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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, September 20, 1979 - Vol. 21 N° 184

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Dussault): Mesdames, messieurs, nous allons reprendre les travaux de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre dont le mandat est de faire l'audition de mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Jolivet (Laviolette), M. Johnson (D'Anjou) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) et M. Pagé (Portneuf).

Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount) et M. Samson (Rouyn-Noranda). Je suppose que Mme Lavoie-Roux...

M. Pagé: Mme la députée de L'Acadie remplace le député de Saint-Laurent, M. Forget.

Le Président (M. Dussault): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Forget (Saint-Laurent).

Je vais donner la liste des groupes intervenant aujourd'hui. Nous avions d'abord convenu hier d'entendre en premier lieu les deux groupes que nous n'avions pu entendre. Il s'agit de la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc. Est-ce que le porte-parole est présent? Présent. Du Pont Canada Inc., dépose son mémoire qui sera consigné au journal des Débats. Le Comité d'hygiène et de sécurité du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, dont le porte-parole est présent.

Nous entendrons ensuite, dans l'ordre, le Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est, dont le porte-parole est présent, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, dont le porte-parole est présent, ensuite, l'Ordre des chimistes du Québec, dont le porte-parole est présent, et l'Association pétrolière du Québec, dont le porte-parole est présent.

Nous avons reçu un télégramme de Gulf Canada Limitée qui demande d'être entendue en même temps que l'Association pétrolière du Québec. Est-ce que le porte-parole de Gulf Canada est présent? Présent. La Compagnie pétrolière Impériale Ltée (Esso), dont le porte-parole est présent. BP Canada, présent, et, en dernier lieu, Shell Canada Limitée dont le représentant est aussi présent.

Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc.

Nous allons inviter immédiatement la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc. à se présenter devant la commission.

J'invite le porte-parole de la Société des conseillers en sécurité industrielle à se présenter et à nous présenter ses collègues.

M. Barbeau (Michel): Michel Barbeau, président de la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec. À ma droite, M. George Nolan, secrétaire-trésorier de la société et, à ma gauche, M. Eugène Beaupré, membre du comité de programme de la société.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. Je vous prierais de nous présenter votre mémoire à l'intérieur des vingt minutes convenues.

M. Barbeau: D'accord. D'ailleurs, notre intention n'est pas de lire le mémoire en entier, mais simplement d'en faire lecture des grandes lignes. Nous demandons que le mémoire en entier soit inscrit au journal des Débats.

Le Président (M. Dussault): Votre souhait sera exaucé. (Voir annexe A). Vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: C'est rare qu'on soit sûr de ça, M. le Président.

M. Bellemare: Je les trouve sensibles à... Mme Lavoie-Roux: Non, non.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Johnson, je tiens à vous dire qu'après cet incident, au moins cinq personnes dans cette salle ont employé l'expression. Vous avez la parole, M. Barbeau. (10 h 15)

M. Barbeau: Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, permettez-moi, pour débuter, de rappeler ce qu'est la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc. La société, dont les buts sont d'augmenter la compétence et le savoir de ses membres, de maintenir et d'élever leur dignité et leur efficacité, regroupe plus de 160 spécialistes de la sécurité oeuvrant à temps plein dans ce domaine, autant dans les industries de tout type qu'au sein des associations de prévention et du milieu de l'enseignement. La société est, à ce titre, représentative de l'opinion d'une bonne partie, sinon de la majorité des spécialistes en sécurité.

La société, tout en étant d'accord sur l'ensemble du projet de loi no 17, constate qu'alors que les rôles de tous les intervenants, (médecins du travail, comité d'hygiène et de sécurité, etc.) sont clairement définis dans le projet de loi, il n'est aucunement question dans celui-ci des services de sécurité d'entreprise et des spécialistes de la prévention.

La prévention des accidents industriels étant un domaine complexe, évoluant très rapidement, un domaine où il faut agir autant au niveau technique qu'au niveau de l'homme et de l'organisation de l'entreprise, ce domaine nécessite donc l'apport de spécialistes qui y consacrent tout leur temps.

Autant le comité de santé et de sécurité ou le représentant à la prévention ne peuvent se substituer au médecin du travail, autant ils ne peuvent se substituer aux spécialistes de la sécurité des entreprises. Ces spécialistes existent; leur action, par le passé, n'a peut-être pas été aussi efficace qu'on l'aurait aimé, mais il faut se situer dans le contexte où ces personnes oeuvrent et bien réaliser toutes les contraintes auxquelles elles doivent faire face.

Le projet de loi actuel serait l'occasion idéale de faire disparaître ces contraintes. Néanmoins, l'action de ces spécialistes est et a été dans plusieurs cas déterminante et on peut se demander ce que seraient les résultats s'ils étaient absents de la scène. C'est pourquoi nous croyons que le spécialiste de la sécurité a un rôle à jouer dans la réalisation des objectifs de la loi, que ce soit comme personne-ressource, au niveau du comité de sécurité, au même titre que le médecin du travail, que ce soit dans des interventions de formation et d'information auprès des employés et des cadres.

Il a également un rôle à jouer dans la gestion des programmes de prévention comme conseiller auprès des membres de la gestion, pour qu'ils puissent créer le milieu de travail le plus sécuritaire possible.

Le livre blanc ne favorisait-il pas une approche organisationnelle de la prévention des accidents? Si le projet de loi ne définit pas le rôle et les fonctions du service de sécurité d'entreprise et des spécialistes qui y oeuvrent, nous risquons de voir ces spécialistes confinés au rôle d'avocats de la défense, face aux représentants syndicaux à la prévention.

C'est pourquoi nous proposons: 1. Que l'on définisse clairement, dans la loi 17, le rôle du spécialiste en prévention, que ce soit dans l'entreprise ou dans les associations de prévention. Ce rôle est essentiellement un rôle conseil au niveau des intervenants pour que ceux-ci intègrent les techniques de prévention à leur fonctionnement respectif. Il y a aussi un rôle de support au niveau des interventions de formation et d'information. 2. La loi devrait préciser l'obligation pour les entreprises, selon le nombre d'employés et la nature des risques, d'avoir à leur emploi un spécialiste de la sécurité.

Pour certaines entreprises ayant un grand nombre d'employés ou un haut taux de risques, les interventions ponctuelles des conseillers d'association ou de la future Commission de la santé et de la sécurité du travail ne seront pas suffisantes. Ces entreprises nécessitent la présence d'un spécialiste de façon permanente. D'ailleurs, c'est actuellement le cas de plusieurs entreprises. 3. La loi devrait prévoir des mécanismes de fonctionnement et de secours permettant aux spécialistes de la sécurité d'agir efficacement et en toute impartialité et indépendance. Ces mécanismes pourraient ressembler à ceux prévus pour le droit de refus au travail.

Selon nous, il n'est pas nécessaire de sortir le spécialiste de l'entreprise pour assurer son impar- tialité et son indépendance, pourvu que les mécanismes soient suffisants. 4. Idéalement, on devrait créer une profession du spécialiste en sécurité. Ceci permettra également d'augmenter leur impartialité et leur indépendance, car ils pourront s'appuyer sur un code d'éthique. Ceci pourrait permettre de s'assurer de la compétence des personnes occupant ces postes.

Plusieurs de ces propositions existent déjà dans des lois sur la santé et la sécurité de plusieurs pays européens; citons, entre autres, l'Autriche. Depuis 1972, la loi autrichienne exige qu'un service de sécurité soit rattaché à toute entreprise occupant régulièrement plus de 500 travailleurs.

En Belgique, depuis 1975, la loi a rendu obligatoire les services de sécurité. Elle définit leur rôle et des mécanismes pour que le chef de sécurité puisse remplir sa mission en toute indépendance.

En 1976, le comité des ministres du Conseil de l'Europe adoptait une résolution préconisant la création de services de sécurité et, pour terminer, en République fédérale allemande, une loi similaire au projet de loi actuel existait depuis plusieurs années et, depuis près de cinq ans des services de sécurité sont devenus obligatoires. On note une baisse de l'ordre de 14% du taux de fréquence des accidents.

Pour conclure, il nous apparaît que les propositions de la Société des conseillers en sécurité industrielle permettraient d'utiliser avec un maximum d'efficacité les ressources déjà existantes et également de compléter une démarche vers la santé et la sécurité des travailleurs bien amorcée par le projet de loi 17. Il ne faudrait surtout pas que des entreprises et la société québécoise perdent ce bassin de compétences en sécurité industrielle.

Je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): M. Barbeau, je vous remercie. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec de son mémoire. Je pense qu'il s'agit d'un mémoire qui vient faire valoir devant nous un point de vue, je pense, qu'on entend pour la première fois.

Je tiens à le signaler et soyez assurés qu'on va regarder de très près, le contenu des problèmes que vous soulevez, la franchise, d'ailleurs, avec laquelle vous soulevez ces problèmes, je vais revenir là-dessus, et des recommandations que vous formulez.

Pour l'essentiel et pour un certain nombre de raisons qui sont évoquées dans votre mémoire dont une qui est particulièrement frappante, j'aimerais que vous puissiez le plus concrètement possible nous l'illustrer et je vais y revenir. Cela paraît au paragraphe 2b de votre mémoire.

Vous nous demandez, vous demandez aux législateurs d'insérer l'obligation pour les entre-

prises d'avoir un service de sécurité industrielle ou du moins, un spécialiste en sécurité, prévoyant des mécanismes de fonctionnement et le reste.

C'est intéressant et c'est très franc et compte tenu des situations que vous vivez et des situations — pour dire les choses telles qu'elles sont, — dans bon nombre de cas d'une relation extrêmement étroite sur le plan financier et contractuel avec l'employeur, je pense que votre mémoire devrait peut-être faire réfléchir très sérieusement certains porte-parole du monde patronal.

C'est un plaidoyer qui remet en question non seulement certaines attitudes, certains comportements, mais aussi certaines recommandations et demandes qui ont été formulées devant nous depuis le début des travaux par le monde patronal, qui dans bon nombre de cas nous dit, ne touchez surtout à rien de ce qui concerne directement ou indirectement — ce qu'on appelle des fois, de façon qui m'apparaît un peu excessive — les droits de gérance de l'entreprise, c'est-à-dire qu'ils nous disent: Bien, laissez-nous comme cela se passait, l'essentiel des pouvoirs et l'entière responsabilité, au fond, de la santé et de la sécurité.

Soyez assurés d'une chose - je tiens à le signaler au passage, et on l'a évoqué à plusieurs reprises au long de nos travaux - le fait que tel, tel ou tel groupe spécifique de professionnels ne sont pas mentionnés dans le projet de loi comme tel ne veut pas dire qu'ils sont exclus. On a parlé du cas des hygiénistes industriels, l'autre jour. On a parlé d'autres cas, par la suite, qui sont venus. Il y a des choses qui sont sous-jacentes tout au long du projet de loi. J'ai dit qu'on regarderait ça de très près, le cas échéant, pour voir s'il est pertinent et nécessaire d'en inclure, parce qu'encore une fois un projet de loi, ce n'est pas un roman, ce n'est pas un essai. C'est un texte de loi. Ce n'est pas un livre blanc, ce n'est pas un manifeste. C'est un texte de loi.

Cela dit, au fond, ce n'est pas nécessairement la seule, mais voici une des raisons fondamentales et l'argument principal — en tout cas, si je fais une bonne lecture de votre mémoire — qui vous amènent à demander de prévoir dans le projet de loi des dispositions qui institutionnaliseraient, en tout cas, l'obligation d'un service de sécurité qui serait fondé sur des bases qui permettraient l'exercice du métier dans des conditions d'impartialité. Je cite, parce que je pense que c'est extrêmement important et que vous n'avez pas lu in extenso votre mémoire, mais que vous nous en avez présenté un résumé, ce qui apparaît à la page — malheureusement, votre mémoire n'est pas numéroté, mais enfin — le paragraphe b qui est intitulé Quels sont leurs problèmes actuels? "Bien souvent, les vrais spécialistes sont perçus comme des missionnaires plutôt que des membres à part entière de l'équipe de gestion, quand on n'en fait pas de simples commis bons à remplir des formules. Par contre, les conseillers d'associations patronales doivent jouer le jeu des idées véhiculées dans le milieu, au risque d'être partiaux". Et vous ajoutez: "Donc, en général, ces préventionnistes vivent une certaine insécurité qui affecte sensiblement l'objectivité qu'il est nécessaire d'avoir en prévention". Bien!

C'est vraiment un témoignage qui suppose — je pense qu'il faut le dire — beaucoup de franchise et une bonne dose de courage et je tiens à vous en remercier au nom des membres de cette commission. Si on veut vraiment faire le maximum ensemble, essayer de se donner le meilleur projet de loi possible, je pense que vous apportez une contribution qui est loin d'être négligeable sur ce plan.

Je suis très ouvert; on va regarder de très près vos recommandations. Effectivement, est-ce que c'est la place dans le projet de loi no 17 ou est-ce que ça doit être fait ailleurs? Honnêtement, je ne le sais pas, mais je pense que le gouvernement doit regarder de très près la possibilité d'introduire des dispositions législatives. Il ne s'agit pas de copier; le Québec, ce n'est pas l'Autriche; le Québec, ce n'est pas la Belgique, ce n'est pas l'Allemagne, ce n'est pas l'ensemble du Marché commun, de l'association entre États souverains européens. Pour l'instant, ce n'est pas la même chose; le Québec, c'est le Québec. Mais le gouvernement devrait songer à des dispositions législatives qui permettraient de garantir non seulement l'efficacité, mais l'indépendance, l'autonomie professionnelle des services de sécurité au sein de l'entreprise, comme l'ont fait plusieurs pays européens.

C'est un témoignage tout à fait particulier que vous apportez et soyez assurés qu'on va le regarder. Je ne vous garantis rien sur les résultats; je ne suis pas le département des miracles et, encore une fois, le Québec, c'est le Québec. Cela étant dit, je pense que ça mérite d'être regardé de très près. (10 h 30)

J'aimerais que vous nous expliquiez, peut-être en l'illustrant d'exemples concrets qui ont été vécus par vos membres, les affirmations que vous faites. Ce sont des affirmations très pesées, je pense, lorsque vous parlez de choses qui vous mettent, dans l'exercice de vos fonctions, dans des positions de partialité, de manque d'objectivité et le reste. Vous nous parlez des dispositions législatives forçant d'abord à introduire des services et vous nous dites: II n'y a pas automatiquement une équation entre l'obligation imposée à quelqu'un de faire telle chose, de se donner tel ou tel service et une indépendance, une pleine autonomie professionnelle. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin, dans le concret, pour nous dire ce que vous suggérez de façon plus précise, si vous avez des suggestions au-delà de l'idée de l'imposition. C'est vrai que vous avez cité le cas d'un pays où, dans le cas des entreprises de 500 employés et plus, il y a obligation.

Je suis prêt à regarder à nouveau ces législations étrangères. Encore une fois ça vaut la peine de les regarder et il ne s'agit pas de copier, le Québec c'est le Québec. Il faut voir ce qui, le cas échéant, pourrait être fait. Par ailleurs, j'aimerais, dans un deuxième temps, concrètement, que vous

nous disiez de quelle façon il vous semble qu'il serait possible d'assurer cette autonomie, cette impartialité, cette objectivité dans votre travail.

Troisièmement, je me permets simplement, l'exemple veut ce qu'il vaut, ce n'est pas une comparaison, encore une fois c'est purement une analogie... Vous savez qu'il y a eu l'expérience visant et imposant à l'employeur des normes d'embauche d'agents de sécurité dans le secteur de la construction. On ne peut pas dire que le résultat net, aujourd'hui, après les constatations qu'on peut faire — pour reprendre l'expression de quelqu'un d'autre — que cela a été la trouvaille du siècle parce que dès fois, forcément, le Québec ce n'est pas comme ailleurs. Le Québec a ses réalités et les agents de sécurité imposés, obligatoires dans le domaine de la construction, vivent les mêmes problèmes que ceux que vous rapportez dans votre mémoire.

Donc, est-ce que c'est mûr pour structurer de cette façon-là, et, deuxièmement, qu'est-ce qui pourrait, comme condition... J'aimerais que vous puissiez illustrer ça, étoffer par des exemples concrets, si cela vous est possible, le témoignage que vous rendez. Encore une fois, en terminant, je tiens à vous remercier parce que c'est vraiment un aspect très particulier, important, et un témoignage qui vient avec énormément de franchise et sachez qu'on l'apprécie.

Le Président (M. Dussault): M. Barbeau.

M. Barbeau (Michel): En fait, au niveau des exemples où le conseiller en sécurité est placé ou confronté entre l'exercice ou l'application d'un principe reconnu de prévention et des difficultés d'application, il y en a des foules, mais ce n'est quand même pas une situation généralisée, je voudrais le préciser. Il existe des cas, il existe des abus partout, dans ce cas-là également. Dans certains cas les conseillers en sécurité sont réellement confrontés à mettre un peu de côté le principe de base de prévention. Ce n'est quand même pas heureusement un phénomène excessivement répandu, mais c'est un fait qui existe.

On pourrait citer plusieurs exemples concrets. Par exemple, au niveau de correction de problèmes à la source, souvent à ce moment-là, le conseiller en sécurité va être obligé de surtout insister sur le port d'équipement de protection parce que la correction à la source entraîne des déboursés au niveau de la compagnie. C'est un exemple. Un des deuxièmes points également, on parlait de l'autonomie et de l'obligation pour les entreprises d'avoir un spécialiste en prévention. Je ne relie pas quand même les deux aspects, c'est-à-dire que dans un temps on dit: Certaines entreprises, à cause de la nature des risques et à cause également de la taille de l'entreprise, l'aide extérieure sera insuffisante. Donc, ça prend quelqu'un sur place. Dans certains cas, c'est sûr qu'il va y avoir une grosse tentation de se fier strictement à l'aide extérieure, parce qu'elle implique moins de déboursés, mais, dans certains cas, la présence du spécialiste à temps plein est absolument essentielle.

Maintenant, en ce qui concerne les mécanismes qui pourraient assurer l'autonomie, on parlait dans notre mémoire de mécanismes semblables au droit de refus de travail. En fait, dans le cas où il y aurait divergence d'opinions entre l'entreprise et le conseiller en sécurité sur une mesure à prendre, on verrait très bien que le cas soit porté au niveau du comité de sécurité. Ensuite, on suivrait les mêmes paliers, l'inspecteur du travail et, possiblement, la commission de santé et de sécurité. Cela peut être une façon de l'envisager.

Il y a également le phénomène de l'engagement ou du congédiement du conseiller en sécurité qui pourrait possiblement être soumis au comité de sécurité. Ce sont des exemples de mécanismes, il y en a sûrement d'autres également qui pourraient apporter cette indépendance. C'est bien sûr que dans plusieurs entreprises — on pense que c'est la majorité — cette indépendance est assez bien établie, mais il y a aussi une question de crédibilité et ce qu'on craint, c'est que face aux représentants syndicaux, la crédibilité du conseiller en sécurité d'entreprise ne soit pas excessivement forte. Elle est quand même difficile à établir, parce que c'est le représentant de l'employeur.

Ce qu'on dit: Essayons d'avoir une personne qui, par certains mécanismes, jouissant d'une certaine indépendance, va pouvoir réellement conseiller, selon les règles de l'art de la prévention et sans attaches. Je pense que le problème vaut également au niveau des agents de la construction qui étaient des agents de l'entreprise, c'est peut-être là que le problème s'est posé. La crédibilité est difficile à établir, autant que la crédibilité du représentant syndical à la prévention va être difficile à établir au niveau de l'entreprise.

À ce moment-là, pour éviter qu'on ait deux spécialistes en place et qu'un soit confiné à un rôle d'avocat de la défense, le représentant syndical apportant un point et devant trouver des arguments possiblement contre, on se dit qu'au lieu d'avoir ce type de confrontation, ayons un bonhomme jouissant d'une certaine indépendance qui pourra, de concert avec le représentant syndical, établir des mesures. Sa crédibilité sera suffisante de cette façon.

M. Marois: Seulement une question additionnelle, est-ce que vous croyez — je ne sais pas comment les choses se présentent, peut-être que vous pourriez nous apporter des précisions là-dessus. L'état actuel des choses, parmi les membres de votre association, en général, c'est quoi? Sont-ils à contrat, comme consultants dans les entreprises ou salariés dans les entreprises? Compte tenu de tout ce que vous venez de dire — parce qu'au fond, il y a comme une espèce d'analogie frappante qui ressort de votre témoignage — quand vous évoquez la crédibilité auprès des travailleurs, c'est bien évident que, si vous recommandez le port d'un équipement individuel sachant très bien que ce n'est pas la solution et qu'il y aurait moyen de faire autre chose, au lieu de s'attaquer à la racine du problème pour le corriger, les travailleurs qui ont un peu d'ancienneté

dans l'entreprise et qui la connaissent savent très bien eux aussi que ce n'est pas la solution au problème. Pourtant, il y aurait moyen d'arriver à la solution du problème. Il y a donc une espèce d'analogie, quant à cette crédibilité qui risque... vous dites qui ne risque pas, qui s'émiette carrément, avec ce qu'on a entendu aussi en ce qui concerne les médecins de compagnie. J'aimerais avoir quelques renseignements sur la relation financière des entreprises, comment ça se présente et est-ce que vous formulez des suggestions quant à cet aspect?

M. Barbeau: La grande majorité des spécialistes de la prévention sont des salariés de l'entreprise. On dit qu'il n'est pas nécessaire de changer cet état de choses, pourvu que des mécanismes légaux garantissent l'indépendance.

Si la protection légale est suffisante, si des mécanismes sont prévus, on ne voit pas de problème, mais on ne veut pas sortir le conseiller en sécurité de l'entreprise, d'autant plus qu'ayant un rôle important de conseiller auprès des gestionnaires... Parce que souvent, pour la prévention des accidents, il y a des corrections techniques, mais il y a tout un aspect de la prévention qui est l'organisation de l'entreprise et les problèmes de prévention dépassent largement des techniques de sécurité; ce sont bien souvent des problèmes d'organisation. C'est un des rôles majeurs du conseiller en sécurité, donc il faut qu'il ait quand même aussi une excellente crédibilité auprès de l'employeur et il faut la conserver, afin qu'il puisse conseiller l'employeur. Cela peut être, par exemple, de modifier le rôle du contremaître dans l'entreprise; à ce moment, il a un rôle important à jouer et il doit être un membre à part entière de l'équipe de gestion.

Le Président (M. Dussault): C'est terminé, M. le ministre? Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier les représentants de la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec pour leur mémoire.

Je pense que vous présentez ici deux problèmes; un sur lequel le ministre a insisté à bon droit, mais qui a quand même deux facettes. Il y a votre indépendance vis-à-vis de l'employeur et il y a aussi la question de votre crédibilité vis-à-vis du syndicat. Mais je pense que cette partie du problème a été passablement touchée; ce que vous demandez, en somme, ce sont des mécanismes qui vous permettent d'assurer votre indépendance.

Il y a aussi — même s'il n'a pas été abordé, à moins que je ne me trompe — le problème à savoir ce qui va advenir, avec ce projet de loi, des ressources humaines existantes dans le domaine de la prévention; est-ce que je me trompe à l'égard de ce deuxième problème que, à mon avis, vous semblez soulever dans votre mémoire?

Le Président (M. Dussault): M. Barbeau.

M. Barbeau: Je ne pense pas qu'il y ait d'inquiétude au niveau des conseillers en sécurité, quant à leur avenir, quant à la quantité d'emplois disponibles, parce qu'il est vrai que, les obligations d'un entrepreneur étant ce qu'elles sont dans le projet de loi, la plupart des entreprises qui ont déjà à leur emploi un conseiller en sécurité ou un spécialiste de la prévention vont sûrement le conserver et même, elles vont peut-être grossir leur service de sécurité. Il n'y aura pas de disparition de la fonction, de ça, on en est presque convaincu.

Ce qu'on craint, c'est au niveau du rôle que cet individu va avoir à jouer. Encore là, ça va sûrement être dans une minorité de cas, mais ça va être là, on va le confiner à contre-argumenter ce que le représentant syndical va apporter.

Nous, on dit qu'on a un rôle plus grand que ça à jouer; c'est plus une crainte que, dans une minorité de cas, il y ait une restriction du rôle, mais, en termes du nombre d'emplois, on ne voit pas de problème de ce côté.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est finalement dans le sens de l'orientation que pourrait prendre votre profession, si vous êtes, comme vous le dites, mis dans un rôle d'arbitre ou de "réfuteur" de ce qu'avanceront les représentants des syndiqués.

Il me semble, d'après ce que j'ai lu dans votre mémoire, que votre formation s'est acquise un peu en cours d'emploi et que ce sont les circonstances qui ont créé la fonction de conseiller en prévention. Pouvez-vous me dire, d'abord, depuis combien de temps votre association existe et est-ce qu'il y a actuellement, au niveau des collèges, des cégeps, des cours qui se donnent touchant le perfectionnement ou même la formation fondamentale d'agent ou de conseiller en prévention? (10 h 45)

M. Barbeau: En fait, je crois que la majorité des gens qui oeuvrent actuellement dans le domaine de la prévention ont réellement acquis une formation sur le tas en effectuant la fonction et il y a quand même les associations de prévention qui ont donné de la formation à ces individus-là. La plupart également sont allés se perfectionner aux États-Unis, soit au National Safety Council. Je fais un peu l'historique de la formation des conseillers en sécurité. Par le passé, cela se limitait à cela. Les gens devaient prendre à la pige, si on veut, différents cours et essayer de se constituer une compétence professionnelle partant de cela, mais il y a des gens qui ont réellement acquis une grande importance. Quand cela fait dix ans ou quinze ans qu'ils font le métier, je pense qu'il n'y a aucun doute sur la compétence de ces individus-là.

Depuis quelques années maintenant, il existe une formation institutionnalisée de la prévention. Il y a, entre autres, le cégep de Jonquière qui offre un cours de technicien, un diplôme d'études collégiales en techniques de prévention. Il y a également l'Ecole polytechnique de Montréal qui offre un cours de trois ans pour devenir technicien

en prévention et je crois que, commençant cette année, il y a une maîtrise en prévention qui va se donner à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Cela amène un autre problème. Dans le projet de loi, on prévoit des subventions pour différents groupes, pour la formation du représentant syndicale, etc. Du côté des spécialistes en prévention, dans les entreprises, où, à un moment donné, va-ton réussir à trouver le temps, la libération voulue et l'argent possiblement pour aller suivre des cours qui maintenant sont des cours à temps plein?

Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt pour ceux qui entrent dans ce domaine-là qu'il y a possibilité d'une formation plus complète que pour ceux qui sont déjà en exercice.

Vous avez 150 membres dans votre association, d'après ce que j'ai cru comprendre.

M. Barbeau: Le chiffre est de 170 actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ceci n'inclut pas nécessairement tous les gens — c'est sur une base volontaire, évidemment — qui sont en fonction dans l'entreprise.

M. Barbeau: Non. Actuellement, on doit regrouper — je vous donne ce chiffre sous toute réserve — à peu près la moitié des personnes qui oeuvrent dans les compagnies. Par contre, on ne regroupe pas strictement des conseillers ou des spécialistes de la prévention oeuvrant dans les entreprises, mais également dans les associations et dans le milieu de l'enseignement. On parlait du cégep de Jonquière. On a des professeurs du cégep de Jonquière qui sont membres chez nous.

Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, y a-t-il des membres de votre groupe ou de votre association qui sont soit intégrés ou utilisés comme consultants, par exemple, dans les départements de santé communautaire ou dans les CLSC?

M. Nolan (George): Oui, je peux répondre à cette question, Mme Lavoie-Roux. Il y en a quelques-uns. Il y a même des consultants "self employed", à leur propre compte, qui sont des consultants à travers la province.

Mme Lavoie-Roux: Dans les départements de santé communautaire?

M. Nolan: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Croyez-vous qu'il y a de la place pour les deux côtés de la clôture, dans le sens que certains d'entre vous restent au service de l'entreprise — c'est de cette façon que la plupart de vos membres fonctionnent — et que, d'un autre côté — là c'est comme consultants que vous parlez — d'autres fonctionnent au niveau des

DSC? Y aurait-il aussi de la place pour qu'ils puissent s'intégrer dans une équipe de CLSC ou, enfin, dans une équipe de département de santé communautaire?

M. Barbeau: Oui, il y a sûrement des possibilités de ce côté-là, mais il y a aussi peut-être une petite crainte ou une petite réserve. C'est qu'on associe depuis le début santé et sécurité. Je crois que c'est excellent de le faire, mais il y a quand même des techniques qui sont réellement particulières à la prévention des accidents ou à la sécurité, qui ne relèvent pas du domaine médical. On a peut-être une certaine crainte qu'elles soient noyées à travers cela.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie pour vos éclaircissements.

Le Président (M. Dussault): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci pour votre mémoire messieurs. C'est fort instructif, surtout que comme d'autres, hier, vous aviez, avec raison, une inquiétude pour le respect de vos droits acquis, mais vous n'allez pas si loin que le mémoire d'hier, dans lequel vous demandez au ministre de définir d'avance le rôle qu'on pourra vous faire jouer dans l'application de la nouvelle loi.

Mais ce que je voudrais savoir de vous, c'est si, déjà, avec votre expérience dans votre métier, parce que votre profession n'est pas encore reconnue par l'Office des professions... Vous-même, vous en faites une obligation, pas une obligation, mais là, on précise que les spécialistes devront être des professionnels au sens du Code des professions, et ce ne l'est pas. Vous le notez dans votre mémoire.

Je voudrais savoir si votre expérience vous a donné l'occasion de vérifier un refus au travail. Est-ce qu'il y a déjà eu des refus de travailler, dans l'expérience que vous avez eue dans différents organismes et comment cela s'est-il produit? J'aimerais bien le savoir.

M. Barbeau: Je n'ai pas de cas précis en tête, personnellement.

M. Bellemare: D'accord, à partir de là, vous n'en avez pas. Il n'y a aucun refus de travail?

M. Barbeau: Non.

M. Bellemare: Quelle serait votre opinion vis-à-vis de la loi, concernant l'article 12, sur la sécurité du travail?

M. Barbeau: Comme on le mentionne au début de notre mémoire, on est d'accord sur l'ensemble des dispositions de la loi, y compris le droit de refus au travail.

M. Bellemare: Quant au choix du médecin, il doit être décidé lors d'une réunion, probablement

— je pense que la suggestion qui a été faite par d'autres mémoires d'une table ronde serait peut-être bien souhaitable — entre le gouvernement, le patronat et le syndicalisme. Mais je voudrais savoir de vous si le médecin doit être un agent gestionnaire de la compagnie ou bien un médecin complètement indépendant des syndicats et des patrons, parce qu'il y a déjà un principe d'établi, une tradition qui veut que depuis des années, le médecin d'une compagnie soit presque considéré comme un gestionnaire. Là, on semble se diriger vers un autre compromis, celui d'un comité paritaire où l'on désignera à l'outil principal — je m'excuse auprès des médecins ici — une responsabilité qui est attenante à l'application du projet de loi 17.

M. Barbeau: Pour ce qui est du médecin du travail, de toute façon, on ne représente pas la profession médicale...

M. Bellemare: Mais dans votre expérience vécue?

M. Barbeau: Ce que nous disons — c'est le même phénomène qu'au niveau des conseillers en sécurité — c'est que pour autant qu'il y ait des mécanismes qui garantissent l'indépendance et l'impartialité, quels qu'ils soient, on est satisfait à ce moment des dispositions de la loi.

M. Bellemare: Vous ne trouvez pas lourds l'article 40 et l'article 185 où il y a une foule de règlements qu'on ne connaît pas? Vous ne trouvez pas difficile d'envisager cela dans le projet de loi, tel qu'il est écrit, ou bien trouvez-vous que c'est normal qu'un gouvernement puisse, par règlement, sans qu'on soit mis au courant, promulguer, dans la Gazette officielle ou par d'autres moyens, l'application des règlements? Parce que dans l'application de l'article 185, il y a 36 particularités différentes.

M. Barbeau: Nous avons mis notre priorité dans l'étude de la loi sur le phénomène de la définition de la profession du conseiller en sécurité.

M. Bellemare: Oui, je me suis aperçu que c'était cela votre droit acquis, d'abord. Le restant est facultatif. D'abord, le choix et, après cela, les autres, s'il y a possibilité.

M. Barbeau: Non...

M. Bellemare: Excusez-moi, je ne veux pas vous hypothéquer d'une idée que vous n'avez pas eue, mais je pense que tout votre mémoire, actuellement, porte sur vos droits qui semblent être des droits acquis qui, pour l'avenir, vont être un peu dispersés et peut-être ignorés.

M. Barbeau: Premièrement, au niveau de droits acquis, on ne voit pas le problème sous cet angle. Tout ce qu'on dit, c'est que ce qu'on a actuellement, on va le conserver. Il n'y a aucun doute, avec la loi...

M. Bellemare: Ce que vous avez, vous autres, présentement, mais pas pour l'avenir, pas pour d'autres qui viendront après vous. Ceux qui sont en place, d'accord, vont probablement jouer un rôle plus efficace que ceux qui viendront faire application plus tard.

M. Barbeau: Non, parce que les obligations données à l'entreprise vont nécessairement, dans la plupart des cas, si ce n'est pas les maintenir, faire grossir les services de sécurité. Ce qu'on dit, en fait, nous, c'est que le service de sécurité, qui a joué un grand rôle par le passé, peut être encore plus efficace avec certaines dispositions. Ce n'est pas un côté négatif qu'on regarde. On dit que ce qui existe fonctionnait, mais fonctionnait avec certaines... Cela peut mieux fonctionner. C'est pourquoi on fait une suggestion.

M. Bellemare: Est-ce que, dans les conventions collectives qui vous régissent actuellement, il en est question de votre profession?

M. Barbeau: À ma connaissance, il n'y a pas de convention collective au niveau des entreprises. La plupart des conseillers en sécurité sont soit au niveau des cadres ou au niveau des professionnels à l'emploi de l'entreprise.

M. Bellemare: II n'est pas question de vous nulle part dans les conventions collectives, sauf dans le domaine de la sécurité.

M. Beaupré (Eugène): M. Bellemare, dans certaines conventions collectives, il y a des services de sécurité qui sont établis comme faisant partie de la convention et c'est prévu que...

M. Bellemare: II n'y a rien de prévu pour les gens de votre profession?

M. Beaupré: C'est prévu qu'il y a un emploi dans un service de sécurité patronal et, enfin, paritaire. Moi, dans la compagnie où je travaille, je suis en charge... J'ai deux officiers cadres et deux officiers syndiqués à temps plein qui travaillent au service de sécurité seulement.

Le Président (M. Dussault): C'est terminé, M. le député de Johnson? Alors, il semble que ça mette fin à l'audition de votre mémoire.

Au nom de la commission, je remercie la Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec de sa participation aux travaux de cette commission.

Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec

J'invite maintenant le Comité d'hygiène et de sécurité du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec à se présenter devant la commission.

M. Bellemare: Quel numéro?

M. Jolivet: 53.

Le Président (M. Dussault): C'est le mémoire 53.

M. Bellemare: II n'est pas sur la liste qu'on nous a remise ce matin.

Le Président (M. Dussault): II est sur la liste d'hier. Nous avions convenu d'entendre les deux derniers groupes d'hier ce matin.

J'invite le porte-parole du comité d'hygiène à se présenter et à nous présenter ses collègues.

M. Théberge (Marcel): M. le Président, madame, messieurs, je voudrais d'abord signaler que ce n'est pas le mémoire du Comité d'hygiène et de sécurité du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, mais bien le mémoire comme tel du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec.

Ce qui s'est passé, c'est qu'en raison des délais extrêmement courts, on a été obligé de prendre une position là-dessus. Dans un premier temps, pour respecter les délais qui nous étaient imposés, le Comité d'hygiène et de sécurité de notre syndicat a pris une première prise de position et l'a fait parvenir au secrétariat des commissions parlementaires. Depuis ce temps, il y a eu un nouveau dépôt, que vous devez avoir en main, qui complétait la prise de position initiale du Comité d'hygiène et de sécurité du syndicat. Cela a été déposé le 18 septembre. J'imagine que vous devez en avoir une copie maintenant.

Le Président (M. Dussault): II est daté du 17 septembre, effectivement.

M. Théberge: C'est ça, cela va.

Le Président (M. Dussault): D'accord.

M. Théberge: Alors, m'accompagnent aujourd'hui... Je suis d'abord Marcel Théberge, le président du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec. M'accompagnent aujourd'hui, à ma gauche, Jean-Pierre Dugas, qui est précisément le responsable du Comité d'hygiène et de sécurité du syndicat et qui est également membre de l'exécutif du syndicat; à ma droite, Jean-Guy Dionne, un agent de grief pour le syndicat de professionnels, qui va, tout à l'heure, pouvoir vous illustrer certains de nos énoncés à partir d'exemples concrets, pour répondre, semble-t-il, aux désirs, entre autres, du ministre tout à l'heure, qui désirait avoir des cas concrets.

Le Président (M. Dussault): D'accord. S'il vous plaît, je voudrais que vous me rappeliez votre nom; ça m'a échappé.

M. Théberge: Marcel Théberge.

Le Président (M. Dussault): Théberge, d'accord. Je vous remercie. Je pense qu'il sera difficile de faire la lecture de votre mémoire en 20 minutes. Je vous prierais, en tout cas, de résumer le plus possible, de façon que ce soit fait à l'intérieur des 20 minutes convenues. (11 heures)

M. Théberge: On va essayer de faire cela rapidement. On ne lira pas le mémoire; je vous demanderais, cependant, si c'était possible, de l'inscrire au journal des Débats en bonne et due forme. C'est une formule qui est prévue. Je pense.

Le Président (M. Dussault): D'accord. (Voir annexe B)

M. Théberge: Je vais essayer de faire ça rapidement.

Le syndicat de professionnels a décidé de se pencher de façon sérieuse, depuis quelque temps, sur les questions relatives à la santé et la sécurité du travail, en raison principalement de deux choses.

Premièrement, nous voulons à tout prix maintenir de façon intégrale notre droit à la négociation pleine et entière de toutes nos conditions de travail, ceci en dépit de toutes les tentatives réelles de l'État pour limiter ce droit. On ne reviendra pas sur les dispositions de la loi 50. Je pense que vous connaissez très bien notre position là-dessus. La loi 50, la Loi sur la fonction publique, limite considérablement notre liberté de négociation. Il nous semble que, dans le cas présent, on trouve également des entraves sérieuses à notre liberté de négociation.

Deuxièmement, on veut également attirer votre attention sur un certain nombre de conditions de travail très mauvaises qui existent actuellement à l'intérieur de la fonction publique. En ce sens, on a décidé de travailler très sérieusement toute la question de la santé et de la sécurité.

Pour l'essentiel, notre premier élément fondamental d'opposition concerne les comités paritaires. Tout à l'heure, on va vous illustrer de quelle façon concrète on a vécu des expériences dans ce domaine avec l'employeur qui est précisément le gouvernement du Québec, représenté par un parti actuellement, sauf que cela n'a pas beaucoup changé par rapport à l'ancien parti qui était le gouvernement. On va vous raconter des expériences récentes et des expériences un peu plus éloignées en regard de cela.

Ce qui nous apparaît très clair à la lumière d'expériences concrètes qu'on a vécues dans les comités paritaires, c'est que ça ne donne strictement rien au bout de la ligne. D'ailleurs, notre prétention est que l'employeur considère lui aussi que ça ne donne strictement rien, si on en juge par son comportement concret au cours de certaines expériences que nous avons vécues dans le domaine des comités paritaires. Tout ce à quoi cela a servi, finalement, est que cela a été un lieu de dépôts et de discussions plus ou moins éthérées sur le contenu de revendications eu égard à

nos conditions de travail en matière de santé et de sécurité.

Ce qu'on met de l'avant — et ce n'est probablement pas nouveau, je pense bien, pour vous — ce sont cinq principes fondamentaux qui devraient, d'après nous, être sous-jacents à l'ensemble d'une législation qui porterait sur la santé et la sécurité.

Premièrement, c'est le plein droit individuel et collectif d'arrêter de travailler en cas de danger. Là-dessus, je n'insisterai pas sur le fond de la question, j'imagine que vous êtes suffisamment éclairés. Je voudrais simplement dire qu'il nous semble étrange que, dans ce domaine, on prétende que les Québécois n'ont pas la maturité voulue pour assumer pleinement et de façon responsable ce droit. Il nous semble, quand on affirme qu'il n'y a que 30% des travailleurs québécois qui sont syndiqués, comparés aux 90% de syndiqués en Suède, que là-dessus il y a des choses qui sont très réelles, sauf que si on veut prendre des dispositions sérieuses pour assurer le droit individuel et collectif d'arrêter de travailler, il y aura peut-être lieu que le ministre du Travail enlève du Code du travail les entraves législatives qui empêchent la syndicalisation d'un nombre important de travailleurs. Concernant le plein droit individuel et collectif, je pense que la position est assez claire sans qu'on ait besoin de l'expliquer davantage.

Le deuxième principe qu'on met de l'avant, c'est le droit de négocier tout sujet relatif à la santé et à la sécurité. Là-dessus, le responsable du comité de santé et de sécurité du syndicat va nous illustrer, tout à l'heure, de quelle façon on perçoit des entraves dans le projet de loi no 17.

Quand je parlais du plein droit d'arrêter de travailler, je voudrais attirer votre attention — je m'excuse, je l'ai oublié — sur la question du retrait préventif des femmes enceintes. Là-dessus, il nous semble assez aberrant qu'on assujettisse ce droit, qu'il nous semble un droit extrêmement fondamental, à une ordonnance sur les congés de maternité, comme s'il y avait une relation de cause à effet entre ces deux choses.

Le troisième point qu'il nous semble également bien important de mettre de l'avant en regard de toutes les questions de santé et de sécurité, c'est le droit d'enquête et d'inspection en tout temps, et ceci de façon indépendante.

Là-dessus, dans le projet de loi, ce qu'on perçoit très bien, c'est que les mandataires syndicaux vont perdre tous leurs pouvoirs véritables puisque, effectivement, ils n'auront plus de mandat de la part des membres du syndicat, mais seront dans une espèce de structure soi-disant neutre et au-dessus des parties. En ce sens-là, ça nous semble excessivement dangereux pour une saine démocratie syndicale également.

En ce qui concerne le quatrième principe — c'est le choix du médecin — on ne comprend pas comment, partout, dans notre régime de santé québécois, on assure au client la possibilité de choisir son médecin et pourquoi on refuse cela à un travailleur. En tout cas il y aurait certainement lieu qu'on nous fournisse des explications plus claires que ce qui nous a été donné à ce jour là-dessus.

Finalement, le dernier principe qu'on met de l'avant, c'est le droit à la pleine sécurité d'emploi et de revenu en cas d'accident de travail causé par des conditions de travail néfastes.

En conclusion, avant de passer la parole rapidement à mes collègues, parce que je veux essayer de m'en tenir aux 20 minutes allouées, ce qui est notre analyse est en gros la suivante. On note une contradiction très forte entre les énoncés de principe fort généreux — que je qualifierais peut-être même d'angéliques — qu'on retrouve dans le projet de loi ainsi que dans certaines déclarations, et la réalité concrète que nous sommes tous appelés à vivre dans nos ministères en tant que salariés de l'État. Ce qu'on a constaté, c'est le cul-de-sac, nous semble-t-il, des comités paritaires. On a vécu l'expérience, on va en parler rapidement tout à l'heure. C'est pour ça que nous rejetons la philosophie générale qui sous-tend le projet de loi sans sa forme actuelle. Ce qu'on voudrait comme énoncé très clair au niveau des principes, c'est qu'on mette de l'avant le principe de l'élimination du danger à la source; ensuite on pourrait regarder de quelle façon techniquement on pourrait aménager un tel principe dans des dispositions législatives.

Je demanderais à mon collègue, Jean-Pierre Dugas, d'illustrer de quelle façon il nous semble que le projet de loi entrave l'action syndicale.

M. Dugas (Jean-Pierre): Assez succinctement, M. le Président, j'aimerais relater ici des contradictions apparentes dans le projet de loi no 17. Ces contradictions apparentes — je demanderais au ministre de nous donner des précisions et de nous rassurer — sont les suivantes. D'une part, il nous semble que le projet de loi limite et annule l'intervention syndicale dans le secteur de la santé et de la sécurité au travail. D'une part, par le dépôt patronal du gouvernement du Québec en matière de sécurité et de santé, on n'a rien innové, on n'a absolument rien apporté de nouveau, de neuf. La seule disposition qui demeure, c'est celle où les parties conviennent que seront respectées toutes les dispositions des lois et des règlements de la province et des règlements municipaux visant à assurer la santé, la sécurité et le bien-être des employés, ainsi que l'hygiène sur les lieux de travail. C'est ça qu'on nous propose. Le ministre dit qu'il ne faut pas... que le projet de loi comme tel ne veut pas diminuer les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective en vigueur, mais on a l'impression que vous êtes en train, même au niveau de la fonction publique, de déterminer un "pattern" qui pourrait servir pour d'autres compagnies ou pour d'autres secteurs à l'extérieur.

Ce que vous voulez empêcher en fin de compte, c'est ce que vous nous proposez, ce "pattern" du maintien des règlements des minimums, tandis que ce que nous demandons, c'est de tenter de négocier sur une base d'échange. Ainsi, il nous semble impossible, à l'article 31, de

négocier avec l'employeur l'exercice du droit d'arrêter de travailler pour ce qui est des mesures disciplinaires et de la procédure de congédiement — c'est directement en vertu de nos conventions collectives — de négocier aussi avec l'employeur le droit d'enquête et d'inspection syndicale dévolu dans le projet de loi au comité paritaire ou au représentant à la prévention. Ce que nous dénonçons fortement. Le comité paritaire pour nous demeure un lieu de congélation des revendications. Ce n'est pas nouveau sous le régime actuel ni sous les précédents.

Le projet de loi ne nous confie aucun pouvoir décisionnel sur l'essentiel, c'est-à-dire au niveau du programme de prévention comme tel. C'est du regard, de la responsabilité de l'employeur.

Pour ce qui est des fonctions et des procédures de nomination du représentant à la prévention, vos articles 67, 68, 69 et 70 nous semblent faire en sorte que nous nous retrouvons dans la situation où nos représentants doivent faire à la fois la police et jouer aux contremaîtres sur les lieux de travail. Il semble aussi impossible, selon les dispositions du projet de loi, de négocier le choix de notre médecin et ça, pour nous, ça nous apparaît essentiel. D'ailleurs le mémoire est assez explicite à ce sujet.

Enfin, la commission de la santé se donne des pouvoirs réglementaires lui permettant de se substituer aux organisations syndicales pour déterminer les modalités de participation aux diverses activités en santé et en sécurité, en particulier les activités de formation, mise sur pied des comités paritaires, etc. Cela nous semble être une contradiction avec le bel énoncé de principe qu'on retrouvait au départ, à savoir que le projet de loi ne devait pas diminuer les droits des travailleurs en vertu d'une convention collective en vigueur ou le processus de négociation qu'on a engagé actuellement avec l'employeur pour établir les niveaux.

Pour les cas pratiques, mon confrère Jean-Guy Dionne pourrait vous en énumérer plusieurs.

M. Dionne (Jean-Guy): Le projet de loi 17 prévoit la création de comités paritaires de santé et de sécurité. Je serais tenté de vous citer Jésus-Christ qui disait: Avant d'enlever la paille dans l'oeil du voisin, regarde la poutre qu'il y a dans le tien. Peut-être le gouvernement pense-t-il les autres employeurs plus compréhensifs que lui-même, mais l'expérience qu'on a eue dans le passé avec lui nous démontre que les comités paritaires de santé et de sécurité ne sont pas la solution miracle pour ces problèmes. On est d'autant mieux placés pour en parler que nous avons vécu, de 1972 à 1975, l'expérience des comités paritaires et que, depuis 1975, nous avons, dans nos relations quotidiennes, à travailler avec un syndicat, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, qui a un comité paritaire prévu dans sa convention.

Nous voudrions donc vous donner quelques exemples de la façon dont les comités paritaires ont fonctionné dans le passé entre les employés de l'État et le gouvernement. En 1975, à l'édifice

Cambrai, situé ici, sur la rue Joffre, à Québec, il y avait eu deux griefs déposés pour se plaindre de la chaleur et de la ventilation. Ces griefs ont été portés à l'attention des deux comités paritaires prévus dans les conventions collectives et les deux comités paritaires en ont été saisis pendant une période de près de huit mois.

Pour régler le problème, l'employeur disait que c'était une occupation temporaire du local, donc, qu'il n'avait pas l'intention de dépenser inutilement des sommes d'argent pour installer un système de ventilation et un système de chauffage adéquat. L'occupation temporaire dure depuis cinq ans, sauf qu'entre-temps, on a effectivement eu un règlement dans ce cas-là. Mais le règlement n'est pas venu des comités paritaires. Il est venu d'une action que les employés, que je dirais écoeurés de la situation, ont prise. Ces employés se sont présentés en costume de bain sur les lieux de travail.

Peut-être que la première page du Journal de Québec, du Devoir ou du Miami Herald est plus forte que les pressions des travailleurs, mais le cas a été réglé. Un autre exemple, plus récent, c'est celui de l'édifice situé au 360 rue McGill à Montréal, édifice anciennement occupé par la Sûreté du Québec, maintenant occupé par le ministère des Communications. On prévoyait employer cet édifice à d'autres fins. On a décidé de faire des tests de structure. Première opération, on drille des trous dans les murs. Deuxième opération, toujours avec les employés sur place, on décide de monter vingt tonnes de plomb au cinquième étage; ça ne met pas bien bien la sécurité en jeu, mais en tout cas, vingt tonnes. On a monté ça avec un véhicule à essence. Alors qu'il y avait des trous dans les murs partout, vous comprenez que les effluves se sont répandus sur les étages. Enfin, pour mettre la cerise sur le gâteau, on a redescendu tout ça, on est reparti, mais on a oublié de fermer les murs. Je ne sais pas si vous connaissez la rue McGill, ce n'est pas très loin du port de Montréal, de telle sorte que les trous dans les murs sont devenus des autoroutes à souris, ce qui n'a pas pris tellement de temps.

Effectivement, il y a eu, au niveau du Syndicat des fonctionnaires, un grief qui a été porté au comité d'hygiène et de sécurité, lequel a fait un rapport très élogieux de la situation, mais, encore une fois, le ministère des Travaux publics s'est laissé tirer l'oreille. Le Syndicat de professionnels, quant à lui, a déposé un grief aussi, lequel, après tous les délais nécessaires, s'est rendu à l'arbitrage et, une semaine avant l'arbitrage le ministère des Communications et le ministère des Travaux publics nous promettaient de faire des travaux, lesquels ont été faits depuis ce temps. (11 h 15)

Effectivement, dans ce cas-ci, on a bien voulu pendant cinq ou six mois régler le problème en nous proposant du poison à rat, des trappes à souris, en nous proposant d'autres "répuisants" du genre, mais effectivement on ne voulait jamais mettre de l'argent pour régler le problème à la source.

Nous pouvons également parler du ministère du Travail, sur la rue Crémazie à Montréal, où, en 1977, un inspecteur du ministère et un inspecteur de la ville de Montréal ont relevé 18 infractions aux règlements sur la sécurité dans les édifices publics. Je vous donne quelques exemples d'infractions qu'on pouvait y trouver; il y avait, notamment, des portes de sécurité qui étaient fermées par des barils, lesquels servaient à mettre les déchets; il y avait également le système d'alarme qui était branché sur le système électrique normal de la bâtisse, de telle sorte que lorsqu'il y a eu un feu là, en 1977, on n'a même pas été capable de faire partir le système d'alarme. En tout cas, on a relevé 18 infractions du genre.

Là encore, au niveau du syndicat des fonctionnaires, c'est allé au comité d'hygiène et de sécurité et, au niveau du syndicat des professionnels, c'est allé en grief. Comment a-t-on réglé le problème? Cela n'a pas été une question de comité d'hygiène et de sécurité; à un moment donné, les employés se sont réunis, fonctionnaires et professionnels, et ont décidé de créer up comité d'action et c'est ce comité d'action qui à fait avancer les choses parce qu'on a exigé le rapport d'inspection, on a exigé que le ministère respecte sa propre loi et on a exigé également que les travaux soient imposés aux locateurs de l'édifice.

On pourrait également parler du ministère des Affaires sociales. Cet hiver, à l'édifice Joffre, — un cas très récent — au deuxième étage, les employés ont littéralement gelé tout l'hiver. Pour vous donner un exemple de la température qu'il pouvait faire, certains matins on a trouvé de la glace sur les prises de courant.

Effectivement, il y a eu un grief qui s'est retrouvé au comité de santé et de sécurité des fonctionnaires et il y a eu un autre grief qui s'est retrouvé au comité des griefs du syndicat de professionnels. Sauf qu'un matin, alors qu'on a eu une vague de froid considérable, les employés ont trouvé que franchement, en bas de 10° Celsius, c'était un peu froid pour travailler et se sont rendus au bureau du personnel du ministère des Affaires sociales pour exiger que des mesures soient prises, à court et à long terme.

À court terme, on a permis aux employés, lorsque les conditions de température étaient inconfortables, de retourner chez eux et, à long terme, le ministère, cet été, a fait les travaux nécessaires pour que la situation ne se reproduise pas l'an prochain.

On pourrait citer d'autres cas, il y en a beaucoup, notamment, par exemple, ici, à l'Office de la langue française où le concepteur de l'édifice s'est permis de mettre la prise de ventilation juste à côté du stationnement des autobus. Vous comprendrez que la prise de ventilation étant située à cet endroit, chaque fois que démarrait un autobus, que se passe-t-il avec le système de ventilation?

On pourrait également citer les problèmes nombreux de chaleur, notamment au Crédit agricole, à Québec; aux Communications, à Rimouski; l'insuffisance d'équipement sanitaire, par exemple, dans les laboratoires où on devait traiter des chiens morts et des poissons pourris; on n'avait absolument aucun moyen de les retirer des tables de travail.

On pourrait également parler des nombreux cas où les ministères ont été obligés de faire des pressions sur les locateurs des édifices gouvernementaux pour que ceux-ci chauffent suffisamment.

Dans tous les cas, les comités paritaires du gouvernement se sont rivés le nez sur les goussets, mais bien cadenassés, du ministère des Travaux publics, rendant ce mécanisme de comités paritaires absolument inefficace, et souvent c'était le crematorium des revendications des employés du gouvernement en matière de santé.

Peut-on croire que le gouvernement, comme employeur, n'a pas pris conscience de l'inutilité et de l'inefficacité des comités paritaires. D'ailleurs, il n'en demande même pas la création dans le dépôt qu'il nous a fait à la table des professionnels. Peut-on croire également qu'un gouvernement qui, comme employeur, refuse à ses employés du ministère du Revenu, à Montréal, la permission de prendre connaissance des résultats de l'étude du CLSC, centre-ville, peut-on croire que ce gouvernement peut nous assurer sa bonne collaboration sur les comités d'hygiène et de sécurité? Vous nous permettrez d'en douter. De nous dire que si le passé est garant de l'avenir, chaque ministère aura désormais son crématorium en ce qui concerne les clauses de santé et de sécurité au Québec.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec de son mémoire. Je voudrais simplement dire ceci: Les exemples qui ont été cités sont bien sûr vérifiés, je présume; ce ne sont certainement pas des affirmations gratuites. Si vous prenez la peine de choisir ceux-là, c'est qu'ils sont fondés et confirment une chose: la nécessité absolue, ce que prévoit d'ailleurs le projet de loi 17, notamment à l'article 4, qu'enfin le gouvernement tombe sous la coupe de la loi, ce qui n'est pas le cas présentement, comme vous le savez. Notamment, comme vous le savez, la Loi des établissements industriels et commerciaux, le Code de sécurité de la construction, etc., aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est un fait aussi, et il était temps que cela change.

Les exemples que vous avez évoqués confirment donc que la proposition qui est formulée dans le projet de loi 17 s'impose plus que jamais et qu'en conséquence aussi l'ensemble de ce qui est prévu dans la loi, les sanctions, etc., s'applique aussi.

Je prends acte du fait que vous êtes en profond désaccord avec la philosophie générale du projet de loi. Je prends acte du fait que vous n'acceptez pas ou ne croyez pas en tout cas à la

pratique possible qui n'exclut absolument pas l'action syndicale. On a eu l'occasion d'en discuter. J'ai même indiqué que, s'il y avait des textes ou des parties du texte qui n'étaient pas clairs en ce sens-là, j'étais prêt à les vérifier, à les corriger, à les ajuster pour faire en sorte que les droits acquis, en plus, soient respectés et qu'il soit possible d'ajouter par-dessus cela.

J'ai aussi indiqué que, par ailleurs, il ne fallait pas perdre de vue qu'il y a environ 30% des travailleurs qui sont syndiqués, il y en a donc plus de 60% qui ne le sont pas et qui ont droit eux aussi à une protection de base qu'ils n'ont pas présentement, qu'il faut en tenir compte. Je prends acte du fait aussi finalement, raccroché à ce que vous avez évoqué au point de départ qui est votre opinion, que je respecte, que je ne partage pas, du rejet de la philosophie générale, notamment lorsque apparaît au bas de la page 5 de votre mémoire un énoncé où vous dites: "Notre courte histoire de syndiqués nous a donc démontré que la concertation mène à un cul-de-sac et que seule la mobilisation générale reposant sur les délégués syndicaux dans leur milieu de travail peut inciter l'employeur à améliorer les conditions de travail jugées dangereuses ou nuisibles."

Je n'ai pas d'autres questions. Je n'ai pas de commentaires, M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je serai moi aussi très bref. Je pense que le mémoire qui nous est présenté ce matin par le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec est assez clair. Si j'avais des questions, j'aurais presque envie de vous demander comment cela va dans les négociations. Ce n'est pas l'endroit choisi pour le faire.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'introduction dans la loi, la notion ou les dispositions dans le sens que le gouvernement lui-même sera soumis à la loi, sera régi par cette loi; on a au moins cela dans le projet de loi. Comme j'en faisais part lors de notre déclaration d'ouverture, nous avons quant à nous exprimé notre satisfaction à l'égard de cette disposition qui obligera le gouvernement lui aussi à respecter certaines normes et à composer et à agir avec la nouvelle structure qui est mise en place.

Je pense d'ailleurs que les exemples que vous avez mis en relief ce matin dont certains nous avaient été rapportés il y a quelque temps à l'Opposition officielle témoignent de l'obligation que nous avons en tant que Parlement de faire en sorte que le gouvernement lui-même soit astreint et soit davantage obligé en vertu de cette loi.

Votre argumentation a surtout été basée sur l'histoire des comités paritaires. Vous avez peut-être pris connaissance des positions adoptées par chacun des partis. Quant à nous, nous craignons — la coïncidence est bonne, parce qu'on utilise la même terminologie — nous croyons qu'un comité paritaire comme tel, tel que c'est prévu au projet de loi 17, et aux articles 63 et suivants, ce sera la grande crainte que nous aurons, c'est que ce seront strictement des comités de placotage, parce que le niveau décisionnel ne leur appartiendra pas, sauf pour des équipements de protection et des choses comme cela, à l'égard desquels il y aura un arbitrage obligatoire.

Alors, les doutes que vous exprimez à l'égard des résultats qu'on peut escompter avec l'opération des comités paritaires, jusque dans une certaine mesure, nous sommes d'accord là-dessus et nous croyons que c'est ce qui explique que, quant à nous, on ait favorisé une approche de libre négociation des parties sur des sujets comme ceux-là, que cela fasse l'objet de la négociation des conventions collectives et que ce soient les organismes, les syndiqués eux-mêmes qui à la suite de négociations avec leur employeur revendiquent ce qu'ils veulent voir adapté à leurs problèmes, à leurs préoccupations et à leurs besoins.

Quant à moi, je vous remercie de votre mémoire. On en a pris connaissance. On aura certainement l'occasion d'y référer lors de l'étude en deuxième lecture et lors de l'étude du projet de loi article par article. Merci messieurs.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres intervenants. Je remercie au nom de la commission... je m'excuse, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question à poser. Peut-être que je pourrais avoir l'information de la Commission des accidents du travail, mais peut-être qu'également, vous aussi, vous tenez des dossiers là-dessus. Quel est le pourcentage, par exemple, des accidents du travail dans votre syndicat, comparativement à l'ensemble des accidents du travail? Est-ce que c'est moindre? Vous devez certainement tenir des dossiers là-dessus.

M. Dugas: On a essayé d'obtenir des informations cette année. Vous savez qu'à la Commission des accidents du travail comme le ministre le faisait remarquer, le gouvernement ne souscrit pas au même titre que les autres employeurs. Donc, il est très difficile d'avoir des statistiques parce que même, souvent, des employeurs dans des ministères ne rapportent pas des problèmes ou des cas à la Commission des accidents du travail. À cet effet, nous avons peu d'information et à la Commission des accidents du travail, le gouvernement a un régime à part. On fait partie d'une catégorie à part. M. le ministre pourra confirmer ou infirmer...

M. Marois: Non seulement il ne souscrit pas. Il tombe sur l'essentiel sous la coupe du régime, en ce sens qu'il doit compenser sur les mêmes bases. Mais le gouvernement est un de ces employeurs qui bénéficiaient de cette espèce de privilège de ne pas cotiser, comme tel, à la CAT, qui est un des éléments de changement qui est introduit par la loi, ce qui fait que le résultat net, quant à la compilation des statistiques, devient extrêmement difficile, ce qui fait aussi, mais ce qui confirme les

exemples qui ont été évoqués, que dans le livre blanc, parmi les secteurs prioritaires — si ma mémoire est bonne, c'est à la page 271 — vous pourrez relever à nouveau qu'on mentionnait dans le livre blanc, que le secteur de l'administration publique — mais là, au sens large; cela incluait le gouvernement et ses prolongements parapublics et les municipalités — était parmi les secteurs prioritaires, c'est-à-dire où il y avait des taux anormalement élevés d'accidents. Mais je n'ai pas vu plus que personne d'autre, des détails concernant, en particulier, le groupe professionnel, par exemple, de la fonction publique.

M. Dugas: En réponse, Mme Lavoie-Roux, je vous invite à vous référer à la page 2 où une enquête du Centre hospitalier Saint-Sacrement nous fait part que dans onze ministères, on y identifie quelque 1000 employés gouvernementaux qui sont quoditiennement exposés au bruit, aux toxiques, aux poussières, aux radiations, aux agents biologiques de toutes sortes et qui représentent 5,4% de l'ensemble des effectifs de la fonction publique pour la seule région de Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

M. Pagé: J'aurais une très brève question avant que vous nous quittiez. Est-ce que votre syndicat ou encore, à votre connaissance, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux a fait des études sur les problèmes? On sait, qu'entre autres, les employés de bureau, notamment, par la définition des tâches, ce sont des employés qui ne sont peut-être pas aussi susceptibles d'être victimes d'accidents que cela peut être le cas en industrie ou en usine, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas de problèmes. Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites par votre syndicat, notamment, et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux sur l'état de santé des fonctionnaires. Je réfère, entre autres, à une étude qui avait été faite par le Syndicat des agents de la paix sur le problème du stress des agents de sécurité, et ce que cela pouvait impliquer. S'il y a eu des études de faites, quelle a été la collaboration et quel est le support que vous avez pu recevoir du gouvernement là-dessus, parce qu'il m'apparaît que les agents agresseurs ne sont peut-être pas les mêmes, mais il y en a quand même? (11 h 30)

M. Dugas: Comme telle, je dois vous informer que l'étude à laquelle on fait référence ici, c'est le CLSC centre-ville, Montréal. Le CLSC s'est adressé au ministère du Revenu pour avoir sa collaboration pleine et entière pour la cueillette d'informations. Il a reçu une fin de non-recevoir, et c'est par l'entremise des syndicats — professionnels et fonctionnaires — que l'enquête a eu lieu sur les lieux de travail. C'est par l'entremise de nos délégués que nous avons pu faire circuler les questionnaires et on a contribué en invitant nos gens à participer à cette étude, à cette enquête, et ce sont les résultats dont on faisait mention tout à l'heure, que le gouvernement a même refusé de libérer, à nos frais, des gens pour assister à la publication des résultats. Actuellement, je précise que pour la même étude, un programme de santé communautaire pour les employés de la région de Québec par le département de santé du Centre hospitalier Saint-Sacrement, on avait une rencontre de fixée en mai dernier...

M. Pagé: Le 22 mai...

M. Dugas: ... je pense que vous êtes au courant...

M. Pagé: Oui.

M. Dugas: Le gouvernement a annulé, sans nous donner de raison, une rencontre tripartite regroupant syndicats, les gens du département, ainsi que les gens du ministère des Affaires sociales, prétextant que ce n'était pas aux Affaires sociales, ni au département, mais que c'était au ministère de la Fonction publique d'engager des négociations avec les syndicats. Alors...

Mme Lavoie-Roux: Avez-vous été rappelés depuis ce temps-là?

M. Dugas: On n'a eu aucune autre convocation. C'est demeuré lettre morte depuis le télégramme du 22 mai annulant, sans raison, la rencontre qui devait avoir lieu.

M. Pagé: Le gouvernement vient confirmer le vieux principe: faites ce qu'on dit, ne faites pas ce qu'on fait. Merci, messieurs, de votre témoignage.

Le Président (M. Dussault): Je remercie le Comité d'hygiène et de sécurité du syndicat des professionnels et le syndicat lui-même pour sa participation aux travaux de cette commission.

J'invite le groupe suivant à se présenter devant la commission. Il s'agit du Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est. Pendant que ce changement se fera, je voudrais dire à la Commission que pendant l'audition du premier mémoire, le parti ministériel m'a fait part de changements à la liste des participants. Je m'excuse... Je n'ai pas voulu couper les travaux d'aucune façon. Il s'agissait de... Je m'excuse. Il s'agissait de M. le député Paquette (Rosemont), qui était là au début des travaux, qui remplace M. Chevrette (Joliette-Montcalm) et de M. le député Ouellette (Beauce-Nord), qui remplace M. le député Vaillancourt (Jonquière), qui a été retiré, comme je vous le disais hier, de la liste.

M. Pagé: On les remplacera, M. le Président, quand ils seront ici.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Je trouve qu'il y a un...

Le Président (M. Dussault): J'ai appelé à se présenter devant la commission le Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est. Est-ce que c'est bien le cas? Oui.

M. Pagé: Non...

Le Président (M. Dussault): C'est votre rôle d'exiger... Ce que vous exigez, je ne...

M. Pagé: M. le Président... oui...

Le Président (M. Dussault): ... vois pas de problème.

M. Pagé: D'accord. Parfait! Et valse la marquise, continuons!

Le Président (M. Dussault): Ceci dit, je demande au porte-parole du groupe en présence de s'identifier et de nous présenter ses collègues.

Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est de Montréal

M. Cyr (Jean): Jean Cyr, ex-employé de Fina, accidenté. À ma gauche, M. Ted Bridge, ex-employé de Pétrofina, reconnu maladie professionnelle par la CAT; à ma droite, M. Luc Coulombe, Travailleurs unis du pétrole, Texaco; et M. Claude Paquet, les Métaux Noranda, FTQ, métallos.

Le Président (M. Dussault): M. Cyr, j'ai entre les mains un certain nombre de textes, un texte assez volumineux. Je pense bien que c'est évident qu'il ne sera pas possible de le lire dans les 20 minutes convenues. Je suppose que ce qui fera l'objet de votre présentation, c'est le document qui commence par: M. le Président de cette commission, M. le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires. C'est ça? Je suppose que vous souhaitez que le document original de votre mémoire soit versé au journal des Débats intégralement?

M. Cyr: Le gros document?

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Cyr: Oui. (Voir annexe C)

Le Président (M. Dussault): Alors, ça, c'est...

M. Cyr: Nous avons donné ce matin les six points et un petit exemplaire du document final. C'est seulement ça que...

Le Président (M. Dussault): Alors, vous avez la parole, M. Cyr.

M. Cyr: M. le Président de cette commission, M. le ministre, madame et messieurs les parlementaires. Mon nom est Jean Cyr, président du Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est, santé et sécurité au travail, qui représente quelque 13 000 travailleurs syndiqués et non syndiqués travaillant principalement dans les usines pétrochimiques et de transformation des métaux. C'est à titre de représentant des travailleurs syndiqués et non syndiqués des industries lourdes de l'Est de Montréal qu'il nous apparaît indispensable de venir vous informer de la pertinence de notre expérience et de notre compétence dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Au-delà de l'implication syndicale que nous assumons, c'est au nom du respect de l'intégrité physique et morale et au nom du droit fondamental à la vie qu'avec vigueur nous voulons communiquer aux élus du peuple la détermination à faire inscrire dans une loi des règlements qui puissent changer vraiment les situations que vivent nos membres depuis trop longtemps.

C'est à partir du vécu quotidien de cette situation réelle et concrète que subissent nos confrères du travail et qui les agresse violemment. Ce document complète le mémoire sur la santé et la sécurité des travailleurs que vous avez déjà reçu et qui était sorti avant la parution du livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, et actualise notre mémoire, eu égard au projet de loi no 17.

En décembre dernier, lors d'une rencontre avec M. Pierre Marois, nous avons insisté sur six points fondamentaux: le droit de refus, les comités de santé et sécurité, le choix du médecin, l'inspectorat, les produits toxiques et les normes, et le rôle de la Commission de santé et de sécurité du travail. Depuis ce temps, avec la venue du projet de loi no 17, dont nous avons pris connaissance avec toute l'attention nécessaire, nous avons eu le plaisir de constater que nos six points fondamentaux avaient été inclus dans le projet de loi, mais nous regrettons qu'ils ne correspondent pas suffisamment à nos six points fondamentaux tels qu'exigés dans notre mémoire.

Cependant, nous exigeons de cette commission des précisions et des modifications du projet de loi concernant ces six points fondamentaux, de manière que la loi soit en tous points conforme à ces six exigences des travailleurs desquels nous détenons notre mandant.

Premièrement, le droit de refus pour l'ouvrier ou le syndicat d'arrêter de travailler s'il juge un travail dangereux. Nous abondons dans le sens de l'article 11 du projet de loi qui se lit comme suit: "Un travailleur a le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger." Mais l'article 12 vient affaiblir ce droit en indiquant: "L'exercice du droit visé dans l'article 11 n'est possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées."

Nous n'avons aucun doute que le travailleur québécois peut juger par lui-même, sans que ceci soit indiqué dans une loi. Dans trois autres provinces, ce droit est reconnu aux travailleurs et il y a eu seulement deux cas où il y a eu abus de la loi pendant les cinq dernières années.

Nous exigeons aussi le droit collectif d'arrêter de travailler dans des conditions dangereuses, mais nous sommes prêts à faire des concessions

si à l'article 20 on change les deux premières lignes: "Le travailleur, l'employeur ou son représentant peut requérir l'intervention d'un inspecteur", pour se lire comme suit: "Le travailleur et le représentant de l'association accréditée, l'employeur ou son représentant peuvent requérir l'intervention d'un inspecteur", car la démarche serait ainsi couverte par la protection collective accordée à l'article 66 et ne laisserait pas le travailleur isolé exposé aux imprécisions de l'article 31.

À l'article 28, nous exigeons que le deuxième paragraphe soit enlevé de la loi car nous croyons que l'employeur pourrait abuser de cette clause et ainsi éviter de se conformer à l'idée même du premier paragraphe.

À l'article, 31, nous croyons que le fardeau de la preuve devrait incomber à l'employeur comme dans le livre blanc, page 207, quatrième paragraphe, comme dans le Code du travail, l'article 16, et comme dans la loi 101, l'article 46.

Les comités de santé et de sécurité, les comités syndiqués et non syndiqués. À l'article 61, premier paragraphe, nous ne sommes pas d'accord du tout sur la flexibilité du texte, tel qu'il est écrit. Nous nous posons quelques autres questions. Nous exigeons au contraire que la loi établisse promptement des règlements très clairs sur les réunions au mois et au besoin.

Qu'arrive-t-il si la réunion a lieu le jour et que quatre des cinq représentants des travailleurs travaillent la nuit qui précède la réunion? Et s'ils travaillent en rotation le jour, le soir ou la nuit sont-ils tenus de travailler quand même? A-t-on le pouvoir de convoquer des réunions spéciales dans le cas d'un accident grave, par exemple. Dans le cas des usines pétrochimiques, par exemple, les changements technologiques sont constants. Les travailleurs, isolés les uns des autres, dans les unités de raffinage qui sont distinctes et différentes, comment les représentants des travailleurs pourront-ils être informés des problèmes qui peuvent se présenter?

À l'article 63, au premier paragraphe, nous voudrions ajouter que le comité de santé et sécurité ait le droit de veto pour décider du port d'équipement protecteur et au cas où il y a désaccord, la commission tranche le litige et rend son verdict, car dans bien des cas, le port d'équipement protecteur individuel est inefficace et souvent nuisible à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Le choix du médecin: Le droit de l'ouvrier de choisir son médecin: Nous abondons dans le sens de l'article 88, mais il devrait y avoir une réglementation qu'aucun des médecins pratiquant dans une usine n'ait des intérêts dans celle-ci de façon directe ou indirecte, car une telle situation mettrait fortement en doute, pour nous, son honnêteté.

La commission devra regarder de près aux problèmes car nous ne voulons pas de docteurs aspirines comme avant. La commission devrait donc s'assurer qu'un DSC, pour agréer un médecin, vérifie sa compétence en santé au travail au moyen de programmes d'études et d'examens, de façon que du fait qu'un médecin pratique depuis un certain nombre d'années dans une entreprise donnée, il ne soit pas automatiquement agréé par le DSC, car nous considérons que ce fait n'est absolument pas garant de sa compétence en santé au travail.

Quatrièmement, l'inspectorat: À l'article 149 nous tenons à faire savoir que l'inspecteur, pour être compétent, doit connaître le milieu de travail à fond et être spécialiste dans certains domaines, comme les fonderies, les usines de produits chimiques ou les raffineries de pétrole de façon à bien connaître le milieu dans lequel il aura à intervenir, et nous considérons que le meilleur apprentissage est celui du travail.

En conséquence, nous croyons que pour être justes et efficaces, les inspecteurs devraient provenir du milieu du travail.

Les produits toxiques et les normes: Le principe fondamental que nous retenons, c'est de faire inscrire clairement dans la loi l'obligation d'éliminer les dangers à la source, quels qu'ils soient. À l'article 85, paragraphe 28, on parle d'établir des règlements au sujet des produits toxiques et des normes. Nous voudrions accélérer le processus de réglementation car pour nous c'est une priorité immédiate et nous sommes prêts à collaborer avec le service mandaté par le gouvernement pour établir les risques des produits toxiques connus et les normes qui s'y appliquent.

Il est aussi important d'ajouter que les quarts de travail étant très souvent de douze heures sous le secteur de la pétrochimie, par exemple, et les normes basées sur huit heures d'exposition, il serait bon que les personnes qui appliqueront ces normes s'en souviennent. Des agents agresseurs sous toutes les formes sont présents en très grand nombre et en grande quantité dans nos milieux de travail, et nous trouvons inconcevable que le travailleur québécois s'intoxique cinq à vingt fois plus vite que le travailleur américain ou le travailleur de la Colombie-Britannique, les normes québécoises étant très inférieures aux normes américaines et colombiennes.

Le rôle de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le rôle de la Commission des accidents du travail: Pour ce qui concerne le rôle de la commission et son financement, nous appuyons la position telle qu'énoncée dans le projet de loi, en autant que la représentativité ouvrière de cette commission sera quelque chose de réel et non réduit à un rôle de fantoche.

De façon générale, nous souhaitons retrouver nos six points fondamentaux dans le texte final de la loi et exigeons que cette commission parlementaire fasse tout en son pouvoir pour apporter les modifications que nous exigeons. (11 h 45)

Les travailleurs de l'Est de Montréal espèrent que le gouvernement qu'ils ont élu fera tout pour être le protecteur de ceux qui ne veulent pas risquer leur vie pour l'appât du gain, mais pour l'évolution scientifique et humaine d'un pays.

Le Président (M. Dussault): M. Cyr, je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, j'aimerais remercier très sincèrement l'équipe du Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est. Je voudrais profiter de l'occasion pour dire, parce que j'ai eu l'occasion... parce que vous aviez bien voulu, dans le cadre des travaux que vous avez faits depuis déjà un bon bout de temps... Je tiens à signaler ce travail, je sais dans quelles conditions pas faciles il a été fait. Il implique à la fois des travailleurs syndiqués, des travailleurs qui ne le sont pas. Je pense qu'il s'est fait dans votre coin quelque chose qui est plus que remarquable, encore une fois, dans des conditions que je sais extrêmement difficiles.

J'ai eu l'occasion, dans le cadre des tournées d'information sur le livre blanc, de participer à des rencontres auxquelles vous avez eu l'amabilité de m'inviter. Je vous remercie du témoignage que vous rendez. C'est vrai qu'on a discuté et j'avais bien dit qu'on ne s'amusait pas à consulter et qu'on allait, autant que faire se peut, dans la mesure où les demandes nous semblaient être responsables, étayées sur la réalité, et qu'il était possible de retenir les demandes qui nous étaient formulées sur cette base pour faire en sorte de viser l'objectif ultime, de sorte que les parties et les premiers concernés soient impliqués, c'est-à-dire les hommes et les femmes au travail, leur reconnaissant les droits qui leur reviennent et qu'ils n'ont jamais eus dans bon nombre de cas, que cela puisse se transformer dans la réalité et dans un projet de loi d'abord, pour atteindre l'objectif de viser à éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies, pour une fois, sans s'imaginer qu'on va arriver aux usines vertes ou aux raffineries vertes, demain matin, en sachant très bien que les problèmes que vous soulevez sont plus que réels.

On a eu l'occasion de discuter longuement, vous l'avez illustré d'exemples très concrets à plusieurs reprises. Il y a d'ailleurs des cas de votre coin, je sais que vous y avez travaillé, qui ont été largement étendus et répandus, et Dieu merci, dans les journaux, concernant en particulier une raffinerie. On a eu l'occasion aussi d'en visiter, dans votre coin, dans votre région, on a eu l'occasion aussi de visiter d'autres types d'entreprises, je pense à la Canadian Copper où j'ai pu me rendre. Je sais que vous avez accompagné cette démarche avec beaucoup de bonne foi ferme, formulant des demandes très précises et encore aujourd'hui je retrouve, dans votre témoignage, cette volonté de faire en sorte qu'on bonifie au maximum le projet de loi pour que ce soit vraiment un outil valable qui puisse être utilisé dans la perspective fondamentale que je viens d'évoquer.

Partant de là, sans abuser du temps, M. le Président, je voudrais m'arrêter à quelques points concernant les recommandations qui nous sont formulées. Je crois qu'il y a des recommandations — je vais le dire comme je le pense — qui sont très intéressantes, qui sont formulées. Une en particulier me frappe — je n'aurai pas le temps de les reprendre toutes forcément — par- ce que c'est la première fois qu'un groupe, devant nous, soulève cet aspect. Je pense que vous mettez le doigt sur quelque chose qui a peut-être été oublié par tout le monde et qui est drôlement important. Je vais y revenir en cours de route.

En ce qui concerne le droit de refus, ce que vous évoquez, ce que vous appelez les concessions possibles, quant à la partie dite concession, la suggestion que vous formulez quant à l'article 20 et à l'article 28, que le travailleur ou le représentant de l'association accréditée, l'employeur ou son représentant peuvent requérir l'intervention de l'inspecteur, je pense qu'il faut s'assurer de maintenir un certain équilibre entre les droits et le but de la régionalisation de l'inspection, pour assurer une fois pour toutes une vraie présence permanente en région. C'est justement pour s'assurer qu'il puisse y avoir une intervention réelle et rapide des inspecteurs. Je prends note de vos commentaires de ce côté et soyez sûrs qu'on va regarder cela de très près.

Quant à l'article 31, sans prendre un engagement formel, je peux vous dire que ce que vous proposez, dans la perspective de ce que vous appelez "une concession", mais qui sera peut-être un pas drôlement intéressant, je vous assure que ça m'apparaît intéressant à première vue et que ça mérite d'être regardé de très près comme hypothèse.

Deuxièmement, l'autre point sur lequel je voulais intervenir, c'est l'article 66, ce que vous évoquez quant aux heures, aux problèmes que ça peut poser, etc. On va aussi regarder ça très attentivement.

Il y a une chose qui me frappe beaucoup dans ce que vous dites ce matin et je serais presque porté à — comme on dit dans le jargon — rendre un jugement sur le banc; je vais me retenir, pour être sûr qu'on vérifie ça comme il faut, mais vous suggérez une disposition pour vous assurer que le médecin n'a aucun intérêt financier dans l'entreprise. Je pense que c'est plus qu'intéressant et, dans ce sens, je serais presque porté à dire: Je rends un jugement sur le banc. À toutes fins utiles, je pense que vous avez raison; je pense que c'est une proposition plus qu'intéressante et, au fond, il faudrait peut-être penser à une disposition analogue ou du genre de celle qui apparaît à l'article 115; en tout cas, je donne ça sous réserve, ça n'a pas d'importance, c'est le fond qui est important. Je pense que vous mettez le doigt sur quelque chose qui est réel et qu'il est peut-être bien important de le régler dans la loi.

Quant aux normes, — vous l'évoquez à quelques reprises — elles doivent être revues, vous avez raison. Là, il y a deux possibilités; vous savez que, — sur la base des demandes qui avaient été faites, à partir, entre autres, des discussions au premier sommet économique de La Malbaie — les groupes patronaux-syndicaux nous disaient: On voudrait être associé à l'élaboration même des nouvelles normes, des nouveaux règlements ou des ajustements des normes et des règlements; ce qui est l'approche qu'on a retenue. En d'autres termes, c'est par le biais, à la fois de la commis-

sion où il y aura des représentants des travailleurs — je pense que tout le monde a pris bonne note de vos commentaires, je pense que votre expression était "pas fantoches, pas n'importe quoi, des vrais représentants des travailleurs" — et des représentants des employeurs qu'émanerait l'élaboration des nouvelles normes et des nouveaux règlements, ceux qui sont là étant maintenus et devant être respectés ça va être la première "job", pour fins de recommandations au gouvernement. En plus de ça, émanant aussi des associations sectorielles où siégeront aussi les représentants des travailleurs et des employeurs.

L'autre approche possible étant la bonne vieille approche classique, que le gouvernement prépare des projets, les prépublie seul; il y a en plus la prépublication prévue, etc. Mais ce qu'on veut essayer de retenir, c'est l'hypothèse qui avait été formulée à savoir comment il y avait moyen de l'articuler, par une proposition, dans le projet de loi. De toute façon, sur le fond, je crois que vous avez raison, vous citez des cas.

Quant à l'inspectorat, vous évoquez deux choses en particulier: la nécessité que ce soit des gens équipés, spécialisés d'une part, donc qui aient la compétence et les qualifications requises et vous évoquez aussi l'idée, venant du milieu de travail. Peut-être y a-t-il moyen de conjuguer les deux. Je ne sais pas si ce n'est pas dans le cas de la protection de la faune — je donne ça sous réserve — où il y a eu une expérience de menée où un certain nombre — je ne sais pas si c'est le hasard, si c'était conscient, si c'était voulu, mais enfin, me semble-t-il... je donne l'exemple, sous réserve, d'anciens braconniers qui ont été engagés comme inspecteurs. Dans quelques cas où cela s'est produit, c'est incroyable la façon dont ils ont "performé"... Ah oui! En d'autres termes, l'idée d'être collés à la réalité du vécu, je suis loin de rejeter votre approche de ce côté-là. Il y a peut-être moyen de conjuguer les deux.

Il est sûr qu'on a aussi besoin de l'expertise que ce soit de techniciens, d'ingénieurs hautement spécialisés, etc. Les produits utilisés, les procédés de fabrication deviennent sophistiqués. Je pense que c'est nécessaire de les avoir et de les mettre à contribution, mais je n'oublierai jamais une tournée faite sur la Côte-Nord, en particulier en visitant des mines en compagnie des porte-parole patronaux, des porte-parole syndicaux, le gars qui nous mettait le doigt sur les fissures — on parlait de l'idée; entre autres, ce n'est pas uniquement de là, mais notamment c'est de ces rencontres-là qu'est venue l'idée de reconnaître que les travailleurs aussi ont droit à du temps humain de libération, l'idée d'un représentant à la prévention choisi par les travailleurs ou par leur syndicat s'il y a un syndicat — qui me faisait remarquer que le problème dans la mine n'était pas uniquement dans le trou en bas, parce que la fissure peut se produire en haut. C'est lui qui nous faisait remarquer les fissures qui se produisaient. Pourquoi? Parce qu'il était du métier, qu'il connaissait le coin, qu'il connaissait le fonctionnement, etc. C'est la partie qui est accrochée à la réalité. En tout cas, je suis loin de rejeter cette approche-là. Il s'agit de voir comment il y a moyen de la conjuguer.

Sur les produits toxiques et les normes, je suis intervenu tantôt. Voilà, M. le Président — j'espère que je n'ai pas trop abusé du temps — les quelques commentaires que je voulais faire. Je veux vous dire en terminant: Soyez assurés qu'on va regarder à la loupe très attentivement les recommandations que vous formulez. J'ai déjà presque rendu un jugement sur le banc, sur un point. On va regarder les autres aussi de très près. Merci.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Très brièvement, moi aussi, je vais suivre l'exemple du ministre, ce matin. Je dois dire au ministre, avant de questionner nos intervenants, qu'heureusement qu'il n'est pas allé plus loin sur le ministère du Tourisme, les braconniers et les garde-chasse et tout ça, parce qu'on aurait pu en parler depuis longtemps.

M. Marois: Je ne sais pas si c'est fondé le mémoire...

M. Pagé: C'est le cas. Ce n'était peut-être pas évidemment dans la Loi sur la conservation de la faune, mais il y a eu une incitation dans le sens d'embaucher des gens qui avaient de l'expérience particulièrement pour faire la police, lorsque la loi a été adoptée, il y a de cela 16 ou 17 ans, mais peut-être que si le ministre du Tourisme était ici ce matin, on pourrait lui poser des questions sur la purge de la semaine dernière au niveau de ces services-là, mais c'est une autre affaire.

M. Marois: Ah oui, ce serait autre chose.

M. Pagé: Oui. Messieurs, merci de votre mémoire. J'y ai noté des éléments qui sont très intéressants. Vous formulez, entre autres, des propositions spécifiques qui sont un peu de faits nouveaux tout au moins, parce que c'est la première fois à certains égards que des recommandations comme celles que vous formulez nous sont présentées. Il y a entre autres celle relative aux conflits d'intérêts qui pourraient exister chez un médecin qui serait actionnaire ou qui détiendrait un bloc d'actions d'une compagnie chez qui il va travailler. Je dis que les gouvernements, le gouvernement, le gouvernement qui l'a précédé et les gouvernements antérieurs, depuis plusieurs années, dans ces lois prennent le plus de précautions possible pour éviter que des situations comme celles-là puissent subsister ou exister. Tant qu'il y aura des humains, il y aura des "humaineries". Votre proposition spécifique a un certain attrait pour les membres de la commission, pour nous de l'Opposition officielle aussi. Je suis convaincu que cela saura se traduire par une "textualisation" plus précise et plus exacte dans le projet de loi qui sera modifié parce qu'on peut

présumer qu'il y aura des modifications, qu'il y aura plusieurs articles qui seront réécrits suite aux représentations sages et justifiées qu'on a formulées et aux représentations nombreuses et aussi justifiées que nous ont formulées nos intervenants. (12 heures)

M. Marois: Si le député de Portneuf me permet juste une petite parenthèse, si je comprends bien, sur l'espèce de commencement de jugement que j'allais rendre, il n'y aurait pas de dissidence du banc.

M. Pagé: Non, jusqu'à maintenant, du banc. Je pense qu'on a pas mal les mêmes vues là-dessus, le ministre et moi.

Il y a un endroit, cependant, où je trouve curieuse la recommandation que vous formulez, celle d'obliger les médecins qui seront choisis par le comité paritaire ou encore par l'arbitrage obligatoire en cas de division au comité paritaire, vous voulez que soit introduite une notion pouvant obliger le médecin à subir un examen. Je vais vous dire que cela me surprend. Un médecin, vous savez, peu importe les reproches fondés ou non que des travailleurs auront à l'endroit des médecins, ces gens ont quand même fait un cours, ont quand même étudié pendant pas mal d'années, ont travaillé dans les hôpitaux, en internat, en externat, etc. Plusieurs d'entre eux se sont spécialisés dans la santé au travail. Ces gens ont un serment d'office à partir d'une profession qui est garante de leurs actes aux yeux de la société. Je ne vois pas en quoi ce serait justifié d'obliger ces gens à passer un examen parce que quelqu'un à quelque part a décidé que toi, mon blond, tu passes un examen.

Je me dis que ce serait tout aussi injustifié d'obliger une telle pratique que ce serait injustifié qu'un employeur demande dans une convention collective que son mécanicien, après cinq ans, c'est bien de valeur: Tu passes un examen et si cela ne fait pas, mon vieux, tu es congédié. Je ne vois pas sur quoi on peut s'appuyer pour arriver à cela, d'autant plus que le département de santé communautaire... on peut présumer que ça ce ne se fera pas au pifomètre, le choix du médecin. On peut présumer qu'il faudra un minimum d'expérience, de connaissances dans la santé au travail pour être attitré au sein d'une entreprise. Il y a d'ailleurs des recours qui sont prévus. Alors, je me permets bien ouvertement de vous dire que, sur ce point spécifique, je ne suis pas d'accord avec vous.

Vous avez formulé des recommandations sur le droit de refus, des réserves, etc. Vous représentez plusieurs milliers de travailleurs. Entre autres, je dois, à votre crédit, vous dire que votre association a beaucoup de crédibilité. On me dit que vous faites un travail qui se veut concluant, positif et constructif. J'aimerais que vous nous entreteniez sur l'expérience que vous avez connue avec le droit de refus. Les raffineries, par exemple, c'est un secteur qui n'est pas facile et qui est dangereux. Est-ce qu'à votre connaissance, ce droit de refus a été exercé? C'est un droit qui est quand même fondamental. C'est un droit qui est naturel. Est-ce que cela a été exercé? Comment a-t-il été exercé? Quelles ont été les réactions jusqu'à maintenant et tout cela?

M. Cyr: Je vais vous répondre pour le droit de refus. C'est une bonne question, parce qu'on a eu un cas, justement, quand le projet de loi no 17 n'était pas encore sorti et nous l'avons fait appliquer dans notre territoire, aux Produits Noranda Métaux. Il y avait un type qui travaillait sur une machine à "compound" et, pendant que la roue tournait, le "compound" lui, revolait. Il respirait cela et cela tombait dans l'estomac. Alors, le syndicat m'a téléphoné au bureau pour me dire que le type en question refusait de faire le travail. Il a dit: Qu'est-ce qu'on va faire dans ce cas? Bien, j'ai dit: C'est un refus de travailler, parce que c'est un danger à la source, on l'arrête immédiatement. Nous l'avons arrêté selon les normes de la prévention de maladie. On a dit: On va vous faire voir un médecin immédiatement. Il a été arrêté quinze jours et la compagnie lui a payé les quinze jours, sans aucune difficulté, parce qu'on l'a arrêté selon les normes de la prévention de maladie, parce que d'habitude, ce "compound" tombe dans les sinus, à la gorge, mais pour lui, c'était à l'estomac. C'est pour cela que je me suis entretenu avec le médecin du CLSC, le Dr Huguette Demers, qui est une grande spécialiste en médecine du travail. Elle a signé un papier d'arrêt de travail ayant trait à la prévention de la maladie avec un rapport d'accident de travail, et la compagnie Noranda lui a payé ses journées perdues.

Nous avons de très bonnes expériences das le territoire que nous représentons, la pétrochimie, les fonderies, etc. Le projet de loi no 17, pour nous, on l'a appliqué avant qu'il soit adopté et ça marche très bien.

M. Pagé: Ce que vous témoignez ce matin, vous nous dites: Le droit naturel, le droit fondamental pour un travailleur d'arrêter ou de cesser de travailler lorsque le travail peut impliquer un danger à son intégrité physique, vous nous dites: Cela s'est appliqué et ça s'est réglé au premier niveau. Cela s'est appliqué avec maturité des deux côtés. C'était prévu dans les conventions collectives?

M. Cyr: Non.

M. Pagé: Dans ce cas-là?

M. Cyr: Non.

M. Pagé: Même sans être prévu dans les conventions collectives...

M. Cyr: II peut...

M. Pagé: ... cela s'est fait et ça s'est réglé au premier niveau, c'est-à-dire entre l'employeur et l'employé immédiatement.

M. Cyr: II peut vous répondre, parce qu'il travaille là actuellement.

M. Marois: Est-ce que vous vous souvenez à peu près à quelle période, vers quelle date, juste un ordre de grandeur? En 1978? En 1979?

M. Paquet (Claude): En 1978, exactement. Ce n'était pas dans notre convention collective.

M. Marois: Après l'été?

M. Paquet (Claude): Quand on a vu ce cas, on l'a inséré à notre nouvelle convention collective. Là, on n'a jamais eu de problème par la suite avec ça.

M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Dussault): Merci, messieurs.

M. Cyr: Sur l'autre point, le médecin, M. Coulombe va vous répondre.

M. Pagé: Oui, d'accord.

M. Coulombe (Luc): En tout cas, pour revenir à la première question, juste un petit mot, vous avez demandé des exemples. Des exemples, on en a en multitude et on peut vous en donner, si vous en voulez. Le meilleur exemple, je pense que le ministre d'État au développement des Affaires sociales pourrait bien vous répondre, parce qu'il a été touché par ça, à Fina Marketing, où les gens travaillaient et étaient intoxiqués. Ils ont essayé d'exercer le droit de refus. Il n'y avait pas de convention collective qui protégeait ce droit de refus. Sans l'intervention du ministre, je pense que ce ne serait arrivé nulle part parce qu'il n'y avait pas de loi qui protégeait à ce niveau. C'est pour ça que le regroupement des ministères, au niveau de l'inspection, c'est bien important.

Pour répondre à votre deuxième question... Je ne me suis pas présenté. Mon nom c'est Luc Coulombe. Je suis président central du Comité de santé et de sécurité pour les Travailleurs unis du pétrole dans l'Est de Montréal.

À l'article 88, nous parlons de l'honnêteté — vous êtes d'accord sur ce point — et là, vous dites: Passez un examen. On ne revient pas en arrière, si on est ici aujourd'hui — on est bien fier de ça, on remercie la commission — c'est parce qu'il y avait réellement des problèmes qui étaient fondamentaux, dont les six apportés devant la commission, et un des graves problèmes — M. Marois l'a mentionné tout à l'heure — c'est le droit de gérance. Le droit de gérance s'est effectué d'une façon peut-être un peu trop forte, un peu trop poussée à certains niveaux, parce que ça n'a pas fonctionné et c'est pour ça qu'on est aujourd'hui ici, en commission parlementaire, pour un projet de loi sur la santé et la sécurité. Les patrons n'ont pas pris leurs responsabilités et, aujourd'hui, les travailleurs sont ici pour exiger des choses dont on a été frustrés.

Si on revient au médecin — je m'éloigne un peu — présentement, on a beaucoup de médecins dans plusieurs usines — je ne dirai pas toutes les usines, mais dans quelques usines — où c'étaient beaucoup plus des médecins à aspirines. T'avais un mal de dos, on te donnait des aspirines. T'avais mal aux poumons, on te donnait des aspirines, simplement parce qu'ils subissaient des pressions. Je ne doute pas de la compétence des médecins, mais ils subissaient des pressions. Ils avaient possiblement des intérêts, on ne le sait pas. Je ne veux pas attaquer le Collège des médecins là-dessus, pas du tout. Qu'est-ce qu'on se demande? Dans le projet de loi, on parle de médecins agréés. Pour nous, qu'est-ce que c'est, un médecin agréé? Est-ce un médecin qui a suivi trois cours du soir et se dit, du jour au lendemain: Moi, je suis un médecin qui a une compétence en médecine du travail, en prévention aussi? Ce n'est pas ça, pour nous. On veut aller plus loin que ça.

M. Pagé: Si vous me permettez, vous dites: On est ici parce qu'il y a des problèmes. Nous aussi, on est ici parce qu'il y a des problèmes, et je pense qu'il n'y a personne autour de cette table qui n'a pas convenu que, non seulement le législateur, tous les partis politiques, le gouvernement et même les intervenants avaient l'obligation de s'asseoir autour d'une table et de tenter de trouver une façon pour qu'à l'intérieur d'un texte de loi on ait des avenues et des éléments de solution. Je pense qu'il n'y a personne au Québec qui conteste ça. Il reste maintenant à déterminer les approches. Vous nous suggériez des propositions ce matin. On a eu l'occasion d'échanger. C'est positif.

Je vous ai posé une question et j'ai fait un commentaire sur le médecin comme tel. Ce que vous mettez en relief, c'est le manque de confiance à l'égard du médecin d'entreprise; on en a discuté à plusieurs reprises depuis le début. De par le projet de loi, le médecin sera choisi par le comité de santé et de sécurité, le comité paritaire, et en cas de désaccord, il sera choisi à un autre niveau et ce ne sera plus l'entreprise qui va le choisir.

Au-delà de tout cela — et c'est là que j'ai exprimé non seulement ma surprise, mais mon désaccord — vous demandez en plus que des examens obligatoires aient lieu pour tous les médecins. Je me dis que le département de santé communautaire qui aura à intervenir dans ce choix sera en mesure et aura à établir des normes et des critères — et là le ministre pourra me corriger — d'acceptation de tel médecin par rapport à tel autre, compte tenu de la compétence, de l'expérience et des connaissances de ce médecin. Plutôt que d'arriver à couper les têtes pour égaliser les chapeaux, je préfère qu'on ajuste les chapeaux sur les têtes. Là où il faudra intervenir et là où il faudra se poser des questions, dans les cas où quelqu'un se poserait des questions sur la compétence d'un médecin, à ce moment-là, un mécanisme sera prévu, mais qu'on ne fasse pas

passer tout le monde à l'abattoir pour autant. C'était cela, mon commentaire. Merci, messieurs.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: La question que je voulais soulever, c'est relativement aux paroles qu'a prononcées le ministre quant au conflit d'intérêts dont pourraient être tenus responsables les médecins. Jusqu'à maintenant, forcément, les médecins étaient nommés par les compagnies. J'avais compris, de la suggestion qui était faite, que ça ne couvrait pas simplement les questions d'actions détenues dans une compagnie, parce que c'est assez facile à coucher dans un texte législatif, mais par contre, l'intérêt d'un médecin dans une entreprise donnée. Cela va beaucoup plus loin que les actions. Cela peut être l'appartenance à la compagnie par le biais des cadres ou autrement.

Dans le projet de loi, forcément, le médecin ne sera pas nommé plus par la compagnie que par le syndicat, il sera nommé par le département de santé communautaire, par le comité paritaire. Comment va-t-on coucher dans un texte législatif le fait qu'un tel médecin n'ait aucun intérêt, à moins que les deux parties au comité paritaire soient absolument égales? À ce moment-là, si elles sont égales, on a une chance que le médecin soit complètement neutre entre le syndicat et le patron. S'il est recommandé par la partie du comité paritaire qui est majoritaire, du côté syndicaliste ou du côté patronal, il aura également des tendances à favoriser un groupe ou l'autre. Cela va être dur à coucher dans un texte législatif.

M. Marois: C'est pour cela que je pense que la proposition qui nous a été formulée est intéressante dans la mesure où elle cerne, entre autres, la question de l'intérêt — au sens de l'intérêt pécuniaire, financier, sous forme d'actions ou autrement — ce qu'a évoqué le député de Portneuf d'une part. Cela n'apparaît pas dans le projet de loi et je pense qu'il serait intéressant d'introduire une mesure comme celle-là dans le projet de loi. Deuxièmement, comme le comité paritaire n'a pas de poids prépondérant, c'est-à-dire qu'il peut y avoir pour le comité paritaire un plus grand nombre de représentants de travailleurs, le projet dit — je ne me souviens plus du texte, mais de mémoire — qu'il doit y avoir, au minimum, un nombre de représentants des travailleurs équivalant au nombre de représentants des employeurs. Donc, il peut y en avoir plus, mais l'ensemble de chacun des groupes a un vote, un vote.

Sur le choix du médecin, si les parties s'entendent, il y a une crédibilité de base, en partant, ce qui n'exclut pas qu'en cours de route, l'une ou l'autre des parties découvrant qu'il peut y avoir des failles de compétence et le reste, il y a des mécanismes qui sont prévus pour faire en sorte de remettre en question le médecin qui est là. Dans le cas où les parties ne s'entendent pas, c'est la commission qui va trancher, elle va trancher en consultation avec le département de santé communautaire. Il est bien certain que si les parties ne se sont pas entendues, comme, de toute façon, les parties ont des porte-parole au niveau de la commission, elles vont certainement surveiller de très près qui sera choisi, par ailleurs. Donc, la situation est bien différente de celle qu'on connaît présentement.

Si je comprends bien, ce dont veulent s'assurer aussi les porte-parole de l'association, faisant référence à des expériences vécues, ils mettaient aussi à témoin, dans le cas d'une entreprise; il y en a une, je pourrais en citer d'autres que j'ai vues, aussi, et dans la même région — pour ne pas nommer d'autres entreprises, pour l'instant — on a vu des choses qui n'étaient pas acceptables, ou, en tout cas, qui minaient fondamentalement la crédibilité du médecin et comme ils le disent eux-mêmes, ce qui ne signifie pas qu'il y ait une équation automatique avec une incompétence, sauf que ce qu'ils nous disent, c'est qu'on voudrait être assuré de ne pas retrouver un médecin à aspirines — pour reprendre votre expression — c'est-à-dire qu'essentiellement on veut être assuré que les gens sont qualifiés et ce qu'ils nous disent c'est que le fait qu'un médecin ait été déjà en entreprise présentement, ça ne le disqualifie pas pour autant, mais ça ne le qualifie pas nécessairement pour autant. On veut s'assurer que les mécanismes de contrôle, d'agrément ou d'agrégation, de reconnaissance des médecins par le Conseil des médecins et dentistes, que c'est vraiment comme on dit en bon français "full proof" sur la compétence et la qualification des médecins. Et ils nous font une suggestion qui va plus loin dans ce sens-là et c'est ça qu'il faudrait regarder. (12 h 15)

Le Président (M. Dussault): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais d'abord une question à nos invités et ensuite au ministre. Actuellement, touchant les toxiques dans les raffineries, des normes existent. Ces normes-là dans les raffineries sont-elles respectées?

M. Coulombe: Je vous remercie de m'avoir posé cette question-là, je voulais y répondre. L'article 185, paragraphe 28, ce n'est pas clair pour nous. C'est pour ça qu'on est venu ici aujourd'hui et on insiste fort sur ça. Il y a des problèmes qui existent présentement. Quand on parle de cinq à 20 fois, ce sont les taux qui existent présentement au Québec. Cinq à 20 fois les taux d'exposition.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais excusez-moi si je vous interromps, parce qu'il faut quand même... Ce que je veux savoir, c'est qu'il y a des normes prescrites à Québec. Je sais qu'elles peuvent être améliorées, mais celles qui sont prescrites ou qui sont établies, est-ce qu'elles sont respectées?

M. Coulombe: Non.

Mme Lavoie-Roux: Elles ne sont pas respectées.

M. Coulombe: Dans bien des cas.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord. M. le ministre, je me réfère justement à la dernière page — je pense qu'elle n'était pas la dernière, elle avait été mêlée — au paragraphe intitulé dans votre résumé "les produits toxiques et les normes". Vous dites: "Nous voudrions accélérer le processus de réglementation". Ma question au ministre est la suivante: Est-ce que ces normes-là peuvent être révisées avant que toute la structure de la commission soit mise en place? Je vais vous donner un exemple...

M. Marois: Je vais vous répondre très rapidement. Dans l'état actuel de la législation, la réponse est oui.

Mme Lavoie-Roux: Non...

M. Marois: Oui... Vous avez présentement, et je pense que les gens qui scrutent un peu... je comprends que c'est volumineux et complexe, l'évolution des dossiers présentement, il y a tout le projet de réglementation qui a été largement et longuement discuté entre des porte-parole syndicaux, patronaux émanant du ministère de l'Environnement et qui introduit des normes beaucoup plus sévères que par le passé. Il y a aussi ce que j'ai vérifié, vous n'en avez pas fait état dans le document de ce matin, mais ça ressortait de votre premier document qui, lui, était inclus au livre blanc, c'est la question — parce que ça aussi c'est accroché aux normes — concernant le transport des produits pétroliers, où il faut vérifier la réglementation et les pouvoirs en vertu de la loi sur le commerce des produits pétroliers qui relève du ministre délégué à l'énergie, pour voir d'abord si la norme est respectée et appliquée et, deuxièmement, le cas échéant, si la norme répond réellement au besoin actuel ou pas, et si elle n'est pas suffisante, de quelle façon il faut la réviser, la corriger, la revoir. Je pense qu'ils ont raison de mentionner le fait que, en terminant, bon nombre des normes actuelles en vigueur au Québec sont inférieures à celles qui existent dans d'autres provinces et aux États Unis. Ils ont mis le doigt sur des choses très spécifiques qu'ils mentionnaient tantôt.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, si vous me dites: Le processus continu d'amélioration des normes, indépendamment de la structure...

M. Marois: Dans le cas de l'environnement c'est le cas, par exemple...

Mme Lavoie-Roux: ... de l'adoption de ce projet de loi et de la mise en place de tous les mécanismes qui y sont prévus... Quand je lis en page 8 de votre mémoire principal — évidemment, c'est parce qu'on le voit écrit blanc sur noir — endommager les chromosomes, avoir des incidences sur les enfants à naître, etc.; je pense qu'il y a des choses là, si elles sont prouvées, il doit y avoir des spécialistes qui peuvent indiquer que c'est exact ou que ça ne l'est pas, je me dis qu'on ne peut pas attendre six mois, un an ou un an et demi. Vous savez, s'il y a un barreau du balcon chez vous qui est brisé, si vous avez un enfant de deux ans et demi qui se tient là à la journée, vous procédez et vous le réparez. Si les faits qu'on nous donne au plan scientifique sont absolument prouvés, c'est l'état des connaissances à l'heure actuelle, je pense qu'on ne peut pas se permettre d'attendre. C'est immédiatement qu'il faut qu'il y ait une attention accordée à cette révision des normes et à sa mise en application.

Je trouve cela assez, je ne sais pas quel terme utiliser, effarant, de voir des choses comme ça. Est-ce que je me trompe en disant que votre voisin de gauche... je regarde l'âge de ce jeune homme et ça ne demande pas beaucoup d'autres explications. J'insisterais auprès du ministre et auprès du gouvernement — ce n'est pas un blâme nécessairement pour ce gouvernement-ci, ça pourrait être un autre qui serait en place — ce sont des choses qui ne peuvent pas attendre et qu'il faut procéder le plus rapidement possible, s'assurer que les choses sont faites.

M. Bridge (Ted): Je crois que vous avez raison, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. L'information qu'on a utilisée pour ce mémoire était disponible pour tout le monde, on n'est pas des scientistes, des médecins, mais on a pu trouver des articles, des livres sur les produits toxiques et on a décrit dans un mémoire tous les problèmes que cela peut causer. C'est pour ça qu'on exige, à propos des normes, des standards stricts, que s'il y a de l'information qui sort des États-Unis, comme à propos de la benzyne, que c'est depuis 1977 qu'il y a un standard de une partie par million, et au Québec à ce moment-là, c'était 25 p.p.m., maintenant, c'est baissé à 10 p.p.m., mais quand même, ça prend deux ou trois ans après que les nouveaux standards sont appliqués aux États-Unis, que ça change.

On vit dans les mêmes conditions, on est exposé aux mêmes produits, on est intoxiqué, tout le "kit", mais l'affaire, c'est qu'on n'est pas couvert par des lois, même à propos de la compensation. Ça veut dire que toutes les maladies industrielles ne sont pas reconnues, comme on le décrit dans les mémoires. C'est une autre affaire, on n'a pas eu le temps de le mentionner dans le mémoire qu'on vous a donné aujourd'hui. Ce n'est pas un cadeau de travailler dans ces conditions et de voir les problèmes qu'on a avec la Commission des accidents du travail.

Premièrement, avec la compagnie, pour que ce soit reconnu, que tu sois transféré de poste avec perte de salaire, qu'ils vous disent que c'est votre problème et que tu sois congédié parce que tu ne peux pas travailler dans le milieu. Dans mon cas, j'étais jeune, j'étais peut-être plus chanceux qu'un autre, mais à 45 ans, sans aucune instruc-

tion, tu as travaillé dans un milieu pendant vingt ans, tu te retrouves dans la rue, tu as une famille, qu'est-ce qui va arriver? Même à propos de la compensation, cela prend des fois un an ou un an et demi avant de l'avoir, j'ai été compensé pendant un an par la CAT pour une incapacité totale temporaire.

Alors, il n'y avait que deux fois en un an où j'ai reçu le chèque deux semaines en ligne, sans les achaler. Il fallait téléphoner tout le temps, il n'y avait pas de dossier médical, tout était rentré, j'ai même envoyé ça par courrier recommandé pour être sûr qu'ils le recevaient et ils disaient quand même qu'ils ne le recevaient pas. Cela prenait six à huit semaines pour avoir les chèques. Je connais mes droits, j'ai été actif dans le syndicat où je travaillais et c'est pour ça que même les délais étaient aussi courts que six à huit semaines. Mais pour les gens qui ne connaissent pas leurs droits, qui ne sont pas syndiqués, qui sont honnêtes comme tout le monde, qui ont de la bonne volonté ou qui sont de bonne foi, qu'est-ce qui leur arrive? Les lois ne prévoient pas tous les cas?

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

M. Pagé: Si vous me permettez un dernier commentaire, monsieur, l'aspect de l'extension des maladies industrielles, on n'a peut-être pas eu l'occasion d'en discuter ce matin, soit du côté ministériel ou du côté de l'Opposition, mais cela a été l'objet d'une discussion et on le note dans votre mémoire tel que déposé, cela a été l'objet de discussions assez longues, je pense que tout le monde peut en convenir, avec les représentants syndicaux, avec les représentants de certaines associations. Soyez certain que la commission prend bonne note de cet aspect du dossier.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: II m'a fait plaisir, messieurs, de prendre connaissance de votre mémoire. Par là, on voit bien clairement que vous avez été des gens du milieu et que vous êtes encore des gens du milieu, c'est bien évident. Je ne pense pas que votre mémoire ait été pondu d'un dixième ou d'un quinzième étage d'un gros édifice, sans avoir été dans le milieu.

Quand vous indiquez, dans votre mémoire, que le comité d'inspecteurs devrait être formé de travailleurs de l'usine, je pense que vous avez raison. Il n'y a rien comme le travailleur de l'usine pour savoir ce qui se passe dans l'usine et où sont les vices dans l'usine. Si vous prenez un inspecteur qui est complètement en dehors de l'usine et qui vient faire son tour de temps en temps, il ne peut pas savoir ce qui se passe exactement dans l'usine, quels sont vraiment les vices de l'usine. J'appuie donc votre recommandation dans ce sens; sur le comité d'inspecteurs, il devrait y avoir un travailleur de l'usine.

Quand vous parliez, tout à l'heure, de médecins à aspirines, je suis convaincu que vous avez raison, parce que chez nous il y a des médecins à aspirines et il y a des médecins qui recommandent de prendre de la bière aussi. Dans une des usines du comté de Beauharnois, par exemple, on prenait des prises de sang et quand une personne avait le sang contaminé par le produit qu'elle respirait, le médecin lui donnait un jour ou deux de congé en lui disant: Va-t-en chez vous et prends tant de bières par jour pour éliminer ça. Alors, quand on parle de problèmes à la source, je ne pense pas que ce soit une des solutions pour régler le problème à la source que de demander à un travailleur de prendre de la bière pour éliminer son intoxication sanguine.

Quand on parle d'équipement de prévention, il y a des usines que je connais, dans mon comté, où, surtout en période d'été, il fait 110°, 115° ou 120° Fahrenheit dans l'usine et parce que l'air est vicié, on demande à ce bonhomme de porter un masque en plus; on a de la misère à respirer sans masque et on lui demande en plus, par cette chaleur insupportable, de porter un masque. Encore là, c'est un exemple pour illustrer que ce ne sont pas là les problèmes à la source. Il faudrait justement que l'usine, consciente de ces problèmes, — il fait déjà chaud dans l'usine et que l'air est vicié — plutôt que d'obliger le travailleur à porter un masque, je pense qu'il devrait y avoir un système de ventilation.

Mais là, on fait face à un problème énorme, parce qu'il y a énormément de problèmes connus dans les usines actuellement, on n'a pas besoin de faire des recherches à tout casser, on en a identifié un bon nombre. Là où est le principal problème, c'est que ça coûte $1 million, $2 millions, $5 millions à l'entreprise pour remédier à cette déficience.

Je ne veux pas prolonger, mais on a un exemple bien concret où l'usine envoyait sa poussière dans une cheminée. Les SPE leur ont ordonné de conserver ou de contrôler leur poussière, il était défendu de l'envoyer par les cheminées dans l'air. On a refoulé la poussière dans l'usine, et ce sont les travailleurs qui l'ont respirée. Là, il y a eu encore des ordonnances, elle est allée en cour et elle a perdu. Elle a dû entamer des démarches pour installer des appareils afin de corriger ça; finalement, cela a coûté $8 millions à l'entreprise qui a mis trois ans pour en faire l'installation, mais elle récupère aujourd'hui 30 tonnes de poussière par jour, que les travailleurs ou les citoyens autour de cette usine respiraient. Donc, là cela a été corrigé; mais, si vous saviez au prix de quelle bataille et ça faisait longtemps que ce problème était identifié.

Il y a d'autres usines où des problèmes ont été identifiés, alors pas besoin de faire de recherche, on connaît les problèmes, mais les batailles vont être au niveau des coûts; les propriétaires vont hésiter à investir $2 millions, $3 millions, $4 millions ou $5 millions pour corriger ces problèmes.

Je trouve donc que votre rapport est des plus pertinents, des plus réalistes et il est des plus vécus aussi. On ne peut pas avoir pondu un tel

rapport sans avoir vécu, comme vous l'avez fait, en usine. Je l'apprécie énormément et je pense que vous avez sensibilisé le ministre au moins sur deux ou trois points qui sont des plus importants et vous aidez à ce que le ministre apporte des corrections au projet de loi, dans le sens que vous le suggérez. (12 h 30)

M. Pagé: Allez-vous avoir plus d'influence?

M. Lavigne: Pardon, madame?

Mme Lavoie-Roux: Allez-vous avoir plus d'influence que d'habitude?

M. Lavigne: On a toujours l'influence qu'il faut, Mme Lavoie-Roux.

M. Pagé: Vous croyez cela, oui. On en reparlera.

Le Président (M. Dussault): II semble que cela mette fin aux interventions sur...

M. Pagé: On peut remercier le conférencier, sauf que c'était la deuxième fois qu'on avait droit à cette conférence-là.

M. Lavigne: Oui, on ne répète jamais trop. Une voix: On ne répétera jamais trop.

Le Président (M. Dussault): Donc, sur le mémoire du Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est... Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: C'est en dehors du mémoire. Simplement au nom du ministre qui a dû s'absenter pour une question urgente, je tiens à remercier le groupe qui est devant nous aujourd'hui qui a présenté un mémoire. Le ministre a dit et a répété, et il m'a demandé de vous le redire, qu'il tiendra énormément compte des suggestions que vous avez faites et il vous remercie profondément. Merci.

Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, je remercie le Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est pour sa participation aux travaux de cette commission. J'invite maintenant l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques à se présenter devant la commission. J'invite le porte-parole de l'association à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Association canadienne des fabricants de produits chimiques

M. Bélanger (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Bélanger. Je suis le président de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. À ma gauche, le Dr Marcel Sylvestre, directeur des services médicaux de CIL-Canada, à sa gauche, le Dr Jack Martin, directeur médical, de Cyanamid Canada Inc. et à ma droite, M. William Neff, qui est employé de l'association.

Le Président (M. Dussault): Merci. Je remarque aussi que votre mémoire est assez substantiel et qu'il sera difficile de le lire en vingt minutes. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de résumer. Si vous souhaitez voir apparaître votre mémoire entièrement au journal des Débats, cela sera fait.

M. Bélanger: Oui, j'apprécierais bien cela.

Le Président (M. Dussault): Cela sera fait. Vous avez la parole. (Voir annexe D)

M. Bélanger: Merci. Pour définir un peu notre groupe, notre association a un caractère industriel, c'est-à-dire qu'elle réunit la grande majorité des fabricants de produits chimiques industriels canadiens. Nous avons présentement 66 compagnies membres dont 42 ont des usines au Québec. Nos compagnies membres emploient environ 10 000 personnes au Québec avec un effet multiplicateur très significatif.

Si vous me le permettez bien, je vais souligner certains points. Je dois vous dire tout d'abord que le principe n'est certes pas remis en question. Tout industrie qui exploite au Québec se doit d'avoir des services de santé et de sécurité adéquats et compréhensifs. Ce principe, d'ailleurs, nous croyons l'avoir déjà mis en oeuvre et notre performance jusqu'à maintenant en est la preuve en grande partie.

Il est vrai que nous travaillons souvent avec des produits dangereux, mais nous avons appris aussi à traiter tous ces produits avec un très grand respect. Nous nous sommes donc engagés depuis déjà longtemps à prendre toutes les précautions nécessaires afin de garantir que nos activités ainsi que l'utilisation et la destination finale de nos produits ne présentent pas de risques inacceptables pour nos employés, nos clients, le public ou l'environnement.

Nous reconnaissons cependant que là où les services ne sont pas suffisants, un système plus formel est requis et dans ce système les trois parties en cause, c'est-à-dire le gouvernement, les employeurs et les employés, ont chacune un rôle important à jouer.

Le gouvernement pour sa part se doit de développer les grandes lignes directrices ainsi que les critères minimaux d'un programme visant les services de santé et de sécurité, c'est-à-dire qu'il doit définir en termes précis les objectifs d'un tel programme.

Par la suite, il se doit aussi de surveiller de très près l'implantation de ces programmes par les diverses compagnies pour bien s'assurer que les critères minimaux ont en fait été satisfaits.

L'employeur de son côté doit avoir une certaine liberté d'action qui lui permettra de développer et d'implanter le meilleur programme possible pouvant satisfaire aux critères déjà définis, mais de façon effective et efficace.

Quant aux employés, ils ont eux aussi certaines responsabilités, soit de s'en tenir à l'esprit des

programmes implantés au sein de leurs compagnies et de s'assurer que leurs employeurs font honneur à leurs obligations et, si ce n'est pas le cas, d'en faire rapport aux autorités.

Ce qui nous inquiète dans le présent projet de loi, ce n'est donc pas qu'il attribue un rôle au gouvernement et aux employés, car cela nous semble raisonnable. En fait, nous appuyons pleinement le rôle des comités paritaires. Cependant, nous sommes inquiets du fait qu'il ne semble pas tenir compte des programmes très substantiels déjà implantés par plusieurs compagnies dans l'industrie chimique.

Comme je vous l'ai déjà mentionné, notre industrie travaille depuis longtemps avec des matériaux dangereux, toxiques et explosifs et pour survivre, elle a dû s'assujettir elle-même à des contraintes sécuritaires et de santé très sévères.

Une bonne part de nos compagnies a donc déjà des programmes qui vont bien au-delà des critères préconisés dans ce projet de loi. Jusqu'à deux ans passés, notre association était la seule qui avait un comité se spécialisant dans la santé au travail. Nous avions déjà entrepris des séminaires pour aider nos plus petites entreprises à développer elles-mêmes des programmes adéquats dans ce domaine.

Jusqu'à récemment, nos compagnies employaient probablement la majorité des experts qualifiés dans ce domaine. Nous vous recommandons donc d'amorcer un programme ou un système d'exceptions à votre programme proposé, pour toute compagnie qui aura obtenu une certification pour un programme jugé valable et dépassant les critères de base. De cette façon, ces compagnies se verront encouragées à poursuivre leurs efforts dynamiques, sinon elles ne verront aucun avantage à continuer leurs efforts, et il ne serait pas surprenant de voir ces programmes valables se détériorer ou se terminer pour simplement se prévaloir des services moins intensifs du DSC et de nous demander des consultations qu'en cas d'extrême difficulté.

Le résultat final serait donc dans certains cas, une détérioration de la qualité de surveillance occupationnelle, allant donc à l'encontre de l'esprit de ce projet de loi. Nous vous recommandons que si un comité paritaire juge un programme adéquat, y compris les professionnels, les médecins et les infirmières sur place, et que le programme rencontre les règlements établis sous ce projet de loi et, si cela est en fait vérifié par le DSC, qu'un statut d'exception doit donc être accordé à cette compagnie pour qu'elle puisse continuer son programme existant.

Ce processus pourrait donc encourager d'autres compagnies à faire de même. Nous sommes à l'avant-garde des industries dans ce domaine. Nous avons bien l'intention de continuer nos efforts. Nous savons fort bien que certaines erreurs ont été commises dans le passé, mais nous tenons à vous faire remarquer qu'aussitôt que celles-ci ont été décelées, les solutions aux problèmes ont été recherchées avec vigueur.

À titre d'exemple, permettez-moi de mentionner le cas de la chlorure de vinyle. Dès que le problème fut perçu, la gestion s'est associée au gouvernement et à ses employés pour obtenir une solution dans une période d'environ un an.

Nous croyons donc que notre crédibilité est bonne. Je veux souligner encore le rôle important que doit jouer le gouvernement. C'est à lui de développer une réglementation responsable qui tienne compte des principes de coût-bénéfice et de faisabilité. Vu que le projet de loi no 17 est une loi-cadre, la méthode et les règlements acquièrent une importance primordiale.

Les membres de notre association désirent affirmer publiquement qu'ils sont prêts à offrir leurs connaissances et leur expertise considérable pour participer de façon constructive à la formulation de règlements valables. Pour ce faire, il faudra un préavis suffisant. Notre mémoire indique une façon d'attaquer ce problème.

D'abord, nous tenons à souligner... Nous avons trois derniers points plus spécifiques. D'abord, nous tenons à souligner le rôle clé du médecin spécialiste et de l'hygiéniste industriel. Vu la rareté du nombre de ces spécialistes, nous recommandons qu'un rôle plus substantiel soit accordé à l'infirmière industrielle dans les procédures de base et que les médecins et hygiénistes soient employés surtout comme consultants.

Il est particulièrement important d'encourager le développement de médecins spécialisés. Nous ne croyons pas que ceci sera possible si ces médecins doivent être assujettis à des contrats de quatre ans, plutôt que d'être employés permanents. En plus, quoiqu'un groupe d'employés puisse se dire non satisfait d'un médecin, son renvoi ne devrait être justifié que pour raison d'incompétence et ce jugement ne devrait être rendu que par un autre médecin, par un groupe de médecins experts.

Un deuxième point: Quoique nous soyons d'accord avec le principe du droit de refuser de travailler, nous croyons qu'il est important de minimiser le nombre d'étapes à franchir. Que chaque étape, cependant, soit complétée par écrit, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de malentendu et que le problème soit réglé dans les plus brefs délais possible. Sinon, nous croyons que le processus pourrait entrer en conflit avec les droits de la collectivité et qu'il pourrait en découler, s'il y a action abusive, des conséquences économiques désastreuses et possiblement mortelles.

Finalement, nous comprenons mal l'intention de la section III visant le fournisseur. Si l'intention est de contrôler le fournisseur dans son lieu de travail, nous croyons que le sujet a déjà été couvert dans les sections antérieures. Si cela n'est pas le cas, il est à se demander s'il est juste d'en parler dans cette loi.

En sommaire donc, nous vous demandons principalement de favoriser l'implantation de programmes valables au sein même des compagnies sous l'égide d'une réglementation responsable.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie.

M. Jolivet: Pour permettre au ministre de pouvoir répondre et regarder le dossier avec nous cet

après-midi, on pourrait proposer la suspension des travaux jusqu'à 15 heures?

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Pagé: Moi, j'irais avant ça.

M. Jolivet: 14 h 45?

M. Pagé: Je dirais à 14 h 30.

M. Jolivet: 14 h 30?

M. Pagé: Oui.

M. Jolivet: On serait d'accord.

M. Marois: Ne commencez pas à foutre la zizanie dans votre camp. Entendez-vous!

M. Pagé: Non, il n'y a pas de zizanie chez nous, au contraire. On est unanime.

M. Jolivet: Donc, je ferais la proposition de revenir à 14 h 30.

Le Président (M. Dussault): Alors, est-ce qu'il y a consensus pour que la commission recommence ses travaux...

M. Pagé: Exceptionnellement.

Le Président (M. Dussault): ... à 14 h 30?

M. Pagé: Exceptionnellement, oui.

Le Président (M. Dussault): Je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

(Reprise de la séance à 14 h 45)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, nous allons reprendre les travaux de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre. Au moment où nous avons suspendu les travaux cet avant-midi, nous avions entendu les représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Ils avaient expliqué leur mémoire et nous en étions à la période des questions.

M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord, bien sûr, remercier infiniment l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques de leur mémoire, de leur contribution à nos travaux. Je voudrais aussi m'excuser infiniment, j'ai dû m'absenter — on essaie de piloter le maximum de choses en même temps, mais je n'ai pas encore le don d'ubiquité et il arrive des urgences en cours de route — j'ai dû m'absenter pendant votre exposé, et je tiens à m'en excuser. Cependant, je tiens à vous dire qu'on a pu me remettre des notes très complètes du texte de votre exposé, j'en ai pris connaissance avant de revenir pour la reprise de nos travaux, et j'avais lu au préalable votre mémoire.

Au fond, je comprends que vous ne remettez en question ni l'objectif ultime recherché, ni les principes essentiels du projet de loi; au contraire, à la lecture que j'ai faite de votre mémoire, et j'ai bien lu attentivement les notes qu'on m'a remises sur votre exposé de ce matin, je pense que la plupart de vos recommandations sont très positives, qu'elles ont aussi pour but — au fond, c'est ce que vous dites aussi dans votre mémoire — de rendre le projet de loi le plus efficace, le plus pratique possible. Sachez qu'aussi bien le gouvernement que, j'en suis certain, mes collègues de cette commission apprécient votre attitude très ouverte et très positive dans cette discussion.

Cela dit, il y a un certain nombre de points, sans abuser du temps, que j'aimerais relever sous forme de commentaires-questions pour vous permettre de réagir. Le premier concerne les services de santé. Vous vous dites d'accord avec la nécessité que le gouvernement assure une surveillance médicale occupationnelle pour la majorité des travailleurs du Québec qui ne bénéficient pas d'une telle surveillance; je pense en particulier à la page 6 de votre mémoire. Vous recommandez que les programmes existants, quand ils sont équivalents ou supérieurs aux programmes-cadres qui sont acceptés par le comité paritaire et le département de santé communautaire soient maintenus en utilisant les mêmes ressources.

Déjà, je pense que votre recommandation tranche par rapport aux recommandations qu'on a reçues d'autres entités du monde patronal portant sur le même sujet. Je pense qu'il y a là une ouverture d'esprit. Cependant, pour être certain de bien saisir chacun des éléments sous-jacents à votre recommandation, j'aimerais savoir d'une part si votre recommandation, d'après vous, implique le choix du médecin responsable par le comité paritaire. D'autre part, est-ce que, selon l'économie générale de votre approche et de votre recommandation, le médecin serait rémunéré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou est-ce que vous insistez pour qu'il demeure plutôt membre à part entière de l'entreprise et de la gérance de l'entreprise? Cela, c'est en ce qui concerne le médecin. Quant aux autres membres d'une équipe de santé en entreprise, quel est votre point de vue précis là-dessus?

Troisièmement, toujours dans le même ordre d'idée, autour du même problème, si le comité paritaire, selon l'hypothèse que vous formulez, la proposition que vous formulez, n'accepte pas ou ne réussit pas à s'entendre sur le programme de santé existant, qu'est-ce qui arrive et qu'est-ce que vous recommandez dans ces cas-là?

Maintenant, un point au passage, et je me demande si la réponse à la préoccupation que

vous avez, qui me semble légitime, ça concerne la confidentialité des renseignements médicaux... Ne croyez-vous pas que l'article 99 tel que formulé présentement assure cette confidentialité-là, étant donné qu'il va de soi, et je présume que vous êtes d'accord là-dessus, que le travailleur concerné a le droit d'accès au dossier qui le concerne? Non seulement 99, mais, en plus, l'article 133 qui impose, qui fait obligation, en quelque sorte, à la commission d'assurer le caractère confidentiel des renseignements et des informations qu'elle possède. J'aimerais savoir s'il n'y a pas là les éléments de réponse à la préoccupation légitime que vous soulevez.

M. Bélanger: Quand vous parlez...

M. Marois: Si vous permettez, je pense que ça va faciliter les choses, je sais que ça fait une liste, je vais essayer de ne pas l'allonger indûment. Vous semblez indiquer, dans votre mémoire, que d'après vous, l'expression "intégrité physique" est une expression inutile, que ça n'ajoute pas. Est-ce que vous ne croyez pas que, par ailleurs, on peut fort bien être en parfait état de santé physique ou mentale, mais être handicapé et qu'en conséquence, quelqu'un qui est handicapé pour une raison ou une autre, de naissance ou autrement, n'a pas un membre ou deux membres, peu importe, est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là, il est important de maintenir cette expression qui est ajoutée?

Voilà, pour l'instant, M. le Président. Je pense que ça fait déjà une bonne première liste pour commencer à déblayer, une première série de questions que je voulais poser au porte-parole de l'association. Je veux les assurer, encore une fois, que l'ensemble des recommandations du mémoire vont être regardées très attentivement.

Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.

M. Bélanger: Merci de vos commentaires. M. le Président, pour répondre d'abord à la question du choix du médecin, je crois qu'en fait, la philosophie qu'on tente d'appliquer ici, c'est le fait que si un programme fonctionne bien, pourquoi le changer? Nous croyons que l'objectif devrait être un service de santé et de sécurité adéquat et compréhensif, c'est ça que nous trouvons important. Donc, si le programme d'une société est reconnu, tant par le comité paritaire, le gouvernement et les employeurs, comme étant satisfaisant et adéquat, nous comprenons mal le besoin de le changer. Ce qui impliquerait donc chez nous la continuité du programme, y compris les personnes qui y sont déjà.

Il nous semble important d'encourager les compagnies à développer de plus en plus, non pas un système qui se conforme aux critères minimum, mais qui va bien au-delà. Nous croyons que ceci peut être beaucoup mieux encouragé avec la continuation d'un programme qui a déjà fait ses preuves.

C'est le principe que nous voudrions appliquer de ce côté. Si le comité paritaire n'accepte pas que le programme soit un programme satisfaisant, nous croyons que le DSC devrait, lui aussi, examiner le programme et, s'il n'est pas jugé satisfaisant, les règlements qui seront établis devront être imposés et alors il faudra faire certains changements au programme pour qu'il devienne adéquat. Est-ce que ça répond à votre première question.

M. Marois: Oui, sauf la dimension de la rémunération.

M. Sylvestre (Marcel): La rémunération du médecin pourrait être faite par la Régie de l'assurance-maladie. Ce sont simplement les personnes en place, qui ont déjà une certaine compétence, qui ont déjà une certaine habitude du programme, qui connaissent les conséquences et comment diagnostiquer précocement les symptômes de maladies occupationnelles, qui sont entraînées depuis peut-être cinq ou dix ans. Je sais qu'à la CIL, on a un service médical qui existe depuis déjà 30 ans; il y a certainement des ressources et des effectifs en place qui sont efficaces. Je me demande, dans le cas de la garde-malade, qu'elle soit rémunérée par l'hôpital local ou le gouvernement, quelle importance cela peut avoir, du moment que, elle, qui est déjà en place, qui est déjà habituée aux rouages du programme, elle est acceptée par le comité paritaire, évidemment, ça implique ça aussi.

M. Marois: Si je comprends bien, ça implique l'acceptation des ressources humaines, qui sont déjà là, par le comité paritaire, s'il est d'accord. Dans votre esprit, il n'y a pas de conséquence tragique, même au contraire, que la rémunération provienne de la Régie d'assurance-maladie du Québec.

M. Sylvestre: II n'y a aucune opposition à ça.

M. Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Dussault): C'est terminé pour M. le ministre.

M. Bélanger: II y avait d'autres réponses à vos questions, je crois.

Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.

M. Bélanger: Du côté du caractère confidentiel des renseignements médicaux; en fait, je dois dire que c'est plutôt un malaise qu'on a. Plus la diffusion des données est grande, plus les difficultés de contrôler le système et de s'assurer du caractère confidentiel est grande. Nous voulions tout simplement noter cet aspect. Nous croyons que lorsqu'il y a des systèmes existants qui ont su maintenir ce caractère confidentiel, il faudrait faire attention avant d'avancer trop loin et de peut-être perdre ce caractère confidentiel.

M. Marois: Vous pouvez être assurés d'une chose, c'est qu'on partage cette préoccupation-là. Il y a une espèce d'équilibre à trouver dans la nécessité absolue d'assurer la confidentialité. C'est vrai que plus tu élargis la circulation, plus tu élargis les risques. Par ailleurs, il faut quand même qu'un certain nombre d'éléments, d'information, comme on dit, dépersonnalisée, puisse être dégagée, puisque c'est une source d'information fondamentale. C'est pour cela que les articles que je mentionnais ont été introduits dans le projet de loi, ce sont les articles 99 et 133 et je voudrais avoir votre opinion. Je comprends que vous ne vous soyez pas arrêtés en particulier à ces deux articles-là pour voir si, de votre point de vue, c'était suffisant. Je comprends que vous vouliez surtout attirer notre attention sur cet élément-là qui vous apparaît important. Je pense que vous avez raison.

M. Bélanger: Nous croyons aussi mettre assez d'emphase sur l'aspect des éléments dépersonnalisés autant que possible.

Pour la troisième question qui avait trait à l'intégrité physique, peut-être que le Dr Sylvestre pourrait répondre à cette question.

M. Sylvestre: Quand on parlait d'intégrité physique, cela voulait dire, si on parle de la Loi sur les handicapés, que le type qui va travailler a déjà une certaine aptitude physique à travailler. Nous autres, on veut maintenir cette aptitude-là et surveiller précocement les maladies qui peuvent apparaître en cours d'année de travail, qui pourraient hypothéquer, qui pourraient handicaper davantage, qui pourraient rendre "compensable" ou complètement incapable de travailler. Que ce soit un handicapé, un sourd-muet, le type est en santé quand même. Il ne sera pas plus sourd, parce qu'il est sourd-muet. L'intégrité physique sera maintenue quand même. Si le type a une jambe de bois, il n'aura pas deux jambes de bois, elle restera toujours en bois et ce sera une jambe. C'est un handicapé, mais qui est en santé. Si c'est un ancien poliomyélitique qui est paraplégique, il va rester dans sa chaise roulante, mais il ne sera pas plus malade, parce qu'il va travailler. On va surveiller sa santé. C'était dans ce but-là que je pensais à l'intégrité physique.

M. Marois: D'accord, pour l'instant, mais peut-être que je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Dussault): Vous avez terminé? M. le député de Portneuf. (15 heures)

M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier les représentants de l'Association canadienne des fabricants des produits chimiques. C'est un mémoire qui est intéressant, qui démontre beaucoup d'ouverture, tel qu'en faisait état le ministre tout à l'heure.

J'avais quelques questions auxquelles vous avez déjà répondu. J'aurais strictement un commentaire et une très brève question. J'ai bien apprécié votre référence à la page 6, du maintien de la qualité d'un programme de santé existant, parce que c'est un élément sur lequel nous sommes revenus souvent de ce côté-ci de la table, à savoir qu'il se fait des choses qui ont été positives dans plusieurs secteurs d'industries, dans plusieurs types d'industries, dans plusieurs entreprises de ce secteur industriel par le passé. Ce que vous évoquiez ce matin, va dans le sens de ce que nous évoquions préalablement au ministre et, somme toute, ce qu'on a porté à son attention, c'est que la crainte que nous avons, c'est que le projet de loi no 17 fasse table rase de ce qui existe et qu'on parte à zéro, à partir de normes minimales qui pourront être adoptées par le programme de santé, par la Commission sur la santé et la sécurité au travail. Même, le danger que vous avez pointé du doigt, c'est le danger que nous y voyons, c'est-à-dire que cette norme devienne strictement une norme minimale, mais que là où il y avait des initiatives qui ont été concluantes, qui ont été positives, où les services de santé se sont organisés autour des employés, autour de l'employeur et autour du personnel professionnel approprié, il ne faudrait pas que les normes édictées par la commission viennent freiner ces initiatives. Le grand danger dans tout cela, c'est que l'entreprise dise: C'est "just too bad", et c'est bien de valeur, nous respectons les normes qui sont prévues. Ah, ne soyez pas insultés parce qu'on utilise un terme anglais à l'occasion, je vous en prie! C'est vrai, ce n'est pas correct.

Vous n'avez pas à vous excuser, au contraire, le fil...

M. Marois: Je serais mal placé pour intervenir.

M, Pagé: Vous seriez mal placé pour intervenir, j'en conviens. Alors, le grand danger dans tout cela, avant que je sois interrompu de façon aussi intempestive et subtile, par contre, c'est que des entreprises se limitent à se conformer à ce qui est prévu dans le programme de santé. C'est très bien ce que vous dites dans ce sens et que vous ayez ajouté votre voix à d'autres interlocuteurs, et j'espère que le gouvernement sera sensible à cela.

Je conviens qu'une nouvelle commission de santé amènera peut-être..., impliquera pour elle le pouvoir d'édicter des normes et je conviens aussi qu'il y a des secteurs où il faut agir et il y a des secteurs où la responsabilité des intervenants et particulièrement des entreprises n'a pas toujours été remplie. Toutefois, il ne faudrait pas généraliser ni d'un côté, ni de l'autre. Il y a certains secteurs dont le vôtre, qui semblent avoir très bien évolué sur cet aspect.

Il y a la question des infirmières qui m'a particulièrement touché. Ce que vous mettez en relief c'est le rôle important que jouait l'infirmière dans les services de santé de plusieurs industries au Québec. Il a déjà été dit, autour de cette table, les intervenants nous ont déjà dit que si, dans une certaine mesure, ou jusqu'à une certaine limite, les médecins d'entreprises n'avaient plus la confiance des intervenants, entre autres, des travail-

leurs, il y a un professionnel ou un intervenant dans le secteur de la santé qui est l'infirmière et qui semble avoir toujours eu la confiance, qui semble avoir encore beaucoup de confiance chez les travailleurs.

On a rencontré l'Association des infirmières qui est venue demander au ministre un peu ce que vous demandez aujourd'hui, que l'infirmière qui évolue dans une entreprise, qui a une expérience, puisse continuer à oeuvrer dans son entreprise. Ce que les infirmières veulent — je pense que cela rejoint ce que vous soutenez — c'est de ne pas s'opposer à être payées par le département de santé communautaire et à être rémunérées par Pierre, Jean ou Jacques, ce n'est pas là, la question. Mais elles veulent continuer à oeuvrer et à être identifiées au sein de l'entreprise.

C'est important, parce qu'elles connaissent l'entreprise. Elles connaissent les agents agresseurs. Elles connaissent bien souvent les dossiers individuels de la très grande majorité des employés. Cela déborde même l'aspect strictement de travail. Elles peuvent faire beaucoup de prévention, parce que, bien souvent... Moi, je sais, en tout cas, l'expérience que j'ai eue, dans mon comté, entre autres, à Pont-Rouge et je le dis, à la Building Product et, entre autres, chez Domtar, à Donnacona, le rôle de l'infirmière semble être un élément très important, et vous le reprenez aujourd'hui. J'invite le ministre encore une fois, à prendre note de ce que vous dites, prendre note de ce que les infirmières ont dit et j'espère que ça saura aboutir à un résultat concret et positif.

Vous avez demandé d'être davantage associés aux règlements. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on est d'accord avec ça, quant à nous, parce que, comme en faisait état mon collègue de Johnson hier, M. Bellemare, plus ça va vite, plus ça va qu'on perd nos pouvoirs comme législateurs ici. L'érosion du pouvoir législatif, c'est palpable. Les règlements nous passent par les oreilles et on ne passe pas un lundi dans nos bureaux de comté sans avoir un électeur qui, bien souvent, vient nous mettre sur la table un règlement adopté par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cela n'a jamais été discuté à l'Assemblée nationale. Alors, n'allez pas croire que si nous, nous ne sommes pas impliqués, je me demande comment les intervenants du milieu, eux, peuvent se sentir impliqués.

Vous dites et je vous cite, à la page 9 de votre mémoire: "II est essentiel qu'une communication directe avec toutes les parties soit établie dès l'étape initiale du processus d'élaboration des règlements pour produire les définitions et les normes." Que suggérez-vous, comme intervenants? Il y a eu des suggestions qui ont été formulées, qu'il y ait un genre de table ronde, milieux patronaux, milieux syndicaux, le gouvernement et tout ça, débordée avec les professionnels concernés, les hygiénistes industriels, les chimistes, etc. Que suggérez-vous comme approche particulière pour que vous soyez davantage associés au processus réglementaire?

Je termine ma question en vous demandant: Est-ce que vous vous "satisfaisez"... Oui, c'est ça? de la publication... Est-ce que c'est ça, "satisfaisez"? Oui, c'est ça.

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Pagé: Est-ce que vous vous "satisfaisez" de la publication de 60 jours dans la Gazette officielle? Est-ce que, pour vous, c'est une façon adéquate de participer à l'élaboration d'un règlement? "Satisfaisez"...

M. Bélanger: M. le Président, merci encore des bons commentaires. Quant à l'élaboration des règlements, nous reconnaissons que c'est une sphère qui est extrêmement complexe. Ici, on a une loi-cadre, en fait, qui donne beaucoup de possibilités, mais qui n'est pas spécifique. Alors, le tout va être réglé par l'élaboration des règlements.

Nous, ce qui nous importe là-dedans, c'est qu'on croit qu'on peut apporter une contribution positive dans le développement de ces règlements. Ce que nous recommandons, c'est qu'il y ait un préavis publié dans la Gazette officielle du Québec, un avis qui exprimerait l'intention du gouvernement de commencer des études pour aboutir à certains règlements. Donc, un vrai préavis avant qu'ils entreprennent même la publication du règlement lui-même. Cela nous donnerait l'occasion de faire nos commentaires et de travailler avant que les positions ne soient établies parce que souvent on a fait l'expérience de développer ces règlements et on croit qu'on pourrait être très positif sur cet aspect.

Du côté d'un délai de 60 jours, quand on a les règlements proposés, on reconnaît le fait qu'on doit travailler le plus vite possible. Quelquefois, cependant, surtout lorsqu'on n'a pas eu de préavis, il nous est très difficile de vraiment étudier la question à fond. C'est pour cela que ce qu'on demande, en fait, c'est un meilleur agencement entre une société comme la nôtre, l'association, qui peut apporter une contribution positive, et les fonctionnaires gouvernementaux qui, eux, ont le même désir, soit d'en arriver à satisfaire aux objectifs de la loi de façon efficace.

M. Pagé: C'est certainement faisable, sauf qu'il faut qu'il y ait une volonté politique prévoyant qu'il y a véritablement une implication des agents du milieu, et c'est faisable. Il reste au ministre à répondre, purement et simplement.

M. Marois: Je suis sensible à ce que vous évoquez. Au fond, probablement que vous faites référence à ce qui est prévu dans ce sens dans la loi ontarienne, qui prévoit un préavis, effectivement. Selon les renseignements obtenus de l'expérience ontarienne, les résultats ne sont pas des plus heureux, pas parce que l'idée en soi n'est pas bonne, mais parce que cela a été figé dans la loi, il doit y avoir obligatoirement préavis. Ce que le préavis a causé comme problème, c'est que, dans les cas d'urgence, il y avait donc des étapes de procédure et un cheminement à suivre de sorte qu'il était impossible de bouger ou c'était illégal de bouger dans les cas d'urgence sans les préavis requis.

En d'autres termes, après des consultations — parce qu'on a regardé ce qui s'est fait en Ontario, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique, et le reste, on a eu des échanges avec les gens de chacune de ces provinces... On disait: Faites attention quand vous chercherez à le faire, l'idée de fond, ce qu'il y a derrière l'objectif est important et est souhaitable. D'ailleurs, cela a été évoqué, je le rappelle, lors du premier sommet économique. Cela a été une demande de toutes les parties, d'ailleurs, d'être le plus intimement possible associé à l'élaboration même des nouveaux règlements ou des nouvelles normes et aussi que soient mises à contribution les ressources du milieu, qualifiées, compétentes dans des domaines donnés pour apporter leur point de vue, et faire en sorte qu'on arrive avec des choses qui soient pratiques, faisables, et le reste, compte tenu de l'état d'avancement de la technologie, des connaissances, des ressources financières et des possibilités; on ne pourra pas tout faire en même temps, c'est certain, il faut être réaliste et responsable.

C'est pour cela qu'on n'a pas retenu l'approche ontarienne du préavis comme tel pour le mettre dans la loi; par ailleurs, il est prévu que la mise en marche du processus, sauf dans le cas exceptionnel où le gouvernement se conserve le pouvoir d'intervenir dans les cas d'urgence, la mise en marche du processus proviendrait ou bien de la commission où siégeront les porte-parole des parties patronales et syndicales et à ce moment-là on part de l'hypothèse que les parties, s'il s'agit, par exemple, d'une question qui concerne les produits chimiques, vont aviser dans leur secteur les groupes concernés, et notamment des groupes comme le vôtre. L'autre source d'initiation possible de démarrage et d'élaboration, pour fins de recommandations de nouvelles normes ou de règlements, serait l'association sectorielle de tel ou tel secteur. Ce matin, on a parlé, et on va en parler encore cet après-midi, du secteur des raffineries, etc., pour, encore une fois, faire en sorte que les parties soient associées, que cela se sache. En d'autres termes, qu'il n'y ait rien qui se concocte dans le genre en coulisses, et v'Ià la brique! Vous avez une pré-publication, il y aura de toute façon une pré-publication, c'est une chose. Je pense que c'est normal que ce soit là, mais qu'avant la pré-publication et bien longtemps avant la pré-publication, au moment où les travaux comme tels commencent et démarrent, que les parties concernées en soient avisées, soient au courant et qu'elles puissent être mises à contribution. C'est vraiment l'objectif qu'on a en tête et c'est pour ça qu'on n'a pas retenu l'idée du préavis tel qu'il apparaît dans la loi ontarienne. Mais fondamentalement sur le fond, au-delà de la procédure ou de la formule du préavis, je ne vous cacherai pas qu'on est parfaitement d'accord avec vous.

Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.

M. Bélanger: Merci. M. le Président, nous sommes très heureux d'entendre les commentai- res du ministre à ce propos. En fait, ce que nous voulons, c'est encourager un dialogue continu entre le fonctionnarisme et les sociétés et les employés aussi qui, tous trois, ont un rôle à jouer dans le développement des réglementations appropriées.

Du côté d'un règlement qui inclurait la section à laquelle je m'adressais d'un préavis tel qu'en fait il y en a eu en Ontario comme vous l'avez mentionné, peut-être y aurait-il une possibilité d'insérer une clause d'urgence qui donnerait une liberté d'action lorsqu'une urgence a été déclarée. Ce serait peut-être une façon d'attirer l'attention sur cet aspect-là.

M. Marois: Je suis sensible à ça et on va le regarder. Seulement, je l'ai rappelé à quelques reprises depuis le début des travaux de notre commission, et sans abuser du temps, M. le Président, très rapidement, j'attire votre attention sur le fait suivant et je pense que vous comprendrez qu'on est obligé d'en tenir compte. Une loi, ce n'est pas un traité scientifique, ce n'est pas un essai, ce n'est pas un roman, ce n'est pas un livre blanc, c'est un texte de loi. C'est souvent comme — je pense que mon collègue de Portneuf va être d'accord avec moi de par son vieux métier d'avocat — des contrats; on s'y réfère quand ça va mal. Quand ça va bien, on ne s'en sert pas tellement.

En d'autres termes, analogiquement, parce que c'est un peu énorme comme comparaison, c'est en partie vrai sur certains points aussi quand il s'agit d'une loi. Alors, même si on met une clause d'urgence qui était une des hypothèses envisagées dans d'autres provinces qui ont regardé le problème, ils ont eu à faire face exactement au même problème. La notion d'urgence, sur le strict plan de l'interprétation juridique, la commission pourrait fort bien décider qu'il y a caractère d'urgence et qu'elle bouge et se voir bloquée par toutes sortes de procédures devant les tribunaux, injonctions, interdictions de procéder, parce que là, on va discuter pendant des mois et des mois et en appeler de la décision et du jugement rendus pour savoir s'il y a ou s'il n'y a pas urgence. C'est là le problème, à partir du moment où on met des notions comme celles-là dans un texte de loi.

Alors il faut bien y penser. Je pense que sur le fond, on se comprend bien, on s'entend bien, c'est vraiment, je pense, là-dessus qu'il y a consensus sur l'esprit et la façon de procéder pour y arriver, si on veut vraiment changer les choses. Il est certain en plus, vous évoquez toute la dimension du dialogue et il y a encore beaucoup plus que ça. Il est certain que si les parties sont vraiment pleinement associées, une fois qu'une norme ou qu'un règlement sort et devient en force, s'il y a déjà eu un consensus sur l'essentiel, ça veut dire que les choses ont été, déjà pour l'essentiel, mises en place et ça ne pose aucune espèce de problème opérationnel, ce qui est à l'opposé des démarches conçues généralement dans l'état actuel des choses. Très souvent, ça arrive comme une brique. (15 h 15)

Soyez sûr qu'on a cette préoccupation, on essaie de voir s'il y a une formule possible et je ne

vous cacherai pas, je vais essayer d'attirer votre attention sur un certain nombre de points, c'est extrêmement délicat quand on veut le mettre dans un texte de loi.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres intervenants. Je remercie l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques au nom de la commission et j'invite maintenant l'Ordre des chimistes du Québec à se présenter devant la commission.

Je demande au porte-parole de s'identifier et de nous présenter ses collègues.

Ordre des chimistes du Québec

M. Fournier (Antoine): Antoine Fournier, vice-président aux relations publiques pour l'Ordre des chimistes. Je vais présenter mes collègues, à ma gauche, Guy Bélanger, vice-président aux finances de l'ordre, Réal Laliberté, secrétaire de l'Ordre des chimistes et Pierre Lefebvre, président du comité de sécurité de l'Ordre des chimistes.

Le Président (M. Dussault): Je pense que vous pourrez nous présenter votre mémoire dans les vingt minutes.

M. Fournier: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je n'en ferai pas lecture, mais je vais ressortir les points chauds qu'on a retrouvés dans le projet et où on souhaite voir apporter des modifications pour une meilleure sécurité et santé des travailleurs.

On souhaite aussi que notre mémoire fasse partie du journal des Débats.

Le Président (M. Dussault): D'accord, nous verrons à ce qu'il soit consigné au journal des Débats. (Voir annexe E)

M. Fournier: Très bien. Tout d'abord, on est d'accord avec les intentions du projet de loi, car comme on le cite dans notre mémoire, la sécurité et la santé des travailleurs sont quand même un droit non équivoque. Toutefois, on note qu'au niveau de la prévention, au niveau de la sécurité, l'accent est quand même faible par rapport au niveau curatif, au niveau de la santé. Si on parcourt le projet de loi dans son ensemble, on constate qu'au niveau de la structure, au niveau des professionnels cités, au niveau du financement qui est quand même important, qu'il s'agit peut-être plus d'un projet de loi sur la santé que sur la sécurité.

On croit que l'aspect préventif passe avant l'aspect curatif. L'aspect préventif est primordial. D'ailleurs, il y a un vieux proverbe qui dit: il vaut mieux prévenir que guérir. Je pense qu'il est encore d'actualité. Si la prévention et la sécurité sont administrées de façon adéquate, à ce moment-là, on peut minimiser l'importance de l'aspect curatif. Je pense que tout le monde préfère éviter de se faire arracher un doigt ou écorcher un doigt que de subir une belle chirurgie ou un beau pansement.

Je pense que tout travailleur a droit à ceci par des normes de sécurité qui sont très rigoureuses là-dessus. C'est pourquoi dans notre mémoire on suggère qu'un chapitre sur la sécurité et sur la prévention soit plus élaboré et en corollaire parce que si la sécurité est très bien définie et très bien appliquée, la santé s'en porte bien.

Deuxièmement, comme autre lacune, c'est que la loi ne semble pas inclure tous les professionnels. Je crois que nombre de professionnels qui ne sont pas cités dans le projet de loi sont susceptibles d'apporter des éléments, au point de vue de la sécurité, positifs pour améliorer la sécurité, améliorer l'aspect préventif.

Ensuite, au niveau du financement, si on fait référence au livre blanc, on constate qu'une part importante du financement est surtout accordée à la santé, à l'aspect curatif. Pour développer davantage le côté sécurité, le côté préventif, il nous semble qu'on devrait accorder une importance de marque à la recherche, à la formation et au niveau de l'information. C'est sûr qu'on retrouve dans les articles 79, 84, 129, au 11e alinéa, où c'est précisé que la commission peut accorder certains budgets, certaines subventions, mais c'est bien marqué "peut accorder". De là à ce que ce soit accordé fréquemment, ça peut paraître un voeu pieux.

Autre chose, au niveau de certaines définitions, on souhaiterait qu'il y ait plus de rigueur, entre autres, au niveau des matières dangereuses, par exemple, parce qu'il peut y avoir des substances qui en soi, ne seront pas décrétées matières dangereuses, mais dans leur utilisation peuvent le devenir.

On va prendre un exemple simple du côté de la chimie: l'eau ce n'est pas dangereux, d'ailleurs c'est utile à l'humain, et l'acide sulfurique, qui a de fortes chances de ne pas être décrétée matière dangereuse, sauf que la manipulation des deux ensemble peut apporter des dangers assez importants. À ce moment, il faudrait élaborer davantage au niveau des dangers qui sont sous-jacents à des matières dangereuses lors de leur utilisation.

Aussi on souhaiterait, au niveau de l'étiquetage, qu'il soit davantage rigoureux, pas uniquement pour les matières dangereuses, mais que tout produit bénéficie d'un étiquetage pour informer et le consommateur et tout utilisateur, que ce soit des techniciens ou autres travailleurs qui sont mis en contact avec ces diverses substances.

C'est ainsi qu'au niveau de la réglementation... D'ailleurs, M. le ministre a souligné, tantôt, qu'il allait faire appel aux gens concernés, selon les domaines spécifiques. On est heureux de le constater et on est prêt à offrir notre collaboration pour travailler au niveau de la réglementation, lorsque cette réglementation prendra place.

C'est, en bref, les points chauds, les lacunes qu'on a notés dans le projet de loi et les rectifications qu'on souhaiterait voir apportées pour une meilleure santé et sécurité des travailleurs.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Fournier. M. le ministre.

M. Marois: Je voudrais, M. le Président, remercier l'Ordre des chimistes du Québec de son mémoire. C'est un mémoire qui n'est pas très long, mais je ne vous cacherai pas qu'on a commencé à le regarder très attentivement et on va revenir sur certaines de vos recommandations. Vous touchez certains aspects qui méritent d'être regardés de très près.

Sans abuser du temps et revenir sur toutes et chacune des recommandations, je voudrais d'abord avoir votre réaction. J'avoue que, dans un premier temps, j'étais un peu étonné de l'affirmation que vous faites que le projet de loi, à votre point de vue, semble négliger la sécurité. L'objectif ultime de la loi, c'est vraiment de faire tout ce qui est humainement possible — sans se prendre pour d'autres, mais quand même en se prenant pour ce qu'on est, c'est-à-dire ressources humaines, financières, état des connaissances partout en le faisant ensemble — pour essayer de viser, en autant que faire se peut, à s'attaquer aux causes même des accidents et des maladies, donc, aussi bien sur le plan de la santé que de la sécurité, quant aux deux aspects. Cela m'a un peu étonné et vous allez même jusqu'à suggérer un chapitre spécial consacré à la sécurité.

Il y a une foule d'articles qui touchent directement à la sécurité, sans par ailleurs négliger l'ensemble de l'économie du projet de loi. Il est possible qu'on n'en fasse pas la même lecture et j'aimerais avoir vos commentaires. J'attire votre attention sur l'article 40, paragraphes 1, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 13; l'article 48, paragraphes 1 à 6; l'article 63, les paragraphes 1, 2, 3; l'article 185, les paragraphes 14, 22, 23, 30. Je ne veux pas continuer à tous les énumérer, mais indépendamment des listes et de mes énumérations et pour mieux comprendre votre point de vue, quand vous faites ce commentaire, la question que je vous poserais est la suivante: Est-ce que vous songez à une structure de service de sécurité similaire, en un certain sens, à ce qui est prévu pour les services de santé? Est-ce le sens de votre recommandation relative à l'insertion d'un chapitre spécial sur la sécurité?

Deuxièmement, en ce qui concerne la définition des matières dangereuses, la définition des matières dangereuses de même que la définition des contaminants vont être réexaminées très attentivement, à la lumière de recommandations comme celles que vous nous faites et que d'ailleurs d'autres groupes nous font dans certains mémoires.

Concernant toujours la question des matières dangereuses et des contaminants, vous touchez cela dans votre mémoire et vous recommandez des modifications au paragraphe 8 de l'article 40 où il est fait obligation à l'employeur de communiquer la liste des contaminants et matières dangereuses. Tel que c'est prévu présentement dans le projet de loi, les contaminants et matières dangereuses communiqués dont on parle évidemment seront ceux qui seront définis par règlement. Il est possible, comme vous l'évoquez dans votre mémoire, que cette liste-là soit limitative, en ce sens que beaucoup de matières qui ne sont pas déclarées dangereuses de fait, dans certaines circonstances — vous avez donné l'exemple de l'eau — peuvent le devenir dans certaines conditions d'utilisation. En ce sens-là, la recommandation que vous nous faites de fournir la liste des contaminants et matières dangereuses — c'est votre suggestion — et d'ajouter "dont la présence a été décelée par des professionnels", je pense que c'est une recommandation qui mérite d'être considérée très sérieusement.

Là, je pense que ce serait intéressant pour les membres de la commission, cela le sera sûrement pour moi, parce que je ne suis pas certain de bien saisir la portée de votre suggestion... Dans votre mémoire, vous touchez l'article 52. Vous proposez une modification à l'article 52. Ce que vous nous proposez comme modification, cela me semble introduire une redondance. J'aimerais et j'apprécierais, si cela vous était possible, que vous expliquiez davantage le sens précis de votre recommandation concernant l'article 52.

M. Fournier: Oui. M. le ministre...

M. Marois: II y a aussi — je tiens à vous le dire — un bon nombre d'autres recommandations. Je n'ai pas l'intention ni le temps de les reprendre toutes. Je ne veux pas abuser du temps de la commission. Je sais que mes collègues ont des questions aussi à vous poser. Je signale au passage notamment, et non exclusivement, une autre chose qui m'a frappé particulièrement, c'est votre recommandation concernant l'article 72. Je pense que la recommandation qui est là mérite aussi d'être considérée très sérieusement, etc.

Voilà pour l'instant, M. le Président, mes premiers commentaires et questions.

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Tout d'abord au niveau de la sécurité et la prévention, c'est sûr qu'on souhaite une structure plus solide dans le sens qu'il puisse y avoir la possibilité... Je pense que ceci va impliquer du financement. D'ailleurs, si la sécurité est davantage développée, le besoin de financement au niveau curatif est minimisé. Pour ce faire...

M. Marois: Peut-être pas nécessairement à court terme, mais dans une perspective, si on regarde l'expérience des autres — je regarde l'Allemagne, la Saskatchewan — sur une période de quatre ou cinq ans, effectivement.

M. Fournier: Oui. Pour ce faire, j'ai l'impression qu'il faut développer un peu l'aspect de la recherche et développer, entre autres, chez le travailleur des attitudes sécuritaires de travail, mais il faut davantage l'informer des nouveaux produits en ce qui concerne l'activité de l'industrie chimique qui est quand même un domaine difficile à trancher au niveau de substances qui peuvent causer des dangers, parce que, des fois, les

séquelles peuvent être à long terme et être difficilement prévisibles, de telle sorte que si on investit davantage de ce côté-là et qu'on structure un apprentissage à fonctionner de façon plus sécuritaire dans diverses industries, on améliorera effectivement la santé du travailleur par ricochet.

M. Marois: Au fond, vous me dites: II faut mettre un accent beaucoup plus important sur la recherche, ce que prévoient certains articles du projet de loi. Il faut mettre un accent beaucoup plus important sur l'information, au fond, ce qui ressort des résultats de la recherche, qu'il y ait une espèce de plaque tournante d'entrée des données, des résultats de la recherche suivie de la plus large diffusion possible, de la formation et de l'information. Vous me dites en même temps la nécessité qu'il y a de s'assurer de la mise à contribution de toute la gamme et de toutes les catégories requises de professionnels qualifiés, compétents dans ce domaine-là. Il va de soi, par exemple, que cela implique les chimistes, notamment. (15 h 30)

Vous n'aurez pas beaucoup de difficulté à me convaincre. Je partage entièrement votre avis, mais ce que je n'arrive pas à comprendre aussi bien, c'est que tout ce que vous évoquez là me semble déjà être prévu dans le projet de loi no 17.

Or, cela ne semble pas être votre point de vue. Vous dites: Non, il faudrait, au contraire, y ajouter un chapitre tout à fait spécial sur la sécurité comme telle.

M. Fournier: Oui, pour mieux regrouper les éléments de formation qui sont nécessaires, parce que si on regarde le projet de loi au point de vue des structures, au niveau des services de santé, c'est comme si on dit: Bien, les accidents vont se produire encore sur une bonne échelle, donc, il faut structurer de façon très forte les services de santé. On sait quand même déjà qu'avant l'arrivée du projet de loi, touchant l'aspect de la sécurité, les services de santé étaient bien développés et continuent dans ce sens.

C'est au niveau de l'aspect sécurité, des attitudes chez les individus que c'est beaucoup moins développé dans la province.

M. Marois: Je discuterais, mais, enfin, on ne commencera pas une discussion. On a eu l'occasion de l'avoir assez longuement en ce qui concerne votre affirmation des services de santé bien développés en matière de santé au travail. Je discuterais un peu cette affirmation mais, enfin, on en est sur la question de la sécurité au travail comme telle.

M. Fournier: À l'article 52, tel qu'il est formulé dans le projet de loi, c'est écrit: "Nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, distribuer, installer ou utiliser un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse, à moins que ceux-ci ne soient sécuritaires." C'est au niveau du fond même du texte. Vous dites: "À moins que ceux-ci ne soient sécuritaires ou conformes aux normes prescrites par règlement". Ceux-ci, est-ce que cela veut dire au point de vue fabrication, fourniture, vente et ainsi de suite, ou est-ce que cela touche les personnes qui vont opérer? C'est la raison pour laquelle on souhaite la transformation de la phrase pour dire ce qu'on a écrit dans notre mémoire. Je vais prendre la dernière partie: "À moins que ceux-ci soient fabriqués", parce que c'est au niveau de toutes les manipulations et de tous les comportements qui vont se faire que les dangers peuvent survenir; c'est la raison pour laquelle on suggère de l'écrire de la façon suivante: "À moins que ceux-ci soient fabriqués, fournis et vendus", parce que le produit en soi qui est vendu, si les informations au point de vue sécurité ne sont pas toutes données, dans le geste de la vente, il y a un manque. C'est la raison pour laquelle on précise la phrase comme cela... "vendus, distribués, installés ou utilisés de façon sécuritaire et conforme aux normes prescrites par règlement." C'est dans ce sens-là. Je pense que c'est au niveau du texte français, littéraire qu'on rejoint mal ce qui doit être sécuritaire. "À moins que ceux-ci soient sécuritaires". Ceci veut dire quoi au juste? C'est dans ce sens. C'est la raison pour laquelle on précise "À moins que ceux-ci soient fabriqués, utilisés, vendus" et tout ce qui suit. Je ne sais pas si vous voyez le point au niveau du texte? Parce que c'est au niveau de la fabrication comme telle qu'on doit avoir des gestes, des attitudes et des manipulations sécuritaires, et au point de vue transport également; c'est tout le contexte.

M. Marois: C'est le premier membre de phrase. En d'autres termes, on ne peut pas fabriquer, on ne peut pas fournir, vendre, distribuer, installer, utiliser un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse, à moins que ceux-ci ne soient sécuritaires et conformes aux normes prescrites par règlement.

M. Fournier: À moins que ceux-ci, à notre point de vue...

M. Marois: Mais je pense que je...

M. Fournier: ... cela comprend toutes les attitudes, les comportements, les verbes d'action qui sont là. C'est pour cela qu'on a formulé notre mémoire dans ce sens. Je ne sais pas si vous voyez la nuance qui apparaît.

M. Marois: D'accord.

M. Fournier: À l'article 372, vous avez dit, et vous allez être sensibles à ce point-là...

M. Marois: Oui.

M. Fournier: Je peux laisser la parole à mon collègue, Réal Laliberté, s'il veut préciser... non, pas de problème; cela semble complet? D'accord.

Pour notre part, cela semble résumer l'essence des lacunes signalées par notre mémoire. Cela complète les réponses.

M. Marois: Juste une chose, M. le Président, si vous le permettez. Vous demandez qu'il soit précisé, à l'article 93, tel que proposé, pour qu'il soit clair... si je comprends bien, au fond, ce que vous demandez, c'est de faire en sorte que l'article 93 soit reformulé pour qu'il soit clair qu'un programme de santé inclue l'identification et l'évaluation des risques à la santé, d'y ajouter la dimension — on l'a un peu évoqué l'autre jour dans nos discussions — toute la dimension de l'hygiène industrielle et, au fond, là aussi, vous revenez à votre préoccupation première qui — en tout cas ce que vous évoquiez — est l'idée d'intégrer la sécurité à l'intérieur même du programme de santé, mais dans un concept beaucoup plus large que ce que vous percevez à la lecture du texte que vous faites.

M. Fournier: Et qui oblige à faire intervenir d'autres professionnels susceptibles de collaborer à une organisation de la sécurité et de la prévention.

M. Marois: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je serai très bref. Je me limiterai à remercier l'Ordre des chimistes du mémoire qu'ils nous ont présenté ce matin. C'était bref, mais c'était quand même important et les points que vous avez mis en relief et que vous avez voulu porter à l'attention de la commission impliquent nécessairement que nous devrons revenir là-dessus, surtout lors de l'étude du projet de loi article par article en deuxième lecture. J'ai bien apprécié vos références à l'article 1, définition 19c, surtout en ce qui a trait à la matière dangereuse et au danger physique comme tel.

Ces aspects, soyez convaincus que nous aurons l'occasion d'y revenir bien spécifiquement lors de l'étude article par article, pour voir jusqu'où il y a moyen, où il y a possibilité d'aller dans le sens de ce que vous formulez et représentez aujourd'hui.

Messieurs, merci beaucoup!

M. Fournier: Merci. Il nous fera plaisir d'offrir notre collaboration pour la réglementation.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres intervenants. Alors, je remercie, au nom de la commission, les participants à ces travaux du côté de l'Ordre des chimistes du Québec et j'invite maintenant l'Association pétrolière du Québec à se présenter devant nous.

Selon le télégramme que nous avons reçu ce matin, auquel j'ai fait allusion au début de nos travaux, la Compagnie des produits Gulf Canada viendrait aussi témoigner en même temps.

J'invite d'abord le porte-parole de l'Association pétrolière du Québec à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Association pétrolière du Québec et Gulf Canada

M. Taschereau (Roger): À ma gauche, M. Carl Lussier, de la compagnie BP Canada, qui est un spécialiste en hygiène industrielle; à la gauche de M. Lussier, M. Yvon Fredette, de la Compagnie Gulf Canada, directeur des affaires publiques; à ma droite, M. Thomas Lavoie, de Texaco Canada, qui est conseiller juridique chez Texaco et conseiller juridique à l'Association pétrolière du Québec; à la droite de M. Lavoie, M. René Fontaine, de la Compagnie pétrolière Impériale Ltée, qui est directeur de la sécurité et de l'environnement.

Le Président (M. Dussault): Je n'aurai donc pas à demander à la Compagnie des produits Gulf Canada de s'identifier. C'est M. Fredette, qui en est le porte-parole? D'accord. Je vais donc commencer par demander à l'Association pétrolière du Québec de nous présenter son mémoire; ensuite, à la Compagnie des produits Gulf Canada, en essayant, dans la mesure du possible, de faire tout ça en 20 minutes, mais nous serons tolérants, je vous le dis tout de suite.

M. Marois: M. le Président, je ne sais pas si je peux me permettre, parce que c'est le choix le plus total et le plus libre des groupes qui se présentent devant nous. Il y a l'Association pétrolière du Québec, et je comprends que la compagnie Gulf intervient en même temps et aura sûrement des choses, des aspects particuliers ou précis sur lesquels elle désire attirer notre attention, qui intervient en même temps... Ce qui facilite forcément, pour nous, en tout cas, bien sûr, les travaux. Je sais qu'il y a aussi d'autres entreprises du même secteur économique qui doivent être entendues aussi cet après-midi. Je ne sais pas si c'est leur intention, leur souhait d'intervenir aussi en même temps. Encore une fois, ça, c'est le choix le plus total et le plus libre des groupes d'intervenir au moment où ils le jugent opportun, sur la base des invitations qui sont faites. Cela permettrait de faire un tour d'horizon peut-être plus complet, en même temps, enfin... C'est le choix des parties.

M. Pagé: Si je comprends bien, M. le ministre, vous vous demandez si la commission ne pourrait pas profiter de l'audition du mémoire de l'Association pétrolière du Québec pour entendre en même temps tous les intervenants, quitte à ce qu'on prenne plus de temps. Quant à moi, je n'y vois pas d'objection en autant, évidemment, que les intervenants, BP, Gulf, Shell, Impériale, soient d'accord. Il n'y a pas de problème à ce qu'on entende l'association et en même temps les intervenants spécifiques.

M. Taschereau: M. le Président, il y aurait peut-être lieu, tout d'abord, d'entendre le mémoire

de l'association, et possiblement que pour les commentaires, ce sera à votre discrétion, à ce moment-là.

M. Pagé: Allons-y.

M. Taschereau: Je me présente, mon nom est Roger Taschereau, je suis à l'emploi de Pétrofina (Canada) Ltée et présentement j'ai l'honneur d'être le président de l'Association pétrolière du Québec. En tout premier lieu, tel que mentionné déjà, le mémoire déjà envoyé à la commission par la compagnie Gulf du Canada ne sera pas commenté, contrairement au mémoire de l'Association pétrolière du Québec. Ceci devrait faciliter le travail d'audition de la commission. Néanmoins, ce document préparé par la compagnie Gulf Canada m'apparaît d'une importance primordiale et supporte pleinement la position prise par le Conseil du patronat, ainsi que celle de l'Association pétrolière du Québec.

Je vous demanderais donc, M. le Président, que ce mémoire soit versé au journal des Débats.

Le Président (M. Dussault): Parfait, oui. (Voir annexe F)

M. Taschereau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Avant que vous commenciez, est-ce que vous pourriez me confirmer si j'ai eu une bonne perception, est-ce que vous avez nommé quelqu'un de la compagnie pétrolière Impériale Ltée?

M. Taschereau: II y a M. Fontaine de la compagnie pétrolière Impériale Ltée qui est avec nous.

M. Pagé: Ce n'est pas le mémoire de la compagnie Impériale Ltée, si je comprends bien.

M. Taschereau: C'est cela.

Le Président (M. Dussault): D'accord.

M. Taschereau: Le mémoire préparé par l'Association pétrolière du Québec indique clairement que nous sommes pleinement d'accord avec l'objectif ultime du projet de loi no 17 qui est d'assurer et d'améliorer la santé et la sécurité au travail. Tout en étant d'accord avec les buts visés, nous demeurons néanmoins sceptiques en ce qui a trait à certains moyens proposés nous permettant d'atteindre cet objectif. Les principaux points de notre mémoire sont les suivants:

Premièrement, l'affaiblissement du pouvoir décisionnel et l'augmentation de la responsabilité de l'employeur. Deuxièmement, la duplication des services et l'augmentation des coûts. Enfin, certains commentaires spécifiques.

Afin d'éviter une lecture longue et fastidieuse de notre mémoire, nous nous contenterons de commenter les deux premiers points, la commission ayant déjà pris connaissance et étant familiè- re avec nos commentaires spécifiques. Je vous demanderais donc à nouveau, M. le Président, que notre mémoire soit versé intégralement au journal des Débats.

Le Président (M. Dussault): Cela vous est accordé. (Voir annexe G)

M. Taschereau: Merci, M. le Président.

L'Association pétrolière du Québec est un regroupement de sociétés pétrolières parmi lesquelles on compte les sept raffineurs du Québec. Soulignons d'abord que les raffineurs du Québec affichent un taux d'accident très bas et un niveau de santé respectable de ses travailleurs, en dépit des risques inhérents à certaines activités de leurs établissements respectifs. Ce fait a même entraîné une réduction du taux de leur contribution en vertu de la Loi sur les accidents du travail. Nous soulignons à cet effet les statistiques telles que produites dans le livre blanc. Ces chiffres sont révélateurs et m'apparaissent d'une importance capitale dans la présentation de notre mémoire. (15 h 45)

À la page 24, le tableau 5, le nombre d'accidents de travail par secteur d'activités économiques, les accidents du travail n'ayant requis que des soins médicaux et ceci, de l'année 1973 à l'année 1977. Si nous allons à la section "Produits du pétrole ", vous verrez qu'en 1973 le nombre 12 est mentionné sur un total de 118 000. En 1974. vous en avez six sur un total de 127 000. Pour 1975, huit sur un total de 132 000. En 1976, douze sur un total de 122 000 et enfin en 1977, vous en avez sept sur un total de 110 000.

De l'autre côté du tableau, les accidents du travail ayant entraîné une absence au travail, ce sont sensiblement les mêmes chiffres: pour 1973, onze; en 1974, onze; en 1975, quatre; en 1976, dix-huit et finalement en 1977, douze. Encore une fois, sur des chiffres de 120 000, 144 000, 142 000, etc.

Maintenant le tableau 7, à la page 28: Les maladies n'ayant requis que des soins médicaux et celles encore sous étude. Nous couvrons ici les années 1974, 1975, 1976 et 1977. Sur un total en 1974 de 948, l'industrie pétrolière n'en a pas. Le même résultat se produit en 1975, zéro; le même résultat se produit en 1976, zéro et finalement en 1977, un, sur un total de 5088.

De l'autre côté du tableau, les maladies ayant entraîné une absence au travail ou une incapacité permanente: En 1974, l'industrie pétrolière zéro; en 1975, zéro; en 1976, un, et finalement en 1977, zéro; tout ça sur des totaux respectifs de 600, 1595, 1600 et 1200.

À la page 32, le tableau 8: Nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles: Par 100 travailleurs, selon le secteur d'activité économique, les produits pétroliers, en 1973, 0.35 alors que la moyenne générale était de 6.29; en 1974, 0.33 alors que la moyenne générale était de 7.28; en 1975, 0.11 alors que la moyenne générale était de 6.99; en 1976, 0.52, alors que la moyenne générale était de 7.36 et enfin en 1977, 0.31 alors que la moyenne générale était de 7.41.

À la page 40, le tableau 13, les mêmes chiffres relatifs à la moyenne continuent de se répéter et je vais passer par-dessus ce tableau-là. Finalement, à la page 46, qui donne le nombre d'incapacités permanentes par 1000 travailleurs et ceci couvre de 1973 à 1976. En 1973 zéro, en 1974 deux; en 1975, 1976 zéro; le nombre d'incapacités permanentes: 1974, deux; 1973, 1975 et 1976 zéro.

Ces résultats démontrent le souci, et la réussite obtenue par les membres de notre association dans leurs efforts pour maintenir des conditions de travail qui respectent la santé et la sécurité des travailleurs, en dépit du fait que nous travaillons avec ce qui est considéré comme des produits dangereux. Les mécanismes utilisés par nos membre comportent un personnel qualifié en matière de santé et de sécurité au travail et, depuis quelques années, des comités de santé et de sécurité composés de travailleurs.

Notre association reconnaît le besoin d'harmoniser les diverses législations qui régissent la santé et la sécurité au travail et appuient les principes généraux énoncés dans le projet de loi. Cependant, elle est préoccupée par les mécanismes de participation proposés, dont certains semblent partager inéquitablement les responsabilités et les pouvoirs.

Les principaux points de notre mémoire sont premièrement, l'affaiblissement du pouvoir décisionnel. Tout en reconnaissant aux travailleurs le droit de participer à l'élaboration des mesures d'hygiène et de sécurité, nous estimons que ce droit devrait plus justement avoir un caractère consultatif plutôt qu'un caractère décisionnel. Car on doit reconnaître à l'employeur le droit de faire fonctionner son entreprise, puisque ce droit découle des devoirs et des obligations qu'il a précisément envers les travailleurs; la planification générale, la surveillance, bien sûr, la rentabilité, la rémunération. Pour ces motifs, nous nous opposons au pouvoir décisionnel accordé au comité prévu aux paragraphes 1, 2, 5 et 12 de l'article 63.

Nous reconnaissons toutefois le besoin et l'efficacité d'une collaboration constante entre l'employeur et les travailleurs sur les questions suivantes: le choix des moyens et les équipements de protection, les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité, l'élaboration des modalités d'application du programme de santé dans l'établissement. Il est bien entendu que cette forme de participation du travailleur que nous souhaitons ne doit être qu'à titre purement consultatif. Il est injuste de proposer que l'employeur, seul et unique responsable de la santé et de la sécurité de son personnel, ne soit pas capable de prendre les décisions finales dans un domaine qui engage gravement sa responsabilité.

La commission peut toujours exister comme arbitre en cas de désaccord entre le comité et l'employeur sur ces questions. Mais les mots "décision du comité" devraient être remplacés par "recommandation du comité".

En outre, c'est en vertu de son droit de gérance que l'employeur doit être seul à choisir ses experts médicaux. L'association s'oppose donc fermement au choix du médecin responsable des services de santé de son établissement par le comité de santé et de sécurité proposé par l'article 88. Elle s'oppose autant au choix de ce même médecin par le chef du département de santé communautaire. Ces dispositions du projet de loi constituent une atteinte, précisément, aux droits de gérance de l'employeur et mettent en doute l'intégrité professionnelle du médecin lui-même.

Ces dispositions semblent en effet présumer qu'un professionnel choisi et payé par l'employeur perd son intégrité. Le médecin qui accepte de travailler pour un employeur ne renonce pas à son code de déontologie. Cela est aussi vrai de tout autre professionnel ou contremaître embauché par un employeur. Tout en reconnaissant l'avantage d'une consultation avec la commission et un centre hospitalier, nous nous opposons à l'obligation de se conformer à un programme-cadre qui serait imposé par une tierce partie et qui ne tiendrait pas compte des exigences particulières d'une entreprise.

Nous estimons que le département de santé communautaire devrait se contenter de voir au respect des obligations générales et du programme-cadre prévu par la loi.

Il est important selon nous que les personnes chargées de planifier et de réaliser un programme de santé soient sur les lieux de l'entreprise et en fassent, autant que possible, intégralement partie. Les avantages principaux d'un tel rapprochement sont l'accès aux modifications ou améliorations constantes dont l'entreprise fait l'objet, à partir de l'étape de l'élaboration jusqu'à celle de la mise en application des différents projets, ainsi qu'une meilleure connaissance des problèmes particuliers de santé et de sécurité des travailleurs de cette entreprise.

En outre, le pouvoir d'embaucher et de congédier un membre du personnel, professionnel ou non, doit demeurer le droit exclusif de l'employeur. Pour cette raison, nous nous opposons au pouvoir de démission accordé par les articles 91 et 92.

Nous estimons que les comités de discipline de l'Ordre des médecins ont les connaissances et l'autorité nécessaires pour juger de la compétence de l'un de ses membres. Agir autrement serait créer un tribunal parallèle aux organismes professionnels qui sont déjà en place.

Nous sommes d'accord sur le rôle du chef de département de santé communautaire pour la plupart des fins visées par l'article 100; nous recommandons même une augmentation des cliniques dites interindustries, pour rendre plus accessibles les services de santé et de sécurité aux petites et aux moyennes entreprises.

Les objections majeures que nous venons de soumettre sont fondées sur le pouvoir décisionnel de l'employeur, auquel correspond naturellement une obligation et la responsabilité de la santé et de la sécurité envers ceux qui travaillent dans son établissement.

La duplication des services et l'augmentation des coûts. Nous croyons que certaines des activités énoncées par ce projet de loi sont répétitives et créent une duplication des tâches. Ainsi, nous nous opposons à cette facilité qui permettrait la formation d'une association sectorielle en matière de santé et de sécurité au travail. Nous estimons que cette matière relève davantage de l'établissement individuel. La création d'une association sectorielle entraînerait possiblement des mécanismes administratifs nombreux et lourds.

Nous croyons qu'il y aurait aussi lieu de réduire le nombre de rapports et de documents qui doivent être produits par le comité de santé et de sécurité quand ces documents sont déjà rédigés par l'employeur.

Il y aurait lieu de réduire la liste des destinateurs, destinataires, des différents rapports d'activités, surtout lorsque les membres du comité de santé et de sécurité en reçoivent une copie en même temps qu'une association accréditée.

Ceci, M. le Président, termine notre présentation. Nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Dussault): Merci. Est-ce que M. Fredette veut ajouter quelque chose à cet exposé?

M. Fredette (Yvon): Non, M. le Président, nous sommes d'accord et appuyons d'ailleurs, comme M. Taschereau l'a mentionné, le mémoire du Conseil du patronat qui a soulevé tous les points que nous avons soulevés dans notre mémoire et aussi le mémoire de l'Association pétrolière du Québec.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association pétrolière du Québec et remercier également la compagnie Les produits Gulf Canada de leurs mémoires.

Déjà on a eu l'occasion, au cours de nos travaux, en particulier lors du témoignage du Conseil du patronat du Québec, lors du témoignage de la Chambre de commerce, d'aborder un certain nombre de problèmes et un certain nombre des points que vous soulevez dans vos mémoires aujourd'hui. Sans reprendre tous et chacun des éléments, je m'attarderai plus particulièrement à quelques aspects qui sont soulevés dans vos mémoires. (16 heures)

Sans reprendre toute la discussion sur le fameux pouvoir décisionnel, pas du tout, un peu, beaucoup ou passionnément, on a entendu à peu près toute la gamme, le spectre complet de toutes les possibilités qui nous ont été formulées sous forme de recommandations depuis le début de nos travaux. Une affirmation que vous faites dans le sens que la décision finale — c'est comme si vous sembliez l'indiquer — sur des choses essentielles allait échapper, en vertu du projet de loi 17, aux droits de gérance de l'entreprise m'étonne un peu. C'est vrai que le projet de loi 17 propose que, dans le cas du médecin, le choix soit fait par le comité paritaire. Loin de nous l'intention de mettre en doute l'intégrité professionnelle comme telle — c'est une affirmation que vous avez faite — des personnes concernées, bien au contraire. Vous étiez, je présume, ici ce matin, analogiquement, quand on a entendu le témoignage de l'Association des conseillers en sécurité qui elle-même — enfin, c'est son point de vue basé sur sa pratique — est venue nous dire que la situation, les conditions dans lesquelles elle était appelée à travailler avaient pour effet de miner sa crédibilité et elle est allée même jusqu'à nous dire qu'elle croyait qu'elle ne pouvait pas travailler en pleine et totale objectivité et que même elle était amenée à être partiale dans certaines décisions. Concrètement, on a illustré cela de la façon suivante, notamment, en disant: Dans certains cas, à cause de cet état de fait, on va recommander le port d'un équipement de sécurité, alors que nous savons que le problème n'est pas là, qu'il y a une cause et qu'il y a moyen de régler cette cause-là sur la base des connaissances technologiques données, etc. Donc, on est pris à agir dans une situation de très grande partialité, alors qu'on sait qu'il y aurait moyen, lieu et possibilité de corriger à la source un problème donné. En d'autres termes, je pense que des témoignages comme ceux-là nous obligent à réfléchir très sérieusement. Je pense que vous en conviendrez.

D'autre part, je me permets aussi de vous indiquer que le paragraphe 3 de l'article 48, qui porte sur le programme d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux, l'organisation, l'équipement, le matériel, les contaminants, etc., ne fait pas partie du pouvoir décisionnel du comité paritaire. Bon nombre d'intervenants devant cette commission nous ont demandé, à l'opposé de ce que vous dites, de faire en sorte que même ce bloc, que les parties soient pleinement associées dans la mesure où elles se sentent concernées au premier chef. D'autres groupes nous demandent par ailleurs d'élargir ce pouvoir décisionnel.

Le deuxième point que je voulais aborder, c'est ce que vous appelez la duplication des services et, par voie de conséquence, l'augmentation des coûts. Je comprends que vous vous opposiez à la création de l'association sectorielle. Sur ce point-là, on a entendu par ailleurs d'autres sons de cloche. Le Conseil du patronat, notamment, si ma mémoire est bonne, ne s'oppose pas à cela. Il propose un certain nombre de recommandations, d'ajustements, de modalités de fonctionnement, mais il ne s'oppose pas du tout à la création d'associations sectorielles qui demeurent des associations volontaires, le seul cas d'exception étant la construction où là, et pour cause, l'association serait obligatoire.

L'argumentation au soutien de votre position, si je lis attentivement votre mémoire, tiendra au fait que de votre point de vue, le lieu privilégié par

excellence, prioritaire, pour traiter de ces problèmes-là, demeure l'établissement. Bien sûr, l'établissement est le lieu par excellence où on doit s'occuper de la santé et de la sécurité. Je pense que le projet de loi le reconnaît plus qu'amplement, plus que largement, mais on croit que la mise sur pied de l'association sectorielle pourrait être éminemment utile.

Il y a des problèmes qui sont communs à certaines entreprises d'un secteur donné qui pourraient peut-être être analysés de façon plus large dans le cadre d'un regroupement sectoriel. Il y a une chose très précise qui m'étonne un peu. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer davantage votre position en ce qui concerne le retrait préventif de la femme enceinte. Vous nous proposez, si je comprends bien, dans votre mémoire de maintenir le délai de huit jours prévu par la Loi sur les normes du travail.

Si c'est le cas, si j'ai bien compris votre mémoire et si c'est vraiment le sens de votre recommandation, j'attire votre attention sur le fait et j'aimerais avoir votre réaction que lorsqu'un danger est détecté dans la perspective de l'introduction du retrait préventif pour la femme enceinte, lorsqu'un danger est détecté pour une femme enceinte, il faut, évidemment, ne pas perdre de vue que cela fait quoi? Il y a au moins deux mois que cette personne risque d'être exposée à ce danger, puisqu'il y a le minimum de temps requis pour savoir si oui ou non une femme est enceinte et les spécialistes disent: II y a une période de deux mois à peu près.

Donc, il y a déjà ces deux mois-là. Il faut, s'il y a eu ces deux mois-là, ajouter un délai additionnel. Ne pensez-vous pas qu'on amplifie le risque, alors que l'objectif est précisément de tenter de prévenir, avant que soit causé un dégât qui devienne... Dans le cas des humains, encore une fois, il y a des choses qui sont irréparables: l'esprit et l'économie étant plutôt de viser à prévenir que d'être pris pour corriger des choses qui, dans certains cas, ne peuvent pas l'être. Donc, j'aimerais que vous précisiez un peu votre point de vue là-dessus.

Vous vous opposez également à ce que la commission fournisse des fonds aux associations syndicales pour les fins de formation ou d'information de leurs membres, ce qui n'exclut pas en plus, bien sûr — vous le saviez; cela ressort de l'ensemble de la loi — la nécessité de mettre des fonds de façon beaucoup plus importante, substantielle que cela n'a été fait par le passé, dans le domaine général de la formation et de l'information, aussi bien à l'échelle nationale que sectorielle, qu'au niveau des établissements.

J'ai également eu l'occasion d'indiquer que j'étais prêt à regarder, parce que l'argument étant que ces fonds-là proviennent des cotisations des employeurs, il n'y a pas de raison que cela serve à financer la formation donnée par des associations syndicales. Je trouve cette argumentation déjà un peu courte. Mais enfin, j'ai déjà en plus indiqué qu'on regardera à nouveau ce qui avait été évoqué dans le livre blanc, la possibilité que le gouverne- ment — comme il va le faire, c'est-à-dire assumer essentiellement les coûts de l'ensemble des opérations d'inspection — puisse apporter une contribution financière additionnelle à la commission dans le domaine de la formation et de l'information.

Mais enfin, je pense qu'il serait intéressant d'entendre votre argumentation de façon peut-être un peu plus détaillée sur ce point.

En terminant, sans abuser, j'aurais deux questions précises additionnelles. J'aimerais avoir votre avis sur l'introduction d'un représentant à la prévention pour les travailleurs, qu'il y ait ou non un syndicat. Est-ce que vous êtes favorable, est-ce que vous êtes défavorable à cela?

Un des mémoires d'une des compagnies — c'est la compagnie pétrolière Impériale Ltée — ne semble pas s'opposer à l'introduction des représentants à la prévention, bien qu'elle nous formule toute une série de recommandations pour faire en sorte que le projet de loi soit beaucoup plus souple à cet égard; d'autres recommandations notamment visant à faire en sorte qu'ils ne soient pas membres du comité de santé et de sécurité, etc., mais le principe de l'introduction du représentant à la prévention semble accepté par la compagnie pétrolière Impériale. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus et, une dernière question très précise, qui a été soulevée, enfin, non pas discutée devant nous, mais insérée dans un des mémoires qu'on a reçus depuis le début de nos travaux et qui concerne l'application de la Loi sur le commerce de produits pétroliers au Québec.

Selon les témoignages écrits, dans les mémoires qui ont été remis à la commission, il semble qu'une pratique existe dans le cas du transport par camion de deux produits, comme on dit dans le jargon, "sur le même voyage", le même transport et, à ce moment-là, on utilise, si je comprends le système, une plaque de séparation, dans le cas de transport de deux produits sur un même voyage, des plaques de séparation de compartiments pour éviter qu'il y ait un mélange des deux produits. Il semble, dans la pratique, qu'effectivement ce n'est pas sans créer des situations extrêmement dangereuses, selon les témoignages écrits qu'on a eus jusqu'à ce jour, et je pense qu'il serait extrêmement important qu'on ait votre point de vue à ce sujet.

Il se serait produit... J'ai demandé qu'on procède à des vérifications pour me confirmer si c'était exact ou non, les témoignages écrits, les confirmations qui m'ont été communiquées. C'est que les faits qui sont rapportés dans un mémoire qu'on a eu, qui a été déposé ce matin, provenant des travailleurs des industries lourdes de l'Est de Montréal, les faits sont exacts, trois explosions qui se seraient produites dans la même semaine, deux blessés, un gravement; la semaine suivante, un chauffeur d'un camion décédé à la suite d'une autre explosion; une autre explosion qui aurait amené la mort d'un autre chauffeur au moment où il chargeait le camion citerne. Les explosions auraient eu lieu parce que les chauffeurs de camions qui étaient en train de charger leurs camions de

distillés, mais dans lesquels camions il y avait eu de l'essence et, semble-t-il que— je ne suis ni chimiste, ni expert — le distillé est conducteur d'électricité statique et que, par voie de conséquences, il peut se produire des étincelles dans le compartiment, de telle sorte que ça peut produire des explosions et, effectivement, c'est ce qui se serait produit.

Je voudrais connaître votre point de vue sur cette situation, si vous confirmez cette pratique, à votre connaissance et, si oui, de quelle façon il est possible, conformément à la Loi sur le commerce des produits pétroliers, d'y remédier dans les plus brefs délais indépendamment de l'adoption du projet de loi no 17?

Le Président (M. Dussault): M. Taschereau.

M. Taschereau: M. le Président, M. le ministre a touché à de nombreux points. En tout premier lieu, j'aimerais bien revenir très rapidement sur ce qu'on a appelé le pouvoir final de décision. Le pouvoir de décision, dans notre esprit, n'est pas synonyme de refuser la discussion, la coopération ou des choses comme ça. Mais je voudrais bien faire le point, à savoir que le pouvoir de décision final va avec les responsabilités. Alors, évidemment, lorsqu'on donne à quelqu'un des responsabilités à 100%, on doit lui donner les outils qui lui permettront d'assumer ces responsabilités.

Lorsqu'on parle de pouvoir décisionnel ou de droit de gérance, c'est en ce sens-là que ces mots... Parce qu'il vient un moment donné où ces mots sont employés un peu à toutes les sauces et ne veulent plus réellement dire ce qu'ils veulent dire. (16 h 15)

Le premier point soulevé par le ministre: la décision finale sur le choix du médecin. Si nous retournons aux chiffres que nous mentionnions tout à l'heure, nous devons avouer que les résultats que nous avons eus dans les dernières années — avec des chiffres qui ne sont pas les nôtres, mais qui sont ceux du livre blanc — alors que nous travaillons avec des produits qui sont considérés comme inflammables et dangereux, sont excellents. En fait, ces résultats dans tous les secteurs ne sont pas seulement supérieurs à la moyenne, mais ce sont les meilleurs de tous, en dépit des dangers qui sont inhérents au pétrole.

Bien sûr, de quelle façon avons-nous réussi cela? Nous avons travaillé avec des médecins depuis de nombreuses années sur des programmes de prévention, des programmes de formation, des programmes d'information, avec les résultats que nous avons aujourd'hui. Pour ce faire, il est très important, à notre avis, que le médecin fasse partie intégrante de l'entreprise, que non seulement ce soit un médecin qualifié en médecine industrielle, mais qu'il s'associe très étroitement au produit qu'il doit soigner plus tard, ou prévenir las maladies.

C'est en ce sens que si le médecin, au lieu de dépendre... Dans le cas de l'industrie pétrolière —et cela doit s'appliquer certainement à d'autres industries qui ont aussi de bons résultats, nous ne sommes pas les seuls — nous perdrions cette flexibilité que nous avons actuellement d'amender nos programmes d'information et de formation que nous devons faire de mois en mois. Si on perd cette flexibilité, les chances sont que dans l'avenir, possiblement, nos résultats — je ne veux pas encenser l'industrie pétrolière, nous ne sommes pas parfaits, nous tendons vers la perfection — si nous n'avons pas pleine flexibilité dans ce sens, pourront être moins bons ou plus difficiles à atteindre alors que ce que nous avons développé à ce moment-ci, nous apparaît être la bonne formule ou la bonne façon de le faire puisque les résultats sont là pour le prouver.

Je ne sais pas si cela répond au premier point du ministre. Le deuxième point, M. le ministre, vous avez soulevé le cas de la femme enceinte et j'aimerais bien que mon collègue, M. Thomas Lavoie puisse répondre à ce point.

M. Lavoie (Thomas): M. le Président, la question de la travailleuse enceinte, selon nous, s'assimile beaucoup au droit de refus de travailler. Pour les compagnies membres de cette association, il n'y a pas de problème pour la question du droit de refus au travail. Une travailleuse enceinte pourrait avoir un droit de s'expliquer beaucoup plus rapide que les délais qui ont été mentionnés tantôt par le ministre. Si on a fait un rapport, tantôt, relativement aux articles 32 et suivants, pour essayer d'inclure cela dans le projet de loi no 126, ce n'était pas pour une question de délai, mais on voyait plutôt cela sous le chapeau des dispositions gouvernant déjà la travailleuse enceinte.

M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ceci répond à la question?

M. Marois: C'est une réponse.

M. Lavoie (Thomas): Si je peux préciser, M. le ministre...

M. Marois: Pour être très franc, vous ne me convainquez vraiment pas.

M. Lavoie (Thomas): Je ne tente pas d'éviter la question, mais comme je vous l'ai dit...

M. Marois: Ce que vous me dites, c'est que c'est selon la coupe de la Loi des normes, mais vous ne répondez absolument pas à ce que j'évoquais tantôt. Si c'est exact qu'il y a un minimum déjà de deux mois pour savoir si oui ou non, au point de départ, il y a un état de grossesse ou pas, que par l'application de la Loi des normes minimales, on ajoute le délai de huit jours en plus, ne pensez-vous pas qu'on accroît le problème qu'on cherche à régler ensemble? Tout le monde va en bénéficier, finalement. Ce sera moins coûteux pour tout le monde.

Quand on parle de la productivité, par exemple, ce n'est pas une abstraction accrochée dans les nuages, c'est l'ensemble du climat des condi-

tions générales. Si j'aime faire mon travail et les conditions dans lesquelles je le fais, il est certain que je vais avoir une meilleure performance que si je le fais dans des conditions où, pour toutes sortes de raisons, ça va plus ou moins. C'est certainement un facteur rattaché à la productivité. Je ne dis pas que c'est le seul, je dis que c'en est un.

M. Lavoie (Thomas): M. le ministre, vous semblez prétendre que notre mémoire a attaqué les dispositions qui couvrent le retrait préventif de la travailleuse enceinte.

M. Marois: Non, je m'excuse, je ne veux pas être mal interprété. Pas du tout, ce n'est pas ce que je dis. Je voulais simplement comprendre pourquoi, dans votre mémoire, vous proposez, à toutes fins utiles, que soit maintenu le délai de huit jours qui est prévu par la Loi sur les normes de travail. J'avoue que je ne comprends pas pourquoi. C'est simplement ça.

Je comprends parfaitement bien que vous ne vous opposez pas au principe...

M. Lavoie (Thomas): Mais le mémoire... Il y a essentiellement dans ça une erreur, en ce que les délais, quant à nous, ne devraient pas être ceux que vous venez de mentionner...

M. Marois: Ah bon!

M. Lavoie (Thomas): ... mais on voyait ça plutôt dans un domaine qui serait mieux gouverné par la loi 126. Comme on l'a dit tantôt, la question pour une travailleuse qui se présente chez nous, je ne peux pas vous donner des cas pratiques, parce que je n'en ai pas, mais je sais pertinemment que la question de droit de refus de travailler lorsqu'il y a un danger est déjà assez bien réglée chez nous, et j'imagine qu'une travailleuse qui se présenterait en alléguant que son travail met en danger sa santé ou celle de son futur enfant serait traitée de la même façon et probablement beaucoup plus rapidement que par les délais que vous avez donnés tantôt.

M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ceci répond...

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, M. le ministre... Vous semblez dire que vous avez déjà des dispositions à l'égard de la femme enceinte et que vous procédez d'une façon différente?

M. Lavoie (Thomas): Non, j'ai dit que je croyais qu'une travailleuse enceinte serait probablement traitée de la même façon chez nous qu'un employé qui nous dit qu'il va faire un travail qui met sa santé en danger et qui demande d'être retiré d'un endroit dangereux. Je ne peux pas à ma connaissance vous donner un cas type. Peut-être que quelqu'un d'autre du groupe pourrait-Dans la philosophie des entreprises que je connais, lorsqu'elles agissent auprès d'un travailleur qui dit que sa santé est en danger, j'imagine que si c'était une travailleuse qui se présentait, elle serait traitée de la même façon, uniquement d'après l'expérience que l'on a faite avec des travailleurs.

M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ça répond à la question? Est-ce que cela va?

Le Président (M. Dussault): J'avoue que je suis mal placé pour le dire.

M. Pagé: Pour l'autre travailleur — parce que, pour compléter la réponse, vous nous dites que la femme enceinte est traitée tout comme le travailleur qui s'oppose à travailler, compte tenu du danger imminent qui le guette, est-ce que votre réponse implique que, dans les conventions collectives de vos membres, le droit de refus est déjà existant?

M. Lavoie (Thomas): Voulez-vous répéter la fin de votre question, s'il vous plaît?

M. Pagé: Cela implique-t-il que, dans les conventions collectives de vos membres, le droit de refus est déjà existant ou tout au moins qu'il est déjà pratiqué? Est-ce que vous voulez dire que la femme enceinte sera traitée aussi bien et de la même façon que le travailleur qui refuse de travailler, compte tenu du danger pour son intégrité physique? Je pose la question: Comment celui-ci est-il traité? Comment le cas est-il traité? Parce qu'il est soulevé...

M. Taschereau: M. Fontaine, est-ce que vous pourriez toucher à cette question?

M. Fontaine (René): Oui, disons que la compagnie pétrolière Impériale n'est pas syndiquée, quant à la raffinerie de Montréal, mais elle a un conseiller industriel et le cas du refus de travail y est reconnu et a déjà été pratiqué à la raffinerie. Personne n'a été forcé de travailler, s'il jugeait son travail dangereux. Des modifications ont été apportées pour le rendre acceptable à l'individu.

M. Lussier (Carol): M. le Président, je voudrais ajouter que, dans le cas où une dame nous apporte un certificat de son médecin disant qu'elle devrait changer d'emploi ou être relocalisée dans un autre secteur, on envoie immédiatement nos spécialistes en santé, habituellement des experts en sécurité ou un hygiéniste industriel, pour regarder les conditions de travail. À ce moment-là, il y a habituellement une réunion avec le médecin, on discute du cas et on prend une décision. C'est traité comme ça, habituellement.

M. Marois: Je m'excuse de revenir, je voudrais simplement comprendre et j'avoue que je ne comprends pas. Si vous nous formulez une recommandation, c'est que vous nous recommandez d'amender le texte qui est déposé. Pour examiner au mérite une recommandation, il faut qu'on la comprenne, et je veux simplement être certain que

je comprends bien. Vous nous dites, à la page 7 de votre mémoire, en haut de la page que les délais prévus par la Loi sur le salaire minimum et le projet de loi no 126, seraient plus raisonnables en matière de retrait préventif de la travailleuse enceinte. Je vous dis que les délais prévus en vertu de la loi 126 sont de huit jours, c'est donc huit jours qui s'ajoutent aux deux mois de base inévitables jusqu'à ce que quelqu'un ait inventé une formule miracle pour être capable de déceler l'état de grossesse plus rapidement que deux mois...

Mme Lavoie-Roux: C'est plus rapide que ça, parce que, dans votre projet de loi, il n'y a plus... Non, mais il reste que ça se vérifie avant deux mois, cette affaire-là.

M. Marois: Ce que je veux simplement évoquer, c'est que tout le monde va convenir qu'il y a un délai minimum.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

M. Marois: Auquel cas, quelque soit le cas que ce soit un peu beaucoup, selon le cas, on nous recommande d'ajouter les délais prévus par l'article 126. Ce délai prévu par l'article 126, je vous rappelle que c'est huit jours. Vous dites que ce serait plus rapide que ce qui est prévu à l'article 32, mais l'article 32 dit que, dans le cas où il y a un certificat médical à l'effet de, etc., et l'article 33 que l'affectation doit se faire sans délai. Alors, en quoi... je ne comprends pas, je ne suis plus. Cela ne raccourcit plus, cela allonge.

M. Lavoie (Thomas): D'abord, on n'a pas dit que huit jours, ce serait plus rapide, on a simplement dit que huit jours paraissaient plus raisonnables. On ne voulait pas les ajouter aux deux mois que vous avez cités...

M. Marois: Deux mois, ça peut être un mois et demi, un mois, trois semaines, je ne me chicanerai pas là-dessus.

M. Lavoie (Thomas): Huit jours, ça peut paraître long, mais ça ne veut pas dire nécessairement que le problème ne sera pas résolu plus rapidement. Quant à nous, en pratique, on croit qu'on va régler le problème beaucoup plus rapidement, mais on cherchait seulement un délai qui paraissait raisonnable. C'est tout. Puisque la loi 126 mentionnait spécifiquement huit jours, je pense que ce n'est pas nécessairement mauvais, bien que ça puisse paraître excessif si on prend déjà d'avance les deux mois pour découvrir que la travailleuse est enceinte. Si ça prend moins que ça, je ne sais pas, mais, en pratique, il est possible que les huit jours soient nécessaires parfois simplement pour suivre toute la procédure.

M. Marois: Bien.

M. Taschereau: Est-ce qu'on s'entend sur la question, M. le ministre?

Le Président (M. Dussault): On a répondu à toutes les questions?

M. Taschereau: II y avait deux autres points que M. le ministre a soulevés. L'un d'eux était notre opinion sur l'introduction du représentant à la prévention. Je vais demander à M. Lussier de commenter ce point.

Le Président (M. Dussault): M. Lussier.

M. Lussier: M. le ministre, simplement, si on n'en a pas discuté dans notre mémoire, c'est qu'il y avait un avis partagé à l'intérieur des compagnies membres de notre association. Certaines compagnies jugeaient que c'était le double emploi évident de nos services qui fonctionnaient déjà. On a déjà dit à la commission que le projet de loi fait table rase, etc. Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir, vous savez les choses qui se sont dites. Mais quand je regarde l'article 69 et qu'on parle des fonctions, de faire l'inspection des lieux de travail, de prendre connaissance des événements qui ont causé un accident grave ou mortel, d'identifier les situations, etc. nos agents ou officiers de sécurité sont déjà aptes à faire ces tâches, et peut-être que l'exposé de M. Taschereau, à propos des statistiques du livre blanc, était long et fastidieux, on voulait faire un impact évident, c'est que notre travail fonctionne et que ça marche bien... (16 h 30)

M. Marois: Je pense que personne ne va nier, c'est nous-mêmes qui avons rendu public le livre blanc et les chiffres qui y apparaissaient, il était important que les gens connaissent les faits tels qu'ils sont. Je pense bien que personne ne va nier les efforts qui ont pu être faits et l'état réel de la situation.

Il n'en reste pas moins qu'il y a encore des efforts à faire. Je comprends très bien pourquoi, pour l'instant, comme association, vous préférez ne pas commenter l'introduction du représentant à la prévention.

Parmi les membres de votre association, qui sont des compagnies pétrolières, certaines font affaires en Ontario, c'est exact?

M. Lussier: Oui.

M. Marois: En Ontario, la loi ontarienne reconnaît le délégué à la prévention et est-ce que, à votre connaissance, des commentaires ont été formulés ou ont été portés à votre connaissance, par vos membres, à savoir que c'était une situation absolument invivable?

M. Lussier: Je suis bien d'accord avec vous, il n'y a eu aucune opinion émise sur ce sujet, mais tout porte à croire que, vu que la loi l'a adopté, il faut dire le mot, on est pris pour vivre avec et qu'on fasse quoi que ce soit, on va introduire le principe et on va essayer de l'utiliser au maximum. Tout compte fait, c'est encore une duplication et il faut entraîner cette personne, qui est du côté des

employés, à reconnaître tous les dangers auxquels un employé peut être exposé.

M. Taschereau: Nous tentons simplement, où c'est possible, d'éviter la duplication, surtout dans des domaines où ça roule très bien. En d'autres mots, ce que nous tentons de dire au législateur c'est qu'on comprend qu'il faut légiférer sur la médecine du travail, mais les secteurs qui vont bien et qui ont bien réussi depuis 20 ans, qui ont montré, hors de tout doute, que nous allions dans la bonne direction, de ce côté, peut-être y aurait-il lieu de penser à ne pas trop bouleverser, puisque ces secteurs nous ont déjà donné de très bons résultats. C'est dans ce sens, M. le ministre, que nous faisons ce genre de commentaire.

Le Président (M. Dussault): M. Fredette.

M. Fredette: M. le Président, M. le ministre, un dernier point à ce sujet. Nous sommes une des compagnies qui n'étaient pas d'accord; d'ailleurs, je crois que vous verrez, dans notre mémoire, d'une façon assez élaborée, les raisons pour lesquelles nous nous opposons à...

M. Marois: D'accord. Est-ce que vous faites affaires en Ontario?

M. Fredette: Oui.

M. Marois: Et vous admettez que la loi ontarienne reconnaît ce droit?

M. Fredette: Je ne pourrais pas vous dire.

M. Marois: Je vous enverrai une copie du texte.

M. Fredette: Je ne mets pas en doute ce que vous dites, mais je ne pourrais pas vous dire, je ne suis pas au courant.

Le Président (M. Dussault): Ceci met fin au droit de parole de M. le ministre.

Une voix: II y a un autre point qui a été soulevé...

M. Pagé: La question que M. le ministre a soulevée sur les citernes et les dangers!

M. Marois: La Loi sur le commerce des produits pétroliers et les camions avec...

Le Président (M. Dussault): ...

M. Taschereau: Très bien, je vais demander à M. Fontaine de répondre à cette question.

M. Fontaine (René): II est exact que certains produits pétroliers sont susceptibles de produire de l'électricité statique; ils sont connus, ils sont identifiés et il y a des moyens de prévenir la production d'électricité statique et de l'éliminer.

Pour savoir la raison pour laquelle il y a eu une explosion dans un camion, il faudrait quand même connaître dans quelles conditions le chargement a été exécuté, parce que, pour charger un camion que l'on soupçonne contenir de l'électricité statique, il y a certaines méthodes qu'il faut utiliser pour éliminer cette électricité statique. On peut l'éliminer de bien des façons: on peut ajouter des additifs qui sont antistatiques, on peut charger le camion en submergeant la baguette de chargement pour éviter l'agitation, on peut contrôler le débit au départ pour produire le minimum d'électricité statique, on peut relier le camion à la terre par un câble, pour éliminer la différence de potentiel entre le camion et le bras de chargement.

M. Marois: C'est exact que des camions dans le même transport avec des plaques de séparation, on peut transporter en même temps deux produits de type bien différent. S'il arrivait un mélange...

M. Fontaine (René): Vous demandez si c'est exact?

M. Marois: Oui.

M. Fontaine (René): Oui, parce que certains camions sont construits de telle façon qu'il puisse y avoir différents compartiments. Il y a aussi des wagons-citernes qui sont dans le même cas.

M. Marois: S'il arrivait un mélange de ces deux produits-là, on pourrait faire face à des ennuis.

M. Fontaine (René): On pourrait. M. Marois: On pourrait.

M. Fontaine (René): II y aurait un bris dans la paroi qui est généralement étanche par définition.

Le Président (M. Dussault): Mme la députée de L'Acadie. M. Lussier, oui.

M. Lussier: M. le Président, je veux ajouter que tous les camions qu'on achète, du moins la plupart, des différentes compagnies ont maintenant des cloisons fixes et non plus des cloisons que l'on peut...

M. Marois: II y avait des cloisons mobiles, c'est cela?

M. Lussier: Pardon?

M. Marois: II y avait des cloisons mobiles.

M. Lussier: C'était...

M. Marois: En d'autres termes, on pouvait parfois se servir des mêmes camions pour transporter deux produits.

M. Lussier: C'est exact.

M. Marois: On pouvait enlever les plaques de séparation et se servir du même camion pour transporter un seul produit...

M. Lussier: Exactement. Maintenant, la tendance du marché est d'acheter...

M. Marois:... de sorte qu'il pouvait y avoir des fuites...

M. Lussier: D'accord.

M. Marois: ... dans la manipulation des plaques et/ou des résidus qui pouvaient provoquer des situations — c'est le moins qu'on puisse dire — explosives.

M. Lussier: C'est le cas de le dire, mais la tendance actuelle du marché est d'acheter des camions-citernes à parois fixes, que l'on ne peut pas bouger ou modifier.

M. Marois: À votre connaissance, il reste encore un pourcentage important de ce genre de camion qui utilise des plaques mobiles en circulation, à Montréal?

M. Lussier: En pourcentage, je ne pourrais pas vous dire.

M. Taschereau: M. le ministre, si je ne m'abuse, ces camions retournent...

M. Marois: Excusez-moi, je n'ai pas entendu la réponse, j'avais de mes collègues qui se payaient ma tête.

M. Pagé: À juste titre d'ailleurs.

M. Lussier: Je voulais tout simplement dire que je ne pourrais vous dire présentement le pourcentage sur le marché, mais, chose certaine, ce sont plutôt les anciens camions-citernes qui ont cette pratique-là de cloisons mobiles.

M. Taschereau: Je voudrais simplement ajouter, M. le ministre, qu'effectivement ceci remonte à quelques années et que ce genre de camion-là n'est plus acheté actuellement. Est-ce que ceci couvre...

M. Marois: Mais les cas que j'ai évoqués se seraient produits non pas il y a plusieurs années, mais se seraient produits dans les années plus collées sur celle qu'on vit présentement.

M. Lussier: Tout simplement pour ajouter sur ce que vous avez dit, cette tendance du marché d'acheter des camions-citernes avec des cloisons fixes et non pas mobiles, cela fait plusieurs années qu'elle est pratiquée chez nous.

Nos anciens camions-citernes, on les revend. Cela se peut que ce soit communément des "jobbers" qui les achètent. À savoir si c'étaient des "jobbers" ou si c'étaient des camions de com- pagnies, je ne suis pas au courant du dossier, il faudrait vérifier.

M. Marois: En d'autres termes, ces camions-là ne sont pas retirés du marché, ils circulent. Ils sont revendus. Je m'excuse d'abuser, je terminerai là-dessus. Ce sera ma dernière question. Est-ce que, parmi les acheteurs de ces camions-là, il y a notamment des distributeurs d'huile à chauffage pour résidences privées?

M. Taschereau: Avant de répondre à cette question-là, si vous me le permettez, les cas que vous avez apportés, M. le ministre, c'est difficile aujourd'hui d'y répondre. Il faudrait en tout premier lieu, je pense, vérifier à nouveau ces cas-là. Est-ce qu'il y en a un nombre élevé ou restreint sur le marché? Avant de donner une réponse, il faudrait, je pense, s'assurer que le genre de réponse qu'on donnera à la commission ou, enfin, qu'on donnerait à une question semblable soit la bonne réponse. Je vous demanderais, M. le Président, la permission de ne pas continuer à répondre à cette question-là, parce qu'effectivement ce dont j'ai peur, c'est qu'on donne les mauvaises informations et on n'est pas ici pour cela.

M. Marois: M. le Président, je serais parfaitement d'accord si l'association ne dispose pas des données en main, c'est tout à fait normal. J'apprécierais volontiers, cependant, qu'on nous fasse parvenir les données les plus précises dans les meilleurs délais possible, si cela vous est possible, parce que cela intéresse hautement les membres de cette commission. Les problèmes dont on parle à travers un texte de loi peuvent sembler parfois très théoriques, mais c'est terriblement collé à la réalité de tous les jours et au concret.

Soyez assurés qu'on l'apprécierait et on comprend parfaitement bien qu'il faut que vous puissiez disposer du temps requis pour vérifier.

M. Taschereau: Merci infiniment. M. le Président, j'aimerais, en terminant, s'il n'y a pas d'autre chose, redire qu'en dépit des camions avec les cloisons qui n'étaient pas fixes, notre record demeure dans l'ensemble des choses, très impressionnant. Je veux, au nom de mes collègues, à mon nom et au nom de l'Association pétrolière du Québec...

Le Président (M. Dussault): Vous avez l'air de parler comme quelqu'un qui veut partir, mais ce n'est pas terminé.

M. Taschereau: Je vous en prie, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Mme le député de L'Acadie voudrait aussi vous poser des questions, ainsi qu'un autre membre de la commission.

M. Pagé: Brièvement, dans l'enveloppe...

Le Président (M. Dussault): D'abord M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je serai très bref. Je commencerai par un point spécifique et j'inviterai le ministre à ce moment-ci — qui a semblé particulièrement intéressé par la question du citerne — avant de recommander quoi que ce soit à son collègue du Conseil des ministres qui aurait une responsabilité au niveau réglementaire là-dessus, de regarder comme il faut le dossier des accidents qui ont pu survenir il y a quelque temps, parce qu'il faut convenir qu'il y a plusieurs camions-citernes au Québec qui se promènent avec des séparations amovibles. Il y a des gens qui transportent de l'huile et différents produits pétroliers. Le fait de recommander d'adopter une réglementation qui pourrait interdire une telle pratique, le ministre d'État au Développement social peut le recommander, mais vous pouvez être certain que le ministre des Transports et le ministre de l'Industrie et du Commerce vont arriver avec une préoccupation eux aussi. Que je sache, il y a plusieurs entreprises pour lesquelles — si, par exemple, elles ne pouvaient pas transporter du béton en descendant et remonter de l'huile, entre autres dans les fabriques de béton à procédé humide — cela impliquerait des augmentations de coûts. Alors, je me dis: Avant de partir en guerre sur des questions comme celles-là, il conviendrait de regarder tous les impacts du dossier, quitte à ce qu'un règlement puisse éventuellement interdire, si c'est démontré que c'est dangereux ou que cela peut l'être, que les séparations amovibles puissent être interdites. Mais avant de partir en guerre contre tout cela, il faudrait y penser, selon moi.

M. le Président, je voudrais remercier M. Taschereau et ses collègues de l'Association pétrolière du Québec. Vous avez présenté un mémoire. Vous l'avez très bien plaidé, je pense, et la façon dont vous avez fait référence aux chiffres du livre blanc, c'était selon moi, la meilleure façon d'arriver ici, parce que ces chiffres parlent par eux-mêmes et témoignent d'une activité et de certains objectifs dans un secteur comme le vôtre où il y a un degré de "dangerosité" — si on peut utiliser le terme — qui est quand même assez élevé.

La performance, à date, semble être assez concluante. C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que vous avez probablement entendu les remarques que nous formulons ce matin à l'Association canadienne des fabricants des produits chimiques. C'est dans cet esprit qu'on a recommandé... On met bien en garde le gouvernement contre la possibilité que le projet de loi no 17 entraîne une table rase, une opération table rase de ce qui s'est fait avant et que les actions positives et concluantes qu'on a connues dans certains milieux, que l'entreprise demain matin n'ait peut-être plus autant d'intérêts qu'elle pouvait en avoir avant, compte tenu qu'elle soit soumise à un genre de programme minimal au chapitre de la santé et de la sécurité qui sera adopté par les commissions.

C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on recommandait au gouvernement, plutôt que de faire une réforme de structures, parce que c'est surtout une réforme de structures, d'intervenir dans les secteurs prioritaires, de déceler les secteurs prioritai- res où il faut agir et d'intervenir et sur la foi des interventions, des objectifs ou de l'atteinte des objectifs d'un secteur prioritaire, il aurait peut-être eu lieu à ce moment, de généraliser.

Le mouvement est à l'inverse. C'est le choix politique du gouvernement. On ne peut qu'en discuter et somme toute, le gouvernement sera jugé par ses actes là-dessus. Alors, je vous remercie de la présentation de votre mémoire et ma collègue, Mme la députée de L'Acadie, avait certaines questions plus spécifiques à vous poser.

Le Président (M. Dussault): Mme la dépu- tée de L'Acadie. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Les questions que je voulais poser... d'abord je vous remercie de m'avoir rafraîchi la mémoire. J'avais lu les statistiques quand le livre blanc a été déposé, mais je dois vous dire que je ne m'y étais pas référée récemment. Il n'y a aucun doute là-dedans, et comme d'autres l'ont signalé, ce ne sont pas vos statistiques, ce sont des statistiques de la Commission des accidents du travail. Alors, on ne peut certainement pas mettre en doute votre objectivité là-dedans. Évidemment, quand on regarde les statistiques, vous tranchez nettement, je pense, avec tous les autres... Peut-être pas tous les autres. Il ne faut pas être absolu. Il faudrait que je le regarde d'un peu plus près. Mais vous tranchez, quant à votre dossier, sur les accidents et la santé au travail.

Par contre, ce matin, vous l'avez entendu — vous étiez probablement dans la salle, je crois, d'ailleurs, que vous y étiez — on a quand même rapporté le fait que les normes qui étaient appliquées ici dans les industries pétrolières étaient apparemment beaucoup plus basses, enfin, dans une proportion variante de 5% à 20%, que celles qui existent aux États-Unis et dans les autres provinces, du moins, en Colombie-Britannique, je ne dirais pas toutes les autres provinces.

Pouvez-vous me donner une explication à ceci? Si les États-Unis ou la Colombie-Britannique ont jugé à propos de rendre les normes plus restrictives ou de les augmenter — ça dépend de la façon dont on veut formuler ça — je m'explique mal que votre beau dossier, sauf que je pourrais peut-être conclure que les autres industries sont tellement mauvaises qu'elles ont beaucoup d'accidents, ou est-ce que vous-mêmes, vous seriez d'accord pour dire que compte tenu de l'état des connaissances qu'on a aujourd'hui dans l'industrie pétrolière, la situation pourrait déjà, sans même trop de recherche, être encore passablement améliorée?

M. Taschereau: M. le Président, avec votre permission, M. Fontaine va répondre à cette question.

Le Président (M. Dussault): M. Fontaine.

M. Fontaine (René): Mme Lavoie-Roux, je crois que vous faites référence aux commentaires

qui ont été faits ce matin au sujet de la teneur en benzène.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Fontaine (René): On parlait de 25 p.p.m. ce matin, qui ont été abaissés à 10 p.p.m., par la suite.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, malheureusement, comme on a une bibliothèque à transporter, j'ai laissé le mémoire de ce matin en haut, mais on faisait allusion — je vous le donne de mémoire — au fait que les agents toxiques des industries pétrolières étaient plus grands ici qu'ils ne l'étaient en Colombie-Britannique et que les travailleurs avaient tendance — comment dit-on? — je vais mettre le mot "contaminer", à se polluer dans une proportion de 5% à 20% plus rapidement ici qu'aux États-Unis ou qu'en Colombie-Britannique. Maintenant, est-ce qu'on faisait absolument allusion au benzène ou à tel produit, mais on parlait de produits toxiques en général, je pense?

M. Pagé: On a parlé surtout du benzène, mais la norme de 10 ou 25, on ne peut pas vous le dire, essentiellement, ce qui a été dit ce matin, c'est que la norme était plus rigoureuse là-bas qu'ici.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Pagé: Et aux États-Unis.

Mme Lavoie-Roux: Et aux États-Unis.

M. Fontaine (René): Disons que la norme de dix, qui est utilisée aux États-Unis, est beaucoup plus basse chez un membre de cette association, que le maximum de dix. Nous, c'est trois, que nous imposons à l'intérieur de notre raffinerie.

M. Pagé: Mais, à l'intérieur de votre association, si ma collègue le permet...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Pagé: ... ça va de trois à combien?

M. Fontaine (René): Malheureusement, je ne peux pas répondre pour tous les membres de l'association, mais ce serait probablement le même ordre de grandeur.

M. Taschereau: C'est le genre de question à laquelle on ne peut répondre aujourd'hui. Je ne suis pas préparé à répondre à cette question, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Dans tous les cas, ce que je veux souligner, il ne s'agit pas, pour moi, de confronter les uns avec les autres, mais on a quand même ici la responsabilité de dire quelles sont les données les plus précises qu'on peut avoir pour que, quand on va arriver à établir des règlements, c'est-à-dire que ce n'est pas nous qui allons les établir, mais au moins les examiner...

Actuellement, aux États-Unis, le TLV pour l'exposition au benzène est de un p.p.m. en moyenne pour huit heures d'exposition. Il est donc évident qu'au Québec, le TLV pour le benzène devrait également être d'un p.p.m. pour huit heures d'exposition, alors qu'actuellement, il est fixé à dix p.p.m. pour douze heures d'exposition, dans certains cas aussi, parce qu'on nous a parlé d'un chiffre...

M. Jolivet: ... c'était dix... Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Jolivet: ... alors qu'aux États-Unis, c'était un.

Mme Lavoie-Roux: C'était un.

M. Pagé: D'autant plus que les représentants, ce matin, parlaient dans leurs chiffres de douze heures de travail, en plus...

Mme Lavoie-Roux: Oui, et qu'ici, c'est calculé pour huit heures.

M. Pagé: Huit heures.

M. Taschereau: Avant de tenter de répondre à une question comme celle-ci, M. Fontaine a mentionné un chiffre pour la compagnie Impériale Ltée, mais, avant d'oser donner un chiffre sur d'autres sociétés pétrolières, c'est le genre d'information que nous n'avons pas ici, au lieu de donner une information faussée à cette commission, je préfère de beaucoup qu'on fasse parvenir plus tard cette information qui, à ce moment-là, sera exacte.

Mme Lavoie-Roux: Je l'apprécierais beaucoup, M. Taschereau. Peut-être que les autres compagnies, quand elles viendront tout à l'heure, pourront nous donner leurs chiffres. L'autre question que je voulais vous poser — là encore, vous allez peut-être me dire que ça varie d'une industrie à l'autre — quelles sont les sommes, ou est-ce un pourcentage, des bénéfices ou de l'administration que l'on consacre à la recherche? Est-ce que les industries, à Montréal ou au Canada, font elles-mêmes beaucoup de recherche ou s'appuient davantage sur les recherches qui sont faites aux États-Unis? Qui a la responsabilité de faire avancer ce dossier au plan de la recherche?

M. Taschereau: Vous parlez toujours, madame, de recherche dans le domaine...

Mme Lavoie-Roux: De la santé, de la prévention, des agents toxiques et...

M. Taschereau: II est difficile de mettre des chiffres et de répondre de façon réellement adéquate à une question comme celle-ci. Au niveau de la recherche, chacun oeuvre dans son domaine, depuis des années; il y a des compagnies qui sont là depuis 25 ou 30 ans. C'est depuis ce temps que

ces compagnies développent au fur et à mesure des programmes de sécurité et qu'elles continuent à les modifier, à les amender selon les cas et selon les circonstances. Chacun, dans son domaine, fait la même chose. En plus, il y a des rencontres entre les médecins des différentes compagnies qui peuvent se raconter leurs succès et possiblement, à l'occasion, leurs insuccès. Vous donner un montant d'argent, je n'oserais pas. Je peux vous dire que cette recherche est constante. Nous avons des hygiénistes, des médecins et le sujet de la sécurité et de la santé est quelque chose qui est discuté à l'intérieur de nos corporations, individuellement, tous les jours, ou à peu près.

Est-ce qu'on pourrait vous dire que cela vaut tant de dollars ou tel pourcentage? Je présume qu'on pourrait mettre un chiffre, éventuellement; ce sont des sommes certainement grandes qui sont versées, mais ceci se fait au fur et à mesure. Dans le fond, c'est un peu — à notre avis, en tout cas — ce qui a fait dans le domaine de la sécurité le succès de l'industrie pétrolière, parce que cela s'est fait petit à petit, mais sans jamais arrêter.

Mme Lavoie-Roux: Le fond de mon inquiétude est celui-ci. J'accepte les statistiques qui sont là et, comme je vous le dis, votre performance est évidemment bien au-dessus de la totalité des autres, sinon la presque totalité, il faudrait que je l'examine de plus près. Il reste que vous êtes dans un domaine, mises à part les situations d'explosion — il y a peut-être d'autres situations aussi — où les conséquences des accidents du travail sont peut-être moins apparentes que dans la construction. Dans la construction, l'ouvrier qui tombe de son échafaud, l'ouvrier qui reçoit je ne sais quoi sur la tête ou des choses comme ça, c'est peut-être plus facile à comptabiliser que dans un domaine comme le vôtre, où ce sont peut-être les maladies de type industriel qui, elles, je ne sais pas, dans l'état des connaissances actuelles... d'abord, c'est certainement moins évident que quand le bonhomme se casse un membre en faisant de la construction. C'est pour cela que tout ça est relatif et c'est dans ce sens que je m'inquiétais de la recherche et de l'état actuel des connaissances dans un domaine comme le vôtre.

Je vais vous poser une question plus précise. Quand vous mettez un nouveau produit sur le marché, est-ce que, dès ce moment-là, une recherche est faite en fonction des conséquences sur la santé des travailleurs qui sont appelés à le produire, parce que ce produit-là peut contenir plusieurs ingrédients qui ont de l'influence sur la santé du travailleur?

M. Taschereau: Je ne suis pas chimiste, madame...

Mme Lavoie-Roux: Moi non plus.

M. Taschereau: ... mais je vais tenter de vous répondre de cette façon-ci. Lorsqu'il y a un nouveau produit qui est développé, c'est parce qu'il y avait évidemment à ce moment-là un besoin pour ce produit-là et ce produit, parfois, prend des mois et des mois où il est vérifié en laboratoire pour s'assurer justement — parce qu'il y a des lois fédérales très sévères en ce sens-là — que lorsque ce produit sort sur le marché, il doit rencontrer le minimum de ces lois.

Alors, dans le pétrole, c'est peut-être encore un peu plus complexe alors que chaque produit qui est amené sur le marché est testé pendant des mois et des mois compte tenu, évidemment... je dis des mois mais il y a certains produits avec lesquels, j'en suis certain, on a fait des essais pendant peut-être des années. Enfin, dans l'ensemble des choses, ces produits-là sont vérifiés dans les laboratoires où on fait le test et normalement ce produit n'est mis sur le marché d'aucune façon que ce soit tant que nous ne sommes pas certains qu'il n'affectera pas à la longue la santé ou la sécurité des gens.

C'est dans ce sens-là que nous travaillons.

Mme Lavoie-Roux: C'est en fonction du public, mais je pensais en fonction des travailleurs. À tout événement, je pense que c'est une discussion qu'on pourrait continuer longuement. Je serais peut-être mieux de retourner à l'école...

M. Taschereau: Rappelez-vous madame que les travailleurs passent aussi régulièrement des examens. Il se pourrait bien qu'un jour ou l'autre une erreur se glisse quelque part. L'erreur est humaine. Mais dans l'ensemble des choses, nos gens qui travaillent en laboratoires passent des examens régulièrement. C'est là un peu pourquoi on dit que c'est tellement important que le médecin soit intégré à notre industrie et qu'il connaisse très bien, si c'est possible, les produits pétroliers parce que lui va pouvoir être beaucoup plus près. C'est un peu le problème que nous avions avec un médecin qui serait possiblement "enlevé" de l'entreprise. Ce médecin qui est responsable de nos cours de prévention et de maladie, s'assure, lorsque nous faisons des expériences en laboratoire, que nos propres employés ou enfin que la sécurité à peu près maximum existe justement pour éviter qu'un jour ou l'autre la santé du travailleur soit affectée. Il y a donc des normes de prévention et de sécurité dans nos laboratoires qui sont extrêmement sévères. Évidemment dans le cas des accidents, je n'ai pas besoin de vous dire que les normes de sécurité d'une compagnie pétrolière sont extrêmes. On ne peut pas aller à mi-chemin. Quelqu'un ne peut évidemment pas fumer où on charge et où on décharge les produits. Alors pour le genre d'industrie dans laquelle nous sommes, c'est peut-être faire la force des choses, je ne sais pas, encore une fois je me plais à dire qu'on n'a pas si mal réussi que ça. Dans ce genre d'industrie-là, on a dû développer au fur et à mesure des années, des mesures de protection et pour nos employés bien sûr. Je me rabats toujours sur ce livre et je me demande si je ne deviens pas gâté, mais les chiffres sont là pour dire que dans ce sens-là on a bien réussi.

Quant aux mesures de sécurité, c'est la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question... M. Taschereau: Je vous en prie.

Mme Lavoie-Roux: ... celle-là est plus par curiosité que pour les fins vraiment du débat. Dans une société pétrolière — vous êtes de BP? Impériale, ah bon! On a beaucoup parlé tout à l'heure des femmes enceintes... À l'intérieur de l'industrie elle-même, quel est le nombre de femmes qu'on pourrait retrouver qui ne sont pas affectées à des tâches de bureau? Est-ce qu'il y en a qui pourraient être affectées justement par la disposition du retrait préventif, compte tenu de l'environnement?

M. Fontaine (René): Pour répondre à votre question, il y a des femmes qui travaillent dans l'industrie et en particulier chez nous comme ingénieurs, par exemple, et qui sont appelées à travailler dans les mêmes conditions que les ingénieurs masculins. Le nombre n'est pas tellement élevé. La raison n'est pas de la misogynie, mais un manque de disponibilité des candidates. (17 heures)

Mme Lavoie-Roux: Comme ouvrières, est-ce qu'il y en a?

M. Fontaine (René): Comme ouvrières, non, parce que le travail est, règle générale, assez manuel et demande un effort physique. Si le fait que la majorité...

Mme Lavoie-Roux: Ce serait davantage au niveau des professionnels.

M. Fontaine (René): Au niveau des professionnels, régulièrement. Nous en avons eu occasionnellement pour la saison des vacances, qui ont travaillé manuellement, mais ce n'est pas courant.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): II semble qu'il n'y ait plus d'autres intervenants. Je remercie l'Association pétrolière du Québec, ainsi que la compagnie Gulf Canada de leur participation aux travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour et j'invite maintenant la compagnie pétrolière Impériale Limitée Esso à se présenter devant la commission.

J'invite le porte-parole à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Compagnie pétrolière Impériale Ltée

M. Hamel (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est Roger Hamel, directeur au Québec de la compagnie pétrolière Impériale Limitée. Je suis accompagné aujourd'hui par Jean Roy, à ma gauche, directeur du terminal à Québec. À ma droite, Michel Marcoux, directeur du service des relations avec le personnel à notre raffinerie de Montréal-Est; vous avez déjà rencontré René Fontaine.

Le Président (M. Dussault): Je pense que de toute évidence, il ne serait pas possible de lire votre mémoire en vingt minutes. On vous prierait, s'il vous plaît, d'essayer de le résumer. Si vous souhaitez le voir paraître intégralement au journal des Débats, ce sera fait.

M. Hamel: On apprécierait beaucoup ça, M. le Président, si vous pouviez faire paraître notre mémoire au complet.

Le Président (M. Dussault): D'accord, ce sera fait. (Voir annexe H)

M. Hamel: II y a quand même un petit texte que j'aimerais lire pour faire ressortir quelques points.

Le Président (M. Dussault): D'accord, vous avez la parole.

M. Hamel: Merci. Il va sans dire que nous sommes heureux d'avoir l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi no 17. Puisque vous avez déjà pris connaissance du mémoire, je vais, comme vous l'avez demandé, M. le Président, faire ressortir d'une manière condensée quelques sujets traités dans le mémoire.

En ce qui nous concerne, à l'Impériale, la santé et la sécurité sont des éléments indissociables d'une méthode de travail efficace. Nous croyons fermement qu'il est dans l'intérêt du personnel, aussi bien que de la compagnie, que le travail soit accompli en toute sécurité. Au fil des années, nous avons accompli à cet égard des progrès notables et nous sommes particulièrement fiers des résultats obtenus. Les statistiques contenues dans le livre blanc, auxquelles a référé M. Taschereau tout à l'heure, montrent sans l'ombre d'un doute, que l'industrie pétrolière est l'un des secteurs de travail les plus sûrs et les plus salubres de toute l'industrie au Québec.

Je pense et je suis fier de constater que notre compagnie a largement contribué à cette avance. Par exemple, en 1978, nous avons eu au Québec 0,63 accident de travail par 100 travailleurs, alors que l'industrie manufacturière en a encouru au-delà de 20 par année. Ce succès est attribuable à trois facteurs principaux: D'abord, nous avons bénéficié de services complets de santé à la plupart de nos établissements de travail depuis plus de trente ans. Nos professionnels de la santé, médecins, infirmières, hygiénistes et membres du personnel de soutien bénéficient d'une large autonomie et d'une grande indépendance professionnelle à l'égard de la direction et ont su gagner la confiance des travailleurs aussi bien que de la direction.

En deuxième lieu, la prévention des accidents dans nos usines est devenue une façon de vivre depuis plusieurs décennies. La direction a été rendue responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs qui ont été encouragés à participer à cet effort à tous les niveaux.

Troisièmement, l'aspect sécurité au travail a été intégré dans tous les cours de formation de

notre personnel. C'est donc dire que le travailleur qui apprend à exécuter une tâche apprend à la faire d'une façon sûre.

Notre but, en vous présentant un mémoire, est de vous faire connaître nos principales préoccupations en ce qui concerne ce projet de loi et de présenter un certain nombre de propositions qui, à notre avis, rendraient le projet de loi plus efficace. Il va sans dire, je ne le mentionne pas ici, mais nous ne sommes pas contre les objectifs, au contraire, nous sommes en faveur de ce que vous voulez faire, c'est tout simplement une question de modalité et une façon de procéder.

La politique de l'Impériale en matière de santé se fonde sur les principes suivants: 1.La santé des travailleurs présente un intérêt immédiat pour la direction; 2.la direction a un intérêt immédiat à ce que les travailleurs soient affectés à des postes qui sont compatibles avec leur aptitude à s'acquitter de tâches; 3.la direction a la responsabilité de créer et de maintenir des conditions de travail salubres.

Ces principes se traduisent, en pratique, par l'application d'une médecine préventive et constructive; on travaille dans les deux sens et on a des détails sur ça dans notre mémoire.

Comme vous pouvez le constater, la politique énoncée ci-dessus est conforme aux objectifs généraux du projet de loi no 17. Notre service médical, s'il survit à l'implantation de cette loi — je devrais souligner le mot "si" — respectera du reste toute réglementation qui suivra la mise en vigueur de la loi.

Bien entendu, nos professionnels de la santé veulent collaborer avec les services publics et les établissements locaux de santé. Nous sommes prêts à adapter nos programmes à ceux imposés par le nouveau système, mais il nous semble inacceptable de jeter à bas l'organisation de notre service médical, comme le propose le chapitre VIII relatif aux services de santé au travail. Cette modification signifierait une diminution de services pour notre personnel qui se trouverait ainsi désavantagé par rapport à d'autres établissements de la compagnie situés en dehors de la province; elle entraînerait le démembrement de notre service médical; l'exclusion des travailleurs québécois de l'Impériale de notre système d'information médicale et la perte d'une compétence passée et future de niveau international sur les questions de plus haut intérêt concernant la santé et la sécurité de nos travailleurs.

Nous demandons donc que le projet de loi soit modifié pour autoriser le maintien des services médicaux existants des compagnies, sous réserve qu'ils soient tenus de se conformer à des exigences très précises que la loi devrait préciser. Personne ne saurait bénéficier de la disparition de services médicaux déjà bien établis.

En ce qui concerne nos programmes de prévention; ils sont conçus sur une base fonctionnelle et/ou régionale, et sont conformes aux politiques générales de la compagnie. L'uniformité et la cohérence de nos programmes seraient mises en péril par cette partie de loi — articles 48 et suivants — qui stipule que chaque établissement devra avoir son propre programme de prévention. La loi pourra facilement prévoir la mise en place d'un programme de prévention unique pour tous les établissements d'une compagnie au Québec, sans pour autant exiger un programme distinct pour chaque établissement.

Un mot sur les pouvoirs de décision, pouvoirs que certains ont appelés pouvoirs de gérance. Ce projet de loi attribue la responsabilité ultime de la santé et de la sécurité au travail à l'employeur. Nous sommes totalement d'accord avec ce principe et nous sommes prêts à continuer dans la même voie. Toutefois, si, d'une part, la loi décrit en détail comment cette responsabilité doit être assumée, elle enlève, d'autre part, à l'employeur, une bonne partie de l'autorité dont il a besoin pour prendre les décisions susceptibles d'assurer la santé et la sécurité de ses travailleurs.

Une façon efficace de s'assurer que l'employeur assumera ses responsabilités est d'exiger qu'il rende compte, aux travailleurs, de ses actes dans le domaine de la santé et de la sécurité. La loi devrait simplement obliger l'employeur à rendre compte aux travailleurs, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'un comité de santé et de sécurité.

À l'Impériale, la direction a la responsabilité de la santé et de la sécurité des travailleurs, mais elle détient aussi l'autorité nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposent après avoir pris connaissance du point de vue des travailleurs. Grâce aux divers moyens de communication et de consultation déjà en place, la direction informe le personnel des mesures qui ont été arrêtées et les justifie auprès des travailleurs.

Il y a trois aspects précis de cette section du projet de loi qui nous préoccupent. Le premier, c'est que nous ne croyons pas que le comité de santé et de sécurité devrait détenir des pouvoirs de décision. Deuxièmement, pour être efficace, un comité d'entreprise doit s'efforcer d'établir un consensus dans un esprit constructif. Or, le comité paritaire prévu dans le projet de loi semble orienté vers l'affrontement; c'est la façon dont on le conçoit. Troisièmement, il serait beaucoup plus efficace que l'employeur continue de tenir des registres d'accidents. Je pense qu'on est bien équipé pour le faire.

Pour ce qui concerne les représentants à la prévention, il ne nous semble pas souhaitable qu'ils soient nécessairement membres du comité de santé et de sécurité, comme l'indique le projet de loi. Ceci nous apparaît comme une contrainte inutile.

Un autre aspect du projet de loi jugé extrêmement rigide est le droit de refus. Nous sommes, nous aussi, d'avis qu'un travailleur devrait avoir le droit de refuser d'exécuter un travail qu'il croit sincèrement dangereux pour sa santé — on est d'accord avec cela — sa sécurité ou son intégrité physique ou qui pourrait exposer une autre personne aux mêmes dangers. On est pleinement d'accord avec ce droit de refus. Dans l'élaboration

du mécanisme cependant de l'exercice du droit de refus, il faudrait tenir compte du fait que la loi imposera des contraintes morales et légales extrêmement lourdes aux employeurs par la voie des pénalités et des contrôles prévus dans le projet de loi, lesquels devraient s'avérer suffisants pour décourager toute tentative de manipuler l'exercice pratique du droit de refus.

C'est pourquoi il nous semble inutile à toutes fins utiles de prévoir un processus long et complexe pour le règlement des contestations.

Finalement, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas demander à un autre travailleur d'effectuer le travail refusé par un premier travailleur, pourvu qu'il soit informé du refus et des raisons invoquées par le premier. Nous suggérons que le projet de loi soit modifié en ce sens.

L'attribution de nombreuses responsabilités à la Commission de la santé et de la sécurité au travail s'ajoutant aux innombrables pouvoirs de contrôle et de réglementation qui en découlent laissent présager la création d'une superbureaucratie. Nous nous inquiétons de l'efficacité réelle de la commission et des dépenses inutiles que nous, à titre d'employeurs, et finalement que tous les Québécois seront appelés à supporter.

Une autre conséquence de l'omniprésence de la commission se traduira par l'inévitable déplacement de la responsabilité réelle de la santé et de la sécurité, du lieu de travail à la commission. Je vois vraiment une inconsistance dans ce que vous voulez faire ou souhaitez faire, de la façon dont je le comprends en tout cas.

Les inspecteurs dont la nomination est prévue dans le projet de loi disposeront de pouvoirs très étendus, allant jusqu'à la confiscation. L'intervention des inspecteurs dans toutes les phases de nos activités exigera de leur part des connaissances et des compétences très vastes.

À cet égard, nous avons deux préoccupations: D'abord, nous déplorons le fait que le projet de loi ne donne aucune précision sur les qualifications qui seront exigées de la part des inspecteurs. Nous pensons que c'est là une lacune à combler. Deuxièmement, nous doutons de la possibilité de recruter un nombre suffisant d'inspecteurs de très haut calibre. On en parle un peu plus longuement dans notre mémoire...

En conclusion, nous pensons avoir démontré que le projet de loi no 17, s'il est adopté dans sa forme actuelle, empêchera notre compagnie de continuer à assurer à son personnel le haut niveau de sécurité dont il bénéficie actuellement.

Dans son désir louable de protéger l'ensemble des travailleurs québécois contre les accidents et les maladies du travail, le gouvernement a décidé de prendre une approche globale qui pourra effectivement régler certains problèmes de santé et de sécurité au travail, mais qui créera aussi et sans motif valable beaucoup de difficultés nouvelles. Ainsi, pour des employés comme les employés de l'Impériale qui ont des programmes efficaces de prévention, il s'agira d'un net recul. Nous prions donc le gouvernement de concentrer son attention sur les problèmes particuliers et de modifier son projet de loi en conséquence.

Voilà, M. le Président, mon court exposé. Je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Hamel. M. le ministre. (17 h 15)

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la compagnie pétrolière Impériale Ltée de son mémoire. Il y a un élément — je l'ai évoqué tantôt — qui m'apparaissait intéressant dans votre mémoire et j'y reviendrai tout à l'heure. Je comprends qu'il y ait des points de vue différents, comme l'évoquaient d'ailleurs les membres de l'association tantôt, concernant le représentant à la prévention.

Avant, j'aurais trois questions à poser. Au préalable, mes questions seront peut-être sensiblement modifiées, selon les réponses que vous apporterez à mes deux premières questions. Cela va peut-être sembler loin, mais enfin, je pense que c'est très collé.

Je voudrais savoir si — on a fait une vérification rapide, mais on n'a pas la réponse — les travailleurs chez vous sont syndiqués? Deuxièmement, comment évaluez-vous présentement l'état des relations de travail à l'intérieur de votre entreprise? Est-ce que vous diriez que les relations sont bonnes, qu'il y ait un syndicat ou non, ou est-ce que vous seriez plutôt porté à dire: On vit un certain nombre de problèmes. Ou est-ce que vous seriez plutôt porté à dire: Non, on a de sérieux problèmes. En d'autres termes, c'est plutôt tendu et un petit peu plus détérioré. Quelle sorte d'évaluation faites-vous présentement de l'état des relations de travail à l'intérieur de votre entreprise?

M. Hamel: Pour répondre à votre première question, non. Pour répondre à votre deuxième question, moi, j'évaluerais les relations de travail chez nous comme bonnes. Cela fait 52 ans que nos travailleurs n'ont pas perdu une heure de travail à cause d'un conflit patron-employés. Alors, c'est un indice qui est quand même assez impressionnant pour nous.

Maintenant, nous avons une foule de mécanismes de consultations, de discussions, de communications avec les employés qui, je pense, nous permettent de maintenir un haut degré de compréhension, disons, de l'état de penser de nos employés vis-à-vis la compagnie. Je pourrais vous donner une foule d'exemples ainsi que mes collègues qui sont avec moi et qui ont plus de détails sur cela. En général, c'est la façon dont j'évaluerais la chose. Maintenant, il y a toujours deux côtés à la médaille et il faudrait également consulter le côté des employés pour voir comment ils perçoivent les relations avec leur compagnie. Mais vous me demandez mon évaluation. Je crois qu'elle est bonne.

J'aimerais — si vous me permettez une autre phrase — être bref parce qu'on approche l'heure du souper. Il y a des syndicats à l'Impériale. J'ai répondu non pour l'Impériale comme cela, à votre question, parce qu'au Québec, nous n'avons pas de syndicat. Mais il y a une couple de syndicats à

l'Impériale. La raffinerie IOCO à Vancouver est syndiquée. Je crois - cela a pu changer depuis un certain temps — que nos bateaux-citernes sur la côte ouest du Canada sont syndiqués et je pense que les employés du terminal d'approvisionnement à Vancouver sont syndiqués. Mais à part cela, je ne crois pas qu'il y ait de syndicat à l'Impériale dans le moment.

M. Marois: Je vous remercie. Partant de là et sur la base de l'évaluation que vous faites et au fond, votre évaluation, c'est quand même la vôtre. Vous avez raison, peut-être que pour avoir un tableau complet il faudrait voir l'autre côté de la médaille. Mais enfin, votre évaluation, c'est que les relations sont bonnes.

Vous dites — je pense bien qu'on vous croit sur parole — que vous faites des efforts dans ce sens, avec toute une série d'instruments et de moyens pour maintenir cet état de chose. Ma première question, partant de là, et de l'évaluation que vous faites de l'état des relations qui sont bonnes, c'est la suivante — c'est en même temps, un commentaire-question — vous dites, concernant les services de santé que votre lecture du projet de loi no 17 implique — je pense que c'est l'expression même de votre mémoire — que vous craignez que cela jette "à bas" l'organisation du service médical de votre entreprise.

Comme votre évaluation, présentement, de l'état des relations dans votre entreprise est que les relations sont bonnes, qu'il y a donc là un état général de satisfaction. Il peut bien y avoir des accrochages. Je pense que c'est inévitable, surtout à l'intérieur d'une entreprise de la taille de la vôtre. Dans la mesure également, où comme vous le mentionnez dans votre mémoire, votre entreprise — les services de santé de votre entreprise — sont prêts à adapter, le cas échéant, si nécessaire, des programmes de santé à ceux qui pourraient s'ajouter, en vertu du nouveau système, je me demande comment vous pouvez en arriver à cette conclusion de jeter à bas, parce que je ne vois pas ni comment, ni pourquoi, en raison du simple changement de l'agent payeur — paiement par la Régie de l'assurance-maladie — que tout serait automatiquement détruit, jeté à bas et que vous seriez pris pour reconstruire à moindre compte avec un nivellement à la baisse, de services qui sont là, que vous avez développés.

En effet, si ces programmes, si le personnel qui est là, sur la base de l'évaluation que vous faites de l'état des relations, sont bons, que la qualité est bonne, que les services sont appréciés, qu'ils sont d'une bonne qualité, ne croyez-vous pas que les représentants des travailleurs et, forcément, vous-mêmes, je présume, puisque... Sinon, je pense bien que vous ne les garderiez pas à votre service si vous évaluiez que le personnel impliqué dans vos services de santé était incompétent et non qualifié. Je pense que vous y auriez déjà vu. Donc, si les deux parties, sur la base de ce que vous dites, évaluent que c'est valable, ne pensez-vous pas qu'à l'unanimité — à l'occasion d'une discussion à l'intérieur du comité conjoint, du comité paritaire — les parties accepteraient — sur la base des qualifications, etc., de ce qui est prévu dans le projet de loi — de maintenir en place les équipes qui sont là? Si, par exemple, le médecin qui est là est qualifié, compétent et reconnu comme tel, et que selon le conseil des médecins et dentistes il tombe donc sur la liste de ceux qui sont admissibles, qui peuvent être choisis, ne pensez-vous pas que la conclusion serait que si tout le monde est satisfait, je ne vois pas comment, tout d'un coup, brutalement, la situation se trouverait renversée du jour au lendemain, pour passer d'un état de satisfaction, de bonnes relations, à un état soudainement devenu complètement détérioré et menant à des situations où, véritablement, tout est jeté par terre. J'avoue que, là... C'est pour ça que je vous disais: selon la réponse, je pense que j'aimerais vous entendre, et je pense que les membres de la commission apprécieraient voir sur quoi d'autres, de fait... Je ne veux pas me situer à un niveau théorique ou idéologique. Ce n'est pas du tout l'approche. Mais très concrètement, comment pouvez-vous, d'abord, partant de ces faits, en arriver à une conclusion comme celle-là?

Ma deuxième question, j'ai pris bonne note — je l'ai évoqué tantôt — je pense que vous manifestez une grande ouverture d'esprit. Je pense que les membres de la commission l'apprécient. Vous ne vous opposez pas du tout à la venue d'un représentant à la prévention. Vous recommandez cependant un certain nombre de choses. Est-ce que le nombre de membres du comité paritaire, qui pourrait s'ajuster aux horaires de travail par poste, est-ce que ce n'est pas là la solution au problème que vous évoquez? Parce que je comprends que... Vous nous dites: on ne voit pas pourquoi il devrait siéger au comité conjoint et vous avez peut-être des raisons. Je pense qu'il serait intéressant qu'on entende vos raisons là-dessus.

Une dernière question. Vous vous opposez à ce que seules les associations syndicales puissent faire partie des associations sectorielles, avec, bien sûr, les représentants de la partie patronale. Le problème, c'est comment - peut-être que vous avez des suggestions, moi, je suis bien prêt à les écouter - par définition, les travailleurs qui ne sont pas regroupés en association... comment peut-on assurer leur représentation à l'intérieur d'une association sectorielle et une représentation au sens strict du mot, c'est-à-dire que ceux qui soient choisis représentent vraiment quelque chose. Comment peut-on résoudre ce problème? Voilà, M. le Président, les trois questions précises que je voulais poser.

M. Hamel: M. le ministre, je vous remercie infiniment des questions, en somme...

M. Marois: En passant, je voudrais simplement ajouter à nouveau, comme on l'a évoqué, que vous pouvez être assuré que chacun des angles du mémoire que, forcément vous avez dû résumer, va être attentivement étudié et examiné.

M. Hamel: Je vous remercie, M. le ministre, pour vos trois questions qui seraient pratiquement le sujet d'un autre mémoire parce que ce sont vraiment les trois questions clés de toute cette loi, en ce qui nous concerne à l'Impériale; c'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. Alors, j'apprécie beaucoup d'avoir cette occasion d'en discuter. Je vais faire des commentaires et je vais inviter mes collègues à intervenir s'ils ont quelque chose à ajouter, mais on va essayer de le faire le plus rapidement possible.

Votre première question sur le système que nous avons qui est bien rodé, qui fait partie de toute l'organisation de l'Impériale. Le médecin occupe une place très importante chez nous, il fait partie du comité directeur, etc, il est très professionnel. Nous avons peut-être mal interprété ce que vous vouliez faire. Ce que nous comprenons dans le projet de loi tel qu'il est rédigé — et on a beaucoup parlé de cette question, c'est à peu près celle qui nous préoccupe le plus — c'est que nous avons ce service, nous avons un médecin à temps plein qui passe à peu près la moitié de son temps, ou un peu plus, à la raffinerie. Il a une clinique là, avec des infirmières, du personnel, et aussi à la Place Ville-Marie où est situé notre siège social au Québec, où nous avons une clinique, des infirmières, etc. Nous avons d'autres médecins, qui sont à la pige, qui ne sont pas en permanence chez nous, qui viennent l'aider.

La façon dont nous comprenons le projet de loi ou ce que vous proposez de faire, c'est qu'à l'avenir, le comité de santé et de sécurité à la compagnie, aurait le choix du médecin. Ce médecin qui serait choisi par le comité viendrait d'un CLSC et il serait responsable d'environ 4000 employés. C'est la façon dont on avait compris cela. Notre médecin, à l'Impériale, est responsable, aujourd'hui, d'environ 450 employés. Ce n'est pas la question de coût qui nous préoccupe, si la loi est passée, on doit la suivre à la lettre — ce qu'on fera évidemment — cela nous coûtera beaucoup moins cher, comme compagnie, que cela nous coûte aujourd'hui pour assurer la santé de nos employés. Ce n'est pas du tout une question de coût pour nous, c'est une question d'efficacité, de productivité.

Ce n'est pas tout simplement d'avoir le même médecin, d'avoir les mêmes infirmières, d'avoir le même personnel — on voyait l'État, une étatisation de la médecine industrielle, c'est la façon dont je conçois cela — qui vienne d'un CLSC qui serait, disons, à Pointe-aux-Trembles. Il y a un bonhomme là qui est très qualifié — ce pourrait être le médecin, cela pourrait être notre médecin qui est choisi — qui s'occupe de nous, qui s'occupe des autres compagnies, peut-être Union Carbide et Canada Cernent pour arriver à un nombre total, qui est disponible seulement une partie du temps parce que, évidemment, il n'a pas seulement nous comme client, et nos gens n'auraient pas le même service. Moi-même, je suis très inquiet comme individu parce que, croyez-le ou non, je suis un travailleur, je gagne mon salaire à la compagnie et c'est lui qui me traite, c'est lui qui me conseille.

Quand on a une grosse fin de semaine, parfois le lundi matin on aime ça aller le voir et lui faire une petite confession. Il est là pour nous aider, pour nous renseigner. Évidemment, il ne nous offre pas de traitement, mais il peut faire des consultations, nous envoyer voir des spécialistes, etc. Je me suis habitué à cela depuis les 25 années que je suis à l'Impériale. Je regretterais beaucoup que cela disparaisse, cela fait partie de tout ce que j'ai de la compagnie parce que ce n'est pas seulement le salaire qui compte, et il y a beaucoup d'employés qui...

M. Marois: Si vous me permettez, je m'excuse de vous interrompre...

M. Hamel: Parce que je parle trop longtemps?

M. Marois: Non, pas du tout, et c'est intéressant parce qu'on est au coeur. Je m'aperçois d'une chose en vous écoutant, c'est qu'il se peut fort bien qu'il y ait... c'est peut-être parce que le texte est ambigu, c'est pour cela que je pense que c'est important, ce qu'on gratte là; le cas échéant, si les textes ne sont pas clairs, on va s'assurer d'apporter les amendements qui s'imposent. (17 h 30)

Vous personnellement, vous avez confiance en ce médecin, vous le consultez personnellement, d'autre part, vous estimez que les relations sont très bonnes à l'intérieur de l'entreprise — en tout cas, bonnes — il y a des problèmes, où est-ce qu'il n'y a pas de problèmes? Si c'est vrai, si ce médecin-là est un médecin qualifié, compétent — je présume qu'il l'est, s'il ne l'était pas et que vous le gardiez là, vous auriez vous-même un problème sur les bras — mais en tout cas...

M. Hamel: Non, c'est sûr qu'il est compétent. Vous n'êtes pas obligé de qualifier ça, il est compétent.

M. Marois: II y aurait un côté plutôt masochiste d'aller le consulter vous-même en plus, et je pense bien que ce n'est pas du tout ce que vous êtes en train de nous décrire, bien au contraire, c'est l'opposé.

S'il est qualifié et compétent et qu'il est apprécié en conséquence par les hommes et les femmes qui travaillent là — ce n'est pas le fait qu'il soit payé par la Régie de l'assurance-maladie, comme vous l'avez évoqué, coup pour coup, ce n'est pas là qu'est le problème — et qu'il a tant d'années d'ancienneté. Donc, il est un de ceux qui seraient reconnus, parce que des médecins spécialisés dans ce domaine-là au Québec, ça ne court pas les rues, au contraire on en manque. Il va falloir en former extrêmement rapidement. Vous êtes une de ces entreprises, compte tenu de la taille de l'entreprise, où vraisemblablement on peut envisager l'hypothèse qu'il en faut un en permanence. Sinon, vous ne l'auriez pas fait spontanément chez vous. Si c'est vrai qu'il est qualifié, que les relations sont bonnes, qu'il est reconnu

comme tel avec l'entrée en vigueur du projet de loi no 17, vous ne pensez pas que lors de la rencontre que vous allez avoir avec les représentants des travailleurs, que les chances sont très élevées et très fortes que, dans la liste des médecins qui serait soumise, sur laquelle liste apparaîtrait le nom de ce médecin, il serait retenu avec tout le personnel qui est déjà là pour poursuivre le lendemain matin exactement le travail qu'il fait dans les mêmes bureaux, avec les mêmes équipes, chez vous?

M. Hamel: Je pense que c'est fort probable qu'il soit choisi, mais à ce moment-là il ne travaillerait pas seulement pour nous et chez nous. Il travaillerait pour d'autres personnes aussi. Il sera divisé. C'est un de nos avantages d'avoir pour un petit nombre...

M. Marois: Excusez! Quand vous dites: II va travailler pour d'autres personnes, quelles autres personnes?

M. Hamel: Oui, d'autres raffineries, peut-être, d'autres usines...

M. Marois: Mais si votre entreprise est de cette taille-là — et votre entreprise ce n'est pas un détail, ce n'est pas la tabagie du coin de la rue — il s'agirait donc d'un médecin affecté. Dans certaines entreprises, il va falloir que ce soit des médecins affectés à temps plein à cause simplement de la taille de l'entreprise, alors que dans des entreprises de plus petite taille, tout le monde convient que le médecin peut en couvrir plusieurs.

M. Hamel: Oui, mais ce que vous suggérez...

M. Marois: Donc, je ne vois pas non plus sur quoi vous fondez l'autre volet de votre crainte.

M. Hamel: Je me fonde sur ce que vous avez dit: II semble réaliste de proposer un rapport d'un médecin pour 4000 travailleurs et d'une infirmière pour 1000 travailleurs. Nous avons un médecin pour 450 travailleurs et il y a quatre infirmières pour 450 travailleurs. C'est ça qui fait la différence vraiment.

M. Marois: Oui mais pour ne pas qu'on fasse une mauvaise lecture des données, M. Hamel, ce que vous venez de citer est tout à fait exact et c'est dans le livre blanc, si ma mémoire est bonne, c'est le rapport sur l'ensemble de la population à desservir, mais vous ne pouvez pas faire une équation automatique entre ça et la taille de l'entreprise. Parce que s'il devait y avoir un médecin à temps plein uniquement dans les entreprises où il y a 4000 travailleurs et plus, les cas seraient plutôt rares au Québec.

M. Hamel: M. le ministre, si je comprends bien...

M. Marois: Mais je comprends parfaitement bien votre préoccupation, mais je me rends compte que probablement il y a des lectures bien différentes qu'on fait des textes et que peut-être ça demande clarification. Dans ce sens-là la discussion est loin d'être inutile.

M. Hamel: Alors vous n'êtes pas prêt à nous assurer un médecin chez nous et le même genre de personnel, nombre et qualification de personnel, parce qu'on a en plus des hygiénistes professionnels? C'est important, et j'espère que vous allez retenir ça parce que c'est la principale préoccupation.

J'aimerais passer à votre deuxième question, si je peux lire mon écriture... L'inspecteur... Est-ce que j'ai assez détaillé ou est-ce que mes collègues ont quelque chose à ajouter à ce que j'ai dit sur cette question?

L'inspecteur: On suggère qu'il ne siège pas nécessairement au comité. On ne s'oppose pas à ce qu'il siège au comité. Ce qu'on dit, c'est que nécessairement il ne doit pas siéger parce que nos inspecteurs — parce qu'on en a — sont professionnels. Ils ne sont pas nécessairement élus au comité. Ils ne représenteront peut-être ni les employés ni la compagnie et on voudrait être libre parce que c'est un professionnel qui a été engagé, pas parce qu'il est élu, mais parce qu'il a fait preuve de ses compétences. C'est pour ça qu'on dit ça.

M. Marcoux (Michel): M. le ministre, j'aimerais illustrer la situation où dans l'usinage ou le raffinage, il existe des procédures où nos travailleurs doivent attendre la présence de nos spécialistes en sécurité, soit avec des équipements d'incendie ou pour s'assurer que les procédures seront bien suivies. Cela exige la présence de notre personnel et ce poste signifierait qu'il serait également accompagné d'un représentant à la prévention qui viendrait d'un autre groupe. Cela représenterait facilement deux personnes. Nous avons déjà à la raffinerie un groupe de six spécialistes à temps plein dans le domaine de la sécurité. Il n'est pas dit qu'il serait nécessairement élu pour être un membre du comité paritaire représentant les employés rémunérés à l'heure.

M. Hamel: Votre troisième question sur l'association sectorielle ou le comité sectoriel, je ne connais pas le terme exact, vous nous demandez une suggestion, à savoir comment le former si les syndicats ne sont pas les représentants des employés. Ma réponse à ça c'est de ne pas en avoir. Je ne vois pas l'utilité de cette association sectorielle. Il y a chez nous une certaine fierté dans le fait qu'on voudrait en faire un peu plus que les autres. Pour nous, ça fait partie de toutes les normes, cette question de santé et de sécurité au travail. On aime bien mieux avoir des règles du jeu établies par le gouvernement, des normes qu'on doit respecter, qu'on est prêt à respecter, on le dit dans notre mémoire, mais sans avoir un intermédiaire entre nous et les autorités responsables de l'application de la loi.

Pourquoi cette association sectorielle qui nous amènera au même niveau que nos concurrents? Je ne leur en veux pas, mais je voudrais être bien mieux qu'eux. Je crois qu'en travaillant... je représente une société aujourd'hui, l'Impériale. Je suis fier qu'on fasse les choses un peu mieux, nous le pensons, que nos concurrents, du moins on voudrait faire mieux que nos concurrents. Alors pourquoi faire partie d'une association pour nous amener au même commun dénominateur, au même niveau que les autres? La concurrence, c'est la base de l'entreprise libre, il y a de la concurrence dans tous les domaines, pourquoi pas dans la santé et sécurité au travail, du moment qu'on rencontre, comme minimum, les normes.

Je dis, pas d'association sectorielle.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier, messieurs, de la compagnie Impériale. Il faut dire aussi, M. Hamel, qu'on vous attendait à un autre moment cette semaine, on s'attendait de vous voir mardi; c'est une autre affaire. Vous avez été bien représenté.

M. Hamel: J'ai décidé de porter seulement un chapeau cette semaine.

M. Pagé: M. Hamel, je vous remercie du témoignage que vous venez de rendre, parce que c'est un exemple, ce que vous avez mis en relief, ce que vous avez cité aujourd'hui aux membres de la commission. C'est ce dont on discute depuis déjà un bon bout de temps et vous avez donné un volet bien pratique, bien vécu au sein de votre entreprise, du danger qui nous guette avec l'adoption du projet de loi no 17.

Nous craignons, quant à nous, que le projet de loi 17 entraîne, comme vous le dites, comme le ministre s'est interrogé là-dessus tantôt, des effets à la baisse dans certains secteurs d'entreprises où cela allait déjà bien au Québec.

M. Marois: M. le député de Portneuf, ce n'est sûrement pas votre intention de me faire dire des choses que je ne dis pas, je suis certain, c'est sûrement parce qu'il est 17 h 40.

M. Pagé: Ce n'est pas ce que vous avez dit, c'est sur quoi vous vous êtes interrogé tantôt.

M. Marois: Je pose des questions, on est là pour s'informer et essayer de donner le meilleur texte de loi.

M. Pagé: On ne commencera pas à se chicaner après huit jours d'audition; cela allait trop bien, il faudrait continuer comme ça.

M. Marois: Oui, oui.

M. Pagé: De toute façon, nous soutenons, quant à nous, que le programme-cadre de santé, la structure établie affecte des secteurs d'industrie où cela allait bien. On a eu l'exemple des infirmières qui nous ont dit, essentiellement: Nous voulons demeurer dans nos entreprises respectives. Vous donnez l'exemple aujourd'hui du cas d'un médecin, les efforts que vous avez vous-même déployés. C'est évident qu'on peut répondre à ça comme le ministre y répond, il n'y a pas de problème parce que le médecin pourra être nommé par le comité paritaire qu'il y aura chez vous.

En plus le degré de satisfaction où, entre autres, les relations de travail ne semblent pas poser de problème, tout au moins pas avec beaucoup d'acuité, ça semble bien aller. Mais je soutiens que c'est quand même faire preuve de beaucoup de méconnaissance à l'égard de l'administration, de la paperasse gouvernementale — parce qu'il y en aura — le mode de décision gouvernemental et ce que vous avez cité comme pouvant survenir lors de l'adoption de la loi 17, je me dis, c'est non seulement possible, mais c'est très probable. Je ne suis pas convaincu que, là où il y a un médecin à temps plein, au Québec, dans une entreprise, qu'il pourra nécessairement y en avoir un à temps plein par la suite. La façon dont ça va se passer c'est que le département de santé communautaire aura quand même une responsabilité sur tout un territoire. Dès le départ, le département de santé communautaire n'aura pas des budgets comme il veut en avoir, qu'on ne se fasse pas d'illusions avec ça. On a eu l'expérience des centre locaux de services communautaires au Québec, les CLSC. On a été étroitement associé comme parti politique... M. le ministre, je voudrais bien que vous soyez attentif...

M. Marois: Je ne perds pas une de vos paroles!

M. Pagé: Vous m'écoutez? Vous m'écoutez avec vos oreilles et vous lisez l'autre mémoire des yeux! C'est bien, continuez!

On a eu l'expérience des CLSC au Québec. Sur papier, c'était idéal, c'était bien, c'était la façon d'améliorer les services de santé de première ligne; mais, aujourd'hui, la presque totalité des CLSC disent au ministre des Affaires sociales: On a besoin de plus gros budgets pour remplir notre mission. Il y aura, entre les départements de santé communautaire, une concurrence au niveau budgétaire, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, compte tenu des besoins dans le milieu.

Dans la région de Montréal, par exemple, la région de Pointe-aux-Trembles, que vous avez mise en relief, il est possible que dans ce secteur donné, à partir d'un budget X attribué au département de santé communautaire qui aura juridiction là-bas, que le département juge, compte tenu que votre performance en matière d'accidents du travail — la performance des raffineries en général, l'Association provinciale en a témoigné cet après-midi et d'ailleurs les données du ministre en témoignent — il n'est pas impossible que ce département de santé communautaire, qui aura à déterminer et à décider où les médecins et les in-

firmières doivent intervenir, dise: Chez Impériale, ce n'est pas quatre infirmières, c'est seulement une infirmière tant de jours par semaine.

C'est dans ce sens, M. le ministre, que nos représentations vous ont été faites, en vous demandant, par le projet de loi no 17, d'intervenir de façon différente; de ne pas modifier toute la structure, ne pas donner un coup de documents sur tout ce qui a été fait et faire table rase, mais d'intervenir dans les secteurs prioritaires. Il y a des secteurs où ça ne va pas bien au Québec, il y a des secteurs prioritaires au Québec qui, en raison du caractère particulier de l'activité de l'entreprise où ça prend un oeil plus vif de l'État et il y a des secteurs où le législateur et le gouvernement se doivent d'intervenir parce qu'il y a des gens qui n'ont pas rempli leurs responsabilités dans le passé.

La grande crainte que nous avons c'est que, comme je le disais ce matin, au lieu d'ajuster les chapeaux sur les têtes et de tailler les chapeaux, qu'on taille les têtes pour les ajuster aux mêmes chapeaux; c'est le danger. C'est mis en relief encore cet après-midi; cela a été mis en relief par les infirmières. Le médecin dans l'entreprise, l'infirmière dans l'entreprise, le caractère permanent de sa fonction, c'est important.

Je ne peux que souscrire à cette crainte des entreprises et ça pourra éventuellement, si les craintes que nous avons se concrétisent, diminuer dans certains cas — je ne dis pas dans tous les cas, mais dans certains cas — la qualité du contrôle, de la surveillance et des efforts qui étaient déployés.

Merci de votre témoignage. J'espère que le ministre en prendra bonne note. Cela ne serait pas mal que le ministre modifie sa position à certains égards. Ce serait même faire preuve d'ouverture et ce serait même faire preuve et démontrer de façon bien concrète que cela vaut le coup une commission parlementaire, et qu'on peut en arriver comme législateurs, même si on a souvent l'impression d'avoir la vérité comme législateurs, et qu'on peut constater qu'on peut faire fausse route à certains égards.

M. Marois: Je pense que le député de Portneuf peut déjà tirer sa conclusion positivement, puisqu'il a été témoin, pour reprendre mon expression, d'un certain nombre de jugements presque rendus sur le banc depuis le début de nos travaux. Je pense qu'effectivement, la commission parlementaire est là pour s'informer et pour essayer de bonifier au maximum le projet de loi. Je pense qu'il n'y a personne parmi nous qui s'amuse ici, certainement pas. (17 h 45)

M. Pagé: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire et vous le savez.

M. Marois: Non. D'ailleurs, ce n'est pas... M. Pagé: On a fait un bon bout de chemin. M. Marois: Oui.

M. Pagé: J'espère qu'on pourra peut-être aller un peu plus loin.

Le Président (M. Dussault): C'était la fin de votre intervention, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervenant.

M. Pagé: J'aimerais bien avoir le commentaire du ministre sur la question: Comment s'assurer que, dans un endroit où cela va bien... Il y aura des problèmes administratifs. Les infirmières qui sont dans des entreprises vont faire partie d'équipes volantes à l'avenir. Tout ce débat-là qu'on a eu il y a deux semaines, jeudi il y a quinze jours, qui est mis en relief aujourd'hui par les gens de la compagnie Impériale, il faudra que vous vous penchiez sérieusement sur la question, j'en suis convaincu.

M. Marois: Plus que s'y pencher, il va falloir finir par se "dépencher" à un moment donné. C'est ce qu'il va falloir faire en sortant de la commission parlementaire, et les témoignages en ce sens-là seront utiles. En attendant, on va tous continuer à y réfléchir sérieusement en examinant au mérite et en s'accrochant aux faits. Ce que je trouve intéressant dans les témoignages en particulier, c'est ce qui ressort de données factuelles accrochées au concret. Là, on tirera la ligne. C'est normal. C'est la responsabilité du gouvernement de le faire. Merci infiniment.

M. Pagé: Merci, messieurs.

Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, je remercie les représentants de la compagnie pétrolière Impériale de leur participation aux travaux de cette commission et je leur souhaite bon retour. J'invite maintenant la compagnie Shell Canada Ltée à se présenter devant la commission.

Pendant ce temps, je vais préciser que le mémoire de la compagnie BP Canada sera retranscrit au journal des Débats, puisqu'on a tout simplement déposé le mémoire à la commission. (Voir annexe I)

Shell Canada Ltée

J'invite le porte-parole de Shell Canada à s'identifier et à nous présenter son collègue.

M. Viau (Jacques): M. le Président, mon nom est Jacques Viau et je suis le directeur des affaires publiques pour la région de l'Est de Shell Canada. Je suis accompagné de M. Gaston Lafontaine, qui est surintendant de la raffinerie Shell à Montréal-Est. M. Lafontaine était précédemment le coordonnateur de la sécurité et de l'hygiène industrielles à notre siège social. Il est donc la personne-ressource et il pourra faire des commentaires additionnels et répondre aux questions qui pourraient faire

suite au bref résumé que je me propose de faire, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): D'accord, je vous remercie. J'en conclus donc que vous voulez nous faire cela en-dedans de vingt minutes?

M. Viau: Oui, M. le Président. Je demanderais tout de même que le texte intégral du mémoire soit versé au journal des Débats de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Dussault): Votre souhait sera exaucé. (Voir annexe J) Vous avez la parole.

M. Viau: Merci, M. le Président. M. le Président, messieurs les membres de la commission, notre compagnie, Shell Canada, apprécie l'occasion qui lui est donnée de soumettre des commentaires et des suggestions à cette commission parlementaire.

En tant qu'employeur direct de plus de 15 000 travailleurs au Québec, Shell Canada est évidemment intéressée au projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail. Nous avons, d'ailleurs, suivi de près l'élaboration de ce projet de loi.

Au moment de la publication du livre blanc, en effet, nous avions soumis des commentaires au ministre responsable et nous avons aussi collaboré à la rédaction de mémoires d'associations au sujet du document de travail préparatoire au livre blanc. Nous avons, d'ailleurs, noté avec satisfaction que quelques-unes des recommandations alors soumises se retrouvent dans le texte du projet de loi.

Dans le mémoire que nous discutons aujourd'hui, Shell Canada souscrit pleinement à l'objectif général de cette loi qui est — je cite les notes explicatives du projet de loi — "d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles".

Toutefois, certaines modalités proposées nous inquiètent vivement et quelques-unes nous paraissent même inacceptables. Notre mémoire soulève deux points majeurs au sujet desquels nous avons des objections fondamentales, à savoir, premièrement, que nous nous opposons au pouvoir de décision de comités paritaires de santé et de sécurité.

Deuxièmement, nous nous opposons à ce que l'élaboration et l'application de programmes de santé au travail soient confiées aux départements de santé communautaire.

Pour ce qui est du premier point, le caractère décisionnel du comité de santé et de sécurité, le pouvoir de décision accordé aux comités paritaires de la santé et de la sécurité, dans certaines de leurs fonctions, est à nos yeux inacceptable, parce qu'il porte atteinte aux droits de gérance de l'employeur.

En ce qui concerne la responsabilité ultime de l'application de la loi, en effet, le projet de loi no 17 établit clairement que c'est à l'employeur — il faut entendre par là l'employeur seul — qu'incom- be toute la responsabilité juridique et financière d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs. À cette responsabilité très lourde, cependant, doit correspondre l'autorité de l'assumer adéquatement. En confiant à un comité paritaire certains pouvoirs de décision, on place l'employeur dans la situation difficile, voire impossible, d'avoir à répondre légalement des conséquences de certaines mesures qu'il n'aurait pas nécessairement autorisées s'il avait seul pris la décision.

À notre avis, il est à la fois contradictoire et injuste pour l'employeur de lui faire porter la responsabilité de certaines décisions prises par une autorité qui lui est extérieure.

C'est pourquoi nous estimons que c'est de l'employeur seul que doit relever toute décision finale au sujet des mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité au travail. Notons qu'une telle conception n'exclut nullement la participation des travailleurs à l'élaboration des programmes de santé dans l'entreprise. En tant qu'employeur, nous avons d'ailleurs toujours reconnu, et cela, d'une façon concrète, que les suggestions et recommandations de nos employés pouvaient être très utiles, que ces suggestions soient faites par l'employé à titre individuel ou à travers un comité. Nous croyons toutefois que cette participation devrait avoir un caractère consultatif plutôt que décisionnel.

Par conséquent, nous recommandons que là où il y aura des comités de santé et de sécurité, la loi leur reconnaisse un rôle uniquement consultatif. Plus spécifiquement, nous recommandons les amendements suivants à l'article 63 du projet de loi. Au paragraphe 1, remplacer "de choisir les moyens et équipements", par "de recommander à l'employeur les moyens et équipements". Au paragraphe 2, remplacer "d'établir les programmes de formation et d'information", par "de recommander à l'employeur les programmes de formation et d'information". L'article 63, encore, paragraphe 5, qui traite du choix du médecin responsable, nous recommandons que ce paragraphe soit supprimé entièrement.

Notre deuxième point: le rôle des départements de santé communautaire dans les programmes de santé au travail. Notre deuxième objection majeure, que nous discutons dans le mémoire, concerne le rôle des DSC dans l'élaboration et l'application des programmes de santé au travail. À l'instar d'autres groupes patronaux, nous sommes d'avis — c'est notre lecture du texte de loi — que c'est une véritable étatisation de la médecine du travail qu'effectuerait le projet de loi no 17 à travers cette réforme. Cette mise en doute de la crédibilité des médecins d'entreprises a d'ailleurs été l'un des principaux arguments invoqués lors des discussions sur le livre blanc.

Shell Canada est fermement opposée à ce principe du projet de loi et aux dispositions qui en découlent et ce, M. le Président, pour trois raisons que nous exposons brièvement. Je les nomme. Nous contestons le bien-fondé de cette quasi-étatisation, si vous voulez, de la médecine du travail. Ensuite, il en résulterait, selon nous, une

division de l'autorité en matière de santé au travail et cette division, nous la trouvons inacceptable. Finalement, une telle réforme, croyons-nous, comporterait des inconvénients majeurs que nous expliquerons plus tard.

Au sujet de la crédibilité des médecins d'entreprise, nous ne pouvons pas admettre que le gouvernement remette en cause l'intégrité professionnelle des médecins d'entreprise, du seul fait qu'ils sont rémunérés par la direction de l'entreprise, pas plus que nous sommes prêts à admettre le prétendu conflit d'intérêts dans lequel seraient placés ces médecins. D'autres professionnels au sein de l'entreprise sont également rémunérés par celle-ci et ont affaire eux aussi aux travailleurs dans le domaine de la santé et de la sécurité. Ce sont, par exemple, les ingénieurs, les contremaîtres, le directeur du personnel, les conseillers de sécurité. Et on ne parle pas de conflit d'intérêts à leur sujet. Si la seule source de rémunération d'un professionnel biaise nécessairement son jugement, il faudra se demander si l'intégrité peut exister. Jusqu'à preuve du contraire, nous estimons donc qu'il s'agit là d'affirmations gratuites, et que cet argument n'est pas fondé.

Au sujet de la division de l'autorité, au sujet du principe même de l'administration des programmes de santé par les DSC, rappelons que selon le projet de loi même, à l'article 40, l'employeur a toujours l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur. Mais, encore selon le projet de loi, ce n'est pas l'employeur, mais quelqu'un d'autre, soit les DSC, qui prendrait les décisions au sujet de ces mesures de santé. Ainsi, l'employeur voit son autorité affaiblie, mais on maintient quand même ses obligations. C'est là un aspect du projet de loi qui nous paraît inacceptable. En fait, nous croyons ici qu'il y a contradiction entre l'article 40 et l'article 93.

Au sujet des effets négatifs de cette réforme, l'élaboration et l'application des projets de santé par les DSC auraient, selon nous, trois inconvénients majeurs au point de vue de l'entreprise. Tout d'abord, étant extérieur à l'organisation de l'entreprise, le personnel médical des DSC n'aura pas accès à l'information pertinente qui lui permettrait d'éclairer ses décisions à l'étape de la conception des projets et il se contenterait alors de réagir à des situations déjà établies.

Deuxièmement, en raison même de ce manque d'information et d'un manque d'expérience concrète dans l'entreprise, il serait très difficile pour le personnel des DSC d'effectuer un contrôle adéquat des absences dues aux maladies non industrielles, et on sait que c'est là un problème qui s'aggrave à mesure que le climat social tolère plus ces choses.

Le troisième point, M. le Président, n'apparaît pas dans le mémoire que j'ai soumis à la commission et il est peut-être plus important que les deux premiers. Selon nous, les DSC, selon ce qui est expliqué au projet de loi, seraient à la fois les administrateurs et les inspecteurs de service de santé au travail.

Cette autorégulation ne nous apparaît pas souhaitable. Comme solution de rechange, nous proposons que le personnel de la santé au travail continue de relever de l'entreprise. Pour le cas des petites et moyennes entreprises, les services de santé au travail pourraient être assurés par des cliniques interindustries. Nous suggérons de plus que le rôle des DSC se limite aux fonctions suivantes: D'abord de vérifier à l'occasion la qualité de services de santé assurés à l'intérieur de l'entreprise par des professionnels de la santé qui sont partie intégrante de celle-ci;

Deuxièmement, d'assurer la cueillette de données statistiques pouvant servir à des études d'épidémiologie, par exemple, afin d'assurer une base scientifique à l'adoption des normes et à la diffusion de l'information. Aussi, on suggère de faciliter la création de cliniques interindustries, indépendantes qui offriraient aux petites et moyennes entreprises des services professionnels de santé au travail. (18 heures)

Nous suggérons enfin que les cas où il peut y avoir des doutes quant au respect de l'éthique professionnelle de la part d'un médecin d'entreprise soient portés devant la corporation professionnelle des médecins, qui est le seul organisme habilité, de par la loi, à faire enquête et à porter un jugement sur les compétences et l'intégrité de ses membres. À ces deux questions, pour nous fondamentales, soit le pouvoir de décision des comités paritaires et le rôle des DSC viennent se greffer un certain nombre d'autres points que nous avons exposés très brièvement dans le mémoire et je me contenterai d'énumérer le choix des membres des comités paritaires.

Nous suggérons, par exemple, que la moitié des membres censés représenter les travailleurs soient élus par les employés au lieu d'être nommés par le syndicat.

Il y a aussi le dédoublement inutile des contacts. Pour simplifier un peu la multiplicité des contacts prévus dans le projet de loi, nous suggérons que, là où il y aura des comités paritaires de santé et de sécurité, les communications excluent les syndicats et les représentants à la prévention qui, de toute façon, recevront leur information du comité.

Il y a aussi la "confidentialité" de l'information. Pour assurer la "confidentialité" de l'information, nous suggérons que les inspecteurs et la commission se dotent d'un système administratif bien défini, établissant diverses cotes de "confidentialité".

L'adoption et la publication des règlements. Nous sommes d'accord au sujet du délai de 60 jours pour la consultation précédant l'adoption officielle des nouveaux règlements. Nous espérons cependant que ces futurs règlements tiendront compte des situations existantes et qui seraient adéquates.

Au sujet des activités du comité de santé et de sécurité, contrairement à l'approche qu'on retrouve aux paragraphe 8 à 13 de l'article 63, selon laquelle le comité paritaire devra tout étudier, nous suggérons que le comité, sur décision des

membres et en raison des limites de temps et des ressources humaines disponibles, ne s'intéresse qu'aux cas où son étude pourra être vraiment productive.

Il y avait aussi les subventions aux associations syndicales. Lorsqu'il existe une association sectorielle dans un domaine donné, on ne devrait pas, selon nous, subventionner des associations syndicales et des associations d'employeurs pour la formation et l'information, ce qui est décrit à l'article 79. Ceci constituerait pour nous un dédoublement inutile et dispendieux et favoriserait aussi la formation et l'information à caractère partisan.

Nous avons également d'autres préoccupations qu'il nous suffira de mentionner. Il y aurait le fardeau de la preuve qui incombe à l'employeur, dans le cas où l'employé refuse d'effectuer un travail qu'il croit dangereux. Il y a la difficulté de prouver la mauvaise foi, les abus possibles du refus de travailler, ainsi que les coûts entraînés par ces abus et la formation adéquate des inspecteurs. Tout de même, comme il s'agit là de sujets qui ont été abondamment discutés devant cette commission, nous ne croyons pas nécessaire d'insister.

En conclusion, M. le Président, nous appuyons les principes et les objectifs du projet de loi no 17, mais certains de ces mécanismes proposés nous semblent inacceptables. Nous avons suggéré des solutions de rechange que nous croyons réalistes et pratiques. Nous espérons que des amendements seront effectués avant la version finale du projet de loi et tiendront compte de nos observations.

Enfin, nous osons espérer que la mise en vigueur des nouveaux règlements se fera progressivement, d'une façon qui reconnaisse l'existence des systèmes en place, lorsque ces derniers sont adéquats, et qui tiennent aussi compte des ressources et des délais nécessaires pour effectuer les changements visés par cette loi.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Viau. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la compagnie Shell Canada de son mémoire. Je crois qu'on a eu, depuis le début de cet après-midi, durant plusieurs heures, l'occasion d'examiner divers aspects du projet de loi, en particulier à la lumière des problèmes plus propres ou plus spécifiques d'un secteur, les entreprises du domaine pétrolier. Je ne reviendrai donc pas sur un certain nombre de sujets dont on a pu discuter au cours des divers témoignages qu'on a entendus, aussi bien avec des groupes de travailleurs ce matin, qu'avec des représentants patronaux depuis le début de l'après-midi.

Je voudrais m'arrêter à trois points très précis de votre mémoire, d'autant plus qu'il s'agit de trois points qui, à ma connaissance, n'ont pas été soulevés par les autres groupes qui ont témoigné depuis ce matin devant nous.

Au préalable, il y a une question que je vou- drais vous poser et qui m'amènera, le cas échéant, à modifier mes commentaires questions, selon le cas, pour mon information et pour qu'on sache bien de quoi on parle. Si je suis bien informé, les travailleurs chez vous, au Québec, sont syndiqués?

M. Viau: En grande partie, oui.

M. Marois: Bien. Deuxièmement, est-ce que votre entreprise a des usines ailleurs au Canada et, notamment, en Ontario?

M. Viau: Oui.

M. Marois: Cela confirme ce que je pensais. Cela dit, mes trois commentaires, qui seront parfois des questions, sont les suivants: Vous nous proposez, à la page 11 de votre mémoire, qu'en ce qui concerne le choix des représentants des travailleurs au comité de santé et de sécurité, vous nous proposez une formule qui ferait en sorte que le syndicat ne choisirait pas l'ensemble des travailleurs, en tout cas pour la partie des travailleurs des membres du comité de santé et de sécurité; vous proposez une formule du genre moitié-moitié. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, parce que vous avez des entreprises qui opèrent en Ontario; vos entreprises qui opèrent en Ontario tombent sous la coupe de la loi ontarienne et la loi ontarienne, au paragraphe 5 de l'article 8, prévoit exactement la même chose que nous, c'est-à-dire que les représentants des travailleurs, quand il y a un syndicat, soient choisis selon les règles démocratiques par le syndicat. Pourquoi nous proposez-vous un régime différent, quand il s'agit du Québec? Vous devez avoir de bonnes raisons, je présume, et j'aimerais, pour l'information des membres de la commission, que vous nous les expliquiez.

Deuxièmement, vous évoquez la duplication inutile des contacts et aussi la nécessité de faire l'effort maximal pour minimiser la paperasse. Je peux vous dire qu'on est entièrement d'accord avec vous pour que l'effort maximal soit fait pour diminuer la paperasse. Ce n'est pas facile, ce n'est pas simple. D'autres gouvernements ont essayé de s'attaquer à ça avant nous, et ce n'est pas parce que ce n'est pas facile qu'il ne faut pas tenter de le faire au maximum, évidemment, en tenant compte du fait que ça ne doit pas se faire aux dépens de la circulation des informations qui sont nécessaires en vue d'un effort concerté pour prévenir le plus efficacement possible les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Par ailleurs, il nous semble qu'il est aussi essentiel que les associations syndicales, quand il y en a, soient impliquées dans cette circulation d'informations, étant donné le rôle majeur, normal, qu'elles ont à jouer dans nos sociétés. Probablement aussi que ça pourrait largement contribuer... On parle souvent de climat social. Vous savez, les climats sociaux qui se détériorent et les climats sociaux qui se bâtissent sur la méfiance, très souvent ça vient d'une mauvaise information ou d'un

non-accès à l'information de base. Donc, on est d'accord avec vous pour dire qu'il faut faire un effort pour minimiser le papier. Ça ne doit pas cependant se faire aux dépens de la circulation de base de l'information qui est nécessaire.

J'aurais une troisième... cette fois, ce n'est pas une question, c'est plutôt un commentaire. Concernant la confidentialité de l'information — ça apparaît à la page 14 de votre mémoire — je voudrais vous dire, et on examinera attentivement toutes et chacune des recommandations de votre mémoire, que je trouve intéressante votre recommandation en ce qui concerne la confidentialité de l'information, pour sauvegarder la "confidentialité" de certaines informations.

Je pense que la recommandation que vous nous faites, en tout cas, mérite certainement qu'on s'y arrête et qu'on la regarde de près. Voilà, M. le Président, les quelques commentaires-questions que j'avais à formuler au point de départ.

M. Viau: M. le Président, j'aimerais peut-être que mon confrère, M. Lafontaine, réponde à ces questions. J'ai été presque tenté de répondre tout de suite à votre première question qui disait: Pourquoi est-ce qu'en Ontario quelque chose s'est fait comme cela et qu'au Québec, on suggère quelque chose? J'étais ici hier et je crois que c'est hier que vous avez dit: Le Québec, c'est le Québec, ce n'est pas la Suède.

M. Marois: Bien sûr.

M. Viau: Ce n'est pas la réponse vraiment que je voulais vous donner. Peut-être que mon confrère pourrait y répondre.

M. Marois: Je suis certain que ce n'est pas la réponse que vous vouliez me donner.

Le Président (M. Dussault): M. Lafontaine.

M. Lafontaine (Gaston): Pour faire suite à la demi-réponse de mon collègue, ce qui a causé notre suggestion, c'est l'expérience qu'on a ici au Québec à la raffinerie où on a déjà un comité paritaire qui fonctionne depuis plusieurs années, quelque chose de l'ordre de quatre à cinq ans. Pour l'information de la commission ici, ce comité paritaire là est composé de dix personnes syndiquées et de dix personnes-cadres. Nous avons cru qu'à cause de l'étalage des départements administratifs, il nous en fallait en aussi grand nombre. Ces employés du côté des syndiqués sont élus par les employés sans être toutefois choisis par le syndicat lui-même. Il arrive assez souvent que les délégués syndicaux se retrouvent à la fois délégués syndicaux et aussi membres de ce comité-là, à cause probablement d'une popularité plus grande dont ils jouissent à travers les travailleurs. C'est assez naturel, mais ce n'est pas nécessairement cela, ce qui veut dire que l'expérience qu'on a eue au Québec jusqu'à maintenant est que le fonctionnement de ces comités-là a pu se faire généralement sans une confrontation partisane, si vous voulez, patronat-syndicat. On n'a pas transposé à cette table de discussion-là trop de problèmes qui auraient dû se régler à la table de négociation. Nous croyons que la sécurité et la santé ne se négocient pas. Ou c'est bon, ou ce n'est pas bon. On ne voudrait pas se retrouver, si vous voulez, avec, d'un côté, l'équivalent d'un syndicat et, de l'autre côté, l'équivalent de la direction de la raffinerie. C'était la raison pour laquelle on avait suggéré que les membres syndiqués soient élus et non nommés par le syndicat.

M. Marois: Mais vous admettez que— le Québec étant le Québec, bien sûr — si j'ai bien compris, déjà, vous avez un comité de sécurité qui est composé de vingt personnes, dix représentant les cadres ou la direction de l'entreprise, dix représentant les travailleurs et choisies par le syndicat.

M. Lafontaine: Non, les dix représentants des travailleurs sont élus par les travailleurs. C'est ce qui fait la différence et c'est aussi ce qui nous apporte...

M. Marois: Oui, d'accord, parfait. Là, très bien.

M. Lafontaine: On a cette expérience-là.

M. Marois: Mais n'est-il pas exact que vous avez vécu exactement la même situation avant l'entrée en vigueur, dans les entreprises de votre compagnie en Ontario, de la loi ontarienne?

M. Lafontaine: On a eu, avant l'entrée en vigueur de la loi ontarienne, des formules de comités de santé et de sécurité au travail. C'était, à ma connaissance — j'étais passablement bien placé pour le voir, vu que j'étais au siège social — des comités qui n'étaient pas paritaires et qui souvent étaient ad hoc.

M. Marois: Non, ce n'est pas cela que je veux dire, indépendamment qu'ils étaient paritaires ou pas. Quand vous dites que, dans certains cas, ils n'étaient pas nécessairement nommés par le syndicat.

M. Lafontaine: Oui, en Ontario, c'était le cas avant que la présente loi soit en force.

M. Marois: Maintenant que la loi est en force, ils sont nommés par le syndicat forcément. Je présume que vous respectez la loi.

M. Lafontaine: J'imagine, oui. (18 h 15)

M. Marois: Bien. Cela a créé des problèmes majeurs.

M. Lafontaine: Je crois que, premièrement, à cause d'une mutation...

M. Marois: C'est que j'ai pu suivre de très près le dossier de l'Ontario.

M. Lafontaine: Je voudrais vous répondre pour la Shell, si vous voulez.

M. Marois: J'ai pu suivre aussi de très près le dossier de certaines entreprises en Ontario par des contacts avec le ministère du Travail. Je comprends qu'il vous faut le temps de réflexion avant de répondre, mais...

M. Lafontaine: Pas nécessairement, j'avais déjà ma réponse. À cause de ma mutation récente au Québec, je n'occupe plus la position de coordonnateur au siège social. Je suis dans une moins bonne position pour vous répondre exactement si l'expérience a été heureuse ou malheureuse. Laissez-moi toutefois vous mentionner que si elle avait été très malheureuse, j'en aurais probablement entendu parler.

M. Marois: Vous en auriez entendu parler. M. Lafontaine: Oui. M. Marois: Bien, merci.

M. Lafontaine: Alors, je peux suggérer qu'elle n'a pas été très malheureuse.

M. Marois: Parfait, merci bien.

M. Lafontaine: Si on prend le deuxième point soulevé qui est la multiplication des contacts qu'on considère comme inutiles, encore là, je pense bien que cela vient, chez nous, de l'expérience qu'on vit aujourd'hui. Pour nous les communications avec le syndicat se font d'une façon sélective. Autrement dit, quand on considère qu'il va y avoir l'introduction de nouveaux programmes qui ont un impact significatif on en fait part au syndicat d'une façon formelle, mais on ne se fait pas une tâche de faire part au syndicat de tous les détails de ce qui se passe dans la santé et la sécurité au travail. Votre texte de loi suggère d'une façon presque totale qu'il y ait beaucoup de contacts qui soient faits avec les représentants syndicaux pour ce qui est de l'information, de rapports d'inspection — j'en cite seulement quelques-uns de mémoire — mais le syndicat semble être impliqué dans une foule de choses qui, à notre avis, ne sont pas nécessaires.

M. Marois: Remarquez que, par ailleurs, on a reçu devant nous des témoignages et on en a reçu d'autres par la voie des media tout court, du milieu syndical, qui vont dans le sens complètement opposé. Ils prétendent que non seulement par le projet de loi ils n'en auront pas plus, mais qu'ils vont en avoir moins.

M. Lafontaine: Je comprends bien que vous avez pu entendre d'autres sons de cloches. Enfin, votre troisième commentaire, qui est la "confiden- tialité" de l'information. Nous soulevons ce point-là un peu à cause de l'expérience que j'ai eue lors de différents voyages dans d'autres compagnies Shell où l'État opère d'une façon différente, par exemple, aux États-Unis où nous avons Shell Oil, ou dans des pays d'Europe. Encore là, je ne voudrais pas qu'on dise: Le Québec c'est le Québec. C'est entendu, mais là-bas j'ai vu des choses qui n'étaient pas bêtes. Il y avait des cotes de "confidentialité " qui dictaient certaines précautions, par exemple, pour la reproduction de documents ou la non-reproduction de documents. Les choses qui devaient être vues seulement par un certain groupe de personnes avaient certaines cotes de "confidentialité". C'était quelque chose qui était réglementé d'une façon formelle et j'aimerais espérer qu'au tout début, quand on commencera à se passer de l'information qui peut être confidentielle, il y ait ce genre de cote de "confidentialité " qui nous soit communiquée pour qu'on puisse nous aussi faire une tentative de codage des documents.

M. Marois: J'ai pu vous indiquer que cette recommandation est intéressante et soyez assuré qu'on va regarder cela de très près, parce que, effectivement, vous avez raison, il y a des systèmes qui sont rodés. Il y a eu des expériences non seulement au Canada, dans certaines provinces, aux États-Unis, mais en Europe aussi, exactement dans le même sens.

Le Président (M. Dussault): Alors, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais me limiter à remercier M. Viau et M. Lafontaine. Je pense qu'on a fait tout le tour de la question aujourd'hui. On a eu l'occasion d'échanger... tant avec l'Association pétrolière du Québec qu'avec d'autres compagnies pétrolières sur des sujets et des préoccupations qui sont vôtres. On a eu aussi l'occasion de vider plusieurs aspects, des aspects bien techniques, comme le benzène et ces choses-là. On a eu aussi l'occasion de vous faire part de notre position à nous, et le tout est maintenant entre les mains du législateur et surtout du gouvernement. Merci, messieurs.

M. Marois: Merci.

Le Président (M. Dussault): Alors, au nom de la commission je remercie les représentants de Shell Canada de leur participation aux travaux de cette commission. Cela met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Tel qu'il a été convenu, nous reprendrons les travaux demain matin à 9 h 30. Alors, j'ajourne les travaux de la commission à demain 9 h 30.

Fin de la séance à 18 h 30

ANNEXE A

Mémoire sur le projet de loi no 17 Loi sur la santé et la sécurité du travail

Présenté par: La Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc. Avant-propos

La Société des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc. est un organisme qui a pour buts: a) de maintenir, d'améliorer et d'augmenter les connaissances professionnelles, l'habilité et la compétence de ses membres en tout ce qui concerne le travail du conseiller en sécurité industrielle. b) de maintenir et d'élever le niveau social et la dignité du conseiller en sécurité industrielle et à cette fin, faire tout ce qui sera jugé nécessaire afin d'augmenter la compétence, l'efficacité et le savoir de ses membres, en facilitant et en encourageant leurs études, en leur fournissant l'occasion de discuter les questions les intéressant et d'approfondir ce qui est utile à l'exercice de leur profession, afin de rendre à ses membres les services nécessaires qu'ils sont en droit d'attendre.

La Société regroupe plus de 150 spécialistes de la sécurité industrielle au Québec, oeuvrant autant dans tous les types d'industries qu'au niveau des associations de prévention et du milieu de l'enseignement et peut à ce titre se considérer comme représentative de l'opinion des spécialistes de la sécurité industrielle du Québec.

1. Introduction

Le présent mémoire porte exclusivement sur la place et le rôle du service de sécurité de l'entreprise et du rôle des professionnels de la prévention en regard de la loi 17 sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Alors que la loi définit très clairement le rôle du médecin du travail, les mécanismes de son action ainsi que le rôle et les mécanismes de fonctionnement du comité d'hygiène et de sécurité et du représentant de sécurité, nous constatons une absence totale de dispositions législatives sur le service de sécurité d'entreprise et sur les spécialistes de la prévention.

Le but du présent mémoire est de démontrer en se basant sur l'expérience actuelle au Québec et sur l'expérience de plusieurs autres pays, qu'il serait essentiel que des dispositions législatives définissant l'obligation pour certaines entreprises d'avoir un service de sécurité industrielle ou du moins un spécialiste de la sécurité, instituant le rôle et la mission de ce service, prévoyant des mécanismes de fonctionnement (au même titre que le comité d'hygiène et de sécurité, le médecin du travail et le représentant de sécurité) soient incluses dans la loi. Ces dispositions sont à notre avis indissociables des autres, leur absence pouvant compromettre sérieusement l'atteinte des objectifs visés par la loi.

2. Rôles passés et actuels des spécialistes de la prévention et des services de sécurité d'entreprise

a) Qui sont ces spécialistes de la prévention?

Il existe au Québec depuis plusieurs années, des entreprises qui ont un service de sécurité dûment constitué ou qui ont à leur emploi un ou des spécialistes de la prévention et qui également jouissent de l'aide des conseillers en sécurité de leur association de prévention. Essayons de cerner dans un premier temps qui sont les spécialistes de la prévention. On les retrouve à presque tous les niveaux de l'entreprise. On les appelle des coordonnateurs de sécurité dans l'entreprise. Ce sont souvent des cadres à qui on remet non seulement le dossier de la prévention mais souvent la responsabilité entière de celle-ci. Cette personne relève souvent de différents secteurs de l'entreprise (service du personnel, production...). On les retrouve aussi comme conseillers dans des associations de prévention, généralement d'ordre patronal.

Due à la carence de formation institutionnalisée, ces personnes ont généralement glané leurs connaissances au travers leur expérience du milieu industriel et aussi au travers de cours de perfectionnement suivis au sein d'organismes spécialisés en prévention: — Associations de prévention, organismes privés du Québec, de l'Ontario et même des États-Unis. (Ex: National Safety Council, etc...)

On ne peut nier la compétence que possèdent ces personnes oeuvrant dans le domaine de la prévention depuis nombre d'années, plusieurs ont fait oeuvre de pionniers pour ne pas dire de missionnaires. Ils sont à notre avis actuellement les seuls véritables spécialistes, connaissant à fond les techniques de prévention.

Dans plusieurs cas, malgré les problèmes qu'ont rencontrés ces personnes, leurs actions ont été déterminantes et on peut se demander ce qu'auraient été les résultats s'ils avaient été absents de la scène?

b) Quels sont leurs problèmes actuels?

L'action des spécialistes en prévention dans plusieurs cas aurait pu être beaucoup plus efficace si ce n'avait été de certaines contraintes liées à: — L'absence de protection légale et de mécanisme de recours — L'absence de reconnaissance et de définition officielles de la fonction — Conflits d'intérêts avec d'autres fonctions de l'entreprise — Situation hiérarchique qui dans certains cas le coupe de la haute direction — Contraintes budgétaires.

Ceci a pour résultats que les spécialistes de la prévention vivent certains problèmes d'impartialité et de limitation de leur action. Il arrive aussi que par souci d'économie, certaines entreprises dont la taille et le degré de risque nécessiteraient la présence d'un spécialiste à plein temps n'en ont pas ou elles confient de la sécurité à des personnes pleine de bonne volonté mais dont on peut questionner la compétence. Bien souvent les vrais spécialistes sont perçus comme des missionnaires plutôt que des membres à part entière de l'équipe de gestion, quand on en fait pas de simples commis bon à remplir des formules.

Par contre, les conseillers d'association patronale doivent jouer le jeu des idées véhiculées dans le milieu au risque d'être partial. Donc, en général, ces préventionnistes vivent une certaine insécurité qui affecte sensiblement l'objectivité qu'il est nécessaire d'avoir en prévention. Cependant, il est clair, que pour réaliser les objectifs de la loi, le Québec a à sa disposition un bassin de personnes compétentes qui n'attendent qu'une reconnaissance adéquate pour jouer pleinement leur rôle.

3. De la nécessité des spécialistes de la prévention

L'action pour la sécurité, c'est-à-dire la prévention, a un double aspect; technique et humain.

Sur le plan technique:

Faire de la prévention, c'est utiliser un outillage adapté; des installations électriques correctes; c'est contrôler les échafaudages, les échelles; c'est mettre un garde-corps, un protecteur sur les machines, c'est procéder à une organisation rationnelle du travail, c'est de plus en plus lier l'étude de sécurité à l'étude technique.

Sur le plan humain:

Faire de la prévention, c'est confier à chacun un emploi en rapport avec ses aptitudes; c'est donner une parfaite connaissance de son travail, c'est regarder le danger, exiger le respect des protections, etc., etc.

Il faut que quelqu'un s'en occupe. — Le rôle de la médecine du travail est fondamental sur le plan humain. Elle permet en effet de veiller à l'adaptation de l'homme à son travail et à la conservation de la santé. Mais il faut faire de la formation et de l'information. Il faut que quelqu'un s'en occupe.

Il faut intégrer la sécurité aux études des installations, des machines, des procédés de fabrication. En effet, la meilleure sécurité est celle qui est la moins dépendante de l'exécutant. Quelqu'un doit participer à ces études pour y faire intégrer la sécurité.

Lorsque l'intégration n'est pas possible, ou lorsque des compléments de sécurité sont nécessaires, il faut recourir à des sécurités ajoutées individuelles ou collectives. Il faut que quelqu'un connaisse bien ces sécurités pour en recommander leur emploi. Il est nécessaire de noter que ces techniques de sécurité deviennent extrêmement complexes et difficiles. Elles évoluent rapidement et se tenir au courant nécessite un travail important. D'autres parts, certaines d'entre elles nécessitent l'intervention de plusieurs spécialistes, le service de sécurité devenant alors "coordonnateurs de l'étude de sécurité". Fonctionnel de la sécurité c'est un métier qu'il faut connaître.

Il est clair que le projet de loi confie un grand rôle au comité d'hygiène et de sécurité et c'est une mesure importante et souhaitable, mais les membres du comité de sécurité qui sont élus par le syndicat auront besoin d'un support technique qui ne saurait être autre que le spécialiste de la prévention au même titre que le médecin leur sera un support du côté santé. Pour que ce rôle de support s'exerce efficacement et de façon impartiale, la loi devra prévoir des mécanismes de fonctionnement comme pour le médecin et le représentant de la sécurité ainsi qu'elle devra reconnaître officiellement la fonction sécurité, également ce travail devrait être confié à de véritables spécialistes de la question dont la formation serait contrôlée.

II est évident que le rôle qu'exerceront les conseillers de la commission de sécurité-santé et des associations de prévention est primordial. Mais plusieurs entreprises selon leur taille et la nature de leurs risques nécessitent un appui beaucoup plus constant que les interventions ponctuelles de ces conseillers et c'est là le rôle du spécialiste en prévention.

Le spécialiste en prévention ne dégage en rien l'employeur de ses responsabilités et de ses obligations en la matière. Il n'est pas nécessaire de sortir le spécialiste de la prévention de l'entreprise pour qu'il soit impartial. Son impartialité peut être assurée par des mécanismes de recours à des tierces parties en cas de litige.

L'expérience vécue par d'autres pays dans le domaine est probante; entre autres, en République Fédérale Allemande où une législation semblable au projet de loi actuel existait depuis plusieurs années et où depuis 3 ans les services de sécurité sont devenus obligatoires. On note une baisse de 14% du taux de fréquence des accidents.

Voyons quelques positions prises en faveur du service de sécurité dans l'entreprise dans plusieurs pays européens.

1 - Comité des Ministres du Conseil de l'Europe

L'"humanisation des mesures destinées à protéger la santé des travailleurs sur les lieux de travail" fut inscrite en 1967, au programme de travail intergouvernemental du Conseil de l'Europe. Lors de sa réunion du 18 février 1972, le Comité des Ministres adopta une Résolution (R 72-5) définissant les principes qui devaient régir l'organisation et le fonctionnement d'un service de médecine du travail. Il avait souligné alors la nécessité de porter son attention sur le rôle des services de sécurité, "rôle complémentaire à celui du médecin du travail".

L'étude des "Fonctions et statut des services et ingénieurs de sécurité" a conduit le Comité des Ministres à adopter le 20 janvier 1976 une Résolution (R 76-1) préconisant la création de tels services. Cette résolution précise: "Par service de sécurité on entend un service appartenant ou lié à une entreprise, chargé d'une mission d'aide et de conseil dans la préparation et la mise en oeuvre d'une politique préventive en matière de sécurité et d'hygiène du travail."

2 - Commission des communautés européennes

La commission générale de la sécurité du travail dans la sidérurgie, organe consultatif interne de la haute autorité de la Communauté Européenne du charbon et de l'acier a adopté dix principes de prévention. Le quatrième de ces principes juge: "... essentiel que la direction de l'entreprise et ses divers services puissent recourir aux conseils d'un service de sécurité placé sous l'autorité directe de la direction sans qu'ils puissent pour autant en être déchargés de leurs obligations fondamentales en la matière. Les adaptations de ce principe peuvent se révéler nécessaires dans les entreprises de petite taille qui ne posséderaient pas de service de sécurité."

3 - Un avis syndical

L'Union internationale des Syndicats des travailleurs des industries chimiques, du pétrole et similaires, a organisé à Prague, du 12 au 21 avril 1966, un séminaire sur l'hygiène et la sécurité du travail auquel 15 pays étaient représentés.

Une charte fut adoptée à l'unanimité par les participants en conclusion des travaux.

Cette charte prévoit la mise en place dans chaque établissement d'un service technique spécialisé dont elle définit les tâches. Elle précise: "Des techniciens et des ingénieurs seront spécialement formés pour les tâches de sécurité."

4 - Un avis patronal

M. Maurice Rousseau, Chef de la délégation patronale du Comité technique national des industries du bois, cite, dans une note rédigée pour l'Officiel du bois (no. 3, 15 février 1976), la loi allemande: "Un des (textes) plus importants, celui de la R.F.A., pourrait prochainement servir de modèle à la France. 1- Il prévoit l'obligation de créer un service technique de sécurité dans les entreprises, là où existe un (CHS) Comité Hygiène Sécurité. 2- Il établit un parallélisme entre le rôle, la désignation du médecin du travail et des ingénieurs et techniciens de sécurité.

3- Il définit les fonctions et le niveau des connaissances des spécialistes de la sécurité. 4- Il propose l'articulation des services de sécurité avec les autres services de l'entreprise. La loi officialise en fait "la fonction sécurité" tout en rappelant le principe de l'entière responsabilité organique du chef d'entreprise et de la hiérarchie".

5 - Accord cadre du 17 mars 1975 sur l'amélioration des conditions de travail

Art. 22. - "II est souhaitable que, chaque fois que les effectifs de la nature des travaux le justifient, soit créé un service de sécurité dont la participation aux actions de prévention ne peut: — ni décharger la hiérarchie de ses responsabilités en la matière, — ni empiéter sur les prérogatives des comités d'hygiène et de sécurité.

Organe de caractère technique, placé sous la responsabilité exclusive de l'employeur, le service de sécurité doit avoir un rôle fonctionnel et le partage des tâches entre lui et les autres services doit être clairement défini."

IV-4-6 — Le gouvernement allemand

Le gouvernement allemand, dans l'exposé des motifs de la loi du 12 décembre 1973, faisait les constatations suivantes: — Les accidents du travail augmentent, malgré un nombre croissant d'agents de contrôle. — Par contre, le nombre de ces accidents diminue dans les entreprises où fonctionnent un service de la médecine du travail et/ou un service de sécurité du travail. — Le nombre de médecins du travail et d'experts de sécurité qui sont rattachés aux entreprises sur une base volontaire est insuffisant et reste pratiquement inchangé.

4. Exemples de législations

1 - La résolution R 76 du Conseil de l'Europe

Par sa résolution 76-1 du 20 janvier 1976, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, préconise, nous l'avons vu, la création de tels services. "Le service de sécurité a pour but d'assister et de conseiller l'employeur et, dans la mesure où cela relève de leur compétence, les travailleurs ou leurs délégués dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de sécurité et d'hygiène du travail visant à: — éliminer, prévenir ou réduire les dangers physiques, mécaniques, chimiques (et, le cas échéant, biologiques) auxquels les activités d'une entreprise peuvent exposer la vie ou la santé des travailleurs affectés dans cette entreprise; — améliorer les méthodes et le milieu de travail, en adaptant le travail aux travailleurs, en fonction de leurs aptitudes physiques et mentales; — contribuer à la connaissance des problèmes de sécurité et d'hygiène du travail et à faire progresser les techniques propres à les résoudre."

2 - République fédérale d'Allemagne

Le service sécurité a été rendu obligatoire dans les entreprises allemandes (R.F.A.) par une loi du 12 décembre 1973.

Nous citons ci-après l'article 5 de cette loi: "Mandat des spécialistes en sécurité du travail. 1) L'employeur doit désigner nommément des spécialistes en sécurité du travail (ingénieurs, techniciens, contremaîtres) par écrit et leur fixer leur mission dans la mesure où ceci est exigible, en vertu de: 1. l'activité de l'entreprise et les risques encourus par l'employeur en ce qui concerne les accidents et la santé; 2. le nombre des salariés et la composition sociale de ceux-ci; 3. l'organisation de l'entreprise, notamment au regard du nombre et de la manière dont est assurée la sécurité par les personnes responsables. 2) L'employeur doit veiller à ce que les spécialistes de la sécurité mandés par lui accomplissent leur mission. Il doit les soutenir dans l'accomplissement de leur tâche. Il incombe notamment, dans la mesure où ceci est nécessaire à l'accomplissement de leur tâche, de mettre à leur disposition du personnel, des locaux, des installations, des appareils et des moyens. 3) L'employeur est tenu de donner aux spécialistes de la sécurité dans la mesure des nécessités de service, la possibilité de s'informer et de se recycler. Dans le cas où le spécialiste de la sécurité est embauché comme employé, il doit être indemnisé pendant la durée de recyclage et libéré de son travail normal. Les frais de formation et de recyclage

sont supportés par l'employeur. Si le spécialiste de la sécurité n'est pas employé de l'établissement, il doit être libéré de son travail normal pendant toute la durée du stage de formation ou de recyclage."

3 - Autriche

La loi autrichienne du 30 mai 1972 sur la protection de la vie, de la santé et de la moralité des travailleurs (complétée par un Décret d'application du 8 juin 1973) exige qu'un service de sécurité soit rattaché à toute entreprise occupant régulièrement plus de 500 travailleurs.

Comme en R.F.A., c'est l'employeur qui doit faire en sorte que le service de sécurité soit organisé et équipé conformément à la loi.

4 - Belgique

C'est un Arrêté royal du 20 juin 1975 qui a rendu obligatoire dans les entreprises belges, le service de sécurité dénommé "service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail".

Nous citons ci-après les articles 833-1 et 2 de cette loi: 833-1. Dispositions générales. 833-1-1. Le service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, visé à l'article 833 du présent règlement, est dirigé par un chef de service, assisté éventuellement par un ou plusieurs adjoints, de manière à ce que les missions imparties au service puissent être remplies en tout temps intégralement et efficacement. 833-1-2. Le chef du service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail relève directement de la personne chargée de la gestion journalière de l'entreprise ou du siège d'exploitation. 833-1-3. Le chef du service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail remplit sa mission en toute indépendance vis-à-vis de l'employeur et des travailleurs. 833-1-4. Les divergences de vues entre l'employeur et le chef du service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail au sujet de la réalité de cette indépendance sont soumises, à la demande des parties ou de l'une d'elles, à l'avis de l'inspecteur du travail compétent en matière de sécurité. 833-2. Désignation, remplacement ou écartement du chef du service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail. 833-2-1. La désignation, le remplacement du chef du service de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail et de ses adjoints, la désignation d'un remplaçant temporaire ou l'écartement de leur fonction est effectué par l'employeur après accord préalable du comité de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail ou, à défaut, de la délégation syndicale. En cas de désaccord persistant au sein du comité ou avec la délégation syndicale, l'avis de l'inspecteur du travail compétent en matière de sécurité est sollicité. 833-2-2. Dans les entreprises occupant moins de 20 travailleurs, la fonction de chef du service de sécurité peut être assumée par l'employeur." 5 - Conclusion

Comme nous l'avons établi précédemment le spécialiste de la prévention a un rôle à jouer dans la réalisation des objectifs de la loi. Que ce soit comme personne ressource au niveau du comité de sécurité, au même titre que le médecin du travail, dans les interventions de formation et d'information auprès des employés et des cadres.

Également dans la gestion des programmes de prévention comme conseiller auprès des membres de la gestion pour qu'ils puissent créer le milieu le plus sécuritaire possible. Le Livre Blanc ne favorisait-il pas une approche organisationnelle de la prévention des accidents (C.F. p.7)?

Ceci pourra se faire en autant que certaines contraintes soient levées, c'est pourquoi nous proposons: 1 - Que l'on définisse clairement dans la loi 17, le rôle du spécialiste en prévention, que ce soit dans l'entreprise ou dans les associations de prévention. Ce rôle est essentiellement un rôle conseil au niveau de l'employeur, du C.H.S. et des employés surtout pour que ceux-ci intègrent les techniques de prévention, à leur fonctionnement respectif, il a aussi un rôle de support au niveau des interventions de formation et d'information. 2 - On devrait préciser dans la loi 17, l'obligation pour les entreprises selon le nombre d'employés et la nature des risques d'avoir à leur emploi un professionnel de la prévention. Pour certaines entreprises ayant un grand nombre d'employés ou un haut taux de risques, les interventions ponctuelles des conseillers d'association ou de la commission de sécurité-santé ne seront pas suffisantes. Ces entreprises nécessitent la présence de professionnels de la prévention de façon permanente, d'ailleurs c'est actuellement le cas de plusieurs entreprises. 3 - La loi devrait prévoir des mécanismes de fonctionnement permettant aux spécialistes de la prévention d'agir efficacement et assurant leur impartialité. 4 - Que l'on précise que ces spécialistes devront être des professionnels au sens du code des professions.

Ceci leur accordera l'impartialité du fait qu'ils pourront s'appuyer sur un code d'éthique et une reconnaissance par leur corporation professionnelle qui régirait également leur formation et ceci assurerait que les postes seraient comblés par des personnes réellement compétentes dans le domaine. Les conseillers en prévention doivent au moins être considérés au même titre que des conseillers en relations industrielles ou en orientation. Il nous apparaît que ces propositions permettraient d'utiliser avec un maximum d'efficacité des ressources déjà existantes et également de compléter une démarche vers la santé et la sécurité des travailleurs bien amorcée par le projet de loi no 17. Il ne faudrait surtout pas que les entreprises et la société québécoise perdent ce bassin de compétence en sécurité industrielle.

ANNEXE B

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

OU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D'OEUVRE

RELATIVEMENT AU PROJET DE LOI 17

SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec Québec, le 17 septembre 1979

1. Introduction

Le Gouvernement du Québec s'apprêtant à légiférer sur la santé et la sécurité au travail, il nous apparaît important de faire connaître le fruit des débats menés par un groupe de travailleurs du secteur public, et de vous présenter les principales revendications qui ont guidé jusqu'ici leurs interventions dans la lutte touchant les questions de santé-sécurité.

Les travailleurs de la Fonction publique québécoise, quoiqu'on en dise, subissent des préjudices à leur santé dans leurs milieux de travail et de ce fait, se doivent de participer à ce débat. En effet, il existe chez ces employés des problèmes de santé au travail qui ne doivent pas être ignorés du seul fait qu'ils sont moins évidents ou moins immédiatement fatals.

De plus, ce débat concerne non seulement les revendications des employés de la Fonction publique pour de meilleures conditions de travail relatives à la santé et à la sécurité, mais il touche également la lutte pour la conservation intégrale de leur droit de négociation face à l'État et la non-ingérence de celui-ci dans les affaires syndicales.

Une étude du C.L.S.C. Centre-Ville (Montréal) publiée en novembre 1978, effectuée auprès de 1530 travailleurs du secteur tertiaire affectés principalement au travail de bureau, et dont plus de la moitié sont à l'emploi du ministère du Revenu, révèle de nombreux symptômes affligeant ces travailleurs. Il s'agit surtout de symptômes cardiovasculaires et digestifs, associés à des problèmes tels que le stress et l'insomnie qui découlent de la nature de leur travail. Ces travailleurs subissent les effets négatifs du

milieu physique ambiant tels que la mauvaise qualité de l'éclairage, le manque d'espace, le niveau incommodant du bruit et les variations de température et d'humidité, éléments dont les effets accumulés deviennent à la longue irritants et épuisants . Ils subissent aussi des contraintes qui sont liées à l'organisation même de leur travail et qui sont sources de stress et de fatigue: surcharge de travail, monotonie et répétitivité des tâches, contenu insatisfaisant des tâches sur lesquelles ils ont peu ou pas de contrôle.

Bien plus, une enquête préliminaire réalisée par le département de santé communautaire du centre hospitalier Saint-Sacrement de Québec en 1978 révèle que 3740 fonctionnaires et près de mille professionnels répartis dans onze (11) ministères de la région de Québec sont potentiellement exposés à des nuisances tant physiques que chimiques et biologiques. Cette même enquête identifie quelque 1000 employés gouvernementaux qui sont quotidiennement exposés au bruit, aux toxiques, aux poussières, aux radiations et aux agents biologiques de toutes sortes; ce qui représente 5,4 % de l'ensemble des effectifs de la Fonction publique pour la région de Québec.

Devant cet état de fait et après analyse du Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail, le Conseil syndical du Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec, regroupant des représentants de toutes les régions, exigeait en novembre dernier que le gouvernement modifie radicalement son approche, retire en conséquence le Livre Blanc. Il réclamait de plus une législation fondée sur le principe de l'élimination à la source des dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le S.P.G.Q. considérait en effet que le Livre Blanc n'apportait aucune amélioration significative à la situation actuelle et qu'il n'accordait aucun droit collectif aux travailleurs pour se protéger. Par contre, l'État poursuivait par ce moyen son ingérence dans les affaires syndicales en optant pour la formule des comités paritaires de santé et sécurité, formule déjà rejetée par le S.P.G.Q. pour cause d'inefficacité lors de la dernière négociation.

Lors de l'Assemblée des délégués syndicaux du S.P.G.Q. le 5 mai dernier, les délégués adoptaient la résolution suivante : "L'A.D.S. demande au Conseil syndical de s'opposer à tout projet de loi qui ne respecterait pas l'esprit de l'ensemble ou de l'un des principes ci-énoncés : 1. le droit collectif et individuel d'arrêter de travailler; 2. le droit d'enquête et d'inspection; 3. le droit de négociation; 4. le droit au choix du médecin; 5. le droit à la pleine réadaptation et à la plein compensation."

C'est pourquoi nous examinerons l'un après l'autre ces différentes revendications et la façon dont le projet de loi no 17 entend y répondre.

Mais auparavant, il importe d'affirmer une fois de plus que l'objectif central qui doit être poursuivi en matière de santé-sécurité au travail pour bien répondre aux intérêts des travailleurs, c'est l'élimination des dangers et des nuisances à la source, ou encore l'assainissement du milieu de travail lui-même.

En effet, pour nous syndiqués, le principe de l'élimination des dangers à la source signifie essentiellement la modification du milieu de travail lui-même dans le but de le débarrasser de tout agent délétère ou de toute situation dangereuse, et l'aménagement des lieux de travail avant tout en fonction des besoins des travailleurs.

Seule cette approche est véritablement préventive car elle s'attaque aux causes réelles des accidents et des maladies professionnelles. Aussi, considérons-nous que les moyens et équipements individuels mis à la disposition des travailleurs ne doivent être que des mesures palliatives et ne doivent en aucun cas prendre le pas sur les programmes d'assainissement du milieu. 2. Les comités paritaires

II est essentiel également, pour l'approfondissement de ce débat, de faire valoir le point de vue du S.P.G.Q. sur les comités paritaires de santé-sécurité. Nos expériences passées dans ce domaine nous ont montré que les comités paritaires d'hygiène et de sécurité ne sont que des lieux de dépôt, de débarras, de congélation et même d'anesthésie des revendications syndicales gênantes pour l'employeur.

À titre d'exemple, au ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre à Montréal, dans un édifice loué par le gouvernement (201-255 Crémazie est), malgré un rapport d'inspection signalant dix-huit (18) points d'infraction, il a fallu une mobilisation de tous les employés, assortie de moyens de pression, pour faire bouger le ministère sur des mesures aussi élémentaires que des sorties d'urgence déverrouillées pendant les heures de travail ou encore l'éclairage d'urgence dans les escaliers.

Après que le S.P.G.Q. et le S.F.P.Q. eurent informé le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre des conditions d'insécurité et d'insalubrité des édifices 201-255 Crémazie est, après qu'ils eurent fait signer une pétition, après qu'ils eurent déposé des griefs et discuté au Comité ministériel des relations professionnelles, les travailleurs se sont rendu compte que leurs conditions de travail demeuraient les mêmes.

Ils ont alors convoqué une assemblée de 600 personnes dans la cafétéria, adopté un cahier d'une dizaine de revendications, élu un comité conjoint syndical (S.F.P.Q.-S.P.G.Q.), occupé des locaux du service d'inspection pour négocier avec le bureau du personnel.

C'est à ce moment seulement que les résultats se sont fait sentir. Les conditions d'hygiène se sont améliorées et les infractions à la loi sur la sécurité dans les édifices ont presque toutes été corrigées. Par contre, au 201 Crémazie est, les conditions de chaleur insupportable qui ont incommodé les travailleurs à la fin d'avril 1979 sont demeurées les mêmes et n'ont pas réussi à dégeler les décisions qui s'imposent. Notre scepticisme s'accroît donc à l'approche des grands froids.

Comme autres exemples de la "collaboration" de notre employeur, le gouvernement, nous avons vu des locaux infestés de rats parce que des trous béants dans les murs, occasionnés par des tests de structure, leur servaient d'autoroutes. L'intervention du ministère des Travaux publics fut dans ce cas relativement "rapide". Quatre (4) à cinq (5) mois et deux (2) griefs collectifs ont suffi pour qu'un programme de réfection des murs soit mis en marche. Fidèle à lui-même, l'employeur avait bien essayé de régler la question autrement en mettant par exemple du poison à rats, mais il ne voulait pas combattre le mal à la source, à savoir les trous dans les murs.

Quant aux nombreux problèmes de froid et de chaleur rencontrés par les travailleurs de la Fonction publique (exemples : édifices Cambrai, Joffre, Centre Innovation, 800 d'Youville, Musée du Québec, etc.) que de fois des syndiqués ont fait des griefs en pensant que cela donnerait des résultats. Là encore, les griefs ne firent que porter le problème à l'attention des ministères concernés. Ils n'eurent aucune force, car aucun règlement ni aucune loi ne prévoit le niveau de température chaude ou froide maximale supportable pour les travailleurs des établissements publics.

La réponse classique des ministères dans tous les cas fut que : ce n'était pas pour quelques jours-problèmes dans une année qu'ils allaient investir de grosses sommes d'argent. Sauf que ces problèmes de "quelques jours" durent des mois sans qu'aucune solution ne soit trouvée.

Ces différents exemples illustrent le fait qu'il nous a fallu créer un rapport de forces pour contraindre l'État-employeur à négocier et à corriger des infractions qu'il avait commises, enfreignant par là ses propres règlements.

Comment un employeur qui a refusé d'envoyer ses propres représentants et qui s'est opposé à la libération de représentants syndicaux pour assister à la publication des résultats de l'enquête du C.L.S.C.-Centre-ville (Montréal), portant sur les conditions de santé au travail de ses employés, peut-il nous convaincre du bien-fondé des comités paritaires de santé-sécurité?

Comment un employeur qui annule, sans fournir aucune raison, une réunion dite de concertation regroupant des représentants du Syndicat des Fonctionnaires provinciaux du Québec, du Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec, du Département de santé communautaire du centre hospitalier St-Sacrement, du ministère des Affaires sociales et du ministère de la Fonction publique, prévue pour le 22 mai dernier et destinée

à la mise en marche d'un programme de santé au travail pour les employés de la Fonction publique, comment un tel employeur peut-il nous vanter les mérites du comité paritaire d'établissement ?

Non, en réalité, bien que le comité paritaire mis de l'avant dans le projet de loi fasse miroiter la possibilité de nouveaux pouvoirs pour les travailleurs par l'introduction de mécanismes de participation, il n'en est rien. Le comité paritaire n'a aucun pouvoir décisionnel, et les mécanismes de collaboration qui y sont institutionnalisés sont justement conçus pour neutraliser la négociation de meilleures conditions de santé-sécurité au travail. Car sa véritable fonction, c'est de servir d'amortisseur de chocs entre patrons et travailleurs, et de relais entre le niveau local (les travailleurs à la base) et le niveau central (Commission de la santé et sécurité).

Notre courte histoire de syndiqués nous a donc démontré que la concertation mène à un cul-de-sac et que seule la mobilisation générale reposant sur les délégués syndicaux dans leur milieu de travail peut inciter l'employeur à améliorer les conditions de travail jugées dangereuses ou nuisibles. 3. Le plein droit, individuel et collectif, d'arrêter de travailler en cas de danger sans pénalité

Ce droit constitue une mesure préventive élémentaire. Que le travailleur dont les conditions de travail représentent un danger pour sa santé ou sa vie dispose du droit de refuser de travailler dans ces conditions, cela relève du simple bon sens. Personne n'osera prétendre le contraire.

C'est pourquoi le projet de loi 17 accorde au travailleur "le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique." (art. 11)

Mais au-delà du principe, qu'en est-il de l'application de ce droit ? C'est ici qu'on voit qu'il ne faut pas juger de l'arbre par l'écorce.

D'abord, on nous dit que l'exercice de ce droit n'est possible "que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées" (art. 12).

En clair, cela signifie qu'un travailleur qui se fait "normalement et habituellement" intoxiquer, empoisonner, empoussiérer, qui devient sourd au cours de son travail, ne pourra refuser d'exécuter ses tâches dans ces conditions pourtant insalubres.

Pire encore, l'employeur pourra faire exécuter le travail déjà refusé par un autre travailleur, lorsque l'inspecteur ne se sera pas présenté sur les

lieux de travail dans un délai de six (6) heures, et ce, sans qu'aucune amélioration n'ait été apportée au poste de travail jugé dangereux (art. 28). Alors qu'aujourd'hui toute machine un peu perfectionnée possède son propre dispositif de sécurité entraînant l'arrêt complet de l'appareil en cas de risque de bris, il est aberrant de constater que le projet de loi ne garantit même pas intégralement l'exercice de ce droit au travailleur. Ce "droit" constitue d'ailleurs un recul flagrant par rapport à la Loi des établissements industriels et commerciaux (art. 3787).

Enfin, qu'en est-il du droit collectif de refuser de travailler ? Complètement ignoré, totalement bafoué. En n'accordant qu'un droit individuel tronqué d'arrêter de travailler, le projet de loi veut faire oublier que les mauvaises conditions de travail affectent généralement un ensemble de travailleurs, plutôt qu'un seul individu.

En privant les travailleurs de leur droit collectif, le gouvernement accorde un bien joli cadeau à l'employeur qui, dans notre cas à nous, professionnels du gouvernement du Québec, est précisément le gouvernement lui-même.

Nous croyons de plus que le travailleur qui voudra exercer son droit de refus devra faire preuve d'un courage et d'une audace sans pareil. En effet, non seulement aura-t-il à affronter les objections de son patron disant que les risques sont "normaux" et "habituels", mais en plus il pourra être accusé d'avoir exercé de mauvaise foi son droit de refus, s'exposant ainsi à un déplacement ou une mesure disciplinaire, et même à un congédiement (art. 31).

On relève aussi une contradiction entre la disposition de l'article 31, indiquant que l'employeur peut imposer un congédiement ou autre mesure disciplinaire "dans les dix jours d'une décision finale, malgré tout autre délai mentionné à la convention collective" d'une part, et l'article 7 qui dit que "rien dans la présente loi... ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective,..." d'autre part.

Enfin, en ce qui concerne le retrait préventif de la femme enceinte, l'on constate que les dispositions prévues dans le projet de loi ne protègent que les femmes à l'emploi d'un même employeur depuis au moins vingt semaines, en vertu de l'Ordonnance sur les congés de maternité édictée dans le cadre de la Loi du salaire minimum (maintenant devenue la Loi sur les normes de travail). Le projet de loi prévoit donc que les travailleuses qui sont exclues du champ d'application des congés de maternité ne pourront même pas se prévaloir d'un retrait préventif en cas de danger, et qu'elles devront alors choisir entre leur santé et celle de leur bébé, ou leur salaire et leur sécurité d'emploi.

Or, il nous apparaît de la plus élémentaire justice que le retrait préventif soit accessible à toutes les travailleuses enceintes, sans exception, et que ce retrait ne devrait en aucun cas représenter une alternative à la sécurité d'emploi et au salaire.

Les articles du projet de loi concernant le retrait préventif de la femme enceinte sont d'autant plus inefficaces qu'aucune obligation n'est faite à l'employeur d'affecter sans délai la travailleuse enceinte à un poste moins dangereux. En effet, si l'affectation demandée n'est pas effectuée sans délai, la travailleuse enceinte doit alors choisir soit de continuer de travailler dans des conditions dangereuses pour elle et son enfant, soit de cesser de travailler immédiatement, dans lequel cas elle perdra et son emploi et son salaire si elle n'est pas couverte par l'Ordonnance sur les congés de maternité, ou au mieux, elle perdra une partie de son salaire, étant dorénavant couverte par la Loi sur les accidents du travail. Dans tous les cas, comme on le voit, la travailleuse enceinte sort perdante de ce marchandage sans que son employeur ne s'en trouve le moins du monde dérangé ou pénalisé.

Finalement, la dernière remarque que l'on peut faire à ce sujet, c'est que le projet de loi n'applique le retrait préventif qu'aux femmes enceintes (et avec quelles restrictions et quelle inefficacité). Pourtant, bon nombre de travailleurs et travailleuses devraient pouvoir se prévaloir immédiatement de cette mesure, à cause de susceptibilités particulières qui se sont justement manifestées et développées de par leurs mauvaises conditions de travail. Cela illustre bien en dernière analyse qu'il n'existe qu'une seule véritable solution préventive, qui est d'assainir le milieu de travail lui-même, et que toute autre mesure du type "port de protecteurs individuels" ou "retrait préventif" ne peut apporter qu'un soulagement temporaire aux maux permanents occasionnés par un environnement et une organisation du travail délétères. 4. Le droit de négocier sur tout sujet relatif à la santé et à la sécurité

À titre d'énoncé de principe, le projet de loi reconnaît le droit aux travailleurs et à leur association accréditée de négocier des clauses de santé-sécurité qui vont au-delà des présentes dispositions (art. 3 et 7). Par ailleurs, dans les faits, l'ensemble du projet de loi n'accorde pas aux organisations syndicales les droits et les pouvoirs leur permettant d'améliorer les conditions de santé et sécurité au travail. Au contraire, la plupart des dispositions ont pour effet de nier l'existence même des organisations syndicales ou d'en limiter l'action. À notre avis, ce projet de loi impose aux syndicats un carcan dans le processus des négociations et freine l'accès à la syndicalisation.

Par exemple, il nie la possibilité de négocier l'exercice du droit d'arrêter de travailler, entre autres en ce qui a trait à la procédure de congédiement (art. 31). Il nous impose des mécanismes précis au niveau du choix du médecin (art. 88). Il détermine la procédure de nomination et les fonctions du représentant à la prévention (art. 67 - 69). Il définit des modes de désignation des travailleurs au sein des comités paritaires et prévoit des dispositions permettant à la Commission de se substituer aux organisations syndicales (art. 70 - 185, paragraphes 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 10e). Enfin, il ne

reconnaît aucun pouvoir aux organisations syndicales sur le plan de l'élaboration du programme de prévention ce qui, à notre sens, limite la réalisation de nos revendications en vue de l'assainissement du milieu de travail.

L'exercice du droit de négocier nos conditions de santé et sécurité vise essentiellement l'amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité au travail. Après avoir inspecté le milieu de travail, après avoir enquêté sur les causes et les circonstances des accidents et maladies professionnelles, après avoir colligé toutes ces informations, le comité syndical de sécurité-santé est à même de négocier avec l'employeur l'élimination des dangers à la source.

Plus directement, l'exercice de ce droit assure la protection permanente des travailleurs; il est en effet essentiel de pouvoir négocier une amélioration dans les conditions de travail à chaque fois que le besoin se fait sentir et non pas seulement à chaque renouvellement de la convention collective.

Dans bien des cas, le comité syndical peut même entreprendre la négociation avant même la manifestation d'un danger imminent.

Les sujets de négociation sont aussi variés que l'éclairage, l'espace, l'aération, la température, le niveau de bruit, le remplacement d'une machine, etc...

S'asseoir à la table de négociations est d'un tout autre ordre pour les travailleurs que de s'asseoir à la table paritaire. Faisant face à l'employeur et s'en tenant fermement à leurs revendications, les travailleurs n'ont pas par ce moyen à plier l'échine et à freiner leurs luttes. 5. Le droit d'enquête et d'inspection en tout temps et en tous lieux et de façon indépendante

Ce droit se greffe directement à notre objectif central. En effet, l'enquête et l'inspection sont des activités indispensables pour la découverte des véritables sources de danger. L'exercice du droit d'enquête vise à identifier clairement les causes de l'accident ou de la maladie. On sait que la tendance générale des patrons en cette matière est de s'en tenir presqu'exclusivement aux circonstances immédiates et de conclure rapidement à un "geste maladroit du travailleur" ce qui a pour effet de culpabiliser ce dernier. Par contre, les circonstances qui ont forcé le travailleur à poser un tel geste sont rapidement laissées de côté en toute sérénité comme étant non-pertinentes, d'où l'importance d'accorder aux travailleurs et à leurs associations accréditées l'exercice de ce droit. Or, selon le projet de loi, la fonction enquête relève du comité de santé et sécurité de l'entreprise qui soumet ses recommandations à l'employeur (art. 63.3 et 63.8). On est donc bien loin de l'enquête syndicale indépendante

assortie de la négociation de mesures correctives et de l'adoption d'échéanciers.

Quant à l'inspection, elle vise à mettre en lumière les situations de risque, favorisant ainsi la lutte pour l'élimination des dangers concrets et évitant la formulation perpétuelle de voeux pieux.

Dans le cadre du projet de loi, l'inspection des lieux de travail pourra être effectuée entre autres par le représentant à la prévention, s'il y en a un (art. 67 - 68). Par ailleurs, les rapports d'inspection seront acheminés au comité de santé et sécurité qui les recevra et les étudiera (art. 63.10). Encore là, nous sommes loin de la négociation des mesures correctives et des échéanciers.

Les travailleurs qui sont nommés comme représentants à la prévention sont isolés de l'ensemble de leurs compagnons de travail. Selon les dispositions du projet de loi, ils seront complètement encadrés soit par l'employeur, soit par la Commission de la santé et sécurité au travail. À titre d'exemple, leur formation en santé-sécurité devra être approuvée ou déterminée par la Commission (art. 70 et 73). De plus, la première fonction, du représentant à la prévention, qui consiste "à faire l'inspection des lieux de travail, pour s'assurer que les règlements et les dispositions du programme de prévention sont respectés" (art. 69.1) équivaut à faire la police auprès de ses collègues de travail (ex.: surveiller l'application des mesures individuelles de protection et du programme de prévention de l'employeur). En effet, "les règlements et les dispositions du programme de prévention" dont il est fait mention ici sont sous l'autorité et sous la responsabilité de l'employeur (art. 47 - 48). De fait, le délégué syndical à la prévention devra effectuer des tâches qui sont normalement dévolues au personnel de gérance. Nous rejetons donc énergiquement cette nouvelle formule de "tutelle" des syndicats. 6. Le droit individuel et collectif du choix du médecin

À notre avis, ce droit élémentaire est un énoncé de principe qui découle directement du respect des droits de la personne. Il est donc inconcevable dans notre "société supposément civilisée" de partager avec quiconque l'exercice de ce droit. Or dans le projet de loi, ce droit nous est complètement refusé.

Le médecin responsable sera dorénavant choisi par le comité paritaire et, à défaut d'entente avec l'employeur, par la toute puissante Commission de la santé et de la sécurité au travail. Du côté des entreprises non syndiquées où il sera plus difficile de mettre sur pied un comité de santé et de sécurité, c'est le chef du département de santé communautaire qui désignera le médecin responsable. Il s'agit là de dispositions qui témoignent d'un profond mépris des travailleurs, en violant un des droits élémentaires de

la personne. Elles manifestent aussi une indifférence consommée face à la prise en charge par les travailleurs eux-mêmes de la sauvegarde de leur intégrité physique.

L'exercice individuel de ce droit suppose que le travailleur subit l'examen chez le médecin de son choix, durant les heures de travail et sans perte de salaire. L'examen médical doit viser à identifier les effets du milieu de travail sur la santé du travailleur et surtout à l'informer de son état de santé réel. Il ne doit pas être un instrument de gestion du personnel, ayant pour but d'éliminer les plus faibles et de garder les plus résistants à leur poste. Il n'est donc pas question d'accorder à l'employeur quelque autorité que ce soit dans le choix de notre médecin.

Le droit civil de tout citoyen de choisir son médecin ne doit pas être nié sous prétexte que le citoyen en question est un travailleur. Il doit être respecté même lorsqu'on parle de maladies et d'accidents du travail, d'autant plus que le médecin responsable de l'entreprise sera dorénavant payé par la Régie de l'assurance maladie du Québec, donc à même les taxes des contribuables.

L'exercice collectif de ce droit signifie que les enquêtes médicales menées auprès de l'ensemble des employés d'un établissement ou d'une unité de travail doivent être effectuées avec la participation et le contrôle des travailleurs par le biais de leur association accréditée. Les médecins doivent être choisis par le syndicat auquel seront transmis les résultats dépersonnalisés, de même qu'à l'employeur. Quant aux résultats personnels, ils sont confidentiels et communiqués individuellement à chaque travailleur. C'est seulement en assurant l'exercice de ce droit collectif que les travailleurs auront entre les mains un outil adéquat qui leur permettra d'enquêter sur les causes des maladies, de proposer des solutions visant à éliminer les dangers à la source et d'assurer leur intégrité physique. 7. Le droit à la pleine réadaptation, à la pleine compensation et à la pleine sécurité d'emploi en cas d'accidents ou de maladies professionnelles

Ce droit ne découle pas directement de notre objectif central. Il se justifie par le fait que les sources de danger existent et que, malheureusement, elles continueront d'exister pour plusieurs années à venir. Il s'agit ici de réparer les pots cassés et de sauver les meubles. La victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle se trouve involontairement handicapée sur le plan physique et psychologique. Il est de la plus élémentaire décence que la perte de son intégrité physique ne se double pas d'une perte économique.

Or, le projet de loi ignore tout simplement ces droits. Par exemple, on ne souffle mot de la pleine garantie d'emploi alors que l'obligation devrait

être faite aux employeurs de réembaucher les travailleurs ayant subi un accident ou ayant contracté une maladie au travail.

En ce qui concerne la compensation, la nouvelle loi 114, sous couvert d'augmenter les prestations (90% du salaire net au lieu de 75% du salaire brut), vient en fait pénaliser les travailleurs accidentés et les veuves. 8. Conclusion

À la lecture du projet de loi no 17, nous constatons, malgré le généreux énoncé de principe formulé à l'article 48, que l'ensemble des dispositions forme un tout cohérent dans lequel la salubrité et la sécurité des conditions de travail sont laissées pour compte. Si l'objectif du projet de loi est de "mettre au pas les patrons qui se comportent comme des bums, des sauvages..., qui ont des attitudes braquées" (P. Marois, Le Soleil, 22-11-78 et 2-6-79), on peut dire que son application a plutôt pour effet d'encadrer étroitement et de freiner les luttes syndicales pour de meilleures conditions de travail et de sécurité au travail.

En effet, l'obligation est faite à l'employeur d"'utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur" (art. 40.6). Mais, nous avons vainement cherché dans ce projet de loi la moindre disposition forçant l'employeur à se soumettre à cette obligation. Tout ce que nous avons trouvé, c'est que l'employeur est responsable de la mise en application d'un programme de prévention comportant entre autres: 1) l'identification des moyens et équipements de protection individuels...; 2) des programmes de formation et d'information des travailleurs; 3) des programmes "d'adaptation" de l'entreprise aux normes prescrites par les règlements, à l'élaboration desquels normes et règlements l'employeur a le droit de participer (art. 48).

On constate donc un fossé immense entre l'importante déclaration de principe du début de l'article 48 et l'application de celui-ci. Alors qu'on en était à l'élimination des dangers à la source, on met maintenant l'accent sur le choix des équipements individuels de protection. Cette mesure que l'on croyait reconnue de tous comme étant "le dernier recours, en cas d'impossibilité" se trouve subitement au premier rang des mesures concrètes de prévention. On se retrouve cul par-dessus tête.

Et qu'en est-il au juste de ces programmes "d'adaptation" de l'entreprise aux normes prescrites par les règlements?

D'une part, on note que le projet de loi accorde également aux travailleurs et à leurs employeurs le droit de participer à l'élaboration des

normes et des règlements, comme s'il était possible de réconcilier leurs points de vue respectifs sur la "normalité" des conditions de travail.

D'autre part, on sait qu'il n'a pas encore été possible d'établir un système international de normes pour apprécier le degré de pollution d'une atmosphère donnée, car deux points de vue s'opposent sur cette question, qui tiennent à la manière de prendre en considération l'être humain: a) ou les normes sont fixées au seuil au-delà duquel la capacité d'adaptation humaine cesse, pour faire place à une situation morbide (adapter l'organisme humain aux exigences du profit); b) ou le respect dû à la personne implique de ne pas lui imposer pareille adaptation - limite, et les normes alors fixées se situent au seuil en deçà duquel les fonctions normales de l'organisme ne sont pas altérées (adapter les normes aux exigences de l'organisme humain).

Ces divergences et leurs conséquences sur les valeurs retenues pour les seuils de toxicité sont telles que l'Organisation Mondiale de la Santé et le Bureau International du Travail ont dû renoncer à proposer des normes internationales pour la plupart des produits considérés comme toxiques. Seules 24 substances sur les 650 pour lesquelles existent des niveaux admissibles nationaux ont pu faire l'objet de recommandations jusqu'à ce jour.

Sur la base de ces faits, on peut voir que les visées du projet de loi 17 en matière de collaboration patronale-syndicale sont plus qu'ambitieuses.

Le S.P.G.Q., comme l'ensemble du mouvement syndical québécois, a vécu sa part d'expériences concrètes négatives dans le domaine des comités paritaires. Nous entendons donc dénoncer vigoureusement le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail qui, tout en se dérobant à l'exigence fondamentale pour les travailleurs d'assurer la salubrité et la sécurité de leurs conditions de travail, ne satisfait pleinement aucune de nos revendications. Il instaure plutôt les comités paritaires qui ne peuvent servir que de paravents pour camoufler les véritables problèmes qui, pour se régler réellement, exigent la libre négociation.

Le Conseil syndical du S.P.G.Q.

ANNEXE C

Août 1978 Mémoire sur la santé et la sécurité des travailleurs

Par: Les représentants des travailleurs des industries lourdes de l'est de Montréal

I. AVANT-PROPOS

Ce comité regroupe les représentants ouvriers des Industries lourdes de Montréal-Est et de la Pointe-Aux-Trembles (exemple: raffineries de pétrole, usines de produits chimiques, raffineries de cuivre, etc.) Il représente des ouvriers syndiqués ou non syndiqués de ces usines, des hommes de métier, camionneurs, opérateurs ou des ouvriers généraux.

Les fonctions de ce comité sont de s'informer des problèmes qui existent dans les milieux de travail (en regard de la santé et de la sécurité au travail) de trouver des méthodes pour régler ces problèmes et d'informer les ouvriers des dangers qui existent dans ces milieux de travail.

II. INTRODUCTION

Le 17 janvier 1978, nous nous sommes réunis pour préparer la rencontre avec les Ministres Marois et Léger. La rencontre a eu lieu le 26 janvier. Ces soirs-là, les ouvriers des plus grosses industries de l'Est ont exposé leurs griefs sur les pires conditions de santé et sécurité dans leurs milieux de travail.

Depuis ce temps-là, rien ne s'est produit. Le Ministre Marois nous a dit au mois de janvier que son Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail serait présenté au Parlement pour le mois d'avril. Mais, suite aux pressions exercées par les compagnies "le patronat" la Loi ne sera pas présentée avant l'hiver et même là, il semble qu'elle ne changera pas grand chose.

On exige que le Livre Blanc soit présenté le plus vite possible et que les changements qu'on met de l'avant dans ce bilan soient inclus dans ce Livre Blanc. On dit que chaque ouvrier a le droit de travailler dans des conditions saines et sécuritaires mais aujourd'hui, ceci n'est pas vrai.

Chaque jour, des ouvriers (ères) sont confrontés (es) à des conditions de santé et sécurité qui s'aggravent de plus en plus avec la détérioration de la situation économique. Les patrons ne sont pas intéressés à améliorer nos milieux de travail où nous sommes exposés aux produits toxiques, aux poussières et aux bruits. Ils sont intéressés seulement à leurs profits. Les statistiques du Gouvernement démontrent qu'il y a un accident de travail à chaque 27 secondes et ce bilan ne couvre pas les maladies industrielles.

Alors, il faut obliger les employeurs à respecter notre santé et notre droit de travailler sans crever.

Il faut aussi noter que les lois actuelles ne sont pas suffisantes. Il faut les renforcer. Même aujourd'hui, le peu de lois qui existent pour la santé et la sécurité au travail ne sont pas respectées par les compagnies. Les compagnies font souvent fi des lois, en raison des faibles sanctions qu'elles comportent. Toute loi devrait comporter des sanctions suffisantes pour assurer son respect.

De plus, quand les ouvriers essaient de se servir de ces lois, ils font face à un chevauchement tant du point de vue des juridictions que des inspections. Les lois sont souvent ambiguës et de ce fait difficilement utilisables.

III. LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL I NORMES

A) Le bruit, les poussières, les produits toxiques, l'éclairage

1. LA SITUATION ACTUELLE

Le bruit et les poussières: chaque jour les ouvriers sont exposés à plusieurs situations dangereuses pour leur santé, et à des milliers de produits chimiques dont les effets sur le corps humain sont inconnus. Là où il y a des normes (i.e. taux d'exposition, règlements) il arrive souvent qu'elles ne sont pas respectées ni par les compagnies ni par les ouvriers qui n'en sont pas informés. Il faut noter que les normes (TLV-threshold limit values) ne sont pas calculées de façon à ce que tout individu exposé à un TLV donné n'en soit pas affecté. Par exemple, il est connu que 20% des personnes exposées à un bruit de 90 db, 8 heures par jour perdront l'ouïe.1

Des études scientifiques suggèrent que la norme sécuritaire pour l'exposition au bruit soit de 75 db en moyenne pour 8 heures d'exposition.2

Le bruit

Dans nos industries les patrons ne respectent pas toute la norme légale (90 db/8 heures). Ils prétendent tout simplement qu'ils ne peuvent pas éliminer le bruit à la source et nous obligent à porter des coquilles ou des "plugs" qui peuvent causer des infections aux oreilles, des maux de tête, etc.. Ils disent que la technique n'existe pas et que de toute façon ça coûterait trop cher pour éliminer le bruit à la source.

Mais on sait que si l'homme a réussi à aller sur la lune, il peut certainement trouver des méthodes pour éliminer le bruit à la source. Aujourd'hui, c'est meilleur marché pour les patrons de nous rendre sourds que de protéger notre ouïe et notre santé.

À titre d'exemple, on peut citer la cie Noranda Métal à Montréal-Est, où 241 ouvriers ont reçu une compensation de la CAT. pour surdité. La compagnie n'a comme méthode de prévention que le port "protecteurs d'oreilles" par les ouvriers. Il faut souligner la gravité de la situation à la Noranda Métal, car le nombre de gens compensés pour perte d'ouïe dans cette compagnie représente 43% des cas compensés au Québec. À souligner aussi que la C.A.T. a relevé les normes de compensation (mars 78) rendant plus difficile qu'un ouvrier soit compensé pour perte d'ouïe.3

Il faut de plus réaliser que le bruit n'affecte pas que l'oreille. Le bruit engendre le stress et qui lui suscite plusieurs changements biologiques. EXEMPLE: 1) Les vaisseaux sanguins de plusieurs parties du corps et particulièrement de l'intestin se contractent ce qui restreint la circulation du sang et augmente le travail du coeur. Il en résulte des problèmes cardiaques et intestinaux. 2) L'augmentation de la sécrétion d'adrénaline engendre une élévation de la pression sanguine et de la fréquence des battements cardiaques et une élévation du rythme respiratoire. 3) La dilatation des vaisseaux sanguins du cerveau cause des maux de tête sévères. 4) La dilatation des pupilles des yeux engendre des difficultés d'ajustement de l'oeil, particulièrement pour ceux qui font du travail de précision. 5) L'effet protecteur des cils vibratoires du nez qui empêchent la poussière d'entrer dans les poumons est inhibé par le bruit.

Les poussières

Les preuves scientifiques ont été établies au Japon depuis 1950 qu'on ne devrait pas tolérer un taux de poussière de plomb supérieure à 0.05mg/m3. Ces résultats venaient contredire la norme américaine de 0.15mg/m3 en moyenne pour 8 heures d'exposition. Cette même norme est encore en vigueur aujourd'hui au Québec en dépit du fait qu'elle peut affecter au moins 25% des travailleurs.4 Comme cette norme est déjà trois fois plus élevée que le TLV suggéré par les études japonaises, il est certain que plusieurs ouvriers sont intoxiqués au plomb quand cette même norme de 0.15mg/m3 est dépassée. À l'usine de CEGELEC la concentration de poussière de plomb a dépassé à certains endroits un taux de 300 fois plus élevé que la norme légale et par conséquent 900 fois plus élevé que la norme sécuritaire.5 1- Noise and your job, page 5, rédigé par Urban Planning Aid, Cambridge, Massachusetts, 1971. 2- Idem. 3- C.S.N., génie industriel, brochure 9A Mobilisons-nous contre le bruit. Avant Mars 1978, la CAT compensait pour surdité à partir de 21 dB; maintenant, il faut 25 dB pour recevoir la même compensation. 4- C.S.N., génie industriel, l'intoxication au plomb, Mars 1978. 5- Idem.

À l'usine de Canada Métal, il y a parfois plus de 25% des ouvriers hors de l'ouvrage en même temps à cause de l'intoxication au plomb. De plus, dans cette même compagnie, ce n'est que depuis 1972 à la suite d'une lutte menée par les ouvriers et leur syndicat que les ouvriers passent des examens (tests) pour l'intoxication au plomb.

On ne connaît pas non plus les effets d'une exposition simultanée à plusieurs produits chimiques. À l'usine d'Alcan à Kitimat en Colombie-Britannique plusieurs ouvriers ont eu des problèmes causés par le fluorure et d'autres produits, alors que les TLV (taux d'exposition) étaient respectés pour chacun de ces produits. Ces faits démontrent que les TLV ne garantissent pas nécessairement la sécurité des travailleurs, mais plutôt la sécurité des profits.

Les produits toxiques

Dans les raffineries on fait face aux hydrocarbures "aromatiques". Les hydrocarbures incluent le benzène, le toluène, les xylènes et les orthoxylènes. Tous ces produits peuvent causer la dermatite, s'ils sont en contact avec la peau. Le benzène peut causer la leucémie, car il attaque les tissus du corps, comme la moelle des os, qui produit le sang. Il peut aussi endommager les chromosomes. Certains dommages aux chromosomes peuvent signifier qu'un ouvrier transmettra à ses enfants une tendance à développer la leucémie. Dans une étude faite en 1977 aux États-Unis par la cie Dow Chemical, 12 des 52 ouvriers exposés à moins de 10 P.P.M. de benzène avaient des aberrations chromosomiques dans les cellules du sang.6

Actuellement aux États-Unis le TLV pour l'exposition au benzène est de 1 P.P.M. en moyenne pour 8 heures d'exposition. Il est donc évident qu'au Québec le TLV pour le benzène devrait également être 1 P.P.M. pour 8 heures d'exposition, alors qu'actuellement il est fixé à 10 P.P.M.

Tous ces produits attaquent le système nerveux. Par exemple une exposition à un taux élevé de toluène est pire (à court terme) qu'une exposition à taux élevé de benzène, car le toluène a des effets plus toxiques sur le système nerveux. Il résulte indirectement à une exposition au toluène que le jugement et les réflexes de l'ouvrier exposé sont sévèrement diminués, ce qui l'expose davantage par le fait même à être victime d'un accident de travail.

Les xylènes sont moins toxiques que le benzène, mais ils peuvent aussi affecter les globules blancs et les globules rouges du sang. Ils ont des effets toxiques à taux élevé et irritent les yeux et les voies respiratoires supérieures.

Les TLV (taux d'exposition) au toluène et au xylène sont de 100 P.P.M. mais on croit que ces taux d'exposition (TLV) pour ces produits devraient être de 25 P.P.M. et que ce taux devrait être sévèrement contrôlé.

Dans nos industries on utilise aussi beaucoup d'acides, de caustiques, d'ammoniaque etc.; ces produits, respirés à des niveaux assez élevés, peuvent causer des brûlures graves aux poumons. Ces produits peuvent également causer des brûlures à la peau dont les manifestations sont identiques aux brûlures ordinaires causées par la chaleur. Quand ces produits et autres comme l'oxyde d'azote, l'oxyde de souffre, le phosgène ou le chlore sont respirés, le même type de réaction se produit aux poumons. Le gaz se dissout d'abord dans le liquide muqueux des poumons et la solution ainsi formée détruit les alvéoles (sacs d'air qui terminent les bronches) qui se remplissent de liquide et qui deviennent incapables de transporter l'oxygène. Le terme médical qui décrit cette réaction est l'oedème pulmonaire. La pneumonie ou d'autres sortes d'infections des poumons se produit souvent après ces brûlures. La victime a besoin de soins médicaux intensifs pour éviter les pires conséquences d'une telle exposition après laquelle il persiste souvent des dommages permanents aux poumons.

H2S

On retrouve l'hydrogène sulfureux dans les raffineries. Ça sent les oeufs pourris et ça irrite les yeux et les voies respiratoires supérieures et peut causer l'oedème pulmonaire.

Mais ses effets majeurs se situent au niveau du cerveau, car le H2S est très facilement absorbé dans le sang. Si le taux d'exposition est bas, le corps humain peut absorber ce produit sans dommage apparent. Mais à concentration élevée l'ensemble des tissus ne peut pas absorber tout le gaz, la concentration au niveau du cerveau s'élève, ce qui cause l'arrêt respiratoire et l'asphyxie en quelques minutes à moins qu'on puisse prodiguer la respiration artificielle à la victime.

Une exposition à long terme peut causer une maladie pulmonaire chronique.

Le 24 juillet dernier, trois (3) jeunes ouvriers âgés de 18 à 22 ans ont été asphyxiés par le H2S à Montréal-Est. Puisqu'il est évident que ce gaz est extrêmement dangereux et qu'il est présent dans toutes les raffineries, nous exigeons que des détecteurs de H2S soient installés en tout endroit où le risque est présent en raison de ce produit. 6- Revue "Business Week", le 26 Juin 1978, pages 42 et 43.

NOTE

Un fait important à noter est que les taux d'exposition aux produits toxiques sont établis sur la base de journée (quart) de huit (8) heures.

Dans les raffineries les ouvriers en service travaillent fréquemment sur des horaires (quarts) de douze (12) heures, pour cette raison, ils sont donc exposés souvent à des taux supérieurs aux normes.

La soudure

La soudure constitue un métier où les ouvriers sont souvent exposés à des émanations (fumes) susceptibles de causer des maladies pulmonaires. Les soudeurs soudent plusieurs métaux (acier, acier inoxydable, chrome, cuivre, fer, etc.) et utilisent différents gaz (argon, CO2, acétylène) qui sont susceptibles de former des émanations (fumes) toxiques et nocives. Dans les raffineries et les usines de produits chimiques, la santé des soudeurs et des brûleurs à la torche est encore plus grandement compromise, car ils soudent ou brûlent dans des contenants et/ou des réservoirs où étaient emmagasinés des produits pétroliers ou chimiques et/ou du catalyseur de platine, travail qui s'effectue souvent dans des unités non dépressurisées. Si ces contenants ne sont pas nettoyés comme il faut (i.e. très propres) le soudeur est exposé en plus aux émanations toxiques venant des produits qui sont encore sur le métal que l'ouvrier soudera ou brûlera.

Les soudeurs sont généralement exposés aux produits ou gaz suivants: (selon le métal soudé ou la méthode de soudure utilisée) susceptibles de causer des maladies pulmonaires: l'ozone, l'oxyde d'azote, phosgène, cadmium, béryllium, chromates (ces derniers utilisés dans la soudure de l'acier inoxydable peuvent causer des ulcères de la cloison du nez et aussi le cancer du poumon). Ils peuvent être aussi exposés aux produits et gaz suivants susceptibles de causer d'autres problèmes: (voir annexe I) 1) les rayons ultraviolets 2) monoxyde de carbone 3) l'oxyde de fer 4) trichloroéthylène (utilisé pour dégraisser les pièces, ce produit sous l'action des rayons de soudure se transforme en phosgène) (cancérigène) 5) les fluorures susceptibles de causer l'irritation de la peau, des saignements de nez, une faiblesse généralisée et aussi des maladies osseuses). 6) l'oxyde de zinc (capable de causer la fièvre des fumées métalliques). 7) le plomb 8) le mercure

II est donc évident que les fumées métalliques (fumes) produites par la soudure peuvent vraiment affecter la santé d'un soudeur. Toutefois, s'il y a un bon système de ventilation ces fumées peuvent être éliminées du milieu où le soudeur travaille. Des aspirateurs fixes ou portatifs sont adéquats pour cette fin, mais malheureusement il n'y a pas beaucoup de compagnies qui en possèdent. Voilà un exemple où le danger peut être éliminé à la source, mais plusieurs patrons refusent néanmoins d'en acheter. Là où les compagnies en ont, ces aspirateurs ont été installés à la suite des demandes du syndicat ou des pressions des ouvriers.

L'éclairage

Trop d'éclairage ou un manque d'éclairage peut causer des problèmes physiques et émotionnels. La lumière, que ce soit de la source d'éclairage ou de la réflexion venant de l'ouvrage, fatigue les yeux, ce qui peut augmenter de beaucoup le taux d'accidents.

2. EXIGENCES 1 ) Que les taux d'exposition (TLV) soient calculés et basés sur des niveaux sécuritaires et non sur des niveaux susceptibles de garantir la marge de profit des compagnies. a) Que la limite légale de bruit de 90 db/8 heures de travail soit abaissée au niveau sécuritaire de 75 db/8 heures de travail. b) Que le taux d'exposition au plomb, actuellement de 0.15 mg/m3 en moyenne pour 8 heures d'exposition soit abaissé à 0.05 mg/m3. c) Que le taux d'exposition au benzène (TLV) soit abaissé à 1 P.P.M. d) Que le taux d'exposition au toluène et au xylène soit abaissé à 25 P.P.M. 2) Que les dangers soient éliminés à la source et que les compagnies cessent de nous obliger à travailler équipés comme des chevaliers en armure. Si les dangers ne peuvent pas être éliminés à la source, que le travailleur puisse effectuer des rotations avec des périodes de repos entre chaque période d'exposition.

3) Que les compagnies respectent les normes et que les sanctions pour les infractions soient sévères. 4) Que tous les réservoirs (cylindres, etc.) contenant des produits toxiques, nocifs, etc., aient des étiquettes expliquant le genre de produit (nom), ses dangers et les premiers soins à donner en cas d'urgence. Que cette procédure soit en vigueur autant pour les fins commerciales ou industrielles que pour le public en général. Que l'utilisation industrielle des produits toxiques soit sévèrement contrôlée et que chaque ouvrier soit le moins exposé possible. 5) Que les soudeurs et brûleurs à la torche disposent d'une ventilation adéquate quand ils travaillent (qu'on installe des aspirateurs adéquats pour éliminer les fumées du milieu de travail avant qu'ils les respirent).

B) L'équipement de mesure

1. LA SITUATION ACTUELLE

Actuellement, quelques compagnies ont de l'équipement de mesure pour certains produits toxiques, poussières, etc., mais elles n'ont pas tout l'équipement nécessaire pour mesurer les éléments susceptibles d'affecter la santé et la sécurité des travailleurs. Lorsqu'une compagnie a de l'équipement de mesure, celui-ci n'est jamais disponible pour l'usage des ouvriers, leur association ou leur syndicat.

EXEMPLE: à Petrofina, c'est le Département de sécurité (qui ne comprend aucun ouvrier syndiqué) qui contrôle l'équipement de mesure. Quand les travailleurs voulaient effectuer des tests pour vérifier le taux d'exposition au benzène, la compagnie disait qu'elle en prenait chaque jour et que les résultats étaient disponibles au département de Sécurité. Cependant la compagnie refusait de mettre les résultats sur le babillard dans le département concerné. De plus, ces tests n'étaient jamais effectués au moment où le benzène était vidangé.

Un test effectué au moment de la vidange a donné comme résultat 50 P.P.M., et à ce moment-là il ventait beaucoup. Depuis ce temps, la compagnie refuse aux travailleurs l'équipement nécessaire pour effectuer les tests en contestant leur efficacité et leur utilité. Les ouvriers n'exercent aucun contrôle sur les tests et ils ne peuvent pas en vérifier les résultats qui peuvent donc être falsifiés. Plusieurs compagnies refusent d'installer des détecteurs automatiques aux endroits où il y a risque pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il a fallu que deux ouvriers meurent à la compagnie Canadian Copper avant que cette dernière installe des détecteurs. De plus, quand une compagnie a des détecteurs automatiques, ils sont souvent débranchés ou simplement ignorés quand les normes sont dépassées. 2. EXIGENCES 1) Que l'employeur fournisse gratuitement aux travailleurs(euses), leur association, leur syndicat ou leur représentant de santé-sécurité, des appareils de mesure de bonne qualité, bien entretenus et dont l'état de fonctionnement est dûment attesté par leur fournisseur ou une entreprise qualifiée à cette fin, pour évaluer le plus scientifiquement possible les conditions de l'environnement de travail.

Que les instructions nécessaires pour l'utilisation de ces appareils soient données aux ouvriers par le fournisseur de ces instruments ou un expert indépendant qualifié. 2) Que les employeurs installent et assurent le bon fonctionnement de détecteurs automatiques dans tous les endroits ou départements où, selon le syndicat ou l'association des ouvriers, il y a risque pour la sécurité et la santé des travailleurs. Ces détecteurs devraient être en mesure de couvrir tous les produits toxiques et même ceux qui sont soupçonnés de l'être. Si ces détecteurs indiquent que les normes sécuritaires d'exposition sont dépassées, que le travail soit interrompu sans pénalité d'aucune sorte pour les travailleurs(euses) concernés(es) jusqu'à ce que l'environnement de travail soit de nouveau sécuritaire.

Que les détecteurs soient prévus pour avertir adéquatement et immédiatement tous les travailleurs(euses) de la région dangereuse par une alarme sonore et lumineuse, etc.

C) Le temps supplémentaire, le travail de quart, les cadences et le travail à la chaîne.

1. LA SITUATION ACTUELLE

Dans beaucoup d'entreprises chaque travailleur(euse) est tenu de faire un minimum de surtemps. Selon les lois de l'ergonomie, l'ouvrier fatigué est plus susceptible d'avoir un accident. De plus les normes (TLV) étant basées sur les quarts de huit (8) heures, l'ouvrier qui travaille en temps supplémentaire est plus exposé aux agents agresseurs. Cette situation est génératrice de maladies industrielles et de vieillissement prématuré qui réduisent les chances du travailleur de profiter des bénéfices marginaux qu'il a acquis.

Les chauffeurs-livreurs de produits pétroliers sont souvent tenus de faire des livraisons à l'extérieur de la ville en fin de journée. lls sont alors obligés de faire du temps supplémentaire ou, pour éviter d'en faire, de conduire plus vite.

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Quand on finit de travailler de nuit, on n'a pas vraiment quarante-huit (48) heures de congé, car il faut dormir un peu le lundi matin, le lundi et le mardi soir pour être capable d'entreprendre le travail de jour. Par ailleurs après les deux ou trois jours de congé, en reprenant le travail de nuit nous faisons vingt-quatre (24) heures sans sommeil.

Or, les fonctions biologiques du corps humain sont réglées naturellement de façon cyclique, c'est ce qu'on appelle les biorythmes. L'homme vivant le jour, le travailleur de nuit doit modifier ses heures pour s'alimenter, digérer, éliminer et dormir. Il en résulte des troubles comme les ulcères d'estomac, la constipation, l'insomnie et la nervosité. Cette situation peut engendrer une consommation excessive de tabac, de café, de médicaments ou d'alcool. La vie familiale et sociale est rendue impossible et beaucoup de travailleurs font face à des problèmes d'ordre marital dûs à ce genre d'horaire.

c) Les cadences de travail et le travail à la chaîne.

Le travail à la chaîne a véritablement changé les modes de production depuis son introduction, mais pas pour le mieux-être des ouvriers. Le travail à la chaîne est monotone et réglé sur un rythme qui suppose que les ouvriers sont toujours en pleine forme. Le travail à la chaîne ne tient pas compte de la fatigue qu'il entraîne. C'est à ce moment que les accidents arrivent. De plus, avec la détérioration de la situation économique les cadences de travail sont accélérées, ce qui rend l'emploi encore plus dangereux pour la santé et la sécurité de l'ouvrier (ère) en augmentant la fatigue et le "stress".

2. EXIGENCES

a) Le temps supplémentaire 1. Que le temps supplémentaire soit libre et volontaire. 2. Que les horaires de travail des chauffeurs-livreurs de produits pétroliers soient conçus pour éviter le temps supplémentaire ou la conduite non-sécuritaire des camions.

b) Le travail du quart

Pour les ouvriers qui travaillent de quart, que la semaine de travail soit abaissée à 32 heures (sans pénalité financière) i.e. 4 jours de 8 heures de travail.

c) Le travail à la chaîne 1. Que le travail à la chaîne soit réglé pour que l'ouvrier (ère) puisse faire son travail sans fatigue excessive et qu'on évite le salaire au rendement. 2. Que le travail à la chaîne soit fait en équipe où un ouvrier (ère) remplace un (e) autre quand il (elle) est fatigué (e), i.e. la rotation.

II. LES MALADIES INDUSTRIELLES, LES ACCIDENTS DE TRAVAIL ET LA C.A.T.

1. LA SITUATION ACTUELLE

Présentement la C.A.T. reconnaît que peu de maladies industrielles et quand elle les reconnaît, il faut être gravement malade pour être compensé.

On sait que la nature du travail et l'équipement utilisé sont souvent des causes d'accidents de travail ou de maladies industrielles. Mais la C.A.T. et les compagnies refusent de reconnaître le fait que

certains produits ou agents agresseurs causent des maladies industrielles. Par exemple, la C.A.T. et les compagnies refusent de reconnaître que certains symptômes comme les problèmes de dos ou de colonne vertébrale sont causés par la nature du travail ou l'équipement utilisé par l'ouvrier dans son travail.?

La C.A.T. refuse souvent une pension aux veuves des travailleurs morts des suites d'une maladie industrielle ou d'un accident de travail en refusant de reconnaître la véritable cause du décès.

EXEMPLE: on dit qu'un travailleur amiantosé ou silicosé est mort de cause naturelle d'une "attaque de coeur". Mais étant donné qu'il avait une de ces maladies industrielles attaquant son poumon, son système cardiovasculaire devait travailler plus fort pour lui permettre de s'oxygéner normalement. En réalité, il meurt d'une "attaque de coeur" causée par sa maladie industrielle. La C.A.T. ne le voit pas de cette façon tout le temps, et plusieurs veuves se voient refuser une pension à laquelle elles ont droit. Il y a discrimination dans le cas du veuf d'une travailleuse, car il ne reçoit lui-même une pension qu'à la condition que sa propre incapacité totale à travailler soit reconnue.

La C.A.T. paie à la pièce la perte de nos membres sans tenir compte de la perte de l'emploi occasionnée par l'accident de travail ou la maladie industrielle. Si un ouvrier a perdu une main dans un accident de travail, la C.A.T. lui donnera un montant brut d'argent. L'ouvrier ne peut plus occuper son emploi, mais la C.A.T. considère qu'il pourrait travailler comme garde de sécurité, s'il le voulait.

La C.A.T. et l'employeur ont le droit de contester le diagnostic du médecin-spécialiste traitant et le travailleur doit souvent passer les mêmes "tests" deux autres fois. À cause des délais engendrés par cette situation et au niveau de la C.A.T. en général, l'ouvrier doit souvent se débrouiller sur le plan financier (via le B.E.S.) jusqu'à ce que sa cause soit réglée. Les délais peuvent être de plusieurs années (à Imperial Oil, un ouvrier a attendu neuf (9) ans pour que son cas soit réglé). Il est fréquent qu'un ouvrier atteint d'une maladie industrielle ou d'un accident de travail soit transféré de poste avec perte de salaire, d'ancienneté ou tout simplement congédié. À Petrofina, un ouvrier affecté par le Benzène a d'abord été transféré dans un autre département avec perte de salaire de $1.36 l'heure pour plus tard être congédié pour raison de santé.

De plus, les indexations des prestations de la C.A.T. n'étant rétroactives que depuis 1970, il y a des accidentés qui reçoivent très peu d'argent aujourd'hui, car les prestations qu'ils reçoivent sont basées sur de vieux standards.

EXEMPLE: un ouvrier s'est vu accorder une indemnisation en 1965, reçoit le même montant aujourd'hui, (indexé, mais 10% de $50.00, c'est moins que 10% de $100.00)

2. EXIGENCES 1. Que toutes les maladies industrielles (et accidents de travail) soient reconnus et compensables par la C.A.T. 2. Que tous les travailleurs atteints de maladies industrielles ou d'accidents de travail aient droit à la compensation dès que le diagnostic a été posé par le médecin choisi par l'ouvrier. 3. Que tout travailleur atteint de maladies industrielles ou d'accidents de travail qui ne peut pas obtenir un emploi convenant à son état de santé (quel que soit son âge) reçoive 100% du salaire de l'emploi occupé à vie (et assuré). 4. Que les veufs/veuves des ouvriers(ères) qui meurent à la suite d'une maladie industrielle ou d'un accident de travail soient compensés équitablement et de la même façon, sans discrimination de sexe. 5. Que les prestations de la C.A.T. soient indexées rétroactivement (minimum 5 ans) et également au coût de la vie.

III. LES SERVICES DE SANTÉ

1. LA SITUATION ACTUELLE

Les problèmes qu'on rencontre sont les suivants: a) Les médecins de compagnies ne sont pas "neutres", bien qu'ils s'affichent comme tels. Ils sont là pour protéger les compagnies.

Exemple: À la Canadian Copper et à Fer & Titane à Sorel, les médecins de compagnies cachaient les vrais résultats des tests passés par les ouvriers. b) Les ouvriers n'ont pas le choix du médecin traitant. Ils ont donc peur que les résultats d'un examen effectué par le médecin de la compagnie soit utilisés contre eux et qu'ils leur fassent perdre leur emploi. 7 - Les camionneurs, par exemple

c) Certaines compagnies comme les raffineries fonctionnent 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Mais ils n'ont pas de service de santé 24 heures par jour. Dans la plupart des cas, il n'y a qu'une infirmière de 8:00 à 16:30 heures, 4 ou 5 jours par semaine. d) Les dossiers médicaux ne sont pas tout le temps disponibles pour l'ouvrier, mais cependant ils le sont pour la compagnie.

Exemple: À Petrofina, si vous demandez de voir votre dossier médical, vous aurez le droit de le voir, cependant si vous ne le demandez pas, la compagnie ne vous dira pas que vous avez ce droit. De plus, à Petrofina également, une copie de votre examen de pré-embauche est incluse dans votre dossier au bureau du personnel, ce qui est contraire à la Loi. La compagnie n'en continue pas moins de le faire et il est évident que, si elle se comporte ouvertement de cette façon, c'est qu'elle a vraiment accès à nos dossiers médicaux. e) II y a un manque de documentation sur les produits nocifs ou toxiques, où les conditions de travail dangereuses. Là où les compagnies en possèdent, cette documentation n'est pas complète ni approfondie en ce qui concerne les dangers des produits ni facilement accessibles. Exemple: À Petrofina, la compagnie a commencé à fournir de l'information sur les conditions de travail ou produits dangereux, que depuis qu'une plainte a été faite au Service d'inspection du Travail. Pourtant, la Loi des établissements industriels et commerciaux exigent que l'employeur informe ses ouvriers sur les dangers présents dans leur milieu de travail. Fina n'a sorti cette information sur ce danger, qu'à la suite d'une visite du Gouvernement. Même là, cette information n'est pas complète, n'explique pas tous les dangers et n'est actuellement disponible qu'en anglais, en dépit de l'obligation de la compagnie, qui date d'octobre 1977, de nous fournir cette information. f) Les hôpitaux ou CLSC dans la région n'ont pas de "dossiers de compagnie" susceptibles de fournir des renseignements adéquats sur les produits avec lesquels nous travaillons, les premiers soins indiqués, etc... Si cette documentation était disponible, un ouvrier qui se présente avec une intoxication à un de ces établissements, serait soigné plus rapidement et plus adéquatement. g) Seulement quelques usines ont des ambulances. Nous croyons que chaque usine devrait avoir un service d'ambulance en cas d'urgence. Les minutes, même les secondes sauvées par une ambulance plus disponible peuvent quelques fois sauver la vie d'un ouvrier. h) Quelques usines ont un service de nettoyage à sec pour les vêtements de travail, ce qui permet aux ouvriers de laisser leurs vêtements sales sur les lieux de travail. Ainsi, les produits toxiques, nocifs ou dangereux ne sont pas véhiculés à la maison. La Loi des établissements industriels et commerciaux exige que les compagnies fournissent un tel service de même que des casiers où des vêtements propres peuvent être isolés des vêtements de travail et des douches où l'ouvrier peut se laver avant de quitter son travail.

Exemple: à la compagnie Canadian Copper, la compagnie refuse de fournir des vêtements de travail aux ouvriers. De plus, dans certaines raffineries, les ouvriers des contracteurs n'ont pas accès au service de nettoyage à sec ni, dans quelques cas, aux douches. Ils sont pourtant exposés aux mêmes produits que les ouvriers permanents de l'usine.

Nous pensons qu'il est important que les vêtements de travail soient nettoyés à l'usine. Il y a eu des cas aux États-Unis où les familles des ouvriers ont été affectées par le produit avec lequel l'ouvrier travaillait. Au Québec notamment, nous avons l'amiante. De plus, les compagnies devraient fournir à l'ouvrier, assez de vêtements de travail pour qu'il puisse utiliser le service de nettoyage.

2. EXIGENCES 1. Que le médecin qui vient sur les lieux de travail soit choisi par les ouvriers, leur association ou le syndicat. 2. Que ce médecin soit payé par le gouvernement, via la Commission des Accidents de Travail. 3. Que la compagnie n'ait aucun contrôle sur ce médecin et, d'autre part, que le médecin ne soit pas lié à la compagnie, en possédant, par exemple, des actions de cette compagnie. 4. Que chaque ouvrier dispose du temps nécessaire, chaque année (avec plein salaire payé par la compagnie) pour passer un examen médical par le médecin de son choix. 5. Que les résultats de cet examen ne soient disponibles à la compagnie, qu'avec l'autorisation écrite de l'ouvrier(ère). 6. Que les "dossiers d'industrie" soient disponibles aux hôpitaux et aux CLSC de la région où les ouvriers sont envoyés en cas d'urgence. 7. Que chaque usine dispose d'au moins une infirmière pour toutes les heures travaillées, i.e. 24 heures par jour, sept jours par semaine, dans le cas des raffineries. 8. Que les compagnies fournissent la documentation et l'information complètes sur tous les agents agresseurs utilisés dans une usine ou un milieu de travail. 9. Que chaque ouvrier ait accès à son dossier médical personnel et que toute autre personne (y compris le médecin de la compagnie) ne puisse consulter ce dossier qu'avec l'autorisation de l'ouvrier concerné.

10. Que les ouvriers, leur Association, leur syndicat puissent demander qu'une étude de santé majeure soit faite à leur usine ou le milieu de travail s'ils pensent que le besoin existe. Que le médecin ou technicien qui participerait à une telle enquête soit choisi par les ouvriers, leur Association ou leur syndicat et qu'il soit payé par le gouvernement. 11. Que chaque compagnie fournisse à ses ouvriers (y compris les employés de contracteurs) des vêtements de travail là où il y a présence d'agents agresseurs. Que la compagnie fournisse également un système de nettoyage à sec pour ces vêtements. Que chaque ouvrier dispose au moins de deux casiers pour séparer son linge de travail de son linge propre. Que chaque usine ait des douches et que le temps pris pour se laver soit payé par la compagnie.

IV. LE COMITÉ DE SANTÉ ET SÉCURITÉ

1. LA SITUATION ACTUELLE

Actuellement, les comités paritaires de santé et sécurité sont un véritable cirque. Ces comités n'ont aucun pouvoir et l'administration essaie par tous les moyens de les confiner dans un cul-de-sac. Ces comités n'ayant pas de pouvoir, les ouvriers peuvent soulever autant de points concernant les problèmes de l'usine qu'ils le veulent, mais si la compagnie ne veut apporter aucune amélioration, rien ne sera changé.

Il faut aussi souligner que les patrons mettent beaucoup de pression sur les représentants syndicaux de santé et sécurité (exemple: surveillance, menaces), si bien que ces représentants sont obligés de démissionner de cette responsabilité pour pouvoir continuer à travailler en paix (pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas mentionner les gens concernés en public, mais les noms peuvent être fournis confidentiellement).

La "niaiserie" qui se passe dans les comités paritaires est bien illustrée par le procès-verbal de ces rencontres. La compagnie écrit ses procès-verbaux et y met bien ce qu'elle veut. Ensuite, une grande partie des assemblées de comité paritaire qui suivent est gaspillée en discussions sur le contenu du procès-verbal.

Dans quelques usines, le comité de santé et sécurité est à composition majoritairement patronale, et le temps alloué pour les rencontres est décidé par la compagnie.

2. EXIGENCES 1. Que chaque ouvrieret/ou syndicat ait le pouvoir d'arrêter le travail s'ils pensent que la santé ou la sécurité des ouvriers est mise en danger et ceci, sans pénalité ou sans perte de salaire. 2. Qu'il y ait des représentants du syndicat ou de l'association des ouvriers qui travaillent à plein temps comme officiers de santé et sécurité. Que ces gens reçoivent à cette fin, leur salaire normal et s'assurent que le milieu de travail soit sécuritaire. Qu'ils aient de plus, des pouvoirs pour vraiment protéger la santé et la sécurité des ouvriers. 3. Que le syndicat ou l'association des ouvriers ait toute l'information (i.e. l'information sur les accidents, les maladies industrielles, etc...) sur la santé et la sécurité au travail et qu'il puisse enquêter sans restriction arbitraire sur les questions de santé et sécurité au travail.

V. L'INSPECTORAT

1. LA SITUATION ACTUELLE

a) Chevauchement de juridictions

Lorsque les ouvriers demandent qu'une inspection gouvernementale soit effectuée dans leur milieu, ils sont confrontés à un chevauchement de juridiction. Le service d'inspection du Ministère du travail a les pouvoirs d'exercer que les situations dangereuses (et/ou les conditions de travail qui ne respectent pas à la Loi des établissements industriels et commerciaux) soient corrigées et d'imposer des amendes si les corrections ne sont pas faites dans les délais prescrits. Mais le service d'inspection du Ministère du Travail n'a pas l'équipement de mesure pour vérifier les taux d'exposition aux produits toxiques, poussières, bruit, etc.. Le service d'inspection du Service de protection et de l'environnement a cet équipement de mesure mais lui, il ne peut exiger que des conditions dangereuses soient corrigées ni imposer des amendes pour les infractions. C'est donc dire que si on veut une inspection "complète" (i.e. comprenant des tests avec équipement de mesure), on doit contacter par écrit le service d'inspection du Travail et le Service de protection de l'environnement en leur disant qu'on veut qu'ils viennent ensemble pour une inspection.

Si le syndicat veut une copie du rapport de l'inspection, il faut le spécifier dans la lettre de demande d'inspection, sinon, le syndicat ne recevra aucun rapport. Lorsqu'on désire qu'un officier du syndicat soit présent pour l'inspection, il faut également mentionner son nom dans la lettre de la demande d'inspection faute de quoi, les représentants du syndicat peuvent être exclus. Il faut également spécifier dans la demande, si on veut qu'un médecin du Département de santé communautaire soit présent. Seul un médecin du Département de santé communautaire ou choisi par le Département de santé communautaire peut être présent pour l'inspection. Un médecin choisi par le syndicat ne peut être

admis. Il y a donc effectivement un chevauchement de juridiction qui a pour effet de décourager les ouvriers de demander une inspection gouvernementale. Quand malgré tout un syndicat demande une inspection, ce chevauchement de juridiction augmente les chances que l'inspection soit incomplète ou peu satisfaisante pour les ouvriers concernés.

b) Manque d'inspecteurs

Un autre problème de l'inspectorat est le petit nombre d'inspecteurs, que ce soit au niveau du service d'inspection du Ministère du travail ou au niveau du Service de la protection de l'environnement. Ceci a pour effet de retarder les inspections et de ne permettre que les inspections faites sur demande. Ainsi, plusieurs milieux de travail potentiellement dangereux ne sont presque jamais inspectés.

c) La faiblesse des lois et le manque de pouvoirs de l'inspectorat

Lorsque l'inspecteur se présente sur les lieux de travail, il prescrit des délais de 30 ou 60 jours à la compagnie pour des infractions aux lois et/ou fait des recommandations à la compagnie pour corriger certaines situations dangereuses. Mais compte tenu du fait que des amendes pour infractions, si la compagnie n'a pas corrigé la situation dans le délai prescrit, sont souvent faibles, les compagnies choisissent de payer ces amendes et de ne pas corriger la situation, i.e. d'utiliser la méthode qui est à "meilleur marché".

Par ailleurs, les inspecteurs recommandent souvent que la compagnie élimine si possible, le danger à la source ou du moins, qu'elle fournisse les appareils protecteurs aux ouvriers. Il est évident que dans la plupart des cas, comme par exemple, pour le bruit, les compagnies prétendent que c'est impossible et/ou que ça coûte trop cher pour éliminer le bruit à la source pour ensuite obliger les ouvriers à porter des bouchons protecteurs contre le bruit.

Les inspecteurs ne peuvent pas exiger qu'une entreprise soit fermée, sauf s'il y a danger imminent de perte de vie. À l'usine Canada métal, par exemple, plusieurs ouvriers sont intoxiqués au plomb et on a demandé au gouvernement de fermer l'usine à cause du danger. Mais le gouvernement a prétendu qu'il ne pouvait pas la fermer puisqu'il n'y avait aucune loi à cette fin, i.e. de danger imminent pour les ouvriers. En effet, l'intoxication au plomb n'est un danger imminent pour la santé des ouvriers, puisque ça prend quelques années avant qu'un ouvrier soit affecté par le plomb.

2. EXIGENCES 1. Il faut mettre fin au chevauchement des juridictions en regroupant dans un seul service d'inspection complet a) tout l'équipement de mesure pour les taux d'exposition aux produits toxiques, poussières, le bruit, etc... b) les pouvoirs nécessaires à un bon fonctionnement c) Que des médecins choisis par le syndicat, les ouvriers ou leur association et qui peuvent accompagner les inspecteurs. 2. Que le nombre d'inspecteurs soit augmenté et que ces inspecteurs aient la formation nécessaire pour apprécier les dangers des processus utilisés dans les industries qu'ils inspectent. 3. Que des inspections régulières soient effectuées dans chaque entreprise, qu'il y ait eu ou non, des demandes d'inspection. 4. Que les services d'inspection aient les pouvoirs précis y compris, celui d'exiger des amendes sévères de la part des industries qui ne respectent pas les lois et/ou qui mettent en danger la santé des ouvriers. Que les inspecteurs aient les pouvoirs de fermer les usines là où il y a danger à court ou à long terme pour la santé des ouvriers jusqu'à ce que les compagnies concernées éliminent ce danger à sa source. Que pendant ces améliorations au milieu de travail les ouvriers reçoivent leur plein salaire. 5. Qu'à chaque inspection, un délégué syndical soit présent. Que le syndicat reçoive une copie de toute correspondance entre la compagnie et les inspecteurs. Que les inspections, particulièrement celles qui sont demandées par les ouvriers et/ou leur Association ou leur syndicat soient effectuées sans avertir la compagnie d'avance.

VI. LE TRANSPORT DES PRODUITS PÉTROLIERS 1. SITUATION ACTUELLE a) On se rappelle qu'en 1972-73, il y a eu plusieurs explosions qui ont entraînés des morts et blessures graves à des travailleurs. Notre comité demande donc qu'on empêche ce qu'on appelle le "switch loading" (changement de produit)

Exemple: on sort avec un contenu d'essence et on revient avec un contenu d'huile, alors qu'il subsiste encore des gaz dans la citerne.

b) la livraison d'huile à chauffage dans les régions rurales, en dehors des grandes villes, s'effectuent souvent par un petit agent qui a seulement un camion pour faire les deux livraisons. On lit souvent dans les journaux qu'il y a eu incendie causée par le système de chauffage qui a fait explosion. Une cause importante de ces incendies provient du fait que les chauffeurs reviennent de faire une livraison d'essence et le distributeur leur donne une livraison d'huile à chauffage pour un dépôt à l'extérieur. Le camionneur va seulement ouvrir les valves et les refermer, alors qu'il peut subsister encore une vingtaine de gallons d'essence à l'intérieur. S'il répète ce manège 3 ou 4 fois par jour, il peut ainsi introduire dans l'huile, 80 gallons d'essence par jour.

Il peut également arriver que le vendeur de la région rurale qui est ailé faire cette livraison effectue une livraison d'essence avant de vidanger son boyau sans que les vapeurs soient éliminées. Quand il fait le plein dans un système de maison privée, les vapeurs qui subsistent vont dans l'huile.

La cause de certaines explosions de systèmes de chauffage à domicile sont dues à ce système de mélange de contenus des camions. c) Pour transporter deux produits sur le même voyage on met des plaques de séparation de compartiments double pour qu'il n'y ait pas de mélange des deux contenus. Si un des compartiments coule il peut y avoir mélange d'huile et d'essence.

Ce système génère des situations extrêmement dangereuses comme nous en avons eu l'expérience dans le passé où trois explosions se sont produites dans la même semaine avec deux blessés, dont un grave. Un chauffeur de Golden Eagle est mort, ensuite, la semaine suivante, à Sun Oil, une autre explosion a amené la mort de monsieur McCrayest, alors qu'il chargeait son camion citerne. Les explosions ont eu lieu parce que les chauffeurs de camions citerne qui étaient entrés charger leur camion de distillé mais dans lequel il y avait eu de l'essence. Le distillé étant conducteur d'électricité statique, il s'est produit une étincelle dans le compartiment et tout a sauté.

2. EXIGENCES 1. Qu'il n'y ait jamais un camion avec deux produits dedans. Que si le camion fait de l'huile, que ce soit de l'huile et si le camion fait de l'essence, que ce soit de l'essence.

Que si on veut se servir d'un camion d'essence pour livrer de l'huile, qu'on fasse une vidange complète, y compris les vapeurs explosives. 2. Que le Ministère des richesses naturelles applique les Lois et règlements sur le commerce des produits pétroliers. 3. Que des amendes soient plus élevées et les peines plus sévères pour les infractions à ces Lois et règlements sur le commerce des produits pétroliers. 4. Que l'on revienne aux citernes d'acier, en ce qui concerne les camions-citerne, car les citernes d'aluminium utilisées depuis quelque temps sont trop fragiles en cas d'accident et laissent échapper leur contenu et il y a alors incendie.

VII. CONCLUSION

Comme ce bilan le décrit, il est de plus en plus évident que le massacre dans les usines continue. Devant l'urgence de la situation, il faut apporter des solutions sous forme de changements tels qu'exposés dans ce bilan. Si le Gouvernement continue de faire la sourde oreille aux demandes des ouvriers, et ne propose que de petites réformes destinées à nous illusionner, ceci ne nous aidera pas. Nous exigeons que le gouvernement cesse, comme le font les patrons, de faire passer la marge de profit avant la santé et la sécurité des travailleurs.

L'information que nous avons eue par les journaux (1) sur les premières versions du Livre blanc qui se fait tant attendre, nous porte à croire que ça ne changera pas grand chose. Exemple: la proposition qui dit qu'un ouvrier pourrait arrêter le travail en cas de danger pour sa santé et sa sécurité. On mentionne: "s'il y a danger imminent, en demandant à son contremaître ou son supérieur et, si celui-ci refuse, en appelant un inspecteur du gouvernement." Si l'ouvrier a tort, il ne sera pas payé; s'il a raison, il n'y a aucune garantie contre les représailles de la part de l'employeur. De plus, si un groupe d'ouvriers débraie pour des raisons de santé et sécurité, l'inspecteur peut les obliger à reprendre le travail. Ce type de proposition fait plus l'affaire du patron que des ouvriers parce que trop faible. Aucun ouvrier ne prendra la chance d'arrêter de travailler s'il risque d'être pénalisé financièrement ou de subir les représailles du patron. Il est sûr que les patrons seront contents de ces changements qui leur donnent des droits qui reviennent normalement aux ouvriers. Une autre des propositions de la première version du Livre blanc, était le comité paritaire de santé et sécurité. Comme ce document l'expliquait, c'est un cul-de-sac. Les patrons ne veulent pas qu'on ait le droit de nous occuper de notre santé et de notre sécurité au travail, ils veulent contrôler ce domaine eux-mêmes. Leurs intérêts, ce sont leurs

(I) Voir annexe 2

profits, et non pas notre santé. Quand un ouvrier devient malade à cause de son travail, la compagnie essaie de se débarrasser de lui, car il n'est plus rentable. Les compagnies continueront à tenter de contrôler les conditions de travail. Nous doutons qu'un comité paritaire puisse changer cette situation.

Les travailleurs exigent donc que le gouvernement fasse respecter leur intégrité physique à l'intérieur et à l'extérieur de leur milieu de travail.

Ce mémoire sur la santé et la sécurité des travailleurs a été rédigé par les représentants des travailleurs des industries lourdes de l'est de Montréal, qui représentent les ouvriers des compagnies suivantes:

Référer à la version PDF page B-9011

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ANNEXE D

Mémoire à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

relatif au projet de loi no. 17, sur la santé et la sécurité du travail

L'Association Canadienne des Fabricants de Produits Chimiques. Avant-propos

L'Association Canadienne des Fabricants de Produits Chimiques (ACFPC) est une association industrielle composée de producteurs canadiens de produits chimiques industriels. Elle a été constituée en 1962 et comporte à présent 66 compagnies membres qui constituent la grande majorité des fabricants canadiens de produits chimiques industriels, d'un océan à l'autre. 42 de ces compagnies ont des usines au Québec. On trouvera la liste des compagnies membres en Appendice A.

L'industrie canadienne des produits chimiques industriels, dont l'ACFPC représente une partie, est vaste, diverse, et de haut niveau technique. L'actif total des compagnies membres au Québec est à l'heure actuelle évalué à 1.0 milliard de dollars, et on prévoit d'ici 1980 des investissements supplémentaires de 150 millions de dollars en constructions nouvelles et expansions d'installations existantes. Les compagnies membres de l'ACFPC emploient directement environ 10 000 personnes au Québec, et l'effet multiplicateur a donné lieu à plusieurs fois ce nombre d'emplois. Pour que l'industrie canadienne des produits chimiques industriels puisse continuer à satisfaire efficacement à toutes ses obligations, il lui faut une liberté d'action maximale dans la poursuite de ses objectifs économiques légitimes, tout en assumant ses responsabilités envers ses employés, ses clients et le grand public.

L'industrie chimique canadienne s'est engagée à prendre toutes les précautions nécessaires pour garantir que ses activités ainsi que l'utilisation et la destination finale de ses produits ne présentent pas de risques inacceptables pour ses employés, ses clients, le public ou l'environnement. Elle appuie le principe de l'élaboration des directives et règlements pour les produits chimiques dangereux. Ces directives et règlements doivent être fondés sur des données scientifiques et doivent refléter un équilibre réaliste entre les avantages et les coûts pour la société.

Dans ses efforts pour garantir que son activité ne constitue pas de risques inacceptables, l'industrie chimique canadienne s'est engagée à élaborer et mettre en place des plans, des programmes et des échanges d'information, à l'intérieur de l'industrie et avec les gouvernements, les agences régulatrices, les autres groupes de ressource et les parties en cause. Nous saisissons donc cette occasion de donner une présentation officielle de notre point de vue sur ce projet de loi.

Les commentaires présentés dans ce mémoire ont été préparés par le Comité sur la Santé industrielle de l'ACFPC, et ont pour but d'apporter une contribution positive. S'ils sont adoptés, nous pensons qu'ils rendront la loi efficace et plus pratique. Les commentaires seront présentés en deux parties, la première contenant les questions d'ordre général s'appliquant à l'ensemble du projet, et la deuxième, les questions plus spécifiques.

Commentaires d'ordre général, aspects médicaux et professionnels

Droits et Responsabilités

Nous croyons que c'est la responsabilité et l'obligation de l'employeur de prendre les mesures nécessaires afin de protéger la santé et sécurité des employés.

Pour atteindre ce but le travailleur doit être informé des responsabilités de sa tâche et doit se soumettre à toutes mesures de surveillance que l'employeur prendra. Cela implique que dans son programme de santé l'employeur s'entourera des professionnels les plus compétents tant du côté hygiène que du côté médical. L'employeur fournira à ses professionnels tous les moyens nécessaires pour atteindre leur but et améliorer leur compétence.

Nous acceptons le droit de l'employé:

(1) de voir à ce que l'employeur remplisse tous ses devoirs et toutes ses obligations: et

(2) de rapporter tout manque ou toute lacune de la part de l'employeur ou du médecin responsable.

Sécurité d'emploi pour le Médecin

Le médecin responsable doit avoir une certaine sécurité dans son emploi et jouir d'une certaine liberté dans l'exercice de sa profession. La menace constante de son renvoi ou de la cessation de son contrat peuvent peut-être entraver son objectivité et affecter sa compétence et ses décisions.

La seule raison qui devrait justifier son renvoi est la preuve de son incompétence: cette preuve ne peut être fournie que par un autre médecin car l'évaluation de son travail ne peut être faite par d'autre.

Hygiénistes industriels

Pour prévenir la maladie industrielle, l'hygiène industrielle est indispensable et elle est totalement absente du projet de loi.

Pour un programme de santé efficace il doit y avoir des liens très étroits entre l'hygiène industrielle et la médecine occupationnelle. Le but de l'hygiène industrielle est d'identifier, évaluer et communiquer les renseignements au médecin responsable et ensuite de développer les contrôles adéquats pour minimiser les risques et les dangers du travail.

On doit développer une équipe complète impliquant le médecin occupationnel, l'hygiéniste industriel, l'infirmière occupationnelle, l'ingénieur et les travailleurs et par voix de conséquence, assurer la santé et la sécurité du travailleur.

Confidentialité des renseignements médicaux

Parce que le médecin est tenu au secret professionnel, nous recommandons que les renseignements médicaux personnels demeurent confidentiels à moins que l'employé n'en autorise la divulgation. En outre, pour protéger le plus possible le caractère confidentiel des renseignements, nous proposons de ne transmettre l'information qu'à un autre médecin. Nous recommandons que seulement des renseignements dépersonnalisés lorsque requis soient transmis au gouvernement

Le même principe général s'applique pour l'appareil gouvernemental.

Maintien de la qualité d'un programme de santé existant

L'inquiétude du gouvernement du Québec pour la santé de ses travailleurs est bien fondée, car la majorité des travailleurs au Québec ne bénéficient d'aucune surveillance médicale occupationnelle. La nouvelle législation fournira plutôt les moyens nécessaires pour pourvoir à leurs besoins. Il ne faut pas que la nouvelle législation vienne affecter les programmes médicaux déjà existants. Dans l'industrie chimique, beaucoup de corporations canadiennes ont déjà en opération des programmes de santé. Ces programmes existants sont très souvent adéquats, quelquefois supérieurs à ceux qu'on veut implanter par la nouvelle loi.

Ils sont administrée par des professionnels compétents et il existe une participation active des travailleurs dans ces programmes. Nous craignons que si les propositions contenues dans le projet de loi sont adoptées sans modifications, les bons programmes existants se détérioreront. Il ne serait pas illogique pour une corporation d'abandonner son programme existant, d'accepter le programme du DSC et de ne demander des consultations qu'en cas d'extrême difficulté.

Le résultat final serait une détérioration de la qualité de surveillance occupationnelle pour quelques travailleurs. C'est pourquoi nous recommandons que lorsque des programmes existants sont équivalents ou supérieurs au programme de base en plus d'être acceptables au comité paritaire et au DSC, ils soient maintenus en utilisant les mêmes ressources.

Refus de travail

Nous sommes d'accord avec le principe du droit de refuser de travailler. Nous croyons qu'il ne doit pas entrer en conflit avec les droits de la collectivité. Nous sommes inquiets de la possibilité d'actions abusives de la part de certains individus. Il peut en découler des conséquences économiques désastreuses et possiblement mortelles.

En ce cas, nous recommandons que les points suivants soient pris en considération: — Le droit de refus de travail est interdit si l'exercice de ce droit risque de mettre en péril la vie, la santé d'une autre personne, ou de provoquer des dégâts ou dommages matériels importants. — Toutes les précautions d'usage pour arrêter les procédés doivent être prises avant l'exercice du droit de refus. — Pour tout travail qui peut être dangereux le refus ne peut être accordé que s'il s'y ajoute un risque inhabituel. — Toutes les étapes prévues par la loi au niveau du mécanisme du droit de refus doivent être complétées d'un rapport signé par les différents intervenants. Ceci aura pour effet de faciliter le passage de l'une à l'autre des étapes et accélérera le mécanisme de résolution en assurant une continuité de l'information. — Assurer un prompt règlement de tout conflit en fixant un délai limite à toutes les étapes. — Pour un travailleur qui refuse de retourner au travail malgré la décision de l'inspecteur, arrêter les salaires pour tous les travailleurs affectés par l'arrêt. Advenant que la décision finale renverse celle de l'inspecteur, l'employeur devra payer rétroactivement les salaires dûs.

Qualifications de l'inspecteur

Le principe de l'inspection est acceptable. Il est essentiel qu'à cause de l'étendue de leurs pouvoirs et des conséquences graves qui peuvent découler de leurs décisions, les inspecteurs soient des

personnes compétentes. En conséquence, il faut que son identification indique aussi son champ d'action.

De plus, pour des décisions importantes, nous recommandons qu'elles soient prises à un niveau supérieur.

Elaboration des règlements

Le chapitre XII indique que le projet de loi 17 est une loi cadre. Pour cette raison, la méthode d'élaboration des règlements acquiert une importance primordiale. Il est essentiel qu'une communication directe avec toutes les parties soit établie dès l'étape initiale du processus d'élaboration des règlements, pour produire les définitions et les normes.

Les membres de l'ACFPC désirent affirmer publiquement qu'ils sont prêts à offrir leurs connaissances et leur considérable expertise pour participer de manière constructive à la formulation de règlements valables.

Intégrité physique

Les deux termes, "santé et sécurité", qui précèdent toujours l'intégrité physique" apportent une couverture complète. Le terme "intégrité physique" est inutile. De plus, ce terme n'est pas défini et peut entraîner confusion et abus. Nous recommandons que le terme "intégrité physique" soit éliminé complètement du projet de loi.

Commentaires spécifiques

CHAPITRE I Définitions

Nous vous référons aux commentaires généraux qui traitent de L'établissement des règlements.

Nous croyons que les définitions de contaminants et matières dangereuses seront vitales et critiques pour l'industrie chimique au Québec. Les compagnies membres de l'ACFPC désirent offrir expertise et assistance lors du développement de ces définitions et lors de l'élaboration des règlements.

Nouvelle définition

Nous recommandons d'inclure la définition suivante: "((une personne compétente)): une personne qualifiée possédant connaissance, habileté et expérience dans son champ d'activité."

Inspecteur et inspecteur chef régional

Nous recommandons que les mots "personne compétente" remplacent le mot "personne". Travailleur

Nous recommandons d'insérer les mots "à son lieu de travail" au point 24 après le mot "personne."

CHAPITRE III Droits et obligations

Nous vous référons aux commentaires généraux qui traitent du REFUS DE TRAVAIL. 2- Droit de refus Nouvel article

Pour assurer la continuité et minimiser la confusion et les délais, nous recommandons qu'un nouvel article soit ajouté dans cette section, ainsi: "Toutes les étapes de la procédure de refus de travail doivent être effectuées par écrit".

Article 12

Nous recommandons d'ajouter les deux paragraphes suivants: "Un travailleur ne peut refuser le travail que s'il s'y ajoute un risque personnel inhabituel." "Un travailleur pourra refuser le travail seulement après que sont prises les précautions d'usage pour arrêter les procédés en cours."

Article 14

Nous recommandons de terminer l'article après les mots "association accréditée".

Article 15

Recommandons que les mots suivants soient éliminés: "Au travailleur désigné"

Article 21

Nous recommandons d'ajouter un troisième alinéa comme suit: "Une confirmation écrite doit être soumise dans les 24 heures.

Article 23 Nouvel alinéa

Nous recommandons qu'un nouvel alinéa soit ajouté: "L'inspecteur chef régional devra soumettre sa décision dans les trois jours"

Article 24

Nous recommandons que l'article débute ainsi: "Dans les trente jours,..."

Article 27

Recommandons d'insérer les mots "selon sa cédule habituelle" après le mot "disponible".

Article 28

Nous recommandons que le premier paragraphe se lise ainsi: "L'inspecteur doit être sur les lieux au plus six heures après que son intervention a été requise".

Article 30

Nous recommandons que les mots "pour toute la durée de l'arrêt de travail" soient éliminés et substitués par les mots suivants: "jusqu'à la décision de l'inspecteur".

Nouvel alinéa

Nous recommandons d'ajouter le paragraphe suivant: "Suivant que la décision finale renverse celle de l'inspecteur, l'employeur est tenu de rémunérer ces autres travailleurs à leur taux salarial régulier pour toute la durée de l'arrêt de travail".

Article 31

Nous recommandons d'insérer dans les deux paragraphes après les mots "une décision finale" les mots suivants: "de l'inspecteur ou de l'inspecteur chef régional".

Nous recommandons que les mots "si le refus est exercé de mauvaise foi" soient remplacés par les mots: "si le refus a été exercé pour des motifs raisonnables".

4 — Obligations Article 38

Nous recommandons de modifier le 5e point comme suit: "5e participer vers l'identification et vers l'élimination des risques..." 2. — Obligations générales

Article 40

1er Paragraphe

Nous recommandons d'ajouter après les mots "il doit notamment" les mots "et conformément à la loi et aux règlements émis en vertu de la loi."

8e Point

Référez-vous aux commentaires généraux sur L'éLABORATION DES RÈGLEMENTS et à nos commentaires spécifiques sur les DÉFINITIONS.

13e Point

Nous recommandons d'insérer les mots suivants après "en l'absence de règlement": "prendre toutes les mesures raisonnables afin de s'assurer..."

3. — Le programme de prévention Article 48

Nous recommandons le changement suivant: "Un programme de prévention a pour objectif d'éliminer à leur source même les dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs."

Section III Le fournisseur

Article 52

Nous recommandons d'éliminer l'article en son entier. Des produits chimiques sont fabriqués au Canada et sont exportés via Le Québec sur les marchés mondiaux, de même d'autres produits sont importés via Le Québec pour le marché Nord-Américain. Les implications économiques d'un contrôle local sur un marché international seraient énormes et croyons-nous inappropriées.

Article 53

Nous recommandons que l'article 53 se lise comme suit: "sauf à des fins de recherche, nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, distribuer, installer ou utiliser un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse, à moins d'avoir avisé la Commission".

Article 54

Nous recommandons de substituer "l'inspecteur" par "la Commission".

Article 55

Nous recommandons que l'article se lise comme suit: "un fournisseur doit s'assurer qu'une matière dangereuse qu'il fournit soit étiquetée conformément aux règlements, et indiquer les dangers de son utilisation et les mesures à prendre en cas d'urgence".

Il n'est pas nécessaire de mentionner les secrets de fabrication.

CHAPITRE IV Les comités de santé et de sécurité

Article 58

2e Paragraphe

Nous recommandons que les mots "au moins" dans le deuxième paragraphe soient éliminés.

Article 60

Référez-vous aux commentaires généraux qui traitent des ASPECTS MéDICAUX ET PROFESSIONNELS — Hygiénistes Industriels.

Un bon programme de santé et de sécurité doit impliquer d'autres professionnels que les médecins. Nous recommandons qu'un nouveau paragraphe soit ajouté: "Tout autre professionnel de la santé ou de la sécurité peut aussi participer aux réunions, si agréé par le comité".

Article 63

Veuillez vous référer aux commentaires qui traitent des ASPECTS MÉDICAUX ET PROFESSIONNELS.

CHAPITRE VIII Les services de santé au travail

Section II

Dans les établissements Article 88

Nous vous référons aux commentaires généraux en ce qui regarde MAINTIEN DE LA QUALITÉ D'UN PROGRAMME DE SANTÉ EXISTANT.

Nous vous recommandons que le présent contenu à l'article 88 soit désigné comme article 88-(a).

Nouvel article

En plus, nous recommandons que l'article 88-(b) qui suit soit ajouté: "88-(b)

En dépit de l'article 88-(a), pour un programme de santé déjà existant et accepté par les membres du comité, si le médecin en place est agréé aux fins de la médecine du travail et par le centre hospitalier local, il deviendra médecin responsable. Dans ce cas-ci, l'article 87 ne s'applique pas."

Section IV

Rôle du médecin responsable Nouvel article

Plusieurs corporations en opération au Québec possèdent un officier médical au niveau corporatif. Pour lui permettre une certaine consultation, des recherches ainsi que des études épidémiologiques et possiblement des recommandations, il lui faut avoir accès aux dossiers médicaux de temps à autre.

Nous recommandons donc que l'article suivant soit ajouté: "Un médecin corporatif responsable, après application au DSC, pourra avoir accès aux dossiers médicaux s'il a l'autorisation écrite des employés impliqués."

CHAPITRE IX

La commission de la santé et de la sécurité du travail Section I Constitution

Article 123

Nous recommandons de remplacer le mot "personne" par les mots "personne compétente".

CHAPITRE X

Inspection

Référez-vous aux commentaires généraux traitant des QUALIFICATIONS DE L'INSPECTEUR. Nouvel article

Nous recommandons l'addition suivante: "Un inspecteur doit être une personne compétente".

Article 135

Nous recommandons que soit ajouté au deuxième paragraphe, deuxième ligne, après "dossier", le mot "pertinent".

Nous recommandons que soient ajoutés les mots: "et son champ d'action" au dernier paragraphe.

Article 142

À cause des implications, nous recommandons que le mot "inspecteur" soit changé pour "inspecteur chef régional".

Article 144

Tel que présentement phrasé, il est impossible de corriger la situation et le lieu de travail demeurera toujours fermé.

Nous recommandons que les modifications suivantes soient apportées. Ajouter à la fin du deuxième paragraphe les mots suivants: "ou pour corriger la situation". Eliminer complètement le troisième paragraphe.

Articles 146-147

Nous recommandons que le mot "inspecteur" soit remplacé par "inspecteur chef régional".

Article 148

Nous recommandons que soit ajouté après le mot "inspecteur" les mots suivants "ou inspecteur chef régional".

CHAPITRE IX

Dispositions particulières relatives aux chantiers de construction

Section III Droit de refus

Veuillez vous référer à nos commentaires généraux sur le REFUS DE TRAVAIL ainsi qu'aux commentaires spécifiques du CHAPITRE III.

CHAPITRE XII Règlements Article 185

Veuillez vous référer aux commentaires généraux traitant de L'ÉLABORATION DES REGLEMENTS. Nous sommes particulièrement inquiets au sujet des points 27 à 30 inclusivement. Nous désirons offrir expertise et assistance lors de l'élaboration des règlements.

Article 186

Nous recommandons qu'il soit changé comme suit: "Avant de formuler un règlement, le gouvernement devra: a) publier dans la Gazette officielle du Québec un avis exprimant l'intention de commencer une étude pouvant aboutir à un règlement et définissant son objet, en plus de solliciter les commentaires des intéressés; et b) les règlements de la Commission doivent être publiés dans la Gazette officielle du Québec avec avis qu'à l'expiration des soixante jours suivant cet avis, ils seront soumis pour approbation au gouvernement".

CHAPITRE XV Financement Article 210

Nous recommandons l'addition du paragraphe suivant: "La Commission devra déterminer un crédit de prime en fonction des programmes existants et acceptés".

Appendice "A"

Les compagnies membres de l'Association Canadienne des Fabricants de Produits Chimiques

Alberta Gas Chemicals, Ltd.

Alberta Gas Ethylene Company Ltd.

Alcolac Ltée

Allied Chemical Canada, Ltd.

Armak Chemicals Ltd.

Ashland Chemicals (a Div. of Valvoline Oil & Chemicals Ltd.)

Atlas Chemical Industries, Canada Ltd.

Bakélite Thermosets Limited

BASF Canada Inc.

H.L. Blachford Limitée

Borden Chemical Canada, Division of Borden Products Limited

Borg-Warner Chemicals, Borg-Warner (Canada) Limited

Canadian Industries Limited

Canadian Occidental Petroleum Ltd.

Canadian Titanium Pigments Limited

Celanese Canada Inc.

Ciba-Geigy Canada Ltée

La Compagnie Pigment & Chemical Limitée

Cyanamid Canada Inc.

Diamond Shamrock Alberta Gas Ltd.

Diamond Shamrock Canada Ltd.

Diversey (Canada) Limited

Dow Chemical of Canada, Limited

Du Pont Canada Inc.

Ethyl Canada Inc.

Emery Industries Limited

Esso Chimie Limitée

FMC of Canada Limited

Finachem Canada Inc.

Genstar Chimie Limitée

B.F. Goodrich Canada Limitée

Gulf Canada Limitée

Hercules Canada Limitée

Hoechst Canada Inc.

Les Industries ERCO Limitée

M&T Chemicals Ltd.

Mallinckrodt Canada Ltée

Monsanto Canada Inc.

National Silicates Limited

Nuodex Canada Limited

Pennwalt of Canada Ltd.

Petrosar Limited

Pfizer Compagnie Ltée

Polysar Limitée

Les Produits Chimiques Bate

Les Produits Chimiques Carlew

Les Produits Chimiques Delmar Ltée

Les Produits Chimiques QuéNord Limitée

Produits Chimiques Domtar Ltée

The Procter and Gamble Company of Canada, Limited

Record Chemical Company Inc.

Reed Ltée

Reichhold Limitée

Rohm and Haas Canada Limited

Shell Canada Limitée

Société d'Electrolyse et de Chimie Alcan Ltée

STANCHEM, Une Division de Industries PPG Canada Ltée

Sulco Chemicals Limited

SUNCHEM, A Division of Sun Oil Company Limited

Texaco Canada Inc.

Tioxide Canada Inc.

Union Carbide du Canada Limitée

Uniroyal Chemical, Division of Uniroyal Ltd. (Ltée)

VirChem of Canada Limited

Welland Chemical Ltd.

Witco Chemical Canada Limited (Savon Majectic Ltée)

ANNEXE E

Mémoire présenté par le Bureau de l'Ordre des chimistes du Québec

au Ministre, M. Pierre Marois concernant le projet de loi no 17

Loi sur la santé et la sécurité du travail

L'Ordre des chimistes du Québec manifeste un intérêt particulier au projet de loi no 17, "Loi sur la santé et la sécurité du travail", compte tenu que la sécurité du travailleur est un droit non équivoque et que l'industrie chimique regroupe un grand nombre de travailleurs pour lesquels des normes visant à augmenter la sécurité doivent être développées et mises en application.

L'Ordre des chimistes du Québec se réjouit des intentions du projet de loi tout en constatant des lacunes d'importance. Ainsi, nous offrons notre collaboration par ce mémoire et notre présence en commission parlementaire afin de proposer des correctifs à certaines de ces lacunes.

Le projet de loi no 17, tout comme le "Livre Blanc" sur la santé et la sécurité au travail, met l'accent sur la santé, mais néglige sérieusement de traiter de la sécurité, et cela plus particulièrement au niveau préventif. Cette lacune est d'ailleurs soulignée par le peu de ressources prévues pour la recherche, la formation et l'information. Il nous semble que le financement doit accorder autant d'importance, sinon plus, au niveau préventif que curatif. Le chapitre IV créant les comités de santé et de sécurité développe très peu l'aspect sécurité du travail. Conséquemment, nous nous permettons de vous suggérer qu'un chapitre plus élaboré sur la prévention et la sécurité du travail devrait être rédigé, de façon à protéger réellement la santé du travailleur, en impliquant tous les professionnels intéressés.

De plus, le gouvernement dans son projet de loi semble délaisser toute une gamme de professionnels susceptibles d'apporter une contribution valable, selon leur compétence technique, sur l'aspect préventif de la sécurité. À titre d'exemple, l'usage de produits chimiques nouveaux doit avant

tout faire l'objet d'évaluation par des chimistes pour en connaître les dangers reliés entre autres à l'entreposage, au recyclage, ou à la destruction. Que l'on songe aux intoxications, aux surdités, etc.

Pour appuyer davantage nos constatations, nous vous soumettons, monsieur le Ministre, nos remarques et les correctifs que nous souhaiterions voir apporter à une variété d'articles qui, nous le croyons, amélioreraient le projet de loi et conséquemment la sécurité et la santé au travail.

Chapitre I

Article 1 définition 19e "Matières dangereuses"

Cette définition nous paraît trop restrictive en ce sens que beaucoup de matières non déclarées dangereuses de fait, le sont dans certaines circonstances et certaines conditions d'utilisation. La formulation de la définition devrait être reprise avec beaucoup plus de rigueur.

Chapitre III Article 32

II faudrait définir adéquatement "dangers physiques" et tenir compte dans la définition, de la toxicologie des produits.

Article 40

La formulation de l'alinéa 8, pourrait être ainsi: Communiquer au travailleur et, le cas échéant, au comité de santé et de sécurité ainsi qu'à l'association accréditée et à la commission, la liste des contaminants et matières dangereuses dont la présence a été décelée par des professionnels.

Article 52

Cet article devrait être reformulé ainsi: Nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, distribuer, installer, ou utiliser un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant, ou une matière dangereuse, à moins que ceux-ci soient fabriqués, fournis, vendus, distribués, installés ou utilisés de façon sécuritaire et conforme aux normes prescrites par règlement.

Article 55

L'Ordre des chimistes est d'accord avec cet article et souhaiterait même un renforcement de cet article en l'appliquant à l'étiquetage de tout produit.

Chapitre IV Article 60

Cet article est trop restrictif aux médecins et pourrait englober d'autres professionnels car il se restreint à la santé et exclut les professionnels de la sécurité. Sa formulation pourrait devenir: "Le médecin responsable des services de santé dans l'établissement, ainsi que tout autre professionnel peut participer sans droit de vote, aux réunions du comité."

Article 72

L'ajout "ou ressources professionnelles" après "ou appareils" compléterait mieux cet article.

Chapitre VIII Article 84

Cet article, au niveau du budget, délaisse encore l'aspect de la sécurité ainsi que plusieurs professionnels dont la compétence est nécessaire pour la sécurité du travail.

Article 90

Une précision supplémentaire à cet article est nécessaire afin de savoir si l'expression "le personnel professionnel et technique" comprend des professionnels autres que ceux habituellement reliés à la santé.

Article 93

L'article ne réfère pas suffisamment à l'état du milieu de travail et spécifie l'élaboration du programme de santé en négligeant la sécurité. De plus, cet article fait peu mention au sein du

programme de santé, de professionnels autres que ceux habituellement affectés à la santé, pour éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

Chapitre IX Article 109

Nous croyons qu'il faudrait définir le rôle de l'observateur. Article 129 alinéa 10e

L'article devrait spécifier le type de recherche afin qu'il ne s'agisse pas uniquement de recherches statistiques. "recherche technique" serait sans doute plus appropriée.

Chapitre XII Article 185 point 31

Tel que mentionné au début de ce mémoire, le financement doit tenir compte principalement de la prévention, c'est-à-dire l'information, la formation et la recherche technique pour augmenter la sécurité du travail et conséquemment la santé du travailleur.

Conclusion

Nous espérons, monsieur le Ministre, que nos suggestions seront bien reçues et nous offrons notre collaboration à l'élaboration de la réglementation sous-jacente à cette loi dans le champ de notre compétence.

ANNEXE F

Mémoire à la commission parlementaire du

travail et de la main-d'oeuvre sur le projet de loi no 17

"Loi sur la santé et la sécurité au travail"

Présenté par: compagnie les produits Gulf Canada

Nous tenons profiter de l'opportunité qu'offre la Commission pour signifier notre accord avec le législateur quant aux fondements de la réforme projetée et les objectifs visés par cette réforme. Les efforts que nous avons faits dans ce domaine et les résultats obtenus en sont la meilleur preuve.

Nous devons cependant nous objecter fortement à certaines propositions contenues dans ce projet lesquelles, d'après notre expérience vécue dans ce domaine, sont rétrogrades.

Voici les points sur lesquels nous croyons que le législateur devrait se pencher à nouveau et reconsidérer. Vous trouverez l'élaboration en annexe.

Notre plus grande crainte porte sur les dispositions de la médecine au travail, plus particulièrement sur le mode de choix du médecin. Nous sommes convaincus qu'il en résultera une réduction appréciable dans la qualité du service de santé offert à nos employés et moralement nous trouvons ce fait inacceptable. Le dossier de l'industrie pétrolière dans ce domaine, tel que démontré par les statistiques contenues dans le projet de loi, est de beaucoup supérieur aux autres industries. Ce n'est certainement pas le résultat du hasard mais plutôt de mesures et d'efforts plus poussés que ceux préconisés dans ce projet de loi.

Une autre source d'inquiétude majeure est la procédure prévue dans le cas où un employé refuse d'exécuter un travail qu'il considère dangereux. Ceci peut mener à des arrêts de travail très coûteux et le droit conféré aux travailleurs peut servir à d'autres fins que celles visées par la loi, ce qui pourrait être néfaste pour l'industrie.

Nous devons aussi nous objecter à la nomination d'un conseiller à la prévention par le comité paritaire. Un tel conseiller, dans une industrie aussi techniquement avancée que la nôtre, doit être choisi selon ses aptitudes, sa formation technique et ses expériences alors que le mécanisme de sélection prévu par la loi en fera surtout un concours de popularité.

Nous devons nous objecter aux pouvoirs de réglementation et de prélèvement conférés à la Commission. Il est impensable d'accorder de si grands pouvoirs à un organisme qui n'a pas à répondre directement de ses actes. De tels pouvoirs devraient demeurer avec le législateur.

De plus, le tout va à l'encontre de la volonté populaire de limiter les excès de réglementation tel que reconnu à la réunion des premiers ministres de février 1977 et endossé par le Premier Ministre du Québec.

Ce n'est pas sans motif que nous limitons délibérément nos commentaires. Nous le faisons, en premier lieu, pour insister sur l'importance que nous accordons à nos inquiétudes et, en second lieu,

pour éviter la répétition inutile de commentaires contenus dans des documents plus complets déposés par le Conseil du Patronat du Québec ainsi que par l'Association Pétrolière du Québec; Gulf Canada a contribué à l'élaboration de ces documents et y souscrit.

Bien que ces documents aient notre appui, nous sommes certains que le Ministre n'est pas sans ignorer que les commentaires contenus dans de tels documents sont le fruit de l'unanimité d'opinion au sein d'un ensemble de personnes ou de groupes faisant partie de ces associations; mais en tant que compagnie, nous estimons qu'il est important de mentionner que, depuis plusieurs années, nous sommes engagés dans de nombreux programmes identiques à ceux proposés par le projet de loi. Par conséquent, notre attitude actuelle et antérieure nous dicte d'approuver, du moins en principe, bon nombre des propositions contenues dans ce document. Ce ne sont pas les principes qui nous causent des problèmes, mais bien plutôt les détails et les modalités de mise en oeuvre. le président, L.P. Blaser P.j.: Annexe Annexe Médecine au travail

Afin de mieux faire ressortir les lacunes du projet de loi dans ce domaine, voici les grandes lignes du fonctionnement du service de santé de Gulf Canada avec les comparaisons et commentaires appropriés.

Chacune des quatre principales installations de Gulf Canada situées au Québec ainsi que nos bureaux de Montréal sont dotés d'un service de santé. Ces services de santé, dotés de tout le matériel nécessaire, mettent à la disposition des employés une infirmière permanente ainsi que trois médecins qualifiés travaillant à temps partiel. Soulignons que Gulf Canada compte environ 1 800 employés au Québec.

Les médecins de la compagnie sont payés directement par notre siège social et leur salaire n'est en aucun cas réclamé ou compris dans le budget des installations ou des services qui font appel à eux.

En outre, les médecins des services de santé travaillent sous la direction du directeur du service médical de la compagnie, lui-même médecin, qui de son côté relève uniquement de la haute direction de la compagnie. Les médecins des services de santé ne relèvent en aucune façon de la direction locale. Cette forme de structure a été conçue afin d'éviter que les médecins se retrouvent dans des situations compromettantes et pour leur permettre une complète liberté d'action conformément aux règles de leur code d'éthique. De plus, leur compétence n'est pas évaluée par la direction locale, mais par un autre médecin expérimenté en médecine du travail.

En raison des activités de la compagnie aux échelons national et international, et sous la coordination du directeur du service médical, les médecins des services de santé peuvent partager l'expérience en médecine du travail acquise dans les différentes installations situées dans les neuf autres provinces canadiennes ainsi que dans les installations de Gulf Corporation établies dans 96 pays à travers le monde.

Nous sommes entièrement d'accord avec le principe de l'établissement d'un service de santé au travail dans les entreprises et nous pouvons ajouter que notre service de santé existe déjà depuis plusieurs années. Cependant, qu'un tel service, comme il a été suggéré dans le projet de loi, ne soit plus sous l'autorité administrative et financière de notre compagnie, ne pourrait, selon nous, qu'abaisser la qualité des services médicaux.

Comment un comité paritaire peut-il choisir avec compétence un médecin à partir d'une liste de candidats? Une entrevue avec les candidats représente-t-elle un mode de sélection judicieux de la part d'un tel comité? Les médecins qui dressent la liste des candidats pour les comités paritaires sont-ils bien informés et tiennent-ils compte de nos besoins particuliers en matière de santé et de sécurité lorsqu'ils recommandent des candidats?

Un médecin engagé par un comité paritaire ne serait-il pas porté à la clémence envers les travailleurs sachant pertinemment que toute insatisfaction de leur part face aux services médicaux dispensés pourrait signifier son licenciement? En dépit des propos contenus dans le projet de loi, les travailleurs ont la liberté de soutenir leurs revendications par la menace de ralentissement de travail ou même la grève, sachant fort bien que les représentants de la direction au sein du comité paritaire céderont sous la pression du litige.

Si l'on se reporte au projet de loi, les programmes de santé au travail dans les entreprises seraient élaborés conjointement par le médecin et le Département de santé communautaire (DSC). De tels programmes peuvent-ils répondre aux besoins réels de l'entreprise lorsque médecin et DSC, tous deux, sont éloignés des centres de prise de décision de l'entreprise où l'on élabore et discute de

nouveaux procédés, de nouveaux produits, de nouveau matériel et de nouvelles méthodes de fabrication? Comment un médecin peut-il prévoir des problèmes de santé s'il est exclu du processus administratif... la communication s'en trouvant rompue ou brouillée?

Nous ne croyons pas que ce soit la ligne de conduite à adopter. Le remplacement de la structure existante de nos services de santé reliés à d'autres services de même nature à travers le pays par la structure proposée dans le projet de loi signifie le démembrement de nos services de santé au Québec. Nous sommes conscients que toutes les entreprises n'ont pas su établir des services de santé comparables à ceux de Gulf, par manque de conscience sociale ou encore, en raison de leur taille, par manque de moyens financiers. L'objectif premier d'un tel service, croyons-nous, est d'assurer que tous les travailleurs aient le libre accès aux services de santé au travail, quelle que soit la taille de l'entreprise. Les entreprises où de tels services sont déjà en place et fonctionnent bien ne pourraient-elles pas recevoir un accréditement du Ministre après que celui-ci en ait vérifié le rendement? Loin de nous objecter à la relation étroite entre un tel service de santé accrédité et le DSC, nous encouragerions cette relation.

Les entreprises dépourvues d'un service de santé pourraient s'en remettre au DSC qui a toujours eu un mandat à remplir dans ce domaine. Comme solution de rechange, on pourrait encourager l'établissement de cliniques de santé privées à caractère industriel qui assureraient les services médicaux de plusieurs entreprises d'une même région.

En réalité, Monsieur le Ministre, nous laisserions la responsabilité en matière de santé et de sécurité à qui elle appartient, c'est-à-dire à l'employeur qui, lui, partage cette responsabilité avec les travailleurs, dans cet ordre.

Procédure d'arrêt de travail

Un autre principe énoncé dans cette loi auquel nous souscrivons est celui qui permet à l'employé de refuser d'exécuter un travail qu'il considère dangereux. C'est d'ailleurs un privilège dont nos employés ont toujours joui. Nous ne pouvons cependant être d'accord que ce privilège devienne un droit surtout de la manière que la loi est rédigée présentement. Il devrait exister des dispositions destinées à prévenir les abus ou l'exercice injustifiée d'un tel projet. D'après la loi il incombe toujours à l'employeur de prouver que le travailleur use abusivement de ses droits ou qu'il l'exerce pour des motifs futiles. Le concept est entaché de partialité en faveur du travailleur.

Les modalités prévues pour l'application de ce concept sont pour le moins encombrantes et peuvent résulter en des arrêts de travail très onéreux. Les opérations d'une partie ou de la totalité d'une usine peuvent être paralysées pendant plusieurs heures en suivant la procédure prévue par la loi. Ce peut être encore plus long, et plus coûteux, si le travailleur se pourvoit de ce droit durant la nuit.

L'impossibilité pour l'employeur de procéder immédiatement au remplacement du travailleur lorsque les circonstances le permettent et l'amplitude de l'impact sur les opérations de la compagnie, stimulera fort probablement l'usage du droit de cesser de travailler pour des fins autres que celles prévues par la loi.

Les entreprises situées au Québec seront sujettes à de plus grands risques que celles des autres provinces et des États-Unis puisque ces dernières peuvent procéder immédiatement au remplacement du travailleur sous réserve de certaines restrictions.

La nouvelle loi sur la santé et la sécurité au travail adoptée en Ontario (Loi 70) est beaucoup mieux adoptée aux besoins de l'employeur et de l'employé en ce sens qu'elle reconnaît les contraintes réelles du milieu du travail. Cette différence entre les deux provinces constituera un facteur favorisant le développement industriel en Ontario, plus particulièrement pour les entreprises hautement intégrées ou utilisant le processus de la ligne d'assemblage.

Si le législateur présume que les employés exerceront de façon responsable leur droit de cesser un travail dangereux, il devrait également présumer que les employeurs exerceront de façon responsable le droit de remplacer un travailleur.

Nous recommandons fortement qu'aussi longtemps qu'un travailleur exerce son droit de refus et jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue, l'employeur puisse faire exécuter le travail par quiconque en autant que cette personne soit avertie du refus par un autre travailleur, du motif de ce refus et qu'elle consente à reprendre ce travail.

Le représentant à la prévention

Comme nous l'avons déjà mentionné, le concept est tout nouveau et il n'a pas été mis de l'avant dans le livre blanc et voici les raisons pour lesquelles nous nous y opposons fermement.

Depuis plusieurs années, Gulf Canada a des responsables de sécurité à toutes nos usines. Ces responsables qui ont l'expérience et la formation pratique entretiennent des liens étroits avec leurs homologues travaillant dans nos autres usines à travers le Canada et même aux États-Unis, à l'occasion. Ils sont choisis non pas à cause de leur popularité, mais en raison de leur compétence et de leurs connaissances dans le domaine. Leur rendement doit répondre à des critères établis et il est évalué en tenant compte de la fréquence des accidents et des maladies, élément qui a un lien direct avec le taux

des indemnités versées par la Compagnie. Il s'agit d'un poste où un employé ne peut être affecté pendant une courte période ou remplacé au gré d'un comité. Comment une personne choisie parmi les travailleurs par le comité paritaire peut-elle être politiquement impartiale envers les travailleurs dans l'exercice de ses fonctions sans être victime d'ostracisme de ses semblables? On peut en dire autant d'une personne choisie par la direction. Mais dans un tel cas, la Compagnie a un intérêt d'ordre économique sinon moral de maintenir le taux d'accident à son plus bas niveau parce qu'il influe directement sur les taux des indemnités.

Les fonctions du conseiller en prévention sont essentiellement celles d'un responsable de sécurité, poste devant être occupé à temps plein. Il en sera fort probablement de même pour le conseiller en prévention, ce qui signifie une augmentation des coûts puisque le conseiller devra être remplacé dans ses fonctions antérieures tandis qu'on reproduira les fonctions du responsable de sécurité. Le rôle de conseiller semble tout à fait inutile et ne peut qu'ajouter à la complexité d'un programme de santé et de sécurité au travail, sans toutefois apporter des avantages réels.

La Commission peut se charger de la formation du conseiller en prévention, signifiant qu'il aura à s'absenter de son poste habituel, ce qui aggrave la situation mentionnée précédemment. La Commission peut-elle se charger d'assurer la formation spécialisée que notre industrie exige, compte tenu des nombreux programmes de formation qu'elle aura à préparer afin de répondre aux besoins des diverses industries. Avec le temps, elle pourra peut-être élaborer des programmes de formation généraux applicables à toutes les industries, mais il est très peu probable qu'elle réalisera des programmes de formation spécialisés applicables à une industrie en particulier. Nous suggérons plutôt d'élargir davantage les cadres des sections de la Commission s'occupant de santé et de sécurité au travail en mettant en poste des employés qualifiés qui pourraient servir de personnes ressources à l'industrie de la province dans la formulation de solutions aux problèmes de santé au travail que l'on rencontre dans les industries qui ne disposent pas ressources nécessaires ou de programmes efficaces.

En partant du précepte que c'est l'employeur qui est responsable de la santé et de la sécurité au travail, tant au point de vue juridique et économique, et qu'aucun employeur ne saurait s'en soustraire sans s'exposer à de sévères sanctions, il en incombe d'assurer les fonctions de prévention décrétées à l'article 69.

ANNEXE G

Mémoire au gouvernement du Québec Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

Concernant le projet de loi numéro 17 intitulé "La loi sur la santé et la sécurité au travail"

Soumis par l'Association Pétrolière du Québec août 1979 Introduction

L'Association Pétrolière du Québec est un regroupement de sociétés pétrolières parmi lesquelles on compte les sept raffineurs du Québec.

L'APQ a déjà fait au Conseil du Patronat du Québec ses commentaires sur le document de travail préparatoire au Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail ainsi que sur le Livre Blanc lui-même. Étant donné l'importance du projet de loi, elle tient à soumettre ce mémoire directement à la Commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre par suite de l'avis publié dans la Gazette Officielle du Québec, le 4 juillet 1979.

Ce document a été préparé avec la collaboration des représentants de l'Association pétrolière pour la conservation de l'environnement canadien (APCE).

L'APQ est satisfaite de certaines dispositions du projet de loi, qui répondent en partie aux commentaires déjà formulés au ministre d'État au Développement social par un de ses membres, en réponse au Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail.

Soulignons d'abord que les raffineurs du Québec affichent un taux d'accidents très bas et un niveau de santé respectable de ses travailleurs, en dépit des risques inhérents à certaines activités de leur établissement respectif. Ce fait a même entraîné une réduction du taux de leurs contributions en vertu de la Loi sur les accidents du travail.

Ce résultat démontre le souci apporté et la réussite obtenue par les membres de notre Association dans leurs efforts pour maintenir des conditions de travail qui respectent la santé et la sécurité des travailleurs. Les mécanismes utilisés par nos membres comportent un personnel qualifié en matière de santé et de sécurité au travail et, depuis quelques années, des comités de santé et de sécurité composés de travailleurs.

Notre association reconnaît le besoin d'harmoniser les diverses législations qui régissent la santé et la sécurité au travail et appuie les principes généraux énoncés dans le projet de loi. Cependant, elle est préoccupée par les mécanismes de participation proposés, dont certains semblent partager inéquitablement les responsabilités et les pouvoirs.

Plan du mémoire

Les principaux points de notre mémoire sont les suivants: 1. l'affaiblissement du pouvoir décisionnel et l'augmentation de la responsabilité de l'employeur; 2. la duplication des services et l'augmentation des coûts; 3. commentaires spécifiques.

1.— Affaiblissement du pouvoir décisionnel

Tout en reconnaissant au travailleur le droit de participer à l'élaboration des mesures d'hygiène et de sécurité, nous estimons que ce droit devrait plus justement avoir un caractère consultatif plutôt que décisionnel. Car on doit reconnaître à l'employeur le droit de faire fonctionner son entreprise, puisque ce droit découle des devoirs et obligations qu'il a précisément envers les travailleurs: planification générale, surveillance, rentabilité, rémunération, etc. Pour ces motifs, nous nous objectons aux pouvoirs décisionnels accordés au comité prévus aux paragraphes 1, 2, 3 et 12 de l'article 63.

Nous reconnaissons toutefois le besoin et l'efficacité d'une collaboration entre l'employeur et les travailleurs sur les questions suivantes: a) le choix des moyens et des équipements de protection; b) les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité; c) l'élaboration des modalités d'application du programme de santé dans l'établissement. Il est bien entendu que cette forme de participation du travailleur ne doit être qu'à titre purement consultatif.

Il est injuste de proposer que l'employeur, seul et unique responsable de la santé et de la sécurité de son personnel, ne soit pas capable de prendre les décisions finales dans un domaine qui engage gravement sa responsabilité.

La Commission peut toujours exister comme arbitre en cas de désaccord entre le comité et l'employeur sur ces questions, mais les mots "décisions du comité" devraient être remplacés par "recommandations du comité".

En outre, c'est en vertu de son droit de gérance que l'employeur doit être seul à choisir ses experts médicaux. L'Association s'objecte donc fermement au choix du médecin responsable des services de santé de son établissement par le comité de santé et de sécurité proposé par l'article 88. Elle s'objecte autant au choix de ce même médecin par le chef du département de santé communautaire. Ces dispositions du projet de loi constituent une atteinte au droit de gérance de l'employeur et mettent en doute l'intégrité professionnelle du médecin lui-même. Ces dispositions semblent en effet présumer qu'un professionnel choisi et payé par l'employeur perd son intégrité.

Le médecin qui accepte de travailler pour un employeur ne renonce pas à son code de déontologie. Cela est aussi vrai de tout autre professionnel ou contremaître embauché par un employeur.

Tout en reconnaissant l'avantage d'une consultation avec la Commission et un centre hospitalier, nous nous objectons à l'obligation de se conformer à un "programme cadre" qui serait imposé par une tierce partie et qui ne tiendrait pas compte des exigences particulières d'une entreprise.

Nous estimons que le département de santé communautaire devrait se contenter de voir au respect des obligations générales et du programme cadre prévus par la loi. Il est important selon nous que les personnes chargées de planifier et de réaliser un programme de santé soient sur les lieux de l'entreprise et en fassent autant que possible partie. Les avantages principaux d'un tel rapprochement sont l'accès aux modifications ou améliorations continuelles dont fait l'objet l'entreprise, à partir de l'étape de l'élaboration jusqu'à celle de la mise en application des différents projets, ainsi qu'une meilleure connaissance des problèmes particuliers de santé et de sécurité des travailleurs de cette entreprise. En outre, le pouvoir d'embaucher et de congédier un membre du personnel, professionnel ou non, doit demeurer la responsabilité exclusive de l'employeur. Pour cette raison, nous nous objectons au pouvoir de démission accordé par les articles 91 et 92. Nous estimons que les comités de discipline de l'Ordre des médecins ont les connaissances et l'autorité nécessaires pour juger de la compétence de l'un de ses membres. Agir autrement serait créer un tribunal parallèle aux organismes professionnels déjà en place. Nous sommes d'accord avec le rôle consultatif du chef de département de santé communautai-

re pour la plupart des fins visées par l'article 100. Nous recommandons même une augmentation des cliniques dites "interindustries" pour rendre plus accessibles les services de santé et de sécurité aux petites et moyennes entreprises.

Les objections majeures que nous venons de soumettre sont fondées sur le pouvoir décisionnel de l'employeur auquel correspond naturellement une obligation de santé et de sécurité envers ceux qui travaillent dans son établissement.

2.— La duplication des services et l'augmentation des coûts

Nous croyons que certaines des activités énoncées par ce projet de loi sont répétitives et créent une duplication des tâches.

Ainsi, nous nous objectons à cette facilité qui permettrait la formation d'une association sectorielle en matière de santé et de sécurité au travail. Nous estimons que cette matière relève davantage de l'établissement individuel. La création d'une association sectorielle entraînerait des mécanismes administratifs nombreux et lourds.

Nous croyons aussi qu'il y aurait lieu de réduire le nombre de rapports et de documents qui doivent être produits par le comité de santé et de sécurité, quand ces documents sont déjà rédigés par l'employeur. Il y aurait aussi lieu de réduire la liste des destinataires des différents rapports d'activités, surtout lorsque les membres du comité de santé et de sécurité, ou le représentant à la prévention, en reçoivent copie en même temps qu'une association accréditée.

3.— Commentaires spécifiques

Ce qui suit résume nos commentaires sur des articles particuliers du projet de loi. Article Commentaires

Référer à la version PDF page B-9028

Référer à la version PDF page B-9029

spéciale. Nous estimons que l'employeur devrait être exonéré lorsqu'un défaut résulte d'une "force majeure" ou d'un "cas fortuit". Pour cette raison, nous recommandons de remplacer le mot "et" à la dernière ligne de cet article par le mot "ou".

Le tout respectueusement soumis, nous demeurons à votre disposition pour discuter en détail de nos commentaires et recommandations.

Association Pétrolière du Québec 16 août 1979

ANNEXE H

COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE, MÉMOIRE À LA COMMISSION PERMANENTE DU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D'OEUVRE

Relativement au projet de loi no 17 intitulé "Loi sur la santé et la sécurité du travail" 17 août 1979 Préambule

La Compagnie Pétrolière Impériale Ltée partage pleinement le désir du gouvernement du Québec d'améliorer le milieu de travail, de réduire autant que possible les risques d'atteinte à la santé sur les lieux de travail, de maintenir des normes élevées de santé et d'éviter les accidents.

Notre compagnie est heureuse d'avoir l'occasion de présenter son point de vue sur le projet de loi no 17 à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre.

La politique de l'Impériale stipule que toutes les activités de la compagnie doivent se conformer à l'intention et à la lettre des lois promulguées par toutes les instances ayant autorité dans les régions où elle fait affaire. L'Impériale est d'avis que l'élaboration des lois (et de leurs règlements d'application) doit répondre à deux critères pour que celles-ci soient efficaces et opportunes: 0 Premièrement, les lois doivent être en accord avec les valeurs sociales qui ont cours. 0 Deuxièmement, les lois et les règlements en découlant devraient être applicables sur le plan administratif.

Les recommandations contenues dans le présent mémoire obéissent à ces deux critères.

L'Impériale aimerait aussi souligner le fait que pour une partie importante de sa main-d'oeuvre au Québec, les salariés transigent directement avec la direction, selon le mode de la coopération au sein de Conseils ou de Comités conjoints, plutôt que d'adopter le modèle conflictuel employeur/syndicat. La loi dont il est ici question et ses règlements d'application devraient être adaptés à ces deux types de relations de travail.

En ce qui nous concerne, à l'Impériale, la santé et la sécurité sont pour nous des éléments indissociables d'une méthode de travail efficace. Nous croyons fermement qu'il est dans l'intérêt du personnel aussi bien que de la compagnie que le travail soit accompli en toute sécurité.

Au fil des années, nous avons accompli à cet égard des progrès notables et nous sommes particulièrement fiers des résultats obtenus. Les statistiques contenues dans le livre blanc qui précédait la rédaction du présent projet de loi montrent sans l'ombre d'un doute que l'industrie pétrolière est l'un des secteurs de travail les plus sûrs et les plus salubres de toute l'industrie; notre compagnie ayant largement contribué à cette avance de l'industrie pétrolière.

Référer à la version PDF page B-9030

Ce succès est attribuable à trois facteurs principaux. D'abord, nous avons bénéficié de services complets de santé à la plupart de nos établissements de travail depuis plus de 30 ans. Nos professionnels de la santé, médecins, infirmières, hygiénistes et membres du personnel de soutien bénéficient d'une large autonomie et d'une grande indépendance professionnelle à l'égard de la direction, et ont su gagner la confiance des travailleurs aussi bien que de la direction. Des représentants du précédent

ministère de la Santé et de plusieurs universités ont visité nos installations médicales et ont exprimé leur admiration unanime.

En deuxième lieu, la prévention des accidents dans nos usines est devenue une façon de vivre depuis plusieurs décennies. La direction a été rendue responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs, qui ont été encouragés à participer à cet effort à tous les niveaux. Troisièmement, l'aspect sécurité au travail a été intégré dans tous les cours de formation de notre personnel: c'est donc dire que le travailleur qui apprend à exécuter une tâche apprend à la faire de façon sûre.

Les objectifs du mémoire de l'Impériale

Notre but en présentant ce mémoire est de faire connaître au Gouvernement nos principales préoccupations en ce qui concerne ce projet de loi et de présenter un certain nombre de propositions. Nous limiterons nos remarques à quelques articles du projet de loi qui nous intéressent plus particulièrement, laissant à d'autres associations industrielles (dont nous faisons partie) le soin d'expliquer notre point de vue sur d'autres aspects.

Les questions qui nous préoccupent le plus sont les suivantes: 1 - Nous prévoyons que la Loi 17, si elle était adoptée dans sa forme actuelle, aurait pour effet de limiter notre aptitude à assurer la bonne qualité de nos services de santé et de nos programmes de prévention. 2 - Nous croyons que l'attribution de certains pouvoirs de décision aux travailleurs et à la Commission aura pour effet d'empêcher la direction d'assumer ses responsabilités fondamentales à l'égard de la santé et de la sécurité au travail. 3 - Nous prévoyons que l'intervention excessive du Gouvernement, par l'intermédiaire de la Commission, dans le processus de gestion de l'entreprise entraînera de graves inefficacités.

Nous expliquerons maintenant les raisons de notre inquiétude, ainsi que les changements qui devraient être apportés au projet de loi pour le rendre plus efficace.

Services de santé et programmes de prévention

Le Service médical de l'Impériale, tel qu'il existe actuellement, a été mis sur pied en 1948. La sécurité et la santé au travail intéressent aussi bien les travailleurs que l'employeur. La politique de l'Impériale en matière de santé se fonde sur les principes suivants: i) la santé des travailleurs présente un intérêt immédiat pour la direction; ii) la direction a un intérêt immédiat à ce que les travailleurs soient affectés à des postes qui soient compatibles avec leur aptitude à s'acquitter de leurs tâches; iii) la direction a la responsabilité de créer et de maintenir des conditions de travail salubres.

Ces principes se traduisent en pratique par l'application d'une médecine PRÉVENTIVE et CONSTRUCTIVE. (On trouvera plus de détails à ce sujet aux annexes I et II).

La politique énoncée ci-dessus est conforme aux objectifs généraux de la loi. Notre Service médical respectera du reste toute réglementation qui suivra la mise en vigueur de la Loi.

Nos professionnels de la santé veulent collaborer avec les services publics et les établissements locaux de santé. Nous sommes prêts à adapter nos programmes à ceux imposés par le nouveau système (et à les compléter au besoin en y incorporant tout élément nouveau), mais il nous semble inacceptable de jeter à bas l'organisation de notre Service médical, comme le propose le Chapitre VIII relatif aux services de santé au travail. Cette modification signifierait une diminution de service pour notre personnel, qui se trouverait ainsi désavantagé par rapport à d'autres établissements de la compagnie, elle entraînerait le démembrement de notre Service médical, l'exclusion des travailleurs québécois de l'Impériale de notre Système d'Information Médicale et la perte d'une compétence passée et future de niveau international sur des questions du plus haut intérêt concernant la santé et la sécurité de nos travailleurs.

Nous demandons donc que le projet de loi soit modifié pour autoriser le maintien des services médicaux existants des compagnies, sous réserve qu'ils soient tenus de se conformer à des exigences très précises que la loi devrait préciser. Personne ne saurait bénéficier de la disparition de services médicaux déjà bien établis.

En ce qui concerne nos programmes de prévention, ils sont conçus sur une base fonctionnelle et

(ou) régionale, et sont conformes aux politiques générales de la compagnie.

Cette méthode d'approche nous permet de tirer profit de toutes les ressources disponibles au sein de la compagnie et, en conséquence, de mettre au point les meilleurs programmes et d'acquérir le meilleur matériel de protection aux prix les plus avantageux.

L'uniformité et la cohérence de nos programmes seraient mises en péril par cette partie du projet de loi (art. 48 et suivants) qui stipule que chaque établissement devrait avoir son propre programme de prévention. La Loi pourrait facilement prévoir la mise en place d'un programme de prévention unique pour tous les établissements d'une compagnie au Québec, sans pour autant exiger un programme distinct pour chaque établissement.

Pouvoirs de décision

Le projet de loi no 17 attribue la responsabilité ultime de la santé et de la sécurité au travail à l'employeur. Nous sommes totalement d'accord avec ce principe et sommes prêts à continuer dans la même voie. Toutefois, si d'une part la Loi décrit en détail comment cette responsabilité doit être assumée, elle enlève d'autre part à l'employeur une bonne partie de l'autorité dont il a besoin pour prendre les décisions ("prendre les mesures nécessaires") susceptibles d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs.

Une façon efficace de s'assurer que l'employeur assumera ses responsabilités est d'exiger qu'il rende compte de ses actes dans le domaine de la santé et de la sécurité. La loi devrait simplement obliger l'employeur à "rendre compte aux travailleurs", que ce soit directement ou par l'intermédiaire du Comité de santé et de sécurité. Il s'agit là du processus de gestion normal par lequel un employeur est tenu d'expliquer comment il entend se conformer à la loi ou aux propositions des travailleurs, ou pourquoi il s'en écarte.

À l'Impériale, la direction a la responsabilité de la santé et de la sécurité des travailleurs, mais elle détient aussi l'autorité nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposent après avoir pris connaissance du point de vue des travailleurs. Grâce aux divers moyens de communication et de consultation déjà en place (tels les comités de sécurité, les représentants à la prévention et les comités conjoints réunissant la direction et les travailleurs), la direction informe le personnel des mesures qui ont été arrêtées et les justifie.

En bref, la direction s'oblige à rendre compte à son personnel de tout ce qui touche la santé et la sécurité au travail. La création des comités de santé et de sécurité, tels que décrits dans le projet de loi, viendra perturber la bonne marche de nos relations avec le personnel, qui se sont avérées efficaces jusqu'ici, par les pouvoirs de décision qui sont donnés au Comité, par l'application du principe de la parité et par les fonctions administratives (l'enregistrement des accidents) attribuées au Comité.

Plus précisément, il y a trois aspects de cette section du projet de loi qui nous préoccupent: i) Nous ne croyons pas que le Comité de santé et de sécurité devrait détenir des pouvoirs de décision. À part le fait qu'un comité est rarement un bon agent de décision, le type de décision que les Comités de santé et de sécurité seraient appelés à prendre, dépasse le cadre de leur compétence. — Choix des moyens et des équipements de protection - Comme nous l'avons indiqué plus tôt, une entreprise aux établissements multiples comme la nôtre ne pourrait pas répondre aux exigences de tous les Comités et en même temps espérer garder une certaine cohérence dans ses méthodes de fonctionnement. — Etablissement de programmes de formation — II est peu probable que le Comité ait les connaissances requises pour créer un programme de formation qui soit véritablement efficace, aux points de vue du contenu et de la formule d'enseignement. C'est une tâche qu'il vaut mieux laisser aux spécialistes. — Choix du médecin — En plus de nos remarques précédentes concernant les services de santé, nous ne croyons pas qu'un Comité de santé et de sécurité ait les qualités requises pour faire ce choix.

Quels critères de sélection le Comité peut-il utiliser?

Il serait sûrement incapable de juger de la compétence professionnelle de la personne, ni de son aptitude à travailler au sein de l'entreprise.

Nous pensons que la direction est mieux qualifiée pour choisir le médecin, comme tous les autres salariés des professions libérales. La Loi devrait donc maintenir ce droit de la direction. ii) Pour être efficace, un comité d'entreprise doit s'efforcer d'établir un consensus dans un esprit constructif. C'est cette règle de conduite que nous adoptons dans nos délibérations avec les représentants des travailleurs. Or, le projet de loi dans sa forme actuelle impose le vote comme outil de fonctionnement, mais pire, il s'agit du vote en bloc comme s'il s'agissait de groupes opposés. À notre avis, les recommandations du Comité devraient être adoptées à la majorité des membres, et les décisions à prendre devraient être laissées à l'employeur, sous réserve de l'obligation pour celui-ci de justifier ses décisions. iii) L'alinéa 12 de l'article 63 stipule que le Comité doit tenir des registres des accidents de travail, fonction remplie jusqu'ici par l'employeur. À notre avis, il serait beaucoup plus efficace que l'employeur continue à remplir ce rôle, étant donné qu'il possède déjà les moyens matériels pour le faire, et qu'il ait la garde de ces registres, sous réserve du droit du Comité d'y avoir accès sans restriction aucune. On éviterait ainsi que le Comité en vienne à se bureaucratiser.

En ce qui concerne les représentants à la prévention, il ne nous semble pas souhaitable qu'ils soient nécessairement membres du Comité de santé et de sécurité, comme l'indique le projet de loi. Dans plusieurs de nos établissements, nous avons des horaires de travail par postes, des semaines de travail comprimées et des horaires flexibles; ces conditions, ajoutées à la mobilité de certains de nos travailleurs, pourraient imposer à un nombre relativement élevé de travailleurs d'agir comme représentants à la prévention. Le projet de loi devrait donc être plus souple à cet égard.

Un autre aspect du projet de loi jugé excessivement rigide est le droit de refus. Nous sommes, nous aussi, d'avis qu'un travailleur devrait avoir le droit de refuser d'exécuter un travail qu'il croit sincèrement dangereux pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou qui pourrait exposer une

autre personne aux mêmes dangers. Dans l'élaboration du mécanisme d'exercice du droit de refus, il faudrait tenir compte du fait que la Loi imposera des contraintes morales et légales extrêmement lourdes aux employeurs (ou à leurs mandataires) par la voie des contrôles et des pénalités prévues dans le projet de loi, lesquels devraient s'avérer suffisants pour décourager toute tentative de manipuler l'exercice pratique du droit de refus.

C'est pourquoi il nous semble inutile à toutes fins pratiques, de prévoir un processus long et complexe pour le règlement des contestations. Lorsque des situations semblables se produisent chez nous, la direction fait appel à des experts: médecins, hygiénistes, ingénieurs ou techniciens selon le cas, pour obtenir un avis autorisé. L'intervention de ces experts règle le conflit dans la plupart des cas. Nous demandons donc que le projet de loi n° 17 soit modifié de manière à permettre à des experts d'intervenir.

Finalement, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas demander à un autre travailleur d'effectuer le travail refusé par un premier travailleur, pourvu qu'il soit informé du refus et des raisons invoquées par le premier travailleur. Nous suggérons donc fortement que le projet de loi soit modifié en ce sens.

Intervention du Gouvernement dans te processus de gestion de l'entreprise

L'attribution de nombreuses responsabilités à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, s'ajoutant aux innombrables pouvoirs de contrôle et de réglementation qui en découlent, laisse présager la création d'une super-bureaucratie. Nous nous inquiétons de l'efficacité réelle de la Commission et des dépenses inutiles que nous, à titre d'employeur, et finalement que tous les Québécois seront appelés à supporter. Un grand nombre d'exigences prévues dans le projet de loi n'auront d'autre effet que de multiplier le nombre de documents à échanger entre les employeurs et la Commission. Comme exemple, nous citons l'article 49 qui obligerait les employeurs à remettre à la Commission des milliers de programmes de prévention, en plus de leurs mises à jour continuelles. La charge de travail pourrait être sensiblement réduite en prévoyant un pouvoir de vérification occasionnelle des programmes.

Une autre conséquence de l'omniprésence de la Commission se traduira par l'inévitable déplacement de la responsabilité réelle de la santé et de la sécurité, du lieu de travail à la Commission. Cette orientation semble venir en contradiction avec l'un des objectifs de base énoncés dans le Livre blanc.

Nous suggérons que les attributions de la Commission soient analysées de près en termes de coûts, compte tenu des avantages que pourraient en tirer la population du Québec en général et les entreprises comme la nôtre en particulier.

Les inspecteurs dont la nomination est prévue dans le projet de loi disposeront de pouvoirs très étendus, allant jusqu'à la confiscation. L'intervention des inspecteurs dans toutes les phases de nos activités exigera de leur part des connaissances et des compétences très vastes, étant donné le caractère technique très poussé de l'industrie pétrochimique en général, et qui oblige notre personnel à suivre une longue formation. Les situations que les inspecteurs seront appelées à évaluer ne vont pas manquer d'être variées et complexes.

À cet égard, nous avons deux préoccupations:

D'abord, nous déplorons le fait que le projet de loi ne donne aucune précision sur les qualifications qui seront exigées de la part des inspecteurs: nous pensons que c'est là une lacune à combler. Deuxièmement, nous doutons de la possibilité de recruter un nombre suffisant d'inspecteurs de très haut calibre. En cela, nous avons l'exemple des États-Unis, où la mise en vigueur de la Occupational Health and Safety Act (OSHA) de 1970 a été considérablement gênée par la grande difficulté à trouver des inspecteurs qualifiés et en nombre suffisant.

Nous pensons donc que le Gouvernement devrait réévaluer les responsabilités accordées aux inspecteurs, pour faire en sorte qu'elles correspondent aux ressources humaines disponibles et qu'elles tiennent compte de l'aptitude de l'industrie pétrochimique à se réglementer elle-même.

Un exemple particulier de changement souhaitable concerne les dispositions des articles 52 et 53 relatifs aux fournisseurs. Les avis prévus aux termes de ces articles doivent être remis à l'inspecteur régional. Compte tenu de la multiplicité des inspecteurs régionaux, nous prévoyons que cette exigence donnera lieu à beaucoup de confusion, de doubles emplois et de contradictions.

Les conséquences réelles de ces dispositions ne pourront, bien sûr, être connues qu'au moment où les règlements d'application seront publiés; pour cette raison, nous demandons que leur mise en vigueur soit retardée jusqu'à la parution des règlements.

Enfin, l'article 79 prévoit que la Commission peut accorder des subventions aux associations syndicales et aux associations d'employeurs pour la formation et l'information de leurs membres; nous trouvons inacceptable que des sommes perçues uniquement des employeurs soient utilisées pour financer des services qui feront sûrement double emploi.

À notre avis, il serait de beaucoup préférable que les associations sectorielles soient remplacées par les associations d'employeurs actuellement existantes, qui seraient tenues de faire rapport aux Comités de santé et de sécurité.

Cette proposition se justifie d'autant mieux si on considère que le projet de loi fait des associations syndicales les représentants exclusifs des travailleurs. Nous nous opposons fortement à ce que 30% des travailleurs — ceux qui sont syndiqués — parlent au nom de l'ensemble du monde ouvrier.

Comme nous l'avons indiqué plus tôt, nous pensons que la Loi devrait être conçue pour s'adapter à tous les types de relations patronales-ouvrières.

Conclusion

Nous pensons avoir démontré que le projet de loi n° 17, s'il est adopté dans sa forme actuelle, empêchera notre compagnie de continuer à assurer à son personnel le haut niveau de sécurité dont il bénéficie actuellement.

Dans son désir louable de protéger l'ensemble des travailleurs québécois contre les accidents et les maladies de travail, le Gouvernement a décidé de prendre une approche globale, qui pourra effectivement régler certains problèmes de santé et de sécurité au travail, mais qui créera aussi et sans motif valable, beaucoup de difficultés nouvelles; ainsi, pour les employés de compagnies comme l'Impériale qui ont des programmes efficaces de prévention, il s'agira d'un net recul. Nous prions donc le Gouvernement de concentrer son attention sur des problèmes particuliers et de modifier son projet de loi en conséquence.

(annexe I)

Compagnie pétrolière impériale Ltée Enoncé de politique et de pratiques médicales

La politique de la compagnie dans le domaine médical est la suivante: 1. Identifier et évaluer les risques que peuvent présenter ses activités et ses produits pour la santé. 2. Etablir, appliquer et évaluer des programmes en vue d'éliminer ou de maîtriser de tels risques. 3. Communiquer les connaissances acquises sur les risques de santé grâce au programme de santé au travail, et qui pourraient présenter un intérêt pour la communauté scientifique ou d'autres groupes de personnes éventuellement exposées à ces risques, comme les employés, les entrepreneurs et les clients. 4. Déterminer, au moment de l'embauche et, par la suite, selon les besoins, l'aptitude des employés à accomplir leurs tâches sans risque, pour eux-mêmes et pour les autres. 5. Fournir les services médicaux nécessaires au traitement des maladies ou des accidents du travail ou à la solution des urgences médicales, ou prendre des dispositions en ce sens.

En conformité avec cette politique, la compagnie croit utile d'assurer les services de santé préventifs et positifs (comme les examens périodiques, les vaccinations et l'information en matière de santé et d'hygiène) qui pourront aider les employés à maintenir et à améliorer leur état de santé.

Les programmes établis ou les services médicaux rendus en relation avec la politique et les pratiques définies ci-dessus devraient se caractériser comme suit: 1. Ils ne devraient pas entraver les relations de l'employé avec son médecin personnel, mais plutôt compléter les services rendus par ce dernier. 2. La participation des employés aux aspects préventifs des programmes devrait être facultative, sauf lorsque l'examen est requis par la loi ou pour la propre sécurité des employés ou celle des autres. 3. L'information obtenue sur les employés dans l'application de ces programmes devrait être considérée confidentielle et ne devrait pas être révélée à un personnel non médical, sauf avec l'autorisation des personnes en cause, ou lorsque la loi ou la santé publique l'exigent. 4. Le personnel chargé d'appliquer ces programmes doit se conformer aux lois en vigueur, collaborer avec les organismes publics de santé et leurs représentants et favoriser et maintenir des relations de bon aloi avec les employés de la compagnie, avec leurs médecins personnels et avec d'autres membres des professions médicales.

(annexe II) Structure du service médical de l'impériale

Afin de garantir l'autonomie et l'indépendance professionnelle de ses travailleurs de la santé, le Service médical a été structuré de sorte que le personnel travaillant au niveau local ou régional n'entretienne aucune relation hiérarchique avec le directeur régional ou local. Tous les membres du Service médical (personnel de bureau ou des professions libérales) travaillent sous l'autorité du directeur médical, qui relève au point de vue administratif du plus haut niveau de direction de la compagnie, c'est-à-dire le conseil d'administration, par l'intermédiaire d'un administrateur de liaison; même à ce niveau, le caractère confidentiel des dossiers médicaux est sauvegardé. En plus du médecin, le Service médical comprend des infirmières, des hygiénistes, des statisticiens et un personnel de bureau. Tous relèvent du même niveau de direction, par l'intermédiaire du directeur médical.

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ANNEXE I

BP Canada

Commentaires à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

à la suite de la première lecture du projet de loi no 17

"Loi sur la santé et la sécurité du travail"

Le 6 décembre 1978, BP Canada avait le plaisir de faire savoir au Ministre, l'Hon. Pierre Marois, qu'elle appuyait la position prise par le Conseil du patronat du Québec à la suite de la publication du livre blanc sur la santé et la sécurité au travail. Le Ministre a reçu ledit appui et en a accusé réception.

Nous profitons maintenant de la situation pour présenter à la Commission parlementaire nos commentaires sur le projet de loi 17 et nous aimerions, tout d'abord, réitérer notre accord sur le besoin d'édicter des lois qui assureront, dans la mesure du possible, un milieu de travail sain et sécuritaire pour tous.

En tant qu'important producteur, raffineur et distributeur de produits pétroliers, la santé et la sécurité de nos employés ont toujours été et continueront toujours d'être des préoccupations de premier ordre comme en témoigne notre politique écrite à ce sujet, laquelle énonce: "BP Canada a comme politique d'améliorer les normes de sécurité et d'hygiène du milieu qui sont déjà élevées. À cette fin, la Compagnie s'engage à prendre tous les moyens raisonnables et possibles pour prévenir les dommages matériels et les blessures aux employés, aux clients et au public".

La démonstration pratique de l'adoption de la politique de sécurité de la Compagnie se traduit par l'embauchage, de la part de la Compagnie, de professionnels de la santé et de la sécurité du travail qui ont reçu une formation très poussée et la mise sur pied, il y a plusieurs années, de comités de santé et de sécurité auxquels participent les employés dans le but exprès de favoriser un dialogue continu entraînant l'amélioration de la santé et de la sécurité des employés concernés par l'information, les enquêtes et les recommandations.

De plus, la création de services de santé du travail, notre insistance sur les examens médicaux de pré-embauchage et, s'il y a lieu, les examens médicaux périodiques ainsi que l'implantation de régimes d'assurance-maladie conçus pour aider et seconder les employés en sus de toute norme qui est ordonnée par une juridiction est une autre preuve de notre préoccupation du bien-être de tous et chacun de nos employés.

Du fait que la Compagnie se préoccupe de questions du genre et qu'elle soit membre d'une industrie qui, de par la nature de ses affaires mêmes, doit exiger des normes de santé et de sécurité très élevées, c'est avec grand intérêt que nous signalons l'insistance du projet de loi 17 à dissoudre nos responsabilités de direction en intervenant dans deux droits de direction fondamentaux sans lesquels nous ne pouvons continuer de fonctionner avec succès. Les droits auxquels nous nous référons sont: 1) le droit de prendre les décisions correspondant aux objectifs de notre entreprise et 2) le droit de diriger les équipes de travail. Nous en traiterons séparément:

1.0 Le pouvoir décisionnel 1.1 Sous sa forme actuelle, le projet de loi 17 augmente les pouvoirs d'exécution d'un comité de santé et de sécurité (ou d'un représentant à la prévention dans certaines circonstances) au delà des niveaux de recommandation, pouvoirs qui sont donnés malgré le fait que la plupart des représentants des travailleurs manquent énormément de compétence en ce qui a trait aux connaissances de direction de base. Ces pouvoirs d'exécution sont démontrés par la stipulation du droit qu'ont de tels comités de déterminer l'équipement de protection nécessaire, de décider de l'équipement, de l'établissement et de l'aide de bureau nécessaires, de choisir les dispositifs et l'équipement, d'établir des programmes de formation et d'information et de choisir un médecin. La Compagnie soutient que les pouvoirs susmentionnés doivent rester entre les mains de la Compagnie de façon à ce qu'elle puisse fournir les fonds adéquats et faire appel à la main-d'oeuvre professionnelle nécessaire pour la conduite de ses affaires — droits qu'on ne peut donner à un comité de sécurité si l'on veut que la Compagnie poursuive ses objectifs de façon ordonnée. 1.2 Les experts dont notre Compagnie a besoin pour mener ses affaires à bonne fin doivent être recrutés par la Compagnie conformément à ses besoins spécifiques. À cet égard, nous engageons des professionnels dans nombre de domaines et ces gens doivent, à leur tour, identifier et résoudre les divers problèmes qui sont reliés à leurs domaines de compétence spécifiques dans le déroulement des affaires de l'entreprise.

L'un de ces domaines qui est spécifique à notre entreprise est celui de la compétence médicale, dont le choix, comme le choix de tout professionnel, doit appartenir à l'entreprise et, dans le présent cas, il s'agit de notre propre Compagnie. Nos médecins et nos infirmières doivent pouvoir comprendre eux-mêmes les problèmes propres à notre Compagnie spécifique et aviser la direction des lignes de conduite spécifiques conformes à nos objectifs.

La Loi, dans sa sagesse, envisage que tous les conseillers médicaux deviennent des employés d'un centre hospitalier dirigé par un département de santé communautaire, lieu que notre compagnie juge inutile. Toutefois, si la Loi, sous forme finale, contenait une telle disposition, cela ne devrait pas être un obstacle à ce que notre Compagnie choisisse et rémunère le médecin qui doit veiller sur nos employés.

2.0 Direction de l'équipe de travail 2. Le projet de loi 17 envisage la liberté d'action pour les membres des comités de sécurité et les représentants à la prévention et ce, en ce qui concerne l'accomplissement de leurs fonctions, comme le décrit la Loi, sans avoir recours à la permission d'un superviseur. Aucune compagnie ne peut permettre aux employés de décider de leur propre gré, (dans des circonstances normales) de quitter les tâches qui leur sont attribuées en vertu de la liberté d'action que leur accorde la Loi.

Dans tous les cas, la Loi devrait être modifiée de façon à indiquer qu'aucun employé ne doit exécuter ses fonctions en tant que membre d'un comité de sécurité ou représentant à la protection sans prendre la disposition fondamentale de demander à son supérieur immédiat la permission de s'absenter de son travail. Le fait de ne pas prendre cette mesure nécessaire et préliminaire pourrait entraîner un chaos et être source de danger dans le lieu de travail.

En guise de conclusion, la Compagnie désire appuyer encore une fois le commentaire que le Conseil du patronat du Québec a présenté à la Commission.

DSG/cc le 2 août 1979

ANNEXE J

Propos de Shell Canada Ltée sur le projet de Loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité du travail"

Service des Affaires publiques

Notre compagnie, Shell Canada Limitée, est installée au Québec depuis plus de 65 ans. Elle y opère une raffinerie, une usine de produits chimiques et un important réseau de distribution et de mise en marché.

La Shell Canada est un employeur direct de plus de 1,500 travailleurs au Québec.

Nous apprécions donc l'occasion qui nous est fournie de soumettre nos commentaires et suggestions au comité parlementaire sur le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail. Shell Canada a d'ailleurs suivi de près le développement de cette loi.

Nous avons déjà soumis au ministère des commentaires sur le livre blanc et nous avons aussi participé à l'ébauche de mémoires d'associations lors de la parution du document de travail préparatoire au livre blanc.

Nous remarquons d'ailleurs avec satisfaction que quelques-unes des recommandations que nous avions mises de l'avant se retrouvent dans le texte du projet de loi.

La Shell Canada supporte pleinement l'objectif de la loi qui est "d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles" (Notes explicatives).

Nous sommes d'accord avec les principes généraux de participation des travailleurs à une clarification des droits et obligations respectifs des employeurs et des travailleurs, à l'amélioration des principes de formation, d'information et de recherche, à une redéfinition du rôle de l'État, et à l'accent placé sur la prévention.

Toutefois, certaines modalités d'application de ces principes nous causent de graves inquiétudes et quelques-unes nous apparaissent totalement inacceptables. Nous limiterons nos commentaires aux points les plus importants et notre critique constructive comportera aussi des solutions de rechange que nous jugeons plus acceptables.

Caractère décisionnel du comité de santé et de sécurité

La première objection que nous désirons soulever est le caractère décisionnel de certaines fonctions du comité de santé et de sécurité (Article 63, paragraphes 1, 2 et 5).

Puisque "l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur" (Article 4), il ne saurait être question qu'il partage avec un comité l'autorité qu'il doit posséder pour accomplir sa tâche. Ceci rendrait impossible la gestion

ordonnée de l'entreprise. Aux responsabilités doit correspondre l'autorité et c'est pourquoi nous disons que l'entrepreneur seul doit avoir le rôle de décider des mesures nécessaires dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Certes, les recommandations et les suggestions de ses employés lui seront d'une grande utilité, que ces dernières soient faites directement ou par le truchement d'un comité; mais la décision finale doit revenir uniquement à l'employeur puisque c'est lui qui de par la loi proposée est le seul responsable de la sécurité et de la santé de ses travailleurs.

À l'intérieur d'un tel arrangement les décisions de l'employeur peuvent toujours être soumises à l'arbitrage de la Commission si la partie ouvrière ou le comité n'en sont pas complètement satisfaits.

Recommandations:

Nous recommandons que là où les comités de santé et de sécurité existeront, la loi leur reconnaisse uniquement un rôle consultatif. Plus spécifiquement, nous recommandons les changements suivants dans le texte du projet de loi. 1) Article 63, para. 1 : remplacer "de choisir les moyens et équipements..." par "de recommander à l'employeur les moyens et équipements..." 2) Article 63, para. 2: remplacer "d'établir... les programmes de formation et d'information..." par "de recommander à l'employeur... les programmes de formation et d'information..." 3) Article 63, para. 5: nous recommandons l'élimination de ce paragraphe. 4) Les autres article devraient être modifiés en conséquence par exemple, l'article 64 faisant référence aux décisions du comité devraient être amendés pour référer aux "recommandations" du comité.

Le rôle des départements de santé communautaires (DSC) dans les programmes de santé au travail

Le deuxième point important que nous désirons soulever est celui du rôle des DSC's dans les programmes de santé.

Premièrement, parlons de l'argument principal invoqué lors des discussions sur le livre blanc.

L'intégrité des médecins d'établissement était mise en doute parce qu'ils étaient rémunérés par la direction de l'établissement. Si nous admettions cette proposition, faudrait-il aussi mettre en doute l'intégrité des ingénieurs de l'établissement qui conçoivent et construisent les mécanismes de prévention pour les employés? Car l'intégrité des ingénieurs n'est-elle pas assurée par un code rigide d'éthique professionnelle au même titre que celle des médecins?

Et que dire des chefs d'entreprises qui prennent les décisions finales et approuvent les fonds nécessaires aux mécanismes de prévention?

Que penser en plus des contremaîtres chargés de l'application des programmes mais eux aussi rémunérés par l'établissement?

Si la source de rémunération d'un professionnel ou d'un employé biaise nécessairement son jugement, il faudra se demander si l'intégrité peut exister!

Faudrait-il nationaliser non seulement les médecins, mais aussi les ingénieurs, les chefs d'entreprises, les contremaîtres, etc.?

Parlons maintenant du principe même de l'administration des programmes de santé par les DSC's. Rappelons que l'employeur a toujours l'obligation de "prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur" (Article 40). Mais ici encore quelqu'un d'autre, soit les DSC's, prend les décisions pour l'établissement et administre les programmes de santé. L'employeur voit donc son autorité grandement diminuée mais on maintient toujours ses obligations. Ceci est une mesure qui nous apparaît totalement inacceptable.

Parlons enfin de quelques effets négatifs, selon nous, de l'établissement et de l'administration des programmes de santé par les DSC's.

Premièrement, le personnel de la santé ne faisant par partie intégrante de l'organisation de l'entreprise, il n'est pas privilégié d'un flot continuel d'information qui lui permettrait d'influencer les décisions au stage conceptionnel des projets. La plupart de ses actions seraient donc des réactions à partir des situations déjà établies.

Deuxièmement, il serait très difficile sinon impossible pour le personnel de la santé des DSC's de participer au contrôle des absences dues aux maladies non-industrielles — un problème qui s'aggrave de plus en plus à mesure que les avantages sociaux augmentent.

Ayant remis en question la raison même de la nationalisation de la santé au travail, ayant questionné le principe même de la division de l'autorité en matière de santé au travail tout en maintenant les mêmes obligations à l'employeur, ayant enfin établi les désavantages majeurs qui découlent d'une telle mesure, nous voulons proposer une solution de rechange:

Recommandations

Nous suggérons que le personnel de la santé au travail demeure partie intégrante de l'entreprise. Dans le cas de petites et moyennes entreprises, des services de santé au travail pourraient être assurés par des cliniques inter-industries.

Nous suggérons de plus que le rôle des DSC's soit limité aux tâches suivantes: — Vérifier occasionnellement la performance des services de santé assurés à l'intérieur de l'établissement par des professionnels de la santé qui font partie intégrante de l'établissement. Les DSC's feraient alors fonction d'inspecteurs spécialisés dans l'administration de la médecine du. travail effectuée par des professionnels de l'entreprise. — Accumuler les statistiques propres à des études d'épidémiologie ou autres, procurant ainsi une base scientifique d'information. — Faciliter la création de cliniques "inter-industries" indépendantes et qui offriraient aux petites et moyennes entreprises des services professionnels de santé au travail.

Nous suggérons enfin que les incidents douteux de pratique de médecine industrielle soient rapportés au Collège des Médecins qui est l'organisme attitré de la profession pour de telles investigations.

Nous avons jusqu'ici soulevé deux objections majeures. Tout d'abord, l'objection au pouvoir décisionnel des comités de santé et de sécurité au travail, et ensuite notre objection à l'établissement et l'administration des programmes de santé par les DSC's.

Nous aimerions de plus soulever un certain nombre de points d'ordre secondaire mais tout de même importants.

1. Le choix par l'association accréditée de la moitié des membres du comité de santé et de sécurité (Article 58)

Là où les comités de santé et de sécurité au travail existeront, le projet de loi stipule le choix de la moitié des membres par l'association accréditée lorsqu'il y en a une. Selon nous, ceci est une invitation ouverte à transposer dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, un climat d'affrontement syndical/patronal qui prévaut malheureusement dans trop de relations ouvrières. Vu que la coopération entre employeurs et employés est le but visé dans la législation, nous suggérons que la moitié des membres du comité soient élus par les employés au lieu d'être nommés par l'association accréditée.

2. La duplication inutile des contacts

À plusieurs endroits dans le projet de loi, on stipule une multiplicité de contacts pour certaines activités: — Communication de la liste des contaminants (Article 40, para. 8): au travailleur, au comité, à l'association accréditée et à la Commission. — Communication du programme de prévention de l'établissement: à la Commission, à l'association sectorielle, au travailleur, au comité, à l'association accréditée et finalement au représentant de la prévention. — Communication de déficiences dans les conditions de santé et de sécurité par le médecin (Article 98) à la Commission, à l'employeur, au travailleur, à l'association accréditée, au comité et finalement au chef du DSC. — Les informations statistiques par le chef du DSC: à la Commission, aux employeurs, aux travailleurs, aux associations accréditées et aux comités. — Avis d'inspection par l'inspecteur (Article 137): à l'employeur, à l'association accréditée et au comité. — Résultat d'enquête et avis de correction de l'inspecteur (Article 139/140): à l'employeur, à l'association accréditée, au comité et au chef du DSC.

Pour simplifier un peu cette multiplicité de contacts, nous suggérons que dans les cas où les comités de santé et de sécurité existeront, les communications et les contacts excluent les associations accréditées et les représentants à la santé et sécurité qui recevront leur information du comité.

3. La confidentialité de l'information

Pour sauvegarder la confidentialité de certaines informations, nous suggérons que l'Inspectorat et la commission se dotent d'un système administratif bien défini pour assurer que la confidentialité soit sauvegardée suivant la cote de confidentialité de l'information.

Par exemple, on devrait avoir une définition exacte de qui peut avoir accès aux documents, de la permission de production de copies et de dissémination, de la garde en lieu sûr, de la période maximum de garde du document, etc.

Ce règlement interne devrait être mis en place le plus tôt possible et devrait être rendu public.

4. L'introduction de règlements

L'article 186 suggère une période de 60 jours entre la publication de nouveaux règlements dans la Gazette officielle du Québec et la soumission au gouvernement pour approbation. Ceci laisse supposer qu'il existera un mécanisme de consultation.

Nous espérons de plus que les futurs règlements tiendront compte des situations existantes qui seraient adéquates et qu'ils ne forceront pas des changements pour la seule fin de tout standardiser.

5. Certaines activités du comité de santé et de sécurité

Les fonctions du comité de santé et de sécurité telles que données aux paragraphes 8 à 13 de l'article 63, laissent à penser que le comité devra tout étudier, même les cas les plus mineurs. Les limites raisonnables de temps et de ressources humaines dictent une approche différente selon laquelle le comité, d'après la décision de ses membres, ne s'intéressera qu'aux cas où l'étude pourrait être productrice et révélatrice.

De plus, nous suggérons que les exigences de maintenir des registres, de produire des rapports, etc. soient réduites au minimum pour éviter qu'on ait besoin d'un super secrétariat pour servir le comité dans ce domaine. Beaucoup de ces documents sont d'ailleurs produits par l'employeur, et ils peuvent être rendus disponibles au comité pour empêcher une duplication inutile d'efforts.

6. Les subventions aux associations syndicales et d'employeurs

Lorsqu'il existe une association sectorielle dans un domaine donné, on ne devrait pas, selon nous, subventionner des associations syndicales et d'employeurs pour la formation et l'information (Article 79). Ceci constituerait une duplication inutile et dispendieuse, et favoriserait la formation et l'information à caractère partisan.

Nous avons aussi d'autres inquiétudes qu'il nous suffira de mentionner. Le fardeau de la preuve qui incombe à l'employeur, la difficulté de prouver la mauvaise foi, les abus possibles du refus de travailler et les coûts qui en découlent et la formation sectorielle adéquate des inspecteurs. Cependant, nous avons confiance dans la bonne intention de tous les participants et dans la possibilité d'amender la loi si elle se révèle inadéquate dans certains domaines.

Enfin, nous osons espérer que la mise en application de nouveaux règlements se fera d'une façon graduelle qui reconnaîtrait le bien-fondé des systèmes en place et qui reconnaîtrait aussi les ressources et les délais nécessaires à effectuer les changements visés par la loi.

En résumé, nous supportons le nouveau projet de loi dans ses principes.

Deux modalités nous sont cependant inacceptables. Ce sont tout d'abord le caractère décisionnel des comités de santé et de sécurité et ensuite le rôle des DSC's dans le domaine de la santé au travail.

Nous avons suggéré des solutions de rechange que nous croyons réalistes et pratiques. Nous espérons que vous prendrez bonne note de l'intervention de Shell Canada et qu'elle vous sera utile pour effectuer les révisions nécessaires avant la version finale de la loi.

Nous vous remercions de votre attention et sommes à votre disposition pour tous renseignements supplémentaires. septembre 1979

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