M. Leclerc: A l'article 64, on pense que ce n'est même pas suffisant, parce qu'en 1973 — dans le temps, cela s'appelait la Commission de l'industrie de la construction — l'office, cette commission avait comme responsabilité de faire appliquer les règles de sécurité sur les chantiers.

Eh bien, en 1973, il y a une résolution qui a été adoptée au conseil d'administration à l'effet d'y aller plus "mollo" avec les "boss" de la construction lorsqu'ils violaient le Code de sécurité. Je vous dis cela. Peut-être que je résume vite, mais cela a paru le lundi 15 octobre dernier. Le conseil d'administration de la Commission de la construction a adopté, à une majorité constituée par tous les patrons présents, une résolution qui risque d'anéantir le peu de travail qui s'est fait jusqu'ici pour assurer la sécurité physique des travailleurs de la construction et on disait: Avant de faire un avis d'infraction, vous devriez lui donner seulement un avertissement. A ce moment, ce serait mieux. On sait que le massacre des chantiers de construction s'est poursuivi.

Je pense que ce projet, quand on le regarde — la FTQ dit la même chose, votre collègue, M. Pagé, en a fait la remarque — de plus en plus, ce Parlement. l'Assemblée nationale vote des lois qui laissent à d'autres les pouvoirs de réglementation. Il y en a 80 qui sont suggérés dans ce projet de loi 17. Il me semble que vous êtes élus pour voter des lois au complet, d'un bout à l'autre, pas des parties de loi. Après, on se réveille avec des inconvénients.

J'ai l'impression que ce projet de loi est un mauvais devoir, fait à partir d'une intention qui avait été annoncée par l'ancien ministre du Travail, M. Harvey, en 1975, telle qu'elle apparaît dans la Presse du 5 novembre 1975. C'est un mauvais plagiat et quand on plagie mal, non seulement n'a-t-on pas du tout de note, mais on devrait en avoir en dessous de zéro.

Quand on parle du droit inhérent d'élimination à la source; je pourrais rappeler aux responsables de ce projet de loi, — si vous permettez, M. le Président — que dans le numéro de juillet-août 1979 de Travail-Québec, on termine un article qui parle des accidents du travail: "... l'erreur n'est pas toujours humaine". C'est fait par M. Yanick Villedieu et on termine l'article de cette façon. Comme le dit Michel Pérusse: "Les mécanismes psychologiques, les facteurs humains sont si variés et si nombreux à ce niveau qu'il est plutôt illogique de chercher à changer un individu pour faire la lutte aux accidentr. du travail. Il serait si logique de... changer les conditions de travail dangereuses, pour supprimer le risque à la source." Vous allez me dire: C'est ça qu'on cherche. Mais ce n'est pas ce qu'on voit dans le projet de loi. Notre expérience nous convainc tout à fait du contraire. Loin de là, on s'aperçoit — vous avez dit que dans la construction, on a le droit de refus et il n'est pas utilisé souvent. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas utilisé souvent qu'on devrait le diminuer pour autant; s'il n'est pas utilisé souvent, vous êtes conscients comme nous que c'est parce que — le président de la CSN l'a dit également— c'est un manque de sécurité d'emploi, un manque d'ancienneté et les gars savent que s'ils refusent, c'est plus tard un congédiement déguisé en mise à pied. (12 h 30)

Dans le projet de loi, vous avez fait disparaître la notion du mot "discriminatoire", qui était pour nous un moyen d'aller chercher certains arbitrages où on a obtenu gain de cause. Même là, au niveau de l'arbitre, on a obtenu gain de cause, ce n'est même pas possible parce que ça ne s'applique pas.

Je ne veux pas prendre plus de temps, mais lorsqu'on regarde le Code de sécurité et le principe général à 2.1.2: "Tout chantier de construction doit être conçu et tenu de façon à protéger les travailleurs contre les risques professionnels et en assurer la salubrité." Pour nous, les risques professionnels, cela veut dire votre truc d'inhérent et tout cela. Il n'y a pas si longtemps, l'Hydro-Québec et la SEBJ se vantaient de monter les tours dans une moyenne de huit minutes et on a eu un lot élevé d'accidents mortels récemment à la SEBJ sur le territoire de la baie James. Cela veut dire, pour nous, que ce n'est pas parce que le gars monte dans cette tour-là que c'est inhérent à son métier qu'il doit fatalement tomber. Non, on doit l'équiper en conséquence. Cela veut dire que, pour le travailleur sur les structures d'acier, on doit peut-être prendre une matinée pour mettre des filets de sécurité. Peut-être qu'à ce moment-là on fera moins de production, mais on aura protégé la vie du gars et d'autres gars qui pourraient tomber. C'est cela pour nous autres, les risques professionnels. Les risques inhérents, on n'accepte pas cela, parce que c'est la plus belle échappatoire pour ne rien faire pour laisser les massacres se continuer.

Cela veut dire qu'en faisant votre projet de loi vous nous avez enlevé un article qui était très important pour nous dans le décret, le bien-être. Cela veut aussi dire que, quand les travailleurs n'auront plus le bien-être ou l'hygiène, ils auront comme seul choix, comme le leur suggère M. Claude Laliberté, président-directeur général... Lorsqu'on lui a fait part que les travailleurs avaient

du pain moisi sur le chantier de la SEBJ, un chantier qui appartient à l'Etat, dont vous êtes responsables, M. le président-directeur général nous a dit ceci: "On m'informe, de plus, que le pain de qualité douteuse n'était pas offert à la consommation, mais détruit et que, si des parties avaient pu échapper à l'inspection, les consommateurs pouvaient facilement choisir les tranches de pain saines." C'est le genre de réflexions que vos employés de sociétés d'Etat ont à l'endroit du bien-être des travailleurs.

Je termine avec cela. L'Organisation mondiale de la santé a défini la santé comme un état de bien-être physique, mental et social complet et non pas comme la simple absence de maladies ou d'infirmités. Allez là et, après, on va croire que vous êtes prêts à éliminer les dangers à la source. Nous pensons, en tout cas, à partir de notre expérience dans la construction, qu'avec l'encadrement, l'élimination de la vie syndicale, l'état policier à la baie James toléré par un parti au pouvoir qui s'est prétendu démocratique, ce n'est pas du tout l'élimination des dangers à la source qu'il veut avoir; c'est l'élimination des syndicats dans leur rôle de protéger la vie des travailleurs.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais simplement rappeler que lors des travaux des commissions parlementaires et de la présentation des mémoires, la parole est à nos invités, et normalement, les manifestations d'appui comme il vient de s'en produire ne sont pas permises. Evidemment, il y a des situations où on peut avoir l'esprit beaucoup plus large. Sur le même sujet, il y un monsieur qui voulait ajouter...

M. Pagé: On prend note que le président s'en vient avec un esprit libéral, c'est bien.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez me faire entrer dans ce sujet, on pourrait s'amuser longtemps. Monsieur, si vous voulez vous identifier, pour les fins du journal des Débats.

M. Gagnon (Sylvio): Sylvio Gagnon, de la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques affiliée à la CSN. Je voudrais essayer de procéder par quelques exemples concrets du fonctionnement d'un comité paritaire. J'ai vécu dans une entreprise où il y a un comité paritaire de sécurité, qu'on a négocié de peine et de misère. On n'a négocié que cela dans la convention collective. Je pense que le député de Joliette va se souvenir du nom de la compagnie, c'est Canadian Gypsum. On se rappelle un peu comment cela fonctionne. On s'est aperçu que le fonctionnement d'un comité paritaire dans le concret, c'était, en fait, un comité de bavardage ou de café, parce que les gens qui prennent les décisions, on ne les a pas devant nous. On fait face à une multinationale où la haute direction est à Chicago. Les gens qui sont devant nous, pour être très polis, sont des marionnettes, puisque tout ce qu'ils nous répondent, c'est: Ah! Je serais bien d'accord que cela change, qu'on améliore telle situation, sauf que la décision est prise à Chicago.

On connaît le fonctionnement d'une entreprise multinationale. Souvent, on fait des remarques sur le fonctionnement du fonctionnarisme, des ministères, de la lourdeur. Je pense que dans certaines multinationales, c'est presque aussi mauvais, c'est peut-être pire parfois. Les décisions sont prises à Chicago. Il faut qu'elles passent par Toronto. Ensuite, elles se retrouvent à Montréal. Quant vous vous retrouvez, deux ou trois travailleurs, devant deux ou trois représentants de la compagnie et que vous discutez d'un problème, lorsque cela n'implique pas ou à peu près pas de moyens financiers, il n'y a pas de problème, on arrive à s'entendre.

Mais lorsqu'il arrive, par exemple, dans l'usine où je travaille, qu'il y a une machine — c'est inhérent — qui fait du bruit; c'est un concasseur. Les travailleurs qui sont là ont dit à la compagnie: Vous allez leur construire un appartement isolé pour qu'ils travaillent sur leur instrument. Cela aura deux fonctions: Cela va les isoler du bruit de la machine et cela va les isoler aussi de la poussière que la machine peut produire. Cela fait au moins cinq ans qu'on fait la demande et il n'y a pas le début d'un mur, parce que cela implique — pourtant, ça ne coûte pas une fortune — quelques centaines et quelques milliers de dollars seulement et ça n'a jamais bougé. Vous me direz que je prends peut-être des exemples extrêmes. C'est une compagnie qui est reconnue pour ses mauvaises relations de travail, d'innombrables conflits, mais, dans la fédération que je représente, ce ne sont pas des cas uniques. Je pensais, moi, à ce moment-là, lorsqu'on a eu des conflits avec l'entreprise, que cette compagnie était un cas unique, mais, à travailler dans la fédération, je m'aperçois que ce n'est pas ça, qu'il existe beaucoup d'entreprises — peut-être la majorité — qui sont dans le même cas. Lorsqu'il y a une décision économique, le bonhomme qui est sur les lieux, qui est face au comité paritaire, lui, ne peut rien prendre comme décision, généralement.

Je voudrais aussi essayer de faire une hypothèse, par exemple, parce qu'il y a d'innombrables entreprises au Québec. Il y aura probablement, si le projet de loi est adopté tel quel, d'innombrables comités de sécurité et je pense aussi que dans d'innombrables cas, on se retrouvera devant des comités qui ne s'entendront pas, où il n'y aura pas de décisions de prises. Or, peut-être que le ministre pourra me répondre là-dessus. S'il n'y a pas de décision et il y a un problème grave de sécurité à l'intérieur de l'usine, est-ce que la décision est référée à la nouvelle commission, etc. et que c'est elle qui va prendre les décisions à la place des comités? Je voudrais être éclairé là-dessus. Si c'était le cas, à savoir que pour régler les problèmes à l'intérieur de l'usine, il fallait référer ça à la commission qui, elle aussi, est une commission paritaire et avec un président qui aura un double droit de vote, par exemple, ça voudra dire que beaucoup de décisions qui devraient être prises à la base vont être prises par le président de la commission.

C'est une espèce d'arbitrage obligatoire dans le domaine de la santé et de la sécurité. Il y en aura tellement, à mon avis, que ça va prendre une éternité avant d'avoir une décision au niveau de la base. Ce sera extrêmement lourd, ce mode de fonctionnement. Or, quand on dit que le projet de loi, fondamentalement, c'est la prise en charge, par les gens du milieu, de leur santé et de leur sécurité, j'oppose des doutes sérieux. C'est pour cela que la fédération...

D'abord, en passant, je voudrais faire remarquer qu'à la page 14 du mémoire de la fédération où on parle du retrait du mot "positif" à l'article 2 de la loi 52, effectivement, c'est changé dans le projet de loi, c'est corrigé par l'article 279.2.1, à la page 64 du projet de loi, cela a été corrigé, c'est réglé. On y tient quand même, j'espère que cela ne changera pas.

Je voudrais tout simplement faire remarquer, encore une fois, que cette prise en charge par la base de la sécurité de la santé va se retrouver devant un fonctionnement tellement lourd que cela n'aura pas d'effet, à mon avis.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vous remercie, messieurs, du témoignage très éloquent dont vous venez de nous faire part. On était habitué, depuis une semaine, à parler de structure, de participation, de mécanismes et d'aspects médicaux, cela fait du bien, de temps en temps, d'entendre parler de problèmes concrets et des répercussions que cela peut avoir. Quant à moi, je suis satisfait de votre témoignage, ce matin, parce qu'à plusieurs égards, nous sommes d'accord avec ce que vous énoncez, surtout quand vous dites que les comités paritaires seront pas mal plus des comités de placotage que de décisions. Il ne faut pas par cette loi — le problème est trop important et la réforme se doit d'être en profondeur — passer à côté du problème et des mécanismes de solution pour que les problèmes se règlent véritablement à la base. Un autre élément, l'arbitrage obligatoire, c'est cela, somme toute, le principe que sous-tend ce projet de loi, l'arbitrage obligatoire des problèmes de santé et de sécurité au niveau de la base.

J'aurais deux questions avant de terminer, je vais essayer de faire vite, quitte à ce qu'on déborde un peu passé 13 heures pour permettre à mon collègue, le député de Johnson, de vous faire part de ses commentaires et de ses questions.

Il a été question, ce matin, du droit de refus, un droit qui nous apparaît fondamental. D'ailleurs, c'est un droit que la jurisprudence et les tribunaux ont reconnu, il n'y a pas de droit plus naturel, selon moi, selon nous, que de permettre à un travailleur qui voit un danger imminent pour sa santé et sa sécurité ou un danger pour sa vie de dire: Moi, je ne travaille plus et j'arrête. Le projet de loi vient l'écrire, vient prendre ce droit naturel, ce droit fondamental, le libelle et le "textualise" avec ce qui implique nécessairement des notions, ce qui implique nécessairement une appréciation et une interprétation que vous donnez à la loi.

Le milieu syndical a insisté particulièrement pour que l'on prenne ce droit, qui est conféré à un individu, qu'on le déplace, et qu'on le confère maintenant au syndicat ou, somme toute, que d'un droit individuel, on en fasse un droit collectif.

Il a été question évidemment des abus. Il y a des opinions contradictoires là-dessus. Des gens craignent actuellement au Québec que le milieu syndical, les représentants des travailleurs ou les travailleurs se servent particulièrement de ce droit dans les périodes de négociation de conventions collectives, entre autres pour des arrêts de travail. Il est quand même opportun dans ces cas-là de regarder ce qui s'est fait ailleurs. Ce droit existe ailleurs qu'au Québec dans des textes de loi; il existe, entre autres, en Ontario et nous avons eu l'occasion d'échanger, le ministre et moi, jeudi, sur cet aspect du dossier, de l'expérience vécue en Ontario. Il nous apparaît qu'en Ontario il n'y a pas eu d'abus. Je pars du principe et je présume et je suis convaincu qu'il y autant de maturité syndicale chez les travailleurs québécois qu'il y en a chez les travailleurs ontariens.

Par contre, l'exercice de ce droit est sujet à certaines conditions et à certains recours. Vous avez fait état tout à l'heure des recours de congédiement, de suspension, etc. Le danger que M. Leclerc a mis en relief, entre autres dans le secteur de la construction, je pense qu'il a bien fait de le noter ce matin et j'espère que le ministre en prendra bonne note. D'ailleurs, on pourra en discuter cet après-midi avec les gens de l'AECQ. C'est le danger que le recours à un droit de refus, que ce soit fondé ou non, puisse donner lieu à un congédiement par la suite, particulièrement dans le secteur de la construction où il y a quand même une mobilité constante de la main-d'oeuvre.

Vous demandez que ce droit individuel devienne un droit collectif, mais ne craignez-vous pas — et je m'adresse à M. Rodrigue en particulier — qu'à ce moment-là, si le droit est collectif, le recours prévu dans les cas d'abus de droit serait, lui aussi, collectif et que le gouvernement en arriverait probablement à la conclusion, s'il acceptait le principe du droit collectif, que le recours s'exerce à l'endroit du syndicat? A ce moment-là, ça pourrait se traduire par un droit de recours en dommages et intérêts, par exemple. (12 h 45)

M. Rodrigue: Le dernier élément de votre question, c'est le cas. Si le syndicat fait une grève illégale actuellement, il est poursuivi, c'est lui qui est en cause, c'est la collectivité. Mais pour revenir...

M. Pagé: Si vous me le permettez, monsieur... M. Rodrigue: Pardon?

M. Pagé: ... est-ce à dire que vous seriez prêt à accompagner le droit collectif à un recours collectif contre le syndicat en dommages et intérêts?

M. Rodrigue: Selon le Code du travail, les employeurs ont le droit de lock-out actuellement.

Dans le cas d'un recours collectif du côté des travailleurs...

M. Pagé: Abusif...

M. Rodrigue: ... pourquoi n'y aurait-il pas le même droit équivalent? On n'a jamais mis cela en cause.

En ce qui concerne ce droit, je voudrais revenir sur le cas des abus, je pense qu'en ce qui concerne les abus, vous me permettrez de vous dire que quand on pense aux cas de surdité, d'amantiosés, aux accidents du travail dans la construction, aux bras coupés, aux gaz et aux produits toxiques, on pense que ce sont des abus. A un moment donné, on a mentionné que la loi créait des obligations aux travailleurs. On pense qu'effectivement elle crée de nouvelles obligations aux travailleurs et on pense que ces travailleurs, justement, n'ont pas les moyens économiques de régler la situation. C'est l'employeur qui est responsable de la santé et de la sécurité.

Alors, c'est une question importante et fondamentale, parce qu'effectivement c'est du nouveau pour nous, et sur le plan législatif, cela va causer les problèmes qu'on a soulignés.

En ce qui concerne les cas de recours collectifs, d'arrêts de travail, etc., dans le cas du droit de refus, ce que nous soutenons, dans les circonstances actuelles avec le projet de loi, c'est que les travailleurs qui exerceront ce droit vont se retrouver dans des situations de risques, c'est-à-dire, d'une part, en plus des autres interprétations possibles par les employeurs, de risques, parce qu'une fois qu'il a exercé son droit sur le plan individuel, on pourra toujours, indépendamment du fait qu'on ait raison ou non, prendre des procédures, des mesures disciplinaires contre lui, etc.

Le projet de loi, dans ce cas, ne prévoit pas de statu quo ante, par exemple. Quand le droit d'un employeur de congédier lui est retiré, on ne croit pas qu'il doit être retiré à l'employeur par le projet de loi. Mais s'il devait agir dans ce sens, éventuellement, au moins on dit: II devrait y avoir quelque chose qui protège le travailleur en attendant qu'il soit jugé, comme une formule de statu quo ante.

Alors, on pense que sur ce plan, si le gouvernement a cru bon, dans la loi 101, d'insérer des dispositions pour protéger les travailleurs qui voulaient recourir à l'application de la loi, on pense qu'en ce qui concerne la sécurité-santé, c'est important de protéger la langue, mais c'est important de protéger ceux qui la parlent aussi.

Alors, sur le plan de la sécurité-santé, on pense qu'il devrait y avoir une protection aussi significative au moins.

M. Pagé: M. le Président, j'aurais une dernière question à poser à M. Leclerc. Dans votre mémoire, vous faites état, évidemment, des services d'inspection qui sont propres au secteur de la construction, qui sont actuellement dispensés par l'OCQ. Tous ceux qui connaissent un peu le domaine savent pertinemment que depuis un an, entre autres, les gens de l'Office de la construction sont préoccupés par l'application du règlement de placement, etc, et je ne suis pas convaincu qu'à l'OCQ, il y ait autant d'efforts qui se déploient actuellement au chapitre de l'inspection et de la sécurité qu'il pouvait s'en déployer il y a un an et demi.

On a parlé beaucoup ici d'intégration des services d'inspection; vous avez des propositions particulières ce matin. M. Rodrigue nous a dit, dans son mémoire, qu'il hésitait à recommander une intégration à la commission, préférant que les services soient regroupés dans un ministère comme celui de l'environnement. Peut-être que je n'ai pas bien compris tantôt, mais je crois que la question que le ministre a posée à M. Rodrigue n'a pas obtenu de réponse. J'aurais une question pour vous particulièrement, M. Leclerc: Qu'est-ce que vous proposez? Est-ce que vous proposez que le domaine de la construction soit sous la juridiction d'un service d'inspection général, avec une section particulière applicable à la construction ou encore êtes-vous d'accord avec l'effort actuellement déployé par l'OCQ à ce chapitre?

J'aimerais bien vous entendre sur un dernier élément qui apparaît dans votre mémoire. Vous savez, on n'a pas souvent l'occasion de vous poser des questions, de vous rencontrer et de discuter de ces problèmes. Vous faites état des grands projets de construction, entre autres, des projets qui sont éloignés, et vous arrivez avec un exemple bien précis qui est le chantier de la baie James, le fameux dossier de la baie James, que nous sommes fiers d'avoir lancé en 1971 et, qu'aujourd'hui, nos amis d'en face semblent vouloir accaparer pour l'inauguration le 27, mais, ça, c'est une autre chose, on en parlera en d'autres moments. Comment ça va à la baie James? Vous dites que depuis six mois, il y a quinze personnes qui sont décédées; moi, je me dis que c'est particulièrement inquiétant. Vous demandez un genre de particularisme pour de gros chantiers comme ceux-là et, particulièrement, pour ceux qui sont éloignés. Alors, quelle est votre position là-dessus et pourriez-vous expliciter davantage?

M. Leclerc: Pour la question de l'inspection, nous, on se rallie à la position de notre centrale, à savoir que ça devrait relever d'un service d'inspection général et même, à l'occasion d'une réunion du secteur de la construction de la Fédération du bâtiment, à la mi-août, il y avait une centaine de personnes, en plein milieu de l'été, durant les vacances, qui ont accepté de venir étudier le projet de loi no 17, de regarder le tout. Les gens étaient favorables à ce que ce soit regroupé. Il est évident qu'il y aura des inspecteurs qui devraient avoir les aptitudes nécessaires pour étudier la construction, pour mieux inspecter la construction.

En ce moment, il y a un métro, en construction à Montréal. J'ai eu à siéger, en 1974 et 1975, et je me souviens que M. Moisan, de l'Office de la construction, qui s'occupe de la sécurité nous disait qu'il n'y avait pas d'inspecteur des mines

pour le métro. Encore aujourd'hui — je l'ai rencontré récemment— il m'a dit: II n'y en a pas plus. Nous pensons que la sécurité par l'office devrait changer de place. Je ne suis pas prêt à blâmer seulement l'office, parce que j'ai quand même — un instant! si je peux me retrouver, c'est la page 14 — l'Office de la construction a constaté en 1976, 12,591 infractions aux normes de sécurité de la construction. Dans cela, il y avait à peu près 6000 cas, à peu près 52%, de récidive où c'était les mêmes "boss" qui faisaient cela deux ou trois fois. Seulement 521 plaintes ont été portées. Ce nombre ne grimpe qu'à 1410 si on ajoute les avis préalables payés. Il y a d'autres gens aussi qui ont une philosophie différente. Pour eux autres, des gens qui se font massacrer sur les chantiers de construction ou dans leur milieu de travail, ce n'est pas important. Ils laissent aller les plaintes et ne poursuivent pas contre les employeurs. Par notre position on disait: II devrait y avoir un meilleur service d'inspection, mais il devrait aussi y avoir un système de points de démérite pour les "boss". Après un certain nombre, quand le "boss " aurait violé le code de sécurité un peu trop il serait "out" de la construction, si je peux m'exprimer ainsi. Wallcrete qui a tué deux gars à Mirabel a changé de nom. Elle s'appelle Formcan. Elle n'a pas payé les avantages sociaux pour $400 000. Après, cette compagnie s'est appelée Galinor. Elle a tué un autre travailleur. Elle n'avait même pas de permis de la Régie des entreprises en construction du Québec dont le président était à ce moment-là. M. Jean-Yves Gagnon, qui est maintenant président de l'Office de la construction par les bons offices du ministre du Travail où, à toutes fins utiles, les parties n'ont plus leur mot à dire dans cette boîte-là. C'est pour cette raison qu'on regarde cela et on pense encore une fois... Il y a un article dans la loi plus loin qui nous dit: La commission, au niveau de... va pouvoir décider de ce que le syndicat va faire, de ce qui va se passer sur les chantiers et tout cela. C'est la commission. Selon nous, c'est une mise en tutelle encore des syndicats. Elle est déguisée, elle est plus subtile. Les libéraux, vous l'aviez fait directement avec le projet de loi 29 à un moment donné en allant directement au but. On n'était pas d'accord. Cette fois-ci, c'est plus subtil leur affaire. C'est évident qu'on ne peut pas embarquer dans cela.

M. Pagé: Vous nous connaissez, et quant à eux, vous apprendrez à les connaître.

M. Leclerc: Cela doit être cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Pagé: Merci, M. le Président.

M. Bellemare: Je pense qu'on devrait suspendre, il est 13 heures. Cela me donnerait peut-être la chance de préparer mon intervention et de la faire tout d'un bout.

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

Suspension de la séance à 12 h 56

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17.

Je constate que les représentants de la CSN sont déjà prêts à poursuivre la discussion. La parole était au député de Johnson. Mais avant, vous me permettrez de vous demander s'il y a consentement des membres de la commission pour que le député de Frontenac soit intervenant à la place du député de Viau.

Une Voix: Consentement.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement?

Une Voix: Votre micro.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement de la part des membres de la commission pour que le député de Frontenac remplace le député de Viau?

M. Pagé: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci, M. le Président, de m'accorder mon droit de parole. Je voudrais, au début, féliciter le ministre responsable du développement social de son courage et surtout de la détermination dont il a fait preuve, d'abord par la publication de son livre blanc et, ensuite, par le projet de loi que nous étudions présentement.

Vous savez, M. le ministre, il ne faudrait pas vous en faire avec ceux qui prétendent que vous êtes contre le bon sens. J'ai vu ce matin, dans le mémoire que nous a lu le président de la centrale, un passage qui m'a un peu frappé, surtout un "plan machiavélique visant à contrer l'action syndicale". Ce n'est pas moi qui l'ai écrit. C'est écrit dans leur mémoire. Un plan machiavélique pour contrer le syndicalisme. Allons donc, M. le Président! Je pense que le ministre a dit lui-même, ce matin, qu'il réfutait d'emblée cette assertion en disant qu'il n'y a pas de plan machiavélique pour contrer l'action syndicale, quelle qu'elle soit. Je connais depuis trois ans à peine le ministre responsable du développement social et je sais trop quelle sincérité il a pour croire en une toute autre philosophie.

A la page 6, M. le Président, le mémoire va même — vous l'avez lu comme moi — jusqu'à dire: "... s'imaginer dans les circonstances qu'il peut y avoir coopération entre l'employeur et la partie syndicale, c'est une naïveté pernicieuse". M. le Président, on ne peux pas accuser le ministre, jusqu'à ce point, de naïveté pernicieuse. Allons donc! Cela c'est écrit dans le mémoire de la CSN. Il ne faudrait pas vous en faire, M. le ministre, et, ce soir, avoir des cauchemars parce qu'on vous a dit ça. Vous savez, je peux vous dire une chose...

M. Marois: Ecoutez, je lis beaucoup la série d'articles de Mme Gagnon — je l'ai évoquée à plusieurs reprises — sur le stress chez les députés. Je pense que ça va bien, dans l'ensemble.

M. Bellemare: Vous savez, M. le ministre, que votre collègue, le ministre Landry a...

M. Marois: J'apprécie beaucoup vos félicitations, ce sont les fleurs; j'ai hâte d'avoir le pot qui s'en vient derrière.

M. Bellemare: C'est sûr et certain qu'il y aura des restrictions, mais j'ai moi-même été ministre du Travail et président de la Commission des accidents du travail et j'entendais ce matin quelqu'un qui me jetait une espèce de boulet par la tête. Il ne faut pas connaître grand-chose dans l'administration publique pour dire qu'on n'a rien fait. S'il y a un homme qui, comme président de la CAT, a prouvé aux véritables travailleurs l'intérêt qu'il avait pour les syndicats, c'est bien moi. Quand j'ai fait payer $100 000, à la suite de l'échangeur Turcot, la compagnie Dominic Supports Forms, il n'y a pas un seul homme qui a fait cela après moi, ni avant. On a fait payer $100 000 à une compagnie privée, parce qu'il y avait eu un défaut de forme. J'invite qui que ce soit à me prouver que ce n'est pas moi qui ai établi le mérite et le démérite dans la Commission des accidents du travail. On a été les premiers à établir des bureaux régionaux que vous êtes en train d'étendre un peu partout. C'est moi qui ai fait cela.

On m'a déjà promené ici, en avant du parlement, avec un gros boeuf qu'on pendait, c'était Chartrand qui faisait cela. Lui qui a toujours eu seulement des allusions méchantes à l'endroit des gouvernements et des ministres en nous traitant d'assassins, d'être des gens qui encourageaient les compagnies à assassiner, d'être des meurtriers, qu'a-t-il fait, lui, à part de gueuler? Quand il était ici devant le parlement et quand les trois chefs syndicaux ont été condamnés à la prison, il était en bas. Quand il a vu que les gens commençaient à se soulever, il a monté en haut et il s'est caché, il a laissé aller tout le groupe. Cela, c'est du Chartrand! Mais Maurice Bellemare a toujours fait face à ses obligations, et encore ce matin, même s'il y en a qui m'attaquent. (15 h 15)

Je veux, M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Je demanderais aux participants... Ce matin, lorsque des person- nes ont exprimé des propos à l'endroit du député de Johnson, j'ai demandé au député de Johnson de respecter le droit de parole de notre invité. Je vous demanderais également de respecter le droit de parole du député de Johnson.

M. Bellemare: M. le ministre...

M. Grégoire: Vous savez que des conflits syndicaux, cela peut remonter jusqu'en 1949, lors de la grève de l'amiante.

M. Bellemare: Oui, et à celle de 1975, alors que vous vous êtes caché, vous!

M. Grégoire: Et les matraques de ce temps, les matraques de 1949...

M. Bellemare: ... ou Marchand et Pelletier et Trudeau qui étaient venus en 1945 ne sont pas revenus en 1975.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!

M. Bellemare: Où étaient-ils en 1975 quand ils ont fait la même grève de l'amiante, ces gens-là, les trois "mautadites" colombes? Où étaient-ils et vous, où étiez-vous?

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, a l'ordre!

M. Grégoire: J'étais à l'université, j'étais étudiant.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de... M. Bellemare: M. le Président...

Une Voix: II allait chercher son papier pour répondre aux critères.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Frontenac, les propos que j'ai adressés aux participants, aux assistants, à nos témoins, s'appliquent également aux membres de la commission et vous avez été accepté comme membre, alors je vous incite...

M. Bellemare: M. le Président, le ministre a reçu ce matin, dans le mémoire de la CSN certains avis du juge Beaudry, qu'on a cité à plusieurs circonstances. Vous plairait-il, M. le ministre, que je vous cite une déclaration du juge Beaudry qui vient d'être faite le 10 septembre, qu'on retrouve dans le Devoir? Je cite: "Malgré ses limites, le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité au travail représente plus qu'un simple pas en avant, c'est plutôt un véritable saut en avant pour l'amélioration des conditions de travail chez le travailleur. On passe presque du noir au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi placera le Québec au rang des pays les plus avancés quant à la protection des travailleurs." C'est le juge Beaudry qui vient de dire cela, le 10 septembre. Est-ce qu'on peut contrarier cette opinion qui est juste?

Je ne dis pas, M. le ministre, que votre loi ne mérite pas certaines améliorations, je le crois, mais vous êtes véritablement courageux de venir, après votre collègue, le ministre Landry, dire qu'il faut bâtir le Québec avec l'industrie privée, sur de l'industrie privée qu'on va probablement subventionner pour lui permettre une expansion. C'est dans la ligne du respect des droits de chacun. M. le Président, la CSN avec son long mémoire, ce matin, a gratté un peu des petites choses insignifiantes dans votre loi, il y a une chose qu'il ne faudra pas oublier, c'est que ces messieurs de la CSN qui ont des droits — c'est sûr qu'ils ont des droits, nous les reconnaissons avec beaucoup d'empressement — mais ils ont aussi des devoirs.

Si on nous avait demandé, ce matin, d'ajouter à l'article 38 des devoirs... Le travailleur doit prendre connaissance du programme de prévention qui lui est applicable; deuxièmement, prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité et son intégrité au travail." Mais si on avait dit: II doit respecter les normes de prévention aussi; c'est un droit qu'ils ont et c'est un devoir qu'ils devraient avoir de respecter les mesures de prévention aussi. Je n'ai pas besoin de vous dire — vous avez dû avoir l'expérience — qu'on a trouvé, à la Commission des accidents du travail beaucoup de gens qui avaient des accidents du travail parce qu'ils jouaient sur l'ouvrage. Oui, oui, oui, parce qu'ils jouaient. Je peux vous citer des cas.

Alors, vous avez des droits, d'accord, mais vous avez des devoirs à faire. Il faudrait aussi que, dans la loi que je trouve bonne en soi, il y ait des améliorations. A cause du contexte social actuel, j'ai certaines remarques à faire, mais je pense que la loi est bonne dans son ensemble et mérite sûrement que le ministre en soit félicité. Il y a des choses dans la loi auxquelles il faudra voir. C'est une question que je voudrais poser: Ne voyez-vous pas une différence entre l'exercice du droit de refus mal fondé et l'exécution du droit de refus de mauvaise foi? Je vous pose la question.

M. Rodrigue: Vous posez la question à savoir s'il y a un refus mal fondé et une mauvaise foi. Est-ce que je dois répondre sur tout ou seulement sur cette question?

Le Président (M. Marcoux): Vous avez complète liberté de parole.

M. Bellemare: Sur la question que je vous ai posée, d'abord.

M. Rodrigue: Je voudrais d'abord, si vous le permettez...

M. Bellemare: Un instant, sur la question que je vous ai posée: Ne voyez-vous pas une différence entre l'exercice du droit de refus mal fondé et l'exercice d'un droit de refus de mauvaise foi? Il doit répondre à ça. Le reste, je n'ai pas fini, j'ai le droit de parole.

Le Président (M. Marcoux): Monsieur...

M. Bellemare: Vous m'avez enlevé le droit de parole ce matin; je l'ai et je le garde. D'accord?

M. Rodrigue: Avant de répondre à la question...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, un instant. Je ne vous ai jamais enlevé le droit de parole, M. le député de Johnson, ce matin. Je vous ai demandé de respecter le droit de parole de ceux qui l'avaient.

M. Bellemare: Je l'ai, j'espère que vous allez le faire respecter.

Le Président (M. Marcoux): Deuxièmement, en ce qui concerne les questions et les réponses, ce que j'ai indiqué à nos invités, c'est que leurs réponses pouvaient être plus ou moins étendues, pourvu que ça parle de la santé et de la sécurité des travailleurs.

M. Bellemare: La question que je pose est bien directe. Je ne voudrais pas que l'honorable monsieur qui est président vienne dilapider tout mon texte.

M. Rodrigue: Je voudrais faire une déclaration préalable à la réponse à la question et je tiens publiquement, devant la présente commission, à dire que je n'accepte pas les propos de M. Bellemare à l'endroit de mon camarade, Michel Char-trand.

M. Bisaillon: Bravo.

M. Rodrigue: Je n'ai aucun doute sur la volonté de Chartrand d'établir une justice pour les travailleurs et de permettre que leur santé et leur sécurité soient protégées, indépendamment des désaccords de conception qui peuvent exister entre Chartrand, M. Bellemare ou d'autres membres de cette digne Assemblée nationale.

Je voudrais, pour répondre à la question de M. Bellemare, dire que le refus de travailler quant à nous, qui peut être qualifiée de mauvaise foi ou de mal fondé, c'est un peu de même nature.

Nous nous sommes exprimés ce matin sur cet aspect de mauvaise foi, nous avons exprimé non seulement la crainte, mais la certitude que même si un travailleur risquait d'avoir raison, après deux ans de procédures dilatoires, la mauvaise foi pouvait servir de prétexte pour agir, sur le plan disciplinaire, contre le travailleur, que ce soit de mauvaise foi ou que ce soit un refus qualifié, de la façon dont M. Bellemare l'a fait.

M. Bellemare: M. le Président, je ne reviendrai pas sur une déclaration que j'ai faite quant à Michel Chartrand. Je pense qu'entre la popularité qu'il a aujourd'hui et la mienne, je n'ai pas à comparer!

A la page 29 de votre mémoire, vous dites que M. Dufour, du Conseil du patronat, a déjà dit que le médecin de la compagnie était un gestionnaire. Par la suite, à la page 30, vous écrivez que le médecin responsable devrait être choisi par le syndicat ou l'ensemble des travailleurs, s'il n'y a pas de syndicat. Ne croyez-vous pas que le médecin choisi par le syndicat pourrait être considéré comme un officier du syndicat? Il faudrait peut-être consulter M. Dufour à ce sujet.

M. Rodrigue: On est capable de se former une opinion nous-mêmes, M. le Président, et on pense qu'en vertu du régime actuel de la médecine, le médecin demeurera le médecin. Ce qu'on réclame, c'est le choix de ce médecin, qu'il soit pour le syndicat ce choix, que le syndicat ait la possibilité de choisir et que le travailleur ait la possibilité de choisir son propre médecin.

M. Beltemare: M. le Président, cette loi vise à protéger les travailleurs et à leur donner des droits, comme le disait si bien M. Beaudry, dans son article d'hier. "Cette législation, dit-il — le projet de loi no 17 — introduit non seulement le principe de la prévention des accidents et des maladies, mais elle prévoit aussi des modalités pour faire un bon bout de chemin dans ce sens." Je pense que cet article de M. Beaudry, ça vaudrait la peine que les syndicats le lisent et s'en informent. Est-ce que le fait d'imposer de nouvelles responsabilités aux travailleurs vise réellement à établir un véritable régime policier dans l'industrie, M. le Président? Je demande ça au président!

M. Rodrigue: Quant à nous, le mandat du comité paritaire, le mandat de l'agent de prévention et toute cette philosophie qui sous-tend cette partie du projet de loi crée des nouvelles obligations aux travailleurs, à notre avis et, effectivement, va faire en sorte que ceux qui auront la responsabilité d'appliquer les plans de prévention, de surveiller le port des appareils vont agir dans ce sens. C'est pourquoi nous remettons en cause certaines dispositions du projet de loi, tout en réaffirmant notre accord sur un projet de loi sur la santé et la sécurité.

M. Bellemare: Est-ce que ces droits nouveaux des travailleurs qui leur sont imposés par la nouvelle loi ne leur donnent pas des responsabilités nouvelles et ne les assurent pas d'un plus grand sérieux au point de vue de la sécurité au travail?

M. Rodrigue: Cela nous assure, quant à nous en particulier, d'être poursuivis dans le cas, par exemple, où un travailleur est sur une chaîne de production ou est dans le cadre d'un plan-boni et où les exigences de la production nécessitent des efforts tels que, à un moment donné, on se retrouve dans des situations où, effectivement, il y a des travailleurs, comme le disait mon camarade Le-clerc ce matin, qui, à cause des conditions de production, ne peuvent même pas bénéficier de l'installation d'appareils protecteurs. Il donnait l'exem- ple des filets dans le cas des monteurs de lignes ou du port d'autres types d'équipement. C'est pourquoi on insiste tant pour dire que les équipements de cette nature doivent être conçus comme des mesures provisoires et que l'objectif fondamental d'éliminer le danger à la source doit être ce qui est recherché et les moyens pour y arriver doivent être pris.

M. Bellemare: Ne pensez-vous pas que, par ce projet de loi, le gouvernement ne fait pas un pas de plus pour assurer chez le travailleur beaucoup de santé et beaucoup de sécurité, chose qui n'a peut-être pas été faite complètement jusqu'à maintenant? Ce projet de loi, c'est un pas en avant. Comme le dit le juge Beaudry, c'est un saut en avant. Le gouvernement ne doit-il pas être félicité aujourd'hui de faire ce pas-là? Même si votre mémoire est contre et dit que le projet de loi 17 n'est pas bon, le juge Beaudry que vous avez cité en a dit les plus grands bienfaits.

Le travailleur doit-il avoir tous les droits et les employeurs toutes les responsabilités, d'après vous? Je pense qu'il doit y avoir un juste milieu entre les deux. C'est une coopération qui s'inspire... Vous avez descendu... non pas vous, mais le mémoire semble dire que les comités paritaires ne seraient pas l'agent... Je pense que le projet de loi que le ministre a présenté va sûrement subir des amendements par son application, comme tout projet de loi, mais le courage de l'avoir présenté à ce temps-ci pour donner plus d'efficacité à la protection de la santé et de la sécurité publique, je pense que c'est un pas en avant, comme nous le dit le juge Beaudry, un saut magnifique qui va donner à tous les autres pays et à toutes les autres provinces un signe véritable qu'on s'occupe de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Au sujet de l'équipement de sécurité individuelle, bien sûr, le projet de loi 17 a pour but d'éliminer les dangers à la source, mais n'est-il pas réaliste de considérer que toutes les mesures pouvant être prises pour la santé et la sécurité des travailleurs ne feront que réduire les risques que courent les travailleurs, sans pour autant les éliminer totalement?

Est-il logique de prétendre éliminer tous les risques dans le domaine de la construction ou encore dans le domaine des mines? C'est impossible. Il arrive continuellement des accidents de la route. Malgré toutes les bonnes lois qu'on peut adopter, il arrive encore des accidents, des erreurs humaines, comme on dit, cela arrive. Il faudra penser que la loi que le ministre a soumise, est une loi d'avant-garde. Je suis sûr que dans le contexte actuel, il va certainement apporter... D'ailleurs, vous avez à l'article 7 de la loi, ceci: "Rien dans la présente loi ou les règlements ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective, d'une loi, d'un règlement, d'un décret, d'un arrêté en conseil ou d'une ordonnance en viqueur." Est-ce qu'on ne peut pas être plus clair? Est-ce qu'on peut penser que c'est une position machiavélique, qu'on voudrait contrer le syndicat? Je ne pense

pas. Je dis que j'aurai des remarques très sérieuses à faire lorsqu'on étudiera la loi article par article pour prévoir certains changements qui devront être ajoutés à la loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le président?

M. Rodrigue: Avec votre permission, M. le Président, M. Lemay, de la Fédération de la métallurgie, voudrait ajouter des commentaires sur une série d'interrogations qui ont été soulevées. (15 h 30)

M. Lemay (Oliva): M. le Président, Oliva Lemay, du syndicat des travailleurs de l'amiante de l'Asbestos Corporation. Le député vient de parler de l'article 7. Le président de la centrale a parlé assez longuement, ce matin, de nos craintes pour ce qui est de l'article 280 pour les droits conciliables. Je voudrais vous donner deux petits exemples, parce que je pense qu'on s'en va vers des avocasseries. C'est ouvrir la porte à toutes sortes d'avocasseries ou à toutes sortes de procédures possibles. Comme premier exemple: Depuis un an, dans mon syndicat, on travaille pour faire appliquer par la CAT l'article 33 qui dit que dans les mines ou dans les carrières, là où il y a plus de 150 personnes, on doit avoir un infirmier ou une infirmière licenciée, depuis un an. Je viens d'apprendre par l'Asbestos Corporation qu'elle conteste le statut juridique de la CAT de pouvoir passer ce règlement. Nous sommes embarqués devant les tribunaux et nous aurons l'application de ce règlement peut-être dans deux ou trois ans, quand cela sera passé devant les tribunaux. C'est cela qu'on craint.

Un deuxième point. Pourtant le gouvernement a certains pouvoirs. Pourtant, le gouvernement a fait adopter des lois dernièrement. Mais la société Asbestos rit de vous pour la nationalisation, parce que vous n'avez pas encore réussi à la faire. Vous êtes devant les tribunaux et vous allez traîner longtemps devant les tribunaux et ce ne sera probablement pas vous qui allez la faire, si jamais elle se fait. C'est ça qu'on veut éviter, ces avocasseries et ces ouvertures possibles. Ce sont toutes ces choses qu'on veut éviter.

Ce que le juge Beaudry déclarait hier aussi, c'est qu'on fait un immense saut en avant. Je sais qu'on fait un pas en avant. On en fait un, mais est-ce réellement le pas qui devrait être fait? Parce qu'il y a quand même d'autres personnes. Nous avons le professeur Gérard Hébert qui se posait de sérieuses questions au colloque qu'il y a eu à l'Université de Montréal samedi sur l'application de cette loi et sur le fonctionnement de cette loi aussi. Il se demandait si elle atteint réellement les buts qui sont visés par l'honorable ministre. Il se posait de sérieuses questions. C'est loin d'être clair. Sur la possibilité de négociation au-delà, aussi, le professeur Hébert semble prétendre que la loi 126 était beaucoup plus claire et que ce texte est beaucoup moins clair. C'étaient nos inquiétudes.

M. le Président, si vous me le permettez, puisque, dans la loi actuellement, à l'article 279, on fait un amendement dont je suis très heureux puisque ça fait longtemps qu'on le demandait, en enlevant le mot "positif" du diagnostic pour nos amiantosés, j'aimerais attirer votre attention sur deux points que nous signalons quand même dans le rapport de la métallurgie. C'est dans la première partie, à la page 11, la recommandation 18, où on demande que la veuve pensionnée continue à recevoir le même traitement que du vivant de son mari, c'est-à-dire 90% du salaire. Cela, c'est simplement au point de vue économique, parce que je ne sais pas si on fait le calcul de la perte matérielle, pécuniaire que subit le travailleur qui sort à 50 ans ou à 45 ans et qui n'a que 90% de son salaire jusqu'à 65 ans ou jusqu'à son décès. Il ne serait que normal que sa veuve, en fonction de cette perte, puisse continuer à recevoir la même chose. Evidemment, le projet de loi no 17 ne couvre pas cela. Normalement, c'est pour la protection; ce n'est pas pour la réparation. Mais, quand même, je me permettrai, M. le Président, d'attirer votre attention sur cela parce que je crois que c'est extrêmement important et qu'on n'a pas souvent l'avantage de parler de nos amiantosés devant une commission parlementaire.

Il y a aussi, à la page 15, la rémunération de nos amiantosés qui sont victimes de discrimination et de pertes actuellement. Je voudrais attirer votre attention là-dessus, M. le ministre. Actuellement, il est couvert à l'article 6 de la loi 52; s'il a des pertes au niveau du Régime de rentes du Québec, c'est compensé. Mais est-ce que vous avez calculé la perte que ces travailleurs subissent face au régime de pension qu'ils ont là où ils travaillent?

Au moment où ils sortent, leur ancienneté arrête et il peut leur manquer cinq, dix, douze, quinze ans d'ancienneté pour retirer leur fonds de pension. Je crois que c'est une amélioration qui devrait être faite. Ces travailleurs, puisque ce n'est pas leur faute, ils sont victimes de maladie industrielle, ce n'est pas leur faute, et il n'y a pas de raison qu'ils soient privés des avantages qui sont négociés par la convention collective. Ils devraient pouvoir bénéficier, tout le temps qu'ils reçoivent une indemnité de la Commission des accidents du travail pour maladie industrielle, des avantages de la convention collective qui sont négociés en bonne et due forme. C'est une pénalité pour ces travailleurs.

Ce sont deux points que je voulais apporter, M. le Président, pour tout de suite. Peut-être que j'aurai d'autres interventions tout à l'heure, possiblement.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais à nouveau ceux qui assistent aux travaux de la commission à écouter; normalement, les applaudissements ou les manifestations d'accord ou de désaccord ne doivent pas avoir lieu. Je vous inciterais à nouveau à le faire, même si la commission se déroule dans le meilleur climat, je pense que ce ne serait pas de nature à nuire.

Dans l'ordre, nous entendrons le député de Sainte-Marie, Mme le député de L'Acadie, M. le député de Richmond et M. le député de Frontenac.

M. Bisaillon: M. le Président, en page 7 de votre mémoire...

Le Président (M. Marcoux): Plus près du micro, M. le député.

M. Bisaillon: En page 7 de votre mémoire, vous soulignez, à l'intérieur des comités paritaires, en supposant que les comités paritaires continuent d'exister dans la loi tels qu'ils sont présentés actuellement, la différence qui peut exister entre les représentants de l'employeur pour ce comité et les représentants des salariés. Par exemple, vous soulignez le fait que les représentants des employés vont être élus par une assemblée générale, peu importe s'il y a deux, trois ou quatre syndicats ou s'il n'y en a pas du tout à l'intérieur de l'usine, mais que, par ailleurs, l'employeur, lui, a le choix unique de ses représentants, qu'il peut les révoquer en tout temps, selon, probablement, le type de décisions qu'ils auront pris au comité paritaire, alors que du côté des employés, ce mécanisme n'existe pas.

Ce que je veux vous demander, c'est, en fonction de cela, et en supposant qu'il existe des comités paritaires, qu'est-ce que vous suggéreriez pour améliorer cet aspect de la loi?

M. Rodrigue: Nous l'avons souligné en partie, ce matin. A notre avis, c'est au choix du syndicat. Pourquoi nous soulevons ce problème? J'aimerais expliquer encore davantage que ce matin. A l'article 185, au chapitre XII, la commission peut faire des règlements pour un certain nombre de choses. Au quatrièmement de la nomenclature des règlements, il s'agit pour la commission de déterminer les catégories d'établissements au sein desquels un comité de santé et de sécurité peut être formé, d'abord, et de fixer, selon les catégories, le nombre minimum et maximum de membres d'un comité, d'établir les règles de fonctionnement d'un comité et de déterminer les procédures et les modalités de nomination des membres représentant les travailleurs dans le cas où il n'y a pas d'association accréditée ou le cas où une même association accréditée ne représente pas tous les travailleurs. Notre crainte, c'est que la commission, effectivement, concrètement, en vertu de ce pouvoir qu'elle a, pourrait nommer des représentants pour deux ans. Ce qu'on suggère, c'est que ce soit au choix des syndicats, et là où il n'y a pas de syndicat, des travailleurs concernés.

Je voudrais souligner de plus, avec votre permission, M. le Président, que, ce matin, le ministre a fait allusion à la loi 101 en disant: Cela ne pose pas trop de problèmes. J'ai vérifié et, effectivement, ça nous pose des problèmes.

Si je prends l'industrie du papier, au moment où on se parle, ce n'est absolument pas terminé et on est en pleine discussion actuellement pour essayer d'atténuer ou d'éviter les difficultés rencontrées en regard de diverses situations qui se posent, comme une accréditation, plusieurs accréditations, une accréditation et une partie non accréditée.

M. Bisaillon: Est-ce que vous pourriez expliquer davantage ce que vous voulez dire quand vous dites: Au choix du syndicat.

M. Rodrigue: Pour nous...

M. Bisaillon: Prenons l'hypothèse où, dans une même entreprise, il existerait trois syndicats, plus une catégorie d'employés qui ne seraient pas syndiqués; comment verriez-vous le fonctionnement à l'intérieur d'une entreprise de ce type-là?

M. Rodrigue: Pour nous, le syndicat accrédité devrait nommer son représentant. S'il doit y avoir plus de représentants, les autres unités d'accréditation... Comme on revendique que les comités paritaires soient au choix des syndicats, qu'il y ait un autre comité paritaire pour ces syndicats-là, pour la juridiction qu'ils ont. Si vous avez un syndicat, par exemple, chez les employés de bureau et un autre dans la production, il faut qu'il y ait deux choix pour ces deux syndicats-là, s'ils veulent un comité paritaire.

M. Bisaillon: Donc, un comité par juridiction, en fonction de l'accréditation.

M. Rodrigue: Des conventions collectives et des accréditations.

M. Bisaillon: Et dans les cas où il n'y a aucun syndicat, est-ce que vous croyez que le comité paritaire, tel que décrit dans la loi, peut répondre à des besoins?

M. Rodrigue: En ce qui nous concerne, on croit que c'est un peu utopique et on pense même — on ne l'a pas utilisé dans notre mémoire — que ça peut conduire à des situations assez je dirais anti-syndicales. On pense par exemple à la formation de comités de boutique, on pense à la possibilité pour les employeurs, par le biais du comité paritaire, de créer des syndicats de boutique, des organisations fantômes, etc.

M. Bisaillon: Est-ce que ce danger-là, de toute façon, en dehors de la loi, n'existe pas quand même?

M. Rodrigue: II existe sûrement, mais avec un instrument supplémentaire où l'employeur, dès qu'il en fait la demande, peut former un comité paritaire et que les travailleurs ne sont pas organisés, on pense que le danger grandit.

M. Bisaillon: Une dernière remarque, M. le Président. Il y a, dans le mémoire de la CSN et je pense qu'on peut les retrouver dans d'autres mémoires, des remarques concernant des clauses de conventions collectives qui existeraient déjà, qui auraient déjà été négociées. La première qui me vient en tête, c'est celle de Gaz métropolitain, où il y a, à l'intérieur de la convention collective ou des clauses spécifiques concernant la santé et la sécurité au travail, ou encore des mécanismes prévus à

l'intérieur de la convention permettant aux représentants syndicaux de traiter ou de discuter de cette question-là avec l'employeur. Ces clauses de conventions collectives ont souvent été arrachées après des luttes qui ont été difficiles pour les travailleurs. Quant à moi, je pense qu'il faudrait qu'on trouve un mécanisme pour faire le joint entre l'application de la loi, d'une part, et les droits syndicaux qui ont été négociés et qui apparaissent maintenant à l'intérieur de conventions collectives. A ce niveau-là j'ai des craintes quant à l'application de ces clauses par la suite.

En supposant, par exemple, que des clauses de conventions collectives soient supérieures dans certains secteurs — il est possible qu'on trouve des clauses qui soient supérieures à ce qui peut exister dans la loi — il me semble que la loi, telle que formulée, permettrait à un employeur de faire des représentations au niveau du comité paritaire pour empêcher l'application des clauses de conventions collectives qui pourraient être supérieures. Je voudrais savoir si vous avez remarqué le même danger et si oui, quels sont les mécanismes ou les moyens que vous suggéreriez au gouvernement pour permettre quand même l'application des droits actuellement négociés dans les conventions collectives.

M. Rodrigue: Non seulement nous avons constaté le même danger, mais nous en avons fait la description dans notre mémoire, dans l'analyse point par point. Quant à nous, sur cette question-là, il nous semble fondamental que la loi, d'une façon explicite — et le ministre ce matin y a fait allusion — illustre bien les intentions du ministre, tout au moins sur cette question à savoir que ce qui existe dans les conventions collectives a force de loi entre les parties et continue d'avoir force de loi entre les parties. (15 h 45)

Que la loi sur la santé et la sécurité du travail devienne en quelque sorte un minimum, on y attache beaucoup d'importance, parce que nous avons des conventions collectives supérieures, nous avons beaucoup de travail à faire dans plusieurs endroits, sur le plan des négociations, mais nous avons déjà, et non seulement sur le droit d'arrêter de travailler, mais sur le droit d'enquêter, par exemple ou encore d'autres dispositions relatives à la santé et à la sécurité... Dans ce sens, nous partageons vos craintes et nous suggérons que ce soit modifié de façon à prévoir cela.

M. Bisaillon: II y a certains groupes qui sont passés devant la commission pour parler d'une plus grande centralisation quant à l'application de la loi. Je pense, entre autres, aux représentants des DSC, aux administrateurs d'hôpitaux, aux gens des CLSC qui sont venus devant la commission pour donner leur orientation face au projet de loi. On a aussi entendu parler du libre choix du médecin pour les travailleurs. Ce sont des choses qu'on peut traiter à part, mais quand je les mets avec un système qui pourrait être double, parce que c'est un peu à ça que ça nous conduit... Si, d'une part, dans les endroits où il y a des syndicats, la loi est appliquée par les représentants syndicaux et qu'ailleurs, dans les endroits où il n'existe pas de syndicat, c'est le comité paritaire, tel que c'est prévu ici, ne pensez-vous pas que ça fait un système où, finalement, la coordination, au niveau national, est difficile à faire? Il y a aussi les mécanismes de prévention , parce qu'il ne s'agit pas de traiter les maladies, il s'agit en plus, je pense que c'est le fondement même de la loi, de prévenir les maladies, de les empêcher, de supprimer les causes profondes des accidents du travail et les maladies en milieu de travail.

Ne pensez-vous pas que deux systèmes qui marcheraient en parallèle rendraient la coordination plus difficile?

M. Rodrigue: Ce qu'on dit, c'est que chacune des entreprises est un cas en soi, un cas particulier. C'est pour ça que nous insistons pour que le choix des comités paritaires soit laissé au syndicat, de façon que les parties — on l'a dit ce matin, d'autres que moi l'ont exprimé — s'entendent. Si le syndicat veut un comité paritaire, il négociera avec la partie patronale l'existence d'un comité paritaire et ils se donneront des règles, que ce ne soit pas imposé au syndicat. Dans le cas où il n'y en a pas, les moyens d'application de la loi, des principes fondamentaux de la loi, soient pris par le gouvernement, les moyens d'inspection, par exemple, et l'application de la loi.

M. Bisaillon: C'est justement ce que je craignais d'avoir compris tantôt. Si vous me disiez que lorsqu'il y a un syndicat, le choix des représentants soit fait par le syndicat, quant à l'aspect de santé et sécurité au travail, ça permettrait une bonne discussion.

Quand vous me dites, que le syndicat soit libre de décider s'il va y avoir un comité ou s'il n'y en aura pas, autrement dit, possiblement que le syndicat peut choisir d'utiliser d'autres moyens que le biais d'un comité de santé et de sécurité au travail, sauf que cela nous empêche aussi de réaliser cette coordination sur le plan national dont je parlais tantôt.

M. Rodrigue: Le syndicat pourrait choisir...

M. Bisaillon: En d'autres termes, si les syndicats avaient le choix propre de leurs représentants, donc la possibilité de faire passer les politiques, parce qu'il y en a aussi des politiques dans le milieu syndical, il y a des grandes orientations qui se décident en congrès, là comme ailleurs, si vous aviez le choix des représentants au niveau des comités, est-ce que vous trouveriez la formule acceptable ou si c'est le principe même de l'existence du comité que vous mettez en doute?

M. Rodrigue: C'est le principe même de l'existence du comité. On met ça en cause et on a préconisé depuis longtemps, à la CSN, la mise en

place de comités syndicaux de santé et de sécurité. A cause des raisons qu'on a données depuis le début, sur le plan de l'argumentation, dans ces questions.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je pense qu'il y a eu beaucoup de questions de posées sur de nombreux articles du projet de loi. J'aimerais aborder uniquement un point que vous soulignez, en haut de la page 39 de votre mémoire. "Entre-temps, le gouvernement doit, au lieu de mettre en veilleuse l'application des normes existantes, augmenter le nombre d'inspecteurs et faire rigoureusement appliquer les normes." J'aimerais vous demander si, d'une façon concrète, vous avez des faits à rapporter selon lesquels des normes ne sont pas appliquées, que le nombre d'inspecteurs n'est pas suffisant. Quelles seraient vos recommandations?

Je pense que vous avez tout à fait raison de vous inquiéter de ceci, parce que, même dans l'hypothèse où la loi serait adoptée avant Noël, on sait fort bien que la création de la commission, la mise en marche ou l'application du projet de loi pourraient prendre encore au-delà, d'un an, si on se réfère à d'autres expériences avec d'autres projets de loi. Même après l'adoption du projet de loi il pourrait arriver, entre son adoption et son application, qu'on relaxe quant à l'application des normes et que mêmes les compagnies soient moins soucieuses, étant donné qu'il y aura une espèce de vide entre les deux.

Mais concrètement ma question est: Est-ce que vous avez des données ou des faits quant au nombre d'inspecteurs ou quant à l'application plus ou moins adéquate des normes?

M. Rodrigue: En ce qui concerne le nombre des inspecteurs, ça fait déjà un bon bout de temps que la CSN revendique que le nombre soit augmenté. Effectivement, actuellement, si ma mémoire est bonne, je pense qu'il doit y avoir environ 155 inspecteurs qui ont l'ensemble du territoire à couvrir, ce qui représente au-delà de 100 000 entreprises, établissements de diverses natures. Alors, nous demandons que le nombre d'inspecteurs soit augmenté à cause de ces raisons, parce que nous trouvons, déjà depuis longtemps, que c'est insuffisant.

Deuxièmement, on a des situations où — il y a deux ou trois ans, par exemple, je prends les chantiers maritimes de Lauzon — des inspecteurs sont passés, ont fait une centaine de recommandations et, à ma connaissance, selon mes informations, il n'y a pas de recommandation d'appliquée dans les circonstances. Alors, quand on parle d'une certaine vigueur et d'une préoccupation de faire en sorte que le gouvernement s'assure que les normes soient respectées et qu'elles ne soient pas mises en veilleuse, c'est parce que nous aussi, pendant la période transitoire, on voudrait éviter qu'il n'y ait des relâche- ments et on voudrait forcer la situation à s'améliorer, parce que nous soutenons que déjà, si les normes actuelles étaient appliquées rigoureusement ou le plus rigoureusement possible, ce serait une amélioration.

C'est pourquoi on soulève cette question; on ne voudrait pas qu'il y ait de vide entre l'implantation d'un nouveau régime, sur ce plan, une fois qu'il sera adopté, et les mesures existantes que nous connaissons aujourd'hui. Notamment sur l'inspectorat, nous pensons que c'est insuffisant.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas préparé de dossier quant à la qualité de l'inspectorat?

M. Rodrigue: Quant à la qualité de l'inspectorat, sur ces questions, je pense qu'il y en a d'autres que moi qui pourraient faire des commentaires, Gilles pourrait en faire. Je voudrais dire que, sur la question de l'inspectorat, on a eu connaissance à plusieurs reprises — d'ailleurs, on s'était plaint au cours de ces années et encore dernièrement — de plusieurs conflits de juridiction, par exemple, qui ont fait que des enquêteurs n'ont pas pu pousser leur travail jusqu'au bout.

On a des choses à dire sur le plan de l'inspection, parce que, souvent — je pense que vous avez des groupes qui l'ont exprimé, il n'y a pas très longtemps, devant cette même commission parlementaire — quand les inspecteurs arrivent dans les lieux à inspecter, il arrive qu'il y ait des tentatives, de la part des industries ou des institutions, pour améliorer la situation en attendant la visite de l'inspecteur pour que, au moment où il arrive, la situation soit tout au moins visiblement améliorée.

Sur ce plan, nous croyons fermement qu'il ne s'agit pas ici de faire un procès à savoir s'il y a 100 inspecteurs qui sont compétents, on a des lacunes — on pourrait en souligner — il s'agit surtout d'atteindre un objectif en termes de moyens, c'est-à-dire que l'inspectorat soit suffisant. Gilles, avais-tu des commentaires à ajouter là-dessus, avec la permission du président?

M. Robichaud (Gilles): Peut-être. Ce serait cependant limité à la construction. Le rapport du comité de recherche en sécurité de l'Office de la construction, qui a été publié en novembre 1976, relate en tout cas une étude ou une enquête qui a été faite, menée auprès des inspecteurs de l'Office de la construction, qui révèle à peu près ce qui suit aux différentes questions posées — vous retrouvez cela en annexe au mémoire ou au rapport — que 71% des inspecteurs considèrent que la formation qu'ils ont reçue à leur entrée est nettement en deçà de ce qu'ils attendaient, que 89% des inspecteurs trouvent leur formation théorique reçue plus ou moins suffisante ou nettement insuffisante, que 90% des inspecteurs trouvent que le code de sécurité, tout en étant bon, leur a été plus ou moins bien expliqué ou encore nettement insuffisamment expliqué, que 90% des inspecteurs n'ont pas confiance dans l'équipe spéciale d'inspecteurs qui est censée les superviser, que

77% des inspecteurs voudraient que les formules d'infractions soient simplifiées ou complètement changées, que 88% des inspecteurs ont de la difficulté avec l'aspect légal de la formulation des rapports, que 67% des inspecteurs trouvent que l'on ne leur a pas assez bien expliqué leur rôle quand ils doivent témoigner, que 88% des inspecteurs se croient bafoués lors des procès ou des poursuites où ils doivent témoigner, que 69% des inspecteurs ont trouvé leurs cours de perfectionnement plus ou moins faciles à comprendre et même difficiles, etc.

Je pense que la meilleure référence pour ce qui est du secteur de la construction constitue le rapport qui est fait par l'Office de la construction à cet effet. Et ce qui nous apparaît très clair, c'est l'insuffisance du nombre d'inspecteurs et aussi leur absence de formation, le manque de collaboration dont ils auraient besoin même face aux tribunaux et à la poursuite des plaintes et des infractions dont ils sont saisis. Cela va même jusqu'au point où les inspecteurs de l'OCQ témoignent, selon l'enquête qui a été faite, que c'est quasiment à les dégoûter de faire des plaintes quand ils voient ce qui leur arrive, à la suite de ces plaintes-là, et tout le trouble que cela leur cause par après. Ils semblent maintenant victimes des propres plaintes qu'ils doivent faire pour protéger la sécurité et faire respecter les normes.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie monsieur. J'aimerais demander au ministre s'il pourrait dire à la commission si des suites ont été données à ce rapport. Sans doute que cela a été remis entre les mains du ministre du Travail, si je ne m'abuse.

M. Marois: Oui, mais sans entrer dans tous les détails, on a eu l'occasion d'en parler ce matin. Je ne sais pas si vous étiez là, Mme le député, mais il y a une chose qui ressortait d'ailleurs. Il y a eu le témoignage d'un des représentants de la CSN sur un autre aspect, parce qu'il s'agit pour l'essentiel du rapport Larochelle. On produisait des chiffres d'ailleurs dans le livre blanc sur non seulement l'état actuel des problèmes inhérents à l'inspection de l'émiettement, les constats qu'on vient de rappeler, mais également aussi sur les plaintes qui n'ont pas de suivi, en particulier en cas de récidives. Un des éléments clefs que j'ai évoqués, sans entrer dans tous les détails, c'est qu'à mon avis, après avoir regardé cela depuis deux ans maintenant, on n'en sortira jamais tant et aussi longtemps qu'on ne donnera pas des pouvoirs additionnels aux inspecteurs, la formation, l'information de base, les qualifications requises, qu'ils ne sentiront pas qu'ils sont appuyés et épaulés, et aussi que les troupes ne seront pas réorganisées, regroupées, régionalisées, et rendues dans le milieu, avec des pouvoirs additionnels.

La CSN signale en annexe de son mémoire qu'une des recommandations intéressantes du projet de loi, dans le cas ultime où cela doit s'appliquer, dans le cas où l'inspecteur juge que tous les moyens ont été épuisés, que par exemple, des rapports d'inspection par-dessus rapports d'inspection avec des recommandations qui visent à corriger les problèmes à la source sont sans suite, notamment que l'inspecteur ait le pouvoir de procéder, ce qu'il a déjà, à la fermeture d'un coin d'usine ou d'un coin d'une mine, mais que les hommes et les femmes qui sont au travail ne soient pas pénalisés pour autant pendant cette période-là, s'ils doivent sortir de l'entreprise et s'ils doivent être payés en conséquence par l'employeur. C'est un des éléments. Je reviendrai ultérieurement sur un autre aspect qui a été évoqué, qui concerne toute la dimension pénale. (16 heures)

Les faits qui sont rapportés, à mon avis, sont tout à fait exacts. D'ailleurs, on les reprenait dans le livre blanc, c'est le rapport Larochelle. L'état d'émiettement... Qu'il y ait eu quelques coins d'amélioration, peut-être. Je ne veux pas reprendre cela au morceau, mais l'état fondamental de la situation, à notre avis, ne changera pas, dans la foulée du rapport Larochelle, tant et aussi longtemps qu'on va rester dans un état d'émiettement comme celui des services d'inspection. Là-dessus, je pense qu'il y a une espèce de consensus sur l'idée qu'il faut que ce soit regroupé. On pourra se chicaner sur le lieu, où et le reste, sur la régionalisation et sur l'effort à faire parallèlement à tout cela, ce qu'évoquait le président de la CSN pour qu'entre-temps — je ne vous cacherai pas que ce n'est pas un cadeau — on essaie simplement de faire appliquer par les inspecteurs les normes et les règlements. On s'est essayé — cela fait quand même quelques années que je suis cela — je sais les pirouettes qu'il a fallu faire, simplement dans le cas de la compagnie de Laprairie, Ballast Métal ou Métaux Ballast, je ne me rappelle plus, pour en arriver à la fermer, avec l'appui des médecins. Je me souviens du cas d'une fonderie dans le Bas-du-Fleuve, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, dans le cas d'Atlas Asbestos, et le reste.

On a évoqué tantôt, avec raison — parce que je sais qu'il y a un rapport d'inspection qui s'en vient, on me dit qu'il doit être très étoffé, j'ai hâte de pouvoir le voir — le cas d'une visite à la compagnie Asbestos Corporation. C'est vrai que dans bon nombre de cas, ce n'est pas suivi. Je l'ai vécu personnellement — je ferme là-dessus la parenthèse — en Gaspésie, un rapport d'inspection — je l'avais dans ma poche quand je suis allé visiter l'entreprise — mais il faut aller rapailler les morceaux, un petit bout à l'environnement, un petit bout du rapport au ministère du Travail, quand ce n'est pas un petit bout de rapport en plus aux Richesses naturelles pour avoir le dossier de la compagnie. Il y a deux usines à cette fonderie. Il y avait quelque cent constats d'infractions. Rien n'avait été fait. Quand je me suis présenté là, on pensait que cela allait passer comme de l'eau sur le dos d'un canard, on a fermé une des usines le jour de ma visite. Les travailleurs disaient: Tâche de venir plus souvent, si c'est la seule façon de régler nos problèmes. L'usine était fermée, mais cela ne règle pas les problèmes. Le suivi de tout cela pour corriger à la source les problèmes et en

arriver à déterminer un plan de correction, dans l'état actuel d'émiettement des morceaux, cela donne les résultats qu'on connaît. Cela n'a pas de maudit bon sens. En cela, ils ont raison, à mon avis.

Le Président (M. Marcoux): Vous vouliez compléter la réponse?

M. Rodrigue: Je voulais tout simplement dire que les propos que le ministre vient de tenir correspondent à notre vie quotidienne. C'est à tous les jours que les travailleurs dans les usines sont aux prises avec des contrats de situations où leur santé, leur sécurité est en cause. C'est pour cela que la CSN est si insistante sur les questions fondamentales, en termes de correctifs à la situation. Ce n'est pas pour le plaisir de faire des discours. Ce n'est pas pour le plaisir de répondre à M. Bellemare ou à d'autres. C'est pour faire face à nos objectifs fondamentaux. Quand on est aux prises avec un problème dans une usine, comme dans les mines ou les usines où on a des problèmes de plomb, et qu'on insiste, qu'on entreprend des procédures, qu'on exerce même des rapports de force pour corriger la situation, quand arrive l'occasion pour nous, comme mouvement ouvrier, d'essayer d'influencer ceux qui doivent légiférer pour faire en sorte que cela réponde aux véritables problèmes, vous ne serez pas surpris qu'on profite de la situation pour insister et, plus que cela, qu'on s'organise, sur le plan de l'action comme mouvement ouvrier, pour vous forcer à légiférer. C'est votre devoir, c'est votre responsabilité. Notre responsabilité à nous, c'est de défendre ceux qu'on représente, indépendamment du ministre Marois, de M. Bellemare ou de Norbert Rodrigue.

Dans ce sens, ce matin, j'espère que vous avez constaté la réaction des travailleurs qui sont en arrière de moi. C'est une réaction incontrôlable, même si vous leur demandez avec insistance de ne pas applaudir à certains propos, parce qu'ils vivent cela à coeur de jour, à l'année longue, bien qu'ils soient organisés et qu'ils aient dû faire des grèves depuis 1949, dans certains secteurs, et bien avant cela.

Le Président (M. Marcoux): Ce qui va probablement encore me valoir l'insinuation que je deviens libéral en les tolérant à nouveau.

M. Pagé: Vous n'êtes pas le seul.

Le Président (M. Marcoux): Oui, mais puisque vous entrez à nouveau dans le sujet, je peux vous dire que je suis disqualifié depuis la fin de semaine comme éventuel candidat.

M. Pagé: On pourra en reparler.

Le Président (M. Marcoux): Comme vous, d'ailleurs.

M. Pagé: De cela, on n'en doute pas.

Le Président (M. Marcoux): Nous avons tous deux moins de 35 ans.

M. Pagé: Ah! mais, pour vous, il y aurait peut-être d'autres critères.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je remercie M. Rodrigue. Il reste que je crois comprendre que ce rapport a été entre les mains du gouvernement, ce rapport touchant l'industrie de la contruction, depuis 1976. Depuis ce temps-là, on l'examine. Aujourd'hui, on projette de légiférer et je pense que la raison principale de votre présence ici, c'est qu'on ne revienne pas dans quatre ans pour dire que c'est encore une situation insaisissable et hors de notre contrôle. Il semble y avoir une partie de solution dans cette approche de non-émiettement de tout le système de l'inspectorat, mais il semble que le reste de la loi ne réalisera peut-être pas ou ne répondra peut-être pas aux objectifs que vous voudriez voir atteindre. C'est ce que j'ai cru comprendre de vos interventions.

Maintenant, j'aimerais demander au ministre... Je comprends qu'il y a des résistances et toute la question pénale, etc. Mais il y avait beaucoup de points qui étaient soulevés quant à la formation des inspecteurs. Est-ce que ce point, lui, qui ne dépend quand même pas des résistances qu'on rencontre dans les milieux, a été examiné? Est-ce qu'on a tenté d'y apporter des solutions, parce qu'ils se sentaient assez démunis du point de vue de leur formation, selon la lecture que nous a faite M. Robichaud?

M. Marois: En toute honnêteté, je ne veux pas entrer dans tous les détails et commencer à répondre aux questions. On va avoir l'occasion d'examiner ça le plus longuement possible en commission parlementaire à l'étude article par article.

Je pense que ce qui serait important, c'est qu'on laisse l'essentiel du temps à des discussions avec les groupes qui sont ici, pour leur laisser le maximum de chance d'intervenir et de répondre aux questions et commentaires que chacun d'entre nous pourrait formuler. Je peux bien vérifier, faire procéder à nouveau à une vérification pour pouvoir présenter un rapport. Je n'ai pas l'impression qu'il y a eu la trouvaille du siècle depuis le rapport Larochelle, en toute honnêteté; mais c'est purement un commentaire général, sous réserve de procéder à une vérification plus précise.

Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président... Je regrette de ne pas être d'accord avec le ministre. Je ne crois pas que ce soit une perte de temps de poser ces questions...

M. Marois: Je ne dis pas que c'est une perte de temps.

Mme Lavoie-Roux: ... parce qu'il reste que, fondamentalement, les ouvriers continuent de tra-

vailler dans les conditions qui sont les leurs depuis X temps et qui vont continuer, vous le savez fort bien, M. le ministre, encore, en étant très optimiste, au moins pour une couple d'années avant que toute la machine soit en marche, en admettant ou en faisant l'hypothèse que ce sera une machine qui va fonctionner à merveille et que tout va être comme dans le meilleur des mondes. Mais, d'ici ce temps-là, il y a des problèmes concrets. C'est la raison des questions que je posais.

Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de... Pardon. Il y a le représentant de l'Association des mines d'amiante, je crois, qui voulait compléter sa pensée.

M. Lemay: M. le Président, puisqu'on parlait tout à l'heure d'inspection, le ministre Marois disait que les inspecteurs avaient constaté 100 infractions dans une industrie donnée. Je peux vous dire que je viens de recevoir un rapport à l'Asbestos Corporation des inspecteurs en électricité. Seulement en électricité, à l'usine, à la halte au rebut et au garage neuf, qui va être inauguré la semaine prochaine, à la B.C., la British Canadian, 685 infractions; à la King Beaver, il y a quelque temps, plus de 700 infractions uniquement sous terre; à la Normandie, plus de 500. Ce sont les rapports des inspecteurs en électricité seulement. Quand on demande qu'il y ait plus d'inspecteurs et qu'on insiste là-dessus, je pense qu'on a raison.

M. Grégoire: ... l'Asbestos Corporation...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions à poser ici...

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous parler dans le micro?

M. Brochu: Oui, M. le Président, je pense qu'il est fermé. M. le Président, maintenant ça va.

J'aurais quelques questions à poser et un petit commentaire aussi plus particulièrement sur la question de l'amiantose. Vous êtes revenus à quelques reprises, à l'intérieur de votre mémoire, sur l'application actuelle de la loi 52. M. Lemay, nous a parlé de la question de l'inspection ou des infractions qui sont décelées dans les entreprises déjà exploitantes. Cela nous ramène à tout le contexte, avant même de penser à reformuler des lois, de l'application des lois existantes, si application il y a dans certains cas, complètement ou à moitié.

De toute façon, vous avez mentionné, à la page 39 de votre mémoire, comme première de votre deuxième série de recommandations au gouvernement, d'améliorer la loi 52 visant les victimes d'amiantose et de silicose et d'étendre cette loi à toutes les victimes des autres maladies du travail. On n'entrera pas dans le contexte de la discussion de ce principe comme tel. Cela peut être intéressant à explorer comme avenue, mais là où je veux en venir, c'est que, lorsque les travaux de la commission parlementaire se sont ouverts, j'ai insisté sur un point particulier, justement sur l'application actuelle d'une loi existante, soit la loi 52 qui touche les maladies d'amiantose et de silicose. L'amiantose avait été reconnue — et on l'avait mentionné tout à l'heure dans votre texte, également — comme une maladie non régressive, incurable. On peut, à tout le moins, l'arrêter si la personne cesse d'être exposée aux poussières d'amiante. Elle peut augmenter si la personne continue à être exposée à des poussières.

Or, j'avais été mis au courant qu'un certain nombre d'individus qui avaient été déclassés, qui avaient eu deux diagnostics positifs de suite confirmant qu'il y avait amiantose, donc qui étaient atteints d'une maladie industrielle non régressive, étaient maintenant guéris; c'étaient les miraculés de l'amiante. Ils sont allés à la Commission des accidents du travail; c'est encore pire qu'à Sainte-Anne-de-Beaupré.

M. Grégoire: C'est la Commission des accidents du travail qui est allée à Sainte-Anne-de-Beaupré.

M. Brochu: C'est là que cela devient intéressant. En faisant la recherche, j'ai demandé des informations au président de la commission et j'ai obtenu un certain nombre d'informations. On sait que maintenant il y aurait eu miracle médical dans 28 dossiers. Que je sache, à ce jour, ce ne sont ni les travailleurs, ni les entreprises qui ont demandé que ces gens soient ramenés sur le marché du travail ou quoi que ce soit. Quoi qu'il en soit, il existe maintenant une initiative venant de la Commission des accidents du travail disant qu'il y a eu un autre diagnostic, une découverte formidable avec des méthodes d'évaluation plus sophistiquées, d'après ce qu'on dit, pour dire que, dans 28 cas d'amiantose décrétés et reconnus deux fois par la Commission des accidents du travail, ces gens sont guéris. Je donne des faits, je comprends qu'il y ait des réactions. On peut se demander si dans ceux qui restent qu'il n'y aura pas d'autres découvertes scientifiques d'ici quelques mois, tout dépendant, évidemment, de l'objectif que poursuit la Commission des accidents du travail, à savoir si c'est véritablement une reformulation s'il y a vraiment eu erreur ou si on tente maintenant d'effacer la loi 52, de ramener par la bande au travail tous ceux qui peuvent être récupérés actuellement.

Je ne porte pas d'accusations; je pose des questions. C'est pour cela que je me situe dans l'optique de dire: Vous souhaitez que ce soit appliqué pour tout le monde; on va regarder, pour commencer, de quelle façon s'applique ce qu'on a déjà comme loi. Qui plus est, c'est qu'on a des gars chez nous à Asbestos et il y en a probablement à Thetford — je suis un gars du milieu de l'amiante et cela fait longtemps que je m'occupe

de ces dossiers; j'ai l'occasion de les rencontrer souvent et de voir ce qui se passe un peu — qui sont encore dans les mines, qui se sont vu retirer leur certificat médical, qui n'ont plus leur permis de travail, qui ont été déclarés atteints d'amianto-se à 10%, 12%, 15%, 18%, la même chose que leurs collègues qui ont été expulsés du marché du travail il y a quelques années et qui sont encore dans les mines. Plus que cela, j'en ai qui ont même commencé, sans le demander, à recevoir leur permis de travail. Ils n'ont pas encore été déclarés guéris tout d'un coup, mais ils ont déjà commencé à recevoir leur permis de travail parce qu'on a dit, dans les directives de la Commission des accidents du travail, qu'au cas où il y aurait des découvertes comme celle qu'on vient de faire, les gens pourraient redemander leur permis de travail. Je pense que la commission, actuellement, est en train, au cas où les gens le désirent, d'aller au-devant de leurs désirs et on leur fait parvenir, au cas où ils le demanderaient, leur permis de travail.

J'ai même un cas, quelqu'un qui est venu me voir encore lundi dernier, M. Robert Lambert d'Asbestos; il a été classé, déclassé, trouvé malade, trouvé guéri deux ou trois fois. C'est le même gars, j'ai le dossier ici. Je cite des noms; je ne suis pas inquiet de le faire, car j'ai la permission des individus pour le faire. Ces gars commencent à être passablement écoeurés de se faire charrier de Caïphe à Pilate et de ne jamais savoir ce qui va leur arriver. Cela, c'est une autre partie des gars, actuellement. C'est l'application d'une loi déjà existante. C'est un point.

Il y a des gars qui le reçoivent et qui ne l'ont même pas demandé et des gars qui ont été déclarés atteints d'amiantose à deux occasions et qui, maintenant, ne le sont plus. On leur offre maintenant, en vertu d'une directive adoptée par la Commission des accidents du travail en 1977, la possibilité de redemander un permis de travail et de retourner, s'ils le veulent, sur le marché du travail. (16 h 15)

On a passé cette directive-là — j'attire votre attention là-dessus — en 1977, avant même de faire ces découvertes, comme si c'était en cas de découvrir qu'il y aurait des gens qui ne seraient plus atteints d'amiantose et qu'on pourrait leur permettre de revenir au travail. Cela, non seulement me chicote, mais me révolte un peu. Là-dessus j'ai demandé des explications et je ne lâcherai pas tant qu'on n'aura pas vraiment éclair-ci le problème. Je ne cherche pas à trouver des coupables, je cherche à trouver une solution définitive pour tout le monde, et pour les travailleurs et pour les entreprises et pour la Commission des accidents de travail. Ce qui me fait vous demander, dans un premier temps, vous avez vécu avec la loi 55, M. Lemay, dans le syndicat de Thetford, cela a été la même chose...

M. Rodrigue: M. Parizeau vit avec la loi 55, nous on vit avec la loi 52.

M. Brochu: Lorsque vous dites que vous aimeriez voir une loi appliquée à une plus grande étendue que celle couverte actuellement par la loi 52, quand on voit la façon avec laquelle elle est appliquée actuellement, je vous demande ceci, M. Rodrigue ou M. Lemay: Est-ce que vous voyez actuellement, dans l'attitude du législateur ou de ceux qui ont à appliquer les lois existantes, une attitude ou un mouvement qui vous laisse espérer qu'un jour vous pourrez au moins commencer à discuter une proposition comme celle que vous faites là ou si c'est purement de l'utopie?

M. Rodrigue: M. le Président, dans un premier temps — parce que je demanderai à M. Oliva Lemay de commenter davantage — je voudrais dire que les miracles dont il est question pour nous, c'est davantage des miracles bureaucratiques que des miracles de Sainte-Anne-de-Beau-pré.

M. Brochu: Les gars sont guéris sur le papier, pas sur...

M. Rodrigue: Oui. Je dois vous dire, c'est une opinion personnelle, que je suis relativement surpris de la quantité de spécialistes qui ont poussé au Québec depuis cinq ou six ans, depuis, en fait, particulièrement l'année où la CSN, avec son étude indépendante du Mont-Sinaï, a soulevé la question de l'amiantose. Depuis ce temps-là, il pousse des spécialistes partout au Québec.

On n'a rien contre les spécialistes, sauf que, nous, on sait une chose concrète, c'est que probablement qu'en cherchant mieux, M. Brochu, vous trouveriez beaucoup plus de monde amiantosé déclaré et classifié A et disponible pour le travail et prêt à travailler. Oliva poura commenter ça. Quant au principe général et en notre objectif de chercher l'application du principe de la loi 52 à l'ensemble des travailleurs, nous sommes profondément convaincus qu'en toute justice, les travailleurs qui sont atteints de maladie professionnelle, dans d'autres secteurs, d'un autre type que l'amiantose ou la silicose, devraient avoir les mêmes droits et bénéficier des mêmes avantages que les amiantosés, même si on devra poursuivre et continuer de batailler pour faire appliquer la loi 52 d'une façon plus raisonnable. C'est pour ça d'ailleurs qu'en ce qui concerne les maladies professionnelles, quant à la définition des maladies professionnelles, on trouve dans la loi que c'est trop restrictif et qu'il faut éviter d'avoir une nomenclature de maladies professionnelles en dehors de laquelle on ne pourra plus aller ou on ne pourrait pas aller. On est malade, c'est dû au travail ou bien on n'est pas malade et ce n'est pas dû au travail. Dans ce sens-là, notre revendication repose sur ces principes-là.

En ce qui concerne l'application de la loi 52, je demanderai à Oliva, quitte à revenir avec d'autres commentaires sur votre question, d'aller un peu plus loin sur la question de l'application comme telle de la loi 52 et de la réalité avec laquelle on est aux prises.

M. Lemay: M. le Président, au niveau de l'application de la loi 52, je n'ai pas à vous dire, je pense bien, que nous sommes loin d'en être satisfaits. Ce qui nous a surpris, dernièrement, c'est d'apprendre qu'on avait 26 à 28 travailleurs qui sont guéris miraculeusement. La CAT nous répondra qu'on leur avait donné le bénéfice du doute, mais il reste quand même pour nous que ces travailleurs savent qu'ils sont déjà atteints. Même si, sur papier, on dit qu'ils ne le sont plus, ils savent qu'ils souffrent puisque ce sont des travailleurs qui ont été exposés pendant 35 ou 40 ans.

Si on regarde les années passées, c'était dans des conditions abominables. Il nous semble actuellement que la CAT ou son comité de pneumo-coniose s'applique à minimiser les effets de la maladie de l'amiantose. Or, le comité de pneumoconiose actuellement, avec sa façon de fonctionner, que le comité de révision nous coupe 28 personnes, on peut se poser la question: Parmi tous ceux qui ont été examinés, comme le diagnostic médical devait être positif, combien y en a-t-il qui auraient dû être reconnus et qui ne le sont pas? Combien y en a-t-il qui travaillent actuellement, qui sont atteints de la maladie et à qui on ne veut rien donner?

Je vais vous citer, M. le Président, deux cas bien concrets où le comité de pneumoconiose a cherché non pas à compenser des mineurs atteints, mais à trouver des moyens pour ne pas les payer. Je vais m'exempter de vous donner les noms publiquement, M. le Président, à cause de la confidentialité des dossiers que je voudrais respecter. Je pourrai vous les donner dans le privé, si vous le voulez, et vous pourrez en parler par après.

Il y a un travailleur à qui on a fait une biopsie. Justement, le Dr Jodoin de Sherbrooke qui est au comité de révision — ils viennent de faire des miracles — était catégorique, selon les résultats de la biopsie, c'était un type atteint d'amiantose. Il a fait vérifier et confirmer son diagnostic par des patho-logistes américains. La CAT a dit non, il n'est pas atteint d'amiantose et on ne paie pas. Un autre type est allé à la CAT, à son comité de pneumoconiose; il a le temps d'exposition, 32 ans, il a les râles crépitants à la base des poumons, il a la dyspnée, même sans effort, c'est reconnu par le comité de pneumoconiose, l'hippocratisme digital, la radiographie pulmonaire démontre des fibres d'amiante et un diagnostic porté par le comité de pneumoconiose d'une fibrose pulmonaire qui est la cause de sa dyspnée. Cependant, parce qu'il a eu le malheur d'avoir une biopsie et qu'on ne trouve pas suffisamment de particules d'amiante à l'intérieur des lames, on dit que tu n'es pas amiantosé.

Une fois, on se sert de la biopsie pour dire: Tu ne l'es pas, on ne te paie pas et l'autre fois, on oublie la biopsie parce qu'on serait obligé de le payer, parce que la biopsie en reconnaît. On se pose de sérieuses questions sur le rôle que joue ce comité. Ce n'est pas surprenant qu'on demande d'avoir nos propres médecins pour nous examiner. Cela ne surprendra personne.

Actuellement, la loi 52 devrait être améliorée. Lorsque le confrère président dit que ça devrait s'étendre à toutes les autres maladies, on pense que c'est exact. Pourquoi un mineur qui est atteint d'amiantose dans les mines d'amiante serait-il compensé et qu'un travailleur d'Atlas Asbestos qui est atteint d'amiantose ne le serait-il pas? Ce sont deux maladies exactement semblables, comme d'autres maladies industrielles qui pourraient possiblement être régressives, mais le temps où le travailleur en est atteint, ça devrait s'appliquer pour lui.

On a demandé à maintes reprises, et on le demande encore, l'amélioration de la loi 52. On voudrait que ce soit cette loi qui soit amendée. Actuellement, on fait face à trois lois: la loi 52, on vient de l'améliorer par la loi 114, pour les veuves de ces maris décédés — je vous ai dit tout à l'heure ce que je pensais de la compensation qu'elles devraient retirer— et, par la loi 17, on amende le diagnostic positif. On aimerait que ce soit la loi 52 qui s'améliore, qu'on ne la noie pas dans un projet de loi comme celui-là, mais que ce soit celui-là, pour que nos mineurs, qui ne sont pas des avocats, puissent se retrouver dans la loi, pour savoir où réclamer et qu'est-ce que j'ai en main, quels sont mes droits par rapport à la loi.

On espère que le gouvernement va se pencher sérieusement sur ce problème, pour nos travailleurs atteints d'amiantose, que la loi 52 va s'appliquer d'une façon convenable et qu'on ne cherchera pas au comité de pneumoconiose uniquement à trouver des moyens pour ne pas compenser, parce qu'on a déjà publié une étude qui avait été commandée par la CAT, au Dr Gougoux, pour démontrer qu'environ 5% à 6% étaient atteints; ce n'est pas grave, il n'y avait seulement 5% à 6%, celui qui avait un mois de service comme celui qui avait 40 ans, alors il n'y a rien de mieux que ça pour diluer.

Par la loi 52, on accorde un bénéfice ou une compensation en fonction surtout de la dimunition de la capacité respiratoire. Or, comme ils n'ont pas — d'ailleurs on le mentionne dans le mémoire de la fédération — au moment où le travailleur est entré, sa capacité respiratoire, quand on veut savoir et qu'on n'a pas de donnée de base sur un groupe donné, un échantillonnage donné, qu'est-ce qu'on doit faire pour situer le mieux possible, être le plus juste possible? On prend la moyenne. Or, on sait tous que la normale est entre 80 et 120 de la capacité respiratoire. Pourquoi prend-on le plus bas, 80, et ne prend-on pas 100 de moyenne?

D'ailleurs, le Dr Grégoire lui-même, dans une lettre que j'ai reçue, se posait la question et disait lui-même, puisqu'il faisait partie du comité de la CAT: Pourquoi ne prendrait-on pas 100, comme moyenne; on serait beaucoup plus juste. Quand vous donnez en bas de 80, celui qui était à 90 avait déjà 10% de perdu. S'il était à 70, c'est 20, ce n'est pas 10. Mais ces gars ne peuvent pas être reconnus et probablement que nos 26 ou 28, ça l'est le miracle.

Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Deux secondes pour dire, M. le Président, que nous venons de faire, en quelques minutes, la description des problèmes posés ou qui se posent en ce qui concerne l'application de la loi 52 et le comportement de la CAT.

Vous comprendrez facilement nos réticences et notre appréhension ainsi que les suggestions que nous faisons relativement aux pouvoirs des commissions, notamment la Commission de la santé et de la sécurité, parce que, comme l'assurance-chômage, dans l'ensemble du pays, les pouvoirs étant aussi larges qu'ils le sont, ces commissions, par voie de réglementation, comme on le disait ce matin, indépendamment du pouvoir législatif — et par-dessus le pouvoir législatif — viennent souvent restreindre l'objectif fixé et recherché par les lois. C'est fondamental, en ce qui nous concerne, et c'est pour ça qu'on va continuer d'insister pour ne pas se retrouver dans des complications et dans des difficultés comme celles qu'on décrit actuellement. On veut atteindre un objectif, on l'exprime, alors qu'on l'écrive donc comme ça, qu'on le mette dans la loi.

On commence à apprendre ça: c'est-à-dire qu'il y a des avocats, mais il y a aussi des conseillers en relations industrielles, il y a des conseillers politiques, etc. Alors, on est confronté à tous ces gens, on vit des expériences avec eux et on tire des leçons; les leçons qu'on en tire, c'est que notre réalité, pour qu'elle soit corrigée, il faut que les lois soient explicites.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Frontenac.

M. Brochu: M. le Président, je n'ai pas tout à fait terminé; si vous permettez.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: C'est sur le même point. Je pense que la question de l'amiante, dans tout le dossier qu'on étudie actuellement, je comprends que ce n'est pas l'ensemble de la santé et de la sécurité du travail, mais, à mes yeux et pour plusieurs travailleurs, ça revêt un aspect symbolique à la question de la confiance.

M. Rodrigue: De la crédibilité?

M. Brochu: De la crédibilité, parce que si on s'apprête à modeler la Commission des accidents du travail autrement, il faut dire aux travailleurs: Ecoutez, on repense l'ensemble des lois, les six ou sept lois existantes et les quelque 20 règlements, on va refondre tout ça et on va avoir une autre approche pour vous donner davantage de sécurité et de santé au travail et que, en même temps, on agit de cette façon, vis-à-vis des travailleurs, sous le couvert d'une loi déjà existante, je me dis que les gars qui vont voir venir la nouvelle loi et la nouvelle Commission des accidents du travail vont dire: Qu'est-ce que ça va être encore? De quelle façon va-t-on encore nous passer une épinette?

C'est à peu près la question qu'ils vont se poser; ça ne sera pas: de quelle façon on va vivre à l'intérieur, mais de quelle façon va-t-on se faire avoir?

C'est pour ça que je demande au gouvernement d'éclaircir ce point avant d'aller plus loin avec sa loi, de nous donner des explications. Si vraiment il y a eu erreur dans 28 cas — ce que j'aimerais qu'on me prouve vraiment dans une maladie non régressive comme celle-là — je voudrais qu'on me le démontre en noir sur blanc et, en même temps, je voudrais — il ne s'agit pas de trouver des coupables — qu'on prenne la responsabilité, que le législateur prenne la responsabilité de permettre le choix à ces individus de continuer à bénéficier de la loi 52 et non pas d'obliger ces gens à revenir au travail. (16 h 30)

II semblerait y avoir des dispositions — là-dessus, je vais vous demander des explications encore; c'est de valeur que le ministre ne soit pas ici, mais je vais y revenir — voulant que, lorsqu'on trouve comme cela un diagnostic différent, il y ait peut-être possibilité qu'on diminue le quantum des prestations. C'est l'autre question que je me pose maintenant: Le législateur, le gouvernement responsable est-il prêt dans ce sens-là à assumer les décisions prises dans le passé, bonnes ou mauvaises, quelles qu'elles soient, pour ne pas jouer à la balle avec ces travailleurs? C'est l'autre question qu'on se pose. C'est toute la question de la confiance envers la prochaine CAT. Ce que je souhaite de cette superCAT, c'est qu'elle fonctionne bien, que cela marche bien, mais je me dis que, comme condition préliminaire à cela, on doit démontrer chez nous, comme le ministre l'a indiqué, d'ailleurs, dans ses propos au début, dans notre propre maison, au gouvernement, qu'on agit comme il faut avec au moins les règlements déjà existants.

Le cheminement de la loi 52 nous amène à poser des questions. Vous avez été vous-mêmes obligés de commander une étude pour avoir plus de lumière là-dessus avec l'enquête sur le Mont-Sinaï. Vous avez eu le rapport du Dr Gougoux dont M. Lemay a fait mention tout à l'heure où on a un peu noyé le poisson. Quand on voit, en 1977, la nouvelle directive qui laissait présager que, dans le cas où il y aurait des miracles, ces gens-là pourraient revenir au travail et que maintenant cela se produit et que le ministre, en réponse à une de mes questions pour voir si la loi 52 serait changée ou non, me dit: Oui, une autre loi s'en vient qui va peut-être digérer cela un peu, je me dis: Dans quel sens? Parce que cela a été une loi un peu spéciale, va-t-on, à cause de la situation, l'effacer complètement pour essayer de niveler tout le monde et l'oublier dans un grand cadre beaucoup plus large? Ce sont les questions fondamentales qui se posent à ce sujet-là. Je suis content que, dans votre mémoire, vous ayez appuyé ce point-là, parce que cela revêt une importance capitale pour ces gens qui ont à vivre avec cela, ainsi que pour les gens chez nous, à Asbestos. Mais cela reste une question aussi

drôlement symbolique par rapport à l'application des futures lois. C'est sur cette réflexion que je voulais vous laisser.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais apporter mon point de vue sur cette application de la loi 52. Il est bien évident que, jusqu'à maintenant, elle s'appliquait difficilement ou, du moins, tous pouvaient y trouver des trous de par les termes mêmes de la loi. J'ai toujours cru et je crois encore qu'il y avait deux changements primordiaux qui devaient d'abord s'appliquer. Le premier, on peut le retrouver dans l'article 279 du projet de loi d'aujourd'hui où on enlève le terme "positif". Pour illustrer ce que vient faire ce mot "positif" ici, je voudrais donner deux exemples. Le premier, c'est l'exemple d'un dossier d'amiantosé, que j'ai à mon bureau. Il va dans une clinique médicale, dans un hôpital du Québec. Il se fait examiner par des pneumologues et un pneumologue le déclare amiantosé. Il s'en va devant le Commission des accidents du travail pour se faire examiner et avoir la confirmation de son indemnisation or, il arrive que le même médecin qui l'a examiné alors qu'il faisait de la pratique privée, non pas payé par la Commission des accidents du travail, mais au nom de l'hôpital, une fois engagé par la Commission des accidents du travail pour venir l'examiner pour savoir s'il a droit à son indemnisation, le déclare non amiantosé; le même. C'est évident que, rendu là, on se demande pourquoi. Là, on a à se le demander.

Ce médecin n'est pas de mauvaise foi, ni dans un cas, ni dans l'autre. Mais dans le premier cas, lorsqu'il fait de la pratique privée, il travaille pour l'hôpital. Un individu vient lui demander: Qu'est-ce que j'ai? Le médecin lui dit en toute conscience: Tu es un amiantosé. Mais rendu pour la Commission des accidents du travail, il ne juge pas selon le même critère. La Commission des accidents du travail lui demande de déclarer si hors de tout doute, positivement, alors que tous savent que la médecine n'est pas une science exacte... Que ce soit pour le coeur, les poumons ou n'importe quoi, deux et deux ne font... Les médecins sont encore à rechercher dans ce domaine-là. La preuve, c'est que, dans bien des domaines de maladies, on n'a pas encore trouvé. Rendu à la Commission des accidents du travail, il n'a plus à juger si le gars est amiantosé. Il a à juger si hors de tout doute, sans l'ombre d'un soupçon, s'il était placé dans la boîte aux témoins et contre-interrogé par des avocats, il irait quand même sous serment affirmer positivement, hors de tout doute, d'un diagnostic positif que telle personne est amiantosée. Le médecin dirait: Ecoutez...

De la même façon, dans une cour criminelle, un individu commet un crime et la défense arrive avec des témoins, des psychiatres, des médecins qui viennent dire: Le gars n'est pas à même de subir son procès, il est fou. La poursuite ou la couronne va arriver avec d'autres témoins, des psychiatres qui ont les mêmes diplômes qui vont venir dire: II peut subir son procès, il n'est pas fou. C'est la même chose pour le médecin qui a à juger pour l'amiantose. Quand il juge dans la pratique privée, pour lui, c'est un gars malade. Il dirait que c'est un gars malade, mais, s'il avait à le prouver hors de tout doute et à déclarer que c'est un diagnostic positif hors de tout doute, comme la médecine n'est pas une science exacte, il ne peut pas arriver et rendre le même verdict. C'est là que le bât blesse.

En enlevant le mot "positif", la chance sera aux travailleurs, et à ce moment, s'il y a une clinique médicale — on va y revenir à la clinique médicale — qui le déclare amiantosé, ce sera à l'autre à prouver hors de tout doute qu'il ne l'est pas. Cela va faire la différence.

C'est rendu d'autant plus difficile que depuis deux mois la situation est grave. Le gars se fait déclarer non amiantosé par la Commission des accidents du travail, il a le droit d'aller en révision ou en appel, mais pour aller en révision, cela prend un fait médical nouveau. Il faut donc qu'il aille voir un pneumologue. Or, jusqu'à il y a deux mois, il restait dans tout le Québec — parce que cette espèce d'animal qui s'appelle pneumologue est assez rare — un pneumologue qui ne travaillait pas pour la Commission des accidents du travail, et depuis deux mois, il travaille pour la Commission des accidents du travail et la Commission de révision qui a découvert les miracles. Pour avoir le droit d'aller en révision, il faut se trouver un pneumologue. On n'en connaît aucun qui ne soit pas rendu à la Commission des accidents du travail. Aujourd'hui, vos gars que vous traitez de miraculés ou de guéris subitement, ils ne peuvent plus en appeler ou aller en révision. Qui va aller trouver des faits nouveaux vis-à-vis d'un pneumologue? Il n'y en a plus un qui ne travaille pas pour la Commission des accidents du travail. Ils sont tous rendus là. Comment voulez-vous que le travailleur d'amiante ait justice là-dedans quand ils sont tous payés par la Commission des accidents du travail?

C'est pour cela que je disais que la première solution, c'est de donner la chance au travailleur qui est amiantosé, avec tous les symptômes qui sont mentionnés dans le mémoire de la CSN, section de Thetford, et ceux qui sont mentionnés dans le rapport Beaudry. C'est bien clair et bien évident.

M. Lemay a parlé d'une biopsie. J'ai un autre cas. Il y a de quoi faire réfléchir. J'ai un autre cas encore plus grave que tout cela. Le gars a tous les symptômes mentionnés. On lui fait une biopsie, et Dieu sait si c'est assez grave, on va lui chercher un morceau ce poumon. Quand vient le temps de donner les résultats, le même médecin de la Commission des accidents du travail lui dit: Excusez-nous, on n'en a pas assez pris dans le poumon. Il faudrait refaire une autre biopsie. Le gars a préféré ne plus avoir d'indemnisation, parce qu'on sait ce qu'est une biopsie. J'en ai un dossier comme cela. Rendu là, il y a quelque chose qui ne fonctionne plus.

C'est pourquoi je crois que le deuxième gros point — c'est que pour les maladies de l'amiante comme pour les autres maladies — j'entends en

discuter — cela va être le médecin nommé par la compagnie ou le médecin nommé par le syndicat ou le médecin nommé par la Commission des accidents du travail. C'est là l'erreur. Les médecins qui doivent juger dans cela, ils ne devraient pas être nommés par le patron ou le syndicat ou la Commission des accidents du travail. C'est pour les soins médicaux, ce ne sont plus les conditions de travail, la sécurité au travail. C'est pour les soins médicaux et un diagnostic médical. Cela doit revenir aux hôpitaux, aux affaires sociales et aux médecins en dehors de la Commission des accidents du travail.

La Commission des accidents du travail, elle, va être obligée de percevoir des comptes et de payer, elle est un peu impliquée, elle a un conflit d'intérêts. En même temps qu'elle est obligée de percevoir des comptes, elle a à juger si le gars est malade ou non dans un cas de maladie industrielle, dans un cas d'amiantose, où tout n'a pas été dit, où il y a encore des recherches à faire. C'est la même Commission des accidents du travail qui paie et qui, en même temps, décide si le gars a le droit d'être payé ou non. Cela n'a pas de sens. Qu'on sorte cela de la Commission des accidents du travail, tous les diagnostics, et que ce soit fait par les médecins relevant des hôpitaux. On a un bon hôpital à Thetford qui peut s'occuper de cela. C'est pourquoi je peux dire au syndicat que les démarches sont faites pour établir — cela a été une des premières demandes dans la région de l'amiante — une clinique médicale se spécialisant dans ces maladies d'amiantose qui ne relèvera plus de la Commission des accidents de travail, mais qui relèvera du ministère des Affaires sociales, c'est-à-dire ceux dont le but primordial n'est pas de décider s'il va être indemnisé ou non, mais ceux dont le but primordial est de décider si le gars est malade, est atteint, oui ou non. La clinique médicale est en bonne voie. Même les protocoles d'entente entre le ministère des Affaires sociales et l'hôpital de Thetford sont prêts à être signés. Les montants sont dégelés pour l'établir. Le gros problème — je ne le cacherai pas — c'est que les pneumologues sont rares.

Le Président (M. Marcoux): Monsieur...

M. Grégoire: Cela peut prendre plus de temps, mais je voulais répondre en même temps aux questions. Je crois que c'est un fait que la Loi sur la santé et la sécurité du travail, dans le domaine de la loi 52, dans le domaine de l'amiantose, n'a pas fonctionné comme elle aurait dû le faire. On n'a pas donné la chance aux travailleurs. On a voulu faire de la médecine une science exacte qui pouvait être manipulée par les avocats et les tribunaux. Cela a été l'erreur, quand elle a été adoptée. On a voulu laisser devenir juges ceux qui payaient ou qui percevaient les paiements, d'où le conflit d'intérêts. Avec la chance aux coureurs et un diagnostic médical basé sur les connaissances des médecins, plutôt que sur le point "hors de tout doute", et une clinique médicale relevant des Affaires sociales et d'un hôpital, plutôt que de rele- ver de la Commission des accidents du travail. Voilà deux des premiers points.

Maintenant, pour continuer sur un point qu'a soulevé M. Lemay tantôt et que je voudrais ajouter dans mes remarques, il a dit que pour ce qui concerne l'indemnisation pour les régimes de retraite payés par la compagnie, à partir du moment où un type est déclaré amiantosé, son régime de retraite de la compagnie est gelé. Prenons un gars qui, en 1975, est déclaré amiantosé. Il a 55 ans. Là, il a son indemnisation comme amiantosé, mais, en 1975, son régime de retraite est gelé. En 1985, il atteint l'âge de 65 ans. Il cesse de recevoir son indemnisation comme amiantosé et il reçoit sa pension de la compagnie. Mais il ne recevra pas le même régime de retraite de la compagnie qu'un autre individu qui va quitter la compagnie à l'âge de 65 en 1985. Il va recevoir la pension que celui qui avait 65 ans en 1975 a reçue et il va maintenir cette pension. C'est dire les pertes, quand on sait qu'en dix ans, un régime de retraite — il y a des députés qui sont ici depuis longtemps. M. Bellemare, le régime de retraite des députés il y a dix ans, ce n'était pas celui d'aujourd'hui. Vous allez admettre ça avec moi. Vous étiez là il y a dix ans et vous savez comme moi que ce n'était pas comme ça. Mon père était député en 1939-1940. Il n'y avait même pas de régime de retraite dans le temps. Vous, il y a dix ans, si on vous avait dit qu'on gelait votre régime de retraite, vous auriez dit: Cela n'a pas de sens que les autres continuent et pas moi.

Le gars a 55 ans. Il quitte l'usine. Là, il a la pension de celui qui a 65 et lui, quand il aura atteint 65 ans, sa pension n'est pas augmentée, mais il perd toute son indemnisation comme amiantosé. Cela n'a pas de sens. Ce doit être changé, sans aucun doute.

M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. Grégoire: Pour terminer...

Le Président (M. Marcoux): Je dois constater qu'il y a de l'éloquence dans cette salle aujourd'hui.

M. Grégoire: Non, mais, M. le Président, quand vous avez tous les jours des dossiers et le député de Richmond doit en avoir comme moi, ce sont tous les lundis et des affaires impossibles. C'est incroyable et inimaginable. Je regrette que le ministre ne soit pas ici, parce que je sais que c'en est un qui a du coeur, celui-là, et qui comprend ces choses-là.

Une Voix: ...

M. Grégoire: Non, je pense que c'est celui qui a le plus de coeur et celui qui comprend ça le mieux parmi eux. Je sais qu'il comprend ça... Moi, il faut que je lui donne ça. Quand j'ai insisté parce que l'affaire du mot "positif", c'est moi qui lui ai demandé de l'enlever et il a compris quand je lui ai

exposé la question des biopsies, à savoir que c'était à peu près rien que ça qui donnait le "positif", il a trouvé ça inhumain et il n'a pas pris de temps à l'admettre. L'affaire de la clinique médicale, il m'a appuyé aussi pour ça. C'est un témoignage que je peux lui rendre.

Mais des cas comme ceux-là, quand on est dans nos bureaux... Il n'y a pas beaucoup de députés qui ont des cas d'amiantose. Il y a le député de Richmond et moi. Tous les autres cas de maladies industrielles ou d'accidents du travail...

M. Lavigne: J'en ai un paquet. Je m'en viens.

M. Grégoire: Tu t'en viens. C'est correct, tant mieux si j'ai de l'appui. Mais, à part de ça, dans tous les autres comtés, on peut avoir les autres maladies, mais pour l'amiantose, on est plutôt rare. Moi, c'est plutôt ces cas. Les autres cas, j'en ai moins vu.

Mais quand on les voit le lundi... Vous voulez que j'écourte mes propos, mais ça ne fait rien. Cela fait 100 ans que l'amiante marche au Québec. Cela fait 100 ans qu'ils sont dans la même situation. Cinq minutes de plus ou de moins en commission parlementaire pour dire ce qu'ils pensent, eux, ce n'est pas long. Cela fait 100 ans qu'ils attendent et je peux bien prendre cinq minutes pour dire ce qu'ils viennent me dire à mon bureau, M. le Président.

Une Voix: ... t'entendrais dire ce que tu dis aujourd'hui.

Le Président (M. Marcoux): Monsieur...

M. Grégoire: Cela fait longtemps... M. le Président, je voudrais terminer avec ceci.

J'aimerais que le ministre vienne passer une journée dans mon bureau à Thetford et qu'il vienne peut-être aussi à Asbestos, qu'il vienne entendre ça, qu'il vienne voir un gars qui s'est fait enlever un poumon et on lui dit: II y a de l'amiante sur ce poumon, mais il n'y en a peut-être pas sur l'autre.

Une Voix: Oui...

M. Grégoire: Oui, il y en a un gars comme ça, n'est-ce pas? J'en citerais, des cas. Vous ne pensez pas que ça vaut la peine d'être mentionné et prendre cinq minutes pour le faire? C'est inhumain. Je termine là-dessus, M. le Président. Qu'on change ça.

Le Président (M. Marcoux): ...

M. Brochu: M. le député de Frontenac... que la Commission des accidents du travail arrête ce qu'elle a commencé dans le moment?

M. Grégoire: Arrête?

M. Brochu: Oui, ce qu'elle a commencé dans le moment, à savoir d'essayer de ramener les gens au travail?

M. Grégoire: Ah oui, bien, attends un peu! Je vais rectifier ça. La Commission des accidents du travail a nettement indiqué que dans le cas des 28, il n'était pas question de les ramener au travail et qu'ils continueraient à être dédommagés comme avant, jusqu'à l'âge de 65, comme si le changement de diagnostic n'était pas venu.

M. Brochu: Je prends votre parole. Si ça change...

M. Grégoire: Cela, c'est ce que la Commission des accidents du travail a déclaré. Ce que je ne comprends pas, cependant, c'est que parce qu'il y en a 28 et qu'ils évaluent ça à $100 000, ça fait $2 800 000, qu'ils aillent remettre ça aux compagnies. Ils en ont assez laissé passer à travers leurs filets et ils ont si peu payé pour ça que les compagnies devraient laisser les $2 800 000 là. Je ne comprends pas ça.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre! Je m'excuse. J'ai voulu...

M. Grégoire: M. le Président, M. Lemay a peut-être des commentaires à faire sur ce que je viens de dire. (16 h 45)

Le Président (M. Marcoux): II y aura sûrement du temps pour les commentaires, mais j'ai voulu être le plus large possible, aujourd'hui, compte tenu du bon climat de travail de la commission, mais je ne voudrais pas multiplier les précédents qui fassent que mes successeurs éprouvent de la difficulté à faire régner le bon ordre nécessaire aux travaux de la commission.

Avant, un commentaire général, on m'indique qu'on souhaiterait qu'on raccourcisse les réponses, qu'on aille à l'essentiel, puisque cela fait quand même près de cinq heures que nous avons reçu votre groupe, je pense que les membres de la commission ont montré l'intérêt particulier qu'ils avaient face à l'ensemble de vos mémoires.

Oui, M. Leclerc.

M. Leclerc: Je viens d'entendre les propos des députés qui parlent de l'amiante. Cela a toujours été une question qui m'a préoccupé. En 1948, la revue Relations parlait du scandale de Saint-Rémi-d'Amherst; toute la province a braillé. On allait jusqu'à dire que les petites filles des mineurs silicosés étaient obligées d'aller faire du trottoir, cela avait été ce qu'on appelle une brisure familiale et sociale de cette ville. On a eu les grèves de 1949 et 1975 pour les gars de l'amiante. J'entends deux députés de partis différents. C'est drôle, depuis ce temps, ils n'ont pas encore réussi à faire des lois qui compensent pleinement les travailleurs. Depuis ce temps, ils sont encore à s'apitoyer sur notre sort comme travailleurs.

Je trouve très curieux d'entendre ces gens dire: On va faire quelque chose, la situation est

déplorable. Ce n'est pas de nos jours que cette situation existe, mais depuis fort longtemps. On s'est dépêché — je me souviens, j'étais peut-être jeune — à voter une loi spéciale pour Talbot, pour qu'il ait son fonds de pension même s'il avait agi pas trop correctement. On s'est dépêché pour reconnaître un parti, même s'il n'avait pas le nombre de députés. Mais quand il s'agit de faire des lois spéciales pour compenser les travailleurs, cela prend du temps en "tabarouette"! Quand je viens de voir le document du ministre Bernard Landry disant qu'on va favoriser le secteur privé, le secteur privé pour moi, c'est bien malheureux, M. le Président, MM. les députés, c'est le secteur qui donne la liberté de continuer à charcuter les travailleurs, c'est leur milieu de travail, ce n'est pas autre chose que cela.

Je vais vous donner un exemple, et je le dépose. J'ai ici un document qui est fait par la compagnie Loram-Komo. Loram, pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est le nouveau nom de Manic, les tueurs de Mont-Wright où on est en train de faire les rencontres avec une clinique qui s'appelle la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal Inc. C'est signé par un M. Laporte, directeur de la sécurité industrielle de Loram-Komo. Entre autres, je vais vous citer un paragraphe, si vous me permettez: "J'ai rencontré M. Claude Lefrançois, de la Commission des accidents du travail, lequel était très intéressé par la brochure, me demandant de lui faire rapport de mon enquête afin de recommander aux autres compagnies de la baie James de suivre les traces de Loram-Komo et d'établir une procédure d'examen de préembauchage, d'avertissement dans les cas douteux avant que l'employé n'arrive à la baie James, d'audiogramme, d'expertise avec spécialistes à travers la province, d'un médecin attitré pour l'obtention de rapports médicaux de la CAT, autres services médicaux".

On va plus loin que cela. On dit, à un moment donné, qu'on ne devrait plus continuer à payer la compensation dans le cas où on aura fourni à un travailleur qui est devenu sourd un appareil auditif. On dit maintenant qu'on lui a fourni son appareil, on ne doit pas continuer.

Dans ce dossier-là selon les traces de Loram-Komo, certains districts de la province nous causent plus de problèmes que d'autres et deviennent très dispendieux pour la compagnie. Le district de Rimouski, en allant vers Gaspé, est le plus dangereux à cause du taux de chômage et de bien-être social qui existe. Les personnes de ce district connaissent tous les trucs pour obtenir des bénéfices gratuits du gouvernement, sans travailler. Dans les cas de compensation que nous avons actuellement, au-delà de 75% proviennent de cette partie de la province. Les traces de Loram-Komo veulent étiqueter un ensemble d'une population dans un territoire québécois et disent: Ce sont des gens qui ne veulent pas travailler, ce sont des gens qui font exprès pour se blesser, ce sont des gens qui courent au-devant des accidents.

Depuis 1956 que je travaille, je n'ai jamais vu un travailleur courir au-devant d'un accident. Je n'ai jamais vu un travailleur vouloir manquer de revenus. Je ne crois pas à ça. Il faudrait arrêter de s'apitoyer sur nous-mêmes.

M. Morin, le vice-premier ministre — cela nous est rapporté dans Le Jour du 2 mars 1974 à l'occasion d'une tournée dans le Nord-Ouest — prend des cas de travailleurs qui ne reçoivent pas la compensation, qui sont refusés ou on oblige les travailleurs, même dans l'impossibilité de travailler... Il dit que c'est terrible et que cela n'a aucun sens.

Dans notre mémoire on vous rappelle même les paroles, les propos de M. Lévesque et de M. Burns: "Non au travail qui tue" et qui ont été reproduits dans le Journal de Québec du 20 septembre 1975. Quand est-ce que le massacre va cesser? Quand va-t-on vraiment compenser pleinement les travailleurs qui ont donné... et je pourrais vous en citer des cas... J'ai un cas actuellement dans mon dossier d'un gars de Indusmin — c'est à Saint-Jérôme — où deux rapports médicaux disent que le gars est atteint de silicose, mais la veuve ne reçoit rien parce que son cas est devant le comité de revision. J'ai le cas d'un travailleur, père de quinze enfants... Quinze enfants, c'est travailler pour le Québec. Il y en a qui nous disent: II faut en faire des enfants, mais après 30 ans de travail dans la construction, sa récompense c'est qu'il a subi un accident du travail et qu'il ne reçoit aucune compensation parce que la Commission des accidents du travail joue avec la loi et fafine avec les textes, parce que ce sont des avocats qui ont passé leur temps à voter ça. C'est la situation.

S'il vous plaît, arrêtez donc de vous apitoyer sur notre sort et votez donc des lois pour que cette affaire-là cesse.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! Voulez-vous répéter votre nom pour le bénéfice du journal des Débats?

M. Gagnon (Sylvio): Sylvio Gagnon, président de la Fédération des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, affiliée à la CSN. Je vais essayer de faire ça assez brièvement. Je voudrais revenir un peu à l'intérieur de l'usine pour relever quelques remarques qui ont été faites notamment par le député de Johnson, sur le respect par les travailleurs des mesures de prévention ou des mesures de sécurité qui sont prises par l'employeur.

Je pense que c'est très facile, au niveau d'un texte de loi, de mettre ça dans un texte de loi, et dire que les travailleurs doivent évidemment respecter les mesures de sécurité qui leur sont imposées. Bien souvent ces mesures-là qu'on impose, ce sont des casques protecteurs, des lunettes, etc.

Il y a aussi d'autres mesures de prévention, comme, par exemple, là où il y a un peu de matériel roulant dans une usine, on essaie de respecter une vitesse normale, une vitesse qui ne soit pas dangereuse. J'ai travaillé quinze ans dans une usine où il y avait des règles, on disait qu'il y avait des règles de sécurité.

Par exemple — c'est un exemple entre autres — sur la vitesse de déplacement du matériel roulant à l'intérieur de l'usine, il n'y avait pas de contremaître qui fouettait les gars pour aller plus vite, sauf que le contexte à l'intérieur de l'usine faisait en sorte qu'il n'y a pas un travailleur qui la respectait, parce qu'il avait son contremaître en arrière qui disait, il faut que j'aie tant de matériaux chargés dans ma journée. Il n'avait pas le fouet, mais il y avait une pression continuelle qui faisait en sorte qu'il n'y a pas un travailleur, dans les 15 ans que j'ai été là, qui respectait la limite de vitesse.

Pourtant, dans les règlements de sécurité de la compagnie, il y avait une limite de vitesse à respecter. S'il arrivait un accident, qui était le responsable? C'était le travailleur, évidemment, il n'avait pas respecté la limite de vitesse. Mais la compagnie n'a jamais fait en sorte que les travailleurs travaillent vraiment à cette vitesse. Ce sont des choses comme ça, quand on parle de respecter les mesures de prévention, quand on parle de police à l'intérieur d'une usine, ce sont des choses comme ça qu'on voudrait éviter. Ce sont des points concrets.

Les mêmes remarques sont venues à propos des responsabilités du travailleur. Je pense que dans notre mémoire, on essaie de décrire les conditions des travailleurs de notre fédération et on essaie de dire pourquoi on n'est pas d'accord avec la loi. Cependant, il y a une chose que je voudrais qui soit bien précisée. Il y a des gens, au niveau de l'organisation de la société, qui prennent des décisions économiques et ce n'est pas nous, ce sont nos "boss" qui prennent les décisions économiques. On ne peut pas accepter de prendre une responsabilité sur laquelle on n'a aucun pouvoir de décision. Ce sont d'autres qui prennent les décisions économiques et on voudrait que ce soit nous qui en prenions la responsabilité. On ne peut pas accepter un tel fonctionnement.

Je pense que tout le monde sait avec quelle agressivité les patrons défendent leurs droits de gérance en négociation. Tous ceux qui ont connu un peu la négociation savent avec quelle agressivité, je le répète, les patrons défendent ce droit de gérance. On est obligé de faire des luttes extrêmement difficiles pour leur arracher des parcelles de droit de gérance. Ils veulent garder le droit de gérance, alors ils vont garder les responsabilités qui s'y rattachent. On est, en réalité, dans le fonctionnement normal d'une usine, des exécutants et on voudrait qu'on prenne la responsabilité de la prévention des accidents au travail.

Si on doit en prendre la responsabilité, il faut aussi avoir les pouvoirs de changer les choses. Quand on parle de changer des choses, c'est de changer le mal à sa source, de le corriger, ce n'est pas simplement, comme on voit dans la plupart des cas, dans les usines, c'est prévenir d'un danger. C'est facile, on met des affiches pour prévenir du danger et s'il y a un imbécile, parce qu'on dit que c'est un imbécile quand il va se mettre le doigt à la mauvaise place et qu'il est blessé, c'est lui qui est responsable. Je suis dans une entreprise, je l'ai fait remarquer, une multinationale qui se vante d'avoir un programme de sécurité très intéressant. Chaque mois, ils affichent, sur les tableaux de l'usine, tous les accidents qui peuvent être arrivés dans toute la multinationale, que ce soit au Mexique, en Belgique, au Canada, et jamais, dans aucun rapport, je n'ai vu où on disait que c'était la faute de la compagnie, qu'ils avaient négligé de réparer une machine, etc. Jamais. Pourtant, j'en ai vu et je lisais tous les rapports de sécurité. D'ailleurs, ils étaient toujours en anglais, tout le temps, parce qu'ils venaient de Chicago.

Tous les programmes de sécurité des entreprises sont faits en fonction de laisser la responsabilité aux travailleurs, parce qu'on s'arrange pour que les normes de sécurité, qui sont intéressantes, les normes de prévention, sauf que la condition à l'intérieur de l'usine fait en sorte qu'elles ne sont pas respectées et quand il arrive un accident, on dit aux travailleurs: Tu connaissais ton code de sécurité, tu n'avais qu'à le suivre. On ne parle pas du contexte dans un rapport de sécurité. Ce sont les points que je voulais soulever à la commission.

Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais, à ce moment-ci, avant de remercier la commission, conclure ou synthétiser sur la position de la CSN. Le ministre a dit qu'il n'était pas de son intention, entre autres, de faire des comités paritaires l'instrument unique dans la législation. Nous en prenons acte et nous nous attendons que ce soit expressément dit dans la loi. ( 17 heures)

Cela signifie cependant, pour nous, que les articles 3 et 7 de la loi doivent protéger les droits collectifs, que 280 ne doit pas signifier la perte des droits acquis, que la loi donne effet aux conventions collectives, qu'il n'y ait pas de juridiction exclusive — on a parlé à deux ou trois reprises de juridiction exclusive, notamment dans le cas des comités paritaires — que les représentants syndicaux ne soient pas dilués dans des comités paritaires où siègent, à leur côté, des non-syndiqués, que le choix de ce moyen, qu'on appelle les comités paritaires, soit laissé aux syndicats.

Le ministre a dit aussi qu'il ne dérogerait pas de son objectif fondamental de l'élimination des dangers à la source et qu'il est prêt à faire dire aux textes de loi ce qu'ils doivent dire pour atteindre cet objectif.

Cela signifie pour nous, tel que nous voyons la situation, que le droit de refus ne peut pas être limité à une motion aussi large et abstraite que le danger normalement et habituellement inhérent que jamais il ne soit permis, par exemple, aux compagnies, de se défaire de cette obligation par le port d'appareils de tout genre. En conséquence, il faut qu'il soit dit, dans la loi, que le port d'appareils, comme on l'a mentionné, et tous ces moyens de protection individuelle sont provisoires,

temporaires et ne diminuent en rien l'obligation de la compagnie d'éliminer les dangers à la source; que tout contaminant en matière dangereuse ne doit pas être limité non plus que la nomenclature des maladies du travail.

Quant au droit de refuser un travail dangereux, le ministre dit qu'il en veut un réel droit de refuser un travail dangereux. Il faut alors, quant à nous, qu'un travailleur ne puisse pas faire l'objet de répression, comme c'est le cas, lors de la formation d'un syndicat, à l'occasion de l'organisation syndicale et que, en conséquence, il faut prévoir un mécanisme de statu quo ante dans le cas où on connaîtrait ces situations. Il faut permettre aussi le droit collectif pour protéger les travailleurs et s'assurer que le droit est exercé. Je répète, sur ce plan, que le Code du travail interdit un arrêt concerté et que, en conséquence, si la loi 17 ne le prévoit pas, la concertation entre travailleurs ne sera jamais possible, même s'ils n'ont pas satisfaction en cours de route.

Quant aux abus, nous soutenons qu'il n'y en a pas; on n'est pas capable de nous donner des cas dans le 3787, dans le décret de la construction, dans le cas de la langue française, même les patrons ont admis qu'il n'y avait pas d'abus dans ce cas, malgré les difficultés qu'on a exprimées de composer les comités en question.

Or, les abus, quant à nous, M. le Président, sur la question de la santé et de la sécurité au travail, sur la question des accidents du travail, avec les témoignages que nous avons entendus cet après-midi, qui auraient pu être taxés de gauchistes, comme la CSN, à l'occasion, a son lot sur ce plan, de la part de certains observateurs de la scène, pendant que les travailleurs ont les pieds dans la "slush" et les mains dans les machines, après avoir entendu ces discours, je pense que le gouvernement — et, en premier lieu, le ministre responsable — devrait réfléchir sérieusement avant de poser le geste définitif de légiférer sur ces questions, pour faire en sorte qu'on arrive à trouver des moyens réels pour corriger les situations et qu'on ne soit pas aux prises, dans quatre ou cinq ans, avec une série de procédures dilatoires qui fassent en sorte que les travailleurs, pendant ce temps, aient continué de connaître les problèmes qu'ils connaissent actuellement, soit sur le plan des maladies, soit sur le plan des accidents. La CSN, dans ce sens, M. le ministre, j'aime autant le souligner tout de suite, n'hésitera pas et n'arrêtera pas de souligner et de faire pression sur le gouvernement pour faire en sorte qu'il tienne compte de ces objectifs.

Le Président (Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: Très rapidement, M. le Président, bien sûr, sans reprendre tout ce qui a été dit, parce qu'on a eu, je pense, une discussion de cinq heures, mais il s'agissait quand même de trois mémoires consolidés ou, en tout cas, ramassés, deux d'entre eux présentant des dimensions particulières du problème, donc, je pense que ça se justifiait largement.

On me permettra, très rapidement, sans revenir sur tous et chacun des éléments, d'indiquer deux choses, avant de tirer une espèce de ligne. D'une part, en ce qui concerne les équipements, le port d'équipement individuel, vous l'avez dit, M. le président de la CSN, que ça ne devrait pas être autre chose que du temporaire ou du provisoire.

Il est bien certain que dans certains cas — je pense que vous en conviendrez avec moi — il y a du temporaire et du provisoire qui risque de durer un bon bout de temps. On en a parlé en cours de route. Je pensais aux pompiers. Jusqu'à nouvel ordre, je pense qu'il va falloir... Cela n'exclut pas et cela ne doit jamais exclure de viser à s'attaquer à la racine des maux. Pour mentionner un cas, je ne sais pas si c'est demain matin qu'on trouvera le moyen d'éliminer la nécessité du port du casque sur les chantiers de construction ou d'un certain type de bottines antidérapantes dans certains cas. Cela dit, il ne reste pas moins que le port d'appareils, d'équipements de sécurité individuelle — sauf les cas où le provisoire et le temporaire peuvent avoir une certaine durée de par la nature même des choses — cela ne doit jamais justifier de se donner bonne conscience en disant: On a fait cela, c'est réglé et en d'autres termes, de passer à côté du problème de fond qui est de viser à régler les problèmes à la source, encore une fois en sachant tous fort bien, à condition de s'y mettre ensemble et de se donner les outils pour y arriver, qu'on ne pourra pas y arriver en deux jours. Il y a moyen de changer des choses au point peut-être de nous étonner nous autres mêmes de ce qu'on est capable de faire, à la condition qu'on travaille ensemble ce qui suppose certainement un haut degré bien sûr de conscience et de fermeté, mais aussi de bonne foi, non pas d'une bonne foi guenille et à genoux, ce n'est pas comme cela que je le vois, pas du tout. Je pense que les réalités sont là. Il ne faut pas se cacher ces réalités-là, mais il y a moyen de faire avancer les choses de façon importante sur un certain nombre d'années relativement court, je pense à une période de quatre ou cinq ans. Encore une fois, je regarde les expériences d'autres pays et d'autres provinces. Une chose qui a été signalée avec beaucoup de justesse d'ailleurs cela reprenait des chiffres qu'on citait dans le livre blanc qui émane pour l'essentiel du rapport Larochelle sur les constats d'infractions et surtout dans des cas de récidives — cela a été évoqué en particulier par M. Leclerc — qui mènent dans certains cas à des espèces d'avis préalables qui ont mené à des amendes complètement farfelues et qui, dans bon nombre des cas n'ont mené à rien du tout, vous avez parfaitement raison de le signaler. On l'a signalé dans le livre blanc et c'est pour cela qu'on introduit dans le projet de loi no 17 les articles 204 et 207. Si on veut s'en sortir une fois pour toutes, il faut, premièrement, allonger le délai de prescription. Dans certains cas, le délai de prescription n'était que de six mois, dans la foulée de certaines infractions, ce qui fait que, quand le dossier passait à des inspecteurs de l'OCQ, au contentieux du ministère du Travail pour s'en aller au contentieux du ministère de la

Justice, on aboutissait dans certains cas avec plus de délais du tout pour procéder, d'une part. Deuxièmement, c'est pour cela aussi qu'on prévoit que les poursuites pénales en vertu de l'article 204 pourront être intentées par un inspecteur-chef régional, par la commission ou par une personne désignée par la commission généralement ou spécialement à cette fin, pour que les choses puissent débloquer rapidement et également, on ajoute à l'article 204 "ou partout intéressé", "tout intéressé" voulant bien dire ce que c'est censé dire sur le plan juridique. On a fait quelques commentaires pendant l'heure du dîner, en regardant cela quand je l'ai signalé à un porte-parole de la CSN. "Tout intéressé", c'est certainement au premier chef, les hommes et les femmes qui sont au travail, mais c'est aussi ou en tout cas je dois vous dire que c'est notre intention... Si ce n'est pas cela que cela dit, c'est cela que cela va dire. Par "tout intéressé", déjà il semble que le jurisprudence établit que, comme on parle de "toute personne" par "tout intéressé", cela inclut les personnes morales et notamment dans notre esprit — parce qu'il doit y avoir une notion d'intérêt direct, selon la jurisprudence, un syndicat local — la possibilité de mettre en branle et d'enclencher le processus des poursuites pénales quand cela s'impose. On a aussi, à l'article 207, élargi le délai de prescription.

On m'a fait quelques commentaires sur la notion d'intérêts directs quand il s'agit d'une personne morale et d'un syndicat. On va regarder cela de très près, mais notre intention là est très claire et très nette, parce qu'on pense que ce n'est pas possible, quand il y a des cas d'infractions constatés, établis, prouvés, il n'y a pas de raisons pour que les sanctions en conséquence ne s'appliquent pas. La loi prévoit que les sanctions seront beaucoup plus dures qu'elles ne l'étaient par le passé.

Très rapidement, sur la question... Cela a été évoqué, on a parlé de la loi 52. Il a aussi été fait mention du régime général d'indemnisation actuel de la CAT. Je dois vous dire et vous rappeler ce que j'ai eu l'occasion de mentionner depuis le début des travaux de cette commission, que c'est l'intention du gouvernement, indépendamment du projet de loi no 17 — et nous avons déjà commandé des travaux là-dessus — de procéder à un réexamen complet de l'ensemble des régimes d'indemnisation actuels, parce que de toute façon, on pense qu'on doit les examiner en regard du nouveau régime d'assurance automobile qui est basé sur une philosophie différente, puisqu'il s'agit d'une philosophie de remplacement de revenus, alors que les régimes d'indemnisation actuels, en matière d'accidents du travail, sont basés sur une philosophie de compensation de perte d'intégrité physique. Donc, on pense qu'il s'impose de réexaminer complètement l'ensemble de toutes et chacune de ces questions. Il y a des recommandations très précises.

Je pense à certains commentaires qui ont été faits tout à l'heure, concernant, en particulier, les veuves de certains travailleurs accidentés. Je pense que c'est dans cette perspective que cela mérite d'être examiné très attentivement. On va regarder les recommandations qui ont été faites dans ce sens. Cela vaut aussi pour toute la question des expertises médicales où on pense que, sur la base des connaissances techniques de l'évolution des connaissances scientifiques dans ce domaine, il devrait y avoir moyen — ce n'est pas le département des miracles — de regarder les possibilités d'en arriver à quelque chose qui fasse que dans les cas où un homme ou une femme au travail... Je pense que c'est cela dans les faits, et c'est cela les témoignages qu'on a entendus à nouveau, "pitcher" d'un expert et d'un autre expert par la suite, et d'un autre expert qui vient contester le premier, et tout cela, sur le dos de ceux qui sont les premiers concernés. On pense qu'il doit y avoir moyen d'aboutir à quelque chose qui soit beaucoup plus humain et qui respecte ceux qui sont concernés.

Je terminerai en rappelant ce que j'ai dit au début. C'est dans cette perspective qu'on va regarder à nouveau les articles 7 et 280. Je vais rappeler à nouveau qu'il n'est pas question dans notre esprit d'enlever des droits qui seraient acquis en plus du plancher de base, du minimum qu'introduirait une loi 17 adoptée — c'est très clair dans notre esprit — pas plus d'ailleurs qu'on veut enlever aux parties la possibilité de construire pardessus ce plancher de base, d'ajouter, de la même façon qu'on veut permettre de faire en sorte que ceux et celles, qu'ils soient syndiqués ou pas syndiqués pour l'instant, qui n'ont même pas l'équivalent d'un plancher de base minimum, puissent bénéficier automatiquement de quelque chose qui s'en va dans le sens d'une hausse automatique, d'une forme d'indexation des droits qu'ils ont ou qu'ils n'ont même pas, dans certains cas, pour être capables de bénéficier au point de départ, de ce minimum.

Encore une fois, je rappelle, en terminant, qu'un certain écart semble exister entre le discours du mémoire et les recommandations qui apparaissent en annexe, les recommandations qui apparaissent dans certains mémoires. On va regarder très attentivement toutes et chacune des recommandations qui ont été soumises à l'attention de cette commission. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer dès mon premier commentaire d'introduction qu'il nous semblait qu'il y avait certaines recommandations qui étaient particulièrement intéressantes et qui méritaient d'être regardées plus qu'à la loupe. Soyez assurés que je compte bien faire en sorte que les recommandations soient examinées en conséquence.

Là-dessus, je tiens à remercier infiniment les porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux ainsi que les porte parole des deux fédérations qui étaient présents. Je pense que nos discussions ont été plus que fructueuses. Je pense qu'elles auront permis aussi d'apporter un éclairage à partir du concret, du vécu, aux membres de cette commission parlementaire. Soyez assurés

qu'un certain nombre de choses qui ont été mentionnées ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des syndicats des mines de métallurgie et des produits chimiques ainsi que la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois de nous avoir parlé depuis 10 heures ce matin de la santé et de la sécurité du travail.

J'inviterais maintenant l'Association des entrepreneurs en construction du Québec à venir nous présenter son mémoire, mémoire no 50.

M. Brulotte?

Association des entrepreneurs en construction du Québec

M. Brulotte (Claude): Bonjour!

Le Président (M. Marcoux): Bonjour! Si vous voulez nous présenter vos collègues et nous présenter votre mémoire.

M. Brulotte: A ma droite, Paul Roberge, avocat et conseiller juridique de l'AECQ; à ma gauche, Alfred Regnier, directeur de notre service de sécurité.

Je vais demander à M. Roberge de vous présenter brièvement l'historique de l'association.

M. Roberge (Paul): Créée en 1976, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec regroupe, en vertu de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, tous les employeurs dans l'industrie de la construction qui oeuvrent au Québec.

Notre industrie compte, à l'heure actuelle, plus de 16 000 employeurs qui emploient plus de 150 000 personnes. L'association, qui a pour objet de s'occuper exclusivement de relations du travail dans l'industrie de la construction, est l'unique agent patronal pour les fins de la négociation et de la conclusion de la convention collective qui, sur requête, est prolongée en décret.

Incorporée par loi spéciale le 14 avril 1976, l'association a pour objet d'étudier, promouvoir et développer les intérêts des employeurs de l'industrie de la construction au niveau des relations du travail, de fournir à ses membres les services dans ce domaine et d'agir comme leur représentant auprès des intérêts privés, des pouvoirs publics et parapublics, des agents de la vie économique, des groupements syndicaux, patronaux ou autres.

Pour mieux servir ses membres, l'association compte onze bureaux régionaux situés dans les principaux centres économiques de la province de Québec. Dans chacun d'eux, un personnel compétent informe et conseille les employeurs sur tout ce qui a trait aux relations du travail et notamment l'interprétation et l'application du décret, le règlement des griefs, l'application de l'ensemble des lois et règlements qui régissent l'industrie de la construction, y compris le Code de sécurité pour les travaux de construction, tel le souhait exprimé dans le rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction.

Afin d'atteindre pleinement ses objectifs et de remplir adéquatement son mandat confié par le législateur, l'association emploie plus de 80 personnes dirigées par un conseil d'administration composé de 21 employeurs.

Dans le domaine de la prévention des accidents du travail, considérant que la santé et la sécurité des travailleurs de la construction constituent une préoccupation majeure de la partie patronale, les employeurs de notre industrie se sont imposé, en janvier 1978, une augmentation de cotisation afin de se doter d'un service complet en matière de sécurité et de prévention d'accident du travail. Cette résolution d'augmenter la cotisation fut adoptée à 80% par nos membres réunis en assemblée générale tenue dans nos dix régions administratives.

Cette augmentation de cotisation décrétée par les membres a permis à l'association de mettre sur pied un service de sécurité et de prévention qui voit à l'application des lois et règlements relatifs à la sécurité sur les chantiers de construction. Au moins un conseiller spécialisé en sécurité et prévention oeuvre dans chacun des bureaux régionaux de l'association. Ce service assure également la formation et l'information des membres en cette matière.

Plus concrètement, par le biais du service de sécurité et de prévention de l'association, 3470 entrepreneurs de l'industrie de la construction ont suivi un cours de base en matière de sécurité entre le 1er novembre 1978 et le 1er juillet 1979. Nos moniteurs ont tenu plus de 120 sessions de cours dans tous les coins de la province. En plus de ce travail éducationnel, les conseillers de l'association ont effectué, depuis le 1er novembre 1978, plus de 2000 visites, soit de chantiers de construction ou de sièges sociaux d'employeurs, et ce, à leur demande.

Le rapport d'activités de notre service de sécurité et de prévention indique pour cette même période que plus de 1700 consultations téléphoniques ont été données à des employeurs par nos conseillers. Les cours de base en sécurité constituent pour nous une première étape. La seconde, que nous venons à peine d'entreprendre, vise à implanter des programmes de sécurité sur les chantiers. Déjà, nos conseillers en prévention ont introduit 250 programmes types au sein d'entreprises choisies, compte tenu des travaux spécifiques de chacune d'elles. Si cette première expérience s'avère bonne, nous envisageons de l'extensionner à toutes les entreprises de construction.

Toujours dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, notre association participe activement aux travaux de divers comités qui fonctionnent dans le cadre d'organismes tels que l'Office de la construction du Québec, la Commission des accidents du travail du Québec, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, la Régie des entreprises de construction du Québec et le Conseil du patronat.

Dans cette brève introduction, nous avons voulu, messieurs les membres de la commission, vous présenter, d'une part, l'organisme que nous représentons et, d'autre part, vous démontrer les efforts soutenus de l'association en matière de santé, de sécurité et de prévention sur les chantiers de construction. Notre expérience est brève, certes — moins d'un an — mais grâce aux fonds consentis par nos membres, les employeurs de l'industrie de la construction, elle est riche en enseignement que nous avons voulu traduire dans le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui.

Considérant que notre présentation ne comportera pas la lecture intégrale de notre mémoire nous demandons, si possible, qu'il soit annexé au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): ... on l'accepte. (voir annexe D)

M. Brulotte (Claude): M. le Président, messieurs les membres de la commission, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec a suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution du dossier de la santé et de la sécurité au travail, car il comprend des implications sérieuses pour notre industrie. L'AECQ est une association patronale vouée aux relations de travail dans la construction, qui regroupe sans exception tous les employeurs actifs de cette industrie. La construction est, par essence, une entreprise où les risques d'accidents sont élevés.

En référant aux notes de présentation du projet de loi, nous notons qu'il est de l'intention du gouvernement d'assurer une plus grande participation des premiers intéressés, employeurs et travailleurs, à la gestion de la sécurité en usine ou sur les chantiers. L'AECQ concourt totalement à cet objectif car, étant plus impliquées, les parties prendront plus sérieusement leur responsabilité réciproque dans ce domaine.

Déjà, à la lecture du livre blanc, nous pouvions anticiper que le secteur de la construction, à cause de besoins plus spécifiques que l'industrie manufacturière, allait faire l'objet d'une réglementation particulière. Il nous apparaît normal d'envisager une législation ainsi structurée, car elle sera ainsi susceptible de mieux répondre à un secteur de l'industrie où le lieu de travail, les mouvements de main-d'oeuvre et les risques, etc, sont tout à fait différents des autres secteurs d'activités.

Nous tenterons, dans ce bref exposé, de vous sensibiliser aux points que nous considérons de première importance pour notre industrie, dans l'espoir d'apporter à ce projet de loi notre expertise et contribuer à ce que son adoption par le gouvernement atteigne l'objectif visé; le respect de la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs du Québec.

Le thème majeur de notre présentation portera sur les dispositions particulières relatives au chantier de construction, mais, préalablement, nous soumettons des commentaires sur le contenu de certaines sections du projet de loi qui nous sont apparues intimement liées à notre industrie.

C'est dans cette partie de notre mémoire que nous résumerons notre position.

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a, depuis sa création en 1976, été sensible à cette question de santé et de sécurité au travail. Elle a manifesté sa volonté d'assumer ses responsabilités dans l'industrie de la construction en matière de formation et de prévention et, aujourd'hui, nous sommes heureux de pouvoir nous adresser à cette commission. Nous voulons vous assurer, M. le ministre, M. le Président, et messieurs les membres de cette commission, de notre désir de coopérer de la façon la plus positive possible à l'élaboration de cette législation qui devrait, nous l'espérons, mettre le monde du travail au diapason des nations industrialisées qui ont, de longue date, légiféré dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail.

Généralement, nous avons constaté que depuis la première ébauche du livre blanc, le contenu a sensiblement évolué. Nous croyons que le projet est devenu plus réaliste et plus souple. Il ne faudrait pas croire que, ce faisant, il soit devenu moins efficace, bien au contraire, puisqu'en tenant compte des réalités concrètes de l'industrie, le projet est assuré d'une application sérieuse et ne court pas le risque d'être transformé en expression d'un voeu pieux.

Notre satisfaction à l'égard de l'ensemble de la législation ne doit cependant pas nous faire oublier que plusieurs suggestions très valables, formulées par divers milieux patronaux, n'ont pas été retenues, de telle sorte qu'il nous semble opportun de les soulever ici, d'une façon générale.

Réglementation: Pour ce qui concerne la réglementation, j'aimerais simplement faire une brève remarque qui exprime un peu la philosophie avec laquelle le projet a été préparé. Dans les sections I et II du chapitre 3 qui traitent des droits et obligations des travailleurs et des employeurs, nous notons que dans le cas des travailleurs, la section contient 31 articles et le législateur se réserve une provision pour réglementer dans le cas de deux articles seulement, alors que dans le cas des droits et obligations de l'employeur, la section se résume en huit articles, comparativement à 31 dans le premier cas. Or, on trouve assez curieux qu'il existe une possibilité de réglementation à dix paragraphes différents des huit articles.

C'est un déséquilibre qui nous a frappés, de prime abord.

Nous ne sommes pas les seuls, dans l'industrie en général, à craindre une réglementation arbitraire. Peut-être juste un petit mot pour citer un extrait d'un article de journal récent qui mentionne entre autres que dans le but de s'attribuer des pouvoirs réglementaires peut-être abusifs, par exemple le ministre Vaugeois avait pour but d'atteindre le maximum dans ce domaine puisque son projet de loi sur le développement des entreprises dans le domaine du livre accordait au gouvernement rien de moins que le pouvoir de déterminer ce qui doit être déterminé par règlement en vue de la loi. Alors pour nous, c'était aller un peu loin.

Le pouvoir décisionnel: Nous ne pouvons de plus nous empêcher de signaler aux membres de la commission le grand désir du législateur de vouloir accorder un pouvoir décisionnel aux travailleurs, un pouvoir que la législation la plus évoluée en matière de relations employeurs-salariés, ne reconnaît pas encore. Nous expliquons: Lors d'une conférence donnée par Mme Neilson, dont il a été question plus tôt aujourd'hui, de la Confédération générale du travail de Suède, nous retrouvons entre autres dans le résumé de la conférence, un paragraphe qui dit que tel que défini dans la loi, le comité de prévention est un organisme consultatif. Nous aurons l'occasion de revenir sur certains passages de la conférence de Mme Neilson, mais dans le cas présent, nous prétendons, nous soutenons que le législateur veut en faire beaucoup et beaucoup trop rapidement.

Lorsqu'on parle de paritarisme décisionnel, il faut tenir compte de l'aspect codétermination qui détermine aussi un aspect codirection, cosurveillance et codécision. Que ce soit dans quelque rapport européen entre autres, auquel nous pouvons nous référer, nous sommes conscients que les travailleurs ne sont pas prêts à prendre leurs responsabilités sans les trois aspects cités plus haut et surtout du fait que les travailleurs perdront un moyen de pression lors des négociations s'ils sont liés aux décisions. Alors, qu'on le veuille ou non, on opposera toujours, de quelque côté que ce soit de la barrière, les termes "négociation" et "participation".

Si vous aviez une réponse à cette question-là, nous serions très heureux de la connaître. (17 h 30)

Dans le texte, on mentionne entre autres des pouvoirs décisionnels et certaines obligations. Alors, tel qu'on l'a mentionné dans notre mémoire, j'aimerais faire une courte référence à la législation ontarienne qui a prévu une contrainte au port de l'équipement de protection par le travailleur sous peine de sanction. C'est une obligation pour le travailleur qu'on ne retrouve pas actuellement dans le projet de loi. On peut détailler un peu sur ce sujet, si vous permettez — des chiffres peuvent exprimer l'idée un peu plus clairement — en affirmant que du 1er janvier 1979 au 31 mars 1979, soit dans une période de trois mois, très récente, les pénalités imposées en Ontario comptaient pour 31% en rapport avec le port de l'équipement de protection et 69% avec les conditions dangereuses du chantier.

Dans le mois de mars seulement, les infractions enregistrées avaient été portées dans une proportion de 47% contre l'entreprise, 23% contre les superviseurs et 30% contre les travailleurs. Ceci nous démontre le degré de responsabilité des parties qui sont impliquées et on n'a pas de raison particulière de croire que les chiffres seraient tellement différents pour le Québec. Alors, nous réalisons que la loi de l'Ontario peut quand même avoir un certain bon sens et elle rejoint la législation suédoise dans ce domaine.

Le paragraphe suivant dont nous traitons dans notre mémoire parle de la disposition des budgets de la CSST. Trop souvent, dans le passé, la CAT a distribué des subventions de façon arbitraire et, à l'occasion, en outrepassant la loi. Nous ne pouvons être d'accord pour qu'un syndicat puisse recevoir une subvention de la nouvelle CSST. Les associations sectorielles dont il est question dans le projet de loi pourraient éventuellement faire le joint en ce qui concerne la défense de subventions qui seraient affectées aux parties concernées. Nous reviendrons plus tard aux associations sectorielles, mais nous croyons qu'elles peuvent avoir un rôle très important à jouer.

Nous réitérons le fait que les parties existantes, tant patronales que syndicales, devraient pouvoir affecter une part de leurs revenus à la prévention, indépendamment de la subvention donnée à l'association sectorielle. Si on considère l'ampleur que peut prendre éventuellement la nouvelle CSST, nous réalisons qu'un montant d'argent très important peut être nécessaire pour ces opérations. Nous croyons que le patronat à lui seul ne pourra peut-être pas y répondre et il faudra que le gouvernement participe, d'une certaine façon, tout autant que l'ensemble de la population.

Nous pensons que l'assurance-maladie pourrait intervenir pour une plus grande part et serait alors une forme de participation collective plutôt qu'une forme d'assurance. En ce qui concerne le financement de la CSST, simplement une petite remarque que vous allez peut-être trouver avant-gardiste, mais nous croyons que le financement pourrait ne pas être assumé entièrement par les employeurs, mais qu'il pourrait l'être en partie par les salariés. Je vais m'expliquer.

Il pourrait y avoir une méthode de financement qui permettrait, sans taxer ou sans diminuer le pouvoir d'achat des salariés, on peut tenir ceci pour acquis, que sur un bordereau de paie d'un salarié, si le salarié s'aperçoit que la CAT ou la CSST lui coûte un certain montant d'argent par semaine, il sera peut-être plus enclin à prendre des dispositions pour sa sécurité, avertir des supérieurs des problèmes qui peuvent exister au point de vue sécurité dans son entourage, dans le cas des chantiers de construction et ça peut valoir aussi dans le cas de l'industrie de façon générale. C'est simplement une remarque en passant. Tout ceci dans le but d'éviter certains abus qui peuvent survenir dans les demandes d'indemnisation qui sont présentées à la CAT.

En ce qui concerne les droits et les obligations des travailleurs et des salariés, la comparaison des droits et obligations des travailleurs et des employeurs ne laisse plus de doute quant à la philosophie du projet de loi.

Les obligations et droits sont inversement proportionnels et, d'autre part, les obligations de l'employeur prévalent sur les droits. Le contraire est aussi vrai pour les travailleurs.

En admettant qu'un employeur doit à tout prix s'assurer de la santé et de la sécurité de ses travailleurs, il nous apparaît difficile de reconnaître le bien-fondé de l'implication de personnes non averties ou techniquement non formées dans l'élaboration de normes, règlements et des pro-

grammes de recherche. Je vais simplement mentionner que nous rejoignons plusieurs intervenants, dans l'étude que cette commission est en train de faire, pour insister sur l'importance de la formation et de la qualification, de la compétence des inspecteurs, de même que des salariés, des employeurs, des surveillants de chantier, etc.

Notre position peut se résumer, en gros, à ceci: C'est que, plus il y aura de gens impliqués et plus il y aura de gens avertis des problèmes de sécurité, plus la sécurité se portera bien.

Quand on parle — on vient de parler d'élaboration de normes, de règlements, on reviendra plus tard sur les normes — des programmes de recherche, nous voyons ici un objectif qui pourrait peut-être être prioritaire pour l'association sectorielle qui, de toute façon, devra être formée dans le secteur de la construction, à moins qu'il n'y ait des modifications quant à la nécessité ou l'obligation de la former. Cette association sectorielle, à notre avis, pourrait avoir comme objectif, tout d'abord, de traduire les normes qui existent et qui sont incluses au code de sécurité, qui sont difficiles d'application, parce que, souvent, elles sont modifiées ou elles ne sont pas traduites en français dans bien des cas. De plus, elles ne sont souvent pas adaptées aux besoins du Québec, à tous les points de vue: au point de vue géographique, au point de vue climat, etc. Nous reviendrons tout à l'heure à la question des normes.

Les obligations auxquelles les travailleurs sont astreints doivent être plus explicites. Nous considérons que les obligations, telles que stipulées, prennent l'allure de lignes de conduite plutôt que d'obligations fermes. L'employeur est actuellement, dans la plupart des cas, responsable de ce que les travailleurs utilisent les équipements de sécurité qu'il leur fournit, comme si les travailleurs n'avaient aucun intérêt à Jeur santé et à leur sécurité. Je vous réfère à la note dont j'ai parlé tout à l'heure au sujet de la responsabilité des salariés en comparaison de celle des employeurs ou des surveillants: il y a des statistiques qui existent à ce sujet.

Pour l'information des membres de cette commission, nous pouvons affirmer que plus de 50% des blessés graves, recensés dans notre industrie, avaient à leur disposition l'équipement de protection nécessaire, mais ne le portaient pas ou le portaient d'une façon inadéquate.

Parmi les obligations des employeurs, nous relevons encore un dédoublement de responsabilités, en vertu de la loi et des conventions collectives, en ce qui concerne les conditions de vie. Simple remarque, c'est que le comité de conditions de vie, qui a été formé en vertu du dernier décret de l'industrie de la construction, en est rendu à la phase terminale de rédaction de son rapport, celui-ci sera soumis au ministère incessamment.

Nous traitons ensuite du droit de refus. Je me permettrai de faire simplement une remarque générale, puisque nous allons traiter de ce sujet dans la partie qui est réservée au secteur de la construction.

Nous sommes d'accord sur le droit de refus accordé au travailleur de procéder à l'accomplissement d'une tâche qu'il juge dangereuse; l'historique est très simple, ça existe déjà au décret et nous sommes d'accord, pour autant, évidemment, que le droit soit strictement individuel et que la première personne avisée soit le superviseur immédiat, qu'il s'agisse d'un risque non inhérent au travail habituel et qu'il soit grave et imminent. Alors que, dès qu'une correction est apportée, le travailleur soit tenu de reprendre le travail ou subir la mise à pied ou un transfert de tâche.

Nous pouvons facilement accepter l'énoncé du projet de loi qui dit qu'aucun travailleur ne puisse faire un travail jugé dangereux pour un autre travailleur, à moins d'exceptions très particulières. Nous désirons aussi porter à votre attention que les délais de solutions, qui sont prévus, sont très longs et devraient être réduits, mais nous y reviendrons un peu plus tard.

Pour ce qui est des programmes de prévention, nous référons au texte du mémoire et nous acceptons que les travailleurs évidemment soient impliqués, par le biais du comité, à participer à l'étude d'un tel programme, mais nous sommes convaincus que l'employeur doit avoir l'entière responsabilité de créer ce programme. Il pourrait, sur une base volontaire, s'associer au comité de santé et sécurité pour l'établir. Cette affirmation n'est pas gratuite, mais elle est basée sur l'expérience vécue dans certains pays qui ont déjà légiféré dans ce domaine-là. Nous citons encore en deux mots la loi suédoise: La responsabilité première du milieu de travail continue de reposer sur l'employeur.

Nous passons maintenant aux normes. Je vais lire le texte sur les normes, parce que c'est d'une grande importance pour nous. "La plupart des normes auxquelles nous pouvons actuellement référer sont des normes établies en Ontario, ACNOR ou, aux Etats-Unis — je vous fais grâce des dénominatifs.

Ces normes sont évidemment établies en fonction d'une législation locale et ne s'appliquent pas nécessairement toutes au Québec et son environnement. Déjà, nous vivons des situations insensées, où des individus sont poursuivis en vertu des normes dont ils sont mal informés, qu'ils ne comprennent pas du fait de la langue et qui, avouons-le, sont un vrai casse-tête pour celui qui s'y réfère. De plus, nous voulons attirer votre attention sur le fait que ces normes sont, dans bien des cas, non disponibles.

Afin de corriger cette malheureuse situation, nous favorisons la formation d'un comité qui serait composé d'experts avec le mandat de réviser les normes existantes et des les adapter au contexte des entreprises québécoises. De plus, nous suggérons que tout équipement de protection individuelle vendu au Québec indique clairement à quelles normes sa fabrication correspond. Autrement dit, tout à l'heure, on a mentionné le fait qu'il y avait plusieurs infractions qui avaient été signifiées à des employeurs par l'OCQ concernant, évidemment, la sécurité. Or, il apparaît évi-

dent, d'après le travail de prévention et le travail de consultation que l'on fait auprès de nos membres, que, dans beaucoup de ces cas-là, les normes sont d'abord mal comprises par ceux qui les appliquent, par les inspecteurs de l'office. De plus, souvent elles sont désuètes ou ne s'appliquent pas au Québec.

Je vais vous donner un exemple très simple qui va exprimer ce que je veux dire. Le 10 juillet dernier, un entrepreneur est confronté avec un arrêt de travail relatif à la non-application d'une norme. Le lendemain, le 11, l'AECQ fait les re-présentaions qui s'imposent pour obtenir telle norme et l'interpréter. Le 27 août, soit six semaines plus tard, l'organisme émetteur de normes impliqué répond à notre demande avec ce qui suit: "This letter is in regards to your order no 92. This book is no longer available as ANSI is preparing a new edition and we are in the process of adopting this new edition. Please reinquire in six months...".

L'inspecteur qui doit appliquer une norme qui est dans le code de sécurité et qui porte ce numéro-là, je vous avoue, je le comprends bien de mal faire son travail ou de ne pas faire son travail de façon adéquate, sans que ce soit sa responsabilité. Placez-vous aussi du côté de l'employeur qui reçoit une infraction dans une situation semblable. Notre suggestion, pour ce qui concerne les normes, c'est que le tout fasse l'objet d'une étude sérieuse et que tout l'équipement préventif individuel et autres soit étiqueté Bureau de normalisation du Québec ou Bureau des normes du Québec, en ce qui concerne la prévention et la sécurité sur les chantiers de construction. Je pense que c'est une étape à franchir qui pourrait sûrement tout d'abord éviter beaucoup de malentendus au sujet de l'application du code de sécurité. Dès qu'on verrait, par exemple, que le sigle du BNQ existe, est placé sur un équipement de sécurité, on saurait que l'équipement au moins a subi les tests et rencontre les critères.

En ce qui concerne le représentant à la prévention, le chapitre qui traite de ce sujet est semblable à celui qui traite du délégué de chantier. Nos commentaires seront peut-être plus détaillés, alors qu'on traitera du délégué de chantier et de sa fonction. Nous sommes quand même inquiets vis-à-vis de la fonction des activités de prévention et des activités de relations de travail et craignons la possibilité d'une politisation des activités de prévention. En fait, notre but, c'est de dissocier les deux activités. Chez nous, à l'AECQ, on a deux services qui sont différents. Au point de vue de l'inspection — on va le voir un peu plus loin — nous réclamons de l'OCQ qu'il y ait deux services différents, que ce ne soit pas les mêmes gens qui fassent l'application du décret et qui fassent la prévention. Nous allons revenir sur cela. Nous croyons que la prévention doit faire l'objet d'un service particulier, qui sera composé d'inspecteurs compétents et bien informés, qualifiés sur le sujet de la prévention, alors que les relations du travail, c'est un sujet complètement différent. Nous attendons aussi la même chose du côté syndical sur les chantiers de construction. (17 h 45)

Notre mémoire traite maintenant de l'industrie de la construction. Dans le secteur de la construction, le législateur ne laisse aucun doute sur l'application du principe d'associations sectorielles paritaires. L'article 74 ne donne pas beaucoup d'"alternatives" aux employeurs de l'industrie de la construction. S'agit-il d'un moyen logique pour mettre les parties impliquées dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail au même diapason? Depuis plusieurs années, notre industrie jouit d'une réglementation qui lui est propre, le Code de sécurité. L'inspection relève, en grande partie, de l'Office de construction du Québec, organisme également chargé de l'application du décret et d'autres réglementations.

Récemment, sur le plan patronal, a été organisée une vaste campagne de formation. Notre industrie a déjà entrepris de s'attaquer au problème de la sécurité et de la santé au travail. Nous devons vous faire remarquer qu'en vertu du décret relatif à l'industrie de la construction, les parties se sont donné un organisme similaire, paritaire et qui, jusqu'à maintenant, a maintenu une communication constante et a permis un heureux rapprochement. Déjà, certains programmes d'action ont été élaborés en commun et la collaboration pourrait aller en s'intensifiant.

Certaines expériences au sein de ce comité nous prouvent qu'une action paritaire conjuguée est possible en prévention. Notre participation à ce comité nous a révélé à l'occasion que l'épanouissement d'une politique conjointe nécessitait également la collaboration des organismes auxquels les parties doivent référer, dont le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, l'Office de la construction, ainsi que d'autres comités existants, car dans certaines circonstances et en raison de leurs prérogatives, ils ont tendance à ignorer les parties et leurs suggestions.

Nous croyons, étant donné qu'un comité paritaire existe déjà dans la construction, qu'il suffirait dans un premier temps d'élargir le mandat de ce dernier, afin que, d'un commun accord, les parties puissent élaborer un programme de prévention avec des objectifs communs et éviter ainsi qu'une structure soit imposée à l'industrie comme le veut l'article 74.

Cette première étape permettrait graduellement à l'association de prendre corps, les parties apprenant à se respecter mutuellement dans une forme de parité ou l'identité de chacun ne serait pas lésée. Nous sommes prêts à donner à notre comité les pouvoirs nécessaires pour qu'il puisse jouer le rôle d'agent de liaison entre les parties impliquées et les organismes officiels.

Nous déplorons le fait que le projet de loi permette à la commission de décider du protocole d'entente ou de son contenu et, encore plus, qu'elle soit détentrice du pouvoir de créer une telle association de façon arbitraire. Autrement dit, notre position, c'est que l'association sectorielle dans l'industrie de la construction devrait quand même être sur une base volontaire dans le projet de loi, comme dans les autres secteurs d'activités.

Le maître d'oeuvre et l'employeur professionnel. Le projet de loi donne au maître d'oeuvre la

plus grande responsabilité, y compris celle d'établir un programme de prévention avant le début des travaux et nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette philosophie. Toutefois, nous croyons qu'une certaine souplesse devrait être apportée à cet article de la loi. En effet, il ne sera pas toujours possible de pouvoir disposer d'un programme avant le début des travaux ou encore de le préparer en collaboration avec les autres employeurs. Il faudra que le législateur ajoute au texte, dans la mesure du possible, sans quoi, il est à craindre que les personnes concernées auront tendance à se doter d'un programme type qui ne sera pas adapté aux risques inhérents à un chantier particulier.

Le droit de refus et droit de travailler dans des conditions dangereuses. Nous sommes d'accord avec l'énoncé des articles 159, 160 et 161, mais il devrait y être clairement spécifié qu'il doit s'agir d'un danger imminent et grave. De plus, nous croyons que, dès que l'employeur a désigné son représentant à la prévention, ce dernier, soit celui qui doit être avisé de toute situation dangereuse. Le premier geste à poser dans une telle situation serait de faire la correction qui s'impose, quitte à entreprendre simultanément un examen de la situation.

Nous suggérons qu'aux articles 162 et 165, des corrections soient faites dans le cadre d'une représentation concernant le délégué de chantier et autres personnes qui ne travaillent pas sur le chantier même. C'est au représentant à la prévention, élu par les travailleurs du chantier, qu'il appartient de jouer ce rôle, car ce sont eux qui vivent les situations quotidiennes sur le chantier, qui connaissent vraiment où il peut y avoir des dangers et atteinte à leur sécurité.

Comme nous l'avons déjà dit, nous ne pensons pas qu'il soit logique pour un employeur de permettre à un travailleur d'accomplir un travail jugé dangereux pour un autre, à moins que le refus de travailler ne repose sur des motifs qui sont acceptables dans le cas particulier de ce travailleur. Ceci peut seulement permettre, à notre avis, de créer une situation d'attente et de créer des délais dans la correction de la situation.

Notre appréhension face au grand nombre d'étapes à franchir pour en arriver à une solution exécutoire est importante pour l'industrie de la construction, plus peut-être que pour l'industrie manufacturière, parce qu'il s'agit d'un travail cyclique, en perpétuel changement. Les délais pour rendre une décision peuvent paralyser un chantier ou un secteur de chantier dans un temps relativement court. C'est la raison pour laquelle le législateur devrait prévoir des mécanismes d'intervention plus rapides que ceux décrits dans le projet de loi.

Le comité de chantier. La section qui traite du comité de chantier équivaut presque intégralement à l'article 2.5 du code de sécurité pour l'industrie de la construction. La volonté d'impliquer les concepteurs d'un projet dans un tel comité ne peut que nous plaire. Pour tout préven-tionniste averti, il est logique que la sécurité soit pensée lors de la conception des travaux et une telle décision, si elle est appliquée, évite de nombreux retards au moment de l'exécution. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une amélioration sur ce qui était prévu au code de sécurité.

Nous sommes d'accord avec le principe voulant qu'un comité soit formé dès le début des travaux, pour autant qu'il y ait suffisamment de travailleurs impliqués. Cependant — c'est très important pour nous — nous croyons qu'une clause contenue au code de sécurité devrait apparaître formellement dans la loi, soit l'article 2521 — il y a une erreur dans notre texte, ce n'est pas 5221, c'est 2521 — lequel spécifie que le comité de chantier est placé sous l'autorité de l'employeur qui agit à titre de maître d'oeuvre.

Cette attitude est dictée par le fait que ce qui est la responsabilité de tous, en fait, n'est la responsabilité de personne. La prévention étant une préoccupation dès l'étude d'un projet, il est logique que ce soit le maître d'oeuvre qui en soit responsable et assure le fonctionnement du comité de chantier. Le maître d'oeuvre, dans le fonctionnement d'un petit chantier, peut être l'entrepreneur général ou le propriétaire.

Certaines fonctions que le projet de loi délègue au comité mériteraient, à notre avis, d'être modifiées. Ainsi, selon nous, il n'appartient pas au comité de surveiller la mise en place des mécanismes de coordination des activités des entrepreneurs travaillant simultanément sur un chantier. Nous admettons toutefois que le comité soit appelé à coopérer à la mise en place des dispositions prises par les employeurs en vertu d'un programme de prévention, le tout en collaboration avec le représentant à la prévention nommé par le maître d'oeuvre.

Le paragraphe 6 de l'article 168 relatif aux fonctions du comité devrait plutôt déléguer à l'association sectorielle l'analyse des statistiques et cette dernière pourrait en faire la synthèse et la redistribuer sous forme d'information fonctionnelle. De la même manière, en ce qui a trait au paragraphe 7, l'association sectorielle devrait être le centre de communication et de dépôt des documents, faisant la liaison entre les comités et la commission. A cet égard, nous prétendons qu'il est impensable que les salariés puissent étudier et analyser les statistiques et encore moins faire des projections à partir de ces dernières, d'autant plus que souvent les statistiques ne reflètent pas seulement les accidents, mais aussi les incidents. Un tel système a déjà été mis à l'épreuve et s'est révélé une opération difficile.

Le délégué de chantier. De toutes les propositions contenues dans le projet de loi, celle qui concerne la définition du délégué de chantier et le rôle que le législateur entend lui faire jouer a de quoi nous surprendre et nous ne pouvons que nier catégoriquement quelque rôle que ce soit dans le domaine de la santé et de la sécurité à ce représentant syndical. Notre refus d'octroyer au délégué de chantier des pouvoirs en prévention est dû au fait que la défense du droit des travailleurs dans l'application du décret ou des relations du

travail, d'une part, et l'application de la sécurité sur les chantiers de construction, d'autre part, sont inconciliables. En fait, on imagine un peu les pouvoirs qui seraient entre les mains d'un délégué de chantier pendant une période de négociations.

Nous ferons grâce aux membres de la commission des recommandations contenues dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale présidée par feu le juge Robert Cliche. On pourrait, cependant, prévoir que la situation qui prévalait dans les années soixante-dix serait de nouveau d'actualité et qu'on verrait surgir une armée de délégués plus ou moins informés et incapables d'assumer de telles fonctions.

Nous voulons que les dispositions du projet de loi 47, sanctionné le 27 juin 1975, concernant le délégué de chantier, demeurent intactes. Nous trouvons décevant que le législateur tente de réintroduire le délégué de chantier comme responsable ultime de la sécurité sur les chantiers et nous sommes encore plus circonspects lorsque le législateur veut réintroduire comme agent de sécurité, l'agent d'affaires ou autre représentant syndical lorsqu'il n'y a pas de délégué dans un chantier.

C'est pourquoi nous ne pouvons aucunement agréer à cette section du projet de loi. Notre position, c'est que le représentant à la prévention dans un chantier de construction doit être élu parmi les travailleurs qui sont actifs dans ce chantier. Ce sont ces derniers qui sont au fait des problèmes de sécurité dans ledit chantier, et non pas celui qui va venir à une occasion donnée ou à un moment donné. Cela permettra aussi de faire la promotion de la compétence ou de la qualification des travailleurs au niveau de la sécurité.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le secteur de la construction est déjà structuré et en avance de beaucoup sur les autres secteurs économiques. Il dispose d'un code de sécurité qui, sans être parfait, permet quand même une action dirigée dans le domaine de la prévention. Ce même code a pris acte des recommandations du rapport de la commission Cliche en réservant un chapitre à l'organisation de la sécurité.

Le système préconisé par l'article 2.5 du code de sécurité est assez significatif. Ainsi, nous demandons que l'obligation de l'employeur de maintenir un agent de sécurité à son service, tel que prévu à l'article 2.253 du code de sécurité, demeure et soit intégré dans le présent projet de loi.

Sur les chantiers ne requérant pas l'obligation de maintenir un agent de sécurité en fonction à temps plein, nous préconisons la nomination par l'employeur d'un représentant patronal à la prévention afin que sur tout chantier de construction, une personne clairement désignée soit chargée de cette responsabilité. Et dans ce cas-ci comme dans les autres cas, il est de première importance que les représentnts à la sécurité soient qualifiés et compétents dans ce domaine.

Afin de favoriser la participation des travailleurs à l'application de la sécurité, nous croyons que les salariés de chacune des associations re- présentatives doivent pouvoir s'élire un représentant à la prévention.

Cette personne ne devrait jamais cumuler la fonction de délégué de chantier et de représentant à la prévention afin que la prévention et la sécurité soient clairement dissociées des relations du travail.

Ce représentant à la prévention devrait être élu parmi les travailleurs du chantier et par eux. Son rôle serait de faire partie du comité de chantier et d'être l'intermédiaire entre les travailleurs et le représentant patronal pour la prévention.

Les appareils qu'un représentant à la prévention devrait pouvoir utiliser, dans l'exercice de ses fonctions, devraient être tenus à sa disposition, mais localisés dans le bureau du représentant de l'employeur.

Inspection: II semble bien que la responsabilité de l'inspection sur les chantiers de construction soit bien difficile à déterminer. Dans un premier temps, le livre blanc nous avait laissé croire que le ministère du Travail tenterait de rapatrier sous son égide, tous les services d'inspection qui existaient. Cette solution était surtout valable, dans ce sens qu'elle permettait d'espérer une efficacité plus grande des services précités. Notre intérêt dans cette question ne se situe cependant pas au niveau de l'autorité. Nous croyons plutôt qu'il faut éliminer les dédoublements de tâches au niveau des individus, les inspecteurs de l'Office de la construction qui doivent, simultanément, faire appliquer le décret et le code de sécurité. Alors, c'est la dissociation de ces deux types de travail que nous recherchons.

Déjà, le rapport de la commission Cliche s'était inscrit en faux contre le fait qu'un même inspecteur ait à faire respecter des lois si différentes. Un tel cumul de fonctions est susceptible de nuire énormément à son action sur les chantiers. L'inspecteur de l'OCQ, par cette double fonction, est identifié comme un policier bien plus que comme un "préventionniste". Cependant, il semble bien que pour nous comme pour la commission Cliche, la surveillance de l'application du code de sécurité pour la construction doit continuer de relever de l'office, mais l'exclusivité devant être consacrée et les inspecteurs formés uniquement pour accomplir une telle fonction.

Rappelons ici le texte: L'inspecteur de chantier doit être considéré beaucoup plus comme un agent préoccupé avant tout de la prévention des accidents du travail que comme un policier chargé de constater les infractions.

Nous réalisons, après plus de trois ans, que la situation persiste dans le domaine de l'inspection. Les inspecteurs qui appliquent le code de sécurité dans l'industrie n'ont reçu que bien peu de formation en sécurité. Plus encore, peu d'entre eux pourraient réellement se qualifier comme agents de sécurité. (18 heures)

Nous pourrions soulever d'autres points à l'égard desquels nous sommes réticents, mais d'autres organismes patronaux se chargent de le faire. Cependant, il nous faut, une fois de plus,

souligner que le projet de loi délègue un pouvoir de réglementation à l'organisme dont dépendront les services d'inspection. Il eût été plus adéquat d'arrêter une politique définitive, malgré qu'il nous apparaisse implicite, à l'article 177, qu'un inspecteur qui ordonne au maître d'oeuvre de prendre les mesures appropriées lorsqu'il y a un danger pour la sécurité, doive suggérer les moyens raisonnables pour remédier à la situation, nous soutenons qu'il devrait en être fait mention expressément dans le texte du projet de loi.

De la même façon, lorsqu'il arrête les travaux, en vertu de l'article 178, soit en raison d'un danger grave et imminent ou d'un danger défini clairement, l'inspecteur devrait indiquer les corrections à être apportées ainsi que le délai donné pour corriger la situation. On retourne encore au problème du manque de qualification des inspecteurs qui ne sont pas en mesure de suggérer des correctifs, dans beaucoup de situations.

Lorsqu'un arrêt de travail a été ordonné pour correction d'une situation dangereuse, l'inspecteur devrait pouvoir, dès que la correction a été faite, rendre une décision autorisant la reprise du travail dans un délai maximum de quatre heures.

Le projet de loi, en ce qui concerne le droit de refus, prévoit l'appel à l'inspecteur-chef régional. Nous croyons que l'article 180 devrait prévoir cette étape pour fins de révision ou de révocation de l'ordre d'un inspecteur. Le recours ultime lors d'une décision contestée d'un inspecteur, s'il n'a pas reçu de solution au niveau de l'inspecteur-chef régional, devrait alors être la commission qui pourrait rendre une décision finale et exécutoire.

En ce qui concerne la construction, nous réalisons que les délais pour rendre une décision lors d'un arrêt de travail par mise de scellés sont très longs. Pour pallier cet inconvénient, nous suggérons au législateur de permettre la formation d'un comité permanent d'experts qui serait à la disposition du service d'inspection, au moins, au niveau de l'inspecteur-chef régional.

Je ferais une petite référence au texte de la conférence de Mme Neilson qui nous dit qu'en Suède la loi a consacré la participation des syndicats ouvriers et des associations patronales au sein des commissions d'inspection du travail. Alors, l'inspection est paritaire.

Les chantiers de grande importance. Cette section comporte encore un pouvoir de réglementation qui limite, dans une certaine mesure, l'application de son contenu. Cependant, si l'on s'accorde à croire que le législateur entend par chantiers d'importance des chantiers tels que ceux de la baie James, aucun problème ne se pose quant aux propositions du projet de loi. Nous prévoyons, cependant, que, pour certains projets, il sera difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la commission au moins 180 jours avant le début des travaux. Evidemment, la réglementation devrait clarifier ces situations. C'est pour cela qu'on aimerait voir les règlements.

Oe plus, nous nous opposons fermement à l'intervention et à la participation des associations représentatives dans l'élaboration des program- mes de prévention sur les chantiers de grande importance, tel que prévu au deuxième alinéa de l'article 181. Nous croyons que la Commission de la santé et de la sécurité du travail devrait faire appel aux représentants de l'association sectorielle paritaire. Alors, il y a un endroit où l'employeur, le maître d'oeuvre, l'entrepreneur et le salarié se rejoignent. Ceci termine la partie qui est affectée au secteur de l'industrie de la construction.

Dans le cas de la médecine du travail, tels que proposés dans le chapitre VIII, les services de santé au travail préconisés par le législateur soumettent l'industrie manufacturière à une perte d'autonomie et de responsabilité en matières de santé et d'hygiène industrielle. Cependant, ce qui pourrait être jugé inacceptable pour ce genre d'industrie...

Le Président (M. Marcoux): Un instant, monsieur. Il faudrait que je demande aux membres de la commission s'ils sont consentants à poursuivre leurs travaux, parce que normalement nous devons suspendre à 18 heures. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Pagé: II n'y a pas de problème à ce chapitre. Je présume que le mémoire va bon train. On devrait être en mesure d'en terminer la lecture. M. Brulotte et ses collègues devraient être en mesure de terminer bientôt et, par la suite, on passera aux questions dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Marcoux): Alors, nous allons continuer.

M. Brulotte: Merci, M. le Président. Cependant, ce qui pourrait être jugé inacceptable pour ce genre d'industrie, et pour les autres types d'industries n'a pas le même impact en ce qui concerne la construction. C'est pourquoi, même si nous appuyons sans réserve — il y a une erreur de frappe dans le texte; ce n'est pas sous réserve; c'est sans réserve — l'attitude du patronat sur ce point, nous voulons ajouter nos commentaires en rapport avec cet article bien spécifique.

Alors, j'aimerais qu'on retienne simplement ceci: le rôle des DSC dans le cas de l'industrie de la construction pourrait être mis à profit dans ce sens qu'un examen préemploi pourrait devenir éventuellement obligatoire pour tous les travailleurs de l'industrie de la construction. Ces dossiers, évidemment, demeureraient confidentiels au niveau des DSC et seraient disponibles pour tout employeur qui embauche un salarié. Ce serait quand même une mesure de prévention qui utiliserait pour son activité un service qui est déjà existant et qui ne demande pas mieux que de collaborer. Dans ces cas, les pathologies qui pourraient créer des incapacités de travail pourraient être surveillées par des examens de routine et pourraient ne pas empêcher un travailleur, qui peut quand même exercer un métier, de l'exercer d'une façon normale. Cela n'a pas pour but d'empêcher les travailleurs de s'exécuter, mais simplement le but de contrôler les accidents qui pourraient être dus à des incapacités partielles. Ce dossier devrait

demeurer confidentiel et l'employeur qui pourrait avoir besoin de renseignements devrait être en mesure de les obtenir. Ce serait un examen préemploi que nous préconisons.

Je vais faire un résumé des recommandations, si vous me le permettez. En ce qui concerne l'éducation des travailleurs, nous préconisons que la formation des travailleurs de notre industrie en matière de sécurité soit la responsabilité des associations représentatives; que les centres de formation professionnelle retournent à l'industrie; que l'accent en matière de formation des travailleurs porte sur les principes d'ergonomie et sur leur application; que les professeurs soient formés dans le milieu de travail propre au secteur; que la formation d'agents de sécurité s'intensifie et soit basée sur des critères et des prérequis plus solides que ceux qui sont exigés présentement.

En ce qui concerne les normes, que le Bureau des normes du Québec devienne le pendant de l'Association canadienne des normes; que les normes utilisées dans le secteur de la construction soient adaptées au Québec et traduites avant d'être introduites dans les lois et dans les règlements, et qu'une norme ou règlement ne soit mis en application que lorsque les moyens techniques requis pour se conformer auxdites normes sont disponibles et suffisants.

En ce qui concerne l'équipement, nous préconisons que le Québec se dote d'un signe qui devrait apparaître sur tout équipement sécuritaire lorsqu'il est conforme aux normes prescrites; qu'il soit de la responsabilité du fabricant et du distributeur de s'assurer que l'équipement vendu est conforme aux normes sécuritaires pour l'utilisateur.

En ce qui concerne les programmes de prévention, que tout employeur soit tenu d'avoir un programme de base de prévention pour pouvoir obtenir son permis de la régie. C'est en plus d'avoir un officier ou un cadre qui ait subi les cours de sécurité ou les examens de sécurité. Dans le cas du comité de chantier, que tout document de travail, fiches, procès-verbaux produits par le comité de chantier soient transmis à l'association sectorielle, évidemment, de façon à condenser ou à synthétiser les problèmes et les solutions qui sont trouvées. Dans le cas de l'association sectorielle, nous préconisons qu'elle puisse se former sur une base volontaire comme dans le cas des autres secteurs d'activités.

Pour ce qui est de l'inspection, que les services d'inspection soient assurés par des personnes compétentes dont la fonction s'exerce uniquement en sécurité; que les services d'inspection sur les chantiers de construction demeurent sous la responsabilité de l'Office de la construction; que les inspecteurs ne soient chargés que de la mise en application des règlements de sécurité et que les coûts requis pour les services d'inspection soient absorbés par le ministère responsable de la loi, comme dans d'autres secteurs d'activités.

Je peux me permettre de dire en aparté que ce n'est pas tellement important pour nous que ce soit un inspecteur de l'office qui vienne s'occuper de sécurité sur notre chantier. Nous préconisons que cela demeure la responsabilité de l'office parce qu'il existe quand même déjà un noyau qui pourrait être amélioré et dont pourrait profiter l'industrie. On recherche évidemment des inspecteurs qualifiés, mais si jamais cela devait être sous l'égide du ministère du Travail qu'on les obtiendrait, on est d'accord; ce n'est pas une condition sine qua non, le nom de l'organisme ou de l'agence qui est sur le chapeau de l'inspecteur.

Au point de vue santé, nous préconisons que l'examen préemploi soit obligatoire dès l'arrivée du travailleur sur le marché du travail. Cela rejoint une loi existante, mais qui n'est pas mise en application. Qu'un dossier médical cumulatif soit tenu au DSC local. Quant à la réglementation, que la référence à une réglementation dans le projet de loi soit restreinte au minimum et que les règlements soient divulgués dans les meilleurs délais pour permettre une véritable évaluation du projet de loi.

Le recours en cas de refus. Que les étapes proposées pour régler un arrêt de travail soient réétudiées et ramenées à un minimum réaliste et pratique en tenant compte des activités de notre industrie. Que le recours soit toujours sur une base individuelle. Dans le cas d'une infraction, que le travailleur soit contraint aux mêmes obligations et pénalités que l'employeur lorsqu'il enfreint les règles de sécurité. Au sujet de la convention collective, que la loi prévale sur toute convention collective sans aucune restriction.

A titre de conclusion, je me permettrai, M. le Président, si vous le permettez, de lire rapidement la conclusion de notre mémoire. Une politique sérieuse de santé et de sécurité au travail doit accorder à l'industrie de la construction une attention particulière. La nature même de l'industrie le requiert. Ainsi, il serait injuste, à notre avis, de juger de l'effort fourni par les employeurs de la construction en matière de prévention en se basant uniquement sur les statistiques d'accidents enregistrés dans l'industrie relativement à d'autres secteurs industriels.

Un chantier de construction n'est pas une usine. Sur un chantier, des travaux souvent dangereux dans leur nature même sont en flux constant. Ajoutons que l'industrie peut occuper à certains moments plus de 100 000 travailleurs, 15 000 employeurs, des entreprises de toutes dimensions et des centaines et même des milliers de chantiers répartis sur tous les territoires du Québec. C'est là la réalité de ce qu'est l'industrie de la construction, et nous croyons fermement qu'une Loi sur la santé et la sécurité au travail doit, pour atteindre son but, coller à cette réalité. Compte tenu de la complexité de l'industrie, nous croyons qu'un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail ne peut, dans la meilleure des hypothèses, que fournir un cadre qui permette aux parties directement impliquées d'agir efficacement ensemble. Un cadre n'est pas un carcan car nous sommes fermement convaincus que toutes les lois, tous les règlements et tous les inspecteurs du monde ne pourront suffire à la tâche si les parties elles-mêmes, employeurs et travailleurs, n'acceptent

pas de collaborer de bonne foi ensemble au rude défi que constitue une industrie de la construction toujours plus sécuritaire plutôt que s'accuser ou s'excuser devant des faits concrets.

Dans le domaine de la sécurité au travail: Contrairement à ce que laissent parfois entendre certains démagogues, salariés et employeurs ont fondamentalement le même objectif. C'est pourquoi nous avons insisté tout au long de ce mémoire sur la nécessité de séparer clairement sur les chantiers la sécurité des relations du travail proprement dites. L'inspecteur en sécurité, quel que soit l'organisme dont il relève, doit être un spécialiste qui ne s'occupe que de sécurité. Le représentant des salariés doit de la même façon détenir de ses commettants un mandat axé uniquement sur la sécurité. De cette façon, deux écueils seront évités: D'une part, le domaine très complexe de la sécurité dans la construction serait confié à des individus qui possèdent une certaine expertise du fait de leur spécialisation et, d'autre part, la politisation de la sécurité, inévitable si le délégué de chantier est en même temps le représentant de facto des salariés en sécurité, n'aura pas lieu. Ce dernier danger est de loin le plus grave. En effet, toute la philosophie du projet de loi est axée sur la nécessité d'une participation pleine et entière des parties aux efforts de la prévention. Confier aux délégués de chantiers la responsabilité de la sécurité est dans ce contexte une contradiction qui porterait un coup mortel aux objectifs du projet de loi. Même en supposant que la situation déplorable qui existait au moment de la Commission Cliche ne referait pas surface, ce qui est loin d'être sûr, le conflit d'intérêts dans lequel serait placé le délégué de chantier minerait au départ sa crédibilité et tout le système, que le projet de loi veut mettre en place, deviendrait probablement encore moins efficace.

Qu'il nous soit permis de souligner une dernière fois, dans ce contexte, notre recommandation, à savoir que le travailleur soit finalement placé devant ses responsabilités. Un employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés met leur vie en danger et des infractions et pénalités parfois très lourdes s'appliquent dans son cas. Ce n'est que justice. Dans le même esprit, le salarié qui, par insouciance ou par bravade, n'utilise pas le matériel de sécurité que son employeur met à sa disposition, risque sa vie et cause un tort souvent sérieux à son employeur. Il n'est que justice que des infractions et des amendes s'appliquent dans son cas. En incorporant cette recommandation dans le projet de loi, on éviterait non seulement bon nombre d'accidents stupides, mais on ferait aussi en sorte que le travailleur se sente réellement impliqué dans la prévention des accidents du travail.

Notre association n'existe que depuis 1976. Notre travail en ce domaine se limite aux chantiers de construction. Déjà, nous consacrons le tiers de notre budget, et notre personnel comprend une quinzaine de spécialistes dont au moins un conseiller en prévention au service des employeurs dans chacune des régions du Québec. Nous croyons en toute humilité que les activités de prévention que nous exerçons sur les chantiers nous donnent une perspective privilégiée des problèmes et contingences de l'industrie de la construction dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. Le mémoire que nous vous avons présenté est le fruit de cette expérience sur le terrain. Nous avons voulu que nos commentaires soient positifs afin que le projet de loi que vous étudiez présentement soit aussi réaliste et partant, aussi efficace que possible. (18 h 15)

Nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion d'exprimer notre point de vue et sommes à votre disposition pour toute explication que vous jugeriez utile de nous demander. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Marois: Merci, M. le Président. Bien sûr, je voudrais remercier l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, ses porte-parole, de leur mémoire. Je voudrais tout de suite leur dire — étant donné l'heure, je n'aurai pas le temps de reprendre bon nombre des recommandations qui sont contenues dans votre mémoire — qu'au point de départ, comme c'est le cas d'ailleurs pour l'ensemble et tous et chacun des mémoires, soyez assurés que chacune des recommandations que vous nous avez formulées sera examinée au mérite et très attentivement.

Ceci dit, je voudrais simplement m'arrêter à quelques points, formuler quelques commentaires, des fois sous forme de questions. Je pense qu'il serait intéressant que vous puissiez réagir pour l'éclairage des membres de cette commission. Au départ, vous me permettrez... parce que vous l'avez évoqué en cours de route et je pense que vous avez utilisé l'expression avant-gardiste, quant à la formule des financements qui proviendra en partie des travailleurs; je ne suis pas certain que je partagerais le qualificatif, mais ce qu'on pourrait dire c'est que ce serait à tout le moins nouveau; c'est sûr.

Ceci étant dit, je me permets quand même de rappeler que dans la perspective de l'ensemble de la réforme, l'essentiel des services d'inspection va demeurer sous la coupe d'un financement gouvernemental provenant des fonds publics et par conséquence, des citoyens concernés.

Mes commentaires et remarques porteront d'abord plus précisément sur le droit de refus. Vous nous recommandez de qualifier le danger. Vous proposez qu'on indroduise les qualificatifs de danger grave et imminent. J'avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi. D'une part, parce que vous savez fort bien que la jurisprudence accumulée ne qualifie pas le danger. D'autre part, le décret lui-même de la construction, l'article 26.02 qui est un décret, une convention négociée entre les parties, ne qualifie pas non plus le danger. Là, vous nous proposez par le biais de la loi, d'introduire un qualificatif qui pourrait

limiter la portée de l'application d'un droit qui est déjà dans le Code de la construction, un droit acquis. J'ai déjà eu l'occasion de dire, encore aujourd'hui, que notre intention exprimée dans les articles 7 et 280 du projet de loi n'est certainement pas de diminuer les droits acquis de certains groupes de travailleurs. Donc, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Deuxièmement, toujours sur le droit de refus, vous nous recommandez de limiter les étapes. Je pense que tous les intervenants sont d'accord pour dire qu'il faut trouver les formules qui soient les meilleures possible, les plus rapides possible et soyez assurés qu'on va regarder cet aspect.

Cependant, un des moyens que vous nous suggérez pour prétendument accélérer les étapes, ce serait de permettre à l'employeur de procéder immédiatement à des corrections, plutôt que de laisser intervenir le représentant à la prévention. J'avoue qu'encore là, je ne suis pas certain de comprendre, parce que, bien sûr, l'objectif et j'espère, la pratique... c'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans les autres provinces où le droit de refus a été introduit; dans un fort pourcentage de cas, en Ontario, si ma mémoire est bonne, on m'a dit que plus de 90% des cas se sont réglés à la base et de façon très rapide. Je ne vois pas pourquoi et en quoi on accélérerait le processus, en faisant en sorte que les travailleurs qui exerçaient leur droit de refus ne puissent pas avoir droit à l'accompagnement d'un représentant syndical, en l'occurrence le représentant à la prévention. Il nous semble, dans ce sens, important de maintenir le droit des travailleurs d'être accompagnés d'un représentant à la prévention.

Je me permets également, en troisième lieu, toujours sur le droit de refus de vous signaler que d'autre part, vous avez certainement entendu certains témoignages aujourd'hui. On en a entendu d'autres, on va en entendre d'autres, par ailleurs, dans les jours qui vont venir. Bien au contraire, et en particulier, dans le cas de la construction, le travailleur nous demande de resserrer, de maintenir, bien sûr, l'acquis du décret. Deuxièmement, par une série de recommandations de resserrer la protection des travailleurs dans l'exercice de ce droit.

Vous craignez certains abus dans l'exercice du droit, les témoignages qu'on entend des travailleurs eux, par ailleurs, ce qu'ils craignent et ils le fondent sur la pratique dans un certain nombre de cas, ce sont des abus d'employeurs dans l'exercice du droit de refus de telle sorte que, bien sûr, on ne prend pas de mesure disciplinaire immédiatement, mais selon des témoignages entendus, dans les semaines ou les mois qui suivent, les travailleurs dans ce secteur ne bénéficient pas de l'ancienneté. On va se servir de prétextes de licenciement pour, au fond, exercer une mesure disciplinaire Contre eux. On nous recommande partant de là, pour assurer une meilleure protection d'introduire ce que, dans le jargon, on appelle le statu quo ante, que l'employeur aille chercher sa preuve devant le tribunal, de mauvaise foi, ou d'une autre cause juste et suffisante avant même que, le cas échéant, si une telle preuve était faite, la mesure disciplinaire puisse s'appliquer. On nous recommande pour assurer cette protection d'introduire le droit de refus par un délégué syndical ou par le syndicat au nom des travailleurs. J'aimerais avoir vos réactions là-dessus.

Vous vous opposez à ce que le comité de chantier assume des responsabilités relativement à la coordination des activités d'un chantier. Bon! J'aimerais connaître votre opinion sur une hypothèse qui serait la suivante. Comment réagiriez-vous à l'idée que des représentants des travailleurs et les questions de sécurité soient intégrés comme telles aux réunions de planification des employeurs?

En ce qui concerne — très rapidement, parce que c'est un point sur lequel vous insistez beaucoup — le délégué de chantier, vous l'avez évoqué et je pense qu'on conviendra tous que, Dieu merci, on n'est plus dans la situation des années soixante-dix vous craignez, confiant des responsabilités par une loi en matière de sécurité au délégué de chantier — et je pense que c'est à peu près l'expression que vous utilisez — qu'on ait là des gens plus ou moins informés. Mais en quoi le fait de confier la responsabilité dans ce domaine à un autre travailleur choisi par les travailleurs ou leur syndicat, garantira que cette personne sera mieux équipée? En d'autres termes, je ne vois pas une équation automatique entre les deux. D'autre part, vous admettrez sûrement que, de toute façon, même si c'était confié à un autre travailleur que celui qui a la responsabilité qui lui est conférée par les lois, les décrets, de voir à l'application du décret comme tel, ces gens se parlent. En d'autres termes, de quelle façon pensez-vous que cela règle le problème que vous soulevez? Je ne suis pas certain de trouver dans votre mémoire les réponses à ces questions. Quant à votre recommandation de confier à un autre travailleur élu par les salariés, dois-je comprendre que vous proposez qu'il soit élu par chacune des associations représentatives? Dois-je plutôt comprendre que vous proposez qu'il soit élu de la même manière que sont élus les délégués de chantier? Une des conséquences de votre recommandation ne serait-elle pas au contraire de voir soudainement se développer la situation où on doublerait presque instantanément — bien sûr, pas du jour au lendemain, mais pas loin — le nombre de représentants de travailleurs qui se trouveraient à avoir droit de visite des chantiers?

Une dernière question. J'avoue honnêtement et je voudrais bien comprendre... Et je ne comprends pas parce que, par ailleurs — vous l'évoquez à plusieurs reprises — vous nous formulez même des recommandations visant à étendre le champ d'intervention de l'association sectorielle, d'une part, et d'autre part, vous vous opposez au caractère obligatoire que revêt l'association sectorielle dans le secteur qui vous concerne, bien sûr, le secteur de la construction. J'ai lu et relu votre mémoire. Je suis certain qu'il doit y avoir des raisons additionnelles, basées sur votre expérience très concrète, qui vous amènent à une conclusion

comme celle-là. Je ne suis pas certain d'avoir saisi.

M. Brulotte: M. le ministre, dans le cas du droit de refus, vous avez apporté trois ou quatre sujets. On voudrait que le danger soit qualifié de grave et imminent. Evidemment, c'est pour éviter les abus. Quand on a au moins...

M. Marois: Me permettez-vous une question? M. Brulotte: Oui.

M. Marois: Combien de cas d'abus avez-vous, en vertu de l'application du décret, de l'article 26.02?

M. Brulotte: Je pense qu'il n'y en a pas tellement eu. L'exercice du droit prévu à l'article 26.02 a été très rare. Il n'y en a pas eu tellement.

M. Marois: A votre connaissance, dans ces cas très rares, il y a eu très peu de cas d'abus. Voulez-vous dire qu'il n'y en a pas eu du tout?

M. Brulotte: A ma connaissance, il n'y en a pas eu.

M. Marois: Bon! Partant de là, pourquoi maintenant, alors qu'on dit qu'on entend maintenir des droits qui sont reconnus, que vous admettez qu'il n'y a pas eu de cas d'abus à votre connaissance et qu'il y a eu très peu de cas d'ailleurs d'exercice du droit de refus, pourquoi, par crainte d'abus, nous demandez-vous de qualifier le danger, alors que la jurisprudence ne le qualifie pas et que l'article 26.02 du décret ne le qualifie pas?

M. Brulotte: Evidemment, s'il y a un droit de refus, c'est parce qu'il y a un danger grave. C'est simplement pour qualifier le danger, parce qu'un danger peut être grave ou important. Il peut être imminent ou il peut ne pas être imminent. Si le danger est grave, mais n'est pas imminent, évidemment, il y aurait possibilité de le corriger sans qu'il y ait arrêt de travail ou peut-être y a-t-il possibilité de déplacement des salariés. C'est pour préciser que le danger doit être imminent et grave. Il peut être grave et non imminent. Il peut être imminent et non grave.

M. Marois: Je m'excuse... M. Brulotte: Oui.

M. Marois:... c'et ma dernière remarque. Vous rendez-vous bien compte de ce que vous nous demandez de faire? La jurisprudence ne qualifie pas le danger. Nous avons tenté de le cerner de telle façon que ce qui est inhérent à une fonction, à une tâche comme danger... Je me suis souvent expliqué sur cet aspect et même encore aujourd'hui, on a eu de longues discussions avec un autre groupe là-dessus. Bien sûr qu'on essaie de trouver le moyen de calibrer cela, mais cela n'amè- ne pas pour autant à une qualification comme telle du danger. Ce que vous nous demandez, alors que la jurisprudence ne le qualifie pas, alors que votre propre décret ne le qualifie pas, alors que vous nous dites qu'il n'y a pas eu de cas d'abus à votre connaissance, c'est de qualifier maintenant le danger. En d'autres termes, vous comprendrez que ce soit une recommandation nettement perçue par les travailleurs comme visant à limiter la portée de l'exercice de leur droit.

M. Brulotte: En fait, les raisons pour lesquelles on a qualifié le mot "danger", c'est que dans la loi qui existe en Ontario actuellement, les dangers qui peuvent faire l'objet d'un droit de refus au travail sont décrits de façon très claire. Nous voulions simplement le qualifier très succinctement par deux ou trois mots. Dans la loi ontarienne, entre autres, il y a trois ou quatre pages qui décrivent quels sont les dangers qui peuvent permettre un droit de refus.

M. Marois: Mais vous conviendrez avec moi que même dans la loi ontarienne, on ne qualifie pas le danger de grave, d'imminent ou d'immédiat.

M. Brulotte: J'en conviens. Je pense que cela peut clore la dicussion. On a parlé de limiter les étapes. Je pense qu'on a l'appui de tout le monde et même le vôtre aussi. Dans le cas d'une intervention de l'employeur, on conçoit que c'est toujours par le biais de son représentant en sécurité qui a reçu une formation. Lorsqu'il y a un droit de refus qui est exercé, on dit que l'employeur doit être le premier avisé, mais c'est toujours par le biais de son représentant à la sécurité. Entre le représentant des travailleurs à la sécurité et le représentant des employeurs à la sécurité, il y a, dans la plupart des cas, moyen de déterminer tout de suite un correctif et de l'apporter de façon que les travaux ne soient pas suspendus sans raison grave. (16 h 30)

Dans le cas que vous avez soulevé où le droit de refus est exercé, si l'employeur exerce des mesures discriminatoires à l'égard du salarié qui s'est prévalu d'un droit de refus, évidemment, il y aura un grief qui sera porté et le tout fera l'objet d'un arbitrage. L'employeur sait fort bien que si l'arbitrage est en sa défaveur, il aura à rembourser tous les salaires que le salarié auraii perçus pendant la période où il aurait été l'objet d'une mesure discriminatoire, soit une suspension ou une mise à pied ou, enfin, quelque chose de semblable. C'est quand même un poids qui pèse, c'est une épée qui est au-dessus de la tête de l'employeur. Si vraiment il a exercé une mesure qui est injuste, il va payer pour.

M. Marois: Vous auriez parfaitement raison si on parlait de l'ensemble des autres secteurs industriels ou économiques, mais vous savez pertinemment que dans le domaine de la construction, l'ancienneté n'existant pas, partant de là, si, par exemple, trois mois plus tard, je suis un en-

trepreneur en construction, je licencie — et j'ai pleinement et légalement le droit de le faire — tout à fait légalement un travailleur qui, comme par hasard, a exercé trois mois plus tôt le droit de refus, vous savez fort bien qu'un grief ou qu'une procédure exercée, comme on dit des fois en bon Québécois, cela va "péter au frette". Cela ne mènera nulle part et pour cause, parce qu'il n'y a pas de cause là en droit.

M. Brulotte: Evidemment, il peut se servir de procédures de grief. De toute façon, c'est toujours son privilège d'utiliser cette procédure. Je comprends bien que c'est une présomption que vous faites que cette situation peut arriver. Je ne vous dis pas que ce n'est pas une possibilité, mais il ne faut pas vivre avec des présomptions non plus.

Quand on parle de planification des employeurs, évidemment, nous sommes bien d'accord que tous ceux qui auront intérêt, tous ceux qui seront impliqués dans un projet participent, à chaque réunion de chantier, à une discussion qui traitera de sécurité. C'est une chose qui existe déjà et même, ce qui existe un petit peu plus que cela, c'est qu'il y a des réunions régulières qui sont prévues sur tous les projets d'une certaine envergure et qui traitent exclusivement de sécurité. Dans les projets de moindre envergure ou dans les régions qui ne constituent pas des chantiers éloignés ou des gros chantiers, évidemment, cette réunion de progrès d'activités sur un projet pourrait contenir une discussion sur l'aspect sécurité. Nous sommes en plein accord avec cette suggestion que vous avez faite, M. le ministre.

M. Marois: Ce n'est pas une suggestion, c'est une réflexion à voix haute.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président, M. Brulotte, MM. de l'AECQ, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. C'est un document qui est assez complet en ce qu'il touche plusieurs points particuliers du secteur de la construction, secteur qui a sans être à part, beaucoup de spécificité. D'ailleurs, ceux qui peuvent en témoigner, je pense que c'est le législateur avec toute la gamme de mesures spécifiques et particulières qui s'appliquent au secteur de la construction.

J'ai pris connaissance de votre mémoire, je l'ai lu attentivement. Il y a plusieurs éléments que nous aurions aimé aborder, entre autres, deux points que le ministre a touchés, dont la question du droit de refus. Etant donné que celui-ci en a fait état, je vais m'en abstenir. J'aurais un bref commentaire. Il y a certaines suggestions que vous formulez qui ont beaucoup de sens et auxquelles nous souscrivons, entre autres, ce que vous suggérez à la page 8: "La commission suggère un service de documentation au service des parties. Nous reconnaissons le bien-fondé de l'instauration d'un tel service, mais nous avons des craintes quant au temps nécessaire pour qu'il soit efficace." C'est en ce qui concerne la validation des normes à l'égard de certains produits ou certains biens qui sont utilisés chez vous.

Vous demandez qu'il y ait un bureau des normes du Québec qui concerne tous les produits qui sont utilisés. Cela a beaucoup de sens, je crois, et cela va dans le sens des représentations que je formulais il y a quelque temps auprès du ministre délégué en ce qui concerne la possibilité d'une meilleure application gouvernementale dans la recherche, dans les budgets de recherche, allant même jusqu'à demander au ministre de conférer des responsabilités particulières au Centre de recherche industriel qu'on a ici au Québec. On a pris bonne note de ces éléments et nous pourrons revenir lors de l'étude en deuxième lecture lors de la discussion du projet de loi dans ses principes ou lors de l'étude article par article pour alléguer ou reprendre certains points que vous soulevez. Cependant, des choses m'ont surpris, entre autres, à la page 18 concernant les chantiers de grande importance. Vous dites: Cette section comporte encore un pouvoir de réglementation qui limite dans une certaine mesure l'application de son contenu. On en convient. Le pouvoir réglementaire, nous le trouvons trop exorbitant. Le législateur adoptera la loi 17, loi qui se veut générale, une loi-cadre. Mais la chair sur l'ossature, c'est le règlement qui sera adopté tant par les règlements, tant par le Conseil des ministres que par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ces règlements seront peut-être publiés, j'en conviens. Ce seront peut-être des avis qui seront demandés, mais comme tels, cela ne fera pas l'objet de discussion ici à l'Assemblée nationale.

Je continue: Cependant, si l'on s'accorde à croire que le législateur entend par chantiers d'importance des chantiers tels que ceux de la baie James, aucun problème ne se pose quant aux propositions du projet de loi. Nous prévoyons cependant que pour certains projets, il serait difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la commission au moins 180 jours avant le début des travaux, etc. De plus — c'est là que j'ai beaucoup d'hésitation — nous nous opposons fermement à l'intervention et à la participation d'associations représentatives dans l'élaboration des programmes de prévention sur les chantiers de grande importance, tel que prévu au deuxième alinéa de l'article 181.

Ecoutez, on a quand même des chiffres éloquents. Le secteur de la construction, c'est un monde particulier. C'est un monde là aussi où il y a beaucoup d'accidents. C'est un monde où c'est peut-être difficile d'intervenir, compte tenu de sa composante, des milliers d'entrepreneurs, des milliers d'employés, d'une certaine mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur auprès d'un entrepreneur ou auprès d'un autre, de la mobilité de la main-d'oeuvre au Québec, des métiers hautement spécialisés. Tout cela implique une certaine spécificité et vient compliquer le problème. C'est certainement beaucoup plus difficile, dans certains cas, de trouver des solutions que cela peut l'être dans

l'usine ou dans certains secteurs de l'industrie. Je dois vous exprimer ma surprise devant une telle opposition concernant les grands chantiers. Il y en a, des accidents. Vous avez assisté comme nous aujourd'hui à des déclarations faites par les représentants de la CSN. Quand on me dit par exemple, qu'à la baie James, il y a eu quinze pertes de vie depuis six mois, je me dis que c'est inquiétant. Sur quoi fondez-vous votre opposition? Premièrement. Deuxièmement, j'aimerais savoir ce qui est fait par votre association, l'AECQ, en termes d'incitation, si je peux utiliser le terme, de pression auprès de ses membres pour que l'effort déployé par les entrepreneurs en construction débordent et dépassent la recherche, l'atteinte d'une norme. Je m'explique encore plus clairement. On a un code de sécurité, on a des normes qui s'appliquent. Est-ce que, dans le secteur de la construction, les entrepreneurs se limitent à l'application intégrale des normes lorsqu'il y a possibilité de les atteindre? Ou encore, est-ce que votre association, par son action, favorise, incite à ce qu'on puisse aller de temps en temps — j'espère qu'on peut y aller de temps en temps parce qu'il y a trop de dommages — est-ce qu'on incite les membres à aller au-delà des normes applicables? Ce sont les deux seuls commentaires que j'avais à faire.

M. Brulotte: Tout d'abord, quand on dit qu'on s'oppose à l'intervention et à la participation des associations représentatives, c'est simplement qu'on délègue cette activité ou ce devoir, cette obligation morale de préparer un programme de sécurité à l'association sectorielle qui, elle, comprend des représentants des associations représentatives et des représentants des employeurs par le biais de l'AECQ. Ce n'est simplement pas comme telles qu'on veut les voir là, mais c'est comme parties d'un groupe paritaire. C'est simplement cela. Ce n'est pas qu'on ne veut pas les voir là, mais on veut les voir en même temps que les employeurs. J'espère que c'est la réponse à votre question. Maintenant, il y avait une deuxième question.

M. Régnier (Alfred): Pour enchaîner sur les chantiers de la baie James, je pense qu'au départ il faudrait vous mettre une chose en tête, c'est que c'est très difficile de coordonner les travaux à la baie James. C'est peut-être pour cela qu'il y a tellement d'accidents. La coordination entre les entrepreneurs ne se fait pas au niveau du chantier. La coordination ne se fait pas au niveau des chantiers et c'est peut-être le problème qu'on rencontre à la baie James. C'est pourquoi nous suggérons, nous, plutôt que d'avoir des petits groupes représentatifs dans un coin et dans l'autre, d'avoir une association sectorielle qui serait très impliquée, là-bas, qui pourrait faire la coordination.

C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle nous voudrions avoir peut-être un représentant ou deux des services de prévention de l'AECQ pour aider à coordonner. Nous voudrions qu'il y ait une partie patronale. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on n'est pas là, par exemple. Jusqu'à maintenant, il y a peut-être eu des syndicats. L'AECQ est là pour le décret, mais il n'y a pas encore de conseillers en prévention, que je sache, pour la partie patronale. C'est peut-être la raison pour laquelle, au lieu de situer cela au niveau des associations représentatives dans chaque coin à LG-4, à Caniapiscau, à LG-3, à LG-2, on préfère plutôt voir s'impliquer une association sectorielle très bien structurée qui, elle, pourra faire la coordination au niveau des gros chantiers. C'est strictement dans ce sens-là.

M. Brulotte: Pour faire une banque d'information sur les problèmes et les solutions et les disséminer un peu partout à cause de la géographie. Si vous le permettez, M. le Président, je vais terminer les réponses que j'avais commencées avec M. le ministre Marois, tout à l'heure. Quand on parlait de délégués de chantier, vous avez exprimé la crainte qu'il y ait un dédoublement ou un trop grand nombre de travailleurs qui s'occupent de sécurité. En fait, ce qu'on recherche — et ce serait notre but ultime — ce serait que tous les travailleurs soient bien informés de la sécurité et qu'ils deviennent tous des délégués à la sécurité, parce que c'est déjà prévu dans un projet de loi qui date de 1977, je pense, que tous les travailleurs devraient avoir suivi des cours de sécurité et s'impliquer dans la sécurité. A ma connaissance, je ne pense pas qu'il y ait tellement d'associations représentatives, jusqu'à maintenant, qui aient offert des cours de sécurité aux travailleurs. J'en connais une, entre autres, et ce n'est pas une des plus grandes. Ce n'est peut-être pas un dédoublement; c'est peut-être simplement la promotion de la sensibilisation à la sécurité des travailleurs, des individus qui travaillent. Vous avez parlé aussi d'élection des délégués à la prévention ou des agents de prévention. Ce serait fait de la même façon que pour les délégués de chantier, c'est-à-dire à même les travailleurs d'un chantier et par eux. Il y en aurait un par association représentative. Cela veut dire qu'il y en aurait un pour chacune des associations. Sur un chantier où il y aurait quatre associations, il y en aurait quatre. C'est simplement ce que cela veut dire.

Dans le cas des délégués de chantier et des droits de visite sur les petits chantiers, ce qu'on a toujours en mémoire à l'AECQ, c'est que 80% des entrepreneurs ont moins de cinq salariés. Cela veut dire qu'il existe dans la province de Québec un très grand nombre de petits chantiers et que c'est physiquement impossible que ces gens soient supervisés par un organisme qui ne fait que de la prévention. C'est pour cela qu'on insiste tant et qu'on veut que ce soient tous les travailleurs qui s'impliquent dans la sécurité.

Pour ce qui est de l'association sectorielle, vous avez très bien compris que nous désirons qu'elle existe, mais où nous avons une opposition, c'est sur le protocole d'entente ou sur l'obligation de passer par la commission pour le protocole d'entente. Nous prétendons que nous devrions quand même avoir le privilège de nous entendre sur un protocole ou sur une mise en marche d'une

association, même si cela prend quelque temps pour le faire. C'est sur cet aspect que nous avons manifesté une opposition. Ce n'est pas quant à l'association elle-même; c'est sur l'obligation qui n'est peut-être pas précisée de s'entendre rapidement, sinon on nous impose un protocole.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Oui.

M. Régnier: M. le Président, avant de terminer sur ce protocole d'entente, j'aimerais vous dire que notre réticence vient surtout du fait qu'il existe déjà un comité paritaire dans la construction qui fonctionne, qui va de l'avant, qui a un programme de prévention et un programme d'action très structuré. Alors, nous pensons qu'au départ ce sont les parties qui sont face à face, qui ont appris à dialoguer, qui ont appris à discuter qui doivent implanter elles-mêmes leur protocole d'entente avec certaines directives de la CAT. Mais nous ne pouvons pas nous astreindre à un protocole écrit par un permanent syndical qui agit en lieu et place de la CAT. Cela est plus grave. C'est strictement cela que je voulais mentionner.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

La commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux à demain, dix heures.

Fin de la séance à 18 h 45

ANNEXE B

Fédération des Syndicats des Mines de la Métallurgie et des Produits Chimiques Inc. (CSN)

Mémoire à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre

sur le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité au travail"

Montréal, septembre 1979

Position de la FSMMPC (CSN) concernant le projet de loi no 17,

Loi sur la santé et la sécurité au travail

Notre fédération, représentant les travailleurs des secteurs les plus touchés par des mauvaises conditions de santé et de sécurité au travail, ne peut rester indifférente à l'adoption d'une loi qui nous touche directement. Comme à la CSN, nous sommes en faveur du principe qu'une loi assure la santé et la sécurité au travail. Il est temps, croyons-nous, que le gouvernement prenne ses responsabilités et adopte une loi qui protège vraiment les travailleurs dans leurs biens les plus précieux, leur santé et leur intégrité physique.

La situation actuelle a assez duré. La preuve a été démontrée à plusieurs reprises, notamment dans nos secteurs, que ce soit dans les mines, la métallurgie ou les produits chimiques (Fer et Titane, CEGELEC, MINES AMIANTES), partout, que c'est la même situation. Les travailleurs passent plus du tiers (1/3) de leur vie dans des conditions souvent infernales. Il n'y a aucune exagération, on a qu'à visiter quelques usines ou des mines pour se rendre compte que leurs conditions sont très difficiles et souvent tout à fait inacceptables.

Une brève enquête sur les conditions de travail dans les usines où nous avons des syndicats vous démontre qu'elles sont extrêmement difficiles. Quant aux correctifs à apporter pour améliorer cette situation, rien de vraiment sérieux n'est fait. Nous nous sommes rendus compte, encore une fois, que pour nos patrons les profits étaient toujours plus importants que notre santé et notre intégrité physique.

En effet, que ce soit au niveau de la poussière, du bruit, de l'éclairage, de la température ambiante ou de l'hygiène la plus élémentaire (les toilettes, les douches, les salles à manger), rien ou à peu près rien n'est fait pour améliorer la situation. Nous retrouvons la même négligence pour la manipulation et à la connaissance des produits chimiques ou des gaz dangereux, ainsi que l'entraînement que nous recevons pour faire fonctionner les machines avec lesquelles nous produisons.

D'abord, dans 90% des syndicats qui ont répondu, les travailleurs ont à manipuler des substances chimiques et des gaz dangereux. De ceux-là, 75% nous répondent qu'ils ne sont pas ou peu informés des dangers que comportent ces substances. Dans la même proportion qu'au début (90%), les travailleurs considèrent que l'usine dans laquelle ils travaillent est empoussiérée ou enfumée. De ces derniers, plus de 50% considèrent que le système de ventilation est nettement insuffisant et dans certains cas totalement inexistant.

Aussi, c'est dans nos secteurs que nous retrouvons, de façon particulièrement fréquente, les mauvaises conditions de bruit, de température ambiante et d'éclairage. Au sujet du bruit, 80% des répondants nous disent qu'il est "anormalement" élevé à leur poste de travail. Ce sont les secteurs des fonderies et des mines qui sont les plus touchés par ce dernier problème. Quant à la température, 65% considèrent qu'elle est soit trop chaude, soit trop froide ou trop humide. Dans plusieurs de ces cas, les travailleurs doivent passer fréquemment du chaud au froid pour accomplir leur tâche. De même, 50% des répondants considèrent que les conditions d'éclairage dans leur usine sont de très mauvaise qualité.

Ce qui démontre la plus totale indifférence des dirigeants d'entreprises envers le bien-être et la santé des travailleurs, c'est que, même au niveau de l'hygiène la plus élémentaire, à peu près rien n'est fait pour améliorer la situation. Effectivement, plus que la moitié des répondants nous affirment que les toilettes, les douches et les salles à manger sont inadéquates et très mal entretenues.

Alors que plus de 60% des répondants considèrent que l'usine dans laquelle ils travaillent comporte des risques assez élevés, 50% affirment ne pas recevoir un entraînement adéquat pour accomplir leur tâche de façon sécuritaire pour eux et leurs compagnons de travail. Enfin, on a constaté que les employeurs ne faisaient pas les efforts nécessaires pour améliorer la sécurité et le bien-être des travailleurs, car dans la grande majorité des cas, plus de 50% ne prennent pas les moyens nécessaires pour corriger à la source ces situations dangereuses.

Il n'y a pas d'argument pour justifier une telle situation. Nous ne pouvons pas accepter de payer de notre intégrité physique et de notre santé et risquer de perdre la vie pour la gagner. Nous estimons qu'il est inacceptable que les travailleurs doivent toujours endommager leur santé, souvent de façon irrémédiable, pour faire fonctionner ces usines infernales, alors que la science a accompli des prodiges dans tous les domaines, sauf dans celui de la sécurité et de la santé au travail.

Nous ne connaissons même pas les dangers des produits que nous utilisons en usine et ceux des machines avec lesquelles nous produisons. On augmente la vitesse de ces machines afin de produire toujours davantage sans se soucier des effets néfastes sur la santé et la sécurité de ceux qui les

font fonctionner. On invente de nouveaux produits et de nouveaux outils dans un seul but, produire plus au moindre coût. Mais, lorsqu'il s'agit d'améliorer les conditions sécuritaires des travailleurs, c'est toujours trop coûteux ou techniquement impossible? C'est plus économique bien sûr de faire de nous des momies blindées au lieu de corriger le mal à la source.

Or, c'est souvent assez tard dans la vie qu'apparaissent les maladies causées par les mauvaises conditions de travail. Il est impossible de quantifier le vieillissement prématuré résultat d'un excès de fatigue causé par des conditions de température anormale, d'un bruit ambiant excessif ou d'un éclairage inadéquat. Nous ne pouvons pas mesurer non plus les désordres physiques causés par de telles conditions. C'est souvent à la retraite que leurs effets se font sentir. En effet, assez rares sont les travailleurs qui peuvent jouir normalement de leur retraite.

Par ailleurs, il nous est facile d'affirmer que dans nos usines il n'existe pratiquement pas de vraie prévention des accidents ou des maladies du travail, sinon sur papier. Nous voulons parler de prévention sérieuse qui fait en sorte que des conditions qui risquent de causer un accident ou une maladie soient corrigées immédiatement et définitivement, que l'outillage et les machines soient utilisables de façon absolument sécuritaire. Il ne suffit pas d'avertir du danger, il faut le faire disparaître. Trop souvent, les travailleurs doivent utiliser des outils et des machines en mauvaise état. Si la réparation exige un arrêt de production, on tente par tous les moyens de faire autrement. Il en résulte des réparations temporaires et des conditions non sécuritaires.

La parfaite connaissance des machines que nous utilisons ainsi que la façon la plus sécuritaire de les faire fonctionner comptent parmi les éléments très importants dans la prévention des accidents du travail. Malheureusement, il est très rare que les travailleurs reçoivent un entraînement adéquat. Généralement, il se résume à nous apprendre comment produire en plus grande quantité et le mieux possible. La sécurité c'est secondaire, les impératifs de la production sont toujours plus importants. On corrige après coup, le mal est souvent irréparable.

Devant ces faits et devant la négligence des employeurs qui ont la responsabilité de protéger la sécurité et la santé des travailleurs, nous sommes totalement d'accord avec l'analyse et les revendications de la CSN concernant la loi 17. Nous y ajoutons, cependant, quelques considérations sur ce qui touche plus spécialement notre fédération.

Il est inutile de rappeler encore une fois les conditions dans lesquelles ont à travailler les mineurs de l'amiante. La preuve en a été faite de façon éloquente lors de la grève de l'amiante de 1975. Cependant, nous voudrions dans ce chapitre vous parler spécialement de l'amiantose et des problèmes de l'amiante. Nous y suggérons des solutions, mais ces solutions ne s'appliquent pas seulement au domaine de l'amiante, mais aussi aux autres secteurs que représente notre fédération (fonderies, produits chimiques, chantiers maritimes, etc.).

Salubrité dans l'industrie

II est évident, pour nous, que les compagnies sont les premières responsables de la détérioration de la qualité de vie des travailleurs dans les usines. Ce sont ces dernières qui possèdent toutes les informations sur l'insécurité des lieux de travail, sur les dangers pour la santé des travailleurs de l'exposition aux poussières et aux autres produits toxiques et le contrôle des cliniques industrielles, sur l'état de santé de ces mêmes travailleurs. Or, possédant toutes ces informations, elles ont fait bien peu pour tenter d'améliorer la salubrité, même si des moyens techniques existaient et étaient disponibles.

De plus, les maigres progrès que nous avons constatés ont toujours été rendus possibles après les dures luttes que nous avons menées et les sacrifices pénibles que cela nous a imposés.

Vous n'ignorez pas que, même si les travailleurs sont les véritables producteurs de la richesse collective, nous n'avons aucun pouvoir sur l'organisation de la production et du travail dans nos industries. Au nom des sacro-saints droits de gérance, c'est-à-dire des impératifs de la productivité et du profit maximum, on ne nous a jamais donné de moyens légaux pour intervenir efficacement quant à l'organisation du milieu de travail où nous passons une grande partie de notre vie et donc sur la qualité et la salubrité de l'environnement.

Les quelques moyens syndicaux que nous nous sommes donnés (comité de sécurité et de santé) n'ont jamais eu qu'un pouvoir de recommandation auprès des patrons et l'expérience nous a montré que les problèmes les plus importants qui nous affectent ne pourront jamais trouver de solutions uniquement par cette voie.

D'autre part, devant une situation si scandaleuse, devant des formes d'exploitation qui menacent continuellement notre santé et notre vie, on aurait pu croire que les gouvernements, eux qui connaissent aussi bien la situation, ces gouvernements supposément "responsables de la recherche du bien commun et de la justice sociale" auraient réagi énergiquement, auraient adopté des politiques pour nous protéger.

Notre expérience de travailleurs, l'histoire de nos luttes, nous démontrent donc que nous ne pouvons espérer de solutions réelles et durables à nos problèmes de santé, que si nous arrivons à posséder une emprise sur l'organisation de notre milieu de travail, c'est-à-dire suffisamment de pouvoir pour contrôler la qualité de notre environnement et donc pour faire un travail de prévention efficace. Les

lois et les règlements les plus progressistes dans le texte n'auront de signification pour nous que si nous sommes en mesure d'en surveiller et d'en exiger la stricte application et cela dans les délais les plus courts.

D'autre part, il est pour nous important que les problèmes de santé et de sécurité au travail soient liés. Ce sont en effet les divers aspects d'un même problème qui ont souvent les mêmes causes, c'est-à-dire les impératifs de la production que nous imposent les compagnies et malheureusement aussi souvent le fatalisme développé par des travailleurs qui ont fini par s'habituer à toutes les situations dangereuses. La pratique, à cet effet dans notre centrale, est de former des comités qui s'occupent à la fois de la sécurité et de la santé et nous croyons qu'il faut continuer de fonctionner ainsi.

Nous exigeons donc ces pouvoirs et ces moyens qui nous permettront de contrôler de façon vigilante et continuelle, autant la salubrité dans nos entreprises que la sécurité ou l'état de santé des travailleurs que nous représentons démocratiquement.

C'est dans cet esprit que nous vous soumettons les recommandations qui suivent.

Recommandations 1. Que des comités syndicaux de santé et de sécurité dans chacune des entreprises soient organisés, composés au minimum de cinq (5) représentants syndicaux plus d'un représentant pour chaque groupe de 100 travailleurs au-delà de 300. 2. Que ces comités syndicaux de santé et de sécurité soient responsables de la surveillance générale des conditions dangereuses pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs, de l'application des normes et règlements de santé et de sécurité en vigueur au Québec et de la sensibilisation des travailleurs à ces problèmes. 3. Que tous les membres de ces comités puissent effectuer des tournées ou des visites d'inspection aux moments et aux endroits où ils désirent et cela sans perte de salaire et autres avantages acquis par la convention collective. 4. Qu'il soit possible pour les membres de ces comités de rencontrer les représentants des compagnies en tout temps pour leur faire part des recommandations qu'ils désirent formuler. 5. Que tous les membres des comités syndicaux de santé et de sécurité puissent être libérés de leur travail, pour un minimum de cinq (5) jours par année, afin de recevoir la formation technique adéquate et cela sans perte de salaire et autres avantages acquis par la convention collective. 6. Qu'il soit possible pour les membres des comités syndicaux de sécurité et de santé de rencontrer sur les lieux de travail et pendant le temps du travail, les nouveaux travailleurs afin de les sensibiliser aux problèmes de santé et de sécurité. 7. Qu'il soit possible pour les membres des comités syndicaux de sécurité et de santé de convoquer des assemblées de départements, pour un minimum d'une heure par mois, pour sensibiliser et informer les travailleurs sur les problèmes de la santé et de la sécurité et cela sur les lieux de travail et sans perte de salaire. 8. Que, pour les fins d'échantillons d'air et d'analyse, trois (3) techniciens, choisis et sous la responsabilité du Syndicat, soient rémunérés par le ministère de l'environnement. 9. Que ces techniciens aient le droit de prélever des échantillons d'air aux endroits et en tout temps où ils le jugeront nécessaire ou sur demande du comité de santé et de sécurité. 10. Que l'on mette à la disposition de ces techniciens et des membres des comités syndicaux de santé et de sécurité des appareils de prélèvement d'échantillons d'air donnant des résultats justes et immédiats (méthodes gravimétriques). 11. Que la production soit immédiatement arrêtée dans un endroit donné lorsqu'il est constaté par les membres des comités de santé et de sécurité que dans cedit endroit le niveau d'empoussiérage dépasse les normes fixées ou qu'il existe d'autres conditions dangereuses pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs, et cela sans aucune perte de salaire et autres avantages acquis par la convention collective pour tous les travailleurs impliqués dans cet arrêt de production. 12. Que les visites effectuées par les experts gouvernementaux (inspecteurs et par ceux des compagnies pour le prélèvement des échantillons d'air se fassent obligatoirement en présence d'un membre du comité de santé et de sécurité ou d'un représentant syndical ou du technicien du syndicat. 13. Que tous les résultats d'analyse des échantillons d'air obtenus par les compagnies ou par les représentants du gouvernement soient remis au comité syndical de santé et de sécurité. 14. Qu'un laboratoire soit mis à la disposition des comités syndicaux de santé et de sécurité et des techniciens de la centrale, lequel sera équipé de tous les appareils pour l'analyse des échantillons d'air et de tous les instruments relatifs à la sécurité (sonomètre, appareils de prélèvements et d'analyse des gaz, etc..) et cela sans déboursé de la part des syndicats. 15. Que tous les dossiers médicaux personnels soient remis aux travailleurs ayant subi des examens à la clinique ou aux autres comités médicaux. 16. Que, sous réserve de l'approbation signée des travailleurs examinés, une copie du dossier médical personnel soit remise au syndicat.

17. Que les cliniques et les comités de pneumoconiose produisent pour les syndicats des tableaux statistiques bi-annuels sur le nombre de travailleurs examinés et sur les résultats de ces examens. 18. Que les indemnités payées aux victimes de maladies ou d'accidents industriels soient continuées après la mort du travailleur et versées aux ayants-droit.

Amiantose et retour au travail

Nous éviterons volontairement de publier des tableaux statistiques déjà publiés dans une foule de travaux; rapport Mont-Sinai, rapport McGill, rapport Beaudry et autres.

Depuis le 15 juin 1975, nous avons à plusieurs reprises fait certaines recommandations concernant le retour au travail, les examens de la part des médecins de la CAT, la rémunération des employés atteints d'amiantose. Elles pourraient aussi s'appliquer à tout employé atteint de maladies industrielles.

Il n'est pas de notre intention d'interdire tout retour au travail, mais il nous semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de retourner au travail un travailleur atteint d'amiantose ou silicose. Plusieurs raisons nous amènent à cette conclusion.

Mentionnons d'abord que la première c'est une maladie progressive et non une maladie régressive. Il nous apparaît donc que retourner le travailleur à sa tâche ou à une autre tâche, où il pourrait, même à l'occasion, être exposé aux poussières d'amiante, serait à coup sûr aggravé sa situation.

Nous avons plusieurs travailleurs qui ont été reconnus "amiantose" une première fois à 10% et après le retrait du travail, suite à un examen subséquent, ont vu leur incapacité portée à 20% et 25% même 40%, sans jamais avoir repris le travail. Quant aux travailleurs atteints de maladies industrielles autres que l'amiantose ou la silicose, même si ces maladies peuvent être régressives, il n'est pas non plus pensable de le retourner à son travail, car il demeurera toujours plus vulnérable une fois qu'il aura été atteint.

Il nous apparaît donc qu'il est impensable de le retourner dans sa propre industrie, surtout dans les mines, sans risquer d'aggraver sa situation.

Pour ce qui est de travailler dans d'autres industries, c'est le travailleur qui en serait pénalisé.

Tous ces travailleurs ont un certain âge, puisque la maladie est apparente après 15 ou 20 ans, donc une certaine ancienneté aussi. Ce sont donc des travailleurs qui possèdent leur propriété et sont bien enracinés dans le milieu où ils sont. Il devient donc inhumain de les expatrier dans d'autres régions ou milieu de travail. S'ils ont un choix à faire ils préféreront retourner dans la poussière plutôt que de s'expatrier.

Ces travailleurs sont des gens malades, donc qui ne sont plus aptes à des cédules ou heures de travail fixes.

L'amiantose étant caractérisé par un essoufflement même sans effort, il s'ensuit donc que tout effort devient pénible, que le froid ou les grands vents les affectent considérablement et de ce fait plusieurs journées de travail seraient perdues et ce sont eux qui en subiraient les pertes.

Toutes ces raisons et d'autres justifient la demande de la CSN à l'effet qu'un employé atteint de maladie industrielle ne doit pas être retourné au travail.

Examens •A plusieurs reprises, la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques s'est dite, par ses syndicats des mines, insatisfaite du Comité de pneumonoconiose de la

CAT.

Ce comité ne donne pas justice aux travailleurs. Nous serions portés à dire que la loi leur impose un cadre où il n'est pas possible de donner justice aux travailleurs, ce qui les excuseraient en partie, mais certains faits plutôt troublants de la part de ce comité nous empêchent d'opter dans ce sens. Qu'il nous suffise de signaler le rapport du Comité spécial sur l'amiantose de la CAT, où on tente encore de prouver que l'amiante n'est pas si dangereuse et que les rapports du Mont Sinai sont exagérés. D'ailleurs, les médecins des DSC ont dénoncé ce rapport.

Lorsque nous mentionnons que la loi leur impose un cadre, nous référons à l'article 2 de la "Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et carrières", diagnostic médical POSITIF, ne laissant pas de place au doute raisonnable pour le travailleur.

Comment peut-on, dans une loi où l'on veut protéger la santé des travailleurs, accorder le bénéfice du doute au porte-feuille du patron plutôt qu'à la santé du travailleur.

C'est pourquoi nous réclamons 1. Le retrait du mot "POSITIF" à l'article 2 de la loi 52. 2. Nous réclamons aussi que l'incapacité soit reconnue en fonction des critères mentionnés dans le rapport Beaudry, que l'on retrouve aussi dans le volume publié en 1974 par le Dr W. Raymond Parkes de Londres, intitulé "Occupational Lung Disorders" et qui sont les suivants:

a) Histoire antérieure d'exposition aux poussières d'amiante b) Dyspnée à l'effort c) Présence de râles crépitants aux bases pulmonaires d) Hippocratisme digital e) Radiographies des poumons montrant une fibrose interstitielle diffuse touchant surtout les zones inférieures et accompagnée souvent de réactions pleurales.

Le Dr Grégoire de la CAT mentionnait dans une lettre que la capacité respiratoire normale se situe entre 80 et 120. Il mentionne donc, qu'il serait plus normal de prendre la moyenne de 100 pour évaluation au lieu de 80 comme c'est le cas présentement, ce qui défavorise nettement le travailleur.

Rémunération

Nous réclamons que le travailleur puisse bénéficier, en plus de son salaire, de tous les avantages de la convention collective, notamment en ce qui concerne son ancienneté, fonds de pension, assurance-vie et assurance-maladie.

Actuellement le fonds de pension négocié avec la compagnie demeure gelé au moment du retrait de l'employé et ne lui sera payé qu'à l'âge de la retraite soit 65 ans. Le travailleur perd donc plusieurs années de pension qu'il aurait pu accumuler et les bénéfices nouveaux qui auraient été négociés. Il perdra donc au moment de la retraite, en plus de l'argent perdu dû à son retrait prématuré, plusieurs centaines de dollars en pension.

Aussi pour compenser cette perte, un travailleur devrait pouvoir recevoir une indemnité telle que celle prévue pour le RRQ (loi 52).

Au décès du travailleur, suite à une maladie industrielle, sa veuve et ses enfants devraient pouvoir continuer de recevoir le même montant qu'il recevait de son vivant. (Si l'on maintient la compensation prévue dans la loi 114-article 34, celle-ci devrait être rétroactive au 15 juin 1975, date d'entrée en vigueur de la loi 52).

Ce sont là, Messieurs les membres de cette commission, quelques points sur lesquels nous désirons attirer votre attention.

ANNEXE C

Mémoire de la fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois inc. (CSN)

PROJET DE LOI 17 Un pas en avant, deux pas en arrière

Septembre 1979 PREAMBULE

La Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois (FNSBB) a hésité avant de présenter son mémoire à la commission parlementaire: Fallait-il dénoncer tout simplement ce projet de loi et en demander le retrait pur et simple?

Ce faisant, la FNSBB aurait donné écho, au risque même de s'y confondre, aux lamentations des patrons qui, dans cette tragique "cha-cha" de la sécurité-santé, ne peuvent avaler ce pas en avant que représente le projet de loi 17 pour eux.

Nous avons donc décidé de nous présenter et de dénoncer les deux pas en arrière et de l'expliquer. De cette façon, il n'y aura aucune confusion entre la position des patrons et la nôtre.

Nous faisons nôtres les positions de la CSN sur l'ensemble du projet de loi. Cependant il nous appartient de faire comprendre aux représentants des différents partis que, relativement au chapitre de la construction, le gouvernement s'apprête à gruger nos droits acquis et à faire reculer la lutte légitime des travailleurs pour la pleine reconnaissance de leur droit de travailler dans des conditions qui garantissent leur intégrité physique, leur sécurité, leur santé et leur bien-être.

Cette tribune n'est peut-être pas la meilleure puisque nous devons dénoncer celui qui prétendait avoir un préjugé favorable aux travailleurs, en espérant le soutien de ceux qui ne l'ont jamais eu.

Qu'à cela ne tienne! On ne pourra quand même pas nous dire que c'est la faute d'Ottawa cette fois-ci!

Pour les travailleurs de la construction ce projet de loi ne constitue qu'une improvisation de mauvais goût. Si par ailleurs ce projet a été mûrement réfléchi, nous devons le considérer comme une attaque contre les travailleurs et leurs syndicats et nous entendons nous défendre.

PREMIERE PARTIE: D'HIER A AUJOURD'HUI

A) II y a près de vingt ans, la CSN et la FTQ soumettaient un mémoire conjoint (14 novembre 1961) à l'honorable René Hamel, ministre du Travail et aux membres de la Commission des Accidents du Travail".

Ce mémoire, adapté aux conditions de l'époque et en regard duquel des modifications s'imposent aujourd'hui, décrivait les conditions meurtrières du travail.

Quelques années plus tard, dans Le Journal de Québec (20-09-75) les conditions semblent inchangées: "NON AU TRAVAIL QUI TUE — Avec le gouvernement Bourassa, on en est venu à considérer comme "normal" le travail qui tue.

Voilà qui reflète bien l'ensemble de la charge faite, hier, par le président du parti québécois, M.

René Lévesque, et le porte-parole de l'aile parlementaire du parti, M. Robert Burns.

Selon eux, le ministre fédéral Marc Lalonde a confirmé ce que les syndicats proclament depuis des années. Les accidents de travail et les maladies de l'industrie causent plus de dommages à l'économie que les grèves; de fait 23% de plus, en termes de jours-hommes.

La Commission des Accidents de Travail signale une hausse de 25% des cas de maladies et d'accidents dans l'industrie depuis 1970, et de 13% du nombre d'accidents graves en 1974.

Le travail tue 300 personnes chaque année. Tout ça mis ensemble a coûté $1 milliard aux

Québécois, en 1974.

Pendant ce temps, soutient le PQ, aucune des recommandations majeures de la Commission

Cliche au chapitre de la sécurité n'a encore été traduite en législation par le gouvernement

Bourassa, chapitre que les trois commissaires qualifiaient de "plus important".

Rien de surprenant là-dedans, prétendent MM. Lévesque et Burns. Durant l'enquête Cliche, il a été prouvé que la Commission des Accidents du Travail (CAT) était, avant tout, une espèce d'assurance mutuelle à bon marché au service des patrons, liée aux compagnies et peu soucieuse de faire du travail préventif."

Dans le DEVOIR du 23-06-78 intitulé: "CAT: le juge Sauvé s'en prend aux entrepreneurs": "Ces fonds (ceux de la CAT), a-t-il poursuivi, nous permettent d'offrir un service d'assurances aux employeurs et ce service est financé par des cotisations versées par ceux qui sont protégés."

Malgré tout cela, c'est sous la responsabilité de cet organisme, qui a perdu toute crédibilité auprès des travailleurs, que l'actuel projet de loi 17 s'apprête à mettre sur pied sa super-commission de santé-sécurité au travail.

Plus ça change, plus c'est pareil:

Les deux tragédies qui suivent sont rapportées aux pages 10-11 et 12 du mémoire de 1961: "a) Dix (10) travailleurs tués à cent dix (110) pieds de profondeur

Lors de l'exécution des travaux pour le compte du gouvernement, sur la rivière Bersimis, au lac Cassé, l'entrepreneur chargé de forer un puits à partir duquel on a complété le perçage d'une conduite d'eau souterraine, a transgressé la presque totalité de la réglementation de sécurité, édictée en vertu de la loi des mines et a fait fi des méthodes de travail éprouvées par l'expérience dans l'industrie minière.

Mais la légalité est tout autre chose. En effet, le service d'inspection des mines jugea que les travailleurs de la Bersimis ne relevaient pas de la Loi des mines. D'autre part, si les inspecteurs du service d'inspection des établissements industriels et commerciaux ont fait l'inspection de ce chantier, nous savons qu'ils n'ont pas consulté les inspecteurs du service des mines. Le manque de mesures nécessaires pour assurer la sécurité au travail est la cause de la mort de dix (10) travailleurs dans ce puits à cent dix (110) pieds de profondeur.

Cette tragédie met bien à jour l'incompétence du législateur à assurer adéquatement la sécurité au travail, l'incurie des services d'inspection et la négligence coupable de l'entrepreneur plus intéressé à protéger son profit que le capital humain qu'il doit utiliser." "b) Accidents mortels à Chute-des-Passes

Lors des travaux exécutés sur la rivière Péribonka, pour construire la centrale hydroélectrique de Chute-des-Passes, au moins (5) travailleurs sont morts par suite d'explosions de dynamite. Plusieurs travailleurs ont eu des plaies sur les épaules, parce que les contremaîtres exigeaient d'eux d'aller vite et leur refusaient des bourrures ou autres préservatifs.

Des représentations ont été soumises à plusieurs reprises, pour dénoncer à divers ministères ces pratiques dangereuses et inhumaines. Pourtant rien n'a changé.

Plusieurs ont applaudi, lorsque l'employeur a annoncé qu'il "faudrait désormais prendre l'exploit réussi aux Passes comme barème mondial dans ce genre de championnat".

L'employeur a réussi, en fouettant les travailleurs, en imposant des conditions de travail dangereuses et inhumaines à creuser, en six (6) jours, avec une équipe de deux cents (200) ouvriers, un tunnel de six cent cinquante-cinq (655) pieds de longueur.

Pour assurer le rendement, l'on sacrifie donc la vie et la santé des travailleurs."

Après ces tragédies, il y aura, entre autres, celle de l'échangeur Turcot à Montréal où sept (7) ouvriers ont été tués, celle de Trois-Rivières en 1965, où douze (12) travailleurs ont perdu la vie dans l'éclatement d'un caisson lors de la construction du pont, celle du Mont Wright le 17 novembre 1972 où l'on comptera encore sept (7) travailleurs tués, celle des Olympiques, sans oublier la Baie James où le compteur-de-morts continue toujours de valser...

Tout cela, comme nous le disions en 1961, à cause de "l'incompétence du législateur à assurer adéquatement la sécurité au travail, l'incurie des services d'inspection et la négligence coupable de l'entrepreneur plus intéressé à protéger son profit que le capital humain qu'il doit utiliser."

B) Vingt ans ont passé depuis:

La CSN et la FTQ n'ont pas cessé d'intervenir relativement à la sécurité et à la santé des travailleurs. La FTQ, pour une, par son mémoire au Comité interministériel de la sécurité publique et de la sécurité des travailleurs où elle dénonce les employeurs et recommande des comités de sécurité paritaires dans toutes les entreprises groupant au moins cinq (5) travailleurs (21-07-66).

Dans les deux cas on répétera sans cesse qu'il faut augmenter le nombre des inspecteurs, multiplier et poursuivre les plaintes contre les employeurs délinquants, augmenter les amendes et imposer la prison. La CSN et le Syndicat de la construction de Montréal produiront une brochure spéciale: "LES ACCIDENTS DE TRAVAIL: DES ACCIDENTS OU DES MEURTRES?" (nov. 1971)

Puis viendra la période noire des rivalités syndicales, le saccage à la Baie James et la Commission Cliche où Yvon Dansereau (rapporté dans LE JOUR du 25-01-75), alors conseiller spécial du ministre du Travail, M. Jean Cournoyer, déclarait que la FTQ avait obtenu les faveurs du patronat en 1973 parce que "la CSN cherchait à faire reconnaître l'ancienneté et la sécurité des travailleurs alors que la FTQ s'en balançait."

La FNSBB, à cette époque, venait de faire un bond en avant, non pas qu'elle venait de découvrir que l'ancienneté et la sécurité d'emploi étaient importantes pour les travailleurs, mais parce qu'à cause du chantier de la Manic, la CSN venait de faire le lien concret entre la sécurité d'emploi et la sécurité physique des travailleurs.

En fait, de 1970 à 1973, au moment où la FNSBB lançait ses mots d'ordre: "Sécurité d'emploi : sécurité physique", elle avait trois (3) ans d'expériences concrètes au complexe Manic-Outardes où 2000 travailleurs "n'ayant pas peur à leur job", ont pu travailleur sans qu'un seul ne perde la vie.

Mais la rivalité syndicale, malgré les sautes d'humeur, la FTQ reviendra en 1975 avec un document intitulé: "CESSONS DE MOURIR A L'OUVRAGE: LA SÉCURITÉ AVANT LE TRAVAIL". La FTQ emboîtait le pas avec la CSN sur la sécurité et la santé des travailleurs.

Ce même 1er mai 1975, André Leclerc, permanent à la FTQ, écrivait dans DOSSIERS "VIE OUVRIERE", no. 95: "Ce n'est pas par hasard qu'il y a tant de gens qui se font blesser ou tuer dans le secteur de la construction. On ne peut pas penser que les employeurs tuent du monde par plaisir ou parce qu'ils sont sadiques. Ils le font pour économiser sur la sécurité. Il en coûte moins cher de construire une structure d'acier si on ne met pas de filet en-dessous, si on ne passe pas une demi-journée à poser un filet alors qu'on pourrait bâtir un étage de plus dans le même temps. On économise des milliers de dollars et on fait plus de profit sur le contrat. C'est toujours ça qui est à l'origine des accidents de travail. (...)

L'insécurité d'emploi influence aussi la sécurité physique, parce que le travailleur qui sait qu'il y a 15 chômeurs à la porte, prêts à prendre sa place s'il ne fait pas ce que l'employeur lui demande de faire, développe des attitudes un peu plus soumises que celui qui sait qu'il ne peut pas être remplacé s'il refuse de faire tel travail. Tout cela décrit un peu, au pas de course, le contexte dans lequel se sont déroulés les événements qui ont fait l'objet de la Commission Cliche."

C) 1978: Le CERLIC et le rapport Larochelle

Le CERLIC (Comité Hébert):

En mars 1978 la FNSBB (CSN) présentait son mémoire intitulé: "UNE INDUSTRIE A LIBÉRER" au Comité d'étude des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Certaines des recommandations contenues dans le mémoire ont une implication directe avec le projet de loi 17.

Notamment et suite à des mauvaises expériences, tant au chantier olympique qu'à la Baie James, la FNSBB dénonçait l'intrusion des tiers (maîtres-d'oeuvre ou propriétaires de chantier) dans les relations employeurs-employés et recommandait: 1) Que la loi établisse clairement qu'un propriétaire, de même que tout tiers, ne peuvent s'immiscer dans la relation employeur-employé; 2) qu'un employeur ne puisse utiliser le pouvoir arbitraire du propriétaire pour contourner le décret; 3) qu'en aucune circonstance des pressions faites par un propriétaire ou tout autre tiers, ne puissent être alléguées pour justifier une rupture du contrat de travail; 4) qu'il est du devoir d'un employeur de garantir au travailleur le libre accès aux chantiers." (page 38)

De plus, après avoir dénoncé le fait que les travailleurs de la construction (6% de la main-d'oeuvre québécoise) sont victimes de 25% des accidents de travail mortels, la FNSBB, pour contrer l'insouciance souvent criminelle des employeurs, recommandait: "1) Que soit instauré un système de démérite en vertu duquel un employeur serait pénalisé pour chaque infraction à la sécurité, allant jusqu'à la perte de sa licence; 2) Que les amendes aux employeurs, pour manquement à la sécurité, soient substantiellement augmentées et que des peines de prison soient introduites; 3) Que l'on mette fin à la pratique des avertissements et que l'on intente automatiquement une poursuite pour chaque infraction; 4) Que l'on donne aux parties syndicales impliquées la possibilité de voir à l'application des normes de sécurité; 5) Que l'initiative des poursuites soit aussi reconnue concurremment aux associations représentatives des travailleurs." (page 33).

La CSN ajoutait, face à la légèreté avec laquelle la Régie des Entrepreneurs octroyait des permis comme s'il s'agissait de cartes de crédit: 1) Que les associations syndicales soient déclarées parties intéressées au sens de la Loi 33; 2) Qu'elles aient, au sein de la Régie, une participation égale à celle des entrepreneurs." (page 37)

Quant à cette partie, le projet de loi 17 est muet; de plus, bien que les articles 275 à 278 du projet de loi laissent voir une intention du législateur de mettre fin à ce racket des permis, et ce particulièrement par le jeu des articles 275 à 277, nous mettons sérieusement en doute la possibilité pour un employeur de perdre ou de voir son permis suspendu. En effet, l'entrepreneur doit avoir été "reconnu coupable à plus d'une reprise d'infractions à la Loi" (art. 276) avant de risquer la suspension ou l'annulation de son permis.

Or, non seulement toutes les infractions ne mènent pas à des poursuites, non seulement toutes les poursuites ne sont pas menées à leur terme (re: Rapport du comité de recherche en sécurité de l'O.C.Q. 1976) mais encore, avant que ne soit reconnu coupable un employeur, il pourra établir que "l'infraction a été commise à son insu, sans consentement et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission", (art. 201).

Autrement dit, l'intention du législateur ne quitte pas le terrain de l'intention et ne demeure qu'un voeu pieux que l'employeur pourra contourner quasiment à volonté.

Le scénario est assez simple. A la demande de l'employeur délinquant, le contremaître avouera sa faute en disculpant l'employeur, en précisant que si l'employeur l'avait su, il ne l'aurait pas permis, etc.. Il ne restera plus pour l'employeur qu'à fournir à son contremaître le montant de l'amende, montant d'au moins 50% inférieur à celui que le même employeur aurait dû payer... L'employeur se retrouvera avec un dossier d'infraction vierge puisqu'il ne sera reconnu coupable de rien.

Si c'est là un des moyens que la loi se donne pour diminuer les morts sur les chantiers, le gouvernement ferait mieux de s'ouvrir une agence de faire-parts et de nationaliser les salons funéraires...

Sur cette question de la négligence des entrepreneurs, la CSN répète encore son mémoire au CERLIC: tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de garanties minimales quant à la sécurité d'emploi et l'ancienneté dans la construction, les travailleurs, principaux concernés par la santé et la sécurité, ne pourront remplir adéquatement le rôle qui leur revient de droit.

Enfin, la FNSBB faisait valoir que le rôle du délégué de chantier, rôle qui avait été aboli par le projet de loi 30 (1975), devrait être reconnu à nouveau avec une garantie minimale de protection dans la loi. De plus, quant aux autres aspects de sa fonction, la FNSBB (CSN) demandait que les parties puissent les négocier et qu'ils fassent partie des prochains décrets. C'était vital pour la vie syndicale sur les chantiers. Ça n'a pas bougé.

Nous avions aussi fait des recommandations sur les conditions de vie dans les chantiers éloignés, alléguant que la loi devrait en prévoir les conditions minimales. Il n'y a toujours rien là-dessus à l'horizon.

2) Le rapport Larochelle (novembre 1977)

Voici les faits saillants de ce rapport de l'Office de la construction, préparé par Louis Larochelle, analyste en sécurité: — de 1966 à 1976, 2633 travailleurs québécois sont morts dans des accidents du travail; — de ce nombre, 660 étaient de la construction; — avec 6% de la main-d'oeuvre, on compte donc 25% des morts; — le taux de fréquence d'accidents pour tous les secteurs est passé de 21.6 à 29.5 par million d'heures de 1970 à 1975; — pour la construction, le taux de fréquence est passé de 59.1 en 1973 à 70 en 1974. Il s'est légèrement accru depuis. En moyenne, il est deux fois et demie plus élevé que dans les autres secteurs; — de 1973 à 1975, la CAT a fait droit à 26 916 réclamations venant de la construction, soit une moyenne de près de 9000 par année! — dans quatre catégories de travaux de construction (de 1970 à 1975), la fréquence des accidents du travail s'est accrue de façon quasi incroyable.

Il s'agit de: 1.— l'installation de machines lourdes: 140% 2.— lignes de transmission: 72% 3.— chemins, ponts, égouts, tunnels: 48% 4.— contruction de bâtiments: 44% — les travailleurs âgés de moins de 20 ans ont deux fois plus d'accidents que ceux de plus de 30 ans et 30% plus que leurs confrères de 20 à 24 ans; — en 1976, l'OCQ a constaté 12 591 infractions aux normes de sécurité de la construction. Seulement 521 plaintes ont été portées et ce nombre ne grimpe qu'à 1410 si on ajoute les avis préalables payés.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les contrevenants s'en tirent à meilleur compte que leurs victimes.

Avec ce portrait cauchemar des accidents de travail dans l'industrie de la construction, vous comprendrez qu'il nous apparaissait important de revenir sur nos positions antérieures afin de bien faire comprendre que la FNSBB (CSN) attache une importance fondamentale à la santé et à la sécurité des travailleurs et qu'ayant dénoncé et recommandé à tant de reprises depuis vingt ans, elle ne saurait accepter de la part du gouvernement rien de moins que des solutions véritables.

DEUXIÈME PARTIE

Comment aujourd'hui ne règle pas les problèmes d'hier A) Toile de fond

L'industrie de la construction est gouvernée par une loi spéciale, la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction qui constitue son propre Code du travail. Tous les travailleurs de la construction sont syndiqués et ils ont le choix de l'appartenance syndicale. Ce choix s'exerce principalement entre la FTQ et la CSN, bien que deux autres associations, plus marginales, peuvent solliciter également l'adhésion des travailleurs.

Les conditions de travail y sont négociées par l'association représentative majoritaire (FTQ) bien que dans l'actuelle négociation, la CSN ait le droit de participer et de présenter des demandes. Côté patronal, il y a une association unique, l'AECQ, comme agent négociateur. De cette négociation résulte un décret provincial sanctionné par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Le bassin de travailleurs y est généralement presque le double du nombre requis dans l'industrie. Dans certains cas (période de chômage accrue, ralentissement économique) de même que dans certains métiers ou occupations, ce nombre augmente encore.

Pour tout ce monde, aucune forme d'ancienneté, aucune sécurité d'emploi, si ce n'est cet embryon que constitue le règlement de placement.

En matière de sécurité-santé, à la suite de luttes menées par les travailleurs de la construction pour civiliser leur industrie, ces derniers ont obtenu certaines protections minimales qu'ils ne peuvent accepter de voir menacer.

On retrouve ces gains dans le Code de sécurité et dans certaines clauses du décret, ce dernier incluant l'obligation pour l'employeur de respecter les prescriptions de ce Code.

Or, au moment où le législateur s'apprête à modifier sinon à abroger ce code (art. 220), au moment où le décret a pris fin, rien ne garantit que la protection minimale existante sera le point de

départ d'une amélioration. Au contraire, sur plusieurs points, le projet de loi constitue un recul, une non-reconnaissance de l'acquis.

Pour ne donner qu'un exemple flagrant: L'article 2.4.2 a) du Code oblige l'employeur à "s'assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour assurer la sécurité du public et des travailleurs"; pourtant, dans le projet de loi 17, cette obligation n'en est plus une de l'employeur. Au contraire, elle revient au travailleur (article 38 2° et 3°).

Article 38: Le travailleur doit: 2°— prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité... 3°— veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité... des autres personnes qui se trouvent sur les lieux ou à proximité..."

Cette obligation faite au travailleur est complètement insensée... et n'aura pour effet que d'exonérer davantage l'employeur de toutes ses responsabilités, (art. 201)

Quant au décret, l'exemple de la clause de refus de travailler nous permettra un peu plus loin de constater un même recul inacceptable.

Si la loi doit remédier aux maux existants, elle ne peut partir que de l'acquis et combler les lacunes. C'est ce que nous appelons donner effet à des intentions.

Si par ailleurs, par delà les intentions manifestées, c'est la peau des travailleurs et de leurs organisations qu'on cherche à livrer au profit et aux profiteurs, attendez-vous à ce que l'on défende chèrement notre peau.

Qu'en est-il maintenant du chapitre XI du projet de loi 17?

B) Le chapitre de la construction:

Comment improviser sur une note inconnue. 1°

Section II: Le maître d'oeuvre et l'employeur

a) L'intrusion d'un tiers:

A moins d'une disposition l'interdisant, les articles 151-157-158 auraient pour effet de permettre au maître d'oeuvre de s'ingérer dans les relations employeurs-employés et ne pas s'occuper du décret.

De plus, par le pouvoir du maître d'oeuvre, l'employeur pourrait faire congédier des travailleurs en contournant ce même décret et, sans que le salarié puisse être protégé, puisque le maître d'oeuvre n'y est pas assujetti. Tel quel, c'est inacceptable. b) Le programme de prévention: Quelle prévention? — Pour les chantiers de moins de 10 salariés travaillant simultanément, il n'y a aucun programme de prévention à faire, (art. 153) — Pour les chantiers comprenant entre 10 et 100 travailleurs, il doit y avoir un programme de prévention, mais aucune obligation de les soumettre à la commission, (art. 153) — Le programme de prévention a pour objet d'éliminer les sources mêmes de danger... Pourquoi alors enlever l'obligation d'en faire au chantier de moins de dix travailleurs? Est-ce que la vie de dix travailleurs est moins importante que celle de cent? — Dans le cas des chantiers de plus de 100 travailleurs, ou dont le coût dépasse 5 millions de dollars, ou encore dont les risques de danger sont élevés (art. 155), le programme de prévention doit être transmis à la commission et il peut être modifié (art. 156). — Rien ne dit que l'approbation de la commission doit être faite avant le début des travaux. Le chantier sera-t-il terminé quand les corrections auront été apportées? — L'expérience antérieure est pourtant négative à cet effet. Le Code de sécurité prévoyait (art. 2.4.1.2) qu'avant la mise en oeuvre des travaux, l'employeur devait transmettre à l'inspecteur en chef les plans, incluant les procédés d'installation et de démontage signés et scellés par un ingénieur. — Malgré cela, selon le Rapport du comité de recherche en sécurité (O.C.Q. 1976), les inspecteurs sont unanimes à dire que "quand les plans arrivent, les travaux sont presque finis". (Annexe page 22). Que veut-on régler exactement? — Enfin, la participation des travailleurs et de leur syndicat est carrément exclue de cette phase, pas même d'obligation d'en faire part à ce dernier. — De toute façon, cette section est à reprendre, inutile et inacceptable comme telle.

2° Section III: Le droit de refus

Nous verrons maintenant en quoi le droit de refus tel que stipulé dans ce chapitre est inférieur à ce qui existait déjà: a) Responsabilité de l'employeur: Le décret:... SECTION 26

Sécurité, bien-être et hygiène 26.01 Sécurité du travail: L'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires afin de garantir la sécurité, l'hygiène et le bien-être de ses salariés. A cette fin, il doit s'assurer du plein respect du code concernant la sécurité adopté en vertu de la loi des établissements industriels et commerciaux pour l'industrie de la construction, tant par lui-même que par ses représentants et ses salariés.

Le projet de loi:

Article 151 — Le maître d'oeuvre et l'employeur professionnel doivent respecter toutes les obligations faites à l'employeur par la présente loi et les règlements et notamment prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur de la construction.

Nous croyons que la responsabilité de l'employeur est ici diminuée, et nous constatons la disparition des termes hygiène et bien-être. b) Le refus de travailler

Le décret: 26.02 Travail dans des conditions dangereuses: 1) Le salarié n'est pas tenu d'effectuer un travail lorsque les règles de sécurité prévues au décret, aux lois ou règlements ne sont pas observées par l'employeur ou dans des conditions susceptibles de mettre sa santé et sa sécurité en danger.

Le projet de loi:

Art. 159 Le travailleur de la construction a le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité...

Art. 160 L'exercice du droit visé dans l'art. 159 n'est possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées.

Ainsi, le bruit qui rend sourd n'est plus grave s'il est habituel, la poussière qui étouffe n'étouffe plus si elle est habituelle, l'outil dangereux qui fonctionne mal n'est pas dangereux s'il fonctionne habituellement mal, la protection contre les chutes n'est plus nécessaire si les chutes sont un risque normal dans les hauteurs... Heureusement que le ridicule ne tue pas!

Tout ce que prévoit le code de sécurité pour la protection des travailleurs ne s'appliquera plus parce qu'il sera inconciliable avec cet article 160. (art. 220)

Ce n'est plus du droit de refus dont on parle ici, mais bien de l'obligation d'accepter les conditions dangereuses. c) Lorsque le travail est arrêté: Le décret: a) Dans ce cas, le salarié, le délégué ou le représentant syndical informe l'employeur et l'Office que des mesures appropriées soient prises pour remédier à la situation.

Dans cette clause, on remarquera que le salarié n'est pas isolé et que le syndicat peut intervenir (délégué ou représentant) en prévenant l'employeur et l'Office (un inspecteur).

Le projet de loi:

Art. 161 Lorsqu'un travailleur de la construction refuse d'exécuter un travail, il doit aussitôt en aviser son supérieur immédiat, son employeur ou un agent de ce dernier; si aucune de ces personnes n'est présente au lieu de travail, le travailleur doit utiliser les moyens raisonnables pour que l'une d'entre elles soit avisée sans délai.

Ici, c'est le travailleur seul qui doit, non seulement prévenir, mais courir après son patron. Art. 162 Dès qu'il est avisé, le supérieur immédiat, ou, le cas échéant, l'employeur ou son agent convoque, pour procéder sans délai à l'examen de la situation, le délégué de chantier ou, si ce dernier n'est pas disponible ou s'il n'y a pas de délégué de chantier, l'agent d'affaires ou un autre représentant du syndicat ou, s'il n'y en a pas ou si aucun n'est disponible, tout autre travailleur de la construction désigné par celui qui refuse d'exécuter son travail.

Art. 163 L'employeur doit permettre au délégué de chantier ou, le cas échéant, au représentant du syndicat, ou au travailleur de la construction désigné en vertu de l'article 162, de participer, sans perte de salaire, à l'examen de la situation.

Ces deux articles viennent enlever le lien entre le travailleur et son syndicat puisque c'est maintenant l'employeur qui doit vérifier la disponibilité du délégué ou à défaut du représentant syndical. Voyons la scène: 1) L'employeur: "Le délégué est occupé à travailler. Il n'est pas "disponible", je vais appeler le représentant syndical". 2) Le téléphone sonne au bureau du syndicat: syndicat: "Syndicat de la Construction de Montréal, bonjour. employeur: "Bonjour, est-ce que Monsieur X est là? syndicat: "II est sorti pour quelques minutes. Y a-t-il un message?" employeur: "Non merci. Cela me satisfait!" 3) L'employeur ne trouvant donc ni délégué ni représentant disponible, ira prendre à témoin tout autre travailleur désigné par celui qui refuse de travailler. Le patron n'a pas à prendre les moyens raisonnables pour rejoindre le syndicat.

De plus, comme si ce n'était pas déjà assez, l'article 163 ne reconnaît que le délégué ou à défaut le représentant, alors que le décret n'excluait ni l'un, ni l'autre.

On ne pouvait mieux isoler le travailleur dans l'exercice de son "droit de refus".

Quant à la suite du scénario, nous ne voyons pas non plus en quoi on fait avancer les choses. d) Les mesures disciplinaires ou discriminatoires: Le décret: 3) Le salarié ne peut subir aucune mesure discriminatoire ou disciplinaire pour la raison qu'il a refusé d'effectuer un travail dans de telles conditions. Il peut toutefois être transféré à un travail disponible.

Le projet de loi:

Art. 31 L'employeur ne peut, jusqu'à une décision finale, imposer au travailleur un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire, pour le motif que ce travailleur a refusé d'exécuter un travail.

Dans les dix jours d'une décision finale, malgré tout autre délai mentionné à la convention collective, l'employeur peut, selon les circonstances, imposer un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire, si le refus a été exercé de mauvaise foi.

D'abord, nous constatons que maintenant l'employeur a le droit de congédier. Autre recul inacceptable!

D'autre part, on ne parle que de mesures disciplinaires alors que le décret prévoyait en plus les mesures discriminatoires. Le décret nous permettait donc une certaine protection contre les mises à pied, dites administratives, fléaux de la construction et égouttoir des règlements de compte patronaux dans une industrie où il n'y a toujours pas de sécurité d'emploi, ni d'ancienneté.

Enfin, non seulement l'employeur se voit-il donner le droit de congédier, mais on lui donne jusqu'à dix jours pour le faire, alors que le décret n'en prévoyait que cinq. (Article 13.04)

Nous ne pourrons donc considérer de sérieux, quant au droit de refus de travailler, que le maintien de ce qui existait au décret se terminant le 31 juillet 1979 avec volontiers des améliorations, mais jamais nous ne cautionnerons le brouillon de mauvais goût que peut nous passer le gouvernement à cet effet.

3° Section IV: Le comité de chantier

Les comités de chantier existaient avant le projet de loi 17 mais comme ils étaient sous le contrôle de l'employeur, ça n'a jamais vraiment marché. C'est l'inspecteur en chef du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre qui les définira comme suit: "C'est un groupe de personnes qui ne peuvent individuellement rien faire et qui décident ensemble qu'il n'y a rien à faire." (Rapport du comité de recherche en sécurité, OCQ, Nov. 1976, page 52). Que nous propose le projet de loi 17? a) Ce comité ne concerne que les chantiers de plus de 25 travailleurs et dont la durée dépasse 2 mois. (art. 166)

Déjà là il y a une condition inférieure par rapport au Code de sécurité qui mentionne aussi les 25 travailleurs mais n'impose aucune restriction quant à la durée du chantier. (Art. 2.5.1) b) Contrairement à ce qui est prévu au comité de santé-sécurité au chapitre IV du projet de loi (art. 58-59), rien ne dit que le comité de chantier est paritaire; les faits sont tout autres: il s'agit d'un comité patronal (art. 167) au milieu duquel on veut glisser un ou deux représentants syndicaux pour la frime. (Art. 167)

c) Enfin on donne, entre autres; à ce comité la fonction de surveiller l'application du programme de prévention, de recevoir et de disposer des plaintes des travailleurs, des employeurs professionnels, des autres employeurs et du maître d'oeuvre. (Art. 168)

On demande donc aux travailleurs d'aider le comité patronal à faire la police et à légitimer sa répression; d'autre part, tout en retenant les plaintes contre les travailleurs, ce comité patronal viendra couvrir les employeurs délinquants et une fois de plus les disculper de tout blâme.

Une bonne façon de maintenir le record des infractions à zéro et rendre inutile le travail de l'inspecteur en sécurité.

Ce n'est même plus de concertation dont on parle dans ce chapitre, mais bien d'utiliser les travailleurs et leurs représentants comme paravent à l'irresponsabilité patronale. A cela nous disons non!

4° Section V: Le délégué de chantier

a) Le délégué à la prévention est ici assimilé au délégué de chantier. L'article 171 est clair:

Art. 171 En outre des fonctions qui lui sont attribuées par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le délégué de chantier a pour fonctions: ...

Depuis que la loi 30, cadeau de la Commission Cliche en 1975, a exclu la possibilité de négocier quoi que ce soit relativement au délégué de chantier, le législateur ne peut pas ignorer que cette fonction a été complètement discréditée et que les employeurs, dans une très forte proportion, refusent de reconnaître les délégués et leur font la vie dure. A toute fin pratique, par la Loi 30, le législateur abolissait le rôle de délégué. Nous trouvons pour le moins naïf de voir apparaître les termes "en outre des fonctions qui lui sont attribuées... le délégué de chantier a pour fonction, etc.." Après avoir trouvé quelques indésirables qui avaient usurpé le titre de délégué de chantier, le gouvernement de l'époque en a profité pour handicaper tout le mouvement syndical.

Le gouvernement est tellement au courant de cette situation qu'il nous propose d'amender la Loi de la construction et de donner aux parties le pouvoir de s'entendre, y compris d'inclure dans le décret les clauses concernant le délégué de chantier, uniquement dans sa fonction de délégué à la sécurité-santé.

Un pas de plus vers le muselage définitif du délégué de chantier. L'appât avait un certain attrait mais nous avons senti le poison. La FTQ aussi d'ailleurs, puisqu'elle demande l'abolition de la Loi 30 et la pleine reconnaissance du délégué syndical. Nous considérons que cette question relève de la régie interne des syndicats et nous nous opposons formellement à ce que l'Etat décide qui va faire quoi, qui va occuper telle ou telle fonction à l'intérieur du syndicat.

En acceptant l'article 171, nous confirmons l'abolition du rôle de délégué de chantier et nous réduisons ce rôle à un rôle qui, même extrêmement important (la sécurité-santé), ne saurait assurer à lui seul tout le travail syndical de base nécessaire pour la mobilisation et la vie syndicale sur les chantiers.

Nous considérons la fonction de délégué syndical comme étant différente de celle de délégué à la prévention. Nous nous réservons cependant le droit de fusionner ces deux fonctions lorsque, compte tenu du nombre de travailleurs et des ressources disponibles, ce sera préférable et nécessaire.

Nous ne nous opposons donc pas à ce que l'Etat reconnaisse la nécessité d'un délégué à la prévention, ni que la loi oblige sa reconnaissance. Nous demandons que les deux fonctions soient reconnues et que la Loi de la construction soit amendée pour les feux fonctions et non seulement pour une seule d'entre elles. b) Quant aux fonctions exercées par le délégué à la prévention, nous demandons qu'en tout temps, sur le chantier où il travaille, le délégué puisse accompagner l'inspecteur, contrairement à l'article 171 6°. c) La formation du délégué à la prévention ne doit pas relever exclusivement de la commission (article 173). Le délégué à la prévention devrait pouvoir suivre des cours de formation, sans perte de salaire, auprès de sa propre centrale. d) Le représentant syndical doit pouvoir intervenir en tout temps, y compris dans la négociation avec l'employeur du temps de libération du délégué à la prévention (art. 172,174). e) Le délégué à la prévention ne jouit que d'une immunité bien superficielle puisque encore une fois on ne parle que de mesures disciplinaires et qu'on évite de parler de mesures dites administratives comme la mise à pied (art. 175 et 72)

Encore une fois, nous rejettons cette section telle que formulée parce qu'elle conjugue ingérence de l'Etat à effritement de la structure syndicale.

5° Section VI: L'inspection

II est inconcevable que tout ce qui concerne les inspecteurs ait été laissé à la réglementation. Tout ce que le projet de loi trouve à dire, c'est à peu près ceci: "Les inspecteurs inspectent".

Dans un rapport de près de 300 pages, le Rapport du comité de recherche en sécurité (OCQ 1976), les auteurs nous rapportent les problèmes que rencontrent les inspecteurs. Il est important de noter que presque tous les inspecteurs de la construction ont été rencontrés. Il en ressortait, de leur propre témoignage, que: a) les inspecteurs ne sont pas assez formés, ni théoriquement, ni pratiquement; b) les inspecteurs ne devraient s'occuper que de sécurité-santé; c) les employeurs collaborent très peu; d) les poursuites sont inefficaces, trop longues, et beaucoup trop sont abandonnées en cours de route; e) les inspecteurs ignorent les suites données par l'OCQ aux infractions qu'ils ont signalées; f) les juges sont incompétents et perçoivent mal l'importance des poursuites concernant la sécurité; — trop souvent le juge et l'avocat de la compagnie essaient de tourner au ridicule l'inspecteur; — les procureurs du ministère de la Justice ne collaborent pas avec eux; g) c'est propre à dissuader l'inspecteur de signaler les infractions.

Voilà quelques-unes des observations dont le projet de loi ne semble pas tenir compte. Enfin nous considérons ce rôle trop important pour accepter le silence de la loi à son sujet.

6° Section VIII: Les chantiers de grande importance

Notons ici que les chantiers de grande importance seront définis par règlement (art. 181) et qu'ils pourront être soustraits à la loi, aux règlements (art. 184), de même qu'au décret de la construction (art. 185, para. 35).

De plus, l'article 182 donne le pouvoir à la commission de refaire la loi et de décider, sur les gros chantiers (?), du rôle des syndicats, des comités de chantiers, du délégué de chantier, de même que celui des travailleurs.

C'est également la commission qui adopte le programme de prévention (art. 182). Mais encore là, rien ne dit que le programme doit être adopté avant que les tavaux ne commencent.

Suite à ces observations, nous ne pouvons que dénoncer le fait que la loi ne fixe pas certaines balises quant à ce qui pourrait constituer un chantier de grande importance.

Enfin nous refusons carrément cette mise en tutelle des syndicats par la commission.

C) Les chantiers "éloignés"

Le projet de loi 17 n'a pas cru bon de prévoir des conditions de vie et de bien-être minimales pour les travailleurs des chantiers éloignés. Pourtant la FNSBB (CSN) a fait plusieurs revendications à ce sujet, y compris dans son mémoire au CERLIC ainsi que dans un récent mémoire (avril 1978) au Comité des conditions de vie sur les chantiers éloignés.

Le projet de loi reste muet sur cette question si ce n'est qu'il laisse le tout à la réglementation.

Pourtant à la Baie James, depuis les derniers six mois, plus d'une quinzaine de travailleurs sont morts.

Quant aux conditions de vie, la Société d'Energie de la Baie James s'en fout éperdument. Pour toute réponse aux plaintes relatives à la qualité de la nourriture, le p.d.g. de la SEBJ, M. Claude Laliberté, nous souligne dans sa lettre que si le pain est moisi, les travailleurs n'ont qu'à choisir les tranches qui ne le sont pas.

Conclusion

Nous considérons ce chapitre comme une improvisation de mauvais goût et nous en demandons tout simplement le retrait puisqu'il ne répond pas à nos revendications fondamentales.

Bien sûr, il y a du bon et du nouveau dans ce projet de loi, sauf que le bon n'est pas nécessairement nouveau et que le nouveau n'est pas nécessairement bon.

Nous exigeons une loi qui assure vraiment la santé et la sécurité des travailleurs de la construction.

ANNEXE D

Association des entrepreneurs en construction du Québec

Mémoire à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

concernant la loi sur la santé et sécurité au travail

(projet de loi no 17)

Anjou, le 17 août 1979

INTRODUCTION

Monsieur le Ministre,

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution du dossier de la santé et la sécurité au travail, car il comprend des implications sérieuses pour notre industrie. L'A.E.C.Q. est une association patronale vouée aux relations du travail dans la construction qui regroupe sans exception tous les employeurs actifs dans cette industrie. La construction est par essence une entreprise où les risques d'accident sont élevés.

En référant aux notes de présentation du projet de loi, nous notons qu'il est de l'intention du gouvernement d'assurer une plus grande participation des premiers intéressés (employeurs-travailleurs) à la gestion de la sécurité en usine ou sur les chantiers. L'A.E.C.Q. concourt totalement à cet objectif car, étant plus impliquées, les parties prendront plus sérieusement leur responsabilité réciproque en ce domaine.

Déjà à la lecture du Livre Blanc nous pouvions anticiper que le secteur de la construction, à cause de besoins plus spécifiques que l'industrie manufacturière, allait faire l'objet d'une réglementation particulière. Il nous apparaît normal d'envisager une législation ainsi structurée, car elle sera susceptible de mieux répondre à un secteur de l'industrie où le lieu de travail, les mouvements de main-d'oeuvre et les risques etc. sont tout à fait différents des autres secteurs d'activité.

Nous tenterons dans ce bref exposé de vous sensibiliser aux points que nous considérons de première importance pour notre industrie, dans l'espoir d'apporter à ce projet de loi notre expertise et contribuer à ce que son adoption par le gouvernement atteigne l'objectif visé: le respect de la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs du Québec.

Le thème majeur de notre présentation portera sur les dispositions particulières relatives aux chantiers de construction. Préalablement, nous soumettrons des commentaires sur le contenu de certaines sections du projet de loi qui nous sont apparues intimement liées à notre industrie.

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a, depuis sa création en 1976, été sensible à cette question de santé et sécurité au travail. Elle a manifesté sa volonté d'assumer ses responsabilités dans l'industrie de la construction en matière de formation et prévention et aujourd'hui nous sommes heureux de pouvoir nous adresser à cette Commission. Nous voulons vous assurer, monsieur le Ministre et messieurs les membres de la Commission, de notre désir de coopérer de la façon la plus positive possible à l'élaboration de cette législation qui devrait, nous l'espérons, mettre le monde du travail au diapason de nations industrialisées qui ont, de longue date, légiféré dans le domaine de la santé-sécurité au travail.

MÉMOIRE I- COMMENTAIRES GÉNÉRAUX:

Généralement, nous avons constaté que, depuis la première ébauche du Livre Blanc sur la santé-sécurité au travail, le contenu a sensiblement évolué.

Nous croyons que le projet, dans son ensemble, est devenu plus réaliste et plus souple. Il ne faudrait pas croire que, ce faisant, il soit devenu moins efficace, bien au contraire, puisqu'en tenant compte des réalités concrètes de l'industrie, le projet est assuré d'une application sérieuse et ne court pas le risque d'être transformé en l'expression d'un voeu pieux.

Notre satisfaction à l'égard de l'ensemble de la législation ne doit cependant pas nous faire oublier que plusieurs suggestions très valables, formulées par divers milieux patronaux, n'ont pas été retenues, de telle sorte qu'il nous semble opportun de les soulever ici généralement.

La réglementation:

Dans plus d'une section du projet de loi, il nous est apparu bien difficile d'évaluer l'impact futur ou la portée de la législation, car plus souvent qu'autrement, le texte n'est qu'une indication d'un objectif que viendrait concrétiser une réglementation.

Ce pouvoir d'établir des règlements par la Commission nous apparaît dangereux. Chaque chapitre compte plusieurs réserves pour permettre une addition ou modification par règlement, de telle

sorte que d'une part il devient difficile d'évaluer la législation et, d'autre part, il y a lieu de craindre que les règlements changent la portée et peut-être même l'esprit de la Loi. Nous sommes d'avis qu'il serait possible de compléter le projet sinon, de fixer avec beaucoup plus de précision l'envergure des pouvoirs réglementaires.

Pouvoir décisionnel:

La législation pourrait donner au travailleur un certain pouvoir décisionnel, tant par le biais du Comité paritaire de santé et sécurité que par l'action directe que ce dernier peut exercer. Le travailleur est-il prêt à prendre ses responsabilités dans ce domaine bien particulier de la sécurité au travail? On ne lui a jamais, jusqu'à ce jour, proposé d'assumer une telle fonction, surtout pas d'une manière aussi active et autonome.

Nous admettons qu'en cette matière plus qu'en toute autre, chacun doit assumer des responsabilités réelles, mais il nous apparaît essentiel qu'il y ait apprentissage et formation adéquate, faute de quoi nous risquerions d'être rapidement mis en présence d'abus malheureux qui, loin de rendre l'industrie en général plus sécuritaire, seraient susceptibles de la bouleverser par des décisions arbitraires, motivées par des objectifs qui n'ont rien à voir avec la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

Jusqu'à ce jour, combien d'associations syndicales ont été prêtes, dans l'intérêt de leurs membres à prendre leur responsabilité et à payer le prix de leur participation en matière de santé et sécurité au travail?

Compte tenu des pouvoirs importants qui pourraient leur être accordés par une telle législation, il nous faudra insister pour que tout individu qui pourrait avoir mission d'appliquer la prévention dans les ateliers ou chantiers, soit élu, non pas par un exécutif syndical, mais par l'ensemble des travailleurs de son milieu afin qu'il puisse représenter ces derniers sans subir d'influence autre que celle de ses confrères de travail.

Est-ce parce que ce danger a été prévu que le projet de loi stipule que le représentant de la prévention ne peut en aucun cas s'occuper de relations du travail? Il devrait être tenu compte de ce facteur en évitant la confusion entre les mots "travailleur" et syndiqué". Nous reviendrons sur le sujet lorsque nous toucherons les fonctions que la législation voudrait reconnaître aux délégués de chantier.

Dispositions des budgets:

La nouvelle Commission pourra verser des octrois aux associations syndicales. Nous concevons mal qu'une Commission alimentée uniquement par des cotisations patronales puisse à son gré distribuer des argents à des organismes qui ne coopèrent pas directement à son financement, d'autant plus que les associations sectorielles recevront des subventions pour accomplir des travaux qui bénéficieront aux parties impliquées tant patronale que syndicale. Nous considérons qu'il s'agirait là d'un pouvoir abusif qui augmenterait considérablement le coût de la prévention pour les employeurs. Les employeurs endossent déjà toute la responsabilité des coûts en matière de sécurité, il nous apparaît anormal de leur demander de financer aussi les syndicats ou unions.

Le projet de loi stipule qu'aucun pouvoir de cotisation ne sera donné aux associations sectorielles si ces dernières veulent bénéficier d'un octroi. Nous acceptons que cette formule soit retenue mais ceci n'empêchera pas, nous osons l'espérer, qu'une association patronale ou syndicale puisse quand même utiliser volontairement une part des cotisations de ses membres pour faire de la prévention d'accident dans son champ d'activités.

La philosophie qui a inspiré ce projet de loi postule que toute somme dépensée pour la prévention est un investissement dans l'avenir. C'est une perspective que nous acceptions d'emblée. Nous ne pouvons cependant réprimer un certain scepticisme en constatant que l'ensemble des services de santé qui seront mis à la disposition du monde du travail, devra être financé par l'ensemble des employeurs exception faite de la rémunération des médecins. Si l'on considère que les services de formation, information et recherches vont absorber des montants importants, nous nous demandons si les disponibilités monétaires seront suffisamment réalistes pour couvrir l'ensemble des dépenses prévues. Nous ne devons pas perdre de vue qu'une intensification de la recherche en hygiène industrielle et une meilleure couverture des maladies industrielles feront croître les coûts. Serons-nous en mesure d'y répondre?

Droits:

La comparaison des droits et obligations des travailleurs et des employeurs ne laisse plus de doute quant à la philosophie du projet de loi; d'une part, les obligations- et droits sont inversement proportionnels et, d'autre part, les obligations de l'employeur prévalent sur les droits et le contraire est vrai pour le travailleur.

En admettant qu'un employeur doit à tout prix s'assurer de la santé et la sécurité de ses travailleurs, il nous apparaît difficile de reconnaître le bien fondé de l'implication de personnes non

averties ou techniquement non formées dans l'élaboration de normes, règlements, programmes de recherches, etc..

Obligations:

Les obligations auxquelles les travailleurs sont astreints doivent être plus explicites. Nous considérons que les obligations telles que stipulées prennent l'allure de lignes de conduite plutôt que d'une obligation ferme.

L'employeur est actuellement dans la plupart des cas responsable de ce que les travailleurs utilisent les équipements de sécurité qu'il leur fournit, comme si les travailleurs n'avaient aucun intérêt à leur santé et leur sécurité.

Il est aberrant que ce système se perpétue. L'obligation de porter l'équipement de protection individuel ou collectif qui a été préalablement fourni par l'employeur doit s'adresser au travailleur.

La législation ontarienne prévoit des infractions et des pénalités pour le travailleur dans de tels cas.

Pour l'information des membres de cette commission, nous pouvons affirmer que plus de 50% des blessés graves recensés dans notre industrie avaient à leur disposition l'équipement de protection nécessaire, mais ne le portaient pas ou le portaient de façon inadéquate.

Parmi, les obligations, nous relevons encore un dédoublement des responsabilités en vertu du la Loi et des conventions collectives en ce qui concerne les conditions de vie.

Droit de refus:

Le droit de refus est déjà accepté comme tel dans l'industrie de la construction. Nous sommes entièrement d'accord avec le principe qu'un travailleur ait le droit de refuser un travail qui comporte un risque éminent et suffisamment grave pour mettre quelque vie que ce soit en danger, à moins que le risque ne soit normalement et habituellement inhérent à la tâche ou aux fonctions exercées.

Nous ne pouvons cependant logiquement accepter qu'un travailleur puisse continuer à refuser un travail si les corrections demandées ont été faites et approuvées par une personne compétente. Nous pensons que les délais occasionnés par les refus consécutifs après les étapes décrites sont trop longs.

Nous soulignons que le droit de refus de travailler devant l'imminence d'un danger grave et immédiat ne saurait être acceptable que si ce droit est pratiqué de façon individuelle et non-collective, car alors il y a lieu de craindre des abus.

Programme de prévention:

Les programmes de prévention sont vitaux pour structurer l'action en prévention des accidents.

Nous acceptons que les travailleurs soient impliqués par le biais du Comité à participer à l'étude d'un tel programme, mais nous sommes convaincus que l'employeur doit avoir l'entière responsabilité de le créer. Il pourrait, sur une base volontaire, s'associer le Comité santé-sécurité pour l'élaborer.

Normes:

La plupart des normes auxquelles nous pouvons actuellement référer sont des normes établies en Ontario, ACNOR ou aux Etats-Unis, NYOSH, OSHA, ASTME, etc..

Celles-ci sont évidemment établies en fonction d'une législation locale et ne s'appliquent pas nécessairement toutes au Québec et son environnement. Déjà nous vivons des situations insensées, où des individus sont poursuivis en vertu des normes dont ils sont mal informés, qu'ils ne comprennent pas du fait de la langue et qui, avouons-le, sont un vrai casse-tête pour celui qui y réfère. De plus, nous voulons attirer votre attention sur le fait que ces normes sont dans bien des cas non-disponibles.

Afin de corriger cette malheureuse situation, nous favorisons la formation d'un comité composé d'experts, avec mandat de réviser les normes existantes afin de les adapter au contexte des entreprises québécoises. De plus, nous suggérons que tout équipement de protection individuel vendu au Québec indique clairement à quelles normes sa fabrication correspond.

La Commission suggère un service de documentation au service des parties. Nous reconnaissons le bien fondé le l'instauration d'un tel service mais nous avons des craintes quant au temps nécessaire pour qu'il soit efficace. Il a fallu dix ans aux Etats-Unis (NYOSH) et vingt ans en France (INRS) pour qu'ils deviennent fonctionnels. C'est pourquoi nous croyons que la question des normes doive faire l'objet d'un chapitre de la Loi elle-même.

Nous sommes d'accord, dans l'immédiat, pour que le fabricant et le fournisseur d'équipement ou de produits, soient tenus responsables des normes et en avisent les utilisateurs par les moyens que nous avons décrits.

Représentant à la prévention:

Dans l'ensemble, le chapitre traitant du représentant à la prévention pour l'industrie et les services est semblable à celui qui traite du délégué de chantier. Nos commentaires viendront donc sur le délégué de chantier et sa fonction.

Nous sommes inquiets vis-à-vis la fonction des "activités" de prévention et des "activités" propres aux relations du travail et craignons la possibilité d'une "politisation" des activités de prévention.

Nous appuyons la position de ceux-ci qui recommandent le partage de la responsabilité au plan juridique et économique vis-à-vis la santé et la sécurité au travail.

Il COMMENTAIRES PARTICULIERS RELATIFS À L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION

Dans le secteur de la construction, le législateur ne laisse aucun doute sur l'application du principe d'associations sectorielles paritaires. L'article 74 ne donne pas beaucoup d'alternatives aux employeurs de l'industrie de la construction. S'agit-il d'un moyen logique pour mettre les parties impliquées dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail au même diapason?

Depuis plusieurs années, notre industrie jouit d'une réglementation qui lui est propre, "le Code de sécurité". L'inspection relève en grande partie de l'Office de la construction du Québec, organisme également chargé de l'application du décret et autres réglementations. Récemment, sur le plan patronal, a été organisée une vaste campagne de formation. Notre industrie donc, a déjà entrepris de s'attaquer au problème de la sécurité et santé au travail.

Nous devons vous faire remarquer qu'en vertu du décret relatif à l'industrie de la construction, les parties se sont donné un organisme similaire, paritaire, qui à date a maintenu une communication constante et a permis un heureux rapprochement. Déjà certains programmes d'action ont été élaborés en commun et la collaboration pourrait aller en s'intensifiant.

Certaines expériences au sein de ce comité nous prouvent qu'une action paritaire conjuguée est possible en prévention. Notre participation à ce comité nous a révélé à l'occasion que l'épanouissement d'une politique conjointe nécessitait également la collaboration des organismes auxquels les parties doivent référer, dont le Ministère du travail et de la main-d'oeuvre, l'Office de la construction, ainsi que d'autres comités existants, car dans certaines circonstances, en raison de leurs prérogatives, ils ont tendance à ignorer les parties et leurs suggestions.

Nous croyons, étant donné qu'un comité paritaire existe déjà dans la construction, qu'il suffirait dans un premier temps d'élargir le mandat de ce dernier, afin que, d'un commun accord, les parties puissent élaborer un programme de prévention avec des objectifs communs et éviter ainsi qu'une structure soit imposée à l'industrie, comme le veut l'article 74.

Cette première étape permettrait graduellement à l'association de prendre corps, les parties apprenant à se respecter mutuellement dans une forme de parité où l'identité de chacun ne serait pas lésée. Nous sommes prêts à donner à notre comité les pouvoirs nécessaires pour qu'il puisse jouer le rôle d'agent de liaison entre les parties impliquées et les organismes officiels.

Nous déplorons le fait que le projet permette à la Commission de décider du protocole d'entente ou de son contenu et encore plus qu'elle soit détentrice du pouvoir de créer une telle association de façon arbitraire.

La maître d'oeuvre et l'employeur professionnel:

Le projet de loi donne au maître d'oeuvre la plus grande responsabilité, y compris celle d'établir un programme de prévention avant le début des travaux et nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette philosophie. Toutefois, nous croyons qu'une certaine souplesse devrait être apportée à cet article de la Loi. En effet, il ne sera pas toujours possible de pouvoir disposer d'un programme avant le début des travaux ou encore de le préparer en collaboration avec les autres employeurs. Il faudra que le législateur ajoute "dans la mesure du possible" sans quoi, il est à craindre que les personnes concernées auront tendance à se doter d'un programme type qui ne sera pas adapté aux risques inhérents à un chantier particulier.

Le droit de refus (et le refus de travailler pour conditions dangereuses):

Nous sommes d'accord avec l'énoncé des articles 159, 160 et 161 mais il devrait y être clairement spécifié qu'il doit s'agir d'un danger imminent et grave.

De plus, nous croyons que, dès que l'employeur a désigné son représentant à la prévention, ce dernier soit celui qui doit être avisé de toute situation dangereuse. Le premier geste à poser dans une telle situation serait de faire la correction qui s'impose quitte à entreprendre simultanément un examen de la situation.

Nous suggérons qu'aux articles 162 et 165, des corrections soient faites dans le cadre de nos représentations concernant le délégué de chantier et autres personnes qui ne travaillent pas sur le chantier-même. C'est au représentant à la prévention élu par les travailleurs du chantier qu'il appartient de jouer ce rôle. Comme nous l'avons déjà dit, nous ne pensons pas qu'il soit logique pour un employeur de permettre à un travailleur d'accomplir un travail jugé dangereux pour un autre, à moins que le refus de travailler repose sur des motifs qui sont acceptables dans le cas particulier de ce travailleur. Ceci peut seulement permettre, à notre avis, de créer une situation d'attente et créer des délais dans la correction de la situation.

Notre appréhension face à tant d'étapes à franchir pour en arriver à une solution exécutoire est importante pour l'industrie de la construction, plus peut-être que pour l'industrie manufacturière, parce qu'il s'agit d'un travail cyclique, en perpétuel changement. Les délais pour rendre une décision peuvent paralyser un chantier ou secteur de chantier dans un temps relativement court. C'est la raison pour laquelle le législateur devrait prévoir des mécanismes d'intervention plus rapides que ceux décrits dans le projet de loi.

Le Comité de chantier:

La section qui traite du Comité de chantier équivaut presque intégralement à l'article 2.5 du Code de sécurité pour l'industrie de la construction.

La volonté d'impliquer les concepteurs d'un projet dans un tel comité ne peut que nous plaire. Pour tout préventionniste averti, il est logique que la sécurité soit pensée lors de la conception de travaux et une telle décision, si elle est appliquée, évite de nombreux avatars au moment de leur exécution. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une amélioration sur ce qui était prévu au Code de sécurité.

Nous sommes d'accord avec le principe voulant qu'un comité soit formé dès le début des travaux, en autant qu'il y ait suffisamment de travailleurs impliqués. Cependant, nous croyons qu'une clause contenue au Code de sécurité devrait apparaître formellement dans la Loi; soit l'article 5.2:2-1. lequel spécifie que le Comité de chantier est placé sous l'autorité de l'employeur qui agit à titre de maître d'oeuvre. Cette attitude est dictée par le fait que ce qui est la responsabilité de tous, n'est en fait la responsabilité de personne. La prévention étant une préoccupation dès l'étude d'un projet, il est logique que ce soit le maître d'oeuvre qui en soit responsable et assure le fonctionnement du Comité de chantier.

Certaines fonctions que le projet de loi délègue au Comité mériteraient, à notre avis, d'être modifiées.

Ainsi, selon nous, il n'appartient pas au Comité de surveiller la mise en place des mécanismes de coordination des activités des entrepreneurs travaillant simultanément sur un chantier. Nous admettons toutefois que le Comité soit appelé à "coopérer" à la mise en place des dispositions prises par les employeurs en vertu d'un programme de prévention, le tout en collaboration avec le représentant à la prévention nommé par le maître d'oeuvre.

Le paragraphe 6 de l'article 168 relatif aux fonctions du Comité devrait plutôt déléguer à l'association sectorielle l'analyse des statistiques et cette dernière pourrait en faire la synthèse et la redistribuer sous forme d'information fonctionnelle; de la même manière, en ce qui a trait au paragraphe 7, l'association sectorielle devrait être le centre de communication et de dépôt de documents, faisant la liaison entre les comités et la Commission.

Le délégué de chantier:

De toutes les propositions contenues dans le projet de loi, celle qui concerne la définition du délégué de chantier et le rôle que le législateur entend lui faire jouer a de quoi nous surprendre et nous ne pouvons que nier catégoriquement quel que rôle que ce soit dans le domaine de la santé-sécurité, à ce représentant syndical.

Notre refus d'octroyer au délégué de chantier des pouvoirs en prévention, est dû au fait que la défense du droit des travailleurs dans l'application du décret ou des relations du travail d'une part et l'application de la sécurité sur les chantiers de construction, d'autre part, sont inconciliables.

Nous ferons grâce aux membres de la Commission des recommandations contenues dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, présidée par feu le juge Robert Cliche. L'on pourrait cependant prévoir que la situation qui prévalait dans les années 70 serait de nouveau d'actualité et que l'on verrait surgir une armée de délégués plus ou moins informés et incapables d'assumer de telles fonctions.

Nous voulons que les dispositions du projet de loi no 47, sanctionné le 27 juin 1975, concernant le délégué de chantier demeurent intactes. Nous trouvons décevant que le législateur tente de réintroduire le délégué de chantier comme responsable ultime de la sécurité sur les chantiers et nous sommes encore plus circonspects lorsque le législateur veut réintroduire comme agent de sécurité l'agent d'affaires ou autre représentant syndical, lorsqu'il n'y a pas de délégué sur un chantier.

C'est pourquoi nous ne pouvons aucunement agréer à cette section du projet de loi.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le secteur de la construction est déjà structuré et en avance de beaucoup sur les autres secteurs économiques. Il dispose d'un code de sécurité qui, sans être parfait, permet quand même une action dirigée dans le domaine de la prévention. Ce même code a pris acte des recommandations du rapport de la Commission Cliche en réservant un chapitre à l'organisation de la sécurité. Le système préconisé par l'article 2.5 du Code de sécurité est assez significatif.

Ainsi, nous demandons que l'obligation de l'employeur de maintenir un agent de sécurité à son service, tel que prévu à l'article 2.5.3 du Code de sécurité, demeure et soit intégrée dans le présent projet de loi.

Sur les chantiers ne requérant pas l'obligation de maintenir un agent de sécurité en fonction à temps plein, nous préconisons la nomination par l'employeur d'un représentant patronal à la prévention afin que sur tout chantier de construction une personne clairement désignée soit chargée de cette responsabilité.

Afin de favoriser la participation des travailleurs à l'application de la sécurité, nous croyons que les salariés de chacune des associations représentatives doivent pouvoir s'élire un représentant à la prévention. Cette personne ne devrait jamais cumuler la fonction de délégué de chantier et de représentant à la prévention afin que la prévention et la sécurité soient clairement dissociées des relations du travail. Ce représentant à la prévention devrait être élu par et parmi les travailleurs du chantier. Son rôle serait de faire partie du Comité de chantier et d'être l'intermédiaire entre les travailleurs et le représentant patronal pour la prévention.

Les appareils qu'un représentant à la prévention devrait pouvoir utiliser dans l'exercice de ses fonctions devraient être tenus à sa disposition, mais être localisés dans le bureau du représentant de l'employeur.

L'inspection:

II semble bien que la responsabilité de l'inspection sur les chantiers de construction soit bien difficile à déterminer.

Dans un premier temps, le Livre blanc nous avait laissé croire que le ministère du Travail tenterait de rapatrier sous son égide tous les services d'inspection qui existaient. Cette solution était surtout valable en ce sens qu'elle permettait d'espérer une efficacité plus grande des services précités.

Notre intérêt dans cette question ne se situe cependant pas au niveau de l'autorité. Nous croyons plutôt qu'il faut éliminer les dédoublements de tâches au niveau des individus: les inspecteurs de l'Office de la construction du Québec, qui doivent simultanément faire appliquer le décret et le Code de sécurité.

Déjà le rapport de la Commission Cliche s'était inscrit en faux contre le fait qu'un même inspecteur ait à faire respecter des lois si différentes. Un tel cumul de fonctions est susceptible de nuire énormément à son action sur les chantiers. L'inspecteur de l'O.C.Q., par sa double fonction, est identifié comme un policier bien plus que comme un préventionniste.

Cependant, il semble bien que, pour nous comme pour la Commission Cliche, la surveillance de l'application du Code de sécurité pour la construction doive continuer de relever de l'Office, mais l'exclusivité devant être consacrée et les inspecteurs formés uniquement pour accomplir une telle fonction. Rappelons ici que "l'inspecteur de chantier doit être considéré beaucoup plus comme un agent préoccupé avant tout de la prévention des accidents de travail que comme un policier chargé de constater des infractions." (Commission Cliche)

Or, nous réalisons, après plus de trois (3) ans, que la situation persiste dans le domaine de l'inspection. Les inspecteurs qui appliquent le Code de sécurité dans l'industrie de la construction n'ont reçu que bien peu de formation en sécurité. Plus encore, peu d'entre eux pourraient réellement se qualifier comme agent de sécurité.

Nous pourrions soulever d'autres points à l'égard desquels nous sommes réticents, mais d'autres organismes patronaux se chargent de le faire; cependant, il nous faut une fois de plus souligner que le projet de loi délègue un pouvoir de réglementation à l'organisme dont dépendront les services d'inspection, ce qui nous apparaît dangereux et pourrait mener à la détérioration des services d'inspection.

Il eut été adéquat d'arrêter une politique définitive. Malgré qu'il nous apparaisse implicite à l'article 177 que l'inspecteur qui ordonne au maître d'oeuvre de prendre les mesures appropriées lorsqu'il y a un danger pour la sécurité, doive suggérer les moyens raisonnables pour remédier à la situation, nous soumettons qu'il devrait en être fait mention expressément. De la même façon lorsqu'il arrête des travaux en vertu de l'article 178, soit en raison d'un danger grave et imminent ou d'un danger défini clairement, l'inspecteur devrait indiquer les corrections à être apportées ainsi que le délai donné pour corriger la situation.

Lorsqu'un arrêt de travail a été ordonné pour correction d'une situation dangereuse, l'inspecteur devrait pouvoir dès que la correction demandée a été faite, rendre une décision autorisant la reprise du travail, dans un délai maximum de quatre (4) heures.

Le projet de loi, en ce qui concerne le droit de refus, prévoit l'appel à l'inspecteur chef régional. Nous croyons que l'article 180 devrait prévoir cette étape pour fin de révision ou de révocation de l'ordre d'un inspecteur. Le recours ultime lors d'une décision contestée d'un inspecteur, s'il n'a pas reçu de solution au niveau de l'inspecteur chef régional, devrait alors être la Commission, qui pourrait rendre une décision finale et exécutoire.

En ce qui concerne la construction, nous réalisons que les délais pour rendre une décision lors d'un arrêt de travail par mise de scellés, sont très longs. Pour palier à cet inconvénient, nous suggérons au législateur de permettre la formation d'un Comité permanent d'experts qui serait à la disposition du service d'inspection au moins au niveau de l'inspecteur chef régional.

Chantier de grande importance:

Cette section comporte encore un pouvoir de réglementation qui limite, dans une certaine mesure, l'application de son contenu. Cependant si l'on s'accorde à croire que le législateur entend par chantier d'importance des chantiers tels que ceux de la baie James, aucun problème ne se pose quant aux propositions du projet de loi.

Nous prévoyons cependant que pour certains projets il sera difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la Commission au moins 180 jours avant le début des travaux.

De plus, nous nous opposons fermement à l'intervention et à la participation des associations représentatives dans l'élaboration des programmes de prévention sur les chantiers de grande importance, tel que prévu au deuxième alinéa de l'article 181. Nous croyons que la Commission de santé et sécurité au travail devrait faire appel plutôt aux représentants de l'association sectorielle paritaire.

La médecine au travail:

Tel que proposé dans le chapitre VIII, les services de santé au travail préconisés par le législateur soumettent l'industrie manufacturière à une perte d'autonomie et de responsabilité en matière de santé et d'hygiène industrielle. Cependant, ce qui pourrait être jugé inacceptable pour ce genre d'industrie n'a pas le même impact en ce qui concerne l'industrie de la construction. C'est pourquoi même si nous appuyons sous réserve l'attitude du patronat sur ce point, nous voulons ajouter nos commentaires en rapport avec cet article bien spécifique du contrôle de la santé en milieu de travail.

Nous concevons mal que la santé publique — car il s'agit de santé publique — soit financée à même le budget d'une compagnie d'assurance, en l'occurrence la C.A.T.Q. Seuls les soins de réadaptation devraient être financés par cet organisme: toute recherche commandée pour le bien-être des travailleurs et qui a trait à l'hygiène industrielle devrait être subventionnée par les services de l'assurance-maladie.

En ce qui concerne notre industrie, très peu de recherches peuvent être faites. Les entreprises de construction n'emploient que très peu de produits chimiques et encore sont-ils limités à des métiers bien spécifiques, soudeurs, peintres, etc.

Parmi les items qui touchent l'ensemble des industries, celui du choix du médecin est peut-être le plus controversé. Nous laisserons le soin à l'association de médecine industrielle de défendre le bien-fondé du chapitre traitant de la médecine d'Etat. Nous tenons cependant à affirmer notre opposition à la sélection du médecin d'entreprise par un comité travailleur-patron. Nous pensons qu'une telle décision, si elle doit être enlevée à l'initiative du dirigeant d'entreprise, relève exclusivement de l'ordre des professionnels de la santé.

Lorsque nous affirmons que l'impact est différent pour l'industrie de la construction, nous voulons dire que le système des départements de santé communautaire qui a été implanté va peut-être permettre à l'industrie de la construction d'avoir, pour la première fois, l'occasion de contrôler de façon systématique la santé des travailleurs de cette industrie.

Il faut tenir compte du fait que dans le secteur de la construction les changements sont très fréquents et le déplacement d'un ouvrier se fait non seulement d'un employeur à un autre, mais très souvent d'une région à une autre. C'est pourquoi très peu de dossiers médicaux peuvent être ouverts et même s'ils sont ouverts, ils ne suivent pas nécessairement le travailleur dans ses déplacements.

Ne serait-il pas valable que les départements de santé communautaire prévoient, dans leur programme-cadre, un système qui permette de recenser tout travailleur qui arrive sur le marché du travail dans notre industrie et d'établir un dossier médical complet à son intention? Le dossier médical devrait être cumulatif et transférable d'un D.S.C. à un autre.

Toute pathologie créant des incapacités de travail pourrait être constamment surveillée par des examens de routine. Un tel système permettrait le dépistage rapide des déficiences et le coût de l'examen annuel que le travailleur devrait subir, pourrait être assumé par la C.A.T.Q. et par la Régie de l'assurance-maladie.

En aucun cas le dossier médical d'un travailleur ne devrait faire l'objet d'étude par quel que comité que ce soit. Il doit rester confidentiel. L'employeur devrait cependant sur demande être avisé par le D.S.C. de toute déficience dans la santé d'un de ses travailleurs. L'examen "pré-emploi" ou de routine pourrait-il être standardisé dans notre secteur d'activité? Pour le moins, nous croyons qu'il aurait peut-être éliminé certains accidents dans la construction.

SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS

Le Livre blanc a mis l'accent sur la prévention des accidents par la formation, l'information et la recherche. Le projet de loi reprend, à notre avis, dans le même esprit, mais de façon plus réaliste, les trois (3) thèmes retenus dans le Livre blanc.

D'autre part, l'ensemble du projet de loi semble mettre l'accent sur les conditions dangereuses en milieu de travail plutôt que sur les actes imprudents. C'est peut-être pour cette raison que le projet ne réfère en aucun cas à la formation professionnelle comme élément majeur de la prévention des accidents.

Nous crayons que le fait d'avoir supprimé à toute fin pratique le système d'apprentissage sur le tas, d'avoir enlevé tout éclectisme aux individus en les enfermant dans une description de tâche restreinte dans laquelle ils ne peuvent faire épanouir d'autres connaissances que celles qu'ils ont le droit d'utiliser, ainsi que de leur avoir enlevé toute dextérité naturelle en les asservissant à une technologie d'automatisme, fait que la fréquence des accidents va en s'accroîssant.

Nous persistons à croire qu'une meilleure connaissance de son métier aide le travailleur à accomplir sa tâche de façon plus sécuritaire.

L'éducation des travailleurs: — Que la formation des travailleurs de notre industrie en matière de sécurité soit la responsabilité des associations représentatives; — Que les centres de formation professionnelle retournent à l'industrie; — Que l'accent en matière de formation des travailleurs porte sur les principes d'ergonomie et leur application; — Que les professeurs soient informés dans le milieu de travail propre au secteur; — Que la formation d'agents de sécurité s'intensifie et soit basée sur des critères et prérequis plus solides que ceux qui sont exigés présentement.

Les nonnes: — Que le Bureau des normes du Québec devienne le pendant de l'Association canadienne des normes; — Que les normes utilisées dans le secteur de la construction soient adaptées au Québec et traduites avant d'être introduites dans les lois et règlements; — Qu'une norme ou règlement ne soit mis en application que lorsque les moyens techniques requis pour se conformer auxdites normes sont disponibles et suffisants.

L'équipement: — Que le Québec se dote d'un sigle qui devrait apparaître sur tout équipement sécuritaire lorsqu'il est conforme aux normes prescrites; — Qu'il soit de la responsabilité du fabricant et du distributeur de s'assurer que l'équipement vendu est conforme aux normes sécuritaires pour l'utilisateur.

Programme de prévention: — Que tout employeur soit tenu d'avoir un programme de base de prévention pour pouvoir obtenir le permis de la Régie.

Comité de chantier: — Que tout document de travail, fiches, procès, verbaux, etc., produit pour le Comité de chantier, soit transmis à l'association sectorielle.

Association sectorielle: — Que la formation d'une association sectorielle dans l'industrie de la construction soit volontaire.

Inspection: — Que les services d'inspection soient assurés par des personnes compétentes dont la fonction s'exerce uniquement en sécurité; — Que les services d'inspection sur les chantiers de construction demeurent sous la responsabilité de l'Office de la construction; — Que les inspecteurs ne soient chargés que de la mise en application des règlements de sécurité; — Que les coûts requis pour les services d'inspection soient absorbés par le ministère responsable de la Loi.

Santé: — Que l'examen pré-emploi soit obligatoire dès l'arrivée du travailleur sur le marché du travail; — Qu'un dossier médical cumulatif soit tenu au D.S.C. local.

Réglementation: — Que la référence à une réglementation soit restreinte au minimum; — Que les règlements soient divulgués dans les meilleurs délais pour permettre une véritable évaluation du projet de loi.

Recours en cas de refus: — Que les étapes proposées pour régler un arrêt de travail soient réétudiées et ramenées à un minimum réaliste et pratique en tenant compte des activités de notre industrie; — Que le recours soit toujours individuel.

Infraction: — Que le travailleur soit contraint aux mêmes obligations et pénalités que l'employeur lorsqu'il enfreint les règles de sécurité.

Convention: — Que la loi prévale sur toute convention collective sans aucune restriction.

IV CONCLUSION

Une politique sérieuse de santé et de sécurité au travail doit accorder à l'industrie de la construction une attention particulière. La nature-même de l'industrie le requiert. Ainsi, il serait injuste, à notre avis, de juger de l'effet fourni par les employeurs de la construction en matière de prévention en se basant uniquement sur les statistiques d'accidents enregistrés dans l'industrie relativement à d'autres secteurs industriels. Un chantier de construction n'est pas une usine. Sur un chantier, les travaux, souvent dangereux dans leur nature-même, sont en flux constant. Ajoutons que l'industrie peut occuper, à certains moments, plus de cent mille travailleurs, 15,000 employeurs, des entreprises de toute dimension et des centaines voire même des milliers de chantiers répartis sur tous les territoires du Québec. C'est là la réalité de ce qu'est l'industrie de la construction et nous croyons fermement qu'une loi sur la santé et la sécurité au travail doit, pour atteindre son but, coller à cette réalité.

Compte tenu de la complexité de l'industrie, nous croyons qu'un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail ne peut, dans la meilleure des hypothèse, que fournir un cadre qui permette aux parties directement impliquées d'agir efficacement ensemble. Un cadre, pas un carcan. Car nous sommes fermement convaincus que toutes les lois, tous les règlements et tous les inspecteurs du monde ne pourront suffire à la tâche si les parties elles-mêmes — employeurs et travailleurs — n'acceptent pas de collaborer de bonne foi ensemble au rude défi que constitue une industrie de la construction toujours plus sécuritaire, plutôt que s'accuser ou s'excuser devant des faits concrets.

Dans le domaine de la sécurité au travail, contrairement à ce que laissent parfois entendre certains démagogues, salariés et employeurs ont fondamentalement le même objectif. C'est pourquoi nous avons insisté tout au long de ce mémoire sur la nécessité de séparer clairement, sur les chantiers, la sécurité des relations du travail proprement dites. L'inspecteur en sécurité, quel que soit l'organisme dont il relève, doit être un spécialiste qui ne s'occupe que de sécurité; le représentant des salariés doit, de la même façon, détenir de ses commettants un mandat axé uniquement sur la sécurité. De cette façon deux écueils seront évités: d'une part, le domaine très complexe de la sécurité dans la construction sera confié à des individus qui possèdent une certaine expertise du fait de leur spécialisation et, d'autre part, la "politisation" de la sécurité, inévitable si le délégué de chantier est en même temps le représentant "de facto" des salariés en sécurité, n'aura pas lieu.

Ce dernier danger est de loin le plus grave. En effet, toute la philosophie du projet de loi est axée sur la nécessité d'une participation pleine et entière des parties aux efforts de prévention. Confier au délégué de chantier la responsabilité de la sécurité est, dans ce contexte, une contradiction qui porterait un coup mortel aux objectifs du projet de loi. Même en supposant que la situation déplorable qui existait au moment de la Commission Cliche ne referait pas surface, ce qui est loin d'être sûr, le conflit d'intérêts dans lequel serait placé le délégué de chantier minerait au départ sa crédibilité et tout le système que le projet de loi veut mettre en place deviendrait probablement encore moins efficace.

Qu'il nous soit permis de souligner une dernière fois, dans ce contexte, notre recommandation à l'effet que le travailleur soit finalement placé devant ses responsabilités. Un employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés, met leur vie en danger et des infractions et pénalités parfois très lourdes s'appliquent dans son cas: ce n'est que justice. Dans le même esprit, le salarié qui, par insousciance ou par bravade, n'utilise pas le matériel de sécurité que son employeur met à sa disposition risque sa vie et cause un tort souvent sérieux à son employeur. Il n'est que justice que des infractions et des amendes s'appliquent dans son cas. En incorporant cette recommandation dans le projet de loi, on éviterait non seulement bon nombre d'accidents stupides mais on ferait aussi en sorte que le travailleur se sente réellement impliqué dans la prévention des accidents au travail.

Notre Association n'existe que depuis 1976. Notre travail en ce domaine se limite au chantier de construction. Déjà nous consacrons le tiers de notre budget et notre personnel comprend une quinzaine de spécialistes, dont au moins un conseiller en prévention au service des employeurs de chacune des régions du Québec. Nous croyons, en toute humilité, que les activités de prévention que nous exerçons sur les chantiers nous donnent une perspective privilégiée des problèmes et contingences de l'industrie de la construction dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Le mémoire que nous vous avons présenté est le fruit de cette expérience sur le terrain.

Nous avons voulu que nos commentaires soient positifs afin que le projet de loi que vous étudiez présentement soit aussi réaliste et partant, aussi efficace que possible. Nous vous remercions de nous avoir offert l'opportunité d'exprimer notre point de vue et sommes à votre disposition pour toute explication que vous jugeriez utile de nous demander.

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