Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du
travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), remplacé par M. Perron
(Duplessis); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux
(Charlevoix), M. Pagé (Portneuf), M. Vaillancourt (Jonquière),
remplacé par M. Marois (Laporte).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget
(Saint-Laurent).
M. Pagé: Remplacé par Mme Thérèse
Lavoie-Roux.
Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette),
remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Laplante (Bourassa), M.
Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount)...
M. Pagé: Remplacé par M. Vaillancourt (Orford).
Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par M.
Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).
Aujourd'hui, nous entendrons la Confédération des
syndicats nationaux, CSN, en même temps que la Fédération
des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques.
Egalement, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec,
ainsi que la Fédération nationale des syndicats du bâtiment
et du bois Inc.
Quant au Conseil central de la CSN (Montréal), qui avait
été invité à venir témoigner aujourd'hui, il
a avisé le secrétariat des commissions hier que, son
mémoire n'étant pas prêt, il ne pourra pas venir
témoigner devant la commission maintenant.
M. Bellemare: Je m'excuse, M. le Président, vous
m'accordez la parole... C'est un homme qui est représenté dans
une association assez importante. Cela fait des années que ce monsieur
gueule contre les lois du gouvernement. Il aurait été
intéressant de l'avoir devant nous ce matin. Je pensais qu'il viendrait,
Michel Chartrand. Cela fait des années que ce monsieur
déblatère contre tous les gouvernements et impose des sanctions
extraordinaires...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre, M. le
député de Johnson!
M. Bellemare: ... ce serait le temps de lui dire qu'il y a eu des
gestes de posés.
Le Président (M. Marcoux): Vous aurez tout le loisir de
faire...
M. Bellemare: II ne sera pas là.
Le Président (M. Marcoux): ... ces commentaires ou
d'autres tantôt lorsque vous aurez le droit d'intervenir. J'informais
simplement les membres de la commission de l'avis que le secrétariat des
commissions avait reçu. (10 h 15)
J'inviterais maintenant la Confédération des syndicats
nationaux, ainsi que la Fédération des syndicats des mines, de la
métallurgie et des produits chimiques de la CSN à venir s'il vous
plaît nous présenter leur mémoire.
CSN, Fédération des syndicats des mines,
de la métallurgie et des produits chimiques
et Fédération nationale des syndicats du
bâtiment
M. Rodrigue (Norbert): M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue, je m'excuse. Si
vous voulez nous présenter tous vos collègues.
M. Rodrigue: Merci.
Le Président (M. Marcoux): Pas tous ceux qui sont dans la
salle, parce que ce serait trop long.
M. Rodrigue: M. le Président, messieurs les ministres,
messieurs les députés, je voudrais, effectivement, avec votre
permission, d'abord, vous présenter les camarades qui m'accompagnent en
commençant par l'extrême gauche: Gilles Robichaud, de la
Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois
(CSN), le président de la fédération, Yvon Leclerc, et
Gisèle Cartier, première vice-présidente de la CSN. A ma
droite, Pierre Lamarche, adjoint à l'exécutif de la CSN, Sylvio
Gagnon qui est président de la Fédération des syndicats
des mines, de la métallurgie, et des produits chimiques, Oliva Lemay qui
est officier de cette fédération à la
vice-présidence et, ensuite, Paul Doyon, du comité
interfédérations (CSN).
Avec votre permission, M. le Président, je voudrais signaler
aussi la présence d'une trentaine de mineurs de l'amiante de Thetford
qui nous accompagnent et, si elles ne sont pas arrivées, un groupe de
veuves de travailleurs de l'amiante viendront faire un petit tour à
cette commission au cours de la matinée.
La Fédération des syndicats des mines, de la
métallurgie et des produits chimiques affiliée à la
Confédération des syndicats nationaux et la
Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois
affiliée à la CSN ont déposé un mémoire
décrivant les situations propres de chacun de ces deux secteurs. Je
voudrais vous signaler, cependant, que ces deux fédérations
professionnelles ne désirent pas témoigner en tant que telles
séparément de la CSN aujourd'hui. M. Yvon Le-clerc, comme vous le
constatez, nous accompagne; il est le président de la
fédération. Il pourra répondre aux questions qui
pourraient être posées par les membres de la commission sur le
mémoire déposé. Il en est de même de M. Gagnon, du
camarade Gagnon qui est le président de la Fédération de
la métallurgie. Cependant, nous demandons que ces mémoires soient
inscrits au journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse. Pour que ce soit
très clair, en ce qui concerne le mémoire de la
Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois,
au lieu de les entendre à la fin de nos travaux comme troisième
intervenant, vous désirez qu'ils soient joints à votre groupe
pour faire une seule présentation.
M. Rodrigue: Voilà, c'est cela! S'il y avait des questions
sur leur mémoire, s'ils avaient, eux, une remarque à faire sur le
cadre général ou des précisions à apporter, on
demande d'être entendu ensemble.
Le Président (M. Marcoux): Vous demandez, par le fait
même, que les trois mémoires soient versés au journal des
Débats intégralement.
M. Rodrigue: C'est cela, exactement.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la
commission sont d'accord? Consentement. Alors, procédez. (Voir
annexes)
M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais aussi signaler
que la CSN, en plus du mémoire qu'elle a déposé, a
déposé une annexe qui commente article par article le projet de
loi. Nous demandons que cette annexe soit aussi rapportée au journal des
Débats parce qu'elle contient effectivement des suggestions et des
recommandations ou des propositions et des modifications.
Le Président (M. Marcoux): Ce sera fait. (Voir annexe)
M. Rodrigue: La situation particulière des travailleurs de
la construction justifie des dispositions, quant à nous,
particulières de la loi. Il est important de se rappeler que les
travailleurs de la construction sont tous syndiqués par la loi, sauf
quelques rares exceptions, on pense à la Manic, par exemple, et de plus,
elle oblige les employeurs à négocier en cartel et un
décret résulte de cette négociation. C'est l'Office de la
construction qui est responsable de l'application de ce décret.
Quant aux conditions matérielles de travail, il faut se rappeler
que dans la construction, un travailleur change souvent d'employeur. Par
conséquent, il change souvent aussi de lieu de travail et il a presque
constamment, au cours de sa vie de travail, de nouveaux compagnons de travail.
Ainsi, par exemple, l'absence d'un lieu de travail permanent, la
mobilité de la main-d'oeuvre dans la construction et la multitude
d'employeurs rendent la vie syndicale traditionnelle très difficile
sinon irréalisable. il est alors nécessaire de prévoir des
mécanismes appropriés à ce secteur. Cependant, le projet
de loi 17 ne nous paraît pas répondre à ces
besoins-là et aux besoins les plus urgents tout au moins, en plus de
diminuer, quant à notre lecture, les acquis du décret de la
construction.
Je vous signale tout de suite qu'il y a deux corrections à ce
mémoire qui sont déposées par écrit au
secrétariat; des petites corrections. Quant à la situation dans
les syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, il
s'agit et on pense important de le rappeler au début de cette
commission d'un secteur de l'activité économique où
la santé et la sécurité des travailleurs sont constamment
menacées pour plusieurs raisons, à cause de l'utilisation, par
exemple, d'un équipement particulièrement lourd et la
présence de nombreux agents agresseurs dans ce secteur. On pense
principalement au bruit, à la chaleur, à l'humidité, aux
poussières, aux gaz, aux explosifs dans les fonderies, dans les mines et
dans les usines en général.
Pour revenir au cadre général du mémoire, je
voudrais le lire, avec votre permission. Cela demande quelques minutes, mais je
crois qu'il est préférable de le faire. Dès le
départ, la CSN tient à exprimer le fait qu'elle est favorable
à la promulgation d'une loi qui assure la santé et la
sécurité au travail. Nous l'avons souvent exprimé et,
d'ailleurs, la position de la CSN sur la protection légale des droits de
tous les travailleurs remonte aux origines de notre mouvement.
Dès le premier congrès, en 1921, la CTCC formulait des
demandes visant l'amélioration des conditions de vie et de travail de
l'ensemble des travailleurs. Une résolution de ce premier congrès
revendiquait précisément "que les compensations prévues
à la Loi des accidents du travail soient étendues à tous
les employés rémunérés. '
La CSN a toujours affirmé et continue d'affirmer que c'est une
mission essentielle, et une raison d'être même du mouvement
syndical de revendiquer des protections pour l'ensemble des travailleurs,
qu'ils soient ou non syndiqués. La CSN estime que des droits doivent
être accordés par la loi à l'ensemble des travailleurs et
que ces droits doivent constituer des seuils minimaux. Nous nous opposons au
projet de loi 17 parce que, dans sa forme actuelle, nous n'y retrouvons pas ce
que nous estimons être essentiel pour empêcher que la santé
physique et mentale des travailleurs ne soit altérée et pour
assurer la sécurité et l'intégrité physique et
mentale des travailleurs.
La CSN a formulé depuis plusieurs années des
revendications fondamentales pour la santé et la
sécurité au travail. Les syndicats ont dû mener des
combats importants qui ont parfois marqué l'histoire du Québec
pour finalement inscrire des droits dans leurs conventions collectives.
Nous ne retrouvons pas, dans l'actuel projet de loi, une
mécanique qui assure l'exercice des droits et la réalisation des
objectifs énoncés par le gouvernement, c'est-à-dire
l'élimination des dangers à la source, le droit de refuser un
travail dangereux, le respect de l'intégrité physique des
travailleurs, etc. En fait, sous prétexte d'aider les travailleurs, le
projet de loi 17 érige plusieurs entraves à l'action syndicale
dans le domaine de la santé et de la sécurité. Les aveux
du président de la Commission des accidents du travail laissent songeur.
Pour le moins, ils justifient les craintes de ceux qui appréhendent un
plan machiavélique visant à contrer l'action syndicale, afin de
freiner les revendications ouvrières en matière de
sécurité-santé. C'est ce que l'on devine, pour le moins,
lorsque le président de la CAT affirme sans ambages dans le Devoir du 23
novembre 1978, et je cite: "II s'agit d'un droit exercé individuellement
et non collectivement. En matière de relations de travail, il y avait
longtemps qu'on avait vu cela. Une telle loi va rompre avec le courant moderne
de la reconnaissance des droits des travailleurs."
Les droits des travailleurs qui sont reconnus dans les lois sont le
résultat des combats qu'ils ont menés parce qu'ils étaient
syndiqués. C'est ce que l'histoire des travailleurs, dans tous les pays
du monde, nous enseigne. Dans notre société, les lois sur
l'assurance-chômage, les heures de travail, les régimes publics de
rentes, le salaire minimum sont des exemples de ces gains. Dans cette
perspective et dans un domaine aussi vital que la santé et la
sécurité des travailleurs, les priver du seul instrument
permanent de défense de leurs intérêts, c'est plutôt
chercher à paralyser leur capacité de revendication et de lutte
et clairement mener une politique "anti-travailleurs" que de "rompre avec un
courant moderne."
On ne peut pas, d'une part, prétendre vouloir aider les
travailleurs et, d'autre part, s'attaquer à leur organisation syndicale.
Ce que démontre l'histoire du mouvement ouvrier, c'est que les
travailleurs non organisés bénéficient
éventuellement des droits acquis par les travailleurs
organisés.
Ainsi, en entravant les organisations syndicales, tous les travailleurs
sont condamnés à ne plus pouvoir améliorer et même
à voir se détériorer leurs conditions de travail. Tous les
gouvernements qui avaient un préjugé favorable au capital ont
tenté d'affaiblir les organisations syndicales.
Les origines récentes du projet de loi 17. La propagande
entourant le livre blanc et le projet de loi 17 voulait nous faire croire que
la création des comités paritaires et la reconnaissance de cesser
un travail dangereux constituaient une réforme novatrice et profonde. Il
faut redonner, quant à nous, aux innovations du projet de loi 17 des
origines plus humbles. Les tribunaux d'arbitrage reconnaissent depuis longtemps
et avec constance que le refus d'accomplir un travail dangereux provient de
l'exercice d'un droit naturel. En outre, le règlement concernant les
établissements industriels et commerciaux reconnaît
déjà ce droit.
A l'exception des dispositions relatives au représentant à
la prévention, le rapport du comité d'étude sur la
salubrité dans l'industrie de l'amiante, le rapport Beaudry paru en
octobre 1976, contenait déjà la lettre et l'esprit du projet de
loi et même les infractions et pénalités.
Voyons les comités paritaires. Le comité paritaire de
santé et sécurité au travail, lieu
privilégié de discussions employeurs et employés,
constitue la pierre angulaire du projet de loi qui lui reconnaît une
juridiction exclusive pour décider des litiges relatifs à la
santé et à la sécurité.
Dans l'esprit des signataires du rapport Beau-dry, une telle structure
juridique devait fournir l'occasion de dialoguer et d'assumer conjointement la
responsabilité de résoudre le problème relatif à la
salubrité du milieu de travail et à la prévention des
maladies professionnelles. Les auteurs reconnaissent avoir été
largement influencés par les pratiques de la Suède et de la
République fédérale allemande. Toutefois, en Suède,
ce processus de règlement des litiges ne se termine pas dans un
cul-de-sac. L'esprit de dialogue et de coparticipation des représentants
syndicaux est appuyé sur le pouvoir qui leur est donné de faire
cesser le travail. Dans le projet de loi 17, sauf pour le choix du
médecin, le choix de moyens et d'équipements de protection
individuelle et l'établissement de programmes de formation et
d'information, c'est l'employeur qui dispose d'un veto. Le pouvoir
décisionnel s'appuie ensuite sur le droit de gérance et, hormis
l'hypothèse improbable d'un spontanéisme collaborationniste,
l'employeur peut aussi bloquer toute initiative au sein même du
comité paritaire ou en provenance du comité paritaire.
La portée réelle des comités paritaires consiste
donc à faire des recommandations, à coopérer avec
l'employeur, à recevoir les copies d'avis d'accidents et de plaintes,
à enquêter conjointement, à transmettre les informations
à la commission. S'imaginer, dans ces circonstances, que le
modèle suédois devienne opérant, c'est se soumettre
à la pensée magique et cultiver une naïveté
pernicieuse.
Le projet de loi 17 substitue aux syndicats un ou quelques travaileurs,
membres élus au comité paritaire, qui deviennent, en
collaboration avec les membres désignés par le patron,
responsables de la santé et sécurité au travail. Cette
responsabilité s'exerce en appliquant le programme de prévention
établi par l'employeur.
Certes, le projet de loi stipule qu'une convention collective, par
exemple, peut contenir des dispositions plus avantageuses pour un travailleur
(article 3). Il dit aussi que la loi ne peut diminuer les droits d'un
travailleur protégé par une convention collective, une loi, un
règlement, un décret, un arrêté en conseil ou une
ordonnance en vigueur (article 7) mais il existe par la suite, comme condition
d'exercice, que ces pouvoirs et obligations soient conciliables (article 280)
avec les droits et obligations des comités paritaires
prévus à la loi. C'est donc dire que finalement, comme le
proposait le livre blanc, le comité paritaire se voit confier une
juridiction exclusive sur plusieurs des activités relatives à la
santé et à la sécurité.
Sauf des circonstances peu fréquentes où un seul syndicat
représente tous les salariés d'un employeur, les
représentants de l'ensemble des travailleurs au comité paritaire
détiendront un mandat général, irrévocable et ne
seront pas soumis au contrôle des assemblées
générales, alors que, de son côté, l'employeur
pourra désigner ses commettants, les révoquer et leur demander
des comptes et même les congédier ou encore les gratifier de
promotions.
La force du syndicat est donc atténuée alors que la force
de l'employeur, quant à nous, à notre lecture, est
épargnée par cette rupture du courant moderne. Ainsi, la
société Asbestos corporation, qu'elle soit assise dans le bureau
du ministre des Finances, à la table de négociation, devant la
Cour supérieure ou au comité paritaire de santé et
sécurité, est et demeure la même personne morale. Ses
intérêts, sa stratégie ne changent pas selon le lieu ou ses
représentants. (10 h 30)
La mise sur pied de comités paritaires n'affaiblira pas le
pouvoir de négociation des compagnies. Au contraire, elles seront
soustraites aux conflits d'intérêts. Elles pourront toujours
consentir aux syndicats des droits, puisque ceux-ci devront, au demeurant,
être conciliables avec les pouvoirs et obligations des comités
paritaires prévus à la loi.
Depuis fort longtemps, les travailleurs se sont regroupés pour
résister aux agressions du capital. Les premières luttes
syndicales ont eu pour objet la santé et la sécurité. Les
travailleurs ont alors cherché à se protéger par la
négociation de leurs conditions de travail. Ils ont commencé en
cherchant à éliminer le travail des enfants puis ils se sont
battus pour réduire la semaine de travail à quarante heures. Ils
se sont battus pour des périodes de vacances plus longues et pour le
droit à une pension à 70, 65 puis 60 ans. Ils se battent encore
pour réduire le fardeau de tâche, pour diminuer les cadences, pour
éliminer le système de travail à la pièce. Les
travailleurs ont toujours cherché à humaniser les lieux de
travail.
Contrairement à ce qu'affirment le rapport Beaudry et le
président de la CAT, les travailleurs ne cherchent pas à monnayer
leur santé et leur sécurité; ils se battent pour les
protéger. Par exemple, la majoration du salaire pour un travail
exécuté en temps supplémentaire n'a jamais eu pour
considération l'enrichissement des travailleurs. C'est une
pénalité imposée à l'employeur dans un but de
dissuasion, car il ne s'agit pas de monnayer leur santé, mais, bien au
contraire, encore une fois, de la protéger par l'établissement
d'heures normales de travail.
Le projet de loi propose d'assurer la santé et la
sécurité des travailleurs par le biais d'un comité
paritaire expurgé des conflits d'intérêts et de l'esprit de
litige. En d'autres termes, ce qu'un rapport de forces n'a su obtenir, le
dialogue constructif entre capital et travail saurait donc le gagner? Nous
aurons peut-être réalisé un progrès le jour
où ceux qui nous entretiennent de la bonne foi nous entretiendront de la
très bonne foi.
Les luttes syndicales des mineurs d'amiante de Thetford, des
travailleurs de Fer et Titane, de Canada Metal, de Vickers, de Cegelec, de Gaz
Métropolitain, d'Atlas Asbestos, de Marquis risquent quant à
nous, d'être vidées de leur sens par les exigences conciliatoires
du projet de loi 17 (article 280). A titre d'exemple, le droit de refuser un
travail dangereux dans la convention collective des employés de Gaz
Métropolitain n'est pas restreint par l'existence d'un risque
normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées.
Quel régime s'appliquera après la promulgation de la
loi9 Est-ce que ce sera le régime contractuel,
c'est-à-dire la convention collective, ou le régime légal?
Si c'est le régime contractuel, comment l'employeur, le
représentant à la prévention, deux représentants du
comité paritaire, interpréteront-ils leurs rôle et
fonction? Selon la convention collective ou selon la loi, encore une fois?
Le décret de la construction ne traite que de conditions
susceptibles de mettre la santé et la sécurité d'un
travailleur en danger. Quelle sera la règle finalement appliquée
après la promulgation de la loi? Dans la convention collective de
Vickers, un autre exemple, il suffit d'alléguer le danger et, alors,
soit le travailleur, soit un représentant syndical peut refuser
l'exécution du travail. Le syndicat pourra-t-il toujours intervenir
après la promulgation du projet de loi 17?
Notre expérience syndicale nous permet sérieusement de
douter que les droits acquis à ces conventions collectives et
décrets puissent être maintenus. En effet, en transmutant par
l'article 280 les comités syndicaux existants en comités de
santé et de sécurité prévus au projet de loi et en
ne reconnaissant que les autres pouvoirs et obligations conciliables avec le
projet de loi 17, la loi conscrit les comités syndicaux. Elle leur
attribue les fonctions décrites à l'article 67 et les prive des
autres droits et obligations contractuels qui ne sont pas conciliables avec la
loi.
Par exemple, l'appréhension d'un danger tel que décrit
à la convention collective des employés du Gaz
métropolitain n'est pas conciliable avec l'existence d'un danger
normalement et habituellement inhérent. L'existence de conditions
susceptibles de mettre la santé et la sécurité en danger,
telles que formulées au décret de la construction, peut fort bien
être en contradiction avec l'existence d'un danger normalement et
habituellement inhérent.
Par la suite, dans l'application des mécanismes de
règlement des litiges, les représentants syndicaux seront soumis
au rôle que leur impose la loi par le jeu de l'article 280. Ils auront
eux-mêmes à convenir du changement à la règle
contractuelle et si, d'aventure, le salarié veut déposer un
grief, l'employeur plaidera qu'il se trouve ailleurs devant le mauvais forum,
que l'instance qui a juridiction pour trancher le litige,
c'est l'inspecteur puis, finalement, la commission.
Plusieurs autres conventions collectives prévoient des
mécanismes inconciliables avec les dispositions du projet de loi no 17,
soit à propos du droit de refuser un travail dangereux, pour le droit
indépendant d'enquête, pour le lieu de discussion et de
contestation des conditions de travail ou pour tout autre mécanisme
constitué par la loi.
Dans ces circonstances, quiconque connaît les relations
patronales-ouvrières peut d'ores et déjà deviner la chance
inespérée que le projet de loi donne à un patron qui
voudrait reprendre des droits concédés à la suite d'un
rapport de force, effectivement. En effet, quelle interprétation
donneront la commission, les tribunaux d'arbitrage et même la Cour
supérieure ou les tribunaux d'appel aux exigences conciliatoires?
Pendant tout le temps que prendront ces mesures préliminaires et
dilatoires, en vertu de quelle règle la santé et la
sécurité des travailleurs seront-elles protégées?
Sur quelle base juridique, par exemple, les parties entreprendront-elles le
renouvellement de la convention collective?
Si, par hasard, le syndicat recommandait à ses membres de ne pas
se soumettre à une directive émise par le comité paritaire
qu'il estimerait contraire à la convention collective, deviendra-t-il
alors possible de sanctions d'outrage au tribunal? (Pouvoir, par ailleurs, dont
la constitutionnalité est douteusement conférée au
Tribunal du travail, division de la Cour provinciale; article 200).
La CSN, M. le ministre, a recommandé à ses syndicats
affiliés de considérer les comités paritaires comme lieux
de dépôt des revendications des travailleurs. Nous opposons
à l'institution des comités paritaires le contrôle
démocratique que peuvent exercer les travailleurs à
l'intérieur des assemblées syndicales. Le choix du moyen des
comités paritaires devrait être laissé aux syndicats.
La CSN estime que non seulement la loi doit reconnaître aux
syndicats le droit de s'occuper de la santé et de la
sécurité, mais, qu'en plus, la loi doit leur accorder des
pouvoirs et des droits minimaux.
Pour assurer une protection aux travailleurs non syndiqués, le
gouvernement, quant à nous, doit établir des normes
adéquates et se donner les moyens de les faire appliquer rigoureusement.
On a ça dans d'autres domaines. On pense au salaire minimum. On pense
aux normes minimales de travail, etc.
On nous répliquera peut-être que telle formule
n'amènera qu'une protection incomplète. Peut-être, mais
qu'y a-t-il de plus utopique que la constitution de comités paritaires
dans des entreprises où les travailleurs n'ont pas de syndicat pour les
défendre?
Voyons un peu le droit de refuser un travail dangereux. A la lecture du
projet de loi, il faut bien constater, malgré la dénonciation
vigoureuse des conceptions fatalistes, que la fatalité aura toute sa
place lorsqu'elle se fera normalement et habituellement inhérente. Mais
quelle est la portée exacte de cette inhérence?
On prétendra que chaque cas en est un d'espèce. On
raisonnera par comparaison, en donnant l'exemple du pompier et du policier.
Quant au bruit d'une machine que l'on n'a jamais cherché à
éliminer, quant au nouveau produit chimique non répertorié
mais mis en marché, quant à l'émanation de gaz et dans une
multitude d'autres cas, les travailleurs devront attendre le jugement final de
la commission pour savoir s'ils subissaient un danger normalement et
habituellement inhérent, car si la loi établit un droit, elle le
formule d'une manière complexe. La loi prévoit non seulement que
le travailleur a le droit de connaître l'existence d'un danger, mais
qu'il en a aussi l'obligation et qu'alors, il doit déterminer si ce
danger est normalement et habituellement inhérent. La loi prévoit
également que l'employeur, le représentant à la
prévention, deux représentants des comités paritaires,
dans certaines circonstances d'autres travailleurs à qui le travail est
demandé, l'inspecteur et finalement la commission peuvent et doivent
réviser le jugement du travailleur afin de l'infirmer ou de le
confirmer.
N'aurait-il pas été plus simple de respecter
l'intelligence des travailleurs comme le font le règlement 3787, le
décret de la construction et plusieurs conventions collectives? Quand il
s'est agi des droits de la langue française, par exemple, ce même
gouvernement a légiféré d'une manière convenable en
laissant aux travailleurs l'initiative de juger. Il appartient alors à
l'employeur de démontrer aux travailleurs, le cas échéant
au syndicat, puis finalement à l'office que ces exigences sont
justifiées. La loi stipule en outre qu'aucune sanction disciplinaire ne
peut être imposée au travailleur en répression de
l'exercice de son droit, et vous pouvez vérifier à la Charte de
la langue française, je suis certain que vous la connaissez mieux que
moi.
Le législateur, dans sa sagesse, n'a pas cru opportun d'imaginer
que ce droit puisse être utilisé de mauvaise foi, comme il est dit
au projet de loi 17. Bien sûr, la mauvaise foi ne se présume pas,
elle se prouve difficilement aussi. Quels sont les précédents qui
justifient les craintes d'une utilisation abusive, voire excessive ou
irrationnelle, de l'exercice du droit de refuser un travail dangereux, droit
déjà reconnu au règlement 3787, au décret de la
construction et, encore une fois, dans plusieurs conventions collectives? Pour
imaginer de tels abus, il faut méconnaître ou mépriser les
travailleurs. Si le mécanisme prévu à la loi ne faisait
que rendre compte d'un préjugé, passe encore! Il ouvre cependant
la porte à une répression patronale exemplaire. En effet,
dès qu'une dernière instance siégeant en révision
du jugement du travailleur aurai décidé que l'exercice du droit
de refus était mal fondé, l'employeur pourra entreprendre de
congédier le travailleur, en alléguant tout simplement sa
mauvaise foi. Bien sûr, l'employeur perdra peut-être
éventuellement, mais après combien de temps, six mois, un an,
deux ans, devant le commissaire du travail ou encore devant le Tribunal du
travail. Pendant ce temps-là,
quant à nous, la répression patronale servira d'exemple
aux autres travailleurs de l'entreprise.
Les précédents ne manquent pas et on en a des exemples. Il
est aussi illégal de congédier des travailleurs qui veulent se
former en syndicat que de congédier un travailleur qui se tromperait de
bonne foi en cessant un travail. Pourtant, et vous le savez, quotidiennement,
des commissaires du travail sont saisis de plaintes de congédiement pour
activités syndicales qui prennent six mois, un an et parfois deux ans
pour être réglées. Le refus de reconnaître aux
syndicats le droit d'arrêter un travail dangereux pour les travailleurs
est une capitulation, quant à nous, devant les exigences que pose le
patronat.
La loi affirme un droit à la santé et à la
sécurité article 8 et crée l'obligation pour
le travailleur de protéger sa santé et sa sécurité.
Elle en interdit cependant l'exercice aux représentants du travailleur.
Une telle négation du devoir de représentation des syndicats
conduit à des situations aussi absurdes que la suivante: des
travailleurs dont la santé et la sécurité sont mises en
péril par le travail d'un camarade ne peuvent arrêter de
travailler tant que ce dernier ne sera pas arrêté (article 11). Il
reste donc aux autres travailleurs d'espérer qu'il devienne suffisamment
brave pour exercer son droit en leur faveur.
Enfin, comment peut-on nous expliquer qu'après une attente de six
heures le droit et l'obligation d'assurer la santé et la
sécurité deviennent moins impérieux? S'agit-il d'un droit
prescriptible par six heures d'attente?
Fondamentalement, la CSN n'accepte pas et ne reconnaît pas qu'un
travailleur puisse être exposé à un risque normalement et
habituellement inhérent. Un droit pondéré à la
santé, à la sécurité et à
l'intégrité physique, ça n'existe pas. Ce droit est
naturel, fondamental et inaliénable. Il ne peut supporter de
limitation.
On ne peut pas prétendre vouloir éliminer le danger
à la source et, par ailleurs, accepter certains risques comme normaux,
habituels et inhérents. Ces deux principes, quant à nous,
s'excluent. Prétendre permettre leur coexistence, c'est entretenir une
absurdité.
La CSN, donc, revendique le droit pour le travailleur ou le syndicat au
nom du travailleur d'arrêter de travailler dans des conditions que le
travailleur ou que le syndicat juge dangereuses pour sa sécurité
ou sa santé ou celle de ses compagnons de travail et ce, sans
pénalité. La CSN revendique également que le non-respect,
par exemple, par l'employeur des normes, lois et règlements
entraîne aussi ce droit.
En attribuant au représentant à la prévention le
droit d'enquête, le projet de loi no 17 poursuit son intention
avouée d'éliminer les organisations syndicales du domaine de la
sécurité-santé. Notre expérience syndicale nous
enseigne qu'il n'y a pas de moyens plus démocratiques que le
contrôle par l'assemblée générale des mandats
exercés par un représentant. Or, la loi n'attribue à la
collectivité, laquelle, dans la majorité des cas, est
différente de l'organisation syndicale, que le pouvoir d'élire le
représentant à la prévention. C'est
l'intégrité morale de ce dernier qui garantira l'exercice du
mandat. Drôle de réduction que celle qui limite les
intérêts d'une collectivité à l'éthique d'un
individu.
Si les travailleurs se regroupent en syndicats, c'est pour
améliorer leurs conditions de vie et de travail. La loi vise à
les empêcher d'exercer ce rôle en conférant une juridiction
exclusive au représentant à la prévention, comme elle le
fait, à notre lecture, encore une fois, pour les comités
paritaires. (10 h 45)
La CSN revendique le droit, donc, pour le syndicat d'enquêter
partout, indépendamment du patron, en tout temps sur tout sujet relatif
à la santé et à la sécurité au travail, en
utilisant les appareils de mesure nécessaires.
Si les travailleurs ignorent que leurs conditions de travail sont
dangereuses, selon le rapport Beaudry et le livre blanc, c'est parce qu'ils ne
participent pas aux associations patronales. Il suffirait alors de proposer la
création d'un organisme paritaire pour qu'enfin les patrons aient
l'occasion de transmettre leurs connaissances. C'est une conception, quant
à nous, un peu naïve, comme le rapporte le Washington Post du 12
novembre 1978. Je voudrais dire tout de suite qu'il s'agit là d'un
recours collectif, aux Etats-Unis, de travailleurs de l'amiante, soit dans le
transport, dans la transformation ou ailleurs, vis-à-vis des compagnies
d'amiante, ce qui implique une somme importante. Au procès, parmi les
documents déposés en preuve, des lettres et documents en
provenance des plus grands producteurs et qui remontent jusqu'à 1934
démontrent que des membres importants des conseils d'administration de
la Johns-Manville et de la Raybestos Manhattan ont tenté de cacher que
l'amiante représentait un danger potentiel pour la santé des
travailleurs. Ces documents indiquent également que les dirigeants
étaient autorisés à biffer ou diminuer les passages
traitant des maladies provoquées par l'amiante dans les centres de
recherche financés par l'industrie. Les doux compagnies nient avoir
caché de l'information.
Les documents et témoignages d'anciens dirigeants du secteur de
l'amiante déclarent que les industries ont contribué des milliers
de dollars pour mettre sur pied des projets de recherche à Saranac Lake,
New York, au cours des années trente et quarante, et que les compagnies
ont ensuite empêche les chercheurs de publier les résultats des
recherches démontrant le danger éventuel pour les être
humains que représente l'amiante.
Les documents démontrent qu'un autre important producteur, la
compagnie Philip Carey, a ignoré les avertissements donnés par
son propre médecin à propos du danger de l'amiante, et qu'elle
l'a ensuite congédiée lorsqu'il l'a avisée
d'éventuelles poursuites légales de la part des travailleurs
atteints d'amiantose.
Des documents en provenance des compagnies démontrent qu'elles
ont réglé à l'amiable des réclamations pour maladie
ou mort de travail-
leurs qui avaient été exposés à l'amiante
plusieurs années, avant même que les compagnies et que l'industrie
de l'amiante reconnaissent que l'amiante représentait un grave danger
pour les travailleurs.
D'autres documents et des témoignages d'anciens dirigeants
établissent que la Johns-Manville, le plus grand manufacturier
américain de l'amiante, avait établi la politique, au cours des
années soixante-dix, de ne pas dire aux travailleurs que leurs examens
médicaux démontraient qu'ils étaient atteints d'amiantose.
La politique a été poursuivie même si, au cours des
années précédentes, l'industrie de l'amiante avant
déjà reconnu l'existence de la maladie et malgré le fait
que les dirigeants des compagnies avaient été informés que
la maladie est évolutive et mortelle, à moins d'être
traitée au tout début.
Après avoir noté dans son rapport que la maladie est
irréversible et permanente, Smith ajoute qu'éventuellement une
compensation devrait être versée à chacun de ces
travailleurs. Mais tant qu'un travailleur n'est pas déclaré
invalide, on ne devrait pas l'informer de sa condition de santé pour lui
permettre de vivre et de travailler en paix et permettre à la compagnie
de bénéficier de ses nombreuses années
d'expérience.
Kenneth Wallis Smith, en 1949, était le directeur des services de
la médecine pour la Johns-Manville. On trouve cela important de le
noter. Quant à nous, c'est toujours, en vertu de cette constatation ou
de ces constatations c'est pourquoi cela nous fait douter par le
pouvoir magique, semble-t-on nous dire, de la parité que ces compagnies
et les autres compagnies modifieraient leur comportement et leur profits.
Le juge Beaudry, dans un article déjà cité, donne
un bref rappel historique des problèmes de santé et de travail au
Québec. En 1916, on parlait de la formation d'un Conseil
supérieur d'hygiène dont le personnel serait
préposé à la santé des ouvriers. En 1930, il y a eu
la création de la Commission Montpetit pour étudier les questions
relevant de l'hygiène industrielle et, en 1932, cette commission a remis
un rapport, déplorant l'incompréhension du problème,
l'insuffisance des moyens d'action en la matière et la carence des
recherches appropriées à la santé des travailleurs.
En 1949, c'était la grève de l'amiante, en 1975,
également, et on pourrait en citer d'autres. C'est dire que les
travailleurs n'ont pas attendu l'information que pourraient leur fournir leurs
employeurs pour se convaincre que leurs conditions de travail étaient
dommageables à leur santé et à leur
sécurité.
L'histoire s'est répétée avec le chlorure de
vinyle. Dès 1938, Schauman avait démontré la
toxicité de ce produit au cours d'expériences sur les animaux. La
chlorure de vinyle cause une forme mortelle et extrêmement rare de cancer
du foie. Ce n'est qu'en 1974, aux Etats-Unis, qu'on décrétait que
les travailleurs de la production de vinyle ne devaient plus être
exposés aux vapeurs plastiques.
La norme initiale d'exposition de 500 parties par million de particules
était ramenée à un niveau indiscernable,
c'est-à-dire à 1ppm. Au Québec, actuellement, on peut
légalement exposer un travailleur à une dose de 500 ppm de
chlorure de vinyle et ce, depuis 1971. Pourquoi ce gouvernement, qui
prétend se préoccuper de la santé des travailleurs,
n'a-t-il pas suivi l'exemple des Américains et ramené la norme
à 1 ppm? Parce qu'il n'existe pas d'association sectorielle pour lui
souffler le renseignement? Nous, on pense que non.
La mise sur pied d'associations sectorielles risque fort, selon la CSN,
de fournir le bon prétexte aux employeurs. Aux demandes d'information
provenant du comité paritaire, on répondra probablement que le
problème est à l'étude, que la recherche doit se continuer
un an, deux ans, cinq ans et qu'entre-temps le travailleur n'a qu'à
attendre et à travailler, à assumer sa condition en quelque
sorte.
La CSN entend continuer d'informer et de former elle-même ses
affiliés et revendique donc la part juste des crédits disponibles
qui lui reviennent à cette fin. Pour dénoncer les fabulations des
spécialistes de l'amiante, il a fallu et on le rappelle
que la CSN entreprenne l'enquête indépendante avec les chercheurs
du Mont-Sinaï, il y a quelques années.
La Commission de la santé et de la sécurité du
travail. Il faudra repenser la règle de la suprématie de la loi
si le projet de loi no 17 est adopté tel que rédigé.
Même si l'Assemblée nationale croit adopter une loi s'appliquant
à tous les travailleurs et employeurs, la commission encore une
fois, selon notre lecture peut, de son propre chef, contrevenir à
la volonté de l'Assemblée nationale en exemptant de l'application
de la loi, en tout ou en partie, des personnes, des travailleurs, des
employeurs, des lieux de travail, des établissements et des chantiers de
construction. De telles exemptions ont force de loi dès
qu'entérinées par le Conseil des ministres, sans que
l'Assemblée nationale en soit saisie.
Ce transfert du pouvoir législatif au pouvoir exécutif et
à une commission indépendante est encore plus menaçant
lorsqu'il comprend le pouvoir général de réglementer et le
champ d'application de la loi et les modalités d'application de la loi.
Un tel pouvoir est nettement antidémocratique. Bien sûr, il y a un
précédent. Le moratoire (ou la sorte de semi-moratoire) que le
gouvernement du Québec a consenti à l'industrie et de l'amiante
est certainement un des précédents les plus accablants. Mais
à tout le moins, dans ce cas, ce ne sont pas les membres de
l'Assemblée nationale qui se sont défilés de leurs
responsabilités.
Plusieurs des pouvoirs de la commission sont excessifs, notamment: le
pouvoir d'établir des catégories d'établissements et de
chantiers de construction; de déterminer ce que constitue une
association syndicale ou patronale aux fins de l'article 173; de
déterminer les moyens et équipements de protection en fonction
des catégories
qu'elle établit; de déterminer qui est incapable
d'exécuter un travail en fonction de ses capacités physiques; de
définir les contaminants et matières dangereuses.
La délégation des pouvoirs à des comités
réduits et la concentration de pouvoirs sont également abusives
et excessives. Elles constituent, selon la CSN, le risque fort
inquiétant d'engendrer une bureaucratie soustraite aux contrôles
démocratiques.
Par l'institution de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, le gouvernement entend confier à une
mutuelle patronale le contrôle des fonds de recherche, le financement du
coût des inspecteurs, le rôle de prévention, la
responsabilité de la recherche, de la formation, de l'information,
l'établissement des normes de contrôle et l'appel des
décisions des inspecteurs et, finalement, l'établissement de
programmes de santé et la réparation des torts.
Nous estimons que, pour assurer vraiment la santé et la
sécurité au travail, il est impérieux et fondamental de ne
pas permettre que de tels conflits d'intérêts existent. Nous
suggérons que la réparation et la compensation soient
laissées à la commission qui agira à seul titre d'agent
payeur; que le traitement, la prévention et la recherche soient
confiés à la responsabilité du ministère des
Affaires sociales; que soit établi on trouve important d'y
réfléchir un bureau des normes indépendant; que
l'inspectorat relève entièrement du ministère de
l'environnement. Nous savons qu'il n'y a pas de ministère, mais on a un
ministre délégué à l'environnement. Alors, c'est,
peut-être, une suggestion, en passant, qui devrait être retenue.
Enfin, que la formation et l'information soient laissées aux
organisations syndicales pour les travailleurs syndiqués et à un
autre ministère qui n'est pas directement en conflit
d'intérêts pour faire la formation et l'information auprès
des non-syndiqués.
Voyons un peu l'inspectorat. A défaut de la formation d'un
organisme tel qu'une régie de santé au travail, qui aurait pu
regrouper tous les services d'inspection sous une même autorité,
tel que le recommandait M. Beaudry, il faut prévoir le regroupement de
tous les inspecteurs dans un organisme indépendant. Cela afin d'assurer
une cohérence et une efficacité aux enquêtes. En effet,
certains inspecteurs autorisés à faire enquête sur la
qualité de l'environnement ne peuvent parfois poursuivre leur
enquête parce qu'elle tombe alors sous une autre juridiction, celle de la
CAT, par exemple, ou encore celle des mines.
Comme le rapportait le juge Beaudry, il faut éviter que les
inspecteurs soient intégrés à un ministère dont
l'une des vocations comporte la promotion d'intérêts
économiques contradictoires avec la défense des droits des
travailleurs. La CSN revendique donc que le nombre des inspecteurs en
santé et en sécurité soit augmenté, qu'ils soient
soustraits aux influences en contradiction avec leur travail et qu'il y ait
regroupement des inspecteurs qui sont responsables de l'application des lois.
Au ministère de l'Environnement, c'est la même suggestion.
La médecine du travail. Afin d'assurer un régime
réel de prévention et de traitements médicaux, il est
d'une absolue nécessité d'affirmer l'indépendance
complète de tout l'aspect médical. Nous ne pouvons aucunement
faire confiance, quant à nous en tout cas, aux médecins des
compagnies. Nos craintes se fondent sur des expériences vécues
dans l'amiante, à la QIT, ou dans plusieurs usines où les
médecins des compagnies se soumettent davantage aux
intérêts des compagnies qu'aux intérêts des
travailleurs. Le vice-président exécutif du Conseil du patronat,
M. Dufour, a fait preuve d'honnêteté en avouant, au cours de
l'émission Forum, à Radio-Canada, que le médecin de la
compagnie, en fait, était un gestionnaire.
Nous sommes d'accord avec la disparition des médecins de
compagnie. Nous nous opposons donc au mécanisme que prévoit le
projet de loi 17 en référant à une entente devant
intervenir au comité paritaire ou, à défaut d'entente,
à une décision de la commission ou du chef du département
de santé communautaire. D'autant plus que le projet de loi, quant
à nous, invente un nouveau mécanisme pour s'assurer qu'en cas de
désaccord au comité paritaire et même s'il n'a pas
été agréé par le centre hospitalier, le
médecin de compagnie peut s'adresser à la Commission des affaires
sociales, auquel cas la préférence lui sera accordée;
l'article 92 dit explicitement ceci: "En tenant compte... de la qualification
du médecin, de sa compétence scientifique, de son comportement,
de son observance des règlements et plus particulièrement de son
expérience pertinente dans le domaine de la médecine du travail.
" Le projet de loi 17 réaffirme donc, quant à nous, la
préférence aux médecins de compagnie dont traitait le
livre blanc.
Notre régime médical a toujours reconnu, comme garantie
d'une pratique médicale de qualité et comme fondement de
l'acceptation de traitements, la liberté du choix du médecin.
Nous estimons qu'il ne doit pas y avoir d'exception à cette
règle lorsque les maladies ou accidents surviennent à l'occasion
du travail. En conséquence, nous revendiquons le droit pour le
travailleur de choisir son médecin ce qui signifie également le
droit de refuser d'être soumis aux examens des autres
médecins.
Au plan collectif, pour les études
épidémiologiques, pour la recherche, pour établir le plan
de prévention, pour effectuer le dépistage, etc., la
reconnaissance du même droit doit entraîner que le médecin
responsable soit choisi par le syndicat ou l'ensemble des travailleurs s'il n'y
a pas de syndicat.
Dans ce cadre, les médecins ainsi que les établissements
publics appelés à dispenser les soins de santé doivent
être sous la juridiction du ministère des Affaires sociales et les
médecins choisis par les travailleurs doivent avoir accès aux
équipements, services et établissements publics, DSC, CLSC,
etc.
Le droit de choisir son propre médecin et le droit collectif de
choisir un médecin responsable du programme de santé doit
obligatoirement entraîner que l'agrégation de ces médecins
ne soit
pas soumise au contrôle des centres hospitaliers. La
liberté du choix du médecin implique la reconnaissance par les
autorités publiques de son droit d'exercice de la médecine, mais
surtout les employeurs ne doivent pas pouvoir demander et obtenir que le
médecin choisi par les travailleurs soit démis, comme le permet
l'article 91. Car enfin, pour quel motif une compagnie demanderait-elle le
congédiement d'un médecin? Pour manque de compétence dans
la prestation des soins auprès des travailleurs? On s'interroge
là-dessus.
Cette liberté pour le syndicat de choisir un conseiller en qui il
peut avoir confiance ne doit pas se limiter au seul médecin. On pense
aux ingénieurs, aux hygiénistes, aux ergonomes, aux toxicologues,
aux audiologistes et à plusieurs autres experts qui peuvent intervenir
et parfois plus adéquatement que les médecins eux-mêmes. La
loi doit reconnaître le droit de pouvoir recourir à ces
spécialistes sans entrave.
Les infractions et les pénalités. Dans un article
publié dans la revue suédoise, Now, le Dr Lund-gnen rapporte que
l'industrie forestière suédoise a réduit son taux
d'accident de 27% et la gravité des blessures subies de 50% en
remplaçant le plan boni par la paie mensuelle.
Dans un article publié dans le journal Le Devoir, le
président de la CAT, Robert Sauvé, rapporte qu'à l'avenir
il y aura responsabilité partagée et que plusieurs verront dans
ce changement l'amorce du "no-fault" en matière d'accident du travail.
Personnellement, je pense qu'il ne peut pas en être autrement,
conclut-il.
Voilà. Puisque les travailleurs siègent au comité
paritaire, puisqu'ils ont leurs représentants à la
prévention, puisque maintenant ils ont des droits et des obligations,
ils deviennent responsables de leur état de santé et de leurs
conditions de sécurité. S'ils sont responsables, ils peuvent donc
être poursuivis. D'où la nécessité du chapitre XIV.
(11 heures)
Ce que vise le projet de loi 17 par la création d'obligations
pour les travailleurs, par l'attribution de fonctions aux comités
paritaires et par l'établissement de lourdes amendes, c'est
d'établir un véritable régime policier quant
à nous, c'est la conséquence à l'usine, dans les
établissements, sur les chantiers, dans les mines.
Le comité paritaire a pour premier devoir de choisir les
équipements de protection. Le travailleur a comme première
obligation de connaître le programme de prévention que lui a
destiné le patron et de porter l'équipement de protection. Le
représentant à la prévention a pour première
fonction d'appliquer le programme établi par le patron et de surveiller
si les équipements de protection sont portés. Dès que le
travailleur est pris en défaut, il est passible d'une amende allant
jusqu'à $500. Lorsqu'on obtient une ordonnance du Tribunal du travail,
on peut alors le condamner à $5000 ou à une peine
d'emprisonnement d'un an. Voilà l'objectif de la loi: utiliser un
travailleur, le représentant à la prévention comme police
du patron, tel qu'on le perçoit. Son rôle sera d'obliger les
travailleurs à se soumettre au programme de pré- vention du
patron, lequel sera probablement l'ancien code de discipline.
La CSN s'oppose à ce que les travailleurs soient
condamnés, parce que ce sont les employeurs qui sont responsables des
conditions dangereuses et qui devraient avoir l'obligation de les
éliminer à la source. D'ailleurs, le niveau des amendes souffre
de démesure. Selon le projet de loi, un travailleur peut être
condamné à $500, ce qui représente approximativement 5% du
salaire moyen d'un travailleur. C'est donc deux ou trois semaines sans paie.
Pour la Johns-Manville, pour la Reynolds, pour la ITT, pour Noranda et combien
d'autres, $1000 ne correspondent pas ou ne représentent pas 5% des
revenus annuels de ces compagnies.
En conclusion, nous sommes d'accord avec le ministre Marois, quand il
écrit que les dangers et les risques ne sont pas inhérents au
milieu du travail et que tous doivent ne pas les accepter comme faisant partie
de la réalité quotidienne. Pourquoi, M. le ministre, ne
présentez-vous pas un projet de loi sur la santé et la
sécurité en accord avec ce principe? C'est une revendication
fondamentale de la CSN.
Nous sommes d'accord avec le juge René Beaudry quand il
écrit que les politiques décisionnelles de l'entreprise sont
généralement dictées par la notion du profit et la
volonté de la réaliser. Nous sommes d'accord avec lui quand il
écrit, dans l'article déjà cité, que
l'ingénieur a souvent à faire face à certaines situations
conflictuelles entre sa responsabilité et le "Corporate Policy" et qu'il
en résulte, à longue échéance, une perte
d'intérêt et une fuite de dialogue quant aux aspects humains de
l'exercice de sa profession. Nous ajoutons que cette situation conflictuelle
n'est pas seulement vécue par l'ingénieur, mais par tous les
cadres de l'usine et qu'elle ne nous étonne pas. Comme les travailleurs,
ces cadres font face au même employeur et vivent toujours dans la crainte
de rater une promotion, d'être congédiés s'ils
émettent une opinion ou prennent une décision que leur employeur
considère contraire à ses intérêts.
C'est pourquoi nous pensons que les signataires du rapport Beaudry
s'illusionnent grandement quand, pour justifier, l'institutionnalisation du
comité paritaire de salubrité, ils écrivent, d'une part,
et je cite: "Dans l'exercice quotidien de ses responsabilités,
l'employeur doit déléguer ses pouvoirs à des
représentants qui attachent plus de prix à des valeurs humaines,
telles que la salubrité et la santé, qu'à l'attrait du
profit." D'autre part: "Le personnel de cadre doit s'adapter aux exigences
nouvelles en cette matière (santé et salubrité au travail)
et bien comprendre qu'il s'agit là d'une des réformes sociales
les plus importantes. On est en droit d'attendre les mêmes efforts de
compréhension et d'adaptation de la part de spécialistes de
toutes les disciplines qui exercent une activité quelconque
reliée à la vie de l'entreprise. Presque toujours en situation
d'intermédiaire entre les intérêts de la gérance et
ceux de la main-d'oeuvre, les cadres et spécialistes n'en sont pas moins
tenus
de travailler, de rechercher et de proposer des solutions en accord avec
une prise de conscience objective des nécessités sociales."
Enfin, pourquoi l'employeur, qui sait très bien que
l'élimination des dangers à la source représente un
coût, que l'établissement de conditions hygiéniques
représente un coût, que l'application de programmes de
santé et de sécurité représente un coût, que
la reconnaissance du droit de refuser un travail dangereux représente un
coût, que l'indemnisation complète des malades et des
accidentés représente un coût, pourquoi cet employeur, par
la seule vertu d'une structure, le comité paritaire de santé et
de sécurité, deviendrait-il soudainement préoccupé
par la santé et la sécurité des travailleurs de son usine
au point d'y déléguer, pour le représenter, des cadres
hautement humanisés avec mandat d'y défendre non pas le
"Corporate Policy", mais la santé et la sécurité des
travailleurs? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait avant aujourd'hui? Pourquoi les
cadres, les spécialistes se sentiraient-ils soudainement l'âme de
héros par la seule vertu magique de l'existence de ce comité
paritaire de salubrité? Pourquoi oseraient-ils recommander et approuver
des solutions dont ils savent que leur employeur ne veut pas?
Il faut être assuré de son gagne-pain et de sa pension pour
imaginer qu'un salarié, fût-il cadre, puisse se permettre de jouer
seul au héros social.
Il y a longtemps que les travailleurs ont compris cette
réalité. C'est pourquoi ils ne peuvent s'en remettre à une
action individuelle ou isolée. Les travailleurs savent que c'est en
s'orga-nisant et en luttant collectivement qu'ils réussissent à
améliorer leurs conditions de travail et, ainsi, leur santé et
leur sécurité.
Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est la seule
loi du profit qui guide les employeurs dans le choix de leurs décisions,
même celles qui concernent la santé et la sécurité
au travail. Toute notre expérience syndicale nous enseigne aussi que
tous les beaux discours sur la collaboration et sur la participation ne
changeront rien au rapport de force qui est inhérent à la
réalité économique dans laquelle nous vivons. Toute notre
expérience nous enseigne que les écrits, les textes de loi, les
structures mises en place par un gouvernement ne sont pas neutres, qu'ils
favorisent l'une ou l'autre des deux parties en présence, l'employeur ou
les travailleurs, et que ce qui les détermine, c'est l'utilisation que
peut en faire l'une ou l'autre des parties.
En conséquence, nous revendiquons la promulgation d'une loi qui
assure vraiment la santé et la sécurité des travailleurs.
Une loi qui protégerait vraiment les travailleurs, pour nous,
reconnaîtrait, premièrement, que les dangers et risques ne sont
pas inhérents au milieu du travail, que c'est à l'employeur de
démontrer que le danger n'existe pas. Cette loi ferait en sorte qu'il y
ait suffisamment de moyens prévus pour permettre l'élimination
des dangers à la source, reconnaîtrait aux travailleurs et aux
syndicats, au nom des travailleurs, le droit d'arrêter de travailler dans
des conditions que le travailleur ou le syndicat juge dangereuses pour sa
santé et sa sécurité et ce, sans pénalité,
le non-respect, par l'employeur, des normes, lois et règlements
entraînant aussi ce droit; reconnaîtrait aussi aux syndicats le
droit d'enquêter partout, en tout temps, sur tout sujet relatif à
la santé et à la sécurité au travail,
indépendamment du patron ou de tout comité paritaire;
reconnaîtrait le droit à la pleine sécurité d'emploi
et du salaire en cas d'accident ou de maladie du travail; reconnaîtrait
notre droit au médecin de notre choix et au paiement de la compensation
sur la base de son diagnostic.
Entre-temps, le gouvernement, quant à nous, doit, au lieu de
mettre en veilleuse l'application des normes existantes, augmenter le nombre
d'inspecteurs et faire rigoureusement appliquer les normes. Déjà,
pour nous, si les normes existantes étaient appliquées d'une
façon réelle et raisonnable, la situation serait
améliorée sensiblement.
En outre, le gouvernement doit améliorer la loi 52 visant les
victimes de l'amiantose et de la silicose et l'étendre à toutes
les victimes des maladies du travail; supprimer les restrictions concernant
l'indemnisation aux veuves de moins de 35 ans; supprimer les dispositions qui
empêchent de poursuivre les tiers; supprimer les dispositions qui
empêchent de poursuivre l'employeur en cas d'accident ou de maladie du
travail; donner aux syndicats le droit de poursuivre à l'occasion de
violation par les employeurs des lois et règlements ayant trait à
la santé et à la sécurité au travail; recouvrer des
compagnies les coûts des traitements nécessités par les
accidents ou les maladies du travail.
Avec votre permission, M. le ministre, quelques mots
supplémentaires sur l'analyse que nous avons faite de la loi article par
article. Juste pour vous citer un exemple: la formulation de l'article 280.
Quant à nous, nous pensons que le gouvernement a la
responsabilité de regarder cette partie d'une façon
sérieuse, parce que, quand on traite de la conciliabilité de ce
qui peut exister dans une convention collective avec la loi, ça pose,
quant à nous, un problème réel, et c'est pourquoi vous
allez constater, dans notre analyse article par article, que nous faisons des
suggestions. Nous interprétons, bien sûr, la loi. Vous y
retrouverez notre lecture de cette loi. Mais nous faisons aussi un certain
nombre de suggestions qui, quant à nous, devraient intervenir sur
l'article 3, l'article 7, l'article 280, par exemple.
A la page 6 de notre analyse, à l'article 280, par exemple, on
propose d'ajouter, après le deuxièmement, "lorsque... et au
troisièmement, "l'association accréditée en fait la
demande" et modifier le dernier paragraphe ainsi, "un tel comité jouit
dès lors des droits et est assujetti aux mêmes obligations qu'un
comité de santé et de sécurité constitué en
vertu de la présente loi" on fait référence aux
comités syndicaux "en outre de tout droit, pouvoir ou obligation
stipulé à la convention collective". C'est pour indiquer que,
quant à nous, il faut clarifier ce point-là, et il ne faut pas
placer les travailleurs
dans une situation où ils auraient acquis des choses importantes,
des gains importants et ils les perdraient par toutes sortes de mesures
dilatoires d'interprétation de la loi, etc. Nous pourrons revenir sur
d'autres exemples comme ceux-là au cours du débat.
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. Je donne
maintenant la parole au ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier les porte-parole de la Confédération des syndicats
nationaux, de la Fédération des syndicats des mines, de la
métallurgie et de la Fédération nationale des syndicats du
bâtiment et du bois.
Evidemment, il y a beaucoup de choses dans l'ensemble de ces trois
mémoires et du document en annexe que j'ai lus bien sûr,
vous le devinez certainement très attentivement, je parle de ces
quatre documents, en y incluant l'annexe. Je suis heureux de constater, quand
même, que dans un certain nombre de points, et même un certain
nombre de points fondamentaux, comme vous l'avez évoqué dans
votre exposé, M. le Président, comme cela ressort, d'ailleurs, du
document annexe, en particulier, que vous reconnaissez qu'il y a quand
même, dans le projet de loi, de votre point de vue, un certain nombre de
choses qui sont valables. C'est déjà ça de pris comme
point de départ.
Je voudrais redire... Chacun peut faire ses lectures, pour reprendre
votre expression, la lecture du projet de loi, je vous expliquerai un peu la
lecture que nous avons faite des différents mémoires que nous
avons reçus. Il n'en reste pas moins que fondamentalement l'objectif
essentiel que vise le gouvernement du Québec, c'est d'essayer de se
donner le meilleur outil juridique possible; quand je dis "se donner", je veux
dire de donner à l'ensemble de la collectivité
québécoise le meilleur projet de loi, le meilleur outil juridique
possible nous permettant de viser à éliminer les causes
mêmes d'accidents et de maladies. Je ne reviendrai pas sur les
déclarations de fond qui soutiennent cet objectif, le fait que nous ne
croyons pas que doive se perpétuer une conception fataliste du travail,
je ne reviendrai pas sur le fait... Vous l'avez évoqué dans un
sens, mais il ne faut pas perdre de vue, non plus, l'autre direction. Vous avez
évoqué cette notion de profit qui est attachée à
l'entreprise, mais la situation actuelle, il y a un certain nombre
d'entreprises, en tout cas pour ceux qui ne sont pas capables de calculer plus
loin que leur commencement de bout de nez et qui ne raisonnent qu'en termes de
chiffres sur le plan économique, on ne perd certainement pas de vue le
fait que l'état actuel d'accidents et de maladies, sur la base des
chiffres connus et j'ai toujours dit que mes chiffres étaient
modérés présentement, comme sociétés,
sur la base des derniers chiffres qu'on a en main, on s'est payé
quand je dis "on", cela exclut non seulement la personne qui parle parce que,
pour l'essentiel, ce sont les entre- prises qui ont assumé ce coût
des coûts économiques directs et indirects de $2 500 000
000; les chiffres sont modérés, encore une fois.
Il y a un certain nombre pas suffisamment, loin de là
d'entreprises qui ont commencé à considérer ces
chiffres. En d'autres termes, je ne pense pas que la perspective même,
l'état, les faits, la lecture, simplement, des faits, nous donne une
situation bloquée. Je pense qu'au contraire, on bénéficie
d'une situation qui peut permettre, à condition qu'on s'y mette
ensemble, d'ouvrir une perspective de changements, et de changements
fondamentaux. Bien sûr, on n'a jamais pensé, et je pense que
personne ne croit je ne crois pas que les hommes et les femmes qui
travaillent y croient, non plus qu'on pourra y arriver, pour reprendre
l'expression, comme je l'ai souvent utilisée, du célèbre
architecte Le Corbusier, à des usines vertes en deux jours ou en deux
mois. C'est un travail qui se devra d'être continu.
Les résultats, sur la base d'expériences concrètes,
vécues, dans divers coins, que ce soit la Saskatchewan, que ce soit
l'Allemagne, que ce soit la Suède, qui ont fait leur réforme
à la mesure de leurs réalités sociales et
économiques, à la mesure des ressources financières
possibles, disponibles, sachant que tout ne peut pas être fait en
même temps, le résultat net pour ceux qui ont un peu
d'ancienneté dans ce domaine je pense à la Saskatchewan,
notamment, à l'Allemagne que c'est après une
période de quatre ou cinq ans, et les comités paritaires sont un
des instruments... Vous avez semblé encore une fois,
peut-être que de mon côté, je fais une mauvaise lecture de
votre mémoire ou de vos commentaires indiquer que pour atteindre
cet objectif, le canal, le moyen, l'instrument, comme si c'était quelque
chose d'unique, c'est le comité paritaire. (11 h 15)
Cela me semble être une lecture peut-être un peu courte du
projet de loi, à moins qu'il ne soit à ce point ambigu ou confus
et qu'il suppose des clarifications; ce qui est fort possible, remarquez. Mais
je tiens à signaler quand même que dans les réformes
menées par d'autres provinces ou d'autres pays et même,
d'ailleurs, dans bon nombre de conventions collectives signées au
Québec et indépendamment des comités paritaires issus de
l'arrêté en conseil 3787 émanant de la Loi des
établissements industriels et commerciaux, des comités paritaires
négociés, des comités paritaires, d'ailleurs, qui
apparaissent dans des conventions collectives négociées dans les
toutes récentes années et sur la base de l'expérience des
coins qui ont de l'ancienneté, on a constaté que par un ensemble
de mesures cohérentes et qui se tiennent, et en impliquant directement
ceux qui sont concernés et leurs représentants... je reviendrai
d'ailleurs là-dessus.
En Allemagne et en Saskatchewan, on a pu constater après une
période de quatre ans, une cassure importante dans le nombre d'accidents
et de maladies, à la condition de s'y mettre. Dans ce sens-là,
encore une fois, les comités ne sont qu'un des outils.
En restant toujours dans le domaine des remarques plus
générales pour l'instant encore une fois, c'est purement
ma lecture et je ne veux surtout pas être injuste, c'est le droit
légitime de n'importe quel groupe de faire valoir son point de vue, la
façon qu'il l'entend, pour faire en sorte qu'à l'occasion d'une
discussion comme celle-là dans une commission parlementaire, à la
lumière des éclairages, des recommandations, des suggestions et
des points de vue des divers groupes on en arrive ensemble c'est le seul
objectif qu'on doit viser je vais exercer mon droit de refus ou c'est
lui qui exerce son droit de refus savoir qu'on se donne le meilleur
projet de loi possible. C'est le seul objectif qu'on peut avoir.
Dans votre mémoire il y a, au fond, aussi un discours et vous
étayez ou étoffez une lecture, dites-vous, du projet de loi;
ça c'est une chose. A partir notamment d'un discours du président
de la Commission des accidents du travail du Québec ou de commentaires
formulés par la Commission Beaudry, c'est une façon
d'étayer un discours, mais je pense bien qu'il ne revient ni au
président de la Commission des accidents du travail du Québec, ni
à une commission qui a déjà siégé, qui nous
a fait connaître son point de vue, il me semble que ce n'est pas par ce
biais-là que se traduit la volonté d'un gouvernement. Que vous
vous fondiez sur des déclarations de membres du gouvernement, que vous
vous fondiez sur certaines de mes déclarations, ça
m'apparaît plus que légitime, ça m'apparaît tout
à fait fondé. C'est ce qui trace l'approche, la conception, les
visées, les objectifs que le gouvernement se donne.
Partant de là, et cela étant dit, je voudrais formuler un
certain nombre de commentaires, questions, vous permettant de réagir
là-dessus. Bien sûr, je ne pourrai pas tout reprendre, mais je
voudrais vous dire en passant, parce qu'il me semble y avoir je l'ai
relu encore très attentivement, hier un certain écart
quant au discours, entre l'annexe et le mémoire. Je vais revenir en
détail là-dessus, un peu plus loin, m'en tenant, pour l'instant,
au mémoire, à la page 27. J'avoue honnêtement que je ne
comprends pas. A la page 27 vous nous proposez que la réparation et la
compensation soient laissées à la commission... que le
traitement, la prévention et la recherche soient confiés au
ministère des Affaires sociales et aussi, si je comprends bien
l'ensemble du contrôle du domaine de la santé... Un bureau des
normes indépendant, l'inspectorat regroupé, je pense qu'on
s'entend là-dessus sur l'idée fondamentale qu'il faut qu'il y ait
là un regroupement.
Nous ajoutons à cela et je voudrais vous dire tout de suite en
passant, et cela ne s'écrit pas dans un projet de loi, que le
gouvernement a l'intention de s'assurer et de faire en sorte que les ressources
humaines et financières requises soient là. Déjà,
le livre blanc indiquait, sur des espèces de projections et
d'hypothèses de projections de coûts, qu'on proposait de faire
passer de $8 millions à $11 millions l'ensemble des ressources
financières dans le domaine de l'inspectorat. On est en train de
procéder à une analyse de l'opérationnalisa- tion, de la
réorganisation des services d'inspection, de leur regroupement et de
leur régionalisation, parce qu'on croit qu'il est important qu'il y ait
une présence permanente en région. Je dois remettre dans les
meilleurs délais, dès que je le pourrai, des recommandations
très précises au Conseil des ministres en ce sens. C'est donc
notre intention arrêtée d'aller dans cette perspective.
Ce que je ne comprends pas, c'est que vous nous proposiez, quant
à ce morceau-là, le ministère de l'environnement. Il y a
l'autre morceau qui revient, quant à la formation et à
l'information. En d'autres termes, notre opinion et c'est aussi la
lecture que j'avais cru faire de certaines recommandations ou suggestions
antérieures de la CSN; remarquez que je peux me tromper; je donne cela
sous réserve c'était qu'il fallait mettre un terme
à l'émiettement des morceaux. Vous nous dites, en passant:
Commencez donc par appliquer les lois, les règles et quelques
emmanchures de bouts de règlements qui existent; déjà, si
c'était appliqué et respecté, ce serait un pas
considérable en avant. Je vous dis que vous avez parfaitement raison
là-dessus, sur les faits. Cependant, un des problèmes majeurs
je pense que je commence à en parler un peu en connaissance de
cause pour voir la machine administrative d'en dedans c'est
l'émiettement de tous les morceaux dans toutes les directions.
Ce n'est pas juste le fait de regrouper qui va régler notre
problème. C'est une des dimensions essentielles que le regroupement des
services d'inspection et qu'on arrête d'émietter cela, d'assurer
leur régionalisation, tout en maintenant des coins où cela va
supposer de la spécialisation. Il est évident que les
inspecteurs, par exemple, pour le secteur minier ne supposent pas le même
genre de qualifications et de compétence que dans le secteur de la
construction. Ce sont deux choses bien différentes. Donc, cela n'exclut
pas la spécialisation. On est bien d'accord là-dessus.
Mais vous nous proposez encore le maintien de toute une série de
morceaux émiettés sous divers contrôles de coins de
l'administration, de façon différente, bien sûr, car vous
ne retransposez pas la réalité actuelle. J'avoue que je ne
comprends pas parce que je demeure, jusqu'à nouvel ordre,
profondément convaincu que cela va nous replacer très rapidement
dans le même état d'émiettement où vous avez sept
lois présentement, vingt règlements tout cela va
être regroupé en un morceau et pas loin de six coins de
l'administration publique qui touchent à cela, avec les résultats
qu'on connaît: quand on veut essayer d'organiser le déclenchement
d'un certain nombre d'opérations bien orchestrées et qui
permettent de mettre ensemble non seulement la fameuse approche qui vise
à corriger des choses, vous le dites et avec raison: II y a des choses
qui ne réparent pas dans ce domaine et il est temps qu'on s'attaque
à la racine même des maux. Si on veut arriver à cela, il me
semble qu'il faut, au contraire, regrouper les morceaux et s'assurer que
l'organisme qui pilote l'essentiel de tout cela est un organisme au conseil
d'adminis-
tration duquel les représentants des travailleurs siègent
à part entière. J'avoue que j'aimerais avoir quelques
explications là-dessus, parce que honnêtement je ne suis pas
certain, je ne comprends pas.
Une chose sur laquelle je voudrais m'arrêter tout de suite... Vous
y revenez dans votre analyse article par article dans l'annexe. Incidemment, je
tiens à vous dire tout de suite qu'on va examiner à la loupe les
recommandations qui sont contenues dans l'annexe. Il y a un certain nombre de
recommandations je ne vous le cacherai pas; je vais vous le dire comme
je le pense qui m'apparaissent intéressantes à
première vue, en tout cas qui méritent d'être
examinées de très près et on va le faire. Je ne dis pas
qu'on va retenir ce qu'il y a là-dedans. Je dis qu'on va les
étudier au mérite. Il m'apparaît qu'il y a des choses
intéressantes.
C'est d'ailleurs, dans votre annexe que vous signalez qu'il y a
certaines choses qui sont introduites dans le projet de loi, qui ne sont quand
même pas si mal que cela, que ce soit l'introduction du retrait
préventif, que ce soit l'introduction du fait que, si un inspecteur a
recours, comme quelque chose d'ultime, à la fermeture d'un coin d'une
entreprise, l'employeur sera obligé dorénavant de payer les
hommes et les femmes qui se trouveraient à être privés de
leur travail pendant une certaine période, la période requise
pour corriger les problèmes à la source.
Je voudrais, très rapidement, m'arrêter à l'article
48. Quand on parle de la lecture des textes qu'on fait, les uns et les autres,
je comprends qu'à partir de l'analyse que vous faites de divers
commentaires, de divers points que vous ramassez, vous regardiez le projet de
loi avec peut-être beaucoup de suspicion, dans le genre: que peut-il y
avoir de caché derrière chaque mot?
Je ne vous cacherai pas que j'ai abordé votre mémoire et
l'annexe avec beaucoup d'ouverture d'esprit. On va regarder très
attentivement toutes et chacune de vos recommandations, malgré une
lecture ou un discours qui, parfois, peut me paraître un peu
excessif.
A l'article 48, par exemple, vous dites: c'est une façon
de lire des textes de loi Le premier point d'un programme de
prévention, c'est l'identification. Vous le formulez presque
c'est comme ça que j'ai écouté encore attentivement, ce
matin vous présentez encore cela comme étant une
priorité. Je ne veux pas être injuste, mais c'est encore un peu
comme ça que j'ai compris votre intervention: ça va être
l'identification des moyens et d'équipements de protection individuelle.
Vous ne mentionnez pas le paragraphe 3 de l'article 48; on peut bien mettre le
paragraphe 3 à la place du paragraphe 1, ça ne changera rien sur
le plan de l'interprétation juridique.
Ce qui est fondamental à l'article 48 on le dit dans le
premier paragraphe et remarquez que s'il y a des ambiguïtés, si ce
n'est pas clair, je suis prêt à regarder les textes pour
être sûr qu'ils disent bien ce qu'ils doivent dire et que ça
ne peut pas prêter flan à interprétation qui soit autre que
les objectifs visés le premier paragraphe dit que le programme de
prévention donc l'ensemble de ce que doit contenir le programme
de prévention a pour objectif d'éliminer à la
source même les dangers pour la santé, la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs. Donc il y a obligation
pour un employeur. Ce qui est une chose complètement nouvelle. Il n'y a
aucune loi qui oblige actuellement les entreprises à se donner un
programme de prévention, incluant, notamment, "des programmes
d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les
règlements concernant l'aménagement des lieux de travail,
l'organisation du travail..."
Vous avez évoqué en annexe on va le regarder, parce
que je pense que vous mettez le doigt sur quelque chose qui est réel;
nous, on pensait que c'était intégré dans la notion
d'organisation du travail la question des plans bonis. On pourrait
évoquer aussi autre chose, dans certains cas les horaires brisés,
l'organisation du travail, l'équipement. L'équipement dont on
parle là, ce n'est pas l'équipement de sécurité
individuelle, c'est l'équipement à l'intérieur, la
machinerie, etc., le matériel, les contaminants, les matières
dangereuses, les procédés d'utilisation. En d'autres termes,
ça vise essentiellement l'environnement même du travail, si on
veut corriger à la source et viser à éliminer à la
source. S'il y a ambiguïté là-dessus, si ça ne vous
apparaît pas clair, je suis bien prêt à regarder à
nouveau, mais, il me semble que, à ma connaissance, sous réserve,
je ne sais pas si d'autres lois ou d'autres projets de loi incluent une chose
comme celle-là, c'est prévu chez nous.
Il y a des recommandations que vous faites dans votre annexe, en
particulier concernant les définitions des contaminants en
matières dangereuses, les maladies professionnelles, notamment, mais non
exclusivement, conne dirait l'autre, qui, à mon avis, méritent
d'être regardées de très près.
Il y a vos commentaires concernant je pense que vous avez raison,
il faut les lire l'un en regard de l'autre les articles 7 et 280. Vous
craignez que l'article 280 vise c'est presque comme si vous nous disiez:
C'est votre intention cachée et on vient de la trouver à
réduire les pouvoirs, les acquis des syndicats. (11 h 30)
Je vais le dire et ça ne vous convaincra probablement pas, mais
ce n'est pas notre intention. On n'a jamais visé à réduire
les droits d'une association accréditée, bien au contraire. Il y
a d'ailleurs un syndicat qui est venu témoigner devant nous, il y a
quelques jours, et de son point de vue c'était un point de vue;
cela vaut ce que vaut un point de vue basé sur sa pratique, il
disait que sur la base de son expérience, précisément
à cause des articles 7 et 280, il percevait cela à
l'opposé, il le voyait comme la possibilité, lors de
l'entrée en vigueur, de faire en sorte que l'essentiel de ce qu'il a
d'acquis se trouve accru, à la hausse.
Maintenant, si le texte tel qu'il est des deux articles prête
à ambiguïté, on va le réexaminer très
attentivement dans cette perspective-là. Il n'est certainement
pas dans notre intention de réduire l'acquis. Quand on parle, par
exemple, à l'article 280 je voudrais donner un exemple pour
illustrer ma pensée de ce qui est ou n'est pas conciliable, ne
perdez pas de vue que l'article 280, bien sûr, touche les conventions
collectives, touche aussi la Loi des établissements industriels et
commerciaux. Vous avez, dans l'arrêté en conseil 3787, les
articles 14.3.1 et 14.3.2 qui concernent les comités paritaires
créés en vertu de la Loi des établissements industriels et
commerciaux. Vous savez qu'en vertu de cette loi-là et de ce
règlement-là étaient créés des
comités dans le cas où il y avait vingt travailleurs et une
fréquence de 25 accidents par million d'heures de travail. Il est
évident que cela devient quelque chose qui est inconciliable, puisque la
perspective est d'aller au-delà de cela.
Je prends un autre exemple. Le comité de sécurité
c'est l'article 14.3.2 doit être composé d'un nombre
égal de représentants de travailleurs et d'employeurs. Cela
devient inconciliable dans la mesure où le projet de loi dit qu'il doit
y avoir au moins je le formule dans mon jargon, quitte à se
coller au texte un nombre égal de travailleurs et de
représentants de l'employeur, ce qui n'exclut pas qu'il y ait un plus
grand nombre de représentants des travailleurs, parce qu'on sait fort
bien que, dans des entreprises de plus grande taille, il y a des roulements, il
y a des horaires, de telle sorte qu'il est important d'assurer une
présence. C'est beaucoup plus dans ce sens-là. On va regarder,
partant de là quand même, vos commentaires là-dessus.
Il y a une chose additionnelle que je tiens à vous dire. Cela ne
m'apparaît pas nécessaire de le dire dans la loi, mais si vous
pensez... C'est que vous accrochez à tout cela toute une série
d'interprétations, auxquelles interprétations je vous le
dis en toute honnêteté je ne suis pas capable de me
rallier, parce que je ne fais pas la même lecture du texte probablement,
non pas probablement, sûrement. Vous dites, par exemple, que vous
craignez, en quelque sorte, que les travailleurs, les hommes et les femmes
syndiqués, dans le cas où il y a un syndicat, qui seront
désignés par le syndicat pour siéger sur le comité
paritaire, que vous perdiez, comme groupe d'hommes et de femmes organisé
en un syndicat, le contrôle sur eux, en d'autres termes, que cela
devienne quelque chose qui soit manipulé pour l'essentiel par
l'employeur et dans un cadre juridique figé.
Au fond, je me demande si, analogiquement, vous ne faites pas le
même genre d'analyse dans le cas du représentant à la
prévention, c'est-à-dire qu'essentiellement, l'idée est
que les travailleurs ont le droit et les syndicats... parce que dans le cas
où il y a un syndicat... Peut-être que le texte est ambigu, mais
je voudrais vous dire là-dessus tout de suite clairement notre
intention. Nous croyons que le même mode de nomination du
représentant à la prévention doit prévaloir que
pour le mode de nomination des membres du comité paritaire,
c'est-à-dire essentiellement que, dans le cas où il y a un
syndicat, cela doit être fait par le syndicat conformément
à ses règles, à ses règlements, à ses
procédures, par son mode de fonctionnement. Si le texte est ambigu
là-dessus, on va le regarder de très près. La seule chose
qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir jonction, qu'un représentant
à la prévention doit être un de ceux ou de celles qui
siègent sur le comité paritaire, partant de l'idée qu'il
est normal que pour les hommes et les femmes au travail, dans le cas où
il y a un syndicat, il y ait un minimum de permanences libérées
pour faire un certain nombre de tâches que vous demandez, d'ailleurs.
Quand vous dites, par exemple, que le syndicat doit avoir le droit
d'enquêter, le représentant à la prévention est issu
de qui et d'où?
Si le texte est ambigu, quant à son choix, la façon de le
nommer, je viens d'expliquer exactement ce qu'on vise, si on ne fait pas la
même lecture du texte je comprends qu'on ne fait pas la même
lecture du texte on va le regarder en conséquence, mais notre
intention est très claire, et précisément, notamment, est
donné au représentant à la prévention qui est
choisi par le syndicat, dans le cas où il y a un syndicat, le droit de
procéder à des inspections et qu'il ait du temps libre pour ce
faire...
Une chose additionnelle: Partant de là, le syndicat qui a le
pouvoir de nommer, conformément à ses règlements et le
reste, ses membres... le pouvoir de nommer, c'est vrai que ce n'est pas dit
dans la loi, mais l'interprétation juridique normale, me semble-t-il,
d'un texte comme celui-là, c'est que le pouvoir de nommer entraîne
le pouvoir de dénommer. Le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir
d'exiger que quelqu'un rende compte de son mandat. Le pouvoir de nommer
entraîne que, le cas échéant, des mandats, des directives,
des perspectives soient indiqués au représentant de la même
façon qu'un syndicat qui élit un exécutif, souvent dans
des résolutions, lui donne des mandats, lui donne des indications et le
reste. Je comprends qu'on ne fait pas la même lecture du texte de loi
on va le regarder mais j'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
Il y a une chose que je voudrais dire, en passant, qui est une des
recommandations de la Fédération des syndicats des mines, de la
métallurgie, des produits chimiques, c'est le retrait du mot "positif".
Vous aurez noté, j'espère je présume que c'est une
autre bonne chose que c'est dans le projet de loi. On a eu l'occasion
d'en discuter avec des représentants patronaux, il y a quelques jours,
de cette proposition qui est dans le projet de loi.
Je ne veux pas abuser, je pense que j'ai déjà pris
passablement de temps. Il y a seulement une dernière chose sur laquelle
je terminerais. C'est la question du droit de refus. Il y a certaines
interrogations que vous formulez, qu'on va regarder. Bien sûr, vous dites
en un certain sens, c'est vrai, cela existe dans le décret de la
construction, cela existait dans l'arrêté en conseil 3787, mais
vous savez comme moi le genre d'application que cela a reçu . Il
n'y en a pas eu beaucoup. Les cas
et la jurisprudence dans ce domaine, cela ne fait pas six pieds
d'épais. On sait fort bien, et vous savez fort bien pourquoi, en
particulier, dans le domaine de la construction. Vous demandez l'introduction
du refus par le représentant syndical. Le travailleur ou le syndicat, en
son nom c'est la proposition que vous formulez en annexe a le
droit d'arrêter de travailler dans les conditions que le travailleur ou
le syndicat juge dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.
Vous savez probablement qu'il n'y a aucune loi au monde qui contient ce que
vous demandez. La loi qui va le plus loin, à notre connaissance, au
monde, quant à l'introduction de l'initiation du droit par un
représentant syndical, c'est la loi suédoise, qui est
relativement récente. Les Suédois ont leur façon de
procéder. Ils mettent une loi à l'essai et, par la suite, cela
devient quelque chose qui est confirmé. Donc, cela a commencé
vers 1976 ou 1979. Vous savez que dans le texte de loi suédoise, c'est
uniquement dans le cas de danger grave et immédiat. Est-ce que vous
êtes d'accord avec cela? Quand la Suède l'a introduite, quand elle
s'est rendue là, elle n'avait pas loin de 30, 35 ou 40 ans de
social-démocratie dans le corps, il y avait plus de 90% des hommes et
des femmes au travail qui étaient syndiqués, qui étaient
organisés, ce qui est loin d'être notre situation au
Québec. On a encore un bout de chemin à faire.
C'est une première chose. Je m'excuse, je vais terminer
là-dessus, je ne serai pas long. Même si j'ai tendance à
être un "verbo-moteur", je pense que je peux me permettre de me faire
aller un peu, ce matin. Quant à l'interprétation que vous donnez
à l'expression "normalement et habituellement inhérent", je
comprends qu'au fond votre crainte, en tout cas, une de vos craintes et
elle est légitime est que, dans une entreprise où on ne
respecterait pas des normes élémentaires, où il est
habituel, dans le sens que c'est presque une tradition de fonctionnement dans
l'entreprise, à savoir que c'est insalubre de façon inacceptable,
l'interprétation de l'expression "normalement et habituellement
inhérent" à la fonction soit de conclure et de dire: C'est
traditionnellement insalubre dans l'entreprise. Donc, conclusion, voilà
un beau cas où ça ne s'applique pas. C'est ça,
fondamentalement, votre crainte. Je comprends ça et je comprends votre
crainte.
Mais, ce qu'on vise, c'est ce qui est inhérent à la
fonction, à la tâche. On donnait le cas vous l'avez
évoqué du policier et du pompier, et tout le monde va
convenir que le gars de la brigade criminelle, il y a quelque chose qui est
dangereux dans son métier. Il y a quelque chose qui est
inhérent... Quand un gars part pour procéder à
l'arrestation de gens qui sont armés et en train de commettre un acte
criminel, je pense que tout le monde va admettre qu'il y a un danger là.
Le pompier qui monte le feu, jusqu'à nouvel ordre, ça
brûle c'est déjà un métier où il y a
quelque chose d'inhérent au métier. Cela ne veut pas dire que
rien ne doit être fait et il est possible, d'ailleurs, de faire des
choses pour faire en sorte de réduire les risques au maximum. Là,
il y a quelque chose qui est inhérent à la fonction.
Une entreprise qui serait dans un état d'insalubrité
depuis X années, qui n'a rien fait, strictement rien, ça, ce
n'est pas inhérent à la fonction. C'est peut-être
inhérent aux habitudes de fonctionnement de l'entreprise, et nous,
là-dessus, ce qu'on dit, comme bon nombre d'autres et comme vous autres:
II faut que ça change. Cela, ce n'est pas inhérent à la
fonction. Donc, c'est notre distinction dans les faits.
Si le texte, quant à la l'interprétation juridique
cependant, peut mener à des ambiguïtés
d'interprétation, si ça devait être
interprété par des tribunaux ou des arbitrages, on va regarder le
texte dans cette perspective. Franchement, j'ai déjà
évoqué le cas. C'est un cas réel, le cas des pompiers. Je
pense que tout le monde va quand même admettre qu'il y a quelque chose
qui est inhérent à leur fonction qui est déjà
dangereuse. Cela n'a pas empêché, par exemple, en Saskatchewan,
des pompiers d'exercer le droit de refus. Il y avait des pivots, des
échelles, sur un cas très concret, qui étaient dans un
état de délabrement qui faisait que, par grands vents, quand les
pompiers étaient en haut de l'échelle, ils risquaient
d'être projetés en bas. La solution, ce n'est certainement pas de
les attacher à l'échelle. Ils ont exercé leur droit de
refus à l'occasion d'une pratique. Ils n'avaient pas réussi, par
le fonctionnement de leur comité paritaire, à obtenir que le
problème soit réglé à la source et corrigé
à la source. Ils ont utilisé ce recours, qui est un recours
ultime. Ils l'ont utilisé. Ils ont obtenu gain de cause et cela a
été réparé.
Je pense qu'il y a là une distinction. Là-dessus, je pense
que la commission apprécierait avoir votre opinion, premièrement,
quant à certaines situations particulières où c'est vrai
qu'il y a un danger qui fait partie de la fonction, en prenant les cas des
policiers, brigade criminelle, pompiers. Quelle est votre réaction face
à ces situations, premièrement, à la lumière de la
recommandation que vous faites?
Deuxièmement un autre cas qui a été
évoqué lorsque la santé d'autres personnes pourrait
être mise en péril dans l'exercice du droit de refus. Je tiens
à dire à nouveau qu'à mon avis on va le regarder
sur le plan juridique le non-respect des normes, ce n'est pas quelque
chose qui est inhérent à une fonction ou à une
tâche. C'est anormal. Ce n'est pas acceptable, et ça ne doit pas
bloquer l'exercice du droit de refus.
Voilà, M. le Président, je m'excuse. J'ai
été déjà pas mal long. Ce sont pas mal de
commentaires et de questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le Président, M.
Rodrigue.
M. Rodrigue: M. le Président, très
brièvement, à mon tour, je voudrais apporter quelques
réflexions ou réponses aux questions du ministre. (11 h 45)
D'abord, je voudrais dire que notre lecture a été
fortement influencée par les discours de ceux qui ont
précédé notre discours; je pense au président de la
CAT, je pense au rapport de la
commission Beaudry. Quand on se réfère à ce qu'a
dit le président de la CAT, on est porté à croire que
notre lecture, à certains égards, à plusieurs
égards, d'ailleurs, est peut-être très correcte sur
certains désaccords que vous appelez parfois certaines craintes.
Je voudrais tout de suite, pas dans l'ordre, nécessairement,
souligner qu'en ce qui concerne la question, à la page 27, de la
dispersion des moyens que vous avez nommés, autant en ce qui concerne
l'inspectorat qu'un certain nombre d'autres lieux pour régler d'autres
choses, effectivement, la tradition à la CSN, à venir
jusqu'à récemment, a toujours été d'essayer
d'éliminer les multiples juridictions, notamment au chapitre de
l'inspectorat. On a toujours cherché et on a toujours plaidé que
cela devait être de juridiction, en ce qui concerne l'inspectorat, du
ministère du Travail, dans le temps. On avait des positions en 1966. Au
CCTMO, au cours des années, on a maintenu ces positions jusqu'à
il n'y a pas tellement longtemps, un an ou un an et demi, et maintenant, la
CSN, dans l'évaluation de sa pratique, dans l'évaluation de la
réalité, en est arrivée à d'autres conclusions.
Pourquoi? Parce que, d'abord, on considère que la commission,
effectivement, devrait être seulement un agent payeur pour nous à
cause des conflits que ça peut engendrer quant au reste des
juridictions.
Le ministère des Affaires sociales, en ce qui concerne le
traitement, la prévention et la recherche, cette responsabilité
devrait lui être confiée parce que nous pensons que sa vocation,
comme ministère des Affaires sociales, est en plein celle qui correspond
à ces besoins, en termes de juridiction. On pense que les
expériences, le vécu au cours des années et les moyens mis
en place dans le réseau des affaires sociales, en termes de
réseau intégré, permettent et motivent cela.
Quant au bureau des normes, M. le ministre, je voudrais souligner que
cela ne nous apparaît ni farfelu, ni inventé parce qu'il existe
des pays, effectivement, en Occident, où il y a des bureaux de normes
indépendants. Cela existe même sur le plan international. En ce
qui concerne l'inspectorat, ce sur quoi nous sommes d'accord, c'est que
l'inspectorat soit regroupé, que ses énergies ou ses moyens
soient regroupés à un endroit. Nous pensons qu'il nous faut viser
l'objectif de regrouper l'inspectorat dans un forum où il n'y a
effectivement aucun conflit d'intérêts de vocation sur le plan
économique, etc., sur ce plan. C'est pour cela qu'on en est
arrivé à suggérer l'environnement parce qu'on a connu des
expériences où parfois les inspecteurs de la CAT ou les
inspecteurs d'un autre ministère n'arrivaient pas à aller
jusqu'au bout dans leurs enquêtes. Finalement, c'était parfois
l'environnement qui finissait par terminer les travaux ou, à la suite de
pressions, aller au moins essayer de vérifier la situation.
En ce qui concerne le cinquièmement, la formation et
l'information, j'ai compris que vous aviez compris l'importance de cette
revendication et que cela ne créait pas de confusion dans votre esprit.
Nous soutenons que la formation et l'infor- mation, cela doit être
laissé aux organisations syndicales qui doivent elles-mêmes former
les travailleurs, les militants, les responsables qui ont à agir sur ce
plan.
Je voudrais revenir à...
M. Marois: Juste un commentaire là-dessus, en passant, ce
qui n'exclut pas, dans notre esprit, pour autant, qu'il y ait, en plus, un
certain nombre de programmes-cadres d'information, qu'ils soient à
l'échelle nationale, qu'ils soient sectoriels. Ce qu'on dit et le
projet de loi, je pense, est bien clair là-dessus vous savez que
des représentants patronaux ont contesté l'article de la CAT sur
lequel la commission prétendait se fonder et croyait avoir juridiction
pour verser des subventions aux associations accréditées. On dit:
De toute façon, c'est fini ce débat juridique là en ce qui
nous concerne, puisqu'il y a un article très précis dans le
projet de loi qui prévoit que des ressources financières requises
doivent être mises à la disposition des associations
accréditées, pour qu'elles puissent développer leur propre
programme d'information et de formation. On est d'accord là-dessus.
Si vous me permettez je m'excuse de vous interrompre, M. le
Président, en passant il y a une chose qui me chicote, parce que
je me demande vraiment comment vous pouvez en arriver à conclure cette
interprétation-là. Ça m'a fait un peu sursauter et j'avais
oublié de le mentionner. Dans le cas des médecins, vous semblez,
à la lecture de toute une série d'articles et notamment d'un
passage de l'article sur l'appel à la Commission des Affaires sociales,
conclure qu'en bout de ligne, ça accorderait la préférence
à des médecins qui étaient déjà là.
J'aimerais avoir des explications sur cette question aussi.
M. Rodrigue: J'ai un commentaire sur la dernière question.
Le critère de l'expérience pertinente en médecine du
travail nous indique que, par ce biais-là, la conclusion et le
résultat seraient que ce serait le médecin de compagnie qui, une
fois entré dans le réseau des Affaires sociales, serait
susceptible de revenir à ce chapitre. C'est pourquoi on a soulevé
le problème et on a soulevé la question.
Vous avez posé plusieurs questions et je veux être bref
aussi. Pour répondre à certaines autres questions que vous avez
soulevées, il y a des intentions que vous avez annoncées, il y a
une interprétation différente de la nôtre que vous faites
de la loi. C'est bien sûr, c'est bien évident, on le constate ce
matin. Pour revenir à cela, vous dites: Notre objectif, c'est de faire
en sorte de se donner le meilleur projet de loi possible. Notre objectif,
à la CSN, c'est qu'il y ait un projet de loi sur la santé et la
sécurité, mais qu'il atteigne effectivement le résultat
qu'on escompte. La lecture juridique et je comprends les
préoccupations, il faut, dans une législation, prévoir le
plus grand nombre de choses, mais quant à nous, il y a des
expériences que nous vivons, qui nous démontrent que non
seulement on a raison d'avoir des craintes, mais parce qu'on vit avec ces
problèmes-là tous les jours, on
sait comment ça ce passe, notamment sur certaines questions.
Vous dites que votre intention n'est pas de réduire les droits
des syndicats accrédités, par exemple, au moment où on se
parle. Sur ce point-là, la philosophie fondamentale de la loi, toute la
philosophie de fond du projet de loi no 17, nous conduit à cette
conclusion-là. Comment et j'aimerais vous poser la question
à mon tour allez-vous traduire dans le projet de loi votre
intention réelle, si c'est celle-là, en ce qui concerne deux
points en particulier, les comités paritaires et l'article 280 que vous
avez soulevé tout à l'heure? Qu'est-ce que vous allez faire comme
amendements pour permettre aux syndicats, par exemple, de négocier
indépendamment des règles que fixe la loi? Ce que je veux dire
c'est que la loi est là, on la considère comme un minima. Est-ce
que les syndicats pourront négocier les conditions supérieures et
est-ce que ces conditions ne seront pas mises en cause par le
conciliabilité prévue à l'article 280? C'est une question
importante en ce qui nous concerne, à cause des acquis que nous avons et
à cause de l'avenir.
Il est vrai que le taux de syndicalisation au Québec est moins
élevé qu'en Suède, mais on ne commencera pas à se
décrire cette réalité-là, on la connaît trop
tous les deux et on sait trop de quoi cela dépend. C'est le même
phénomène dans le cas du refus pour le décret de la
construction. Vous m'avez dit: Combien de cas y a-t-il eu en ce qui concerne le
décret de la construction? Dans la construction, l'application du
décret, comme dans plusieurs établissements industriels et
commerciaux, est aussi reliée à l'ensemble des conditions et des
droits qu'ont les travailleurs. Sans sécurité d'emploi et sans
ancienneté dans la construction, c'est ce qu'on dit depuis des
années, c'est quasiment impensable que le règlement, le
décret soit appliqué de façon raisonnable, parce que
chaque fois qu'un travailleur veut l'appliquer, il est menacé de mise
à pied, il est menacé de congédiement, ou d'autres mesures
disciplinaires.
Toujours sur le droit de refus, vous dites: "Notre intention, n'est pas
de réduire les pouvoirs des syndicats existants". Sur les conventions
collectives, d'une part, j'ai posé la question.
D'autre part, sur le droit de refus, comment pouvez-vous nous expliquer
que la loi qui constamment réfère aux droits d'un travailleur,
partout dans la loi, on réfère aux droits d'un travailleur, on ne
réfère jamais aux droits des travailleurs; le travailleur, un
travailleur, etc.. Comment pouvez-vous nous expliquer, dans le cas du droit de
refus vous donniez l'exemple de la Saskatchewan qu'un syndicat
peut, dans certains cas, exercer un recours légitime vous avez
utilisé cette expression en termes de droit de refus, soit par le
biais de la concertation ou autrement, sur le plan des arrêts de travail
quand cela n'a pas fonctionné, qu'ils puissent recourir à cela
avec l'existence du Code du travail qui prévoit, par exemple, des
délais de grèves légales, etc? J'aimerais que vous nous
donniez votre opinion là-dessus et que vous nous disiez quelles sont vos
intentions, parce que le Code du travail interdit la grève
illégale. C'est défini par le code, comme étant un
arrêt de travail concerté. Alors, on présume que quand un
travailleur arrête, exerce son droit individuel que d'autres travailleurs
sont concernés par le danger existant ou font la même
interprétation que le travailleur de la situation, à ce moment,
la situation n'est pas corrigée quand on a suivi l'ensemble des
processus de la loi. Des travailleurs se concertent et arrêtent de
travailler; c'est une grève illégale.
Donc, si des travailleurs se concertent, comme je le dis, sans que le
projet no 17 ou sans que la loi 17 explicitement leur permette ce droit
collectif de refuser, on se retrouve dans une situation je me permets de
vous le dire où on va nous dire, encore une fois, qu'on est dans
un cas de grève illégale et où les syndicats vont
être passibles de poursuite, d'outrage, de prison, d'injonction, etc.
Je voudrais également commenter un autre point que vous avez
soulevé quand vous parlez des termes utilisés en ce qui concerne
le danger inhérent à l'emploi ou à la fonction. Pour nous,
ce n'est pas tellement une question juridique. C'est une question de
réalité de tous les jours. On se bute... C'est une question
philosophique aussi, parce que quand vous nous donnez l'exemple du policier
entre moi et vous qui s'en va à l'occasion d'un vol dans
une caisse populaire où il y a des bandits qui sont en train de voler
$30 000, c'est parce qu'on décide que les $30 000 ont suffisamment de
valeur pour mettre en danger la vie de trois ou deux gars. C'est un choix
économique qu'on fait. On choisit de protéger $30 000 et...
M. Marois: M. le Président, comment réagissez-vous
quand il s'agit des gars de la même brigade, que ce soit $5000, $3000 ou
$300, et en plus avec des otages détenus en-dedans, est-ce que vous
admettez qu'il y a là un côté qui est un peu dangereux dans
ce métier?
M. Rodrigue: Cela ne règle pas... l'exemple que vous me
donnez est le genre qui se produit, bien sûr. Mais je dis ce sont
des exemples qui se sont produits sur une échelle qu'il y a un
certain nombre de choix qui sont faits quand on est dans cette
matière.
Alors, quand on parle du danger inhérent, en fonction d'une
fonction ou d'un emploi donné, quant à nous, le problème
fondamental demeure l'objectif fondamental que vous dites rechercher et qu'on
dit rechercher, c'est-à-dire l'élimination des dangers à
la source.
On sait que dans la pratique, les employeurs, constamment, en vertu de
48 que vous m'avez cité tout à l'heure, en présumant qu'il
y a un programme de prévention, une des premières tâches du
comité paritaire qu'on touche là-dedans, une fois que l'objectif
global est défini, c'est l'équipement, les instruments, les
appareils protecteurs, etc.
Ce qu'on dit, ce qu'on soutient fondamentalement, c'est que ces
appareils vont être utilisés et considérés comme des
moyens temporaires, parce
que l'objectif, c'est l'élimination du danger à la
source.
(12 heures)
Le projet de loi ne précise pas ça. Il ne nous indique
d'aucune façon que ces moyens sont des moyens temporaires pour essayer
de régler la situation, ce qui nous fait dire que l'agent de
prévention, le comité paritaire vont être des agents de
l'employeur pour forcer les travailleurs à respecter d'abord le port
d'équipement et, ensuite s'ils ne le font pas, à agir au niveau
des pénalités. C'est pour ça qu'on dit que, dans la loi,
on n'est pas protégé contre ces tactiques; on peut avoir raison
dans deux ans, mais effectivement, pendant ce délai, il y a une foule de
travailleurs qui ne pourront pas de fait exercer leurs droits à cause de
la peur, des craintes, etc.
Ce sont effectivement nos prétentions et nous pensons que, sur ce
plan, toutes les interprétations sont possibles et que nous serons dans
plusieurs situations de complications. Comme on vous l'a dit tout à
l'heure, il y a des droits fondamentaux qui sont reconnus, comme le droit
à la syndicalisation; on est constamment appelé à
défendre des gars et des filles congédiés pour
activités syndicales. C'est un peu le même phénomène
qu'on craint dans le projet de loi no 17.
Quant à la nomination des membres des comités paritaires
et au fait que le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir de
dénommer, nous ne sommes pas de cet avis, tel que nous
interprétons la loi actuellement. Nous pensons que si ça n'est
pas clarifié sur ce plan...
M. Marois: Le pouvoir de dénommer?
M. Rodrigue: Bien sûr, ou que le pouvoir appartient
à celui qui nomme, il a ce pouvoir de dénommer, de changer son
représentant. Vous nous dites: C'est ça qu'on veut dire, c'est
ça qu'on recherche, c'est ça qu'on interprète. Alors, on
pense que...
M. Marois: Je vais le faire regarder. Mes juristes disent
toujours que le pouvoir de nommer entraîne celui de dénommer,
mais, si vous pensez que ça ajoute quelque chose de l'ajouter, je veux
bien le regarder.
M. Rodrigue: Cela est une chose, M. le ministre, mais quand vous
nous dites: Le pouvoir de nommer entraîne le pouvoir de dénommer,
en même temps vous nous dites: On veut reconnaître au syndicat, aux
travailleurs et aux travailleuses qui sont là, le pouvoir de nommer son
représentant. Mais dans quelle situation se retrouve-t-on quand, dans
une usine, on est en présence de 1000 travailleurs et qu'il y en a 500
d'organisés syndicalement? Les 500 autres sont organisés dans
trois autres unités d'accréditation ou pas du tout. Est-ce que
c'est le syndicat encore qui va nommer le représentant pour l'ensemble
des travailleurs de l'usine? Qu'est-ce qui va arriver? On risque d'être
noyé dans une série de regroupements, même si on est
organisé. Alors, ce sont ces problèmes qu'on voit venir.
M. Marois: Est-ce que dans le cas de la loi 101 le même
problème ne s'est pas posé?
M. Rodrigue: Je pense qu'effectivement nous nous retrouvons dans
une situation similaire.
M. Marois: Et est-ce que des solutions n'ont pas
été trouvées entre les parties à condition d'avoir
une certaine souplesse et de respecter un certain nombre de règles de
base? Est-ce qu'on n'en est pas arrivé à des situations où
ces problèmes ont pu être résolus...
M. Rodrigue: Oui, mais vous admettrez avec moi...
M. Marois: ... à condition d'essayer d'éviter de
figer les choses?
M. Rodrigue: ... que ce n'est pas la même situation
quotidienne, quand même. Vous avez cru bon dans le projet de loi...
M. Marois: Dans le cas de la loi 101, pour les comités
paritaires, je prends note que ce n'est pas la même situation. Je prends
aussi note que vous faites la comparaison avec la loi 101 pour la mauvaise
foi.
M. Rodrigue: Je parlais des conséquences de nominations;
ce ne sont pas les mêmes effets et ça n'a pas les mêmes
conséquences. Je pourrais vous dire que vous avez cru bon d'être
plus clairs dans la loi 101 sur un certain nombre de choses et que, dans le
projet de loi no 17, c'est plus confus.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, remercier les gens de la CSN, de la Fédération des
syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques, ainsi
que la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du
bois du mémoire, des documents et de l'annexe qui ont été
déposés ce matin. Je voudrais saluer cordialement tous les
travailleurs et membres de la CSN qui ont jugé bon de venir prendre
contact avec la commission parlementaire réunie pour étudier le
projet de loi no 17 et souhaiter la bienvenue avec beaucoup de respect et mes
salutations bien distinguées, au groupe de dames qui sont venues
à la commission ce matin qui pourraient nous parler des effets des
mesures que nous allons adopter ou que nous sommes appelés à
adopter éventuellement.
M. le Président, je vais me limiter à un bref commentaire
et à des questions. J'aimerais bien entendre M. Rodrigue sur les
commentaires que je vais formuler sur l'interprétation qu'on donne ou
qu'il donne et que nous donnons, du côté de l'Opposition
officielle, au projet de loi 17, et j'aurai quelques questions par la
suite.
Vous déposez un mémoire ce matin dans lequel vous dites:
Nous souscrivons au principe. Nous sommes d'accord sur plusieurs des
éléments
qui sont contenus dans le projet de loi 17. Déjà,
jusqu'à maintenant, plusieurs intervenants ont eu l'occasion de nous
dire la même chose, à savoir qu'essentiellement ils étaient
d'accord sur les objectifs recherchés, jusque dans une certaine mesure,
sur l'approche qui est donnée et sur le principe du projet de loi, sans
pour autant être d'accord sur le libellé et certains aspects bien
spécifiques du projet de loi.
Ce qui est proposé dans le projet de loi 17, l'objectif
recherché, comme c'était écrit dans le livre blanc,
quoique c'est peut-être plus difficile de le retrouver dans le projet de
loi 17, c'est qu'on procède collectivement, conjointement à
l'élimination des causes d'accidents et de maladies industrielles.
Tout le monde convient, autour de cette table, dans tous les partis
politiques et parmi tous les intervenants, qu'on ne peut pas tolérer et
qu'on ne peut pas accepter, qu'un gouvernement ne peut pas accepter et qu'un
individu ne peut pas accepter, comme membre d'une société, qu'on
continue à se payer ce dommage-là et se payer cette situation
qu'on a chaque année, avec toutes les implications que cela peut
comporter, les milliers de dossiers qui sont ouverts chaque année
à la Commission des accidents du travail, encore là des centaines
de milliers de requêtes et de réclamations qui sont
présentées, plus de 200 personnes qui y laissent leur vie par
année. C'est inacceptable et il faut agir.
Le gouvernement a traduit des objectifs, a déposé un livre
blanc sur lequel certains groupes ont été consultés. Ce
livre blanc a abouti à un projet de loi-cadre qu'on est à
étudier actuellement. Ce projet de loi vient surtout faire une
réforme de la structure. C'est ce que nous croyons. Ce projet de loi
établit les nouveaux mécanismes. Ce projet de loi nous parle
d'une participation plus active, d'une prise en charge véritable par les
travailleurs des mécanismes et leur participation aux services de
santé et de sécurité. Encore là, on peut être
d'accord là-dessus, mais, essentiellement, que fait ce projet de loi? Il
vient créer une Commission sur la santé et la
sécurité au travail qui aura un mandat particulier, qui aura,
entre autres, l'aspect, l'obligation de rédiger les programmes de
santé et les adopter avec un pouvoir réglementaire qui nous
apparaît comme étant exorbitant. On aura, au sein des entreprises,
un mécanisme de participation employeur-employés, avec les
comités paritaires. Je pourrai y revenir tantôt. Tout l'aspect
médical du dossier ou du problème est remis dans le réseau
public, dans les services publics avec les centres hospitaliers et les services
de santé communautaire, les CLSC, etc.
Vous avez longuement fait état dans votre mémoire des
comités paritaires. C'est peut-être là un problème
d'interprétation. Peut-être que l'interprétation qu'on
donne aux articles relatifs aux comités paritaires n'est pas bonne. Nous
n'avons pas la prétention d'avoir la vérité absolue, mais
vous lancez ce matin dans le débat les mêmes inquiétudes
que celles que nous avons. Le minis- tre nous dit: On va voir tout cela; on va
peut-être corriger certains articles; le libellé de notre texte
n'est peut-être pas suffisamment clair à certains égards.
Je me dis essentiellement ceci: Les comités paritaires, c'est une
structure qui, dans certains cas, ne sera pas nouvelle. C'est une structure qui
peut être valable et concluante en autant qu'elle a des pouvoirs. C'est
bien de parler de structure, de mécanismes de participation et de prise
en charge par les travailleurs, de participation de ceux-ci aux
problèmes de santé et de sécurité, mais encore
faut-il qu'à l'intérieur de ces mécanismes, aux endroits
où ils ont des pouvoirs, aux endroits où ils ont une place ils
aient des pouvoirs.
Nous avons proposé vous en avez peut-être pris
connaissance nous avons formulé le voeu que, pour ce qui concerne
le comité paritaire, il n'y ait pas d'obligation comme telle dans la loi
dans le sens que, dans les entreprises où il y a déjà des
syndicats, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'établir
dans la loi un mécanisme de comités paritaires. Il nous
apparaît, quant à nous, que dans les industries, les entreprises
où il y a des syndicats, c'est une chose qui est négociable.
Jusqu'à maintenant, dans plusieurs catégories d'industries, dans
plusieurs catégories d'entreprises, il y a déjà des
comités paritaires qui sont le fruit, somme toute, d'une
négociation, parce qu'on a au Québec vous pourrez revenir
là-dessus peut-être des comités paritaires comme
ceux-là qui ont négocié. On a déjà atteint
des objectifs par la négociation, objectifs qui sont recherchés
par le projet de loi.
Je crains que cela impose une certaine limitation aux
possibilités pour les travailleurs de participer véritablement
à la définition, aux obligations et aux droits qui sont
édictés en vertu du projet de loi 17. D'abord, votre position sur
la possibilité que, dans les entreprises où il y a des syndicats,
il n'y en ait pas, que ce soit laissé à la libre
négociation des parties, votre interprétation des pouvoirs du
comité paritaire, eu égard aux articles 63 et 64 je me
permets de les reprendre parce que c'est important on en a
discuté brièvement jeudi soir, à la toute fin des travaux
de la commission.
L'article 63 du projet de loi donne les fonctions du comité de
santé et de la sécurité du travail. Il y a deux
éléments dans ces articles c'est de 1 à 13:
Premièrement, les fonctions du comité sont de choisir les moyens
et les équipements de protection individuelle qui, tout en étant
conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des
travailleurs de l'établissement; deuxièmement, d'établir,
au sein du programme de prévention, des programmes de formation et
d'information en matière de santé et de sécurité
je vous épargne la nomenclature de tout le reste
troisièmement, faire des recommandations; quatrièmement,
coopérer ce n'est pas trop décisionnel intervenir,
faire des recommandations à l'employeur, etc.
A l'article 64, on peut voir ce qui arrivera dans les cas où,
à l'intérieur du comité de santé et de
sécurité, il y a désaccord, qu'est-ce qui arrive
effectivement? "En cas de désaccord au sein du comité
relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément
aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63, les représentants des
travailleurs adressent par écrit leurs recommandations aux
représentants des employeurs qui sont tenus d'y répondre par
écrit". Là, c'est l'enclenchement du processus d'appel à
la Commission de santé et de sécurité, la commission
provinciale.
L'interprétation qu'on en donne, c'est que les pouvoirs sont
quand même très limités pour les comités de
santé et de sécurité à l'intérieur d'une
entreprise, puisqu'il y aura un droit d'appel de prévu seulement dans
les cas de l'application des premier et deuxième alinéas de
l'article 63. Pour le reste, on peut se poser la question, à savoir ce
qui adviendra ou ce qui arrivera. Le ministre en donne une
interprétation différente. Je ne sais pas s'il a eu le temps d'y
réfléchir en fin de semaine, de regarder cela avec ses juristes,
mais il pourrait tout au moins prendre quelques minutes, après que vous
aurez fait vos commentaires, pour nous répondre là-dessus, s'il y
a des éléments nouveaux à apporter au dossier. Quant
à nous, nous croyons que si on veut donner de véritables pouvoirs
à ces comités, on devra élargir l'application de l'article
63 et les mécanismes d'appel, nécessairement.
Il y a un autre aspect. Nous croyons j'aimerais bien, encore une
fois, avoir votre opinion nous avons soutenu, et nous le soutenons
encore, que la commission, au lieu d'établir des programmes de
santé qui s'appliqueront à toutes les entreprises du
Québec, à toutes les catégories d'entreprises, même
à la petite entreprise qui a douze employés, aurait dû
le projet de loi devrait le dire, le projet de loi devrait le
prévoir intervenir dans des secteurs prioritaires avec un
objectif à atteindre dans certains secteurs prioritaires où il y
a des problèmes. On sait qu'il y a des problèmes dans certains
secteurs de l'industrie, dans certains secteurs des entreprises. Intervenir
avec des normes spécifiques à ces entreprises, c'est la crainte
qu'on a.
Vous aurez des représentants des travailleurs qui
siégeront à cette commission. Vous avez de l'expérience
des comités paritaires, des grandes commissions et des participations et
tout ça. Nous craignons, quant à nous, que cette commission
édicte des normes qui, dans les faits, seront minimales. C'est
là, le danger, quant à nous. Normes minimales qui auront l'effet
suivant: Dans certains secteurs de l'industrie, il y a des entreprises qui ont
des blâmes à prendre, il y a des entreprises qui n'ont pas rempli
leurs responsabilités et ça, on a eu l'occasion d'en parler
jusqu'à maintenant et on aura l'occasion d'en reparler quand certains
groupes comparaîtront devant nous. (12 h 15)
II y a aussi au Québec des entreprises à
l'intérieur desquelles la relation employeur-employé, à la
suite d'une négociation pour le renouvellement de la convention
collective... Il y a, dans ces entreprises, des efforts qui ont
été déployés et des objectifs qui ont
été atteints. Dans certaines catégories d'entreprises, il
y a des normes spécifiques qui s'appliquent, des normes qu'on s'est
données. Nous craignons, quant à nous, qu'on fasse table rase de
tout ça et que le droit pour la commission d'édicter un
programme-cadre de santé qui s'appliquera à certains secteurs de
façon vague et générale avec les limitations que ça
peut impliquer, avec toute la pondération, parce qu'on peut
présumer qu'il y aura une certaine pondération de tout ça
au niveau de la commission; il y a des facteurs qui vont être nettement
déterminants, le facteur économique, le facteur de la
possibilité, pour certaines catégories d'industries, de s'adapter
techniquement à des normes édictées et tout ça...
Somme toute, la grande crainte que nous avons, c'est que ce soit une norme
strictement minimale et que ça fasse table rase de ce qui est
déjà au-delà de la norme minimale dans certaines
catégories d'industries.
Si on tient pour acquis que les programmes de santé devraient
s'appliquer dans les secteurs prioritaires, si on tient pour acquis, par
sucroît, que dans ces secteurs on peut présumer qu'ils sont
largement syndiqués les comités de santé seraient
possibles lorsque les deux parties le veulent, le syndicat et l'employeur,
lorsque le syndicat le veut, nous disons: Les syndicats, par la
négociation, pourraient faire davantage pour aller au-delà de la
norme minimale, mais nous croyons que le comité paritaire, tel
qu'institué et tel que défini en termes de pouvoirs à 63,
64, soit une limitation aux pouvoirs des travailleurs en ce sens-là.
C'est là le sens de mon premier commentaire. Il y a des
questions. J'aimerais bien avoir votre position là-dessus, et je
reviendrai avec des questions plus spécifiques, entre autres, sur le
sujet tout à fait contentieux qui laisse place à
l'interprétation, qui est la notion du droit de refus.
M. Rodrigue: Avec votre permission, je voudrais dire d'abord que
nous sommes d'accord avec une loi nous l'avons exprimé le
patronat aussi est d'accord avec une loi. Mais nous ne voulons pas une loi qui
ne veut rien dire. On veut une loi qui dit ce que nécessite la situation
en termes de correction, dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, ce que nous disons quant au comité
paritaire et des syndicats, pour essayer de synthétiser notre position,
c'est que, peu importe ce que le gouvernement ou l'Opposition donne comme
interprétation généreuse du rôle des syndicats,
nous, ce que nous savons, c'est que les employeurs, eux, après
l'adoption de la loi, vont en donner une interprétation restrictive et
ils vont tenter de limiter la santé et la sécurité au
rôle c'est-à-dire les comités consultatif des
comités paritaires. Ils vont tenter de réduire la santé et
de la limiter au rôle consultatif des comités paritaires.
Nous savons que ça ne fonctionne pas ainsi. Quant à nous,
notre expérience, c'est qu'avec des compagnies qui recherchent le profit
il faut développer un rapport de forces. C'est cela,
l'économie
libérale; on peut s'entendre au moins là-dessus,
même sans partager l'ensemble de la description. Tout ce qu'on dit, c'est
qu'il faut laisser aux syndicats toute la capacité de représenter
les travailleurs. Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il
était d'accord là-dessus. On veut que ce soit écrit dans
la loi, on veut qu'il soit inscrit dans la loi que les syndicats vont
représenter les travailleurs sur cette question.
Ce que les compagnies ont déjà fait, quant à nous,
c'est douteux. L'Association des mines a dit qu'elle s'en occupait depuis 1944
devant cette commission parlementaire. C'est drôle, quatre ans avant la
grève de 1949. On voit, à la lecture du Washington Post, dans
quel sens les compagnies qui sont concernées s'en sont occupées
aussi, particulièrement dans l'amiante. C'est par un cas isolé
à la QIT qu'on a su que les travailleurs n'ont jamais été
informés de leur état de surdité par les compagnies. Il a
fallu mettre en place, à l'occasion d'une discussion avec l'employeur,
des moyens syndicaux pour forcer l'employeur, dans un premier temps, à
réparer, mais, finalement, pour forcer la description et la connaissance
de la réalité et des conditions des travailleurs.
En ce qui concerne les comités paritaires, c'est cela que nous
pensons. Effectivement, ce que nous disons, c'est que nous avons dans les
conventions collectives des gains supérieurs à la loi. On pense
qu'il y a des dangers qu'ils soient remis en cause par les articles dont on a
parlé précédemment. Cela, c'est principalement ce que nous
pensons. Quant à la commission, nous l'avons dit, pour nous, elle a trop
de pouvoirs. C'est une commission qui a des pouvoirs immenses. Cela met en
question, pour nous, la démocratie parce que c'est du pouvoir
législatif cédé à une commission et on est en
désaccord avec cela. Quant à son comportement,
éventuellement, et quant aux normes qu'elle devrait fixer, aux secteurs
qu'elle devrait fixer comme étant des secteurs prioritaires, nous
considérons que, quand le travail s'amorcera, dépendant du cadre
dans lequel on se trouvera, ce sera le temps de voir quelle sorte de
discussions nous pourrons faire à ce moment-là. Pour l'instant,
ce que nous recherchons, c'est une loi avec des objectifs et des dispositions
qui soient claires sur ces questions.
Je ne sais pas si M. Leclerc...
Le Président (M. Marcoux): M. Leclerc.
M. Leclerc (Yvon): Si vous me le permettez, j'aimerais, avant de
répondre à M. le député, attirer votre attention
sur trois morts accidentelles qui se sont produites la semaine dernière,
pendant que vous entendiez des mémoires. Il y a trois travailleurs qui
sont morts accidentellement. Mardi, le 4 septembre, Michel Brière, un
soudeur de 30 ans, président du syndicat des travailleurs de la
compagnie Canadian Welding de Montréal, a été tué
sur le coup en tombant d'une plate-forme à 30 pieds du sol. Michel
Brière travaillait dans le noir à l'intérieur d'un silo;
sa chute fut fatale.
Le jeudi 6 septembre, à 11 heures du matin, un travailleur de la
construction, dans les Lau- rentides, Serge Bruyère, boutefeu de
métier, à l'emploi de la compagnie Lemieux Inc., de Val Barrette,
est tué sur le coup lorsqu'une charge de dynamite a explosé.
C'étaient des travaux de voirie, dont le surveillant était un
chef d'équipe du ministère des Transports du Québec.
Un travailleur à l'emploi de la compagnie Pitt Québec
s'est noyé samedi le 8 septembre dans les eaux de la rivière
Outaouais. Il est tombé d'une barge servant aux travaux de dragage
actuellement en cours au barrage de Carillon de l'Hydro-Québec, une
société d'Etat. Cette compagnie était récemment
reconnue coupable également, en Ontario, de fraude. On pourrait dire
bien d'autres choses sur cette même compagnie qui continue à
oeuvrer au Québec.
Si on présente nos objections à cette loi-là, c'est
parce qu'on possède une expérience depuis un certain nombre
d'années. Personnellement, j'ai travaillé dans les mines durant
treize ans. J'ai vécu l'expérience des comités paritaires.
C'était de la foutaise. On refusait même d'informer des
travailleurs qu'ils ne devaient plus travailler sous terre à un moment
donné. C'était marqué sur leur carte: "no more work under
ground". Je me souviens avoir rencontré un député, M.
Bellemare, à l'hôtel Albert, dans les années 60, où
on nous avait promis que les cartes, les certificats de mineurs, les rayons-X
seraient transmis aux travailleurs. Cela a pris bien des luttes et c'est encore
loin d'être favorable aux travailleurs.
Les comités de chantiers paritaires, on vous rappelle à la
page 25 de notre mémoire, messieurs, ce qui a été
écrit par l'inspecteur en chef du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, qui les définira comme suit: "C'est un groupe de
personnes qui ne peuvent individuellement rien faire et qui décident
ensemble qu'il n'y a rien à faire". C'est rapporté dans un
rapport du comité de recherche en sécurité de l'Office de
la construction du Québec, novembre 1976, page 52.
Il n'y a pas si longtemps vous avez dit, M. Pagé, de l'article
64...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Johnson me demande de quel droit
vous parlez. Je voudrais indiquer au député de Johnson que le
député de Portneuf a posé plusieurs questions et M.
Leclerc fait partie du groupe de la CSN; entre autres, il présente le
mémoire du Syndicat CSN des bâtiments, et cela fait partie des
réponses aux questions posées par le député de
Portneuf.
M. Pagé: C'est ça. Continuez, M. Leclerc.
M. Leclerc: Merci, on n'aime pas se faire rappeler certaines
choses...
M. Bellemare: Je vais vous en rappeler tout à
l'heure...
M. Leclerc: En 1964...
M. Bellemare: Attendez, je vais vous en rappeler d'autres...
M. Pagé: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. Pagé:
Question de règlement...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Un instant, M.
Leclerc. Je suis convaincu que le député de Johnson, qui
habituellement donne sa collaboration à la présidence, va
continuer à garder son calme. Il aura tout le loisir tantôt,
immédiatement après le député de Portneuf, de faire
les commentaires à la fois sur les mémoires
présentés et poser des questions et intervenir dans le
débat. Actuellement, c'est M. Leclerc qui répond à la
question du député de Portneuf.
M. Leclerc: A l'article 64, on pense que ce n'est même pas
suffisant, parce qu'en 1973 dans le temps, cela s'appelait la Commission
de l'industrie de la construction l'office, cette commission avait comme
responsabilité de faire appliquer les règles de
sécurité sur les chantiers.
Eh bien, en 1973, il y a une résolution qui a été
adoptée au conseil d'administration à l'effet d'y aller plus
"mollo" avec les "boss" de la construction lorsqu'ils violaient le Code de
sécurité. Je vous dis cela. Peut-être que je résume
vite, mais cela a paru le lundi 15 octobre dernier. Le conseil d'administration
de la Commission de la construction a adopté, à une
majorité constituée par tous les patrons présents, une
résolution qui risque d'anéantir le peu de travail qui s'est fait
jusqu'ici pour assurer la sécurité physique des travailleurs de
la construction et on disait: Avant de faire un avis d'infraction, vous devriez
lui donner seulement un avertissement. A ce moment, ce serait mieux. On sait
que le massacre des chantiers de construction s'est poursuivi.
Je pense que ce projet, quand on le regarde la FTQ dit la
même chose, votre collègue, M. Pagé, en a fait la remarque
de plus en plus, ce Parlement. l'Assemblée nationale vote des
lois qui laissent à d'autres les pouvoirs de réglementation. Il y
en a 80 qui sont suggérés dans ce projet de loi 17. Il me semble
que vous êtes élus pour voter des lois au complet, d'un bout
à l'autre, pas des parties de loi. Après, on se réveille
avec des inconvénients.
J'ai l'impression que ce projet de loi est un mauvais devoir, fait
à partir d'une intention qui avait été annoncée par
l'ancien ministre du Travail, M. Harvey, en 1975, telle qu'elle apparaît
dans la Presse du 5 novembre 1975. C'est un mauvais plagiat et quand on plagie
mal, non seulement n'a-t-on pas du tout de note, mais on devrait en avoir en
dessous de zéro.
Quand on parle du droit inhérent d'élimination à la
source; je pourrais rappeler aux responsables de ce projet de loi, si
vous permettez, M. le Président que dans le numéro de
juillet-août 1979 de Travail-Québec, on termine un article qui
parle des accidents du travail: "... l'erreur n'est pas toujours humaine".
C'est fait par M. Yanick Villedieu et on termine l'article de cette
façon. Comme le dit Michel Pérusse: "Les mécanismes
psychologiques, les facteurs humains sont si variés et si nombreux
à ce niveau qu'il est plutôt illogique de chercher à
changer un individu pour faire la lutte aux accidentr. du travail. Il serait si
logique de... changer les conditions de travail dangereuses, pour supprimer le
risque à la source." Vous allez me dire: C'est ça qu'on cherche.
Mais ce n'est pas ce qu'on voit dans le projet de loi. Notre expérience
nous convainc tout à fait du contraire. Loin de là, on
s'aperçoit vous avez dit que dans la construction, on a le droit
de refus et il n'est pas utilisé souvent. Ce n'est pas parce qu'il n'est
pas utilisé souvent qu'on devrait le diminuer pour autant; s'il n'est
pas utilisé souvent, vous êtes conscients comme nous que c'est
parce que le président de la CSN l'a dit également
c'est un manque de sécurité d'emploi, un manque
d'ancienneté et les gars savent que s'ils refusent, c'est plus tard un
congédiement déguisé en mise à pied. (12 h 30)
Dans le projet de loi, vous avez fait disparaître la notion du mot
"discriminatoire", qui était pour nous un moyen d'aller chercher
certains arbitrages où on a obtenu gain de cause. Même là,
au niveau de l'arbitre, on a obtenu gain de cause, ce n'est même pas
possible parce que ça ne s'applique pas.
Je ne veux pas prendre plus de temps, mais lorsqu'on regarde le Code de
sécurité et le principe général à 2.1.2:
"Tout chantier de construction doit être conçu et tenu de
façon à protéger les travailleurs contre les risques
professionnels et en assurer la salubrité." Pour nous, les risques
professionnels, cela veut dire votre truc d'inhérent et tout cela. Il
n'y a pas si longtemps, l'Hydro-Québec et la SEBJ se vantaient de monter
les tours dans une moyenne de huit minutes et on a eu un lot
élevé d'accidents mortels récemment à la SEBJ sur
le territoire de la baie James. Cela veut dire, pour nous, que ce n'est pas
parce que le gars monte dans cette tour-là que c'est inhérent
à son métier qu'il doit fatalement tomber. Non, on doit
l'équiper en conséquence. Cela veut dire que, pour le travailleur
sur les structures d'acier, on doit peut-être prendre une matinée
pour mettre des filets de sécurité. Peut-être qu'à
ce moment-là on fera moins de production, mais on aura
protégé la vie du gars et d'autres gars qui pourraient tomber.
C'est cela pour nous autres, les risques professionnels. Les risques
inhérents, on n'accepte pas cela, parce que c'est la plus belle
échappatoire pour ne rien faire pour laisser les massacres se
continuer.
Cela veut dire qu'en faisant votre projet de loi vous nous avez
enlevé un article qui était très important pour nous dans
le décret, le bien-être. Cela veut aussi dire que, quand les
travailleurs n'auront plus le bien-être ou l'hygiène, ils auront
comme seul choix, comme le leur suggère M. Claude Laliberté,
président-directeur général... Lorsqu'on lui a fait part
que les travailleurs avaient
du pain moisi sur le chantier de la SEBJ, un chantier qui appartient
à l'Etat, dont vous êtes responsables, M. le
président-directeur général nous a dit ceci: "On
m'informe, de plus, que le pain de qualité douteuse n'était pas
offert à la consommation, mais détruit et que, si des parties
avaient pu échapper à l'inspection, les consommateurs pouvaient
facilement choisir les tranches de pain saines." C'est le genre de
réflexions que vos employés de sociétés d'Etat ont
à l'endroit du bien-être des travailleurs.
Je termine avec cela. L'Organisation mondiale de la santé a
défini la santé comme un état de bien-être physique,
mental et social complet et non pas comme la simple absence de maladies ou
d'infirmités. Allez là et, après, on va croire que vous
êtes prêts à éliminer les dangers à la source.
Nous pensons, en tout cas, à partir de notre expérience dans la
construction, qu'avec l'encadrement, l'élimination de la vie syndicale,
l'état policier à la baie James toléré par un parti
au pouvoir qui s'est prétendu démocratique, ce n'est pas du tout
l'élimination des dangers à la source qu'il veut avoir; c'est
l'élimination des syndicats dans leur rôle de protéger la
vie des travailleurs.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je voudrais simplement rappeler que lors des travaux des
commissions parlementaires et de la présentation des mémoires, la
parole est à nos invités, et normalement, les manifestations
d'appui comme il vient de s'en produire ne sont pas permises. Evidemment, il y
a des situations où on peut avoir l'esprit beaucoup plus large. Sur le
même sujet, il y un monsieur qui voulait ajouter...
M. Pagé: On prend note que le président s'en vient
avec un esprit libéral, c'est bien.
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez me faire entrer
dans ce sujet, on pourrait s'amuser longtemps. Monsieur, si vous voulez vous
identifier, pour les fins du journal des Débats.
M. Gagnon (Sylvio): Sylvio Gagnon, de la Fédération
des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques
affiliée à la CSN. Je voudrais essayer de procéder par
quelques exemples concrets du fonctionnement d'un comité paritaire. J'ai
vécu dans une entreprise où il y a un comité paritaire de
sécurité, qu'on a négocié de peine et de
misère. On n'a négocié que cela dans la convention
collective. Je pense que le député de Joliette va se souvenir du
nom de la compagnie, c'est Canadian Gypsum. On se rappelle un peu comment cela
fonctionne. On s'est aperçu que le fonctionnement d'un comité
paritaire dans le concret, c'était, en fait, un comité de
bavardage ou de café, parce que les gens qui prennent les
décisions, on ne les a pas devant nous. On fait face à une
multinationale où la haute direction est à Chicago. Les gens qui
sont devant nous, pour être très polis, sont des marionnettes,
puisque tout ce qu'ils nous répondent, c'est: Ah! Je serais bien
d'accord que cela change, qu'on améliore telle situation, sauf que la
décision est prise à Chicago.
On connaît le fonctionnement d'une entreprise multinationale.
Souvent, on fait des remarques sur le fonctionnement du fonctionnarisme, des
ministères, de la lourdeur. Je pense que dans certaines multinationales,
c'est presque aussi mauvais, c'est peut-être pire parfois. Les
décisions sont prises à Chicago. Il faut qu'elles passent par
Toronto. Ensuite, elles se retrouvent à Montréal. Quant vous vous
retrouvez, deux ou trois travailleurs, devant deux ou trois
représentants de la compagnie et que vous discutez d'un problème,
lorsque cela n'implique pas ou à peu près pas de moyens
financiers, il n'y a pas de problème, on arrive à s'entendre.
Mais lorsqu'il arrive, par exemple, dans l'usine où je travaille,
qu'il y a une machine c'est inhérent qui fait du bruit;
c'est un concasseur. Les travailleurs qui sont là ont dit à la
compagnie: Vous allez leur construire un appartement isolé pour qu'ils
travaillent sur leur instrument. Cela aura deux fonctions: Cela va les isoler
du bruit de la machine et cela va les isoler aussi de la poussière que
la machine peut produire. Cela fait au moins cinq ans qu'on fait la demande et
il n'y a pas le début d'un mur, parce que cela implique pourtant,
ça ne coûte pas une fortune quelques centaines et quelques
milliers de dollars seulement et ça n'a jamais bougé. Vous me
direz que je prends peut-être des exemples extrêmes. C'est une
compagnie qui est reconnue pour ses mauvaises relations de travail,
d'innombrables conflits, mais, dans la fédération que je
représente, ce ne sont pas des cas uniques. Je pensais, moi, à ce
moment-là, lorsqu'on a eu des conflits avec l'entreprise, que cette
compagnie était un cas unique, mais, à travailler dans la
fédération, je m'aperçois que ce n'est pas ça,
qu'il existe beaucoup d'entreprises peut-être la majorité
qui sont dans le même cas. Lorsqu'il y a une décision
économique, le bonhomme qui est sur les lieux, qui est face au
comité paritaire, lui, ne peut rien prendre comme décision,
généralement.
Je voudrais aussi essayer de faire une hypothèse, par exemple,
parce qu'il y a d'innombrables entreprises au Québec. Il y aura
probablement, si le projet de loi est adopté tel quel, d'innombrables
comités de sécurité et je pense aussi que dans
d'innombrables cas, on se retrouvera devant des comités qui ne
s'entendront pas, où il n'y aura pas de décisions de prises. Or,
peut-être que le ministre pourra me répondre là-dessus.
S'il n'y a pas de décision et il y a un problème grave de
sécurité à l'intérieur de l'usine, est-ce que la
décision est référée à la nouvelle
commission, etc. et que c'est elle qui va prendre les décisions à
la place des comités? Je voudrais être éclairé
là-dessus. Si c'était le cas, à savoir que pour
régler les problèmes à l'intérieur de l'usine, il
fallait référer ça à la commission qui, elle aussi,
est une commission paritaire et avec un président qui aura un double
droit de vote, par exemple, ça voudra dire que beaucoup de
décisions qui devraient être prises à la base vont
être prises par le président de la commission.
C'est une espèce d'arbitrage obligatoire dans le domaine de la
santé et de la sécurité. Il y en aura tellement, à
mon avis, que ça va prendre une éternité avant d'avoir une
décision au niveau de la base. Ce sera extrêmement lourd, ce mode
de fonctionnement. Or, quand on dit que le projet de loi, fondamentalement,
c'est la prise en charge, par les gens du milieu, de leur santé et de
leur sécurité, j'oppose des doutes sérieux. C'est pour
cela que la fédération...
D'abord, en passant, je voudrais faire remarquer qu'à la page 14
du mémoire de la fédération où on parle du retrait
du mot "positif" à l'article 2 de la loi 52, effectivement, c'est
changé dans le projet de loi, c'est corrigé par l'article
279.2.1, à la page 64 du projet de loi, cela a été
corrigé, c'est réglé. On y tient quand même,
j'espère que cela ne changera pas.
Je voudrais tout simplement faire remarquer, encore une fois, que cette
prise en charge par la base de la sécurité de la santé va
se retrouver devant un fonctionnement tellement lourd que cela n'aura pas
d'effet, à mon avis.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Je vous remercie, messieurs, du témoignage
très éloquent dont vous venez de nous faire part. On était
habitué, depuis une semaine, à parler de structure, de
participation, de mécanismes et d'aspects médicaux, cela fait du
bien, de temps en temps, d'entendre parler de problèmes concrets et des
répercussions que cela peut avoir. Quant à moi, je suis satisfait
de votre témoignage, ce matin, parce qu'à plusieurs
égards, nous sommes d'accord avec ce que vous énoncez, surtout
quand vous dites que les comités paritaires seront pas mal plus des
comités de placotage que de décisions. Il ne faut pas par cette
loi le problème est trop important et la réforme se doit
d'être en profondeur passer à côté du
problème et des mécanismes de solution pour que les
problèmes se règlent véritablement à la base. Un
autre élément, l'arbitrage obligatoire, c'est cela, somme toute,
le principe que sous-tend ce projet de loi, l'arbitrage obligatoire des
problèmes de santé et de sécurité au niveau de la
base.
J'aurais deux questions avant de terminer, je vais essayer de faire
vite, quitte à ce qu'on déborde un peu passé 13 heures
pour permettre à mon collègue, le député de
Johnson, de vous faire part de ses commentaires et de ses questions.
Il a été question, ce matin, du droit de refus, un droit
qui nous apparaît fondamental. D'ailleurs, c'est un droit que la
jurisprudence et les tribunaux ont reconnu, il n'y a pas de droit plus naturel,
selon moi, selon nous, que de permettre à un travailleur qui voit un
danger imminent pour sa santé et sa sécurité ou un danger
pour sa vie de dire: Moi, je ne travaille plus et j'arrête. Le projet de
loi vient l'écrire, vient prendre ce droit naturel, ce droit
fondamental, le libelle et le "textualise" avec ce qui implique
nécessairement des notions, ce qui implique nécessairement une
appréciation et une interprétation que vous donnez à la
loi.
Le milieu syndical a insisté particulièrement pour que
l'on prenne ce droit, qui est conféré à un individu, qu'on
le déplace, et qu'on le confère maintenant au syndicat ou, somme
toute, que d'un droit individuel, on en fasse un droit collectif.
Il a été question évidemment des abus. Il y a des
opinions contradictoires là-dessus. Des gens craignent actuellement au
Québec que le milieu syndical, les représentants des travailleurs
ou les travailleurs se servent particulièrement de ce droit dans les
périodes de négociation de conventions collectives, entre autres
pour des arrêts de travail. Il est quand même opportun dans ces
cas-là de regarder ce qui s'est fait ailleurs. Ce droit existe ailleurs
qu'au Québec dans des textes de loi; il existe, entre autres, en Ontario
et nous avons eu l'occasion d'échanger, le ministre et moi, jeudi, sur
cet aspect du dossier, de l'expérience vécue en Ontario. Il nous
apparaît qu'en Ontario il n'y a pas eu d'abus. Je pars du principe et je
présume et je suis convaincu qu'il y autant de maturité syndicale
chez les travailleurs québécois qu'il y en a chez les
travailleurs ontariens.
Par contre, l'exercice de ce droit est sujet à certaines
conditions et à certains recours. Vous avez fait état tout
à l'heure des recours de congédiement, de suspension, etc. Le
danger que M. Leclerc a mis en relief, entre autres dans le secteur de la
construction, je pense qu'il a bien fait de le noter ce matin et
j'espère que le ministre en prendra bonne note. D'ailleurs, on pourra en
discuter cet après-midi avec les gens de l'AECQ. C'est le danger que le
recours à un droit de refus, que ce soit fondé ou non, puisse
donner lieu à un congédiement par la suite,
particulièrement dans le secteur de la construction où il y a
quand même une mobilité constante de la main-d'oeuvre.
Vous demandez que ce droit individuel devienne un droit collectif, mais
ne craignez-vous pas et je m'adresse à M. Rodrigue en particulier
qu'à ce moment-là, si le droit est collectif, le recours
prévu dans les cas d'abus de droit serait, lui aussi, collectif et que
le gouvernement en arriverait probablement à la conclusion, s'il
acceptait le principe du droit collectif, que le recours s'exerce à
l'endroit du syndicat? A ce moment-là, ça pourrait se traduire
par un droit de recours en dommages et intérêts, par exemple. (12
h 45)
M. Rodrigue: Le dernier élément de votre question,
c'est le cas. Si le syndicat fait une grève illégale
actuellement, il est poursuivi, c'est lui qui est en cause, c'est la
collectivité. Mais pour revenir...
M. Pagé: Si vous me le permettez, monsieur... M.
Rodrigue: Pardon?
M. Pagé: ... est-ce à dire que vous seriez
prêt à accompagner le droit collectif à un recours
collectif contre le syndicat en dommages et intérêts?
M. Rodrigue: Selon le Code du travail, les employeurs ont le
droit de lock-out actuellement.
Dans le cas d'un recours collectif du côté des
travailleurs...
M. Pagé: Abusif...
M. Rodrigue: ... pourquoi n'y aurait-il pas le même droit
équivalent? On n'a jamais mis cela en cause.
En ce qui concerne ce droit, je voudrais revenir sur le cas des abus, je
pense qu'en ce qui concerne les abus, vous me permettrez de vous dire que quand
on pense aux cas de surdité, d'amantiosés, aux accidents du
travail dans la construction, aux bras coupés, aux gaz et aux produits
toxiques, on pense que ce sont des abus. A un moment donné, on a
mentionné que la loi créait des obligations aux travailleurs. On
pense qu'effectivement elle crée de nouvelles obligations aux
travailleurs et on pense que ces travailleurs, justement, n'ont pas les moyens
économiques de régler la situation. C'est l'employeur qui est
responsable de la santé et de la sécurité.
Alors, c'est une question importante et fondamentale, parce
qu'effectivement c'est du nouveau pour nous, et sur le plan législatif,
cela va causer les problèmes qu'on a soulignés.
En ce qui concerne les cas de recours collectifs, d'arrêts de
travail, etc., dans le cas du droit de refus, ce que nous soutenons, dans les
circonstances actuelles avec le projet de loi, c'est que les travailleurs qui
exerceront ce droit vont se retrouver dans des situations de risques,
c'est-à-dire, d'une part, en plus des autres interprétations
possibles par les employeurs, de risques, parce qu'une fois qu'il a
exercé son droit sur le plan individuel, on pourra toujours,
indépendamment du fait qu'on ait raison ou non, prendre des
procédures, des mesures disciplinaires contre lui, etc.
Le projet de loi, dans ce cas, ne prévoit pas de statu quo ante,
par exemple. Quand le droit d'un employeur de congédier lui est
retiré, on ne croit pas qu'il doit être retiré à
l'employeur par le projet de loi. Mais s'il devait agir dans ce sens,
éventuellement, au moins on dit: II devrait y avoir quelque chose qui
protège le travailleur en attendant qu'il soit jugé, comme une
formule de statu quo ante.
Alors, on pense que sur ce plan, si le gouvernement a cru bon, dans la
loi 101, d'insérer des dispositions pour protéger les
travailleurs qui voulaient recourir à l'application de la loi, on pense
qu'en ce qui concerne la sécurité-santé, c'est important
de protéger la langue, mais c'est important de protéger ceux qui
la parlent aussi.
Alors, sur le plan de la sécurité-santé, on pense
qu'il devrait y avoir une protection aussi significative au moins.
M. Pagé: M. le Président, j'aurais une
dernière question à poser à M. Leclerc. Dans votre
mémoire, vous faites état, évidemment, des services
d'inspection qui sont propres au secteur de la construction, qui sont
actuellement dispensés par l'OCQ. Tous ceux qui connaissent un peu le
domaine savent pertinemment que depuis un an, entre autres, les gens de
l'Office de la construction sont préoccupés par l'application du
règlement de placement, etc, et je ne suis pas convaincu qu'à
l'OCQ, il y ait autant d'efforts qui se déploient actuellement au
chapitre de l'inspection et de la sécurité qu'il pouvait s'en
déployer il y a un an et demi.
On a parlé beaucoup ici d'intégration des services
d'inspection; vous avez des propositions particulières ce matin. M.
Rodrigue nous a dit, dans son mémoire, qu'il hésitait à
recommander une intégration à la commission,
préférant que les services soient regroupés dans un
ministère comme celui de l'environnement. Peut-être que je n'ai
pas bien compris tantôt, mais je crois que la question que le ministre a
posée à M. Rodrigue n'a pas obtenu de réponse. J'aurais
une question pour vous particulièrement, M. Leclerc: Qu'est-ce que vous
proposez? Est-ce que vous proposez que le domaine de la construction soit sous
la juridiction d'un service d'inspection général, avec une
section particulière applicable à la construction ou encore
êtes-vous d'accord avec l'effort actuellement déployé par
l'OCQ à ce chapitre?
J'aimerais bien vous entendre sur un dernier élément qui
apparaît dans votre mémoire. Vous savez, on n'a pas souvent
l'occasion de vous poser des questions, de vous rencontrer et de discuter de
ces problèmes. Vous faites état des grands projets de
construction, entre autres, des projets qui sont éloignés, et
vous arrivez avec un exemple bien précis qui est le chantier de la baie
James, le fameux dossier de la baie James, que nous sommes fiers d'avoir
lancé en 1971 et, qu'aujourd'hui, nos amis d'en face semblent vouloir
accaparer pour l'inauguration le 27, mais, ça, c'est une autre chose, on
en parlera en d'autres moments. Comment ça va à la baie James?
Vous dites que depuis six mois, il y a quinze personnes qui sont
décédées; moi, je me dis que c'est particulièrement
inquiétant. Vous demandez un genre de particularisme pour de gros
chantiers comme ceux-là et, particulièrement, pour ceux qui sont
éloignés. Alors, quelle est votre position là-dessus et
pourriez-vous expliciter davantage?
M. Leclerc: Pour la question de l'inspection, nous, on se rallie
à la position de notre centrale, à savoir que ça devrait
relever d'un service d'inspection général et même, à
l'occasion d'une réunion du secteur de la construction de la
Fédération du bâtiment, à la mi-août, il y
avait une centaine de personnes, en plein milieu de l'été, durant
les vacances, qui ont accepté de venir étudier le projet de loi
no 17, de regarder le tout. Les gens étaient favorables à ce que
ce soit regroupé. Il est évident qu'il y aura des inspecteurs qui
devraient avoir les aptitudes nécessaires pour étudier la
construction, pour mieux inspecter la construction.
En ce moment, il y a un métro, en construction à
Montréal. J'ai eu à siéger, en 1974 et 1975, et je me
souviens que M. Moisan, de l'Office de la construction, qui s'occupe de la
sécurité nous disait qu'il n'y avait pas d'inspecteur des
mines
pour le métro. Encore aujourd'hui je l'ai rencontré
récemment il m'a dit: II n'y en a pas plus. Nous pensons que la
sécurité par l'office devrait changer de place. Je ne suis pas
prêt à blâmer seulement l'office, parce que j'ai quand
même un instant! si je peux me retrouver, c'est la page 14
l'Office de la construction a constaté en 1976, 12,591 infractions aux
normes de sécurité de la construction. Dans cela, il y avait
à peu près 6000 cas, à peu près 52%, de
récidive où c'était les mêmes "boss" qui faisaient
cela deux ou trois fois. Seulement 521 plaintes ont été
portées. Ce nombre ne grimpe qu'à 1410 si on ajoute les avis
préalables payés. Il y a d'autres gens aussi qui ont une
philosophie différente. Pour eux autres, des gens qui se font massacrer
sur les chantiers de construction ou dans leur milieu de travail, ce n'est pas
important. Ils laissent aller les plaintes et ne poursuivent pas contre les
employeurs. Par notre position on disait: II devrait y avoir un meilleur
service d'inspection, mais il devrait aussi y avoir un système de points
de démérite pour les "boss". Après un certain nombre,
quand le "boss " aurait violé le code de sécurité un peu
trop il serait "out" de la construction, si je peux m'exprimer ainsi. Wallcrete
qui a tué deux gars à Mirabel a changé de nom. Elle
s'appelle Formcan. Elle n'a pas payé les avantages sociaux pour $400
000. Après, cette compagnie s'est appelée Galinor. Elle a
tué un autre travailleur. Elle n'avait même pas de permis de la
Régie des entreprises en construction du Québec dont le
président était à ce moment-là. M. Jean-Yves
Gagnon, qui est maintenant président de l'Office de la construction par
les bons offices du ministre du Travail où, à toutes fins utiles,
les parties n'ont plus leur mot à dire dans cette boîte-là.
C'est pour cette raison qu'on regarde cela et on pense encore une fois... Il y
a un article dans la loi plus loin qui nous dit: La commission, au niveau de...
va pouvoir décider de ce que le syndicat va faire, de ce qui va se
passer sur les chantiers et tout cela. C'est la commission. Selon nous, c'est
une mise en tutelle encore des syndicats. Elle est déguisée, elle
est plus subtile. Les libéraux, vous l'aviez fait directement avec le
projet de loi 29 à un moment donné en allant directement au but.
On n'était pas d'accord. Cette fois-ci, c'est plus subtil leur affaire.
C'est évident qu'on ne peut pas embarquer dans cela.
M. Pagé: Vous nous connaissez, et quant à eux, vous
apprendrez à les connaître.
M. Leclerc: Cela doit être cela.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
M. Bellemare: Je pense qu'on devrait suspendre, il est 13 heures.
Cela me donnerait peut-être la chance de préparer mon intervention
et de la faire tout d'un bout.
Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
Suspension de la séance à 12 h 56
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 17.
Je constate que les représentants de la CSN sont
déjà prêts à poursuivre la discussion. La parole
était au député de Johnson. Mais avant, vous me permettrez
de vous demander s'il y a consentement des membres de la commission pour que le
député de Frontenac soit intervenant à la place du
député de Viau.
Une Voix: Consentement.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement?
Une Voix: Votre micro.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement de la
part des membres de la commission pour que le député de Frontenac
remplace le député de Viau?
M. Pagé: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Merci, M. le Président, de m'accorder mon
droit de parole. Je voudrais, au début, féliciter le ministre
responsable du développement social de son courage et surtout de la
détermination dont il a fait preuve, d'abord par la publication de son
livre blanc et, ensuite, par le projet de loi que nous étudions
présentement.
Vous savez, M. le ministre, il ne faudrait pas vous en faire avec ceux
qui prétendent que vous êtes contre le bon sens. J'ai vu ce matin,
dans le mémoire que nous a lu le président de la centrale, un
passage qui m'a un peu frappé, surtout un "plan machiavélique
visant à contrer l'action syndicale". Ce n'est pas moi qui l'ai
écrit. C'est écrit dans leur mémoire. Un plan
machiavélique pour contrer le syndicalisme. Allons donc, M. le
Président! Je pense que le ministre a dit lui-même, ce matin,
qu'il réfutait d'emblée cette assertion en disant qu'il n'y a pas
de plan machiavélique pour contrer l'action syndicale, quelle qu'elle
soit. Je connais depuis trois ans à peine le ministre responsable du
développement social et je sais trop quelle sincérité il a
pour croire en une toute autre philosophie.
A la page 6, M. le Président, le mémoire va même
vous l'avez lu comme moi jusqu'à dire: "... s'imaginer
dans les circonstances qu'il peut y avoir coopération entre l'employeur
et la partie syndicale, c'est une naïveté pernicieuse". M. le
Président, on ne peux pas accuser le ministre, jusqu'à ce point,
de naïveté pernicieuse. Allons donc! Cela c'est écrit dans
le mémoire de la CSN. Il ne faudrait pas vous en faire, M. le ministre,
et, ce soir, avoir des cauchemars parce qu'on vous a dit ça. Vous savez,
je peux vous dire une chose...
M. Marois: Ecoutez, je lis beaucoup la série d'articles de
Mme Gagnon je l'ai évoquée à plusieurs reprises
sur le stress chez les députés. Je pense que ça va
bien, dans l'ensemble.
M. Bellemare: Vous savez, M. le ministre, que votre
collègue, le ministre Landry a...
M. Marois: J'apprécie beaucoup vos félicitations,
ce sont les fleurs; j'ai hâte d'avoir le pot qui s'en vient
derrière.
M. Bellemare: C'est sûr et certain qu'il y aura des
restrictions, mais j'ai moi-même été ministre du Travail et
président de la Commission des accidents du travail et j'entendais ce
matin quelqu'un qui me jetait une espèce de boulet par la tête. Il
ne faut pas connaître grand-chose dans l'administration publique pour
dire qu'on n'a rien fait. S'il y a un homme qui, comme président de la
CAT, a prouvé aux véritables travailleurs l'intérêt
qu'il avait pour les syndicats, c'est bien moi. Quand j'ai fait payer $100 000,
à la suite de l'échangeur Turcot, la compagnie Dominic Supports
Forms, il n'y a pas un seul homme qui a fait cela après moi, ni avant.
On a fait payer $100 000 à une compagnie privée, parce qu'il y
avait eu un défaut de forme. J'invite qui que ce soit à me
prouver que ce n'est pas moi qui ai établi le mérite et le
démérite dans la Commission des accidents du travail. On a
été les premiers à établir des bureaux
régionaux que vous êtes en train d'étendre un peu partout.
C'est moi qui ai fait cela.
On m'a déjà promené ici, en avant du parlement,
avec un gros boeuf qu'on pendait, c'était Chartrand qui faisait cela.
Lui qui a toujours eu seulement des allusions méchantes à
l'endroit des gouvernements et des ministres en nous traitant d'assassins,
d'être des gens qui encourageaient les compagnies à assassiner,
d'être des meurtriers, qu'a-t-il fait, lui, à part de gueuler?
Quand il était ici devant le parlement et quand les trois chefs
syndicaux ont été condamnés à la prison, il
était en bas. Quand il a vu que les gens commençaient à se
soulever, il a monté en haut et il s'est caché, il a
laissé aller tout le groupe. Cela, c'est du Chartrand! Mais Maurice
Bellemare a toujours fait face à ses obligations, et encore ce matin,
même s'il y en a qui m'attaquent. (15 h 15)
Je veux, M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Je demanderais aux
participants... Ce matin, lorsque des person- nes ont exprimé des propos
à l'endroit du député de Johnson, j'ai demandé au
député de Johnson de respecter le droit de parole de notre
invité. Je vous demanderais également de respecter le droit de
parole du député de Johnson.
M. Bellemare: M. le ministre...
M. Grégoire: Vous savez que des conflits syndicaux, cela
peut remonter jusqu'en 1949, lors de la grève de l'amiante.
M. Bellemare: Oui, et à celle de 1975, alors que vous vous
êtes caché, vous!
M. Grégoire: Et les matraques de ce temps, les matraques
de 1949...
M. Bellemare: ... ou Marchand et Pelletier et Trudeau qui
étaient venus en 1945 ne sont pas revenus en 1975.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!
M. Bellemare: Où étaient-ils en 1975 quand ils ont
fait la même grève de l'amiante, ces gens-là, les trois
"mautadites" colombes? Où étaient-ils et vous, où
étiez-vous?
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, a l'ordre!
M. Grégoire: J'étais à l'université,
j'étais étudiant.
Le Président (M. Marcoux): M. le député
de... M. Bellemare: M. le Président...
Une Voix: II allait chercher son papier pour répondre aux
critères.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Frontenac, les propos que j'ai adressés aux participants, aux
assistants, à nos témoins, s'appliquent également aux
membres de la commission et vous avez été accepté comme
membre, alors je vous incite...
M. Bellemare: M. le Président, le ministre a reçu
ce matin, dans le mémoire de la CSN certains avis du juge Beaudry, qu'on
a cité à plusieurs circonstances. Vous plairait-il, M. le
ministre, que je vous cite une déclaration du juge Beaudry qui vient
d'être faite le 10 septembre, qu'on retrouve dans le Devoir? Je cite:
"Malgré ses limites, le projet de loi 17 sur la santé et la
sécurité au travail représente plus qu'un simple pas en
avant, c'est plutôt un véritable saut en avant pour
l'amélioration des conditions de travail chez le travailleur. On passe
presque du noir au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi placera le
Québec au rang des pays les plus avancés quant à la
protection des travailleurs." C'est le juge Beaudry qui vient de dire cela, le
10 septembre. Est-ce qu'on peut contrarier cette opinion qui est juste?
Je ne dis pas, M. le ministre, que votre loi ne mérite pas
certaines améliorations, je le crois, mais vous êtes
véritablement courageux de venir, après votre collègue, le
ministre Landry, dire qu'il faut bâtir le Québec avec l'industrie
privée, sur de l'industrie privée qu'on va probablement
subventionner pour lui permettre une expansion. C'est dans la ligne du respect
des droits de chacun. M. le Président, la CSN avec son long
mémoire, ce matin, a gratté un peu des petites choses
insignifiantes dans votre loi, il y a une chose qu'il ne faudra pas oublier,
c'est que ces messieurs de la CSN qui ont des droits c'est sûr
qu'ils ont des droits, nous les reconnaissons avec beaucoup d'empressement
mais ils ont aussi des devoirs.
Si on nous avait demandé, ce matin, d'ajouter à l'article
38 des devoirs... Le travailleur doit prendre connaissance du programme de
prévention qui lui est applicable; deuxièmement, prendre les
mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa
sécurité et son intégrité au travail." Mais si on
avait dit: II doit respecter les normes de prévention aussi; c'est un
droit qu'ils ont et c'est un devoir qu'ils devraient avoir de respecter les
mesures de prévention aussi. Je n'ai pas besoin de vous dire vous
avez dû avoir l'expérience qu'on a trouvé, à
la Commission des accidents du travail beaucoup de gens qui avaient des
accidents du travail parce qu'ils jouaient sur l'ouvrage. Oui, oui, oui, parce
qu'ils jouaient. Je peux vous citer des cas.
Alors, vous avez des droits, d'accord, mais vous avez des devoirs
à faire. Il faudrait aussi que, dans la loi que je trouve bonne en soi,
il y ait des améliorations. A cause du contexte social actuel, j'ai
certaines remarques à faire, mais je pense que la loi est bonne dans son
ensemble et mérite sûrement que le ministre en soit
félicité. Il y a des choses dans la loi auxquelles il faudra
voir. C'est une question que je voudrais poser: Ne voyez-vous pas une
différence entre l'exercice du droit de refus mal fondé et
l'exécution du droit de refus de mauvaise foi? Je vous pose la
question.
M. Rodrigue: Vous posez la question à savoir s'il y a un
refus mal fondé et une mauvaise foi. Est-ce que je dois répondre
sur tout ou seulement sur cette question?
Le Président (M. Marcoux): Vous avez complète
liberté de parole.
M. Bellemare: Sur la question que je vous ai posée,
d'abord.
M. Rodrigue: Je voudrais d'abord, si vous le permettez...
M. Bellemare: Un instant, sur la question que je vous ai
posée: Ne voyez-vous pas une différence entre l'exercice du droit
de refus mal fondé et l'exercice d'un droit de refus de mauvaise foi? Il
doit répondre à ça. Le reste, je n'ai pas fini, j'ai le
droit de parole.
Le Président (M. Marcoux): Monsieur...
M. Bellemare: Vous m'avez enlevé le droit de parole ce
matin; je l'ai et je le garde. D'accord?
M. Rodrigue: Avant de répondre à la question...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, un instant. Je ne
vous ai jamais enlevé le droit de parole, M. le député de
Johnson, ce matin. Je vous ai demandé de respecter le droit de parole de
ceux qui l'avaient.
M. Bellemare: Je l'ai, j'espère que vous allez le faire
respecter.
Le Président (M. Marcoux): Deuxièmement, en ce qui
concerne les questions et les réponses, ce que j'ai indiqué
à nos invités, c'est que leurs réponses pouvaient
être plus ou moins étendues, pourvu que ça parle de la
santé et de la sécurité des travailleurs.
M. Bellemare: La question que je pose est bien directe. Je ne
voudrais pas que l'honorable monsieur qui est président vienne dilapider
tout mon texte.
M. Rodrigue: Je voudrais faire une déclaration
préalable à la réponse à la question et je tiens
publiquement, devant la présente commission, à dire que je
n'accepte pas les propos de M. Bellemare à l'endroit de mon camarade,
Michel Char-trand.
M. Bisaillon: Bravo.
M. Rodrigue: Je n'ai aucun doute sur la volonté de
Chartrand d'établir une justice pour les travailleurs et de permettre
que leur santé et leur sécurité soient
protégées, indépendamment des désaccords de
conception qui peuvent exister entre Chartrand, M. Bellemare ou d'autres
membres de cette digne Assemblée nationale.
Je voudrais, pour répondre à la question de M. Bellemare,
dire que le refus de travailler quant à nous, qui peut être
qualifiée de mauvaise foi ou de mal fondé, c'est un peu de
même nature.
Nous nous sommes exprimés ce matin sur cet aspect de mauvaise
foi, nous avons exprimé non seulement la crainte, mais la certitude que
même si un travailleur risquait d'avoir raison, après deux ans de
procédures dilatoires, la mauvaise foi pouvait servir de prétexte
pour agir, sur le plan disciplinaire, contre le travailleur, que ce soit de
mauvaise foi ou que ce soit un refus qualifié, de la façon dont
M. Bellemare l'a fait.
M. Bellemare: M. le Président, je ne reviendrai pas sur
une déclaration que j'ai faite quant à Michel Chartrand. Je pense
qu'entre la popularité qu'il a aujourd'hui et la mienne, je n'ai pas
à comparer!
A la page 29 de votre mémoire, vous dites que M. Dufour, du
Conseil du patronat, a déjà dit que le médecin de la
compagnie était un gestionnaire. Par la suite, à la page 30, vous
écrivez que le médecin responsable devrait être choisi par
le syndicat ou l'ensemble des travailleurs, s'il n'y a pas de syndicat. Ne
croyez-vous pas que le médecin choisi par le syndicat pourrait
être considéré comme un officier du syndicat? Il faudrait
peut-être consulter M. Dufour à ce sujet.
M. Rodrigue: On est capable de se former une opinion
nous-mêmes, M. le Président, et on pense qu'en vertu du
régime actuel de la médecine, le médecin demeurera le
médecin. Ce qu'on réclame, c'est le choix de ce médecin,
qu'il soit pour le syndicat ce choix, que le syndicat ait la possibilité
de choisir et que le travailleur ait la possibilité de choisir son
propre médecin.
M. Beltemare: M. le Président, cette loi vise à
protéger les travailleurs et à leur donner des droits, comme le
disait si bien M. Beaudry, dans son article d'hier. "Cette législation,
dit-il le projet de loi no 17 introduit non seulement le principe
de la prévention des accidents et des maladies, mais elle prévoit
aussi des modalités pour faire un bon bout de chemin dans ce sens." Je
pense que cet article de M. Beaudry, ça vaudrait la peine que les
syndicats le lisent et s'en informent. Est-ce que le fait d'imposer de
nouvelles responsabilités aux travailleurs vise réellement
à établir un véritable régime policier dans
l'industrie, M. le Président? Je demande ça au
président!
M. Rodrigue: Quant à nous, le mandat du comité
paritaire, le mandat de l'agent de prévention et toute cette philosophie
qui sous-tend cette partie du projet de loi crée des nouvelles
obligations aux travailleurs, à notre avis et, effectivement, va faire
en sorte que ceux qui auront la responsabilité d'appliquer les plans de
prévention, de surveiller le port des appareils vont agir dans ce sens.
C'est pourquoi nous remettons en cause certaines dispositions du projet de loi,
tout en réaffirmant notre accord sur un projet de loi sur la
santé et la sécurité.
M. Bellemare: Est-ce que ces droits nouveaux des travailleurs qui
leur sont imposés par la nouvelle loi ne leur donnent pas des
responsabilités nouvelles et ne les assurent pas d'un plus grand
sérieux au point de vue de la sécurité au travail?
M. Rodrigue: Cela nous assure, quant à nous en
particulier, d'être poursuivis dans le cas, par exemple, où un
travailleur est sur une chaîne de production ou est dans le cadre d'un
plan-boni et où les exigences de la production nécessitent des
efforts tels que, à un moment donné, on se retrouve dans des
situations où, effectivement, il y a des travailleurs, comme le disait
mon camarade Le-clerc ce matin, qui, à cause des conditions de
production, ne peuvent même pas bénéficier de
l'installation d'appareils protecteurs. Il donnait l'exem- ple des filets dans
le cas des monteurs de lignes ou du port d'autres types d'équipement.
C'est pourquoi on insiste tant pour dire que les équipements de cette
nature doivent être conçus comme des mesures provisoires et que
l'objectif fondamental d'éliminer le danger à la source doit
être ce qui est recherché et les moyens pour y arriver doivent
être pris.
M. Bellemare: Ne pensez-vous pas que, par ce projet de loi, le
gouvernement ne fait pas un pas de plus pour assurer chez le travailleur
beaucoup de santé et beaucoup de sécurité, chose qui n'a
peut-être pas été faite complètement jusqu'à
maintenant? Ce projet de loi, c'est un pas en avant. Comme le dit le juge
Beaudry, c'est un saut en avant. Le gouvernement ne doit-il pas être
félicité aujourd'hui de faire ce pas-là? Même si
votre mémoire est contre et dit que le projet de loi 17 n'est pas bon,
le juge Beaudry que vous avez cité en a dit les plus grands
bienfaits.
Le travailleur doit-il avoir tous les droits et les employeurs toutes
les responsabilités, d'après vous? Je pense qu'il doit y avoir un
juste milieu entre les deux. C'est une coopération qui s'inspire... Vous
avez descendu... non pas vous, mais le mémoire semble dire que les
comités paritaires ne seraient pas l'agent... Je pense que le projet de
loi que le ministre a présenté va sûrement subir des
amendements par son application, comme tout projet de loi, mais le courage de
l'avoir présenté à ce temps-ci pour donner plus
d'efficacité à la protection de la santé et de la
sécurité publique, je pense que c'est un pas en avant, comme nous
le dit le juge Beaudry, un saut magnifique qui va donner à tous les
autres pays et à toutes les autres provinces un signe véritable
qu'on s'occupe de la sécurité et de la santé des
travailleurs.
Au sujet de l'équipement de sécurité individuelle,
bien sûr, le projet de loi 17 a pour but d'éliminer les dangers
à la source, mais n'est-il pas réaliste de considérer que
toutes les mesures pouvant être prises pour la santé et la
sécurité des travailleurs ne feront que réduire les
risques que courent les travailleurs, sans pour autant les éliminer
totalement?
Est-il logique de prétendre éliminer tous les risques dans
le domaine de la construction ou encore dans le domaine des mines? C'est
impossible. Il arrive continuellement des accidents de la route. Malgré
toutes les bonnes lois qu'on peut adopter, il arrive encore des accidents, des
erreurs humaines, comme on dit, cela arrive. Il faudra penser que la loi que le
ministre a soumise, est une loi d'avant-garde. Je suis sûr que dans le
contexte actuel, il va certainement apporter... D'ailleurs, vous avez à
l'article 7 de la loi, ceci: "Rien dans la présente loi ou les
règlements ne doit être interprété comme diminuant
les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective, d'une loi,
d'un règlement, d'un décret, d'un arrêté en conseil
ou d'une ordonnance en viqueur." Est-ce qu'on ne peut pas être plus
clair? Est-ce qu'on peut penser que c'est une position machiavélique,
qu'on voudrait contrer le syndicat? Je ne pense
pas. Je dis que j'aurai des remarques très sérieuses
à faire lorsqu'on étudiera la loi article par article pour
prévoir certains changements qui devront être ajoutés
à la loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le président?
M. Rodrigue: Avec votre permission, M. le Président, M.
Lemay, de la Fédération de la métallurgie, voudrait
ajouter des commentaires sur une série d'interrogations qui ont
été soulevées. (15 h 30)
M. Lemay (Oliva): M. le Président, Oliva Lemay, du
syndicat des travailleurs de l'amiante de l'Asbestos Corporation. Le
député vient de parler de l'article 7. Le président de la
centrale a parlé assez longuement, ce matin, de nos craintes pour ce qui
est de l'article 280 pour les droits conciliables. Je voudrais vous donner deux
petits exemples, parce que je pense qu'on s'en va vers des avocasseries. C'est
ouvrir la porte à toutes sortes d'avocasseries ou à toutes sortes
de procédures possibles. Comme premier exemple: Depuis un an, dans mon
syndicat, on travaille pour faire appliquer par la CAT l'article 33 qui dit que
dans les mines ou dans les carrières, là où il y a plus de
150 personnes, on doit avoir un infirmier ou une infirmière
licenciée, depuis un an. Je viens d'apprendre par l'Asbestos Corporation
qu'elle conteste le statut juridique de la CAT de pouvoir passer ce
règlement. Nous sommes embarqués devant les tribunaux et nous
aurons l'application de ce règlement peut-être dans deux ou trois
ans, quand cela sera passé devant les tribunaux. C'est cela qu'on
craint.
Un deuxième point. Pourtant le gouvernement a certains pouvoirs.
Pourtant, le gouvernement a fait adopter des lois dernièrement. Mais la
société Asbestos rit de vous pour la nationalisation, parce que
vous n'avez pas encore réussi à la faire. Vous êtes devant
les tribunaux et vous allez traîner longtemps devant les tribunaux et ce
ne sera probablement pas vous qui allez la faire, si jamais elle se fait. C'est
ça qu'on veut éviter, ces avocasseries et ces ouvertures
possibles. Ce sont toutes ces choses qu'on veut éviter.
Ce que le juge Beaudry déclarait hier aussi, c'est qu'on fait un
immense saut en avant. Je sais qu'on fait un pas en avant. On en fait un, mais
est-ce réellement le pas qui devrait être fait? Parce qu'il y a
quand même d'autres personnes. Nous avons le professeur Gérard
Hébert qui se posait de sérieuses questions au colloque qu'il y a
eu à l'Université de Montréal samedi sur l'application de
cette loi et sur le fonctionnement de cette loi aussi. Il se demandait si elle
atteint réellement les buts qui sont visés par l'honorable
ministre. Il se posait de sérieuses questions. C'est loin d'être
clair. Sur la possibilité de négociation au-delà, aussi,
le professeur Hébert semble prétendre que la loi 126 était
beaucoup plus claire et que ce texte est beaucoup moins clair. C'étaient
nos inquiétudes.
M. le Président, si vous me le permettez, puisque, dans la loi
actuellement, à l'article 279, on fait un amendement dont je suis
très heureux puisque ça fait longtemps qu'on le demandait, en
enlevant le mot "positif" du diagnostic pour nos amiantosés, j'aimerais
attirer votre attention sur deux points que nous signalons quand même
dans le rapport de la métallurgie. C'est dans la première partie,
à la page 11, la recommandation 18, où on demande que la veuve
pensionnée continue à recevoir le même traitement que du
vivant de son mari, c'est-à-dire 90% du salaire. Cela, c'est simplement
au point de vue économique, parce que je ne sais pas si on fait le
calcul de la perte matérielle, pécuniaire que subit le
travailleur qui sort à 50 ans ou à 45 ans et qui n'a que 90% de
son salaire jusqu'à 65 ans ou jusqu'à son décès. Il
ne serait que normal que sa veuve, en fonction de cette perte, puisse continuer
à recevoir la même chose. Evidemment, le projet de loi no 17 ne
couvre pas cela. Normalement, c'est pour la protection; ce n'est pas pour la
réparation. Mais, quand même, je me permettrai, M. le
Président, d'attirer votre attention sur cela parce que je crois que
c'est extrêmement important et qu'on n'a pas souvent l'avantage de parler
de nos amiantosés devant une commission parlementaire.
Il y a aussi, à la page 15, la rémunération de nos
amiantosés qui sont victimes de discrimination et de pertes
actuellement. Je voudrais attirer votre attention là-dessus, M. le
ministre. Actuellement, il est couvert à l'article 6 de la loi 52; s'il
a des pertes au niveau du Régime de rentes du Québec, c'est
compensé. Mais est-ce que vous avez calculé la perte que ces
travailleurs subissent face au régime de pension qu'ils ont là
où ils travaillent?
Au moment où ils sortent, leur ancienneté arrête et
il peut leur manquer cinq, dix, douze, quinze ans d'ancienneté pour
retirer leur fonds de pension. Je crois que c'est une amélioration qui
devrait être faite. Ces travailleurs, puisque ce n'est pas leur faute,
ils sont victimes de maladie industrielle, ce n'est pas leur faute, et il n'y a
pas de raison qu'ils soient privés des avantages qui sont
négociés par la convention collective. Ils devraient pouvoir
bénéficier, tout le temps qu'ils reçoivent une
indemnité de la Commission des accidents du travail pour maladie
industrielle, des avantages de la convention collective qui sont
négociés en bonne et due forme. C'est une pénalité
pour ces travailleurs.
Ce sont deux points que je voulais apporter, M. le Président,
pour tout de suite. Peut-être que j'aurai d'autres interventions tout
à l'heure, possiblement.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais à nouveau
ceux qui assistent aux travaux de la commission à écouter;
normalement, les applaudissements ou les manifestations d'accord ou de
désaccord ne doivent pas avoir lieu. Je vous inciterais à nouveau
à le faire, même si la commission se déroule dans le
meilleur climat, je pense que ce ne serait pas de nature à nuire.
Dans l'ordre, nous entendrons le député de Sainte-Marie,
Mme le député de L'Acadie, M. le député de Richmond
et M. le député de Frontenac.
M. Bisaillon: M. le Président, en page 7 de votre
mémoire...
Le Président (M. Marcoux): Plus près du micro, M.
le député.
M. Bisaillon: En page 7 de votre mémoire, vous soulignez,
à l'intérieur des comités paritaires, en supposant que les
comités paritaires continuent d'exister dans la loi tels qu'ils sont
présentés actuellement, la différence qui peut exister
entre les représentants de l'employeur pour ce comité et les
représentants des salariés. Par exemple, vous soulignez le fait
que les représentants des employés vont être élus
par une assemblée générale, peu importe s'il y a deux,
trois ou quatre syndicats ou s'il n'y en a pas du tout à
l'intérieur de l'usine, mais que, par ailleurs, l'employeur, lui, a le
choix unique de ses représentants, qu'il peut les révoquer en
tout temps, selon, probablement, le type de décisions qu'ils auront pris
au comité paritaire, alors que du côté des employés,
ce mécanisme n'existe pas.
Ce que je veux vous demander, c'est, en fonction de cela, et en
supposant qu'il existe des comités paritaires, qu'est-ce que vous
suggéreriez pour améliorer cet aspect de la loi?
M. Rodrigue: Nous l'avons souligné en partie, ce matin. A
notre avis, c'est au choix du syndicat. Pourquoi nous soulevons ce
problème? J'aimerais expliquer encore davantage que ce matin. A
l'article 185, au chapitre XII, la commission peut faire des règlements
pour un certain nombre de choses. Au quatrièmement de la nomenclature
des règlements, il s'agit pour la commission de déterminer les
catégories d'établissements au sein desquels un comité de
santé et de sécurité peut être formé,
d'abord, et de fixer, selon les catégories, le nombre minimum et maximum
de membres d'un comité, d'établir les règles de
fonctionnement d'un comité et de déterminer les procédures
et les modalités de nomination des membres représentant les
travailleurs dans le cas où il n'y a pas d'association
accréditée ou le cas où une même association
accréditée ne représente pas tous les travailleurs. Notre
crainte, c'est que la commission, effectivement, concrètement, en vertu
de ce pouvoir qu'elle a, pourrait nommer des représentants pour deux
ans. Ce qu'on suggère, c'est que ce soit au choix des syndicats, et
là où il n'y a pas de syndicat, des travailleurs
concernés.
Je voudrais souligner de plus, avec votre permission, M. le
Président, que, ce matin, le ministre a fait allusion à la loi
101 en disant: Cela ne pose pas trop de problèmes. J'ai
vérifié et, effectivement, ça nous pose des
problèmes.
Si je prends l'industrie du papier, au moment où on se parle, ce
n'est absolument pas terminé et on est en pleine discussion actuellement
pour essayer d'atténuer ou d'éviter les difficultés
rencontrées en regard de diverses situations qui se posent, comme une
accréditation, plusieurs accréditations, une accréditation
et une partie non accréditée.
M. Bisaillon: Est-ce que vous pourriez expliquer davantage ce que
vous voulez dire quand vous dites: Au choix du syndicat.
M. Rodrigue: Pour nous...
M. Bisaillon: Prenons l'hypothèse où, dans une
même entreprise, il existerait trois syndicats, plus une catégorie
d'employés qui ne seraient pas syndiqués; comment verriez-vous le
fonctionnement à l'intérieur d'une entreprise de ce
type-là?
M. Rodrigue: Pour nous, le syndicat accrédité
devrait nommer son représentant. S'il doit y avoir plus de
représentants, les autres unités d'accréditation... Comme
on revendique que les comités paritaires soient au choix des syndicats,
qu'il y ait un autre comité paritaire pour ces syndicats-là, pour
la juridiction qu'ils ont. Si vous avez un syndicat, par exemple, chez les
employés de bureau et un autre dans la production, il faut qu'il y ait
deux choix pour ces deux syndicats-là, s'ils veulent un comité
paritaire.
M. Bisaillon: Donc, un comité par juridiction, en fonction
de l'accréditation.
M. Rodrigue: Des conventions collectives et des
accréditations.
M. Bisaillon: Et dans les cas où il n'y a aucun syndicat,
est-ce que vous croyez que le comité paritaire, tel que décrit
dans la loi, peut répondre à des besoins?
M. Rodrigue: En ce qui nous concerne, on croit que c'est un peu
utopique et on pense même on ne l'a pas utilisé dans notre
mémoire que ça peut conduire à des situations assez
je dirais anti-syndicales. On pense par exemple à la formation de
comités de boutique, on pense à la possibilité pour les
employeurs, par le biais du comité paritaire, de créer des
syndicats de boutique, des organisations fantômes, etc.
M. Bisaillon: Est-ce que ce danger-là, de toute
façon, en dehors de la loi, n'existe pas quand même?
M. Rodrigue: II existe sûrement, mais avec un instrument
supplémentaire où l'employeur, dès qu'il en fait la
demande, peut former un comité paritaire et que les travailleurs ne sont
pas organisés, on pense que le danger grandit.
M. Bisaillon: Une dernière remarque, M. le
Président. Il y a, dans le mémoire de la CSN et je pense qu'on
peut les retrouver dans d'autres mémoires, des remarques concernant des
clauses de conventions collectives qui existeraient déjà, qui
auraient déjà été négociées. La
première qui me vient en tête, c'est celle de Gaz
métropolitain, où il y a, à l'intérieur de la
convention collective ou des clauses spécifiques concernant la
santé et la sécurité au travail, ou encore des
mécanismes prévus à
l'intérieur de la convention permettant aux représentants
syndicaux de traiter ou de discuter de cette question-là avec
l'employeur. Ces clauses de conventions collectives ont souvent
été arrachées après des luttes qui ont
été difficiles pour les travailleurs. Quant à moi, je
pense qu'il faudrait qu'on trouve un mécanisme pour faire le joint entre
l'application de la loi, d'une part, et les droits syndicaux qui ont
été négociés et qui apparaissent maintenant
à l'intérieur de conventions collectives. A ce niveau-là
j'ai des craintes quant à l'application de ces clauses par la suite.
En supposant, par exemple, que des clauses de conventions collectives
soient supérieures dans certains secteurs il est possible qu'on
trouve des clauses qui soient supérieures à ce qui peut exister
dans la loi il me semble que la loi, telle que formulée,
permettrait à un employeur de faire des représentations au niveau
du comité paritaire pour empêcher l'application des clauses de
conventions collectives qui pourraient être supérieures. Je
voudrais savoir si vous avez remarqué le même danger et si oui,
quels sont les mécanismes ou les moyens que vous suggéreriez au
gouvernement pour permettre quand même l'application des droits
actuellement négociés dans les conventions collectives.
M. Rodrigue: Non seulement nous avons constaté le
même danger, mais nous en avons fait la description dans notre
mémoire, dans l'analyse point par point. Quant à nous, sur cette
question-là, il nous semble fondamental que la loi, d'une façon
explicite et le ministre ce matin y a fait allusion illustre bien
les intentions du ministre, tout au moins sur cette question à savoir
que ce qui existe dans les conventions collectives a force de loi entre les
parties et continue d'avoir force de loi entre les parties. (15 h 45)
Que la loi sur la santé et la sécurité du travail
devienne en quelque sorte un minimum, on y attache beaucoup d'importance, parce
que nous avons des conventions collectives supérieures, nous avons
beaucoup de travail à faire dans plusieurs endroits, sur le plan des
négociations, mais nous avons déjà, et non seulement sur
le droit d'arrêter de travailler, mais sur le droit d'enquêter, par
exemple ou encore d'autres dispositions relatives à la santé et
à la sécurité... Dans ce sens, nous partageons vos
craintes et nous suggérons que ce soit modifié de façon
à prévoir cela.
M. Bisaillon: II y a certains groupes qui sont passés
devant la commission pour parler d'une plus grande centralisation quant
à l'application de la loi. Je pense, entre autres, aux
représentants des DSC, aux administrateurs d'hôpitaux, aux gens
des CLSC qui sont venus devant la commission pour donner leur orientation face
au projet de loi. On a aussi entendu parler du libre choix du médecin
pour les travailleurs. Ce sont des choses qu'on peut traiter à part,
mais quand je les mets avec un système qui pourrait être double,
parce que c'est un peu à ça que ça nous conduit... Si,
d'une part, dans les endroits où il y a des syndicats, la loi est
appliquée par les représentants syndicaux et qu'ailleurs, dans
les endroits où il n'existe pas de syndicat, c'est le comité
paritaire, tel que c'est prévu ici, ne pensez-vous pas que ça
fait un système où, finalement, la coordination, au niveau
national, est difficile à faire? Il y a aussi les mécanismes de
prévention , parce qu'il ne s'agit pas de traiter les maladies, il
s'agit en plus, je pense que c'est le fondement même de la loi, de
prévenir les maladies, de les empêcher, de supprimer les causes
profondes des accidents du travail et les maladies en milieu de travail.
Ne pensez-vous pas que deux systèmes qui marcheraient en
parallèle rendraient la coordination plus difficile?
M. Rodrigue: Ce qu'on dit, c'est que chacune des entreprises est
un cas en soi, un cas particulier. C'est pour ça que nous insistons pour
que le choix des comités paritaires soit laissé au syndicat, de
façon que les parties on l'a dit ce matin, d'autres que moi l'ont
exprimé s'entendent. Si le syndicat veut un comité
paritaire, il négociera avec la partie patronale l'existence d'un
comité paritaire et ils se donneront des règles, que ce ne soit
pas imposé au syndicat. Dans le cas où il n'y en a pas, les
moyens d'application de la loi, des principes fondamentaux de la loi, soient
pris par le gouvernement, les moyens d'inspection, par exemple, et
l'application de la loi.
M. Bisaillon: C'est justement ce que je craignais d'avoir compris
tantôt. Si vous me disiez que lorsqu'il y a un syndicat, le choix des
représentants soit fait par le syndicat, quant à l'aspect de
santé et sécurité au travail, ça permettrait une
bonne discussion.
Quand vous me dites, que le syndicat soit libre de décider s'il
va y avoir un comité ou s'il n'y en aura pas, autrement dit,
possiblement que le syndicat peut choisir d'utiliser d'autres moyens que le
biais d'un comité de santé et de sécurité au
travail, sauf que cela nous empêche aussi de réaliser cette
coordination sur le plan national dont je parlais tantôt.
M. Rodrigue: Le syndicat pourrait choisir...
M. Bisaillon: En d'autres termes, si les syndicats avaient le
choix propre de leurs représentants, donc la possibilité de faire
passer les politiques, parce qu'il y en a aussi des politiques dans le milieu
syndical, il y a des grandes orientations qui se décident en
congrès, là comme ailleurs, si vous aviez le choix des
représentants au niveau des comités, est-ce que vous trouveriez
la formule acceptable ou si c'est le principe même de l'existence du
comité que vous mettez en doute?
M. Rodrigue: C'est le principe même de l'existence du
comité. On met ça en cause et on a préconisé depuis
longtemps, à la CSN, la mise en
place de comités syndicaux de santé et de
sécurité. A cause des raisons qu'on a données depuis le
début, sur le plan de l'argumentation, dans ces questions.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je pense qu'il y
a eu beaucoup de questions de posées sur de nombreux articles du projet
de loi. J'aimerais aborder uniquement un point que vous soulignez, en haut de
la page 39 de votre mémoire. "Entre-temps, le gouvernement doit, au lieu
de mettre en veilleuse l'application des normes existantes, augmenter le nombre
d'inspecteurs et faire rigoureusement appliquer les normes." J'aimerais vous
demander si, d'une façon concrète, vous avez des faits à
rapporter selon lesquels des normes ne sont pas appliquées, que le
nombre d'inspecteurs n'est pas suffisant. Quelles seraient vos
recommandations?
Je pense que vous avez tout à fait raison de vous
inquiéter de ceci, parce que, même dans l'hypothèse
où la loi serait adoptée avant Noël, on sait fort bien que
la création de la commission, la mise en marche ou l'application du
projet de loi pourraient prendre encore au-delà, d'un an, si on se
réfère à d'autres expériences avec d'autres projets
de loi. Même après l'adoption du projet de loi il pourrait
arriver, entre son adoption et son application, qu'on relaxe quant à
l'application des normes et que mêmes les compagnies soient moins
soucieuses, étant donné qu'il y aura une espèce de vide
entre les deux.
Mais concrètement ma question est: Est-ce que vous avez des
données ou des faits quant au nombre d'inspecteurs ou quant à
l'application plus ou moins adéquate des normes?
M. Rodrigue: En ce qui concerne le nombre des inspecteurs,
ça fait déjà un bon bout de temps que la CSN revendique
que le nombre soit augmenté. Effectivement, actuellement, si ma
mémoire est bonne, je pense qu'il doit y avoir environ 155 inspecteurs
qui ont l'ensemble du territoire à couvrir, ce qui représente
au-delà de 100 000 entreprises, établissements de diverses
natures. Alors, nous demandons que le nombre d'inspecteurs soit augmenté
à cause de ces raisons, parce que nous trouvons, déjà
depuis longtemps, que c'est insuffisant.
Deuxièmement, on a des situations où il y a deux ou
trois ans, par exemple, je prends les chantiers maritimes de Lauzon des
inspecteurs sont passés, ont fait une centaine de recommandations et,
à ma connaissance, selon mes informations, il n'y a pas de
recommandation d'appliquée dans les circonstances. Alors, quand on parle
d'une certaine vigueur et d'une préoccupation de faire en sorte que le
gouvernement s'assure que les normes soient respectées et qu'elles ne
soient pas mises en veilleuse, c'est parce que nous aussi, pendant la
période transitoire, on voudrait éviter qu'il n'y ait des
relâche- ments et on voudrait forcer la situation à
s'améliorer, parce que nous soutenons que déjà, si les
normes actuelles étaient appliquées rigoureusement ou le plus
rigoureusement possible, ce serait une amélioration.
C'est pourquoi on soulève cette question; on ne voudrait pas
qu'il y ait de vide entre l'implantation d'un nouveau régime, sur ce
plan, une fois qu'il sera adopté, et les mesures existantes que nous
connaissons aujourd'hui. Notamment sur l'inspectorat, nous pensons que c'est
insuffisant.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas préparé de dossier
quant à la qualité de l'inspectorat?
M. Rodrigue: Quant à la qualité de l'inspectorat,
sur ces questions, je pense qu'il y en a d'autres que moi qui pourraient faire
des commentaires, Gilles pourrait en faire. Je voudrais dire que, sur la
question de l'inspectorat, on a eu connaissance à plusieurs reprises
d'ailleurs, on s'était plaint au cours de ces années et
encore dernièrement de plusieurs conflits de juridiction, par
exemple, qui ont fait que des enquêteurs n'ont pas pu pousser leur
travail jusqu'au bout.
On a des choses à dire sur le plan de l'inspection, parce que,
souvent je pense que vous avez des groupes qui l'ont exprimé, il
n'y a pas très longtemps, devant cette même commission
parlementaire quand les inspecteurs arrivent dans les lieux à
inspecter, il arrive qu'il y ait des tentatives, de la part des industries ou
des institutions, pour améliorer la situation en attendant la visite de
l'inspecteur pour que, au moment où il arrive, la situation soit tout au
moins visiblement améliorée.
Sur ce plan, nous croyons fermement qu'il ne s'agit pas ici de faire un
procès à savoir s'il y a 100 inspecteurs qui sont
compétents, on a des lacunes on pourrait en souligner il
s'agit surtout d'atteindre un objectif en termes de moyens, c'est-à-dire
que l'inspectorat soit suffisant. Gilles, avais-tu des commentaires à
ajouter là-dessus, avec la permission du président?
M. Robichaud (Gilles): Peut-être. Ce serait cependant
limité à la construction. Le rapport du comité de
recherche en sécurité de l'Office de la construction, qui a
été publié en novembre 1976, relate en tout cas une
étude ou une enquête qui a été faite, menée
auprès des inspecteurs de l'Office de la construction, qui
révèle à peu près ce qui suit aux
différentes questions posées vous retrouvez cela en annexe
au mémoire ou au rapport que 71% des inspecteurs
considèrent que la formation qu'ils ont reçue à leur
entrée est nettement en deçà de ce qu'ils attendaient, que
89% des inspecteurs trouvent leur formation théorique reçue plus
ou moins suffisante ou nettement insuffisante, que 90% des inspecteurs trouvent
que le code de sécurité, tout en étant bon, leur a
été plus ou moins bien expliqué ou encore nettement
insuffisamment expliqué, que 90% des inspecteurs n'ont pas confiance
dans l'équipe spéciale d'inspecteurs qui est censée les
superviser, que
77% des inspecteurs voudraient que les formules d'infractions soient
simplifiées ou complètement changées, que 88% des
inspecteurs ont de la difficulté avec l'aspect légal de la
formulation des rapports, que 67% des inspecteurs trouvent que l'on ne leur a
pas assez bien expliqué leur rôle quand ils doivent
témoigner, que 88% des inspecteurs se croient bafoués lors des
procès ou des poursuites où ils doivent témoigner, que 69%
des inspecteurs ont trouvé leurs cours de perfectionnement plus ou moins
faciles à comprendre et même difficiles, etc.
Je pense que la meilleure référence pour ce qui est du
secteur de la construction constitue le rapport qui est fait par l'Office de la
construction à cet effet. Et ce qui nous apparaît très
clair, c'est l'insuffisance du nombre d'inspecteurs et aussi leur absence de
formation, le manque de collaboration dont ils auraient besoin même face
aux tribunaux et à la poursuite des plaintes et des infractions dont ils
sont saisis. Cela va même jusqu'au point où les inspecteurs de
l'OCQ témoignent, selon l'enquête qui a été faite,
que c'est quasiment à les dégoûter de faire des plaintes
quand ils voient ce qui leur arrive, à la suite de ces
plaintes-là, et tout le trouble que cela leur cause par après.
Ils semblent maintenant victimes des propres plaintes qu'ils doivent faire pour
protéger la sécurité et faire respecter les normes.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie monsieur. J'aimerais demander
au ministre s'il pourrait dire à la commission si des suites ont
été données à ce rapport. Sans doute que cela a
été remis entre les mains du ministre du Travail, si je ne
m'abuse.
M. Marois: Oui, mais sans entrer dans tous les détails, on
a eu l'occasion d'en parler ce matin. Je ne sais pas si vous étiez
là, Mme le député, mais il y a une chose qui ressortait
d'ailleurs. Il y a eu le témoignage d'un des représentants de la
CSN sur un autre aspect, parce qu'il s'agit pour l'essentiel du rapport
Larochelle. On produisait des chiffres d'ailleurs dans le livre blanc sur non
seulement l'état actuel des problèmes inhérents à
l'inspection de l'émiettement, les constats qu'on vient de rappeler,
mais également aussi sur les plaintes qui n'ont pas de suivi, en
particulier en cas de récidives. Un des éléments clefs que
j'ai évoqués, sans entrer dans tous les détails, c'est
qu'à mon avis, après avoir regardé cela depuis deux ans
maintenant, on n'en sortira jamais tant et aussi longtemps qu'on ne donnera pas
des pouvoirs additionnels aux inspecteurs, la formation, l'information de base,
les qualifications requises, qu'ils ne sentiront pas qu'ils sont appuyés
et épaulés, et aussi que les troupes ne seront pas
réorganisées, regroupées, régionalisées, et
rendues dans le milieu, avec des pouvoirs additionnels.
La CSN signale en annexe de son mémoire qu'une des
recommandations intéressantes du projet de loi, dans le cas ultime
où cela doit s'appliquer, dans le cas où l'inspecteur juge que
tous les moyens ont été épuisés, que par exemple,
des rapports d'inspection par-dessus rapports d'inspection avec des
recommandations qui visent à corriger les problèmes à la
source sont sans suite, notamment que l'inspecteur ait le pouvoir de
procéder, ce qu'il a déjà, à la fermeture d'un coin
d'usine ou d'un coin d'une mine, mais que les hommes et les femmes qui sont au
travail ne soient pas pénalisés pour autant pendant cette
période-là, s'ils doivent sortir de l'entreprise et s'ils doivent
être payés en conséquence par l'employeur. C'est un des
éléments. Je reviendrai ultérieurement sur un autre aspect
qui a été évoqué, qui concerne toute la dimension
pénale. (16 heures)
Les faits qui sont rapportés, à mon avis, sont tout
à fait exacts. D'ailleurs, on les reprenait dans le livre blanc, c'est
le rapport Larochelle. L'état d'émiettement... Qu'il y ait eu
quelques coins d'amélioration, peut-être. Je ne veux pas reprendre
cela au morceau, mais l'état fondamental de la situation, à notre
avis, ne changera pas, dans la foulée du rapport Larochelle, tant et
aussi longtemps qu'on va rester dans un état d'émiettement comme
celui des services d'inspection. Là-dessus, je pense qu'il y a une
espèce de consensus sur l'idée qu'il faut que ce soit
regroupé. On pourra se chicaner sur le lieu, où et le reste, sur
la régionalisation et sur l'effort à faire parallèlement
à tout cela, ce qu'évoquait le président de la CSN pour
qu'entre-temps je ne vous cacherai pas que ce n'est pas un cadeau
on essaie simplement de faire appliquer par les inspecteurs les normes et les
règlements. On s'est essayé cela fait quand même
quelques années que je suis cela je sais les pirouettes qu'il a
fallu faire, simplement dans le cas de la compagnie de Laprairie, Ballast
Métal ou Métaux Ballast, je ne me rappelle plus, pour en arriver
à la fermer, avec l'appui des médecins. Je me souviens du cas
d'une fonderie dans le Bas-du-Fleuve, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie,
dans le cas d'Atlas Asbestos, et le reste.
On a évoqué tantôt, avec raison parce que je
sais qu'il y a un rapport d'inspection qui s'en vient, on me dit qu'il doit
être très étoffé, j'ai hâte de pouvoir le voir
le cas d'une visite à la compagnie Asbestos Corporation. C'est
vrai que dans bon nombre de cas, ce n'est pas suivi. Je l'ai vécu
personnellement je ferme là-dessus la parenthèse en
Gaspésie, un rapport d'inspection je l'avais dans ma poche quand
je suis allé visiter l'entreprise mais il faut aller rapailler
les morceaux, un petit bout à l'environnement, un petit bout du rapport
au ministère du Travail, quand ce n'est pas un petit bout de rapport en
plus aux Richesses naturelles pour avoir le dossier de la compagnie. Il y a
deux usines à cette fonderie. Il y avait quelque cent constats
d'infractions. Rien n'avait été fait. Quand je me suis
présenté là, on pensait que cela allait passer comme de
l'eau sur le dos d'un canard, on a fermé une des usines le jour de ma
visite. Les travailleurs disaient: Tâche de venir plus souvent, si c'est
la seule façon de régler nos problèmes. L'usine
était fermée, mais cela ne règle pas les problèmes.
Le suivi de tout cela pour corriger à la source les problèmes et
en
arriver à déterminer un plan de correction, dans
l'état actuel d'émiettement des morceaux, cela donne les
résultats qu'on connaît. Cela n'a pas de maudit bon sens. En cela,
ils ont raison, à mon avis.
Le Président (M. Marcoux): Vous vouliez compléter
la réponse?
M. Rodrigue: Je voulais tout simplement dire que les propos que
le ministre vient de tenir correspondent à notre vie quotidienne. C'est
à tous les jours que les travailleurs dans les usines sont aux prises
avec des contrats de situations où leur santé, leur
sécurité est en cause. C'est pour cela que la CSN est si
insistante sur les questions fondamentales, en termes de correctifs à la
situation. Ce n'est pas pour le plaisir de faire des discours. Ce n'est pas
pour le plaisir de répondre à M. Bellemare ou à d'autres.
C'est pour faire face à nos objectifs fondamentaux. Quand on est aux
prises avec un problème dans une usine, comme dans les mines ou les
usines où on a des problèmes de plomb, et qu'on insiste, qu'on
entreprend des procédures, qu'on exerce même des rapports de force
pour corriger la situation, quand arrive l'occasion pour nous, comme mouvement
ouvrier, d'essayer d'influencer ceux qui doivent légiférer pour
faire en sorte que cela réponde aux véritables problèmes,
vous ne serez pas surpris qu'on profite de la situation pour insister et, plus
que cela, qu'on s'organise, sur le plan de l'action comme mouvement ouvrier,
pour vous forcer à légiférer. C'est votre devoir, c'est
votre responsabilité. Notre responsabilité à nous, c'est
de défendre ceux qu'on représente, indépendamment du
ministre Marois, de M. Bellemare ou de Norbert Rodrigue.
Dans ce sens, ce matin, j'espère que vous avez constaté la
réaction des travailleurs qui sont en arrière de moi. C'est une
réaction incontrôlable, même si vous leur demandez avec
insistance de ne pas applaudir à certains propos, parce qu'ils vivent
cela à coeur de jour, à l'année longue, bien qu'ils soient
organisés et qu'ils aient dû faire des grèves depuis 1949,
dans certains secteurs, et bien avant cela.
Le Président (M. Marcoux): Ce qui va probablement encore
me valoir l'insinuation que je deviens libéral en les tolérant
à nouveau.
M. Pagé: Vous n'êtes pas le seul.
Le Président (M. Marcoux): Oui, mais puisque vous entrez
à nouveau dans le sujet, je peux vous dire que je suis
disqualifié depuis la fin de semaine comme éventuel candidat.
M. Pagé: On pourra en reparler.
Le Président (M. Marcoux): Comme vous, d'ailleurs.
M. Pagé: De cela, on n'en doute pas.
Le Président (M. Marcoux): Nous avons tous deux moins de
35 ans.
M. Pagé: Ah! mais, pour vous, il y aurait peut-être
d'autres critères.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je remercie M. Rodrigue. Il reste que je crois
comprendre que ce rapport a été entre les mains du gouvernement,
ce rapport touchant l'industrie de la contruction, depuis 1976. Depuis ce
temps-là, on l'examine. Aujourd'hui, on projette de
légiférer et je pense que la raison principale de votre
présence ici, c'est qu'on ne revienne pas dans quatre ans pour dire que
c'est encore une situation insaisissable et hors de notre contrôle. Il
semble y avoir une partie de solution dans cette approche de
non-émiettement de tout le système de l'inspectorat, mais il
semble que le reste de la loi ne réalisera peut-être pas ou ne
répondra peut-être pas aux objectifs que vous voudriez voir
atteindre. C'est ce que j'ai cru comprendre de vos interventions.
Maintenant, j'aimerais demander au ministre... Je comprends qu'il y a
des résistances et toute la question pénale, etc. Mais il y avait
beaucoup de points qui étaient soulevés quant à la
formation des inspecteurs. Est-ce que ce point, lui, qui ne dépend quand
même pas des résistances qu'on rencontre dans les milieux, a
été examiné? Est-ce qu'on a tenté d'y apporter des
solutions, parce qu'ils se sentaient assez démunis du point de vue de
leur formation, selon la lecture que nous a faite M. Robichaud?
M. Marois: En toute honnêteté, je ne veux pas entrer
dans tous les détails et commencer à répondre aux
questions. On va avoir l'occasion d'examiner ça le plus longuement
possible en commission parlementaire à l'étude article par
article.
Je pense que ce qui serait important, c'est qu'on laisse l'essentiel du
temps à des discussions avec les groupes qui sont ici, pour leur laisser
le maximum de chance d'intervenir et de répondre aux questions et
commentaires que chacun d'entre nous pourrait formuler. Je peux bien
vérifier, faire procéder à nouveau à une
vérification pour pouvoir présenter un rapport. Je n'ai pas
l'impression qu'il y a eu la trouvaille du siècle depuis le rapport
Larochelle, en toute honnêteté; mais c'est purement un commentaire
général, sous réserve de procéder à une
vérification plus précise.
Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président... Je regrette
de ne pas être d'accord avec le ministre. Je ne crois pas que ce soit une
perte de temps de poser ces questions...
M. Marois: Je ne dis pas que c'est une perte de temps.
Mme Lavoie-Roux: ... parce qu'il reste que, fondamentalement, les
ouvriers continuent de tra-
vailler dans les conditions qui sont les leurs depuis X temps et qui
vont continuer, vous le savez fort bien, M. le ministre, encore, en
étant très optimiste, au moins pour une couple d'années
avant que toute la machine soit en marche, en admettant ou en faisant
l'hypothèse que ce sera une machine qui va fonctionner à
merveille et que tout va être comme dans le meilleur des mondes. Mais,
d'ici ce temps-là, il y a des problèmes concrets. C'est la raison
des questions que je posais.
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député
de... Pardon. Il y a le représentant de l'Association des mines
d'amiante, je crois, qui voulait compléter sa pensée.
M. Lemay: M. le Président, puisqu'on parlait tout à
l'heure d'inspection, le ministre Marois disait que les inspecteurs avaient
constaté 100 infractions dans une industrie donnée. Je peux vous
dire que je viens de recevoir un rapport à l'Asbestos Corporation des
inspecteurs en électricité. Seulement en
électricité, à l'usine, à la halte au rebut et au
garage neuf, qui va être inauguré la semaine prochaine, à
la B.C., la British Canadian, 685 infractions; à la King Beaver, il y a
quelque temps, plus de 700 infractions uniquement sous terre; à la
Normandie, plus de 500. Ce sont les rapports des inspecteurs en
électricité seulement. Quand on demande qu'il y ait plus
d'inspecteurs et qu'on insiste là-dessus, je pense qu'on a raison.
M. Grégoire: ... l'Asbestos Corporation...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
questions à poser ici...
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous parler dans le
micro?
M. Brochu: Oui, M. le Président, je pense qu'il est
fermé. M. le Président, maintenant ça va.
J'aurais quelques questions à poser et un petit commentaire aussi
plus particulièrement sur la question de l'amiantose. Vous êtes
revenus à quelques reprises, à l'intérieur de votre
mémoire, sur l'application actuelle de la loi 52. M. Lemay, nous a
parlé de la question de l'inspection ou des infractions qui sont
décelées dans les entreprises déjà exploitantes.
Cela nous ramène à tout le contexte, avant même de penser
à reformuler des lois, de l'application des lois existantes, si
application il y a dans certains cas, complètement ou à
moitié.
De toute façon, vous avez mentionné, à la page 39
de votre mémoire, comme première de votre deuxième
série de recommandations au gouvernement, d'améliorer la loi 52
visant les victimes d'amiantose et de silicose et d'étendre cette loi
à toutes les victimes des autres maladies du travail. On n'entrera pas
dans le contexte de la discussion de ce principe comme tel. Cela peut
être intéressant à explorer comme avenue, mais là
où je veux en venir, c'est que, lorsque les travaux de la commission
parlementaire se sont ouverts, j'ai insisté sur un point particulier,
justement sur l'application actuelle d'une loi existante, soit la loi 52 qui
touche les maladies d'amiantose et de silicose. L'amiantose avait
été reconnue et on l'avait mentionné tout à
l'heure dans votre texte, également comme une maladie non
régressive, incurable. On peut, à tout le moins, l'arrêter
si la personne cesse d'être exposée aux poussières
d'amiante. Elle peut augmenter si la personne continue à être
exposée à des poussières.
Or, j'avais été mis au courant qu'un certain nombre
d'individus qui avaient été déclassés, qui avaient
eu deux diagnostics positifs de suite confirmant qu'il y avait amiantose, donc
qui étaient atteints d'une maladie industrielle non régressive,
étaient maintenant guéris; c'étaient les miraculés
de l'amiante. Ils sont allés à la Commission des accidents du
travail; c'est encore pire qu'à Sainte-Anne-de-Beaupré.
M. Grégoire: C'est la Commission des accidents du travail
qui est allée à Sainte-Anne-de-Beaupré.
M. Brochu: C'est là que cela devient intéressant.
En faisant la recherche, j'ai demandé des informations au
président de la commission et j'ai obtenu un certain nombre
d'informations. On sait que maintenant il y aurait eu miracle médical
dans 28 dossiers. Que je sache, à ce jour, ce ne sont ni les
travailleurs, ni les entreprises qui ont demandé que ces gens soient
ramenés sur le marché du travail ou quoi que ce soit. Quoi qu'il
en soit, il existe maintenant une initiative venant de la Commission des
accidents du travail disant qu'il y a eu un autre diagnostic, une
découverte formidable avec des méthodes d'évaluation plus
sophistiquées, d'après ce qu'on dit, pour dire que, dans 28 cas
d'amiantose décrétés et reconnus deux fois par la
Commission des accidents du travail, ces gens sont guéris. Je donne des
faits, je comprends qu'il y ait des réactions. On peut se demander si
dans ceux qui restent qu'il n'y aura pas d'autres découvertes
scientifiques d'ici quelques mois, tout dépendant, évidemment, de
l'objectif que poursuit la Commission des accidents du travail, à savoir
si c'est véritablement une reformulation s'il y a vraiment eu erreur ou
si on tente maintenant d'effacer la loi 52, de ramener par la bande au travail
tous ceux qui peuvent être récupérés
actuellement.
Je ne porte pas d'accusations; je pose des questions. C'est pour cela
que je me situe dans l'optique de dire: Vous souhaitez que ce soit
appliqué pour tout le monde; on va regarder, pour commencer, de quelle
façon s'applique ce qu'on a déjà comme loi. Qui plus est,
c'est qu'on a des gars chez nous à Asbestos et il y en a probablement
à Thetford je suis un gars du milieu de l'amiante et cela fait
longtemps que je m'occupe
de ces dossiers; j'ai l'occasion de les rencontrer souvent et de voir ce
qui se passe un peu qui sont encore dans les mines, qui se sont vu
retirer leur certificat médical, qui n'ont plus leur permis de travail,
qui ont été déclarés atteints d'amianto-se à
10%, 12%, 15%, 18%, la même chose que leurs collègues qui ont
été expulsés du marché du travail il y a quelques
années et qui sont encore dans les mines. Plus que cela, j'en ai qui ont
même commencé, sans le demander, à recevoir leur permis de
travail. Ils n'ont pas encore été déclarés
guéris tout d'un coup, mais ils ont déjà commencé
à recevoir leur permis de travail parce qu'on a dit, dans les directives
de la Commission des accidents du travail, qu'au cas où il y aurait des
découvertes comme celle qu'on vient de faire, les gens pourraient
redemander leur permis de travail. Je pense que la commission, actuellement,
est en train, au cas où les gens le désirent, d'aller au-devant
de leurs désirs et on leur fait parvenir, au cas où ils le
demanderaient, leur permis de travail.
J'ai même un cas, quelqu'un qui est venu me voir encore lundi
dernier, M. Robert Lambert d'Asbestos; il a été classé,
déclassé, trouvé malade, trouvé guéri deux
ou trois fois. C'est le même gars, j'ai le dossier ici. Je cite des noms;
je ne suis pas inquiet de le faire, car j'ai la permission des individus pour
le faire. Ces gars commencent à être passablement
écoeurés de se faire charrier de Caïphe à Pilate et
de ne jamais savoir ce qui va leur arriver. Cela, c'est une autre partie des
gars, actuellement. C'est l'application d'une loi déjà existante.
C'est un point.
Il y a des gars qui le reçoivent et qui ne l'ont même pas
demandé et des gars qui ont été déclarés
atteints d'amiantose à deux occasions et qui, maintenant, ne le sont
plus. On leur offre maintenant, en vertu d'une directive adoptée par la
Commission des accidents du travail en 1977, la possibilité de
redemander un permis de travail et de retourner, s'ils le veulent, sur le
marché du travail. (16 h 15)
On a passé cette directive-là j'attire votre
attention là-dessus en 1977, avant même de faire ces
découvertes, comme si c'était en cas de découvrir qu'il y
aurait des gens qui ne seraient plus atteints d'amiantose et qu'on pourrait
leur permettre de revenir au travail. Cela, non seulement me chicote, mais me
révolte un peu. Là-dessus j'ai demandé des explications et
je ne lâcherai pas tant qu'on n'aura pas vraiment éclair-ci le
problème. Je ne cherche pas à trouver des coupables, je cherche
à trouver une solution définitive pour tout le monde, et pour les
travailleurs et pour les entreprises et pour la Commission des accidents de
travail. Ce qui me fait vous demander, dans un premier temps, vous avez
vécu avec la loi 55, M. Lemay, dans le syndicat de Thetford, cela a
été la même chose...
M. Rodrigue: M. Parizeau vit avec la loi 55, nous on vit avec la
loi 52.
M. Brochu: Lorsque vous dites que vous aimeriez voir une loi
appliquée à une plus grande étendue que celle couverte
actuellement par la loi 52, quand on voit la façon avec laquelle elle
est appliquée actuellement, je vous demande ceci, M. Rodrigue ou M.
Lemay: Est-ce que vous voyez actuellement, dans l'attitude du
législateur ou de ceux qui ont à appliquer les lois existantes,
une attitude ou un mouvement qui vous laisse espérer qu'un jour vous
pourrez au moins commencer à discuter une proposition comme celle que
vous faites là ou si c'est purement de l'utopie?
M. Rodrigue: M. le Président, dans un premier temps
parce que je demanderai à M. Oliva Lemay de commenter davantage
je voudrais dire que les miracles dont il est question pour nous, c'est
davantage des miracles bureaucratiques que des miracles de
Sainte-Anne-de-Beau-pré.
M. Brochu: Les gars sont guéris sur le papier, pas
sur...
M. Rodrigue: Oui. Je dois vous dire, c'est une opinion
personnelle, que je suis relativement surpris de la quantité de
spécialistes qui ont poussé au Québec depuis cinq ou six
ans, depuis, en fait, particulièrement l'année où la CSN,
avec son étude indépendante du Mont-Sinaï, a soulevé
la question de l'amiantose. Depuis ce temps-là, il pousse des
spécialistes partout au Québec.
On n'a rien contre les spécialistes, sauf que, nous, on sait une
chose concrète, c'est que probablement qu'en cherchant mieux, M. Brochu,
vous trouveriez beaucoup plus de monde amiantosé déclaré
et classifié A et disponible pour le travail et prêt à
travailler. Oliva poura commenter ça. Quant au principe
général et en notre objectif de chercher l'application du
principe de la loi 52 à l'ensemble des travailleurs, nous sommes
profondément convaincus qu'en toute justice, les travailleurs qui sont
atteints de maladie professionnelle, dans d'autres secteurs, d'un autre type
que l'amiantose ou la silicose, devraient avoir les mêmes droits et
bénéficier des mêmes avantages que les amiantosés,
même si on devra poursuivre et continuer de batailler pour faire
appliquer la loi 52 d'une façon plus raisonnable. C'est pour ça
d'ailleurs qu'en ce qui concerne les maladies professionnelles, quant à
la définition des maladies professionnelles, on trouve dans la loi que
c'est trop restrictif et qu'il faut éviter d'avoir une nomenclature de
maladies professionnelles en dehors de laquelle on ne pourra plus aller ou on
ne pourrait pas aller. On est malade, c'est dû au travail ou bien on
n'est pas malade et ce n'est pas dû au travail. Dans ce sens-là,
notre revendication repose sur ces principes-là.
En ce qui concerne l'application de la loi 52, je demanderai à
Oliva, quitte à revenir avec d'autres commentaires sur votre question,
d'aller un peu plus loin sur la question de l'application comme telle de la loi
52 et de la réalité avec laquelle on est aux prises.
M. Lemay: M. le Président, au niveau de l'application de
la loi 52, je n'ai pas à vous dire, je pense bien, que nous sommes loin
d'en être satisfaits. Ce qui nous a surpris, dernièrement, c'est
d'apprendre qu'on avait 26 à 28 travailleurs qui sont guéris
miraculeusement. La CAT nous répondra qu'on leur avait donné le
bénéfice du doute, mais il reste quand même pour nous que
ces travailleurs savent qu'ils sont déjà atteints. Même si,
sur papier, on dit qu'ils ne le sont plus, ils savent qu'ils souffrent puisque
ce sont des travailleurs qui ont été exposés pendant 35 ou
40 ans.
Si on regarde les années passées, c'était dans des
conditions abominables. Il nous semble actuellement que la CAT ou son
comité de pneumo-coniose s'applique à minimiser les effets de la
maladie de l'amiantose. Or, le comité de pneumoconiose actuellement,
avec sa façon de fonctionner, que le comité de révision
nous coupe 28 personnes, on peut se poser la question: Parmi tous ceux qui ont
été examinés, comme le diagnostic médical devait
être positif, combien y en a-t-il qui auraient dû être
reconnus et qui ne le sont pas? Combien y en a-t-il qui travaillent
actuellement, qui sont atteints de la maladie et à qui on ne veut rien
donner?
Je vais vous citer, M. le Président, deux cas bien concrets
où le comité de pneumoconiose a cherché non pas à
compenser des mineurs atteints, mais à trouver des moyens pour ne pas
les payer. Je vais m'exempter de vous donner les noms publiquement, M. le
Président, à cause de la confidentialité des dossiers que
je voudrais respecter. Je pourrai vous les donner dans le privé, si vous
le voulez, et vous pourrez en parler par après.
Il y a un travailleur à qui on a fait une biopsie. Justement, le
Dr Jodoin de Sherbrooke qui est au comité de révision ils
viennent de faire des miracles était catégorique, selon
les résultats de la biopsie, c'était un type atteint d'amiantose.
Il a fait vérifier et confirmer son diagnostic par des patho-logistes
américains. La CAT a dit non, il n'est pas atteint d'amiantose et on ne
paie pas. Un autre type est allé à la CAT, à son
comité de pneumoconiose; il a le temps d'exposition, 32 ans, il a les
râles crépitants à la base des poumons, il a la
dyspnée, même sans effort, c'est reconnu par le comité de
pneumoconiose, l'hippocratisme digital, la radiographie pulmonaire
démontre des fibres d'amiante et un diagnostic porté par le
comité de pneumoconiose d'une fibrose pulmonaire qui est la cause de sa
dyspnée. Cependant, parce qu'il a eu le malheur d'avoir une biopsie et
qu'on ne trouve pas suffisamment de particules d'amiante à
l'intérieur des lames, on dit que tu n'es pas amiantosé.
Une fois, on se sert de la biopsie pour dire: Tu ne l'es pas, on ne te
paie pas et l'autre fois, on oublie la biopsie parce qu'on serait obligé
de le payer, parce que la biopsie en reconnaît. On se pose de
sérieuses questions sur le rôle que joue ce comité. Ce
n'est pas surprenant qu'on demande d'avoir nos propres médecins pour
nous examiner. Cela ne surprendra personne.
Actuellement, la loi 52 devrait être améliorée.
Lorsque le confrère président dit que ça devrait
s'étendre à toutes les autres maladies, on pense que c'est exact.
Pourquoi un mineur qui est atteint d'amiantose dans les mines d'amiante
serait-il compensé et qu'un travailleur d'Atlas Asbestos qui est atteint
d'amiantose ne le serait-il pas? Ce sont deux maladies exactement semblables,
comme d'autres maladies industrielles qui pourraient possiblement être
régressives, mais le temps où le travailleur en est atteint,
ça devrait s'appliquer pour lui.
On a demandé à maintes reprises, et on le demande encore,
l'amélioration de la loi 52. On voudrait que ce soit cette loi qui soit
amendée. Actuellement, on fait face à trois lois: la loi 52, on
vient de l'améliorer par la loi 114, pour les veuves de ces maris
décédés je vous ai dit tout à l'heure ce que
je pensais de la compensation qu'elles devraient retirer et, par la loi
17, on amende le diagnostic positif. On aimerait que ce soit la loi 52 qui
s'améliore, qu'on ne la noie pas dans un projet de loi comme
celui-là, mais que ce soit celui-là, pour que nos mineurs, qui ne
sont pas des avocats, puissent se retrouver dans la loi, pour savoir où
réclamer et qu'est-ce que j'ai en main, quels sont mes droits par
rapport à la loi.
On espère que le gouvernement va se pencher sérieusement
sur ce problème, pour nos travailleurs atteints d'amiantose, que la loi
52 va s'appliquer d'une façon convenable et qu'on ne cherchera pas au
comité de pneumoconiose uniquement à trouver des moyens pour ne
pas compenser, parce qu'on a déjà publié une étude
qui avait été commandée par la CAT, au Dr Gougoux, pour
démontrer qu'environ 5% à 6% étaient atteints; ce n'est
pas grave, il n'y avait seulement 5% à 6%, celui qui avait un mois de
service comme celui qui avait 40 ans, alors il n'y a rien de mieux que
ça pour diluer.
Par la loi 52, on accorde un bénéfice ou une compensation
en fonction surtout de la dimunition de la capacité respiratoire. Or,
comme ils n'ont pas d'ailleurs on le mentionne dans le mémoire de
la fédération au moment où le travailleur est
entré, sa capacité respiratoire, quand on veut savoir et qu'on
n'a pas de donnée de base sur un groupe donné, un
échantillonnage donné, qu'est-ce qu'on doit faire pour situer le
mieux possible, être le plus juste possible? On prend la moyenne. Or, on
sait tous que la normale est entre 80 et 120 de la capacité
respiratoire. Pourquoi prend-on le plus bas, 80, et ne prend-on pas 100 de
moyenne?
D'ailleurs, le Dr Grégoire lui-même, dans une lettre que
j'ai reçue, se posait la question et disait lui-même, puisqu'il
faisait partie du comité de la CAT: Pourquoi ne prendrait-on pas 100,
comme moyenne; on serait beaucoup plus juste. Quand vous donnez en bas de 80,
celui qui était à 90 avait déjà 10% de perdu. S'il
était à 70, c'est 20, ce n'est pas 10. Mais ces gars ne peuvent
pas être reconnus et probablement que nos 26 ou 28, ça l'est le
miracle.
Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Deux secondes pour dire, M. le Président, que
nous venons de faire, en quelques minutes, la description des problèmes
posés ou qui se posent en ce qui concerne l'application de la loi 52 et
le comportement de la CAT.
Vous comprendrez facilement nos réticences et notre
appréhension ainsi que les suggestions que nous faisons relativement aux
pouvoirs des commissions, notamment la Commission de la santé et de la
sécurité, parce que, comme l'assurance-chômage, dans
l'ensemble du pays, les pouvoirs étant aussi larges qu'ils le sont, ces
commissions, par voie de réglementation, comme on le disait ce matin,
indépendamment du pouvoir législatif et par-dessus le
pouvoir législatif viennent souvent restreindre l'objectif
fixé et recherché par les lois. C'est fondamental, en ce qui nous
concerne, et c'est pour ça qu'on va continuer d'insister pour ne pas se
retrouver dans des complications et dans des difficultés comme celles
qu'on décrit actuellement. On veut atteindre un objectif, on l'exprime,
alors qu'on l'écrive donc comme ça, qu'on le mette dans la
loi.
On commence à apprendre ça: c'est-à-dire qu'il y a
des avocats, mais il y a aussi des conseillers en relations industrielles, il y
a des conseillers politiques, etc. Alors, on est confronté à tous
ces gens, on vit des expériences avec eux et on tire des leçons;
les leçons qu'on en tire, c'est que notre réalité, pour
qu'elle soit corrigée, il faut que les lois soient explicites.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Frontenac.
M. Brochu: M. le Président, je n'ai pas tout à fait
terminé; si vous permettez.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: C'est sur le même point. Je pense que la
question de l'amiante, dans tout le dossier qu'on étudie actuellement,
je comprends que ce n'est pas l'ensemble de la santé et de la
sécurité du travail, mais, à mes yeux et pour plusieurs
travailleurs, ça revêt un aspect symbolique à la question
de la confiance.
M. Rodrigue: De la crédibilité?
M. Brochu: De la crédibilité, parce que si on
s'apprête à modeler la Commission des accidents du travail
autrement, il faut dire aux travailleurs: Ecoutez, on repense l'ensemble des
lois, les six ou sept lois existantes et les quelque 20 règlements, on
va refondre tout ça et on va avoir une autre approche pour vous donner
davantage de sécurité et de santé au travail et que, en
même temps, on agit de cette façon, vis-à-vis des
travailleurs, sous le couvert d'une loi déjà existante, je me dis
que les gars qui vont voir venir la nouvelle loi et la nouvelle Commission des
accidents du travail vont dire: Qu'est-ce que ça va être encore?
De quelle façon va-t-on encore nous passer une épinette?
C'est à peu près la question qu'ils vont se poser;
ça ne sera pas: de quelle façon on va vivre à
l'intérieur, mais de quelle façon va-t-on se faire avoir?
C'est pour ça que je demande au gouvernement d'éclaircir
ce point avant d'aller plus loin avec sa loi, de nous donner des explications.
Si vraiment il y a eu erreur dans 28 cas ce que j'aimerais qu'on me
prouve vraiment dans une maladie non régressive comme celle-là
je voudrais qu'on me le démontre en noir sur blanc et, en
même temps, je voudrais il ne s'agit pas de trouver des coupables
qu'on prenne la responsabilité, que le législateur prenne
la responsabilité de permettre le choix à ces individus de
continuer à bénéficier de la loi 52 et non pas d'obliger
ces gens à revenir au travail. (16 h 30)
II semblerait y avoir des dispositions là-dessus, je vais
vous demander des explications encore; c'est de valeur que le ministre ne soit
pas ici, mais je vais y revenir voulant que, lorsqu'on trouve comme cela
un diagnostic différent, il y ait peut-être possibilité
qu'on diminue le quantum des prestations. C'est l'autre question que je me pose
maintenant: Le législateur, le gouvernement responsable est-il
prêt dans ce sens-là à assumer les décisions prises
dans le passé, bonnes ou mauvaises, quelles qu'elles soient, pour ne pas
jouer à la balle avec ces travailleurs? C'est l'autre question qu'on se
pose. C'est toute la question de la confiance envers la prochaine CAT. Ce que
je souhaite de cette superCAT, c'est qu'elle fonctionne bien, que cela marche
bien, mais je me dis que, comme condition préliminaire à cela, on
doit démontrer chez nous, comme le ministre l'a indiqué,
d'ailleurs, dans ses propos au début, dans notre propre maison, au
gouvernement, qu'on agit comme il faut avec au moins les règlements
déjà existants.
Le cheminement de la loi 52 nous amène à poser des
questions. Vous avez été vous-mêmes obligés de
commander une étude pour avoir plus de lumière là-dessus
avec l'enquête sur le Mont-Sinaï. Vous avez eu le rapport du Dr
Gougoux dont M. Lemay a fait mention tout à l'heure où on a un
peu noyé le poisson. Quand on voit, en 1977, la nouvelle directive qui
laissait présager que, dans le cas où il y aurait des miracles,
ces gens-là pourraient revenir au travail et que maintenant cela se
produit et que le ministre, en réponse à une de mes questions
pour voir si la loi 52 serait changée ou non, me dit: Oui, une autre loi
s'en vient qui va peut-être digérer cela un peu, je me dis: Dans
quel sens? Parce que cela a été une loi un peu spéciale,
va-t-on, à cause de la situation, l'effacer complètement pour
essayer de niveler tout le monde et l'oublier dans un grand cadre beaucoup plus
large? Ce sont les questions fondamentales qui se posent à ce
sujet-là. Je suis content que, dans votre mémoire, vous ayez
appuyé ce point-là, parce que cela revêt une importance
capitale pour ces gens qui ont à vivre avec cela, ainsi que pour les
gens chez nous, à Asbestos. Mais cela reste une question aussi
drôlement symbolique par rapport à l'application des
futures lois. C'est sur cette réflexion que je voulais vous laisser.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais apporter
mon point de vue sur cette application de la loi 52. Il est bien évident
que, jusqu'à maintenant, elle s'appliquait difficilement ou, du moins,
tous pouvaient y trouver des trous de par les termes mêmes de la loi.
J'ai toujours cru et je crois encore qu'il y avait deux changements primordiaux
qui devaient d'abord s'appliquer. Le premier, on peut le retrouver dans
l'article 279 du projet de loi d'aujourd'hui où on enlève le
terme "positif". Pour illustrer ce que vient faire ce mot "positif" ici, je
voudrais donner deux exemples. Le premier, c'est l'exemple d'un dossier
d'amiantosé, que j'ai à mon bureau. Il va dans une clinique
médicale, dans un hôpital du Québec. Il se fait examiner
par des pneumologues et un pneumologue le déclare amiantosé. Il
s'en va devant le Commission des accidents du travail pour se faire examiner et
avoir la confirmation de son indemnisation or, il arrive que le même
médecin qui l'a examiné alors qu'il faisait de la pratique
privée, non pas payé par la Commission des accidents du travail,
mais au nom de l'hôpital, une fois engagé par la Commission des
accidents du travail pour venir l'examiner pour savoir s'il a droit à
son indemnisation, le déclare non amiantosé; le même. C'est
évident que, rendu là, on se demande pourquoi. Là, on a
à se le demander.
Ce médecin n'est pas de mauvaise foi, ni dans un cas, ni dans
l'autre. Mais dans le premier cas, lorsqu'il fait de la pratique privée,
il travaille pour l'hôpital. Un individu vient lui demander: Qu'est-ce
que j'ai? Le médecin lui dit en toute conscience: Tu es un
amiantosé. Mais rendu pour la Commission des accidents du travail, il ne
juge pas selon le même critère. La Commission des accidents du
travail lui demande de déclarer si hors de tout doute, positivement,
alors que tous savent que la médecine n'est pas une science exacte...
Que ce soit pour le coeur, les poumons ou n'importe quoi, deux et deux ne
font... Les médecins sont encore à rechercher dans ce
domaine-là. La preuve, c'est que, dans bien des domaines de maladies, on
n'a pas encore trouvé. Rendu à la Commission des accidents du
travail, il n'a plus à juger si le gars est amiantosé. Il a
à juger si hors de tout doute, sans l'ombre d'un soupçon, s'il
était placé dans la boîte aux témoins et
contre-interrogé par des avocats, il irait quand même sous serment
affirmer positivement, hors de tout doute, d'un diagnostic positif que telle
personne est amiantosée. Le médecin dirait: Ecoutez...
De la même façon, dans une cour criminelle, un individu
commet un crime et la défense arrive avec des témoins, des
psychiatres, des médecins qui viennent dire: Le gars n'est pas à
même de subir son procès, il est fou. La poursuite ou la couronne
va arriver avec d'autres témoins, des psychiatres qui ont les
mêmes diplômes qui vont venir dire: II peut subir son
procès, il n'est pas fou. C'est la même chose pour le
médecin qui a à juger pour l'amiantose. Quand il juge dans la
pratique privée, pour lui, c'est un gars malade. Il dirait que c'est un
gars malade, mais, s'il avait à le prouver hors de tout doute et
à déclarer que c'est un diagnostic positif hors de tout doute,
comme la médecine n'est pas une science exacte, il ne peut pas arriver
et rendre le même verdict. C'est là que le bât blesse.
En enlevant le mot "positif", la chance sera aux travailleurs, et
à ce moment, s'il y a une clinique médicale on va y
revenir à la clinique médicale qui le déclare
amiantosé, ce sera à l'autre à prouver hors de tout doute
qu'il ne l'est pas. Cela va faire la différence.
C'est rendu d'autant plus difficile que depuis deux mois la situation
est grave. Le gars se fait déclarer non amiantosé par la
Commission des accidents du travail, il a le droit d'aller en révision
ou en appel, mais pour aller en révision, cela prend un fait
médical nouveau. Il faut donc qu'il aille voir un pneumologue. Or,
jusqu'à il y a deux mois, il restait dans tout le Québec
parce que cette espèce d'animal qui s'appelle pneumologue est assez rare
un pneumologue qui ne travaillait pas pour la Commission des accidents
du travail, et depuis deux mois, il travaille pour la Commission des accidents
du travail et la Commission de révision qui a découvert les
miracles. Pour avoir le droit d'aller en révision, il faut se trouver un
pneumologue. On n'en connaît aucun qui ne soit pas rendu à la
Commission des accidents du travail. Aujourd'hui, vos gars que vous traitez de
miraculés ou de guéris subitement, ils ne peuvent plus en appeler
ou aller en révision. Qui va aller trouver des faits nouveaux
vis-à-vis d'un pneumologue? Il n'y en a plus un qui ne travaille pas
pour la Commission des accidents du travail. Ils sont tous rendus là.
Comment voulez-vous que le travailleur d'amiante ait justice là-dedans
quand ils sont tous payés par la Commission des accidents du
travail?
C'est pour cela que je disais que la première solution, c'est de
donner la chance au travailleur qui est amiantosé, avec tous les
symptômes qui sont mentionnés dans le mémoire de la CSN,
section de Thetford, et ceux qui sont mentionnés dans le rapport
Beaudry. C'est bien clair et bien évident.
M. Lemay a parlé d'une biopsie. J'ai un autre cas. Il y a de quoi
faire réfléchir. J'ai un autre cas encore plus grave que tout
cela. Le gars a tous les symptômes mentionnés. On lui fait une
biopsie, et Dieu sait si c'est assez grave, on va lui chercher un morceau ce
poumon. Quand vient le temps de donner les résultats, le même
médecin de la Commission des accidents du travail lui dit: Excusez-nous,
on n'en a pas assez pris dans le poumon. Il faudrait refaire une autre biopsie.
Le gars a préféré ne plus avoir d'indemnisation, parce
qu'on sait ce qu'est une biopsie. J'en ai un dossier comme cela. Rendu
là, il y a quelque chose qui ne fonctionne plus.
C'est pourquoi je crois que le deuxième gros point c'est
que pour les maladies de l'amiante comme pour les autres maladies
j'entends en
discuter cela va être le médecin nommé par la
compagnie ou le médecin nommé par le syndicat ou le
médecin nommé par la Commission des accidents du travail. C'est
là l'erreur. Les médecins qui doivent juger dans cela, ils ne
devraient pas être nommés par le patron ou le syndicat ou la
Commission des accidents du travail. C'est pour les soins médicaux, ce
ne sont plus les conditions de travail, la sécurité au travail.
C'est pour les soins médicaux et un diagnostic médical. Cela doit
revenir aux hôpitaux, aux affaires sociales et aux médecins en
dehors de la Commission des accidents du travail.
La Commission des accidents du travail, elle, va être
obligée de percevoir des comptes et de payer, elle est un peu
impliquée, elle a un conflit d'intérêts. En même
temps qu'elle est obligée de percevoir des comptes, elle a à
juger si le gars est malade ou non dans un cas de maladie industrielle, dans un
cas d'amiantose, où tout n'a pas été dit, où il y a
encore des recherches à faire. C'est la même Commission des
accidents du travail qui paie et qui, en même temps, décide si le
gars a le droit d'être payé ou non. Cela n'a pas de sens. Qu'on
sorte cela de la Commission des accidents du travail, tous les diagnostics, et
que ce soit fait par les médecins relevant des hôpitaux. On a un
bon hôpital à Thetford qui peut s'occuper de cela. C'est pourquoi
je peux dire au syndicat que les démarches sont faites pour
établir cela a été une des premières
demandes dans la région de l'amiante une clinique médicale
se spécialisant dans ces maladies d'amiantose qui ne relèvera
plus de la Commission des accidents de travail, mais qui relèvera du
ministère des Affaires sociales, c'est-à-dire ceux dont le but
primordial n'est pas de décider s'il va être indemnisé ou
non, mais ceux dont le but primordial est de décider si le gars est
malade, est atteint, oui ou non. La clinique médicale est en bonne voie.
Même les protocoles d'entente entre le ministère des Affaires
sociales et l'hôpital de Thetford sont prêts à être
signés. Les montants sont dégelés pour l'établir.
Le gros problème je ne le cacherai pas c'est que les
pneumologues sont rares.
Le Président (M. Marcoux): Monsieur...
M. Grégoire: Cela peut prendre plus de temps, mais je
voulais répondre en même temps aux questions. Je crois que c'est
un fait que la Loi sur la santé et la sécurité du travail,
dans le domaine de la loi 52, dans le domaine de l'amiantose, n'a pas
fonctionné comme elle aurait dû le faire. On n'a pas donné
la chance aux travailleurs. On a voulu faire de la médecine une science
exacte qui pouvait être manipulée par les avocats et les
tribunaux. Cela a été l'erreur, quand elle a été
adoptée. On a voulu laisser devenir juges ceux qui payaient ou qui
percevaient les paiements, d'où le conflit d'intérêts. Avec
la chance aux coureurs et un diagnostic médical basé sur les
connaissances des médecins, plutôt que sur le point "hors de tout
doute", et une clinique médicale relevant des Affaires sociales et d'un
hôpital, plutôt que de rele- ver de la Commission des accidents du
travail. Voilà deux des premiers points.
Maintenant, pour continuer sur un point qu'a soulevé M. Lemay
tantôt et que je voudrais ajouter dans mes remarques, il a dit que pour
ce qui concerne l'indemnisation pour les régimes de retraite
payés par la compagnie, à partir du moment où un type est
déclaré amiantosé, son régime de retraite de la
compagnie est gelé. Prenons un gars qui, en 1975, est
déclaré amiantosé. Il a 55 ans. Là, il a son
indemnisation comme amiantosé, mais, en 1975, son régime de
retraite est gelé. En 1985, il atteint l'âge de 65 ans. Il cesse
de recevoir son indemnisation comme amiantosé et il reçoit sa
pension de la compagnie. Mais il ne recevra pas le même régime de
retraite de la compagnie qu'un autre individu qui va quitter la compagnie
à l'âge de 65 en 1985. Il va recevoir la pension que celui qui
avait 65 ans en 1975 a reçue et il va maintenir cette pension. C'est
dire les pertes, quand on sait qu'en dix ans, un régime de retraite
il y a des députés qui sont ici depuis longtemps. M.
Bellemare, le régime de retraite des députés il y a dix
ans, ce n'était pas celui d'aujourd'hui. Vous allez admettre ça
avec moi. Vous étiez là il y a dix ans et vous savez comme moi
que ce n'était pas comme ça. Mon père était
député en 1939-1940. Il n'y avait même pas de régime
de retraite dans le temps. Vous, il y a dix ans, si on vous avait dit qu'on
gelait votre régime de retraite, vous auriez dit: Cela n'a pas de sens
que les autres continuent et pas moi.
Le gars a 55 ans. Il quitte l'usine. Là, il a la pension de celui
qui a 65 et lui, quand il aura atteint 65 ans, sa pension n'est pas
augmentée, mais il perd toute son indemnisation comme amiantosé.
Cela n'a pas de sens. Ce doit être changé, sans aucun doute.
M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M.
Grégoire: Pour terminer...
Le Président (M. Marcoux): Je dois constater qu'il y a de
l'éloquence dans cette salle aujourd'hui.
M. Grégoire: Non, mais, M. le Président, quand vous
avez tous les jours des dossiers et le député de Richmond doit en
avoir comme moi, ce sont tous les lundis et des affaires impossibles. C'est
incroyable et inimaginable. Je regrette que le ministre ne soit pas ici, parce
que je sais que c'en est un qui a du coeur, celui-là, et qui comprend
ces choses-là.
Une Voix: ...
M. Grégoire: Non, je pense que c'est celui qui a le plus
de coeur et celui qui comprend ça le mieux parmi eux. Je sais qu'il
comprend ça... Moi, il faut que je lui donne ça. Quand j'ai
insisté parce que l'affaire du mot "positif", c'est moi qui lui ai
demandé de l'enlever et il a compris quand je lui ai
exposé la question des biopsies, à savoir que
c'était à peu près rien que ça qui donnait le
"positif", il a trouvé ça inhumain et il n'a pas pris de temps
à l'admettre. L'affaire de la clinique médicale, il m'a
appuyé aussi pour ça. C'est un témoignage que je peux lui
rendre.
Mais des cas comme ceux-là, quand on est dans nos bureaux... Il
n'y a pas beaucoup de députés qui ont des cas d'amiantose. Il y a
le député de Richmond et moi. Tous les autres cas de maladies
industrielles ou d'accidents du travail...
M. Lavigne: J'en ai un paquet. Je m'en viens.
M. Grégoire: Tu t'en viens. C'est correct, tant mieux si
j'ai de l'appui. Mais, à part de ça, dans tous les autres
comtés, on peut avoir les autres maladies, mais pour l'amiantose, on est
plutôt rare. Moi, c'est plutôt ces cas. Les autres cas, j'en ai
moins vu.
Mais quand on les voit le lundi... Vous voulez que j'écourte mes
propos, mais ça ne fait rien. Cela fait 100 ans que l'amiante marche au
Québec. Cela fait 100 ans qu'ils sont dans la même situation. Cinq
minutes de plus ou de moins en commission parlementaire pour dire ce qu'ils
pensent, eux, ce n'est pas long. Cela fait 100 ans qu'ils attendent et je peux
bien prendre cinq minutes pour dire ce qu'ils viennent me dire à mon
bureau, M. le Président.
Une Voix: ... t'entendrais dire ce que tu dis aujourd'hui.
Le Président (M. Marcoux): Monsieur...
M. Grégoire: Cela fait longtemps... M. le
Président, je voudrais terminer avec ceci.
J'aimerais que le ministre vienne passer une journée dans mon
bureau à Thetford et qu'il vienne peut-être aussi à
Asbestos, qu'il vienne entendre ça, qu'il vienne voir un gars qui s'est
fait enlever un poumon et on lui dit: II y a de l'amiante sur ce poumon, mais
il n'y en a peut-être pas sur l'autre.
Une Voix: Oui...
M. Grégoire: Oui, il y en a un gars comme ça,
n'est-ce pas? J'en citerais, des cas. Vous ne pensez pas que ça vaut la
peine d'être mentionné et prendre cinq minutes pour le faire?
C'est inhumain. Je termine là-dessus, M. le Président. Qu'on
change ça.
Le Président (M. Marcoux): ...
M. Brochu: M. le député de Frontenac... que la
Commission des accidents du travail arrête ce qu'elle a commencé
dans le moment?
M. Grégoire: Arrête?
M. Brochu: Oui, ce qu'elle a commencé dans le moment,
à savoir d'essayer de ramener les gens au travail?
M. Grégoire: Ah oui, bien, attends un peu! Je vais
rectifier ça. La Commission des accidents du travail a nettement
indiqué que dans le cas des 28, il n'était pas question de les
ramener au travail et qu'ils continueraient à être
dédommagés comme avant, jusqu'à l'âge de 65, comme
si le changement de diagnostic n'était pas venu.
M. Brochu: Je prends votre parole. Si ça change...
M. Grégoire: Cela, c'est ce que la Commission des
accidents du travail a déclaré. Ce que je ne comprends pas,
cependant, c'est que parce qu'il y en a 28 et qu'ils évaluent ça
à $100 000, ça fait $2 800 000, qu'ils aillent remettre ça
aux compagnies. Ils en ont assez laissé passer à travers leurs
filets et ils ont si peu payé pour ça que les compagnies
devraient laisser les $2 800 000 là. Je ne comprends pas ça.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre! Je
m'excuse. J'ai voulu...
M. Grégoire: M. le Président, M. Lemay a
peut-être des commentaires à faire sur ce que je viens de dire.
(16 h 45)
Le Président (M. Marcoux): II y aura sûrement du
temps pour les commentaires, mais j'ai voulu être le plus large possible,
aujourd'hui, compte tenu du bon climat de travail de la commission, mais je ne
voudrais pas multiplier les précédents qui fassent que mes
successeurs éprouvent de la difficulté à faire
régner le bon ordre nécessaire aux travaux de la commission.
Avant, un commentaire général, on m'indique qu'on
souhaiterait qu'on raccourcisse les réponses, qu'on aille à
l'essentiel, puisque cela fait quand même près de cinq heures que
nous avons reçu votre groupe, je pense que les membres de la commission
ont montré l'intérêt particulier qu'ils avaient face
à l'ensemble de vos mémoires.
Oui, M. Leclerc.
M. Leclerc: Je viens d'entendre les propos des
députés qui parlent de l'amiante. Cela a toujours
été une question qui m'a préoccupé. En 1948, la
revue Relations parlait du scandale de Saint-Rémi-d'Amherst; toute la
province a braillé. On allait jusqu'à dire que les petites filles
des mineurs silicosés étaient obligées d'aller faire du
trottoir, cela avait été ce qu'on appelle une brisure familiale
et sociale de cette ville. On a eu les grèves de 1949 et 1975 pour les
gars de l'amiante. J'entends deux députés de partis
différents. C'est drôle, depuis ce temps, ils n'ont pas encore
réussi à faire des lois qui compensent pleinement les
travailleurs. Depuis ce temps, ils sont encore à s'apitoyer sur notre
sort comme travailleurs.
Je trouve très curieux d'entendre ces gens dire: On va faire
quelque chose, la situation est
déplorable. Ce n'est pas de nos jours que cette situation existe,
mais depuis fort longtemps. On s'est dépêché je me
souviens, j'étais peut-être jeune à voter une loi
spéciale pour Talbot, pour qu'il ait son fonds de pension même
s'il avait agi pas trop correctement. On s'est dépêché pour
reconnaître un parti, même s'il n'avait pas le nombre de
députés. Mais quand il s'agit de faire des lois spéciales
pour compenser les travailleurs, cela prend du temps en "tabarouette"! Quand je
viens de voir le document du ministre Bernard Landry disant qu'on va favoriser
le secteur privé, le secteur privé pour moi, c'est bien
malheureux, M. le Président, MM. les députés, c'est le
secteur qui donne la liberté de continuer à charcuter les
travailleurs, c'est leur milieu de travail, ce n'est pas autre chose que
cela.
Je vais vous donner un exemple, et je le dépose. J'ai ici un
document qui est fait par la compagnie Loram-Komo. Loram, pour ceux qui ne le
connaissent pas, c'est le nouveau nom de Manic, les tueurs de Mont-Wright
où on est en train de faire les rencontres avec une clinique qui
s'appelle la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal
Inc. C'est signé par un M. Laporte, directeur de la
sécurité industrielle de Loram-Komo. Entre autres, je vais vous
citer un paragraphe, si vous me permettez: "J'ai rencontré M. Claude
Lefrançois, de la Commission des accidents du travail, lequel
était très intéressé par la brochure, me demandant
de lui faire rapport de mon enquête afin de recommander aux autres
compagnies de la baie James de suivre les traces de Loram-Komo et
d'établir une procédure d'examen de préembauchage,
d'avertissement dans les cas douteux avant que l'employé n'arrive
à la baie James, d'audiogramme, d'expertise avec spécialistes
à travers la province, d'un médecin attitré pour
l'obtention de rapports médicaux de la CAT, autres services
médicaux".
On va plus loin que cela. On dit, à un moment donné, qu'on
ne devrait plus continuer à payer la compensation dans le cas où
on aura fourni à un travailleur qui est devenu sourd un appareil
auditif. On dit maintenant qu'on lui a fourni son appareil, on ne doit pas
continuer.
Dans ce dossier-là selon les traces de Loram-Komo, certains
districts de la province nous causent plus de problèmes que d'autres et
deviennent très dispendieux pour la compagnie. Le district de Rimouski,
en allant vers Gaspé, est le plus dangereux à cause du taux de
chômage et de bien-être social qui existe. Les personnes de ce
district connaissent tous les trucs pour obtenir des bénéfices
gratuits du gouvernement, sans travailler. Dans les cas de compensation que
nous avons actuellement, au-delà de 75% proviennent de cette partie de
la province. Les traces de Loram-Komo veulent étiqueter un ensemble
d'une population dans un territoire québécois et disent: Ce sont
des gens qui ne veulent pas travailler, ce sont des gens qui font exprès
pour se blesser, ce sont des gens qui courent au-devant des accidents.
Depuis 1956 que je travaille, je n'ai jamais vu un travailleur courir
au-devant d'un accident. Je n'ai jamais vu un travailleur vouloir manquer de
revenus. Je ne crois pas à ça. Il faudrait arrêter de
s'apitoyer sur nous-mêmes.
M. Morin, le vice-premier ministre cela nous est rapporté
dans Le Jour du 2 mars 1974 à l'occasion d'une tournée dans le
Nord-Ouest prend des cas de travailleurs qui ne reçoivent pas la
compensation, qui sont refusés ou on oblige les travailleurs, même
dans l'impossibilité de travailler... Il dit que c'est terrible et que
cela n'a aucun sens.
Dans notre mémoire on vous rappelle même les paroles, les
propos de M. Lévesque et de M. Burns: "Non au travail qui tue" et qui
ont été reproduits dans le Journal de Québec du 20
septembre 1975. Quand est-ce que le massacre va cesser? Quand va-t-on vraiment
compenser pleinement les travailleurs qui ont donné... et je pourrais
vous en citer des cas... J'ai un cas actuellement dans mon dossier d'un gars de
Indusmin c'est à Saint-Jérôme où deux
rapports médicaux disent que le gars est atteint de silicose, mais la
veuve ne reçoit rien parce que son cas est devant le comité de
revision. J'ai le cas d'un travailleur, père de quinze enfants... Quinze
enfants, c'est travailler pour le Québec. Il y en a qui nous disent: II
faut en faire des enfants, mais après 30 ans de travail dans la
construction, sa récompense c'est qu'il a subi un accident du travail et
qu'il ne reçoit aucune compensation parce que la Commission des
accidents du travail joue avec la loi et fafine avec les textes, parce que ce
sont des avocats qui ont passé leur temps à voter ça.
C'est la situation.
S'il vous plaît, arrêtez donc de vous apitoyer sur notre
sort et votez donc des lois pour que cette affaire-là cesse.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît! Voulez-vous répéter votre nom pour le
bénéfice du journal des Débats?
M. Gagnon (Sylvio): Sylvio Gagnon, président de la
Fédération des mines, de la métallurgie et des produits
chimiques, affiliée à la CSN. Je vais essayer de faire ça
assez brièvement. Je voudrais revenir un peu à l'intérieur
de l'usine pour relever quelques remarques qui ont été faites
notamment par le député de Johnson, sur le respect par les
travailleurs des mesures de prévention ou des mesures de
sécurité qui sont prises par l'employeur.
Je pense que c'est très facile, au niveau d'un texte de loi, de
mettre ça dans un texte de loi, et dire que les travailleurs doivent
évidemment respecter les mesures de sécurité qui leur sont
imposées. Bien souvent ces mesures-là qu'on impose, ce sont des
casques protecteurs, des lunettes, etc.
Il y a aussi d'autres mesures de prévention, comme, par exemple,
là où il y a un peu de matériel roulant dans une usine, on
essaie de respecter une vitesse normale, une vitesse qui ne soit pas
dangereuse. J'ai travaillé quinze ans dans une usine où il y
avait des règles, on disait qu'il y avait des règles de
sécurité.
Par exemple c'est un exemple entre autres sur la vitesse
de déplacement du matériel roulant à l'intérieur de
l'usine, il n'y avait pas de contremaître qui fouettait les gars pour
aller plus vite, sauf que le contexte à l'intérieur de l'usine
faisait en sorte qu'il n'y a pas un travailleur qui la respectait, parce qu'il
avait son contremaître en arrière qui disait, il faut que j'aie
tant de matériaux chargés dans ma journée. Il n'avait pas
le fouet, mais il y avait une pression continuelle qui faisait en sorte qu'il
n'y a pas un travailleur, dans les 15 ans que j'ai été là,
qui respectait la limite de vitesse.
Pourtant, dans les règlements de sécurité de la
compagnie, il y avait une limite de vitesse à respecter. S'il arrivait
un accident, qui était le responsable? C'était le travailleur,
évidemment, il n'avait pas respecté la limite de vitesse. Mais la
compagnie n'a jamais fait en sorte que les travailleurs travaillent vraiment
à cette vitesse. Ce sont des choses comme ça, quand on parle de
respecter les mesures de prévention, quand on parle de police à
l'intérieur d'une usine, ce sont des choses comme ça qu'on
voudrait éviter. Ce sont des points concrets.
Les mêmes remarques sont venues à propos des
responsabilités du travailleur. Je pense que dans notre mémoire,
on essaie de décrire les conditions des travailleurs de notre
fédération et on essaie de dire pourquoi on n'est pas d'accord
avec la loi. Cependant, il y a une chose que je voudrais qui soit bien
précisée. Il y a des gens, au niveau de l'organisation de la
société, qui prennent des décisions économiques et
ce n'est pas nous, ce sont nos "boss" qui prennent les décisions
économiques. On ne peut pas accepter de prendre une
responsabilité sur laquelle on n'a aucun pouvoir de décision. Ce
sont d'autres qui prennent les décisions économiques et on
voudrait que ce soit nous qui en prenions la responsabilité. On ne peut
pas accepter un tel fonctionnement.
Je pense que tout le monde sait avec quelle agressivité les
patrons défendent leurs droits de gérance en négociation.
Tous ceux qui ont connu un peu la négociation savent avec quelle
agressivité, je le répète, les patrons défendent ce
droit de gérance. On est obligé de faire des luttes
extrêmement difficiles pour leur arracher des parcelles de droit de
gérance. Ils veulent garder le droit de gérance, alors ils vont
garder les responsabilités qui s'y rattachent. On est, en
réalité, dans le fonctionnement normal d'une usine, des
exécutants et on voudrait qu'on prenne la responsabilité de la
prévention des accidents au travail.
Si on doit en prendre la responsabilité, il faut aussi avoir les
pouvoirs de changer les choses. Quand on parle de changer des choses, c'est de
changer le mal à sa source, de le corriger, ce n'est pas simplement,
comme on voit dans la plupart des cas, dans les usines, c'est prévenir
d'un danger. C'est facile, on met des affiches pour prévenir du danger
et s'il y a un imbécile, parce qu'on dit que c'est un imbécile
quand il va se mettre le doigt à la mauvaise place et qu'il est
blessé, c'est lui qui est responsable. Je suis dans une entreprise, je
l'ai fait remarquer, une multinationale qui se vante d'avoir un programme de
sécurité très intéressant. Chaque mois, ils
affichent, sur les tableaux de l'usine, tous les accidents qui peuvent
être arrivés dans toute la multinationale, que ce soit au Mexique,
en Belgique, au Canada, et jamais, dans aucun rapport, je n'ai vu où on
disait que c'était la faute de la compagnie, qu'ils avaient
négligé de réparer une machine, etc. Jamais. Pourtant,
j'en ai vu et je lisais tous les rapports de sécurité.
D'ailleurs, ils étaient toujours en anglais, tout le temps, parce qu'ils
venaient de Chicago.
Tous les programmes de sécurité des entreprises sont faits
en fonction de laisser la responsabilité aux travailleurs, parce qu'on
s'arrange pour que les normes de sécurité, qui sont
intéressantes, les normes de prévention, sauf que la condition
à l'intérieur de l'usine fait en sorte qu'elles ne sont pas
respectées et quand il arrive un accident, on dit aux travailleurs: Tu
connaissais ton code de sécurité, tu n'avais qu'à le
suivre. On ne parle pas du contexte dans un rapport de sécurité.
Ce sont les points que je voulais soulever à la commission.
Le Président (M. Marcoux): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais, à ce
moment-ci, avant de remercier la commission, conclure ou synthétiser sur
la position de la CSN. Le ministre a dit qu'il n'était pas de son
intention, entre autres, de faire des comités paritaires l'instrument
unique dans la législation. Nous en prenons acte et nous nous attendons
que ce soit expressément dit dans la loi. ( 17 heures)
Cela signifie cependant, pour nous, que les articles 3 et 7 de la loi
doivent protéger les droits collectifs, que 280 ne doit pas signifier la
perte des droits acquis, que la loi donne effet aux conventions collectives,
qu'il n'y ait pas de juridiction exclusive on a parlé à
deux ou trois reprises de juridiction exclusive, notamment dans le cas des
comités paritaires que les représentants syndicaux ne
soient pas dilués dans des comités paritaires où
siègent, à leur côté, des non-syndiqués, que
le choix de ce moyen, qu'on appelle les comités paritaires, soit
laissé aux syndicats.
Le ministre a dit aussi qu'il ne dérogerait pas de son objectif
fondamental de l'élimination des dangers à la source et qu'il est
prêt à faire dire aux textes de loi ce qu'ils doivent dire pour
atteindre cet objectif.
Cela signifie pour nous, tel que nous voyons la situation, que le droit
de refus ne peut pas être limité à une motion aussi large
et abstraite que le danger normalement et habituellement inhérent que
jamais il ne soit permis, par exemple, aux compagnies, de se défaire de
cette obligation par le port d'appareils de tout genre. En conséquence,
il faut qu'il soit dit, dans la loi, que le port d'appareils, comme on l'a
mentionné, et tous ces moyens de protection individuelle sont
provisoires,
temporaires et ne diminuent en rien l'obligation de la compagnie
d'éliminer les dangers à la source; que tout contaminant en
matière dangereuse ne doit pas être limité non plus que la
nomenclature des maladies du travail.
Quant au droit de refuser un travail dangereux, le ministre dit qu'il en
veut un réel droit de refuser un travail dangereux. Il faut alors, quant
à nous, qu'un travailleur ne puisse pas faire l'objet de
répression, comme c'est le cas, lors de la formation d'un syndicat,
à l'occasion de l'organisation syndicale et que, en conséquence,
il faut prévoir un mécanisme de statu quo ante dans le cas
où on connaîtrait ces situations. Il faut permettre aussi le droit
collectif pour protéger les travailleurs et s'assurer que le droit est
exercé. Je répète, sur ce plan, que le Code du travail
interdit un arrêt concerté et que, en conséquence, si la
loi 17 ne le prévoit pas, la concertation entre travailleurs ne sera
jamais possible, même s'ils n'ont pas satisfaction en cours de route.
Quant aux abus, nous soutenons qu'il n'y en a pas; on n'est pas capable
de nous donner des cas dans le 3787, dans le décret de la construction,
dans le cas de la langue française, même les patrons ont admis
qu'il n'y avait pas d'abus dans ce cas, malgré les difficultés
qu'on a exprimées de composer les comités en question.
Or, les abus, quant à nous, M. le Président, sur la
question de la santé et de la sécurité au travail, sur la
question des accidents du travail, avec les témoignages que nous avons
entendus cet après-midi, qui auraient pu être taxés de
gauchistes, comme la CSN, à l'occasion, a son lot sur ce plan, de la
part de certains observateurs de la scène, pendant que les travailleurs
ont les pieds dans la "slush" et les mains dans les machines, après
avoir entendu ces discours, je pense que le gouvernement et, en premier
lieu, le ministre responsable devrait réfléchir
sérieusement avant de poser le geste définitif de
légiférer sur ces questions, pour faire en sorte qu'on arrive
à trouver des moyens réels pour corriger les situations et qu'on
ne soit pas aux prises, dans quatre ou cinq ans, avec une série de
procédures dilatoires qui fassent en sorte que les travailleurs, pendant
ce temps, aient continué de connaître les problèmes qu'ils
connaissent actuellement, soit sur le plan des maladies, soit sur le plan des
accidents. La CSN, dans ce sens, M. le ministre, j'aime autant le souligner
tout de suite, n'hésitera pas et n'arrêtera pas de souligner et de
faire pression sur le gouvernement pour faire en sorte qu'il tienne compte de
ces objectifs.
Le Président (Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: Très rapidement, M. le Président, bien
sûr, sans reprendre tout ce qui a été dit, parce qu'on a
eu, je pense, une discussion de cinq heures, mais il s'agissait quand
même de trois mémoires consolidés ou, en tout cas,
ramassés, deux d'entre eux présentant des dimensions
particulières du problème, donc, je pense que ça se
justifiait largement.
On me permettra, très rapidement, sans revenir sur tous et chacun
des éléments, d'indiquer deux choses, avant de tirer une
espèce de ligne. D'une part, en ce qui concerne les équipements,
le port d'équipement individuel, vous l'avez dit, M. le président
de la CSN, que ça ne devrait pas être autre chose que du
temporaire ou du provisoire.
Il est bien certain que dans certains cas je pense que vous en
conviendrez avec moi il y a du temporaire et du provisoire qui risque de
durer un bon bout de temps. On en a parlé en cours de route. Je pensais
aux pompiers. Jusqu'à nouvel ordre, je pense qu'il va falloir... Cela
n'exclut pas et cela ne doit jamais exclure de viser à s'attaquer
à la racine des maux. Pour mentionner un cas, je ne sais pas si c'est
demain matin qu'on trouvera le moyen d'éliminer la
nécessité du port du casque sur les chantiers de construction ou
d'un certain type de bottines antidérapantes dans certains cas. Cela
dit, il ne reste pas moins que le port d'appareils, d'équipements de
sécurité individuelle sauf les cas où le provisoire
et le temporaire peuvent avoir une certaine durée de par la nature
même des choses cela ne doit jamais justifier de se donner bonne
conscience en disant: On a fait cela, c'est réglé et en d'autres
termes, de passer à côté du problème de fond qui est
de viser à régler les problèmes à la source, encore
une fois en sachant tous fort bien, à condition de s'y mettre ensemble
et de se donner les outils pour y arriver, qu'on ne pourra pas y arriver en
deux jours. Il y a moyen de changer des choses au point peut-être de nous
étonner nous autres mêmes de ce qu'on est capable de faire,
à la condition qu'on travaille ensemble ce qui suppose certainement un
haut degré bien sûr de conscience et de fermeté, mais aussi
de bonne foi, non pas d'une bonne foi guenille et à genoux, ce n'est pas
comme cela que je le vois, pas du tout. Je pense que les réalités
sont là. Il ne faut pas se cacher ces réalités-là,
mais il y a moyen de faire avancer les choses de façon importante sur un
certain nombre d'années relativement court, je pense à une
période de quatre ou cinq ans. Encore une fois, je regarde les
expériences d'autres pays et d'autres provinces. Une chose qui a
été signalée avec beaucoup de justesse d'ailleurs cela
reprenait des chiffres qu'on citait dans le livre blanc qui émane pour
l'essentiel du rapport Larochelle sur les constats d'infractions et surtout
dans des cas de récidives cela a été
évoqué en particulier par M. Leclerc qui mènent
dans certains cas à des espèces d'avis préalables qui ont
mené à des amendes complètement farfelues et qui, dans bon
nombre des cas n'ont mené à rien du tout, vous avez parfaitement
raison de le signaler. On l'a signalé dans le livre blanc et c'est pour
cela qu'on introduit dans le projet de loi no 17 les articles 204 et 207. Si on
veut s'en sortir une fois pour toutes, il faut, premièrement, allonger
le délai de prescription. Dans certains cas, le délai de
prescription n'était que de six mois, dans la foulée de certaines
infractions, ce qui fait que, quand le dossier passait à des inspecteurs
de l'OCQ, au contentieux du ministère du Travail pour s'en aller au
contentieux du ministère de la
Justice, on aboutissait dans certains cas avec plus de délais du
tout pour procéder, d'une part. Deuxièmement, c'est pour cela
aussi qu'on prévoit que les poursuites pénales en vertu de
l'article 204 pourront être intentées par un inspecteur-chef
régional, par la commission ou par une personne désignée
par la commission généralement ou spécialement à
cette fin, pour que les choses puissent débloquer rapidement et
également, on ajoute à l'article 204 "ou partout
intéressé", "tout intéressé" voulant bien dire ce
que c'est censé dire sur le plan juridique. On a fait quelques
commentaires pendant l'heure du dîner, en regardant cela quand je l'ai
signalé à un porte-parole de la CSN. "Tout
intéressé", c'est certainement au premier chef, les hommes et les
femmes qui sont au travail, mais c'est aussi ou en tout cas je dois vous dire
que c'est notre intention... Si ce n'est pas cela que cela dit, c'est cela que
cela va dire. Par "tout intéressé", déjà il semble
que le jurisprudence établit que, comme on parle de "toute personne" par
"tout intéressé", cela inclut les personnes morales et notamment
dans notre esprit parce qu'il doit y avoir une notion
d'intérêt direct, selon la jurisprudence, un syndicat local
la possibilité de mettre en branle et d'enclencher le processus des
poursuites pénales quand cela s'impose. On a aussi, à l'article
207, élargi le délai de prescription.
On m'a fait quelques commentaires sur la notion d'intérêts
directs quand il s'agit d'une personne morale et d'un syndicat. On va regarder
cela de très près, mais notre intention là est très
claire et très nette, parce qu'on pense que ce n'est pas possible, quand
il y a des cas d'infractions constatés, établis, prouvés,
il n'y a pas de raisons pour que les sanctions en conséquence ne
s'appliquent pas. La loi prévoit que les sanctions seront beaucoup plus
dures qu'elles ne l'étaient par le passé.
Très rapidement, sur la question... Cela a été
évoqué, on a parlé de la loi 52. Il a aussi
été fait mention du régime général
d'indemnisation actuel de la CAT. Je dois vous dire et vous rappeler ce que
j'ai eu l'occasion de mentionner depuis le début des travaux de cette
commission, que c'est l'intention du gouvernement, indépendamment du
projet de loi no 17 et nous avons déjà commandé des
travaux là-dessus de procéder à un réexamen
complet de l'ensemble des régimes d'indemnisation actuels, parce que de
toute façon, on pense qu'on doit les examiner en regard du nouveau
régime d'assurance automobile qui est basé sur une philosophie
différente, puisqu'il s'agit d'une philosophie de remplacement de
revenus, alors que les régimes d'indemnisation actuels, en
matière d'accidents du travail, sont basés sur une philosophie de
compensation de perte d'intégrité physique. Donc, on pense qu'il
s'impose de réexaminer complètement l'ensemble de toutes et
chacune de ces questions. Il y a des recommandations très
précises.
Je pense à certains commentaires qui ont été faits
tout à l'heure, concernant, en particulier, les veuves de certains
travailleurs accidentés. Je pense que c'est dans cette perspective que
cela mérite d'être examiné très attentivement. On va
regarder les recommandations qui ont été faites dans ce sens.
Cela vaut aussi pour toute la question des expertises médicales
où on pense que, sur la base des connaissances techniques de
l'évolution des connaissances scientifiques dans ce domaine, il devrait
y avoir moyen ce n'est pas le département des miracles de
regarder les possibilités d'en arriver à quelque chose qui fasse
que dans les cas où un homme ou une femme au travail... Je pense que
c'est cela dans les faits, et c'est cela les témoignages qu'on a
entendus à nouveau, "pitcher" d'un expert et d'un autre expert par la
suite, et d'un autre expert qui vient contester le premier, et tout cela, sur
le dos de ceux qui sont les premiers concernés. On pense qu'il doit y
avoir moyen d'aboutir à quelque chose qui soit beaucoup plus humain et
qui respecte ceux qui sont concernés.
Je terminerai en rappelant ce que j'ai dit au début. C'est dans
cette perspective qu'on va regarder à nouveau les articles 7 et 280. Je
vais rappeler à nouveau qu'il n'est pas question dans notre esprit
d'enlever des droits qui seraient acquis en plus du plancher de base, du
minimum qu'introduirait une loi 17 adoptée c'est très
clair dans notre esprit pas plus d'ailleurs qu'on veut enlever aux
parties la possibilité de construire pardessus ce plancher de base,
d'ajouter, de la même façon qu'on veut permettre de faire en sorte
que ceux et celles, qu'ils soient syndiqués ou pas syndiqués pour
l'instant, qui n'ont même pas l'équivalent d'un plancher de base
minimum, puissent bénéficier automatiquement de quelque chose qui
s'en va dans le sens d'une hausse automatique, d'une forme d'indexation des
droits qu'ils ont ou qu'ils n'ont même pas, dans certains cas, pour
être capables de bénéficier au point de départ, de
ce minimum.
Encore une fois, je rappelle, en terminant, qu'un certain écart
semble exister entre le discours du mémoire et les recommandations qui
apparaissent en annexe, les recommandations qui apparaissent dans certains
mémoires. On va regarder très attentivement toutes et chacune des
recommandations qui ont été soumises à l'attention de
cette commission. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer dès
mon premier commentaire d'introduction qu'il nous semblait qu'il y avait
certaines recommandations qui étaient particulièrement
intéressantes et qui méritaient d'être regardées
plus qu'à la loupe. Soyez assurés que je compte bien faire en
sorte que les recommandations soient examinées en
conséquence.
Là-dessus, je tiens à remercier infiniment les
porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux ainsi
que les porte parole des deux fédérations qui étaient
présents. Je pense que nos discussions ont été plus que
fructueuses. Je pense qu'elles auront permis aussi d'apporter un
éclairage à partir du concret, du vécu, aux membres de
cette commission parlementaire. Soyez assurés
qu'un certain nombre de choses qui ont été
mentionnées ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd.
Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie la
Confédération des syndicats nationaux, la
Fédération des syndicats des mines de métallurgie et des
produits chimiques ainsi que la Fédération nationale des
syndicats du bâtiment et du bois de nous avoir parlé depuis 10
heures ce matin de la santé et de la sécurité du
travail.
J'inviterais maintenant l'Association des entrepreneurs en construction
du Québec à venir nous présenter son mémoire,
mémoire no 50.
M. Brulotte?
Association des entrepreneurs en construction du
Québec
M. Brulotte (Claude): Bonjour!
Le Président (M. Marcoux): Bonjour! Si vous voulez nous
présenter vos collègues et nous présenter votre
mémoire.
M. Brulotte: A ma droite, Paul Roberge, avocat et conseiller
juridique de l'AECQ; à ma gauche, Alfred Regnier, directeur de notre
service de sécurité.
Je vais demander à M. Roberge de vous présenter
brièvement l'historique de l'association.
M. Roberge (Paul): Créée en 1976, l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec regroupe, en vertu de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, tous les
employeurs dans l'industrie de la construction qui oeuvrent au
Québec.
Notre industrie compte, à l'heure actuelle, plus de 16 000
employeurs qui emploient plus de 150 000 personnes. L'association, qui a pour
objet de s'occuper exclusivement de relations du travail dans l'industrie de la
construction, est l'unique agent patronal pour les fins de la
négociation et de la conclusion de la convention collective qui, sur
requête, est prolongée en décret.
Incorporée par loi spéciale le 14 avril 1976,
l'association a pour objet d'étudier, promouvoir et développer
les intérêts des employeurs de l'industrie de la construction au
niveau des relations du travail, de fournir à ses membres les services
dans ce domaine et d'agir comme leur représentant auprès des
intérêts privés, des pouvoirs publics et parapublics, des
agents de la vie économique, des groupements syndicaux, patronaux ou
autres.
Pour mieux servir ses membres, l'association compte onze bureaux
régionaux situés dans les principaux centres économiques
de la province de Québec. Dans chacun d'eux, un personnel
compétent informe et conseille les employeurs sur tout ce qui a trait
aux relations du travail et notamment l'interprétation et l'application
du décret, le règlement des griefs, l'application de l'ensemble
des lois et règlements qui régissent l'industrie de la
construction, y compris le Code de sécurité pour les travaux de
construction, tel le souhait exprimé dans le rapport de la commission
d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie
de la construction.
Afin d'atteindre pleinement ses objectifs et de remplir
adéquatement son mandat confié par le législateur,
l'association emploie plus de 80 personnes dirigées par un conseil
d'administration composé de 21 employeurs.
Dans le domaine de la prévention des accidents du travail,
considérant que la santé et la sécurité des
travailleurs de la construction constituent une préoccupation majeure de
la partie patronale, les employeurs de notre industrie se sont imposé,
en janvier 1978, une augmentation de cotisation afin de se doter d'un service
complet en matière de sécurité et de prévention
d'accident du travail. Cette résolution d'augmenter la cotisation fut
adoptée à 80% par nos membres réunis en assemblée
générale tenue dans nos dix régions administratives.
Cette augmentation de cotisation décrétée par les
membres a permis à l'association de mettre sur pied un service de
sécurité et de prévention qui voit à l'application
des lois et règlements relatifs à la sécurité sur
les chantiers de construction. Au moins un conseiller spécialisé
en sécurité et prévention oeuvre dans chacun des bureaux
régionaux de l'association. Ce service assure également la
formation et l'information des membres en cette matière.
Plus concrètement, par le biais du service de
sécurité et de prévention de l'association, 3470
entrepreneurs de l'industrie de la construction ont suivi un cours de base en
matière de sécurité entre le 1er novembre 1978 et le 1er
juillet 1979. Nos moniteurs ont tenu plus de 120 sessions de cours dans tous
les coins de la province. En plus de ce travail éducationnel, les
conseillers de l'association ont effectué, depuis le 1er novembre 1978,
plus de 2000 visites, soit de chantiers de construction ou de sièges
sociaux d'employeurs, et ce, à leur demande.
Le rapport d'activités de notre service de sécurité
et de prévention indique pour cette même période que plus
de 1700 consultations téléphoniques ont été
données à des employeurs par nos conseillers. Les cours de base
en sécurité constituent pour nous une première
étape. La seconde, que nous venons à peine d'entreprendre, vise
à implanter des programmes de sécurité sur les chantiers.
Déjà, nos conseillers en prévention ont introduit 250
programmes types au sein d'entreprises choisies, compte tenu des travaux
spécifiques de chacune d'elles. Si cette première
expérience s'avère bonne, nous envisageons de l'extensionner
à toutes les entreprises de construction.
Toujours dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail, notre association participe activement aux
travaux de divers comités qui fonctionnent dans le cadre d'organismes
tels que l'Office de la construction du Québec, la Commission des
accidents du travail du Québec, le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, la Régie des entreprises de construction du Québec
et le Conseil du patronat.
Dans cette brève introduction, nous avons voulu, messieurs les
membres de la commission, vous présenter, d'une part, l'organisme que
nous représentons et, d'autre part, vous démontrer les efforts
soutenus de l'association en matière de santé, de
sécurité et de prévention sur les chantiers de
construction. Notre expérience est brève, certes moins
d'un an mais grâce aux fonds consentis par nos membres, les
employeurs de l'industrie de la construction, elle est riche en enseignement
que nous avons voulu traduire dans le mémoire que nous vous
présentons aujourd'hui.
Considérant que notre présentation ne comportera pas la
lecture intégrale de notre mémoire nous demandons, si possible,
qu'il soit annexé au journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): ... on l'accepte. (voir annexe
D)
M. Brulotte (Claude): M. le Président, messieurs les
membres de la commission, l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec a suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution
du dossier de la santé et de la sécurité au travail, car
il comprend des implications sérieuses pour notre industrie. L'AECQ est
une association patronale vouée aux relations de travail dans la
construction, qui regroupe sans exception tous les employeurs actifs de cette
industrie. La construction est, par essence, une entreprise où les
risques d'accidents sont élevés.
En référant aux notes de présentation du projet de
loi, nous notons qu'il est de l'intention du gouvernement d'assurer une plus
grande participation des premiers intéressés, employeurs et
travailleurs, à la gestion de la sécurité en usine ou sur
les chantiers. L'AECQ concourt totalement à cet objectif car,
étant plus impliquées, les parties prendront plus
sérieusement leur responsabilité réciproque dans ce
domaine.
Déjà, à la lecture du livre blanc, nous pouvions
anticiper que le secteur de la construction, à cause de besoins plus
spécifiques que l'industrie manufacturière, allait faire l'objet
d'une réglementation particulière. Il nous apparaît normal
d'envisager une législation ainsi structurée, car elle sera ainsi
susceptible de mieux répondre à un secteur de l'industrie
où le lieu de travail, les mouvements de main-d'oeuvre et les risques,
etc, sont tout à fait différents des autres secteurs
d'activités.
Nous tenterons, dans ce bref exposé, de vous sensibiliser aux
points que nous considérons de première importance pour notre
industrie, dans l'espoir d'apporter à ce projet de loi notre expertise
et contribuer à ce que son adoption par le gouvernement atteigne
l'objectif visé; le respect de la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des travailleurs
du Québec.
Le thème majeur de notre présentation portera sur les
dispositions particulières relatives au chantier de construction, mais,
préalablement, nous soumettons des commentaires sur le contenu de
certaines sections du projet de loi qui nous sont apparues intimement
liées à notre industrie.
C'est dans cette partie de notre mémoire que nous
résumerons notre position.
L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a,
depuis sa création en 1976, été sensible à cette
question de santé et de sécurité au travail. Elle a
manifesté sa volonté d'assumer ses responsabilités dans
l'industrie de la construction en matière de formation et de
prévention et, aujourd'hui, nous sommes heureux de pouvoir nous adresser
à cette commission. Nous voulons vous assurer, M. le ministre, M. le
Président, et messieurs les membres de cette commission, de notre
désir de coopérer de la façon la plus positive possible
à l'élaboration de cette législation qui devrait, nous
l'espérons, mettre le monde du travail au diapason des nations
industrialisées qui ont, de longue date, légiféré
dans le domaine de la santé et de la sécurité du
travail.
Généralement, nous avons constaté que depuis la
première ébauche du livre blanc, le contenu a sensiblement
évolué. Nous croyons que le projet est devenu plus
réaliste et plus souple. Il ne faudrait pas croire que, ce faisant, il
soit devenu moins efficace, bien au contraire, puisqu'en tenant compte des
réalités concrètes de l'industrie, le projet est
assuré d'une application sérieuse et ne court pas le risque
d'être transformé en expression d'un voeu pieux.
Notre satisfaction à l'égard de l'ensemble de la
législation ne doit cependant pas nous faire oublier que plusieurs
suggestions très valables, formulées par divers milieux
patronaux, n'ont pas été retenues, de telle sorte qu'il nous
semble opportun de les soulever ici, d'une façon
générale.
Réglementation: Pour ce qui concerne la réglementation,
j'aimerais simplement faire une brève remarque qui exprime un peu la
philosophie avec laquelle le projet a été préparé.
Dans les sections I et II du chapitre 3 qui traitent des droits et obligations
des travailleurs et des employeurs, nous notons que dans le cas des
travailleurs, la section contient 31 articles et le législateur se
réserve une provision pour réglementer dans le cas de deux
articles seulement, alors que dans le cas des droits et obligations de
l'employeur, la section se résume en huit articles, comparativement
à 31 dans le premier cas. Or, on trouve assez curieux qu'il existe une
possibilité de réglementation à dix paragraphes
différents des huit articles.
C'est un déséquilibre qui nous a frappés, de prime
abord.
Nous ne sommes pas les seuls, dans l'industrie en général,
à craindre une réglementation arbitraire. Peut-être juste
un petit mot pour citer un extrait d'un article de journal récent qui
mentionne entre autres que dans le but de s'attribuer des pouvoirs
réglementaires peut-être abusifs, par exemple le ministre Vaugeois
avait pour but d'atteindre le maximum dans ce domaine puisque son projet de loi
sur le développement des entreprises dans le domaine du livre accordait
au gouvernement rien de moins que le pouvoir de déterminer ce qui doit
être déterminé par règlement en vue de la loi. Alors
pour nous, c'était aller un peu loin.
Le pouvoir décisionnel: Nous ne pouvons de plus nous
empêcher de signaler aux membres de la commission le grand désir
du législateur de vouloir accorder un pouvoir décisionnel aux
travailleurs, un pouvoir que la législation la plus
évoluée en matière de relations
employeurs-salariés, ne reconnaît pas encore. Nous expliquons:
Lors d'une conférence donnée par Mme Neilson, dont il a
été question plus tôt aujourd'hui, de la
Confédération générale du travail de Suède,
nous retrouvons entre autres dans le résumé de la
conférence, un paragraphe qui dit que tel que défini dans la loi,
le comité de prévention est un organisme consultatif. Nous aurons
l'occasion de revenir sur certains passages de la conférence de Mme
Neilson, mais dans le cas présent, nous prétendons, nous
soutenons que le législateur veut en faire beaucoup et beaucoup trop
rapidement.
Lorsqu'on parle de paritarisme décisionnel, il faut tenir compte
de l'aspect codétermination qui détermine aussi un aspect
codirection, cosurveillance et codécision. Que ce soit dans quelque
rapport européen entre autres, auquel nous pouvons nous
référer, nous sommes conscients que les travailleurs ne sont pas
prêts à prendre leurs responsabilités sans les trois
aspects cités plus haut et surtout du fait que les travailleurs perdront
un moyen de pression lors des négociations s'ils sont liés aux
décisions. Alors, qu'on le veuille ou non, on opposera toujours, de
quelque côté que ce soit de la barrière, les termes
"négociation" et "participation".
Si vous aviez une réponse à cette question-là, nous
serions très heureux de la connaître. (17 h 30)
Dans le texte, on mentionne entre autres des pouvoirs
décisionnels et certaines obligations. Alors, tel qu'on l'a
mentionné dans notre mémoire, j'aimerais faire une courte
référence à la législation ontarienne qui a
prévu une contrainte au port de l'équipement de protection par le
travailleur sous peine de sanction. C'est une obligation pour le travailleur
qu'on ne retrouve pas actuellement dans le projet de loi. On peut
détailler un peu sur ce sujet, si vous permettez des chiffres
peuvent exprimer l'idée un peu plus clairement en affirmant que
du 1er janvier 1979 au 31 mars 1979, soit dans une période de trois
mois, très récente, les pénalités imposées
en Ontario comptaient pour 31% en rapport avec le port de l'équipement
de protection et 69% avec les conditions dangereuses du chantier.
Dans le mois de mars seulement, les infractions enregistrées
avaient été portées dans une proportion de 47% contre
l'entreprise, 23% contre les superviseurs et 30% contre les travailleurs. Ceci
nous démontre le degré de responsabilité des parties qui
sont impliquées et on n'a pas de raison particulière de croire
que les chiffres seraient tellement différents pour le Québec.
Alors, nous réalisons que la loi de l'Ontario peut quand même
avoir un certain bon sens et elle rejoint la législation suédoise
dans ce domaine.
Le paragraphe suivant dont nous traitons dans notre mémoire parle
de la disposition des budgets de la CSST. Trop souvent, dans le passé,
la CAT a distribué des subventions de façon arbitraire et,
à l'occasion, en outrepassant la loi. Nous ne pouvons être
d'accord pour qu'un syndicat puisse recevoir une subvention de la nouvelle
CSST. Les associations sectorielles dont il est question dans le projet de loi
pourraient éventuellement faire le joint en ce qui concerne la
défense de subventions qui seraient affectées aux parties
concernées. Nous reviendrons plus tard aux associations sectorielles,
mais nous croyons qu'elles peuvent avoir un rôle très important
à jouer.
Nous réitérons le fait que les parties existantes, tant
patronales que syndicales, devraient pouvoir affecter une part de leurs revenus
à la prévention, indépendamment de la subvention
donnée à l'association sectorielle. Si on considère
l'ampleur que peut prendre éventuellement la nouvelle CSST, nous
réalisons qu'un montant d'argent très important peut être
nécessaire pour ces opérations. Nous croyons que le patronat
à lui seul ne pourra peut-être pas y répondre et il faudra
que le gouvernement participe, d'une certaine façon, tout autant que
l'ensemble de la population.
Nous pensons que l'assurance-maladie pourrait intervenir pour une plus
grande part et serait alors une forme de participation collective plutôt
qu'une forme d'assurance. En ce qui concerne le financement de la CSST,
simplement une petite remarque que vous allez peut-être trouver
avant-gardiste, mais nous croyons que le financement pourrait ne pas être
assumé entièrement par les employeurs, mais qu'il pourrait
l'être en partie par les salariés. Je vais m'expliquer.
Il pourrait y avoir une méthode de financement qui permettrait,
sans taxer ou sans diminuer le pouvoir d'achat des salariés, on peut
tenir ceci pour acquis, que sur un bordereau de paie d'un salarié, si le
salarié s'aperçoit que la CAT ou la CSST lui coûte un
certain montant d'argent par semaine, il sera peut-être plus enclin
à prendre des dispositions pour sa sécurité, avertir des
supérieurs des problèmes qui peuvent exister au point de vue
sécurité dans son entourage, dans le cas des chantiers de
construction et ça peut valoir aussi dans le cas de l'industrie de
façon générale. C'est simplement une remarque en passant.
Tout ceci dans le but d'éviter certains abus qui peuvent survenir dans
les demandes d'indemnisation qui sont présentées à la
CAT.
En ce qui concerne les droits et les obligations des travailleurs et des
salariés, la comparaison des droits et obligations des travailleurs et
des employeurs ne laisse plus de doute quant à la philosophie du projet
de loi.
Les obligations et droits sont inversement proportionnels et, d'autre
part, les obligations de l'employeur prévalent sur les droits. Le
contraire est aussi vrai pour les travailleurs.
En admettant qu'un employeur doit à tout prix s'assurer de la
santé et de la sécurité de ses travailleurs, il nous
apparaît difficile de reconnaître le bien-fondé de
l'implication de personnes non averties ou techniquement non formées
dans l'élaboration de normes, règlements et des pro-
grammes de recherche. Je vais simplement mentionner que nous rejoignons
plusieurs intervenants, dans l'étude que cette commission est en train
de faire, pour insister sur l'importance de la formation et de la
qualification, de la compétence des inspecteurs, de même que des
salariés, des employeurs, des surveillants de chantier, etc.
Notre position peut se résumer, en gros, à ceci: C'est
que, plus il y aura de gens impliqués et plus il y aura de gens avertis
des problèmes de sécurité, plus la sécurité
se portera bien.
Quand on parle on vient de parler d'élaboration de normes,
de règlements, on reviendra plus tard sur les normes des
programmes de recherche, nous voyons ici un objectif qui pourrait
peut-être être prioritaire pour l'association sectorielle qui, de
toute façon, devra être formée dans le secteur de la
construction, à moins qu'il n'y ait des modifications quant à la
nécessité ou l'obligation de la former. Cette association
sectorielle, à notre avis, pourrait avoir comme objectif, tout d'abord,
de traduire les normes qui existent et qui sont incluses au code de
sécurité, qui sont difficiles d'application, parce que, souvent,
elles sont modifiées ou elles ne sont pas traduites en français
dans bien des cas. De plus, elles ne sont souvent pas adaptées aux
besoins du Québec, à tous les points de vue: au point de vue
géographique, au point de vue climat, etc. Nous reviendrons tout
à l'heure à la question des normes.
Les obligations auxquelles les travailleurs sont astreints doivent
être plus explicites. Nous considérons que les obligations, telles
que stipulées, prennent l'allure de lignes de conduite plutôt que
d'obligations fermes. L'employeur est actuellement, dans la plupart des cas,
responsable de ce que les travailleurs utilisent les équipements de
sécurité qu'il leur fournit, comme si les travailleurs n'avaient
aucun intérêt à Jeur santé et à leur
sécurité. Je vous réfère à la note dont j'ai
parlé tout à l'heure au sujet de la responsabilité des
salariés en comparaison de celle des employeurs ou des surveillants: il
y a des statistiques qui existent à ce sujet.
Pour l'information des membres de cette commission, nous pouvons
affirmer que plus de 50% des blessés graves, recensés dans notre
industrie, avaient à leur disposition l'équipement de protection
nécessaire, mais ne le portaient pas ou le portaient d'une façon
inadéquate.
Parmi les obligations des employeurs, nous relevons encore un
dédoublement de responsabilités, en vertu de la loi et des
conventions collectives, en ce qui concerne les conditions de vie. Simple
remarque, c'est que le comité de conditions de vie, qui a
été formé en vertu du dernier décret de l'industrie
de la construction, en est rendu à la phase terminale de
rédaction de son rapport, celui-ci sera soumis au ministère
incessamment.
Nous traitons ensuite du droit de refus. Je me permettrai de faire
simplement une remarque générale, puisque nous allons traiter de
ce sujet dans la partie qui est réservée au secteur de la
construction.
Nous sommes d'accord sur le droit de refus accordé au travailleur
de procéder à l'accomplissement d'une tâche qu'il juge
dangereuse; l'historique est très simple, ça existe
déjà au décret et nous sommes d'accord, pour autant,
évidemment, que le droit soit strictement individuel et que la
première personne avisée soit le superviseur immédiat,
qu'il s'agisse d'un risque non inhérent au travail habituel et qu'il
soit grave et imminent. Alors que, dès qu'une correction est
apportée, le travailleur soit tenu de reprendre le travail ou subir la
mise à pied ou un transfert de tâche.
Nous pouvons facilement accepter l'énoncé du projet de loi
qui dit qu'aucun travailleur ne puisse faire un travail jugé dangereux
pour un autre travailleur, à moins d'exceptions très
particulières. Nous désirons aussi porter à votre
attention que les délais de solutions, qui sont prévus, sont
très longs et devraient être réduits, mais nous y
reviendrons un peu plus tard.
Pour ce qui est des programmes de prévention, nous
référons au texte du mémoire et nous acceptons que les
travailleurs évidemment soient impliqués, par le biais du
comité, à participer à l'étude d'un tel programme,
mais nous sommes convaincus que l'employeur doit avoir l'entière
responsabilité de créer ce programme. Il pourrait, sur une base
volontaire, s'associer au comité de santé et
sécurité pour l'établir. Cette affirmation n'est pas
gratuite, mais elle est basée sur l'expérience vécue dans
certains pays qui ont déjà légiféré dans ce
domaine-là. Nous citons encore en deux mots la loi suédoise: La
responsabilité première du milieu de travail continue de reposer
sur l'employeur.
Nous passons maintenant aux normes. Je vais lire le texte sur les
normes, parce que c'est d'une grande importance pour nous. "La plupart des
normes auxquelles nous pouvons actuellement référer sont des
normes établies en Ontario, ACNOR ou, aux Etats-Unis je vous fais
grâce des dénominatifs.
Ces normes sont évidemment établies en fonction d'une
législation locale et ne s'appliquent pas nécessairement toutes
au Québec et son environnement. Déjà, nous vivons des
situations insensées, où des individus sont poursuivis en vertu
des normes dont ils sont mal informés, qu'ils ne comprennent pas du fait
de la langue et qui, avouons-le, sont un vrai casse-tête pour celui qui
s'y réfère. De plus, nous voulons attirer votre attention sur le
fait que ces normes sont, dans bien des cas, non disponibles.
Afin de corriger cette malheureuse situation, nous favorisons la
formation d'un comité qui serait composé d'experts avec le mandat
de réviser les normes existantes et des les adapter au contexte des
entreprises québécoises. De plus, nous suggérons que tout
équipement de protection individuelle vendu au Québec indique
clairement à quelles normes sa fabrication correspond. Autrement dit,
tout à l'heure, on a mentionné le fait qu'il y avait plusieurs
infractions qui avaient été signifiées à des
employeurs par l'OCQ concernant, évidemment, la sécurité.
Or, il apparaît évi-
dent, d'après le travail de prévention et le travail de
consultation que l'on fait auprès de nos membres, que, dans beaucoup de
ces cas-là, les normes sont d'abord mal comprises par ceux qui les
appliquent, par les inspecteurs de l'office. De plus, souvent elles sont
désuètes ou ne s'appliquent pas au Québec.
Je vais vous donner un exemple très simple qui va exprimer ce que
je veux dire. Le 10 juillet dernier, un entrepreneur est confronté avec
un arrêt de travail relatif à la non-application d'une norme. Le
lendemain, le 11, l'AECQ fait les re-présentaions qui s'imposent pour
obtenir telle norme et l'interpréter. Le 27 août, soit six
semaines plus tard, l'organisme émetteur de normes impliqué
répond à notre demande avec ce qui suit: "This letter is in
regards to your order no 92. This book is no longer available as ANSI is
preparing a new edition and we are in the process of adopting this new edition.
Please reinquire in six months...".
L'inspecteur qui doit appliquer une norme qui est dans le code de
sécurité et qui porte ce numéro-là, je vous avoue,
je le comprends bien de mal faire son travail ou de ne pas faire son travail de
façon adéquate, sans que ce soit sa responsabilité.
Placez-vous aussi du côté de l'employeur qui reçoit une
infraction dans une situation semblable. Notre suggestion, pour ce qui concerne
les normes, c'est que le tout fasse l'objet d'une étude sérieuse
et que tout l'équipement préventif individuel et autres soit
étiqueté Bureau de normalisation du Québec ou Bureau des
normes du Québec, en ce qui concerne la prévention et la
sécurité sur les chantiers de construction. Je pense que c'est
une étape à franchir qui pourrait sûrement tout d'abord
éviter beaucoup de malentendus au sujet de l'application du code de
sécurité. Dès qu'on verrait, par exemple, que le sigle du
BNQ existe, est placé sur un équipement de
sécurité, on saurait que l'équipement au moins a subi les
tests et rencontre les critères.
En ce qui concerne le représentant à la prévention,
le chapitre qui traite de ce sujet est semblable à celui qui traite du
délégué de chantier. Nos commentaires seront
peut-être plus détaillés, alors qu'on traitera du
délégué de chantier et de sa fonction. Nous sommes quand
même inquiets vis-à-vis de la fonction des activités de
prévention et des activités de relations de travail et craignons
la possibilité d'une politisation des activités de
prévention. En fait, notre but, c'est de dissocier les deux
activités. Chez nous, à l'AECQ, on a deux services qui sont
différents. Au point de vue de l'inspection on va le voir un peu
plus loin nous réclamons de l'OCQ qu'il y ait deux services
différents, que ce ne soit pas les mêmes gens qui fassent
l'application du décret et qui fassent la prévention. Nous allons
revenir sur cela. Nous croyons que la prévention doit faire l'objet d'un
service particulier, qui sera composé d'inspecteurs compétents et
bien informés, qualifiés sur le sujet de la prévention,
alors que les relations du travail, c'est un sujet complètement
différent. Nous attendons aussi la même chose du côté
syndical sur les chantiers de construction. (17 h 45)
Notre mémoire traite maintenant de l'industrie de la
construction. Dans le secteur de la construction, le législateur ne
laisse aucun doute sur l'application du principe d'associations sectorielles
paritaires. L'article 74 ne donne pas beaucoup d'"alternatives" aux employeurs
de l'industrie de la construction. S'agit-il d'un moyen logique pour mettre les
parties impliquées dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail au même diapason? Depuis plusieurs
années, notre industrie jouit d'une réglementation qui lui est
propre, le Code de sécurité. L'inspection relève, en
grande partie, de l'Office de construction du Québec, organisme
également chargé de l'application du décret et d'autres
réglementations.
Récemment, sur le plan patronal, a été
organisée une vaste campagne de formation. Notre industrie a
déjà entrepris de s'attaquer au problème de la
sécurité et de la santé au travail. Nous devons vous faire
remarquer qu'en vertu du décret relatif à l'industrie de la
construction, les parties se sont donné un organisme similaire,
paritaire et qui, jusqu'à maintenant, a maintenu une communication
constante et a permis un heureux rapprochement. Déjà, certains
programmes d'action ont été élaborés en commun et
la collaboration pourrait aller en s'intensifiant.
Certaines expériences au sein de ce comité nous prouvent
qu'une action paritaire conjuguée est possible en prévention.
Notre participation à ce comité nous a
révélé à l'occasion que l'épanouissement
d'une politique conjointe nécessitait également la collaboration
des organismes auxquels les parties doivent référer, dont le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, l'Office de la
construction, ainsi que d'autres comités existants, car dans certaines
circonstances et en raison de leurs prérogatives, ils ont tendance
à ignorer les parties et leurs suggestions.
Nous croyons, étant donné qu'un comité paritaire
existe déjà dans la construction, qu'il suffirait dans un premier
temps d'élargir le mandat de ce dernier, afin que, d'un commun accord,
les parties puissent élaborer un programme de prévention avec des
objectifs communs et éviter ainsi qu'une structure soit imposée
à l'industrie comme le veut l'article 74.
Cette première étape permettrait graduellement à
l'association de prendre corps, les parties apprenant à se respecter
mutuellement dans une forme de parité ou l'identité de chacun ne
serait pas lésée. Nous sommes prêts à donner
à notre comité les pouvoirs nécessaires pour qu'il puisse
jouer le rôle d'agent de liaison entre les parties impliquées et
les organismes officiels.
Nous déplorons le fait que le projet de loi permette à la
commission de décider du protocole d'entente ou de son contenu et,
encore plus, qu'elle soit détentrice du pouvoir de créer une
telle association de façon arbitraire. Autrement dit, notre position,
c'est que l'association sectorielle dans l'industrie de la construction devrait
quand même être sur une base volontaire dans le projet de loi,
comme dans les autres secteurs d'activités.
Le maître d'oeuvre et l'employeur professionnel. Le projet de loi
donne au maître d'oeuvre la
plus grande responsabilité, y compris celle d'établir un
programme de prévention avant le début des travaux et nous ne
pouvons qu'être d'accord avec cette philosophie. Toutefois, nous croyons
qu'une certaine souplesse devrait être apportée à cet
article de la loi. En effet, il ne sera pas toujours possible de pouvoir
disposer d'un programme avant le début des travaux ou encore de le
préparer en collaboration avec les autres employeurs. Il faudra que le
législateur ajoute au texte, dans la mesure du possible, sans quoi, il
est à craindre que les personnes concernées auront tendance
à se doter d'un programme type qui ne sera pas adapté aux risques
inhérents à un chantier particulier.
Le droit de refus et droit de travailler dans des conditions
dangereuses. Nous sommes d'accord avec l'énoncé des articles 159,
160 et 161, mais il devrait y être clairement spécifié
qu'il doit s'agir d'un danger imminent et grave. De plus, nous croyons que,
dès que l'employeur a désigné son représentant
à la prévention, ce dernier, soit celui qui doit être
avisé de toute situation dangereuse. Le premier geste à poser
dans une telle situation serait de faire la correction qui s'impose, quitte
à entreprendre simultanément un examen de la situation.
Nous suggérons qu'aux articles 162 et 165, des corrections soient
faites dans le cadre d'une représentation concernant le
délégué de chantier et autres personnes qui ne travaillent
pas sur le chantier même. C'est au représentant à la
prévention, élu par les travailleurs du chantier, qu'il
appartient de jouer ce rôle, car ce sont eux qui vivent les situations
quotidiennes sur le chantier, qui connaissent vraiment où il peut y
avoir des dangers et atteinte à leur sécurité.
Comme nous l'avons déjà dit, nous ne pensons pas qu'il
soit logique pour un employeur de permettre à un travailleur d'accomplir
un travail jugé dangereux pour un autre, à moins que le refus de
travailler ne repose sur des motifs qui sont acceptables dans le cas
particulier de ce travailleur. Ceci peut seulement permettre, à notre
avis, de créer une situation d'attente et de créer des
délais dans la correction de la situation.
Notre appréhension face au grand nombre d'étapes à
franchir pour en arriver à une solution exécutoire est importante
pour l'industrie de la construction, plus peut-être que pour l'industrie
manufacturière, parce qu'il s'agit d'un travail cyclique, en
perpétuel changement. Les délais pour rendre une décision
peuvent paralyser un chantier ou un secteur de chantier dans un temps
relativement court. C'est la raison pour laquelle le législateur devrait
prévoir des mécanismes d'intervention plus rapides que ceux
décrits dans le projet de loi.
Le comité de chantier. La section qui traite du comité de
chantier équivaut presque intégralement à l'article 2.5 du
code de sécurité pour l'industrie de la construction. La
volonté d'impliquer les concepteurs d'un projet dans un tel
comité ne peut que nous plaire. Pour tout préven-tionniste
averti, il est logique que la sécurité soit pensée lors de
la conception des travaux et une telle décision, si elle est
appliquée, évite de nombreux retards au moment de
l'exécution. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une
amélioration sur ce qui était prévu au code de
sécurité.
Nous sommes d'accord avec le principe voulant qu'un comité soit
formé dès le début des travaux, pour autant qu'il y ait
suffisamment de travailleurs impliqués. Cependant c'est
très important pour nous nous croyons qu'une clause contenue au
code de sécurité devrait apparaître formellement dans la
loi, soit l'article 2521 il y a une erreur dans notre texte, ce n'est
pas 5221, c'est 2521 lequel spécifie que le comité de
chantier est placé sous l'autorité de l'employeur qui agit
à titre de maître d'oeuvre.
Cette attitude est dictée par le fait que ce qui est la
responsabilité de tous, en fait, n'est la responsabilité de
personne. La prévention étant une préoccupation dès
l'étude d'un projet, il est logique que ce soit le maître d'oeuvre
qui en soit responsable et assure le fonctionnement du comité de
chantier. Le maître d'oeuvre, dans le fonctionnement d'un petit chantier,
peut être l'entrepreneur général ou le
propriétaire.
Certaines fonctions que le projet de loi délègue au
comité mériteraient, à notre avis, d'être
modifiées. Ainsi, selon nous, il n'appartient pas au comité de
surveiller la mise en place des mécanismes de coordination des
activités des entrepreneurs travaillant simultanément sur un
chantier. Nous admettons toutefois que le comité soit appelé
à coopérer à la mise en place des dispositions prises par
les employeurs en vertu d'un programme de prévention, le tout en
collaboration avec le représentant à la prévention
nommé par le maître d'oeuvre.
Le paragraphe 6 de l'article 168 relatif aux fonctions du comité
devrait plutôt déléguer à l'association sectorielle
l'analyse des statistiques et cette dernière pourrait en faire la
synthèse et la redistribuer sous forme d'information fonctionnelle. De
la même manière, en ce qui a trait au paragraphe 7, l'association
sectorielle devrait être le centre de communication et de
dépôt des documents, faisant la liaison entre les comités
et la commission. A cet égard, nous prétendons qu'il est
impensable que les salariés puissent étudier et analyser les
statistiques et encore moins faire des projections à partir de ces
dernières, d'autant plus que souvent les statistiques ne
reflètent pas seulement les accidents, mais aussi les incidents. Un tel
système a déjà été mis à
l'épreuve et s'est révélé une opération
difficile.
Le délégué de chantier. De toutes les propositions
contenues dans le projet de loi, celle qui concerne la définition du
délégué de chantier et le rôle que le
législateur entend lui faire jouer a de quoi nous surprendre et nous ne
pouvons que nier catégoriquement quelque rôle que ce soit dans le
domaine de la santé et de la sécurité à ce
représentant syndical. Notre refus d'octroyer au
délégué de chantier des pouvoirs en prévention est
dû au fait que la défense du droit des travailleurs dans
l'application du décret ou des relations du
travail, d'une part, et l'application de la sécurité sur
les chantiers de construction, d'autre part, sont inconciliables. En fait, on
imagine un peu les pouvoirs qui seraient entre les mains d'un
délégué de chantier pendant une période de
négociations.
Nous ferons grâce aux membres de la commission des recommandations
contenues dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la
liberté syndicale présidée par feu le juge Robert Cliche.
On pourrait, cependant, prévoir que la situation qui prévalait
dans les années soixante-dix serait de nouveau d'actualité et
qu'on verrait surgir une armée de délégués plus ou
moins informés et incapables d'assumer de telles fonctions.
Nous voulons que les dispositions du projet de loi 47, sanctionné
le 27 juin 1975, concernant le délégué de chantier,
demeurent intactes. Nous trouvons décevant que le législateur
tente de réintroduire le délégué de chantier comme
responsable ultime de la sécurité sur les chantiers et nous
sommes encore plus circonspects lorsque le législateur veut
réintroduire comme agent de sécurité, l'agent d'affaires
ou autre représentant syndical lorsqu'il n'y a pas de
délégué dans un chantier.
C'est pourquoi nous ne pouvons aucunement agréer à cette
section du projet de loi. Notre position, c'est que le représentant
à la prévention dans un chantier de construction doit être
élu parmi les travailleurs qui sont actifs dans ce chantier. Ce sont ces
derniers qui sont au fait des problèmes de sécurité dans
ledit chantier, et non pas celui qui va venir à une occasion
donnée ou à un moment donné. Cela permettra aussi de faire
la promotion de la compétence ou de la qualification des travailleurs au
niveau de la sécurité.
Comme nous l'avons déjà mentionné, le secteur de la
construction est déjà structuré et en avance de beaucoup
sur les autres secteurs économiques. Il dispose d'un code de
sécurité qui, sans être parfait, permet quand même
une action dirigée dans le domaine de la prévention. Ce
même code a pris acte des recommandations du rapport de la commission
Cliche en réservant un chapitre à l'organisation de la
sécurité.
Le système préconisé par l'article 2.5 du code de
sécurité est assez significatif. Ainsi, nous demandons que
l'obligation de l'employeur de maintenir un agent de sécurité
à son service, tel que prévu à l'article 2.253 du code de
sécurité, demeure et soit intégré dans le
présent projet de loi.
Sur les chantiers ne requérant pas l'obligation de maintenir un
agent de sécurité en fonction à temps plein, nous
préconisons la nomination par l'employeur d'un représentant
patronal à la prévention afin que sur tout chantier de
construction, une personne clairement désignée soit
chargée de cette responsabilité. Et dans ce cas-ci comme dans les
autres cas, il est de première importance que les représentnts
à la sécurité soient qualifiés et compétents
dans ce domaine.
Afin de favoriser la participation des travailleurs à
l'application de la sécurité, nous croyons que les
salariés de chacune des associations re- présentatives doivent
pouvoir s'élire un représentant à la
prévention.
Cette personne ne devrait jamais cumuler la fonction de
délégué de chantier et de représentant à la
prévention afin que la prévention et la sécurité
soient clairement dissociées des relations du travail.
Ce représentant à la prévention devrait être
élu parmi les travailleurs du chantier et par eux. Son rôle serait
de faire partie du comité de chantier et d'être
l'intermédiaire entre les travailleurs et le représentant
patronal pour la prévention.
Les appareils qu'un représentant à la prévention
devrait pouvoir utiliser, dans l'exercice de ses fonctions, devraient
être tenus à sa disposition, mais localisés dans le bureau
du représentant de l'employeur.
Inspection: II semble bien que la responsabilité de l'inspection
sur les chantiers de construction soit bien difficile à
déterminer. Dans un premier temps, le livre blanc nous avait
laissé croire que le ministère du Travail tenterait de rapatrier
sous son égide, tous les services d'inspection qui existaient. Cette
solution était surtout valable, dans ce sens qu'elle permettait
d'espérer une efficacité plus grande des services
précités. Notre intérêt dans cette question ne se
situe cependant pas au niveau de l'autorité. Nous croyons plutôt
qu'il faut éliminer les dédoublements de tâches au niveau
des individus, les inspecteurs de l'Office de la construction qui doivent,
simultanément, faire appliquer le décret et le code de
sécurité. Alors, c'est la dissociation de ces deux types de
travail que nous recherchons.
Déjà, le rapport de la commission Cliche s'était
inscrit en faux contre le fait qu'un même inspecteur ait à faire
respecter des lois si différentes. Un tel cumul de fonctions est
susceptible de nuire énormément à son action sur les
chantiers. L'inspecteur de l'OCQ, par cette double fonction, est
identifié comme un policier bien plus que comme un
"préventionniste". Cependant, il semble bien que pour nous comme pour la
commission Cliche, la surveillance de l'application du code de
sécurité pour la construction doit continuer de relever de
l'office, mais l'exclusivité devant être consacrée et les
inspecteurs formés uniquement pour accomplir une telle fonction.
Rappelons ici le texte: L'inspecteur de chantier doit être
considéré beaucoup plus comme un agent préoccupé
avant tout de la prévention des accidents du travail que comme un
policier chargé de constater les infractions.
Nous réalisons, après plus de trois ans, que la situation
persiste dans le domaine de l'inspection. Les inspecteurs qui appliquent le
code de sécurité dans l'industrie n'ont reçu que bien peu
de formation en sécurité. Plus encore, peu d'entre eux pourraient
réellement se qualifier comme agents de sécurité. (18
heures)
Nous pourrions soulever d'autres points à l'égard desquels
nous sommes réticents, mais d'autres organismes patronaux se chargent de
le faire. Cependant, il nous faut, une fois de plus,
souligner que le projet de loi délègue un pouvoir de
réglementation à l'organisme dont dépendront les services
d'inspection. Il eût été plus adéquat
d'arrêter une politique définitive, malgré qu'il nous
apparaisse implicite, à l'article 177, qu'un inspecteur qui ordonne au
maître d'oeuvre de prendre les mesures appropriées lorsqu'il y a
un danger pour la sécurité, doive suggérer les moyens
raisonnables pour remédier à la situation, nous soutenons qu'il
devrait en être fait mention expressément dans le texte du projet
de loi.
De la même façon, lorsqu'il arrête les travaux, en
vertu de l'article 178, soit en raison d'un danger grave et imminent ou d'un
danger défini clairement, l'inspecteur devrait indiquer les corrections
à être apportées ainsi que le délai donné
pour corriger la situation. On retourne encore au problème du manque de
qualification des inspecteurs qui ne sont pas en mesure de suggérer des
correctifs, dans beaucoup de situations.
Lorsqu'un arrêt de travail a été ordonné pour
correction d'une situation dangereuse, l'inspecteur devrait pouvoir, dès
que la correction a été faite, rendre une décision
autorisant la reprise du travail dans un délai maximum de quatre
heures.
Le projet de loi, en ce qui concerne le droit de refus, prévoit
l'appel à l'inspecteur-chef régional. Nous croyons que l'article
180 devrait prévoir cette étape pour fins de révision ou
de révocation de l'ordre d'un inspecteur. Le recours ultime lors d'une
décision contestée d'un inspecteur, s'il n'a pas reçu de
solution au niveau de l'inspecteur-chef régional, devrait alors
être la commission qui pourrait rendre une décision finale et
exécutoire.
En ce qui concerne la construction, nous réalisons que les
délais pour rendre une décision lors d'un arrêt de travail
par mise de scellés sont très longs. Pour pallier cet
inconvénient, nous suggérons au législateur de permettre
la formation d'un comité permanent d'experts qui serait à la
disposition du service d'inspection, au moins, au niveau de l'inspecteur-chef
régional.
Je ferais une petite référence au texte de la
conférence de Mme Neilson qui nous dit qu'en Suède la loi a
consacré la participation des syndicats ouvriers et des associations
patronales au sein des commissions d'inspection du travail. Alors, l'inspection
est paritaire.
Les chantiers de grande importance. Cette section comporte encore un
pouvoir de réglementation qui limite, dans une certaine mesure,
l'application de son contenu. Cependant, si l'on s'accorde à croire que
le législateur entend par chantiers d'importance des chantiers tels que
ceux de la baie James, aucun problème ne se pose quant aux propositions
du projet de loi. Nous prévoyons, cependant, que, pour certains projets,
il sera difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la commission au moins
180 jours avant le début des travaux. Evidemment, la
réglementation devrait clarifier ces situations. C'est pour cela qu'on
aimerait voir les règlements.
Oe plus, nous nous opposons fermement à l'intervention et
à la participation des associations représentatives dans
l'élaboration des program- mes de prévention sur les chantiers de
grande importance, tel que prévu au deuxième alinéa de
l'article 181. Nous croyons que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail devrait faire appel aux représentants
de l'association sectorielle paritaire. Alors, il y a un endroit où
l'employeur, le maître d'oeuvre, l'entrepreneur et le salarié se
rejoignent. Ceci termine la partie qui est affectée au secteur de
l'industrie de la construction.
Dans le cas de la médecine du travail, tels que proposés
dans le chapitre VIII, les services de santé au travail
préconisés par le législateur soumettent l'industrie
manufacturière à une perte d'autonomie et de
responsabilité en matières de santé et d'hygiène
industrielle. Cependant, ce qui pourrait être jugé inacceptable
pour ce genre d'industrie...
Le Président (M. Marcoux): Un instant, monsieur. Il
faudrait que je demande aux membres de la commission s'ils sont consentants
à poursuivre leurs travaux, parce que normalement nous devons suspendre
à 18 heures. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Pagé: II n'y a pas de problème à ce
chapitre. Je présume que le mémoire va bon train. On devrait
être en mesure d'en terminer la lecture. M. Brulotte et ses
collègues devraient être en mesure de terminer bientôt et,
par la suite, on passera aux questions dans les plus brefs délais.
Le Président (M. Marcoux): Alors, nous allons
continuer.
M. Brulotte: Merci, M. le Président. Cependant, ce qui
pourrait être jugé inacceptable pour ce genre d'industrie, et pour
les autres types d'industries n'a pas le même impact en ce qui concerne
la construction. C'est pourquoi, même si nous appuyons sans
réserve il y a une erreur de frappe dans le texte; ce n'est pas
sous réserve; c'est sans réserve l'attitude du patronat
sur ce point, nous voulons ajouter nos commentaires en rapport avec cet article
bien spécifique.
Alors, j'aimerais qu'on retienne simplement ceci: le rôle des DSC
dans le cas de l'industrie de la construction pourrait être mis à
profit dans ce sens qu'un examen préemploi pourrait devenir
éventuellement obligatoire pour tous les travailleurs de l'industrie de
la construction. Ces dossiers, évidemment, demeureraient confidentiels
au niveau des DSC et seraient disponibles pour tout employeur qui embauche un
salarié. Ce serait quand même une mesure de prévention qui
utiliserait pour son activité un service qui est déjà
existant et qui ne demande pas mieux que de collaborer. Dans ces cas, les
pathologies qui pourraient créer des incapacités de travail
pourraient être surveillées par des examens de routine et
pourraient ne pas empêcher un travailleur, qui peut quand même
exercer un métier, de l'exercer d'une façon normale. Cela n'a pas
pour but d'empêcher les travailleurs de s'exécuter, mais
simplement le but de contrôler les accidents qui pourraient être
dus à des incapacités partielles. Ce dossier devrait
demeurer confidentiel et l'employeur qui pourrait avoir besoin de
renseignements devrait être en mesure de les obtenir. Ce serait un examen
préemploi que nous préconisons.
Je vais faire un résumé des recommandations, si vous me le
permettez. En ce qui concerne l'éducation des travailleurs, nous
préconisons que la formation des travailleurs de notre industrie en
matière de sécurité soit la responsabilité des
associations représentatives; que les centres de formation
professionnelle retournent à l'industrie; que l'accent en matière
de formation des travailleurs porte sur les principes d'ergonomie et sur leur
application; que les professeurs soient formés dans le milieu de travail
propre au secteur; que la formation d'agents de sécurité
s'intensifie et soit basée sur des critères et des
prérequis plus solides que ceux qui sont exigés
présentement.
En ce qui concerne les normes, que le Bureau des normes du Québec
devienne le pendant de l'Association canadienne des normes; que les normes
utilisées dans le secteur de la construction soient adaptées au
Québec et traduites avant d'être introduites dans les lois et dans
les règlements, et qu'une norme ou règlement ne soit mis en
application que lorsque les moyens techniques requis pour se conformer auxdites
normes sont disponibles et suffisants.
En ce qui concerne l'équipement, nous préconisons que le
Québec se dote d'un signe qui devrait apparaître sur tout
équipement sécuritaire lorsqu'il est conforme aux normes
prescrites; qu'il soit de la responsabilité du fabricant et du
distributeur de s'assurer que l'équipement vendu est conforme aux normes
sécuritaires pour l'utilisateur.
En ce qui concerne les programmes de prévention, que tout
employeur soit tenu d'avoir un programme de base de prévention pour
pouvoir obtenir son permis de la régie. C'est en plus d'avoir un
officier ou un cadre qui ait subi les cours de sécurité ou les
examens de sécurité. Dans le cas du comité de chantier,
que tout document de travail, fiches, procès-verbaux produits par le
comité de chantier soient transmis à l'association sectorielle,
évidemment, de façon à condenser ou à
synthétiser les problèmes et les solutions qui sont
trouvées. Dans le cas de l'association sectorielle, nous
préconisons qu'elle puisse se former sur une base volontaire comme dans
le cas des autres secteurs d'activités.
Pour ce qui est de l'inspection, que les services d'inspection soient
assurés par des personnes compétentes dont la fonction s'exerce
uniquement en sécurité; que les services d'inspection sur les
chantiers de construction demeurent sous la responsabilité de l'Office
de la construction; que les inspecteurs ne soient chargés que de la mise
en application des règlements de sécurité et que les
coûts requis pour les services d'inspection soient absorbés par le
ministère responsable de la loi, comme dans d'autres secteurs
d'activités.
Je peux me permettre de dire en aparté que ce n'est pas tellement
important pour nous que ce soit un inspecteur de l'office qui vienne s'occuper
de sécurité sur notre chantier. Nous préconisons que cela
demeure la responsabilité de l'office parce qu'il existe quand
même déjà un noyau qui pourrait être
amélioré et dont pourrait profiter l'industrie. On recherche
évidemment des inspecteurs qualifiés, mais si jamais cela devait
être sous l'égide du ministère du Travail qu'on les
obtiendrait, on est d'accord; ce n'est pas une condition sine qua non, le nom
de l'organisme ou de l'agence qui est sur le chapeau de l'inspecteur.
Au point de vue santé, nous préconisons que l'examen
préemploi soit obligatoire dès l'arrivée du travailleur
sur le marché du travail. Cela rejoint une loi existante, mais qui n'est
pas mise en application. Qu'un dossier médical cumulatif soit tenu au
DSC local. Quant à la réglementation, que la
référence à une réglementation dans le projet de
loi soit restreinte au minimum et que les règlements soient
divulgués dans les meilleurs délais pour permettre une
véritable évaluation du projet de loi.
Le recours en cas de refus. Que les étapes proposées pour
régler un arrêt de travail soient réétudiées
et ramenées à un minimum réaliste et pratique en tenant
compte des activités de notre industrie. Que le recours soit toujours
sur une base individuelle. Dans le cas d'une infraction, que le travailleur
soit contraint aux mêmes obligations et pénalités que
l'employeur lorsqu'il enfreint les règles de sécurité. Au
sujet de la convention collective, que la loi prévale sur toute
convention collective sans aucune restriction.
A titre de conclusion, je me permettrai, M. le Président, si vous
le permettez, de lire rapidement la conclusion de notre mémoire. Une
politique sérieuse de santé et de sécurité au
travail doit accorder à l'industrie de la construction une attention
particulière. La nature même de l'industrie le requiert. Ainsi, il
serait injuste, à notre avis, de juger de l'effort fourni par les
employeurs de la construction en matière de prévention en se
basant uniquement sur les statistiques d'accidents enregistrés dans
l'industrie relativement à d'autres secteurs industriels.
Un chantier de construction n'est pas une usine. Sur un chantier, des
travaux souvent dangereux dans leur nature même sont en flux constant.
Ajoutons que l'industrie peut occuper à certains moments plus de 100 000
travailleurs, 15 000 employeurs, des entreprises de toutes dimensions et des
centaines et même des milliers de chantiers répartis sur tous les
territoires du Québec. C'est là la réalité de ce
qu'est l'industrie de la construction, et nous croyons fermement qu'une Loi sur
la santé et la sécurité au travail doit, pour atteindre
son but, coller à cette réalité. Compte tenu de la
complexité de l'industrie, nous croyons qu'un projet de loi sur la
santé et la sécurité au travail ne peut, dans la meilleure
des hypothèses, que fournir un cadre qui permette aux parties
directement impliquées d'agir efficacement ensemble. Un cadre n'est pas
un carcan car nous sommes fermement convaincus que toutes les lois, tous les
règlements et tous les inspecteurs du monde ne pourront suffire à
la tâche si les parties elles-mêmes, employeurs et travailleurs,
n'acceptent
pas de collaborer de bonne foi ensemble au rude défi que
constitue une industrie de la construction toujours plus sécuritaire
plutôt que s'accuser ou s'excuser devant des faits concrets.
Dans le domaine de la sécurité au travail: Contrairement
à ce que laissent parfois entendre certains démagogues,
salariés et employeurs ont fondamentalement le même objectif.
C'est pourquoi nous avons insisté tout au long de ce mémoire sur
la nécessité de séparer clairement sur les chantiers la
sécurité des relations du travail proprement dites. L'inspecteur
en sécurité, quel que soit l'organisme dont il relève,
doit être un spécialiste qui ne s'occupe que de
sécurité. Le représentant des salariés doit de la
même façon détenir de ses commettants un mandat axé
uniquement sur la sécurité. De cette façon, deux
écueils seront évités: D'une part, le domaine très
complexe de la sécurité dans la construction serait confié
à des individus qui possèdent une certaine expertise du fait de
leur spécialisation et, d'autre part, la politisation de la
sécurité, inévitable si le délégué de
chantier est en même temps le représentant de facto des
salariés en sécurité, n'aura pas lieu. Ce dernier danger
est de loin le plus grave. En effet, toute la philosophie du projet de loi est
axée sur la nécessité d'une participation pleine et
entière des parties aux efforts de la prévention. Confier aux
délégués de chantiers la responsabilité de la
sécurité est dans ce contexte une contradiction qui porterait un
coup mortel aux objectifs du projet de loi. Même en supposant que la
situation déplorable qui existait au moment de la Commission Cliche ne
referait pas surface, ce qui est loin d'être sûr, le conflit
d'intérêts dans lequel serait placé le
délégué de chantier minerait au départ sa
crédibilité et tout le système, que le projet de loi veut
mettre en place, deviendrait probablement encore moins efficace.
Qu'il nous soit permis de souligner une dernière fois, dans ce
contexte, notre recommandation, à savoir que le travailleur soit
finalement placé devant ses responsabilités. Un employeur qui ne
prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité
de ses salariés met leur vie en danger et des infractions et
pénalités parfois très lourdes s'appliquent dans son cas.
Ce n'est que justice. Dans le même esprit, le salarié qui, par
insouciance ou par bravade, n'utilise pas le matériel de
sécurité que son employeur met à sa disposition, risque sa
vie et cause un tort souvent sérieux à son employeur. Il n'est
que justice que des infractions et des amendes s'appliquent dans son cas. En
incorporant cette recommandation dans le projet de loi, on éviterait non
seulement bon nombre d'accidents stupides, mais on ferait aussi en sorte que le
travailleur se sente réellement impliqué dans la
prévention des accidents du travail.
Notre association n'existe que depuis 1976. Notre travail en ce domaine
se limite aux chantiers de construction. Déjà, nous consacrons le
tiers de notre budget, et notre personnel comprend une quinzaine de
spécialistes dont au moins un conseiller en prévention au service
des employeurs dans chacune des régions du Québec. Nous croyons
en toute humilité que les activités de prévention que nous
exerçons sur les chantiers nous donnent une perspective
privilégiée des problèmes et contingences de l'industrie
de la construction dans le domaine de la santé et de la
sécurité du travail. Le mémoire que nous vous avons
présenté est le fruit de cette expérience sur le terrain.
Nous avons voulu que nos commentaires soient positifs afin que le projet de loi
que vous étudiez présentement soit aussi réaliste et
partant, aussi efficace que possible. (18 h 15)
Nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion d'exprimer notre
point de vue et sommes à votre disposition pour toute explication que
vous jugeriez utile de nous demander. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre.
M. Marois: Merci, M. le Président. Bien sûr, je
voudrais remercier l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, ses porte-parole, de leur mémoire. Je voudrais tout de
suite leur dire étant donné l'heure, je n'aurai pas le
temps de reprendre bon nombre des recommandations qui sont contenues dans votre
mémoire qu'au point de départ, comme c'est le cas
d'ailleurs pour l'ensemble et tous et chacun des mémoires, soyez
assurés que chacune des recommandations que vous nous avez
formulées sera examinée au mérite et très
attentivement.
Ceci dit, je voudrais simplement m'arrêter à quelques
points, formuler quelques commentaires, des fois sous forme de questions. Je
pense qu'il serait intéressant que vous puissiez réagir pour
l'éclairage des membres de cette commission. Au départ, vous me
permettrez... parce que vous l'avez évoqué en cours de route et
je pense que vous avez utilisé l'expression avant-gardiste, quant
à la formule des financements qui proviendra en partie des travailleurs;
je ne suis pas certain que je partagerais le qualificatif, mais ce qu'on
pourrait dire c'est que ce serait à tout le moins nouveau; c'est
sûr.
Ceci étant dit, je me permets quand même de rappeler que
dans la perspective de l'ensemble de la réforme, l'essentiel des
services d'inspection va demeurer sous la coupe d'un financement gouvernemental
provenant des fonds publics et par conséquence, des citoyens
concernés.
Mes commentaires et remarques porteront d'abord plus
précisément sur le droit de refus. Vous nous recommandez de
qualifier le danger. Vous proposez qu'on indroduise les qualificatifs de danger
grave et imminent. J'avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi.
D'une part, parce que vous savez fort bien que la jurisprudence
accumulée ne qualifie pas le danger. D'autre part, le décret
lui-même de la construction, l'article 26.02 qui est un décret,
une convention négociée entre les parties, ne qualifie pas non
plus le danger. Là, vous nous proposez par le biais de la loi,
d'introduire un qualificatif qui pourrait
limiter la portée de l'application d'un droit qui est
déjà dans le Code de la construction, un droit acquis. J'ai
déjà eu l'occasion de dire, encore aujourd'hui, que notre
intention exprimée dans les articles 7 et 280 du projet de loi n'est
certainement pas de diminuer les droits acquis de certains groupes de
travailleurs. Donc, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Deuxièmement, toujours sur le droit de refus, vous nous
recommandez de limiter les étapes. Je pense que tous les intervenants
sont d'accord pour dire qu'il faut trouver les formules qui soient les
meilleures possible, les plus rapides possible et soyez assurés qu'on va
regarder cet aspect.
Cependant, un des moyens que vous nous suggérez pour
prétendument accélérer les étapes, ce serait de
permettre à l'employeur de procéder immédiatement à
des corrections, plutôt que de laisser intervenir le représentant
à la prévention. J'avoue qu'encore là, je ne suis pas
certain de comprendre, parce que, bien sûr, l'objectif et
j'espère, la pratique... c'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans les
autres provinces où le droit de refus a été introduit;
dans un fort pourcentage de cas, en Ontario, si ma mémoire est bonne, on
m'a dit que plus de 90% des cas se sont réglés à la base
et de façon très rapide. Je ne vois pas pourquoi et en quoi on
accélérerait le processus, en faisant en sorte que les
travailleurs qui exerçaient leur droit de refus ne puissent pas avoir
droit à l'accompagnement d'un représentant syndical, en
l'occurrence le représentant à la prévention. Il nous
semble, dans ce sens, important de maintenir le droit des travailleurs
d'être accompagnés d'un représentant à la
prévention.
Je me permets également, en troisième lieu, toujours sur
le droit de refus de vous signaler que d'autre part, vous avez certainement
entendu certains témoignages aujourd'hui. On en a entendu d'autres, on
va en entendre d'autres, par ailleurs, dans les jours qui vont venir. Bien au
contraire, et en particulier, dans le cas de la construction, le travailleur
nous demande de resserrer, de maintenir, bien sûr, l'acquis du
décret. Deuxièmement, par une série de recommandations de
resserrer la protection des travailleurs dans l'exercice de ce droit.
Vous craignez certains abus dans l'exercice du droit, les
témoignages qu'on entend des travailleurs eux, par ailleurs, ce qu'ils
craignent et ils le fondent sur la pratique dans un certain nombre de cas, ce
sont des abus d'employeurs dans l'exercice du droit de refus de telle sorte
que, bien sûr, on ne prend pas de mesure disciplinaire
immédiatement, mais selon des témoignages entendus, dans les
semaines ou les mois qui suivent, les travailleurs dans ce secteur ne
bénéficient pas de l'ancienneté. On va se servir de
prétextes de licenciement pour, au fond, exercer une mesure
disciplinaire Contre eux. On nous recommande partant de là, pour assurer
une meilleure protection d'introduire ce que, dans le jargon, on appelle le
statu quo ante, que l'employeur aille chercher sa preuve devant le tribunal, de
mauvaise foi, ou d'une autre cause juste et suffisante avant même que, le
cas échéant, si une telle preuve était faite, la mesure
disciplinaire puisse s'appliquer. On nous recommande pour assurer cette
protection d'introduire le droit de refus par un délégué
syndical ou par le syndicat au nom des travailleurs. J'aimerais avoir vos
réactions là-dessus.
Vous vous opposez à ce que le comité de chantier assume
des responsabilités relativement à la coordination des
activités d'un chantier. Bon! J'aimerais connaître votre opinion
sur une hypothèse qui serait la suivante. Comment réagiriez-vous
à l'idée que des représentants des travailleurs et les
questions de sécurité soient intégrés comme telles
aux réunions de planification des employeurs?
En ce qui concerne très rapidement, parce que c'est un
point sur lequel vous insistez beaucoup le délégué
de chantier, vous l'avez évoqué et je pense qu'on conviendra tous
que, Dieu merci, on n'est plus dans la situation des années soixante-dix
vous craignez, confiant des responsabilités par une loi en
matière de sécurité au délégué de
chantier et je pense que c'est à peu près l'expression que
vous utilisez qu'on ait là des gens plus ou moins
informés. Mais en quoi le fait de confier la responsabilité dans
ce domaine à un autre travailleur choisi par les travailleurs ou leur
syndicat, garantira que cette personne sera mieux équipée? En
d'autres termes, je ne vois pas une équation automatique entre les deux.
D'autre part, vous admettrez sûrement que, de toute façon,
même si c'était confié à un autre travailleur que
celui qui a la responsabilité qui lui est conférée par les
lois, les décrets, de voir à l'application du décret comme
tel, ces gens se parlent. En d'autres termes, de quelle façon
pensez-vous que cela règle le problème que vous soulevez? Je ne
suis pas certain de trouver dans votre mémoire les réponses
à ces questions. Quant à votre recommandation de confier à
un autre travailleur élu par les salariés, dois-je comprendre que
vous proposez qu'il soit élu par chacune des associations
représentatives? Dois-je plutôt comprendre que vous proposez qu'il
soit élu de la même manière que sont élus les
délégués de chantier? Une des conséquences de votre
recommandation ne serait-elle pas au contraire de voir soudainement se
développer la situation où on doublerait presque
instantanément bien sûr, pas du jour au lendemain, mais pas
loin le nombre de représentants de travailleurs qui se
trouveraient à avoir droit de visite des chantiers?
Une dernière question. J'avoue honnêtement et je voudrais
bien comprendre... Et je ne comprends pas parce que, par ailleurs vous
l'évoquez à plusieurs reprises vous nous formulez
même des recommandations visant à étendre le champ
d'intervention de l'association sectorielle, d'une part, et d'autre part, vous
vous opposez au caractère obligatoire que revêt l'association
sectorielle dans le secteur qui vous concerne, bien sûr, le secteur de la
construction. J'ai lu et relu votre mémoire. Je suis certain qu'il doit
y avoir des raisons additionnelles, basées sur votre expérience
très concrète, qui vous amènent à une
conclusion
comme celle-là. Je ne suis pas certain d'avoir saisi.
M. Brulotte: M. le ministre, dans le cas du droit de refus, vous
avez apporté trois ou quatre sujets. On voudrait que le danger soit
qualifié de grave et imminent. Evidemment, c'est pour éviter les
abus. Quand on a au moins...
M. Marois: Me permettez-vous une question? M. Brulotte:
Oui.
M. Marois: Combien de cas d'abus avez-vous, en vertu de
l'application du décret, de l'article 26.02?
M. Brulotte: Je pense qu'il n'y en a pas tellement eu. L'exercice
du droit prévu à l'article 26.02 a été très
rare. Il n'y en a pas eu tellement.
M. Marois: A votre connaissance, dans ces cas très rares,
il y a eu très peu de cas d'abus. Voulez-vous dire qu'il n'y en a pas eu
du tout?
M. Brulotte: A ma connaissance, il n'y en a pas eu.
M. Marois: Bon! Partant de là, pourquoi maintenant, alors
qu'on dit qu'on entend maintenir des droits qui sont reconnus, que vous
admettez qu'il n'y a pas eu de cas d'abus à votre connaissance et qu'il
y a eu très peu de cas d'ailleurs d'exercice du droit de refus,
pourquoi, par crainte d'abus, nous demandez-vous de qualifier le danger, alors
que la jurisprudence ne le qualifie pas et que l'article 26.02 du décret
ne le qualifie pas?
M. Brulotte: Evidemment, s'il y a un droit de refus, c'est parce
qu'il y a un danger grave. C'est simplement pour qualifier le danger, parce
qu'un danger peut être grave ou important. Il peut être imminent ou
il peut ne pas être imminent. Si le danger est grave, mais n'est pas
imminent, évidemment, il y aurait possibilité de le corriger sans
qu'il y ait arrêt de travail ou peut-être y a-t-il
possibilité de déplacement des salariés. C'est pour
préciser que le danger doit être imminent et grave. Il peut
être grave et non imminent. Il peut être imminent et non grave.
M. Marois: Je m'excuse... M. Brulotte: Oui.
M. Marois:... c'et ma dernière remarque. Vous rendez-vous
bien compte de ce que vous nous demandez de faire? La jurisprudence ne qualifie
pas le danger. Nous avons tenté de le cerner de telle façon que
ce qui est inhérent à une fonction, à une tâche
comme danger... Je me suis souvent expliqué sur cet aspect et même
encore aujourd'hui, on a eu de longues discussions avec un autre groupe
là-dessus. Bien sûr qu'on essaie de trouver le moyen de calibrer
cela, mais cela n'amè- ne pas pour autant à une qualification
comme telle du danger. Ce que vous nous demandez, alors que la jurisprudence ne
le qualifie pas, alors que votre propre décret ne le qualifie pas, alors
que vous nous dites qu'il n'y a pas eu de cas d'abus à votre
connaissance, c'est de qualifier maintenant le danger. En d'autres termes, vous
comprendrez que ce soit une recommandation nettement perçue par les
travailleurs comme visant à limiter la portée de l'exercice de
leur droit.
M. Brulotte: En fait, les raisons pour lesquelles on a
qualifié le mot "danger", c'est que dans la loi qui existe en Ontario
actuellement, les dangers qui peuvent faire l'objet d'un droit de refus au
travail sont décrits de façon très claire. Nous voulions
simplement le qualifier très succinctement par deux ou trois mots. Dans
la loi ontarienne, entre autres, il y a trois ou quatre pages qui
décrivent quels sont les dangers qui peuvent permettre un droit de
refus.
M. Marois: Mais vous conviendrez avec moi que même dans la
loi ontarienne, on ne qualifie pas le danger de grave, d'imminent ou
d'immédiat.
M. Brulotte: J'en conviens. Je pense que cela peut clore la
dicussion. On a parlé de limiter les étapes. Je pense qu'on a
l'appui de tout le monde et même le vôtre aussi. Dans le cas d'une
intervention de l'employeur, on conçoit que c'est toujours par le biais
de son représentant en sécurité qui a reçu une
formation. Lorsqu'il y a un droit de refus qui est exercé, on dit que
l'employeur doit être le premier avisé, mais c'est toujours par le
biais de son représentant à la sécurité. Entre le
représentant des travailleurs à la sécurité et le
représentant des employeurs à la sécurité, il y a,
dans la plupart des cas, moyen de déterminer tout de suite un correctif
et de l'apporter de façon que les travaux ne soient pas suspendus sans
raison grave. (16 h 30)
Dans le cas que vous avez soulevé où le droit de refus est
exercé, si l'employeur exerce des mesures discriminatoires à
l'égard du salarié qui s'est prévalu d'un droit de refus,
évidemment, il y aura un grief qui sera porté et le tout fera
l'objet d'un arbitrage. L'employeur sait fort bien que si l'arbitrage est en sa
défaveur, il aura à rembourser tous les salaires que le
salarié auraii perçus pendant la période où il
aurait été l'objet d'une mesure discriminatoire, soit une
suspension ou une mise à pied ou, enfin, quelque chose de semblable.
C'est quand même un poids qui pèse, c'est une épée
qui est au-dessus de la tête de l'employeur. Si vraiment il a
exercé une mesure qui est injuste, il va payer pour.
M. Marois: Vous auriez parfaitement raison si on parlait de
l'ensemble des autres secteurs industriels ou économiques, mais vous
savez pertinemment que dans le domaine de la construction, l'ancienneté
n'existant pas, partant de là, si, par exemple, trois mois plus tard, je
suis un en-
trepreneur en construction, je licencie et j'ai pleinement et
légalement le droit de le faire tout à fait
légalement un travailleur qui, comme par hasard, a exercé trois
mois plus tôt le droit de refus, vous savez fort bien qu'un grief ou
qu'une procédure exercée, comme on dit des fois en bon
Québécois, cela va "péter au frette". Cela ne
mènera nulle part et pour cause, parce qu'il n'y a pas de cause
là en droit.
M. Brulotte: Evidemment, il peut se servir de procédures
de grief. De toute façon, c'est toujours son privilège d'utiliser
cette procédure. Je comprends bien que c'est une présomption que
vous faites que cette situation peut arriver. Je ne vous dis pas que ce n'est
pas une possibilité, mais il ne faut pas vivre avec des
présomptions non plus.
Quand on parle de planification des employeurs, évidemment, nous
sommes bien d'accord que tous ceux qui auront intérêt, tous ceux
qui seront impliqués dans un projet participent, à chaque
réunion de chantier, à une discussion qui traitera de
sécurité. C'est une chose qui existe déjà et
même, ce qui existe un petit peu plus que cela, c'est qu'il y a des
réunions régulières qui sont prévues sur tous les
projets d'une certaine envergure et qui traitent exclusivement de
sécurité. Dans les projets de moindre envergure ou dans les
régions qui ne constituent pas des chantiers éloignés ou
des gros chantiers, évidemment, cette réunion de progrès
d'activités sur un projet pourrait contenir une discussion sur l'aspect
sécurité. Nous sommes en plein accord avec cette suggestion que
vous avez faite, M. le ministre.
M. Marois: Ce n'est pas une suggestion, c'est une
réflexion à voix haute.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président, M. Brulotte, MM.
de l'AECQ, je vous remercie de la présentation de votre mémoire.
C'est un document qui est assez complet en ce qu'il touche plusieurs points
particuliers du secteur de la construction, secteur qui a sans être
à part, beaucoup de spécificité. D'ailleurs, ceux qui
peuvent en témoigner, je pense que c'est le législateur avec
toute la gamme de mesures spécifiques et particulières qui
s'appliquent au secteur de la construction.
J'ai pris connaissance de votre mémoire, je l'ai lu
attentivement. Il y a plusieurs éléments que nous aurions
aimé aborder, entre autres, deux points que le ministre a
touchés, dont la question du droit de refus. Etant donné que
celui-ci en a fait état, je vais m'en abstenir. J'aurais un bref
commentaire. Il y a certaines suggestions que vous formulez qui ont beaucoup de
sens et auxquelles nous souscrivons, entre autres, ce que vous suggérez
à la page 8: "La commission suggère un service de documentation
au service des parties. Nous reconnaissons le bien-fondé de
l'instauration d'un tel service, mais nous avons des craintes quant au temps
nécessaire pour qu'il soit efficace." C'est en ce qui concerne la
validation des normes à l'égard de certains produits ou certains
biens qui sont utilisés chez vous.
Vous demandez qu'il y ait un bureau des normes du Québec qui
concerne tous les produits qui sont utilisés. Cela a beaucoup de sens,
je crois, et cela va dans le sens des représentations que je formulais
il y a quelque temps auprès du ministre délégué en
ce qui concerne la possibilité d'une meilleure application
gouvernementale dans la recherche, dans les budgets de recherche, allant
même jusqu'à demander au ministre de conférer des
responsabilités particulières au Centre de recherche industriel
qu'on a ici au Québec. On a pris bonne note de ces
éléments et nous pourrons revenir lors de l'étude en
deuxième lecture lors de la discussion du projet de loi dans ses
principes ou lors de l'étude article par article pour alléguer ou
reprendre certains points que vous soulevez. Cependant, des choses m'ont
surpris, entre autres, à la page 18 concernant les chantiers de grande
importance. Vous dites: Cette section comporte encore un pouvoir de
réglementation qui limite dans une certaine mesure l'application de son
contenu. On en convient. Le pouvoir réglementaire, nous le trouvons trop
exorbitant. Le législateur adoptera la loi 17, loi qui se veut
générale, une loi-cadre. Mais la chair sur l'ossature, c'est le
règlement qui sera adopté tant par les règlements, tant
par le Conseil des ministres que par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Ces règlements seront peut-être
publiés, j'en conviens. Ce seront peut-être des avis qui seront
demandés, mais comme tels, cela ne fera pas l'objet de discussion ici
à l'Assemblée nationale.
Je continue: Cependant, si l'on s'accorde à croire que le
législateur entend par chantiers d'importance des chantiers tels que
ceux de la baie James, aucun problème ne se pose quant aux propositions
du projet de loi. Nous prévoyons cependant que pour certains projets, il
serait difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la commission au moins
180 jours avant le début des travaux, etc. De plus c'est
là que j'ai beaucoup d'hésitation nous nous opposons
fermement à l'intervention et à la participation d'associations
représentatives dans l'élaboration des programmes de
prévention sur les chantiers de grande importance, tel que prévu
au deuxième alinéa de l'article 181.
Ecoutez, on a quand même des chiffres éloquents. Le secteur
de la construction, c'est un monde particulier. C'est un monde là aussi
où il y a beaucoup d'accidents. C'est un monde où c'est
peut-être difficile d'intervenir, compte tenu de sa composante, des
milliers d'entrepreneurs, des milliers d'employés, d'une certaine
mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur auprès
d'un entrepreneur ou auprès d'un autre, de la mobilité de la
main-d'oeuvre au Québec, des métiers hautement
spécialisés. Tout cela implique une certaine
spécificité et vient compliquer le problème. C'est
certainement beaucoup plus difficile, dans certains cas, de trouver des
solutions que cela peut l'être dans
l'usine ou dans certains secteurs de l'industrie. Je dois vous exprimer
ma surprise devant une telle opposition concernant les grands chantiers. Il y
en a, des accidents. Vous avez assisté comme nous aujourd'hui à
des déclarations faites par les représentants de la CSN. Quand on
me dit par exemple, qu'à la baie James, il y a eu quinze pertes de vie
depuis six mois, je me dis que c'est inquiétant. Sur quoi fondez-vous
votre opposition? Premièrement. Deuxièmement, j'aimerais savoir
ce qui est fait par votre association, l'AECQ, en termes d'incitation, si je
peux utiliser le terme, de pression auprès de ses membres pour que
l'effort déployé par les entrepreneurs en construction
débordent et dépassent la recherche, l'atteinte d'une norme. Je
m'explique encore plus clairement. On a un code de sécurité, on a
des normes qui s'appliquent. Est-ce que, dans le secteur de la construction,
les entrepreneurs se limitent à l'application intégrale des
normes lorsqu'il y a possibilité de les atteindre? Ou encore, est-ce que
votre association, par son action, favorise, incite à ce qu'on puisse
aller de temps en temps j'espère qu'on peut y aller de temps en
temps parce qu'il y a trop de dommages est-ce qu'on incite les membres
à aller au-delà des normes applicables? Ce sont les deux seuls
commentaires que j'avais à faire.
M. Brulotte: Tout d'abord, quand on dit qu'on s'oppose à
l'intervention et à la participation des associations
représentatives, c'est simplement qu'on délègue cette
activité ou ce devoir, cette obligation morale de préparer un
programme de sécurité à l'association sectorielle qui,
elle, comprend des représentants des associations représentatives
et des représentants des employeurs par le biais de l'AECQ. Ce n'est
simplement pas comme telles qu'on veut les voir là, mais c'est comme
parties d'un groupe paritaire. C'est simplement cela. Ce n'est pas qu'on ne
veut pas les voir là, mais on veut les voir en même temps que les
employeurs. J'espère que c'est la réponse à votre
question. Maintenant, il y avait une deuxième question.
M. Régnier (Alfred): Pour enchaîner sur les
chantiers de la baie James, je pense qu'au départ il faudrait vous
mettre une chose en tête, c'est que c'est très difficile de
coordonner les travaux à la baie James. C'est peut-être pour cela
qu'il y a tellement d'accidents. La coordination entre les entrepreneurs ne se
fait pas au niveau du chantier. La coordination ne se fait pas au niveau des
chantiers et c'est peut-être le problème qu'on rencontre à
la baie James. C'est pourquoi nous suggérons, nous, plutôt que
d'avoir des petits groupes représentatifs dans un coin et dans l'autre,
d'avoir une association sectorielle qui serait très impliquée,
là-bas, qui pourrait faire la coordination.
C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle nous voudrions avoir
peut-être un représentant ou deux des services de
prévention de l'AECQ pour aider à coordonner. Nous voudrions
qu'il y ait une partie patronale. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on n'est
pas là, par exemple. Jusqu'à maintenant, il y a peut-être
eu des syndicats. L'AECQ est là pour le décret, mais il n'y a pas
encore de conseillers en prévention, que je sache, pour la partie
patronale. C'est peut-être la raison pour laquelle, au lieu de situer
cela au niveau des associations représentatives dans chaque coin
à LG-4, à Caniapiscau, à LG-3, à LG-2, on
préfère plutôt voir s'impliquer une association sectorielle
très bien structurée qui, elle, pourra faire la coordination au
niveau des gros chantiers. C'est strictement dans ce sens-là.
M. Brulotte: Pour faire une banque d'information sur les
problèmes et les solutions et les disséminer un peu partout
à cause de la géographie. Si vous le permettez, M. le
Président, je vais terminer les réponses que j'avais
commencées avec M. le ministre Marois, tout à l'heure. Quand on
parlait de délégués de chantier, vous avez exprimé
la crainte qu'il y ait un dédoublement ou un trop grand nombre de
travailleurs qui s'occupent de sécurité. En fait, ce qu'on
recherche et ce serait notre but ultime ce serait que tous les
travailleurs soient bien informés de la sécurité et qu'ils
deviennent tous des délégués à la
sécurité, parce que c'est déjà prévu dans un
projet de loi qui date de 1977, je pense, que tous les travailleurs devraient
avoir suivi des cours de sécurité et s'impliquer dans la
sécurité. A ma connaissance, je ne pense pas qu'il y ait
tellement d'associations représentatives, jusqu'à maintenant, qui
aient offert des cours de sécurité aux travailleurs. J'en connais
une, entre autres, et ce n'est pas une des plus grandes. Ce n'est
peut-être pas un dédoublement; c'est peut-être simplement la
promotion de la sensibilisation à la sécurité des
travailleurs, des individus qui travaillent. Vous avez parlé aussi
d'élection des délégués à la
prévention ou des agents de prévention. Ce serait fait de la
même façon que pour les délégués de chantier,
c'est-à-dire à même les travailleurs d'un chantier et par
eux. Il y en aurait un par association représentative. Cela veut dire
qu'il y en aurait un pour chacune des associations. Sur un chantier où
il y aurait quatre associations, il y en aurait quatre. C'est simplement ce que
cela veut dire.
Dans le cas des délégués de chantier et des droits
de visite sur les petits chantiers, ce qu'on a toujours en mémoire
à l'AECQ, c'est que 80% des entrepreneurs ont moins de cinq
salariés. Cela veut dire qu'il existe dans la province de Québec
un très grand nombre de petits chantiers et que c'est physiquement
impossible que ces gens soient supervisés par un organisme qui ne fait
que de la prévention. C'est pour cela qu'on insiste tant et qu'on veut
que ce soient tous les travailleurs qui s'impliquent dans la
sécurité.
Pour ce qui est de l'association sectorielle, vous avez très bien
compris que nous désirons qu'elle existe, mais où nous avons une
opposition, c'est sur le protocole d'entente ou sur l'obligation de passer par
la commission pour le protocole d'entente. Nous prétendons que nous
devrions quand même avoir le privilège de nous entendre sur un
protocole ou sur une mise en marche d'une
association, même si cela prend quelque temps pour le faire. C'est
sur cet aspect que nous avons manifesté une opposition. Ce n'est pas
quant à l'association elle-même; c'est sur l'obligation qui n'est
peut-être pas précisée de s'entendre rapidement, sinon on
nous impose un protocole.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? Oui.
M. Régnier: M. le Président, avant de terminer sur
ce protocole d'entente, j'aimerais vous dire que notre réticence vient
surtout du fait qu'il existe déjà un comité paritaire dans
la construction qui fonctionne, qui va de l'avant, qui a un programme de
prévention et un programme d'action très structuré. Alors,
nous pensons qu'au départ ce sont les parties qui sont face à
face, qui ont appris à dialoguer, qui ont appris à discuter qui
doivent implanter elles-mêmes leur protocole d'entente avec certaines
directives de la CAT. Mais nous ne pouvons pas nous astreindre à un
protocole écrit par un permanent syndical qui agit en lieu et place de
la CAT. Cela est plus grave. C'est strictement cela que je voulais
mentionner.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire.
La commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux
à demain, dix heures.
Fin de la séance à 18 h 45
ANNEXE B
Fédération des Syndicats des Mines de la
Métallurgie et des Produits Chimiques Inc. (CSN)
Mémoire à la commission parlementaire du
travail et de la main-d'oeuvre
sur le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et
la sécurité au travail"
Montréal, septembre 1979
Position de la FSMMPC (CSN) concernant le projet de
loi no 17,
Loi sur la santé et la sécurité
au travail
Notre fédération, représentant les travailleurs des
secteurs les plus touchés par des mauvaises conditions de santé
et de sécurité au travail, ne peut rester indifférente
à l'adoption d'une loi qui nous touche directement. Comme à la
CSN, nous sommes en faveur du principe qu'une loi assure la santé et la
sécurité au travail. Il est temps, croyons-nous, que le
gouvernement prenne ses responsabilités et adopte une loi qui
protège vraiment les travailleurs dans leurs biens les plus
précieux, leur santé et leur intégrité
physique.
La situation actuelle a assez duré. La preuve a été
démontrée à plusieurs reprises, notamment dans nos
secteurs, que ce soit dans les mines, la métallurgie ou les produits
chimiques (Fer et Titane, CEGELEC, MINES AMIANTES), partout, que c'est la
même situation. Les travailleurs passent plus du tiers (1/3) de leur vie
dans des conditions souvent infernales. Il n'y a aucune exagération, on
a qu'à visiter quelques usines ou des mines pour se rendre compte que
leurs conditions sont très difficiles et souvent tout à fait
inacceptables.
Une brève enquête sur les conditions de travail dans les
usines où nous avons des syndicats vous démontre qu'elles sont
extrêmement difficiles. Quant aux correctifs à apporter pour
améliorer cette situation, rien de vraiment sérieux n'est fait.
Nous nous sommes rendus compte, encore une fois, que pour nos patrons les
profits étaient toujours plus importants que notre santé et notre
intégrité physique.
En effet, que ce soit au niveau de la poussière, du bruit, de
l'éclairage, de la température ambiante ou de l'hygiène la
plus élémentaire (les toilettes, les douches, les salles à
manger), rien ou à peu près rien n'est fait pour améliorer
la situation. Nous retrouvons la même négligence pour la
manipulation et à la connaissance des produits chimiques ou des gaz
dangereux, ainsi que l'entraînement que nous recevons pour faire
fonctionner les machines avec lesquelles nous produisons.
D'abord, dans 90% des syndicats qui ont répondu, les travailleurs
ont à manipuler des substances chimiques et des gaz dangereux. De
ceux-là, 75% nous répondent qu'ils ne sont pas ou peu
informés des dangers que comportent ces substances. Dans la même
proportion qu'au début (90%), les travailleurs considèrent que
l'usine dans laquelle ils travaillent est empoussiérée ou
enfumée. De ces derniers, plus de 50% considèrent que le
système de ventilation est nettement insuffisant et dans certains cas
totalement inexistant.
Aussi, c'est dans nos secteurs que nous retrouvons, de façon
particulièrement fréquente, les mauvaises conditions de bruit, de
température ambiante et d'éclairage. Au sujet du bruit, 80% des
répondants nous disent qu'il est "anormalement" élevé
à leur poste de travail. Ce sont les secteurs des fonderies et des mines
qui sont les plus touchés par ce dernier problème. Quant à
la température, 65% considèrent qu'elle est soit trop chaude,
soit trop froide ou trop humide. Dans plusieurs de ces cas, les travailleurs
doivent passer fréquemment du chaud au froid pour accomplir leur
tâche. De même, 50% des répondants considèrent que
les conditions d'éclairage dans leur usine sont de très mauvaise
qualité.
Ce qui démontre la plus totale indifférence des dirigeants
d'entreprises envers le bien-être et la santé des travailleurs,
c'est que, même au niveau de l'hygiène la plus
élémentaire, à peu près rien n'est fait pour
améliorer la situation. Effectivement, plus que la moitié des
répondants nous affirment que les toilettes, les douches et les salles
à manger sont inadéquates et très mal entretenues.
Alors que plus de 60% des répondants considèrent que
l'usine dans laquelle ils travaillent comporte des risques assez
élevés, 50% affirment ne pas recevoir un entraînement
adéquat pour accomplir leur tâche de façon
sécuritaire pour eux et leurs compagnons de travail. Enfin, on a
constaté que les employeurs ne faisaient pas les efforts
nécessaires pour améliorer la sécurité et le
bien-être des travailleurs, car dans la grande majorité des cas,
plus de 50% ne prennent pas les moyens nécessaires pour corriger
à la source ces situations dangereuses.
Il n'y a pas d'argument pour justifier une telle situation. Nous ne
pouvons pas accepter de payer de notre intégrité physique et de
notre santé et risquer de perdre la vie pour la gagner. Nous estimons
qu'il est inacceptable que les travailleurs doivent toujours endommager leur
santé, souvent de façon irrémédiable, pour faire
fonctionner ces usines infernales, alors que la science a accompli des prodiges
dans tous les domaines, sauf dans celui de la sécurité et de la
santé au travail.
Nous ne connaissons même pas les dangers des produits que nous
utilisons en usine et ceux des machines avec lesquelles nous produisons. On
augmente la vitesse de ces machines afin de produire toujours davantage sans se
soucier des effets néfastes sur la santé et la
sécurité de ceux qui les
font fonctionner. On invente de nouveaux produits et de nouveaux outils
dans un seul but, produire plus au moindre coût. Mais, lorsqu'il s'agit
d'améliorer les conditions sécuritaires des travailleurs, c'est
toujours trop coûteux ou techniquement impossible? C'est plus
économique bien sûr de faire de nous des momies blindées au
lieu de corriger le mal à la source.
Or, c'est souvent assez tard dans la vie qu'apparaissent les maladies
causées par les mauvaises conditions de travail. Il est impossible de
quantifier le vieillissement prématuré résultat d'un
excès de fatigue causé par des conditions de température
anormale, d'un bruit ambiant excessif ou d'un éclairage
inadéquat. Nous ne pouvons pas mesurer non plus les désordres
physiques causés par de telles conditions. C'est souvent à la
retraite que leurs effets se font sentir. En effet, assez rares sont les
travailleurs qui peuvent jouir normalement de leur retraite.
Par ailleurs, il nous est facile d'affirmer que dans nos usines il
n'existe pratiquement pas de vraie prévention des accidents ou des
maladies du travail, sinon sur papier. Nous voulons parler de prévention
sérieuse qui fait en sorte que des conditions qui risquent de causer un
accident ou une maladie soient corrigées immédiatement et
définitivement, que l'outillage et les machines soient utilisables de
façon absolument sécuritaire. Il ne suffit pas d'avertir du
danger, il faut le faire disparaître. Trop souvent, les travailleurs
doivent utiliser des outils et des machines en mauvaise état. Si la
réparation exige un arrêt de production, on tente par tous les
moyens de faire autrement. Il en résulte des réparations
temporaires et des conditions non sécuritaires.
La parfaite connaissance des machines que nous utilisons ainsi que la
façon la plus sécuritaire de les faire fonctionner comptent parmi
les éléments très importants dans la prévention des
accidents du travail. Malheureusement, il est très rare que les
travailleurs reçoivent un entraînement adéquat.
Généralement, il se résume à nous apprendre comment
produire en plus grande quantité et le mieux possible. La
sécurité c'est secondaire, les impératifs de la production
sont toujours plus importants. On corrige après coup, le mal est souvent
irréparable.
Devant ces faits et devant la négligence des employeurs qui ont
la responsabilité de protéger la sécurité et la
santé des travailleurs, nous sommes totalement d'accord avec l'analyse
et les revendications de la CSN concernant la loi 17. Nous y ajoutons,
cependant, quelques considérations sur ce qui touche plus
spécialement notre fédération.
Il est inutile de rappeler encore une fois les conditions dans
lesquelles ont à travailler les mineurs de l'amiante. La preuve en a
été faite de façon éloquente lors de la
grève de l'amiante de 1975. Cependant, nous voudrions dans ce chapitre
vous parler spécialement de l'amiantose et des problèmes de
l'amiante. Nous y suggérons des solutions, mais ces solutions ne
s'appliquent pas seulement au domaine de l'amiante, mais aussi aux autres
secteurs que représente notre fédération (fonderies,
produits chimiques, chantiers maritimes, etc.).
Salubrité dans l'industrie
II est évident, pour nous, que les compagnies sont les
premières responsables de la détérioration de la
qualité de vie des travailleurs dans les usines. Ce sont ces
dernières qui possèdent toutes les informations sur
l'insécurité des lieux de travail, sur les dangers pour la
santé des travailleurs de l'exposition aux poussières et aux
autres produits toxiques et le contrôle des cliniques industrielles, sur
l'état de santé de ces mêmes travailleurs. Or,
possédant toutes ces informations, elles ont fait bien peu pour tenter
d'améliorer la salubrité, même si des moyens techniques
existaient et étaient disponibles.
De plus, les maigres progrès que nous avons constatés ont
toujours été rendus possibles après les dures luttes que
nous avons menées et les sacrifices pénibles que cela nous a
imposés.
Vous n'ignorez pas que, même si les travailleurs sont les
véritables producteurs de la richesse collective, nous n'avons aucun
pouvoir sur l'organisation de la production et du travail dans nos industries.
Au nom des sacro-saints droits de gérance, c'est-à-dire des
impératifs de la productivité et du profit maximum, on ne nous a
jamais donné de moyens légaux pour intervenir efficacement quant
à l'organisation du milieu de travail où nous passons une grande
partie de notre vie et donc sur la qualité et la salubrité de
l'environnement.
Les quelques moyens syndicaux que nous nous sommes donnés
(comité de sécurité et de santé) n'ont jamais eu
qu'un pouvoir de recommandation auprès des patrons et
l'expérience nous a montré que les problèmes les plus
importants qui nous affectent ne pourront jamais trouver de solutions
uniquement par cette voie.
D'autre part, devant une situation si scandaleuse, devant des formes
d'exploitation qui menacent continuellement notre santé et notre vie, on
aurait pu croire que les gouvernements, eux qui connaissent aussi bien la
situation, ces gouvernements supposément "responsables de la recherche
du bien commun et de la justice sociale" auraient réagi
énergiquement, auraient adopté des politiques pour nous
protéger.
Notre expérience de travailleurs, l'histoire de nos luttes, nous
démontrent donc que nous ne pouvons espérer de solutions
réelles et durables à nos problèmes de santé, que
si nous arrivons à posséder une emprise sur l'organisation de
notre milieu de travail, c'est-à-dire suffisamment de pouvoir pour
contrôler la qualité de notre environnement et donc pour faire un
travail de prévention efficace. Les
lois et les règlements les plus progressistes dans le texte
n'auront de signification pour nous que si nous sommes en mesure d'en
surveiller et d'en exiger la stricte application et cela dans les délais
les plus courts.
D'autre part, il est pour nous important que les problèmes de
santé et de sécurité au travail soient liés. Ce
sont en effet les divers aspects d'un même problème qui ont
souvent les mêmes causes, c'est-à-dire les impératifs de la
production que nous imposent les compagnies et malheureusement aussi souvent le
fatalisme développé par des travailleurs qui ont fini par
s'habituer à toutes les situations dangereuses. La pratique, à
cet effet dans notre centrale, est de former des comités qui s'occupent
à la fois de la sécurité et de la santé et nous
croyons qu'il faut continuer de fonctionner ainsi.
Nous exigeons donc ces pouvoirs et ces moyens qui nous permettront de
contrôler de façon vigilante et continuelle, autant la
salubrité dans nos entreprises que la sécurité ou
l'état de santé des travailleurs que nous représentons
démocratiquement.
C'est dans cet esprit que nous vous soumettons les recommandations qui
suivent.
Recommandations 1. Que des comités syndicaux de
santé et de sécurité dans chacune des entreprises soient
organisés, composés au minimum de cinq (5) représentants
syndicaux plus d'un représentant pour chaque groupe de 100 travailleurs
au-delà de 300. 2. Que ces comités syndicaux de santé et
de sécurité soient responsables de la surveillance
générale des conditions dangereuses pouvant affecter la
santé et la sécurité des travailleurs, de l'application
des normes et règlements de santé et de sécurité en
vigueur au Québec et de la sensibilisation des travailleurs à ces
problèmes. 3. Que tous les membres de ces comités puissent
effectuer des tournées ou des visites d'inspection aux moments et aux
endroits où ils désirent et cela sans perte de salaire et autres
avantages acquis par la convention collective. 4. Qu'il soit possible pour les
membres de ces comités de rencontrer les représentants des
compagnies en tout temps pour leur faire part des recommandations qu'ils
désirent formuler. 5. Que tous les membres des comités syndicaux
de santé et de sécurité puissent être
libérés de leur travail, pour un minimum de cinq (5) jours par
année, afin de recevoir la formation technique adéquate et cela
sans perte de salaire et autres avantages acquis par la convention collective.
6. Qu'il soit possible pour les membres des comités syndicaux de
sécurité et de santé de rencontrer sur les lieux de
travail et pendant le temps du travail, les nouveaux travailleurs afin de les
sensibiliser aux problèmes de santé et de sécurité.
7. Qu'il soit possible pour les membres des comités syndicaux de
sécurité et de santé de convoquer des assemblées de
départements, pour un minimum d'une heure par mois, pour sensibiliser et
informer les travailleurs sur les problèmes de la santé et de la
sécurité et cela sur les lieux de travail et sans perte de
salaire. 8. Que, pour les fins d'échantillons d'air et d'analyse, trois
(3) techniciens, choisis et sous la responsabilité du Syndicat, soient
rémunérés par le ministère de l'environnement. 9.
Que ces techniciens aient le droit de prélever des échantillons
d'air aux endroits et en tout temps où ils le jugeront nécessaire
ou sur demande du comité de santé et de sécurité.
10. Que l'on mette à la disposition de ces techniciens et des membres
des comités syndicaux de santé et de sécurité des
appareils de prélèvement d'échantillons d'air donnant des
résultats justes et immédiats (méthodes
gravimétriques). 11. Que la production soit immédiatement
arrêtée dans un endroit donné lorsqu'il est constaté
par les membres des comités de santé et de sécurité
que dans cedit endroit le niveau d'empoussiérage dépasse les
normes fixées ou qu'il existe d'autres conditions dangereuses pouvant
affecter la santé et la sécurité des travailleurs, et cela
sans aucune perte de salaire et autres avantages acquis par la convention
collective pour tous les travailleurs impliqués dans cet arrêt de
production. 12. Que les visites effectuées par les experts
gouvernementaux (inspecteurs et par ceux des compagnies pour le
prélèvement des échantillons d'air se fassent
obligatoirement en présence d'un membre du comité de santé
et de sécurité ou d'un représentant syndical ou du
technicien du syndicat. 13. Que tous les résultats d'analyse des
échantillons d'air obtenus par les compagnies ou par les
représentants du gouvernement soient remis au comité syndical de
santé et de sécurité. 14. Qu'un laboratoire soit mis
à la disposition des comités syndicaux de santé et de
sécurité et des techniciens de la centrale, lequel sera
équipé de tous les appareils pour l'analyse des
échantillons d'air et de tous les instruments relatifs à la
sécurité (sonomètre, appareils de
prélèvements et d'analyse des gaz, etc..) et cela sans
déboursé de la part des syndicats. 15. Que tous les dossiers
médicaux personnels soient remis aux travailleurs ayant subi des examens
à la clinique ou aux autres comités médicaux. 16. Que,
sous réserve de l'approbation signée des travailleurs
examinés, une copie du dossier médical personnel soit remise au
syndicat.
17. Que les cliniques et les comités de pneumoconiose produisent
pour les syndicats des tableaux statistiques bi-annuels sur le nombre de
travailleurs examinés et sur les résultats de ces examens. 18.
Que les indemnités payées aux victimes de maladies ou d'accidents
industriels soient continuées après la mort du travailleur et
versées aux ayants-droit.
Amiantose et retour au travail
Nous éviterons volontairement de publier des tableaux
statistiques déjà publiés dans une foule de travaux;
rapport Mont-Sinai, rapport McGill, rapport Beaudry et autres.
Depuis le 15 juin 1975, nous avons à plusieurs reprises fait
certaines recommandations concernant le retour au travail, les examens de la
part des médecins de la CAT, la rémunération des
employés atteints d'amiantose. Elles pourraient aussi s'appliquer
à tout employé atteint de maladies industrielles.
Il n'est pas de notre intention d'interdire tout retour au travail, mais
il nous semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de retourner
au travail un travailleur atteint d'amiantose ou silicose. Plusieurs raisons
nous amènent à cette conclusion.
Mentionnons d'abord que la première c'est une maladie progressive
et non une maladie régressive. Il nous apparaît donc que retourner
le travailleur à sa tâche ou à une autre tâche,
où il pourrait, même à l'occasion, être exposé
aux poussières d'amiante, serait à coup sûr aggravé
sa situation.
Nous avons plusieurs travailleurs qui ont été reconnus
"amiantose" une première fois à 10% et après le retrait du
travail, suite à un examen subséquent, ont vu leur
incapacité portée à 20% et 25% même 40%, sans jamais
avoir repris le travail. Quant aux travailleurs atteints de maladies
industrielles autres que l'amiantose ou la silicose, même si ces maladies
peuvent être régressives, il n'est pas non plus pensable de le
retourner à son travail, car il demeurera toujours plus
vulnérable une fois qu'il aura été atteint.
Il nous apparaît donc qu'il est impensable de le retourner dans sa
propre industrie, surtout dans les mines, sans risquer d'aggraver sa
situation.
Pour ce qui est de travailler dans d'autres industries, c'est le
travailleur qui en serait pénalisé.
Tous ces travailleurs ont un certain âge, puisque la maladie est
apparente après 15 ou 20 ans, donc une certaine ancienneté aussi.
Ce sont donc des travailleurs qui possèdent leur propriété
et sont bien enracinés dans le milieu où ils sont. Il devient
donc inhumain de les expatrier dans d'autres régions ou milieu de
travail. S'ils ont un choix à faire ils préféreront
retourner dans la poussière plutôt que de s'expatrier.
Ces travailleurs sont des gens malades, donc qui ne sont plus aptes
à des cédules ou heures de travail fixes.
L'amiantose étant caractérisé par un essoufflement
même sans effort, il s'ensuit donc que tout effort devient
pénible, que le froid ou les grands vents les affectent
considérablement et de ce fait plusieurs journées de travail
seraient perdues et ce sont eux qui en subiraient les pertes.
Toutes ces raisons et d'autres justifient la demande de la CSN à
l'effet qu'un employé atteint de maladie industrielle ne doit pas
être retourné au travail.
Examens A plusieurs reprises, la Fédération
des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques
s'est dite, par ses syndicats des mines, insatisfaite du Comité de
pneumonoconiose de la
CAT.
Ce comité ne donne pas justice aux travailleurs. Nous serions
portés à dire que la loi leur impose un cadre où il n'est
pas possible de donner justice aux travailleurs, ce qui les excuseraient en
partie, mais certains faits plutôt troublants de la part de ce
comité nous empêchent d'opter dans ce sens. Qu'il nous suffise de
signaler le rapport du Comité spécial sur l'amiantose de la CAT,
où on tente encore de prouver que l'amiante n'est pas si dangereuse et
que les rapports du Mont Sinai sont exagérés. D'ailleurs, les
médecins des DSC ont dénoncé ce rapport.
Lorsque nous mentionnons que la loi leur impose un cadre, nous
référons à l'article 2 de la "Loi sur l'indemnisation des
victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et carrières",
diagnostic médical POSITIF, ne laissant pas de place au doute
raisonnable pour le travailleur.
Comment peut-on, dans une loi où l'on veut protéger la
santé des travailleurs, accorder le bénéfice du doute au
porte-feuille du patron plutôt qu'à la santé du
travailleur.
C'est pourquoi nous réclamons 1. Le retrait du mot
"POSITIF" à l'article 2 de la loi 52. 2. Nous réclamons aussi que
l'incapacité soit reconnue en fonction des critères
mentionnés dans le rapport Beaudry, que l'on retrouve aussi dans le
volume publié en 1974 par le Dr W. Raymond Parkes de Londres,
intitulé "Occupational Lung Disorders" et qui sont les suivants:
a) Histoire antérieure d'exposition aux poussières
d'amiante b) Dyspnée à l'effort c) Présence de râles
crépitants aux bases pulmonaires d) Hippocratisme digital e)
Radiographies des poumons montrant une fibrose interstitielle diffuse touchant
surtout les zones inférieures et accompagnée souvent de
réactions pleurales.
Le Dr Grégoire de la CAT mentionnait dans une lettre que la
capacité respiratoire normale se situe entre 80 et 120. Il mentionne
donc, qu'il serait plus normal de prendre la moyenne de 100 pour
évaluation au lieu de 80 comme c'est le cas présentement, ce qui
défavorise nettement le travailleur.
Rémunération
Nous réclamons que le travailleur puisse
bénéficier, en plus de son salaire, de tous les avantages de la
convention collective, notamment en ce qui concerne son ancienneté,
fonds de pension, assurance-vie et assurance-maladie.
Actuellement le fonds de pension négocié avec la compagnie
demeure gelé au moment du retrait de l'employé et ne lui sera
payé qu'à l'âge de la retraite soit 65 ans. Le travailleur
perd donc plusieurs années de pension qu'il aurait pu accumuler et les
bénéfices nouveaux qui auraient été
négociés. Il perdra donc au moment de la retraite, en plus de
l'argent perdu dû à son retrait prématuré, plusieurs
centaines de dollars en pension.
Aussi pour compenser cette perte, un travailleur devrait pouvoir
recevoir une indemnité telle que celle prévue pour le RRQ (loi
52).
Au décès du travailleur, suite à une maladie
industrielle, sa veuve et ses enfants devraient pouvoir continuer de recevoir
le même montant qu'il recevait de son vivant. (Si l'on maintient la
compensation prévue dans la loi 114-article 34, celle-ci devrait
être rétroactive au 15 juin 1975, date d'entrée en vigueur
de la loi 52).
Ce sont là, Messieurs les membres de cette commission, quelques
points sur lesquels nous désirons attirer votre attention.
ANNEXE C
Mémoire de la fédération
nationale des syndicats du bâtiment et du bois inc. (CSN)
PROJET DE LOI 17 Un pas en avant, deux pas en
arrière
Septembre 1979 PREAMBULE
La Fédération nationale des syndicats du bâtiment et
du bois (FNSBB) a hésité avant de présenter son
mémoire à la commission parlementaire: Fallait-il dénoncer
tout simplement ce projet de loi et en demander le retrait pur et simple?
Ce faisant, la FNSBB aurait donné écho, au risque
même de s'y confondre, aux lamentations des patrons qui, dans cette
tragique "cha-cha" de la sécurité-santé, ne peuvent avaler
ce pas en avant que représente le projet de loi 17 pour eux.
Nous avons donc décidé de nous présenter et de
dénoncer les deux pas en arrière et de l'expliquer. De cette
façon, il n'y aura aucune confusion entre la position des patrons et la
nôtre.
Nous faisons nôtres les positions de la CSN sur l'ensemble du
projet de loi. Cependant il nous appartient de faire comprendre aux
représentants des différents partis que, relativement au chapitre
de la construction, le gouvernement s'apprête à gruger nos droits
acquis et à faire reculer la lutte légitime des travailleurs pour
la pleine reconnaissance de leur droit de travailler dans des conditions qui
garantissent leur intégrité physique, leur
sécurité, leur santé et leur bien-être.
Cette tribune n'est peut-être pas la meilleure puisque nous devons
dénoncer celui qui prétendait avoir un préjugé
favorable aux travailleurs, en espérant le soutien de ceux qui ne l'ont
jamais eu.
Qu'à cela ne tienne! On ne pourra quand même pas nous dire
que c'est la faute d'Ottawa cette fois-ci!
Pour les travailleurs de la construction ce projet de loi ne constitue
qu'une improvisation de mauvais goût. Si par ailleurs ce projet a
été mûrement réfléchi, nous devons le
considérer comme une attaque contre les travailleurs et leurs syndicats
et nous entendons nous défendre.
PREMIERE PARTIE: D'HIER A AUJOURD'HUI
A) II y a près de vingt ans, la CSN et la FTQ soumettaient
un mémoire conjoint (14 novembre 1961) à l'honorable René
Hamel, ministre du Travail et aux membres de la Commission des Accidents du
Travail".
Ce mémoire, adapté aux conditions de l'époque et en
regard duquel des modifications s'imposent aujourd'hui, décrivait les
conditions meurtrières du travail.
Quelques années plus tard, dans Le Journal de Québec
(20-09-75) les conditions semblent inchangées: "NON AU TRAVAIL QUI TUE
Avec le gouvernement Bourassa, on en est venu à considérer
comme "normal" le travail qui tue.
Voilà qui reflète bien l'ensemble de la charge faite,
hier, par le président du parti québécois, M.
René Lévesque, et le porte-parole de l'aile parlementaire
du parti, M. Robert Burns.
Selon eux, le ministre fédéral Marc Lalonde a
confirmé ce que les syndicats proclament depuis des années. Les
accidents de travail et les maladies de l'industrie causent plus de dommages
à l'économie que les grèves; de fait 23% de plus, en
termes de jours-hommes.
La Commission des Accidents de Travail signale une hausse de 25% des cas
de maladies et d'accidents dans l'industrie depuis 1970, et de 13% du nombre
d'accidents graves en 1974.
Le travail tue 300 personnes chaque année. Tout ça mis
ensemble a coûté $1 milliard aux
Québécois, en 1974.
Pendant ce temps, soutient le PQ, aucune des recommandations majeures de
la Commission
Cliche au chapitre de la sécurité n'a encore
été traduite en législation par le gouvernement
Bourassa, chapitre que les trois commissaires qualifiaient de "plus
important".
Rien de surprenant là-dedans, prétendent MM.
Lévesque et Burns. Durant l'enquête Cliche, il a été
prouvé que la Commission des Accidents du Travail (CAT) était,
avant tout, une espèce d'assurance mutuelle à bon marché
au service des patrons, liée aux compagnies et peu soucieuse de faire du
travail préventif."
Dans le DEVOIR du 23-06-78 intitulé: "CAT: le juge Sauvé
s'en prend aux entrepreneurs": "Ces fonds (ceux de la CAT), a-t-il poursuivi,
nous permettent d'offrir un service d'assurances aux employeurs et ce service
est financé par des cotisations versées par ceux qui sont
protégés."
Malgré tout cela, c'est sous la responsabilité de cet
organisme, qui a perdu toute crédibilité auprès des
travailleurs, que l'actuel projet de loi 17 s'apprête à mettre sur
pied sa super-commission de santé-sécurité au travail.
Plus ça change, plus c'est pareil:
Les deux tragédies qui suivent sont rapportées aux pages
10-11 et 12 du mémoire de 1961: "a) Dix (10) travailleurs tués
à cent dix (110) pieds de profondeur
Lors de l'exécution des travaux pour le compte du gouvernement,
sur la rivière Bersimis, au lac Cassé, l'entrepreneur
chargé de forer un puits à partir duquel on a
complété le perçage d'une conduite d'eau souterraine, a
transgressé la presque totalité de la réglementation de
sécurité, édictée en vertu de la loi des mines et a
fait fi des méthodes de travail éprouvées par
l'expérience dans l'industrie minière.
Mais la légalité est tout autre chose. En effet, le
service d'inspection des mines jugea que les travailleurs de la Bersimis ne
relevaient pas de la Loi des mines. D'autre part, si les inspecteurs du service
d'inspection des établissements industriels et commerciaux ont fait
l'inspection de ce chantier, nous savons qu'ils n'ont pas consulté les
inspecteurs du service des mines. Le manque de mesures nécessaires pour
assurer la sécurité au travail est la cause de la mort de dix
(10) travailleurs dans ce puits à cent dix (110) pieds de
profondeur.
Cette tragédie met bien à jour l'incompétence du
législateur à assurer adéquatement la
sécurité au travail, l'incurie des services d'inspection et la
négligence coupable de l'entrepreneur plus intéressé
à protéger son profit que le capital humain qu'il doit utiliser."
"b) Accidents mortels à Chute-des-Passes
Lors des travaux exécutés sur la rivière
Péribonka, pour construire la centrale hydroélectrique de
Chute-des-Passes, au moins (5) travailleurs sont morts par suite d'explosions
de dynamite. Plusieurs travailleurs ont eu des plaies sur les épaules,
parce que les contremaîtres exigeaient d'eux d'aller vite et leur
refusaient des bourrures ou autres préservatifs.
Des représentations ont été soumises à
plusieurs reprises, pour dénoncer à divers ministères ces
pratiques dangereuses et inhumaines. Pourtant rien n'a changé.
Plusieurs ont applaudi, lorsque l'employeur a annoncé qu'il
"faudrait désormais prendre l'exploit réussi aux Passes comme
barème mondial dans ce genre de championnat".
L'employeur a réussi, en fouettant les travailleurs, en imposant
des conditions de travail dangereuses et inhumaines à creuser, en six
(6) jours, avec une équipe de deux cents (200) ouvriers, un tunnel de
six cent cinquante-cinq (655) pieds de longueur.
Pour assurer le rendement, l'on sacrifie donc la vie et la santé
des travailleurs."
Après ces tragédies, il y aura, entre autres, celle de
l'échangeur Turcot à Montréal où sept (7) ouvriers
ont été tués, celle de Trois-Rivières en 1965,
où douze (12) travailleurs ont perdu la vie dans l'éclatement
d'un caisson lors de la construction du pont, celle du Mont Wright le 17
novembre 1972 où l'on comptera encore sept (7) travailleurs tués,
celle des Olympiques, sans oublier la Baie James où le compteur-de-morts
continue toujours de valser...
Tout cela, comme nous le disions en 1961, à cause de
"l'incompétence du législateur à assurer
adéquatement la sécurité au travail, l'incurie des
services d'inspection et la négligence coupable de l'entrepreneur plus
intéressé à protéger son profit que le capital
humain qu'il doit utiliser."
B)
Vingt ans ont passé depuis:
La CSN et la FTQ n'ont pas cessé d'intervenir relativement
à la sécurité et à la santé des
travailleurs. La FTQ, pour une, par son mémoire au Comité
interministériel de la sécurité publique et de la
sécurité des travailleurs où elle dénonce les
employeurs et recommande des comités de sécurité
paritaires dans toutes les entreprises groupant au moins cinq (5) travailleurs
(21-07-66).
Dans les deux cas on répétera sans cesse qu'il faut
augmenter le nombre des inspecteurs, multiplier et poursuivre les plaintes
contre les employeurs délinquants, augmenter les amendes et imposer la
prison. La CSN et le Syndicat de la construction de Montréal produiront
une brochure spéciale: "LES ACCIDENTS DE TRAVAIL: DES ACCIDENTS OU DES
MEURTRES?" (nov. 1971)
Puis viendra la période noire des rivalités syndicales, le
saccage à la Baie James et la Commission Cliche où Yvon Dansereau
(rapporté dans LE JOUR du 25-01-75), alors conseiller spécial du
ministre du Travail, M. Jean Cournoyer, déclarait que la FTQ avait
obtenu les faveurs du patronat en 1973 parce que "la CSN cherchait à
faire reconnaître l'ancienneté et la sécurité des
travailleurs alors que la FTQ s'en balançait."
La FNSBB, à cette époque, venait de faire un bond en
avant, non pas qu'elle venait de découvrir que l'ancienneté et la
sécurité d'emploi étaient importantes pour les
travailleurs, mais parce qu'à cause du chantier de la Manic, la CSN
venait de faire le lien concret entre la sécurité d'emploi et la
sécurité physique des travailleurs.
En fait, de 1970 à 1973, au moment où la FNSBB
lançait ses mots d'ordre: "Sécurité d'emploi :
sécurité physique", elle avait trois (3) ans d'expériences
concrètes au complexe Manic-Outardes où 2000 travailleurs
"n'ayant pas peur à leur job", ont pu travailleur sans qu'un seul ne
perde la vie.
Mais la rivalité syndicale, malgré les sautes d'humeur, la
FTQ reviendra en 1975 avec un document intitulé: "CESSONS DE MOURIR A
L'OUVRAGE: LA SÉCURITÉ AVANT LE TRAVAIL". La FTQ emboîtait
le pas avec la CSN sur la sécurité et la santé des
travailleurs.
Ce même 1er mai 1975, André Leclerc, permanent à la
FTQ, écrivait dans DOSSIERS "VIE OUVRIERE", no. 95: "Ce n'est pas par
hasard qu'il y a tant de gens qui se font blesser ou tuer dans le secteur de la
construction. On ne peut pas penser que les employeurs tuent du monde par
plaisir ou parce qu'ils sont sadiques. Ils le font pour économiser sur
la sécurité. Il en coûte moins cher de construire une
structure d'acier si on ne met pas de filet en-dessous, si on ne passe pas une
demi-journée à poser un filet alors qu'on pourrait bâtir un
étage de plus dans le même temps. On économise des milliers
de dollars et on fait plus de profit sur le contrat. C'est toujours ça
qui est à l'origine des accidents de travail. (...)
L'insécurité d'emploi influence aussi la
sécurité physique, parce que le travailleur qui sait qu'il y a 15
chômeurs à la porte, prêts à prendre sa place s'il ne
fait pas ce que l'employeur lui demande de faire, développe des
attitudes un peu plus soumises que celui qui sait qu'il ne peut pas être
remplacé s'il refuse de faire tel travail. Tout cela décrit un
peu, au pas de course, le contexte dans lequel se sont déroulés
les événements qui ont fait l'objet de la Commission Cliche."
C) 1978: Le CERLIC et le rapport Larochelle
Le CERLIC (Comité Hébert):
En mars 1978 la FNSBB (CSN) présentait son mémoire
intitulé: "UNE INDUSTRIE A LIBÉRER" au Comité
d'étude des relations de travail dans l'industrie de la
construction.
Certaines des recommandations contenues dans le mémoire ont une
implication directe avec le projet de loi 17.
Notamment et suite à des mauvaises expériences, tant au
chantier olympique qu'à la Baie James, la FNSBB dénonçait
l'intrusion des tiers (maîtres-d'oeuvre ou propriétaires de
chantier) dans les relations employeurs-employés et recommandait: 1) Que
la loi établisse clairement qu'un propriétaire, de même que
tout tiers, ne peuvent s'immiscer dans la relation employeur-employé; 2)
qu'un employeur ne puisse utiliser le pouvoir arbitraire du propriétaire
pour contourner le décret; 3) qu'en aucune circonstance des pressions
faites par un propriétaire ou tout autre tiers, ne puissent être
alléguées pour justifier une rupture du contrat de travail; 4)
qu'il est du devoir d'un employeur de garantir au travailleur le libre
accès aux chantiers." (page 38)
De plus, après avoir dénoncé le fait que les
travailleurs de la construction (6% de la main-d'oeuvre
québécoise) sont victimes de 25% des accidents de travail
mortels, la FNSBB, pour contrer l'insouciance souvent criminelle des
employeurs, recommandait: "1) Que soit instauré un système de
démérite en vertu duquel un employeur serait
pénalisé pour chaque infraction à la
sécurité, allant jusqu'à la perte de sa licence; 2) Que
les amendes aux employeurs, pour manquement à la sécurité,
soient substantiellement augmentées et que des peines de prison soient
introduites; 3) Que l'on mette fin à la pratique des avertissements et
que l'on intente automatiquement une poursuite pour chaque infraction; 4) Que
l'on donne aux parties syndicales impliquées la possibilité de
voir à l'application des normes de sécurité; 5) Que
l'initiative des poursuites soit aussi reconnue concurremment aux associations
représentatives des travailleurs." (page 33).
La CSN ajoutait, face à la légèreté avec
laquelle la Régie des Entrepreneurs octroyait des permis comme s'il
s'agissait de cartes de crédit: 1) Que les associations syndicales
soient déclarées parties intéressées au sens de la
Loi 33; 2) Qu'elles aient, au sein de la Régie, une participation
égale à celle des entrepreneurs." (page 37)
Quant à cette partie, le projet de loi 17 est muet; de plus, bien
que les articles 275 à 278 du projet de loi laissent voir une intention
du législateur de mettre fin à ce racket des permis, et ce
particulièrement par le jeu des articles 275 à 277, nous mettons
sérieusement en doute la possibilité pour un employeur de perdre
ou de voir son permis suspendu. En effet, l'entrepreneur doit avoir
été "reconnu coupable à plus d'une reprise d'infractions
à la Loi" (art. 276) avant de risquer la suspension ou l'annulation de
son permis.
Or, non seulement toutes les infractions ne mènent pas à
des poursuites, non seulement toutes les poursuites ne sont pas menées
à leur terme (re: Rapport du comité de recherche en
sécurité de l'O.C.Q. 1976) mais encore, avant que ne soit reconnu
coupable un employeur, il pourra établir que "l'infraction a
été commise à son insu, sans consentement et malgré
les dispositions prises pour prévenir sa commission", (art. 201).
Autrement dit, l'intention du législateur ne quitte pas le
terrain de l'intention et ne demeure qu'un voeu pieux que l'employeur pourra
contourner quasiment à volonté.
Le scénario est assez simple. A la demande de l'employeur
délinquant, le contremaître avouera sa faute en disculpant
l'employeur, en précisant que si l'employeur l'avait su, il ne l'aurait
pas permis, etc.. Il ne restera plus pour l'employeur qu'à fournir
à son contremaître le montant de l'amende, montant d'au moins 50%
inférieur à celui que le même employeur aurait dû
payer... L'employeur se retrouvera avec un dossier d'infraction vierge
puisqu'il ne sera reconnu coupable de rien.
Si c'est là un des moyens que la loi se donne pour diminuer les
morts sur les chantiers, le gouvernement ferait mieux de s'ouvrir une agence de
faire-parts et de nationaliser les salons funéraires...
Sur cette question de la négligence des entrepreneurs, la CSN
répète encore son mémoire au CERLIC: tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas de garanties minimales quant à la
sécurité d'emploi et l'ancienneté dans la construction,
les travailleurs, principaux concernés par la santé et la
sécurité, ne pourront remplir adéquatement le rôle
qui leur revient de droit.
Enfin, la FNSBB faisait valoir que le rôle du
délégué de chantier, rôle qui avait
été aboli par le projet de loi 30 (1975), devrait être
reconnu à nouveau avec une garantie minimale de protection dans la loi.
De plus, quant aux autres aspects de sa fonction, la FNSBB (CSN) demandait que
les parties puissent les négocier et qu'ils fassent partie des prochains
décrets. C'était vital pour la vie syndicale sur les chantiers.
Ça n'a pas bougé.
Nous avions aussi fait des recommandations sur les conditions de vie
dans les chantiers éloignés, alléguant que la loi devrait
en prévoir les conditions minimales. Il n'y a toujours rien
là-dessus à l'horizon.
2)
Le rapport Larochelle (novembre
1977)
Voici les faits saillants de ce rapport de l'Office de la construction,
préparé par Louis Larochelle, analyste en sécurité:
de 1966 à 1976, 2633 travailleurs québécois sont
morts dans des accidents du travail; de ce nombre, 660 étaient de
la construction; avec 6% de la main-d'oeuvre, on compte donc 25% des
morts; le taux de fréquence d'accidents pour tous les secteurs
est passé de 21.6 à 29.5 par million d'heures de 1970 à
1975; pour la construction, le taux de fréquence est passé
de 59.1 en 1973 à 70 en 1974. Il s'est légèrement accru
depuis. En moyenne, il est deux fois et demie plus élevé que dans
les autres secteurs; de 1973 à 1975, la CAT a fait droit à
26 916 réclamations venant de la construction, soit une moyenne de
près de 9000 par année! dans quatre catégories de
travaux de construction (de 1970 à 1975), la fréquence des
accidents du travail s'est accrue de façon quasi incroyable.
Il s'agit de: 1. l'installation de machines lourdes: 140% 2.
lignes de transmission: 72% 3. chemins, ponts, égouts, tunnels:
48% 4. contruction de bâtiments: 44% les travailleurs
âgés de moins de 20 ans ont deux fois plus d'accidents que ceux de
plus de 30 ans et 30% plus que leurs confrères de 20 à 24 ans;
en 1976, l'OCQ a constaté 12 591 infractions aux normes de
sécurité de la construction. Seulement 521 plaintes ont
été portées et ce nombre ne grimpe qu'à 1410 si on
ajoute les avis préalables payés.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les contrevenants s'en tirent
à meilleur compte que leurs victimes.
Avec ce portrait cauchemar des accidents de travail dans l'industrie de
la construction, vous comprendrez qu'il nous apparaissait important de revenir
sur nos positions antérieures afin de bien faire comprendre que la FNSBB
(CSN) attache une importance fondamentale à la santé et à
la sécurité des travailleurs et qu'ayant dénoncé et
recommandé à tant de reprises depuis vingt ans, elle ne saurait
accepter de la part du gouvernement rien de moins que des solutions
véritables.
DEUXIÈME PARTIE
Comment aujourd'hui ne règle pas les
problèmes d'hier
A)
Toile de fond
L'industrie de la construction est gouvernée par une loi
spéciale, la loi des relations de travail dans l'industrie de la
construction qui constitue son propre Code du travail. Tous les travailleurs de
la construction sont syndiqués et ils ont le choix de l'appartenance
syndicale. Ce choix s'exerce principalement entre la FTQ et la CSN, bien que
deux autres associations, plus marginales, peuvent solliciter également
l'adhésion des travailleurs.
Les conditions de travail y sont négociées par
l'association représentative majoritaire (FTQ) bien que dans l'actuelle
négociation, la CSN ait le droit de participer et de présenter
des demandes. Côté patronal, il y a une association unique,
l'AECQ, comme agent négociateur. De cette négociation
résulte un décret provincial sanctionné par le
lieutenant-gouverneur en conseil.
Le bassin de travailleurs y est généralement presque le
double du nombre requis dans l'industrie. Dans certains cas (période de
chômage accrue, ralentissement économique) de même que dans
certains métiers ou occupations, ce nombre augmente encore.
Pour tout ce monde, aucune forme d'ancienneté, aucune
sécurité d'emploi, si ce n'est cet embryon que constitue le
règlement de placement.
En matière de sécurité-santé, à la
suite de luttes menées par les travailleurs de la construction pour
civiliser leur industrie, ces derniers ont obtenu certaines protections
minimales qu'ils ne peuvent accepter de voir menacer.
On retrouve ces gains dans le Code de sécurité et dans
certaines clauses du décret, ce dernier incluant l'obligation pour
l'employeur de respecter les prescriptions de ce Code.
Or, au moment où le législateur s'apprête à
modifier sinon à abroger ce code (art. 220), au moment où le
décret a pris fin, rien ne garantit que la protection minimale existante
sera le point de
départ d'une amélioration. Au contraire, sur plusieurs
points, le projet de loi constitue un recul, une non-reconnaissance de
l'acquis.
Pour ne donner qu'un exemple flagrant: L'article 2.4.2 a) du Code oblige
l'employeur à "s'assurer que toutes les mesures nécessaires sont
prises pour assurer la sécurité du public et des travailleurs";
pourtant, dans le projet de loi 17, cette obligation n'en est plus une de
l'employeur. Au contraire, elle revient au travailleur (article 38 2° et
3°).
Article 38: Le travailleur doit: 2° prendre les mesures
nécessaires pour protéger sa santé, sa
sécurité... 3° veiller à ne pas mettre en danger
la santé, la sécurité... des autres personnes qui se
trouvent sur les lieux ou à proximité..."
Cette obligation faite au travailleur est complètement
insensée... et n'aura pour effet que d'exonérer davantage
l'employeur de toutes ses responsabilités, (art. 201)
Quant au décret, l'exemple de la clause de refus de travailler
nous permettra un peu plus loin de constater un même recul
inacceptable.
Si la loi doit remédier aux maux existants, elle ne peut partir
que de l'acquis et combler les lacunes. C'est ce que nous appelons donner effet
à des intentions.
Si par ailleurs, par delà les intentions manifestées,
c'est la peau des travailleurs et de leurs organisations qu'on cherche à
livrer au profit et aux profiteurs, attendez-vous à ce que l'on
défende chèrement notre peau.
Qu'en est-il maintenant du chapitre XI du projet de loi 17?
B)
Le chapitre de la construction:
Comment improviser sur une note inconnue. 1°
Section II: Le maître d'oeuvre et
l'employeur
a) L'intrusion d'un tiers:
A moins d'une disposition l'interdisant, les articles 151-157-158
auraient pour effet de permettre au maître d'oeuvre de s'ingérer
dans les relations employeurs-employés et ne pas s'occuper du
décret.
De plus, par le pouvoir du maître d'oeuvre, l'employeur pourrait
faire congédier des travailleurs en contournant ce même
décret et, sans que le salarié puisse être
protégé, puisque le maître d'oeuvre n'y est pas assujetti.
Tel quel, c'est inacceptable. b) Le programme de prévention: Quelle
prévention? Pour les chantiers de moins de 10 salariés
travaillant simultanément, il n'y a aucun programme de prévention
à faire, (art. 153) Pour les chantiers comprenant entre 10 et 100
travailleurs, il doit y avoir un programme de prévention, mais aucune
obligation de les soumettre à la commission, (art. 153) Le
programme de prévention a pour objet d'éliminer les sources
mêmes de danger... Pourquoi alors enlever l'obligation d'en faire au
chantier de moins de dix travailleurs? Est-ce que la vie de dix travailleurs
est moins importante que celle de cent? Dans le cas des chantiers de
plus de 100 travailleurs, ou dont le coût dépasse 5 millions de
dollars, ou encore dont les risques de danger sont élevés (art.
155), le programme de prévention doit être transmis à la
commission et il peut être modifié (art. 156). Rien ne dit
que l'approbation de la commission doit être faite avant le début
des travaux. Le chantier sera-t-il terminé quand les corrections auront
été apportées? L'expérience
antérieure est pourtant négative à cet effet. Le Code de
sécurité prévoyait (art. 2.4.1.2) qu'avant la mise en
oeuvre des travaux, l'employeur devait transmettre à l'inspecteur en
chef les plans, incluant les procédés d'installation et de
démontage signés et scellés par un ingénieur.
Malgré cela, selon le Rapport du comité de recherche en
sécurité (O.C.Q. 1976), les inspecteurs sont unanimes à
dire que "quand les plans arrivent, les travaux sont presque finis". (Annexe
page 22). Que veut-on régler exactement? Enfin, la participation
des travailleurs et de leur syndicat est carrément exclue de cette
phase, pas même d'obligation d'en faire part à ce dernier.
De toute façon, cette section est à reprendre, inutile et
inacceptable comme telle.
2° Section III: Le droit de refus
Nous verrons maintenant en quoi le droit de refus tel que stipulé
dans ce chapitre est inférieur à ce qui existait
déjà: a) Responsabilité de l'employeur: Le
décret:... SECTION 26
Sécurité, bien-être et hygiène 26.01
Sécurité du travail: L'employeur doit prendre toutes les
dispositions nécessaires afin de garantir la sécurité,
l'hygiène et le bien-être de ses salariés. A cette fin, il
doit s'assurer du plein respect du code concernant la sécurité
adopté en vertu de la loi des établissements industriels et
commerciaux pour l'industrie de la construction, tant par lui-même que
par ses représentants et ses salariés.
Le projet de loi:
Article 151 Le maître d'oeuvre et l'employeur professionnel
doivent respecter toutes les obligations faites à l'employeur par la
présente loi et les règlements et notamment prendre les mesures
nécessaires pour protéger la santé et assurer la
sécurité et l'intégrité physique du travailleur de
la construction.
Nous croyons que la responsabilité de l'employeur est ici
diminuée, et nous constatons la disparition des termes hygiène et
bien-être. b) Le refus de travailler
Le décret: 26.02 Travail dans des conditions dangereuses: 1) Le
salarié n'est pas tenu d'effectuer un travail lorsque les règles
de sécurité prévues au décret, aux lois ou
règlements ne sont pas observées par l'employeur ou dans des
conditions susceptibles de mettre sa santé et sa sécurité
en danger.
Le projet de loi:
Art. 159 Le travailleur de la construction a le droit de refuser
d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que
l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa
santé, sa sécurité...
Art. 160 L'exercice du droit visé dans l'art. 159 n'est possible
que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas
normalement et habituellement inhérent aux fonctions
exercées.
Ainsi, le bruit qui rend sourd n'est plus grave s'il est habituel, la
poussière qui étouffe n'étouffe plus si elle est
habituelle, l'outil dangereux qui fonctionne mal n'est pas dangereux s'il
fonctionne habituellement mal, la protection contre les chutes n'est plus
nécessaire si les chutes sont un risque normal dans les hauteurs...
Heureusement que le ridicule ne tue pas!
Tout ce que prévoit le code de sécurité pour la
protection des travailleurs ne s'appliquera plus parce qu'il sera inconciliable
avec cet article 160. (art. 220)
Ce n'est plus du droit de refus dont on parle ici, mais bien de
l'obligation d'accepter les conditions dangereuses. c) Lorsque le travail est
arrêté: Le décret: a) Dans ce cas, le salarié, le
délégué ou le représentant syndical informe
l'employeur et l'Office que des mesures appropriées soient prises pour
remédier à la situation.
Dans cette clause, on remarquera que le salarié n'est pas
isolé et que le syndicat peut intervenir (délégué
ou représentant) en prévenant l'employeur et l'Office (un
inspecteur).
Le projet de loi:
Art. 161 Lorsqu'un travailleur de la construction refuse
d'exécuter un travail, il doit aussitôt en aviser son
supérieur immédiat, son employeur ou un agent de ce dernier; si
aucune de ces personnes n'est présente au lieu de travail, le
travailleur doit utiliser les moyens raisonnables pour que l'une d'entre elles
soit avisée sans délai.
Ici, c'est le travailleur seul qui doit, non seulement prévenir,
mais courir après son patron. Art. 162 Dès qu'il est
avisé, le supérieur immédiat, ou, le cas
échéant, l'employeur ou son agent convoque, pour procéder
sans délai à l'examen de la situation, le
délégué de chantier ou, si ce dernier n'est pas disponible
ou s'il n'y a pas de délégué de chantier, l'agent
d'affaires ou un autre représentant du syndicat ou, s'il n'y en a pas ou
si aucun n'est disponible, tout autre travailleur de la construction
désigné par celui qui refuse d'exécuter son travail.
Art. 163 L'employeur doit permettre au délégué de
chantier ou, le cas échéant, au représentant du syndicat,
ou au travailleur de la construction désigné en vertu de
l'article 162, de participer, sans perte de salaire, à l'examen de la
situation.
Ces deux articles viennent enlever le lien entre le travailleur et son
syndicat puisque c'est maintenant l'employeur qui doit vérifier la
disponibilité du délégué ou à défaut
du représentant syndical. Voyons la scène: 1) L'employeur: "Le
délégué est occupé à travailler. Il n'est
pas "disponible", je vais appeler le représentant syndical". 2) Le
téléphone sonne au bureau du syndicat: syndicat: "Syndicat de la
Construction de Montréal, bonjour. employeur: "Bonjour, est-ce que
Monsieur X est là? syndicat: "II est sorti pour quelques minutes. Y
a-t-il un message?" employeur: "Non merci. Cela me satisfait!" 3) L'employeur
ne trouvant donc ni délégué ni représentant
disponible, ira prendre à témoin tout autre travailleur
désigné par celui qui refuse de travailler. Le patron n'a pas
à prendre les moyens raisonnables pour rejoindre le syndicat.
De plus, comme si ce n'était pas déjà assez,
l'article 163 ne reconnaît que le délégué ou
à défaut le représentant, alors que le décret
n'excluait ni l'un, ni l'autre.
On ne pouvait mieux isoler le travailleur dans l'exercice de son "droit
de refus".
Quant à la suite du scénario, nous ne voyons pas non plus
en quoi on fait avancer les choses. d) Les mesures disciplinaires ou
discriminatoires: Le décret: 3) Le salarié ne peut subir aucune
mesure discriminatoire ou disciplinaire pour la raison qu'il a refusé
d'effectuer un travail dans de telles conditions. Il peut toutefois être
transféré à un travail disponible.
Le projet de loi:
Art. 31 L'employeur ne peut, jusqu'à une décision finale,
imposer au travailleur un congédiement, un déplacement ou une
mesure disciplinaire, pour le motif que ce travailleur a refusé
d'exécuter un travail.
Dans les dix jours d'une décision finale, malgré tout
autre délai mentionné à la convention collective,
l'employeur peut, selon les circonstances, imposer un congédiement, un
déplacement ou une mesure disciplinaire, si le refus a été
exercé de mauvaise foi.
D'abord, nous constatons que maintenant l'employeur a le droit de
congédier. Autre recul inacceptable!
D'autre part, on ne parle que de mesures disciplinaires alors que le
décret prévoyait en plus les mesures discriminatoires. Le
décret nous permettait donc une certaine protection contre les mises
à pied, dites administratives, fléaux de la construction et
égouttoir des règlements de compte patronaux dans une industrie
où il n'y a toujours pas de sécurité d'emploi, ni
d'ancienneté.
Enfin, non seulement l'employeur se voit-il donner le droit de
congédier, mais on lui donne jusqu'à dix jours pour le faire,
alors que le décret n'en prévoyait que cinq. (Article 13.04)
Nous ne pourrons donc considérer de sérieux, quant au
droit de refus de travailler, que le maintien de ce qui existait au
décret se terminant le 31 juillet 1979 avec volontiers des
améliorations, mais jamais nous ne cautionnerons le brouillon de mauvais
goût que peut nous passer le gouvernement à cet effet.
3° Section IV: Le comité de
chantier
Les comités de chantier existaient avant le projet de loi 17 mais
comme ils étaient sous le contrôle de l'employeur, ça n'a
jamais vraiment marché. C'est l'inspecteur en chef du ministère
du Travail et de la Main-d'oeuvre qui les définira comme suit: "C'est un
groupe de personnes qui ne peuvent individuellement rien faire et qui
décident ensemble qu'il n'y a rien à faire." (Rapport du
comité de recherche en sécurité, OCQ, Nov. 1976, page 52).
Que nous propose le projet de loi 17? a) Ce comité ne concerne que les
chantiers de plus de 25 travailleurs et dont la durée dépasse 2
mois. (art. 166)
Déjà là il y a une condition inférieure par
rapport au Code de sécurité qui mentionne aussi les 25
travailleurs mais n'impose aucune restriction quant à la durée du
chantier. (Art. 2.5.1) b) Contrairement à ce qui est prévu au
comité de santé-sécurité au chapitre IV du projet
de loi (art. 58-59), rien ne dit que le comité de chantier est
paritaire; les faits sont tout autres: il s'agit d'un comité patronal
(art. 167) au milieu duquel on veut glisser un ou deux représentants
syndicaux pour la frime. (Art. 167)
c) Enfin on donne, entre autres; à ce comité la fonction
de surveiller l'application du programme de prévention, de recevoir et
de disposer des plaintes des travailleurs, des employeurs professionnels, des
autres employeurs et du maître d'oeuvre. (Art. 168)
On demande donc aux travailleurs d'aider le comité patronal
à faire la police et à légitimer sa répression;
d'autre part, tout en retenant les plaintes contre les travailleurs, ce
comité patronal viendra couvrir les employeurs délinquants et une
fois de plus les disculper de tout blâme.
Une bonne façon de maintenir le record des infractions à
zéro et rendre inutile le travail de l'inspecteur en
sécurité.
Ce n'est même plus de concertation dont on parle dans ce chapitre,
mais bien d'utiliser les travailleurs et leurs représentants comme
paravent à l'irresponsabilité patronale. A cela nous disons
non!
4° Section V: Le délégué de
chantier
a) Le délégué à la prévention est ici
assimilé au délégué de chantier. L'article 171 est
clair:
Art. 171 En outre des fonctions qui lui sont attribuées par la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le
délégué de chantier a pour fonctions: ...
Depuis que la loi 30, cadeau de la Commission Cliche en 1975, a exclu la
possibilité de négocier quoi que ce soit relativement au
délégué de chantier, le législateur ne peut pas
ignorer que cette fonction a été complètement
discréditée et que les employeurs, dans une très forte
proportion, refusent de reconnaître les délégués et
leur font la vie dure. A toute fin pratique, par la Loi 30, le
législateur abolissait le rôle de délégué.
Nous trouvons pour le moins naïf de voir apparaître les termes "en
outre des fonctions qui lui sont attribuées... le
délégué de chantier a pour fonction, etc.." Après
avoir trouvé quelques indésirables qui avaient usurpé le
titre de délégué de chantier, le gouvernement de
l'époque en a profité pour handicaper tout le mouvement
syndical.
Le gouvernement est tellement au courant de cette situation qu'il nous
propose d'amender la Loi de la construction et de donner aux parties le pouvoir
de s'entendre, y compris d'inclure dans le décret les clauses concernant
le délégué de chantier, uniquement dans sa fonction de
délégué à la
sécurité-santé.
Un pas de plus vers le muselage définitif du
délégué de chantier. L'appât avait un certain
attrait mais nous avons senti le poison. La FTQ aussi d'ailleurs, puisqu'elle
demande l'abolition de la Loi 30 et la pleine reconnaissance du
délégué syndical. Nous considérons que cette
question relève de la régie interne des syndicats et nous nous
opposons formellement à ce que l'Etat décide qui va faire quoi,
qui va occuper telle ou telle fonction à l'intérieur du
syndicat.
En acceptant l'article 171, nous confirmons l'abolition du rôle de
délégué de chantier et nous réduisons ce rôle
à un rôle qui, même extrêmement important (la
sécurité-santé), ne saurait assurer à lui seul tout
le travail syndical de base nécessaire pour la mobilisation et la vie
syndicale sur les chantiers.
Nous considérons la fonction de délégué
syndical comme étant différente de celle de
délégué à la prévention. Nous nous
réservons cependant le droit de fusionner ces deux fonctions lorsque,
compte tenu du nombre de travailleurs et des ressources disponibles, ce sera
préférable et nécessaire.
Nous ne nous opposons donc pas à ce que l'Etat reconnaisse la
nécessité d'un délégué à la
prévention, ni que la loi oblige sa reconnaissance. Nous demandons que
les deux fonctions soient reconnues et que la Loi de la construction soit
amendée pour les feux fonctions et non seulement pour une seule d'entre
elles. b) Quant aux fonctions exercées par le
délégué à la prévention, nous demandons
qu'en tout temps, sur le chantier où il travaille, le
délégué puisse accompagner l'inspecteur, contrairement
à l'article 171 6°. c) La formation du délégué
à la prévention ne doit pas relever exclusivement de la
commission (article 173). Le délégué à la
prévention devrait pouvoir suivre des cours de formation, sans perte de
salaire, auprès de sa propre centrale. d) Le représentant
syndical doit pouvoir intervenir en tout temps, y compris dans la
négociation avec l'employeur du temps de libération du
délégué à la prévention (art. 172,174). e)
Le délégué à la prévention ne jouit que
d'une immunité bien superficielle puisque encore une fois on ne parle
que de mesures disciplinaires et qu'on évite de parler de mesures dites
administratives comme la mise à pied (art. 175 et 72)
Encore une fois, nous rejettons cette section telle que formulée
parce qu'elle conjugue ingérence de l'Etat à effritement de la
structure syndicale.
5° Section VI: L'inspection
II est inconcevable que tout ce qui concerne les inspecteurs ait
été laissé à la réglementation. Tout ce que
le projet de loi trouve à dire, c'est à peu près ceci:
"Les inspecteurs inspectent".
Dans un rapport de près de 300 pages, le Rapport du comité
de recherche en sécurité (OCQ 1976), les auteurs nous rapportent
les problèmes que rencontrent les inspecteurs. Il est important de noter
que presque tous les inspecteurs de la construction ont été
rencontrés. Il en ressortait, de leur propre témoignage, que: a)
les inspecteurs ne sont pas assez formés, ni théoriquement, ni
pratiquement; b) les inspecteurs ne devraient s'occuper que de
sécurité-santé; c) les employeurs collaborent très
peu; d) les poursuites sont inefficaces, trop longues, et beaucoup trop sont
abandonnées en cours de route; e) les inspecteurs ignorent les suites
données par l'OCQ aux infractions qu'ils ont signalées; f) les
juges sont incompétents et perçoivent mal l'importance des
poursuites concernant la sécurité; trop souvent le juge et
l'avocat de la compagnie essaient de tourner au ridicule l'inspecteur;
les procureurs du ministère de la Justice ne collaborent pas avec eux;
g) c'est propre à dissuader l'inspecteur de signaler les
infractions.
Voilà quelques-unes des observations dont le projet de loi ne
semble pas tenir compte. Enfin nous considérons ce rôle trop
important pour accepter le silence de la loi à son sujet.
6° Section VIII: Les chantiers de grande
importance
Notons ici que les chantiers de grande importance seront définis
par règlement (art. 181) et qu'ils pourront être soustraits
à la loi, aux règlements (art. 184), de même qu'au
décret de la construction (art. 185, para. 35).
De plus, l'article 182 donne le pouvoir à la commission de
refaire la loi et de décider, sur les gros chantiers (?), du rôle
des syndicats, des comités de chantiers, du délégué
de chantier, de même que celui des travailleurs.
C'est également la commission qui adopte le programme de
prévention (art. 182). Mais encore là, rien ne dit que le
programme doit être adopté avant que les tavaux ne commencent.
Suite à ces observations, nous ne pouvons que dénoncer le
fait que la loi ne fixe pas certaines balises quant à ce qui pourrait
constituer un chantier de grande importance.
Enfin nous refusons carrément cette mise en tutelle des syndicats
par la commission.
C)
Les chantiers
"éloignés"
Le projet de loi 17 n'a pas cru bon de prévoir des conditions de
vie et de bien-être minimales pour les travailleurs des chantiers
éloignés. Pourtant la FNSBB (CSN) a fait plusieurs revendications
à ce sujet, y compris dans son mémoire au CERLIC ainsi que dans
un récent mémoire (avril 1978) au Comité des conditions de
vie sur les chantiers éloignés.
Le projet de loi reste muet sur cette question si ce n'est qu'il laisse
le tout à la réglementation.
Pourtant à la Baie James, depuis les derniers six mois, plus
d'une quinzaine de travailleurs sont morts.
Quant aux conditions de vie, la Société d'Energie de la
Baie James s'en fout éperdument. Pour toute réponse aux plaintes
relatives à la qualité de la nourriture, le p.d.g. de la SEBJ, M.
Claude Laliberté, nous souligne dans sa lettre que si le pain est moisi,
les travailleurs n'ont qu'à choisir les tranches qui ne le sont pas.
Conclusion
Nous considérons ce chapitre comme une improvisation de mauvais
goût et nous en demandons tout simplement le retrait puisqu'il ne
répond pas à nos revendications fondamentales.
Bien sûr, il y a du bon et du nouveau dans ce projet de loi, sauf
que le bon n'est pas nécessairement nouveau et que le nouveau n'est pas
nécessairement bon.
Nous exigeons une loi qui assure vraiment la santé et la
sécurité des travailleurs de la construction.
ANNEXE D
Association des entrepreneurs en construction du
Québec
Mémoire à la commission permanente du
travail et de la main-d'oeuvre
concernant la loi sur la santé et
sécurité au travail
(projet de loi no 17)
Anjou, le 17 août 1979
INTRODUCTION
Monsieur le Ministre,
L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a suivi
avec beaucoup d'intérêt l'évolution du dossier de la
santé et la sécurité au travail, car il comprend des
implications sérieuses pour notre industrie. L'A.E.C.Q. est une
association patronale vouée aux relations du travail dans la
construction qui regroupe sans exception tous les employeurs actifs dans cette
industrie. La construction est par essence une entreprise où les risques
d'accident sont élevés.
En référant aux notes de présentation du projet de
loi, nous notons qu'il est de l'intention du gouvernement d'assurer une plus
grande participation des premiers intéressés
(employeurs-travailleurs) à la gestion de la sécurité en
usine ou sur les chantiers. L'A.E.C.Q. concourt totalement à cet
objectif car, étant plus impliquées, les parties prendront plus
sérieusement leur responsabilité réciproque en ce
domaine.
Déjà à la lecture du Livre Blanc nous pouvions
anticiper que le secteur de la construction, à cause de besoins plus
spécifiques que l'industrie manufacturière, allait faire l'objet
d'une réglementation particulière. Il nous apparaît normal
d'envisager une législation ainsi structurée, car elle sera
susceptible de mieux répondre à un secteur de l'industrie
où le lieu de travail, les mouvements de main-d'oeuvre et les risques
etc. sont tout à fait différents des autres secteurs
d'activité.
Nous tenterons dans ce bref exposé de vous sensibiliser aux
points que nous considérons de première importance pour notre
industrie, dans l'espoir d'apporter à ce projet de loi notre expertise
et contribuer à ce que son adoption par le gouvernement atteigne
l'objectif visé: le respect de la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des travailleurs
du Québec.
Le thème majeur de notre présentation portera sur les
dispositions particulières relatives aux chantiers de construction.
Préalablement, nous soumettrons des commentaires sur le contenu de
certaines sections du projet de loi qui nous sont apparues intimement
liées à notre industrie.
L'Association des entrepreneurs en construction du Québec a,
depuis sa création en 1976, été sensible à cette
question de santé et sécurité au travail. Elle a
manifesté sa volonté d'assumer ses responsabilités dans
l'industrie de la construction en matière de formation et
prévention et aujourd'hui nous sommes heureux de pouvoir nous adresser
à cette Commission. Nous voulons vous assurer, monsieur le Ministre et
messieurs les membres de la Commission, de notre désir de
coopérer de la façon la plus positive possible à
l'élaboration de cette législation qui devrait, nous
l'espérons, mettre le monde du travail au diapason de nations
industrialisées qui ont, de longue date, légiféré
dans le domaine de la santé-sécurité au travail.
MÉMOIRE I-
COMMENTAIRES GÉNÉRAUX:
Généralement, nous avons constaté que, depuis la
première ébauche du Livre Blanc sur la
santé-sécurité au travail, le contenu a sensiblement
évolué.
Nous croyons que le projet, dans son ensemble, est devenu plus
réaliste et plus souple. Il ne faudrait pas croire que, ce faisant, il
soit devenu moins efficace, bien au contraire, puisqu'en tenant compte des
réalités concrètes de l'industrie, le projet est
assuré d'une application sérieuse et ne court pas le risque
d'être transformé en l'expression d'un voeu pieux.
Notre satisfaction à l'égard de l'ensemble de la
législation ne doit cependant pas nous faire oublier que plusieurs
suggestions très valables, formulées par divers milieux
patronaux, n'ont pas été retenues, de telle sorte qu'il nous
semble opportun de les soulever ici généralement.
La réglementation:
Dans plus d'une section du projet de loi, il nous est apparu bien
difficile d'évaluer l'impact futur ou la portée de la
législation, car plus souvent qu'autrement, le texte n'est qu'une
indication d'un objectif que viendrait concrétiser une
réglementation.
Ce pouvoir d'établir des règlements par la Commission nous
apparaît dangereux. Chaque chapitre compte plusieurs réserves pour
permettre une addition ou modification par règlement, de telle
sorte que d'une part il devient difficile d'évaluer la
législation et, d'autre part, il y a lieu de craindre que les
règlements changent la portée et peut-être même
l'esprit de la Loi. Nous sommes d'avis qu'il serait possible de
compléter le projet sinon, de fixer avec beaucoup plus de
précision l'envergure des pouvoirs réglementaires.
Pouvoir décisionnel:
La législation pourrait donner au travailleur un certain pouvoir
décisionnel, tant par le biais du Comité paritaire de
santé et sécurité que par l'action directe que ce dernier
peut exercer. Le travailleur est-il prêt à prendre ses
responsabilités dans ce domaine bien particulier de la
sécurité au travail? On ne lui a jamais, jusqu'à ce jour,
proposé d'assumer une telle fonction, surtout pas d'une manière
aussi active et autonome.
Nous admettons qu'en cette matière plus qu'en toute autre, chacun
doit assumer des responsabilités réelles, mais il nous
apparaît essentiel qu'il y ait apprentissage et formation
adéquate, faute de quoi nous risquerions d'être rapidement mis en
présence d'abus malheureux qui, loin de rendre l'industrie en
général plus sécuritaire, seraient susceptibles de la
bouleverser par des décisions arbitraires, motivées par des
objectifs qui n'ont rien à voir avec la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des
travailleurs.
Jusqu'à ce jour, combien d'associations syndicales ont
été prêtes, dans l'intérêt de leurs membres
à prendre leur responsabilité et à payer le prix de leur
participation en matière de santé et sécurité au
travail?
Compte tenu des pouvoirs importants qui pourraient leur être
accordés par une telle législation, il nous faudra insister pour
que tout individu qui pourrait avoir mission d'appliquer la prévention
dans les ateliers ou chantiers, soit élu, non pas par un exécutif
syndical, mais par l'ensemble des travailleurs de son milieu afin qu'il puisse
représenter ces derniers sans subir d'influence autre que celle de ses
confrères de travail.
Est-ce parce que ce danger a été prévu que le
projet de loi stipule que le représentant de la prévention ne
peut en aucun cas s'occuper de relations du travail? Il devrait être tenu
compte de ce facteur en évitant la confusion entre les mots
"travailleur" et syndiqué". Nous reviendrons sur le sujet lorsque nous
toucherons les fonctions que la législation voudrait reconnaître
aux délégués de chantier.
Dispositions des budgets:
La nouvelle Commission pourra verser des octrois aux associations
syndicales. Nous concevons mal qu'une Commission alimentée uniquement
par des cotisations patronales puisse à son gré distribuer des
argents à des organismes qui ne coopèrent pas directement
à son financement, d'autant plus que les associations sectorielles
recevront des subventions pour accomplir des travaux qui
bénéficieront aux parties impliquées tant patronale que
syndicale. Nous considérons qu'il s'agirait là d'un pouvoir
abusif qui augmenterait considérablement le coût de la
prévention pour les employeurs. Les employeurs endossent
déjà toute la responsabilité des coûts en
matière de sécurité, il nous apparaît anormal de
leur demander de financer aussi les syndicats ou unions.
Le projet de loi stipule qu'aucun pouvoir de cotisation ne sera
donné aux associations sectorielles si ces dernières veulent
bénéficier d'un octroi. Nous acceptons que cette formule soit
retenue mais ceci n'empêchera pas, nous osons l'espérer, qu'une
association patronale ou syndicale puisse quand même utiliser
volontairement une part des cotisations de ses membres pour faire de la
prévention d'accident dans son champ d'activités.
La philosophie qui a inspiré ce projet de loi postule que toute
somme dépensée pour la prévention est un investissement
dans l'avenir. C'est une perspective que nous acceptions d'emblée. Nous
ne pouvons cependant réprimer un certain scepticisme en constatant que
l'ensemble des services de santé qui seront mis à la disposition
du monde du travail, devra être financé par l'ensemble des
employeurs exception faite de la rémunération des
médecins. Si l'on considère que les services de formation,
information et recherches vont absorber des montants importants, nous nous
demandons si les disponibilités monétaires seront suffisamment
réalistes pour couvrir l'ensemble des dépenses prévues.
Nous ne devons pas perdre de vue qu'une intensification de la recherche en
hygiène industrielle et une meilleure couverture des maladies
industrielles feront croître les coûts. Serons-nous en mesure d'y
répondre?
Droits:
La comparaison des droits et obligations des travailleurs et des
employeurs ne laisse plus de doute quant à la philosophie du projet de
loi; d'une part, les obligations- et droits sont inversement proportionnels et,
d'autre part, les obligations de l'employeur prévalent sur les droits et
le contraire est vrai pour le travailleur.
En admettant qu'un employeur doit à tout prix s'assurer de la
santé et la sécurité de ses travailleurs, il nous
apparaît difficile de reconnaître le bien fondé de
l'implication de personnes non
averties ou techniquement non formées dans l'élaboration
de normes, règlements, programmes de recherches, etc..
Obligations:
Les obligations auxquelles les travailleurs sont astreints doivent
être plus explicites. Nous considérons que les obligations telles
que stipulées prennent l'allure de lignes de conduite plutôt que
d'une obligation ferme.
L'employeur est actuellement dans la plupart des cas responsable de ce
que les travailleurs utilisent les équipements de sécurité
qu'il leur fournit, comme si les travailleurs n'avaient aucun
intérêt à leur santé et leur
sécurité.
Il est aberrant que ce système se perpétue. L'obligation
de porter l'équipement de protection individuel ou collectif qui a
été préalablement fourni par l'employeur doit s'adresser
au travailleur.
La législation ontarienne prévoit des infractions et des
pénalités pour le travailleur dans de tels cas.
Pour l'information des membres de cette commission, nous pouvons
affirmer que plus de 50% des blessés graves recensés dans notre
industrie avaient à leur disposition l'équipement de protection
nécessaire, mais ne le portaient pas ou le portaient de façon
inadéquate.
Parmi, les obligations, nous relevons encore un dédoublement des
responsabilités en vertu du la Loi et des conventions collectives en ce
qui concerne les conditions de vie.
Droit de refus:
Le droit de refus est déjà accepté comme tel dans
l'industrie de la construction. Nous sommes entièrement d'accord avec le
principe qu'un travailleur ait le droit de refuser un travail qui comporte un
risque éminent et suffisamment grave pour mettre quelque vie que ce soit
en danger, à moins que le risque ne soit normalement et habituellement
inhérent à la tâche ou aux fonctions exercées.
Nous ne pouvons cependant logiquement accepter qu'un travailleur puisse
continuer à refuser un travail si les corrections demandées ont
été faites et approuvées par une personne
compétente. Nous pensons que les délais occasionnés par
les refus consécutifs après les étapes décrites
sont trop longs.
Nous soulignons que le droit de refus de travailler devant l'imminence
d'un danger grave et immédiat ne saurait être acceptable que si ce
droit est pratiqué de façon individuelle et non-collective, car
alors il y a lieu de craindre des abus.
Programme de prévention:
Les programmes de prévention sont vitaux pour structurer l'action
en prévention des accidents.
Nous acceptons que les travailleurs soient impliqués par le biais
du Comité à participer à l'étude d'un tel
programme, mais nous sommes convaincus que l'employeur doit avoir
l'entière responsabilité de le créer. Il pourrait, sur une
base volontaire, s'associer le Comité
santé-sécurité pour l'élaborer.
Normes:
La plupart des normes auxquelles nous pouvons actuellement
référer sont des normes établies en Ontario, ACNOR ou aux
Etats-Unis, NYOSH, OSHA, ASTME, etc..
Celles-ci sont évidemment établies en fonction d'une
législation locale et ne s'appliquent pas nécessairement toutes
au Québec et son environnement. Déjà nous vivons des
situations insensées, où des individus sont poursuivis en vertu
des normes dont ils sont mal informés, qu'ils ne comprennent pas du fait
de la langue et qui, avouons-le, sont un vrai casse-tête pour celui qui y
réfère. De plus, nous voulons attirer votre attention sur le fait
que ces normes sont dans bien des cas non-disponibles.
Afin de corriger cette malheureuse situation, nous favorisons la
formation d'un comité composé d'experts, avec mandat de
réviser les normes existantes afin de les adapter au contexte des
entreprises québécoises. De plus, nous suggérons que tout
équipement de protection individuel vendu au Québec indique
clairement à quelles normes sa fabrication correspond.
La Commission suggère un service de documentation au service des
parties. Nous reconnaissons le bien fondé le l'instauration d'un tel
service mais nous avons des craintes quant au temps nécessaire pour
qu'il soit efficace. Il a fallu dix ans aux Etats-Unis (NYOSH) et vingt ans en
France (INRS) pour qu'ils deviennent fonctionnels. C'est pourquoi nous croyons
que la question des normes doive faire l'objet d'un chapitre de la Loi
elle-même.
Nous sommes d'accord, dans l'immédiat, pour que le fabricant et
le fournisseur d'équipement ou de produits, soient tenus responsables
des normes et en avisent les utilisateurs par les moyens que nous avons
décrits.
Représentant à la prévention:
Dans l'ensemble, le chapitre traitant du représentant à la
prévention pour l'industrie et les services est semblable à celui
qui traite du délégué de chantier. Nos commentaires
viendront donc sur le délégué de chantier et sa
fonction.
Nous sommes inquiets vis-à-vis la fonction des "activités"
de prévention et des "activités" propres aux relations du travail
et craignons la possibilité d'une "politisation" des activités de
prévention.
Nous appuyons la position de ceux-ci qui recommandent le partage de la
responsabilité au plan juridique et économique vis-à-vis
la santé et la sécurité au travail.
Il
COMMENTAIRES PARTICULIERS RELATIFS À
L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
Dans le secteur de la construction, le législateur ne laisse
aucun doute sur l'application du principe d'associations sectorielles
paritaires. L'article 74 ne donne pas beaucoup d'alternatives aux employeurs de
l'industrie de la construction. S'agit-il d'un moyen logique pour mettre les
parties impliquées dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail au même diapason?
Depuis plusieurs années, notre industrie jouit d'une
réglementation qui lui est propre, "le Code de sécurité".
L'inspection relève en grande partie de l'Office de la construction du
Québec, organisme également chargé de l'application du
décret et autres réglementations. Récemment, sur le plan
patronal, a été organisée une vaste campagne de formation.
Notre industrie donc, a déjà entrepris de s'attaquer au
problème de la sécurité et santé au travail.
Nous devons vous faire remarquer qu'en vertu du décret relatif
à l'industrie de la construction, les parties se sont donné un
organisme similaire, paritaire, qui à date a maintenu une communication
constante et a permis un heureux rapprochement. Déjà certains
programmes d'action ont été élaborés en commun et
la collaboration pourrait aller en s'intensifiant.
Certaines expériences au sein de ce comité nous prouvent
qu'une action paritaire conjuguée est possible en prévention.
Notre participation à ce comité nous a
révélé à l'occasion que l'épanouissement
d'une politique conjointe nécessitait également la collaboration
des organismes auxquels les parties doivent référer, dont le
Ministère du travail et de la main-d'oeuvre, l'Office de la
construction, ainsi que d'autres comités existants, car dans certaines
circonstances, en raison de leurs prérogatives, ils ont tendance
à ignorer les parties et leurs suggestions.
Nous croyons, étant donné qu'un comité paritaire
existe déjà dans la construction, qu'il suffirait dans un premier
temps d'élargir le mandat de ce dernier, afin que, d'un commun accord,
les parties puissent élaborer un programme de prévention avec des
objectifs communs et éviter ainsi qu'une structure soit imposée
à l'industrie, comme le veut l'article 74.
Cette première étape permettrait graduellement à
l'association de prendre corps, les parties apprenant à se respecter
mutuellement dans une forme de parité où l'identité de
chacun ne serait pas lésée. Nous sommes prêts à
donner à notre comité les pouvoirs nécessaires pour qu'il
puisse jouer le rôle d'agent de liaison entre les parties
impliquées et les organismes officiels.
Nous déplorons le fait que le projet permette à la
Commission de décider du protocole d'entente ou de son contenu et encore
plus qu'elle soit détentrice du pouvoir de créer une telle
association de façon arbitraire.
La maître d'oeuvre et l'employeur professionnel:
Le projet de loi donne au maître d'oeuvre la plus grande
responsabilité, y compris celle d'établir un programme de
prévention avant le début des travaux et nous ne pouvons
qu'être d'accord avec cette philosophie. Toutefois, nous croyons qu'une
certaine souplesse devrait être apportée à cet article de
la Loi. En effet, il ne sera pas toujours possible de pouvoir disposer d'un
programme avant le début des travaux ou encore de le préparer en
collaboration avec les autres employeurs. Il faudra que le législateur
ajoute "dans la mesure du possible" sans quoi, il est à craindre que les
personnes concernées auront tendance à se doter d'un programme
type qui ne sera pas adapté aux risques inhérents à un
chantier particulier.
Le droit de refus (et le refus de travailler pour conditions
dangereuses):
Nous sommes d'accord avec l'énoncé des articles 159, 160
et 161 mais il devrait y être clairement spécifié qu'il
doit s'agir d'un danger imminent et grave.
De plus, nous croyons que, dès que l'employeur a
désigné son représentant à la prévention, ce
dernier soit celui qui doit être avisé de toute situation
dangereuse. Le premier geste à poser dans une telle situation serait de
faire la correction qui s'impose quitte à entreprendre
simultanément un examen de la situation.
Nous suggérons qu'aux articles 162 et 165, des corrections soient
faites dans le cadre de nos représentations concernant le
délégué de chantier et autres personnes qui ne travaillent
pas sur le chantier-même. C'est au représentant à la
prévention élu par les travailleurs du chantier qu'il appartient
de jouer ce rôle. Comme nous l'avons déjà dit, nous ne
pensons pas qu'il soit logique pour un employeur de permettre à un
travailleur d'accomplir un travail jugé dangereux pour un autre,
à moins que le refus de travailler repose sur des motifs qui sont
acceptables dans le cas particulier de ce travailleur. Ceci peut seulement
permettre, à notre avis, de créer une situation d'attente et
créer des délais dans la correction de la situation.
Notre appréhension face à tant d'étapes à
franchir pour en arriver à une solution exécutoire est importante
pour l'industrie de la construction, plus peut-être que pour l'industrie
manufacturière, parce qu'il s'agit d'un travail cyclique, en
perpétuel changement. Les délais pour rendre une décision
peuvent paralyser un chantier ou secteur de chantier dans un temps relativement
court. C'est la raison pour laquelle le législateur devrait
prévoir des mécanismes d'intervention plus rapides que ceux
décrits dans le projet de loi.
Le Comité de chantier:
La section qui traite du Comité de chantier équivaut
presque intégralement à l'article 2.5 du Code de
sécurité pour l'industrie de la construction.
La volonté d'impliquer les concepteurs d'un projet dans un tel
comité ne peut que nous plaire. Pour tout préventionniste averti,
il est logique que la sécurité soit pensée lors de la
conception de travaux et une telle décision, si elle est
appliquée, évite de nombreux avatars au moment de leur
exécution. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une
amélioration sur ce qui était prévu au Code de
sécurité.
Nous sommes d'accord avec le principe voulant qu'un comité soit
formé dès le début des travaux, en autant qu'il y ait
suffisamment de travailleurs impliqués. Cependant, nous croyons qu'une
clause contenue au Code de sécurité devrait apparaître
formellement dans la Loi; soit l'article 5.2:2-1. lequel spécifie que le
Comité de chantier est placé sous l'autorité de
l'employeur qui agit à titre de maître d'oeuvre. Cette attitude
est dictée par le fait que ce qui est la responsabilité de tous,
n'est en fait la responsabilité de personne. La prévention
étant une préoccupation dès l'étude d'un projet, il
est logique que ce soit le maître d'oeuvre qui en soit responsable et
assure le fonctionnement du Comité de chantier.
Certaines fonctions que le projet de loi délègue au
Comité mériteraient, à notre avis, d'être
modifiées.
Ainsi, selon nous, il n'appartient pas au Comité de surveiller la
mise en place des mécanismes de coordination des activités des
entrepreneurs travaillant simultanément sur un chantier. Nous admettons
toutefois que le Comité soit appelé à "coopérer"
à la mise en place des dispositions prises par les employeurs en vertu
d'un programme de prévention, le tout en collaboration avec le
représentant à la prévention nommé par le
maître d'oeuvre.
Le paragraphe 6 de l'article 168 relatif aux fonctions du Comité
devrait plutôt déléguer à l'association sectorielle
l'analyse des statistiques et cette dernière pourrait en faire la
synthèse et la redistribuer sous forme d'information fonctionnelle; de
la même manière, en ce qui a trait au paragraphe 7, l'association
sectorielle devrait être le centre de communication et de
dépôt de documents, faisant la liaison entre les comités et
la Commission.
Le délégué de chantier:
De toutes les propositions contenues dans le projet de loi, celle qui
concerne la définition du délégué de chantier et le
rôle que le législateur entend lui faire jouer a de quoi nous
surprendre et nous ne pouvons que nier catégoriquement quel que
rôle que ce soit dans le domaine de la
santé-sécurité, à ce représentant
syndical.
Notre refus d'octroyer au délégué de chantier des
pouvoirs en prévention, est dû au fait que la défense du
droit des travailleurs dans l'application du décret ou des relations du
travail d'une part et l'application de la sécurité sur les
chantiers de construction, d'autre part, sont inconciliables.
Nous ferons grâce aux membres de la Commission des recommandations
contenues dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la
liberté syndicale dans l'industrie de la construction,
présidée par feu le juge Robert Cliche. L'on pourrait cependant
prévoir que la situation qui prévalait dans les années 70
serait de nouveau d'actualité et que l'on verrait surgir une
armée de délégués plus ou moins informés et
incapables d'assumer de telles fonctions.
Nous voulons que les dispositions du projet de loi no 47,
sanctionné le 27 juin 1975, concernant le délégué
de chantier demeurent intactes. Nous trouvons décevant que le
législateur tente de réintroduire le délégué
de chantier comme responsable ultime de la sécurité sur les
chantiers et nous sommes encore plus circonspects lorsque le législateur
veut réintroduire comme agent de sécurité l'agent
d'affaires ou autre représentant syndical, lorsqu'il n'y a pas de
délégué sur un chantier.
C'est pourquoi nous ne pouvons aucunement agréer à cette
section du projet de loi.
Comme nous l'avons déjà mentionné, le secteur de la
construction est déjà structuré et en avance de beaucoup
sur les autres secteurs économiques. Il dispose d'un code de
sécurité qui, sans être parfait, permet quand même
une action dirigée dans le domaine de la prévention. Ce
même code a pris acte des recommandations du rapport de la Commission
Cliche en réservant un chapitre à l'organisation de la
sécurité. Le système préconisé par l'article
2.5 du Code de sécurité est assez significatif.
Ainsi, nous demandons que l'obligation de l'employeur de maintenir un
agent de sécurité à son service, tel que prévu
à l'article 2.5.3 du Code de sécurité, demeure et soit
intégrée dans le présent projet de loi.
Sur les chantiers ne requérant pas l'obligation de maintenir un
agent de sécurité en fonction à temps plein, nous
préconisons la nomination par l'employeur d'un représentant
patronal à la prévention afin que sur tout chantier de
construction une personne clairement désignée soit chargée
de cette responsabilité.
Afin de favoriser la participation des travailleurs à
l'application de la sécurité, nous croyons que les
salariés de chacune des associations représentatives doivent
pouvoir s'élire un représentant à la prévention.
Cette personne ne devrait jamais cumuler la fonction de
délégué de chantier et de représentant à la
prévention afin que la prévention et la sécurité
soient clairement dissociées des relations du travail. Ce
représentant à la prévention devrait être élu
par et parmi les travailleurs du chantier. Son rôle serait de faire
partie du Comité de chantier et d'être l'intermédiaire
entre les travailleurs et le représentant patronal pour la
prévention.
Les appareils qu'un représentant à la prévention
devrait pouvoir utiliser dans l'exercice de ses fonctions devraient être
tenus à sa disposition, mais être localisés dans le bureau
du représentant de l'employeur.
L'inspection:
II semble bien que la responsabilité de l'inspection sur les
chantiers de construction soit bien difficile à déterminer.
Dans un premier temps, le Livre blanc nous avait laissé croire
que le ministère du Travail tenterait de rapatrier sous son égide
tous les services d'inspection qui existaient. Cette solution était
surtout valable en ce sens qu'elle permettait d'espérer une
efficacité plus grande des services précités.
Notre intérêt dans cette question ne se situe cependant pas
au niveau de l'autorité. Nous croyons plutôt qu'il faut
éliminer les dédoublements de tâches au niveau des
individus: les inspecteurs de l'Office de la construction du Québec, qui
doivent simultanément faire appliquer le décret et le Code de
sécurité.
Déjà le rapport de la Commission Cliche s'était
inscrit en faux contre le fait qu'un même inspecteur ait à faire
respecter des lois si différentes. Un tel cumul de fonctions est
susceptible de nuire énormément à son action sur les
chantiers. L'inspecteur de l'O.C.Q., par sa double fonction, est
identifié comme un policier bien plus que comme un
préventionniste.
Cependant, il semble bien que, pour nous comme pour la Commission
Cliche, la surveillance de l'application du Code de sécurité pour
la construction doive continuer de relever de l'Office, mais
l'exclusivité devant être consacrée et les inspecteurs
formés uniquement pour accomplir une telle fonction. Rappelons ici que
"l'inspecteur de chantier doit être considéré beaucoup plus
comme un agent préoccupé avant tout de la prévention des
accidents de travail que comme un policier chargé de constater des
infractions." (Commission Cliche)
Or, nous réalisons, après plus de trois (3) ans, que la
situation persiste dans le domaine de l'inspection. Les inspecteurs qui
appliquent le Code de sécurité dans l'industrie de la
construction n'ont reçu que bien peu de formation en
sécurité. Plus encore, peu d'entre eux pourraient
réellement se qualifier comme agent de sécurité.
Nous pourrions soulever d'autres points à l'égard desquels
nous sommes réticents, mais d'autres organismes patronaux se chargent de
le faire; cependant, il nous faut une fois de plus souligner que le projet de
loi délègue un pouvoir de réglementation à
l'organisme dont dépendront les services d'inspection, ce qui nous
apparaît dangereux et pourrait mener à la
détérioration des services d'inspection.
Il eut été adéquat d'arrêter une politique
définitive. Malgré qu'il nous apparaisse implicite à
l'article 177 que l'inspecteur qui ordonne au maître d'oeuvre de prendre
les mesures appropriées lorsqu'il y a un danger pour la
sécurité, doive suggérer les moyens raisonnables pour
remédier à la situation, nous soumettons qu'il devrait en
être fait mention expressément. De la même façon
lorsqu'il arrête des travaux en vertu de l'article 178, soit en raison
d'un danger grave et imminent ou d'un danger défini clairement,
l'inspecteur devrait indiquer les corrections à être
apportées ainsi que le délai donné pour corriger la
situation.
Lorsqu'un arrêt de travail a été ordonné pour
correction d'une situation dangereuse, l'inspecteur devrait pouvoir dès
que la correction demandée a été faite, rendre une
décision autorisant la reprise du travail, dans un délai maximum
de quatre (4) heures.
Le projet de loi, en ce qui concerne le droit de refus, prévoit
l'appel à l'inspecteur chef régional. Nous croyons que l'article
180 devrait prévoir cette étape pour fin de révision ou de
révocation de l'ordre d'un inspecteur. Le recours ultime lors d'une
décision contestée d'un inspecteur, s'il n'a pas reçu de
solution au niveau de l'inspecteur chef régional, devrait alors
être la Commission, qui pourrait rendre une décision finale et
exécutoire.
En ce qui concerne la construction, nous réalisons que les
délais pour rendre une décision lors d'un arrêt de travail
par mise de scellés, sont très longs. Pour palier à cet
inconvénient, nous suggérons au législateur de permettre
la formation d'un Comité permanent d'experts qui serait à la
disposition du service d'inspection au moins au niveau de l'inspecteur chef
régional.
Chantier de grande importance:
Cette section comporte encore un pouvoir de réglementation qui
limite, dans une certaine mesure, l'application de son contenu. Cependant si
l'on s'accorde à croire que le législateur entend par chantier
d'importance des chantiers tels que ceux de la baie James, aucun
problème ne se pose quant aux propositions du projet de loi.
Nous prévoyons cependant que pour certains projets il sera
difficile pour un maître d'oeuvre d'aviser la Commission au moins 180
jours avant le début des travaux.
De plus, nous nous opposons fermement à l'intervention et
à la participation des associations représentatives dans
l'élaboration des programmes de prévention sur les chantiers de
grande importance, tel que prévu au deuxième alinéa de
l'article 181. Nous croyons que la Commission de santé et
sécurité au travail devrait faire appel plutôt aux
représentants de l'association sectorielle paritaire.
La médecine au travail:
Tel que proposé dans le chapitre VIII, les services de
santé au travail préconisés par le législateur
soumettent l'industrie manufacturière à une perte d'autonomie et
de responsabilité en matière de santé et d'hygiène
industrielle. Cependant, ce qui pourrait être jugé inacceptable
pour ce genre d'industrie n'a pas le même impact en ce qui concerne
l'industrie de la construction. C'est pourquoi même si nous appuyons sous
réserve l'attitude du patronat sur ce point, nous voulons ajouter nos
commentaires en rapport avec cet article bien spécifique du
contrôle de la santé en milieu de travail.
Nous concevons mal que la santé publique car il s'agit de
santé publique soit financée à même le budget
d'une compagnie d'assurance, en l'occurrence la C.A.T.Q. Seuls les soins de
réadaptation devraient être financés par cet organisme:
toute recherche commandée pour le bien-être des travailleurs et
qui a trait à l'hygiène industrielle devrait être
subventionnée par les services de l'assurance-maladie.
En ce qui concerne notre industrie, très peu de recherches
peuvent être faites. Les entreprises de construction n'emploient que
très peu de produits chimiques et encore sont-ils limités
à des métiers bien spécifiques, soudeurs, peintres,
etc.
Parmi les items qui touchent l'ensemble des industries, celui du choix
du médecin est peut-être le plus controversé. Nous
laisserons le soin à l'association de médecine industrielle de
défendre le bien-fondé du chapitre traitant de la médecine
d'Etat. Nous tenons cependant à affirmer notre opposition à la
sélection du médecin d'entreprise par un comité
travailleur-patron. Nous pensons qu'une telle décision, si elle doit
être enlevée à l'initiative du dirigeant d'entreprise,
relève exclusivement de l'ordre des professionnels de la
santé.
Lorsque nous affirmons que l'impact est différent pour
l'industrie de la construction, nous voulons dire que le système des
départements de santé communautaire qui a été
implanté va peut-être permettre à l'industrie de la
construction d'avoir, pour la première fois, l'occasion de
contrôler de façon systématique la santé des
travailleurs de cette industrie.
Il faut tenir compte du fait que dans le secteur de la construction les
changements sont très fréquents et le déplacement d'un
ouvrier se fait non seulement d'un employeur à un autre, mais
très souvent d'une région à une autre. C'est pourquoi
très peu de dossiers médicaux peuvent être ouverts et
même s'ils sont ouverts, ils ne suivent pas nécessairement le
travailleur dans ses déplacements.
Ne serait-il pas valable que les départements de santé
communautaire prévoient, dans leur programme-cadre, un système
qui permette de recenser tout travailleur qui arrive sur le marché du
travail dans notre industrie et d'établir un dossier médical
complet à son intention? Le dossier médical devrait être
cumulatif et transférable d'un D.S.C. à un autre.
Toute pathologie créant des incapacités de travail
pourrait être constamment surveillée par des examens de routine.
Un tel système permettrait le dépistage rapide des
déficiences et le coût de l'examen annuel que le travailleur
devrait subir, pourrait être assumé par la C.A.T.Q. et par la
Régie de l'assurance-maladie.
En aucun cas le dossier médical d'un travailleur ne devrait faire
l'objet d'étude par quel que comité que ce soit. Il doit rester
confidentiel. L'employeur devrait cependant sur demande être avisé
par le D.S.C. de toute déficience dans la santé d'un de ses
travailleurs. L'examen "pré-emploi" ou de routine pourrait-il être
standardisé dans notre secteur d'activité? Pour le moins, nous
croyons qu'il aurait peut-être éliminé certains accidents
dans la construction.
SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS
Le Livre blanc a mis l'accent sur la prévention des accidents par
la formation, l'information et la recherche. Le projet de loi reprend, à
notre avis, dans le même esprit, mais de façon plus
réaliste, les trois (3) thèmes retenus dans le Livre blanc.
D'autre part, l'ensemble du projet de loi semble mettre l'accent sur les
conditions dangereuses en milieu de travail plutôt que sur les actes
imprudents. C'est peut-être pour cette raison que le projet ne
réfère en aucun cas à la formation professionnelle comme
élément majeur de la prévention des accidents.
Nous crayons que le fait d'avoir supprimé à toute fin
pratique le système d'apprentissage sur le tas, d'avoir enlevé
tout éclectisme aux individus en les enfermant dans une description de
tâche restreinte dans laquelle ils ne peuvent faire épanouir
d'autres connaissances que celles qu'ils ont le droit d'utiliser, ainsi que de
leur avoir enlevé toute dextérité naturelle en les
asservissant à une technologie d'automatisme, fait que la
fréquence des accidents va en s'accroîssant.
Nous persistons à croire qu'une meilleure connaissance de son
métier aide le travailleur à accomplir sa tâche de
façon plus sécuritaire.
L'éducation des travailleurs: Que la formation des
travailleurs de notre industrie en matière de sécurité
soit la responsabilité des associations représentatives;
Que les centres de formation professionnelle retournent à l'industrie;
Que l'accent en matière de formation des travailleurs porte sur
les principes d'ergonomie et leur application; Que les professeurs
soient informés dans le milieu de travail propre au secteur; Que
la formation d'agents de sécurité s'intensifie et soit
basée sur des critères et prérequis plus solides que ceux
qui sont exigés présentement.
Les nonnes: Que le Bureau des normes du Québec
devienne le pendant de l'Association canadienne des normes; Que les
normes utilisées dans le secteur de la construction soient
adaptées au Québec et traduites avant d'être introduites
dans les lois et règlements; Qu'une norme ou règlement ne
soit mis en application que lorsque les moyens techniques requis pour se
conformer auxdites normes sont disponibles et suffisants.
L'équipement: Que le Québec se dote d'un
sigle qui devrait apparaître sur tout équipement
sécuritaire lorsqu'il est conforme aux normes prescrites; Qu'il
soit de la responsabilité du fabricant et du distributeur de s'assurer
que l'équipement vendu est conforme aux normes sécuritaires pour
l'utilisateur.
Programme de prévention: Que tout employeur soit
tenu d'avoir un programme de base de prévention pour pouvoir obtenir le
permis de la Régie.
Comité de chantier: Que tout document de travail,
fiches, procès, verbaux, etc., produit pour le Comité de
chantier, soit transmis à l'association sectorielle.
Association sectorielle: Que la formation d'une
association sectorielle dans l'industrie de la construction soit
volontaire.
Inspection: Que les services d'inspection soient
assurés par des personnes compétentes dont la fonction s'exerce
uniquement en sécurité; Que les services d'inspection sur
les chantiers de construction demeurent sous la responsabilité de
l'Office de la construction; Que les inspecteurs ne soient
chargés que de la mise en application des règlements de
sécurité; Que les coûts requis pour les services
d'inspection soient absorbés par le ministère responsable de la
Loi.
Santé: Que l'examen pré-emploi soit
obligatoire dès l'arrivée du travailleur sur le marché du
travail; Qu'un dossier médical cumulatif soit tenu au D.S.C.
local.
Réglementation: Que la référence
à une réglementation soit restreinte au minimum; Que les
règlements soient divulgués dans les meilleurs délais pour
permettre une véritable évaluation du projet de loi.
Recours en cas de refus: Que les étapes
proposées pour régler un arrêt de travail soient
réétudiées et ramenées à un minimum
réaliste et pratique en tenant compte des activités de notre
industrie; Que le recours soit toujours individuel.
Infraction: Que le travailleur soit contraint aux
mêmes obligations et pénalités que l'employeur lorsqu'il
enfreint les règles de sécurité.
Convention: Que la loi prévale sur toute convention
collective sans aucune restriction.
IV
CONCLUSION
Une politique sérieuse de santé et de
sécurité au travail doit accorder à l'industrie de la
construction une attention particulière. La nature-même de
l'industrie le requiert. Ainsi, il serait injuste, à notre avis, de
juger de l'effet fourni par les employeurs de la construction en matière
de prévention en se basant uniquement sur les statistiques d'accidents
enregistrés dans l'industrie relativement à d'autres secteurs
industriels. Un chantier de construction n'est pas une usine. Sur un chantier,
les travaux, souvent dangereux dans leur nature-même, sont en flux
constant. Ajoutons que l'industrie peut occuper, à certains moments,
plus de cent mille travailleurs, 15,000 employeurs, des entreprises de toute
dimension et des centaines voire même des milliers de chantiers
répartis sur tous les territoires du Québec. C'est là la
réalité de ce qu'est l'industrie de la construction et nous
croyons fermement qu'une loi sur la santé et la sécurité
au travail doit, pour atteindre son but, coller à cette
réalité.
Compte tenu de la complexité de l'industrie, nous croyons qu'un
projet de loi sur la santé et la sécurité au travail ne
peut, dans la meilleure des hypothèse, que fournir un cadre qui permette
aux parties directement impliquées d'agir efficacement ensemble. Un
cadre, pas un carcan. Car nous sommes fermement convaincus que toutes les lois,
tous les règlements et tous les inspecteurs du monde ne pourront suffire
à la tâche si les parties elles-mêmes employeurs et
travailleurs n'acceptent pas de collaborer de bonne foi ensemble au rude
défi que constitue une industrie de la construction toujours plus
sécuritaire, plutôt que s'accuser ou s'excuser devant des faits
concrets.
Dans le domaine de la sécurité au travail, contrairement
à ce que laissent parfois entendre certains démagogues,
salariés et employeurs ont fondamentalement le même objectif.
C'est pourquoi nous avons insisté tout au long de ce mémoire sur
la nécessité de séparer clairement, sur les chantiers, la
sécurité des relations du travail proprement dites. L'inspecteur
en sécurité, quel que soit l'organisme dont il relève,
doit être un spécialiste qui ne s'occupe que de
sécurité; le représentant des salariés doit, de la
même façon, détenir de ses commettants un mandat axé
uniquement sur la sécurité. De cette façon deux
écueils seront évités: d'une part, le domaine très
complexe de la sécurité dans la construction sera confié
à des individus qui possèdent une certaine expertise du fait de
leur spécialisation et, d'autre part, la "politisation" de la
sécurité, inévitable si le délégué de
chantier est en même temps le représentant "de facto" des
salariés en sécurité, n'aura pas lieu.
Ce dernier danger est de loin le plus grave. En effet, toute la
philosophie du projet de loi est axée sur la nécessité
d'une participation pleine et entière des parties aux efforts de
prévention. Confier au délégué de chantier la
responsabilité de la sécurité est, dans ce contexte, une
contradiction qui porterait un coup mortel aux objectifs du projet de loi.
Même en supposant que la situation déplorable qui existait au
moment de la Commission Cliche ne referait pas surface, ce qui est loin
d'être sûr, le conflit d'intérêts dans lequel serait
placé le délégué de chantier minerait au
départ sa crédibilité et tout le système que le
projet de loi veut mettre en place deviendrait probablement encore moins
efficace.
Qu'il nous soit permis de souligner une dernière fois, dans ce
contexte, notre recommandation à l'effet que le travailleur soit
finalement placé devant ses responsabilités. Un employeur qui ne
prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité
de ses salariés, met leur vie en danger et des infractions et
pénalités parfois très lourdes s'appliquent dans son cas:
ce n'est que justice. Dans le même esprit, le salarié qui, par
insousciance ou par bravade, n'utilise pas le matériel de
sécurité que son employeur met à sa disposition risque sa
vie et cause un tort souvent sérieux à son employeur. Il n'est
que justice que des infractions et des amendes s'appliquent dans son cas. En
incorporant cette recommandation dans le projet de loi, on éviterait non
seulement bon nombre d'accidents stupides mais on ferait aussi en sorte que le
travailleur se sente réellement impliqué dans la
prévention des accidents au travail.
Notre Association n'existe que depuis 1976. Notre travail en ce domaine
se limite au chantier de construction. Déjà nous consacrons le
tiers de notre budget et notre personnel comprend une quinzaine de
spécialistes, dont au moins un conseiller en prévention au
service des employeurs de chacune des régions du Québec. Nous
croyons, en toute humilité, que les activités de
prévention que nous exerçons sur les chantiers nous donnent une
perspective privilégiée des problèmes et contingences de
l'industrie de la construction dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail. Le mémoire que nous vous avons
présenté est le fruit de cette expérience sur le
terrain.
Nous avons voulu que nos commentaires soient positifs afin que le projet
de loi que vous étudiez présentement soit aussi réaliste
et partant, aussi efficace que possible. Nous vous remercions de nous avoir
offert l'opportunité d'exprimer notre point de vue et sommes à
votre disposition pour toute explication que vous jugeriez utile de nous
demander.