Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Dussault): Mesdames, messieurs, nous
allons reprendre les travaux de la commission permanente du travail et de la
main-d'oeuvre dont le mandat est de faire l'audition de mémoires sur le
projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du
travail.
Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou)
remplacé par M. Jolivet (Laviolette), M. Johnson (D'Anjou)
remplacé par M. Marois (Laporte); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux
(Charlevoix) et M. Pagé (Portneuf).
Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre
(Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount) et M. Samson
(Rouyn-Noranda). Je suppose que Mme Lavoie-Roux...
M. Pagé: Mme la députée de L'Acadie remplace
le député de Saint-Laurent, M. Forget.
Le Président (M. Dussault): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)
remplace M. Forget (Saint-Laurent).
Je vais donner la liste des groupes intervenant aujourd'hui. Nous avions
d'abord convenu hier d'entendre en premier lieu les deux groupes que nous
n'avions pu entendre. Il s'agit de la Société des conseillers en
sécurité industrielle du Québec Inc. Est-ce que le
porte-parole est présent? Présent. Du Pont Canada Inc.,
dépose son mémoire qui sera consigné au journal des
Débats. Le Comité d'hygiène et de sécurité
du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, dont le
porte-parole est présent.
Nous entendrons ensuite, dans l'ordre, le Comité des travailleurs
des industries lourdes de l'Est, dont le porte-parole est présent,
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, dont le
porte-parole est présent, ensuite, l'Ordre des chimistes du
Québec, dont le porte-parole est présent, et l'Association
pétrolière du Québec, dont le porte-parole est
présent.
Nous avons reçu un télégramme de Gulf Canada
Limitée qui demande d'être entendue en même temps que
l'Association pétrolière du Québec. Est-ce que le
porte-parole de Gulf Canada est présent? Présent. La Compagnie
pétrolière Impériale Ltée (Esso), dont le
porte-parole est présent. BP Canada, présent, et, en dernier
lieu, Shell Canada Limitée dont le représentant est aussi
présent.
Société des conseillers en
sécurité industrielle du Québec Inc.
Nous allons inviter immédiatement la Société des
conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc.
à se présenter devant la commission.
J'invite le porte-parole de la Société des conseillers en
sécurité industrielle à se présenter et à
nous présenter ses collègues.
M. Barbeau (Michel): Michel Barbeau, président de la
Société des conseillers en sécurité industrielle du
Québec. À ma droite, M. George Nolan,
secrétaire-trésorier de la société et, à ma
gauche, M. Eugène Beaupré, membre du comité de programme
de la société.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. Je vous
prierais de nous présenter votre mémoire à
l'intérieur des vingt minutes convenues.
M. Barbeau: D'accord. D'ailleurs, notre intention n'est pas de
lire le mémoire en entier, mais simplement d'en faire lecture des
grandes lignes. Nous demandons que le mémoire en entier soit inscrit au
journal des Débats.
Le Président (M. Dussault): Votre souhait sera
exaucé. (Voir annexe A). Vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: C'est rare qu'on soit sûr de ça, M.
le Président.
M. Bellemare: Je les trouve sensibles à... Mme
Lavoie-Roux: Non, non.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Johnson, je tiens à vous dire qu'après cet incident, au moins
cinq personnes dans cette salle ont employé l'expression. Vous avez la
parole, M. Barbeau. (10 h 15)
M. Barbeau: Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la
députée, MM. les députés, permettez-moi, pour
débuter, de rappeler ce qu'est la Société des conseillers
en sécurité industrielle du Québec Inc. La
société, dont les buts sont d'augmenter la compétence et
le savoir de ses membres, de maintenir et d'élever leur dignité
et leur efficacité, regroupe plus de 160 spécialistes de la
sécurité oeuvrant à temps plein dans ce domaine, autant
dans les industries de tout type qu'au sein des associations de
prévention et du milieu de l'enseignement. La société est,
à ce titre, représentative de l'opinion d'une bonne partie, sinon
de la majorité des spécialistes en sécurité.
La société, tout en étant d'accord sur l'ensemble
du projet de loi no 17, constate qu'alors que les rôles de tous les
intervenants, (médecins du travail, comité d'hygiène et de
sécurité, etc.) sont clairement définis dans le projet de
loi, il n'est aucunement question dans celui-ci des services de
sécurité d'entreprise et des spécialistes de la
prévention.
La prévention des accidents industriels étant un domaine
complexe, évoluant très rapidement, un domaine où il faut
agir autant au niveau technique qu'au niveau de l'homme et de l'organisation de
l'entreprise, ce domaine nécessite donc l'apport de spécialistes
qui y consacrent tout leur temps.
Autant le comité de santé et de sécurité ou
le représentant à la prévention ne peuvent se substituer
au médecin du travail, autant ils ne peuvent se substituer aux
spécialistes de la sécurité des entreprises. Ces
spécialistes existent; leur action, par le passé, n'a
peut-être pas été aussi efficace qu'on l'aurait
aimé, mais il faut se situer dans le contexte où ces personnes
oeuvrent et bien réaliser toutes les contraintes auxquelles elles
doivent faire face.
Le projet de loi actuel serait l'occasion idéale de faire
disparaître ces contraintes. Néanmoins, l'action de ces
spécialistes est et a été dans plusieurs cas
déterminante et on peut se demander ce que seraient les résultats
s'ils étaient absents de la scène. C'est pourquoi nous croyons
que le spécialiste de la sécurité a un rôle à
jouer dans la réalisation des objectifs de la loi, que ce soit comme
personne-ressource, au niveau du comité de sécurité, au
même titre que le médecin du travail, que ce soit dans des
interventions de formation et d'information auprès des employés
et des cadres.
Il a également un rôle à jouer dans la gestion des
programmes de prévention comme conseiller auprès des membres de
la gestion, pour qu'ils puissent créer le milieu de travail le plus
sécuritaire possible.
Le livre blanc ne favorisait-il pas une approche organisationnelle de la
prévention des accidents? Si le projet de loi ne définit pas le
rôle et les fonctions du service de sécurité d'entreprise
et des spécialistes qui y oeuvrent, nous risquons de voir ces
spécialistes confinés au rôle d'avocats de la
défense, face aux représentants syndicaux à la
prévention.
C'est pourquoi nous proposons: 1. Que l'on définisse clairement,
dans la loi 17, le rôle du spécialiste en prévention, que
ce soit dans l'entreprise ou dans les associations de prévention. Ce
rôle est essentiellement un rôle conseil au niveau des intervenants
pour que ceux-ci intègrent les techniques de prévention à
leur fonctionnement respectif. Il y a aussi un rôle de support au niveau
des interventions de formation et d'information. 2. La loi devrait
préciser l'obligation pour les entreprises, selon le nombre
d'employés et la nature des risques, d'avoir à leur emploi un
spécialiste de la sécurité.
Pour certaines entreprises ayant un grand nombre d'employés ou un
haut taux de risques, les interventions ponctuelles des conseillers
d'association ou de la future Commission de la santé et de la
sécurité du travail ne seront pas suffisantes. Ces entreprises
nécessitent la présence d'un spécialiste de façon
permanente. D'ailleurs, c'est actuellement le cas de plusieurs entreprises. 3.
La loi devrait prévoir des mécanismes de fonctionnement et de
secours permettant aux spécialistes de la sécurité d'agir
efficacement et en toute impartialité et indépendance. Ces
mécanismes pourraient ressembler à ceux prévus pour le
droit de refus au travail.
Selon nous, il n'est pas nécessaire de sortir le
spécialiste de l'entreprise pour assurer son impar- tialité et
son indépendance, pourvu que les mécanismes soient suffisants. 4.
Idéalement, on devrait créer une profession du spécialiste
en sécurité. Ceci permettra également d'augmenter leur
impartialité et leur indépendance, car ils pourront s'appuyer sur
un code d'éthique. Ceci pourrait permettre de s'assurer de la
compétence des personnes occupant ces postes.
Plusieurs de ces propositions existent déjà dans des lois
sur la santé et la sécurité de plusieurs pays
européens; citons, entre autres, l'Autriche. Depuis 1972, la loi
autrichienne exige qu'un service de sécurité soit rattaché
à toute entreprise occupant régulièrement plus de 500
travailleurs.
En Belgique, depuis 1975, la loi a rendu obligatoire les services de
sécurité. Elle définit leur rôle et des
mécanismes pour que le chef de sécurité puisse remplir sa
mission en toute indépendance.
En 1976, le comité des ministres du Conseil de l'Europe adoptait
une résolution préconisant la création de services de
sécurité et, pour terminer, en République
fédérale allemande, une loi similaire au projet de loi actuel
existait depuis plusieurs années et, depuis près de cinq ans des
services de sécurité sont devenus obligatoires. On note une
baisse de l'ordre de 14% du taux de fréquence des accidents.
Pour conclure, il nous apparaît que les propositions de la
Société des conseillers en sécurité industrielle
permettraient d'utiliser avec un maximum d'efficacité les ressources
déjà existantes et également de compléter une
démarche vers la santé et la sécurité des
travailleurs bien amorcée par le projet de loi 17. Il ne faudrait
surtout pas que des entreprises et la société
québécoise perdent ce bassin de compétences en
sécurité industrielle.
Je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): M. Barbeau, je vous remercie.
Je cède la parole à M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la Société des conseillers en sécurité industrielle
du Québec de son mémoire. Je pense qu'il s'agit d'un
mémoire qui vient faire valoir devant nous un point de vue, je pense,
qu'on entend pour la première fois.
Je tiens à le signaler et soyez assurés qu'on va regarder
de très près, le contenu des problèmes que vous soulevez,
la franchise, d'ailleurs, avec laquelle vous soulevez ces problèmes, je
vais revenir là-dessus, et des recommandations que vous formulez.
Pour l'essentiel et pour un certain nombre de raisons qui sont
évoquées dans votre mémoire dont une qui est
particulièrement frappante, j'aimerais que vous puissiez le plus
concrètement possible nous l'illustrer et je vais y revenir. Cela
paraît au paragraphe 2b de votre mémoire.
Vous nous demandez, vous demandez aux législateurs
d'insérer l'obligation pour les entre-
prises d'avoir un service de sécurité industrielle ou du
moins, un spécialiste en sécurité, prévoyant des
mécanismes de fonctionnement et le reste.
C'est intéressant et c'est très franc et compte tenu des
situations que vous vivez et des situations pour dire les choses telles
qu'elles sont, dans bon nombre de cas d'une relation extrêmement
étroite sur le plan financier et contractuel avec l'employeur, je pense
que votre mémoire devrait peut-être faire réfléchir
très sérieusement certains porte-parole du monde patronal.
C'est un plaidoyer qui remet en question non seulement certaines
attitudes, certains comportements, mais aussi certaines recommandations et
demandes qui ont été formulées devant nous depuis le
début des travaux par le monde patronal, qui dans bon nombre de cas nous
dit, ne touchez surtout à rien de ce qui concerne directement ou
indirectement ce qu'on appelle des fois, de façon qui
m'apparaît un peu excessive les droits de gérance de
l'entreprise, c'est-à-dire qu'ils nous disent: Bien, laissez-nous comme
cela se passait, l'essentiel des pouvoirs et l'entière
responsabilité, au fond, de la santé et de la
sécurité.
Soyez assurés d'une chose - je tiens à le signaler au
passage, et on l'a évoqué à plusieurs reprises au long de
nos travaux - le fait que tel, tel ou tel groupe spécifique de
professionnels ne sont pas mentionnés dans le projet de loi comme tel ne
veut pas dire qu'ils sont exclus. On a parlé du cas des
hygiénistes industriels, l'autre jour. On a parlé d'autres cas,
par la suite, qui sont venus. Il y a des choses qui sont sous-jacentes tout au
long du projet de loi. J'ai dit qu'on regarderait ça de très
près, le cas échéant, pour voir s'il est pertinent et
nécessaire d'en inclure, parce qu'encore une fois un projet de loi, ce
n'est pas un roman, ce n'est pas un essai. C'est un texte de loi. Ce n'est pas
un livre blanc, ce n'est pas un manifeste. C'est un texte de loi.
Cela dit, au fond, ce n'est pas nécessairement la seule, mais
voici une des raisons fondamentales et l'argument principal en tout cas,
si je fais une bonne lecture de votre mémoire qui vous
amènent à demander de prévoir dans le projet de loi des
dispositions qui institutionnaliseraient, en tout cas, l'obligation d'un
service de sécurité qui serait fondé sur des bases qui
permettraient l'exercice du métier dans des conditions
d'impartialité. Je cite, parce que je pense que c'est extrêmement
important et que vous n'avez pas lu in extenso votre mémoire, mais que
vous nous en avez présenté un résumé, ce qui
apparaît à la page malheureusement, votre mémoire
n'est pas numéroté, mais enfin le paragraphe b qui est
intitulé Quels sont leurs problèmes actuels? "Bien souvent, les
vrais spécialistes sont perçus comme des missionnaires
plutôt que des membres à part entière de l'équipe de
gestion, quand on n'en fait pas de simples commis bons à remplir des
formules. Par contre, les conseillers d'associations patronales doivent jouer
le jeu des idées véhiculées dans le milieu, au risque
d'être partiaux". Et vous ajoutez: "Donc, en général, ces
préventionnistes vivent une certaine insécurité qui
affecte sensiblement l'objectivité qu'il est nécessaire d'avoir
en prévention". Bien!
C'est vraiment un témoignage qui suppose je pense qu'il
faut le dire beaucoup de franchise et une bonne dose de courage et je
tiens à vous en remercier au nom des membres de cette commission. Si on
veut vraiment faire le maximum ensemble, essayer de se donner le meilleur
projet de loi possible, je pense que vous apportez une contribution qui est
loin d'être négligeable sur ce plan.
Je suis très ouvert; on va regarder de très près
vos recommandations. Effectivement, est-ce que c'est la place dans le projet de
loi no 17 ou est-ce que ça doit être fait ailleurs?
Honnêtement, je ne le sais pas, mais je pense que le gouvernement doit
regarder de très près la possibilité d'introduire des
dispositions législatives. Il ne s'agit pas de copier; le Québec,
ce n'est pas l'Autriche; le Québec, ce n'est pas la Belgique, ce n'est
pas l'Allemagne, ce n'est pas l'ensemble du Marché commun, de
l'association entre États souverains européens. Pour l'instant,
ce n'est pas la même chose; le Québec, c'est le Québec.
Mais le gouvernement devrait songer à des dispositions
législatives qui permettraient de garantir non seulement
l'efficacité, mais l'indépendance, l'autonomie professionnelle
des services de sécurité au sein de l'entreprise, comme l'ont
fait plusieurs pays européens.
C'est un témoignage tout à fait particulier que vous
apportez et soyez assurés qu'on va le regarder. Je ne vous garantis rien
sur les résultats; je ne suis pas le département des miracles et,
encore une fois, le Québec, c'est le Québec. Cela étant
dit, je pense que ça mérite d'être regardé de
très près. (10 h 30)
J'aimerais que vous nous expliquiez, peut-être en l'illustrant
d'exemples concrets qui ont été vécus par vos membres, les
affirmations que vous faites. Ce sont des affirmations très
pesées, je pense, lorsque vous parlez de choses qui vous mettent, dans
l'exercice de vos fonctions, dans des positions de partialité, de manque
d'objectivité et le reste. Vous nous parlez des dispositions
législatives forçant d'abord à introduire des services et
vous nous dites: II n'y a pas automatiquement une équation entre
l'obligation imposée à quelqu'un de faire telle chose, de se
donner tel ou tel service et une indépendance, une pleine autonomie
professionnelle. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin, dans le concret,
pour nous dire ce que vous suggérez de façon plus précise,
si vous avez des suggestions au-delà de l'idée de l'imposition.
C'est vrai que vous avez cité le cas d'un pays où, dans le cas
des entreprises de 500 employés et plus, il y a obligation.
Je suis prêt à regarder à nouveau ces
législations étrangères. Encore une fois ça vaut la
peine de les regarder et il ne s'agit pas de copier, le Québec c'est le
Québec. Il faut voir ce qui, le cas échéant, pourrait
être fait. Par ailleurs, j'aimerais, dans un deuxième temps,
concrètement, que vous
nous disiez de quelle façon il vous semble qu'il serait possible
d'assurer cette autonomie, cette impartialité, cette objectivité
dans votre travail.
Troisièmement, je me permets simplement, l'exemple veut ce qu'il
vaut, ce n'est pas une comparaison, encore une fois c'est purement une
analogie... Vous savez qu'il y a eu l'expérience visant et imposant
à l'employeur des normes d'embauche d'agents de sécurité
dans le secteur de la construction. On ne peut pas dire que le résultat
net, aujourd'hui, après les constatations qu'on peut faire pour
reprendre l'expression de quelqu'un d'autre que cela a été
la trouvaille du siècle parce que dès fois, forcément, le
Québec ce n'est pas comme ailleurs. Le Québec a ses
réalités et les agents de sécurité imposés,
obligatoires dans le domaine de la construction, vivent les mêmes
problèmes que ceux que vous rapportez dans votre mémoire.
Donc, est-ce que c'est mûr pour structurer de cette
façon-là, et, deuxièmement, qu'est-ce qui pourrait, comme
condition... J'aimerais que vous puissiez illustrer ça, étoffer
par des exemples concrets, si cela vous est possible, le témoignage que
vous rendez. Encore une fois, en terminant, je tiens à vous remercier
parce que c'est vraiment un aspect très particulier, important, et un
témoignage qui vient avec énormément de franchise et
sachez qu'on l'apprécie.
Le Président (M. Dussault): M. Barbeau.
M. Barbeau (Michel): En fait, au niveau des exemples où le
conseiller en sécurité est placé ou confronté entre
l'exercice ou l'application d'un principe reconnu de prévention et des
difficultés d'application, il y en a des foules, mais ce n'est quand
même pas une situation généralisée, je voudrais le
préciser. Il existe des cas, il existe des abus partout, dans ce
cas-là également. Dans certains cas les conseillers en
sécurité sont réellement confrontés à mettre
un peu de côté le principe de base de prévention. Ce n'est
quand même pas heureusement un phénomène excessivement
répandu, mais c'est un fait qui existe.
On pourrait citer plusieurs exemples concrets. Par exemple, au niveau de
correction de problèmes à la source, souvent à ce
moment-là, le conseiller en sécurité va être
obligé de surtout insister sur le port d'équipement de protection
parce que la correction à la source entraîne des
déboursés au niveau de la compagnie. C'est un exemple. Un des
deuxièmes points également, on parlait de l'autonomie et de
l'obligation pour les entreprises d'avoir un spécialiste en
prévention. Je ne relie pas quand même les deux aspects,
c'est-à-dire que dans un temps on dit: Certaines entreprises, à
cause de la nature des risques et à cause également de la taille
de l'entreprise, l'aide extérieure sera insuffisante. Donc, ça
prend quelqu'un sur place. Dans certains cas, c'est sûr qu'il va y avoir
une grosse tentation de se fier strictement à l'aide extérieure,
parce qu'elle implique moins de déboursés, mais, dans certains
cas, la présence du spécialiste à temps plein est
absolument essentielle.
Maintenant, en ce qui concerne les mécanismes qui pourraient
assurer l'autonomie, on parlait dans notre mémoire de mécanismes
semblables au droit de refus de travail. En fait, dans le cas où il y
aurait divergence d'opinions entre l'entreprise et le conseiller en
sécurité sur une mesure à prendre, on verrait très
bien que le cas soit porté au niveau du comité de
sécurité. Ensuite, on suivrait les mêmes paliers,
l'inspecteur du travail et, possiblement, la commission de santé et de
sécurité. Cela peut être une façon de
l'envisager.
Il y a également le phénomène de l'engagement ou du
congédiement du conseiller en sécurité qui pourrait
possiblement être soumis au comité de sécurité. Ce
sont des exemples de mécanismes, il y en a sûrement d'autres
également qui pourraient apporter cette indépendance. C'est bien
sûr que dans plusieurs entreprises on pense que c'est la
majorité cette indépendance est assez bien établie,
mais il y a aussi une question de crédibilité et ce qu'on craint,
c'est que face aux représentants syndicaux, la crédibilité
du conseiller en sécurité d'entreprise ne soit pas excessivement
forte. Elle est quand même difficile à établir, parce que
c'est le représentant de l'employeur.
Ce qu'on dit: Essayons d'avoir une personne qui, par certains
mécanismes, jouissant d'une certaine indépendance, va pouvoir
réellement conseiller, selon les règles de l'art de la
prévention et sans attaches. Je pense que le problème vaut
également au niveau des agents de la construction qui étaient des
agents de l'entreprise, c'est peut-être là que le problème
s'est posé. La crédibilité est difficile à
établir, autant que la crédibilité du représentant
syndical à la prévention va être difficile à
établir au niveau de l'entreprise.
À ce moment-là, pour éviter qu'on ait deux
spécialistes en place et qu'un soit confiné à un
rôle d'avocat de la défense, le représentant syndical
apportant un point et devant trouver des arguments possiblement contre, on se
dit qu'au lieu d'avoir ce type de confrontation, ayons un bonhomme jouissant
d'une certaine indépendance qui pourra, de concert avec le
représentant syndical, établir des mesures. Sa
crédibilité sera suffisante de cette façon.
M. Marois: Seulement une question additionnelle, est-ce que vous
croyez je ne sais pas comment les choses se présentent,
peut-être que vous pourriez nous apporter des précisions
là-dessus. L'état actuel des choses, parmi les membres de votre
association, en général, c'est quoi? Sont-ils à contrat,
comme consultants dans les entreprises ou salariés dans les entreprises?
Compte tenu de tout ce que vous venez de dire parce qu'au fond, il y a
comme une espèce d'analogie frappante qui ressort de votre
témoignage quand vous évoquez la crédibilité
auprès des travailleurs, c'est bien évident que, si vous
recommandez le port d'un équipement individuel sachant très bien
que ce n'est pas la solution et qu'il y aurait moyen de faire autre chose, au
lieu de s'attaquer à la racine du problème pour le corriger, les
travailleurs qui ont un peu d'ancienneté
dans l'entreprise et qui la connaissent savent très bien eux
aussi que ce n'est pas la solution au problème. Pourtant, il y aurait
moyen d'arriver à la solution du problème. Il y a donc une
espèce d'analogie, quant à cette crédibilité qui
risque... vous dites qui ne risque pas, qui s'émiette carrément,
avec ce qu'on a entendu aussi en ce qui concerne les médecins de
compagnie. J'aimerais avoir quelques renseignements sur la relation
financière des entreprises, comment ça se présente et
est-ce que vous formulez des suggestions quant à cet aspect?
M. Barbeau: La grande majorité des spécialistes de
la prévention sont des salariés de l'entreprise. On dit qu'il
n'est pas nécessaire de changer cet état de choses, pourvu que
des mécanismes légaux garantissent l'indépendance.
Si la protection légale est suffisante, si des mécanismes
sont prévus, on ne voit pas de problème, mais on ne veut pas
sortir le conseiller en sécurité de l'entreprise, d'autant plus
qu'ayant un rôle important de conseiller auprès des
gestionnaires... Parce que souvent, pour la prévention des accidents, il
y a des corrections techniques, mais il y a tout un aspect de la
prévention qui est l'organisation de l'entreprise et les
problèmes de prévention dépassent largement des techniques
de sécurité; ce sont bien souvent des problèmes
d'organisation. C'est un des rôles majeurs du conseiller en
sécurité, donc il faut qu'il ait quand même aussi une
excellente crédibilité auprès de l'employeur et il faut la
conserver, afin qu'il puisse conseiller l'employeur. Cela peut être, par
exemple, de modifier le rôle du contremaître dans l'entreprise;
à ce moment, il a un rôle important à jouer et il doit
être un membre à part entière de l'équipe de
gestion.
Le Président (M. Dussault): C'est terminé, M. le
ministre? Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier les
représentants de la Société des conseillers en
sécurité industrielle du Québec pour leur
mémoire.
Je pense que vous présentez ici deux problèmes; un sur
lequel le ministre a insisté à bon droit, mais qui a quand
même deux facettes. Il y a votre indépendance vis-à-vis de
l'employeur et il y a aussi la question de votre crédibilité
vis-à-vis du syndicat. Mais je pense que cette partie du problème
a été passablement touchée; ce que vous demandez, en
somme, ce sont des mécanismes qui vous permettent d'assurer votre
indépendance.
Il y a aussi même s'il n'a pas été
abordé, à moins que je ne me trompe le problème
à savoir ce qui va advenir, avec ce projet de loi, des ressources
humaines existantes dans le domaine de la prévention; est-ce que je me
trompe à l'égard de ce deuxième problème que,
à mon avis, vous semblez soulever dans votre mémoire?
Le Président (M. Dussault): M. Barbeau.
M. Barbeau: Je ne pense pas qu'il y ait d'inquiétude au
niveau des conseillers en sécurité, quant à leur avenir,
quant à la quantité d'emplois disponibles, parce qu'il est vrai
que, les obligations d'un entrepreneur étant ce qu'elles sont dans le
projet de loi, la plupart des entreprises qui ont déjà à
leur emploi un conseiller en sécurité ou un spécialiste de
la prévention vont sûrement le conserver et même, elles vont
peut-être grossir leur service de sécurité. Il n'y aura pas
de disparition de la fonction, de ça, on en est presque convaincu.
Ce qu'on craint, c'est au niveau du rôle que cet individu va avoir
à jouer. Encore là, ça va sûrement être dans
une minorité de cas, mais ça va être là, on va le
confiner à contre-argumenter ce que le représentant syndical va
apporter.
Nous, on dit qu'on a un rôle plus grand que ça à
jouer; c'est plus une crainte que, dans une minorité de cas, il y ait
une restriction du rôle, mais, en termes du nombre d'emplois, on ne voit
pas de problème de ce côté.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est finalement dans le sens de
l'orientation que pourrait prendre votre profession, si vous êtes, comme
vous le dites, mis dans un rôle d'arbitre ou de "réfuteur" de ce
qu'avanceront les représentants des syndiqués.
Il me semble, d'après ce que j'ai lu dans votre mémoire,
que votre formation s'est acquise un peu en cours d'emploi et que ce sont les
circonstances qui ont créé la fonction de conseiller en
prévention. Pouvez-vous me dire, d'abord, depuis combien de temps votre
association existe et est-ce qu'il y a actuellement, au niveau des
collèges, des cégeps, des cours qui se donnent touchant le
perfectionnement ou même la formation fondamentale d'agent ou de
conseiller en prévention? (10 h 45)
M. Barbeau: En fait, je crois que la majorité des gens qui
oeuvrent actuellement dans le domaine de la prévention ont
réellement acquis une formation sur le tas en effectuant la fonction et
il y a quand même les associations de prévention qui ont
donné de la formation à ces individus-là. La plupart
également sont allés se perfectionner aux États-Unis, soit
au National Safety Council. Je fais un peu l'historique de la formation des
conseillers en sécurité. Par le passé, cela se limitait
à cela. Les gens devaient prendre à la pige, si on veut,
différents cours et essayer de se constituer une compétence
professionnelle partant de cela, mais il y a des gens qui ont réellement
acquis une grande importance. Quand cela fait dix ans ou quinze ans qu'ils font
le métier, je pense qu'il n'y a aucun doute sur la compétence de
ces individus-là.
Depuis quelques années maintenant, il existe une formation
institutionnalisée de la prévention. Il y a, entre autres, le
cégep de Jonquière qui offre un cours de technicien, un
diplôme d'études collégiales en techniques de
prévention. Il y a également l'Ecole polytechnique de
Montréal qui offre un cours de trois ans pour devenir technicien
en prévention et je crois que, commençant cette
année, il y a une maîtrise en prévention qui va se donner
à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Cela amène un autre problème. Dans le projet de loi, on
prévoit des subventions pour différents groupes, pour la
formation du représentant syndicale, etc. Du côté des
spécialistes en prévention, dans les entreprises, où,
à un moment donné, va-ton réussir à trouver le
temps, la libération voulue et l'argent possiblement pour aller suivre
des cours qui maintenant sont des cours à temps plein?
Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt pour ceux qui entrent dans ce
domaine-là qu'il y a possibilité d'une formation plus
complète que pour ceux qui sont déjà en exercice.
Vous avez 150 membres dans votre association, d'après ce que j'ai
cru comprendre.
M. Barbeau: Le chiffre est de 170 actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ceci n'inclut pas
nécessairement tous les gens c'est sur une base volontaire,
évidemment qui sont en fonction dans l'entreprise.
M. Barbeau: Non. Actuellement, on doit regrouper je vous
donne ce chiffre sous toute réserve à peu près la
moitié des personnes qui oeuvrent dans les compagnies. Par contre, on ne
regroupe pas strictement des conseillers ou des spécialistes de la
prévention oeuvrant dans les entreprises, mais également dans les
associations et dans le milieu de l'enseignement. On parlait du cégep de
Jonquière. On a des professeurs du cégep de Jonquière qui
sont membres chez nous.
Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, y a-t-il des
membres de votre groupe ou de votre association qui sont soit
intégrés ou utilisés comme consultants, par exemple, dans
les départements de santé communautaire ou dans les CLSC?
M. Nolan (George): Oui, je peux répondre à cette
question, Mme Lavoie-Roux. Il y en a quelques-uns. Il y a même des
consultants "self employed", à leur propre compte, qui sont des
consultants à travers la province.
Mme Lavoie-Roux: Dans les départements de santé
communautaire?
M. Nolan: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Croyez-vous qu'il y a de la place pour les deux
côtés de la clôture, dans le sens que certains d'entre vous
restent au service de l'entreprise c'est de cette façon que la
plupart de vos membres fonctionnent et que, d'un autre côté
là c'est comme consultants que vous parlez d'autres
fonctionnent au niveau des
DSC? Y aurait-il aussi de la place pour qu'ils puissent
s'intégrer dans une équipe de CLSC ou, enfin, dans une
équipe de département de santé communautaire?
M. Barbeau: Oui, il y a sûrement des possibilités de
ce côté-là, mais il y a aussi peut-être une petite
crainte ou une petite réserve. C'est qu'on associe depuis le
début santé et sécurité. Je crois que c'est
excellent de le faire, mais il y a quand même des techniques qui sont
réellement particulières à la prévention des
accidents ou à la sécurité, qui ne relèvent pas du
domaine médical. On a peut-être une certaine crainte qu'elles
soient noyées à travers cela.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie pour vos
éclaircissements.
Le Président (M. Dussault): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Merci pour votre mémoire messieurs. C'est
fort instructif, surtout que comme d'autres, hier, vous aviez, avec raison, une
inquiétude pour le respect de vos droits acquis, mais vous n'allez pas
si loin que le mémoire d'hier, dans lequel vous demandez au ministre de
définir d'avance le rôle qu'on pourra vous faire jouer dans
l'application de la nouvelle loi.
Mais ce que je voudrais savoir de vous, c'est si, déjà,
avec votre expérience dans votre métier, parce que votre
profession n'est pas encore reconnue par l'Office des professions...
Vous-même, vous en faites une obligation, pas une obligation, mais
là, on précise que les spécialistes devront être des
professionnels au sens du Code des professions, et ce ne l'est pas. Vous le
notez dans votre mémoire.
Je voudrais savoir si votre expérience vous a donné
l'occasion de vérifier un refus au travail. Est-ce qu'il y a
déjà eu des refus de travailler, dans l'expérience que
vous avez eue dans différents organismes et comment cela s'est-il
produit? J'aimerais bien le savoir.
M. Barbeau: Je n'ai pas de cas précis en tête,
personnellement.
M. Bellemare: D'accord, à partir de là, vous n'en
avez pas. Il n'y a aucun refus de travail?
M. Barbeau: Non.
M. Bellemare: Quelle serait votre opinion vis-à-vis de la
loi, concernant l'article 12, sur la sécurité du travail?
M. Barbeau: Comme on le mentionne au début de notre
mémoire, on est d'accord sur l'ensemble des dispositions de la loi, y
compris le droit de refus au travail.
M. Bellemare: Quant au choix du médecin, il doit
être décidé lors d'une réunion, probablement
je pense que la suggestion qui a été faite par
d'autres mémoires d'une table ronde serait peut-être bien
souhaitable entre le gouvernement, le patronat et le syndicalisme. Mais
je voudrais savoir de vous si le médecin doit être un agent
gestionnaire de la compagnie ou bien un médecin complètement
indépendant des syndicats et des patrons, parce qu'il y a
déjà un principe d'établi, une tradition qui veut que
depuis des années, le médecin d'une compagnie soit presque
considéré comme un gestionnaire. Là, on semble se diriger
vers un autre compromis, celui d'un comité paritaire où l'on
désignera à l'outil principal je m'excuse auprès
des médecins ici une responsabilité qui est attenante
à l'application du projet de loi 17.
M. Barbeau: Pour ce qui est du médecin du travail, de
toute façon, on ne représente pas la profession
médicale...
M. Bellemare: Mais dans votre expérience vécue?
M. Barbeau: Ce que nous disons c'est le même
phénomène qu'au niveau des conseillers en sécurité
c'est que pour autant qu'il y ait des mécanismes qui garantissent
l'indépendance et l'impartialité, quels qu'ils soient, on est
satisfait à ce moment des dispositions de la loi.
M. Bellemare: Vous ne trouvez pas lourds l'article 40 et
l'article 185 où il y a une foule de règlements qu'on ne
connaît pas? Vous ne trouvez pas difficile d'envisager cela dans le
projet de loi, tel qu'il est écrit, ou bien trouvez-vous que c'est
normal qu'un gouvernement puisse, par règlement, sans qu'on soit mis au
courant, promulguer, dans la Gazette officielle ou par d'autres moyens,
l'application des règlements? Parce que dans l'application de l'article
185, il y a 36 particularités différentes.
M. Barbeau: Nous avons mis notre priorité dans
l'étude de la loi sur le phénomène de la définition
de la profession du conseiller en sécurité.
M. Bellemare: Oui, je me suis aperçu que c'était
cela votre droit acquis, d'abord. Le restant est facultatif. D'abord, le choix
et, après cela, les autres, s'il y a possibilité.
M. Barbeau: Non...
M. Bellemare: Excusez-moi, je ne veux pas vous hypothéquer
d'une idée que vous n'avez pas eue, mais je pense que tout votre
mémoire, actuellement, porte sur vos droits qui semblent être des
droits acquis qui, pour l'avenir, vont être un peu dispersés et
peut-être ignorés.
M. Barbeau: Premièrement, au niveau de droits acquis, on
ne voit pas le problème sous cet angle. Tout ce qu'on dit, c'est que ce
qu'on a actuellement, on va le conserver. Il n'y a aucun doute, avec la
loi...
M. Bellemare: Ce que vous avez, vous autres, présentement,
mais pas pour l'avenir, pas pour d'autres qui viendront après vous. Ceux
qui sont en place, d'accord, vont probablement jouer un rôle plus
efficace que ceux qui viendront faire application plus tard.
M. Barbeau: Non, parce que les obligations données
à l'entreprise vont nécessairement, dans la plupart des cas, si
ce n'est pas les maintenir, faire grossir les services de
sécurité. Ce qu'on dit, en fait, nous, c'est que le service de
sécurité, qui a joué un grand rôle par le
passé, peut être encore plus efficace avec certaines dispositions.
Ce n'est pas un côté négatif qu'on regarde. On dit que ce
qui existe fonctionnait, mais fonctionnait avec certaines... Cela peut mieux
fonctionner. C'est pourquoi on fait une suggestion.
M. Bellemare: Est-ce que, dans les conventions collectives qui
vous régissent actuellement, il en est question de votre profession?
M. Barbeau: À ma connaissance, il n'y a pas de convention
collective au niveau des entreprises. La plupart des conseillers en
sécurité sont soit au niveau des cadres ou au niveau des
professionnels à l'emploi de l'entreprise.
M. Bellemare: II n'est pas question de vous nulle part dans les
conventions collectives, sauf dans le domaine de la sécurité.
M. Beaupré (Eugène): M. Bellemare, dans certaines
conventions collectives, il y a des services de sécurité qui sont
établis comme faisant partie de la convention et c'est prévu
que...
M. Bellemare: II n'y a rien de prévu pour les gens de
votre profession?
M. Beaupré: C'est prévu qu'il y a un emploi dans un
service de sécurité patronal et, enfin, paritaire. Moi, dans la
compagnie où je travaille, je suis en charge... J'ai deux officiers
cadres et deux officiers syndiqués à temps plein qui travaillent
au service de sécurité seulement.
Le Président (M. Dussault): C'est terminé, M. le
député de Johnson? Alors, il semble que ça mette fin
à l'audition de votre mémoire.
Au nom de la commission, je remercie la Société des
conseillers en sécurité industrielle du Québec de sa
participation aux travaux de cette commission.
Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec
J'invite maintenant le Comité d'hygiène et de
sécurité du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec à se présenter devant la commission.
M. Bellemare: Quel numéro?
M. Jolivet: 53.
Le Président (M. Dussault): C'est le mémoire
53.
M. Bellemare: II n'est pas sur la liste qu'on nous a remise ce
matin.
Le Président (M. Dussault): II est sur la liste d'hier.
Nous avions convenu d'entendre les deux derniers groupes d'hier ce matin.
J'invite le porte-parole du comité d'hygiène à se
présenter et à nous présenter ses collègues.
M. Théberge (Marcel): M. le Président, madame,
messieurs, je voudrais d'abord signaler que ce n'est pas le mémoire du
Comité d'hygiène et de sécurité du Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec, mais bien le mémoire
comme tel du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec.
Ce qui s'est passé, c'est qu'en raison des délais
extrêmement courts, on a été obligé de prendre une
position là-dessus. Dans un premier temps, pour respecter les
délais qui nous étaient imposés, le Comité
d'hygiène et de sécurité de notre syndicat a pris une
première prise de position et l'a fait parvenir au secrétariat
des commissions parlementaires. Depuis ce temps, il y a eu un nouveau
dépôt, que vous devez avoir en main, qui complétait la
prise de position initiale du Comité d'hygiène et de
sécurité du syndicat. Cela a été
déposé le 18 septembre. J'imagine que vous devez en avoir une
copie maintenant.
Le Président (M. Dussault): II est daté du 17
septembre, effectivement.
M. Théberge: C'est ça, cela va.
Le Président (M. Dussault): D'accord.
M. Théberge: Alors, m'accompagnent aujourd'hui... Je suis
d'abord Marcel Théberge, le président du Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec. M'accompagnent aujourd'hui,
à ma gauche, Jean-Pierre Dugas, qui est précisément le
responsable du Comité d'hygiène et de sécurité du
syndicat et qui est également membre de l'exécutif du syndicat;
à ma droite, Jean-Guy Dionne, un agent de grief pour le syndicat de
professionnels, qui va, tout à l'heure, pouvoir vous illustrer certains
de nos énoncés à partir d'exemples concrets, pour
répondre, semble-t-il, aux désirs, entre autres, du ministre tout
à l'heure, qui désirait avoir des cas concrets.
Le Président (M. Dussault): D'accord. S'il vous
plaît, je voudrais que vous me rappeliez votre nom; ça m'a
échappé.
M. Théberge: Marcel Théberge.
Le Président (M. Dussault): Théberge, d'accord. Je
vous remercie. Je pense qu'il sera difficile de faire la lecture de votre
mémoire en 20 minutes. Je vous prierais, en tout cas, de résumer
le plus possible, de façon que ce soit fait à l'intérieur
des 20 minutes convenues. (11 heures)
M. Théberge: On va essayer de faire cela rapidement. On ne
lira pas le mémoire; je vous demanderais, cependant, si c'était
possible, de l'inscrire au journal des Débats en bonne et due forme.
C'est une formule qui est prévue. Je pense.
Le Président (M. Dussault): D'accord. (Voir annexe B)
M. Théberge: Je vais essayer de faire ça
rapidement.
Le syndicat de professionnels a décidé de se pencher de
façon sérieuse, depuis quelque temps, sur les questions relatives
à la santé et la sécurité du travail, en raison
principalement de deux choses.
Premièrement, nous voulons à tout prix maintenir de
façon intégrale notre droit à la négociation pleine
et entière de toutes nos conditions de travail, ceci en dépit de
toutes les tentatives réelles de l'État pour limiter ce droit. On
ne reviendra pas sur les dispositions de la loi 50. Je pense que vous
connaissez très bien notre position là-dessus. La loi 50, la Loi
sur la fonction publique, limite considérablement notre liberté
de négociation. Il nous semble que, dans le cas présent, on
trouve également des entraves sérieuses à notre
liberté de négociation.
Deuxièmement, on veut également attirer votre attention
sur un certain nombre de conditions de travail très mauvaises qui
existent actuellement à l'intérieur de la fonction publique. En
ce sens, on a décidé de travailler très
sérieusement toute la question de la santé et de la
sécurité.
Pour l'essentiel, notre premier élément fondamental
d'opposition concerne les comités paritaires. Tout à l'heure, on
va vous illustrer de quelle façon concrète on a vécu des
expériences dans ce domaine avec l'employeur qui est
précisément le gouvernement du Québec,
représenté par un parti actuellement, sauf que cela n'a pas
beaucoup changé par rapport à l'ancien parti qui était le
gouvernement. On va vous raconter des expériences récentes et des
expériences un peu plus éloignées en regard de cela.
Ce qui nous apparaît très clair à la lumière
d'expériences concrètes qu'on a vécues dans les
comités paritaires, c'est que ça ne donne strictement rien au
bout de la ligne. D'ailleurs, notre prétention est que l'employeur
considère lui aussi que ça ne donne strictement rien, si on en
juge par son comportement concret au cours de certaines expériences que
nous avons vécues dans le domaine des comités paritaires. Tout ce
à quoi cela a servi, finalement, est que cela a été un
lieu de dépôts et de discussions plus ou moins
éthérées sur le contenu de revendications eu égard
à
nos conditions de travail en matière de santé et de
sécurité.
Ce qu'on met de l'avant et ce n'est probablement pas nouveau, je
pense bien, pour vous ce sont cinq principes fondamentaux qui devraient,
d'après nous, être sous-jacents à l'ensemble d'une
législation qui porterait sur la santé et la
sécurité.
Premièrement, c'est le plein droit individuel et collectif
d'arrêter de travailler en cas de danger. Là-dessus, je
n'insisterai pas sur le fond de la question, j'imagine que vous êtes
suffisamment éclairés. Je voudrais simplement dire qu'il nous
semble étrange que, dans ce domaine, on prétende que les
Québécois n'ont pas la maturité voulue pour assumer
pleinement et de façon responsable ce droit. Il nous semble, quand on
affirme qu'il n'y a que 30% des travailleurs québécois qui sont
syndiqués, comparés aux 90% de syndiqués en Suède,
que là-dessus il y a des choses qui sont très réelles,
sauf que si on veut prendre des dispositions sérieuses pour assurer le
droit individuel et collectif d'arrêter de travailler, il y aura
peut-être lieu que le ministre du Travail enlève du Code du
travail les entraves législatives qui empêchent la syndicalisation
d'un nombre important de travailleurs. Concernant le plein droit individuel et
collectif, je pense que la position est assez claire sans qu'on ait besoin de
l'expliquer davantage.
Le deuxième principe qu'on met de l'avant, c'est le droit de
négocier tout sujet relatif à la santé et à la
sécurité. Là-dessus, le responsable du comité de
santé et de sécurité du syndicat va nous illustrer, tout
à l'heure, de quelle façon on perçoit des entraves dans le
projet de loi no 17.
Quand je parlais du plein droit d'arrêter de travailler, je
voudrais attirer votre attention je m'excuse, je l'ai oublié
sur la question du retrait préventif des femmes enceintes.
Là-dessus, il nous semble assez aberrant qu'on assujettisse ce droit,
qu'il nous semble un droit extrêmement fondamental, à une
ordonnance sur les congés de maternité, comme s'il y avait une
relation de cause à effet entre ces deux choses.
Le troisième point qu'il nous semble également bien
important de mettre de l'avant en regard de toutes les questions de
santé et de sécurité, c'est le droit d'enquête et
d'inspection en tout temps, et ceci de façon indépendante.
Là-dessus, dans le projet de loi, ce qu'on perçoit
très bien, c'est que les mandataires syndicaux vont perdre tous leurs
pouvoirs véritables puisque, effectivement, ils n'auront plus de mandat
de la part des membres du syndicat, mais seront dans une espèce de
structure soi-disant neutre et au-dessus des parties. En ce sens-là,
ça nous semble excessivement dangereux pour une saine démocratie
syndicale également.
En ce qui concerne le quatrième principe c'est le choix du
médecin on ne comprend pas comment, partout, dans notre
régime de santé québécois, on assure au client la
possibilité de choisir son médecin et pourquoi on refuse cela
à un travailleur. En tout cas il y aurait certainement lieu qu'on nous
fournisse des explications plus claires que ce qui nous a été
donné à ce jour là-dessus.
Finalement, le dernier principe qu'on met de l'avant, c'est le droit
à la pleine sécurité d'emploi et de revenu en cas
d'accident de travail causé par des conditions de travail
néfastes.
En conclusion, avant de passer la parole rapidement à mes
collègues, parce que je veux essayer de m'en tenir aux 20 minutes
allouées, ce qui est notre analyse est en gros la suivante. On note une
contradiction très forte entre les énoncés de principe
fort généreux que je qualifierais peut-être
même d'angéliques qu'on retrouve dans le projet de loi
ainsi que dans certaines déclarations, et la réalité
concrète que nous sommes tous appelés à vivre dans nos
ministères en tant que salariés de l'État. Ce qu'on a
constaté, c'est le cul-de-sac, nous semble-t-il, des comités
paritaires. On a vécu l'expérience, on va en parler rapidement
tout à l'heure. C'est pour ça que nous rejetons la philosophie
générale qui sous-tend le projet de loi sans sa forme actuelle.
Ce qu'on voudrait comme énoncé très clair au niveau des
principes, c'est qu'on mette de l'avant le principe de l'élimination du
danger à la source; ensuite on pourrait regarder de quelle façon
techniquement on pourrait aménager un tel principe dans des dispositions
législatives.
Je demanderais à mon collègue, Jean-Pierre Dugas,
d'illustrer de quelle façon il nous semble que le projet de loi entrave
l'action syndicale.
M. Dugas (Jean-Pierre): Assez succinctement, M. le
Président, j'aimerais relater ici des contradictions apparentes dans le
projet de loi no 17. Ces contradictions apparentes je demanderais au
ministre de nous donner des précisions et de nous rassurer sont
les suivantes. D'une part, il nous semble que le projet de loi limite et annule
l'intervention syndicale dans le secteur de la santé et de la
sécurité au travail. D'une part, par le dépôt
patronal du gouvernement du Québec en matière de
sécurité et de santé, on n'a rien innové, on n'a
absolument rien apporté de nouveau, de neuf. La seule disposition qui
demeure, c'est celle où les parties conviennent que seront
respectées toutes les dispositions des lois et des règlements de
la province et des règlements municipaux visant à assurer la
santé, la sécurité et le bien-être des
employés, ainsi que l'hygiène sur les lieux de travail. C'est
ça qu'on nous propose. Le ministre dit qu'il ne faut pas... que le
projet de loi comme tel ne veut pas diminuer les droits d'un travailleur en
vertu d'une convention collective en vigueur, mais on a l'impression que vous
êtes en train, même au niveau de la fonction publique, de
déterminer un "pattern" qui pourrait servir pour d'autres compagnies ou
pour d'autres secteurs à l'extérieur.
Ce que vous voulez empêcher en fin de compte, c'est ce que vous
nous proposez, ce "pattern" du maintien des règlements des minimums,
tandis que ce que nous demandons, c'est de tenter de négocier sur une
base d'échange. Ainsi, il nous semble impossible, à l'article 31,
de
négocier avec l'employeur l'exercice du droit d'arrêter de
travailler pour ce qui est des mesures disciplinaires et de la procédure
de congédiement c'est directement en vertu de nos conventions
collectives de négocier aussi avec l'employeur le droit
d'enquête et d'inspection syndicale dévolu dans le projet de loi
au comité paritaire ou au représentant à la
prévention. Ce que nous dénonçons fortement. Le
comité paritaire pour nous demeure un lieu de congélation des
revendications. Ce n'est pas nouveau sous le régime actuel ni sous les
précédents.
Le projet de loi ne nous confie aucun pouvoir décisionnel sur
l'essentiel, c'est-à-dire au niveau du programme de prévention
comme tel. C'est du regard, de la responsabilité de l'employeur.
Pour ce qui est des fonctions et des procédures de nomination du
représentant à la prévention, vos articles 67, 68, 69 et
70 nous semblent faire en sorte que nous nous retrouvons dans la situation
où nos représentants doivent faire à la fois la police et
jouer aux contremaîtres sur les lieux de travail. Il semble aussi
impossible, selon les dispositions du projet de loi, de négocier le
choix de notre médecin et ça, pour nous, ça nous
apparaît essentiel. D'ailleurs le mémoire est assez explicite
à ce sujet.
Enfin, la commission de la santé se donne des pouvoirs
réglementaires lui permettant de se substituer aux organisations
syndicales pour déterminer les modalités de participation aux
diverses activités en santé et en sécurité, en
particulier les activités de formation, mise sur pied des comités
paritaires, etc. Cela nous semble être une contradiction avec le bel
énoncé de principe qu'on retrouvait au départ, à
savoir que le projet de loi ne devait pas diminuer les droits des travailleurs
en vertu d'une convention collective en vigueur ou le processus de
négociation qu'on a engagé actuellement avec l'employeur pour
établir les niveaux.
Pour les cas pratiques, mon confrère Jean-Guy Dionne pourrait
vous en énumérer plusieurs.
M. Dionne (Jean-Guy): Le projet de loi 17 prévoit la
création de comités paritaires de santé et de
sécurité. Je serais tenté de vous citer
Jésus-Christ qui disait: Avant d'enlever la paille dans l'oeil du
voisin, regarde la poutre qu'il y a dans le tien. Peut-être le
gouvernement pense-t-il les autres employeurs plus compréhensifs que
lui-même, mais l'expérience qu'on a eue dans le passé avec
lui nous démontre que les comités paritaires de santé et
de sécurité ne sont pas la solution miracle pour ces
problèmes. On est d'autant mieux placés pour en parler que nous
avons vécu, de 1972 à 1975, l'expérience des
comités paritaires et que, depuis 1975, nous avons, dans nos relations
quotidiennes, à travailler avec un syndicat, le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux, qui a un comité paritaire prévu dans
sa convention.
Nous voudrions donc vous donner quelques exemples de la façon
dont les comités paritaires ont fonctionné dans le passé
entre les employés de l'État et le gouvernement. En 1975,
à l'édifice
Cambrai, situé ici, sur la rue Joffre, à Québec, il
y avait eu deux griefs déposés pour se plaindre de la chaleur et
de la ventilation. Ces griefs ont été portés à
l'attention des deux comités paritaires prévus dans les
conventions collectives et les deux comités paritaires en ont
été saisis pendant une période de près de huit
mois.
Pour régler le problème, l'employeur disait que
c'était une occupation temporaire du local, donc, qu'il n'avait pas
l'intention de dépenser inutilement des sommes d'argent pour installer
un système de ventilation et un système de chauffage
adéquat. L'occupation temporaire dure depuis cinq ans, sauf
qu'entre-temps, on a effectivement eu un règlement dans ce
cas-là. Mais le règlement n'est pas venu des comités
paritaires. Il est venu d'une action que les employés, que je dirais
écoeurés de la situation, ont prise. Ces employés se sont
présentés en costume de bain sur les lieux de travail.
Peut-être que la première page du Journal de Québec,
du Devoir ou du Miami Herald est plus forte que les pressions des travailleurs,
mais le cas a été réglé. Un autre exemple, plus
récent, c'est celui de l'édifice situé au 360 rue McGill
à Montréal, édifice anciennement occupé par la
Sûreté du Québec, maintenant occupé par le
ministère des Communications. On prévoyait employer cet
édifice à d'autres fins. On a décidé de faire des
tests de structure. Première opération, on drille des trous dans
les murs. Deuxième opération, toujours avec les employés
sur place, on décide de monter vingt tonnes de plomb au cinquième
étage; ça ne met pas bien bien la sécurité en jeu,
mais en tout cas, vingt tonnes. On a monté ça avec un
véhicule à essence. Alors qu'il y avait des trous dans les murs
partout, vous comprenez que les effluves se sont répandus sur les
étages. Enfin, pour mettre la cerise sur le gâteau, on a
redescendu tout ça, on est reparti, mais on a oublié de fermer
les murs. Je ne sais pas si vous connaissez la rue McGill, ce n'est pas
très loin du port de Montréal, de telle sorte que les trous dans
les murs sont devenus des autoroutes à souris, ce qui n'a pas pris
tellement de temps.
Effectivement, il y a eu, au niveau du Syndicat des fonctionnaires, un
grief qui a été porté au comité d'hygiène et
de sécurité, lequel a fait un rapport très élogieux
de la situation, mais, encore une fois, le ministère des Travaux publics
s'est laissé tirer l'oreille. Le Syndicat de professionnels, quant
à lui, a déposé un grief aussi, lequel, après tous
les délais nécessaires, s'est rendu à l'arbitrage et, une
semaine avant l'arbitrage le ministère des Communications et le
ministère des Travaux publics nous promettaient de faire des travaux,
lesquels ont été faits depuis ce temps. (11 h 15)
Effectivement, dans ce cas-ci, on a bien voulu pendant cinq ou six mois
régler le problème en nous proposant du poison à rat, des
trappes à souris, en nous proposant d'autres "répuisants" du
genre, mais effectivement on ne voulait jamais mettre de l'argent pour
régler le problème à la source.
Nous pouvons également parler du ministère du Travail, sur
la rue Crémazie à Montréal, où, en 1977, un
inspecteur du ministère et un inspecteur de la ville de Montréal
ont relevé 18 infractions aux règlements sur la
sécurité dans les édifices publics. Je vous donne quelques
exemples d'infractions qu'on pouvait y trouver; il y avait, notamment, des
portes de sécurité qui étaient fermées par des
barils, lesquels servaient à mettre les déchets; il y avait
également le système d'alarme qui était branché sur
le système électrique normal de la bâtisse, de telle sorte
que lorsqu'il y a eu un feu là, en 1977, on n'a même pas
été capable de faire partir le système d'alarme. En tout
cas, on a relevé 18 infractions du genre.
Là encore, au niveau du syndicat des fonctionnaires, c'est
allé au comité d'hygiène et de sécurité et,
au niveau du syndicat des professionnels, c'est allé en grief. Comment
a-t-on réglé le problème? Cela n'a pas été
une question de comité d'hygiène et de sécurité;
à un moment donné, les employés se sont réunis,
fonctionnaires et professionnels, et ont décidé de créer
up comité d'action et c'est ce comité d'action qui à fait
avancer les choses parce qu'on a exigé le rapport d'inspection, on a
exigé que le ministère respecte sa propre loi et on a
exigé également que les travaux soient imposés aux
locateurs de l'édifice.
On pourrait également parler du ministère des Affaires
sociales. Cet hiver, à l'édifice Joffre, un cas
très récent au deuxième étage, les
employés ont littéralement gelé tout l'hiver. Pour vous
donner un exemple de la température qu'il pouvait faire, certains matins
on a trouvé de la glace sur les prises de courant.
Effectivement, il y a eu un grief qui s'est retrouvé au
comité de santé et de sécurité des fonctionnaires
et il y a eu un autre grief qui s'est retrouvé au comité des
griefs du syndicat de professionnels. Sauf qu'un matin, alors qu'on a eu une
vague de froid considérable, les employés ont trouvé que
franchement, en bas de 10° Celsius, c'était un peu froid pour
travailler et se sont rendus au bureau du personnel du ministère des
Affaires sociales pour exiger que des mesures soient prises, à court et
à long terme.
À court terme, on a permis aux employés, lorsque les
conditions de température étaient inconfortables, de retourner
chez eux et, à long terme, le ministère, cet été, a
fait les travaux nécessaires pour que la situation ne se reproduise pas
l'an prochain.
On pourrait citer d'autres cas, il y en a beaucoup, notamment, par
exemple, ici, à l'Office de la langue française où le
concepteur de l'édifice s'est permis de mettre la prise de ventilation
juste à côté du stationnement des autobus. Vous comprendrez
que la prise de ventilation étant située à cet endroit,
chaque fois que démarrait un autobus, que se passe-t-il avec le
système de ventilation?
On pourrait également citer les problèmes nombreux de
chaleur, notamment au Crédit agricole, à Québec; aux
Communications, à Rimouski; l'insuffisance d'équipement
sanitaire, par exemple, dans les laboratoires où on devait traiter des
chiens morts et des poissons pourris; on n'avait absolument aucun moyen de les
retirer des tables de travail.
On pourrait également parler des nombreux cas où les
ministères ont été obligés de faire des pressions
sur les locateurs des édifices gouvernementaux pour que ceux-ci
chauffent suffisamment.
Dans tous les cas, les comités paritaires du gouvernement se sont
rivés le nez sur les goussets, mais bien cadenassés, du
ministère des Travaux publics, rendant ce mécanisme de
comités paritaires absolument inefficace, et souvent c'était le
crematorium des revendications des employés du gouvernement en
matière de santé.
Peut-on croire que le gouvernement, comme employeur, n'a pas pris
conscience de l'inutilité et de l'inefficacité des comités
paritaires. D'ailleurs, il n'en demande même pas la création dans
le dépôt qu'il nous a fait à la table des professionnels.
Peut-on croire également qu'un gouvernement qui, comme employeur, refuse
à ses employés du ministère du Revenu, à
Montréal, la permission de prendre connaissance des résultats de
l'étude du CLSC, centre-ville, peut-on croire que ce gouvernement peut
nous assurer sa bonne collaboration sur les comités d'hygiène et
de sécurité? Vous nous permettrez d'en douter. De nous dire que
si le passé est garant de l'avenir, chaque ministère aura
désormais son crématorium en ce qui concerne les clauses de
santé et de sécurité au Québec.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec de son
mémoire. Je voudrais simplement dire ceci: Les exemples qui ont
été cités sont bien sûr vérifiés, je
présume; ce ne sont certainement pas des affirmations gratuites. Si vous
prenez la peine de choisir ceux-là, c'est qu'ils sont fondés et
confirment une chose: la nécessité absolue, ce que prévoit
d'ailleurs le projet de loi 17, notamment à l'article 4, qu'enfin le
gouvernement tombe sous la coupe de la loi, ce qui n'est pas le cas
présentement, comme vous le savez. Notamment, comme vous le savez, la
Loi des établissements industriels et commerciaux, le Code de
sécurité de la construction, etc., aussi incroyable que cela
puisse paraître, c'est un fait aussi, et il était temps que cela
change.
Les exemples que vous avez évoqués confirment donc que la
proposition qui est formulée dans le projet de loi 17 s'impose plus que
jamais et qu'en conséquence aussi l'ensemble de ce qui est prévu
dans la loi, les sanctions, etc., s'applique aussi.
Je prends acte du fait que vous êtes en profond désaccord
avec la philosophie générale du projet de loi. Je prends acte du
fait que vous n'acceptez pas ou ne croyez pas en tout cas à la
pratique possible qui n'exclut absolument pas l'action syndicale. On a
eu l'occasion d'en discuter. J'ai même indiqué que, s'il y avait
des textes ou des parties du texte qui n'étaient pas clairs en ce
sens-là, j'étais prêt à les vérifier,
à les corriger, à les ajuster pour faire en sorte que les droits
acquis, en plus, soient respectés et qu'il soit possible d'ajouter
par-dessus cela.
J'ai aussi indiqué que, par ailleurs, il ne fallait pas perdre de
vue qu'il y a environ 30% des travailleurs qui sont syndiqués, il y en a
donc plus de 60% qui ne le sont pas et qui ont droit eux aussi à une
protection de base qu'ils n'ont pas présentement, qu'il faut en tenir
compte. Je prends acte du fait aussi finalement, raccroché à ce
que vous avez évoqué au point de départ qui est votre
opinion, que je respecte, que je ne partage pas, du rejet de la philosophie
générale, notamment lorsque apparaît au bas de la page 5 de
votre mémoire un énoncé où vous dites: "Notre
courte histoire de syndiqués nous a donc démontré que la
concertation mène à un cul-de-sac et que seule la mobilisation
générale reposant sur les délégués syndicaux
dans leur milieu de travail peut inciter l'employeur à améliorer
les conditions de travail jugées dangereuses ou nuisibles."
Je n'ai pas d'autres questions. Je n'ai pas de commentaires, M. le
Président...
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je serai moi aussi
très bref. Je pense que le mémoire qui nous est
présenté ce matin par le Syndicat de professionnels du
gouvernement du Québec est assez clair. Si j'avais des questions,
j'aurais presque envie de vous demander comment cela va dans les
négociations. Ce n'est pas l'endroit choisi pour le faire.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'introduction dans la loi, la
notion ou les dispositions dans le sens que le gouvernement lui-même sera
soumis à la loi, sera régi par cette loi; on a au moins cela dans
le projet de loi. Comme j'en faisais part lors de notre déclaration
d'ouverture, nous avons quant à nous exprimé notre satisfaction
à l'égard de cette disposition qui obligera le gouvernement lui
aussi à respecter certaines normes et à composer et à agir
avec la nouvelle structure qui est mise en place.
Je pense d'ailleurs que les exemples que vous avez mis en relief ce
matin dont certains nous avaient été rapportés il y a
quelque temps à l'Opposition officielle témoignent de
l'obligation que nous avons en tant que Parlement de faire en sorte que le
gouvernement lui-même soit astreint et soit davantage obligé en
vertu de cette loi.
Votre argumentation a surtout été basée sur
l'histoire des comités paritaires. Vous avez peut-être pris
connaissance des positions adoptées par chacun des partis. Quant
à nous, nous craignons la coïncidence est bonne, parce qu'on
utilise la même terminologie nous croyons qu'un comité
paritaire comme tel, tel que c'est prévu au projet de loi 17, et aux
articles 63 et suivants, ce sera la grande crainte que nous aurons, c'est que
ce seront strictement des comités de placotage, parce que le niveau
décisionnel ne leur appartiendra pas, sauf pour des équipements
de protection et des choses comme cela, à l'égard desquels il y
aura un arbitrage obligatoire.
Alors, les doutes que vous exprimez à l'égard des
résultats qu'on peut escompter avec l'opération des
comités paritaires, jusque dans une certaine mesure, nous sommes
d'accord là-dessus et nous croyons que c'est ce qui explique que, quant
à nous, on ait favorisé une approche de libre négociation
des parties sur des sujets comme ceux-là, que cela fasse l'objet de la
négociation des conventions collectives et que ce soient les organismes,
les syndiqués eux-mêmes qui à la suite de
négociations avec leur employeur revendiquent ce qu'ils veulent voir
adapté à leurs problèmes, à leurs
préoccupations et à leurs besoins.
Quant à moi, je vous remercie de votre mémoire. On en a
pris connaissance. On aura certainement l'occasion d'y référer
lors de l'étude en deuxième lecture et lors de l'étude du
projet de loi article par article. Merci messieurs.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres
intervenants. Je remercie au nom de la commission... je m'excuse, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question à poser.
Peut-être que je pourrais avoir l'information de la Commission des
accidents du travail, mais peut-être qu'également, vous aussi,
vous tenez des dossiers là-dessus. Quel est le pourcentage, par exemple,
des accidents du travail dans votre syndicat, comparativement à
l'ensemble des accidents du travail? Est-ce que c'est moindre? Vous devez
certainement tenir des dossiers là-dessus.
M. Dugas: On a essayé d'obtenir des informations cette
année. Vous savez qu'à la Commission des accidents du travail
comme le ministre le faisait remarquer, le gouvernement ne souscrit pas au
même titre que les autres employeurs. Donc, il est très difficile
d'avoir des statistiques parce que même, souvent, des employeurs dans des
ministères ne rapportent pas des problèmes ou des cas à la
Commission des accidents du travail. À cet effet, nous avons peu
d'information et à la Commission des accidents du travail, le
gouvernement a un régime à part. On fait partie d'une
catégorie à part. M. le ministre pourra confirmer ou
infirmer...
M. Marois: Non seulement il ne souscrit pas. Il tombe sur
l'essentiel sous la coupe du régime, en ce sens qu'il doit compenser sur
les mêmes bases. Mais le gouvernement est un de ces employeurs qui
bénéficiaient de cette espèce de privilège de ne
pas cotiser, comme tel, à la CAT, qui est un des éléments
de changement qui est introduit par la loi, ce qui fait que le résultat
net, quant à la compilation des statistiques, devient extrêmement
difficile, ce qui fait aussi, mais ce qui confirme les
exemples qui ont été évoqués, que dans le
livre blanc, parmi les secteurs prioritaires si ma mémoire est
bonne, c'est à la page 271 vous pourrez relever à nouveau
qu'on mentionnait dans le livre blanc, que le secteur de l'administration
publique mais là, au sens large; cela incluait le gouvernement et
ses prolongements parapublics et les municipalités était
parmi les secteurs prioritaires, c'est-à-dire où il y avait des
taux anormalement élevés d'accidents. Mais je n'ai pas vu plus
que personne d'autre, des détails concernant, en particulier, le groupe
professionnel, par exemple, de la fonction publique.
M. Dugas: En réponse, Mme Lavoie-Roux, je vous invite
à vous référer à la page 2 où une
enquête du Centre hospitalier Saint-Sacrement nous fait part que dans
onze ministères, on y identifie quelque 1000 employés
gouvernementaux qui sont quoditiennement exposés au bruit, aux toxiques,
aux poussières, aux radiations, aux agents biologiques de toutes sortes
et qui représentent 5,4% de l'ensemble des effectifs de la fonction
publique pour la seule région de Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
M. Pagé: J'aurais une très brève question
avant que vous nous quittiez. Est-ce que votre syndicat ou encore, à
votre connaissance, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux a fait des
études sur les problèmes? On sait, qu'entre autres, les
employés de bureau, notamment, par la définition des
tâches, ce sont des employés qui ne sont peut-être pas aussi
susceptibles d'être victimes d'accidents que cela peut être le cas
en industrie ou en usine, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a
pas de problèmes. Est-ce qu'il y a des études qui ont
été faites par votre syndicat, notamment, et le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux sur l'état de santé des
fonctionnaires. Je réfère, entre autres, à une
étude qui avait été faite par le Syndicat des agents de la
paix sur le problème du stress des agents de sécurité, et
ce que cela pouvait impliquer. S'il y a eu des études de faites, quelle
a été la collaboration et quel est le support que vous avez pu
recevoir du gouvernement là-dessus, parce qu'il m'apparaît que les
agents agresseurs ne sont peut-être pas les mêmes, mais il y en a
quand même? (11 h 30)
M. Dugas: Comme telle, je dois vous informer que l'étude
à laquelle on fait référence ici, c'est le CLSC
centre-ville, Montréal. Le CLSC s'est adressé au ministère
du Revenu pour avoir sa collaboration pleine et entière pour la
cueillette d'informations. Il a reçu une fin de non-recevoir, et c'est
par l'entremise des syndicats professionnels et fonctionnaires
que l'enquête a eu lieu sur les lieux de travail. C'est par l'entremise
de nos délégués que nous avons pu faire circuler les
questionnaires et on a contribué en invitant nos gens à
participer à cette étude, à cette enquête, et ce
sont les résultats dont on faisait mention tout à l'heure, que le
gouvernement a même refusé de libérer, à nos frais,
des gens pour assister à la publication des résultats.
Actuellement, je précise que pour la même étude, un
programme de santé communautaire pour les employés de la
région de Québec par le département de santé du
Centre hospitalier Saint-Sacrement, on avait une rencontre de fixée en
mai dernier...
M. Pagé: Le 22 mai...
M. Dugas: ... je pense que vous êtes au courant...
M. Pagé: Oui.
M. Dugas: Le gouvernement a annulé, sans nous donner de
raison, une rencontre tripartite regroupant syndicats, les gens du
département, ainsi que les gens du ministère des Affaires
sociales, prétextant que ce n'était pas aux Affaires sociales, ni
au département, mais que c'était au ministère de la
Fonction publique d'engager des négociations avec les syndicats.
Alors...
Mme Lavoie-Roux: Avez-vous été rappelés
depuis ce temps-là?
M. Dugas: On n'a eu aucune autre convocation. C'est
demeuré lettre morte depuis le télégramme du 22 mai
annulant, sans raison, la rencontre qui devait avoir lieu.
M. Pagé: Le gouvernement vient confirmer le vieux
principe: faites ce qu'on dit, ne faites pas ce qu'on fait. Merci, messieurs,
de votre témoignage.
Le Président (M. Dussault): Je remercie le Comité
d'hygiène et de sécurité du syndicat des professionnels et
le syndicat lui-même pour sa participation aux travaux de cette
commission.
J'invite le groupe suivant à se présenter devant la
commission. Il s'agit du Comité des travailleurs des industries lourdes
de l'Est. Pendant que ce changement se fera, je voudrais dire à la
Commission que pendant l'audition du premier mémoire, le parti
ministériel m'a fait part de changements à la liste des
participants. Je m'excuse... Je n'ai pas voulu couper les travaux d'aucune
façon. Il s'agissait de... Je m'excuse. Il s'agissait de M. le
député Paquette (Rosemont), qui était là au
début des travaux, qui remplace M. Chevrette (Joliette-Montcalm) et de
M. le député Ouellette (Beauce-Nord), qui remplace M. le
député Vaillancourt (Jonquière), qui a été
retiré, comme je vous le disais hier, de la liste.
M. Pagé: On les remplacera, M. le Président, quand
ils seront ici.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Je trouve qu'il y a un...
Le Président (M. Dussault): J'ai appelé à se
présenter devant la commission le Comité des travailleurs des
industries lourdes de l'Est. Est-ce que c'est bien le cas? Oui.
M. Pagé: Non...
Le Président (M. Dussault): C'est votre rôle
d'exiger... Ce que vous exigez, je ne...
M. Pagé: M. le Président... oui...
Le Président (M. Dussault): ... vois pas de
problème.
M. Pagé: D'accord. Parfait! Et valse la marquise,
continuons!
Le Président (M. Dussault): Ceci dit, je demande au
porte-parole du groupe en présence de s'identifier et de nous
présenter ses collègues.
Comité des travailleurs des industries lourdes
de l'Est de Montréal
M. Cyr (Jean): Jean Cyr, ex-employé de Fina,
accidenté. À ma gauche, M. Ted Bridge, ex-employé de
Pétrofina, reconnu maladie professionnelle par la CAT; à ma
droite, M. Luc Coulombe, Travailleurs unis du pétrole, Texaco; et M.
Claude Paquet, les Métaux Noranda, FTQ, métallos.
Le Président (M. Dussault): M. Cyr, j'ai entre les mains
un certain nombre de textes, un texte assez volumineux. Je pense bien que c'est
évident qu'il ne sera pas possible de le lire dans les 20 minutes
convenues. Je suppose que ce qui fera l'objet de votre présentation,
c'est le document qui commence par: M. le Président de cette commission,
M. le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires. C'est ça? Je
suppose que vous souhaitez que le document original de votre mémoire
soit versé au journal des Débats intégralement?
M. Cyr: Le gros document?
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Cyr: Oui. (Voir annexe C)
Le Président (M. Dussault): Alors, ça, c'est...
M. Cyr: Nous avons donné ce matin les six points et un
petit exemplaire du document final. C'est seulement ça que...
Le Président (M. Dussault): Alors, vous avez la parole, M.
Cyr.
M. Cyr: M. le Président de cette commission, M. le
ministre, madame et messieurs les parlementaires. Mon nom est Jean Cyr,
président du Comité des travailleurs des industries lourdes de
l'Est, santé et sécurité au travail, qui représente
quelque 13 000 travailleurs syndiqués et non syndiqués
travaillant principalement dans les usines pétrochimiques et de
transformation des métaux. C'est à titre de représentant
des travailleurs syndiqués et non syndiqués des industries
lourdes de l'Est de Montréal qu'il nous apparaît indispensable de
venir vous informer de la pertinence de notre expérience et de notre
compétence dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail. Au-delà de l'implication syndicale
que nous assumons, c'est au nom du respect de l'intégrité
physique et morale et au nom du droit fondamental à la vie qu'avec
vigueur nous voulons communiquer aux élus du peuple la
détermination à faire inscrire dans une loi des règlements
qui puissent changer vraiment les situations que vivent nos membres depuis trop
longtemps.
C'est à partir du vécu quotidien de cette situation
réelle et concrète que subissent nos confrères du travail
et qui les agresse violemment. Ce document complète le mémoire
sur la santé et la sécurité des travailleurs que vous avez
déjà reçu et qui était sorti avant la parution du
livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, et
actualise notre mémoire, eu égard au projet de loi no 17.
En décembre dernier, lors d'une rencontre avec M. Pierre Marois,
nous avons insisté sur six points fondamentaux: le droit de refus, les
comités de santé et sécurité, le choix du
médecin, l'inspectorat, les produits toxiques et les normes, et le
rôle de la Commission de santé et de sécurité du
travail. Depuis ce temps, avec la venue du projet de loi no 17, dont nous avons
pris connaissance avec toute l'attention nécessaire, nous avons eu le
plaisir de constater que nos six points fondamentaux avaient été
inclus dans le projet de loi, mais nous regrettons qu'ils ne correspondent pas
suffisamment à nos six points fondamentaux tels qu'exigés dans
notre mémoire.
Cependant, nous exigeons de cette commission des précisions et
des modifications du projet de loi concernant ces six points fondamentaux, de
manière que la loi soit en tous points conforme à ces six
exigences des travailleurs desquels nous détenons notre mandant.
Premièrement, le droit de refus pour l'ouvrier ou le syndicat
d'arrêter de travailler s'il juge un travail dangereux. Nous abondons
dans le sens de l'article 11 du projet de loi qui se lit comme suit: "Un
travailleur a le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des
motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose
à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son
intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre
personne à un semblable danger." Mais l'article 12 vient affaiblir ce
droit en indiquant: "L'exercice du droit visé dans l'article 11 n'est
possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas
normalement et habituellement inhérent aux fonctions
exercées."
Nous n'avons aucun doute que le travailleur québécois peut
juger par lui-même, sans que ceci soit indiqué dans une loi. Dans
trois autres provinces, ce droit est reconnu aux travailleurs et il y a eu
seulement deux cas où il y a eu abus de la loi pendant les cinq
dernières années.
Nous exigeons aussi le droit collectif d'arrêter de travailler
dans des conditions dangereuses, mais nous sommes prêts à faire
des concessions
si à l'article 20 on change les deux premières lignes: "Le
travailleur, l'employeur ou son représentant peut requérir
l'intervention d'un inspecteur", pour se lire comme suit: "Le travailleur et le
représentant de l'association accréditée, l'employeur ou
son représentant peuvent requérir l'intervention d'un
inspecteur", car la démarche serait ainsi couverte par la protection
collective accordée à l'article 66 et ne laisserait pas le
travailleur isolé exposé aux imprécisions de l'article
31.
À l'article 28, nous exigeons que le deuxième paragraphe
soit enlevé de la loi car nous croyons que l'employeur pourrait abuser
de cette clause et ainsi éviter de se conformer à l'idée
même du premier paragraphe.
À l'article, 31, nous croyons que le fardeau de la preuve devrait
incomber à l'employeur comme dans le livre blanc, page 207,
quatrième paragraphe, comme dans le Code du travail, l'article 16, et
comme dans la loi 101, l'article 46.
Les comités de santé et de sécurité, les
comités syndiqués et non syndiqués. À l'article 61,
premier paragraphe, nous ne sommes pas d'accord du tout sur la
flexibilité du texte, tel qu'il est écrit. Nous nous posons
quelques autres questions. Nous exigeons au contraire que la loi
établisse promptement des règlements très clairs sur les
réunions au mois et au besoin.
Qu'arrive-t-il si la réunion a lieu le jour et que quatre des
cinq représentants des travailleurs travaillent la nuit qui
précède la réunion? Et s'ils travaillent en rotation le
jour, le soir ou la nuit sont-ils tenus de travailler quand même? A-t-on
le pouvoir de convoquer des réunions spéciales dans le cas d'un
accident grave, par exemple. Dans le cas des usines pétrochimiques, par
exemple, les changements technologiques sont constants. Les travailleurs,
isolés les uns des autres, dans les unités de raffinage qui sont
distinctes et différentes, comment les représentants des
travailleurs pourront-ils être informés des problèmes qui
peuvent se présenter?
À l'article 63, au premier paragraphe, nous voudrions ajouter que
le comité de santé et sécurité ait le droit de veto
pour décider du port d'équipement protecteur et au cas où
il y a désaccord, la commission tranche le litige et rend son verdict,
car dans bien des cas, le port d'équipement protecteur individuel est
inefficace et souvent nuisible à la santé et à la
sécurité des travailleurs.
Le choix du médecin: Le droit de l'ouvrier de choisir son
médecin: Nous abondons dans le sens de l'article 88, mais il devrait y
avoir une réglementation qu'aucun des médecins pratiquant dans
une usine n'ait des intérêts dans celle-ci de façon directe
ou indirecte, car une telle situation mettrait fortement en doute, pour nous,
son honnêteté.
La commission devra regarder de près aux problèmes car
nous ne voulons pas de docteurs aspirines comme avant. La commission devrait
donc s'assurer qu'un DSC, pour agréer un médecin, vérifie
sa compétence en santé au travail au moyen de programmes
d'études et d'examens, de façon que du fait qu'un médecin
pratique depuis un certain nombre d'années dans une entreprise
donnée, il ne soit pas automatiquement agréé par le DSC,
car nous considérons que ce fait n'est absolument pas garant de sa
compétence en santé au travail.
Quatrièmement, l'inspectorat: À l'article 149 nous tenons
à faire savoir que l'inspecteur, pour être compétent, doit
connaître le milieu de travail à fond et être
spécialiste dans certains domaines, comme les fonderies, les usines de
produits chimiques ou les raffineries de pétrole de façon
à bien connaître le milieu dans lequel il aura à
intervenir, et nous considérons que le meilleur apprentissage est celui
du travail.
En conséquence, nous croyons que pour être justes et
efficaces, les inspecteurs devraient provenir du milieu du travail.
Les produits toxiques et les normes: Le principe fondamental que nous
retenons, c'est de faire inscrire clairement dans la loi l'obligation
d'éliminer les dangers à la source, quels qu'ils soient. À
l'article 85, paragraphe 28, on parle d'établir des règlements au
sujet des produits toxiques et des normes. Nous voudrions
accélérer le processus de réglementation car pour nous
c'est une priorité immédiate et nous sommes prêts à
collaborer avec le service mandaté par le gouvernement pour
établir les risques des produits toxiques connus et les normes qui s'y
appliquent.
Il est aussi important d'ajouter que les quarts de travail étant
très souvent de douze heures sous le secteur de la pétrochimie,
par exemple, et les normes basées sur huit heures d'exposition, il
serait bon que les personnes qui appliqueront ces normes s'en souviennent. Des
agents agresseurs sous toutes les formes sont présents en très
grand nombre et en grande quantité dans nos milieux de travail, et nous
trouvons inconcevable que le travailleur québécois s'intoxique
cinq à vingt fois plus vite que le travailleur américain ou le
travailleur de la Colombie-Britannique, les normes québécoises
étant très inférieures aux normes américaines et
colombiennes.
Le rôle de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, le rôle de la Commission des accidents
du travail: Pour ce qui concerne le rôle de la commission et son
financement, nous appuyons la position telle qu'énoncée dans le
projet de loi, en autant que la représentativité ouvrière
de cette commission sera quelque chose de réel et non réduit
à un rôle de fantoche.
De façon générale, nous souhaitons retrouver nos
six points fondamentaux dans le texte final de la loi et exigeons que cette
commission parlementaire fasse tout en son pouvoir pour apporter les
modifications que nous exigeons. (11 h 45)
Les travailleurs de l'Est de Montréal espèrent que le
gouvernement qu'ils ont élu fera tout pour être le protecteur de
ceux qui ne veulent pas risquer leur vie pour l'appât du gain, mais pour
l'évolution scientifique et humaine d'un pays.
Le Président (M. Dussault): M. Cyr, je vous remercie. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, j'aimerais remercier
très sincèrement l'équipe du Comité des
travailleurs des industries lourdes de l'Est. Je voudrais profiter de
l'occasion pour dire, parce que j'ai eu l'occasion... parce que vous aviez bien
voulu, dans le cadre des travaux que vous avez faits depuis déjà
un bon bout de temps... Je tiens à signaler ce travail, je sais dans
quelles conditions pas faciles il a été fait. Il implique
à la fois des travailleurs syndiqués, des travailleurs qui ne le
sont pas. Je pense qu'il s'est fait dans votre coin quelque chose qui est plus
que remarquable, encore une fois, dans des conditions que je sais
extrêmement difficiles.
J'ai eu l'occasion, dans le cadre des tournées d'information sur
le livre blanc, de participer à des rencontres auxquelles vous avez eu
l'amabilité de m'inviter. Je vous remercie du témoignage que vous
rendez. C'est vrai qu'on a discuté et j'avais bien dit qu'on ne
s'amusait pas à consulter et qu'on allait, autant que faire se peut,
dans la mesure où les demandes nous semblaient être responsables,
étayées sur la réalité, et qu'il était
possible de retenir les demandes qui nous étaient formulées sur
cette base pour faire en sorte de viser l'objectif ultime, de sorte que les
parties et les premiers concernés soient impliqués,
c'est-à-dire les hommes et les femmes au travail, leur reconnaissant les
droits qui leur reviennent et qu'ils n'ont jamais eus dans bon nombre de cas,
que cela puisse se transformer dans la réalité et dans un projet
de loi d'abord, pour atteindre l'objectif de viser à éliminer
à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies, pour une
fois, sans s'imaginer qu'on va arriver aux usines vertes ou aux raffineries
vertes, demain matin, en sachant très bien que les problèmes que
vous soulevez sont plus que réels.
On a eu l'occasion de discuter longuement, vous l'avez illustré
d'exemples très concrets à plusieurs reprises. Il y a d'ailleurs
des cas de votre coin, je sais que vous y avez travaillé, qui ont
été largement étendus et répandus, et Dieu merci,
dans les journaux, concernant en particulier une raffinerie. On a eu l'occasion
aussi d'en visiter, dans votre coin, dans votre région, on a eu
l'occasion aussi de visiter d'autres types d'entreprises, je pense à la
Canadian Copper où j'ai pu me rendre. Je sais que vous avez
accompagné cette démarche avec beaucoup de bonne foi ferme,
formulant des demandes très précises et encore aujourd'hui je
retrouve, dans votre témoignage, cette volonté de faire en sorte
qu'on bonifie au maximum le projet de loi pour que ce soit vraiment un outil
valable qui puisse être utilisé dans la perspective fondamentale
que je viens d'évoquer.
Partant de là, sans abuser du temps, M. le Président, je
voudrais m'arrêter à quelques points concernant les
recommandations qui nous sont formulées. Je crois qu'il y a des
recommandations je vais le dire comme je le pense qui sont
très intéressantes, qui sont formulées. Une en particulier
me frappe je n'aurai pas le temps de les reprendre toutes
forcément par- ce que c'est la première fois qu'un groupe,
devant nous, soulève cet aspect. Je pense que vous mettez le doigt sur
quelque chose qui a peut-être été oublié par tout le
monde et qui est drôlement important. Je vais y revenir en cours de
route.
En ce qui concerne le droit de refus, ce que vous évoquez, ce que
vous appelez les concessions possibles, quant à la partie dite
concession, la suggestion que vous formulez quant à l'article 20 et
à l'article 28, que le travailleur ou le représentant de
l'association accréditée, l'employeur ou son représentant
peuvent requérir l'intervention de l'inspecteur, je pense qu'il faut
s'assurer de maintenir un certain équilibre entre les droits et le but
de la régionalisation de l'inspection, pour assurer une fois pour toutes
une vraie présence permanente en région. C'est justement pour
s'assurer qu'il puisse y avoir une intervention réelle et rapide des
inspecteurs. Je prends note de vos commentaires de ce côté et
soyez sûrs qu'on va regarder cela de très près.
Quant à l'article 31, sans prendre un engagement formel, je peux
vous dire que ce que vous proposez, dans la perspective de ce que vous appelez
"une concession", mais qui sera peut-être un pas drôlement
intéressant, je vous assure que ça m'apparaît
intéressant à première vue et que ça mérite
d'être regardé de très près comme
hypothèse.
Deuxièmement, l'autre point sur lequel je voulais intervenir,
c'est l'article 66, ce que vous évoquez quant aux heures, aux
problèmes que ça peut poser, etc. On va aussi regarder ça
très attentivement.
Il y a une chose qui me frappe beaucoup dans ce que vous dites ce matin
et je serais presque porté à comme on dit dans le jargon
rendre un jugement sur le banc; je vais me retenir, pour être
sûr qu'on vérifie ça comme il faut, mais vous
suggérez une disposition pour vous assurer que le médecin n'a
aucun intérêt financier dans l'entreprise. Je pense que c'est plus
qu'intéressant et, dans ce sens, je serais presque porté à
dire: Je rends un jugement sur le banc. À toutes fins utiles, je pense
que vous avez raison; je pense que c'est une proposition plus
qu'intéressante et, au fond, il faudrait peut-être penser à
une disposition analogue ou du genre de celle qui apparaît à
l'article 115; en tout cas, je donne ça sous réserve, ça
n'a pas d'importance, c'est le fond qui est important. Je pense que vous mettez
le doigt sur quelque chose qui est réel et qu'il est peut-être
bien important de le régler dans la loi.
Quant aux normes, vous l'évoquez à quelques
reprises elles doivent être revues, vous avez raison. Là,
il y a deux possibilités; vous savez que, sur la base des
demandes qui avaient été faites, à partir, entre autres,
des discussions au premier sommet économique de La Malbaie les
groupes patronaux-syndicaux nous disaient: On voudrait être
associé à l'élaboration même des nouvelles normes,
des nouveaux règlements ou des ajustements des normes et des
règlements; ce qui est l'approche qu'on a retenue. En d'autres termes,
c'est par le biais, à la fois de la commis-
sion où il y aura des représentants des travailleurs
je pense que tout le monde a pris bonne note de vos commentaires, je
pense que votre expression était "pas fantoches, pas n'importe quoi, des
vrais représentants des travailleurs" et des représentants
des employeurs qu'émanerait l'élaboration des nouvelles normes et
des nouveaux règlements, ceux qui sont là étant maintenus
et devant être respectés ça va être la
première "job", pour fins de recommandations au gouvernement. En plus de
ça, émanant aussi des associations sectorielles où
siégeront aussi les représentants des travailleurs et des
employeurs.
L'autre approche possible étant la bonne vieille approche
classique, que le gouvernement prépare des projets, les prépublie
seul; il y a en plus la prépublication prévue, etc. Mais ce qu'on
veut essayer de retenir, c'est l'hypothèse qui avait été
formulée à savoir comment il y avait moyen de l'articuler, par
une proposition, dans le projet de loi. De toute façon, sur le fond, je
crois que vous avez raison, vous citez des cas.
Quant à l'inspectorat, vous évoquez deux choses en
particulier: la nécessité que ce soit des gens
équipés, spécialisés d'une part, donc qui aient la
compétence et les qualifications requises et vous évoquez aussi
l'idée, venant du milieu de travail. Peut-être y a-t-il moyen de
conjuguer les deux. Je ne sais pas si ce n'est pas dans le cas de la protection
de la faune je donne ça sous réserve où il y
a eu une expérience de menée où un certain nombre
je ne sais pas si c'est le hasard, si c'était conscient, si
c'était voulu, mais enfin, me semble-t-il... je donne l'exemple, sous
réserve, d'anciens braconniers qui ont été engagés
comme inspecteurs. Dans quelques cas où cela s'est produit, c'est
incroyable la façon dont ils ont "performé"... Ah oui! En
d'autres termes, l'idée d'être collés à la
réalité du vécu, je suis loin de rejeter votre approche de
ce côté-là. Il y a peut-être moyen de conjuguer les
deux.
Il est sûr qu'on a aussi besoin de l'expertise que ce soit de
techniciens, d'ingénieurs hautement spécialisés, etc. Les
produits utilisés, les procédés de fabrication deviennent
sophistiqués. Je pense que c'est nécessaire de les avoir et de
les mettre à contribution, mais je n'oublierai jamais une tournée
faite sur la Côte-Nord, en particulier en visitant des mines en compagnie
des porte-parole patronaux, des porte-parole syndicaux, le gars qui nous
mettait le doigt sur les fissures on parlait de l'idée; entre
autres, ce n'est pas uniquement de là, mais notamment c'est de ces
rencontres-là qu'est venue l'idée de reconnaître que les
travailleurs aussi ont droit à du temps humain de libération,
l'idée d'un représentant à la prévention choisi par
les travailleurs ou par leur syndicat s'il y a un syndicat qui me
faisait remarquer que le problème dans la mine n'était pas
uniquement dans le trou en bas, parce que la fissure peut se produire en haut.
C'est lui qui nous faisait remarquer les fissures qui se produisaient.
Pourquoi? Parce qu'il était du métier, qu'il connaissait le coin,
qu'il connaissait le fonctionnement, etc. C'est la partie qui est
accrochée à la réalité. En tout cas, je suis loin
de rejeter cette approche-là. Il s'agit de voir comment il y a moyen de
la conjuguer.
Sur les produits toxiques et les normes, je suis intervenu tantôt.
Voilà, M. le Président j'espère que je n'ai pas
trop abusé du temps les quelques commentaires que je voulais
faire. Je veux vous dire en terminant: Soyez assurés qu'on va regarder
à la loupe très attentivement les recommandations que vous
formulez. J'ai déjà presque rendu un jugement sur le banc, sur un
point. On va regarder les autres aussi de très près. Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Très
brièvement, moi aussi, je vais suivre l'exemple du ministre, ce matin.
Je dois dire au ministre, avant de questionner nos intervenants,
qu'heureusement qu'il n'est pas allé plus loin sur le ministère
du Tourisme, les braconniers et les garde-chasse et tout ça, parce qu'on
aurait pu en parler depuis longtemps.
M. Marois: Je ne sais pas si c'est fondé le
mémoire...
M. Pagé: C'est le cas. Ce n'était peut-être
pas évidemment dans la Loi sur la conservation de la faune, mais il y a
eu une incitation dans le sens d'embaucher des gens qui avaient de
l'expérience particulièrement pour faire la police, lorsque la
loi a été adoptée, il y a de cela 16 ou 17 ans, mais
peut-être que si le ministre du Tourisme était ici ce matin, on
pourrait lui poser des questions sur la purge de la semaine dernière au
niveau de ces services-là, mais c'est une autre affaire.
M. Marois: Ah oui, ce serait autre chose.
M. Pagé: Oui. Messieurs, merci de votre mémoire.
J'y ai noté des éléments qui sont très
intéressants. Vous formulez, entre autres, des propositions
spécifiques qui sont un peu de faits nouveaux tout au moins, parce que
c'est la première fois à certains égards que des
recommandations comme celles que vous formulez nous sont
présentées. Il y a entre autres celle relative aux conflits
d'intérêts qui pourraient exister chez un médecin qui
serait actionnaire ou qui détiendrait un bloc d'actions d'une compagnie
chez qui il va travailler. Je dis que les gouvernements, le gouvernement, le
gouvernement qui l'a précédé et les gouvernements
antérieurs, depuis plusieurs années, dans ces lois prennent le
plus de précautions possible pour éviter que des situations comme
celles-là puissent subsister ou exister. Tant qu'il y aura des humains,
il y aura des "humaineries". Votre proposition spécifique a un certain
attrait pour les membres de la commission, pour nous de l'Opposition officielle
aussi. Je suis convaincu que cela saura se traduire par une "textualisation"
plus précise et plus exacte dans le projet de loi qui sera
modifié parce qu'on peut
présumer qu'il y aura des modifications, qu'il y aura plusieurs
articles qui seront réécrits suite aux représentations
sages et justifiées qu'on a formulées et aux
représentations nombreuses et aussi justifiées que nous ont
formulées nos intervenants. (12 heures)
M. Marois: Si le député de Portneuf me permet juste
une petite parenthèse, si je comprends bien, sur l'espèce de
commencement de jugement que j'allais rendre, il n'y aurait pas de dissidence
du banc.
M. Pagé: Non, jusqu'à maintenant, du banc. Je pense
qu'on a pas mal les mêmes vues là-dessus, le ministre et moi.
Il y a un endroit, cependant, où je trouve curieuse la
recommandation que vous formulez, celle d'obliger les médecins qui
seront choisis par le comité paritaire ou encore par l'arbitrage
obligatoire en cas de division au comité paritaire, vous voulez que soit
introduite une notion pouvant obliger le médecin à subir un
examen. Je vais vous dire que cela me surprend. Un médecin, vous savez,
peu importe les reproches fondés ou non que des travailleurs auront
à l'endroit des médecins, ces gens ont quand même fait un
cours, ont quand même étudié pendant pas mal
d'années, ont travaillé dans les hôpitaux, en internat, en
externat, etc. Plusieurs d'entre eux se sont spécialisés dans la
santé au travail. Ces gens ont un serment d'office à partir d'une
profession qui est garante de leurs actes aux yeux de la société.
Je ne vois pas en quoi ce serait justifié d'obliger ces gens à
passer un examen parce que quelqu'un à quelque part a
décidé que toi, mon blond, tu passes un examen.
Je me dis que ce serait tout aussi injustifié d'obliger une telle
pratique que ce serait injustifié qu'un employeur demande dans une
convention collective que son mécanicien, après cinq ans, c'est
bien de valeur: Tu passes un examen et si cela ne fait pas, mon vieux, tu es
congédié. Je ne vois pas sur quoi on peut s'appuyer pour arriver
à cela, d'autant plus que le département de santé
communautaire... on peut présumer que ça ce ne se fera pas au
pifomètre, le choix du médecin. On peut présumer qu'il
faudra un minimum d'expérience, de connaissances dans la santé au
travail pour être attitré au sein d'une entreprise. Il y a
d'ailleurs des recours qui sont prévus. Alors, je me permets bien
ouvertement de vous dire que, sur ce point spécifique, je ne suis pas
d'accord avec vous.
Vous avez formulé des recommandations sur le droit de refus, des
réserves, etc. Vous représentez plusieurs milliers de
travailleurs. Entre autres, je dois, à votre crédit, vous dire
que votre association a beaucoup de crédibilité. On me dit que
vous faites un travail qui se veut concluant, positif et constructif.
J'aimerais que vous nous entreteniez sur l'expérience que vous avez
connue avec le droit de refus. Les raffineries, par exemple, c'est un secteur
qui n'est pas facile et qui est dangereux. Est-ce qu'à votre
connaissance, ce droit de refus a été exercé? C'est un
droit qui est quand même fondamental. C'est un droit qui est naturel.
Est-ce que cela a été exercé? Comment a-t-il
été exercé? Quelles ont été les
réactions jusqu'à maintenant et tout cela?
M. Cyr: Je vais vous répondre pour le droit de refus.
C'est une bonne question, parce qu'on a eu un cas, justement, quand le projet
de loi no 17 n'était pas encore sorti et nous l'avons fait appliquer
dans notre territoire, aux Produits Noranda Métaux. Il y avait un type
qui travaillait sur une machine à "compound" et, pendant que la roue
tournait, le "compound" lui, revolait. Il respirait cela et cela tombait dans
l'estomac. Alors, le syndicat m'a téléphoné au bureau pour
me dire que le type en question refusait de faire le travail. Il a dit:
Qu'est-ce qu'on va faire dans ce cas? Bien, j'ai dit: C'est un refus de
travailler, parce que c'est un danger à la source, on l'arrête
immédiatement. Nous l'avons arrêté selon les normes de la
prévention de maladie. On a dit: On va vous faire voir un médecin
immédiatement. Il a été arrêté quinze jours
et la compagnie lui a payé les quinze jours, sans aucune
difficulté, parce qu'on l'a arrêté selon les normes de la
prévention de maladie, parce que d'habitude, ce "compound" tombe dans
les sinus, à la gorge, mais pour lui, c'était à l'estomac.
C'est pour cela que je me suis entretenu avec le médecin du CLSC, le Dr
Huguette Demers, qui est une grande spécialiste en médecine du
travail. Elle a signé un papier d'arrêt de travail ayant trait
à la prévention de la maladie avec un rapport d'accident de
travail, et la compagnie Noranda lui a payé ses journées
perdues.
Nous avons de très bonnes expériences das le territoire
que nous représentons, la pétrochimie, les fonderies, etc. Le
projet de loi no 17, pour nous, on l'a appliqué avant qu'il soit
adopté et ça marche très bien.
M. Pagé: Ce que vous témoignez ce matin, vous nous
dites: Le droit naturel, le droit fondamental pour un travailleur
d'arrêter ou de cesser de travailler lorsque le travail peut impliquer un
danger à son intégrité physique, vous nous dites: Cela
s'est appliqué et ça s'est réglé au premier niveau.
Cela s'est appliqué avec maturité des deux côtés.
C'était prévu dans les conventions collectives?
M. Cyr: Non.
M. Pagé: Dans ce cas-là?
M. Cyr: Non.
M. Pagé: Même sans être prévu dans les
conventions collectives...
M. Cyr: II peut...
M. Pagé: ... cela s'est fait et ça s'est
réglé au premier niveau, c'est-à-dire entre l'employeur et
l'employé immédiatement.
M. Cyr: II peut vous répondre, parce qu'il travaille
là actuellement.
M. Marois: Est-ce que vous vous souvenez à peu près
à quelle période, vers quelle date, juste un ordre de grandeur?
En 1978? En 1979?
M. Paquet (Claude): En 1978, exactement. Ce n'était pas
dans notre convention collective.
M. Marois: Après l'été?
M. Paquet (Claude): Quand on a vu ce cas, on l'a
inséré à notre nouvelle convention collective. Là,
on n'a jamais eu de problème par la suite avec ça.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, messieurs.
M. Cyr: Sur l'autre point, le médecin, M. Coulombe va vous
répondre.
M. Pagé: Oui, d'accord.
M. Coulombe (Luc): En tout cas, pour revenir à la
première question, juste un petit mot, vous avez demandé des
exemples. Des exemples, on en a en multitude et on peut vous en donner, si vous
en voulez. Le meilleur exemple, je pense que le ministre d'État au
développement des Affaires sociales pourrait bien vous répondre,
parce qu'il a été touché par ça, à Fina
Marketing, où les gens travaillaient et étaient
intoxiqués. Ils ont essayé d'exercer le droit de refus. Il n'y
avait pas de convention collective qui protégeait ce droit de refus.
Sans l'intervention du ministre, je pense que ce ne serait arrivé nulle
part parce qu'il n'y avait pas de loi qui protégeait à ce niveau.
C'est pour ça que le regroupement des ministères, au niveau de
l'inspection, c'est bien important.
Pour répondre à votre deuxième question... Je ne me
suis pas présenté. Mon nom c'est Luc Coulombe. Je suis
président central du Comité de santé et de
sécurité pour les Travailleurs unis du pétrole dans l'Est
de Montréal.
À l'article 88, nous parlons de l'honnêteté
vous êtes d'accord sur ce point et là, vous dites: Passez
un examen. On ne revient pas en arrière, si on est ici aujourd'hui
on est bien fier de ça, on remercie la commission c'est
parce qu'il y avait réellement des problèmes qui étaient
fondamentaux, dont les six apportés devant la commission, et un des
graves problèmes M. Marois l'a mentionné tout à
l'heure c'est le droit de gérance. Le droit de gérance
s'est effectué d'une façon peut-être un peu trop forte, un
peu trop poussée à certains niveaux, parce que ça n'a pas
fonctionné et c'est pour ça qu'on est aujourd'hui ici, en
commission parlementaire, pour un projet de loi sur la santé et la
sécurité. Les patrons n'ont pas pris leurs responsabilités
et, aujourd'hui, les travailleurs sont ici pour exiger des choses dont on a
été frustrés.
Si on revient au médecin je m'éloigne un peu
présentement, on a beaucoup de médecins dans plusieurs usines
je ne dirai pas toutes les usines, mais dans quelques usines
où c'étaient beaucoup plus des médecins à
aspirines. T'avais un mal de dos, on te donnait des aspirines. T'avais mal aux
poumons, on te donnait des aspirines, simplement parce qu'ils subissaient des
pressions. Je ne doute pas de la compétence des médecins, mais
ils subissaient des pressions. Ils avaient possiblement des
intérêts, on ne le sait pas. Je ne veux pas attaquer le
Collège des médecins là-dessus, pas du tout. Qu'est-ce
qu'on se demande? Dans le projet de loi, on parle de médecins
agréés. Pour nous, qu'est-ce que c'est, un médecin
agréé? Est-ce un médecin qui a suivi trois cours du soir
et se dit, du jour au lendemain: Moi, je suis un médecin qui a une
compétence en médecine du travail, en prévention aussi? Ce
n'est pas ça, pour nous. On veut aller plus loin que ça.
M. Pagé: Si vous me permettez, vous dites: On est ici
parce qu'il y a des problèmes. Nous aussi, on est ici parce qu'il y a
des problèmes, et je pense qu'il n'y a personne autour de cette table
qui n'a pas convenu que, non seulement le législateur, tous les partis
politiques, le gouvernement et même les intervenants avaient l'obligation
de s'asseoir autour d'une table et de tenter de trouver une façon pour
qu'à l'intérieur d'un texte de loi on ait des avenues et des
éléments de solution. Je pense qu'il n'y a personne au
Québec qui conteste ça. Il reste maintenant à
déterminer les approches. Vous nous suggériez des propositions ce
matin. On a eu l'occasion d'échanger. C'est positif.
Je vous ai posé une question et j'ai fait un commentaire sur le
médecin comme tel. Ce que vous mettez en relief, c'est le manque de
confiance à l'égard du médecin d'entreprise; on en a
discuté à plusieurs reprises depuis le début. De par le
projet de loi, le médecin sera choisi par le comité de
santé et de sécurité, le comité paritaire, et en
cas de désaccord, il sera choisi à un autre niveau et ce ne sera
plus l'entreprise qui va le choisir.
Au-delà de tout cela et c'est là que j'ai
exprimé non seulement ma surprise, mais mon désaccord vous
demandez en plus que des examens obligatoires aient lieu pour tous les
médecins. Je me dis que le département de santé
communautaire qui aura à intervenir dans ce choix sera en mesure et aura
à établir des normes et des critères et là
le ministre pourra me corriger d'acceptation de tel médecin par
rapport à tel autre, compte tenu de la compétence, de
l'expérience et des connaissances de ce médecin. Plutôt que
d'arriver à couper les têtes pour égaliser les chapeaux, je
préfère qu'on ajuste les chapeaux sur les têtes. Là
où il faudra intervenir et là où il faudra se poser des
questions, dans les cas où quelqu'un se poserait des questions sur la
compétence d'un médecin, à ce moment-là, un
mécanisme sera prévu, mais qu'on ne fasse pas
passer tout le monde à l'abattoir pour autant. C'était
cela, mon commentaire. Merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: La question que je voulais soulever, c'est
relativement aux paroles qu'a prononcées le ministre quant au conflit
d'intérêts dont pourraient être tenus responsables les
médecins. Jusqu'à maintenant, forcément, les
médecins étaient nommés par les compagnies. J'avais
compris, de la suggestion qui était faite, que ça ne couvrait pas
simplement les questions d'actions détenues dans une compagnie, parce
que c'est assez facile à coucher dans un texte législatif, mais
par contre, l'intérêt d'un médecin dans une entreprise
donnée. Cela va beaucoup plus loin que les actions. Cela peut être
l'appartenance à la compagnie par le biais des cadres ou autrement.
Dans le projet de loi, forcément, le médecin ne sera pas
nommé plus par la compagnie que par le syndicat, il sera nommé
par le département de santé communautaire, par le comité
paritaire. Comment va-t-on coucher dans un texte législatif le fait
qu'un tel médecin n'ait aucun intérêt, à moins que
les deux parties au comité paritaire soient absolument égales?
À ce moment-là, si elles sont égales, on a une chance que
le médecin soit complètement neutre entre le syndicat et le
patron. S'il est recommandé par la partie du comité paritaire qui
est majoritaire, du côté syndicaliste ou du côté
patronal, il aura également des tendances à favoriser un groupe
ou l'autre. Cela va être dur à coucher dans un texte
législatif.
M. Marois: C'est pour cela que je pense que la proposition qui
nous a été formulée est intéressante dans la mesure
où elle cerne, entre autres, la question de l'intérêt
au sens de l'intérêt pécuniaire, financier, sous
forme d'actions ou autrement ce qu'a évoqué le
député de Portneuf d'une part. Cela n'apparaît pas dans le
projet de loi et je pense qu'il serait intéressant d'introduire une
mesure comme celle-là dans le projet de loi. Deuxièmement, comme
le comité paritaire n'a pas de poids prépondérant,
c'est-à-dire qu'il peut y avoir pour le comité paritaire un plus
grand nombre de représentants de travailleurs, le projet dit je
ne me souviens plus du texte, mais de mémoire qu'il doit y avoir,
au minimum, un nombre de représentants des travailleurs
équivalant au nombre de représentants des employeurs. Donc, il
peut y en avoir plus, mais l'ensemble de chacun des groupes a un vote, un
vote.
Sur le choix du médecin, si les parties s'entendent, il y a une
crédibilité de base, en partant, ce qui n'exclut pas qu'en cours
de route, l'une ou l'autre des parties découvrant qu'il peut y avoir des
failles de compétence et le reste, il y a des mécanismes qui sont
prévus pour faire en sorte de remettre en question le médecin qui
est là. Dans le cas où les parties ne s'entendent pas, c'est la
commission qui va trancher, elle va trancher en consultation avec le
département de santé communautaire. Il est bien certain que si
les parties ne se sont pas entendues, comme, de toute façon, les parties
ont des porte-parole au niveau de la commission, elles vont certainement
surveiller de très près qui sera choisi, par ailleurs. Donc, la
situation est bien différente de celle qu'on connaît
présentement.
Si je comprends bien, ce dont veulent s'assurer aussi les porte-parole
de l'association, faisant référence à des
expériences vécues, ils mettaient aussi à témoin,
dans le cas d'une entreprise; il y en a une, je pourrais en citer d'autres que
j'ai vues, aussi, et dans la même région pour ne pas nommer
d'autres entreprises, pour l'instant on a vu des choses qui
n'étaient pas acceptables, ou, en tout cas, qui minaient
fondamentalement la crédibilité du médecin et comme ils le
disent eux-mêmes, ce qui ne signifie pas qu'il y ait une équation
automatique avec une incompétence, sauf que ce qu'ils nous disent, c'est
qu'on voudrait être assuré de ne pas retrouver un médecin
à aspirines pour reprendre votre expression
c'est-à-dire qu'essentiellement on veut être assuré que les
gens sont qualifiés et ce qu'ils nous disent c'est que le fait qu'un
médecin ait été déjà en entreprise
présentement, ça ne le disqualifie pas pour autant, mais
ça ne le qualifie pas nécessairement pour autant. On veut
s'assurer que les mécanismes de contrôle, d'agrément ou
d'agrégation, de reconnaissance des médecins par le Conseil des
médecins et dentistes, que c'est vraiment comme on dit en bon
français "full proof" sur la compétence et la qualification des
médecins. Et ils nous font une suggestion qui va plus loin dans ce
sens-là et c'est ça qu'il faudrait regarder. (12 h 15)
Le Président (M. Dussault): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais d'abord une question à nos
invités et ensuite au ministre. Actuellement, touchant les toxiques dans
les raffineries, des normes existent. Ces normes-là dans les raffineries
sont-elles respectées?
M. Coulombe: Je vous remercie de m'avoir posé cette
question-là, je voulais y répondre. L'article 185, paragraphe 28,
ce n'est pas clair pour nous. C'est pour ça qu'on est venu ici
aujourd'hui et on insiste fort sur ça. Il y a des problèmes qui
existent présentement. Quand on parle de cinq à 20 fois, ce sont
les taux qui existent présentement au Québec. Cinq à 20
fois les taux d'exposition.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais excusez-moi si je vous interromps,
parce qu'il faut quand même... Ce que je veux savoir, c'est qu'il y a des
normes prescrites à Québec. Je sais qu'elles peuvent être
améliorées, mais celles qui sont prescrites ou qui sont
établies, est-ce qu'elles sont respectées?
M. Coulombe: Non.
Mme Lavoie-Roux: Elles ne sont pas respectées.
M. Coulombe: Dans bien des cas.
Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord. M. le ministre, je me
réfère justement à la dernière page je pense
qu'elle n'était pas la dernière, elle avait été
mêlée au paragraphe intitulé dans votre
résumé "les produits toxiques et les normes". Vous dites: "Nous
voudrions accélérer le processus de réglementation". Ma
question au ministre est la suivante: Est-ce que ces normes-là peuvent
être révisées avant que toute la structure de la commission
soit mise en place? Je vais vous donner un exemple...
M. Marois: Je vais vous répondre très rapidement.
Dans l'état actuel de la législation, la réponse est
oui.
Mme Lavoie-Roux: Non...
M. Marois: Oui... Vous avez présentement, et je pense que
les gens qui scrutent un peu... je comprends que c'est volumineux et complexe,
l'évolution des dossiers présentement, il y a tout le projet de
réglementation qui a été largement et longuement
discuté entre des porte-parole syndicaux, patronaux émanant du
ministère de l'Environnement et qui introduit des normes beaucoup plus
sévères que par le passé. Il y a aussi ce que j'ai
vérifié, vous n'en avez pas fait état dans le document de
ce matin, mais ça ressortait de votre premier document qui, lui,
était inclus au livre blanc, c'est la question parce que
ça aussi c'est accroché aux normes concernant le transport
des produits pétroliers, où il faut vérifier la
réglementation et les pouvoirs en vertu de la loi sur le commerce des
produits pétroliers qui relève du ministre
délégué à l'énergie, pour voir d'abord si la
norme est respectée et appliquée et, deuxièmement, le cas
échéant, si la norme répond réellement au besoin
actuel ou pas, et si elle n'est pas suffisante, de quelle façon il faut
la réviser, la corriger, la revoir. Je pense qu'ils ont raison de
mentionner le fait que, en terminant, bon nombre des normes actuelles en
vigueur au Québec sont inférieures à celles qui existent
dans d'autres provinces et aux États Unis. Ils ont mis le doigt sur des
choses très spécifiques qu'ils mentionnaient tantôt.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, si vous me dites: Le processus
continu d'amélioration des normes, indépendamment de la
structure...
M. Marois: Dans le cas de l'environnement c'est le cas, par
exemple...
Mme Lavoie-Roux: ... de l'adoption de ce projet de loi et de la
mise en place de tous les mécanismes qui y sont prévus... Quand
je lis en page 8 de votre mémoire principal évidemment,
c'est parce qu'on le voit écrit blanc sur noir endommager les
chromosomes, avoir des incidences sur les enfants à naître, etc.;
je pense qu'il y a des choses là, si elles sont prouvées, il doit
y avoir des spécialistes qui peuvent indiquer que c'est exact ou que
ça ne l'est pas, je me dis qu'on ne peut pas attendre six mois, un an ou
un an et demi. Vous savez, s'il y a un barreau du balcon chez vous qui est
brisé, si vous avez un enfant de deux ans et demi qui se tient là
à la journée, vous procédez et vous le réparez. Si
les faits qu'on nous donne au plan scientifique sont absolument prouvés,
c'est l'état des connaissances à l'heure actuelle, je pense qu'on
ne peut pas se permettre d'attendre. C'est immédiatement qu'il faut
qu'il y ait une attention accordée à cette révision des
normes et à sa mise en application.
Je trouve cela assez, je ne sais pas quel terme utiliser, effarant, de
voir des choses comme ça. Est-ce que je me trompe en disant que votre
voisin de gauche... je regarde l'âge de ce jeune homme et ça ne
demande pas beaucoup d'autres explications. J'insisterais auprès du
ministre et auprès du gouvernement ce n'est pas un blâme
nécessairement pour ce gouvernement-ci, ça pourrait être un
autre qui serait en place ce sont des choses qui ne peuvent pas attendre
et qu'il faut procéder le plus rapidement possible, s'assurer que les
choses sont faites.
M. Bridge (Ted): Je crois que vous avez raison, c'est pour
ça qu'on est ici aujourd'hui. L'information qu'on a utilisée pour
ce mémoire était disponible pour tout le monde, on n'est pas des
scientistes, des médecins, mais on a pu trouver des articles, des livres
sur les produits toxiques et on a décrit dans un mémoire tous les
problèmes que cela peut causer. C'est pour ça qu'on exige,
à propos des normes, des standards stricts, que s'il y a de
l'information qui sort des États-Unis, comme à propos de la
benzyne, que c'est depuis 1977 qu'il y a un standard de une partie par million,
et au Québec à ce moment-là, c'était 25 p.p.m.,
maintenant, c'est baissé à 10 p.p.m., mais quand même,
ça prend deux ou trois ans après que les nouveaux standards sont
appliqués aux États-Unis, que ça change.
On vit dans les mêmes conditions, on est exposé aux
mêmes produits, on est intoxiqué, tout le "kit", mais l'affaire,
c'est qu'on n'est pas couvert par des lois, même à propos de la
compensation. Ça veut dire que toutes les maladies industrielles ne sont
pas reconnues, comme on le décrit dans les mémoires. C'est une
autre affaire, on n'a pas eu le temps de le mentionner dans le mémoire
qu'on vous a donné aujourd'hui. Ce n'est pas un cadeau de travailler
dans ces conditions et de voir les problèmes qu'on a avec la Commission
des accidents du travail.
Premièrement, avec la compagnie, pour que ce soit reconnu, que tu
sois transféré de poste avec perte de salaire, qu'ils vous disent
que c'est votre problème et que tu sois congédié parce que
tu ne peux pas travailler dans le milieu. Dans mon cas, j'étais jeune,
j'étais peut-être plus chanceux qu'un autre, mais à 45 ans,
sans aucune instruc-
tion, tu as travaillé dans un milieu pendant vingt ans, tu te
retrouves dans la rue, tu as une famille, qu'est-ce qui va arriver? Même
à propos de la compensation, cela prend des fois un an ou un an et demi
avant de l'avoir, j'ai été compensé pendant un an par la
CAT pour une incapacité totale temporaire.
Alors, il n'y avait que deux fois en un an où j'ai reçu le
chèque deux semaines en ligne, sans les achaler. Il fallait
téléphoner tout le temps, il n'y avait pas de dossier
médical, tout était rentré, j'ai même envoyé
ça par courrier recommandé pour être sûr qu'ils le
recevaient et ils disaient quand même qu'ils ne le recevaient pas. Cela
prenait six à huit semaines pour avoir les chèques. Je connais
mes droits, j'ai été actif dans le syndicat où je
travaillais et c'est pour ça que même les délais
étaient aussi courts que six à huit semaines. Mais pour les gens
qui ne connaissent pas leurs droits, qui ne sont pas syndiqués, qui sont
honnêtes comme tout le monde, qui ont de la bonne volonté ou qui
sont de bonne foi, qu'est-ce qui leur arrive? Les lois ne prévoient pas
tous les cas?
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
M. Pagé: Si vous me permettez un dernier commentaire,
monsieur, l'aspect de l'extension des maladies industrielles, on n'a
peut-être pas eu l'occasion d'en discuter ce matin, soit du
côté ministériel ou du côté de l'Opposition,
mais cela a été l'objet d'une discussion et on le note dans votre
mémoire tel que déposé, cela a été l'objet
de discussions assez longues, je pense que tout le monde peut en convenir, avec
les représentants syndicaux, avec les représentants de certaines
associations. Soyez certain que la commission prend bonne note de cet aspect du
dossier.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: II m'a fait plaisir, messieurs, de prendre
connaissance de votre mémoire. Par là, on voit bien clairement
que vous avez été des gens du milieu et que vous êtes
encore des gens du milieu, c'est bien évident. Je ne pense pas que votre
mémoire ait été pondu d'un dixième ou d'un
quinzième étage d'un gros édifice, sans avoir
été dans le milieu.
Quand vous indiquez, dans votre mémoire, que le comité
d'inspecteurs devrait être formé de travailleurs de l'usine, je
pense que vous avez raison. Il n'y a rien comme le travailleur de l'usine pour
savoir ce qui se passe dans l'usine et où sont les vices dans l'usine.
Si vous prenez un inspecteur qui est complètement en dehors de l'usine
et qui vient faire son tour de temps en temps, il ne peut pas savoir ce qui se
passe exactement dans l'usine, quels sont vraiment les vices de l'usine.
J'appuie donc votre recommandation dans ce sens; sur le comité
d'inspecteurs, il devrait y avoir un travailleur de l'usine.
Quand vous parliez, tout à l'heure, de médecins à
aspirines, je suis convaincu que vous avez raison, parce que chez nous il y a
des médecins à aspirines et il y a des médecins qui
recommandent de prendre de la bière aussi. Dans une des usines du
comté de Beauharnois, par exemple, on prenait des prises de sang et
quand une personne avait le sang contaminé par le produit qu'elle
respirait, le médecin lui donnait un jour ou deux de congé en lui
disant: Va-t-en chez vous et prends tant de bières par jour pour
éliminer ça. Alors, quand on parle de problèmes à
la source, je ne pense pas que ce soit une des solutions pour régler le
problème à la source que de demander à un travailleur de
prendre de la bière pour éliminer son intoxication sanguine.
Quand on parle d'équipement de prévention, il y a des
usines que je connais, dans mon comté, où, surtout en
période d'été, il fait 110°, 115° ou 120°
Fahrenheit dans l'usine et parce que l'air est vicié, on demande
à ce bonhomme de porter un masque en plus; on a de la misère
à respirer sans masque et on lui demande en plus, par cette chaleur
insupportable, de porter un masque. Encore là, c'est un exemple pour
illustrer que ce ne sont pas là les problèmes à la source.
Il faudrait justement que l'usine, consciente de ces problèmes,
il fait déjà chaud dans l'usine et que l'air est vicié
plutôt que d'obliger le travailleur à porter un masque, je
pense qu'il devrait y avoir un système de ventilation.
Mais là, on fait face à un problème énorme,
parce qu'il y a énormément de problèmes connus dans les
usines actuellement, on n'a pas besoin de faire des recherches à tout
casser, on en a identifié un bon nombre. Là où est le
principal problème, c'est que ça coûte $1 million, $2
millions, $5 millions à l'entreprise pour remédier à cette
déficience.
Je ne veux pas prolonger, mais on a un exemple bien concret où
l'usine envoyait sa poussière dans une cheminée. Les SPE leur ont
ordonné de conserver ou de contrôler leur poussière, il
était défendu de l'envoyer par les cheminées dans l'air.
On a refoulé la poussière dans l'usine, et ce sont les
travailleurs qui l'ont respirée. Là, il y a eu encore des
ordonnances, elle est allée en cour et elle a perdu. Elle a dû
entamer des démarches pour installer des appareils afin de corriger
ça; finalement, cela a coûté $8 millions à
l'entreprise qui a mis trois ans pour en faire l'installation, mais elle
récupère aujourd'hui 30 tonnes de poussière par jour, que
les travailleurs ou les citoyens autour de cette usine respiraient. Donc,
là cela a été corrigé; mais, si vous saviez au prix
de quelle bataille et ça faisait longtemps que ce problème
était identifié.
Il y a d'autres usines où des problèmes ont
été identifiés, alors pas besoin de faire de recherche, on
connaît les problèmes, mais les batailles vont être au
niveau des coûts; les propriétaires vont hésiter à
investir $2 millions, $3 millions, $4 millions ou $5 millions pour corriger ces
problèmes.
Je trouve donc que votre rapport est des plus pertinents, des plus
réalistes et il est des plus vécus aussi. On ne peut pas avoir
pondu un tel
rapport sans avoir vécu, comme vous l'avez fait, en usine. Je
l'apprécie énormément et je pense que vous avez
sensibilisé le ministre au moins sur deux ou trois points qui sont des
plus importants et vous aidez à ce que le ministre apporte des
corrections au projet de loi, dans le sens que vous le suggérez. (12 h
30)
M. Pagé: Allez-vous avoir plus d'influence?
M. Lavigne: Pardon, madame?
Mme Lavoie-Roux: Allez-vous avoir plus d'influence que
d'habitude?
M. Lavigne: On a toujours l'influence qu'il faut, Mme
Lavoie-Roux.
M. Pagé: Vous croyez cela, oui. On en reparlera.
Le Président (M. Dussault): II semble que cela mette fin
aux interventions sur...
M. Pagé: On peut remercier le conférencier, sauf
que c'était la deuxième fois qu'on avait droit à cette
conférence-là.
M. Lavigne: Oui, on ne répète jamais trop. Une
voix: On ne répétera jamais trop.
Le Président (M. Dussault): Donc, sur le mémoire du
Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est... Oui, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: C'est en dehors du mémoire. Simplement au nom
du ministre qui a dû s'absenter pour une question urgente, je tiens
à remercier le groupe qui est devant nous aujourd'hui qui a
présenté un mémoire. Le ministre a dit et a
répété, et il m'a demandé de vous le redire, qu'il
tiendra énormément compte des suggestions que vous avez faites et
il vous remercie profondément. Merci.
Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, je
remercie le Comité des travailleurs des industries lourdes de l'Est pour
sa participation aux travaux de cette commission. J'invite maintenant
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques à se
présenter devant la commission. J'invite le porte-parole de
l'association à s'identifier et à nous présenter ses
collègues.
Association canadienne des fabricants de produits
chimiques
M. Bélanger (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom
est Jean Bélanger. Je suis le président de l'Association
canadienne des fabricants de produits chimiques. À ma gauche, le Dr
Marcel Sylvestre, directeur des services médicaux de CIL-Canada,
à sa gauche, le Dr Jack Martin, directeur médical, de Cyanamid
Canada Inc. et à ma droite, M. William Neff, qui est employé de
l'association.
Le Président (M. Dussault): Merci. Je remarque aussi que
votre mémoire est assez substantiel et qu'il sera difficile de le lire
en vingt minutes. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de
résumer. Si vous souhaitez voir apparaître votre mémoire
entièrement au journal des Débats, cela sera fait.
M. Bélanger: Oui, j'apprécierais bien cela.
Le Président (M. Dussault): Cela sera fait. Vous avez la
parole. (Voir annexe D)
M. Bélanger: Merci. Pour définir un peu notre
groupe, notre association a un caractère industriel, c'est-à-dire
qu'elle réunit la grande majorité des fabricants de produits
chimiques industriels canadiens. Nous avons présentement 66 compagnies
membres dont 42 ont des usines au Québec. Nos compagnies membres
emploient environ 10 000 personnes au Québec avec un effet
multiplicateur très significatif.
Si vous me le permettez bien, je vais souligner certains points. Je dois
vous dire tout d'abord que le principe n'est certes pas remis en question. Tout
industrie qui exploite au Québec se doit d'avoir des services de
santé et de sécurité adéquats et
compréhensifs. Ce principe, d'ailleurs, nous croyons l'avoir
déjà mis en oeuvre et notre performance jusqu'à maintenant
en est la preuve en grande partie.
Il est vrai que nous travaillons souvent avec des produits dangereux,
mais nous avons appris aussi à traiter tous ces produits avec un
très grand respect. Nous nous sommes donc engagés depuis
déjà longtemps à prendre toutes les précautions
nécessaires afin de garantir que nos activités ainsi que
l'utilisation et la destination finale de nos produits ne présentent pas
de risques inacceptables pour nos employés, nos clients, le public ou
l'environnement.
Nous reconnaissons cependant que là où les services ne
sont pas suffisants, un système plus formel est requis et dans ce
système les trois parties en cause, c'est-à-dire le gouvernement,
les employeurs et les employés, ont chacune un rôle important
à jouer.
Le gouvernement pour sa part se doit de développer les grandes
lignes directrices ainsi que les critères minimaux d'un programme visant
les services de santé et de sécurité, c'est-à-dire
qu'il doit définir en termes précis les objectifs d'un tel
programme.
Par la suite, il se doit aussi de surveiller de très près
l'implantation de ces programmes par les diverses compagnies pour bien
s'assurer que les critères minimaux ont en fait été
satisfaits.
L'employeur de son côté doit avoir une certaine
liberté d'action qui lui permettra de développer et d'implanter
le meilleur programme possible pouvant satisfaire aux critères
déjà définis, mais de façon effective et
efficace.
Quant aux employés, ils ont eux aussi certaines
responsabilités, soit de s'en tenir à l'esprit des
programmes implantés au sein de leurs compagnies et de s'assurer
que leurs employeurs font honneur à leurs obligations et, si ce n'est
pas le cas, d'en faire rapport aux autorités.
Ce qui nous inquiète dans le présent projet de loi, ce
n'est donc pas qu'il attribue un rôle au gouvernement et aux
employés, car cela nous semble raisonnable. En fait, nous appuyons
pleinement le rôle des comités paritaires. Cependant, nous sommes
inquiets du fait qu'il ne semble pas tenir compte des programmes très
substantiels déjà implantés par plusieurs compagnies dans
l'industrie chimique.
Comme je vous l'ai déjà mentionné, notre industrie
travaille depuis longtemps avec des matériaux dangereux, toxiques et
explosifs et pour survivre, elle a dû s'assujettir elle-même
à des contraintes sécuritaires et de santé très
sévères.
Une bonne part de nos compagnies a donc déjà des
programmes qui vont bien au-delà des critères
préconisés dans ce projet de loi. Jusqu'à deux ans
passés, notre association était la seule qui avait un
comité se spécialisant dans la santé au travail. Nous
avions déjà entrepris des séminaires pour aider nos plus
petites entreprises à développer elles-mêmes des programmes
adéquats dans ce domaine.
Jusqu'à récemment, nos compagnies employaient probablement
la majorité des experts qualifiés dans ce domaine. Nous vous
recommandons donc d'amorcer un programme ou un système d'exceptions
à votre programme proposé, pour toute compagnie qui aura obtenu
une certification pour un programme jugé valable et dépassant les
critères de base. De cette façon, ces compagnies se verront
encouragées à poursuivre leurs efforts dynamiques, sinon elles ne
verront aucun avantage à continuer leurs efforts, et il ne serait pas
surprenant de voir ces programmes valables se détériorer ou se
terminer pour simplement se prévaloir des services moins intensifs du
DSC et de nous demander des consultations qu'en cas d'extrême
difficulté.
Le résultat final serait donc dans certains cas, une
détérioration de la qualité de surveillance
occupationnelle, allant donc à l'encontre de l'esprit de ce projet de
loi. Nous vous recommandons que si un comité paritaire juge un programme
adéquat, y compris les professionnels, les médecins et les
infirmières sur place, et que le programme rencontre les
règlements établis sous ce projet de loi et, si cela est en fait
vérifié par le DSC, qu'un statut d'exception doit donc être
accordé à cette compagnie pour qu'elle puisse continuer son
programme existant.
Ce processus pourrait donc encourager d'autres compagnies à faire
de même. Nous sommes à l'avant-garde des industries dans ce
domaine. Nous avons bien l'intention de continuer nos efforts. Nous savons fort
bien que certaines erreurs ont été commises dans le passé,
mais nous tenons à vous faire remarquer qu'aussitôt que celles-ci
ont été décelées, les solutions aux
problèmes ont été recherchées avec vigueur.
À titre d'exemple, permettez-moi de mentionner le cas de la
chlorure de vinyle. Dès que le problème fut perçu, la
gestion s'est associée au gouvernement et à ses employés
pour obtenir une solution dans une période d'environ un an.
Nous croyons donc que notre crédibilité est bonne. Je veux
souligner encore le rôle important que doit jouer le gouvernement. C'est
à lui de développer une réglementation responsable qui
tienne compte des principes de coût-bénéfice et de
faisabilité. Vu que le projet de loi no 17 est une loi-cadre, la
méthode et les règlements acquièrent une importance
primordiale.
Les membres de notre association désirent affirmer publiquement
qu'ils sont prêts à offrir leurs connaissances et leur expertise
considérable pour participer de façon constructive à la
formulation de règlements valables. Pour ce faire, il faudra un
préavis suffisant. Notre mémoire indique une façon
d'attaquer ce problème.
D'abord, nous tenons à souligner... Nous avons trois derniers
points plus spécifiques. D'abord, nous tenons à souligner le
rôle clé du médecin spécialiste et de
l'hygiéniste industriel. Vu la rareté du nombre de ces
spécialistes, nous recommandons qu'un rôle plus substantiel soit
accordé à l'infirmière industrielle dans les
procédures de base et que les médecins et hygiénistes
soient employés surtout comme consultants.
Il est particulièrement important d'encourager le
développement de médecins spécialisés. Nous ne
croyons pas que ceci sera possible si ces médecins doivent être
assujettis à des contrats de quatre ans, plutôt que d'être
employés permanents. En plus, quoiqu'un groupe d'employés puisse
se dire non satisfait d'un médecin, son renvoi ne devrait être
justifié que pour raison d'incompétence et ce jugement ne devrait
être rendu que par un autre médecin, par un groupe de
médecins experts.
Un deuxième point: Quoique nous soyons d'accord avec le principe
du droit de refuser de travailler, nous croyons qu'il est important de
minimiser le nombre d'étapes à franchir. Que chaque étape,
cependant, soit complétée par écrit, pour s'assurer qu'il
n'y ait pas de malentendu et que le problème soit réglé
dans les plus brefs délais possible. Sinon, nous croyons que le
processus pourrait entrer en conflit avec les droits de la collectivité
et qu'il pourrait en découler, s'il y a action abusive, des
conséquences économiques désastreuses et possiblement
mortelles.
Finalement, nous comprenons mal l'intention de la section III visant le
fournisseur. Si l'intention est de contrôler le fournisseur dans son lieu
de travail, nous croyons que le sujet a déjà été
couvert dans les sections antérieures. Si cela n'est pas le cas, il est
à se demander s'il est juste d'en parler dans cette loi.
En sommaire donc, nous vous demandons principalement de favoriser
l'implantation de programmes valables au sein même des compagnies sous
l'égide d'une réglementation responsable.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie.
M. Jolivet: Pour permettre au ministre de pouvoir répondre
et regarder le dossier avec nous cet
après-midi, on pourrait proposer la suspension des travaux
jusqu'à 15 heures?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Pagé: Moi, j'irais avant ça.
M. Jolivet: 14 h 45?
M. Pagé: Je dirais à 14 h 30.
M. Jolivet: 14 h 30?
M. Pagé: Oui.
M. Jolivet: On serait d'accord.
M. Marois: Ne commencez pas à foutre la zizanie dans votre
camp. Entendez-vous!
M. Pagé: Non, il n'y a pas de zizanie chez nous, au
contraire. On est unanime.
M. Jolivet: Donc, je ferais la proposition de revenir à 14
h 30.
Le Président (M. Dussault): Alors, est-ce qu'il y a
consensus pour que la commission recommence ses travaux...
M. Pagé: Exceptionnellement.
Le Président (M. Dussault): ... à 14 h 30?
M. Pagé: Exceptionnellement, oui.
Le Président (M. Dussault): Je suspends donc les travaux
de la commission jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 44)
(Reprise de la séance à 14 h 45)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, nous allons reprendre les travaux de la
commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre. Au moment où
nous avons suspendu les travaux cet avant-midi, nous avions entendu les
représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits
chimiques. Ils avaient expliqué leur mémoire et nous en
étions à la période des questions.
M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord, bien
sûr, remercier infiniment l'Association canadienne des fabricants de
produits chimiques de leur mémoire, de leur contribution à nos
travaux. Je voudrais aussi m'excuser infiniment, j'ai dû m'absenter
on essaie de piloter le maximum de choses en même temps, mais je
n'ai pas encore le don d'ubiquité et il arrive des urgences en cours de
route j'ai dû m'absenter pendant votre exposé, et je tiens
à m'en excuser. Cependant, je tiens à vous dire qu'on a pu me
remettre des notes très complètes du texte de votre
exposé, j'en ai pris connaissance avant de revenir pour la reprise de
nos travaux, et j'avais lu au préalable votre mémoire.
Au fond, je comprends que vous ne remettez en question ni l'objectif
ultime recherché, ni les principes essentiels du projet de loi; au
contraire, à la lecture que j'ai faite de votre mémoire, et j'ai
bien lu attentivement les notes qu'on m'a remises sur votre exposé de ce
matin, je pense que la plupart de vos recommandations sont très
positives, qu'elles ont aussi pour but au fond, c'est ce que vous dites
aussi dans votre mémoire de rendre le projet de loi le plus
efficace, le plus pratique possible. Sachez qu'aussi bien le gouvernement que,
j'en suis certain, mes collègues de cette commission apprécient
votre attitude très ouverte et très positive dans cette
discussion.
Cela dit, il y a un certain nombre de points, sans abuser du temps, que
j'aimerais relever sous forme de commentaires-questions pour vous permettre de
réagir. Le premier concerne les services de santé. Vous vous
dites d'accord avec la nécessité que le gouvernement assure une
surveillance médicale occupationnelle pour la majorité des
travailleurs du Québec qui ne bénéficient pas d'une telle
surveillance; je pense en particulier à la page 6 de votre
mémoire. Vous recommandez que les programmes existants, quand ils sont
équivalents ou supérieurs aux programmes-cadres qui sont
acceptés par le comité paritaire et le département de
santé communautaire soient maintenus en utilisant les mêmes
ressources.
Déjà, je pense que votre recommandation tranche par
rapport aux recommandations qu'on a reçues d'autres entités du
monde patronal portant sur le même sujet. Je pense qu'il y a là
une ouverture d'esprit. Cependant, pour être certain de bien saisir
chacun des éléments sous-jacents à votre recommandation,
j'aimerais savoir d'une part si votre recommandation, d'après vous,
implique le choix du médecin responsable par le comité paritaire.
D'autre part, est-ce que, selon l'économie générale de
votre approche et de votre recommandation, le médecin serait
rémunéré par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec ou est-ce que vous insistez pour qu'il demeure plutôt
membre à part entière de l'entreprise et de la gérance de
l'entreprise? Cela, c'est en ce qui concerne le médecin. Quant aux
autres membres d'une équipe de santé en entreprise, quel est
votre point de vue précis là-dessus?
Troisièmement, toujours dans le même ordre d'idée,
autour du même problème, si le comité paritaire, selon
l'hypothèse que vous formulez, la proposition que vous formulez,
n'accepte pas ou ne réussit pas à s'entendre sur le programme de
santé existant, qu'est-ce qui arrive et qu'est-ce que vous recommandez
dans ces cas-là?
Maintenant, un point au passage, et je me demande si la réponse
à la préoccupation que
vous avez, qui me semble légitime, ça concerne la
confidentialité des renseignements médicaux... Ne croyez-vous pas
que l'article 99 tel que formulé présentement assure cette
confidentialité-là, étant donné qu'il va de soi, et
je présume que vous êtes d'accord là-dessus, que le
travailleur concerné a le droit d'accès au dossier qui le
concerne? Non seulement 99, mais, en plus, l'article 133 qui impose, qui fait
obligation, en quelque sorte, à la commission d'assurer le
caractère confidentiel des renseignements et des informations qu'elle
possède. J'aimerais savoir s'il n'y a pas là les
éléments de réponse à la préoccupation
légitime que vous soulevez.
M. Bélanger: Quand vous parlez...
M. Marois: Si vous permettez, je pense que ça va faciliter
les choses, je sais que ça fait une liste, je vais essayer de ne pas
l'allonger indûment. Vous semblez indiquer, dans votre mémoire,
que d'après vous, l'expression "intégrité physique" est
une expression inutile, que ça n'ajoute pas. Est-ce que vous ne croyez
pas que, par ailleurs, on peut fort bien être en parfait état de
santé physique ou mentale, mais être handicapé et qu'en
conséquence, quelqu'un qui est handicapé pour une raison ou une
autre, de naissance ou autrement, n'a pas un membre ou deux membres, peu
importe, est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là, il est
important de maintenir cette expression qui est ajoutée?
Voilà, pour l'instant, M. le Président. Je pense que
ça fait déjà une bonne première liste pour
commencer à déblayer, une première série de
questions que je voulais poser au porte-parole de l'association. Je veux les
assurer, encore une fois, que l'ensemble des recommandations du mémoire
vont être regardées très attentivement.
Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.
M. Bélanger: Merci de vos commentaires. M. le
Président, pour répondre d'abord à la question du choix du
médecin, je crois qu'en fait, la philosophie qu'on tente d'appliquer
ici, c'est le fait que si un programme fonctionne bien, pourquoi le changer?
Nous croyons que l'objectif devrait être un service de santé et de
sécurité adéquat et compréhensif, c'est ça
que nous trouvons important. Donc, si le programme d'une société
est reconnu, tant par le comité paritaire, le gouvernement et les
employeurs, comme étant satisfaisant et adéquat, nous comprenons
mal le besoin de le changer. Ce qui impliquerait donc chez nous la
continuité du programme, y compris les personnes qui y sont
déjà.
Il nous semble important d'encourager les compagnies à
développer de plus en plus, non pas un système qui se conforme
aux critères minimum, mais qui va bien au-delà. Nous croyons que
ceci peut être beaucoup mieux encouragé avec la continuation d'un
programme qui a déjà fait ses preuves.
C'est le principe que nous voudrions appliquer de ce côté.
Si le comité paritaire n'accepte pas que le programme soit un programme
satisfaisant, nous croyons que le DSC devrait, lui aussi, examiner le programme
et, s'il n'est pas jugé satisfaisant, les règlements qui seront
établis devront être imposés et alors il faudra faire
certains changements au programme pour qu'il devienne adéquat. Est-ce
que ça répond à votre première question.
M. Marois: Oui, sauf la dimension de la
rémunération.
M. Sylvestre (Marcel): La rémunération du
médecin pourrait être faite par la Régie de
l'assurance-maladie. Ce sont simplement les personnes en place, qui ont
déjà une certaine compétence, qui ont déjà
une certaine habitude du programme, qui connaissent les conséquences et
comment diagnostiquer précocement les symptômes de maladies
occupationnelles, qui sont entraînées depuis peut-être cinq
ou dix ans. Je sais qu'à la CIL, on a un service médical qui
existe depuis déjà 30 ans; il y a certainement des ressources et
des effectifs en place qui sont efficaces. Je me demande, dans le cas de la
garde-malade, qu'elle soit rémunérée par l'hôpital
local ou le gouvernement, quelle importance cela peut avoir, du moment que,
elle, qui est déjà en place, qui est déjà
habituée aux rouages du programme, elle est acceptée par le
comité paritaire, évidemment, ça implique ça
aussi.
M. Marois: Si je comprends bien, ça implique l'acceptation
des ressources humaines, qui sont déjà là, par le
comité paritaire, s'il est d'accord. Dans votre esprit, il n'y a pas de
conséquence tragique, même au contraire, que la
rémunération provienne de la Régie d'assurance-maladie du
Québec.
M. Sylvestre: II n'y a aucune opposition à ça.
M. Marois: D'accord, merci.
Le Président (M. Dussault): C'est terminé pour M.
le ministre.
M. Bélanger: II y avait d'autres réponses à
vos questions, je crois.
Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.
M. Bélanger: Du côté du caractère
confidentiel des renseignements médicaux; en fait, je dois dire que
c'est plutôt un malaise qu'on a. Plus la diffusion des données est
grande, plus les difficultés de contrôler le système et de
s'assurer du caractère confidentiel est grande. Nous voulions tout
simplement noter cet aspect. Nous croyons que lorsqu'il y a des systèmes
existants qui ont su maintenir ce caractère confidentiel, il faudrait
faire attention avant d'avancer trop loin et de peut-être perdre ce
caractère confidentiel.
M. Marois: Vous pouvez être assurés d'une chose,
c'est qu'on partage cette préoccupation-là. Il y a une
espèce d'équilibre à trouver dans la
nécessité absolue d'assurer la confidentialité. C'est vrai
que plus tu élargis la circulation, plus tu élargis les risques.
Par ailleurs, il faut quand même qu'un certain nombre
d'éléments, d'information, comme on dit,
dépersonnalisée, puisse être dégagée, puisque
c'est une source d'information fondamentale. C'est pour cela que les articles
que je mentionnais ont été introduits dans le projet de loi, ce
sont les articles 99 et 133 et je voudrais avoir votre opinion. Je comprends
que vous ne vous soyez pas arrêtés en particulier à ces
deux articles-là pour voir si, de votre point de vue, c'était
suffisant. Je comprends que vous vouliez surtout attirer notre attention sur
cet élément-là qui vous apparaît important. Je pense
que vous avez raison.
M. Bélanger: Nous croyons aussi mettre assez d'emphase sur
l'aspect des éléments dépersonnalisés autant que
possible.
Pour la troisième question qui avait trait à
l'intégrité physique, peut-être que le Dr Sylvestre
pourrait répondre à cette question.
M. Sylvestre: Quand on parlait d'intégrité
physique, cela voulait dire, si on parle de la Loi sur les handicapés,
que le type qui va travailler a déjà une certaine aptitude
physique à travailler. Nous autres, on veut maintenir cette
aptitude-là et surveiller précocement les maladies qui peuvent
apparaître en cours d'année de travail, qui pourraient
hypothéquer, qui pourraient handicaper davantage, qui pourraient rendre
"compensable" ou complètement incapable de travailler. Que ce soit un
handicapé, un sourd-muet, le type est en santé quand même.
Il ne sera pas plus sourd, parce qu'il est sourd-muet.
L'intégrité physique sera maintenue quand même. Si le type
a une jambe de bois, il n'aura pas deux jambes de bois, elle restera toujours
en bois et ce sera une jambe. C'est un handicapé, mais qui est en
santé. Si c'est un ancien poliomyélitique qui est
paraplégique, il va rester dans sa chaise roulante, mais il ne sera pas
plus malade, parce qu'il va travailler. On va surveiller sa santé.
C'était dans ce but-là que je pensais à
l'intégrité physique.
M. Marois: D'accord, pour l'instant, mais peut-être que je
reviendrai tantôt.
Le Président (M. Dussault): Vous avez terminé? M.
le député de Portneuf. (15 heures)
M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants de l'Association canadienne des fabricants des produits
chimiques. C'est un mémoire qui est intéressant, qui
démontre beaucoup d'ouverture, tel qu'en faisait état le ministre
tout à l'heure.
J'avais quelques questions auxquelles vous avez déjà
répondu. J'aurais strictement un commentaire et une très
brève question. J'ai bien apprécié votre
référence à la page 6, du maintien de la qualité
d'un programme de santé existant, parce que c'est un
élément sur lequel nous sommes revenus souvent de ce
côté-ci de la table, à savoir qu'il se fait des choses qui
ont été positives dans plusieurs secteurs d'industries, dans
plusieurs types d'industries, dans plusieurs entreprises de ce secteur
industriel par le passé. Ce que vous évoquiez ce matin, va dans
le sens de ce que nous évoquions préalablement au ministre et,
somme toute, ce qu'on a porté à son attention, c'est que la
crainte que nous avons, c'est que le projet de loi no 17 fasse table rase de ce
qui existe et qu'on parte à zéro, à partir de normes
minimales qui pourront être adoptées par le programme de
santé, par la Commission sur la santé et la
sécurité au travail. Même, le danger que vous avez
pointé du doigt, c'est le danger que nous y voyons, c'est-à-dire
que cette norme devienne strictement une norme minimale, mais que là
où il y avait des initiatives qui ont été concluantes, qui
ont été positives, où les services de santé se sont
organisés autour des employés, autour de l'employeur et autour du
personnel professionnel approprié, il ne faudrait pas que les normes
édictées par la commission viennent freiner ces initiatives. Le
grand danger dans tout cela, c'est que l'entreprise dise: C'est "just too bad",
et c'est bien de valeur, nous respectons les normes qui sont prévues.
Ah, ne soyez pas insultés parce qu'on utilise un terme anglais à
l'occasion, je vous en prie! C'est vrai, ce n'est pas correct.
Vous n'avez pas à vous excuser, au contraire, le fil...
M. Marois: Je serais mal placé pour intervenir.
M, Pagé: Vous seriez mal placé pour intervenir,
j'en conviens. Alors, le grand danger dans tout cela, avant que je sois
interrompu de façon aussi intempestive et subtile, par contre, c'est que
des entreprises se limitent à se conformer à ce qui est
prévu dans le programme de santé. C'est très bien ce que
vous dites dans ce sens et que vous ayez ajouté votre voix à
d'autres interlocuteurs, et j'espère que le gouvernement sera sensible
à cela.
Je conviens qu'une nouvelle commission de santé amènera
peut-être..., impliquera pour elle le pouvoir d'édicter des normes
et je conviens aussi qu'il y a des secteurs où il faut agir et il y a
des secteurs où la responsabilité des intervenants et
particulièrement des entreprises n'a pas toujours été
remplie. Toutefois, il ne faudrait pas généraliser ni d'un
côté, ni de l'autre. Il y a certains secteurs dont le vôtre,
qui semblent avoir très bien évolué sur cet aspect.
Il y a la question des infirmières qui m'a
particulièrement touché. Ce que vous mettez en relief c'est le
rôle important que jouait l'infirmière dans les services de
santé de plusieurs industries au Québec. Il a déjà
été dit, autour de cette table, les intervenants nous ont
déjà dit que si, dans une certaine mesure, ou jusqu'à une
certaine limite, les médecins d'entreprises n'avaient plus la confiance
des intervenants, entre autres, des travail-
leurs, il y a un professionnel ou un intervenant dans le secteur de la
santé qui est l'infirmière et qui semble avoir toujours eu la
confiance, qui semble avoir encore beaucoup de confiance chez les
travailleurs.
On a rencontré l'Association des infirmières qui est venue
demander au ministre un peu ce que vous demandez aujourd'hui, que
l'infirmière qui évolue dans une entreprise, qui a une
expérience, puisse continuer à oeuvrer dans son entreprise. Ce
que les infirmières veulent je pense que cela rejoint ce que vous
soutenez c'est de ne pas s'opposer à être payées par
le département de santé communautaire et à être
rémunérées par Pierre, Jean ou Jacques, ce n'est pas
là, la question. Mais elles veulent continuer à oeuvrer et
à être identifiées au sein de l'entreprise.
C'est important, parce qu'elles connaissent l'entreprise. Elles
connaissent les agents agresseurs. Elles connaissent bien souvent les dossiers
individuels de la très grande majorité des employés. Cela
déborde même l'aspect strictement de travail. Elles peuvent faire
beaucoup de prévention, parce que, bien souvent... Moi, je sais, en tout
cas, l'expérience que j'ai eue, dans mon comté, entre autres,
à Pont-Rouge et je le dis, à la Building Product et, entre
autres, chez Domtar, à Donnacona, le rôle de l'infirmière
semble être un élément très important, et vous le
reprenez aujourd'hui. J'invite le ministre encore une fois, à prendre
note de ce que vous dites, prendre note de ce que les infirmières ont
dit et j'espère que ça saura aboutir à un résultat
concret et positif.
Vous avez demandé d'être davantage associés aux
règlements. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on est d'accord avec
ça, quant à nous, parce que, comme en faisait état mon
collègue de Johnson hier, M. Bellemare, plus ça va vite, plus
ça va qu'on perd nos pouvoirs comme législateurs ici.
L'érosion du pouvoir législatif, c'est palpable. Les
règlements nous passent par les oreilles et on ne passe pas un lundi
dans nos bureaux de comté sans avoir un électeur qui, bien
souvent, vient nous mettre sur la table un règlement adopté par
le lieutenant-gouverneur en conseil. Cela n'a jamais été
discuté à l'Assemblée nationale. Alors, n'allez pas croire
que si nous, nous ne sommes pas impliqués, je me demande comment les
intervenants du milieu, eux, peuvent se sentir impliqués.
Vous dites et je vous cite, à la page 9 de votre mémoire:
"II est essentiel qu'une communication directe avec toutes les parties soit
établie dès l'étape initiale du processus
d'élaboration des règlements pour produire les définitions
et les normes." Que suggérez-vous, comme intervenants? Il y a eu des
suggestions qui ont été formulées, qu'il y ait un genre de
table ronde, milieux patronaux, milieux syndicaux, le gouvernement et tout
ça, débordée avec les professionnels concernés, les
hygiénistes industriels, les chimistes, etc. Que suggérez-vous
comme approche particulière pour que vous soyez davantage
associés au processus réglementaire?
Je termine ma question en vous demandant: Est-ce que vous vous
"satisfaisez"... Oui, c'est ça? de la publication... Est-ce que c'est
ça, "satisfaisez"? Oui, c'est ça.
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Pagé: Est-ce que vous vous "satisfaisez" de la
publication de 60 jours dans la Gazette officielle? Est-ce que, pour vous,
c'est une façon adéquate de participer à
l'élaboration d'un règlement? "Satisfaisez"...
M. Bélanger: M. le Président, merci encore des bons
commentaires. Quant à l'élaboration des règlements, nous
reconnaissons que c'est une sphère qui est extrêmement complexe.
Ici, on a une loi-cadre, en fait, qui donne beaucoup de possibilités,
mais qui n'est pas spécifique. Alors, le tout va être
réglé par l'élaboration des règlements.
Nous, ce qui nous importe là-dedans, c'est qu'on croit qu'on peut
apporter une contribution positive dans le développement de ces
règlements. Ce que nous recommandons, c'est qu'il y ait un
préavis publié dans la Gazette officielle du Québec, un
avis qui exprimerait l'intention du gouvernement de commencer des études
pour aboutir à certains règlements. Donc, un vrai préavis
avant qu'ils entreprennent même la publication du règlement
lui-même. Cela nous donnerait l'occasion de faire nos commentaires et de
travailler avant que les positions ne soient établies parce que souvent
on a fait l'expérience de développer ces règlements et on
croit qu'on pourrait être très positif sur cet aspect.
Du côté d'un délai de 60 jours, quand on a les
règlements proposés, on reconnaît le fait qu'on doit
travailler le plus vite possible. Quelquefois, cependant, surtout lorsqu'on n'a
pas eu de préavis, il nous est très difficile de vraiment
étudier la question à fond. C'est pour cela que ce qu'on demande,
en fait, c'est un meilleur agencement entre une société comme la
nôtre, l'association, qui peut apporter une contribution positive, et les
fonctionnaires gouvernementaux qui, eux, ont le même désir, soit
d'en arriver à satisfaire aux objectifs de la loi de façon
efficace.
M. Pagé: C'est certainement faisable, sauf qu'il faut
qu'il y ait une volonté politique prévoyant qu'il y a
véritablement une implication des agents du milieu, et c'est faisable.
Il reste au ministre à répondre, purement et simplement.
M. Marois: Je suis sensible à ce que vous évoquez.
Au fond, probablement que vous faites référence à ce qui
est prévu dans ce sens dans la loi ontarienne, qui prévoit un
préavis, effectivement. Selon les renseignements obtenus de
l'expérience ontarienne, les résultats ne sont pas des plus
heureux, pas parce que l'idée en soi n'est pas bonne, mais parce que
cela a été figé dans la loi, il doit y avoir
obligatoirement préavis. Ce que le préavis a causé comme
problème, c'est que, dans les cas d'urgence, il y avait donc des
étapes de procédure et un cheminement à suivre de sorte
qu'il était impossible de bouger ou c'était illégal de
bouger dans les cas d'urgence sans les préavis requis.
En d'autres termes, après des consultations parce qu'on a
regardé ce qui s'est fait en Ontario, en Saskatchewan, en
Colombie-Britannique, et le reste, on a eu des échanges avec les gens de
chacune de ces provinces... On disait: Faites attention quand vous chercherez
à le faire, l'idée de fond, ce qu'il y a derrière
l'objectif est important et est souhaitable. D'ailleurs, cela a
été évoqué, je le rappelle, lors du premier sommet
économique. Cela a été une demande de toutes les parties,
d'ailleurs, d'être le plus intimement possible associé à
l'élaboration même des nouveaux règlements ou des nouvelles
normes et aussi que soient mises à contribution les ressources du
milieu, qualifiées, compétentes dans des domaines donnés
pour apporter leur point de vue, et faire en sorte qu'on arrive avec des choses
qui soient pratiques, faisables, et le reste, compte tenu de l'état
d'avancement de la technologie, des connaissances, des ressources
financières et des possibilités; on ne pourra pas tout faire en
même temps, c'est certain, il faut être réaliste et
responsable.
C'est pour cela qu'on n'a pas retenu l'approche ontarienne du
préavis comme tel pour le mettre dans la loi; par ailleurs, il est
prévu que la mise en marche du processus, sauf dans le cas exceptionnel
où le gouvernement se conserve le pouvoir d'intervenir dans les cas
d'urgence, la mise en marche du processus proviendrait ou bien de la commission
où siégeront les porte-parole des parties patronales et
syndicales et à ce moment-là on part de l'hypothèse que
les parties, s'il s'agit, par exemple, d'une question qui concerne les produits
chimiques, vont aviser dans leur secteur les groupes concernés, et
notamment des groupes comme le vôtre. L'autre source d'initiation
possible de démarrage et d'élaboration, pour fins de
recommandations de nouvelles normes ou de règlements, serait
l'association sectorielle de tel ou tel secteur. Ce matin, on a parlé,
et on va en parler encore cet après-midi, du secteur des raffineries,
etc., pour, encore une fois, faire en sorte que les parties soient
associées, que cela se sache. En d'autres termes, qu'il n'y ait rien qui
se concocte dans le genre en coulisses, et v'Ià la brique! Vous avez une
pré-publication, il y aura de toute façon une
pré-publication, c'est une chose. Je pense que c'est normal que ce soit
là, mais qu'avant la pré-publication et bien longtemps avant la
pré-publication, au moment où les travaux comme tels commencent
et démarrent, que les parties concernées en soient
avisées, soient au courant et qu'elles puissent être mises
à contribution. C'est vraiment l'objectif qu'on a en tête et c'est
pour ça qu'on n'a pas retenu l'idée du préavis tel qu'il
apparaît dans la loi ontarienne. Mais fondamentalement sur le fond,
au-delà de la procédure ou de la formule du préavis, je ne
vous cacherai pas qu'on est parfaitement d'accord avec vous.
Le Président (M. Dussault): M. Bélanger.
M. Bélanger: Merci. M. le Président, nous sommes
très heureux d'entendre les commentai- res du ministre à ce
propos. En fait, ce que nous voulons, c'est encourager un dialogue continu
entre le fonctionnarisme et les sociétés et les employés
aussi qui, tous trois, ont un rôle à jouer dans le
développement des réglementations appropriées.
Du côté d'un règlement qui inclurait la section
à laquelle je m'adressais d'un préavis tel qu'en fait il y en a
eu en Ontario comme vous l'avez mentionné, peut-être y aurait-il
une possibilité d'insérer une clause d'urgence qui donnerait une
liberté d'action lorsqu'une urgence a été
déclarée. Ce serait peut-être une façon d'attirer
l'attention sur cet aspect-là.
M. Marois: Je suis sensible à ça et on va le
regarder. Seulement, je l'ai rappelé à quelques reprises depuis
le début des travaux de notre commission, et sans abuser du temps, M. le
Président, très rapidement, j'attire votre attention sur le fait
suivant et je pense que vous comprendrez qu'on est obligé d'en tenir
compte. Une loi, ce n'est pas un traité scientifique, ce n'est pas un
essai, ce n'est pas un roman, ce n'est pas un livre blanc, c'est un texte de
loi. C'est souvent comme je pense que mon collègue de Portneuf va
être d'accord avec moi de par son vieux métier d'avocat des
contrats; on s'y réfère quand ça va mal. Quand ça
va bien, on ne s'en sert pas tellement.
En d'autres termes, analogiquement, parce que c'est un peu énorme
comme comparaison, c'est en partie vrai sur certains points aussi quand il
s'agit d'une loi. Alors, même si on met une clause d'urgence qui
était une des hypothèses envisagées dans d'autres
provinces qui ont regardé le problème, ils ont eu à faire
face exactement au même problème. La notion d'urgence, sur le
strict plan de l'interprétation juridique, la commission pourrait fort
bien décider qu'il y a caractère d'urgence et qu'elle bouge et se
voir bloquée par toutes sortes de procédures devant les
tribunaux, injonctions, interdictions de procéder, parce que là,
on va discuter pendant des mois et des mois et en appeler de la décision
et du jugement rendus pour savoir s'il y a ou s'il n'y a pas urgence. C'est
là le problème, à partir du moment où on met des
notions comme celles-là dans un texte de loi.
Alors il faut bien y penser. Je pense que sur le fond, on se comprend
bien, on s'entend bien, c'est vraiment, je pense, là-dessus qu'il y a
consensus sur l'esprit et la façon de procéder pour y arriver, si
on veut vraiment changer les choses. Il est certain en plus, vous
évoquez toute la dimension du dialogue et il y a encore beaucoup plus
que ça. Il est certain que si les parties sont vraiment pleinement
associées, une fois qu'une norme ou qu'un règlement sort et
devient en force, s'il y a déjà eu un consensus sur l'essentiel,
ça veut dire que les choses ont été, déjà
pour l'essentiel, mises en place et ça ne pose aucune espèce de
problème opérationnel, ce qui est à l'opposé des
démarches conçues généralement dans l'état
actuel des choses. Très souvent, ça arrive comme une brique. (15
h 15)
Soyez sûr qu'on a cette préoccupation, on essaie de voir
s'il y a une formule possible et je ne
vous cacherai pas, je vais essayer d'attirer votre attention sur un
certain nombre de points, c'est extrêmement délicat quand on veut
le mettre dans un texte de loi.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres
intervenants. Je remercie l'Association canadienne des fabricants de produits
chimiques au nom de la commission et j'invite maintenant l'Ordre des chimistes
du Québec à se présenter devant la commission.
Je demande au porte-parole de s'identifier et de nous présenter
ses collègues.
Ordre des chimistes du Québec
M. Fournier (Antoine): Antoine Fournier, vice-président
aux relations publiques pour l'Ordre des chimistes. Je vais présenter
mes collègues, à ma gauche, Guy Bélanger,
vice-président aux finances de l'ordre, Réal Laliberté,
secrétaire de l'Ordre des chimistes et Pierre Lefebvre, président
du comité de sécurité de l'Ordre des chimistes.
Le Président (M. Dussault): Je pense que vous pourrez nous
présenter votre mémoire dans les vingt minutes.
M. Fournier: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, je n'en ferai pas lecture, mais je vais ressortir les
points chauds qu'on a retrouvés dans le projet et où on souhaite
voir apporter des modifications pour une meilleure sécurité et
santé des travailleurs.
On souhaite aussi que notre mémoire fasse partie du journal des
Débats.
Le Président (M. Dussault): D'accord, nous verrons
à ce qu'il soit consigné au journal des Débats. (Voir
annexe E)
M. Fournier: Très bien. Tout d'abord, on est d'accord avec
les intentions du projet de loi, car comme on le cite dans notre
mémoire, la sécurité et la santé des travailleurs
sont quand même un droit non équivoque. Toutefois, on note qu'au
niveau de la prévention, au niveau de la sécurité,
l'accent est quand même faible par rapport au niveau curatif, au niveau
de la santé. Si on parcourt le projet de loi dans son ensemble, on
constate qu'au niveau de la structure, au niveau des professionnels
cités, au niveau du financement qui est quand même important,
qu'il s'agit peut-être plus d'un projet de loi sur la santé que
sur la sécurité.
On croit que l'aspect préventif passe avant l'aspect curatif.
L'aspect préventif est primordial. D'ailleurs, il y a un vieux proverbe
qui dit: il vaut mieux prévenir que guérir. Je pense qu'il est
encore d'actualité. Si la prévention et la sécurité
sont administrées de façon adéquate, à ce
moment-là, on peut minimiser l'importance de l'aspect curatif. Je pense
que tout le monde préfère éviter de se faire arracher un
doigt ou écorcher un doigt que de subir une belle chirurgie ou un beau
pansement.
Je pense que tout travailleur a droit à ceci par des normes de
sécurité qui sont très rigoureuses là-dessus. C'est
pourquoi dans notre mémoire on suggère qu'un chapitre sur la
sécurité et sur la prévention soit plus
élaboré et en corollaire parce que si la sécurité
est très bien définie et très bien appliquée, la
santé s'en porte bien.
Deuxièmement, comme autre lacune, c'est que la loi ne semble pas
inclure tous les professionnels. Je crois que nombre de professionnels qui ne
sont pas cités dans le projet de loi sont susceptibles d'apporter des
éléments, au point de vue de la sécurité, positifs
pour améliorer la sécurité, améliorer l'aspect
préventif.
Ensuite, au niveau du financement, si on fait référence au
livre blanc, on constate qu'une part importante du financement est surtout
accordée à la santé, à l'aspect curatif. Pour
développer davantage le côté sécurité, le
côté préventif, il nous semble qu'on devrait accorder une
importance de marque à la recherche, à la formation et au niveau
de l'information. C'est sûr qu'on retrouve dans les articles 79, 84, 129,
au 11e alinéa, où c'est précisé que la commission
peut accorder certains budgets, certaines subventions, mais c'est bien
marqué "peut accorder". De là à ce que ce soit
accordé fréquemment, ça peut paraître un voeu
pieux.
Autre chose, au niveau de certaines définitions, on souhaiterait
qu'il y ait plus de rigueur, entre autres, au niveau des matières
dangereuses, par exemple, parce qu'il peut y avoir des substances qui en soi,
ne seront pas décrétées matières dangereuses, mais
dans leur utilisation peuvent le devenir.
On va prendre un exemple simple du côté de la chimie: l'eau
ce n'est pas dangereux, d'ailleurs c'est utile à l'humain, et l'acide
sulfurique, qui a de fortes chances de ne pas être
décrétée matière dangereuse, sauf que la
manipulation des deux ensemble peut apporter des dangers assez importants.
À ce moment, il faudrait élaborer davantage au niveau des dangers
qui sont sous-jacents à des matières dangereuses lors de leur
utilisation.
Aussi on souhaiterait, au niveau de l'étiquetage, qu'il soit
davantage rigoureux, pas uniquement pour les matières dangereuses, mais
que tout produit bénéficie d'un étiquetage pour informer
et le consommateur et tout utilisateur, que ce soit des techniciens ou autres
travailleurs qui sont mis en contact avec ces diverses substances.
C'est ainsi qu'au niveau de la réglementation... D'ailleurs, M.
le ministre a souligné, tantôt, qu'il allait faire appel aux gens
concernés, selon les domaines spécifiques. On est heureux de le
constater et on est prêt à offrir notre collaboration pour
travailler au niveau de la réglementation, lorsque cette
réglementation prendra place.
C'est, en bref, les points chauds, les lacunes qu'on a notés dans
le projet de loi et les rectifications qu'on souhaiterait voir apportées
pour une meilleure santé et sécurité des travailleurs.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Fournier. M. le
ministre.
M. Marois: Je voudrais, M. le Président, remercier l'Ordre
des chimistes du Québec de son mémoire. C'est un mémoire
qui n'est pas très long, mais je ne vous cacherai pas qu'on a
commencé à le regarder très attentivement et on va revenir
sur certaines de vos recommandations. Vous touchez certains aspects qui
méritent d'être regardés de très près.
Sans abuser du temps et revenir sur toutes et chacune des
recommandations, je voudrais d'abord avoir votre réaction. J'avoue que,
dans un premier temps, j'étais un peu étonné de
l'affirmation que vous faites que le projet de loi, à votre point de
vue, semble négliger la sécurité. L'objectif ultime de la
loi, c'est vraiment de faire tout ce qui est humainement possible sans
se prendre pour d'autres, mais quand même en se prenant pour ce qu'on
est, c'est-à-dire ressources humaines, financières, état
des connaissances partout en le faisant ensemble pour essayer de viser,
en autant que faire se peut, à s'attaquer aux causes même des
accidents et des maladies, donc, aussi bien sur le plan de la santé que
de la sécurité, quant aux deux aspects. Cela m'a un peu
étonné et vous allez même jusqu'à suggérer un
chapitre spécial consacré à la sécurité.
Il y a une foule d'articles qui touchent directement à la
sécurité, sans par ailleurs négliger l'ensemble de
l'économie du projet de loi. Il est possible qu'on n'en fasse pas la
même lecture et j'aimerais avoir vos commentaires. J'attire votre
attention sur l'article 40, paragraphes 1, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 13; l'article
48, paragraphes 1 à 6; l'article 63, les paragraphes 1, 2, 3; l'article
185, les paragraphes 14, 22, 23, 30. Je ne veux pas continuer à tous les
énumérer, mais indépendamment des listes et de mes
énumérations et pour mieux comprendre votre point de vue, quand
vous faites ce commentaire, la question que je vous poserais est la suivante:
Est-ce que vous songez à une structure de service de
sécurité similaire, en un certain sens, à ce qui est
prévu pour les services de santé? Est-ce le sens de votre
recommandation relative à l'insertion d'un chapitre spécial sur
la sécurité?
Deuxièmement, en ce qui concerne la définition des
matières dangereuses, la définition des matières
dangereuses de même que la définition des contaminants vont
être réexaminées très attentivement, à la
lumière de recommandations comme celles que vous nous faites et que
d'ailleurs d'autres groupes nous font dans certains mémoires.
Concernant toujours la question des matières dangereuses et des
contaminants, vous touchez cela dans votre mémoire et vous recommandez
des modifications au paragraphe 8 de l'article 40 où il est fait
obligation à l'employeur de communiquer la liste des contaminants et
matières dangereuses. Tel que c'est prévu présentement
dans le projet de loi, les contaminants et matières dangereuses
communiqués dont on parle évidemment seront ceux qui seront
définis par règlement. Il est possible, comme vous
l'évoquez dans votre mémoire, que cette liste-là soit
limitative, en ce sens que beaucoup de matières qui ne sont pas
déclarées dangereuses de fait, dans certaines circonstances
vous avez donné l'exemple de l'eau peuvent le devenir dans
certaines conditions d'utilisation. En ce sens-là, la recommandation que
vous nous faites de fournir la liste des contaminants et matières
dangereuses c'est votre suggestion et d'ajouter "dont la
présence a été décelée par des
professionnels", je pense que c'est une recommandation qui mérite
d'être considérée très sérieusement.
Là, je pense que ce serait intéressant pour les membres de
la commission, cela le sera sûrement pour moi, parce que je ne suis pas
certain de bien saisir la portée de votre suggestion... Dans votre
mémoire, vous touchez l'article 52. Vous proposez une modification
à l'article 52. Ce que vous nous proposez comme modification, cela me
semble introduire une redondance. J'aimerais et j'apprécierais, si cela
vous était possible, que vous expliquiez davantage le sens précis
de votre recommandation concernant l'article 52.
M. Fournier: Oui. M. le ministre...
M. Marois: II y a aussi je tiens à vous le dire
un bon nombre d'autres recommandations. Je n'ai pas l'intention ni le
temps de les reprendre toutes. Je ne veux pas abuser du temps de la commission.
Je sais que mes collègues ont des questions aussi à vous poser.
Je signale au passage notamment, et non exclusivement, une autre chose qui m'a
frappé particulièrement, c'est votre recommandation concernant
l'article 72. Je pense que la recommandation qui est là mérite
aussi d'être considérée très sérieusement,
etc.
Voilà pour l'instant, M. le Président, mes premiers
commentaires et questions.
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Tout d'abord au
niveau de la sécurité et la prévention, c'est sûr
qu'on souhaite une structure plus solide dans le sens qu'il puisse y avoir la
possibilité... Je pense que ceci va impliquer du financement.
D'ailleurs, si la sécurité est davantage
développée, le besoin de financement au niveau curatif est
minimisé. Pour ce faire...
M. Marois: Peut-être pas nécessairement à
court terme, mais dans une perspective, si on regarde l'expérience des
autres je regarde l'Allemagne, la Saskatchewan sur une
période de quatre ou cinq ans, effectivement.
M. Fournier: Oui. Pour ce faire, j'ai l'impression qu'il faut
développer un peu l'aspect de la recherche et développer, entre
autres, chez le travailleur des attitudes sécuritaires de travail, mais
il faut davantage l'informer des nouveaux produits en ce qui concerne
l'activité de l'industrie chimique qui est quand même un domaine
difficile à trancher au niveau de substances qui peuvent causer des
dangers, parce que, des fois, les
séquelles peuvent être à long terme et être
difficilement prévisibles, de telle sorte que si on investit davantage
de ce côté-là et qu'on structure un apprentissage à
fonctionner de façon plus sécuritaire dans diverses industries,
on améliorera effectivement la santé du travailleur par
ricochet.
M. Marois: Au fond, vous me dites: II faut mettre un accent
beaucoup plus important sur la recherche, ce que prévoient certains
articles du projet de loi. Il faut mettre un accent beaucoup plus important sur
l'information, au fond, ce qui ressort des résultats de la recherche,
qu'il y ait une espèce de plaque tournante d'entrée des
données, des résultats de la recherche suivie de la plus large
diffusion possible, de la formation et de l'information. Vous me dites en
même temps la nécessité qu'il y a de s'assurer de la mise
à contribution de toute la gamme et de toutes les catégories
requises de professionnels qualifiés, compétents dans ce
domaine-là. Il va de soi, par exemple, que cela implique les chimistes,
notamment. (15 h 30)
Vous n'aurez pas beaucoup de difficulté à me convaincre.
Je partage entièrement votre avis, mais ce que je n'arrive pas à
comprendre aussi bien, c'est que tout ce que vous évoquez là me
semble déjà être prévu dans le projet de loi no
17.
Or, cela ne semble pas être votre point de vue. Vous dites: Non,
il faudrait, au contraire, y ajouter un chapitre tout à fait
spécial sur la sécurité comme telle.
M. Fournier: Oui, pour mieux regrouper les éléments
de formation qui sont nécessaires, parce que si on regarde le projet de
loi au point de vue des structures, au niveau des services de santé,
c'est comme si on dit: Bien, les accidents vont se produire encore sur une
bonne échelle, donc, il faut structurer de façon très
forte les services de santé. On sait quand même déjà
qu'avant l'arrivée du projet de loi, touchant l'aspect de la
sécurité, les services de santé étaient bien
développés et continuent dans ce sens.
C'est au niveau de l'aspect sécurité, des attitudes chez
les individus que c'est beaucoup moins développé dans la
province.
M. Marois: Je discuterais, mais, enfin, on ne commencera pas une
discussion. On a eu l'occasion de l'avoir assez longuement en ce qui concerne
votre affirmation des services de santé bien développés en
matière de santé au travail. Je discuterais un peu cette
affirmation mais, enfin, on en est sur la question de la sécurité
au travail comme telle.
M. Fournier: À l'article 52, tel qu'il est formulé
dans le projet de loi, c'est écrit: "Nul ne peut fabriquer, fournir,
vendre, distribuer, installer ou utiliser un produit, un procédé,
un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière
dangereuse, à moins que ceux-ci ne soient sécuritaires." C'est au
niveau du fond même du texte. Vous dites: "À moins que ceux-ci ne
soient sécuritaires ou conformes aux normes prescrites par
règlement". Ceux-ci, est-ce que cela veut dire au point de vue
fabrication, fourniture, vente et ainsi de suite, ou est-ce que cela touche les
personnes qui vont opérer? C'est la raison pour laquelle on souhaite la
transformation de la phrase pour dire ce qu'on a écrit dans notre
mémoire. Je vais prendre la dernière partie: "À moins que
ceux-ci soient fabriqués", parce que c'est au niveau de toutes les
manipulations et de tous les comportements qui vont se faire que les dangers
peuvent survenir; c'est la raison pour laquelle on suggère de
l'écrire de la façon suivante: "À moins que ceux-ci soient
fabriqués, fournis et vendus", parce que le produit en soi qui est
vendu, si les informations au point de vue sécurité ne sont pas
toutes données, dans le geste de la vente, il y a un manque. C'est la
raison pour laquelle on précise la phrase comme cela... "vendus,
distribués, installés ou utilisés de façon
sécuritaire et conforme aux normes prescrites par règlement."
C'est dans ce sens-là. Je pense que c'est au niveau du texte
français, littéraire qu'on rejoint mal ce qui doit être
sécuritaire. "À moins que ceux-ci soient sécuritaires".
Ceci veut dire quoi au juste? C'est dans ce sens. C'est la raison pour laquelle
on précise "À moins que ceux-ci soient fabriqués,
utilisés, vendus" et tout ce qui suit. Je ne sais pas si vous voyez le
point au niveau du texte? Parce que c'est au niveau de la fabrication comme
telle qu'on doit avoir des gestes, des attitudes et des manipulations
sécuritaires, et au point de vue transport également; c'est tout
le contexte.
M. Marois: C'est le premier membre de phrase. En d'autres termes,
on ne peut pas fabriquer, on ne peut pas fournir, vendre, distribuer,
installer, utiliser un produit, un procédé, un équipement,
un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse, à
moins que ceux-ci ne soient sécuritaires et conformes aux normes
prescrites par règlement.
M. Fournier: À moins que ceux-ci, à notre point de
vue...
M. Marois: Mais je pense que je...
M. Fournier: ... cela comprend toutes les attitudes, les
comportements, les verbes d'action qui sont là. C'est pour cela qu'on a
formulé notre mémoire dans ce sens. Je ne sais pas si vous voyez
la nuance qui apparaît.
M. Marois: D'accord.
M. Fournier: À l'article 372, vous avez dit, et vous allez
être sensibles à ce point-là...
M. Marois: Oui.
M. Fournier: Je peux laisser la parole à mon
collègue, Réal Laliberté, s'il veut préciser...
non, pas de problème; cela semble complet? D'accord.
Pour notre part, cela semble résumer l'essence des lacunes
signalées par notre mémoire. Cela complète les
réponses.
M. Marois: Juste une chose, M. le Président, si vous le
permettez. Vous demandez qu'il soit précisé, à l'article
93, tel que proposé, pour qu'il soit clair... si je comprends bien, au
fond, ce que vous demandez, c'est de faire en sorte que l'article 93 soit
reformulé pour qu'il soit clair qu'un programme de santé inclue
l'identification et l'évaluation des risques à la santé,
d'y ajouter la dimension on l'a un peu évoqué l'autre jour
dans nos discussions toute la dimension de l'hygiène industrielle
et, au fond, là aussi, vous revenez à votre préoccupation
première qui en tout cas ce que vous évoquiez est
l'idée d'intégrer la sécurité à
l'intérieur même du programme de santé, mais dans un
concept beaucoup plus large que ce que vous percevez à la lecture du
texte que vous faites.
M. Fournier: Et qui oblige à faire intervenir d'autres
professionnels susceptibles de collaborer à une organisation de la
sécurité et de la prévention.
M. Marois: D'accord.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je serai très
bref. Je me limiterai à remercier l'Ordre des chimistes du
mémoire qu'ils nous ont présenté ce matin. C'était
bref, mais c'était quand même important et les points que vous
avez mis en relief et que vous avez voulu porter à l'attention de la
commission impliquent nécessairement que nous devrons revenir
là-dessus, surtout lors de l'étude du projet de loi article par
article en deuxième lecture. J'ai bien apprécié vos
références à l'article 1, définition 19c, surtout
en ce qui a trait à la matière dangereuse et au danger physique
comme tel.
Ces aspects, soyez convaincus que nous aurons l'occasion d'y revenir
bien spécifiquement lors de l'étude article par article, pour
voir jusqu'où il y a moyen, où il y a possibilité d'aller
dans le sens de ce que vous formulez et représentez aujourd'hui.
Messieurs, merci beaucoup!
M. Fournier: Merci. Il nous fera plaisir d'offrir notre
collaboration pour la réglementation.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres
intervenants. Alors, je remercie, au nom de la commission, les participants
à ces travaux du côté de l'Ordre des chimistes du
Québec et j'invite maintenant l'Association pétrolière du
Québec à se présenter devant nous.
Selon le télégramme que nous avons reçu ce matin,
auquel j'ai fait allusion au début de nos travaux, la Compagnie des
produits Gulf Canada viendrait aussi témoigner en même temps.
J'invite d'abord le porte-parole de l'Association
pétrolière du Québec à s'identifier et à
nous présenter ses collègues.
Association pétrolière du Québec
et Gulf Canada
M. Taschereau (Roger): À ma gauche, M. Carl Lussier, de la
compagnie BP Canada, qui est un spécialiste en hygiène
industrielle; à la gauche de M. Lussier, M. Yvon Fredette, de la
Compagnie Gulf Canada, directeur des affaires publiques; à ma droite, M.
Thomas Lavoie, de Texaco Canada, qui est conseiller juridique chez Texaco et
conseiller juridique à l'Association pétrolière du
Québec; à la droite de M. Lavoie, M. René Fontaine, de la
Compagnie pétrolière Impériale Ltée, qui est
directeur de la sécurité et de l'environnement.
Le Président (M. Dussault): Je n'aurai donc pas à
demander à la Compagnie des produits Gulf Canada de s'identifier. C'est
M. Fredette, qui en est le porte-parole? D'accord. Je vais donc commencer par
demander à l'Association pétrolière du Québec de
nous présenter son mémoire; ensuite, à la Compagnie des
produits Gulf Canada, en essayant, dans la mesure du possible, de faire tout
ça en 20 minutes, mais nous serons tolérants, je vous le dis tout
de suite.
M. Marois: M. le Président, je ne sais pas si je peux me
permettre, parce que c'est le choix le plus total et le plus libre des groupes
qui se présentent devant nous. Il y a l'Association
pétrolière du Québec, et je comprends que la compagnie
Gulf intervient en même temps et aura sûrement des choses, des
aspects particuliers ou précis sur lesquels elle désire attirer
notre attention, qui intervient en même temps... Ce qui facilite
forcément, pour nous, en tout cas, bien sûr, les travaux. Je sais
qu'il y a aussi d'autres entreprises du même secteur économique
qui doivent être entendues aussi cet après-midi. Je ne sais pas si
c'est leur intention, leur souhait d'intervenir aussi en même temps.
Encore une fois, ça, c'est le choix le plus total et le plus libre des
groupes d'intervenir au moment où ils le jugent opportun, sur la base
des invitations qui sont faites. Cela permettrait de faire un tour d'horizon
peut-être plus complet, en même temps, enfin... C'est le choix des
parties.
M. Pagé: Si je comprends bien, M. le ministre, vous vous
demandez si la commission ne pourrait pas profiter de l'audition du
mémoire de l'Association pétrolière du Québec pour
entendre en même temps tous les intervenants, quitte à ce qu'on
prenne plus de temps. Quant à moi, je n'y vois pas d'objection en
autant, évidemment, que les intervenants, BP, Gulf, Shell,
Impériale, soient d'accord. Il n'y a pas de problème à ce
qu'on entende l'association et en même temps les intervenants
spécifiques.
M. Taschereau: M. le Président, il y aurait
peut-être lieu, tout d'abord, d'entendre le mémoire
de l'association, et possiblement que pour les commentaires, ce sera
à votre discrétion, à ce moment-là.
M. Pagé: Allons-y.
M. Taschereau: Je me présente, mon nom est Roger
Taschereau, je suis à l'emploi de Pétrofina (Canada) Ltée
et présentement j'ai l'honneur d'être le président de
l'Association pétrolière du Québec. En tout premier lieu,
tel que mentionné déjà, le mémoire
déjà envoyé à la commission par la compagnie Gulf
du Canada ne sera pas commenté, contrairement au mémoire de
l'Association pétrolière du Québec. Ceci devrait faciliter
le travail d'audition de la commission. Néanmoins, ce document
préparé par la compagnie Gulf Canada m'apparaît d'une
importance primordiale et supporte pleinement la position prise par le Conseil
du patronat, ainsi que celle de l'Association pétrolière du
Québec.
Je vous demanderais donc, M. le Président, que ce mémoire
soit versé au journal des Débats.
Le Président (M. Dussault): Parfait, oui. (Voir annexe
F)
M. Taschereau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Avant que vous commenciez,
est-ce que vous pourriez me confirmer si j'ai eu une bonne perception, est-ce
que vous avez nommé quelqu'un de la compagnie pétrolière
Impériale Ltée?
M. Taschereau: II y a M. Fontaine de la compagnie
pétrolière Impériale Ltée qui est avec nous.
M. Pagé: Ce n'est pas le mémoire de la compagnie
Impériale Ltée, si je comprends bien.
M. Taschereau: C'est cela.
Le Président (M. Dussault): D'accord.
M. Taschereau: Le mémoire préparé par
l'Association pétrolière du Québec indique clairement que
nous sommes pleinement d'accord avec l'objectif ultime du projet de loi no 17
qui est d'assurer et d'améliorer la santé et la
sécurité au travail. Tout en étant d'accord avec les buts
visés, nous demeurons néanmoins sceptiques en ce qui a trait
à certains moyens proposés nous permettant d'atteindre cet
objectif. Les principaux points de notre mémoire sont les suivants:
Premièrement, l'affaiblissement du pouvoir décisionnel et
l'augmentation de la responsabilité de l'employeur. Deuxièmement,
la duplication des services et l'augmentation des coûts. Enfin, certains
commentaires spécifiques.
Afin d'éviter une lecture longue et fastidieuse de notre
mémoire, nous nous contenterons de commenter les deux premiers points,
la commission ayant déjà pris connaissance et étant
familiè- re avec nos commentaires spécifiques. Je vous
demanderais donc à nouveau, M. le Président, que notre
mémoire soit versé intégralement au journal des
Débats.
Le Président (M. Dussault): Cela vous est accordé.
(Voir annexe G)
M. Taschereau: Merci, M. le Président.
L'Association pétrolière du Québec est un
regroupement de sociétés pétrolières parmi
lesquelles on compte les sept raffineurs du Québec. Soulignons d'abord
que les raffineurs du Québec affichent un taux d'accident très
bas et un niveau de santé respectable de ses travailleurs, en
dépit des risques inhérents à certaines activités
de leurs établissements respectifs. Ce fait a même
entraîné une réduction du taux de leur contribution en
vertu de la Loi sur les accidents du travail. Nous soulignons à cet
effet les statistiques telles que produites dans le livre blanc. Ces chiffres
sont révélateurs et m'apparaissent d'une importance capitale dans
la présentation de notre mémoire. (15 h 45)
À la page 24, le tableau 5, le nombre d'accidents de travail par
secteur d'activités économiques, les accidents du travail n'ayant
requis que des soins médicaux et ceci, de l'année 1973 à
l'année 1977. Si nous allons à la section "Produits du
pétrole ", vous verrez qu'en 1973 le nombre 12 est mentionné sur
un total de 118 000. En 1974. vous en avez six sur un total de 127 000. Pour
1975, huit sur un total de 132 000. En 1976, douze sur un total de 122 000 et
enfin en 1977, vous en avez sept sur un total de 110 000.
De l'autre côté du tableau, les accidents du travail ayant
entraîné une absence au travail, ce sont sensiblement les
mêmes chiffres: pour 1973, onze; en 1974, onze; en 1975, quatre; en 1976,
dix-huit et finalement en 1977, douze. Encore une fois, sur des chiffres de 120
000, 144 000, 142 000, etc.
Maintenant le tableau 7, à la page 28: Les maladies n'ayant
requis que des soins médicaux et celles encore sous étude. Nous
couvrons ici les années 1974, 1975, 1976 et 1977. Sur un total en 1974
de 948, l'industrie pétrolière n'en a pas. Le même
résultat se produit en 1975, zéro; le même résultat
se produit en 1976, zéro et finalement en 1977, un, sur un total de
5088.
De l'autre côté du tableau, les maladies ayant
entraîné une absence au travail ou une incapacité
permanente: En 1974, l'industrie pétrolière zéro; en 1975,
zéro; en 1976, un, et finalement en 1977, zéro; tout ça
sur des totaux respectifs de 600, 1595, 1600 et 1200.
À la page 32, le tableau 8: Nombre d'accidents du travail et de
maladies professionnelles: Par 100 travailleurs, selon le secteur
d'activité économique, les produits pétroliers, en 1973,
0.35 alors que la moyenne générale était de 6.29; en 1974,
0.33 alors que la moyenne générale était de 7.28; en 1975,
0.11 alors que la moyenne générale était de 6.99; en 1976,
0.52, alors que la moyenne générale était de 7.36 et enfin
en 1977, 0.31 alors que la moyenne générale était de
7.41.
À la page 40, le tableau 13, les mêmes chiffres relatifs
à la moyenne continuent de se répéter et je vais passer
par-dessus ce tableau-là. Finalement, à la page 46, qui donne le
nombre d'incapacités permanentes par 1000 travailleurs et ceci couvre de
1973 à 1976. En 1973 zéro, en 1974 deux; en 1975, 1976
zéro; le nombre d'incapacités permanentes: 1974, deux; 1973, 1975
et 1976 zéro.
Ces résultats démontrent le souci, et la réussite
obtenue par les membres de notre association dans leurs efforts pour maintenir
des conditions de travail qui respectent la santé et la
sécurité des travailleurs, en dépit du fait que nous
travaillons avec ce qui est considéré comme des produits
dangereux. Les mécanismes utilisés par nos membre comportent un
personnel qualifié en matière de santé et de
sécurité au travail et, depuis quelques années, des
comités de santé et de sécurité composés de
travailleurs.
Notre association reconnaît le besoin d'harmoniser les diverses
législations qui régissent la santé et la
sécurité au travail et appuient les principes
généraux énoncés dans le projet de loi. Cependant,
elle est préoccupée par les mécanismes de participation
proposés, dont certains semblent partager inéquitablement les
responsabilités et les pouvoirs.
Les principaux points de notre mémoire sont premièrement,
l'affaiblissement du pouvoir décisionnel. Tout en reconnaissant aux
travailleurs le droit de participer à l'élaboration des mesures
d'hygiène et de sécurité, nous estimons que ce droit
devrait plus justement avoir un caractère consultatif plutôt qu'un
caractère décisionnel. Car on doit reconnaître à
l'employeur le droit de faire fonctionner son entreprise, puisque ce droit
découle des devoirs et des obligations qu'il a précisément
envers les travailleurs; la planification générale, la
surveillance, bien sûr, la rentabilité, la
rémunération. Pour ces motifs, nous nous opposons au pouvoir
décisionnel accordé au comité prévu aux paragraphes
1, 2, 5 et 12 de l'article 63.
Nous reconnaissons toutefois le besoin et l'efficacité d'une
collaboration constante entre l'employeur et les travailleurs sur les questions
suivantes: le choix des moyens et les équipements de protection, les
programmes de formation et d'information en matière de santé et
de sécurité, l'élaboration des modalités
d'application du programme de santé dans l'établissement. Il est
bien entendu que cette forme de participation du travailleur que nous
souhaitons ne doit être qu'à titre purement consultatif. Il est
injuste de proposer que l'employeur, seul et unique responsable de la
santé et de la sécurité de son personnel, ne soit pas
capable de prendre les décisions finales dans un domaine qui engage
gravement sa responsabilité.
La commission peut toujours exister comme arbitre en cas de
désaccord entre le comité et l'employeur sur ces questions. Mais
les mots "décision du comité" devraient être
remplacés par "recommandation du comité".
En outre, c'est en vertu de son droit de gérance que l'employeur
doit être seul à choisir ses experts médicaux.
L'association s'oppose donc fermement au choix du médecin responsable
des services de santé de son établissement par le comité
de santé et de sécurité proposé par l'article 88.
Elle s'oppose autant au choix de ce même médecin par le chef du
département de santé communautaire. Ces dispositions du projet de
loi constituent une atteinte, précisément, aux droits de
gérance de l'employeur et mettent en doute l'intégrité
professionnelle du médecin lui-même.
Ces dispositions semblent en effet présumer qu'un professionnel
choisi et payé par l'employeur perd son intégrité. Le
médecin qui accepte de travailler pour un employeur ne renonce pas
à son code de déontologie. Cela est aussi vrai de tout autre
professionnel ou contremaître embauché par un employeur. Tout en
reconnaissant l'avantage d'une consultation avec la commission et un centre
hospitalier, nous nous opposons à l'obligation de se conformer à
un programme-cadre qui serait imposé par une tierce partie et qui ne
tiendrait pas compte des exigences particulières d'une entreprise.
Nous estimons que le département de santé communautaire
devrait se contenter de voir au respect des obligations générales
et du programme-cadre prévu par la loi.
Il est important selon nous que les personnes chargées de
planifier et de réaliser un programme de santé soient sur les
lieux de l'entreprise et en fassent, autant que possible, intégralement
partie. Les avantages principaux d'un tel rapprochement sont l'accès aux
modifications ou améliorations constantes dont l'entreprise fait
l'objet, à partir de l'étape de l'élaboration
jusqu'à celle de la mise en application des différents projets,
ainsi qu'une meilleure connaissance des problèmes particuliers de
santé et de sécurité des travailleurs de cette
entreprise.
En outre, le pouvoir d'embaucher et de congédier un membre du
personnel, professionnel ou non, doit demeurer le droit exclusif de
l'employeur. Pour cette raison, nous nous opposons au pouvoir de
démission accordé par les articles 91 et 92.
Nous estimons que les comités de discipline de l'Ordre des
médecins ont les connaissances et l'autorité nécessaires
pour juger de la compétence de l'un de ses membres. Agir autrement
serait créer un tribunal parallèle aux organismes professionnels
qui sont déjà en place.
Nous sommes d'accord sur le rôle du chef de département de
santé communautaire pour la plupart des fins visées par l'article
100; nous recommandons même une augmentation des cliniques dites
interindustries, pour rendre plus accessibles les services de santé et
de sécurité aux petites et aux moyennes entreprises.
Les objections majeures que nous venons de soumettre sont fondées
sur le pouvoir décisionnel de l'employeur, auquel correspond
naturellement une obligation et la responsabilité de la santé et
de la sécurité envers ceux qui travaillent dans son
établissement.
La duplication des services et l'augmentation des coûts. Nous
croyons que certaines des activités énoncées par ce projet
de loi sont répétitives et créent une duplication des
tâches. Ainsi, nous nous opposons à cette facilité qui
permettrait la formation d'une association sectorielle en matière de
santé et de sécurité au travail. Nous estimons que cette
matière relève davantage de l'établissement individuel. La
création d'une association sectorielle entraînerait possiblement
des mécanismes administratifs nombreux et lourds.
Nous croyons qu'il y aurait aussi lieu de réduire le nombre de
rapports et de documents qui doivent être produits par le comité
de santé et de sécurité quand ces documents sont
déjà rédigés par l'employeur.
Il y aurait lieu de réduire la liste des destinateurs,
destinataires, des différents rapports d'activités, surtout
lorsque les membres du comité de santé et de
sécurité en reçoivent une copie en même temps qu'une
association accréditée.
Ceci, M. le Président, termine notre présentation. Nous
demeurons à votre disposition pour répondre à vos
questions.
Le Président (M. Dussault): Merci. Est-ce que M. Fredette
veut ajouter quelque chose à cet exposé?
M. Fredette (Yvon): Non, M. le Président, nous sommes
d'accord et appuyons d'ailleurs, comme M. Taschereau l'a mentionné, le
mémoire du Conseil du patronat qui a soulevé tous les points que
nous avons soulevés dans notre mémoire et aussi le mémoire
de l'Association pétrolière du Québec.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
l'Association pétrolière du Québec et remercier
également la compagnie Les produits Gulf Canada de leurs
mémoires.
Déjà on a eu l'occasion, au cours de nos travaux, en
particulier lors du témoignage du Conseil du patronat du Québec,
lors du témoignage de la Chambre de commerce, d'aborder un certain
nombre de problèmes et un certain nombre des points que vous soulevez
dans vos mémoires aujourd'hui. Sans reprendre tous et chacun des
éléments, je m'attarderai plus particulièrement à
quelques aspects qui sont soulevés dans vos mémoires. (16
heures)
Sans reprendre toute la discussion sur le fameux pouvoir
décisionnel, pas du tout, un peu, beaucoup ou passionnément, on a
entendu à peu près toute la gamme, le spectre complet de toutes
les possibilités qui nous ont été formulées sous
forme de recommandations depuis le début de nos travaux. Une affirmation
que vous faites dans le sens que la décision finale c'est comme
si vous sembliez l'indiquer sur des choses essentielles allait
échapper, en vertu du projet de loi 17, aux droits de gérance de
l'entreprise m'étonne un peu. C'est vrai que le projet de loi 17 propose
que, dans le cas du médecin, le choix soit fait par le comité
paritaire. Loin de nous l'intention de mettre en doute
l'intégrité professionnelle comme telle c'est une
affirmation que vous avez faite des personnes concernées, bien au
contraire. Vous étiez, je présume, ici ce matin, analogiquement,
quand on a entendu le témoignage de l'Association des conseillers en
sécurité qui elle-même enfin, c'est son point de vue
basé sur sa pratique est venue nous dire que la situation, les
conditions dans lesquelles elle était appelée à travailler
avaient pour effet de miner sa crédibilité et elle est
allée même jusqu'à nous dire qu'elle croyait qu'elle ne
pouvait pas travailler en pleine et totale objectivité et que même
elle était amenée à être partiale dans certaines
décisions. Concrètement, on a illustré cela de la
façon suivante, notamment, en disant: Dans certains cas, à cause
de cet état de fait, on va recommander le port d'un équipement de
sécurité, alors que nous savons que le problème n'est pas
là, qu'il y a une cause et qu'il y a moyen de régler cette
cause-là sur la base des connaissances technologiques données,
etc. Donc, on est pris à agir dans une situation de très grande
partialité, alors qu'on sait qu'il y aurait moyen, lieu et
possibilité de corriger à la source un problème
donné. En d'autres termes, je pense que des témoignages comme
ceux-là nous obligent à réfléchir très
sérieusement. Je pense que vous en conviendrez.
D'autre part, je me permets aussi de vous indiquer que le paragraphe 3
de l'article 48, qui porte sur le programme d'adaptation de
l'établissement aux normes prescrites par les règlements
concernant l'aménagement des lieux, l'organisation, l'équipement,
le matériel, les contaminants, etc., ne fait pas partie du pouvoir
décisionnel du comité paritaire. Bon nombre d'intervenants devant
cette commission nous ont demandé, à l'opposé de ce que
vous dites, de faire en sorte que même ce bloc, que les parties soient
pleinement associées dans la mesure où elles se sentent
concernées au premier chef. D'autres groupes nous demandent par ailleurs
d'élargir ce pouvoir décisionnel.
Le deuxième point que je voulais aborder, c'est ce que vous
appelez la duplication des services et, par voie de conséquence,
l'augmentation des coûts. Je comprends que vous vous opposiez à la
création de l'association sectorielle. Sur ce point-là, on a
entendu par ailleurs d'autres sons de cloche. Le Conseil du patronat,
notamment, si ma mémoire est bonne, ne s'oppose pas à cela. Il
propose un certain nombre de recommandations, d'ajustements, de
modalités de fonctionnement, mais il ne s'oppose pas du tout à la
création d'associations sectorielles qui demeurent des associations
volontaires, le seul cas d'exception étant la construction où
là, et pour cause, l'association serait obligatoire.
L'argumentation au soutien de votre position, si je lis attentivement
votre mémoire, tiendra au fait que de votre point de vue, le lieu
privilégié par
excellence, prioritaire, pour traiter de ces problèmes-là,
demeure l'établissement. Bien sûr, l'établissement est le
lieu par excellence où on doit s'occuper de la santé et de la
sécurité. Je pense que le projet de loi le reconnaît plus
qu'amplement, plus que largement, mais on croit que la mise sur pied de
l'association sectorielle pourrait être éminemment utile.
Il y a des problèmes qui sont communs à certaines
entreprises d'un secteur donné qui pourraient peut-être être
analysés de façon plus large dans le cadre d'un regroupement
sectoriel. Il y a une chose très précise qui m'étonne un
peu. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer davantage votre position en ce
qui concerne le retrait préventif de la femme enceinte. Vous nous
proposez, si je comprends bien, dans votre mémoire de maintenir le
délai de huit jours prévu par la Loi sur les normes du
travail.
Si c'est le cas, si j'ai bien compris votre mémoire et si c'est
vraiment le sens de votre recommandation, j'attire votre attention sur le fait
et j'aimerais avoir votre réaction que lorsqu'un danger est
détecté dans la perspective de l'introduction du retrait
préventif pour la femme enceinte, lorsqu'un danger est
détecté pour une femme enceinte, il faut, évidemment, ne
pas perdre de vue que cela fait quoi? Il y a au moins deux mois que cette
personne risque d'être exposée à ce danger, puisqu'il y a
le minimum de temps requis pour savoir si oui ou non une femme est enceinte et
les spécialistes disent: II y a une période de deux mois à
peu près.
Donc, il y a déjà ces deux mois-là. Il faut, s'il y
a eu ces deux mois-là, ajouter un délai additionnel. Ne
pensez-vous pas qu'on amplifie le risque, alors que l'objectif est
précisément de tenter de prévenir, avant que soit
causé un dégât qui devienne... Dans le cas des humains,
encore une fois, il y a des choses qui sont irréparables: l'esprit et
l'économie étant plutôt de viser à prévenir
que d'être pris pour corriger des choses qui, dans certains cas, ne
peuvent pas l'être. Donc, j'aimerais que vous précisiez un peu
votre point de vue là-dessus.
Vous vous opposez également à ce que la commission
fournisse des fonds aux associations syndicales pour les fins de formation ou
d'information de leurs membres, ce qui n'exclut pas en plus, bien sûr
vous le saviez; cela ressort de l'ensemble de la loi la
nécessité de mettre des fonds de façon beaucoup plus
importante, substantielle que cela n'a été fait par le
passé, dans le domaine général de la formation et de
l'information, aussi bien à l'échelle nationale que sectorielle,
qu'au niveau des établissements.
J'ai également eu l'occasion d'indiquer que j'étais
prêt à regarder, parce que l'argument étant que ces
fonds-là proviennent des cotisations des employeurs, il n'y a pas de
raison que cela serve à financer la formation donnée par des
associations syndicales. Je trouve cette argumentation déjà un
peu courte. Mais enfin, j'ai déjà en plus indiqué qu'on
regardera à nouveau ce qui avait été évoqué
dans le livre blanc, la possibilité que le gouverne- ment comme
il va le faire, c'est-à-dire assumer essentiellement les coûts de
l'ensemble des opérations d'inspection puisse apporter une
contribution financière additionnelle à la commission dans le
domaine de la formation et de l'information.
Mais enfin, je pense qu'il serait intéressant d'entendre votre
argumentation de façon peut-être un peu plus
détaillée sur ce point.
En terminant, sans abuser, j'aurais deux questions précises
additionnelles. J'aimerais avoir votre avis sur l'introduction d'un
représentant à la prévention pour les travailleurs, qu'il
y ait ou non un syndicat. Est-ce que vous êtes favorable, est-ce que vous
êtes défavorable à cela?
Un des mémoires d'une des compagnies c'est la compagnie
pétrolière Impériale Ltée ne semble pas
s'opposer à l'introduction des représentants à la
prévention, bien qu'elle nous formule toute une série de
recommandations pour faire en sorte que le projet de loi soit beaucoup plus
souple à cet égard; d'autres recommandations notamment visant
à faire en sorte qu'ils ne soient pas membres du comité de
santé et de sécurité, etc., mais le principe de
l'introduction du représentant à la prévention semble
accepté par la compagnie pétrolière Impériale.
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus et, une
dernière question très précise, qui a été
soulevée, enfin, non pas discutée devant nous, mais
insérée dans un des mémoires qu'on a reçus depuis
le début de nos travaux et qui concerne l'application de la Loi sur le
commerce de produits pétroliers au Québec.
Selon les témoignages écrits, dans les mémoires qui
ont été remis à la commission, il semble qu'une pratique
existe dans le cas du transport par camion de deux produits, comme on dit dans
le jargon, "sur le même voyage", le même transport et, à ce
moment-là, on utilise, si je comprends le système, une plaque de
séparation, dans le cas de transport de deux produits sur un même
voyage, des plaques de séparation de compartiments pour éviter
qu'il y ait un mélange des deux produits. Il semble, dans la pratique,
qu'effectivement ce n'est pas sans créer des situations
extrêmement dangereuses, selon les témoignages écrits qu'on
a eus jusqu'à ce jour, et je pense qu'il serait extrêmement
important qu'on ait votre point de vue à ce sujet.
Il se serait produit... J'ai demandé qu'on procède
à des vérifications pour me confirmer si c'était exact ou
non, les témoignages écrits, les confirmations qui m'ont
été communiquées. C'est que les faits qui sont
rapportés dans un mémoire qu'on a eu, qui a été
déposé ce matin, provenant des travailleurs des industries
lourdes de l'Est de Montréal, les faits sont exacts, trois explosions
qui se seraient produites dans la même semaine, deux blessés, un
gravement; la semaine suivante, un chauffeur d'un camion
décédé à la suite d'une autre explosion; une autre
explosion qui aurait amené la mort d'un autre chauffeur au moment
où il chargeait le camion citerne. Les explosions auraient eu lieu parce
que les chauffeurs de camions qui étaient en train de charger leurs
camions de
distillés, mais dans lesquels camions il y avait eu de l'essence
et, semble-t-il que je ne suis ni chimiste, ni expert le
distillé est conducteur d'électricité statique et que, par
voie de conséquences, il peut se produire des étincelles dans le
compartiment, de telle sorte que ça peut produire des explosions et,
effectivement, c'est ce qui se serait produit.
Je voudrais connaître votre point de vue sur cette situation, si
vous confirmez cette pratique, à votre connaissance et, si oui, de
quelle façon il est possible, conformément à la Loi sur le
commerce des produits pétroliers, d'y remédier dans les plus
brefs délais indépendamment de l'adoption du projet de loi no
17?
Le Président (M. Dussault): M. Taschereau.
M. Taschereau: M. le Président, M. le ministre a
touché à de nombreux points. En tout premier lieu, j'aimerais
bien revenir très rapidement sur ce qu'on a appelé le pouvoir
final de décision. Le pouvoir de décision, dans notre esprit,
n'est pas synonyme de refuser la discussion, la coopération ou des
choses comme ça. Mais je voudrais bien faire le point, à savoir
que le pouvoir de décision final va avec les responsabilités.
Alors, évidemment, lorsqu'on donne à quelqu'un des
responsabilités à 100%, on doit lui donner les outils qui lui
permettront d'assumer ces responsabilités.
Lorsqu'on parle de pouvoir décisionnel ou de droit de
gérance, c'est en ce sens-là que ces mots... Parce qu'il vient un
moment donné où ces mots sont employés un peu à
toutes les sauces et ne veulent plus réellement dire ce qu'ils veulent
dire. (16 h 15)
Le premier point soulevé par le ministre: la décision
finale sur le choix du médecin. Si nous retournons aux chiffres que nous
mentionnions tout à l'heure, nous devons avouer que les résultats
que nous avons eus dans les dernières années avec des
chiffres qui ne sont pas les nôtres, mais qui sont ceux du livre blanc
alors que nous travaillons avec des produits qui sont
considérés comme inflammables et dangereux, sont excellents. En
fait, ces résultats dans tous les secteurs ne sont pas seulement
supérieurs à la moyenne, mais ce sont les meilleurs de tous, en
dépit des dangers qui sont inhérents au pétrole.
Bien sûr, de quelle façon avons-nous réussi cela?
Nous avons travaillé avec des médecins depuis de nombreuses
années sur des programmes de prévention, des programmes de
formation, des programmes d'information, avec les résultats que nous
avons aujourd'hui. Pour ce faire, il est très important, à notre
avis, que le médecin fasse partie intégrante de l'entreprise, que
non seulement ce soit un médecin qualifié en médecine
industrielle, mais qu'il s'associe très étroitement au produit
qu'il doit soigner plus tard, ou prévenir las maladies.
C'est en ce sens que si le médecin, au lieu de dépendre...
Dans le cas de l'industrie pétrolière et cela doit
s'appliquer certainement à d'autres industries qui ont aussi de bons
résultats, nous ne sommes pas les seuls nous perdrions cette
flexibilité que nous avons actuellement d'amender nos programmes
d'information et de formation que nous devons faire de mois en mois. Si on perd
cette flexibilité, les chances sont que dans l'avenir, possiblement, nos
résultats je ne veux pas encenser l'industrie
pétrolière, nous ne sommes pas parfaits, nous tendons vers la
perfection si nous n'avons pas pleine flexibilité dans ce sens,
pourront être moins bons ou plus difficiles à atteindre alors que
ce que nous avons développé à ce moment-ci, nous
apparaît être la bonne formule ou la bonne façon de le faire
puisque les résultats sont là pour le prouver.
Je ne sais pas si cela répond au premier point du ministre. Le
deuxième point, M. le ministre, vous avez soulevé le cas de la
femme enceinte et j'aimerais bien que mon collègue, M. Thomas Lavoie
puisse répondre à ce point.
M. Lavoie (Thomas): M. le Président, la question de la
travailleuse enceinte, selon nous, s'assimile beaucoup au droit de refus de
travailler. Pour les compagnies membres de cette association, il n'y a pas de
problème pour la question du droit de refus au travail. Une travailleuse
enceinte pourrait avoir un droit de s'expliquer beaucoup plus rapide que les
délais qui ont été mentionnés tantôt par le
ministre. Si on a fait un rapport, tantôt, relativement aux articles 32
et suivants, pour essayer d'inclure cela dans le projet de loi no 126, ce
n'était pas pour une question de délai, mais on voyait
plutôt cela sous le chapeau des dispositions gouvernant
déjà la travailleuse enceinte.
M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ceci
répond à la question?
M. Marois: C'est une réponse.
M. Lavoie (Thomas): Si je peux préciser, M. le
ministre...
M. Marois: Pour être très franc, vous ne me
convainquez vraiment pas.
M. Lavoie (Thomas): Je ne tente pas d'éviter la question,
mais comme je vous l'ai dit...
M. Marois: Ce que vous me dites, c'est que c'est selon la coupe
de la Loi des normes, mais vous ne répondez absolument pas à ce
que j'évoquais tantôt. Si c'est exact qu'il y a un minimum
déjà de deux mois pour savoir si oui ou non, au point de
départ, il y a un état de grossesse ou pas, que par l'application
de la Loi des normes minimales, on ajoute le délai de huit jours en
plus, ne pensez-vous pas qu'on accroît le problème qu'on cherche
à régler ensemble? Tout le monde va en bénéficier,
finalement. Ce sera moins coûteux pour tout le monde.
Quand on parle de la productivité, par exemple, ce n'est pas une
abstraction accrochée dans les nuages, c'est l'ensemble du climat des
condi-
tions générales. Si j'aime faire mon travail et les
conditions dans lesquelles je le fais, il est certain que je vais avoir une
meilleure performance que si je le fais dans des conditions où, pour
toutes sortes de raisons, ça va plus ou moins. C'est certainement un
facteur rattaché à la productivité. Je ne dis pas que
c'est le seul, je dis que c'en est un.
M. Lavoie (Thomas): M. le ministre, vous semblez prétendre
que notre mémoire a attaqué les dispositions qui couvrent le
retrait préventif de la travailleuse enceinte.
M. Marois: Non, je m'excuse, je ne veux pas être mal
interprété. Pas du tout, ce n'est pas ce que je dis. Je voulais
simplement comprendre pourquoi, dans votre mémoire, vous proposez,
à toutes fins utiles, que soit maintenu le délai de huit jours
qui est prévu par la Loi sur les normes de travail. J'avoue que je ne
comprends pas pourquoi. C'est simplement ça.
Je comprends parfaitement bien que vous ne vous opposez pas au
principe...
M. Lavoie (Thomas): Mais le mémoire... Il y a
essentiellement dans ça une erreur, en ce que les délais, quant
à nous, ne devraient pas être ceux que vous venez de
mentionner...
M. Marois: Ah bon!
M. Lavoie (Thomas): ... mais on voyait ça plutôt
dans un domaine qui serait mieux gouverné par la loi 126. Comme on l'a
dit tantôt, la question pour une travailleuse qui se présente chez
nous, je ne peux pas vous donner des cas pratiques, parce que je n'en ai pas,
mais je sais pertinemment que la question de droit de refus de travailler
lorsqu'il y a un danger est déjà assez bien réglée
chez nous, et j'imagine qu'une travailleuse qui se présenterait en
alléguant que son travail met en danger sa santé ou celle de son
futur enfant serait traitée de la même façon et
probablement beaucoup plus rapidement que par les délais que vous avez
donnés tantôt.
M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ceci
répond...
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, M. le ministre... Vous semblez dire
que vous avez déjà des dispositions à l'égard de la
femme enceinte et que vous procédez d'une façon
différente?
M. Lavoie (Thomas): Non, j'ai dit que je croyais qu'une
travailleuse enceinte serait probablement traitée de la même
façon chez nous qu'un employé qui nous dit qu'il va faire un
travail qui met sa santé en danger et qui demande d'être
retiré d'un endroit dangereux. Je ne peux pas à ma connaissance
vous donner un cas type. Peut-être que quelqu'un d'autre du groupe
pourrait-Dans la philosophie des entreprises que je connais, lorsqu'elles
agissent auprès d'un travailleur qui dit que sa santé est en
danger, j'imagine que si c'était une travailleuse qui se
présentait, elle serait traitée de la même façon,
uniquement d'après l'expérience que l'on a faite avec des
travailleurs.
M. Taschereau: M. le Président, est-ce que ça
répond à la question? Est-ce que cela va?
Le Président (M. Dussault): J'avoue que je suis mal
placé pour le dire.
M. Pagé: Pour l'autre travailleur parce que, pour
compléter la réponse, vous nous dites que la femme enceinte est
traitée tout comme le travailleur qui s'oppose à travailler,
compte tenu du danger imminent qui le guette, est-ce que votre réponse
implique que, dans les conventions collectives de vos membres, le droit de
refus est déjà existant?
M. Lavoie (Thomas): Voulez-vous répéter la fin de
votre question, s'il vous plaît?
M. Pagé: Cela implique-t-il que, dans les conventions
collectives de vos membres, le droit de refus est déjà existant
ou tout au moins qu'il est déjà pratiqué? Est-ce que vous
voulez dire que la femme enceinte sera traitée aussi bien et de la
même façon que le travailleur qui refuse de travailler, compte
tenu du danger pour son intégrité physique? Je pose la question:
Comment celui-ci est-il traité? Comment le cas est-il traité?
Parce qu'il est soulevé...
M. Taschereau: M. Fontaine, est-ce que vous pourriez toucher
à cette question?
M. Fontaine (René): Oui, disons que la compagnie
pétrolière Impériale n'est pas syndiquée, quant
à la raffinerie de Montréal, mais elle a un conseiller industriel
et le cas du refus de travail y est reconnu et a déjà
été pratiqué à la raffinerie. Personne n'a
été forcé de travailler, s'il jugeait son travail
dangereux. Des modifications ont été apportées pour le
rendre acceptable à l'individu.
M. Lussier (Carol): M. le Président, je voudrais ajouter
que, dans le cas où une dame nous apporte un certificat de son
médecin disant qu'elle devrait changer d'emploi ou être
relocalisée dans un autre secteur, on envoie immédiatement nos
spécialistes en santé, habituellement des experts en
sécurité ou un hygiéniste industriel, pour regarder les
conditions de travail. À ce moment-là, il y a habituellement une
réunion avec le médecin, on discute du cas et on prend une
décision. C'est traité comme ça, habituellement.
M. Marois: Je m'excuse de revenir, je voudrais simplement
comprendre et j'avoue que je ne comprends pas. Si vous nous formulez une
recommandation, c'est que vous nous recommandez d'amender le texte qui est
déposé. Pour examiner au mérite une recommandation, il
faut qu'on la comprenne, et je veux simplement être certain que
je comprends bien. Vous nous dites, à la page 7 de votre
mémoire, en haut de la page que les délais prévus par la
Loi sur le salaire minimum et le projet de loi no 126, seraient plus
raisonnables en matière de retrait préventif de la travailleuse
enceinte. Je vous dis que les délais prévus en vertu de la loi
126 sont de huit jours, c'est donc huit jours qui s'ajoutent aux deux mois de
base inévitables jusqu'à ce que quelqu'un ait inventé une
formule miracle pour être capable de déceler l'état de
grossesse plus rapidement que deux mois...
Mme Lavoie-Roux: C'est plus rapide que ça, parce que, dans
votre projet de loi, il n'y a plus... Non, mais il reste que ça se
vérifie avant deux mois, cette affaire-là.
M. Marois: Ce que je veux simplement évoquer, c'est que
tout le monde va convenir qu'il y a un délai minimum.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
M. Marois: Auquel cas, quelque soit le cas que ce soit un peu
beaucoup, selon le cas, on nous recommande d'ajouter les délais
prévus par l'article 126. Ce délai prévu par l'article
126, je vous rappelle que c'est huit jours. Vous dites que ce serait plus
rapide que ce qui est prévu à l'article 32, mais l'article 32 dit
que, dans le cas où il y a un certificat médical à l'effet
de, etc., et l'article 33 que l'affectation doit se faire sans délai.
Alors, en quoi... je ne comprends pas, je ne suis plus. Cela ne raccourcit
plus, cela allonge.
M. Lavoie (Thomas): D'abord, on n'a pas dit que huit jours, ce
serait plus rapide, on a simplement dit que huit jours paraissaient plus
raisonnables. On ne voulait pas les ajouter aux deux mois que vous avez
cités...
M. Marois: Deux mois, ça peut être un mois et demi,
un mois, trois semaines, je ne me chicanerai pas là-dessus.
M. Lavoie (Thomas): Huit jours, ça peut paraître
long, mais ça ne veut pas dire nécessairement que le
problème ne sera pas résolu plus rapidement. Quant à nous,
en pratique, on croit qu'on va régler le problème beaucoup plus
rapidement, mais on cherchait seulement un délai qui paraissait
raisonnable. C'est tout. Puisque la loi 126 mentionnait spécifiquement
huit jours, je pense que ce n'est pas nécessairement mauvais, bien que
ça puisse paraître excessif si on prend déjà
d'avance les deux mois pour découvrir que la travailleuse est enceinte.
Si ça prend moins que ça, je ne sais pas, mais, en pratique, il
est possible que les huit jours soient nécessaires parfois simplement
pour suivre toute la procédure.
M. Marois: Bien.
M. Taschereau: Est-ce qu'on s'entend sur la question, M. le
ministre?
Le Président (M. Dussault): On a répondu à
toutes les questions?
M. Taschereau: II y avait deux autres points que M. le ministre a
soulevés. L'un d'eux était notre opinion sur l'introduction du
représentant à la prévention. Je vais demander à M.
Lussier de commenter ce point.
Le Président (M. Dussault): M. Lussier.
M. Lussier: M. le ministre, simplement, si on n'en a pas
discuté dans notre mémoire, c'est qu'il y avait un avis
partagé à l'intérieur des compagnies membres de notre
association. Certaines compagnies jugeaient que c'était le double emploi
évident de nos services qui fonctionnaient déjà. On a
déjà dit à la commission que le projet de loi fait table
rase, etc. Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir, vous
savez les choses qui se sont dites. Mais quand je regarde l'article 69 et qu'on
parle des fonctions, de faire l'inspection des lieux de travail, de prendre
connaissance des événements qui ont causé un accident
grave ou mortel, d'identifier les situations, etc. nos agents ou officiers de
sécurité sont déjà aptes à faire ces
tâches, et peut-être que l'exposé de M. Taschereau, à
propos des statistiques du livre blanc, était long et fastidieux, on
voulait faire un impact évident, c'est que notre travail fonctionne et
que ça marche bien... (16 h 30)
M. Marois: Je pense que personne ne va nier, c'est
nous-mêmes qui avons rendu public le livre blanc et les chiffres qui y
apparaissaient, il était important que les gens connaissent les faits
tels qu'ils sont. Je pense bien que personne ne va nier les efforts qui ont pu
être faits et l'état réel de la situation.
Il n'en reste pas moins qu'il y a encore des efforts à faire. Je
comprends très bien pourquoi, pour l'instant, comme association, vous
préférez ne pas commenter l'introduction du représentant
à la prévention.
Parmi les membres de votre association, qui sont des compagnies
pétrolières, certaines font affaires en Ontario, c'est exact?
M. Lussier: Oui.
M. Marois: En Ontario, la loi ontarienne reconnaît le
délégué à la prévention et est-ce que,
à votre connaissance, des commentaires ont été
formulés ou ont été portés à votre
connaissance, par vos membres, à savoir que c'était une situation
absolument invivable?
M. Lussier: Je suis bien d'accord avec vous, il n'y a eu aucune
opinion émise sur ce sujet, mais tout porte à croire que, vu que
la loi l'a adopté, il faut dire le mot, on est pris pour vivre avec et
qu'on fasse quoi que ce soit, on va introduire le principe et on va essayer de
l'utiliser au maximum. Tout compte fait, c'est encore une duplication et il
faut entraîner cette personne, qui est du côté des
employés, à reconnaître tous les dangers auxquels un
employé peut être exposé.
M. Taschereau: Nous tentons simplement, où c'est possible,
d'éviter la duplication, surtout dans des domaines où ça
roule très bien. En d'autres mots, ce que nous tentons de dire au
législateur c'est qu'on comprend qu'il faut légiférer sur
la médecine du travail, mais les secteurs qui vont bien et qui ont bien
réussi depuis 20 ans, qui ont montré, hors de tout doute, que
nous allions dans la bonne direction, de ce côté, peut-être
y aurait-il lieu de penser à ne pas trop bouleverser, puisque ces
secteurs nous ont déjà donné de très bons
résultats. C'est dans ce sens, M. le ministre, que nous faisons ce genre
de commentaire.
Le Président (M. Dussault): M. Fredette.
M. Fredette: M. le Président, M. le ministre, un dernier
point à ce sujet. Nous sommes une des compagnies qui n'étaient
pas d'accord; d'ailleurs, je crois que vous verrez, dans notre mémoire,
d'une façon assez élaborée, les raisons pour lesquelles
nous nous opposons à...
M. Marois: D'accord. Est-ce que vous faites affaires en
Ontario?
M. Fredette: Oui.
M. Marois: Et vous admettez que la loi ontarienne reconnaît
ce droit?
M. Fredette: Je ne pourrais pas vous dire.
M. Marois: Je vous enverrai une copie du texte.
M. Fredette: Je ne mets pas en doute ce que vous dites, mais je
ne pourrais pas vous dire, je ne suis pas au courant.
Le Président (M. Dussault): Ceci met fin au droit de
parole de M. le ministre.
Une voix: II y a un autre point qui a été
soulevé...
M. Pagé: La question que M. le ministre a soulevée
sur les citernes et les dangers!
M. Marois: La Loi sur le commerce des produits pétroliers
et les camions avec...
Le Président (M. Dussault): ...
M. Taschereau: Très bien, je vais demander à M.
Fontaine de répondre à cette question.
M. Fontaine (René): II est exact que certains produits
pétroliers sont susceptibles de produire de l'électricité
statique; ils sont connus, ils sont identifiés et il y a des moyens de
prévenir la production d'électricité statique et de
l'éliminer.
Pour savoir la raison pour laquelle il y a eu une explosion dans un
camion, il faudrait quand même connaître dans quelles conditions le
chargement a été exécuté, parce que, pour charger
un camion que l'on soupçonne contenir de l'électricité
statique, il y a certaines méthodes qu'il faut utiliser pour
éliminer cette électricité statique. On peut
l'éliminer de bien des façons: on peut ajouter des additifs qui
sont antistatiques, on peut charger le camion en submergeant la baguette de
chargement pour éviter l'agitation, on peut contrôler le
débit au départ pour produire le minimum
d'électricité statique, on peut relier le camion à la
terre par un câble, pour éliminer la différence de
potentiel entre le camion et le bras de chargement.
M. Marois: C'est exact que des camions dans le même
transport avec des plaques de séparation, on peut transporter en
même temps deux produits de type bien différent. S'il arrivait un
mélange...
M. Fontaine (René): Vous demandez si c'est exact?
M. Marois: Oui.
M. Fontaine (René): Oui, parce que certains camions sont
construits de telle façon qu'il puisse y avoir différents
compartiments. Il y a aussi des wagons-citernes qui sont dans le même
cas.
M. Marois: S'il arrivait un mélange de ces deux
produits-là, on pourrait faire face à des ennuis.
M. Fontaine (René): On pourrait. M. Marois: On
pourrait.
M. Fontaine (René): II y aurait un bris dans la paroi qui
est généralement étanche par définition.
Le Président (M. Dussault): Mme la députée
de L'Acadie. M. Lussier, oui.
M. Lussier: M. le Président, je veux ajouter que tous les
camions qu'on achète, du moins la plupart, des différentes
compagnies ont maintenant des cloisons fixes et non plus des cloisons que l'on
peut...
M. Marois: II y avait des cloisons mobiles, c'est cela?
M. Lussier: Pardon?
M. Marois: II y avait des cloisons mobiles.
M. Lussier: C'était...
M. Marois: En d'autres termes, on pouvait parfois se servir des
mêmes camions pour transporter deux produits.
M. Lussier: C'est exact.
M. Marois: On pouvait enlever les plaques de séparation et
se servir du même camion pour transporter un seul produit...
M. Lussier: Exactement. Maintenant, la tendance du marché
est d'acheter...
M. Marois:... de sorte qu'il pouvait y avoir des fuites...
M. Lussier: D'accord.
M. Marois: ... dans la manipulation des plaques et/ou des
résidus qui pouvaient provoquer des situations c'est le moins
qu'on puisse dire explosives.
M. Lussier: C'est le cas de le dire, mais la tendance actuelle du
marché est d'acheter des camions-citernes à parois fixes, que
l'on ne peut pas bouger ou modifier.
M. Marois: À votre connaissance, il reste encore un
pourcentage important de ce genre de camion qui utilise des plaques mobiles en
circulation, à Montréal?
M. Lussier: En pourcentage, je ne pourrais pas vous dire.
M. Taschereau: M. le ministre, si je ne m'abuse, ces camions
retournent...
M. Marois: Excusez-moi, je n'ai pas entendu la réponse,
j'avais de mes collègues qui se payaient ma tête.
M. Pagé: À juste titre d'ailleurs.
M. Lussier: Je voulais tout simplement dire que je ne pourrais
vous dire présentement le pourcentage sur le marché, mais, chose
certaine, ce sont plutôt les anciens camions-citernes qui ont cette
pratique-là de cloisons mobiles.
M. Taschereau: Je voudrais simplement ajouter, M. le ministre,
qu'effectivement ceci remonte à quelques années et que ce genre
de camion-là n'est plus acheté actuellement. Est-ce que ceci
couvre...
M. Marois: Mais les cas que j'ai évoqués se
seraient produits non pas il y a plusieurs années, mais se seraient
produits dans les années plus collées sur celle qu'on vit
présentement.
M. Lussier: Tout simplement pour ajouter sur ce que vous avez
dit, cette tendance du marché d'acheter des camions-citernes avec des
cloisons fixes et non pas mobiles, cela fait plusieurs années qu'elle
est pratiquée chez nous.
Nos anciens camions-citernes, on les revend. Cela se peut que ce soit
communément des "jobbers" qui les achètent. À savoir si
c'étaient des "jobbers" ou si c'étaient des camions de com-
pagnies, je ne suis pas au courant du dossier, il faudrait vérifier.
M. Marois: En d'autres termes, ces camions-là ne sont pas
retirés du marché, ils circulent. Ils sont revendus. Je m'excuse
d'abuser, je terminerai là-dessus. Ce sera ma dernière question.
Est-ce que, parmi les acheteurs de ces camions-là, il y a notamment des
distributeurs d'huile à chauffage pour résidences
privées?
M. Taschereau: Avant de répondre à cette
question-là, si vous me le permettez, les cas que vous avez
apportés, M. le ministre, c'est difficile aujourd'hui d'y
répondre. Il faudrait en tout premier lieu, je pense, vérifier
à nouveau ces cas-là. Est-ce qu'il y en a un nombre
élevé ou restreint sur le marché? Avant de donner une
réponse, il faudrait, je pense, s'assurer que le genre de réponse
qu'on donnera à la commission ou, enfin, qu'on donnerait à une
question semblable soit la bonne réponse. Je vous demanderais, M. le
Président, la permission de ne pas continuer à répondre
à cette question-là, parce qu'effectivement ce dont j'ai peur,
c'est qu'on donne les mauvaises informations et on n'est pas ici pour cela.
M. Marois: M. le Président, je serais parfaitement
d'accord si l'association ne dispose pas des données en main, c'est tout
à fait normal. J'apprécierais volontiers, cependant, qu'on nous
fasse parvenir les données les plus précises dans les meilleurs
délais possible, si cela vous est possible, parce que cela
intéresse hautement les membres de cette commission. Les
problèmes dont on parle à travers un texte de loi peuvent sembler
parfois très théoriques, mais c'est terriblement collé
à la réalité de tous les jours et au concret.
Soyez assurés qu'on l'apprécierait et on comprend
parfaitement bien qu'il faut que vous puissiez disposer du temps requis pour
vérifier.
M. Taschereau: Merci infiniment. M. le Président,
j'aimerais, en terminant, s'il n'y a pas d'autre chose, redire qu'en
dépit des camions avec les cloisons qui n'étaient pas fixes,
notre record demeure dans l'ensemble des choses, très impressionnant. Je
veux, au nom de mes collègues, à mon nom et au nom de
l'Association pétrolière du Québec...
Le Président (M. Dussault): Vous avez l'air de parler
comme quelqu'un qui veut partir, mais ce n'est pas terminé.
M. Taschereau: Je vous en prie, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Mme le député de
L'Acadie voudrait aussi vous poser des questions, ainsi qu'un autre membre de
la commission.
M. Pagé: Brièvement, dans l'enveloppe...
Le Président (M. Dussault): D'abord M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je serai
très bref. Je commencerai par un point spécifique et j'inviterai
le ministre à ce moment-ci qui a semblé
particulièrement intéressé par la question du citerne
avant de recommander quoi que ce soit à son collègue du
Conseil des ministres qui aurait une responsabilité au niveau
réglementaire là-dessus, de regarder comme il faut le dossier des
accidents qui ont pu survenir il y a quelque temps, parce qu'il faut convenir
qu'il y a plusieurs camions-citernes au Québec qui se promènent
avec des séparations amovibles. Il y a des gens qui transportent de
l'huile et différents produits pétroliers. Le fait de recommander
d'adopter une réglementation qui pourrait interdire une telle pratique,
le ministre d'État au Développement social peut le recommander,
mais vous pouvez être certain que le ministre des Transports et le
ministre de l'Industrie et du Commerce vont arriver avec une
préoccupation eux aussi. Que je sache, il y a plusieurs entreprises pour
lesquelles si, par exemple, elles ne pouvaient pas transporter du
béton en descendant et remonter de l'huile, entre autres dans les
fabriques de béton à procédé humide cela
impliquerait des augmentations de coûts. Alors, je me dis: Avant de
partir en guerre sur des questions comme celles-là, il conviendrait de
regarder tous les impacts du dossier, quitte à ce qu'un règlement
puisse éventuellement interdire, si c'est démontré que
c'est dangereux ou que cela peut l'être, que les séparations
amovibles puissent être interdites. Mais avant de partir en guerre contre
tout cela, il faudrait y penser, selon moi.
M. le Président, je voudrais remercier M. Taschereau et ses
collègues de l'Association pétrolière du Québec.
Vous avez présenté un mémoire. Vous l'avez très
bien plaidé, je pense, et la façon dont vous avez fait
référence aux chiffres du livre blanc, c'était selon moi,
la meilleure façon d'arriver ici, parce que ces chiffres parlent par
eux-mêmes et témoignent d'une activité et de certains
objectifs dans un secteur comme le vôtre où il y a un degré
de "dangerosité" si on peut utiliser le terme qui est
quand même assez élevé.
La performance, à date, semble être assez concluante.
C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que vous avez probablement entendu les
remarques que nous formulons ce matin à l'Association canadienne des
fabricants des produits chimiques. C'est dans cet esprit qu'on a
recommandé... On met bien en garde le gouvernement contre la
possibilité que le projet de loi no 17 entraîne une table rase,
une opération table rase de ce qui s'est fait avant et que les actions
positives et concluantes qu'on a connues dans certains milieux, que
l'entreprise demain matin n'ait peut-être plus autant
d'intérêts qu'elle pouvait en avoir avant, compte tenu qu'elle
soit soumise à un genre de programme minimal au chapitre de la
santé et de la sécurité qui sera adopté par les
commissions.
C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on recommandait au gouvernement,
plutôt que de faire une réforme de structures, parce que c'est
surtout une réforme de structures, d'intervenir dans les secteurs
prioritaires, de déceler les secteurs prioritai- res où il faut
agir et d'intervenir et sur la foi des interventions, des objectifs ou de
l'atteinte des objectifs d'un secteur prioritaire, il aurait peut-être eu
lieu à ce moment, de généraliser.
Le mouvement est à l'inverse. C'est le choix politique du
gouvernement. On ne peut qu'en discuter et somme toute, le gouvernement sera
jugé par ses actes là-dessus. Alors, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire et ma collègue, Mme la
députée de L'Acadie, avait certaines questions plus
spécifiques à vous poser.
Le Président (M. Dussault): Mme la dépu- tée
de L'Acadie. (16 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Les questions que
je voulais poser... d'abord je vous remercie de m'avoir rafraîchi la
mémoire. J'avais lu les statistiques quand le livre blanc a
été déposé, mais je dois vous dire que je ne m'y
étais pas référée récemment. Il n'y a aucun
doute là-dedans, et comme d'autres l'ont signalé, ce ne sont pas
vos statistiques, ce sont des statistiques de la Commission des accidents du
travail. Alors, on ne peut certainement pas mettre en doute votre
objectivité là-dedans. Évidemment, quand on regarde les
statistiques, vous tranchez nettement, je pense, avec tous les autres...
Peut-être pas tous les autres. Il ne faut pas être absolu. Il
faudrait que je le regarde d'un peu plus près. Mais vous tranchez, quant
à votre dossier, sur les accidents et la santé au travail.
Par contre, ce matin, vous l'avez entendu vous étiez
probablement dans la salle, je crois, d'ailleurs, que vous y étiez
on a quand même rapporté le fait que les normes qui
étaient appliquées ici dans les industries
pétrolières étaient apparemment beaucoup plus basses,
enfin, dans une proportion variante de 5% à 20%, que celles qui existent
aux États-Unis et dans les autres provinces, du moins, en
Colombie-Britannique, je ne dirais pas toutes les autres provinces.
Pouvez-vous me donner une explication à ceci? Si les
États-Unis ou la Colombie-Britannique ont jugé à propos de
rendre les normes plus restrictives ou de les augmenter ça
dépend de la façon dont on veut formuler ça je
m'explique mal que votre beau dossier, sauf que je pourrais peut-être
conclure que les autres industries sont tellement mauvaises qu'elles ont
beaucoup d'accidents, ou est-ce que vous-mêmes, vous seriez d'accord pour
dire que compte tenu de l'état des connaissances qu'on a aujourd'hui
dans l'industrie pétrolière, la situation pourrait
déjà, sans même trop de recherche, être encore
passablement améliorée?
M. Taschereau: M. le Président, avec votre permission, M.
Fontaine va répondre à cette question.
Le Président (M. Dussault): M. Fontaine.
M. Fontaine (René): Mme Lavoie-Roux, je crois que vous
faites référence aux commentaires
qui ont été faits ce matin au sujet de la teneur en
benzène.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Fontaine (René): On parlait de 25 p.p.m. ce matin, qui
ont été abaissés à 10 p.p.m., par la suite.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, malheureusement, comme on a une
bibliothèque à transporter, j'ai laissé le mémoire
de ce matin en haut, mais on faisait allusion je vous le donne de
mémoire au fait que les agents toxiques des industries
pétrolières étaient plus grands ici qu'ils ne
l'étaient en Colombie-Britannique et que les travailleurs avaient
tendance comment dit-on? je vais mettre le mot "contaminer",
à se polluer dans une proportion de 5% à 20% plus rapidement ici
qu'aux États-Unis ou qu'en Colombie-Britannique. Maintenant, est-ce
qu'on faisait absolument allusion au benzène ou à tel produit,
mais on parlait de produits toxiques en général, je pense?
M. Pagé: On a parlé surtout du benzène, mais
la norme de 10 ou 25, on ne peut pas vous le dire, essentiellement, ce qui a
été dit ce matin, c'est que la norme était plus rigoureuse
là-bas qu'ici.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Pagé: Et aux États-Unis.
Mme Lavoie-Roux: Et aux États-Unis.
M. Fontaine (René): Disons que la norme de dix, qui est
utilisée aux États-Unis, est beaucoup plus basse chez un membre
de cette association, que le maximum de dix. Nous, c'est trois, que nous
imposons à l'intérieur de notre raffinerie.
M. Pagé: Mais, à l'intérieur de votre
association, si ma collègue le permet...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Pagé: ... ça va de trois à combien?
M. Fontaine (René): Malheureusement, je ne peux pas
répondre pour tous les membres de l'association, mais ce serait
probablement le même ordre de grandeur.
M. Taschereau: C'est le genre de question à laquelle on ne
peut répondre aujourd'hui. Je ne suis pas préparé à
répondre à cette question, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Dans tous les cas, ce que je veux souligner, il
ne s'agit pas, pour moi, de confronter les uns avec les autres, mais on a quand
même ici la responsabilité de dire quelles sont les données
les plus précises qu'on peut avoir pour que, quand on va arriver
à établir des règlements, c'est-à-dire que ce n'est
pas nous qui allons les établir, mais au moins les examiner...
Actuellement, aux États-Unis, le TLV pour l'exposition au
benzène est de un p.p.m. en moyenne pour huit heures d'exposition. Il
est donc évident qu'au Québec, le TLV pour le benzène
devrait également être d'un p.p.m. pour huit heures d'exposition,
alors qu'actuellement, il est fixé à dix p.p.m. pour douze heures
d'exposition, dans certains cas aussi, parce qu'on nous a parlé d'un
chiffre...
M. Jolivet: ... c'était dix... Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Jolivet: ... alors qu'aux États-Unis, c'était
un.
Mme Lavoie-Roux: C'était un.
M. Pagé: D'autant plus que les représentants, ce
matin, parlaient dans leurs chiffres de douze heures de travail, en plus...
Mme Lavoie-Roux: Oui, et qu'ici, c'est calculé pour huit
heures.
M. Pagé: Huit heures.
M. Taschereau: Avant de tenter de répondre à une
question comme celle-ci, M. Fontaine a mentionné un chiffre pour la
compagnie Impériale Ltée, mais, avant d'oser donner un chiffre
sur d'autres sociétés pétrolières, c'est le genre
d'information que nous n'avons pas ici, au lieu de donner une information
faussée à cette commission, je préfère de beaucoup
qu'on fasse parvenir plus tard cette information qui, à ce
moment-là, sera exacte.
Mme Lavoie-Roux: Je l'apprécierais beaucoup, M.
Taschereau. Peut-être que les autres compagnies, quand elles viendront
tout à l'heure, pourront nous donner leurs chiffres. L'autre question
que je voulais vous poser là encore, vous allez peut-être
me dire que ça varie d'une industrie à l'autre quelles
sont les sommes, ou est-ce un pourcentage, des bénéfices ou de
l'administration que l'on consacre à la recherche? Est-ce que les
industries, à Montréal ou au Canada, font elles-mêmes
beaucoup de recherche ou s'appuient davantage sur les recherches qui sont
faites aux États-Unis? Qui a la responsabilité de faire avancer
ce dossier au plan de la recherche?
M. Taschereau: Vous parlez toujours, madame, de recherche dans le
domaine...
Mme Lavoie-Roux: De la santé, de la prévention, des
agents toxiques et...
M. Taschereau: II est difficile de mettre des chiffres et de
répondre de façon réellement adéquate à une
question comme celle-ci. Au niveau de la recherche, chacun oeuvre dans son
domaine, depuis des années; il y a des compagnies qui sont là
depuis 25 ou 30 ans. C'est depuis ce temps que
ces compagnies développent au fur et à mesure des
programmes de sécurité et qu'elles continuent à les
modifier, à les amender selon les cas et selon les circonstances.
Chacun, dans son domaine, fait la même chose. En plus, il y a des
rencontres entre les médecins des différentes compagnies qui
peuvent se raconter leurs succès et possiblement, à l'occasion,
leurs insuccès. Vous donner un montant d'argent, je n'oserais pas. Je
peux vous dire que cette recherche est constante. Nous avons des
hygiénistes, des médecins et le sujet de la
sécurité et de la santé est quelque chose qui est
discuté à l'intérieur de nos corporations,
individuellement, tous les jours, ou à peu près.
Est-ce qu'on pourrait vous dire que cela vaut tant de dollars ou tel
pourcentage? Je présume qu'on pourrait mettre un chiffre,
éventuellement; ce sont des sommes certainement grandes qui sont
versées, mais ceci se fait au fur et à mesure. Dans le fond,
c'est un peu à notre avis, en tout cas ce qui a fait dans
le domaine de la sécurité le succès de l'industrie
pétrolière, parce que cela s'est fait petit à petit, mais
sans jamais arrêter.
Mme Lavoie-Roux: Le fond de mon inquiétude est celui-ci.
J'accepte les statistiques qui sont là et, comme je vous le dis, votre
performance est évidemment bien au-dessus de la totalité des
autres, sinon la presque totalité, il faudrait que je l'examine de plus
près. Il reste que vous êtes dans un domaine, mises à part
les situations d'explosion il y a peut-être d'autres situations
aussi où les conséquences des accidents du travail sont
peut-être moins apparentes que dans la construction. Dans la
construction, l'ouvrier qui tombe de son échafaud, l'ouvrier qui
reçoit je ne sais quoi sur la tête ou des choses comme ça,
c'est peut-être plus facile à comptabiliser que dans un domaine
comme le vôtre, où ce sont peut-être les maladies de type
industriel qui, elles, je ne sais pas, dans l'état des connaissances
actuelles... d'abord, c'est certainement moins évident que quand le
bonhomme se casse un membre en faisant de la construction. C'est pour cela que
tout ça est relatif et c'est dans ce sens que je m'inquiétais de
la recherche et de l'état actuel des connaissances dans un domaine comme
le vôtre.
Je vais vous poser une question plus précise. Quand vous mettez
un nouveau produit sur le marché, est-ce que, dès ce
moment-là, une recherche est faite en fonction des conséquences
sur la santé des travailleurs qui sont appelés à le
produire, parce que ce produit-là peut contenir plusieurs
ingrédients qui ont de l'influence sur la santé du
travailleur?
M. Taschereau: Je ne suis pas chimiste, madame...
Mme Lavoie-Roux: Moi non plus.
M. Taschereau: ... mais je vais tenter de vous répondre de
cette façon-ci. Lorsqu'il y a un nouveau produit qui est
développé, c'est parce qu'il y avait évidemment à
ce moment-là un besoin pour ce produit-là et ce produit, parfois,
prend des mois et des mois où il est vérifié en
laboratoire pour s'assurer justement parce qu'il y a des lois
fédérales très sévères en ce sens-là
que lorsque ce produit sort sur le marché, il doit rencontrer le
minimum de ces lois.
Alors, dans le pétrole, c'est peut-être encore un peu plus
complexe alors que chaque produit qui est amené sur le marché est
testé pendant des mois et des mois compte tenu, évidemment... je
dis des mois mais il y a certains produits avec lesquels, j'en suis certain, on
a fait des essais pendant peut-être des années. Enfin, dans
l'ensemble des choses, ces produits-là sont vérifiés dans
les laboratoires où on fait le test et normalement ce produit n'est mis
sur le marché d'aucune façon que ce soit tant que nous ne sommes
pas certains qu'il n'affectera pas à la longue la santé ou la
sécurité des gens.
C'est dans ce sens-là que nous travaillons.
Mme Lavoie-Roux: C'est en fonction du public, mais je pensais en
fonction des travailleurs. À tout événement, je pense que
c'est une discussion qu'on pourrait continuer longuement. Je serais
peut-être mieux de retourner à l'école...
M. Taschereau: Rappelez-vous madame que les travailleurs passent
aussi régulièrement des examens. Il se pourrait bien qu'un jour
ou l'autre une erreur se glisse quelque part. L'erreur est humaine. Mais dans
l'ensemble des choses, nos gens qui travaillent en laboratoires passent des
examens régulièrement. C'est là un peu pourquoi on dit que
c'est tellement important que le médecin soit intégré
à notre industrie et qu'il connaisse très bien, si c'est
possible, les produits pétroliers parce que lui va pouvoir être
beaucoup plus près. C'est un peu le problème que nous avions avec
un médecin qui serait possiblement "enlevé" de l'entreprise. Ce
médecin qui est responsable de nos cours de prévention et de
maladie, s'assure, lorsque nous faisons des expériences en laboratoire,
que nos propres employés ou enfin que la sécurité à
peu près maximum existe justement pour éviter qu'un jour ou
l'autre la santé du travailleur soit affectée. Il y a donc des
normes de prévention et de sécurité dans nos laboratoires
qui sont extrêmement sévères. Évidemment dans le cas
des accidents, je n'ai pas besoin de vous dire que les normes de
sécurité d'une compagnie pétrolière sont
extrêmes. On ne peut pas aller à mi-chemin. Quelqu'un ne peut
évidemment pas fumer où on charge et où on décharge
les produits. Alors pour le genre d'industrie dans laquelle nous sommes, c'est
peut-être faire la force des choses, je ne sais pas, encore une fois je
me plais à dire qu'on n'a pas si mal réussi que ça. Dans
ce genre d'industrie-là, on a dû développer au fur et
à mesure des années, des mesures de protection et pour nos
employés bien sûr. Je me rabats toujours sur ce livre et je me
demande si je ne deviens pas gâté, mais les chiffres sont
là pour dire que dans ce sens-là on a bien réussi.
Quant aux mesures de sécurité, c'est la même
chose.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question... M.
Taschereau: Je vous en prie.
Mme Lavoie-Roux: ... celle-là est plus par
curiosité que pour les fins vraiment du débat. Dans une
société pétrolière vous êtes de BP?
Impériale, ah bon! On a beaucoup parlé tout à l'heure des
femmes enceintes... À l'intérieur de l'industrie elle-même,
quel est le nombre de femmes qu'on pourrait retrouver qui ne sont pas
affectées à des tâches de bureau? Est-ce qu'il y en a qui
pourraient être affectées justement par la disposition du retrait
préventif, compte tenu de l'environnement?
M. Fontaine (René): Pour répondre à votre
question, il y a des femmes qui travaillent dans l'industrie et en particulier
chez nous comme ingénieurs, par exemple, et qui sont appelées
à travailler dans les mêmes conditions que les ingénieurs
masculins. Le nombre n'est pas tellement élevé. La raison n'est
pas de la misogynie, mais un manque de disponibilité des candidates. (17
heures)
Mme Lavoie-Roux: Comme ouvrières, est-ce qu'il y en a?
M. Fontaine (René): Comme ouvrières, non, parce que
le travail est, règle générale, assez manuel et demande un
effort physique. Si le fait que la majorité...
Mme Lavoie-Roux: Ce serait davantage au niveau des
professionnels.
M. Fontaine (René): Au niveau des professionnels,
régulièrement. Nous en avons eu occasionnellement pour la saison
des vacances, qui ont travaillé manuellement, mais ce n'est pas
courant.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): II semble qu'il n'y ait plus
d'autres intervenants. Je remercie l'Association pétrolière du
Québec, ainsi que la compagnie Gulf Canada de leur participation aux
travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour et j'invite
maintenant la compagnie pétrolière Impériale
Limitée Esso à se présenter devant la commission.
J'invite le porte-parole à s'identifier et à nous
présenter ses collègues.
Compagnie pétrolière Impériale
Ltée
M. Hamel (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est
Roger Hamel, directeur au Québec de la compagnie
pétrolière Impériale Limitée. Je suis
accompagné aujourd'hui par Jean Roy, à ma gauche, directeur du
terminal à Québec. À ma droite, Michel Marcoux, directeur
du service des relations avec le personnel à notre raffinerie de
Montréal-Est; vous avez déjà rencontré René
Fontaine.
Le Président (M. Dussault): Je pense que de toute
évidence, il ne serait pas possible de lire votre mémoire en
vingt minutes. On vous prierait, s'il vous plaît, d'essayer de le
résumer. Si vous souhaitez le voir paraître intégralement
au journal des Débats, ce sera fait.
M. Hamel: On apprécierait beaucoup ça, M. le
Président, si vous pouviez faire paraître notre mémoire au
complet.
Le Président (M. Dussault): D'accord, ce sera fait. (Voir
annexe H)
M. Hamel: II y a quand même un petit texte que j'aimerais
lire pour faire ressortir quelques points.
Le Président (M. Dussault): D'accord, vous avez la
parole.
M. Hamel: Merci. Il va sans dire que nous sommes heureux d'avoir
l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi no 17.
Puisque vous avez déjà pris connaissance du mémoire, je
vais, comme vous l'avez demandé, M. le Président, faire ressortir
d'une manière condensée quelques sujets traités dans le
mémoire.
En ce qui nous concerne, à l'Impériale, la santé et
la sécurité sont des éléments indissociables d'une
méthode de travail efficace. Nous croyons fermement qu'il est dans
l'intérêt du personnel, aussi bien que de la compagnie, que le
travail soit accompli en toute sécurité. Au fil des
années, nous avons accompli à cet égard des progrès
notables et nous sommes particulièrement fiers des résultats
obtenus. Les statistiques contenues dans le livre blanc, auxquelles a
référé M. Taschereau tout à l'heure, montrent sans
l'ombre d'un doute, que l'industrie pétrolière est l'un des
secteurs de travail les plus sûrs et les plus salubres de toute
l'industrie au Québec.
Je pense et je suis fier de constater que notre compagnie a largement
contribué à cette avance. Par exemple, en 1978, nous avons eu au
Québec 0,63 accident de travail par 100 travailleurs, alors que
l'industrie manufacturière en a encouru au-delà de 20 par
année. Ce succès est attribuable à trois facteurs
principaux: D'abord, nous avons bénéficié de services
complets de santé à la plupart de nos établissements de
travail depuis plus de trente ans. Nos professionnels de la santé,
médecins, infirmières, hygiénistes et membres du personnel
de soutien bénéficient d'une large autonomie et d'une grande
indépendance professionnelle à l'égard de la direction et
ont su gagner la confiance des travailleurs aussi bien que de la direction.
En deuxième lieu, la prévention des accidents dans nos
usines est devenue une façon de vivre depuis plusieurs décennies.
La direction a été rendue responsable de la santé et de la
sécurité des travailleurs qui ont été
encouragés à participer à cet effort à tous les
niveaux.
Troisièmement, l'aspect sécurité au travail a
été intégré dans tous les cours de formation de
notre personnel. C'est donc dire que le travailleur qui apprend à
exécuter une tâche apprend à la faire d'une façon
sûre.
Notre but, en vous présentant un mémoire, est de vous
faire connaître nos principales préoccupations en ce qui concerne
ce projet de loi et de présenter un certain nombre de propositions qui,
à notre avis, rendraient le projet de loi plus efficace. Il va sans
dire, je ne le mentionne pas ici, mais nous ne sommes pas contre les objectifs,
au contraire, nous sommes en faveur de ce que vous voulez faire, c'est tout
simplement une question de modalité et une façon de
procéder.
La politique de l'Impériale en matière de santé se
fonde sur les principes suivants: 1.La santé des travailleurs
présente un intérêt immédiat pour la direction; 2.la
direction a un intérêt immédiat à ce que les
travailleurs soient affectés à des postes qui sont compatibles
avec leur aptitude à s'acquitter de tâches; 3.la direction a la
responsabilité de créer et de maintenir des conditions de travail
salubres.
Ces principes se traduisent, en pratique, par l'application d'une
médecine préventive et constructive; on travaille dans les deux
sens et on a des détails sur ça dans notre mémoire.
Comme vous pouvez le constater, la politique énoncée
ci-dessus est conforme aux objectifs généraux du projet de loi no
17. Notre service médical, s'il survit à l'implantation de cette
loi je devrais souligner le mot "si" respectera du reste toute
réglementation qui suivra la mise en vigueur de la loi.
Bien entendu, nos professionnels de la santé veulent collaborer
avec les services publics et les établissements locaux de santé.
Nous sommes prêts à adapter nos programmes à ceux
imposés par le nouveau système, mais il nous semble inacceptable
de jeter à bas l'organisation de notre service médical, comme le
propose le chapitre VIII relatif aux services de santé au travail. Cette
modification signifierait une diminution de services pour notre personnel qui
se trouverait ainsi désavantagé par rapport à d'autres
établissements de la compagnie situés en dehors de la province;
elle entraînerait le démembrement de notre service médical;
l'exclusion des travailleurs québécois de l'Impériale de
notre système d'information médicale et la perte d'une
compétence passée et future de niveau international sur les
questions de plus haut intérêt concernant la santé et la
sécurité de nos travailleurs.
Nous demandons donc que le projet de loi soit modifié pour
autoriser le maintien des services médicaux existants des compagnies,
sous réserve qu'ils soient tenus de se conformer à des exigences
très précises que la loi devrait préciser. Personne ne
saurait bénéficier de la disparition de services médicaux
déjà bien établis.
En ce qui concerne nos programmes de prévention; ils sont
conçus sur une base fonctionnelle et/ou régionale, et sont
conformes aux politiques générales de la compagnie.
L'uniformité et la cohérence de nos programmes seraient mises en
péril par cette partie de loi articles 48 et suivants qui
stipule que chaque établissement devra avoir son propre programme de
prévention. La loi pourra facilement prévoir la mise en place
d'un programme de prévention unique pour tous les établissements
d'une compagnie au Québec, sans pour autant exiger un programme distinct
pour chaque établissement.
Un mot sur les pouvoirs de décision, pouvoirs que certains ont
appelés pouvoirs de gérance. Ce projet de loi attribue la
responsabilité ultime de la santé et de la sécurité
au travail à l'employeur. Nous sommes totalement d'accord avec ce
principe et nous sommes prêts à continuer dans la même voie.
Toutefois, si, d'une part, la loi décrit en détail comment cette
responsabilité doit être assumée, elle enlève,
d'autre part, à l'employeur, une bonne partie de l'autorité dont
il a besoin pour prendre les décisions susceptibles d'assurer la
santé et la sécurité de ses travailleurs.
Une façon efficace de s'assurer que l'employeur assumera ses
responsabilités est d'exiger qu'il rende compte, aux travailleurs, de
ses actes dans le domaine de la santé et de la sécurité.
La loi devrait simplement obliger l'employeur à rendre compte aux
travailleurs, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'un
comité de santé et de sécurité.
À l'Impériale, la direction a la responsabilité de
la santé et de la sécurité des travailleurs, mais elle
détient aussi l'autorité nécessaire pour prendre les
décisions qui s'imposent après avoir pris connaissance du point
de vue des travailleurs. Grâce aux divers moyens de communication et de
consultation déjà en place, la direction informe le personnel des
mesures qui ont été arrêtées et les justifie
auprès des travailleurs.
Il y a trois aspects précis de cette section du projet de loi qui
nous préoccupent. Le premier, c'est que nous ne croyons pas que le
comité de santé et de sécurité devrait
détenir des pouvoirs de décision. Deuxièmement, pour
être efficace, un comité d'entreprise doit s'efforcer
d'établir un consensus dans un esprit constructif. Or, le comité
paritaire prévu dans le projet de loi semble orienté vers
l'affrontement; c'est la façon dont on le conçoit.
Troisièmement, il serait beaucoup plus efficace que l'employeur continue
de tenir des registres d'accidents. Je pense qu'on est bien
équipé pour le faire.
Pour ce qui concerne les représentants à la
prévention, il ne nous semble pas souhaitable qu'ils soient
nécessairement membres du comité de santé et de
sécurité, comme l'indique le projet de loi. Ceci nous
apparaît comme une contrainte inutile.
Un autre aspect du projet de loi jugé extrêmement rigide
est le droit de refus. Nous sommes, nous aussi, d'avis qu'un travailleur
devrait avoir le droit de refuser d'exécuter un travail qu'il croit
sincèrement dangereux pour sa santé on est d'accord avec
cela sa sécurité ou son intégrité physique
ou qui pourrait exposer une autre personne aux mêmes dangers. On est
pleinement d'accord avec ce droit de refus. Dans l'élaboration
du mécanisme cependant de l'exercice du droit de refus, il
faudrait tenir compte du fait que la loi imposera des contraintes morales et
légales extrêmement lourdes aux employeurs par la voie des
pénalités et des contrôles prévus dans le projet de
loi, lesquels devraient s'avérer suffisants pour décourager toute
tentative de manipuler l'exercice pratique du droit de refus.
C'est pourquoi il nous semble inutile à toutes fins utiles de
prévoir un processus long et complexe pour le règlement des
contestations.
Finalement, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas demander
à un autre travailleur d'effectuer le travail refusé par un
premier travailleur, pourvu qu'il soit informé du refus et des raisons
invoquées par le premier. Nous suggérons que le projet de loi
soit modifié en ce sens.
L'attribution de nombreuses responsabilités à la
Commission de la santé et de la sécurité au travail
s'ajoutant aux innombrables pouvoirs de contrôle et de
réglementation qui en découlent laissent présager la
création d'une superbureaucratie. Nous nous inquiétons de
l'efficacité réelle de la commission et des dépenses
inutiles que nous, à titre d'employeurs, et finalement que tous les
Québécois seront appelés à supporter.
Une autre conséquence de l'omniprésence de la commission
se traduira par l'inévitable déplacement de la
responsabilité réelle de la santé et de la
sécurité, du lieu de travail à la commission. Je vois
vraiment une inconsistance dans ce que vous voulez faire ou souhaitez faire, de
la façon dont je le comprends en tout cas.
Les inspecteurs dont la nomination est prévue dans le projet de
loi disposeront de pouvoirs très étendus, allant jusqu'à
la confiscation. L'intervention des inspecteurs dans toutes les phases de nos
activités exigera de leur part des connaissances et des
compétences très vastes.
À cet égard, nous avons deux préoccupations:
D'abord, nous déplorons le fait que le projet de loi ne donne aucune
précision sur les qualifications qui seront exigées de la part
des inspecteurs. Nous pensons que c'est là une lacune à combler.
Deuxièmement, nous doutons de la possibilité de recruter un
nombre suffisant d'inspecteurs de très haut calibre. On en parle un peu
plus longuement dans notre mémoire...
En conclusion, nous pensons avoir démontré que le projet
de loi no 17, s'il est adopté dans sa forme actuelle, empêchera
notre compagnie de continuer à assurer à son personnel le haut
niveau de sécurité dont il bénéficie
actuellement.
Dans son désir louable de protéger l'ensemble des
travailleurs québécois contre les accidents et les maladies du
travail, le gouvernement a décidé de prendre une approche globale
qui pourra effectivement régler certains problèmes de
santé et de sécurité au travail, mais qui créera
aussi et sans motif valable beaucoup de difficultés nouvelles. Ainsi,
pour des employés comme les employés de l'Impériale qui
ont des programmes efficaces de prévention, il s'agira d'un net recul.
Nous prions donc le gouvernement de concentrer son attention sur les
problèmes particuliers et de modifier son projet de loi en
conséquence.
Voilà, M. le Président, mon court exposé. Je vous
remercie.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Hamel. M. le
ministre. (17 h 15)
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
compagnie pétrolière Impériale Ltée de son
mémoire. Il y a un élément je l'ai
évoqué tantôt qui m'apparaissait intéressant
dans votre mémoire et j'y reviendrai tout à l'heure. Je comprends
qu'il y ait des points de vue différents, comme l'évoquaient
d'ailleurs les membres de l'association tantôt, concernant le
représentant à la prévention.
Avant, j'aurais trois questions à poser. Au préalable, mes
questions seront peut-être sensiblement modifiées, selon les
réponses que vous apporterez à mes deux premières
questions. Cela va peut-être sembler loin, mais enfin, je pense que c'est
très collé.
Je voudrais savoir si on a fait une vérification rapide,
mais on n'a pas la réponse les travailleurs chez vous sont
syndiqués? Deuxièmement, comment évaluez-vous
présentement l'état des relations de travail à
l'intérieur de votre entreprise? Est-ce que vous diriez que les
relations sont bonnes, qu'il y ait un syndicat ou non, ou est-ce que vous
seriez plutôt porté à dire: On vit un certain nombre de
problèmes. Ou est-ce que vous seriez plutôt porté à
dire: Non, on a de sérieux problèmes. En d'autres termes, c'est
plutôt tendu et un petit peu plus détérioré. Quelle
sorte d'évaluation faites-vous présentement de l'état des
relations de travail à l'intérieur de votre entreprise?
M. Hamel: Pour répondre à votre première
question, non. Pour répondre à votre deuxième question,
moi, j'évaluerais les relations de travail chez nous comme bonnes. Cela
fait 52 ans que nos travailleurs n'ont pas perdu une heure de travail à
cause d'un conflit patron-employés. Alors, c'est un indice qui est quand
même assez impressionnant pour nous.
Maintenant, nous avons une foule de mécanismes de consultations,
de discussions, de communications avec les employés qui, je pense, nous
permettent de maintenir un haut degré de compréhension, disons,
de l'état de penser de nos employés vis-à-vis la
compagnie. Je pourrais vous donner une foule d'exemples ainsi que mes
collègues qui sont avec moi et qui ont plus de détails sur cela.
En général, c'est la façon dont j'évaluerais la
chose. Maintenant, il y a toujours deux côtés à la
médaille et il faudrait également consulter le côté
des employés pour voir comment ils perçoivent les relations avec
leur compagnie. Mais vous me demandez mon évaluation. Je crois qu'elle
est bonne.
J'aimerais si vous me permettez une autre phrase
être bref parce qu'on approche l'heure du souper. Il y a des syndicats
à l'Impériale. J'ai répondu non pour l'Impériale
comme cela, à votre question, parce qu'au Québec, nous n'avons
pas de syndicat. Mais il y a une couple de syndicats à
l'Impériale. La raffinerie IOCO à Vancouver est
syndiquée. Je crois - cela a pu changer depuis un certain temps
que nos bateaux-citernes sur la côte ouest du Canada sont
syndiqués et je pense que les employés du terminal
d'approvisionnement à Vancouver sont syndiqués. Mais à
part cela, je ne crois pas qu'il y ait de syndicat à l'Impériale
dans le moment.
M. Marois: Je vous remercie. Partant de là et sur la base
de l'évaluation que vous faites et au fond, votre évaluation,
c'est quand même la vôtre. Vous avez raison, peut-être que
pour avoir un tableau complet il faudrait voir l'autre côté de la
médaille. Mais enfin, votre évaluation, c'est que les relations
sont bonnes.
Vous dites je pense bien qu'on vous croit sur parole que
vous faites des efforts dans ce sens, avec toute une série d'instruments
et de moyens pour maintenir cet état de chose. Ma première
question, partant de là, et de l'évaluation que vous faites de
l'état des relations qui sont bonnes, c'est la suivante c'est en
même temps, un commentaire-question vous dites, concernant les
services de santé que votre lecture du projet de loi no 17 implique
je pense que c'est l'expression même de votre mémoire
que vous craignez que cela jette "à bas" l'organisation du
service médical de votre entreprise.
Comme votre évaluation, présentement, de l'état des
relations dans votre entreprise est que les relations sont bonnes, qu'il y a
donc là un état général de satisfaction. Il peut
bien y avoir des accrochages. Je pense que c'est inévitable, surtout
à l'intérieur d'une entreprise de la taille de la vôtre.
Dans la mesure également, où comme vous le mentionnez dans votre
mémoire, votre entreprise les services de santé de votre
entreprise sont prêts à adapter, le cas
échéant, si nécessaire, des programmes de santé
à ceux qui pourraient s'ajouter, en vertu du nouveau système, je
me demande comment vous pouvez en arriver à cette conclusion de jeter
à bas, parce que je ne vois pas ni comment, ni pourquoi, en raison du
simple changement de l'agent payeur paiement par la Régie de
l'assurance-maladie que tout serait automatiquement détruit,
jeté à bas et que vous seriez pris pour reconstruire à
moindre compte avec un nivellement à la baisse, de services qui sont
là, que vous avez développés.
En effet, si ces programmes, si le personnel qui est là, sur la
base de l'évaluation que vous faites de l'état des relations,
sont bons, que la qualité est bonne, que les services sont
appréciés, qu'ils sont d'une bonne qualité, ne croyez-vous
pas que les représentants des travailleurs et, forcément,
vous-mêmes, je présume, puisque... Sinon, je pense bien que vous
ne les garderiez pas à votre service si vous évaluiez que le
personnel impliqué dans vos services de santé était
incompétent et non qualifié. Je pense que vous y auriez
déjà vu. Donc, si les deux parties, sur la base de ce que vous
dites, évaluent que c'est valable, ne pensez-vous pas qu'à
l'unanimité à l'occasion d'une discussion à
l'intérieur du comité conjoint, du comité paritaire
les parties accepteraient sur la base des qualifications, etc., de ce
qui est prévu dans le projet de loi de maintenir en place les
équipes qui sont là? Si, par exemple, le médecin qui est
là est qualifié, compétent et reconnu comme tel, et que
selon le conseil des médecins et dentistes il tombe donc sur la liste de
ceux qui sont admissibles, qui peuvent être choisis, ne pensez-vous pas
que la conclusion serait que si tout le monde est satisfait, je ne vois pas
comment, tout d'un coup, brutalement, la situation se trouverait
renversée du jour au lendemain, pour passer d'un état de
satisfaction, de bonnes relations, à un état soudainement devenu
complètement détérioré et menant à des
situations où, véritablement, tout est jeté par terre.
J'avoue que, là... C'est pour ça que je vous disais: selon la
réponse, je pense que j'aimerais vous entendre, et je pense que les
membres de la commission apprécieraient voir sur quoi d'autres, de
fait... Je ne veux pas me situer à un niveau théorique ou
idéologique. Ce n'est pas du tout l'approche. Mais très
concrètement, comment pouvez-vous, d'abord, partant de ces faits, en
arriver à une conclusion comme celle-là?
Ma deuxième question, j'ai pris bonne note je l'ai
évoqué tantôt je pense que vous manifestez une
grande ouverture d'esprit. Je pense que les membres de la commission
l'apprécient. Vous ne vous opposez pas du tout à la venue d'un
représentant à la prévention. Vous recommandez cependant
un certain nombre de choses. Est-ce que le nombre de membres du comité
paritaire, qui pourrait s'ajuster aux horaires de travail par poste, est-ce que
ce n'est pas là la solution au problème que vous évoquez?
Parce que je comprends que... Vous nous dites: on ne voit pas pourquoi il
devrait siéger au comité conjoint et vous avez peut-être
des raisons. Je pense qu'il serait intéressant qu'on entende vos raisons
là-dessus.
Une dernière question. Vous vous opposez à ce que seules
les associations syndicales puissent faire partie des associations
sectorielles, avec, bien sûr, les représentants de la partie
patronale. Le problème, c'est comment - peut-être que vous avez
des suggestions, moi, je suis bien prêt à les écouter - par
définition, les travailleurs qui ne sont pas regroupés en
association... comment peut-on assurer leur représentation à
l'intérieur d'une association sectorielle et une représentation
au sens strict du mot, c'est-à-dire que ceux qui soient choisis
représentent vraiment quelque chose. Comment peut-on résoudre ce
problème? Voilà, M. le Président, les trois questions
précises que je voulais poser.
M. Hamel: M. le ministre, je vous remercie infiniment des
questions, en somme...
M. Marois: En passant, je voudrais simplement ajouter à
nouveau, comme on l'a évoqué, que vous pouvez être
assuré que chacun des angles du mémoire que, forcément
vous avez dû résumer, va être attentivement
étudié et examiné.
M. Hamel: Je vous remercie, M. le ministre, pour vos trois
questions qui seraient pratiquement le sujet d'un autre mémoire parce
que ce sont vraiment les trois questions clés de toute cette loi, en ce
qui nous concerne à l'Impériale; c'est pour cela que nous sommes
ici aujourd'hui. Alors, j'apprécie beaucoup d'avoir cette occasion d'en
discuter. Je vais faire des commentaires et je vais inviter mes
collègues à intervenir s'ils ont quelque chose à ajouter,
mais on va essayer de le faire le plus rapidement possible.
Votre première question sur le système que nous avons qui
est bien rodé, qui fait partie de toute l'organisation de
l'Impériale. Le médecin occupe une place très importante
chez nous, il fait partie du comité directeur, etc, il est très
professionnel. Nous avons peut-être mal interprété ce que
vous vouliez faire. Ce que nous comprenons dans le projet de loi tel qu'il est
rédigé et on a beaucoup parlé de cette question,
c'est à peu près celle qui nous préoccupe le plus
c'est que nous avons ce service, nous avons un médecin à temps
plein qui passe à peu près la moitié de son temps, ou un
peu plus, à la raffinerie. Il a une clinique là, avec des
infirmières, du personnel, et aussi à la Place Ville-Marie
où est situé notre siège social au Québec,
où nous avons une clinique, des infirmières, etc. Nous avons
d'autres médecins, qui sont à la pige, qui ne sont pas en
permanence chez nous, qui viennent l'aider.
La façon dont nous comprenons le projet de loi ou ce que vous
proposez de faire, c'est qu'à l'avenir, le comité de santé
et de sécurité à la compagnie, aurait le choix du
médecin. Ce médecin qui serait choisi par le comité
viendrait d'un CLSC et il serait responsable d'environ 4000 employés.
C'est la façon dont on avait compris cela. Notre médecin,
à l'Impériale, est responsable, aujourd'hui, d'environ 450
employés. Ce n'est pas la question de coût qui nous
préoccupe, si la loi est passée, on doit la suivre à la
lettre ce qu'on fera évidemment cela nous coûtera
beaucoup moins cher, comme compagnie, que cela nous coûte aujourd'hui
pour assurer la santé de nos employés. Ce n'est pas du tout une
question de coût pour nous, c'est une question d'efficacité, de
productivité.
Ce n'est pas tout simplement d'avoir le même médecin,
d'avoir les mêmes infirmières, d'avoir le même personnel
on voyait l'État, une étatisation de la médecine
industrielle, c'est la façon dont je conçois cela qui
vienne d'un CLSC qui serait, disons, à Pointe-aux-Trembles. Il y a un
bonhomme là qui est très qualifié ce pourrait
être le médecin, cela pourrait être notre médecin qui
est choisi qui s'occupe de nous, qui s'occupe des autres compagnies,
peut-être Union Carbide et Canada Cernent pour arriver à un nombre
total, qui est disponible seulement une partie du temps parce que,
évidemment, il n'a pas seulement nous comme client, et nos gens
n'auraient pas le même service. Moi-même, je suis très
inquiet comme individu parce que, croyez-le ou non, je suis un travailleur, je
gagne mon salaire à la compagnie et c'est lui qui me traite, c'est lui
qui me conseille.
Quand on a une grosse fin de semaine, parfois le lundi matin on aime
ça aller le voir et lui faire une petite confession. Il est là
pour nous aider, pour nous renseigner. Évidemment, il ne nous offre pas
de traitement, mais il peut faire des consultations, nous envoyer voir des
spécialistes, etc. Je me suis habitué à cela depuis les 25
années que je suis à l'Impériale. Je regretterais beaucoup
que cela disparaisse, cela fait partie de tout ce que j'ai de la compagnie
parce que ce n'est pas seulement le salaire qui compte, et il y a beaucoup
d'employés qui...
M. Marois: Si vous me permettez, je m'excuse de vous
interrompre...
M. Hamel: Parce que je parle trop longtemps?
M. Marois: Non, pas du tout, et c'est intéressant parce
qu'on est au coeur. Je m'aperçois d'une chose en vous écoutant,
c'est qu'il se peut fort bien qu'il y ait... c'est peut-être parce que le
texte est ambigu, c'est pour cela que je pense que c'est important, ce qu'on
gratte là; le cas échéant, si les textes ne sont pas
clairs, on va s'assurer d'apporter les amendements qui s'imposent. (17 h
30)
Vous personnellement, vous avez confiance en ce médecin, vous le
consultez personnellement, d'autre part, vous estimez que les relations sont
très bonnes à l'intérieur de l'entreprise en tout
cas, bonnes il y a des problèmes, où est-ce qu'il n'y a
pas de problèmes? Si c'est vrai, si ce médecin-là est un
médecin qualifié, compétent je présume qu'il
l'est, s'il ne l'était pas et que vous le gardiez là, vous auriez
vous-même un problème sur les bras mais en tout cas...
M. Hamel: Non, c'est sûr qu'il est compétent. Vous
n'êtes pas obligé de qualifier ça, il est
compétent.
M. Marois: II y aurait un côté plutôt
masochiste d'aller le consulter vous-même en plus, et je pense bien que
ce n'est pas du tout ce que vous êtes en train de nous décrire,
bien au contraire, c'est l'opposé.
S'il est qualifié et compétent et qu'il est
apprécié en conséquence par les hommes et les femmes qui
travaillent là ce n'est pas le fait qu'il soit payé par la
Régie de l'assurance-maladie, comme vous l'avez évoqué,
coup pour coup, ce n'est pas là qu'est le problème et
qu'il a tant d'années d'ancienneté. Donc, il est un de ceux qui
seraient reconnus, parce que des médecins spécialisés dans
ce domaine-là au Québec, ça ne court pas les rues, au
contraire on en manque. Il va falloir en former extrêmement rapidement.
Vous êtes une de ces entreprises, compte tenu de la taille de
l'entreprise, où vraisemblablement on peut envisager l'hypothèse
qu'il en faut un en permanence. Sinon, vous ne l'auriez pas fait
spontanément chez vous. Si c'est vrai qu'il est qualifié, que les
relations sont bonnes, qu'il est reconnu
comme tel avec l'entrée en vigueur du projet de loi no 17, vous
ne pensez pas que lors de la rencontre que vous allez avoir avec les
représentants des travailleurs, que les chances sont très
élevées et très fortes que, dans la liste des
médecins qui serait soumise, sur laquelle liste apparaîtrait le
nom de ce médecin, il serait retenu avec tout le personnel qui est
déjà là pour poursuivre le lendemain matin exactement le
travail qu'il fait dans les mêmes bureaux, avec les mêmes
équipes, chez vous?
M. Hamel: Je pense que c'est fort probable qu'il soit choisi,
mais à ce moment-là il ne travaillerait pas seulement pour nous
et chez nous. Il travaillerait pour d'autres personnes aussi. Il sera
divisé. C'est un de nos avantages d'avoir pour un petit nombre...
M. Marois: Excusez! Quand vous dites: II va travailler pour
d'autres personnes, quelles autres personnes?
M. Hamel: Oui, d'autres raffineries, peut-être, d'autres
usines...
M. Marois: Mais si votre entreprise est de cette taille-là
et votre entreprise ce n'est pas un détail, ce n'est pas la
tabagie du coin de la rue il s'agirait donc d'un médecin
affecté. Dans certaines entreprises, il va falloir que ce soit des
médecins affectés à temps plein à cause simplement
de la taille de l'entreprise, alors que dans des entreprises de plus petite
taille, tout le monde convient que le médecin peut en couvrir
plusieurs.
M. Hamel: Oui, mais ce que vous suggérez...
M. Marois: Donc, je ne vois pas non plus sur quoi vous fondez
l'autre volet de votre crainte.
M. Hamel: Je me fonde sur ce que vous avez dit: II semble
réaliste de proposer un rapport d'un médecin pour 4000
travailleurs et d'une infirmière pour 1000 travailleurs. Nous avons un
médecin pour 450 travailleurs et il y a quatre infirmières pour
450 travailleurs. C'est ça qui fait la différence vraiment.
M. Marois: Oui mais pour ne pas qu'on fasse une mauvaise lecture
des données, M. Hamel, ce que vous venez de citer est tout à fait
exact et c'est dans le livre blanc, si ma mémoire est bonne, c'est le
rapport sur l'ensemble de la population à desservir, mais vous ne pouvez
pas faire une équation automatique entre ça et la taille de
l'entreprise. Parce que s'il devait y avoir un médecin à temps
plein uniquement dans les entreprises où il y a 4000 travailleurs et
plus, les cas seraient plutôt rares au Québec.
M. Hamel: M. le ministre, si je comprends bien...
M. Marois: Mais je comprends parfaitement bien votre
préoccupation, mais je me rends compte que probablement il y a des
lectures bien différentes qu'on fait des textes et que peut-être
ça demande clarification. Dans ce sens-là la discussion est loin
d'être inutile.
M. Hamel: Alors vous n'êtes pas prêt à nous
assurer un médecin chez nous et le même genre de personnel, nombre
et qualification de personnel, parce qu'on a en plus des hygiénistes
professionnels? C'est important, et j'espère que vous allez retenir
ça parce que c'est la principale préoccupation.
J'aimerais passer à votre deuxième question, si je peux
lire mon écriture... L'inspecteur... Est-ce que j'ai assez
détaillé ou est-ce que mes collègues ont quelque chose
à ajouter à ce que j'ai dit sur cette question?
L'inspecteur: On suggère qu'il ne siège pas
nécessairement au comité. On ne s'oppose pas à ce qu'il
siège au comité. Ce qu'on dit, c'est que nécessairement il
ne doit pas siéger parce que nos inspecteurs parce qu'on en a
sont professionnels. Ils ne sont pas nécessairement élus
au comité. Ils ne représenteront peut-être ni les
employés ni la compagnie et on voudrait être libre parce que c'est
un professionnel qui a été engagé, pas parce qu'il est
élu, mais parce qu'il a fait preuve de ses compétences. C'est
pour ça qu'on dit ça.
M. Marcoux (Michel): M. le ministre, j'aimerais illustrer la
situation où dans l'usinage ou le raffinage, il existe des
procédures où nos travailleurs doivent attendre la
présence de nos spécialistes en sécurité, soit avec
des équipements d'incendie ou pour s'assurer que les procédures
seront bien suivies. Cela exige la présence de notre personnel et ce
poste signifierait qu'il serait également accompagné d'un
représentant à la prévention qui viendrait d'un autre
groupe. Cela représenterait facilement deux personnes. Nous avons
déjà à la raffinerie un groupe de six spécialistes
à temps plein dans le domaine de la sécurité. Il n'est pas
dit qu'il serait nécessairement élu pour être un membre du
comité paritaire représentant les employés
rémunérés à l'heure.
M. Hamel: Votre troisième question sur l'association
sectorielle ou le comité sectoriel, je ne connais pas le terme exact,
vous nous demandez une suggestion, à savoir comment le former si les
syndicats ne sont pas les représentants des employés. Ma
réponse à ça c'est de ne pas en avoir. Je ne vois pas
l'utilité de cette association sectorielle. Il y a chez nous une
certaine fierté dans le fait qu'on voudrait en faire un peu plus que les
autres. Pour nous, ça fait partie de toutes les normes, cette question
de santé et de sécurité au travail. On aime bien mieux
avoir des règles du jeu établies par le gouvernement, des normes
qu'on doit respecter, qu'on est prêt à respecter, on le dit dans
notre mémoire, mais sans avoir un intermédiaire entre nous et les
autorités responsables de l'application de la loi.
Pourquoi cette association sectorielle qui nous amènera au
même niveau que nos concurrents? Je ne leur en veux pas, mais je voudrais
être bien mieux qu'eux. Je crois qu'en travaillant... je
représente une société aujourd'hui, l'Impériale. Je
suis fier qu'on fasse les choses un peu mieux, nous le pensons, que nos
concurrents, du moins on voudrait faire mieux que nos concurrents. Alors
pourquoi faire partie d'une association pour nous amener au même commun
dénominateur, au même niveau que les autres? La concurrence, c'est
la base de l'entreprise libre, il y a de la concurrence dans tous les domaines,
pourquoi pas dans la santé et sécurité au travail, du
moment qu'on rencontre, comme minimum, les normes.
Je dis, pas d'association sectorielle.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier, messieurs, de la compagnie Impériale. Il faut dire aussi, M.
Hamel, qu'on vous attendait à un autre moment cette semaine, on
s'attendait de vous voir mardi; c'est une autre affaire. Vous avez
été bien représenté.
M. Hamel: J'ai décidé de porter seulement un
chapeau cette semaine.
M. Pagé: M. Hamel, je vous remercie du témoignage
que vous venez de rendre, parce que c'est un exemple, ce que vous avez mis en
relief, ce que vous avez cité aujourd'hui aux membres de la commission.
C'est ce dont on discute depuis déjà un bon bout de temps et vous
avez donné un volet bien pratique, bien vécu au sein de votre
entreprise, du danger qui nous guette avec l'adoption du projet de loi no
17.
Nous craignons, quant à nous, que le projet de loi 17
entraîne, comme vous le dites, comme le ministre s'est interrogé
là-dessus tantôt, des effets à la baisse dans certains
secteurs d'entreprises où cela allait déjà bien au
Québec.
M. Marois: M. le député de Portneuf, ce n'est
sûrement pas votre intention de me faire dire des choses que je ne dis
pas, je suis certain, c'est sûrement parce qu'il est 17 h 40.
M. Pagé: Ce n'est pas ce que vous avez dit, c'est sur quoi
vous vous êtes interrogé tantôt.
M. Marois: Je pose des questions, on est là pour
s'informer et essayer de donner le meilleur texte de loi.
M. Pagé: On ne commencera pas à se chicaner
après huit jours d'audition; cela allait trop bien, il faudrait
continuer comme ça.
M. Marois: Oui, oui.
M. Pagé: De toute façon, nous soutenons, quant
à nous, que le programme-cadre de santé, la structure
établie affecte des secteurs d'industrie où cela allait bien. On
a eu l'exemple des infirmières qui nous ont dit, essentiellement: Nous
voulons demeurer dans nos entreprises respectives. Vous donnez l'exemple
aujourd'hui du cas d'un médecin, les efforts que vous avez
vous-même déployés. C'est évident qu'on peut
répondre à ça comme le ministre y répond, il n'y a
pas de problème parce que le médecin pourra être
nommé par le comité paritaire qu'il y aura chez vous.
En plus le degré de satisfaction où, entre autres, les
relations de travail ne semblent pas poser de problème, tout au moins
pas avec beaucoup d'acuité, ça semble bien aller. Mais je
soutiens que c'est quand même faire preuve de beaucoup de
méconnaissance à l'égard de l'administration, de la
paperasse gouvernementale parce qu'il y en aura le mode de
décision gouvernemental et ce que vous avez cité comme pouvant
survenir lors de l'adoption de la loi 17, je me dis, c'est non seulement
possible, mais c'est très probable. Je ne suis pas convaincu que,
là où il y a un médecin à temps plein, au
Québec, dans une entreprise, qu'il pourra nécessairement y en
avoir un à temps plein par la suite. La façon dont ça va
se passer c'est que le département de santé communautaire aura
quand même une responsabilité sur tout un territoire. Dès
le départ, le département de santé communautaire n'aura
pas des budgets comme il veut en avoir, qu'on ne se fasse pas d'illusions avec
ça. On a eu l'expérience des centre locaux de services
communautaires au Québec, les CLSC. On a été
étroitement associé comme parti politique... M. le ministre, je
voudrais bien que vous soyez attentif...
M. Marois: Je ne perds pas une de vos paroles!
M. Pagé: Vous m'écoutez? Vous m'écoutez avec
vos oreilles et vous lisez l'autre mémoire des yeux! C'est bien,
continuez!
On a eu l'expérience des CLSC au Québec. Sur papier,
c'était idéal, c'était bien, c'était la
façon d'améliorer les services de santé de première
ligne; mais, aujourd'hui, la presque totalité des CLSC disent au
ministre des Affaires sociales: On a besoin de plus gros budgets pour remplir
notre mission. Il y aura, entre les départements de santé
communautaire, une concurrence au niveau budgétaire, qu'on le veuille ou
qu'on ne le veuille pas, compte tenu des besoins dans le milieu.
Dans la région de Montréal, par exemple, la région
de Pointe-aux-Trembles, que vous avez mise en relief, il est possible que dans
ce secteur donné, à partir d'un budget X attribué au
département de santé communautaire qui aura juridiction
là-bas, que le département juge, compte tenu que votre
performance en matière d'accidents du travail la performance des
raffineries en général, l'Association provinciale en a
témoigné cet après-midi et d'ailleurs les données
du ministre en témoignent il n'est pas impossible que ce
département de santé communautaire, qui aura à
déterminer et à décider où les médecins et
les in-
firmières doivent intervenir, dise: Chez Impériale, ce
n'est pas quatre infirmières, c'est seulement une infirmière tant
de jours par semaine.
C'est dans ce sens, M. le ministre, que nos représentations vous
ont été faites, en vous demandant, par le projet de loi no 17,
d'intervenir de façon différente; de ne pas modifier toute la
structure, ne pas donner un coup de documents sur tout ce qui a
été fait et faire table rase, mais d'intervenir dans les secteurs
prioritaires. Il y a des secteurs où ça ne va pas bien au
Québec, il y a des secteurs prioritaires au Québec qui, en raison
du caractère particulier de l'activité de l'entreprise où
ça prend un oeil plus vif de l'État et il y a des secteurs
où le législateur et le gouvernement se doivent d'intervenir
parce qu'il y a des gens qui n'ont pas rempli leurs responsabilités dans
le passé.
La grande crainte que nous avons c'est que, comme je le disais ce matin,
au lieu d'ajuster les chapeaux sur les têtes et de tailler les chapeaux,
qu'on taille les têtes pour les ajuster aux mêmes chapeaux; c'est
le danger. C'est mis en relief encore cet après-midi; cela a
été mis en relief par les infirmières. Le médecin
dans l'entreprise, l'infirmière dans l'entreprise, le caractère
permanent de sa fonction, c'est important.
Je ne peux que souscrire à cette crainte des entreprises et
ça pourra éventuellement, si les craintes que nous avons se
concrétisent, diminuer dans certains cas je ne dis pas dans tous
les cas, mais dans certains cas la qualité du contrôle, de
la surveillance et des efforts qui étaient déployés.
Merci de votre témoignage. J'espère que le ministre en
prendra bonne note. Cela ne serait pas mal que le ministre modifie sa position
à certains égards. Ce serait même faire preuve d'ouverture
et ce serait même faire preuve et démontrer de façon bien
concrète que cela vaut le coup une commission parlementaire, et qu'on
peut en arriver comme législateurs, même si on a souvent
l'impression d'avoir la vérité comme législateurs, et
qu'on peut constater qu'on peut faire fausse route à certains
égards.
M. Marois: Je pense que le député de Portneuf peut
déjà tirer sa conclusion positivement, puisqu'il a
été témoin, pour reprendre mon expression, d'un certain
nombre de jugements presque rendus sur le banc depuis le début de nos
travaux. Je pense qu'effectivement, la commission parlementaire est là
pour s'informer et pour essayer de bonifier au maximum le projet de loi. Je
pense qu'il n'y a personne parmi nous qui s'amuse ici, certainement pas. (17 h
45)
M. Pagé: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire et vous
le savez.
M. Marois: Non. D'ailleurs, ce n'est pas... M. Pagé:
On a fait un bon bout de chemin. M. Marois: Oui.
M. Pagé: J'espère qu'on pourra peut-être
aller un peu plus loin.
Le Président (M. Dussault): C'était la fin de votre
intervention, M. le député de Portneuf?
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant.
M. Pagé: J'aimerais bien avoir le commentaire du ministre
sur la question: Comment s'assurer que, dans un endroit où cela va
bien... Il y aura des problèmes administratifs. Les infirmières
qui sont dans des entreprises vont faire partie d'équipes volantes
à l'avenir. Tout ce débat-là qu'on a eu il y a deux
semaines, jeudi il y a quinze jours, qui est mis en relief aujourd'hui par les
gens de la compagnie Impériale, il faudra que vous vous penchiez
sérieusement sur la question, j'en suis convaincu.
M. Marois: Plus que s'y pencher, il va falloir finir par se
"dépencher" à un moment donné. C'est ce qu'il va falloir
faire en sortant de la commission parlementaire, et les témoignages en
ce sens-là seront utiles. En attendant, on va tous continuer à y
réfléchir sérieusement en examinant au mérite et en
s'accrochant aux faits. Ce que je trouve intéressant dans les
témoignages en particulier, c'est ce qui ressort de données
factuelles accrochées au concret. Là, on tirera la ligne. C'est
normal. C'est la responsabilité du gouvernement de le faire. Merci
infiniment.
M. Pagé: Merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, je
remercie les représentants de la compagnie pétrolière
Impériale de leur participation aux travaux de cette commission et je
leur souhaite bon retour. J'invite maintenant la compagnie Shell Canada
Ltée à se présenter devant la commission.
Pendant ce temps, je vais préciser que le mémoire de la
compagnie BP Canada sera retranscrit au journal des Débats, puisqu'on a
tout simplement déposé le mémoire à la commission.
(Voir annexe I)
Shell Canada Ltée
J'invite le porte-parole de Shell Canada à s'identifier et
à nous présenter son collègue.
M. Viau (Jacques): M. le Président, mon nom est Jacques
Viau et je suis le directeur des affaires publiques pour la région de
l'Est de Shell Canada. Je suis accompagné de M. Gaston Lafontaine, qui
est surintendant de la raffinerie Shell à Montréal-Est. M.
Lafontaine était précédemment le coordonnateur de la
sécurité et de l'hygiène industrielles à notre
siège social. Il est donc la personne-ressource et il pourra faire des
commentaires additionnels et répondre aux questions qui pourraient
faire
suite au bref résumé que je me propose de faire, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): D'accord, je vous remercie.
J'en conclus donc que vous voulez nous faire cela en-dedans de vingt
minutes?
M. Viau: Oui, M. le Président. Je demanderais tout de
même que le texte intégral du mémoire soit versé au
journal des Débats de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Dussault): Votre souhait sera
exaucé. (Voir annexe J) Vous avez la parole.
M. Viau: Merci, M. le Président. M. le Président,
messieurs les membres de la commission, notre compagnie, Shell Canada,
apprécie l'occasion qui lui est donnée de soumettre des
commentaires et des suggestions à cette commission parlementaire.
En tant qu'employeur direct de plus de 15 000 travailleurs au
Québec, Shell Canada est évidemment intéressée au
projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au
travail. Nous avons, d'ailleurs, suivi de près l'élaboration de
ce projet de loi.
Au moment de la publication du livre blanc, en effet, nous avions soumis
des commentaires au ministre responsable et nous avons aussi collaboré
à la rédaction de mémoires d'associations au sujet du
document de travail préparatoire au livre blanc. Nous avons, d'ailleurs,
noté avec satisfaction que quelques-unes des recommandations alors
soumises se retrouvent dans le texte du projet de loi.
Dans le mémoire que nous discutons aujourd'hui, Shell Canada
souscrit pleinement à l'objectif général de cette loi qui
est je cite les notes explicatives du projet de loi
"d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et
des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail
et de maladies professionnelles".
Toutefois, certaines modalités proposées nous
inquiètent vivement et quelques-unes nous paraissent même
inacceptables. Notre mémoire soulève deux points majeurs au sujet
desquels nous avons des objections fondamentales, à savoir,
premièrement, que nous nous opposons au pouvoir de décision de
comités paritaires de santé et de sécurité.
Deuxièmement, nous nous opposons à ce que
l'élaboration et l'application de programmes de santé au travail
soient confiées aux départements de santé
communautaire.
Pour ce qui est du premier point, le caractère décisionnel
du comité de santé et de sécurité, le pouvoir de
décision accordé aux comités paritaires de la santé
et de la sécurité, dans certaines de leurs fonctions, est
à nos yeux inacceptable, parce qu'il porte atteinte aux droits de
gérance de l'employeur.
En ce qui concerne la responsabilité ultime de l'application de
la loi, en effet, le projet de loi no 17 établit clairement que c'est
à l'employeur il faut entendre par là l'employeur seul
qu'incom- be toute la responsabilité juridique et
financière d'assurer la santé et la sécurité des
travailleurs. À cette responsabilité très lourde,
cependant, doit correspondre l'autorité de l'assumer
adéquatement. En confiant à un comité paritaire certains
pouvoirs de décision, on place l'employeur dans la situation difficile,
voire impossible, d'avoir à répondre légalement des
conséquences de certaines mesures qu'il n'aurait pas
nécessairement autorisées s'il avait seul pris la
décision.
À notre avis, il est à la fois contradictoire et injuste
pour l'employeur de lui faire porter la responsabilité de certaines
décisions prises par une autorité qui lui est
extérieure.
C'est pourquoi nous estimons que c'est de l'employeur seul que doit
relever toute décision finale au sujet des mesures nécessaires
pour assurer la santé et la sécurité au travail. Notons
qu'une telle conception n'exclut nullement la participation des travailleurs
à l'élaboration des programmes de santé dans l'entreprise.
En tant qu'employeur, nous avons d'ailleurs toujours reconnu, et cela, d'une
façon concrète, que les suggestions et recommandations de nos
employés pouvaient être très utiles, que ces suggestions
soient faites par l'employé à titre individuel ou à
travers un comité. Nous croyons toutefois que cette participation
devrait avoir un caractère consultatif plutôt que
décisionnel.
Par conséquent, nous recommandons que là où il y
aura des comités de santé et de sécurité, la loi
leur reconnaisse un rôle uniquement consultatif. Plus
spécifiquement, nous recommandons les amendements suivants à
l'article 63 du projet de loi. Au paragraphe 1, remplacer "de choisir les
moyens et équipements", par "de recommander à l'employeur les
moyens et équipements". Au paragraphe 2, remplacer "d'établir les
programmes de formation et d'information", par "de recommander à
l'employeur les programmes de formation et d'information". L'article 63,
encore, paragraphe 5, qui traite du choix du médecin responsable, nous
recommandons que ce paragraphe soit supprimé entièrement.
Notre deuxième point: le rôle des départements de
santé communautaire dans les programmes de santé au travail.
Notre deuxième objection majeure, que nous discutons dans le
mémoire, concerne le rôle des DSC dans l'élaboration et
l'application des programmes de santé au travail. À l'instar
d'autres groupes patronaux, nous sommes d'avis c'est notre lecture du
texte de loi que c'est une véritable étatisation de la
médecine du travail qu'effectuerait le projet de loi no 17 à
travers cette réforme. Cette mise en doute de la
crédibilité des médecins d'entreprises a d'ailleurs
été l'un des principaux arguments invoqués lors des
discussions sur le livre blanc.
Shell Canada est fermement opposée à ce principe du projet
de loi et aux dispositions qui en découlent et ce, M. le
Président, pour trois raisons que nous exposons brièvement. Je
les nomme. Nous contestons le bien-fondé de cette
quasi-étatisation, si vous voulez, de la médecine du travail.
Ensuite, il en résulterait, selon nous, une
division de l'autorité en matière de santé au
travail et cette division, nous la trouvons inacceptable. Finalement, une telle
réforme, croyons-nous, comporterait des inconvénients majeurs que
nous expliquerons plus tard.
Au sujet de la crédibilité des médecins
d'entreprise, nous ne pouvons pas admettre que le gouvernement remette en cause
l'intégrité professionnelle des médecins d'entreprise, du
seul fait qu'ils sont rémunérés par la direction de
l'entreprise, pas plus que nous sommes prêts à admettre le
prétendu conflit d'intérêts dans lequel seraient
placés ces médecins. D'autres professionnels au sein de
l'entreprise sont également rémunérés par celle-ci
et ont affaire eux aussi aux travailleurs dans le domaine de la santé et
de la sécurité. Ce sont, par exemple, les ingénieurs, les
contremaîtres, le directeur du personnel, les conseillers de
sécurité. Et on ne parle pas de conflit d'intérêts
à leur sujet. Si la seule source de rémunération d'un
professionnel biaise nécessairement son jugement, il faudra se demander
si l'intégrité peut exister. Jusqu'à preuve du contraire,
nous estimons donc qu'il s'agit là d'affirmations gratuites, et que cet
argument n'est pas fondé.
Au sujet de la division de l'autorité, au sujet du principe
même de l'administration des programmes de santé par les DSC,
rappelons que selon le projet de loi même, à l'article 40,
l'employeur a toujours l'obligation de prendre les mesures nécessaires
pour protéger la santé et assurer la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur. Mais, encore selon le projet
de loi, ce n'est pas l'employeur, mais quelqu'un d'autre, soit les DSC, qui
prendrait les décisions au sujet de ces mesures de santé. Ainsi,
l'employeur voit son autorité affaiblie, mais on maintient quand
même ses obligations. C'est là un aspect du projet de loi qui nous
paraît inacceptable. En fait, nous croyons ici qu'il y a contradiction
entre l'article 40 et l'article 93.
Au sujet des effets négatifs de cette réforme,
l'élaboration et l'application des projets de santé par les DSC
auraient, selon nous, trois inconvénients majeurs au point de vue de
l'entreprise. Tout d'abord, étant extérieur à
l'organisation de l'entreprise, le personnel médical des DSC n'aura pas
accès à l'information pertinente qui lui permettrait
d'éclairer ses décisions à l'étape de la conception
des projets et il se contenterait alors de réagir à des
situations déjà établies.
Deuxièmement, en raison même de ce manque d'information et
d'un manque d'expérience concrète dans l'entreprise, il serait
très difficile pour le personnel des DSC d'effectuer un contrôle
adéquat des absences dues aux maladies non industrielles, et on sait que
c'est là un problème qui s'aggrave à mesure que le climat
social tolère plus ces choses.
Le troisième point, M. le Président, n'apparaît pas
dans le mémoire que j'ai soumis à la commission et il est
peut-être plus important que les deux premiers. Selon nous, les DSC,
selon ce qui est expliqué au projet de loi, seraient à la fois
les administrateurs et les inspecteurs de service de santé au
travail.
Cette autorégulation ne nous apparaît pas souhaitable.
Comme solution de rechange, nous proposons que le personnel de la santé
au travail continue de relever de l'entreprise. Pour le cas des petites et
moyennes entreprises, les services de santé au travail pourraient
être assurés par des cliniques interindustries. Nous
suggérons de plus que le rôle des DSC se limite aux fonctions
suivantes: D'abord de vérifier à l'occasion la qualité de
services de santé assurés à l'intérieur de
l'entreprise par des professionnels de la santé qui sont partie
intégrante de celle-ci;
Deuxièmement, d'assurer la cueillette de données
statistiques pouvant servir à des études
d'épidémiologie, par exemple, afin d'assurer une base
scientifique à l'adoption des normes et à la diffusion de
l'information. Aussi, on suggère de faciliter la création de
cliniques interindustries, indépendantes qui offriraient aux petites et
moyennes entreprises des services professionnels de santé au travail.
(18 heures)
Nous suggérons enfin que les cas où il peut y avoir des
doutes quant au respect de l'éthique professionnelle de la part d'un
médecin d'entreprise soient portés devant la corporation
professionnelle des médecins, qui est le seul organisme habilité,
de par la loi, à faire enquête et à porter un jugement sur
les compétences et l'intégrité de ses membres. À
ces deux questions, pour nous fondamentales, soit le pouvoir de décision
des comités paritaires et le rôle des DSC viennent se greffer un
certain nombre d'autres points que nous avons exposés très
brièvement dans le mémoire et je me contenterai
d'énumérer le choix des membres des comités
paritaires.
Nous suggérons, par exemple, que la moitié des membres
censés représenter les travailleurs soient élus par les
employés au lieu d'être nommés par le syndicat.
Il y a aussi le dédoublement inutile des contacts. Pour
simplifier un peu la multiplicité des contacts prévus dans le
projet de loi, nous suggérons que, là où il y aura des
comités paritaires de santé et de sécurité, les
communications excluent les syndicats et les représentants à la
prévention qui, de toute façon, recevront leur information du
comité.
Il y a aussi la "confidentialité" de l'information. Pour assurer
la "confidentialité" de l'information, nous suggérons que les
inspecteurs et la commission se dotent d'un système administratif bien
défini, établissant diverses cotes de
"confidentialité".
L'adoption et la publication des règlements. Nous sommes d'accord
au sujet du délai de 60 jours pour la consultation
précédant l'adoption officielle des nouveaux règlements.
Nous espérons cependant que ces futurs règlements tiendront
compte des situations existantes et qui seraient adéquates.
Au sujet des activités du comité de santé et de
sécurité, contrairement à l'approche qu'on retrouve aux
paragraphe 8 à 13 de l'article 63, selon laquelle le comité
paritaire devra tout étudier, nous suggérons que le
comité, sur décision des
membres et en raison des limites de temps et des ressources humaines
disponibles, ne s'intéresse qu'aux cas où son étude pourra
être vraiment productive.
Il y avait aussi les subventions aux associations syndicales. Lorsqu'il
existe une association sectorielle dans un domaine donné, on ne devrait
pas, selon nous, subventionner des associations syndicales et des associations
d'employeurs pour la formation et l'information, ce qui est décrit
à l'article 79. Ceci constituerait pour nous un dédoublement
inutile et dispendieux et favoriserait aussi la formation et l'information
à caractère partisan.
Nous avons également d'autres préoccupations qu'il nous
suffira de mentionner. Il y aurait le fardeau de la preuve qui incombe à
l'employeur, dans le cas où l'employé refuse d'effectuer un
travail qu'il croit dangereux. Il y a la difficulté de prouver la
mauvaise foi, les abus possibles du refus de travailler, ainsi que les
coûts entraînés par ces abus et la formation adéquate
des inspecteurs. Tout de même, comme il s'agit là de sujets qui
ont été abondamment discutés devant cette commission, nous
ne croyons pas nécessaire d'insister.
En conclusion, M. le Président, nous appuyons les principes et
les objectifs du projet de loi no 17, mais certains de ces mécanismes
proposés nous semblent inacceptables. Nous avons suggéré
des solutions de rechange que nous croyons réalistes et pratiques. Nous
espérons que des amendements seront effectués avant la version
finale du projet de loi et tiendront compte de nos observations.
Enfin, nous osons espérer que la mise en vigueur des nouveaux
règlements se fera progressivement, d'une façon qui reconnaisse
l'existence des systèmes en place, lorsque ces derniers sont
adéquats, et qui tiennent aussi compte des ressources et des
délais nécessaires pour effectuer les changements visés
par cette loi.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Viau. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
compagnie Shell Canada de son mémoire. Je crois qu'on a eu, depuis le
début de cet après-midi, durant plusieurs heures, l'occasion
d'examiner divers aspects du projet de loi, en particulier à la
lumière des problèmes plus propres ou plus spécifiques
d'un secteur, les entreprises du domaine pétrolier. Je ne reviendrai
donc pas sur un certain nombre de sujets dont on a pu discuter au cours des
divers témoignages qu'on a entendus, aussi bien avec des groupes de
travailleurs ce matin, qu'avec des représentants patronaux depuis le
début de l'après-midi.
Je voudrais m'arrêter à trois points très
précis de votre mémoire, d'autant plus qu'il s'agit de trois
points qui, à ma connaissance, n'ont pas été
soulevés par les autres groupes qui ont témoigné depuis ce
matin devant nous.
Au préalable, il y a une question que je vou- drais vous poser et
qui m'amènera, le cas échéant, à modifier mes
commentaires questions, selon le cas, pour mon information et pour qu'on sache
bien de quoi on parle. Si je suis bien informé, les travailleurs chez
vous, au Québec, sont syndiqués?
M. Viau: En grande partie, oui.
M. Marois: Bien. Deuxièmement, est-ce que votre entreprise
a des usines ailleurs au Canada et, notamment, en Ontario?
M. Viau: Oui.
M. Marois: Cela confirme ce que je pensais. Cela dit, mes trois
commentaires, qui seront parfois des questions, sont les suivants: Vous nous
proposez, à la page 11 de votre mémoire, qu'en ce qui concerne le
choix des représentants des travailleurs au comité de
santé et de sécurité, vous nous proposez une formule qui
ferait en sorte que le syndicat ne choisirait pas l'ensemble des travailleurs,
en tout cas pour la partie des travailleurs des membres du comité de
santé et de sécurité; vous proposez une formule du genre
moitié-moitié. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi,
parce que vous avez des entreprises qui opèrent en Ontario; vos
entreprises qui opèrent en Ontario tombent sous la coupe de la loi
ontarienne et la loi ontarienne, au paragraphe 5 de l'article 8, prévoit
exactement la même chose que nous, c'est-à-dire que les
représentants des travailleurs, quand il y a un syndicat, soient choisis
selon les règles démocratiques par le syndicat. Pourquoi nous
proposez-vous un régime différent, quand il s'agit du
Québec? Vous devez avoir de bonnes raisons, je présume, et
j'aimerais, pour l'information des membres de la commission, que vous nous les
expliquiez.
Deuxièmement, vous évoquez la duplication inutile des
contacts et aussi la nécessité de faire l'effort maximal pour
minimiser la paperasse. Je peux vous dire qu'on est entièrement d'accord
avec vous pour que l'effort maximal soit fait pour diminuer la paperasse. Ce
n'est pas facile, ce n'est pas simple. D'autres gouvernements ont essayé
de s'attaquer à ça avant nous, et ce n'est pas parce que ce n'est
pas facile qu'il ne faut pas tenter de le faire au maximum, évidemment,
en tenant compte du fait que ça ne doit pas se faire aux dépens
de la circulation des informations qui sont nécessaires en vue d'un
effort concerté pour prévenir le plus efficacement possible les
accidents du travail et les maladies professionnelles.
Par ailleurs, il nous semble qu'il est aussi essentiel que les
associations syndicales, quand il y en a, soient impliquées dans cette
circulation d'informations, étant donné le rôle majeur,
normal, qu'elles ont à jouer dans nos sociétés.
Probablement aussi que ça pourrait largement contribuer... On parle
souvent de climat social. Vous savez, les climats sociaux qui se
détériorent et les climats sociaux qui se bâtissent sur la
méfiance, très souvent ça vient d'une mauvaise information
ou d'un
non-accès à l'information de base. Donc, on est d'accord
avec vous pour dire qu'il faut faire un effort pour minimiser le papier.
Ça ne doit pas cependant se faire aux dépens de la circulation de
base de l'information qui est nécessaire.
J'aurais une troisième... cette fois, ce n'est pas une question,
c'est plutôt un commentaire. Concernant la confidentialité de
l'information ça apparaît à la page 14 de votre
mémoire je voudrais vous dire, et on examinera attentivement
toutes et chacune des recommandations de votre mémoire, que je trouve
intéressante votre recommandation en ce qui concerne la
confidentialité de l'information, pour sauvegarder la
"confidentialité" de certaines informations.
Je pense que la recommandation que vous nous faites, en tout cas,
mérite certainement qu'on s'y arrête et qu'on la regarde de
près. Voilà, M. le Président, les quelques
commentaires-questions que j'avais à formuler au point de
départ.
M. Viau: M. le Président, j'aimerais peut-être que
mon confrère, M. Lafontaine, réponde à ces questions. J'ai
été presque tenté de répondre tout de suite
à votre première question qui disait: Pourquoi est-ce qu'en
Ontario quelque chose s'est fait comme cela et qu'au Québec, on
suggère quelque chose? J'étais ici hier et je crois que c'est
hier que vous avez dit: Le Québec, c'est le Québec, ce n'est pas
la Suède.
M. Marois: Bien sûr.
M. Viau: Ce n'est pas la réponse vraiment que je voulais
vous donner. Peut-être que mon confrère pourrait y
répondre.
M. Marois: Je suis certain que ce n'est pas la réponse que
vous vouliez me donner.
Le Président (M. Dussault): M. Lafontaine.
M. Lafontaine (Gaston): Pour faire suite à la
demi-réponse de mon collègue, ce qui a causé notre
suggestion, c'est l'expérience qu'on a ici au Québec à la
raffinerie où on a déjà un comité paritaire qui
fonctionne depuis plusieurs années, quelque chose de l'ordre de quatre
à cinq ans. Pour l'information de la commission ici, ce comité
paritaire là est composé de dix personnes syndiquées et de
dix personnes-cadres. Nous avons cru qu'à cause de l'étalage des
départements administratifs, il nous en fallait en aussi grand nombre.
Ces employés du côté des syndiqués sont élus
par les employés sans être toutefois choisis par le syndicat
lui-même. Il arrive assez souvent que les délégués
syndicaux se retrouvent à la fois délégués
syndicaux et aussi membres de ce comité-là, à cause
probablement d'une popularité plus grande dont ils jouissent à
travers les travailleurs. C'est assez naturel, mais ce n'est pas
nécessairement cela, ce qui veut dire que l'expérience qu'on a
eue au Québec jusqu'à maintenant est que le fonctionnement de ces
comités-là a pu se faire généralement sans une
confrontation partisane, si vous voulez, patronat-syndicat. On n'a pas
transposé à cette table de discussion-là trop de
problèmes qui auraient dû se régler à la table de
négociation. Nous croyons que la sécurité et la
santé ne se négocient pas. Ou c'est bon, ou ce n'est pas bon. On
ne voudrait pas se retrouver, si vous voulez, avec, d'un côté,
l'équivalent d'un syndicat et, de l'autre côté,
l'équivalent de la direction de la raffinerie. C'était la raison
pour laquelle on avait suggéré que les membres syndiqués
soient élus et non nommés par le syndicat.
M. Marois: Mais vous admettez que le Québec
étant le Québec, bien sûr si j'ai bien compris,
déjà, vous avez un comité de sécurité qui
est composé de vingt personnes, dix représentant les cadres ou la
direction de l'entreprise, dix représentant les travailleurs et choisies
par le syndicat.
M. Lafontaine: Non, les dix représentants des travailleurs
sont élus par les travailleurs. C'est ce qui fait la différence
et c'est aussi ce qui nous apporte...
M. Marois: Oui, d'accord, parfait. Là, très
bien.
M. Lafontaine: On a cette expérience-là.
M. Marois: Mais n'est-il pas exact que vous avez vécu
exactement la même situation avant l'entrée en vigueur, dans les
entreprises de votre compagnie en Ontario, de la loi ontarienne?
M. Lafontaine: On a eu, avant l'entrée en vigueur de la
loi ontarienne, des formules de comités de santé et de
sécurité au travail. C'était, à ma connaissance
j'étais passablement bien placé pour le voir, vu que
j'étais au siège social des comités qui
n'étaient pas paritaires et qui souvent étaient ad hoc.
M. Marois: Non, ce n'est pas cela que je veux dire,
indépendamment qu'ils étaient paritaires ou pas. Quand vous dites
que, dans certains cas, ils n'étaient pas nécessairement
nommés par le syndicat.
M. Lafontaine: Oui, en Ontario, c'était le cas avant que
la présente loi soit en force.
M. Marois: Maintenant que la loi est en force, ils sont
nommés par le syndicat forcément. Je présume que vous
respectez la loi.
M. Lafontaine: J'imagine, oui. (18 h 15)
M. Marois: Bien. Cela a créé des problèmes
majeurs.
M. Lafontaine: Je crois que, premièrement, à cause
d'une mutation...
M. Marois: C'est que j'ai pu suivre de très près le
dossier de l'Ontario.
M. Lafontaine: Je voudrais vous répondre pour la Shell, si
vous voulez.
M. Marois: J'ai pu suivre aussi de très près le
dossier de certaines entreprises en Ontario par des contacts avec le
ministère du Travail. Je comprends qu'il vous faut le temps de
réflexion avant de répondre, mais...
M. Lafontaine: Pas nécessairement, j'avais
déjà ma réponse. À cause de ma mutation
récente au Québec, je n'occupe plus la position de coordonnateur
au siège social. Je suis dans une moins bonne position pour vous
répondre exactement si l'expérience a été heureuse
ou malheureuse. Laissez-moi toutefois vous mentionner que si elle avait
été très malheureuse, j'en aurais probablement entendu
parler.
M. Marois: Vous en auriez entendu parler. M. Lafontaine:
Oui. M. Marois: Bien, merci.
M. Lafontaine: Alors, je peux suggérer qu'elle n'a pas
été très malheureuse.
M. Marois: Parfait, merci bien.
M. Lafontaine: Si on prend le deuxième point
soulevé qui est la multiplication des contacts qu'on considère
comme inutiles, encore là, je pense bien que cela vient, chez nous, de
l'expérience qu'on vit aujourd'hui. Pour nous les communications avec le
syndicat se font d'une façon sélective. Autrement dit, quand on
considère qu'il va y avoir l'introduction de nouveaux programmes qui ont
un impact significatif on en fait part au syndicat d'une façon formelle,
mais on ne se fait pas une tâche de faire part au syndicat de tous les
détails de ce qui se passe dans la santé et la
sécurité au travail. Votre texte de loi suggère d'une
façon presque totale qu'il y ait beaucoup de contacts qui soient faits
avec les représentants syndicaux pour ce qui est de l'information, de
rapports d'inspection j'en cite seulement quelques-uns de mémoire
mais le syndicat semble être impliqué dans une foule de
choses qui, à notre avis, ne sont pas nécessaires.
M. Marois: Remarquez que, par ailleurs, on a reçu devant
nous des témoignages et on en a reçu d'autres par la voie des
media tout court, du milieu syndical, qui vont dans le sens complètement
opposé. Ils prétendent que non seulement par le projet de loi ils
n'en auront pas plus, mais qu'ils vont en avoir moins.
M. Lafontaine: Je comprends bien que vous avez pu entendre
d'autres sons de cloches. Enfin, votre troisième commentaire, qui est la
"confiden- tialité" de l'information. Nous soulevons ce point-là
un peu à cause de l'expérience que j'ai eue lors de
différents voyages dans d'autres compagnies Shell où
l'État opère d'une façon différente, par exemple,
aux États-Unis où nous avons Shell Oil, ou dans des pays
d'Europe. Encore là, je ne voudrais pas qu'on dise: Le Québec
c'est le Québec. C'est entendu, mais là-bas j'ai vu des choses
qui n'étaient pas bêtes. Il y avait des cotes de
"confidentialité " qui dictaient certaines précautions, par
exemple, pour la reproduction de documents ou la non-reproduction de documents.
Les choses qui devaient être vues seulement par un certain groupe de
personnes avaient certaines cotes de "confidentialité". C'était
quelque chose qui était réglementé d'une façon
formelle et j'aimerais espérer qu'au tout début, quand on
commencera à se passer de l'information qui peut être
confidentielle, il y ait ce genre de cote de "confidentialité " qui nous
soit communiquée pour qu'on puisse nous aussi faire une tentative de
codage des documents.
M. Marois: J'ai pu vous indiquer que cette recommandation est
intéressante et soyez assuré qu'on va regarder cela de
très près, parce que, effectivement, vous avez raison, il y a des
systèmes qui sont rodés. Il y a eu des expériences non
seulement au Canada, dans certaines provinces, aux États-Unis, mais en
Europe aussi, exactement dans le même sens.
Le Président (M. Dussault): Alors, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais me limiter
à remercier M. Viau et M. Lafontaine. Je pense qu'on a fait tout le tour
de la question aujourd'hui. On a eu l'occasion d'échanger... tant avec
l'Association pétrolière du Québec qu'avec d'autres
compagnies pétrolières sur des sujets et des
préoccupations qui sont vôtres. On a eu aussi l'occasion de vider
plusieurs aspects, des aspects bien techniques, comme le benzène et ces
choses-là. On a eu aussi l'occasion de vous faire part de notre position
à nous, et le tout est maintenant entre les mains du législateur
et surtout du gouvernement. Merci, messieurs.
M. Marois: Merci.
Le Président (M. Dussault): Alors, au nom de la commission
je remercie les représentants de Shell Canada de leur participation aux
travaux de cette commission. Cela met fin à nos travaux pour
aujourd'hui. Tel qu'il a été convenu, nous reprendrons les
travaux demain matin à 9 h 30. Alors, j'ajourne les travaux de la
commission à demain 9 h 30.
Fin de la séance à 18 h 30
ANNEXE A
Mémoire sur le projet de loi no 17 Loi sur la
santé et la sécurité du travail
Présenté par: La Société
des conseillers en sécurité industrielle du Québec Inc.
Avant-propos
La Société des conseillers en sécurité
industrielle du Québec Inc. est un organisme qui a pour buts: a) de
maintenir, d'améliorer et d'augmenter les connaissances
professionnelles, l'habilité et la compétence de ses membres en
tout ce qui concerne le travail du conseiller en sécurité
industrielle. b) de maintenir et d'élever le niveau social et la
dignité du conseiller en sécurité industrielle et à
cette fin, faire tout ce qui sera jugé nécessaire afin
d'augmenter la compétence, l'efficacité et le savoir de ses
membres, en facilitant et en encourageant leurs études, en leur
fournissant l'occasion de discuter les questions les intéressant et
d'approfondir ce qui est utile à l'exercice de leur profession, afin de
rendre à ses membres les services nécessaires qu'ils sont en
droit d'attendre.
La Société regroupe plus de 150 spécialistes de la
sécurité industrielle au Québec, oeuvrant autant dans tous
les types d'industries qu'au niveau des associations de prévention et du
milieu de l'enseignement et peut à ce titre se considérer comme
représentative de l'opinion des spécialistes de la
sécurité industrielle du Québec.
1.
Introduction
Le présent mémoire porte exclusivement sur la place et le
rôle du service de sécurité de l'entreprise et du
rôle des professionnels de la prévention en regard de la loi 17
sur la santé et la sécurité des travailleurs.
Alors que la loi définit très clairement le rôle du
médecin du travail, les mécanismes de son action ainsi que le
rôle et les mécanismes de fonctionnement du comité
d'hygiène et de sécurité et du représentant de
sécurité, nous constatons une absence totale de dispositions
législatives sur le service de sécurité d'entreprise et
sur les spécialistes de la prévention.
Le but du présent mémoire est de démontrer en se
basant sur l'expérience actuelle au Québec et sur
l'expérience de plusieurs autres pays, qu'il serait essentiel que des
dispositions législatives définissant l'obligation pour certaines
entreprises d'avoir un service de sécurité industrielle ou du
moins un spécialiste de la sécurité, instituant le
rôle et la mission de ce service, prévoyant des mécanismes
de fonctionnement (au même titre que le comité d'hygiène et
de sécurité, le médecin du travail et le
représentant de sécurité) soient incluses dans la loi. Ces
dispositions sont à notre avis indissociables des autres, leur absence
pouvant compromettre sérieusement l'atteinte des objectifs visés
par la loi.
2.
Rôles passés et actuels des
spécialistes de la prévention et des services de
sécurité d'entreprise
a) Qui sont ces spécialistes de la
prévention?
Il existe au Québec depuis plusieurs années, des
entreprises qui ont un service de sécurité dûment
constitué ou qui ont à leur emploi un ou des spécialistes
de la prévention et qui également jouissent de l'aide des
conseillers en sécurité de leur association de prévention.
Essayons de cerner dans un premier temps qui sont les spécialistes de la
prévention. On les retrouve à presque tous les niveaux de
l'entreprise. On les appelle des coordonnateurs de sécurité dans
l'entreprise. Ce sont souvent des cadres à qui on remet non seulement le
dossier de la prévention mais souvent la responsabilité
entière de celle-ci. Cette personne relève souvent de
différents secteurs de l'entreprise (service du personnel,
production...). On les retrouve aussi comme conseillers dans des associations
de prévention, généralement d'ordre patronal.
Due à la carence de formation institutionnalisée, ces
personnes ont généralement glané leurs connaissances au
travers leur expérience du milieu industriel et aussi au travers de
cours de perfectionnement suivis au sein d'organismes spécialisés
en prévention: Associations de prévention, organismes
privés du Québec, de l'Ontario et même des
États-Unis. (Ex: National Safety Council, etc...)
On ne peut nier la compétence que possèdent ces personnes
oeuvrant dans le domaine de la prévention depuis nombre d'années,
plusieurs ont fait oeuvre de pionniers pour ne pas dire de missionnaires. Ils
sont à notre avis actuellement les seuls véritables
spécialistes, connaissant à fond les techniques de
prévention.
Dans plusieurs cas, malgré les problèmes qu'ont
rencontrés ces personnes, leurs actions ont été
déterminantes et on peut se demander ce qu'auraient été
les résultats s'ils avaient été absents de la
scène?
b) Quels sont leurs problèmes actuels?
L'action des spécialistes en prévention dans plusieurs cas
aurait pu être beaucoup plus efficace si ce n'avait été de
certaines contraintes liées à: L'absence de protection
légale et de mécanisme de recours L'absence de
reconnaissance et de définition officielles de la fonction
Conflits d'intérêts avec d'autres fonctions de l'entreprise
Situation hiérarchique qui dans certains cas le coupe de la haute
direction Contraintes budgétaires.
Ceci a pour résultats que les spécialistes de la
prévention vivent certains problèmes d'impartialité et de
limitation de leur action. Il arrive aussi que par souci d'économie,
certaines entreprises dont la taille et le degré de risque
nécessiteraient la présence d'un spécialiste à
plein temps n'en ont pas ou elles confient de la sécurité
à des personnes pleine de bonne volonté mais dont on peut
questionner la compétence. Bien souvent les vrais spécialistes
sont perçus comme des missionnaires plutôt que des membres
à part entière de l'équipe de gestion, quand on en fait
pas de simples commis bon à remplir des formules.
Par contre, les conseillers d'association patronale doivent jouer le jeu
des idées véhiculées dans le milieu au risque d'être
partial. Donc, en général, ces préventionnistes vivent une
certaine insécurité qui affecte sensiblement l'objectivité
qu'il est nécessaire d'avoir en prévention. Cependant, il est
clair, que pour réaliser les objectifs de la loi, le Québec a
à sa disposition un bassin de personnes compétentes qui
n'attendent qu'une reconnaissance adéquate pour jouer pleinement leur
rôle.
3. De la nécessité des
spécialistes de la prévention
L'action pour la sécurité, c'est-à-dire la
prévention, a un double aspect; technique et humain.
Sur le plan technique:
Faire de la prévention, c'est utiliser un outillage
adapté; des installations électriques correctes; c'est
contrôler les échafaudages, les échelles; c'est mettre un
garde-corps, un protecteur sur les machines, c'est procéder à une
organisation rationnelle du travail, c'est de plus en plus lier l'étude
de sécurité à l'étude technique.
Sur le plan humain:
Faire de la prévention, c'est confier à chacun un emploi
en rapport avec ses aptitudes; c'est donner une parfaite connaissance de son
travail, c'est regarder le danger, exiger le respect des protections, etc.,
etc.
Il faut que quelqu'un s'en occupe. Le rôle de la
médecine du travail est fondamental sur le plan humain. Elle permet en
effet de veiller à l'adaptation de l'homme à son travail et
à la conservation de la santé. Mais il faut faire de la formation
et de l'information. Il faut que quelqu'un s'en occupe.
Il faut intégrer la sécurité aux études des
installations, des machines, des procédés de fabrication. En
effet, la meilleure sécurité est celle qui est la moins
dépendante de l'exécutant. Quelqu'un doit participer à ces
études pour y faire intégrer la sécurité.
Lorsque l'intégration n'est pas possible, ou lorsque des
compléments de sécurité sont nécessaires, il faut
recourir à des sécurités ajoutées individuelles ou
collectives. Il faut que quelqu'un connaisse bien ces sécurités
pour en recommander leur emploi. Il est nécessaire de noter que ces
techniques de sécurité deviennent extrêmement complexes et
difficiles. Elles évoluent rapidement et se tenir au courant
nécessite un travail important. D'autres parts, certaines d'entre elles
nécessitent l'intervention de plusieurs spécialistes, le service
de sécurité devenant alors "coordonnateurs de l'étude de
sécurité". Fonctionnel de la sécurité c'est un
métier qu'il faut connaître.
Il est clair que le projet de loi confie un grand rôle au
comité d'hygiène et de sécurité et c'est une mesure
importante et souhaitable, mais les membres du comité de
sécurité qui sont élus par le syndicat auront besoin d'un
support technique qui ne saurait être autre que le spécialiste de
la prévention au même titre que le médecin leur sera un
support du côté santé. Pour que ce rôle de support
s'exerce efficacement et de façon impartiale, la loi devra
prévoir des mécanismes de fonctionnement comme pour le
médecin et le représentant de la sécurité ainsi
qu'elle devra reconnaître officiellement la fonction
sécurité, également ce travail devrait être
confié à de véritables spécialistes de la question
dont la formation serait contrôlée.
II est évident que le rôle qu'exerceront les conseillers de
la commission de sécurité-santé et des associations de
prévention est primordial. Mais plusieurs entreprises selon leur taille
et la nature de leurs risques nécessitent un appui beaucoup plus
constant que les interventions ponctuelles de ces conseillers et c'est
là le rôle du spécialiste en prévention.
Le spécialiste en prévention ne dégage en rien
l'employeur de ses responsabilités et de ses obligations en la
matière. Il n'est pas nécessaire de sortir le spécialiste
de la prévention de l'entreprise pour qu'il soit impartial. Son
impartialité peut être assurée par des mécanismes de
recours à des tierces parties en cas de litige.
L'expérience vécue par d'autres pays dans le domaine est
probante; entre autres, en République Fédérale Allemande
où une législation semblable au projet de loi actuel existait
depuis plusieurs années et où depuis 3 ans les services de
sécurité sont devenus obligatoires. On note une baisse de 14% du
taux de fréquence des accidents.
Voyons quelques positions prises en faveur du service de
sécurité dans l'entreprise dans plusieurs pays
européens.
1 - Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe
L'"humanisation des mesures destinées à protéger la
santé des travailleurs sur les lieux de travail" fut inscrite en 1967,
au programme de travail intergouvernemental du Conseil de l'Europe. Lors de sa
réunion du 18 février 1972, le Comité des Ministres adopta
une Résolution (R 72-5) définissant les principes qui devaient
régir l'organisation et le fonctionnement d'un service de
médecine du travail. Il avait souligné alors la
nécessité de porter son attention sur le rôle des services
de sécurité, "rôle complémentaire à celui du
médecin du travail".
L'étude des "Fonctions et statut des services et
ingénieurs de sécurité" a conduit le Comité des
Ministres à adopter le 20 janvier 1976 une Résolution (R 76-1)
préconisant la création de tels services. Cette résolution
précise: "Par service de sécurité on entend un service
appartenant ou lié à une entreprise, chargé d'une mission
d'aide et de conseil dans la préparation et la mise en oeuvre d'une
politique préventive en matière de sécurité et
d'hygiène du travail."
2 - Commission des communautés
européennes
La commission générale de la sécurité du
travail dans la sidérurgie, organe consultatif interne de la haute
autorité de la Communauté Européenne du charbon et de
l'acier a adopté dix principes de prévention. Le quatrième
de ces principes juge: "... essentiel que la direction de l'entreprise et ses
divers services puissent recourir aux conseils d'un service de
sécurité placé sous l'autorité directe de la
direction sans qu'ils puissent pour autant en être
déchargés de leurs obligations fondamentales en la
matière. Les adaptations de ce principe peuvent se révéler
nécessaires dans les entreprises de petite taille qui ne
posséderaient pas de service de sécurité."
3 - Un avis syndical
L'Union internationale des Syndicats des travailleurs des industries
chimiques, du pétrole et similaires, a organisé à Prague,
du 12 au 21 avril 1966, un séminaire sur l'hygiène et la
sécurité du travail auquel 15 pays étaient
représentés.
Une charte fut adoptée à l'unanimité par les
participants en conclusion des travaux.
Cette charte prévoit la mise en place dans chaque
établissement d'un service technique spécialisé dont elle
définit les tâches. Elle précise: "Des techniciens et des
ingénieurs seront spécialement formés pour les
tâches de sécurité."
4 - Un
avis patronal
M. Maurice Rousseau, Chef de la délégation patronale du
Comité technique national des industries du bois, cite, dans une note
rédigée pour l'Officiel du bois (no. 3, 15 février 1976),
la loi allemande: "Un des (textes) plus importants, celui de la R.F.A.,
pourrait prochainement servir de modèle à la France. 1- Il
prévoit l'obligation de créer un service technique de
sécurité dans les entreprises, là où existe un
(CHS) Comité Hygiène Sécurité. 2- Il établit
un parallélisme entre le rôle, la désignation du
médecin du travail et des ingénieurs et techniciens de
sécurité.
3- Il définit les fonctions et le niveau des connaissances des
spécialistes de la sécurité. 4- Il propose l'articulation
des services de sécurité avec les autres services de
l'entreprise. La loi officialise en fait "la fonction sécurité"
tout en rappelant le principe de l'entière responsabilité
organique du chef d'entreprise et de la hiérarchie".
5 - Accord cadre du 17 mars 1975 sur
l'amélioration des conditions de travail
Art. 22. - "II est souhaitable que, chaque fois que les effectifs de la
nature des travaux le justifient, soit créé un service de
sécurité dont la participation aux actions de prévention
ne peut: ni décharger la hiérarchie de ses
responsabilités en la matière, ni empiéter sur les
prérogatives des comités d'hygiène et de
sécurité.
Organe de caractère technique, placé sous la
responsabilité exclusive de l'employeur, le service de
sécurité doit avoir un rôle fonctionnel et le partage des
tâches entre lui et les autres services doit être clairement
défini."
IV-4-6 Le gouvernement allemand
Le gouvernement allemand, dans l'exposé des motifs de la loi du
12 décembre 1973, faisait les constatations suivantes: Les
accidents du travail augmentent, malgré un nombre croissant d'agents de
contrôle. Par contre, le nombre de ces accidents diminue dans les
entreprises où fonctionnent un service de la médecine du travail
et/ou un service de sécurité du travail. Le nombre de
médecins du travail et d'experts de sécurité qui sont
rattachés aux entreprises sur une base volontaire est insuffisant et
reste pratiquement inchangé.
4. Exemples de législations
1 - La résolution R 76 du Conseil de
l'Europe
Par sa résolution 76-1 du 20 janvier 1976, le Comité des
Ministres du Conseil de l'Europe, préconise, nous l'avons vu, la
création de tels services. "Le service de sécurité a pour
but d'assister et de conseiller l'employeur et, dans la mesure où cela
relève de leur compétence, les travailleurs ou leurs
délégués dans l'élaboration et la mise en oeuvre
d'une politique de sécurité et d'hygiène du travail visant
à: éliminer, prévenir ou réduire les dangers
physiques, mécaniques, chimiques (et, le cas échéant,
biologiques) auxquels les activités d'une entreprise peuvent exposer la
vie ou la santé des travailleurs affectés dans cette entreprise;
améliorer les méthodes et le milieu de travail, en
adaptant le travail aux travailleurs, en fonction de leurs aptitudes physiques
et mentales; contribuer à la connaissance des problèmes de
sécurité et d'hygiène du travail et à faire
progresser les techniques propres à les résoudre."
2 - République fédérale
d'Allemagne
Le service sécurité a été rendu obligatoire
dans les entreprises allemandes (R.F.A.) par une loi du 12 décembre
1973.
Nous citons ci-après l'article 5 de cette loi: "Mandat des
spécialistes en sécurité du travail. 1) L'employeur doit
désigner nommément des spécialistes en
sécurité du travail (ingénieurs, techniciens,
contremaîtres) par écrit et leur fixer leur mission dans la mesure
où ceci est exigible, en vertu de: 1. l'activité de l'entreprise
et les risques encourus par l'employeur en ce qui concerne les accidents et la
santé; 2. le nombre des salariés et la composition sociale de
ceux-ci; 3. l'organisation de l'entreprise, notamment au regard du nombre et de
la manière dont est assurée la sécurité par les
personnes responsables. 2) L'employeur doit veiller à ce que les
spécialistes de la sécurité mandés par lui
accomplissent leur mission. Il doit les soutenir dans l'accomplissement de leur
tâche. Il incombe notamment, dans la mesure où ceci est
nécessaire à l'accomplissement de leur tâche, de mettre
à leur disposition du personnel, des locaux, des installations, des
appareils et des moyens. 3) L'employeur est tenu de donner aux
spécialistes de la sécurité dans la mesure des
nécessités de service, la possibilité de s'informer et de
se recycler. Dans le cas où le spécialiste de la
sécurité est embauché comme employé, il doit
être indemnisé pendant la durée de recyclage et
libéré de son travail normal. Les frais de formation et de
recyclage
sont supportés par l'employeur. Si le spécialiste de la
sécurité n'est pas employé de l'établissement, il
doit être libéré de son travail normal pendant toute la
durée du stage de formation ou de recyclage."
3 - Autriche
La loi autrichienne du 30 mai 1972 sur la protection de la vie, de la
santé et de la moralité des travailleurs (complétée
par un Décret d'application du 8 juin 1973) exige qu'un service de
sécurité soit rattaché à toute entreprise occupant
régulièrement plus de 500 travailleurs.
Comme en R.F.A., c'est l'employeur qui doit faire en sorte que le
service de sécurité soit organisé et équipé
conformément à la loi.
4 - Belgique
C'est un Arrêté royal du 20 juin 1975 qui a rendu
obligatoire dans les entreprises belges, le service de sécurité
dénommé "service de sécurité, d'hygiène et
d'embellissement des lieux de travail".
Nous citons ci-après les articles 833-1 et 2 de cette loi: 833-1.
Dispositions générales. 833-1-1. Le service de
sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de
travail, visé à l'article 833 du présent règlement,
est dirigé par un chef de service, assisté éventuellement
par un ou plusieurs adjoints, de manière à ce que les missions
imparties au service puissent être remplies en tout temps
intégralement et efficacement. 833-1-2. Le chef du service de
sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de
travail relève directement de la personne chargée de la gestion
journalière de l'entreprise ou du siège d'exploitation. 833-1-3.
Le chef du service de sécurité, d'hygiène et
d'embellissement des lieux de travail remplit sa mission en toute
indépendance vis-à-vis de l'employeur et des travailleurs.
833-1-4. Les divergences de vues entre l'employeur et le chef du service de
sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de
travail au sujet de la réalité de cette indépendance sont
soumises, à la demande des parties ou de l'une d'elles, à l'avis
de l'inspecteur du travail compétent en matière de
sécurité. 833-2. Désignation, remplacement ou
écartement du chef du service de sécurité,
d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail. 833-2-1. La
désignation, le remplacement du chef du service de
sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de
travail et de ses adjoints, la désignation d'un remplaçant
temporaire ou l'écartement de leur fonction est effectué par
l'employeur après accord préalable du comité de
sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de
travail ou, à défaut, de la délégation syndicale.
En cas de désaccord persistant au sein du comité ou avec la
délégation syndicale, l'avis de l'inspecteur du travail
compétent en matière de sécurité est
sollicité. 833-2-2. Dans les entreprises occupant moins de 20
travailleurs, la fonction de chef du service de sécurité peut
être assumée par l'employeur." 5 - Conclusion
Comme nous l'avons établi précédemment le
spécialiste de la prévention a un rôle à jouer dans
la réalisation des objectifs de la loi. Que ce soit comme personne
ressource au niveau du comité de sécurité, au même
titre que le médecin du travail, dans les interventions de formation et
d'information auprès des employés et des cadres.
Également dans la gestion des programmes de prévention
comme conseiller auprès des membres de la gestion pour qu'ils puissent
créer le milieu le plus sécuritaire possible. Le Livre Blanc ne
favorisait-il pas une approche organisationnelle de la prévention des
accidents (C.F. p.7)?
Ceci pourra se faire en autant que certaines contraintes soient
levées, c'est pourquoi nous proposons: 1 - Que l'on définisse
clairement dans la loi 17, le rôle du spécialiste en
prévention, que ce soit dans l'entreprise ou dans les associations de
prévention. Ce rôle est essentiellement un rôle conseil au
niveau de l'employeur, du C.H.S. et des employés surtout pour que
ceux-ci intègrent les techniques de prévention, à leur
fonctionnement respectif, il a aussi un rôle de support au niveau des
interventions de formation et d'information. 2 - On devrait préciser
dans la loi 17, l'obligation pour les entreprises selon le nombre
d'employés et la nature des risques d'avoir à leur emploi un
professionnel de la prévention. Pour certaines entreprises ayant un
grand nombre d'employés ou un haut taux de risques, les interventions
ponctuelles des conseillers d'association ou de la commission de
sécurité-santé ne seront pas suffisantes. Ces entreprises
nécessitent la présence de professionnels de la prévention
de façon permanente, d'ailleurs c'est actuellement le cas de plusieurs
entreprises. 3 - La loi devrait prévoir des mécanismes de
fonctionnement permettant aux spécialistes de la prévention
d'agir efficacement et assurant leur impartialité. 4 - Que l'on
précise que ces spécialistes devront être des
professionnels au sens du code des professions.
Ceci leur accordera l'impartialité du fait qu'ils pourront
s'appuyer sur un code d'éthique et une reconnaissance par leur
corporation professionnelle qui régirait également leur formation
et ceci assurerait que les postes seraient comblés par des personnes
réellement compétentes dans le domaine. Les conseillers en
prévention doivent au moins être considérés au
même titre que des conseillers en relations industrielles ou en
orientation. Il nous apparaît que ces propositions permettraient
d'utiliser avec un maximum d'efficacité des ressources
déjà existantes et également de compléter une
démarche vers la santé et la sécurité des
travailleurs bien amorcée par le projet de loi no 17. Il ne faudrait
surtout pas que les entreprises et la société
québécoise perdent ce bassin de compétence en
sécurité industrielle.
ANNEXE B
MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA
COMMISSION PARLEMENTAIRE
OU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D'OEUVRE
RELATIVEMENT AU PROJET DE LOI 17
SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU
TRAVAIL
Syndicat de Professionnels du Gouvernement du
Québec Québec, le 17 septembre 1979
1. Introduction
Le Gouvernement du Québec s'apprêtant à
légiférer sur la santé et la sécurité au
travail, il nous apparaît important de faire connaître le fruit des
débats menés par un groupe de travailleurs du secteur public, et
de vous présenter les principales revendications qui ont guidé
jusqu'ici leurs interventions dans la lutte touchant les questions de
santé-sécurité.
Les travailleurs de la Fonction publique québécoise,
quoiqu'on en dise, subissent des préjudices à leur santé
dans leurs milieux de travail et de ce fait, se doivent de participer à
ce débat. En effet, il existe chez ces employés des
problèmes de santé au travail qui ne doivent pas être
ignorés du seul fait qu'ils sont moins évidents ou moins
immédiatement fatals.
De plus, ce débat concerne non seulement les revendications des
employés de la Fonction publique pour de meilleures conditions de
travail relatives à la santé et à la
sécurité, mais il touche également la lutte pour la
conservation intégrale de leur droit de négociation face à
l'État et la non-ingérence de celui-ci dans les affaires
syndicales.
Une étude du C.L.S.C. Centre-Ville (Montréal)
publiée en novembre 1978, effectuée auprès de 1530
travailleurs du secteur tertiaire affectés principalement au travail de
bureau, et dont plus de la moitié sont à l'emploi du
ministère du Revenu, révèle de nombreux symptômes
affligeant ces travailleurs. Il s'agit surtout de symptômes
cardiovasculaires et digestifs, associés à des problèmes
tels que le stress et l'insomnie qui découlent de la nature de leur
travail. Ces travailleurs subissent les effets négatifs du
milieu physique ambiant tels que la mauvaise qualité de
l'éclairage, le manque d'espace, le niveau incommodant du bruit et les
variations de température et d'humidité, éléments
dont les effets accumulés deviennent à la longue irritants et
épuisants . Ils subissent aussi des contraintes qui sont liées
à l'organisation même de leur travail et qui sont sources de
stress et de fatigue: surcharge de travail, monotonie et
répétitivité des tâches, contenu insatisfaisant des
tâches sur lesquelles ils ont peu ou pas de contrôle.
Bien plus, une enquête préliminaire réalisée
par le département de santé communautaire du centre hospitalier
Saint-Sacrement de Québec en 1978 révèle que 3740
fonctionnaires et près de mille professionnels répartis dans onze
(11) ministères de la région de Québec sont
potentiellement exposés à des nuisances tant physiques que
chimiques et biologiques. Cette même enquête identifie quelque 1000
employés gouvernementaux qui sont quotidiennement exposés au
bruit, aux toxiques, aux poussières, aux radiations et aux agents
biologiques de toutes sortes; ce qui représente 5,4 % de l'ensemble des
effectifs de la Fonction publique pour la région de Québec.
Devant cet état de fait et après analyse du Livre Blanc
sur la santé et la sécurité au travail, le Conseil
syndical du Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec,
regroupant des représentants de toutes les régions, exigeait en
novembre dernier que le gouvernement modifie radicalement son approche, retire
en conséquence le Livre Blanc. Il réclamait de plus une
législation fondée sur le principe de l'élimination
à la source des dangers pour la santé et la
sécurité des travailleurs.
Le S.P.G.Q. considérait en effet que le Livre Blanc n'apportait
aucune amélioration significative à la situation actuelle et
qu'il n'accordait aucun droit collectif aux travailleurs pour se
protéger. Par contre, l'État poursuivait par ce moyen son
ingérence dans les affaires syndicales en optant pour la formule des
comités paritaires de santé et sécurité, formule
déjà rejetée par le S.P.G.Q. pour cause
d'inefficacité lors de la dernière négociation.
Lors de l'Assemblée des délégués syndicaux
du S.P.G.Q. le 5 mai dernier, les délégués adoptaient la
résolution suivante : "L'A.D.S. demande au Conseil syndical de s'opposer
à tout projet de loi qui ne respecterait pas l'esprit de l'ensemble ou
de l'un des principes ci-énoncés : 1. le droit collectif et
individuel d'arrêter de travailler; 2. le droit d'enquête et
d'inspection; 3. le droit de négociation; 4. le droit au choix du
médecin; 5. le droit à la pleine réadaptation et à
la plein compensation."
C'est pourquoi nous examinerons l'un après l'autre ces
différentes revendications et la façon dont le projet de loi no
17 entend y répondre.
Mais auparavant, il importe d'affirmer une fois de plus que l'objectif
central qui doit être poursuivi en matière de
santé-sécurité au travail pour bien répondre aux
intérêts des travailleurs, c'est l'élimination des dangers
et des nuisances à la source, ou encore l'assainissement du milieu de
travail lui-même.
En effet, pour nous syndiqués, le principe de
l'élimination des dangers à la source signifie essentiellement la
modification du milieu de travail lui-même dans le but de le
débarrasser de tout agent délétère ou de toute
situation dangereuse, et l'aménagement des lieux de travail avant tout
en fonction des besoins des travailleurs.
Seule cette approche est véritablement préventive car elle
s'attaque aux causes réelles des accidents et des maladies
professionnelles. Aussi, considérons-nous que les moyens et
équipements individuels mis à la disposition des travailleurs ne
doivent être que des mesures palliatives et ne doivent en aucun cas
prendre le pas sur les programmes d'assainissement du milieu. 2. Les
comités paritaires
II est essentiel également, pour l'approfondissement de ce
débat, de faire valoir le point de vue du S.P.G.Q. sur les
comités paritaires de santé-sécurité. Nos
expériences passées dans ce domaine nous ont montré que
les comités paritaires d'hygiène et de sécurité ne
sont que des lieux de dépôt, de débarras, de
congélation et même d'anesthésie des revendications
syndicales gênantes pour l'employeur.
À titre d'exemple, au ministère du Travail et de la
Main-d'oeuvre à Montréal, dans un édifice loué par
le gouvernement (201-255 Crémazie est), malgré un rapport
d'inspection signalant dix-huit (18) points d'infraction, il a fallu une
mobilisation de tous les employés, assortie de moyens de pression, pour
faire bouger le ministère sur des mesures aussi
élémentaires que des sorties d'urgence
déverrouillées pendant les heures de travail ou encore
l'éclairage d'urgence dans les escaliers.
Après que le S.P.G.Q. et le S.F.P.Q. eurent informé le
ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre des conditions
d'insécurité et d'insalubrité des édifices 201-255
Crémazie est, après qu'ils eurent fait signer une
pétition, après qu'ils eurent déposé des griefs et
discuté au Comité ministériel des relations
professionnelles, les travailleurs se sont rendu compte que leurs conditions de
travail demeuraient les mêmes.
Ils ont alors convoqué une assemblée de 600 personnes dans
la cafétéria, adopté un cahier d'une dizaine de
revendications, élu un comité conjoint syndical
(S.F.P.Q.-S.P.G.Q.), occupé des locaux du service d'inspection pour
négocier avec le bureau du personnel.
C'est à ce moment seulement que les résultats se sont fait
sentir. Les conditions d'hygiène se sont améliorées et les
infractions à la loi sur la sécurité dans les
édifices ont presque toutes été corrigées. Par
contre, au 201 Crémazie est, les conditions de chaleur insupportable qui
ont incommodé les travailleurs à la fin d'avril 1979 sont
demeurées les mêmes et n'ont pas réussi à
dégeler les décisions qui s'imposent. Notre scepticisme
s'accroît donc à l'approche des grands froids.
Comme autres exemples de la "collaboration" de notre employeur, le
gouvernement, nous avons vu des locaux infestés de rats parce que des
trous béants dans les murs, occasionnés par des tests de
structure, leur servaient d'autoroutes. L'intervention du ministère des
Travaux publics fut dans ce cas relativement "rapide". Quatre (4) à cinq
(5) mois et deux (2) griefs collectifs ont suffi pour qu'un programme de
réfection des murs soit mis en marche. Fidèle à
lui-même, l'employeur avait bien essayé de régler la
question autrement en mettant par exemple du poison à rats, mais il ne
voulait pas combattre le mal à la source, à savoir les trous dans
les murs.
Quant aux nombreux problèmes de froid et de chaleur
rencontrés par les travailleurs de la Fonction publique (exemples :
édifices Cambrai, Joffre, Centre Innovation, 800 d'Youville,
Musée du Québec, etc.) que de fois des syndiqués ont fait
des griefs en pensant que cela donnerait des résultats. Là
encore, les griefs ne firent que porter le problème à l'attention
des ministères concernés. Ils n'eurent aucune force, car aucun
règlement ni aucune loi ne prévoit le niveau de
température chaude ou froide maximale supportable pour les travailleurs
des établissements publics.
La réponse classique des ministères dans tous les cas fut
que : ce n'était pas pour quelques jours-problèmes dans une
année qu'ils allaient investir de grosses sommes d'argent. Sauf que ces
problèmes de "quelques jours" durent des mois sans qu'aucune solution ne
soit trouvée.
Ces différents exemples illustrent le fait qu'il nous a fallu
créer un rapport de forces pour contraindre l'État-employeur
à négocier et à corriger des infractions qu'il avait
commises, enfreignant par là ses propres règlements.
Comment un employeur qui a refusé d'envoyer ses propres
représentants et qui s'est opposé à la libération
de représentants syndicaux pour assister à la publication des
résultats de l'enquête du C.L.S.C.-Centre-ville (Montréal),
portant sur les conditions de santé au travail de ses employés,
peut-il nous convaincre du bien-fondé des comités paritaires de
santé-sécurité?
Comment un employeur qui annule, sans fournir aucune raison, une
réunion dite de concertation regroupant des représentants du
Syndicat des Fonctionnaires provinciaux du Québec, du Syndicat de
Professionnels du Gouvernement du Québec, du Département de
santé communautaire du centre hospitalier St-Sacrement, du
ministère des Affaires sociales et du ministère de la Fonction
publique, prévue pour le 22 mai dernier et destinée
à la mise en marche d'un programme de santé au travail
pour les employés de la Fonction publique, comment un tel employeur
peut-il nous vanter les mérites du comité paritaire
d'établissement ?
Non, en réalité, bien que le comité paritaire mis
de l'avant dans le projet de loi fasse miroiter la possibilité de
nouveaux pouvoirs pour les travailleurs par l'introduction de mécanismes
de participation, il n'en est rien. Le comité paritaire n'a aucun
pouvoir décisionnel, et les mécanismes de collaboration qui y
sont institutionnalisés sont justement conçus pour neutraliser la
négociation de meilleures conditions de
santé-sécurité au travail. Car sa véritable
fonction, c'est de servir d'amortisseur de chocs entre patrons et travailleurs,
et de relais entre le niveau local (les travailleurs à la base) et le
niveau central (Commission de la santé et sécurité).
Notre courte histoire de syndiqués nous a donc
démontré que la concertation mène à un cul-de-sac
et que seule la mobilisation générale reposant sur les
délégués syndicaux dans leur milieu de travail peut
inciter l'employeur à améliorer les conditions de travail
jugées dangereuses ou nuisibles. 3. Le plein droit, individuel et
collectif, d'arrêter de travailler en cas de danger sans
pénalité
Ce droit constitue une mesure préventive
élémentaire. Que le travailleur dont les conditions de travail
représentent un danger pour sa santé ou sa vie dispose du droit
de refuser de travailler dans ces conditions, cela relève du simple bon
sens. Personne n'osera prétendre le contraire.
C'est pourquoi le projet de loi 17 accorde au travailleur "le droit de
refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire
que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa
santé, sa sécurité ou son intégrité
physique." (art. 11)
Mais au-delà du principe, qu'en est-il de l'application de ce
droit ? C'est ici qu'on voit qu'il ne faut pas juger de l'arbre par
l'écorce.
D'abord, on nous dit que l'exercice de ce droit n'est possible "que si
l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et
habituellement inhérent aux fonctions exercées" (art. 12).
En clair, cela signifie qu'un travailleur qui se fait "normalement et
habituellement" intoxiquer, empoisonner, empoussiérer, qui devient sourd
au cours de son travail, ne pourra refuser d'exécuter ses tâches
dans ces conditions pourtant insalubres.
Pire encore, l'employeur pourra faire exécuter le travail
déjà refusé par un autre travailleur, lorsque l'inspecteur
ne se sera pas présenté sur les
lieux de travail dans un délai de six (6) heures, et ce, sans
qu'aucune amélioration n'ait été apportée au poste
de travail jugé dangereux (art. 28). Alors qu'aujourd'hui toute machine
un peu perfectionnée possède son propre dispositif de
sécurité entraînant l'arrêt complet de l'appareil en
cas de risque de bris, il est aberrant de constater que le projet de loi ne
garantit même pas intégralement l'exercice de ce droit au
travailleur. Ce "droit" constitue d'ailleurs un recul flagrant par rapport
à la Loi des établissements industriels et commerciaux (art.
3787).
Enfin, qu'en est-il du droit collectif de refuser de travailler ?
Complètement ignoré, totalement bafoué. En n'accordant
qu'un droit individuel tronqué d'arrêter de travailler, le projet
de loi veut faire oublier que les mauvaises conditions de travail affectent
généralement un ensemble de travailleurs, plutôt qu'un seul
individu.
En privant les travailleurs de leur droit collectif, le gouvernement
accorde un bien joli cadeau à l'employeur qui, dans notre cas à
nous, professionnels du gouvernement du Québec, est
précisément le gouvernement lui-même.
Nous croyons de plus que le travailleur qui voudra exercer son droit de
refus devra faire preuve d'un courage et d'une audace sans pareil. En effet,
non seulement aura-t-il à affronter les objections de son patron disant
que les risques sont "normaux" et "habituels", mais en plus il pourra
être accusé d'avoir exercé de mauvaise foi son droit de
refus, s'exposant ainsi à un déplacement ou une mesure
disciplinaire, et même à un congédiement (art. 31).
On relève aussi une contradiction entre la disposition de
l'article 31, indiquant que l'employeur peut imposer un congédiement ou
autre mesure disciplinaire "dans les dix jours d'une décision finale,
malgré tout autre délai mentionné à la convention
collective" d'une part, et l'article 7 qui dit que "rien dans la
présente loi... ne doit être interprété comme
diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective,..."
d'autre part.
Enfin, en ce qui concerne le retrait préventif de la femme
enceinte, l'on constate que les dispositions prévues dans le projet de
loi ne protègent que les femmes à l'emploi d'un même
employeur depuis au moins vingt semaines, en vertu de l'Ordonnance sur les
congés de maternité édictée dans le cadre de la Loi
du salaire minimum (maintenant devenue la Loi sur les normes de travail). Le
projet de loi prévoit donc que les travailleuses qui sont exclues du
champ d'application des congés de maternité ne pourront
même pas se prévaloir d'un retrait préventif en cas de
danger, et qu'elles devront alors choisir entre leur santé et celle de
leur bébé, ou leur salaire et leur sécurité
d'emploi.
Or, il nous apparaît de la plus élémentaire justice
que le retrait préventif soit accessible à toutes les
travailleuses enceintes, sans exception, et que ce retrait ne devrait en aucun
cas représenter une alternative à la sécurité
d'emploi et au salaire.
Les articles du projet de loi concernant le retrait préventif de
la femme enceinte sont d'autant plus inefficaces qu'aucune obligation n'est
faite à l'employeur d'affecter sans délai la travailleuse
enceinte à un poste moins dangereux. En effet, si l'affectation
demandée n'est pas effectuée sans délai, la travailleuse
enceinte doit alors choisir soit de continuer de travailler dans des conditions
dangereuses pour elle et son enfant, soit de cesser de travailler
immédiatement, dans lequel cas elle perdra et son emploi et son salaire
si elle n'est pas couverte par l'Ordonnance sur les congés de
maternité, ou au mieux, elle perdra une partie de son salaire,
étant dorénavant couverte par la Loi sur les accidents du
travail. Dans tous les cas, comme on le voit, la travailleuse enceinte sort
perdante de ce marchandage sans que son employeur ne s'en trouve le moins du
monde dérangé ou pénalisé.
Finalement, la dernière remarque que l'on peut faire à ce
sujet, c'est que le projet de loi n'applique le retrait préventif qu'aux
femmes enceintes (et avec quelles restrictions et quelle inefficacité).
Pourtant, bon nombre de travailleurs et travailleuses devraient pouvoir se
prévaloir immédiatement de cette mesure, à cause de
susceptibilités particulières qui se sont justement
manifestées et développées de par leurs mauvaises
conditions de travail. Cela illustre bien en dernière analyse qu'il
n'existe qu'une seule véritable solution préventive, qui est
d'assainir le milieu de travail lui-même, et que toute autre mesure du
type "port de protecteurs individuels" ou "retrait préventif" ne peut
apporter qu'un soulagement temporaire aux maux permanents occasionnés
par un environnement et une organisation du travail
délétères. 4. Le droit de négocier sur tout sujet
relatif à la santé et à la sécurité
À titre d'énoncé de principe, le projet de loi
reconnaît le droit aux travailleurs et à leur association
accréditée de négocier des clauses de
santé-sécurité qui vont au-delà des
présentes dispositions (art. 3 et 7). Par ailleurs, dans les faits,
l'ensemble du projet de loi n'accorde pas aux organisations syndicales les
droits et les pouvoirs leur permettant d'améliorer les conditions de
santé et sécurité au travail. Au contraire, la plupart des
dispositions ont pour effet de nier l'existence même des organisations
syndicales ou d'en limiter l'action. À notre avis, ce projet de loi
impose aux syndicats un carcan dans le processus des négociations et
freine l'accès à la syndicalisation.
Par exemple, il nie la possibilité de négocier l'exercice
du droit d'arrêter de travailler, entre autres en ce qui a trait à
la procédure de congédiement (art. 31). Il nous impose des
mécanismes précis au niveau du choix du médecin (art. 88).
Il détermine la procédure de nomination et les fonctions du
représentant à la prévention (art. 67 - 69). Il
définit des modes de désignation des travailleurs au sein des
comités paritaires et prévoit des dispositions permettant
à la Commission de se substituer aux organisations syndicales (art. 70 -
185, paragraphes 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 10e). Enfin, il ne
reconnaît aucun pouvoir aux organisations syndicales sur le plan
de l'élaboration du programme de prévention ce qui, à
notre sens, limite la réalisation de nos revendications en vue de
l'assainissement du milieu de travail.
L'exercice du droit de négocier nos conditions de santé et
sécurité vise essentiellement l'amélioration des
conditions d'hygiène et de sécurité au travail.
Après avoir inspecté le milieu de travail, après avoir
enquêté sur les causes et les circonstances des accidents et
maladies professionnelles, après avoir colligé toutes ces
informations, le comité syndical de sécurité-santé
est à même de négocier avec l'employeur
l'élimination des dangers à la source.
Plus directement, l'exercice de ce droit assure la protection permanente
des travailleurs; il est en effet essentiel de pouvoir négocier une
amélioration dans les conditions de travail à chaque fois que le
besoin se fait sentir et non pas seulement à chaque renouvellement de la
convention collective.
Dans bien des cas, le comité syndical peut même
entreprendre la négociation avant même la manifestation d'un
danger imminent.
Les sujets de négociation sont aussi variés que
l'éclairage, l'espace, l'aération, la température, le
niveau de bruit, le remplacement d'une machine, etc...
S'asseoir à la table de négociations est d'un tout autre
ordre pour les travailleurs que de s'asseoir à la table paritaire.
Faisant face à l'employeur et s'en tenant fermement à leurs
revendications, les travailleurs n'ont pas par ce moyen à plier
l'échine et à freiner leurs luttes. 5. Le droit d'enquête
et d'inspection en tout temps et en tous lieux et de façon
indépendante
Ce droit se greffe directement à notre objectif central. En
effet, l'enquête et l'inspection sont des activités indispensables
pour la découverte des véritables sources de danger. L'exercice
du droit d'enquête vise à identifier clairement les causes de
l'accident ou de la maladie. On sait que la tendance générale des
patrons en cette matière est de s'en tenir presqu'exclusivement aux
circonstances immédiates et de conclure rapidement à un "geste
maladroit du travailleur" ce qui a pour effet de culpabiliser ce dernier. Par
contre, les circonstances qui ont forcé le travailleur à poser un
tel geste sont rapidement laissées de côté en toute
sérénité comme étant non-pertinentes, d'où
l'importance d'accorder aux travailleurs et à leurs associations
accréditées l'exercice de ce droit. Or, selon le projet de loi,
la fonction enquête relève du comité de santé et
sécurité de l'entreprise qui soumet ses recommandations à
l'employeur (art. 63.3 et 63.8). On est donc bien loin de l'enquête
syndicale indépendante
assortie de la négociation de mesures correctives et de
l'adoption d'échéanciers.
Quant à l'inspection, elle vise à mettre en lumière
les situations de risque, favorisant ainsi la lutte pour l'élimination
des dangers concrets et évitant la formulation perpétuelle de
voeux pieux.
Dans le cadre du projet de loi, l'inspection des lieux de travail pourra
être effectuée entre autres par le représentant à la
prévention, s'il y en a un (art. 67 - 68). Par ailleurs, les rapports
d'inspection seront acheminés au comité de santé et
sécurité qui les recevra et les étudiera (art. 63.10).
Encore là, nous sommes loin de la négociation des mesures
correctives et des échéanciers.
Les travailleurs qui sont nommés comme représentants
à la prévention sont isolés de l'ensemble de leurs
compagnons de travail. Selon les dispositions du projet de loi, ils seront
complètement encadrés soit par l'employeur, soit par la
Commission de la santé et sécurité au travail. À
titre d'exemple, leur formation en santé-sécurité devra
être approuvée ou déterminée par la Commission (art.
70 et 73). De plus, la première fonction, du représentant
à la prévention, qui consiste "à faire l'inspection des
lieux de travail, pour s'assurer que les règlements et les dispositions
du programme de prévention sont respectés" (art. 69.1)
équivaut à faire la police auprès de ses collègues
de travail (ex.: surveiller l'application des mesures individuelles de
protection et du programme de prévention de l'employeur). En effet, "les
règlements et les dispositions du programme de prévention" dont
il est fait mention ici sont sous l'autorité et sous la
responsabilité de l'employeur (art. 47 - 48). De fait, le
délégué syndical à la prévention devra
effectuer des tâches qui sont normalement dévolues au personnel de
gérance. Nous rejetons donc énergiquement cette nouvelle formule
de "tutelle" des syndicats. 6. Le droit individuel et collectif du choix du
médecin
À notre avis, ce droit élémentaire est un
énoncé de principe qui découle directement du respect des
droits de la personne. Il est donc inconcevable dans notre
"société supposément civilisée" de partager avec
quiconque l'exercice de ce droit. Or dans le projet de loi, ce droit nous est
complètement refusé.
Le médecin responsable sera dorénavant choisi par le
comité paritaire et, à défaut d'entente avec l'employeur,
par la toute puissante Commission de la santé et de la
sécurité au travail. Du côté des entreprises non
syndiquées où il sera plus difficile de mettre sur pied un
comité de santé et de sécurité, c'est le chef du
département de santé communautaire qui désignera le
médecin responsable. Il s'agit là de dispositions qui
témoignent d'un profond mépris des travailleurs, en violant un
des droits élémentaires de
la personne. Elles manifestent aussi une indifférence
consommée face à la prise en charge par les travailleurs
eux-mêmes de la sauvegarde de leur intégrité physique.
L'exercice individuel de ce droit suppose que le travailleur subit
l'examen chez le médecin de son choix, durant les heures de travail et
sans perte de salaire. L'examen médical doit viser à identifier
les effets du milieu de travail sur la santé du travailleur et surtout
à l'informer de son état de santé réel. Il ne doit
pas être un instrument de gestion du personnel, ayant pour but
d'éliminer les plus faibles et de garder les plus résistants
à leur poste. Il n'est donc pas question d'accorder à l'employeur
quelque autorité que ce soit dans le choix de notre médecin.
Le droit civil de tout citoyen de choisir son médecin ne doit pas
être nié sous prétexte que le citoyen en question est un
travailleur. Il doit être respecté même lorsqu'on parle de
maladies et d'accidents du travail, d'autant plus que le médecin
responsable de l'entreprise sera dorénavant payé par la
Régie de l'assurance maladie du Québec, donc à même
les taxes des contribuables.
L'exercice collectif de ce droit signifie que les enquêtes
médicales menées auprès de l'ensemble des employés
d'un établissement ou d'une unité de travail doivent être
effectuées avec la participation et le contrôle des travailleurs
par le biais de leur association accréditée. Les médecins
doivent être choisis par le syndicat auquel seront transmis les
résultats dépersonnalisés, de même qu'à
l'employeur. Quant aux résultats personnels, ils sont confidentiels et
communiqués individuellement à chaque travailleur. C'est
seulement en assurant l'exercice de ce droit collectif que les travailleurs
auront entre les mains un outil adéquat qui leur permettra
d'enquêter sur les causes des maladies, de proposer des solutions visant
à éliminer les dangers à la source et d'assurer leur
intégrité physique. 7. Le droit à la pleine
réadaptation, à la pleine compensation et à la pleine
sécurité d'emploi en cas d'accidents ou de maladies
professionnelles
Ce droit ne découle pas directement de notre objectif central. Il
se justifie par le fait que les sources de danger existent et que,
malheureusement, elles continueront d'exister pour plusieurs années
à venir. Il s'agit ici de réparer les pots cassés et de
sauver les meubles. La victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle
se trouve involontairement handicapée sur le plan physique et
psychologique. Il est de la plus élémentaire décence que
la perte de son intégrité physique ne se double pas d'une perte
économique.
Or, le projet de loi ignore tout simplement ces droits. Par exemple, on
ne souffle mot de la pleine garantie d'emploi alors que l'obligation
devrait
être faite aux employeurs de réembaucher les travailleurs
ayant subi un accident ou ayant contracté une maladie au travail.
En ce qui concerne la compensation, la nouvelle loi 114, sous couvert
d'augmenter les prestations (90% du salaire net au lieu de 75% du salaire
brut), vient en fait pénaliser les travailleurs accidentés et les
veuves. 8. Conclusion
À la lecture du projet de loi no 17, nous constatons,
malgré le généreux énoncé de principe
formulé à l'article 48, que l'ensemble des dispositions forme un
tout cohérent dans lequel la salubrité et la
sécurité des conditions de travail sont laissées pour
compte. Si l'objectif du projet de loi est de "mettre au pas les patrons qui se
comportent comme des bums, des sauvages..., qui ont des attitudes
braquées" (P. Marois, Le Soleil, 22-11-78 et 2-6-79), on peut dire que
son application a plutôt pour effet d'encadrer étroitement et de
freiner les luttes syndicales pour de meilleures conditions de travail et de
sécurité au travail.
En effet, l'obligation est faite à l'employeur d"'utiliser les
méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et
éliminer les risques pouvant affecter la santé et la
sécurité du travailleur" (art. 40.6). Mais, nous avons vainement
cherché dans ce projet de loi la moindre disposition forçant
l'employeur à se soumettre à cette obligation. Tout ce que nous
avons trouvé, c'est que l'employeur est responsable de la mise en
application d'un programme de prévention comportant entre autres: 1)
l'identification des moyens et équipements de protection individuels...;
2) des programmes de formation et d'information des travailleurs; 3) des
programmes "d'adaptation" de l'entreprise aux normes prescrites par les
règlements, à l'élaboration desquels normes et
règlements l'employeur a le droit de participer (art. 48).
On constate donc un fossé immense entre l'importante
déclaration de principe du début de l'article 48 et l'application
de celui-ci. Alors qu'on en était à l'élimination des
dangers à la source, on met maintenant l'accent sur le choix des
équipements individuels de protection. Cette mesure que l'on croyait
reconnue de tous comme étant "le dernier recours, en cas
d'impossibilité" se trouve subitement au premier rang des mesures
concrètes de prévention. On se retrouve cul par-dessus
tête.
Et qu'en est-il au juste de ces programmes "d'adaptation" de
l'entreprise aux normes prescrites par les règlements?
D'une part, on note que le projet de loi accorde également aux
travailleurs et à leurs employeurs le droit de participer à
l'élaboration des
normes et des règlements, comme s'il était possible de
réconcilier leurs points de vue respectifs sur la "normalité" des
conditions de travail.
D'autre part, on sait qu'il n'a pas encore été possible
d'établir un système international de normes pour
apprécier le degré de pollution d'une atmosphère
donnée, car deux points de vue s'opposent sur cette question, qui
tiennent à la manière de prendre en considération
l'être humain: a) ou les normes sont fixées au seuil
au-delà duquel la capacité d'adaptation humaine cesse, pour faire
place à une situation morbide (adapter l'organisme humain aux exigences
du profit); b) ou le respect dû à la personne implique de ne pas
lui imposer pareille adaptation - limite, et les normes alors fixées se
situent au seuil en deçà duquel les fonctions normales de
l'organisme ne sont pas altérées (adapter les normes aux
exigences de l'organisme humain).
Ces divergences et leurs conséquences sur les valeurs retenues
pour les seuils de toxicité sont telles que l'Organisation Mondiale de
la Santé et le Bureau International du Travail ont dû renoncer
à proposer des normes internationales pour la plupart des produits
considérés comme toxiques. Seules 24 substances sur les 650 pour
lesquelles existent des niveaux admissibles nationaux ont pu faire l'objet de
recommandations jusqu'à ce jour.
Sur la base de ces faits, on peut voir que les visées du projet
de loi 17 en matière de collaboration patronale-syndicale sont plus
qu'ambitieuses.
Le S.P.G.Q., comme l'ensemble du mouvement syndical
québécois, a vécu sa part d'expériences
concrètes négatives dans le domaine des comités
paritaires. Nous entendons donc dénoncer vigoureusement le projet de loi
sur la santé et la sécurité au travail qui, tout en se
dérobant à l'exigence fondamentale pour les travailleurs
d'assurer la salubrité et la sécurité de leurs conditions
de travail, ne satisfait pleinement aucune de nos revendications. Il instaure
plutôt les comités paritaires qui ne peuvent servir que de
paravents pour camoufler les véritables problèmes qui, pour se
régler réellement, exigent la libre négociation.
Le Conseil syndical du S.P.G.Q.
ANNEXE C
Août 1978 Mémoire sur la santé et
la sécurité des travailleurs
Par: Les représentants des travailleurs des
industries lourdes de l'est de Montréal
I.
AVANT-PROPOS
Ce comité regroupe les représentants ouvriers des
Industries lourdes de Montréal-Est et de la Pointe-Aux-Trembles
(exemple: raffineries de pétrole, usines de produits chimiques,
raffineries de cuivre, etc.) Il représente des ouvriers syndiqués
ou non syndiqués de ces usines, des hommes de métier,
camionneurs, opérateurs ou des ouvriers généraux.
Les fonctions de ce comité sont de s'informer des
problèmes qui existent dans les milieux de travail (en regard de la
santé et de la sécurité au travail) de trouver des
méthodes pour régler ces problèmes et d'informer les
ouvriers des dangers qui existent dans ces milieux de travail.
II.
INTRODUCTION
Le 17 janvier 1978, nous nous sommes réunis pour préparer
la rencontre avec les Ministres Marois et Léger. La rencontre a eu lieu
le 26 janvier. Ces soirs-là, les ouvriers des plus grosses industries de
l'Est ont exposé leurs griefs sur les pires conditions de santé
et sécurité dans leurs milieux de travail.
Depuis ce temps-là, rien ne s'est produit. Le Ministre Marois
nous a dit au mois de janvier que son Livre Blanc sur la santé et la
sécurité au travail serait présenté au Parlement
pour le mois d'avril. Mais, suite aux pressions exercées par les
compagnies "le patronat" la Loi ne sera pas présentée avant
l'hiver et même là, il semble qu'elle ne changera pas grand
chose.
On exige que le Livre Blanc soit présenté le plus vite
possible et que les changements qu'on met de l'avant dans ce bilan soient
inclus dans ce Livre Blanc. On dit que chaque ouvrier a le droit de travailler
dans des conditions saines et sécuritaires mais aujourd'hui, ceci n'est
pas vrai.
Chaque jour, des ouvriers (ères) sont confrontés (es)
à des conditions de santé et sécurité qui
s'aggravent de plus en plus avec la détérioration de la situation
économique. Les patrons ne sont pas intéressés à
améliorer nos milieux de travail où nous sommes exposés
aux produits toxiques, aux poussières et aux bruits. Ils sont
intéressés seulement à leurs profits. Les statistiques du
Gouvernement démontrent qu'il y a un accident de travail à chaque
27 secondes et ce bilan ne couvre pas les maladies industrielles.
Alors, il faut obliger les employeurs à respecter notre
santé et notre droit de travailler sans crever.
Il faut aussi noter que les lois actuelles ne sont pas suffisantes. Il
faut les renforcer. Même aujourd'hui, le peu de lois qui existent pour la
santé et la sécurité au travail ne sont pas
respectées par les compagnies. Les compagnies font souvent fi des lois,
en raison des faibles sanctions qu'elles comportent. Toute loi devrait
comporter des sanctions suffisantes pour assurer son respect.
De plus, quand les ouvriers essaient de se servir de ces lois, ils font
face à un chevauchement tant du point de vue des juridictions que des
inspections. Les lois sont souvent ambiguës et de ce fait difficilement
utilisables.
III. LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU
TRAVAIL I NORMES
A) Le bruit, les poussières, les produits
toxiques, l'éclairage
1. LA SITUATION ACTUELLE
Le bruit et les poussières: chaque jour les ouvriers sont
exposés à plusieurs situations dangereuses pour leur
santé, et à des milliers de produits chimiques dont les effets
sur le corps humain sont inconnus. Là où il y a des normes (i.e.
taux d'exposition, règlements) il arrive souvent qu'elles ne sont pas
respectées ni par les compagnies ni par les ouvriers qui n'en sont pas
informés. Il faut noter que les normes (TLV-threshold limit values) ne
sont pas calculées de façon à ce que tout individu
exposé à un TLV donné n'en soit pas affecté. Par
exemple, il est connu que 20% des personnes exposées à un bruit
de 90 db, 8 heures par jour perdront l'ouïe.1
Des études scientifiques suggèrent que la norme
sécuritaire pour l'exposition au bruit soit de 75 db en moyenne pour 8
heures d'exposition.2
Le bruit
Dans nos industries les patrons ne respectent pas toute la norme
légale (90 db/8 heures). Ils prétendent tout simplement qu'ils ne
peuvent pas éliminer le bruit à la source et nous obligent
à porter des coquilles ou des "plugs" qui peuvent causer des infections
aux oreilles, des maux de tête, etc.. Ils disent que la technique
n'existe pas et que de toute façon ça coûterait trop cher
pour éliminer le bruit à la source.
Mais on sait que si l'homme a réussi à aller sur la lune,
il peut certainement trouver des méthodes pour éliminer le bruit
à la source. Aujourd'hui, c'est meilleur marché pour les patrons
de nous rendre sourds que de protéger notre ouïe et notre
santé.
À titre d'exemple, on peut citer la cie Noranda Métal
à Montréal-Est, où 241 ouvriers ont reçu une
compensation de la CAT. pour surdité. La compagnie n'a comme
méthode de prévention que le port "protecteurs d'oreilles" par
les ouvriers. Il faut souligner la gravité de la situation à la
Noranda Métal, car le nombre de gens compensés pour perte
d'ouïe dans cette compagnie représente 43% des cas compensés
au Québec. À souligner aussi que la C.A.T. a relevé les
normes de compensation (mars 78) rendant plus difficile qu'un ouvrier soit
compensé pour perte d'ouïe.3
Il faut de plus réaliser que le bruit n'affecte pas que
l'oreille. Le bruit engendre le stress et qui lui suscite plusieurs changements
biologiques. EXEMPLE: 1) Les vaisseaux sanguins de plusieurs parties du corps
et particulièrement de l'intestin se contractent ce qui restreint la
circulation du sang et augmente le travail du coeur. Il en résulte des
problèmes cardiaques et intestinaux. 2) L'augmentation de la
sécrétion d'adrénaline engendre une
élévation de la pression sanguine et de la fréquence des
battements cardiaques et une élévation du rythme respiratoire. 3)
La dilatation des vaisseaux sanguins du cerveau cause des maux de tête
sévères. 4) La dilatation des pupilles des yeux engendre des
difficultés d'ajustement de l'oeil, particulièrement pour ceux
qui font du travail de précision. 5) L'effet protecteur des cils
vibratoires du nez qui empêchent la poussière d'entrer dans les
poumons est inhibé par le bruit.
Les poussières
Les preuves scientifiques ont été établies au Japon
depuis 1950 qu'on ne devrait pas tolérer un taux de poussière de
plomb supérieure à 0.05mg/m3. Ces résultats
venaient contredire la norme américaine de 0.15mg/m3 en
moyenne pour 8 heures d'exposition. Cette même norme est encore en
vigueur aujourd'hui au Québec en dépit du fait qu'elle peut
affecter au moins 25% des travailleurs.4 Comme cette norme est
déjà trois fois plus élevée que le TLV
suggéré par les études japonaises, il est certain que
plusieurs ouvriers sont intoxiqués au plomb quand cette même norme
de 0.15mg/m3 est dépassée. À l'usine de CEGELEC
la concentration de poussière de plomb a dépassé à
certains endroits un taux de 300 fois plus élevé que la norme
légale et par conséquent 900 fois plus élevé que la
norme sécuritaire.5 1- Noise and your job, page 5,
rédigé par Urban Planning Aid, Cambridge, Massachusetts, 1971. 2-
Idem. 3- C.S.N., génie industriel, brochure 9A Mobilisons-nous contre le
bruit. Avant Mars 1978, la CAT compensait pour surdité à partir
de 21 dB; maintenant, il faut 25 dB pour recevoir la même compensation.
4- C.S.N., génie industriel, l'intoxication au plomb, Mars 1978. 5-
Idem.
À l'usine de Canada Métal, il y a parfois plus de 25% des
ouvriers hors de l'ouvrage en même temps à cause de l'intoxication
au plomb. De plus, dans cette même compagnie, ce n'est que depuis 1972
à la suite d'une lutte menée par les ouvriers et leur syndicat
que les ouvriers passent des examens (tests) pour l'intoxication au plomb.
On ne connaît pas non plus les effets d'une exposition
simultanée à plusieurs produits chimiques. À l'usine
d'Alcan à Kitimat en Colombie-Britannique plusieurs ouvriers ont eu des
problèmes causés par le fluorure et d'autres produits, alors que
les TLV (taux d'exposition) étaient respectés pour chacun de ces
produits. Ces faits démontrent que les TLV ne garantissent pas
nécessairement la sécurité des travailleurs, mais
plutôt la sécurité des profits.
Les produits toxiques
Dans les raffineries on fait face aux hydrocarbures "aromatiques". Les
hydrocarbures incluent le benzène, le toluène, les xylènes
et les orthoxylènes. Tous ces produits peuvent causer la dermatite,
s'ils sont en contact avec la peau. Le benzène peut causer la
leucémie, car il attaque les tissus du corps, comme la moelle des os,
qui produit le sang. Il peut aussi endommager les chromosomes. Certains
dommages aux chromosomes peuvent signifier qu'un ouvrier transmettra à
ses enfants une tendance à développer la leucémie. Dans
une étude faite en 1977 aux États-Unis par la cie Dow Chemical,
12 des 52 ouvriers exposés à moins de 10 P.P.M. de benzène
avaient des aberrations chromosomiques dans les cellules du
sang.6
Actuellement aux États-Unis le TLV pour l'exposition au
benzène est de 1 P.P.M. en moyenne pour 8 heures d'exposition. Il est
donc évident qu'au Québec le TLV pour le benzène devrait
également être 1 P.P.M. pour 8 heures d'exposition, alors
qu'actuellement il est fixé à 10 P.P.M.
Tous ces produits attaquent le système nerveux. Par exemple une
exposition à un taux élevé de toluène est pire
(à court terme) qu'une exposition à taux élevé de
benzène, car le toluène a des effets plus toxiques sur le
système nerveux. Il résulte indirectement à une exposition
au toluène que le jugement et les réflexes de l'ouvrier
exposé sont sévèrement diminués, ce qui l'expose
davantage par le fait même à être victime d'un accident de
travail.
Les xylènes sont moins toxiques que le benzène, mais ils
peuvent aussi affecter les globules blancs et les globules rouges du sang. Ils
ont des effets toxiques à taux élevé et irritent les yeux
et les voies respiratoires supérieures.
Les TLV (taux d'exposition) au toluène et au xylène sont
de 100 P.P.M. mais on croit que ces taux d'exposition (TLV) pour ces produits
devraient être de 25 P.P.M. et que ce taux devrait être
sévèrement contrôlé.
Dans nos industries on utilise aussi beaucoup d'acides, de caustiques,
d'ammoniaque etc.; ces produits, respirés à des niveaux assez
élevés, peuvent causer des brûlures graves aux poumons. Ces
produits peuvent également causer des brûlures à la peau
dont les manifestations sont identiques aux brûlures ordinaires
causées par la chaleur. Quand ces produits et autres comme l'oxyde
d'azote, l'oxyde de souffre, le phosgène ou le chlore sont
respirés, le même type de réaction se produit aux poumons.
Le gaz se dissout d'abord dans le liquide muqueux des poumons et la solution
ainsi formée détruit les alvéoles (sacs d'air qui
terminent les bronches) qui se remplissent de liquide et qui deviennent
incapables de transporter l'oxygène. Le terme médical qui
décrit cette réaction est l'oedème pulmonaire. La
pneumonie ou d'autres sortes d'infections des poumons se produit souvent
après ces brûlures. La victime a besoin de soins médicaux
intensifs pour éviter les pires conséquences d'une telle
exposition après laquelle il persiste souvent des dommages permanents
aux poumons.
H2S
On retrouve l'hydrogène sulfureux dans les raffineries. Ça
sent les oeufs pourris et ça irrite les yeux et les voies respiratoires
supérieures et peut causer l'oedème pulmonaire.
Mais ses effets majeurs se situent au niveau du cerveau, car le
H2S est très facilement absorbé dans le sang. Si le
taux d'exposition est bas, le corps humain peut absorber ce produit sans
dommage apparent. Mais à concentration élevée l'ensemble
des tissus ne peut pas absorber tout le gaz, la concentration au niveau du
cerveau s'élève, ce qui cause l'arrêt respiratoire et
l'asphyxie en quelques minutes à moins qu'on puisse prodiguer la
respiration artificielle à la victime.
Une exposition à long terme peut causer une maladie pulmonaire
chronique.
Le 24 juillet dernier, trois (3) jeunes ouvriers âgés de 18
à 22 ans ont été asphyxiés par le H2S
à Montréal-Est. Puisqu'il est évident que ce gaz est
extrêmement dangereux et qu'il est présent dans toutes les
raffineries, nous exigeons que des détecteurs de H2S soient
installés en tout endroit où le risque est présent en
raison de ce produit. 6- Revue "Business Week", le 26 Juin 1978, pages 42 et
43.
NOTE
Un fait important à noter est que les taux d'exposition aux
produits toxiques sont établis sur la base de journée (quart) de
huit (8) heures.
Dans les raffineries les ouvriers en service travaillent
fréquemment sur des horaires (quarts) de douze (12) heures, pour cette
raison, ils sont donc exposés souvent à des taux
supérieurs aux normes.
La soudure
La soudure constitue un métier où les ouvriers sont
souvent exposés à des émanations (fumes) susceptibles de
causer des maladies pulmonaires. Les soudeurs soudent plusieurs métaux
(acier, acier inoxydable, chrome, cuivre, fer, etc.) et utilisent
différents gaz (argon, CO2, acétylène) qui sont
susceptibles de former des émanations (fumes) toxiques et nocives. Dans
les raffineries et les usines de produits chimiques, la santé des
soudeurs et des brûleurs à la torche est encore plus grandement
compromise, car ils soudent ou brûlent dans des contenants et/ou des
réservoirs où étaient emmagasinés des produits
pétroliers ou chimiques et/ou du catalyseur de platine, travail qui
s'effectue souvent dans des unités non dépressurisées. Si
ces contenants ne sont pas nettoyés comme il faut (i.e. très
propres) le soudeur est exposé en plus aux émanations toxiques
venant des produits qui sont encore sur le métal que l'ouvrier soudera
ou brûlera.
Les soudeurs sont généralement exposés aux produits
ou gaz suivants: (selon le métal soudé ou la méthode de
soudure utilisée) susceptibles de causer des maladies pulmonaires:
l'ozone, l'oxyde d'azote, phosgène, cadmium, béryllium, chromates
(ces derniers utilisés dans la soudure de l'acier inoxydable peuvent
causer des ulcères de la cloison du nez et aussi le cancer du poumon).
Ils peuvent être aussi exposés aux produits et gaz suivants
susceptibles de causer d'autres problèmes: (voir annexe I) 1) les rayons
ultraviolets 2) monoxyde de carbone 3) l'oxyde de fer 4)
trichloroéthylène (utilisé pour dégraisser les
pièces, ce produit sous l'action des rayons de soudure se transforme en
phosgène) (cancérigène) 5) les fluorures susceptibles de
causer l'irritation de la peau, des saignements de nez, une faiblesse
généralisée et aussi des maladies osseuses). 6) l'oxyde de
zinc (capable de causer la fièvre des fumées métalliques).
7) le plomb 8) le mercure
II est donc évident que les fumées métalliques
(fumes) produites par la soudure peuvent vraiment affecter la santé d'un
soudeur. Toutefois, s'il y a un bon système de ventilation ces
fumées peuvent être éliminées du milieu où le
soudeur travaille. Des aspirateurs fixes ou portatifs sont adéquats pour
cette fin, mais malheureusement il n'y a pas beaucoup de compagnies qui en
possèdent. Voilà un exemple où le danger peut être
éliminé à la source, mais plusieurs patrons refusent
néanmoins d'en acheter. Là où les compagnies en ont, ces
aspirateurs ont été installés à la suite des
demandes du syndicat ou des pressions des ouvriers.
L'éclairage
Trop d'éclairage ou un manque d'éclairage peut causer des
problèmes physiques et émotionnels. La lumière, que ce
soit de la source d'éclairage ou de la réflexion venant de
l'ouvrage, fatigue les yeux, ce qui peut augmenter de beaucoup le taux
d'accidents.
2. EXIGENCES 1 ) Que les taux d'exposition (TLV) soient
calculés et basés sur des niveaux sécuritaires et non sur
des niveaux susceptibles de garantir la marge de profit des compagnies. a) Que
la limite légale de bruit de 90 db/8 heures de travail soit
abaissée au niveau sécuritaire de 75 db/8 heures de travail. b)
Que le taux d'exposition au plomb, actuellement de 0.15 mg/m3 en moyenne pour 8
heures d'exposition soit abaissé à 0.05 mg/m3. c) Que le taux
d'exposition au benzène (TLV) soit abaissé à 1 P.P.M. d)
Que le taux d'exposition au toluène et au xylène soit
abaissé à 25 P.P.M. 2) Que les dangers soient
éliminés à la source et que les compagnies cessent de nous
obliger à travailler équipés comme des chevaliers en
armure. Si les dangers ne peuvent pas être éliminés
à la source, que le travailleur puisse effectuer des rotations avec des
périodes de repos entre chaque période d'exposition.
3) Que les compagnies respectent les normes et que les sanctions pour
les infractions soient sévères. 4) Que tous les réservoirs
(cylindres, etc.) contenant des produits toxiques, nocifs, etc., aient des
étiquettes expliquant le genre de produit (nom), ses dangers et les
premiers soins à donner en cas d'urgence. Que cette procédure
soit en vigueur autant pour les fins commerciales ou industrielles que pour le
public en général. Que l'utilisation industrielle des produits
toxiques soit sévèrement contrôlée et que chaque
ouvrier soit le moins exposé possible. 5) Que les soudeurs et
brûleurs à la torche disposent d'une ventilation adéquate
quand ils travaillent (qu'on installe des aspirateurs adéquats pour
éliminer les fumées du milieu de travail avant qu'ils les
respirent).
B)
L'équipement de mesure
1. LA SITUATION ACTUELLE
Actuellement, quelques compagnies ont de l'équipement de mesure
pour certains produits toxiques, poussières, etc., mais elles n'ont pas
tout l'équipement nécessaire pour mesurer les
éléments susceptibles d'affecter la santé et la
sécurité des travailleurs. Lorsqu'une compagnie a de
l'équipement de mesure, celui-ci n'est jamais disponible pour l'usage
des ouvriers, leur association ou leur syndicat.
EXEMPLE: à Petrofina, c'est le Département de
sécurité (qui ne comprend aucun ouvrier syndiqué) qui
contrôle l'équipement de mesure. Quand les travailleurs voulaient
effectuer des tests pour vérifier le taux d'exposition au
benzène, la compagnie disait qu'elle en prenait chaque jour et que les
résultats étaient disponibles au département de
Sécurité. Cependant la compagnie refusait de mettre les
résultats sur le babillard dans le département concerné.
De plus, ces tests n'étaient jamais effectués au moment où
le benzène était vidangé.
Un test effectué au moment de la vidange a donné comme
résultat 50 P.P.M., et à ce moment-là il ventait beaucoup.
Depuis ce temps, la compagnie refuse aux travailleurs l'équipement
nécessaire pour effectuer les tests en contestant leur efficacité
et leur utilité. Les ouvriers n'exercent aucun contrôle sur les
tests et ils ne peuvent pas en vérifier les résultats qui peuvent
donc être falsifiés. Plusieurs compagnies refusent d'installer des
détecteurs automatiques aux endroits où il y a risque pour la
santé et la sécurité des travailleurs. Il a fallu que deux
ouvriers meurent à la compagnie Canadian Copper avant que cette
dernière installe des détecteurs. De plus, quand une compagnie a
des détecteurs automatiques, ils sont souvent débranchés
ou simplement ignorés quand les normes sont dépassées.
2. EXIGENCES 1) Que l'employeur fournisse gratuitement aux
travailleurs(euses), leur association, leur syndicat ou leur
représentant de santé-sécurité, des appareils de
mesure de bonne qualité, bien entretenus et dont l'état de
fonctionnement est dûment attesté par leur fournisseur ou une
entreprise qualifiée à cette fin, pour évaluer le plus
scientifiquement possible les conditions de l'environnement de travail.
Que les instructions nécessaires pour l'utilisation de ces
appareils soient données aux ouvriers par le fournisseur de ces
instruments ou un expert indépendant qualifié. 2) Que les
employeurs installent et assurent le bon fonctionnement de détecteurs
automatiques dans tous les endroits ou départements où, selon le
syndicat ou l'association des ouvriers, il y a risque pour la
sécurité et la santé des travailleurs. Ces
détecteurs devraient être en mesure de couvrir tous les produits
toxiques et même ceux qui sont soupçonnés de l'être.
Si ces détecteurs indiquent que les normes sécuritaires
d'exposition sont dépassées, que le travail soit interrompu sans
pénalité d'aucune sorte pour les travailleurs(euses)
concernés(es) jusqu'à ce que l'environnement de travail soit de
nouveau sécuritaire.
Que les détecteurs soient prévus pour avertir
adéquatement et immédiatement tous les travailleurs(euses) de la
région dangereuse par une alarme sonore et lumineuse, etc.
C)
Le temps supplémentaire, le travail
de quart, les cadences et le travail à la chaîne.
1. LA SITUATION ACTUELLE
Dans beaucoup d'entreprises chaque travailleur(euse) est tenu de faire
un minimum de surtemps. Selon les lois de l'ergonomie, l'ouvrier fatigué
est plus susceptible d'avoir un accident. De plus les normes (TLV) étant
basées sur les quarts de huit (8) heures, l'ouvrier qui travaille en
temps supplémentaire est plus exposé aux agents agresseurs. Cette
situation est génératrice de maladies industrielles et de
vieillissement prématuré qui réduisent les chances du
travailleur de profiter des bénéfices marginaux qu'il a
acquis.
Les chauffeurs-livreurs de produits pétroliers sont souvent tenus
de faire des livraisons à l'extérieur de la ville en fin de
journée. lls sont alors obligés de faire du temps
supplémentaire ou, pour éviter d'en faire, de conduire plus
vite.
Référer à la version PDF page B-9005
Quand on finit de travailler de nuit, on n'a pas vraiment quarante-huit
(48) heures de congé, car il faut dormir un peu le lundi matin, le lundi
et le mardi soir pour être capable d'entreprendre le travail de jour. Par
ailleurs après les deux ou trois jours de congé, en reprenant le
travail de nuit nous faisons vingt-quatre (24) heures sans sommeil.
Or, les fonctions biologiques du corps humain sont réglées
naturellement de façon cyclique, c'est ce qu'on appelle les biorythmes.
L'homme vivant le jour, le travailleur de nuit doit modifier ses heures pour
s'alimenter, digérer, éliminer et dormir. Il en résulte
des troubles comme les ulcères d'estomac, la constipation, l'insomnie et
la nervosité. Cette situation peut engendrer une consommation excessive
de tabac, de café, de médicaments ou d'alcool. La vie familiale
et sociale est rendue impossible et beaucoup de travailleurs font face à
des problèmes d'ordre marital dûs à ce genre d'horaire.
c) Les cadences de travail et le travail à la
chaîne.
Le travail à la chaîne a véritablement changé
les modes de production depuis son introduction, mais pas pour le
mieux-être des ouvriers. Le travail à la chaîne est monotone
et réglé sur un rythme qui suppose que les ouvriers sont toujours
en pleine forme. Le travail à la chaîne ne tient pas compte de la
fatigue qu'il entraîne. C'est à ce moment que les accidents
arrivent. De plus, avec la détérioration de la situation
économique les cadences de travail sont accélérées,
ce qui rend l'emploi encore plus dangereux pour la santé et la
sécurité de l'ouvrier (ère) en augmentant la fatigue et le
"stress".
2. EXIGENCES
a)
Le temps supplémentaire 1. Que le temps
supplémentaire soit libre et volontaire. 2. Que les horaires de travail
des chauffeurs-livreurs de produits pétroliers soient conçus pour
éviter le temps supplémentaire ou la conduite
non-sécuritaire des camions.
b)
Le travail du quart
Pour les ouvriers qui travaillent de quart, que la semaine de travail
soit abaissée à 32 heures (sans pénalité
financière) i.e. 4 jours de 8 heures de travail.
c)
Le travail à la chaîne 1. Que le travail
à la chaîne soit réglé pour que l'ouvrier
(ère) puisse faire son travail sans fatigue excessive et qu'on
évite le salaire au rendement. 2. Que le travail à la
chaîne soit fait en équipe où un ouvrier (ère)
remplace un (e) autre quand il (elle) est fatigué (e), i.e. la
rotation.
II. LES MALADIES INDUSTRIELLES, LES ACCIDENTS DE
TRAVAIL ET LA C.A.T.
1. LA SITUATION ACTUELLE
Présentement la C.A.T. reconnaît que peu de maladies
industrielles et quand elle les reconnaît, il faut être gravement
malade pour être compensé.
On sait que la nature du travail et l'équipement utilisé
sont souvent des causes d'accidents de travail ou de maladies industrielles.
Mais la C.A.T. et les compagnies refusent de reconnaître le fait que
certains produits ou agents agresseurs causent des maladies
industrielles. Par exemple, la C.A.T. et les compagnies refusent de
reconnaître que certains symptômes comme les problèmes de
dos ou de colonne vertébrale sont causés par la nature du travail
ou l'équipement utilisé par l'ouvrier dans son travail.?
La C.A.T. refuse souvent une pension aux veuves des travailleurs morts
des suites d'une maladie industrielle ou d'un accident de travail en refusant
de reconnaître la véritable cause du décès.
EXEMPLE: on dit qu'un travailleur amiantosé ou silicosé
est mort de cause naturelle d'une "attaque de coeur". Mais étant
donné qu'il avait une de ces maladies industrielles attaquant son
poumon, son système cardiovasculaire devait travailler plus fort pour
lui permettre de s'oxygéner normalement. En réalité, il
meurt d'une "attaque de coeur" causée par sa maladie industrielle. La
C.A.T. ne le voit pas de cette façon tout le temps, et plusieurs veuves
se voient refuser une pension à laquelle elles ont droit. Il y a
discrimination dans le cas du veuf d'une travailleuse, car il ne reçoit
lui-même une pension qu'à la condition que sa propre
incapacité totale à travailler soit reconnue.
La C.A.T. paie à la pièce la perte de nos membres sans
tenir compte de la perte de l'emploi occasionnée par l'accident de
travail ou la maladie industrielle. Si un ouvrier a perdu une main dans un
accident de travail, la C.A.T. lui donnera un montant brut d'argent. L'ouvrier
ne peut plus occuper son emploi, mais la C.A.T. considère qu'il pourrait
travailler comme garde de sécurité, s'il le voulait.
La C.A.T. et l'employeur ont le droit de contester le diagnostic du
médecin-spécialiste traitant et le travailleur doit souvent
passer les mêmes "tests" deux autres fois. À cause des
délais engendrés par cette situation et au niveau de la C.A.T. en
général, l'ouvrier doit souvent se débrouiller sur le plan
financier (via le B.E.S.) jusqu'à ce que sa cause soit
réglée. Les délais peuvent être de plusieurs
années (à Imperial Oil, un ouvrier a attendu neuf (9) ans pour
que son cas soit réglé). Il est fréquent qu'un ouvrier
atteint d'une maladie industrielle ou d'un accident de travail soit
transféré de poste avec perte de salaire, d'ancienneté ou
tout simplement congédié. À Petrofina, un ouvrier
affecté par le Benzène a d'abord été
transféré dans un autre département avec perte de salaire
de $1.36 l'heure pour plus tard être congédié pour raison
de santé.
De plus, les indexations des prestations de la C.A.T. n'étant
rétroactives que depuis 1970, il y a des accidentés qui
reçoivent très peu d'argent aujourd'hui, car les prestations
qu'ils reçoivent sont basées sur de vieux standards.
EXEMPLE: un ouvrier s'est vu accorder une indemnisation en 1965,
reçoit le même montant aujourd'hui, (indexé, mais 10% de
$50.00, c'est moins que 10% de $100.00)
2. EXIGENCES 1. Que toutes les maladies industrielles (et
accidents de travail) soient reconnus et compensables par la C.A.T. 2. Que tous
les travailleurs atteints de maladies industrielles ou d'accidents de travail
aient droit à la compensation dès que le diagnostic a
été posé par le médecin choisi par l'ouvrier. 3.
Que tout travailleur atteint de maladies industrielles ou d'accidents de
travail qui ne peut pas obtenir un emploi convenant à son état de
santé (quel que soit son âge) reçoive 100% du salaire de
l'emploi occupé à vie (et assuré). 4. Que les veufs/veuves
des ouvriers(ères) qui meurent à la suite d'une maladie
industrielle ou d'un accident de travail soient compensés
équitablement et de la même façon, sans discrimination de
sexe. 5. Que les prestations de la C.A.T. soient indexées
rétroactivement (minimum 5 ans) et également au coût de la
vie.
III. LES SERVICES DE SANTÉ
1. LA SITUATION ACTUELLE
Les problèmes qu'on rencontre sont les suivants: a) Les
médecins de compagnies ne sont pas "neutres", bien qu'ils s'affichent
comme tels. Ils sont là pour protéger les compagnies.
Exemple: À la Canadian Copper et à Fer & Titane
à Sorel, les médecins de compagnies cachaient les vrais
résultats des tests passés par les ouvriers. b) Les ouvriers
n'ont pas le choix du médecin traitant. Ils ont donc peur que les
résultats d'un examen effectué par le médecin de la
compagnie soit utilisés contre eux et qu'ils leur fassent perdre leur
emploi. 7 - Les camionneurs, par exemple
c) Certaines compagnies comme les raffineries fonctionnent 24 heures par
jour, 7 jours par semaine. Mais ils n'ont pas de service de santé 24
heures par jour. Dans la plupart des cas, il n'y a qu'une infirmière de
8:00 à 16:30 heures, 4 ou 5 jours par semaine. d) Les dossiers
médicaux ne sont pas tout le temps disponibles pour l'ouvrier, mais
cependant ils le sont pour la compagnie.
Exemple: À Petrofina, si vous demandez de voir votre dossier
médical, vous aurez le droit de le voir, cependant si vous ne le
demandez pas, la compagnie ne vous dira pas que vous avez ce droit. De plus,
à Petrofina également, une copie de votre examen de
pré-embauche est incluse dans votre dossier au bureau du personnel, ce
qui est contraire à la Loi. La compagnie n'en continue pas moins de le
faire et il est évident que, si elle se comporte ouvertement de cette
façon, c'est qu'elle a vraiment accès à nos dossiers
médicaux. e) II y a un manque de documentation sur les produits nocifs
ou toxiques, où les conditions de travail dangereuses. Là
où les compagnies en possèdent, cette documentation n'est pas
complète ni approfondie en ce qui concerne les dangers des produits ni
facilement accessibles. Exemple: À Petrofina, la compagnie a
commencé à fournir de l'information sur les conditions de travail
ou produits dangereux, que depuis qu'une plainte a été faite au
Service d'inspection du Travail. Pourtant, la Loi des établissements
industriels et commerciaux exigent que l'employeur informe ses ouvriers sur les
dangers présents dans leur milieu de travail. Fina n'a sorti cette
information sur ce danger, qu'à la suite d'une visite du Gouvernement.
Même là, cette information n'est pas complète, n'explique
pas tous les dangers et n'est actuellement disponible qu'en anglais, en
dépit de l'obligation de la compagnie, qui date d'octobre 1977, de nous
fournir cette information. f) Les hôpitaux ou CLSC dans la région
n'ont pas de "dossiers de compagnie" susceptibles de fournir des renseignements
adéquats sur les produits avec lesquels nous travaillons, les premiers
soins indiqués, etc... Si cette documentation était disponible,
un ouvrier qui se présente avec une intoxication à un de ces
établissements, serait soigné plus rapidement et plus
adéquatement. g) Seulement quelques usines ont des ambulances. Nous
croyons que chaque usine devrait avoir un service d'ambulance en cas d'urgence.
Les minutes, même les secondes sauvées par une ambulance plus
disponible peuvent quelques fois sauver la vie d'un ouvrier. h) Quelques usines
ont un service de nettoyage à sec pour les vêtements de travail,
ce qui permet aux ouvriers de laisser leurs vêtements sales sur les lieux
de travail. Ainsi, les produits toxiques, nocifs ou dangereux ne sont pas
véhiculés à la maison. La Loi des établissements
industriels et commerciaux exige que les compagnies fournissent un tel service
de même que des casiers où des vêtements propres peuvent
être isolés des vêtements de travail et des douches
où l'ouvrier peut se laver avant de quitter son travail.
Exemple: à la compagnie Canadian Copper, la compagnie refuse de
fournir des vêtements de travail aux ouvriers. De plus, dans certaines
raffineries, les ouvriers des contracteurs n'ont pas accès au service de
nettoyage à sec ni, dans quelques cas, aux douches. Ils sont pourtant
exposés aux mêmes produits que les ouvriers permanents de
l'usine.
Nous pensons qu'il est important que les vêtements de travail
soient nettoyés à l'usine. Il y a eu des cas aux
États-Unis où les familles des ouvriers ont été
affectées par le produit avec lequel l'ouvrier travaillait. Au
Québec notamment, nous avons l'amiante. De plus, les compagnies
devraient fournir à l'ouvrier, assez de vêtements de travail pour
qu'il puisse utiliser le service de nettoyage.
2. EXIGENCES 1. Que le médecin qui vient sur les lieux de
travail soit choisi par les ouvriers, leur association ou le syndicat. 2. Que
ce médecin soit payé par le gouvernement, via la Commission des
Accidents de Travail. 3. Que la compagnie n'ait aucun contrôle sur ce
médecin et, d'autre part, que le médecin ne soit pas lié
à la compagnie, en possédant, par exemple, des actions de cette
compagnie. 4. Que chaque ouvrier dispose du temps nécessaire, chaque
année (avec plein salaire payé par la compagnie) pour passer un
examen médical par le médecin de son choix. 5. Que les
résultats de cet examen ne soient disponibles à la compagnie,
qu'avec l'autorisation écrite de l'ouvrier(ère). 6. Que les
"dossiers d'industrie" soient disponibles aux hôpitaux et aux CLSC de la
région où les ouvriers sont envoyés en cas d'urgence. 7.
Que chaque usine dispose d'au moins une infirmière pour toutes les
heures travaillées, i.e. 24 heures par jour, sept jours par semaine,
dans le cas des raffineries. 8. Que les compagnies fournissent la documentation
et l'information complètes sur tous les agents agresseurs
utilisés dans une usine ou un milieu de travail. 9. Que chaque ouvrier
ait accès à son dossier médical personnel et que toute
autre personne (y compris le médecin de la compagnie) ne puisse
consulter ce dossier qu'avec l'autorisation de l'ouvrier concerné.
10. Que les ouvriers, leur Association, leur syndicat puissent demander
qu'une étude de santé majeure soit faite à leur usine ou
le milieu de travail s'ils pensent que le besoin existe. Que le médecin
ou technicien qui participerait à une telle enquête soit choisi
par les ouvriers, leur Association ou leur syndicat et qu'il soit payé
par le gouvernement. 11. Que chaque compagnie fournisse à ses ouvriers
(y compris les employés de contracteurs) des vêtements de travail
là où il y a présence d'agents agresseurs. Que la
compagnie fournisse également un système de nettoyage à
sec pour ces vêtements. Que chaque ouvrier dispose au moins de deux
casiers pour séparer son linge de travail de son linge propre. Que
chaque usine ait des douches et que le temps pris pour se laver soit
payé par la compagnie.
IV.
LE COMITÉ DE SANTÉ ET
SÉCURITÉ
1.
LA SITUATION ACTUELLE
Actuellement, les comités paritaires de santé et
sécurité sont un véritable cirque. Ces comités
n'ont aucun pouvoir et l'administration essaie par tous les moyens de les
confiner dans un cul-de-sac. Ces comités n'ayant pas de pouvoir, les
ouvriers peuvent soulever autant de points concernant les problèmes de
l'usine qu'ils le veulent, mais si la compagnie ne veut apporter aucune
amélioration, rien ne sera changé.
Il faut aussi souligner que les patrons mettent beaucoup de pression sur
les représentants syndicaux de santé et sécurité
(exemple: surveillance, menaces), si bien que ces représentants sont
obligés de démissionner de cette responsabilité pour
pouvoir continuer à travailler en paix (pour des raisons
évidentes, nous ne pouvons pas mentionner les gens concernés en
public, mais les noms peuvent être fournis confidentiellement).
La "niaiserie" qui se passe dans les comités paritaires est bien
illustrée par le procès-verbal de ces rencontres. La compagnie
écrit ses procès-verbaux et y met bien ce qu'elle veut. Ensuite,
une grande partie des assemblées de comité paritaire qui suivent
est gaspillée en discussions sur le contenu du procès-verbal.
Dans quelques usines, le comité de santé et
sécurité est à composition majoritairement patronale, et
le temps alloué pour les rencontres est décidé par la
compagnie.
2.
EXIGENCES 1. Que chaque ouvrieret/ou syndicat ait le
pouvoir d'arrêter le travail s'ils pensent que la santé ou la
sécurité des ouvriers est mise en danger et ceci, sans
pénalité ou sans perte de salaire. 2. Qu'il y ait des
représentants du syndicat ou de l'association des ouvriers qui
travaillent à plein temps comme officiers de santé et
sécurité. Que ces gens reçoivent à cette fin, leur
salaire normal et s'assurent que le milieu de travail soit sécuritaire.
Qu'ils aient de plus, des pouvoirs pour vraiment protéger la
santé et la sécurité des ouvriers. 3. Que le syndicat ou
l'association des ouvriers ait toute l'information (i.e. l'information sur les
accidents, les maladies industrielles, etc...) sur la santé et la
sécurité au travail et qu'il puisse enquêter sans
restriction arbitraire sur les questions de santé et
sécurité au travail.
V.
L'INSPECTORAT
1. LA SITUATION ACTUELLE
a) Chevauchement de juridictions
Lorsque les ouvriers demandent qu'une inspection gouvernementale soit
effectuée dans leur milieu, ils sont confrontés à un
chevauchement de juridiction. Le service d'inspection du Ministère du
travail a les pouvoirs d'exercer que les situations dangereuses (et/ou les
conditions de travail qui ne respectent pas à la Loi des
établissements industriels et commerciaux) soient corrigées et
d'imposer des amendes si les corrections ne sont pas faites dans les
délais prescrits. Mais le service d'inspection du Ministère du
Travail n'a pas l'équipement de mesure pour vérifier les taux
d'exposition aux produits toxiques, poussières, bruit, etc.. Le service
d'inspection du Service de protection et de l'environnement a cet
équipement de mesure mais lui, il ne peut exiger que des conditions
dangereuses soient corrigées ni imposer des amendes pour les
infractions. C'est donc dire que si on veut une inspection "complète"
(i.e. comprenant des tests avec équipement de mesure), on doit contacter
par écrit le service d'inspection du Travail et le Service de protection
de l'environnement en leur disant qu'on veut qu'ils viennent ensemble pour une
inspection.
Si le syndicat veut une copie du rapport de l'inspection, il faut le
spécifier dans la lettre de demande d'inspection, sinon, le syndicat ne
recevra aucun rapport. Lorsqu'on désire qu'un officier du syndicat soit
présent pour l'inspection, il faut également mentionner son nom
dans la lettre de la demande d'inspection faute de quoi, les
représentants du syndicat peuvent être exclus. Il faut
également spécifier dans la demande, si on veut qu'un
médecin du Département de santé communautaire soit
présent. Seul un médecin du Département de santé
communautaire ou choisi par le Département de santé communautaire
peut être présent pour l'inspection. Un médecin choisi par
le syndicat ne peut être
admis. Il y a donc effectivement un chevauchement de juridiction qui a
pour effet de décourager les ouvriers de demander une inspection
gouvernementale. Quand malgré tout un syndicat demande une inspection,
ce chevauchement de juridiction augmente les chances que l'inspection soit
incomplète ou peu satisfaisante pour les ouvriers concernés.
b)
Manque d'inspecteurs
Un autre problème de l'inspectorat est le petit nombre
d'inspecteurs, que ce soit au niveau du service d'inspection du
Ministère du travail ou au niveau du Service de la protection de
l'environnement. Ceci a pour effet de retarder les inspections et de ne
permettre que les inspections faites sur demande. Ainsi, plusieurs milieux de
travail potentiellement dangereux ne sont presque jamais inspectés.
c)
La faiblesse des lois et le manque de
pouvoirs de l'inspectorat
Lorsque l'inspecteur se présente sur les lieux de travail, il
prescrit des délais de 30 ou 60 jours à la compagnie pour des
infractions aux lois et/ou fait des recommandations à la compagnie pour
corriger certaines situations dangereuses. Mais compte tenu du fait que des
amendes pour infractions, si la compagnie n'a pas corrigé la situation
dans le délai prescrit, sont souvent faibles, les compagnies choisissent
de payer ces amendes et de ne pas corriger la situation, i.e. d'utiliser la
méthode qui est à "meilleur marché".
Par ailleurs, les inspecteurs recommandent souvent que la compagnie
élimine si possible, le danger à la source ou du moins, qu'elle
fournisse les appareils protecteurs aux ouvriers. Il est évident que
dans la plupart des cas, comme par exemple, pour le bruit, les compagnies
prétendent que c'est impossible et/ou que ça coûte trop
cher pour éliminer le bruit à la source pour ensuite obliger les
ouvriers à porter des bouchons protecteurs contre le bruit.
Les inspecteurs ne peuvent pas exiger qu'une entreprise soit
fermée, sauf s'il y a danger imminent de perte de vie. À l'usine
Canada métal, par exemple, plusieurs ouvriers sont intoxiqués au
plomb et on a demandé au gouvernement de fermer l'usine à cause
du danger. Mais le gouvernement a prétendu qu'il ne pouvait pas la
fermer puisqu'il n'y avait aucune loi à cette fin, i.e. de danger
imminent pour les ouvriers. En effet, l'intoxication au plomb n'est un danger
imminent pour la santé des ouvriers, puisque ça prend quelques
années avant qu'un ouvrier soit affecté par le plomb.
2. EXIGENCES 1. Il faut mettre fin au chevauchement des
juridictions en regroupant dans un seul service d'inspection complet a) tout
l'équipement de mesure pour les taux d'exposition aux produits toxiques,
poussières, le bruit, etc... b) les pouvoirs nécessaires à
un bon fonctionnement c) Que des médecins choisis par le syndicat, les
ouvriers ou leur association et qui peuvent accompagner les inspecteurs. 2. Que
le nombre d'inspecteurs soit augmenté et que ces inspecteurs aient la
formation nécessaire pour apprécier les dangers des processus
utilisés dans les industries qu'ils inspectent. 3. Que des inspections
régulières soient effectuées dans chaque entreprise, qu'il
y ait eu ou non, des demandes d'inspection. 4. Que les services d'inspection
aient les pouvoirs précis y compris, celui d'exiger des amendes
sévères de la part des industries qui ne respectent pas les lois
et/ou qui mettent en danger la santé des ouvriers. Que les inspecteurs
aient les pouvoirs de fermer les usines là où il y a danger
à court ou à long terme pour la santé des ouvriers
jusqu'à ce que les compagnies concernées éliminent ce
danger à sa source. Que pendant ces améliorations au milieu de
travail les ouvriers reçoivent leur plein salaire. 5. Qu'à chaque
inspection, un délégué syndical soit présent. Que
le syndicat reçoive une copie de toute correspondance entre la compagnie
et les inspecteurs. Que les inspections, particulièrement celles qui
sont demandées par les ouvriers et/ou leur Association ou leur syndicat
soient effectuées sans avertir la compagnie d'avance.
VI. LE TRANSPORT DES PRODUITS PÉTROLIERS
1. SITUATION
ACTUELLE a) On se rappelle qu'en 1972-73, il y a eu plusieurs explosions
qui ont entraînés des morts et blessures graves à des
travailleurs. Notre comité demande donc qu'on empêche ce qu'on
appelle le "switch loading" (changement de produit)
Exemple: on sort avec un contenu d'essence et on revient avec un contenu
d'huile, alors qu'il subsiste encore des gaz dans la citerne.
b) la livraison d'huile à chauffage dans les régions
rurales, en dehors des grandes villes, s'effectuent souvent par un petit agent
qui a seulement un camion pour faire les deux livraisons. On lit souvent dans
les journaux qu'il y a eu incendie causée par le système de
chauffage qui a fait explosion. Une cause importante de ces incendies provient
du fait que les chauffeurs reviennent de faire une livraison d'essence et le
distributeur leur donne une livraison d'huile à chauffage pour un
dépôt à l'extérieur. Le camionneur va seulement
ouvrir les valves et les refermer, alors qu'il peut subsister encore une
vingtaine de gallons d'essence à l'intérieur. S'il
répète ce manège 3 ou 4 fois par jour, il peut ainsi
introduire dans l'huile, 80 gallons d'essence par jour.
Il peut également arriver que le vendeur de la région
rurale qui est ailé faire cette livraison effectue une livraison
d'essence avant de vidanger son boyau sans que les vapeurs soient
éliminées. Quand il fait le plein dans un système de
maison privée, les vapeurs qui subsistent vont dans l'huile.
La cause de certaines explosions de systèmes de chauffage
à domicile sont dues à ce système de mélange de
contenus des camions. c) Pour transporter deux produits sur le même
voyage on met des plaques de séparation de compartiments double pour
qu'il n'y ait pas de mélange des deux contenus. Si un des compartiments
coule il peut y avoir mélange d'huile et d'essence.
Ce système génère des situations extrêmement
dangereuses comme nous en avons eu l'expérience dans le passé
où trois explosions se sont produites dans la même semaine avec
deux blessés, dont un grave. Un chauffeur de Golden Eagle est mort,
ensuite, la semaine suivante, à Sun Oil, une autre explosion a
amené la mort de monsieur McCrayest, alors qu'il chargeait son camion
citerne. Les explosions ont eu lieu parce que les chauffeurs de camions citerne
qui étaient entrés charger leur camion de distillé mais
dans lequel il y avait eu de l'essence. Le distillé étant
conducteur d'électricité statique, il s'est produit une
étincelle dans le compartiment et tout a sauté.
2. EXIGENCES 1. Qu'il n'y ait jamais un camion avec deux produits
dedans. Que si le camion fait de l'huile, que ce soit de l'huile et si le
camion fait de l'essence, que ce soit de l'essence.
Que si on veut se servir d'un camion d'essence pour livrer de l'huile,
qu'on fasse une vidange complète, y compris les vapeurs explosives. 2.
Que le Ministère des richesses naturelles applique les Lois et
règlements sur le commerce des produits pétroliers. 3. Que des
amendes soient plus élevées et les peines plus
sévères pour les infractions à ces Lois et
règlements sur le commerce des produits pétroliers. 4. Que l'on
revienne aux citernes d'acier, en ce qui concerne les camions-citerne, car les
citernes d'aluminium utilisées depuis quelque temps sont trop fragiles
en cas d'accident et laissent échapper leur contenu et il y a alors
incendie.
VII. CONCLUSION
Comme ce bilan le décrit, il est de plus en plus évident
que le massacre dans les usines continue. Devant l'urgence de la situation, il
faut apporter des solutions sous forme de changements tels qu'exposés
dans ce bilan. Si le Gouvernement continue de faire la sourde oreille aux
demandes des ouvriers, et ne propose que de petites réformes
destinées à nous illusionner, ceci ne nous aidera pas. Nous
exigeons que le gouvernement cesse, comme le font les patrons, de faire passer
la marge de profit avant la santé et la sécurité des
travailleurs.
L'information que nous avons eue par les journaux (1) sur les
premières versions du Livre blanc qui se fait tant attendre, nous porte
à croire que ça ne changera pas grand chose. Exemple: la
proposition qui dit qu'un ouvrier pourrait arrêter le travail en cas de
danger pour sa santé et sa sécurité. On mentionne: "s'il y
a danger imminent, en demandant à son contremaître ou son
supérieur et, si celui-ci refuse, en appelant un inspecteur du
gouvernement." Si l'ouvrier a tort, il ne sera pas payé; s'il a raison,
il n'y a aucune garantie contre les représailles de la part de
l'employeur. De plus, si un groupe d'ouvriers débraie pour des raisons
de santé et sécurité, l'inspecteur peut les obliger
à reprendre le travail. Ce type de proposition fait plus l'affaire du
patron que des ouvriers parce que trop faible. Aucun ouvrier ne prendra la
chance d'arrêter de travailler s'il risque d'être
pénalisé financièrement ou de subir les
représailles du patron. Il est sûr que les patrons seront contents
de ces changements qui leur donnent des droits qui reviennent normalement aux
ouvriers. Une autre des propositions de la première version du Livre
blanc, était le comité paritaire de santé et
sécurité. Comme ce document l'expliquait, c'est un cul-de-sac.
Les patrons ne veulent pas qu'on ait le droit de nous occuper de notre
santé et de notre sécurité au travail, ils veulent
contrôler ce domaine eux-mêmes. Leurs intérêts, ce
sont leurs
(I) Voir annexe 2
profits, et non pas notre santé. Quand un ouvrier devient malade
à cause de son travail, la compagnie essaie de se débarrasser de
lui, car il n'est plus rentable. Les compagnies continueront à tenter de
contrôler les conditions de travail. Nous doutons qu'un comité
paritaire puisse changer cette situation.
Les travailleurs exigent donc que le gouvernement fasse respecter leur
intégrité physique à l'intérieur et à
l'extérieur de leur milieu de travail.
Ce mémoire sur la santé et la sécurité des
travailleurs a été rédigé par les
représentants des travailleurs des industries lourdes de l'est de
Montréal, qui représentent les ouvriers des compagnies
suivantes:
Référer à la version PDF page B-9011
Référer à la version PDF page B-9012
ANNEXE D
Mémoire à la commission permanente du
travail et de la main-d'oeuvre
relatif au projet de loi no. 17, sur la santé
et la sécurité du travail
L'Association Canadienne des Fabricants de Produits
Chimiques. Avant-propos
L'Association Canadienne des Fabricants de Produits Chimiques (ACFPC)
est une association industrielle composée de producteurs canadiens de
produits chimiques industriels. Elle a été constituée en
1962 et comporte à présent 66 compagnies membres qui constituent
la grande majorité des fabricants canadiens de produits chimiques
industriels, d'un océan à l'autre. 42 de ces compagnies ont des
usines au Québec. On trouvera la liste des compagnies membres en
Appendice A.
L'industrie canadienne des produits chimiques industriels, dont l'ACFPC
représente une partie, est vaste, diverse, et de haut niveau technique.
L'actif total des compagnies membres au Québec est à l'heure
actuelle évalué à 1.0 milliard de dollars, et on
prévoit d'ici 1980 des investissements supplémentaires de 150
millions de dollars en constructions nouvelles et expansions d'installations
existantes. Les compagnies membres de l'ACFPC emploient directement environ 10
000 personnes au Québec, et l'effet multiplicateur a donné lieu
à plusieurs fois ce nombre d'emplois. Pour que l'industrie canadienne
des produits chimiques industriels puisse continuer à satisfaire
efficacement à toutes ses obligations, il lui faut une liberté
d'action maximale dans la poursuite de ses objectifs économiques
légitimes, tout en assumant ses responsabilités envers ses
employés, ses clients et le grand public.
L'industrie chimique canadienne s'est engagée à prendre
toutes les précautions nécessaires pour garantir que ses
activités ainsi que l'utilisation et la destination finale de ses
produits ne présentent pas de risques inacceptables pour ses
employés, ses clients, le public ou l'environnement. Elle appuie le
principe de l'élaboration des directives et règlements pour les
produits chimiques dangereux. Ces directives et règlements doivent
être fondés sur des données scientifiques et doivent
refléter un équilibre réaliste entre les avantages et les
coûts pour la société.
Dans ses efforts pour garantir que son activité ne constitue pas
de risques inacceptables, l'industrie chimique canadienne s'est engagée
à élaborer et mettre en place des plans, des programmes et des
échanges d'information, à l'intérieur de l'industrie et
avec les gouvernements, les agences régulatrices, les autres groupes de
ressource et les parties en cause. Nous saisissons donc cette occasion de
donner une présentation officielle de notre point de vue sur ce projet
de loi.
Les commentaires présentés dans ce mémoire ont
été préparés par le Comité sur la
Santé industrielle de l'ACFPC, et ont pour but d'apporter une
contribution positive. S'ils sont adoptés, nous pensons qu'ils rendront
la loi efficace et plus pratique. Les commentaires seront
présentés en deux parties, la première contenant les
questions d'ordre général s'appliquant à l'ensemble du
projet, et la deuxième, les questions plus spécifiques.
Commentaires d'ordre général, aspects
médicaux et professionnels
Droits et Responsabilités
Nous croyons que c'est la responsabilité et l'obligation de
l'employeur de prendre les mesures nécessaires afin de protéger
la santé et sécurité des employés.
Pour atteindre ce but le travailleur doit être informé des
responsabilités de sa tâche et doit se soumettre à toutes
mesures de surveillance que l'employeur prendra. Cela implique que dans son
programme de santé l'employeur s'entourera des professionnels les plus
compétents tant du côté hygiène que du
côté médical. L'employeur fournira à ses
professionnels tous les moyens nécessaires pour atteindre leur but et
améliorer leur compétence.
Nous acceptons le droit de l'employé:
(1) de voir à ce que l'employeur remplisse tous ses devoirs et
toutes ses obligations: et
(2) de rapporter tout manque ou toute lacune de la part de l'employeur
ou du médecin responsable.
Sécurité d'emploi pour le
Médecin
Le médecin responsable doit avoir une certaine
sécurité dans son emploi et jouir d'une certaine liberté
dans l'exercice de sa profession. La menace constante de son renvoi ou de la
cessation de son contrat peuvent peut-être entraver son
objectivité et affecter sa compétence et ses
décisions.
La seule raison qui devrait justifier son renvoi est la preuve de son
incompétence: cette preuve ne peut être fournie que par un autre
médecin car l'évaluation de son travail ne peut être faite
par d'autre.
Hygiénistes industriels
Pour prévenir la maladie industrielle, l'hygiène
industrielle est indispensable et elle est totalement absente du projet de
loi.
Pour un programme de santé efficace il doit y avoir des liens
très étroits entre l'hygiène industrielle et la
médecine occupationnelle. Le but de l'hygiène industrielle est
d'identifier, évaluer et communiquer les renseignements au
médecin responsable et ensuite de développer les contrôles
adéquats pour minimiser les risques et les dangers du travail.
On doit développer une équipe complète impliquant
le médecin occupationnel, l'hygiéniste industriel,
l'infirmière occupationnelle, l'ingénieur et les travailleurs et
par voix de conséquence, assurer la santé et la
sécurité du travailleur.
Confidentialité des renseignements
médicaux
Parce que le médecin est tenu au secret professionnel, nous
recommandons que les renseignements médicaux personnels demeurent
confidentiels à moins que l'employé n'en autorise la divulgation.
En outre, pour protéger le plus possible le caractère
confidentiel des renseignements, nous proposons de ne transmettre l'information
qu'à un autre médecin. Nous recommandons que seulement des
renseignements dépersonnalisés lorsque requis soient transmis au
gouvernement
Le même principe général s'applique pour l'appareil
gouvernemental.
Maintien de la qualité d'un programme de
santé existant
L'inquiétude du gouvernement du Québec pour la
santé de ses travailleurs est bien fondée, car la majorité
des travailleurs au Québec ne bénéficient d'aucune
surveillance médicale occupationnelle. La nouvelle législation
fournira plutôt les moyens nécessaires pour pourvoir à
leurs besoins. Il ne faut pas que la nouvelle législation vienne
affecter les programmes médicaux déjà existants. Dans
l'industrie chimique, beaucoup de corporations canadiennes ont
déjà en opération des programmes de santé. Ces
programmes existants sont très souvent adéquats, quelquefois
supérieurs à ceux qu'on veut implanter par la nouvelle loi.
Ils sont administrée par des professionnels compétents et
il existe une participation active des travailleurs dans ces programmes. Nous
craignons que si les propositions contenues dans le projet de loi sont
adoptées sans modifications, les bons programmes existants se
détérioreront. Il ne serait pas illogique pour une corporation
d'abandonner son programme existant, d'accepter le programme du DSC et de ne
demander des consultations qu'en cas d'extrême difficulté.
Le résultat final serait une détérioration de la
qualité de surveillance occupationnelle pour quelques travailleurs.
C'est pourquoi nous recommandons que lorsque des programmes existants sont
équivalents ou supérieurs au programme de base en plus
d'être acceptables au comité paritaire et au DSC, ils soient
maintenus en utilisant les mêmes ressources.
Refus de travail
Nous sommes d'accord avec le principe du droit de refuser de travailler.
Nous croyons qu'il ne doit pas entrer en conflit avec les droits de la
collectivité. Nous sommes inquiets de la possibilité d'actions
abusives de la part de certains individus. Il peut en découler des
conséquences économiques désastreuses et possiblement
mortelles.
En ce cas, nous recommandons que les points suivants soient pris en
considération: Le droit de refus de travail est interdit si
l'exercice de ce droit risque de mettre en péril la vie, la santé
d'une autre personne, ou de provoquer des dégâts ou dommages
matériels importants. Toutes les précautions d'usage pour
arrêter les procédés doivent être prises avant
l'exercice du droit de refus. Pour tout travail qui peut être
dangereux le refus ne peut être accordé que s'il s'y ajoute un
risque inhabituel. Toutes les étapes prévues par la loi au
niveau du mécanisme du droit de refus doivent être
complétées d'un rapport signé par les différents
intervenants. Ceci aura pour effet de faciliter le passage de l'une à
l'autre des étapes et accélérera le mécanisme de
résolution en assurant une continuité de l'information.
Assurer un prompt règlement de tout conflit en fixant un délai
limite à toutes les étapes. Pour un travailleur qui refuse
de retourner au travail malgré la décision de l'inspecteur,
arrêter les salaires pour tous les travailleurs affectés par
l'arrêt. Advenant que la décision finale renverse celle de
l'inspecteur, l'employeur devra payer rétroactivement les salaires
dûs.
Qualifications de l'inspecteur
Le principe de l'inspection est acceptable. Il est essentiel qu'à
cause de l'étendue de leurs pouvoirs et des conséquences graves
qui peuvent découler de leurs décisions, les inspecteurs soient
des
personnes compétentes. En conséquence, il faut que son
identification indique aussi son champ d'action.
De plus, pour des décisions importantes, nous recommandons
qu'elles soient prises à un niveau supérieur.
Elaboration des règlements
Le chapitre XII indique que le projet de loi 17 est une loi cadre. Pour
cette raison, la méthode d'élaboration des règlements
acquiert une importance primordiale. Il est essentiel qu'une communication
directe avec toutes les parties soit établie dès l'étape
initiale du processus d'élaboration des règlements, pour produire
les définitions et les normes.
Les membres de l'ACFPC désirent affirmer publiquement qu'ils sont
prêts à offrir leurs connaissances et leur considérable
expertise pour participer de manière constructive à la
formulation de règlements valables.
Intégrité physique
Les deux termes, "santé et sécurité", qui
précèdent toujours l'intégrité physique" apportent
une couverture complète. Le terme "intégrité physique" est
inutile. De plus, ce terme n'est pas défini et peut entraîner
confusion et abus. Nous recommandons que le terme "intégrité
physique" soit éliminé complètement du projet de loi.
Commentaires spécifiques
CHAPITRE I Définitions
Nous vous référons aux commentaires généraux
qui traitent de L'établissement des règlements.
Nous croyons que les définitions de contaminants et
matières dangereuses seront vitales et critiques pour l'industrie
chimique au Québec. Les compagnies membres de l'ACFPC désirent
offrir expertise et assistance lors du développement de ces
définitions et lors de l'élaboration des règlements.
Nouvelle définition
Nous recommandons d'inclure la définition suivante: "((une
personne compétente)): une personne qualifiée possédant
connaissance, habileté et expérience dans son champ
d'activité."
Inspecteur et inspecteur chef régional
Nous recommandons que les mots "personne compétente" remplacent
le mot "personne". Travailleur
Nous recommandons d'insérer les mots "à son lieu de
travail" au point 24 après le mot "personne."
CHAPITRE III Droits et obligations
Nous vous référons aux commentaires généraux
qui traitent du REFUS DE TRAVAIL. 2- Droit de refus Nouvel article
Pour assurer la continuité et minimiser la confusion et les
délais, nous recommandons qu'un nouvel article soit ajouté dans
cette section, ainsi: "Toutes les étapes de la procédure de refus
de travail doivent être effectuées par écrit".
Article 12
Nous recommandons d'ajouter les deux paragraphes suivants: "Un
travailleur ne peut refuser le travail que s'il s'y ajoute un risque personnel
inhabituel." "Un travailleur pourra refuser le travail seulement après
que sont prises les précautions d'usage pour arrêter les
procédés en cours."
Article 14
Nous recommandons de terminer l'article après les mots
"association accréditée".
Article 15
Recommandons que les mots suivants soient éliminés: "Au
travailleur désigné"
Article 21
Nous recommandons d'ajouter un troisième alinéa comme
suit: "Une confirmation écrite doit être soumise dans les 24
heures.
Article 23 Nouvel alinéa
Nous recommandons qu'un nouvel alinéa soit ajouté:
"L'inspecteur chef régional devra soumettre sa décision dans les
trois jours"
Article 24
Nous recommandons que l'article débute ainsi: "Dans les trente
jours,..."
Article 27
Recommandons d'insérer les mots "selon sa cédule
habituelle" après le mot "disponible".
Article 28
Nous recommandons que le premier paragraphe se lise ainsi: "L'inspecteur
doit être sur les lieux au plus six heures après que son
intervention a été requise".
Article 30
Nous recommandons que les mots "pour toute la durée de
l'arrêt de travail" soient éliminés et substitués
par les mots suivants: "jusqu'à la décision de l'inspecteur".
Nouvel alinéa
Nous recommandons d'ajouter le paragraphe suivant: "Suivant que la
décision finale renverse celle de l'inspecteur, l'employeur est tenu de
rémunérer ces autres travailleurs à leur taux salarial
régulier pour toute la durée de l'arrêt de travail".
Article 31
Nous recommandons d'insérer dans les deux paragraphes
après les mots "une décision finale" les mots suivants: "de
l'inspecteur ou de l'inspecteur chef régional".
Nous recommandons que les mots "si le refus est exercé de
mauvaise foi" soient remplacés par les mots: "si le refus a
été exercé pour des motifs raisonnables".
4 Obligations Article 38
Nous recommandons de modifier le 5e point comme suit: "5e participer
vers l'identification et vers l'élimination des risques..." 2.
Obligations générales
Article 40
1er Paragraphe
Nous recommandons d'ajouter après les mots "il doit notamment"
les mots "et conformément à la loi et aux règlements
émis en vertu de la loi."
8e Point
Référez-vous aux commentaires généraux sur
L'éLABORATION DES RÈGLEMENTS et à nos commentaires
spécifiques sur les DÉFINITIONS.
13e Point
Nous recommandons d'insérer les mots suivants après "en
l'absence de règlement": "prendre toutes les mesures raisonnables afin
de s'assurer..."
3. Le programme de prévention
Article 48
Nous recommandons le changement suivant: "Un programme de
prévention a pour objectif d'éliminer à leur source
même les dangers pour la santé et la sécurité des
travailleurs."
Section III Le fournisseur
Article 52
Nous recommandons d'éliminer l'article en son entier. Des
produits chimiques sont fabriqués au Canada et sont exportés via
Le Québec sur les marchés mondiaux, de même d'autres
produits sont importés via Le Québec pour le marché
Nord-Américain. Les implications économiques d'un contrôle
local sur un marché international seraient énormes et
croyons-nous inappropriées.
Article 53
Nous recommandons que l'article 53 se lise comme suit: "sauf à
des fins de recherche, nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, distribuer,
installer ou utiliser un produit, un procédé, un
équipement, un matériel, un contaminant ou une matière
dangereuse, à moins d'avoir avisé la Commission".
Article 54
Nous recommandons de substituer "l'inspecteur" par "la Commission".
Article 55
Nous recommandons que l'article se lise comme suit: "un fournisseur doit
s'assurer qu'une matière dangereuse qu'il fournit soit
étiquetée conformément aux règlements, et indiquer
les dangers de son utilisation et les mesures à prendre en cas
d'urgence".
Il n'est pas nécessaire de mentionner les secrets de
fabrication.
CHAPITRE IV Les comités de santé et de
sécurité
Article 58
2e Paragraphe
Nous recommandons que les mots "au moins" dans le deuxième
paragraphe soient éliminés.
Article 60
Référez-vous aux commentaires généraux qui
traitent des ASPECTS MéDICAUX ET PROFESSIONNELS
Hygiénistes Industriels.
Un bon programme de santé et de sécurité doit
impliquer d'autres professionnels que les médecins. Nous recommandons
qu'un nouveau paragraphe soit ajouté: "Tout autre professionnel de la
santé ou de la sécurité peut aussi participer aux
réunions, si agréé par le comité".
Article 63
Veuillez vous référer aux commentaires qui traitent des
ASPECTS MÉDICAUX ET PROFESSIONNELS.
CHAPITRE VIII Les services de santé au
travail
Section II
Dans les établissements Article 88
Nous vous référons aux commentaires généraux
en ce qui regarde MAINTIEN DE LA QUALITÉ D'UN PROGRAMME DE SANTÉ
EXISTANT.
Nous vous recommandons que le présent contenu à l'article
88 soit désigné comme article 88-(a).
Nouvel article
En plus, nous recommandons que l'article 88-(b) qui suit soit
ajouté: "88-(b)
En dépit de l'article 88-(a), pour un programme de santé
déjà existant et accepté par les membres du comité,
si le médecin en place est agréé aux fins de la
médecine du travail et par le centre hospitalier local, il deviendra
médecin responsable. Dans ce cas-ci, l'article 87 ne s'applique
pas."
Section IV
Rôle du médecin responsable Nouvel
article
Plusieurs corporations en opération au Québec
possèdent un officier médical au niveau corporatif. Pour lui
permettre une certaine consultation, des recherches ainsi que des études
épidémiologiques et possiblement des recommandations, il lui faut
avoir accès aux dossiers médicaux de temps à autre.
Nous recommandons donc que l'article suivant soit ajouté: "Un
médecin corporatif responsable, après application au DSC, pourra
avoir accès aux dossiers médicaux s'il a l'autorisation
écrite des employés impliqués."
CHAPITRE IX
La commission de la santé et de la
sécurité du travail Section I Constitution
Article 123
Nous recommandons de remplacer le mot "personne" par les mots "personne
compétente".
CHAPITRE X
Inspection
Référez-vous aux commentaires généraux
traitant des QUALIFICATIONS DE L'INSPECTEUR. Nouvel article
Nous recommandons l'addition suivante: "Un inspecteur doit être
une personne compétente".
Article 135
Nous recommandons que soit ajouté au deuxième paragraphe,
deuxième ligne, après "dossier", le mot "pertinent".
Nous recommandons que soient ajoutés les mots: "et son champ
d'action" au dernier paragraphe.
Article 142
À cause des implications, nous recommandons que le mot
"inspecteur" soit changé pour "inspecteur chef régional".
Article 144
Tel que présentement phrasé, il est impossible de corriger
la situation et le lieu de travail demeurera toujours fermé.
Nous recommandons que les modifications suivantes soient
apportées. Ajouter à la fin du deuxième paragraphe les
mots suivants: "ou pour corriger la situation". Eliminer complètement le
troisième paragraphe.
Articles 146-147
Nous recommandons que le mot "inspecteur" soit remplacé par
"inspecteur chef régional".
Article 148
Nous recommandons que soit ajouté après le mot
"inspecteur" les mots suivants "ou inspecteur chef régional".
CHAPITRE IX
Dispositions particulières relatives aux
chantiers de construction
Section III Droit de refus
Veuillez vous référer à nos commentaires
généraux sur le REFUS DE TRAVAIL ainsi qu'aux commentaires
spécifiques du CHAPITRE III.
CHAPITRE XII Règlements Article 185
Veuillez vous référer aux commentaires
généraux traitant de L'ÉLABORATION DES REGLEMENTS. Nous
sommes particulièrement inquiets au sujet des points 27 à 30
inclusivement. Nous désirons offrir expertise et assistance lors de
l'élaboration des règlements.
Article 186
Nous recommandons qu'il soit changé comme suit: "Avant de
formuler un règlement, le gouvernement devra: a) publier dans la Gazette
officielle du Québec un avis exprimant l'intention de commencer une
étude pouvant aboutir à un règlement et définissant
son objet, en plus de solliciter les commentaires des intéressés;
et b) les règlements de la Commission doivent être publiés
dans la Gazette officielle du Québec avec avis qu'à l'expiration
des soixante jours suivant cet avis, ils seront soumis pour approbation au
gouvernement".
CHAPITRE XV Financement Article 210
Nous recommandons l'addition du paragraphe suivant: "La Commission devra
déterminer un crédit de prime en fonction des programmes
existants et acceptés".
Appendice "A"
Les compagnies membres de l'Association Canadienne des
Fabricants de Produits Chimiques
Alberta Gas Chemicals, Ltd.
Alberta Gas Ethylene Company Ltd.
Alcolac Ltée
Allied Chemical Canada, Ltd.
Armak Chemicals Ltd.
Ashland Chemicals (a Div. of Valvoline Oil & Chemicals Ltd.)
Atlas Chemical Industries, Canada Ltd.
Bakélite Thermosets Limited
BASF Canada Inc.
H.L. Blachford Limitée
Borden Chemical Canada, Division of Borden Products Limited
Borg-Warner Chemicals, Borg-Warner (Canada) Limited
Canadian Industries Limited
Canadian Occidental Petroleum Ltd.
Canadian Titanium Pigments Limited
Celanese Canada Inc.
Ciba-Geigy Canada Ltée
La Compagnie Pigment & Chemical Limitée
Cyanamid Canada Inc.
Diamond Shamrock Alberta Gas Ltd.
Diamond Shamrock Canada Ltd.
Diversey (Canada) Limited
Dow Chemical of Canada, Limited
Du Pont Canada Inc.
Ethyl Canada Inc.
Emery Industries Limited
Esso Chimie Limitée
FMC of Canada Limited
Finachem Canada Inc.
Genstar Chimie Limitée
B.F. Goodrich Canada Limitée
Gulf Canada Limitée
Hercules Canada Limitée
Hoechst Canada Inc.
Les Industries ERCO Limitée
M&T Chemicals Ltd.
Mallinckrodt Canada Ltée
Monsanto Canada Inc.
National Silicates Limited
Nuodex Canada Limited
Pennwalt of Canada Ltd.
Petrosar Limited
Pfizer Compagnie Ltée
Polysar Limitée
Les Produits Chimiques Bate
Les Produits Chimiques Carlew
Les Produits Chimiques Delmar Ltée
Les Produits Chimiques QuéNord Limitée
Produits Chimiques Domtar Ltée
The Procter and Gamble Company of Canada, Limited
Record Chemical Company Inc.
Reed Ltée
Reichhold Limitée
Rohm and Haas Canada Limited
Shell Canada Limitée
Société d'Electrolyse et de Chimie Alcan Ltée
STANCHEM, Une Division de Industries PPG Canada Ltée
Sulco Chemicals Limited
SUNCHEM, A Division of Sun Oil Company Limited
Texaco Canada Inc.
Tioxide Canada Inc.
Union Carbide du Canada Limitée
Uniroyal Chemical, Division of Uniroyal Ltd. (Ltée)
VirChem of Canada Limited
Welland Chemical Ltd.
Witco Chemical Canada Limited (Savon Majectic Ltée)
ANNEXE E
Mémoire présenté par le Bureau de
l'Ordre des chimistes du Québec
au Ministre, M. Pierre Marois concernant le projet de
loi no 17
Loi sur la santé et la sécurité
du travail
L'Ordre des chimistes du Québec manifeste un intérêt
particulier au projet de loi no 17, "Loi sur la santé et la
sécurité du travail", compte tenu que la sécurité
du travailleur est un droit non équivoque et que l'industrie chimique
regroupe un grand nombre de travailleurs pour lesquels des normes visant
à augmenter la sécurité doivent être
développées et mises en application.
L'Ordre des chimistes du Québec se réjouit des intentions
du projet de loi tout en constatant des lacunes d'importance. Ainsi, nous
offrons notre collaboration par ce mémoire et notre présence en
commission parlementaire afin de proposer des correctifs à certaines de
ces lacunes.
Le projet de loi no 17, tout comme le "Livre Blanc" sur la santé
et la sécurité au travail, met l'accent sur la santé, mais
néglige sérieusement de traiter de la sécurité, et
cela plus particulièrement au niveau préventif. Cette lacune est
d'ailleurs soulignée par le peu de ressources prévues pour la
recherche, la formation et l'information. Il nous semble que le financement
doit accorder autant d'importance, sinon plus, au niveau préventif que
curatif. Le chapitre IV créant les comités de santé et de
sécurité développe très peu l'aspect
sécurité du travail. Conséquemment, nous nous permettons
de vous suggérer qu'un chapitre plus élaboré sur la
prévention et la sécurité du travail devrait être
rédigé, de façon à protéger
réellement la santé du travailleur, en impliquant tous les
professionnels intéressés.
De plus, le gouvernement dans son projet de loi semble délaisser
toute une gamme de professionnels susceptibles d'apporter une contribution
valable, selon leur compétence technique, sur l'aspect préventif
de la sécurité. À titre d'exemple, l'usage de produits
chimiques nouveaux doit avant
tout faire l'objet d'évaluation par des chimistes pour en
connaître les dangers reliés entre autres à l'entreposage,
au recyclage, ou à la destruction. Que l'on songe aux intoxications, aux
surdités, etc.
Pour appuyer davantage nos constatations, nous vous soumettons, monsieur
le Ministre, nos remarques et les correctifs que nous souhaiterions voir
apporter à une variété d'articles qui, nous le croyons,
amélioreraient le projet de loi et conséquemment la
sécurité et la santé au travail.
Chapitre I
Article 1 définition 19e "Matières dangereuses"
Cette définition nous paraît trop restrictive en ce sens
que beaucoup de matières non déclarées dangereuses de
fait, le sont dans certaines circonstances et certaines conditions
d'utilisation. La formulation de la définition devrait être
reprise avec beaucoup plus de rigueur.
Chapitre III Article 32
II faudrait définir adéquatement "dangers physiques" et
tenir compte dans la définition, de la toxicologie des produits.
Article 40
La formulation de l'alinéa 8, pourrait être ainsi:
Communiquer au travailleur et, le cas échéant, au comité
de santé et de sécurité ainsi qu'à l'association
accréditée et à la commission, la liste des contaminants
et matières dangereuses dont la présence a été
décelée par des professionnels.
Article 52
Cet article devrait être reformulé ainsi: Nul ne peut
fabriquer, fournir, vendre, distribuer, installer, ou utiliser un produit, un
procédé, un équipement, un matériel, un
contaminant, ou une matière dangereuse, à moins que ceux-ci
soient fabriqués, fournis, vendus, distribués, installés
ou utilisés de façon sécuritaire et conforme aux normes
prescrites par règlement.
Article 55
L'Ordre des chimistes est d'accord avec cet article et souhaiterait
même un renforcement de cet article en l'appliquant à
l'étiquetage de tout produit.
Chapitre IV Article 60
Cet article est trop restrictif aux médecins et pourrait englober
d'autres professionnels car il se restreint à la santé et exclut
les professionnels de la sécurité. Sa formulation pourrait
devenir: "Le médecin responsable des services de santé dans
l'établissement, ainsi que tout autre professionnel peut participer sans
droit de vote, aux réunions du comité."
Article 72
L'ajout "ou ressources professionnelles" après "ou appareils"
compléterait mieux cet article.
Chapitre VIII Article 84
Cet article, au niveau du budget, délaisse encore l'aspect de la
sécurité ainsi que plusieurs professionnels dont la
compétence est nécessaire pour la sécurité du
travail.
Article 90
Une précision supplémentaire à cet article est
nécessaire afin de savoir si l'expression "le personnel professionnel et
technique" comprend des professionnels autres que ceux habituellement
reliés à la santé.
Article 93
L'article ne réfère pas suffisamment à
l'état du milieu de travail et spécifie l'élaboration du
programme de santé en négligeant la sécurité. De
plus, cet article fait peu mention au sein du
programme de santé, de professionnels autres que ceux
habituellement affectés à la santé, pour éliminer
à la source même les dangers pour la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des
travailleurs.
Chapitre IX Article 109
Nous croyons qu'il faudrait définir le rôle de
l'observateur. Article 129 alinéa 10e
L'article devrait spécifier le type de recherche afin qu'il ne
s'agisse pas uniquement de recherches statistiques. "recherche technique"
serait sans doute plus appropriée.
Chapitre XII
Article 185 point 31
Tel que mentionné au début de ce mémoire, le
financement doit tenir compte principalement de la prévention,
c'est-à-dire l'information, la formation et la recherche technique pour
augmenter la sécurité du travail et conséquemment la
santé du travailleur.
Conclusion
Nous espérons, monsieur le Ministre, que nos suggestions seront
bien reçues et nous offrons notre collaboration à
l'élaboration de la réglementation sous-jacente à cette
loi dans le champ de notre compétence.
ANNEXE F
Mémoire à la commission parlementaire
du
travail et de la main-d'oeuvre sur le projet de loi no
17
"Loi sur la santé et la sécurité
au travail"
Présenté par: compagnie les produits Gulf
Canada
Nous tenons profiter de l'opportunité qu'offre la Commission pour
signifier notre accord avec le législateur quant aux fondements de la
réforme projetée et les objectifs visés par cette
réforme. Les efforts que nous avons faits dans ce domaine et les
résultats obtenus en sont la meilleur preuve.
Nous devons cependant nous objecter fortement à certaines
propositions contenues dans ce projet lesquelles, d'après notre
expérience vécue dans ce domaine, sont rétrogrades.
Voici les points sur lesquels nous croyons que le législateur
devrait se pencher à nouveau et reconsidérer. Vous trouverez
l'élaboration en annexe.
Notre plus grande crainte porte sur les dispositions de la
médecine au travail, plus particulièrement sur le mode de choix
du médecin. Nous sommes convaincus qu'il en résultera une
réduction appréciable dans la qualité du service de
santé offert à nos employés et moralement nous trouvons ce
fait inacceptable. Le dossier de l'industrie pétrolière dans ce
domaine, tel que démontré par les statistiques contenues dans le
projet de loi, est de beaucoup supérieur aux autres industries. Ce n'est
certainement pas le résultat du hasard mais plutôt de mesures et
d'efforts plus poussés que ceux préconisés dans ce projet
de loi.
Une autre source d'inquiétude majeure est la procédure
prévue dans le cas où un employé refuse d'exécuter
un travail qu'il considère dangereux. Ceci peut mener à des
arrêts de travail très coûteux et le droit
conféré aux travailleurs peut servir à d'autres fins que
celles visées par la loi, ce qui pourrait être néfaste pour
l'industrie.
Nous devons aussi nous objecter à la nomination d'un conseiller
à la prévention par le comité paritaire. Un tel
conseiller, dans une industrie aussi techniquement avancée que la
nôtre, doit être choisi selon ses aptitudes, sa formation technique
et ses expériences alors que le mécanisme de sélection
prévu par la loi en fera surtout un concours de popularité.
Nous devons nous objecter aux pouvoirs de réglementation et de
prélèvement conférés à la Commission. Il est
impensable d'accorder de si grands pouvoirs à un organisme qui n'a pas
à répondre directement de ses actes. De tels pouvoirs devraient
demeurer avec le législateur.
De plus, le tout va à l'encontre de la volonté populaire
de limiter les excès de réglementation tel que reconnu à
la réunion des premiers ministres de février 1977 et
endossé par le Premier Ministre du Québec.
Ce n'est pas sans motif que nous limitons
délibérément nos commentaires. Nous le faisons, en premier
lieu, pour insister sur l'importance que nous accordons à nos
inquiétudes et, en second lieu,
pour éviter la répétition inutile de commentaires
contenus dans des documents plus complets déposés par le Conseil
du Patronat du Québec ainsi que par l'Association
Pétrolière du Québec; Gulf Canada a contribué
à l'élaboration de ces documents et y souscrit.
Bien que ces documents aient notre appui, nous sommes certains que le
Ministre n'est pas sans ignorer que les commentaires contenus dans de tels
documents sont le fruit de l'unanimité d'opinion au sein d'un ensemble
de personnes ou de groupes faisant partie de ces associations; mais en tant que
compagnie, nous estimons qu'il est important de mentionner que, depuis
plusieurs années, nous sommes engagés dans de nombreux programmes
identiques à ceux proposés par le projet de loi. Par
conséquent, notre attitude actuelle et antérieure nous dicte
d'approuver, du moins en principe, bon nombre des propositions contenues dans
ce document. Ce ne sont pas les principes qui nous causent des
problèmes, mais bien plutôt les détails et les
modalités de mise en oeuvre. le président, L.P. Blaser P.j.:
Annexe Annexe Médecine au travail
Afin de mieux faire ressortir les lacunes du projet de loi dans ce
domaine, voici les grandes lignes du fonctionnement du service de santé
de Gulf Canada avec les comparaisons et commentaires appropriés.
Chacune des quatre principales installations de Gulf Canada
situées au Québec ainsi que nos bureaux de Montréal sont
dotés d'un service de santé. Ces services de santé,
dotés de tout le matériel nécessaire, mettent à la
disposition des employés une infirmière permanente ainsi que
trois médecins qualifiés travaillant à temps partiel.
Soulignons que Gulf Canada compte environ 1 800 employés au
Québec.
Les médecins de la compagnie sont payés directement par
notre siège social et leur salaire n'est en aucun cas
réclamé ou compris dans le budget des installations ou des
services qui font appel à eux.
En outre, les médecins des services de santé travaillent
sous la direction du directeur du service médical de la compagnie,
lui-même médecin, qui de son côté relève
uniquement de la haute direction de la compagnie. Les médecins des
services de santé ne relèvent en aucune façon de la
direction locale. Cette forme de structure a été conçue
afin d'éviter que les médecins se retrouvent dans des situations
compromettantes et pour leur permettre une complète liberté
d'action conformément aux règles de leur code d'éthique.
De plus, leur compétence n'est pas évaluée par la
direction locale, mais par un autre médecin expérimenté en
médecine du travail.
En raison des activités de la compagnie aux échelons
national et international, et sous la coordination du directeur du service
médical, les médecins des services de santé peuvent
partager l'expérience en médecine du travail acquise dans les
différentes installations situées dans les neuf autres provinces
canadiennes ainsi que dans les installations de Gulf Corporation
établies dans 96 pays à travers le monde.
Nous sommes entièrement d'accord avec le principe de
l'établissement d'un service de santé au travail dans les
entreprises et nous pouvons ajouter que notre service de santé existe
déjà depuis plusieurs années. Cependant, qu'un tel
service, comme il a été suggéré dans le projet de
loi, ne soit plus sous l'autorité administrative et financière de
notre compagnie, ne pourrait, selon nous, qu'abaisser la qualité des
services médicaux.
Comment un comité paritaire peut-il choisir avec
compétence un médecin à partir d'une liste de candidats?
Une entrevue avec les candidats représente-t-elle un mode de
sélection judicieux de la part d'un tel comité? Les
médecins qui dressent la liste des candidats pour les comités
paritaires sont-ils bien informés et tiennent-ils compte de nos besoins
particuliers en matière de santé et de sécurité
lorsqu'ils recommandent des candidats?
Un médecin engagé par un comité paritaire ne
serait-il pas porté à la clémence envers les travailleurs
sachant pertinemment que toute insatisfaction de leur part face aux services
médicaux dispensés pourrait signifier son licenciement? En
dépit des propos contenus dans le projet de loi, les travailleurs ont la
liberté de soutenir leurs revendications par la menace de ralentissement
de travail ou même la grève, sachant fort bien que les
représentants de la direction au sein du comité paritaire
céderont sous la pression du litige.
Si l'on se reporte au projet de loi, les programmes de santé au
travail dans les entreprises seraient élaborés conjointement par
le médecin et le Département de santé communautaire (DSC).
De tels programmes peuvent-ils répondre aux besoins réels de
l'entreprise lorsque médecin et DSC, tous deux, sont
éloignés des centres de prise de décision de l'entreprise
où l'on élabore et discute de
nouveaux procédés, de nouveaux produits, de nouveau
matériel et de nouvelles méthodes de fabrication? Comment un
médecin peut-il prévoir des problèmes de santé s'il
est exclu du processus administratif... la communication s'en trouvant rompue
ou brouillée?
Nous ne croyons pas que ce soit la ligne de conduite à adopter.
Le remplacement de la structure existante de nos services de santé
reliés à d'autres services de même nature à travers
le pays par la structure proposée dans le projet de loi signifie le
démembrement de nos services de santé au Québec. Nous
sommes conscients que toutes les entreprises n'ont pas su établir des
services de santé comparables à ceux de Gulf, par manque de
conscience sociale ou encore, en raison de leur taille, par manque de moyens
financiers. L'objectif premier d'un tel service, croyons-nous, est d'assurer
que tous les travailleurs aient le libre accès aux services de
santé au travail, quelle que soit la taille de l'entreprise. Les
entreprises où de tels services sont déjà en place et
fonctionnent bien ne pourraient-elles pas recevoir un accréditement du
Ministre après que celui-ci en ait vérifié le rendement?
Loin de nous objecter à la relation étroite entre un tel service
de santé accrédité et le DSC, nous encouragerions cette
relation.
Les entreprises dépourvues d'un service de santé
pourraient s'en remettre au DSC qui a toujours eu un mandat à remplir
dans ce domaine. Comme solution de rechange, on pourrait encourager
l'établissement de cliniques de santé privées à
caractère industriel qui assureraient les services médicaux de
plusieurs entreprises d'une même région.
En réalité, Monsieur le Ministre, nous laisserions la
responsabilité en matière de santé et de
sécurité à qui elle appartient, c'est-à-dire
à l'employeur qui, lui, partage cette responsabilité avec les
travailleurs, dans cet ordre.
Procédure d'arrêt de travail
Un autre principe énoncé dans cette loi auquel nous
souscrivons est celui qui permet à l'employé de refuser
d'exécuter un travail qu'il considère dangereux. C'est d'ailleurs
un privilège dont nos employés ont toujours joui. Nous ne pouvons
cependant être d'accord que ce privilège devienne un droit surtout
de la manière que la loi est rédigée présentement.
Il devrait exister des dispositions destinées à prévenir
les abus ou l'exercice injustifiée d'un tel projet. D'après la
loi il incombe toujours à l'employeur de prouver que le travailleur use
abusivement de ses droits ou qu'il l'exerce pour des motifs futiles. Le concept
est entaché de partialité en faveur du travailleur.
Les modalités prévues pour l'application de ce concept
sont pour le moins encombrantes et peuvent résulter en des arrêts
de travail très onéreux. Les opérations d'une partie ou de
la totalité d'une usine peuvent être paralysées pendant
plusieurs heures en suivant la procédure prévue par la loi. Ce
peut être encore plus long, et plus coûteux, si le travailleur se
pourvoit de ce droit durant la nuit.
L'impossibilité pour l'employeur de procéder
immédiatement au remplacement du travailleur lorsque les circonstances
le permettent et l'amplitude de l'impact sur les opérations de la
compagnie, stimulera fort probablement l'usage du droit de cesser de travailler
pour des fins autres que celles prévues par la loi.
Les entreprises situées au Québec seront sujettes à
de plus grands risques que celles des autres provinces et des États-Unis
puisque ces dernières peuvent procéder immédiatement au
remplacement du travailleur sous réserve de certaines restrictions.
La nouvelle loi sur la santé et la sécurité au
travail adoptée en Ontario (Loi 70) est beaucoup mieux adoptée
aux besoins de l'employeur et de l'employé en ce sens qu'elle
reconnaît les contraintes réelles du milieu du travail. Cette
différence entre les deux provinces constituera un facteur favorisant le
développement industriel en Ontario, plus particulièrement pour
les entreprises hautement intégrées ou utilisant le processus de
la ligne d'assemblage.
Si le législateur présume que les employés
exerceront de façon responsable leur droit de cesser un travail
dangereux, il devrait également présumer que les employeurs
exerceront de façon responsable le droit de remplacer un
travailleur.
Nous recommandons fortement qu'aussi longtemps qu'un travailleur exerce
son droit de refus et jusqu'à ce qu'une décision
exécutoire soit rendue, l'employeur puisse faire exécuter le
travail par quiconque en autant que cette personne soit avertie du refus par un
autre travailleur, du motif de ce refus et qu'elle consente à reprendre
ce travail.
Le représentant à la
prévention
Comme nous l'avons déjà mentionné, le concept est
tout nouveau et il n'a pas été mis de l'avant dans le livre blanc
et voici les raisons pour lesquelles nous nous y opposons fermement.
Depuis plusieurs années, Gulf Canada a des responsables de
sécurité à toutes nos usines. Ces responsables qui ont
l'expérience et la formation pratique entretiennent des liens
étroits avec leurs homologues travaillant dans nos autres usines
à travers le Canada et même aux États-Unis, à
l'occasion. Ils sont choisis non pas à cause de leur popularité,
mais en raison de leur compétence et de leurs connaissances dans le
domaine. Leur rendement doit répondre à des critères
établis et il est évalué en tenant compte de la
fréquence des accidents et des maladies, élément qui a un
lien direct avec le taux
des indemnités versées par la Compagnie. Il s'agit d'un
poste où un employé ne peut être affecté pendant une
courte période ou remplacé au gré d'un comité.
Comment une personne choisie parmi les travailleurs par le comité
paritaire peut-elle être politiquement impartiale envers les travailleurs
dans l'exercice de ses fonctions sans être victime d'ostracisme de ses
semblables? On peut en dire autant d'une personne choisie par la direction.
Mais dans un tel cas, la Compagnie a un intérêt d'ordre
économique sinon moral de maintenir le taux d'accident à son plus
bas niveau parce qu'il influe directement sur les taux des
indemnités.
Les fonctions du conseiller en prévention sont essentiellement
celles d'un responsable de sécurité, poste devant être
occupé à temps plein. Il en sera fort probablement de même
pour le conseiller en prévention, ce qui signifie une augmentation des
coûts puisque le conseiller devra être remplacé dans ses
fonctions antérieures tandis qu'on reproduira les fonctions du
responsable de sécurité. Le rôle de conseiller semble tout
à fait inutile et ne peut qu'ajouter à la complexité d'un
programme de santé et de sécurité au travail, sans
toutefois apporter des avantages réels.
La Commission peut se charger de la formation du conseiller en
prévention, signifiant qu'il aura à s'absenter de son poste
habituel, ce qui aggrave la situation mentionnée
précédemment. La Commission peut-elle se charger d'assurer la
formation spécialisée que notre industrie exige, compte tenu des
nombreux programmes de formation qu'elle aura à préparer afin de
répondre aux besoins des diverses industries. Avec le temps, elle pourra
peut-être élaborer des programmes de formation
généraux applicables à toutes les industries, mais il est
très peu probable qu'elle réalisera des programmes de formation
spécialisés applicables à une industrie en particulier.
Nous suggérons plutôt d'élargir davantage les cadres des
sections de la Commission s'occupant de santé et de
sécurité au travail en mettant en poste des employés
qualifiés qui pourraient servir de personnes ressources à
l'industrie de la province dans la formulation de solutions aux
problèmes de santé au travail que l'on rencontre dans les
industries qui ne disposent pas ressources nécessaires ou de programmes
efficaces.
En partant du précepte que c'est l'employeur qui est responsable
de la santé et de la sécurité au travail, tant au point de
vue juridique et économique, et qu'aucun employeur ne saurait s'en
soustraire sans s'exposer à de sévères sanctions, il en
incombe d'assurer les fonctions de prévention
décrétées à l'article 69.
ANNEXE G
Mémoire au gouvernement du Québec
Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre
Concernant le projet de loi numéro 17
intitulé "La loi sur la santé et la sécurité au
travail"
Soumis par l'Association Pétrolière du
Québec août 1979 Introduction
L'Association Pétrolière du Québec est un
regroupement de sociétés pétrolières parmi
lesquelles on compte les sept raffineurs du Québec.
L'APQ a déjà fait au Conseil du Patronat du Québec
ses commentaires sur le document de travail préparatoire au Livre Blanc
sur la santé et la sécurité au travail ainsi que sur le
Livre Blanc lui-même. Étant donné l'importance du projet de
loi, elle tient à soumettre ce mémoire directement à la
Commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre par suite de l'avis
publié dans la Gazette Officielle du Québec, le 4 juillet
1979.
Ce document a été préparé avec la
collaboration des représentants de l'Association
pétrolière pour la conservation de l'environnement canadien
(APCE).
L'APQ est satisfaite de certaines dispositions du projet de loi, qui
répondent en partie aux commentaires déjà formulés
au ministre d'État au Développement social par un de ses membres,
en réponse au Livre Blanc sur la santé et la
sécurité au travail.
Soulignons d'abord que les raffineurs du Québec affichent un taux
d'accidents très bas et un niveau de santé respectable de ses
travailleurs, en dépit des risques inhérents à certaines
activités de leur établissement respectif. Ce fait a même
entraîné une réduction du taux de leurs contributions en
vertu de la Loi sur les accidents du travail.
Ce résultat démontre le souci apporté et la
réussite obtenue par les membres de notre Association dans leurs efforts
pour maintenir des conditions de travail qui respectent la santé et la
sécurité des travailleurs. Les mécanismes utilisés
par nos membres comportent un personnel qualifié en matière de
santé et de sécurité au travail et, depuis quelques
années, des comités de santé et de sécurité
composés de travailleurs.
Notre association reconnaît le besoin d'harmoniser les diverses
législations qui régissent la santé et la
sécurité au travail et appuie les principes
généraux énoncés dans le projet de loi. Cependant,
elle est préoccupée par les mécanismes de participation
proposés, dont certains semblent partager inéquitablement les
responsabilités et les pouvoirs.
Plan du mémoire
Les principaux points de notre mémoire sont les suivants: 1.
l'affaiblissement du pouvoir décisionnel et l'augmentation de la
responsabilité de l'employeur; 2. la duplication des services et
l'augmentation des coûts; 3. commentaires spécifiques.
1. Affaiblissement du pouvoir
décisionnel
Tout en reconnaissant au travailleur le droit de participer à
l'élaboration des mesures d'hygiène et de sécurité,
nous estimons que ce droit devrait plus justement avoir un caractère
consultatif plutôt que décisionnel. Car on doit reconnaître
à l'employeur le droit de faire fonctionner son entreprise, puisque ce
droit découle des devoirs et obligations qu'il a
précisément envers les travailleurs: planification
générale, surveillance, rentabilité,
rémunération, etc. Pour ces motifs, nous nous objectons aux
pouvoirs décisionnels accordés au comité prévus aux
paragraphes 1, 2, 3 et 12 de l'article 63.
Nous reconnaissons toutefois le besoin et l'efficacité d'une
collaboration entre l'employeur et les travailleurs sur les questions
suivantes: a) le choix des moyens et des équipements de protection; b)
les programmes de formation et d'information en matière de santé
et de sécurité; c) l'élaboration des modalités
d'application du programme de santé dans l'établissement. Il est
bien entendu que cette forme de participation du travailleur ne doit être
qu'à titre purement consultatif.
Il est injuste de proposer que l'employeur, seul et unique responsable
de la santé et de la sécurité de son personnel, ne soit
pas capable de prendre les décisions finales dans un domaine qui engage
gravement sa responsabilité.
La Commission peut toujours exister comme arbitre en cas de
désaccord entre le comité et l'employeur sur ces questions, mais
les mots "décisions du comité" devraient être
remplacés par "recommandations du comité".
En outre, c'est en vertu de son droit de gérance que l'employeur
doit être seul à choisir ses experts médicaux.
L'Association s'objecte donc fermement au choix du médecin responsable
des services de santé de son établissement par le comité
de santé et de sécurité proposé par l'article 88.
Elle s'objecte autant au choix de ce même médecin par le chef du
département de santé communautaire. Ces dispositions du projet de
loi constituent une atteinte au droit de gérance de l'employeur et
mettent en doute l'intégrité professionnelle du médecin
lui-même. Ces dispositions semblent en effet présumer qu'un
professionnel choisi et payé par l'employeur perd son
intégrité.
Le médecin qui accepte de travailler pour un employeur ne renonce
pas à son code de déontologie. Cela est aussi vrai de tout autre
professionnel ou contremaître embauché par un employeur.
Tout en reconnaissant l'avantage d'une consultation avec la Commission
et un centre hospitalier, nous nous objectons à l'obligation de se
conformer à un "programme cadre" qui serait imposé par une tierce
partie et qui ne tiendrait pas compte des exigences particulières d'une
entreprise.
Nous estimons que le département de santé communautaire
devrait se contenter de voir au respect des obligations générales
et du programme cadre prévus par la loi. Il est important selon nous que
les personnes chargées de planifier et de réaliser un programme
de santé soient sur les lieux de l'entreprise et en fassent autant que
possible partie. Les avantages principaux d'un tel rapprochement sont
l'accès aux modifications ou améliorations continuelles dont fait
l'objet l'entreprise, à partir de l'étape de l'élaboration
jusqu'à celle de la mise en application des différents projets,
ainsi qu'une meilleure connaissance des problèmes particuliers de
santé et de sécurité des travailleurs de cette entreprise.
En outre, le pouvoir d'embaucher et de congédier un membre du personnel,
professionnel ou non, doit demeurer la responsabilité exclusive de
l'employeur. Pour cette raison, nous nous objectons au pouvoir de
démission accordé par les articles 91 et 92. Nous estimons que
les comités de discipline de l'Ordre des médecins ont les
connaissances et l'autorité nécessaires pour juger de la
compétence de l'un de ses membres. Agir autrement serait créer un
tribunal parallèle aux organismes professionnels déjà en
place. Nous sommes d'accord avec le rôle consultatif du chef de
département de santé communautai-
re pour la plupart des fins visées par l'article 100. Nous
recommandons même une augmentation des cliniques dites "interindustries"
pour rendre plus accessibles les services de santé et de
sécurité aux petites et moyennes entreprises.
Les objections majeures que nous venons de soumettre sont fondées
sur le pouvoir décisionnel de l'employeur auquel correspond
naturellement une obligation de santé et de sécurité
envers ceux qui travaillent dans son établissement.
2. La duplication des services et
l'augmentation des coûts
Nous croyons que certaines des activités énoncées
par ce projet de loi sont répétitives et créent une
duplication des tâches.
Ainsi, nous nous objectons à cette facilité qui
permettrait la formation d'une association sectorielle en matière de
santé et de sécurité au travail. Nous estimons que cette
matière relève davantage de l'établissement individuel. La
création d'une association sectorielle entraînerait des
mécanismes administratifs nombreux et lourds.
Nous croyons aussi qu'il y aurait lieu de réduire le nombre de
rapports et de documents qui doivent être produits par le comité
de santé et de sécurité, quand ces documents sont
déjà rédigés par l'employeur. Il y aurait aussi
lieu de réduire la liste des destinataires des différents
rapports d'activités, surtout lorsque les membres du comité de
santé et de sécurité, ou le représentant à
la prévention, en reçoivent copie en même temps qu'une
association accréditée.
3. Commentaires spécifiques
Ce qui suit résume nos commentaires sur des articles particuliers
du projet de loi. Article Commentaires
Référer à la version PDF page B-9028
Référer à la version PDF page B-9029
spéciale. Nous estimons que l'employeur devrait être
exonéré lorsqu'un défaut résulte d'une "force
majeure" ou d'un "cas fortuit". Pour cette raison, nous recommandons de
remplacer le mot "et" à la dernière ligne de cet article par le
mot "ou".
Le tout respectueusement soumis, nous demeurons à votre
disposition pour discuter en détail de nos commentaires et
recommandations.
Association Pétrolière du Québec 16 août
1979
ANNEXE H
COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE
LTÉE, MÉMOIRE À LA COMMISSION PERMANENTE DU TRAVAIL ET DE
LA MAIN-D'OEUVRE
Relativement au projet de loi no 17 intitulé
"Loi sur la santé et la sécurité du travail" 17 août
1979 Préambule
La Compagnie Pétrolière Impériale Ltée
partage pleinement le désir du gouvernement du Québec
d'améliorer le milieu de travail, de réduire autant que possible
les risques d'atteinte à la santé sur les lieux de travail, de
maintenir des normes élevées de santé et d'éviter
les accidents.
Notre compagnie est heureuse d'avoir l'occasion de présenter son
point de vue sur le projet de loi no 17 à la commission permanente du
travail et de la main-d'oeuvre.
La politique de l'Impériale stipule que toutes les
activités de la compagnie doivent se conformer à l'intention et
à la lettre des lois promulguées par toutes les instances ayant
autorité dans les régions où elle fait affaire.
L'Impériale est d'avis que l'élaboration des lois (et de leurs
règlements d'application) doit répondre à deux
critères pour que celles-ci soient efficaces et opportunes: 0
Premièrement, les lois doivent être en accord avec les valeurs
sociales qui ont cours. 0 Deuxièmement, les lois et les
règlements en découlant devraient être applicables sur le
plan administratif.
Les recommandations contenues dans le présent mémoire
obéissent à ces deux critères.
L'Impériale aimerait aussi souligner le fait que pour une partie
importante de sa main-d'oeuvre au Québec, les salariés transigent
directement avec la direction, selon le mode de la coopération au sein
de Conseils ou de Comités conjoints, plutôt que d'adopter le
modèle conflictuel employeur/syndicat. La loi dont il est ici question
et ses règlements d'application devraient être adaptés
à ces deux types de relations de travail.
En ce qui nous concerne, à l'Impériale, la santé et
la sécurité sont pour nous des éléments
indissociables d'une méthode de travail efficace. Nous croyons fermement
qu'il est dans l'intérêt du personnel aussi bien que de la
compagnie que le travail soit accompli en toute sécurité.
Au fil des années, nous avons accompli à cet égard
des progrès notables et nous sommes particulièrement fiers des
résultats obtenus. Les statistiques contenues dans le livre blanc qui
précédait la rédaction du présent projet de loi
montrent sans l'ombre d'un doute que l'industrie pétrolière est
l'un des secteurs de travail les plus sûrs et les plus salubres de toute
l'industrie; notre compagnie ayant largement contribué à cette
avance de l'industrie pétrolière.
Référer à la version PDF page B-9030
Ce succès est attribuable à trois facteurs principaux.
D'abord, nous avons bénéficié de services complets de
santé à la plupart de nos établissements de travail depuis
plus de 30 ans. Nos professionnels de la santé, médecins,
infirmières, hygiénistes et membres du personnel de soutien
bénéficient d'une large autonomie et d'une grande
indépendance professionnelle à l'égard de la direction, et
ont su gagner la confiance des travailleurs aussi bien que de la direction. Des
représentants du précédent
ministère de la Santé et de plusieurs universités
ont visité nos installations médicales et ont exprimé leur
admiration unanime.
En deuxième lieu, la prévention des accidents dans nos
usines est devenue une façon de vivre depuis plusieurs décennies.
La direction a été rendue responsable de la santé et de la
sécurité des travailleurs, qui ont été
encouragés à participer à cet effort à tous les
niveaux. Troisièmement, l'aspect sécurité au travail a
été intégré dans tous les cours de formation de
notre personnel: c'est donc dire que le travailleur qui apprend à
exécuter une tâche apprend à la faire de façon
sûre.
Les objectifs du mémoire de
l'Impériale
Notre but en présentant ce mémoire est de faire
connaître au Gouvernement nos principales préoccupations en ce qui
concerne ce projet de loi et de présenter un certain nombre de
propositions. Nous limiterons nos remarques à quelques articles du
projet de loi qui nous intéressent plus particulièrement,
laissant à d'autres associations industrielles (dont nous faisons
partie) le soin d'expliquer notre point de vue sur d'autres aspects.
Les questions qui nous préoccupent le plus sont les suivantes: 1
- Nous prévoyons que la Loi 17, si elle était adoptée dans
sa forme actuelle, aurait pour effet de limiter notre aptitude à assurer
la bonne qualité de nos services de santé et de nos programmes de
prévention. 2 - Nous croyons que l'attribution de certains pouvoirs de
décision aux travailleurs et à la Commission aura pour effet
d'empêcher la direction d'assumer ses responsabilités
fondamentales à l'égard de la santé et de la
sécurité au travail. 3 - Nous prévoyons que l'intervention
excessive du Gouvernement, par l'intermédiaire de la Commission, dans le
processus de gestion de l'entreprise entraînera de graves
inefficacités.
Nous expliquerons maintenant les raisons de notre inquiétude,
ainsi que les changements qui devraient être apportés au projet de
loi pour le rendre plus efficace.
Services de santé et programmes de
prévention
Le Service médical de l'Impériale, tel qu'il existe
actuellement, a été mis sur pied en 1948. La
sécurité et la santé au travail intéressent aussi
bien les travailleurs que l'employeur. La politique de l'Impériale en
matière de santé se fonde sur les principes suivants: i) la
santé des travailleurs présente un intérêt
immédiat pour la direction; ii) la direction a un intérêt
immédiat à ce que les travailleurs soient affectés
à des postes qui soient compatibles avec leur aptitude à
s'acquitter de leurs tâches; iii) la direction a la responsabilité
de créer et de maintenir des conditions de travail salubres.
Ces principes se traduisent en pratique par l'application d'une
médecine PRÉVENTIVE et CONSTRUCTIVE. (On trouvera plus de
détails à ce sujet aux annexes I et II).
La politique énoncée ci-dessus est conforme aux objectifs
généraux de la loi. Notre Service médical respectera du
reste toute réglementation qui suivra la mise en vigueur de la Loi.
Nos professionnels de la santé veulent collaborer avec les
services publics et les établissements locaux de santé. Nous
sommes prêts à adapter nos programmes à ceux imposés
par le nouveau système (et à les compléter au besoin en y
incorporant tout élément nouveau), mais il nous semble
inacceptable de jeter à bas l'organisation de notre Service
médical, comme le propose le Chapitre VIII relatif aux services de
santé au travail. Cette modification signifierait une diminution de
service pour notre personnel, qui se trouverait ainsi désavantagé
par rapport à d'autres établissements de la compagnie, elle
entraînerait le démembrement de notre Service médical,
l'exclusion des travailleurs québécois de l'Impériale de
notre Système d'Information Médicale et la perte d'une
compétence passée et future de niveau international sur des
questions du plus haut intérêt concernant la santé et la
sécurité de nos travailleurs.
Nous demandons donc que le projet de loi soit modifié pour
autoriser le maintien des services médicaux existants des compagnies,
sous réserve qu'ils soient tenus de se conformer à des exigences
très précises que la loi devrait préciser. Personne ne
saurait bénéficier de la disparition de services médicaux
déjà bien établis.
En ce qui concerne nos programmes de prévention, ils sont
conçus sur une base fonctionnelle et
(ou) régionale, et sont conformes aux politiques
générales de la compagnie.
Cette méthode d'approche nous permet de tirer profit de toutes
les ressources disponibles au sein de la compagnie et, en conséquence,
de mettre au point les meilleurs programmes et d'acquérir le meilleur
matériel de protection aux prix les plus avantageux.
L'uniformité et la cohérence de nos programmes seraient
mises en péril par cette partie du projet de loi (art. 48 et suivants)
qui stipule que chaque établissement devrait avoir son propre programme
de prévention. La Loi pourrait facilement prévoir la mise en
place d'un programme de prévention unique pour tous les
établissements d'une compagnie au Québec, sans pour autant exiger
un programme distinct pour chaque établissement.
Pouvoirs de décision
Le projet de loi no 17 attribue la responsabilité ultime de la
santé et de la sécurité au travail à l'employeur.
Nous sommes totalement d'accord avec ce principe et sommes prêts à
continuer dans la même voie. Toutefois, si d'une part la Loi
décrit en détail comment cette responsabilité doit
être assumée, elle enlève d'autre part à l'employeur
une bonne partie de l'autorité dont il a besoin pour prendre les
décisions ("prendre les mesures nécessaires") susceptibles
d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs.
Une façon efficace de s'assurer que l'employeur assumera ses
responsabilités est d'exiger qu'il rende compte de ses actes dans le
domaine de la santé et de la sécurité. La loi devrait
simplement obliger l'employeur à "rendre compte aux travailleurs", que
ce soit directement ou par l'intermédiaire du Comité de
santé et de sécurité. Il s'agit là du processus de
gestion normal par lequel un employeur est tenu d'expliquer comment il entend
se conformer à la loi ou aux propositions des travailleurs, ou pourquoi
il s'en écarte.
À l'Impériale, la direction a la responsabilité de
la santé et de la sécurité des travailleurs, mais elle
détient aussi l'autorité nécessaire pour prendre les
décisions qui s'imposent après avoir pris connaissance du point
de vue des travailleurs. Grâce aux divers moyens de communication et de
consultation déjà en place (tels les comités de
sécurité, les représentants à la prévention
et les comités conjoints réunissant la direction et les
travailleurs), la direction informe le personnel des mesures qui ont
été arrêtées et les justifie.
En bref, la direction s'oblige à rendre compte à son
personnel de tout ce qui touche la santé et la sécurité au
travail. La création des comités de santé et de
sécurité, tels que décrits dans le projet de loi, viendra
perturber la bonne marche de nos relations avec le personnel, qui se sont
avérées efficaces jusqu'ici, par les pouvoirs de décision
qui sont donnés au Comité, par l'application du principe de la
parité et par les fonctions administratives (l'enregistrement des
accidents) attribuées au Comité.
Plus précisément, il y a trois aspects de cette section du
projet de loi qui nous préoccupent: i) Nous ne croyons pas que le
Comité de santé et de sécurité devrait
détenir des pouvoirs de décision. À part le fait qu'un
comité est rarement un bon agent de décision, le type de
décision que les Comités de santé et de
sécurité seraient appelés à prendre, dépasse
le cadre de leur compétence. Choix des moyens et des
équipements de protection - Comme nous l'avons indiqué plus
tôt, une entreprise aux établissements multiples comme la
nôtre ne pourrait pas répondre aux exigences de tous les
Comités et en même temps espérer garder une certaine
cohérence dans ses méthodes de fonctionnement.
Etablissement de programmes de formation II est peu probable que
le Comité ait les connaissances requises pour créer un programme
de formation qui soit véritablement efficace, aux points de vue du
contenu et de la formule d'enseignement. C'est une tâche qu'il vaut mieux
laisser aux spécialistes. Choix du médecin
En plus de nos remarques précédentes concernant les services de
santé, nous ne croyons pas qu'un Comité de santé et de
sécurité ait les qualités requises pour faire ce
choix.
Quels critères de sélection le Comité peut-il
utiliser?
Il serait sûrement incapable de juger de la compétence
professionnelle de la personne, ni de son aptitude à travailler au sein
de l'entreprise.
Nous pensons que la direction est mieux qualifiée pour choisir le
médecin, comme tous les autres salariés des professions
libérales. La Loi devrait donc maintenir ce droit de la direction. ii)
Pour être efficace, un comité d'entreprise doit s'efforcer
d'établir un consensus dans un esprit constructif. C'est cette
règle de conduite que nous adoptons dans nos délibérations
avec les représentants des travailleurs. Or, le projet de loi dans sa
forme actuelle impose le vote comme outil de fonctionnement, mais pire, il
s'agit du vote en bloc comme s'il s'agissait de groupes opposés.
À notre avis, les recommandations du Comité devraient être
adoptées à la majorité des membres, et les
décisions à prendre devraient être laissées à
l'employeur, sous réserve de l'obligation pour celui-ci de justifier ses
décisions. iii) L'alinéa 12 de l'article 63 stipule que le
Comité doit tenir des registres des accidents de travail, fonction
remplie jusqu'ici par l'employeur. À notre avis, il serait beaucoup plus
efficace que l'employeur continue à remplir ce rôle, étant
donné qu'il possède déjà les moyens
matériels pour le faire, et qu'il ait la garde de ces registres, sous
réserve du droit du Comité d'y avoir accès sans
restriction aucune. On éviterait ainsi que le Comité en vienne
à se bureaucratiser.
En ce qui concerne les représentants à la
prévention, il ne nous semble pas souhaitable qu'ils soient
nécessairement membres du Comité de santé et de
sécurité, comme l'indique le projet de loi. Dans plusieurs de nos
établissements, nous avons des horaires de travail par postes, des
semaines de travail comprimées et des horaires flexibles; ces
conditions, ajoutées à la mobilité de certains de nos
travailleurs, pourraient imposer à un nombre relativement
élevé de travailleurs d'agir comme représentants à
la prévention. Le projet de loi devrait donc être plus souple
à cet égard.
Un autre aspect du projet de loi jugé excessivement rigide est le
droit de refus. Nous sommes, nous aussi, d'avis qu'un travailleur devrait avoir
le droit de refuser d'exécuter un travail qu'il croit sincèrement
dangereux pour sa santé, sa sécurité ou son
intégrité physique, ou qui pourrait exposer une
autre personne aux mêmes dangers. Dans l'élaboration du
mécanisme d'exercice du droit de refus, il faudrait tenir compte du fait
que la Loi imposera des contraintes morales et légales extrêmement
lourdes aux employeurs (ou à leurs mandataires) par la voie des
contrôles et des pénalités prévues dans le projet de
loi, lesquels devraient s'avérer suffisants pour décourager toute
tentative de manipuler l'exercice pratique du droit de refus.
C'est pourquoi il nous semble inutile à toutes fins pratiques, de
prévoir un processus long et complexe pour le règlement des
contestations. Lorsque des situations semblables se produisent chez nous, la
direction fait appel à des experts: médecins, hygiénistes,
ingénieurs ou techniciens selon le cas, pour obtenir un avis
autorisé. L'intervention de ces experts règle le conflit dans la
plupart des cas. Nous demandons donc que le projet de loi n° 17 soit
modifié de manière à permettre à des experts
d'intervenir.
Finalement, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas demander
à un autre travailleur d'effectuer le travail refusé par un
premier travailleur, pourvu qu'il soit informé du refus et des raisons
invoquées par le premier travailleur. Nous suggérons donc
fortement que le projet de loi soit modifié en ce sens.
Intervention du Gouvernement dans te processus de
gestion de l'entreprise
L'attribution de nombreuses responsabilités à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail,
s'ajoutant aux innombrables pouvoirs de contrôle et de
réglementation qui en découlent, laisse présager la
création d'une super-bureaucratie. Nous nous inquiétons de
l'efficacité réelle de la Commission et des dépenses
inutiles que nous, à titre d'employeur, et finalement que tous les
Québécois seront appelés à supporter. Un grand
nombre d'exigences prévues dans le projet de loi n'auront d'autre effet
que de multiplier le nombre de documents à échanger entre les
employeurs et la Commission. Comme exemple, nous citons l'article 49 qui
obligerait les employeurs à remettre à la Commission des milliers
de programmes de prévention, en plus de leurs mises à jour
continuelles. La charge de travail pourrait être sensiblement
réduite en prévoyant un pouvoir de vérification
occasionnelle des programmes.
Une autre conséquence de l'omniprésence de la Commission
se traduira par l'inévitable déplacement de la
responsabilité réelle de la santé et de la
sécurité, du lieu de travail à la Commission. Cette
orientation semble venir en contradiction avec l'un des objectifs de base
énoncés dans le Livre blanc.
Nous suggérons que les attributions de la Commission soient
analysées de près en termes de coûts, compte tenu des
avantages que pourraient en tirer la population du Québec en
général et les entreprises comme la nôtre en
particulier.
Les inspecteurs dont la nomination est prévue dans le projet de
loi disposeront de pouvoirs très étendus, allant jusqu'à
la confiscation. L'intervention des inspecteurs dans toutes les phases de nos
activités exigera de leur part des connaissances et des
compétences très vastes, étant donné le
caractère technique très poussé de l'industrie
pétrochimique en général, et qui oblige notre personnel
à suivre une longue formation. Les situations que les inspecteurs seront
appelées à évaluer ne vont pas manquer d'être
variées et complexes.
À cet égard, nous avons deux préoccupations:
D'abord, nous déplorons le fait que le projet de loi ne donne
aucune précision sur les qualifications qui seront exigées de la
part des inspecteurs: nous pensons que c'est là une lacune à
combler. Deuxièmement, nous doutons de la possibilité de recruter
un nombre suffisant d'inspecteurs de très haut calibre. En cela, nous
avons l'exemple des États-Unis, où la mise en vigueur de la
Occupational Health and Safety Act (OSHA) de 1970 a été
considérablement gênée par la grande difficulté
à trouver des inspecteurs qualifiés et en nombre suffisant.
Nous pensons donc que le Gouvernement devrait réévaluer
les responsabilités accordées aux inspecteurs, pour faire en
sorte qu'elles correspondent aux ressources humaines disponibles et qu'elles
tiennent compte de l'aptitude de l'industrie pétrochimique à se
réglementer elle-même.
Un exemple particulier de changement souhaitable concerne les
dispositions des articles 52 et 53 relatifs aux fournisseurs. Les avis
prévus aux termes de ces articles doivent être remis à
l'inspecteur régional. Compte tenu de la multiplicité des
inspecteurs régionaux, nous prévoyons que cette exigence donnera
lieu à beaucoup de confusion, de doubles emplois et de
contradictions.
Les conséquences réelles de ces dispositions ne pourront,
bien sûr, être connues qu'au moment où les règlements
d'application seront publiés; pour cette raison, nous demandons que leur
mise en vigueur soit retardée jusqu'à la parution des
règlements.
Enfin, l'article 79 prévoit que la Commission peut accorder des
subventions aux associations syndicales et aux associations d'employeurs pour
la formation et l'information de leurs membres; nous trouvons inacceptable que
des sommes perçues uniquement des employeurs soient utilisées
pour financer des services qui feront sûrement double emploi.
À notre avis, il serait de beaucoup préférable que
les associations sectorielles soient remplacées par les associations
d'employeurs actuellement existantes, qui seraient tenues de faire rapport aux
Comités de santé et de sécurité.
Cette proposition se justifie d'autant mieux si on considère que
le projet de loi fait des associations syndicales les représentants
exclusifs des travailleurs. Nous nous opposons fortement à ce que 30%
des travailleurs ceux qui sont syndiqués parlent au nom de
l'ensemble du monde ouvrier.
Comme nous l'avons indiqué plus tôt, nous pensons que la
Loi devrait être conçue pour s'adapter à tous les types de
relations patronales-ouvrières.
Conclusion
Nous pensons avoir démontré que le projet de loi n°
17, s'il est adopté dans sa forme actuelle, empêchera notre
compagnie de continuer à assurer à son personnel le haut niveau
de sécurité dont il bénéficie actuellement.
Dans son désir louable de protéger l'ensemble des
travailleurs québécois contre les accidents et les maladies de
travail, le Gouvernement a décidé de prendre une approche
globale, qui pourra effectivement régler certains problèmes de
santé et de sécurité au travail, mais qui créera
aussi et sans motif valable, beaucoup de difficultés nouvelles; ainsi,
pour les employés de compagnies comme l'Impériale qui ont des
programmes efficaces de prévention, il s'agira d'un net recul. Nous
prions donc le Gouvernement de concentrer son attention sur des
problèmes particuliers et de modifier son projet de loi en
conséquence.
(annexe I)
Compagnie pétrolière impériale
Ltée Enoncé de politique et de pratiques médicales
La politique de la compagnie dans le domaine médical est la
suivante: 1. Identifier et évaluer les risques que peuvent
présenter ses activités et ses produits pour la santé. 2.
Etablir, appliquer et évaluer des programmes en vue d'éliminer ou
de maîtriser de tels risques. 3. Communiquer les connaissances acquises
sur les risques de santé grâce au programme de santé au
travail, et qui pourraient présenter un intérêt pour la
communauté scientifique ou d'autres groupes de personnes
éventuellement exposées à ces risques, comme les
employés, les entrepreneurs et les clients. 4. Déterminer, au
moment de l'embauche et, par la suite, selon les besoins, l'aptitude des
employés à accomplir leurs tâches sans risque, pour
eux-mêmes et pour les autres. 5. Fournir les services médicaux
nécessaires au traitement des maladies ou des accidents du travail ou
à la solution des urgences médicales, ou prendre des dispositions
en ce sens.
En conformité avec cette politique, la compagnie croit utile
d'assurer les services de santé préventifs et positifs (comme les
examens périodiques, les vaccinations et l'information en matière
de santé et d'hygiène) qui pourront aider les employés
à maintenir et à améliorer leur état de
santé.
Les programmes établis ou les services médicaux rendus en
relation avec la politique et les pratiques définies ci-dessus devraient
se caractériser comme suit: 1. Ils ne devraient pas entraver les
relations de l'employé avec son médecin personnel, mais
plutôt compléter les services rendus par ce dernier. 2. La
participation des employés aux aspects préventifs des programmes
devrait être facultative, sauf lorsque l'examen est requis par la loi ou
pour la propre sécurité des employés ou celle des autres.
3. L'information obtenue sur les employés dans l'application de ces
programmes devrait être considérée confidentielle et ne
devrait pas être révélée à un personnel non
médical, sauf avec l'autorisation des personnes en cause, ou lorsque la
loi ou la santé publique l'exigent. 4. Le personnel chargé
d'appliquer ces programmes doit se conformer aux lois en vigueur, collaborer
avec les organismes publics de santé et leurs représentants et
favoriser et maintenir des relations de bon aloi avec les employés de la
compagnie, avec leurs médecins personnels et avec d'autres membres des
professions médicales.
(annexe II) Structure du service médical de
l'impériale
Afin de garantir l'autonomie et l'indépendance professionnelle de
ses travailleurs de la santé, le Service médical a
été structuré de sorte que le personnel travaillant au
niveau local ou régional n'entretienne aucune relation
hiérarchique avec le directeur régional ou local. Tous les
membres du Service médical (personnel de bureau ou des professions
libérales) travaillent sous l'autorité du directeur
médical, qui relève au point de vue administratif du plus haut
niveau de direction de la compagnie, c'est-à-dire le conseil
d'administration, par l'intermédiaire d'un administrateur de liaison;
même à ce niveau, le caractère confidentiel des dossiers
médicaux est sauvegardé. En plus du médecin, le Service
médical comprend des infirmières, des hygiénistes, des
statisticiens et un personnel de bureau. Tous relèvent du même
niveau de direction, par l'intermédiaire du directeur
médical.
Référer à la version PDF page B-9035
ANNEXE I
BP Canada
Commentaires à la commission permanente du
travail et de la main-d'oeuvre
à la suite de la première lecture du
projet de loi no 17
"Loi sur la santé et la sécurité
du travail"
Le 6 décembre 1978, BP Canada avait le plaisir de faire savoir au
Ministre, l'Hon. Pierre Marois, qu'elle appuyait la position prise par le
Conseil du patronat du Québec à la suite de la publication du
livre blanc sur la santé et la sécurité au travail. Le
Ministre a reçu ledit appui et en a accusé réception.
Nous profitons maintenant de la situation pour présenter à
la Commission parlementaire nos commentaires sur le projet de loi 17 et nous
aimerions, tout d'abord, réitérer notre accord sur le besoin
d'édicter des lois qui assureront, dans la mesure du possible, un milieu
de travail sain et sécuritaire pour tous.
En tant qu'important producteur, raffineur et distributeur de produits
pétroliers, la santé et la sécurité de nos
employés ont toujours été et continueront toujours
d'être des préoccupations de premier ordre comme en
témoigne notre politique écrite à ce sujet, laquelle
énonce: "BP Canada a comme politique d'améliorer les normes de
sécurité et d'hygiène du milieu qui sont
déjà élevées. À cette fin, la Compagnie
s'engage à prendre tous les moyens raisonnables et possibles pour
prévenir les dommages matériels et les blessures aux
employés, aux clients et au public".
La démonstration pratique de l'adoption de la politique de
sécurité de la Compagnie se traduit par l'embauchage, de la part
de la Compagnie, de professionnels de la santé et de la
sécurité du travail qui ont reçu une formation très
poussée et la mise sur pied, il y a plusieurs années, de
comités de santé et de sécurité auxquels
participent les employés dans le but exprès de favoriser un
dialogue continu entraînant l'amélioration de la santé et
de la sécurité des employés concernés par
l'information, les enquêtes et les recommandations.
De plus, la création de services de santé du travail,
notre insistance sur les examens médicaux de pré-embauchage et,
s'il y a lieu, les examens médicaux périodiques ainsi que
l'implantation de régimes d'assurance-maladie conçus pour aider
et seconder les employés en sus de toute norme qui est ordonnée
par une juridiction est une autre preuve de notre préoccupation du
bien-être de tous et chacun de nos employés.
Du fait que la Compagnie se préoccupe de questions du genre et
qu'elle soit membre d'une industrie qui, de par la nature de ses affaires
mêmes, doit exiger des normes de santé et de
sécurité très élevées, c'est avec grand
intérêt que nous signalons l'insistance du projet de loi 17
à dissoudre nos responsabilités de direction en intervenant dans
deux droits de direction fondamentaux sans lesquels nous ne pouvons continuer
de fonctionner avec succès. Les droits auxquels nous nous
référons sont: 1) le droit de prendre les décisions
correspondant aux objectifs de notre entreprise et 2) le droit de diriger les
équipes de travail. Nous en traiterons séparément:
1.0
Le pouvoir décisionnel 1.1 Sous sa forme
actuelle, le projet de loi 17 augmente les pouvoirs d'exécution d'un
comité de santé et de sécurité (ou d'un
représentant à la prévention dans certaines circonstances)
au delà des niveaux de recommandation, pouvoirs qui sont donnés
malgré le fait que la plupart des représentants des travailleurs
manquent énormément de compétence en ce qui a trait aux
connaissances de direction de base. Ces pouvoirs d'exécution sont
démontrés par la stipulation du droit qu'ont de tels
comités de déterminer l'équipement de protection
nécessaire, de décider de l'équipement, de
l'établissement et de l'aide de bureau nécessaires, de choisir
les dispositifs et l'équipement, d'établir des programmes de
formation et d'information et de choisir un médecin. La Compagnie
soutient que les pouvoirs susmentionnés doivent rester entre les mains
de la Compagnie de façon à ce qu'elle puisse fournir les fonds
adéquats et faire appel à la main-d'oeuvre professionnelle
nécessaire pour la conduite de ses affaires droits qu'on ne peut
donner à un comité de sécurité si l'on veut que la
Compagnie poursuive ses objectifs de façon ordonnée. 1.2 Les
experts dont notre Compagnie a besoin pour mener ses affaires à bonne
fin doivent être recrutés par la Compagnie conformément
à ses besoins spécifiques. À cet égard, nous
engageons des professionnels dans nombre de domaines et ces gens doivent,
à leur tour, identifier et résoudre les divers problèmes
qui sont reliés à leurs domaines de compétence
spécifiques dans le déroulement des affaires de l'entreprise.
L'un de ces domaines qui est spécifique à notre entreprise
est celui de la compétence médicale, dont le choix, comme le
choix de tout professionnel, doit appartenir à l'entreprise et, dans le
présent cas, il s'agit de notre propre Compagnie. Nos médecins et
nos infirmières doivent pouvoir comprendre eux-mêmes les
problèmes propres à notre Compagnie spécifique et aviser
la direction des lignes de conduite spécifiques conformes à nos
objectifs.
La Loi, dans sa sagesse, envisage que tous les conseillers
médicaux deviennent des employés d'un centre hospitalier
dirigé par un département de santé communautaire, lieu que
notre compagnie juge inutile. Toutefois, si la Loi, sous forme finale,
contenait une telle disposition, cela ne devrait pas être un obstacle
à ce que notre Compagnie choisisse et rémunère le
médecin qui doit veiller sur nos employés.
2.0 Direction de l'équipe de travail 2. Le projet de loi
17 envisage la liberté d'action pour les membres des comités de
sécurité et les représentants à la
prévention et ce, en ce qui concerne l'accomplissement de leurs
fonctions, comme le décrit la Loi, sans avoir recours à la
permission d'un superviseur. Aucune compagnie ne peut permettre aux
employés de décider de leur propre gré, (dans des
circonstances normales) de quitter les tâches qui leur sont
attribuées en vertu de la liberté d'action que leur accorde la
Loi.
Dans tous les cas, la Loi devrait être modifiée de
façon à indiquer qu'aucun employé ne doit exécuter
ses fonctions en tant que membre d'un comité de sécurité
ou représentant à la protection sans prendre la disposition
fondamentale de demander à son supérieur immédiat la
permission de s'absenter de son travail. Le fait de ne pas prendre cette mesure
nécessaire et préliminaire pourrait entraîner un chaos et
être source de danger dans le lieu de travail.
En guise de conclusion, la Compagnie désire appuyer encore une
fois le commentaire que le Conseil du patronat du Québec a
présenté à la Commission.
DSG/cc le 2 août 1979
ANNEXE J
Propos de Shell Canada Ltée sur le projet de
Loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité du
travail"
Service des Affaires publiques
Notre compagnie, Shell Canada Limitée, est installée au
Québec depuis plus de 65 ans. Elle y opère une raffinerie, une
usine de produits chimiques et un important réseau de distribution et de
mise en marché.
La Shell Canada est un employeur direct de plus de 1,500 travailleurs au
Québec.
Nous apprécions donc l'occasion qui nous est fournie de soumettre
nos commentaires et suggestions au comité parlementaire sur le projet de
loi sur la santé et la sécurité du travail. Shell Canada a
d'ailleurs suivi de près le développement de cette loi.
Nous avons déjà soumis au ministère des
commentaires sur le livre blanc et nous avons aussi participé à
l'ébauche de mémoires d'associations lors de la parution du
document de travail préparatoire au livre blanc.
Nous remarquons d'ailleurs avec satisfaction que quelques-unes des
recommandations que nous avions mises de l'avant se retrouvent dans le texte du
projet de loi.
La Shell Canada supporte pleinement l'objectif de la loi qui est
"d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et
des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail
et de maladies professionnelles" (Notes explicatives).
Nous sommes d'accord avec les principes généraux de
participation des travailleurs à une clarification des droits et
obligations respectifs des employeurs et des travailleurs, à
l'amélioration des principes de formation, d'information et de
recherche, à une redéfinition du rôle de l'État, et
à l'accent placé sur la prévention.
Toutefois, certaines modalités d'application de ces principes
nous causent de graves inquiétudes et quelques-unes nous apparaissent
totalement inacceptables. Nous limiterons nos commentaires aux points les plus
importants et notre critique constructive comportera aussi des solutions de
rechange que nous jugeons plus acceptables.
Caractère décisionnel du comité
de santé et de sécurité
La première objection que nous désirons soulever est le
caractère décisionnel de certaines fonctions du comité de
santé et de sécurité (Article 63, paragraphes 1, 2 et
5).
Puisque "l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour
protéger la santé et assurer la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur" (Article 4), il ne saurait
être question qu'il partage avec un comité l'autorité qu'il
doit posséder pour accomplir sa tâche. Ceci rendrait impossible la
gestion
ordonnée de l'entreprise. Aux responsabilités doit
correspondre l'autorité et c'est pourquoi nous disons que l'entrepreneur
seul doit avoir le rôle de décider des mesures nécessaires
dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.
Certes, les recommandations et les suggestions de ses employés lui
seront d'une grande utilité, que ces dernières soient faites
directement ou par le truchement d'un comité; mais la décision
finale doit revenir uniquement à l'employeur puisque c'est lui qui de
par la loi proposée est le seul responsable de la sécurité
et de la santé de ses travailleurs.
À l'intérieur d'un tel arrangement les décisions de
l'employeur peuvent toujours être soumises à l'arbitrage de la
Commission si la partie ouvrière ou le comité n'en sont pas
complètement satisfaits.
Recommandations:
Nous recommandons que là où les comités de
santé et de sécurité existeront, la loi leur reconnaisse
uniquement un rôle consultatif. Plus spécifiquement, nous
recommandons les changements suivants dans le texte du projet de loi. 1)
Article 63, para. 1 : remplacer "de choisir les moyens et
équipements..." par "de recommander à l'employeur les moyens et
équipements..." 2) Article 63, para. 2: remplacer "d'établir...
les programmes de formation et d'information..." par "de recommander à
l'employeur... les programmes de formation et d'information..." 3) Article 63,
para. 5: nous recommandons l'élimination de ce paragraphe. 4) Les autres
article devraient être modifiés en conséquence par exemple,
l'article 64 faisant référence aux décisions du
comité devraient être amendés pour référer
aux "recommandations" du comité.
Le rôle des départements de santé
communautaires (DSC) dans les programmes de santé au travail
Le deuxième point important que nous désirons soulever est
celui du rôle des DSC's dans les programmes de santé.
Premièrement, parlons de l'argument principal invoqué lors
des discussions sur le livre blanc.
L'intégrité des médecins d'établissement
était mise en doute parce qu'ils étaient
rémunérés par la direction de l'établissement. Si
nous admettions cette proposition, faudrait-il aussi mettre en doute
l'intégrité des ingénieurs de l'établissement qui
conçoivent et construisent les mécanismes de prévention
pour les employés? Car l'intégrité des ingénieurs
n'est-elle pas assurée par un code rigide d'éthique
professionnelle au même titre que celle des médecins?
Et que dire des chefs d'entreprises qui prennent les décisions
finales et approuvent les fonds nécessaires aux mécanismes de
prévention?
Que penser en plus des contremaîtres chargés de
l'application des programmes mais eux aussi rémunérés par
l'établissement?
Si la source de rémunération d'un professionnel ou d'un
employé biaise nécessairement son jugement, il faudra se demander
si l'intégrité peut exister!
Faudrait-il nationaliser non seulement les médecins, mais aussi
les ingénieurs, les chefs d'entreprises, les contremaîtres,
etc.?
Parlons maintenant du principe même de l'administration des
programmes de santé par les DSC's. Rappelons que l'employeur a toujours
l'obligation de "prendre les mesures nécessaires pour protéger la
santé et assurer la sécurité et l'intégrité
physique du travailleur" (Article 40). Mais ici encore quelqu'un d'autre, soit
les DSC's, prend les décisions pour l'établissement et administre
les programmes de santé. L'employeur voit donc son autorité
grandement diminuée mais on maintient toujours ses obligations. Ceci est
une mesure qui nous apparaît totalement inacceptable.
Parlons enfin de quelques effets négatifs, selon nous, de
l'établissement et de l'administration des programmes de santé
par les DSC's.
Premièrement, le personnel de la santé ne faisant par
partie intégrante de l'organisation de l'entreprise, il n'est pas
privilégié d'un flot continuel d'information qui lui permettrait
d'influencer les décisions au stage conceptionnel des projets. La
plupart de ses actions seraient donc des réactions à partir des
situations déjà établies.
Deuxièmement, il serait très difficile sinon impossible
pour le personnel de la santé des DSC's de participer au contrôle
des absences dues aux maladies non-industrielles un problème qui
s'aggrave de plus en plus à mesure que les avantages sociaux
augmentent.
Ayant remis en question la raison même de la nationalisation de la
santé au travail, ayant questionné le principe même de la
division de l'autorité en matière de santé au travail tout
en maintenant les mêmes obligations à l'employeur, ayant enfin
établi les désavantages majeurs qui découlent d'une telle
mesure, nous voulons proposer une solution de rechange:
Recommandations
Nous suggérons que le personnel de la santé au travail
demeure partie intégrante de l'entreprise. Dans le cas de petites et
moyennes entreprises, des services de santé au travail pourraient
être assurés par des cliniques inter-industries.
Nous suggérons de plus que le rôle des DSC's soit
limité aux tâches suivantes: Vérifier
occasionnellement la performance des services de santé assurés
à l'intérieur de l'établissement par des professionnels de
la santé qui font partie intégrante de l'établissement.
Les DSC's feraient alors fonction d'inspecteurs spécialisés dans
l'administration de la médecine du. travail effectuée par des
professionnels de l'entreprise. Accumuler les statistiques propres
à des études d'épidémiologie ou autres, procurant
ainsi une base scientifique d'information. Faciliter la création
de cliniques "inter-industries" indépendantes et qui offriraient aux
petites et moyennes entreprises des services professionnels de santé au
travail.
Nous suggérons enfin que les incidents douteux de pratique de
médecine industrielle soient rapportés au Collège des
Médecins qui est l'organisme attitré de la profession pour de
telles investigations.
Nous avons jusqu'ici soulevé deux objections majeures. Tout
d'abord, l'objection au pouvoir décisionnel des comités de
santé et de sécurité au travail, et ensuite notre
objection à l'établissement et l'administration des programmes de
santé par les DSC's.
Nous aimerions de plus soulever un certain nombre de points d'ordre
secondaire mais tout de même importants.
1.
Le choix par l'association
accréditée de la moitié des membres du comité de
santé et de sécurité (Article 58)
Là où les comités de santé et de
sécurité au travail existeront, le projet de loi stipule le choix
de la moitié des membres par l'association accréditée
lorsqu'il y en a une. Selon nous, ceci est une invitation ouverte à
transposer dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail, un climat d'affrontement syndical/patronal qui prévaut
malheureusement dans trop de relations ouvrières. Vu que la
coopération entre employeurs et employés est le but visé
dans la législation, nous suggérons que la moitié des
membres du comité soient élus par les employés au lieu
d'être nommés par l'association accréditée.
2.
La duplication inutile des contacts
À plusieurs endroits dans le projet de loi, on stipule une
multiplicité de contacts pour certaines activités:
Communication de la liste des contaminants (Article 40, para. 8): au
travailleur, au comité, à l'association accréditée
et à la Commission. Communication du programme de
prévention de l'établissement: à la Commission, à
l'association sectorielle, au travailleur, au comité, à
l'association accréditée et finalement au représentant de
la prévention. Communication de déficiences dans les
conditions de santé et de sécurité par le médecin
(Article 98) à la Commission, à l'employeur, au travailleur,
à l'association accréditée, au comité et finalement
au chef du DSC. Les informations statistiques par le chef du DSC:
à la Commission, aux employeurs, aux travailleurs, aux associations
accréditées et aux comités. Avis d'inspection par
l'inspecteur (Article 137): à l'employeur, à l'association
accréditée et au comité. Résultat
d'enquête et avis de correction de l'inspecteur (Article 139/140):
à l'employeur, à l'association accréditée, au
comité et au chef du DSC.
Pour simplifier un peu cette multiplicité de contacts, nous
suggérons que dans les cas où les comités de santé
et de sécurité existeront, les communications et les contacts
excluent les associations accréditées et les représentants
à la santé et sécurité qui recevront leur
information du comité.
3.
La confidentialité de
l'information
Pour sauvegarder la confidentialité de certaines informations,
nous suggérons que l'Inspectorat et la commission se dotent d'un
système administratif bien défini pour assurer que la
confidentialité soit sauvegardée suivant la cote de
confidentialité de l'information.
Par exemple, on devrait avoir une définition exacte de qui peut
avoir accès aux documents, de la permission de production de copies et
de dissémination, de la garde en lieu sûr, de la période
maximum de garde du document, etc.
Ce règlement interne devrait être mis en place le plus
tôt possible et devrait être rendu public.
4.
L'introduction de règlements
L'article 186 suggère une période de 60 jours entre la
publication de nouveaux règlements dans la Gazette officielle du
Québec et la soumission au gouvernement pour approbation. Ceci laisse
supposer qu'il existera un mécanisme de consultation.
Nous espérons de plus que les futurs règlements tiendront
compte des situations existantes qui seraient adéquates et qu'ils ne
forceront pas des changements pour la seule fin de tout standardiser.
5.
Certaines activités du comité
de santé et de sécurité
Les fonctions du comité de santé et de
sécurité telles que données aux paragraphes 8 à 13
de l'article 63, laissent à penser que le comité devra tout
étudier, même les cas les plus mineurs. Les limites raisonnables
de temps et de ressources humaines dictent une approche différente selon
laquelle le comité, d'après la décision de ses membres, ne
s'intéressera qu'aux cas où l'étude pourrait être
productrice et révélatrice.
De plus, nous suggérons que les exigences de maintenir des
registres, de produire des rapports, etc. soient réduites au minimum
pour éviter qu'on ait besoin d'un super secrétariat pour servir
le comité dans ce domaine. Beaucoup de ces documents sont d'ailleurs
produits par l'employeur, et ils peuvent être rendus disponibles au
comité pour empêcher une duplication inutile d'efforts.
6.
Les subventions aux associations syndicales
et d'employeurs
Lorsqu'il existe une association sectorielle dans un domaine
donné, on ne devrait pas, selon nous, subventionner des associations
syndicales et d'employeurs pour la formation et l'information (Article 79).
Ceci constituerait une duplication inutile et dispendieuse, et favoriserait la
formation et l'information à caractère partisan.
Nous avons aussi d'autres inquiétudes qu'il nous suffira de
mentionner. Le fardeau de la preuve qui incombe à l'employeur, la
difficulté de prouver la mauvaise foi, les abus possibles du refus de
travailler et les coûts qui en découlent et la formation
sectorielle adéquate des inspecteurs. Cependant, nous avons confiance
dans la bonne intention de tous les participants et dans la possibilité
d'amender la loi si elle se révèle inadéquate dans
certains domaines.
Enfin, nous osons espérer que la mise en application de nouveaux
règlements se fera d'une façon graduelle qui reconnaîtrait
le bien-fondé des systèmes en place et qui reconnaîtrait
aussi les ressources et les délais nécessaires à effectuer
les changements visés par la loi.
En résumé, nous supportons le nouveau projet de loi dans
ses principes.
Deux modalités nous sont cependant inacceptables. Ce sont tout
d'abord le caractère décisionnel des comités de
santé et de sécurité et ensuite le rôle des DSC's
dans le domaine de la santé au travail.
Nous avons suggéré des solutions de rechange que nous
croyons réalistes et pratiques. Nous espérons que vous prendrez
bonne note de l'intervention de Shell Canada et qu'elle vous sera utile pour
effectuer les révisions nécessaires avant la version finale de la
loi.
Nous vous remercions de votre attention et sommes à votre
disposition pour tous renseignements supplémentaires. septembre 1979