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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, nous allons commencer les travaux de la
Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre qui a le mandat de
faire l'audition de mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
Sont membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou),
remplacé par M. Jolivet (Laviolette), M. Johnson (Anjou),
remplacé par M. Marois (Laporte), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux
(Charlevoix) et M. Pagé (Portneuf).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Gosselin (Sherbrooke), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M.
Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Nous avons sur la liste des intervenants d'aujourd'hui, les groupes
suivants et je prierais les porte-parole de s'identifier pour constater la
présence: le Collectif socialisme-santé, présent;
l'Unité de recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool, unité
RADA, présente: M. Robert Fernet, présent; M. Yves Morisset,
présent et le Comité des travailleurs accidentés de
l'Outaouais Inc., présent.
Ceci dit, j'invite le Collectif socialisme-santé à se
présenter devant la commission.
M. Pagé: M. le Président, pendant que nos
invités vont prendre place, il y avait également le
dépôt, je crois, du mémoire no 44, ce matin, pour
dépôt seulement, le mémoire de M. Jean Rochon.
M. Jolivet: Je sais qu'il ne vient pas. Il ne pouvait pas venir
ce matin.
M. Pagé: À ce moment-là, j'en fais une
question au ministre ou à l'adjoint parlementaire. Est-ce que la
signification, à savoir qu'il ne pouvait pas venir ce matin, impliquait
un dépôt seulement ou est-ce qu'il préférerait
être entendu plus tard?
M. Jolivet: On nous a dit que pour le moment, il ne lui
était pas possible de revenir donc, on pourrait à moins
qu'il y ait un avis contraire en faire le dépôt. S'il
venait, on serait quand même prêt à l'entendre dans les deux
jours qui restent, les 4 et 5 octobre prochains. Je pense qu'il doit quitter le
Québec.
Le Président (M. Dussault): De toute façon, le
secrétariat des commissions n'en a pas entendu parler. Alors, je me
demande s'il ne faudrait pas attendre tout simplement s'il y a manifestation
de
M. Rochon auprès du secrétariat des commissions, de
façon à ne pas lui créer préjudice, d'accord?
M. Pagé: D'accord. (9 h 45)
M. Jolivet: J'ai une chose à ajouter, M. le
Président. Les policiers de la CUM qui doivent venir dans les deux
dernières journées, je ne me souviens pas si c'est le 4 ou le 5,
le rapport vient d'entrer aujourd'hui et nous sera distribué, ou il
entrera sous peu d'après l'appel que le secrétariat des
commissions a reçu. Donc, le rapport des policiers de la CUM nous sera
distribué aussitôt qu'il arrivera.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie du
renseignement. Je prie le porte-parole du Collectif socialisme-santé de
s'identifier et de nous présenter ses collègues.
Collectif socialisme-santé
M. Mongeau (Serge): Je suis Serge Mongeau. À ma gauche, M.
Jean Thibeault et à ma droite Marc Renaud.
Le Collectif socialisme-santé est un regroupement de citoyens
intéressés au problème de la santé et au type de
société dans laquelle on vit. Il se compose de médecins,
infirmières pharmaciens, épidémiologistes, psychologues,
sociologues, anthropologues, journalistes, étudiants et
étudiantes en médecine. Il s'est prononcé publiquement
déjà, entre autres, contre l'exploitation de la maladie à
des fins commerciales et lucratives, pour la démédicalisation de
certains actes de la vie de tous les jours, contre le type de formation
donnée au médecin qui le prépare mal à jouer son
rôle social, pour l'abolition du réseau parallèle de
médecine privée, contre la suprématie donnée au
médecin dans le domaine de la santé, alors qu'il ne devrait
être qu'un membre parmi d'autres au sein d'une équipe.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous êtes en
train de nous lire votre mémoire...
M. Mongeau: Non.
Le Président (M. Dussault): ... ou si vous ne faites que
la présentation? D'accord!
M. Mongeau: Je vous présentais un peu le collectif et le
mémoire, nous allons le présenter en trois parties. D'abord, Marc
Renaud va nous parler de l'exposition aux risques physiques et aux substances
chimiques. Jean Thibeault va nous parler des autres risques et je reviendrai
vous parler des services de santé.
Le Président (M. Dussault): D'accord! Il est convenu entre
les membres de la commission que l'on demande aux intervenants de nous
pré-
senter leur mémoire à l'intérieur de 20 minutes. On
vous prierait, s'il vous plaît, de faire cet effort. D'accord?
M. Renaud (Marc): La première partie que je voudrais
aborder, c'est le problème d'exposition aux agents toxiques. Je voudrais
d'abord vous signifier que l'objectif de notre mémoire est moins
d'apporter un questionnement sur les aspects très précis du
projet de loi que d'apporter une interrogation par rapport à la
philosophie d'ensemble à l'intérieur de laquelle s'inscrit le
projet de loi en question.
Comme le disait Serge, nous sommes un groupe de gens impliqué
dans le domaine de la santé et au prix de très nombreux
débats on essaie de s'interroger sur l'avenir des systèmes de
santé et sur ce qui doit être fait pour améliorer la
santé de la population. Dans ce sens-là, on n'est pas lié
à des intérêts particuliers et ce n'est pas notre
rôle de nous pencher sur des aspects très précis de la
loi.
Nous reconnaissons au départ que le projet de loi fait
considérablement avancer la gestion des problèmes de santé
liés au travail et, selon notre connaissance, c'est certainement un des
projets de loi le plus à l'avant-garde des diverses législations
dans ce secteur-là en Amérique du Nord. Cependant, nous avons une
objection qui est fondamentale à l'approche principale apportée
à l'intérieur de ce projet de loi. Cette approche se situe dans
la logique fondamentale selon laquelle les sociétés ont depuis
cent ans, selon nous, pris en charge les problèmes de santé et de
maladie.
C'est une logique qui, croyons-nous, est vouée
irrémédiablement à conduire à de très
nombreux échecs si elle devient présente dans l'ensemble des lois
gouvernementales dans le secteur de la santé. C'est ce qu'on voudrait
expliquer dans ce mémoire.
Pour dire cela très brièvement, avant de rentrer dans le
mémoire directement. Il nous semble que toute l'approche qui est faite
à l'intérieur du projet de loi et du livre blanc, est une
approche par les risques, c'est-à-dire que fondamentalement, on dit:
Dès qu'un risque est découvert, dès qu'il y a facteur de
risque, on va faire en sorte de mobiliser un appareil gouvernemental quelconque
pour que les travailleurs puissent être protégés par
rapport à ce risque.
Le projet de loi, dans ce sens, va beaucoup plus loin que dans le
passé, où c'était souvent uniquement sous des pressions
syndicales qu'on agissait, par rapport à des risques, mais il reste,
néanmoins, que le fait d'approcher le problème uniquement par les
risques, c'est encore une fois l'approcher uniquement par le bout de la ligne,
par un bout de "patchage" pour ainsi s'exprimer.
Selon nous, pour arriver à faire une véritable
prévention dans le secteur de la santé au travail, il faut
davantage s'axer sur l'exposition nulle comme postulat de base. En ce sens, il
y a quatre éléments que je voudrais essayer très
rapidement de développer à partir du mémoire: d'abord
essayer d'examiner quels sont les postulats qui sont en réalité
sous-jacents au livre blanc et probablement au projet de loi également.
Deuxièmement, développer le concept d'exposition nulle et
troisièmement, montrer que ce postulat d'exposition nulle n'est en
réalité pas plus utopique ou pas plus farfelu que ce qui est
contenu comme postulat à l'intérieur du livre blanc et,
finalement, essayer d'examiner quelles sont les indications concrètes de
ce principe, de ce postulat d'exposition nulle par rapport au projet de loi sur
la santé et la sécurité du travail.
Le régime proposé dans le livre blanc et qui est
sous-jacent au projet de loi se donne comme but ultime, et je cite le texte du
livre blanc "l'élimination des accidents du travail et des maladies
professionnelles et affirme que pour atteindre le but poursuivi, il faut
s'attaquer à l'ensemble des risques qui existent sur les lieux de
travail". Le texte avoue que nos connaissances sont limitées et
fragmentaires à l'heure actuelle au Québec,
particulièrement dans le secteur des maladies industrielles, mais il
promet d'intensifier et de mieux orienter les travaux de recherche relatifs
à la santé et à la sécurité au travail.
À plusieurs reprises, le texte fait allusion au fait que les
programmes de formation, d'information, de surveillance et de compensation sont
élaborés à partir de la connaissance des risques
professionnels. On prévoit un organisme de recherche et
l'établissement d'un système de statistiques qui serviraient
à fournir ces connaissances.
À première vue, cette logique qui est présente
semble extrêmement séduisante, car elle fait appel à une
rigueur toute scientifique. Cependant, ce que nous aimerions faire remarquer,
c'est que cette perspective repose sur un raisonnement qui est, par
définition, voué à de très nombreux
échecs.
Selon nous, deux postulats sont à la base du livre blanc.
Premièrement, on croit qu'en multipliant les recherches on arrivera un
jour à identifier tous les agents de l'environnement qui pourraient
être la cause de maladies. Deuxièmement, on sous-entend que ne
peuvent être considérés comme facteurs de risques que ce
qui a été démontré scientifiquement comme tels. En
d'autres mots, un agent ne peut être considéré comme
pathogène que dans la mesure où il a été
prouvé par des méthodes scientifiques, dangereux pour la
santé.
Laissez-moi brièvement discuter chacun de ces postulats. Il y a
donc un postulat qui dit qu'on arrivera un jour à identifier tous les
agents potentiellement pathogènes et à agir par rapport à
ces agents. Ce postulat a de très profondes racines historiques. Il faut
comprendre comment il se fait que notre civilisation se croit maintenant
capable d'arriver à identifier l'ensemble des agents pathogènes.
Ces racines historiques sont d'abord et avant tout, liées aux luttes
contre les maladies infectieuses au tournant du siècle. À la fin
XIX et au début du XX siècle, ce qui affligeait le plus
l'humanité, c'était les douzaines de maladies causées par
un nombre restreint de micro-organismes. Pour chaque maladie, les chercheurs
essayaient avec grand succès d'ailleurs d'isoler de
l'ensemble des agents possiblement pathogènes, le microbe qui pouvait
être la cause de cette maladie.
De telles recherches étaient possibles parce que ces microbes
laissent des traces dans l'organisme humain pour toute la durée de la
vie de la
personne. Par exemple, une personne atteinte du microbe de la variole
portera toujours dans son organisme des anticorps qui sont directement
liés à la variole et qu'un chercheur peut arriver à
déceler.
Ce qui est faux dans l'approche actuelle, c'est qu'on applique
exactement la logique qui avait été appliquée par rapport
aux maladies infectieuses et qui était préventive dans le cas des
maladies infectieuses, à l'ensemble de maladies qui présentent
des caractéristiques tout à fait différentes. Les maladies
dont souffrent aujourd'hui les populations des pays industrialisés ne
sont pas, pour la plupart, causées par des micro-organismes. Par
exemple, il y a une multitude de facteurs qui prédisposent directement
au cancer du poumon: la cigarette, l'amiante, le nickel, et, selon toute
vraisemblance, une multitude d'autres produits chimiques encore mal
identifiés.
Le laps de temps pour que se développe une maladie infectieuse
n'est en général que de quelques jours et comme nous l'avons vu,
le microbe laisse la plupart du temps des traces indélébiles dans
l'organisme.
Pour les maladies qui caractérisent notre civilisation, leur
apparition après exposition à l'un ou plusieurs des facteurs de
risque, ne survient en général, qu'après plusieurs
années. De plus, 20 ans après avoir été
exposé au nickel, par exemple, un individu peut développer un
cancer, sans toutefois qu'il soit possible d'arriver à identifier dans
l'organisme l'agent qui a causé le cancer en question. Le nickel, dans
notre exemple. Cette caractéristique très particulière des
maladies modernes fait que les recherches destinées à identifier
les causes de ces maladies sont très longues, coûteuses et
difficiles à réaliser. De plus, dans le domaine de la
santé au travail, il ne faut pas oublier qu'il existe des dizaines de
milliers de produits chimiques auxquels les travailleurs sont exposés et
qu'à toutes fins utiles, il n'y a pas moyen de faire des recherches et
de faire des protocoles de recherches pour arriver à identifier
l'ensemble des risques liés à ces différents produits
chimiques.
Il ne faut pas oublier non plus l'existence de ce très grand
nombre, de ces milliers de produits chimiques qui sont protégés
par les projets de commerce et auxquels les chercheurs ne peuvent pas avoir
accès. Dans tout ce contexte, il est impossible pour les chercheurs
d'arriver à concevoir et à réaliser des recherches
capables d'embrasser la gamme extrêmement vaste et complexe des produits
dangereux et de leurs effets.
C'est ainsi qu'en dépit d'efforts croissants et coûteux
pour comprendre l'origine des cancers, nous ne connaissons le potentiel de
cancérogénicité chez l'être humain que d'une
vingtaine de produits chimiques parmi des milliers. Pour des dizaines de
milliers d'autres produits qu'on utilise, on ne sait absolument rien. Postuler,
comme le fait le livre blanc et comme le fait la loi, qu'on va arriver un jour
à identifier tous les agents de l'environnement qui pourraient
être cause de maladie, c'est au mieux de la naïveté.
Discutons maintenant du second postulat. Le second postulat affirme
qu'il faut scientifiquement prouver qu'un agent est dangereux avant d'agir.
Bien sûr, nous ne contestons pas que des preuves scientifiques puissent
être nécessaires à l'avancement de la science. Cependant,
à toutes fins utiles, comme il est impossible de déceler tous les
agents nocifs de l'environnement, ce postulat nous force à vivre avec
des poisons simplement parce qu'on n'a pas prouvé qu'ils étaient
des poisons. Dans les actions de santé publique, ne faudrait-il pas, au
contraire, renverser ce raisonnement? Au lieu de toujours postuler qu'un
produit chimique quelconque est innocent tant et aussi longtemps qu'on n'a pas
prouvé sa culpabilité, comme c'est le cas à l'heure
actuelle, ne faudrait-il pas, au contraire, prendre pour acquis que tout
produit chimique est potentiellement coupable tant et aussi longtemps qu'on ne
l'a pas prouvé innocent?
Si l'on veut protéger la santé des travailleurs et des
travailleuses, on ne peut attendre de savoir si le produit X est dangereux pour
l'être humain parce que cette connaissance surviendra après que
des hommes et des femmes auront été exposés et seront
tombés malades. Même, quand cette preuve sera établie,
comme l'exemple de l'amiante le démontre, les intérêts
patronaux peuvent facilement retarder l'amélioration des conditions en
demandant toujours plus de preuves scientifiques.
Si notre raisonnement est exact par rapport aux postulats qui sont
subjacents dans le livre blanc et dans le projet de loi, il nous semble
nécessaire de développer un nouveau postulat, une nouvelle
façon d'approcher le problème qu'on qualifie d'exposition nulle,
l'idée de base étant que tous les processus de production
devraient obligatoirement à long terme évidemment,
ça ne peut pas se faire du jour au lendemain permettre une
absence complète de contact entre l'ouvrier et les agents
potentiellement pathogènes. Il s'agit de faire en sorte que tous les
processus de production, toutes les technologies, toutes les machines soient
conçus dès leur création de manière à
éviter l'exposition à des substances chimiques ou à des
agents physiques: l'éclairage inadéquat, le bruit, les
vibrations, les variations de température, l'humidité, la
pression, les poussières, etc., qu'ils aient été
prouvés dangereux ou non.
Dans le passé, les compagnies ont trop souvent réagi aux
nouvelles normes d'hygiène par du "patchage" des processus de production
existants. Plutôt que d'essayer de reconceptualiser l'ensemble du
processus de production de manière à supprimer l'exposition
à toutes les substances chimiques, on n'a cherché que les moyens
d'éliminer l'exposition à la substance que la loi ou les
règlements venaient de définir comme dangereuse. Or, il est
évident que le "patchage" continuel est plus coûteux que
l'invention d'un processus de production qui serait conçu, dès le
départ, pour éliminer toute exposition à toutes les
substances. À long terme, pour utiliser une métaphore, un bateau
bien construit avec de bons matériaux coûte moins cher qu'un
bateau mal construit qu'il faut constamment réparer et le risque de se
noyer est moins grand.
Comme l'ont admis deux hygiénistes ingénieurs de la
compagnie Exxon dans le texte, on a mis ça en anglais, je vais
essayer de vous le traduire en français il est absolument
nécessaire, pour qu'on puisse se préoccuper des dangers
liés à la santé, qu'une implication rapide soit faite par
les hygiénistes industriels dans un processus de production. La
correction des dangers liés à la santé qui se produit trop
tard dans le développement d'un processus de production ou après
la construction a tendance à être extrêmement
dispendieuse.
Or, le projet de loi ne nous semble pas du tout aller dans cette
direction. Bien sûr, vous allez pouvoir vous opposer en disant: Ce que
vous nous proposez est extrêmement utopique. Il est utopique de penser
qu'on est capable de changer du jour au lendemain tous les processus de
production de manière que les travailleurs ne soient pas exposés.
Il y a des aspects évidents là-dedans, à savoir qu'on ne
peut pas tout changer du jour au lendemain.
Cependant, il ne nous semble pas évident que notre postulat soit
plus utopique que le postulat qui est soutenu par le livre blanc et par le
projet de loi. Je vais essayer de vous donner un certain nombre d'exemples pour
illustrer notre pensée sur ce propos.
Si on compare la situation des compagnies d'amiante en 1975 avec la
situation des compagnies d'amiante en 1940, il est incontestable qu'il y a eu
une amélioration considérable en termes d'exposition des
travailleurs aux fibres d'amiante. À quoi ce changement est-il dû?
Ce changement n'est pas dû uniquement à l'évolution de la
technologie, il est d'abord et avant tout attribuable aux pressions syndicales
qui ont été faites pour forcer les compagnies à changer
leur technologie. En d'autres mots, quand il y a des forces sociales qui
poussent pour qu'effectivement les processus de production ne soient pas
pathogènes ou le soient le moins possible, effectivement, les compagnies
sont en mesure de faire en sorte que les processus de production ne soient pas
pathogènes et que les travailleurs ne soient pas exposés.
Autre exemple, le textile. Des recherches ont été faites
en France démontrant qu'il y a moyen de produire plus rapidement des
produits du textile avec une machine qui est de dix à quinze fois moins
bruyante que les machines couramment utilisées au Québec. Or, il
est important qu'au Québec on ait une bureaucratie gouvernementale
quelconque, un mouvement syndical quelconque, qui pousse pour que ces
changements se fassent. (10 heures)
Laissez-moi donner un dernier exemple, celui du polychlorure de vinyle,
que vous connaissez sans doute. En 1971, on découvre, dans certaines
usines américaines que des travailleurs souffraient d'un cancer
très rare, l'angiosarcome du foie. Rapidement, les
épidémiologues ont fait la liaison entre ce cancer très
rare et l'exposition au polychlorure de vinyle. Les syndicats se sont mis de la
partie, le gouvernement américain s'est mis de la partie, on a fait des
pressions gigantesques sur les compagnies pour leur dire: Écoutez,
changez votre type de production, cachez l'exposition au polychlorure de vinyle
et faites en sorte que les travailleurs ne soient pas exposés.
Les compagnies, comme elles le font toujours, ont réagi de la
même manière en disant: cela coûte trop cher, il n'y a pas
moyen, la technologie n'est pas suffisamment avancée. Laissez-moi vous
dire que la compagnie, je peux me tromper de nom, BF Goodrich, quatre ans
après, a découvert un processus pour enfermer le processus de
production du polychlorure de vinyle et a vendu son processus de production,
à profit, aux autres compagnies qui utilisaient ce processus.
En d'autres mots, quand il existe des forces sociales qui poussent pour
qu'il y ait exposition nulle, effectivement, il y a exposition nulle qui se
produit à plus ou moins long terme. Il me semble fondamental que le
projet de loi devrait arriver à exprimer cette volonté.
Quelle implication est-ce que cela a sur le projet de loi? Il nous
semble que cela a au moins deux implications. La première implication,
c'est qu'il est absolument nécessaire que se développe sous une
forme ou sous l'autre on n'est pas des spécialistes de la
question un organisme gouvernemental, en liaison avec les
différents syndicats des secteurs concernés, une bureaucratie
gouvernementale qui inspecterait, obligatoirement, tout nouveau processus de
production ou toute nouvelle usine ou tout remplacement de processus de
production, de telle manière à s'assurer que l'exposition
à l'intérieur de ces entreprises est la plus petite possible.
Dans le projet de loi, quand on le lit, on n'a pas le sentiment que nulle part,
le gouvernement n'avait l'intention de pousser cette idée.
Une deuxième implication de ce qu'on dit, cela a
été nécessaire de démédicaliser un peu le
problème pour, si vous permettez l'expression,
"l'ingénériser" davantage. En écrivant notre
mémoire, on a téléphoné à des dizaines
d'ingénieurs un peu partout en Amérique du Nord pour savoir si
les ingénieurs avaient réfléchi au développement
des processus de production. La conclusion à laquelle on est
arrivé, c'est que les ingénieurs, en général,
étaient maintenant ouverts à l'idée suivant laquelle il
est nécessaire qu'ils travaillent non seulement en fonction d'une
logique de productivité, mais également en fonction d'une logique
de santé, mais en général les ingénieurs ne
développaient pas beaucoup de cours dans ce secteur et qu'ils avaient
peu tendance à aller interroger les travailleurs sur ce qu'ils vivaient
à l'intérieur de leurs entreprises.
Les gens spécialistes en ingénierie avaient tendance
à vouloir, encore une fois, diminuer l'exposition à des risques
qui ont été prouvés dangereux et non pas l'exposition
à des substances, qu'elles aient été prouvées
dangereuses ou non. En d'autres mots, nous semble-t-il, il y a une philosophie
fondamentale qui doit être changée, si on veut
véritablement arriver à une amélioration de la
santé des travailleurs.
Évidemment, tout cela ne veut pas dire qu'on va laisser tomber la
recherche médicale dans le domaine des expositions chimiques au travail,
la
surveillance des risque de maladies. Il est évident que ce genre
de recherche doit se poursuivre. Il faudra beaucoup de temps avant
d'opérationnaliser le principe d'exposition nulle. Entre-temps, il faut
quand même identifier les problèmes les plus graves pour les
éliminer de façon prioritaire. Mais on ne peut pas les identifier
si on ne sait même pas quels sont les produits que les travailleurs
manipulent. Le capitalisme, par son système de brevets, empêche
les scientifiques de déceler les dangers. Il faudrait donc que les
travailleurs et les scientifiques aient accès à tous les
renseignements techniques qui pourraient aider à connaître les
risques pour la santé. Dans la même optique, il faudrait que les
travailleurs aient accès au bilan financier de l'entreprise. Ceci
permettrait d'éviter que l'on se réfugie derrière des
menaces de fermeture pour refuser certaines mesures d'amélioration des
conditions de santé et de sécurité ou que les
propriétaires des industries fassent retomber sur la population tous les
coûts des mesures et, par la même occasion, augmentent les prix et
les profits. De plus, même dans les meilleures conditions, il sera
toujours nécessaire de surveiller continuellement la santé des
travailleurs pour s'assurer qu'il n'y a pas de problèmes inattendus
comme l'exemple de la centrale nucléaire de Harrisburg le
démontre; les accidents se produiront même si en théorie
toutes les précautions ont été prises.
Ce raisonnement que nous avons essayé de développer par
rapport à l'exposition à des substances peut également
être valable pour un ensemble d'autres conditions de travail, et c'est ce
que Jean Thibault va essayer d'expliquer.
M. Thibault (Jean): Même si nous réussissions
à éliminer tous les produits nocifs utilisés dans
l'industrie, tous les risques reliés au travail ne seraient pas
écartés pour autant. En effet, il n'y a pas seulement les
produits chimiques qui peuvent avoir des effets néfastes sur la
santé. Tout le processus de travail et les conditions dans lesquelles il
se fait affectent la santé mentale des travailleurs et des travailleuses
et peuvent être mis en cause dans le développement des maladies.
Une foule de situations vécues au travail peuvent occasionner des
problèmes de santé. Le rythme de travail trop
élevé, les surcharges physiques, la posture inconfortable, la
tension psychique et nerveuse liée à des manipulations difficiles
comportant des risques pour la sécurité, le travail en
équipes alternantes et sur roulement, les "shifts" et la monotonie du
travail.
Dans plusieurs milieux de travail, la dépersonnalisation des
tâches est encore à l'ordre du jour. On demande aux travailleurs
et travailleuses de répéter sans cesse les mêmes gestes. Ce
qui importe n'est pas tant de bien faire son travail comme de le faire vite. On
aurait cru qu'avec l'automatisation certaines tâches
particulièrement abrutissantes pourraient être assumées
entièrement par des machines. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Les produits, les méthodes utilisées changent constamment,
ce qui implique un renouvellement des tâches qui est plus facile à
réaliser avec une main-d'oeuvre humaine. À cause de cela, les
tâches continuent à être monotones. De plus, ces
travailleurs et travailleuses sont dépourvus de toute autonomie; ils ne
sont que rarement consultés dans les prises de décisions et ils
n'ont aucun contrôle sur leurs conditions de travail.
Les gens réagissent à cette situation
déshumanisante de diverses façons. La monotonie du travail
provoque une fatigue nerveuse qui se résorbe moins facilement qu'une
fatigue physique. Le niveau de satisfaction au travail augmente avec la
complexité des tâches. Dans un système d'organisation du
travail où la plupart ne peuvent pas mettre en valeur leurs
capacités, une majorité de personnes ne sont pas satisfaites.
Ceci affecte gravement leur niveau de santé mentale.
Pour constater cela, il faut se retrouver derrière un comptoir de
pharmacie quand on essaie de dire aux gens: Ne prenez pas trop de valiums, et
qu'on regarde ce qu'ils font comme job et que le gars dit: Je n'ai pas le
choix. Quand le gars vient à la pharmacie pour chercher des
médicaments pour le rhume ou la grippe, on lui dit: C'est le repos qui
est la meilleure affaire. Il dit: Je ne peux pas à cause de mon job.
Quand on essaie finalement de trouver des alternatives pour faire en sorte que
les gens puissent arriver, peut-être, à consommer moins de
médicaments et à avoir une qualité de vie de telle sorte
qu'ils ne soient pas malades, tu te rends toujours compte que le job est
quasiment un obstacle à la santé. Ce n'est pas à la
clinique de l'usine qu'on va voir ce problème-là. Le gars se
retrouve chez le généraliste au coin de la rue.
Des études ont montré que les problèmes de
santé rencontrés chez les travailleurs et travailleuses
d'âge moyen ont moins à voir avec la cigarette, la quantité
de graisse dans le sang et le manque d'exercice qu'avec l'insatisfaction et le
stress psychologique ressentis au travail. Il existe également toute une
variété de maladies chroniques et psychosomatiques il y en
a passablement plus qu'on pense qui peuvent être une
réponse au climat difficile vécu au travail. Il est possible
d'augmenter considérablement la participation des travailleurs et
travailleuses à la gestion et au fonctionnement de leur milieu de
travail. Il faudrait aussi s'interroger sérieusement sur la
nécessité du système des quarts dans plusieurs usines. Les
effets néfastes d'un tel système sont tels qu'il faudrait
d'autres justifications que le profit pour les maintenir en place.
M. Mongeau: Concernant les services de santé en milieu de
travail, nous croyons que ce qui est recommandé actuellement, c'est que
les services nous paraissent extrêmement médicalisés et,
par la présence qui occupe les médecins et par l'approche
sous-jacente qui est axée sur les facteurs tangibles et identifiables
comme les substances chimiques alors que tous les autres facteurs,
l'organisation du travail, la participation, la rotation, etc., sont
ignorés.
On insiste beaucoup sur le rôle préventif que devront avoir
les services de santé. Malgré cela, le projet de loi laisse
entendre que les médecins continueront à jouer le rôle
clé du programme de santé et de sécurité du
travail. Ils sont les seuls professionnels dont la nomination fait suite
à une consultation des deux parties et décident avec le DSC de la
nature et de la quantité du personnel médical et
paramédical. Ils sont les seuls professionnels de la santé
à pouvoir assister aux réunions du comité paritaire, de
droit.
Or, les médecins ne sont pas préparés à
jouer un rôle préventif. Toutes leurs études sont
orientées vers la réparation et même là il faut bien
admettre que les notions qu'ils possèdent sur les maladies du travail
sont fort peu élaborées. Également, il faut noter que les
médecins, qui fonctionnent dans les milieux de travail, les
médecins de compagnies et les médecins de la Commission des
accidents du travail, ont vraiment perdu toute crédibilité, parce
qu'ils se sont trop souvent nettement situés du côté de
l'employeur et non du côté des travailleurs.
Pour notre part, nous croyons que les services de santé et de
sécurité au travail doivent être confiés à
une équipe multidisciplinaire où le médecin n'est qu'un
membre parmi les autres: animateurs sociaux, hygiénistes,
infirmières, ingénieurs, etc. Les travailleurs eux-mêmes
devraient également avoir des représentants au sein de cette
équipe.
Si le projet de loi était accepté tel quel, il y aurait de
forts risques qu'on trouve d'un milieu de travail à l'autre des
différences énormes dans la qualité et l'orientation des
services qui s'y développent. Aussi croyons-nous que tout le personnel
des services de santé en milieu de travail devrait faire partie du
réseau public, CLSC et DSC. Cette insertion assurerait la coordination
de ses actions et lui permettrait de mettre à contribution les autres
travailleurs de la santé et d'ainsi en arriver à une approche
plus globale des problèmes.
Mais aussi bien organisés soient-ils, les services de
santé en milieu de travail doivent répondre aux besoins des
travailleurs. Nous n'avons pas la prétention de définir pour les
travailleurs quelles devraient être les formes que devrait prendre leur
participation. Déjà, les centrales syndicales ont
présenté leurs points de vue sur le sujet et nous ne pouvons qu'y
souscrire, car nous croyons essentiel que les travailleurs aient les moyens de
participer aux décisions concernant leur santé et leur
sécurité. Ceci comprend non seulement le programme de services de
santé et la détermination des conditions où il y a danger
imminent, le programme de formation et d'information, mais aussi les mesures de
prévention et d'amélioration des conditions de santé, tel
le choix des équipements de protection individuelle et les
aménagements pour en arriver à l'exposition nulle.
Les travailleurs devraient aussi avoir le droit collectif de cesser de
travailler dans des conditions qu'ils jugent dangereuses pour leur santé
et leur sécurité, mais aussi pour la santé et la
sécu- rité de la population: pollution, transport de
matières dangereuses, etc.
Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'on pourrait vous
demander de conclure rapidement, s'il vous plaît? Le temps est...
M. Mongeau: En conclusion, nous avons d'abord tenu compte, dans
notre analyse du livre blanc, d'une limite importante de cette politique. Elle
doit s'appliquer dans un contexte capitaliste. Dans un tel contexte, le
contrôle de la production réside entre les mains des patrons, en
particulier - ils ont un paquet de prérogatives qu'ils ne voudront
jamais perdre mais, cependant, nous croyons que le moment semble propice
pour actuellement faire des changements importants au moment où il y a
de fortes pressions syndicales de ce côté-là et au moment
où il semble bien que le climat se prête à ces
changements.
En gros, c'est un peu ce qu'on voulait vous dire.
Le Président (M. Dussault): On vous remercie.
M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier les
membres et les porte-parole du Collectif socialisme-santé de leur
mémoire. Ce n'est pas un mémoire très volumineux, mais
c'est un mémoire qui contient beaucoup de choses. On l'a regardé
très attentivement. J'ai cru comprendre que, pour l'essentiel, il avait
été conçu à partir du livre blanc d'abord, plus
particulièrement. J'ai cru comprendre aussi que vous n'aviez pas
procédé à un examen systématique du projet de loi
comme tel. Il y a un certain nombre de changements qui ont été
apportés au projet de loi par rapport au livre blanc.
Avant de commenter quelques points de façon précise, parce
qu'il y a, à travers votre exposé... Ce n'est peut-être pas
formulé en ces termes, mais il semble ressortir quand même un
certain nombre de recommandations intéressantes qui méritent
qu'on s'y arrête sérieusement.
Vous savez, quand on regarde l'ensemble du dossier de la santé et
de la sécurité au travail, on a beau dire, parfois, qu'on est
rendu aux années soixante-dix-neuf, quatre-vingt, donc, à
l'ère prétendument moderne... Quand on regarde l'état de
la réalité actuelle dans les entreprises, l'état de la
réalité des concepts, des philosophies qui sont derrière
l'ensemble des lois, des outils, des instruments dont on dispose, dont les
travailleurs disposent, déjà la simple opération de mise
en place d'un nouvel instrument juridique implique qu'on remette en cause toute
une série de concepts, déjà, indépendamment, en
plus, de ce que vous formulez. (10 h 15)
Le premier, qui est celui... Hélas! il traîne dans le
paysage et il a la vie dure... Je ne sais pas si vous avez entendu, notamment,
le témoignage d'un des porte-parole de la Centrale des syndicats
démocratiques qui nous expliquait qu'après quel-
ques années de travail d'information, de formation de leurs
membres, ils avaient été sidérés de
découvrir que bon nombre de leurs membres eux-mêmes y
souscrivaient à l'époque. Ils se sont acharnés à la
tâche par la suite, ils souscrivaient simplement au vieux concept
fataliste du travail ... ce qu'ils faisaient donc attention.
Deuxièmement, de façon plus large, le concept qui veut que
le travail ce soit forcément, fatalement, comme par une espèce de
nécessité et d'obligation contre laquelle à peu
près personne ne peut rien, dangereux. C'est déjà un
concept qui est déjà très fortement enraciné,
alimenté, entretenu dans les comportements, dans les attitudes, dans les
programmes qui ont été développés. Il y a
déjà cette côte à remonter, et ce n'est pas un
détail. Changer des lois, ça peut se faire, il s'agit de
s'atteler à la tâche, et parfois c'est comme une chaloupe
en-dessous de laquelle il y a de la houle, mais il s'agit de tenir durement les
rames et on peut y arriver. Une fois que t'as changé les lois, il n'y a
pas une équation automatique entre les changements de comportement et
d'attitude; il faut beaucoup plus que cela.
Cela, c'est déjà une chose, un des concepts auquel
s'attaque le projet de loi no 17 qui dit: II y a moyen, on sait qu'il y a moyen
de viser et de se donner comme objectif d'éliminer à la source
les causes mêmes d'accident et de maladie.
Deuxièmement, il y a un autre vieux concept, et là
ça recoupe certaines des préoccupations que vous avez
formulées qui rejoignent cette idée de la nécessité
d'impliquer et de développer une participation au-delà du
placotage comme tel de ceux et de celles qui sont les premiers
concernés, c'est-à-dire les hommes et les femmes au travail. Vous
avez pu voir, tout au long de nos travaux, qu'il y a un niveau de
résistance, encore là il y a de la houle en-dessous de la
chaloupe. On vient nous expliquer que c'est la fin des droits de
gérance, et le reste et le reste, et j'en passe, alors que vous avez
sûrement noté que les parlementaires, non seulement, me
semble-t-il je ne veux pas porter de jugement pour les autres, mais en
prenant simplement le texte tel qu'il est introduisent un concept
passablement nouveau de participation avec pouvoirs décisionnels dans
cette participation à un certain nombre d'éléments.
Déjà, il y a de la résistance à cela, et en plus on
nous propose, et je pense que la plupart des parlementaires de toutes les
formations politiques ont dit qu'effectivement il fallait peut-être
regarder sérieusement la possibilité de l'élargir
même cette participation au pouvoir décisionnel. Cela, c'est
l'autre chose pour résister à l'autre vieux concept très
fortement enraciné: Ne vous en faites pas, tout ça va se
régler; laissons les entreprises s'en occuper, statu quo, et on va y
arriver; regardez les performances, regardez les statistiques, cela va de mieux
en mieux.
Troisièmement, accrocher - là, je commence à
rejoindre les préoccupations additionnelles que vous évoquez
cette idée de viser à éliminer à la source
les causes mêmes. Vous parlez du concept d'exposition nulle et, au fond,
tranquillement com- mence à se développer dans nos
sociétés, à partir d'une réflexion accrochée
à des réalités très concrètes, cette
idée beaucoup plus large il me semble, que le concept d'exposition nulle
y est accroché, c'est simplement cette philosophie de
développement qui, de plus en plus, commence à dire: D'accord, le
produit national brut avec ce que ça implique! Mais, il va falloir
commercer à regarder une perspective de bonheur national brut de plus en
plus bon, sauf qu'il n'y a pas grand monde qui a réussi à
"l'opérationnaliser", parce que cela ne se fait pas d'un coup, c'est
évident, comme vous l'avez évoqué. Je conviendrais avec
vous que le projet de loi ne répond pas totalement à cela. Ce
qu'on a voulu introduire c'est, jeter les premiers cailloux dans l'engrenage.
Quels cailloux et dans quel engrenage? D'abord, accrocher à cette
idée que vous évoquez, cette possibilité de casser autant
que faire se peut, en tout cas d'isoler autant que faire se peut, le danger
d'être simplement exposé à des produits chimiques, quelque
démonstration qui a pu être faite d'un danger, d'un commencement
d'un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout, peu importe. Je me
souviens trop des dégâts qui ont été causés,
et là il s'agit en plus de documents qui ont été
tripotés, triturés, même par des scientifiques.
J'ai en tête, en particulier, un produit pharmaceutique qui a
laissé des dégâts qui sont irréparables chez les
humains. Ceci étant dit, il y a des ouvertures déjà dans
le projet de loi. Je ne vous cacherai pas que je suis plus que sensible
à ce que vous exposez en essayant aussi de regarder ce qu'on peut
franchir comme étape dans le contexte actuel. Si vous regardez, par
exemple, l'article 52 du projet de loi, en fait l'article 52 et les suivants,
53, 54, 55, qui visent à commencer à introduire cette idée
que: "Nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, distribuer, installer ou utiliser
un produit, un procédé, un équipement, un matériel,
un contaminant ou une matière dangereuse à moins que ceux-ci ne
soient sécuritaires ". "Sauf à des fins de recherche", et le
reste.
Les articles 54 et 55, le pouvoir qu'on se donne qui est
complètement nouveau, qu'il soit possible de faire procéder
à des expertises et à des recherches par des personnes choisies
par la commission donc pas par l'entreprise et de facturer
l'entreprise pour les recherches en question. Raccroché à
ça, l'article 48 et en particulier le paragraphe 3, introduit un concept
nouveau dans notre droit il n'existe pas qui fait obligation
à l'entreprise de se donner un programme de prévention qui
comprend notamment, au paragraphe 3, les programmes. Cela doit insérer
et comprendre les programmes d'adaptation de l'établissement aux normes
prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux
de travail, l'organisation, l'équipement, le matériel, les
contaminants, les matières dangereuses, et le reste. Si vous allez
à l'article 1, paragraphe 11, vous avez déjà là une
première définition de contaminant et on a dit à la suite
des recommandations qui nous ont été faites depuis le
début de nos travaux, qu'on allait regarder cette définition pour
voir de quelle façon, sur des bases responsables, il y a
possibilité de l'ouvrir, de l'élargir davantage.
Le paragraphe 3 en particulier, je pense, commencerait à
permettre de développer l'approche que vous évoquez. En fait, il
ne concerne pas seulement les contaminants, mais concerne aussi autre chose,
que vous évoquez, qui est inhérent à l'organisation
même du travail, c'est l'expression organisation du travail. Vous avez
donné des cas où vous parliez des "quarts", on pourrait parler
des plans bonis, des horaires cassés, et le reste, qui ne sont pas sans
avoir des conséquences qui peuvent être importantes sur
l'humain.
Également, ce n'est peut-être pas clair dans le projet de
loi pour l'instant, on a dit qu'on allait le regarder parce que c'est vrai
qu'il faut ouvrir, et développer, et permettre la mise à
contribution auprès des travailleurs de toute une gamme de
professionnels et pas seulement des médecins. Il est certain on
ne changera pas ça en deux jours qu'il va falloir faire un effort
colossal de formation parce qu'au niveau même de la formation, bon nombre
de catégories de professionnels... c'est vrai que l'approche même
de formation est essentiellement curative. Cela aussi suppose un très
gros effort.
Voilà, en gros, M. le Président. Je pense que le
mémoire est intéressant, parce qu'il nous pousse peut-être,
non seulement les membres de la commission parlementaire, à ne pas
perdre de vue la nécessité d'ouvrir cette perspective mais
en tout cas, qu'elle ne soit pas bloquée d'ensemble que vous
exposez et, deuxièmement, ouvre peut-être plus fondamentalement
une réflexion sur l'ensemble d'un concept et d'une notion de
développement dans notre société.
Je ne vous cacherai pas je termine là-dessus en m'excusant
d'avoir abusé du temps mais je pense que c'est la première
fois qu'on se permet un temps de réflexion aussi large et aussi
fondamental que celui-là depuis le début de nos travaux. J'avoue
que je suis tanné, comme membre d'un gouvernement, des distinctions qui
me paraissent terriblement artificielles entre ce qu'on appelle le social d'un
bord et l'économique de l'autre. Comme si tu te réveillais
économique le matin et un peu social l'après-midi, tu te couchais
culturel en rêvant politique. Ce n'est pas vrai, l'humain n'est pas
fractionné comme ça. Or, le fractionnement, tu laisses aller
l'économique tout seul comme ça, c'est bien beau, mais il y a des
dégâts en bout de route. Autant il faut pousser, autant que faire
se peut, sur le développement économique, mais le
développement économique tout seul comme ça, sans tenir
compte fondamentalement d'une notion beaucoup plus large, ça mène
à du développement sauvage.
Le résultat net de l'essentiel des paiements de transfert et des
programmes sociaux, c'est de les réparer et de "patcher", de sorte qu'il
faut de plus en plus développer des perspectives de développement
socio-économique ou de développement tout court et cela implique
l'essentiel de bon nombre de dimensions et d'éléments que vous
avez évoqués. Cela ne se change pas en deux jours, mais ce n'est
pas une raison, autour, notamment, du projet de loi no 17 ce n'est pas
le seul élément, mais c'en est un pour ne pas commencer
à s'en occuper quitte à ajouter ce défi pardessus
l'ensemble des autres qui sont déjà là et qui ont des
racines drôlement fortes dans nos sociétés et qu'il faut
commencer à brasser. En ce sens-là, qu'il y ait de la houle
en-dessous de la chaloupe, tant mieux, cela a pour effet de secouer la chaloupe
un peu. Merci.
Le Président (M. Dussault): M. Thibault.
M. Thibault: J'aimerais aller dans le sens du ministre et dire
qu'une des structures qui bloquent la participation, c'est souvent le
rôle qu'on donne au médecin. La science médicale, avec les
transplantations cardiaques, la dialyse et toutes les grandes affaires fait que
le travailleur se dit: Même si je me fais "maganer" un peu par le "boss",
de toute façon, la science, la santé, le médecin va me
"patcher". Dans ce sens-là, on peut, de par la structure, de par le
rôle qu'on va donner au médecin, agir sur la prise en charge.
Évidemment, si le médecin a le beau rôle et passe pour un
magicien, le gars va se dire: II va me guérir, je n'ai rien à
faire, lui, il sait tout! Dans le fond, je sais et on est plusieurs
à le savoir que les médecins ne guérissent pas
tout, il faut que le gars se prenne en charge. Tant qu'on le met, lui, sur un
piédestal, on bloque la participation.
J'aimerais que le projet de loi donne un peu moins d'importance au
médecin pour laisser au travailleur une place. C'est un effort de
structure qu'on peut faire et qui va éventuellement permettre que notre
information, quand on dit aux gens: Prenez-vous en charge, soit mise en
pratique. Quand je dis aux gens: Ne prenez pas de valium, essayez de relaxer un
peu, on me dit: C'est mon médecin qui m'a dit d'en prendre. Je ne suis
pas trop pire, il m'a dit d'en prendre quatre par jour, mais je fais un effort
et je n'en prends que deux par jour, je suis bon! Je suis meilleur que mon
médecin. Qu'on laisse un peu moins de place au médecin et notre
effort d'éducation va prendre plus d'ampleur et le gars va se prendre en
charge.
Le Président (M. Dussault): Est-ce la seule intervention
que vous vouliez faire? Oui, M. Renaud.
M. Renaud: J'ai beaucoup aimé l'intervention du ministre,
en particulier quand il a dit que le projet de loi était un caillou dans
l'engrenage. Effectivement, c'est un caillou dans l'engrenage et, fort
heureusement, cela va pouvoir faire évoluer les choses.
Par ailleurs, la question qui me vient à l'esprit est de savoir
dans quelle mesure le caillou est vraiment bien dans l'engrenage, s'il est
vraiment là. Je comprends fort bien toutes les difficultés:
l'attitude de la population qui est souvent réfractaire à une
conceptualisation du travail autre qu'une conceptualisation du travail en
termes d'usure, l'ensemble des résistances qui existent à
l'intérieur de la société, la difficulté
gigantesque d'amener des changements. Il reste néanmoins
qu'on est en droit de s'interroger et très sérieusement
sur le rôle de nos législateurs dans ces différents
secteurs. Je pense, par exemple, à la législation
américaine OSHA, Occupational Safety and Health Administration: À
l'époque où cela a vu le jour, tout le monde disait: Bravo!
Enfin, on va avoir une législation qui va faire avancer les
débats! On constate, quelques années après coup, qu'en
réalité, d'une part, la bureaucratie n'est pas suffisamment
développée pour appliquer les programmes et, d'autre part, que
toutes les normes qui sont mises de l'avant sont coincées de telle
manière qu'un ensemble de standards ne peut être appliqué,
etc.
Quand nous avons parlé d'exposition nulle, le ministre, avec
beaucoup d'à-propos, nous a mentionné les articles où ce
concept est présent. On peut s'interroger sur la volonté
politique qui est derrière parce que cela prend vraiment une
volonté politique extraordinairement forte pour qu'effectivement des
changements soient accomplis, indépendamment des textes et des lois.
C'est l'application au bout de la ligne qui compte et c'est là qu'il
faut une main de fer pour que les choses aboutissent.
Le Président (M. Dussault): M. Mongeau. (10 h 30)
M. Mongeau: Je voudrais aussi insister sur le danger qui menace
les gens de bonne volonté actuellement. On est toujours menacé,
on est toujours tenté de "patcher", parce qu'on dit: On va aller au plus
pressant. Il y a actuellement des situations absolument inacceptables. Je sais
que vous êtes au courant. Il y a des gens... C'est un peu dans cette
perspective-là que M. Marois a réagi favorablement aux
propositions qui lui ont été faites d'étendre la question
de retrait préventif, par exemple.
Le retrait préventif, je trouve, on dit c'est justement dans
cette perspective et c'est là que la bataille la plus importante risque
de se mener pour étendre cela le plus possible. Quand un travailleur a
été atteint, que sa santé est menacée
immédiatement, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on va faire?
On va le retirer et on va le placer ailleurs, etc., mais c'est
extrêmement dangereux, parce que cela empêche de se
préoccuper, il nous semble, de l'essentiel, c'est-à-dire vraiment
de la prévention. C'est que cela permet encore une fois de temporiser et
de reporter à plus tard le problème, parce qu'on dit: Lui, ses
poumons commencent à être atteints. Vite, retirons-le. Pour sa
santé, ce serait extrêmement important de le retirer et de le
mettre à une autre tâche, mais on va mettre un autre travailleur
qui a les poumons sains et cela va retarder encore de cinq avant qu'à ce
moment-là on fasse quelque chose, parce que cela va prendre cinq ans
avant qu'il ait, lui aussi, les poumons qui commenceront à être
crottés. Je trouve que c'est actuellement la tentation. C'est un exemple
de cette tentation-là de dire: Allons au plus pressé: il y a des
situations absolument inacceptables. Allons-y. Tous nos efforts peuvent passer
à toujours aller au plus pressé, mais c'est toujours l'exemple de
la prévention, du type qui ramasse les noyés au bas de la
rivière et qui essaie de je pense que vous donnez cet
exemple-là dans le livre blanc ranimer les noyés, mais il
n'a pas le temps d'aller voir pourquoi des gens arrivent, ce qui se passe en
amont, et ce qui fait qu'il y a des gens qui se garrochent dans la
rivière. C'est un peu cela qu'on a voulu faire dans notre mémoire
et dire: Prenez ce temps d'arrêt-là. C'est bien sûr que nous
demandons, nous autres, une préoccupation à long terme et non
à court terme. Je pense qu'il faut faire cet effort-là de temps
à autre.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant. Je remercie le Collectif socialisme-santé pour sa
participation aux travaux de cette commission. Bon retour. J'invite maintenant
l'Unité de recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool, Unité
RADA, à se présenter devant la commission.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Dussault): J'invite le porte-parole de
l'Unité de recherche à s'identifier et à nous
présenter ses collègues.
Unité de recherche sur l'abus des drogues et de
l'alcool
Mme Radouco-Thomas (Simone): Je suis Dr Radouco-Thomas, Simone
Radouco-Thomas, responsable de l'Unité RADA. Il me fait plaisir de vous
présenter les collègues qui ont participé à la
rédaction de ce court mémoire. À ma gauche, le Dr Marquis
et M. Laperrière et, à ma droite, le Dr Radouco-Thomas.
Les deux organismes qui présentent ce mémoire sont
situés à l'Hôpital Saint-François-d'Assise. Ce sont,
d'une part, le département d'alcoologie, le centre
hospitalo-universitaire qui assume un rôle spécialisé dans
le traitement et la réadaptation des alcooliques provenant de la
région 03 et, d'autre part, l'Unité RADA, Unité de
recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool de l'Université Laval,
de la faculté de médecine. C'est une unité
multidisciplinaire de recherche orientée principalement vers la
prévention primaire et secondaire dans le domaine de l'alcoolisme.
J'aimerais présenter tout d'abord l'essentiel de notre
mémoire et je demanderai ensuite au Dr Marquis, directeur du
département d'alcoologie, de présenter une vue d'ensemble du
problème tel qu'il se pose actuellement et également au Dr
Radouco-Thomas de l'Unité RADA de parler de la prévention
primaire et secondaire dans le domaine de l'alcoolisme.
Le mémoire qui a été déposé avait
pour but d'attirer l'attention de la commission parlementaire sur le fait que,
ni le livre blanc, ni le projet de loi no 17 ne font mention d'un
problème essentiel de santé et de sécurité au
travail, celui de l'alcoolisme.
Cependant, les données statistiques montrent que la consommation
abusive d'alcool est une des principales causes d'accidents et de maladie chez
le travailleur. Les statistiques montrent que l'abus
d'alcool entraîne une diminution de la performance, une
augmentation de l'absentéisme et une augmentation des accidents du
travail.
De plus, la consommation excessive d'alcool a un impact néfaste
sur la santé physique et mentale des travailleurs et crée des
problèmes majeurs sur les plans personnel et familial. Aussi
proposons-nous qu'une attention particulière soit accordée au
problème de l'alcoolisme dans la loi no 17.
Comme modalités, nous suggérons soit d'introduire un
paragraphe spécial consacré au travailleur et à la
travailleuse qui a des problèmes d'alcool, comme cela a
été fait pour la travailleuse enceinte, soit d'introduire une
série de paragraphes supplémentaires dans le projet de loi, plus
particulièrement dans les chapitres III, IV, V, VII et IX.
La première alternative nous paraîtrait plus simple et plus
efficace. Il nous semble utile de suggérer les recommandations
suivantes: que le problème de surconsommation d'alcool par le
travailleur soit reconnu comme un problème de santé physique et
mentale au même titre que les maladies qui influencent la santé,
le bien-être et le rendement du travailleur; que le travailleur qui
présente une diminution de la performance liée à
l'alcoolisme ne subisse aucun préjudice dans son emploi et qu'il soit
conseillé et orienté vers des services de santé
spécialisés pour permettre sa réadaptation dans les
meilleures conditions; que des programmes de prévention, par entreprises
ou sectoriels, soient implantés dans les meilleurs délais; que
des comités conjoints, syndicats et employeurs ou employés et
employeurs, participent activement à la mise sur pied de programmes de
prévention ou de réadaptation; qu'étant donné les
problèmes spécifiques que posent le service et la recherche dans
le domaine de l'alcoolisme, la future commission de santé et de
sécurité soit chargée de l'élaboration et du
développement de ces programmes; que la commission prévoie, parmi
ses priorités, la recherche sur le dépistage précoce de
l'alcoolisme et sur les moyens d'intervention, tels que la planification et
l'implantation de programmes d'assistance pour les employés, tant dans
le secteur privé que dans le secteur public.
Étant donné l'importance du problème de
l'alcoolisme dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail, nous espérons que la commission parlementaire tiendra compte
dans son rapport à l'Assemblée nationale des commentaires et des
recommandations présentées ci-dessus. Dr Marquis.
M. Marquis (Paul-André): Je voudrais simplement, si vous
le permettez, établir clairement notre conception du problème que
nous vous apportons ce matin, surtout en nous préoccupant du
préjudice qui pèse toujours sur les épaules de
l'employé lorsqu'il est aux prises avec un problème d'alcoolisme.
On mentionne l'alcoolisme. On pourrait aussi parler de toxicomanie en
général. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a
beaucoup de personnes, beaucoup de travailleurs et de travailleuses qui
développent une dépendance patholo- gique à des toxiques,
que ce soit l'alcool ou que ce soient des médicaments.
Le but principal de notre travail, c'est de permettre à ces
personnes qui ont développé une dépendance et qui sont
incapables de fonctionner de façon adéquate, de retrouver, si
l'on veut, le dynamisme nécessaire à leur bonheur au travail,
à leur bon rendement et à leur bonheur dans la vie, dans la
société et dans leur famille.
Le problème est reconnu par toutes les entreprises, je pense, et
même par tous les syndicats aussi, parce que, de plus en plus, nous
sommes demandés pour aller discuter dans des colloques ces
problèmes qui sont présents tous les jours au niveau des
entreprises.
Nous avons eu d'ailleurs, depuis un an, en plus de notre travail
thérapeutique, des demandes constantes de rencontres avec des
employés et des employeurs. Par exemple, l'an dernier, nous avons
rencontré une importante quantité d'entreprises de l'île de
Montréal, entre autres, Bell Canada, Air Canada et d'autres compagnies
du genre.
Nous sommes aussi demandés par d'autres compagnies, comme l'Alcan
ou les compagnies de pâtes et papiers, etc. On a beaucoup de demandes
pour aider ces gens qui ont des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie
quelconque.
Il est important que vous sachiez que nous ne sommes pas des militants
antialcooliques, pas du tout. Nous ne sommes pas ici pour parler contre
l'alcool, mais nous sommes ici, je pense, pour aider des personnes qui sont
incapables de consommer de façon adéquate.
Il est important aussi de vous dire que, pour nous, l'alcoolique est un
individu qui est obligé de boire pour fonctionner et que l'on n'inclut
pas dans ce terme des consommations indisciplinées ou simplement des
gens qui consomment de façon exagérée, parce que, pour
nous, la personne qui consomme de façon exagérée n'est pas
nécessairement un alcoolique. Je pense que c'est important qu'on le
définisse et qu'on donne exactement notre opinion et la clarification de
notre conception de ce problème.
Le grave problème aussi qui se pose, pour bien situer ce
problème, c'est que l'on sait très bien que si l'on pose un
diagnostic, par exemple, ou si l'on dit qu'un individu est un alcoolique, tout
de suite, il y a un préjudice qui est porté sur lui, autant par
la société que par les gens qui l'entourent, par ses employeurs,
et on a un travail de prévention énorme à faire de ce
côté, parce que notre approche du problème n'est plus une
approche uniquement thérapeutique, elle est excessivement
préventive. Elle est préventive en termes de prévention
primaire, en termes de prévention secondaire et en termes de
prévention tertiaire. La prévention primaire nous permettrait, et
nous permet déjà, d'approcher, par exemple, les entreprises,
d'approcher les syndicats, d'approcher les commissions scolaires, d'approcher,
en fait, tous les organismes communautaires, parce que c'est un problème
de santé mentale et un problème de santé physique qu'est
la toxicomanie.
Je voudrais aussi mentionner l'importance que nous donnons aux
consommateurs, beaucoup moins maintenant que nous la donnons aux toxiques. Nous
essayons de démystifier le toxique pour nous attaquer surtout à
la dimension globale de l'individu en termes de prévention de
santé et de prévention générale.
Enfin, pour compléter ma petite intervention, ma timide
intervention, je voudrais surtout recommander, dans le sens, je pense, de Mme
Radouco-Thomas, que des normes préventives et que des normes curatives
soient préconisées plutôt que des normes punitives, et que,
surtout, le problème ne soit pas ignoré, parce que je pense que
le grave problème que nous concevons et que nous voyons aujourd'hui,
c'est d'essayer d'ignorer complètement le problème de la
toxicomanie qui existe partout.
Pour vous donner un exemple ce sera mon dernier mot hier,
j'étais invité à rencontrer 50 patrons je ne sais
pas comment les appeler du ministère des Postes pour parler
justement du problème des toxicomanes. On a donc abordé ce
problème, le problème de la négation et le problème
de la difficulté de l'avouer, parce qu'on se sent écrasé
et on se sent jugé par l'ensemble des employeurs ou par l'ensemble de la
société d'où le problème perdure et on n'est
absolument pas capable de le régler autrement que par des moyens
coercitifs à un moment donné.
Si les moyens préventifs étaient installés, si vous
voulez, des moyens de rencontre ou des organisations tripartites entre
employeurs, syndicats, employés, famille, thérapeutes,
appelons-les comme on voudra, parce que nous travaillons dans un contexte
multidisciplinaire, je pense qu'à ce moment-là, il y aurait
énormément avantage, autant pour les employés, que pour
l'État employeur, ou que pour les employeurs eux-mêmes dans le
secteur privé.
C'est à peu près ce que j'avais à dire dans ce
domaine.
Le Président (M. Dussault): M. Radouco-Thomas.
M. Radouco-Thomas (Corneille): M. le Président,
j'aimerais, très brièvement, soulever un aspect important qui a
été touché, d'ailleurs, par mes collègues,
important aussi pour la santé et la sécurité du travail et
qui a été souligné par le ministre Marois lors de son
exposé du 4 septembre ainsi que dans le livre blanc, c'est celui de la
prévention, c'est-à-dire le problème du dépistage
de l'intervention précoce et rapide dans les cas de santé
où une intervention se pose.
Je cite ici textuellement M. Marois. Il nous a dit qu'il faudrait faire
tous les efforts pour éliminer, à la source, les causes
d'accidents du travail et de maladie. Revenant aux problèmes liés
à l'alcool, on évite d'utiliser le mot "alcoolisme". On utilise
actuellement le terme, la périphrase "problèmes liés
à l'alcool". (10 h 45)
Dans le contexte actuel, dans le domaine des problèmes
reliés à l'alcool, un programme de prévention est peu
opérant dans le milieu de travail. Pourquoi? C'est parce
qu'actuellement, comme le Dr Marquis vient de le souligner, on ne désire
pas identifier réellement le travailleur qui a des problèmes de
travail. On adopte en général la politique de l'autruche, on ne
le voit pas, on ignore le problème, et l'alcoolisme, les
problèmes reliés à l'alcool restent des problèmes
cachés. Cela paraît tout à fait justifié, parce que
si on l'identifie, cela entraîne sur le plan social une stigmatisation du
travailleur et, sur le plan du travail, risque de pénalisation.
J'ai cité la stigmatisation parce que, en effet, dans beaucoup de
milieux encore on considère l'alcoolisme comme une faiblesse morale, que
cela dépend de la volonté du sujet de s'arrêter ou de ne
pas s'arrêter, tandis que l'alcoolisme, comme le Dr Marquis vient de le
souligner, c'est une maladie qui est liée au sujet. Sans une assistance
extérieure, il restera alcoolique; sans une assistance de la part des
autres, que ce soit du milieu du travail ou du milieu de la santé, il ne
peut pas s'arrêter, c'est un malade.
L'autre aspect que j'ai cité, c'est le risque de
pénalisation. À l'heure actuelle, le travailleur est dans la
situation qu'au moment où il a un problème d'alcool, il peut
avoir des problèmes de promotion, de mesures disciplinaires, cela peut
aller jusqu'à la mise à pied. Un travailleur d'une compagnie
quelconque, que je ne veux pas citer, après 20 ans de travail a
été mis à la porte et a été repris par la
même compagnie et, actuellement, il est chargé par la compagnie
d'un programme contre l'alcoolisme, il a été envoyé
à l'université Rutgers, etc. Donc, il y a des évolutions,
mais néanmoins, le problème est là.
Pour redire les grandes conséquences néfastes de
l'alcoolisme et pour pouvoir permettre l'implantation des programmes de
prévention, nous pensons qu'il est nécessaire de
reconnaître, d'identifier ces problèmes reliés à
l'alcool le plus rapidement possible. Sur le plan pratique, il est
nécessaire que le projet de loi assure aux travailleurs la protection du
Code du travail. Il est nécessaire qu'il y ait une politique
écrite à ce sujet. Il y a actuellement de nombreuses et heureuses
initiatives dans le monde du travail, que ce soit dans le monde du travail
privé ou public qui vient d'être cité, mais tant que ces
actions ne sont pas appuyées d'une façon formelle et
précise par un projet de loi, le progrès se fera, il n'y a pas de
doute parce que, que ce soit dans le milieu du travail ou dans le milieu de la
santé, les gens sont intéressés d'avancer, mais les
progrès seront lents, longs et difficiles.
Nos deux organismes, le département d'alcoologie et
l'Unité RADA peuvent soumettre à la commission, si elle le juge
nécessaire, les suggestions qui peuvent faire l'objet d'un paragraphe
spécial pour agir dans ce sens. Je vous remercie.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
l'Unité de recherche sur l'abus des drogues et
de l'alcool de son mémoire qui contient toute une série de
recommandations qu'on va regarder certainement de très près.
Dans votre mémoire, parmi ces recommandations parce que le
problème est réel, je pense que personne ne va le nier
vous formulez toute une série de recommandations qui visent à
dépister de façon précoce, qui visent à faire
disparaître les préjugés, qui visent à assurer une
protection contre la discrimination, et le reste, qui visent à
développer des programmes de recherche, qui visent aussi à briser
un certain nombre de mythes face aux problèmes liés à
l'abus de drogues et d'alcool, que ce soit dans les entreprises, que ce soit
chez les employeurs, que ce soit chez les citoyens. Soyez assurés qu'on
va regarder cela de très près.
La question que je voulais vous poser, c'est la suivante. Vous avez
entendu tout à l'heure le témoignage du groupe qui vous a
précédés. Bien sûr cela ne réduit en rien la
portée, l'intérêt qu'il y a pour une commission
parlementaire comme la nôtre de regarder très attentivement les
recommandations que vous formulez. Mais la question que je voulais vous poser
est la suivante. En fait, elle comporte un certain nombre de volets. Le premier
de ces volets, je voudrais savoir et je pense qu'il serait de
l'intérêt de cette commission de connaître votre point de
vue là-dessus, si vous disposez de données ou si
l'expérience, la pratique de votre travail vous a permis de mettre le
doigt sur les causes de cet état de fait chez des hommes et des femmes
au travail. En d'autres termes, au deuxième volet, si vous
préférez, sur le lien entre le milieu même de travail, les
conditions de travail, l'environnement même de travail et le constat de
l'abus de drogue et d'alcool et si oui, qu'est-ce que vous nous
suggérez, qu'est-ce que vous nous recommandez pour que, dans une
perspective d'application d'un projet qui cherche encore une fois, comme je
l'ai évoqué tantôt, à tirer un certain nombre de
cailloux dans les engrenages pour amorcer un virage fondamental, pour qu'on
cherche encore une fois à éliminer à la source les causes
mêmes du problème? Parce qu'aussi louable... et Dieu merci il y a
des gens qui s'en occupent parce que c'est vrai qu'on part de loin dans ce
domaine-là, c'est vrai qu'il y a des préjugés terriblement
et profondément enracinés, c'est vrai que des humains paient pour
cela, c'est vrai qu'il y a même des mesures disciplinaires qui sont
prises, mais s'il y a un lien direct avec le milieu même de travail, la
personne qui a été, après des années d'efforts et
souvent des années d'efforts d'elle-même... souvent il s'agit
d'hommes et de femmes qui sont plus ou moins livrés ou laissés
à eux-mêmes, avec tous les problèmes. D'ailleurs, vous
l'avez évoqué, avec tous les problèmes psychologiques que
cela pose, l'état presque de discrimination, mais dans le sens de tendre
à ce que la société mette sur le nez ou dans le front de
ces gens-là... Après tant d'années de travail, d'efforts
visant à ce qu'on appelle la réadaptation, le retour au travail -
pour reprendre l'expression d'une des interventions pour re- trouver le
bonheur à la vie, si la personne se retrouve encore dans les mêmes
situations du même milieu avec les mêmes problèmes est-ce
que vous ne croyez pas que deux ans après on va se retrouver avec
exactement le même problème, et qu'il va falloir tout recommencer
encore? Où est-ce qu'on en est dans ce domaine-là?
Mme Radouco-Thomas: Je pense que justement on recommence
toujours, on se retrouve dans la même situation au bout de deux ou trois
ans parce qu'à l'heure actuelle l'intervention se fait à un stade
beaucoup trop tardif, au moment où on ne peut plus intervenir. Ce que
nous suggérons justement c'est un dépistage précoce.
L'alcoolisme est une maladie qui se développe progressivement en cinq,
dix...
M. Marois: Je m'excuse infiniment de vous interrompre, madame, je
pense que la commission a bien noté que c'est une de vos
recommandations. Vous préconisez le dépistage précoce.
Mais le dépistage précoce étant réalisé, ou
présumons qu'il soit possible de le faire, et vraisemblablement vous
avez raison à condition de s'y mettre, est-ce que l'état de vos
recherches et de vos pratiques vous a permis de mettre le doigt sur la cause?
Est-ce qu'il y a un lien entre ces constatations et le milieu même de
travail et si oui, qu'est-ce qu'il serait possible de faire pour corriger cela
à la source, pour les réduire même, le nombre de cas qu'il
faudra dépister éventuellement, même
précocement?
M. Marquis (Paul-André): Je voudrais seulement essayer de
répondre en termes d'expérience, parce que je ne suis pas un
chercheur. Mais pour essayer de...
M. Marois: Moi non plus, sauf qu'on cherche là.
M. Marquis (Paul-André): Depuis environ une vingtaine
d'années que j'ai l'occasion de côtoyer les alcooliques, je serais
porté, n'étant pas un sociologue de profession, à ne pas
mettre de lien entre le milieu de travail et la consommation abusive et
pathologique d'alcool, parce qu'on rencontre autant d'alcooliques chez les
professionnels, peut-être plus qu'on en rencontre chez les travailleurs.
Je m'excuse de dire ça, mais je pense que le problème est surtout
à l'intérieur de l'individu lui-même et on a
l'expérience de gens qui, évidemment, dans des milieux de travail
où ils ne sont pas capables de fonctionner parce qu'ils consomment
exagérément, si on essaie de chercher les causes
extérieures à leur problème, on revient toujours à
la première origine, on n'est pas capable de le solutionner, il faut
toujours aller à l'intérieur de l'individu lui-même pour
lui montrer à développer des capacités de faire face
à ses obligations. C'est là qu'est le problème
fondamental, je pense.
Ce n'est évidemment pas en termes de recherche. J'essaie
simplement de vous démontrer cette
incapacité qu'ont certains individus de faire face au stress et
aux obligations qu'ils ont dans leur secteur respectif de travail. C'est
à ça qu'on travaille, la personne elle-même. Vous dire que
le milieu peut changer quelque chose, on peut tenter de changer quelque chose,
mais on n'y arrive pas si on ne travaille pas avec l'individu lui-même,
parce qu'il ne semble pas avoir les capacités pour des raisons,
qu'il nous reste à identifier par le travail que l'on fait qui
lui permettent d'avancer dans ça.
Si une compagnie comme Bell Canada me téléphone et me dit:
II y a un employé qui ne fonctionne pas. On essaie donc de le changer
d'endroit s'il ne se plaît pas là-dedans ou s'il ne peut pas
fonctionner et on essaie plusieurs fois, mais, le problème de
l'alcoolisme perdure quand même ou le problème des consommations
abusives pathologiques d'alcool ou de drogue se continue. Alors, le
problème est à l'intérieur de l'individu lui-même.
C'est la conception que je favorise, en tout cas. Ce n'est pas sur le plan de
la recherche, je ne peux pas vous apporter ça. Peut-être que le Dr
Radouco-Thomas pourrait éventuellement dire quelque chose.
M. Radouco-Thomas: J'aimerais compléter ce que Mme
Radouco-Thomas a commencé Dr. Marquis. Je pense que le problème,
il faut le prendre tel qu'il se pose actuellement, parce que vous avez
posé, M. le ministre, une question: quelles sont les causes de
l'alcoolisme? On va prendre la dernière décade. Pour le
problème de l'alcoolisme, il y a des écoles qui sont
"compartimentalisées", les sociologues ont un modèle social, les
psychologues ont quatre ou cinq modèles d'alcoolisme de type social, sur
le plan médical il y a un modèle médical, il y a un
modèle moral où l'alcoolisme est un vice, donc on a une quinzaine
ou une vingtaine de modèles qui expliquent l'alcoolisme, mais chacun de
son côté.
Or, actuellement, pour pouvoir faire du travail, il faut faire un
travail multidisciplinaire. Qu'on se mette ensemble, qu'on oublie la
sociologie, la psychologie et la biologie et qu'on aborde le problème.
Tel qu'il est vu actuellement, au point de vue des causes, l'alcoolisme comme
d'autres maladies, les maladies mentales, l'hypertension est une maladie du
type bio-psychosocial. Vous avez, d'une part, l'individu qui vient d'être
signalé et dans le cas des individus, vous en avez qui sont
vulnérables et d'autres protégés. Je vous cite à
cet appui le problème qu'on aborde maintenant pour trouver les causes,
le problème de l'alcoolisme, c'est la famille. Dans la population en
général, vous avez à peu près 7% d'alcooliques.
Dans les familles des alcooliques, le pourcentage monte de 30% jusqu'à
45%.
Donc, il y a une vulnérabilité de la part de certains
sujets. Ici à Québec même, il y a deux projets de recherche
qui sont en cours, il y a nos collègues des États-Unis ailleurs,
où il y a une forte action pour essayer, d'une part, sur le plan
individuel, afin de pouvoir dépister qui sont les individus
vulnérables et qui sont les individus protégés, en partant
des études de famille. Les individus vulnérables deviendront
certainement alcooliques dans un environnement défavorable. Un individu
protégé sera probablement plus résistant, disons qu'il
n'est pas plus résistant.
Le problème, pour conclure, se pose selon un double aspect. Il
faut prendre l'individu avec vulnérabilité et cette protection
qui, mise dans un milieu stressant, agresseur, il devient ou non alcoolique.
Vous voyez, vous avez 7% des alcooliques qui consomment 40% de toute la
quantité d'alcool, vous avez le reste, 95% de la population, qui
consomme 60%. Pourquoi ces individus sont-ils vulnérables? On ne sait
pas encore réellement comment les dépister. Pourquoi
deviennent-ils des alcooliques ou dans d'autres cas d'autres maladies. On ne le
sait pas. Probablement que dans les années qui vont venir, on va le
trouver, mais la prévention doit se faire d'une façon
sélective par rapport à ces individus. Une fois trouvé, on
doit s'occuper d'eux, revenir au milieu de travail, changer le type de travail,
éliminer le stress, recréer des conditions, mais ne pas jeter
l'argent par la fenêtre pour faire une publicité "at large", soit
à la télévision, soit ailleurs, parce que ceux qui ne
boivent pas, qui sont modérés, n'écoutent pas.
L'alcoolique n'écoute pas non plus et des sommes immenses sont
utilisées dans ce sens au lieu de faire une prévention
sélective basée sur les causes que vous venez de souligner et
auxquelles nous essayons d'apporter quelques éléments. (11
heures)
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Madame, messieurs,
je vous remercie de la présentation de votre document, de votre
mémoire, ce matin qui, même s'il est très bref, touche un
aspect fondamental du problème. Je souscris pleinement à vos
préoccupations et je pense que c'est le cas de tous les membres de la
commission ici. Sans vouloir trop philosopher, même si on a une
société qu'on dit moderne, qu'on dit avancée sur tous les
plans, sur le plan de la technologie, sur le plan des moyens, des ressources et
des facilités, il n'en demeure pas moins qu'on se doit de constater
qu'on a une société qui fait présentement face à
des problèmes de fond et, à la lecture de votre mémoire,
quelques énoncés en témoignent.
On constate que même si on a beaucoup évolué depuis
50 ans, on n'a jamais eu autant de problèmes particuliers que ceux qu'on
connaît. Je suis heureux de voir le travail que vous déployez,
entre autres dans la région de Québec, qui est ma région.
Je peux vous dire qu'on ne peut pas rester insensibles à des questions
comme celles que vous mettez en relief comme on ne peut pas rester insensibles,
comme législateurs, à des données qui nous étaient
fournies récemment. Je peux vous dire, entre parenthèses, que
j'ai été abasourdi je n'en suis pas revenu quand
j'ai su, il y a quelque temps, que dans la région 03, la région
de Québec, il se donnait des électrochocs en quantité
industrielle. Vous relatez ce matin le problème de l'alcoolisme;
c'est un problème de fond et je suis heureux de votre mémoire
dans ce sens.
Comment l'aborder, maintenant? C'est évident qu'il y a plusieurs
écoles, comme le docteur en faisait état tout à l'heure.
Les sociologues vont favoriser une approche, les psychologues vont favoriser
une autre approche et les médecins, les spécialistes, vont
peut-être favoriser une autre approche eux aussi. La question que le
ministre a posée, je pense qu'elle est bien justifiée. Est-il
préférable d'entreprendre une action générale et
comment détecter la source du problème comme tel? C'est un
problème qui a sa répercussion dans le monde du travail, mais
peut-être que poser la question, à savoir comment s'attaquer aux
sources du problème, c'est une des meilleures façons ou une
façon d'avoir beaucoup de difficulté à trouver le
problème et à dégager les solutions et, finalement, ne pas
le trouver et ne pas être en mesure de le saisir.
Ce que vous nous recommandez ce matin, c'est une intervention
particulière dans le secteur du travail. Comme en faisait état le
docteur tout à l'heure, il y a peut-être une possibilité
d'intervention au niveau de la famille; mais encore là, quant à
moi, je crois qu'un secteur privilégié de première
intervention, c'est assurément le secteur du travail. Ce sera une action
à long terme, ce sera une action qui se devra d'être soutenue par
le gouvernement, par les mécanismes qui seront établis à
partir des différents projets de loi, dont le projet de loi no 17 qu'on
étudie ce matin.
Vous demandez une disposition particulière relative à cet
aspect du problème dans le projet de loi. Il me paraît, à
prime abord, que ce serait tout à fait justifiable compte tenu de
l'ampleur du problème. Je conviens qu'il ne suffira pas d'avoir des
dispositions dans le projet de loi indiquant clairement des actions de
prévention, d'information, d'action, de dépistage, d'aspect
curatif, etc. Il ne suffira pas de cela pour que le problème soit
réglé, mais ce sera un premier élément, ce sera un
premier pas. Je ne suis pas convaincu que ce soit le législateur,
même si le législateur, quand il agit, doit avoir toutes les
informations et tous les aspects du dossier... Le problème ne sera pas
facile à régler, il y a plusieurs agents qui interviennent. Ce
qui est quand même particulier et ce qui peut aller contre le postulat
d'agir dans le milieu du travail, sans être spécialiste, loin de
là, je ne suis pas convaincu que la source et la cause de l'alcoolisme
soient au travail. La meilleure façon de circonscrire une action
donnée, c'est peut-être au travail comme tel parce que c'est
là que le contact est le plus facile, le plus immédiat. Il l'est
plus qu'il pourrait l'être, par exemple, à l'égard des
familles.
Les sources, selon moi, sont diverses. Cela peut dépendre de la
famille, cela peut dépendre de l'individu, cette affaire-là peut
être strictement génétique, cela peut être un
problème social. Dieu sait qu'il y en a des problèmes sociaux. Ce
problème est fondamental. En mettant en relief le problème, on se
doit presque de remettre en question tout le fonctionnement de notre
société et je pense que ce n'est peut-être pas le moment,
ce matin, de le faire, mais on ne peut rester insensible à cette
préoccupation-là.
J'invite le ministre à regarder particulièrement cet
aspect du dossier. Il me semble, quant à moi, avec les connaissances
limitées que j'ai je pense que personne ne peut se targuer
d'avoir la vérité dans un dossier comme celui-là
qu'une première façon ou un premier pas pourrait être fait
et ce pas pourrait être fait dans le domaine du travail en consacrant
l'idée qu'on se doit d'intervenir. Je pense que tout le monde sera
unanime à constater qu'on se doit d'intervenir, parce qu'on ne peut pas
continuer comme cela, comme société. C'est impossible. Les
intervenants qui vous ont précédés ont mis en relief des
problèmes aigus qui ne sont peut-être pas faciles à
régler. À la lecture de leur mémoire je m'adresse
un peu à eux en même temps certains pourront dire: C'est
tout à fait illusoire tout cela, mais il ne faut pas dire cela. Il faut
convenir qu'il faut atteindre les objectifs qui nous apparaissent difficiles
aujourd'hui, mais si on ne se botte excusez le terme pas
individuellement, si on ne s'oblige pas à les atteindre, on ne les
atteindra jamais.
Merci beaucoup de la présentation de votre mémoire. Quant
à moi, j'ose croire et j'espère que le législateur,
c'est-à-dire le gouvernement, saura introduire des amendements au projet
de loi no 17 prévoyant particulièrement une action. Je ne sais
pas comment cela pourrait se faire, comment pourrait se traduire, comment cela
pourrait s'inscrire dans l'approche globale de prévention du projet de
loi, mais une commission parlementaire comme celle-là nous permet de
vous écouter. On sera une quinzaine de jours entre temps à
regarder nos textes, à réfléchir à tout ce qui
s'est dit et tout ce qui s'est proposé et cela se traduit ensuite par
des amendements ou des modifications. Soyez certains, messieurs, et certaine,
madame, que lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi,
on va en parler et lors de l'étude article par article, quant à
nous de l'Opposition officielle, nous verrons, si on n'a pas de projet
d'amendement spécifique de la part du gouvernement, à introduire
des modifications particulières concernant le problème que vous
mettez en relief, ce matin. On ne peut pas passer à côté de
cela. Merci, madame, merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais
également remercier sincèrement le groupe qui s'est
présenté devant nous ce matin pour avoir attiré
l'attention de la commission sur un problème tout à fait
particulier. Vous avez raison de mentionner que jusqu'à maintenant cela
n'a à peu près pas fait l'objet des discussions ou du moins dans
ce qui est apparu dans la démarche de l'étude de la refonte des
lois concernant la santé et la sécurité au travail. Il
n'en demeure pas moins, comme vous l'indiquez à juste titre d'ailleurs,
qu'il
s'agit d'un problème, disons-le, majeur qui sévit
actuellement au niveau de la santé au même titre que les autres,
même si, comme vous l'indiquez, il peut être plus difficile
à cerner, à identifier comme tel, d'où la
difficulté également d'apporter des correctifs.
Je ne vous cacherai pas je parlerai peut-être dans ce
sens-là un peu comme le Dr Marquis que depuis les quelques
années que j'ai l'occasion de vivre en politique, on se rend compte du
problème aussi, par le biais de nos bureaux de comté, de la
même façon, soit au niveau des employeurs, soit au niveau des
employés, au niveau du travail qu'on a à faire avec la Commission
des accidents du travail. On se rend compte de l'ampleur du problème
justement, les problèmes que cela suscite à différents
paliers.
Il y a un élément intéressant aussi que vous avez
souligné, c'est la démarche qui est, je pense, relativement
nouvelle vous pourrez me corriger où il y a cette approche
conjointe des syndicats et des entreprises vis-à-vis de l'approche
concernant ces maladies reliées à l'alcoolisme. Il y a aussi dans
cette démarche-là évidemment, le fait que de plus en plus,
je pense, on identifie l'alcoolisme comme étant une maladie d'où
le fait qu'on enlève de plus en plus la mythologie autour de cette
question-là.
Vous avez parlé tout à l'heure, madame Radouco-Thomas,
d'une prévention primaire importante. Je pense que le ministre, dans ses
questions, a souscrit à vos propos dans ce sens-là en indiquant
aussi la difficulté dans ce domaine-là, parce que je pense qu'au
niveau de l'alcoolisme, ou de toutes les autres toxicomanies, le milieu de
travail peut avoir une certaine action, comme les lois peuvent avoir une
certaine action, mais étant donné que la source n'est
souventefois pas là, évidemment, à ce moment-là, on
joue au niveau des conséquences plutôt qu'au niveau des causes
d'où la difficulté, je pense, de vraiment cerner le
problème et de cerner une solution globale.
Lorsque M. Radouco-Thomas mentionnait que dans son esprit, il voyait
davantage une approche intégrée d'un ensemble de secteurs, c'est
peut-être une avenue à considérer de près. Vous
parliez d'une approche bio-psychosociale. Dans ce sens, vous vouliez ramener
tout le monde dans une même optique. Mais je pense que la
difficulté fondamentale va demeurer, lorsqu'on voudra arriver à
faire de la prévention et même de la prévention
sélective. On pourra avoir également des objections
peut-être que vous pourrez me corriger là-dessus non pas de
ceux qui ont à travailler là-dessus, mais peut-être des
individus eux-mêmes, parce qu'on peut savoir également, par
expérience, que la personne qui est aux prises avec ces problèmes
a un cheminement à faire, avant, elle-même, d'accepter de se
reconnaître comme étant aux prises avec ce problème. Il y a
tout un cheminement. Vous le mentionniez avec beaucoup de clarté tout
à l'heure, lorsque vous disiez que dans la publicité, par
exemple, dans les media d'information, lorsqu'on fait une publicité qui
s'adresse aux gens qui ont ce problème, bien les alcooliques
n'écoutent pas. Mais pourquoi? Parce que d'abord, les alcooliques ont de
la difficulté à s'accepter, à se reconnaître comme
alcooliques. J'imagine qu'au niveau d'autres toxicomanies, cela peut-être
semblable. Alors, dans ce sens, il y a une grande difficulté au niveau
de la personne elle-même, même si on voulait arriver à une
prévention sélective, cela serait peut-être difficile
à intégrer dans ces gens. J'aimerais, de façon
générale, avoir vos commentaires là-dessus, si c'est
possible. Comme deuxième question, j'aimerais vous demander quelle est
la tendance actuelle des situations en ce qui concerne l'alcoolisme et la
toxicomanie ainsi que les problèmes reliés à cela, dans le
milieu du travail, disons, depuis les quelques dernières années.
Est-ce qu'il y a une tendance à une stabilisation? Est-ce qu'il y a une
tendance à une progression assez nette? Je sais que vous vous basez
surtout sur des expériences, comme M. Marquis le disait tantôt.
Vous n'arrivez pas d'abord avec un bagage de recherches et de données
statistiques, mais est-ce que vous avez quand même des indications que
vous pourriez nous transmettre ce matin à ce sujet?
Mme Radouco-Thomas: Je pense que je répondrai à la
première question tout d'abord. Nous n'aurions pas pu faire
l'intervention que nous avons faite il y a cinq ans, pas plus que cela. Mais
depuis cinq ans, il y a eu des développements très marqués
dans le domaine de dépistages précoces. Je reviens sur cette
notion du sujet qui commence à abuser, qui est en excellente
santé apparemment et qui abuse déjà d'alcool. De tels
dépistages biochimiques qui sont très faciles à faire,
sont actuellement courants en France pour tout sujet, qui à chaque
année, a son contrôle médical, dans le cas de la
médecine du travail et pour tout accident de route. Il y a un
dépistage qui se fait systématiquement, avec une
possibilité du sujet de contrôler son évolution par les
réponses des examens biochimiques.
Donc, dans ce sens, il y a eu une évolution très
marquée ces dernières années dans les pays
européens et nous pensons qu'il serait urgent que de telles mesures
soient introduites au Canada. Lorsque le sujet est dépisté et
qu'il est encore en parfaite santé, il peut être mis en garde.
À ce moment, c'est efficace, il n'a pas encore développé
une dépendance qui est plus ou moins irréversible.
Donc, c'est surtout une des conclusions vous me demandiez
l'évolution générale d'un congrès
international sur l'alcoolisme qui a eu lieu au mois de juin en France et
où les résultats obtenus ont été soulignés
par les conférenciers de différents pays européens. Donc,
on peut intervenir.
Je voudrais dire aussi, en réponse à la question de tout
à l'heure, que le milieu de travail ne cause pas l'alcoolisme, comme
cela a été souligné par mes collègues, mais il faut
savoir que les accidents du travail on l'a mentionné dans notre
mémoire sont causés dans 10% à 30% des cas, par
l'abus d'alcool. J'ai ici une statistique, en
France, sur 1000 travailleurs suivis pendant cinq ans où 70% des
accidents du travail étaient liés à l'abus chronique ou
aigu d'alcool. Donc, on va à la cause des accidents du travail, en
dépistant précocement le sujet qui a un abus d'alcool. M.
Laperrière.
M. Laperrière (Amédée): Je n'ai rien
à ajouter, sauf que vous parliez de sources tout à l'heure.
À l'Unité RADA, il existe certaines recherches qui ont
été faites précisément où nous sommes en
train de déterminer de façon génétique s'il y a
hérédité ou non quant à l'alcool. Ne me demandez
pas de réponse. Chose certaine, il existe, jusqu'à ce jour, de
façon définitive, deux catégories d'individus dont l'un
semble vulnérable envers l'usage de l'alcool et, l'autre, que l'on
appelle temporairement protégé, faute d'un meilleur mot, semble
éprouver moins de difficultés. Cela veut dire quoi, ça?
Cela veut dire que si, moi, j'ai une poussée endogène
incontrôlable, comme ça, ça veut dire que si j'ai besoin
d'un traitement, que ma performance au travail est diminuée, que mon
absentéisme est augmenté et que j'en suis rendu au point
où mon premier patron, qui me protégeait... C'est rendu plus haut
maintenant, c'est rendu au surintendant, etc., alors, ça veut dire quoi?
J'ai besoin de thérapie. Donc, le fait que je suis dépisté
par le biais de tests biologiques, biochimiques, c'est à notre
portée, noua les avons, je ne vois pas pourquoi je refuserais
d'être catalogué. Si on me dit: voici, je suis menacé de
diabète ou, alors, je suis comme ceci. Je me conditionne à ma
situation qui est celle-là. Cela veut dire que j'aurais,
forcément, de tous mes thérapeutes, une approche beaucoup plus
spécifique, donc beaucoup plus productive, et vous vous imaginez tout ce
que cela engendre au point de vue familial, chez l'épouse, chez les
enfants, etc. Il y a du travail, forcément.
L'individu qui est protégé, qui finit son "chiffre"
à quatre heures, par exemple, dans une papeterie, qui, pour une raison
quelconque, a eu toutes les misères du monde à faire sa
journée, il brise une meule, ne dit pas un mot et s'en va. Celui qui
reprend à quatre heures, qui se sert de la même meule, c'est lui
qui subit l'accident et ce n'est pas de sa faute. C'est celui qui l'a
précédé. Là-dessus, je pense que certaines
compagnies sont très à l'avant-garde et ça me fait plaisir
d'en nommer une publiquement qui, tout à fait récemment, la
papeterie Reed, a envoyé, à ses frais, pendant trois semaines, un
employé non pas un cadre, mais un employé pour
s'occuper de ce qui se passe à Rochester sur les problèmes de
l'alcool. Parce qu'ils se sont aperçus qu'ils en arrivaient, je pense,
à un pourcentage équivalant à 25%, ce qui leur
coûtait une fortune.
En deuxième lieu, le centre où je travaille en est
arrivé, par le biais de tests biologiques et psychométriques,
à pouvoir, dans un avenir que je ne peux pas préciser pour le
moment, à déterminer les facteurs ou les principes biochimiques,
si vous voulez, qui sembleraient être l'agent déclencheur de
l'état de l'individu, la caractéristique de l'individu. Si on en
arrive là, admettons que c'est "enzymique" si vous voulez, ça
veut dire quoi? Cela veut dire que je peux m'en aller à l'école,
mesurer tous mes petits bonshommes de huit ans, dix ans, qui n'ont jamais pris
une goutte d'alcool et s'ils possèdent cette enzyme qui semble
être le facteur marquant, si vous voulez, ou le facteur
déclenchant qui crée la propension endogène envers
l'alcool, ça veut dire que je protège, dès sa tendre
enfance, le petit bonhomme. Alors, le petit bonhomme, s'il a des
problèmes scolaires, s'il a des problèmes familiaux et que je
m'en occupe, je retarde l'arrivée de ses problèmes, et, comme le
petit bonhomme ajoute, à chaque année, de la maturité,
imaginez tout ce qu'on évite. On évite ce qu'on rencontre
actuellement.
C'est un peu ça, ce qui m'amène à dire que, dans le
cadre de la loi sur la prévention des accidents du travail, il devrait
exister... de façon à favoriser, du moins, d'une façon ou
d'une autre, l'augmentation, si vous voulez, l'ampleur de la recherche pour en
arriver à un dépistage collectif. Qu'il ne soit pas d'une
précision absolue en 1979, je suis bien d'accord, mais il faut
commencer. S'il n'y a pas de commencement, il n'y aura jamais
d'amélioration.
C'est tout ce que j'avais à ajouter là-dessus.
M. Brochu: Je pense, M. le Président, que les
éléments qui viennent d'être touchés dans la
proposition que vous faites amènent un éclairage nouveau
passablement intéressant en ce qui concerne les travaux de la
commission. Je pense que, pour résumer ce que vous souhaiteriez
fondamentalement, c'est que dans les examens médicaux annuels des
travailleurs d'entreprise, par exemple, cet élément de l'analyse
biochimique soit introduit afin de faire cette prévention à la
base, et avertir l'individu. Je retiens le principe lorsque vous dites que si
une personne est sujette au diabète et qu'on l'avertisse, alors la
personne, en connaissance de cause, peut porter davantage d'attention avant
d'avoir le problème. Peut-être qu'on pourrait arriver à
quelque chose de passablement intéressant.
M. Laperrière: Ce n'est pas parce qu'on est noir qu'on
préfère être blond, on s'accommode du noir; c'est tout,
c'est comme ça.
M. Brochu: Je vous remercie beaucoup de votre mémoire, et
en particulier de ce point. Pour ma part, vous pouvez être certain que je
retiens cet élément et qu'on aura à y revenir. D'ailleurs,
je recommande fortement au ministre de se pencher plus
précisément sur cette possibilité parce qu'on a
déjà, pour cela, une structure qui existe, la question des
examens médicaux annuels, ce ne serait donc pas une surcharge excessive.
De toute façon, ça mérite qu'on le regarde de plus
près, et je pense que votre passage ici, ce matin, va donner une bonne
possibilité dans ce sens, en ce qui me concerne, du moins.
Mme Radouco-Thomas: La deuxième question que vous posez
aurait peut-être une réponse dans le sens qu'actuellement,
je cite les cas en
France et en Angleterre, il y a collaboration étroite
entre employeur-employés-médecin lors d'un diagnostic. Ce n'est
plus du tout, actuellement, en France, mal vu d'être identifié;
c'est balayé complètement, justement par ce dépistage qui
s'est fait précocement et qui a permis à des sujets de revenir
à une consommation normale parce qu'ils étaient à un stade
où ils pouvaient encore revenir à une consommation normale. La
tendance actuelle, c'est vraiment de supprimer cette...
M. Brochu: Cette espèce de fausse conception.
Mme Radouco-Thomas: Oui, et de dire les choses très
positivement, et la population, à ce moment-là, n'a plus ces
restrictions auxquelles vous faisiez allusion tout à l'heure.
M. Brochu: Vous avez soumis quelque chose d'intéressant en
ce qui concerne l'Europe, vous avez mentionné le haut pourcentage
d'accidents de travail qui étaient dus là-bas à des
problèmes reliés à l'alcoolisme. Depuis qu'on a
adopté cette approche que vous soulignez, est-ce que cela a
été fait depuis suffisamment longtemps pour avoir des
résultats, en termes de chiffres? Est-ce qu'on s'est dit satisfait, du
moins de l'expérience, si on n'a pas de statistiques comme telles, du
changement d'approche?
Mme Radouco-Thomas: Je n'ai pas de statistiques, j'ai simplement
le fait que les employeurs soutiennent de plus en plus ces activités et
ont installé, par exemple, dans certaines régions minières
de la France à leurs frais des centres et ils ont soutenu
financièrement ce dépistage précoce et le traitement.
Donc, ils y ont certainement vu leur profit.
M. Brochu: Est-ce qu'ils le reconnaissent sur le plan pratique au
point d'investir pour aller de l'avant?
M. Radouco-Thomas: Juste pour vous donner une information. Dans
une entreprise de 1500 employés, le coût direct qui revient
à l'alcoolisme est d'environ en comptant que vous avez 7%
d'alcooliques, il y a uniquement une diminution de rendement de 25%, sans
compter les accidents du travail et l'absentéisme, et si on
considère un salaire moyen de $20 000 $500 000 est le coût
indirect qu'on multiplie généralement par deux ou par trois, vous
arrivez à un chiffre, dans une entreprise, par année, de $1 500
000 à $2 millions. En faisant toute cette action au niveau de
l'employeur, ils ont été nettement bénéficiaires,
sans tenir compte de problèmes de santé, uniquement sur le plan
économique. Vous voyez donc que le problème se pose en termes
économiques, en termes de coûts directs et indirects, d'une
façon très précise.
M. Brochu: Je pense que les entreprises le reconnaissent. S'il y
a un moyen quelconque qui pourrait aider sur cet aspect, ils vont collaborer;
il s'agit qu'ils le réalisent dans ce sens.
La deuxième question que j'avais posée, est-ce que vous
avez des indications en ce qui concerne la tendance du problème de
l'alcoolisme dans le milieu de travail, actuellement? Est-ce qu'il y a une
tendance à la progression, à la régression ou est-ce que
c'est stable?
M. Radouco-Thomas: Non, c'est une nette progression, et deux
aspects se posent: du point de vue consommation d'alcool et, d'autre part, de
la consommation ensemble que le Dr Marquis citait tout à l'heure
avec les drogues. C'est un aspect qui est très sérieux
parce que si l'alcool en lui-même est dangereux, vous avez toute une
série d'accidents aigus quand la personne le prend avec des
tranquillisants ou avec d'autres substances, vous avez des cas qui vont assez
loin, jusqu'à des confusions mentales, etc.
Tout le problème des interactions entre les autres drogues et
l'alcool, et c'est aussi en croissance. Le problème est en nette
croissance et les courbes qui ont été publiées par les
services de Statistique Canada... Malheureusement. Ce qu'on désire faire
c'est faire une statistique au niveau du Québec. On a Statistique Canada
qui est faite d'une façon globale sur l'ensemble des provinces et la
courbe est en nette montée depuis 1970. Cela a été fait
jusqu'à 1976, ce qu'on avait donné, mais c'est en nette
croissance.
M. Brochu: C'est donc dire que cela souligne l'urgence des gestes
posés de quelque façon, comme le disait le docteur tantôt,
qu'on commence quelque part.
M. Marquis (Paul-André): Si vous permettez un petit
commentaire d'une minute ou quelques secondes. Il y a une grosse
différence qui est constatée dans les industries, dans le monde
du travail. Quand on a une maladie, n'importe laquelle, avec laquelle il y a
une douleur physique ou une plainte quelconque d'un individu, il n'y a pas de
problème à ce moment-là, mais dans le problème des
toxicomanies, le problème est caché longtemps parce que
l'employé a peur et l'employé emprunte deux mécanismes
qu'on appelle souvent la dénégation de son problème et
l'absence de demande d'aide. Par contre ce sont les gens de l'entourage qui
vont se plaindre de la maladie pour celui qui est malade. C'est assez paradoxal
comme réaction et c'est pour cela que, dans les rencontres que j'ai
eues, les compagnies ont pris de plus en plus l'habitude et je pense que
c'est une tendance qui est en train de se créer à nommer
des personnes responsables qui ont déjà eu des problèmes
avec l'alcool ou avec des toxiques et ces gens-là étant
eux-mêmes des employés vont être à la ligne de feu
pour aider ceux qui ont des problèmes personnels. Je crois qu'une
situation comme cela devrait s'installer partout dans le monde du travail et
que, comme le groupe disait tantôt, le groupe qui est passé
avant
nous, ce n'est pas nécessaire que ce soit un médecin qui
soit là, c'est nécessaire que ce soit quelqu'un qui est vendu et
qui est préoccupé par le problème et qui est capable
d'aider l'employé masculin ou féminin à
s'adresser à des ressources pour l'aider dans son problème qui
est énorme pour lui. C'est le petit commentaire que je pensais important
de faire.
M. Brochu: C'est intéressant de voir la démarche
aussi dans ce sens-là. Quant à moi, je vous remercie infiniment
et comme je vous dis, je vous le rappelle, cela a été un
éclairage important à la commission ce matin. En ce qui me
concerne, j'ai l'intention d'y donner suite et de demander qu'on s'y penche de
façon plus particulière avec une approche plus pratique dans les
faits. Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Richmond. M. le ministre m'a prié de faire part
à la commission de son obligation de quitter pour quelques minutes. Il
vous prie de l'excuser. Cela met fin aux interventions sur le mémoire de
l'Unité RADA. Alors, au nom de la commission, je vous remercie de votre
participation aux travaux de cette commission.
M. Robert Fernet
J'invite maintenant M. Robert Fernet à se présenter devant
nous. Bonjour, M. Fernet. Je pense qu'après votre identification, je
vous prierais, s'il vous plaît, d'essayer de vous en tenir aux 20 minutes
convenues.
M. Fernet (Robert): Merci. M. le Président, messieurs les
députés, je suis biologiste de formation et j'oeuvre actuellement
dans un département de santé communautaire à titre de
responsable de la santé au travail. Il serait peut-être bon
d'indiquer tout de suite, au départ, les raisons qui m'ont amené
à présenter un mémoire ce matin. Il s'agit en fait des
ateliers d'écoles, c'est-à-dire le secteur professionnel dans nos
écoles polyvalentes.
Il serait peut-être bon, au départ, de faire un bref
historique des activités que nous avons sur le territoire en tant que
responsables de la santé au travail. Je me souviens que la
première intervention que j'avais faite je m'excuse de cette
digression, c'est pour revenir avec plus de force concernant les ateliers
d'écoles on avait fait passer des audiogrammes à des
travailleurs d'une usine ou d'un atelier de meubles. Il y avait là
plusieurs individus qui étaient réellement massacrés au
point de vue auditif, dont trois étaient compensables par la Commission
des accidents du travail. (11 h 30)
Je me souviens de la réflexion d'un de ces travailleurs qui
m'avait dit: mon père a travaillé dans une "shop" à bois
toute sa vie et il est sourd; cela fait vingt ans que je suis à
moitié sourd. J'ai été un peu surpris de cet état
défaitiste que ces gens peuvent avoir, lorsqu'ils ont fait plusieurs
années dans le milieu de travail, en ce qui concerne leur propre
santé. Il m'est venu la réflexion suivante: actuellement, il est
peut-être trop tard pour cet individu, parce qu'il ne reste qu'à
ramasser les pots cassés.
Maintenant, qu'est-ce qui se fait au niveau de la formation des futurs
travailleurs? C'est là qu'était la question fondamentale. Je me
suis tourné du côté des écoles, étant
donné que j'ai déjà enseigné dans trois
écoles polyvalentes différentes, je connais assez bien le milieu,
et nous avons fait une enquête sur notre territoire, nous avons
visité les neuf écoles polyvalentes, il y avait 38 ateliers,
répartis en trois commissions scolaires différentes. Vous allez
me demander, qu'est-ce qui se passe dans les écoles? On apprend les
différents corps de métier, il y en a peut-être qui ne le
savent pas, on apprend des métiers comme la soudure, la mécanique
auto, la menuiserie, le meuble, l'imprimerie, la plomberie, etc. Il y a, dans
les commissions scolaires régionales, 17 métiers
différents qui sont enseignés.
La question qu'on peut se poser, combien y a-t-il d'étudiants qui
se préparent à être travailleurs dans les écoles?
Les statistiques du ministère de l'Éducation indiquent qu'il y
avait l'an passé 100 296 étudiants qui se préparaient
comme futurs travailleurs dans des métiers. Il y a aux cours du soir,
pour adultes, les cours du gouvernement fédéral, environ 50 000
étudiants, dans le secteur professionnel, je parle seulement des
métiers, j'oublie le secteur professionnel des cégeps et les
différentes écoles de formation. Ce qui revient à dire que
des travailleurs d'industrie en puissance, il y en a environ entre 150 000 et
200 000 au Québec. Il y en aurait environ 75 000 qui iraient sur le
marché du travail à tous les ans. Imaginez-vous après dix
ans, l'équation que ça peut donner.
Ce serait peut-être bon de voir un peu ce qui se passe au niveau
des écoles par rapport aux entreprises, par rapport aux industries. Je
ne voudrais pas m'éterniser là-dessus, mais je pense que c'est
fondamental pour bien comprendre que les écoles devraient être
"tapées", accrochées au profil industriel.
Lorsque nous avons fait des recherches dans les écoles, nous les
avons faites sur trois volets: d'abord, nous avons enquêté dans
l'environnement, est-ce que les ateliers d'école correspondent aux types
d'industrie, en termes de profil. Les résultats sont très
concluants. Nous avons pris, par exemple, le niveau sonore, l'intensité
de bruit dans les différents ateliers et c'est très
révélateur. Vous savez que la norme gouvernementale est de 90
décibels. Je me souviens qu'il n'y avait aucun atelier de menuiserie qui
avait un niveau de bruit inférieur à 90 décibels, c'est le
bruit de base. Les machines fonctionnent environ à 102 à 105
décibels en moyenne, comme dans les entreprises correspondantes. Ce qui
revient à dire que les risques, en termes d'hygiène industrielle,
sont là aussi bien que dans les entreprises.
Maintenant, nous avions aussi, avec l'aide d'un ingénieur
c'est une enquête faite à tout hasard demandé
à un soudeur de faire fonc-
tionner une machine pendant quinze ou vingt minutes pour calculer la
quantité de poussière émise par son appareil à arc
électrique. La résultante a démontré, qu'il y avait
trois fois plus de poussière, en termes de concentration, que la norme
maximale permise. Nous avions demandé à un autre soudeur de
travailler avec un appareil à arc électrique pour déceler
la quantité d'ozone et les résultats donnés de
concentration dépassaient six fois la norme permise en industrie.
Évidemment, vous allez me dire que cela n'est peut-être pas
"statistiquement" valable, mais notre objectif n'était pas de savoir
quelles étaient les statistiques, mais de bien connaître le
milieu. Nous pouvons en conclure qu'en termes d'environnement, les
écoles peuvent rassembler considérablement aux entreprises et
que, dans certains cas, c'est pire.
Maintenant, nous avions fait une investigation, comme deuxième
volet, et c'était celui de la santé. Cela va peut-être
faire un peu plus mal en termes de révélation, ce que je vous
indiquerai ici. Nous avons fait passer un audiogramme à tous les
professeurs de menuiserie des neuf écoles polyvalentes et les
résultats sont les suivants: 90% des professeurs ont une atteinte
auditive causée par le bruit; trois individus peuvent être
compensés par la CAT. Encore pis, nous avons fait passer l'examen
à tous les étudiants d'une école polyvalente d'une ville
de la province: 90% avaient une atteinte auditive par le bruit et 10% avaient
une atteinte sévère, surtout les étudiants en
mécanique. Les chiffres parlent par eux-mêmes.
Il reste un autre volet qui est le tribut si vous voulez
des écoles. Les écoles sont des maisons de formation. Ce ne sont
pas des endroits où on fabrique des produits, du matériel afin de
réaliser des profits. C'est un endroit où les jeunes apprennent
un métier. Forcément, le premier objectif d'une école
c'est la formation des gens, du moins que je sache. On a fait une enquête
pour savoir quel était le niveau d'enseignement dans ces lieux. Au point
de vue sécurité, en général, il n'y a pas de
problème. Les professeurs sont sensibles à la
sécurité, ils détestent considérablement que les
étudiants perdent des doigts parce que cela crée des
problèmes. On enseigne la sécurité, il n'y a pas de
problème, d'une façon à peu près similaire comme on
va le faire dans les entreprises.
Maintenant, concernant l'aspect santé, j'avoue réellement
que c'est le néant total. On n'enseigne pas quoi que ce soit concernant
la santé dans nos écoles polyvalentes. Une enquête a
été faite dans une école polyvalente d'un autre territoire
alors qu'on avait demandé aux finissants en soudure ce qu'étaient
des décibels. Il s'agissait qu'ils nous disent n'importe quoi qui
pouvait ressembler à une réponse concernant les décibels.
Il y en a 70% qui n'ont pas pu répondre; c'étaient des
finissants. On a demandé à des finissants en soudure ce
qu'était l'ozone, qu'est-ce que cela pouvait faire dans l'organisme. On
leur a demandé de répondre le strict minimum. Aucun n'a pu
définir ce que c'était. On a demandé aussi, toujours aux
soudeurs, ce qu'était la sidérose. Je pense que les travailleurs
de la Davie Shipbuilding en savent quelque chose. 3% des soudeurs,
c'est-à-dire un sur 34, ont pu définir la sidérose.
Évidemment, c'est peut-être une maladie contestée, mais
c'est quand même une maladie.
Ce qui nous porte à donner comme conclusion que le niveau
d'enseignement, en termes de santé, dans les écoles fait
réellement défaut. Il serait peut-être bon qu'on puisse se
demander quelles sont les causes de ce retard au niveau scolaire. Une des
premières causes, à mon point de vue, ce sont les lois. Par
exemple, depuis 1972, les protecteurs auriculaires sont obligatoires,
c'est-à-dire que l'employeur est obligé d'acheter des protecteurs
auriculaires pour ses employés. Les écoles ne sont pas tenues
à cette réglementation tellement que, à ce jour, je ne
connais pas d'école qui en ai, sauf une dans une des banlieues de
Montréal. On sait que les protecteurs auriculaires sont très
contestés dans l'entreprise, mais dans les écoles, on ne sait
même pas que cela existe.
Un deuxième sujet qui concerne les services de protection de
l'environnement et, à mon point de vue, qui est fondamental, c'est
qu'une industrie qui bâtit ou agrandit un de ses plans, doit faire
accepter ses plans et devis par les services de protection de l'environnement.
Les écoles ne sont pas tenues à ces approbations, ce qui revient
à dire qu'elles peuvent bâtir, par exemple, un atelier de soudure
selon son bon entendement et après coup, si le système de
ventilation est désuet ou mal organisé, on est obligé, de
réparer les pots cassés, alors que l'entreprise est strictement
tenue par la loi de faire accepter ses plans et devis.
Il y aurait évidemment d'autres exemples qu'on pourrait
mentionner, mais il reste que, concernant les lois, étant donné
que les écoles sont mises à part des lois, le réseau
concernant la question de l'hygiène industrielle est désuet.
Une des causes de ce retard, ce serait peut-être le patronat dans
le réseau scolaire. C'est que les commissions scolaires
régionales sont évidemment responsables de nos enfants et elles
sont responsables de ces 100 000 étudiants. Je me suis informé
pour savoir quels étaient les programmes qu'on attribuait aux
écoles concernant la santé et la sécurité. Tout ce
qu'on m'a donné, c'était un guide de la sécurité
qui a été publié en avril 1979. C'est bel et bien
spécifié "guide de sécurité". À
l'intérieur du guide, on ne parle que de sécurité, des
chapeaux de sécurité, des bottines, etc. On ne mentionne
absolument rien de la santé, sauf à quelques endroits où
on parle du bruit. Ce guide a été publié en avril 1979, ce
qui veut dire que c'est très récent. On a encore oublié la
question de la santé.
Un autre patron il est très indirect celui-là
c'est le ministère de l'Éducation du Québec. Je
pense que le ministère serait aussi responsable de cet état de
chose. J'ai, à ce sujet, rencontré personnellement le ministre de
l'Éducation, M. Morin, en mai dernier et je lui ai évidemment
fait part de nos travaux et de la situation dans les écoles. Il s'est
dit très déçu de voir que la situation
était à ce point... Il m'a spécifié que les
documents que nous lui avons fournis ne tombaient pas dans l'oreille d'un
sourd. Je lui avais bien indiqué que pour que le projet de loi sur la
santé et la sécurité du travail qui fondamentalement
repose sur la participation des travailleurs, pour que les travailleurs
puissent participer à l'élaboration de leur santé, soit au
niveau des comités de sécurité, soit au niveau des
associations sectorielles ou autres, il faudrait normalement qu'ils soient
informés sur leur santé et leur sécurité. C'est un
préacquis indispensable à notre point de vue. C'est
évident à ce moment-là que le projet de loi no 17 dans son
concept serait très largement accepté dans le milieu du travail
si les jeunes, si les 50 000 jeunes qui sortent à temps plein du secteur
scolaire étaient bien avertis concernant leur santé et pouvaient
plus efficacement participer à l'élaboration ou à la
conservation de leur santé. Le tout s'est gâché lorsque le
ministre Morin a remis ces documents entre les mains de ses hauts
fonctionnaires. J'ai reçu une réponse deux mois plus tard
extrêmement décevante où on ne parlait que de
sécurité. On n'a même pas parlé du mot
"santé" ou à peu près.
Au niveau syndical, peut-être que la Centrale de l'enseignement
qui a 5000 ou 6000 membres dans le secteur professionnel, aurait
peut-être dû mettre l'épaule à la roue pour informer
davantage les professeurs pour ce qui a trait à la santé au
travail et surtout à l'aspect formation.
Les professeurs comme tels, ce serait peut-être bon de mentionner
exactement à quel profil en général ces gens
appartiennent. En général, un professeur d'une polyvalente, c'est
un monsieur qui a une longue expérience dans le secteur professionnel et
c'est un bonhomme qui connaît très bien son métier. La
plupart vont nous dire qu'ils ont été engagés pour faire
tel métier et qu'on ne les a pas engagés pour enseigner la
sécurité. J'ai vu un soudeur, par exemple, qui m'avait dit qu'il
travaillait pour une compagnie de construction de bateaux et que ses poumons
n'étaient plus capables de supporter les cales de bateaux et qu'il avait
justement accédé au poste d'enseignant, là où il
était exposé moins longtemps que huit heures. Il m'avait dit que,
sur son contrat, c'était bel et bien spécifié qu'il avait
été engagé pour souder, montrer aux étudiants
comment faire une bonne soudure - je vais revenir à ce qu'il disait
sans faire de crotte. Je lui ai demandé: Est-ce que vous
enseignez la santé au travail? Il a dit: Non. J'ai dit: Les
fumées qui se dégagent, les gaz qui se dégagent de vos
arcs à souder. Il a dit: Réellement c'est une phase, ça;
on ne parle pas de cela aux étudiants. (11 h 45)
Voilà un peu ce qui se passe au niveau des écoles. Il y
aurait peut-être une autre chose que j'ai relevée dans mon
mémoire concernant la question des comités paritaires. On sait
que dans une entreprise, un comité paritaire, c'est le pilier, le pivot
du projet de loi no 17 actuellement. Maintenant, le comité paritaire ou
le comité santé/sécurité est, en principe,
orienté sur la parité, c'est-à-dire moitié patron,
moitié travailleurs.
Dans une école, est-ce possible qu'un comité de
santé/sécurité fonctionne? Personnellement, j'en ai vu
plusieurs se former. J'en ai vu plusieurs qui ont été
fantômes très longtemps avant de crever à petit feu et il y
en a d'autres qui restent encore debout.
Maintenant, c'est une question fondamentale, étant donné
que le projet de loi no 17 est basé sur la parité. Ce qui se
passe, c'est qu'il y a dans une école polyvalente sept niveaux
hiérarchiques alors que, dans l'entreprise, il y en a en
général deux. Il y a le bloc des travailleurs et il y a la
section du patronat ou de l'employeur.
Dans les écoles, je ne vois pas comment peut fonctionner un
comité paritaire. Voyez-vous, il y a les élus, le
président de la commission scolaire, le directeur général,
ensuite, il y a les cadres hiérarchiques au niveau de la
régionale. Si on retombe à l'école, il y a les principaux
d'école, le directeur du secteur professionnel, le professeur et
finalement, le produit en bas, l'étudiant. Comment voulez-vous avoir
quelque chose de paritaire dans un système comme cela, d'autant plus que
si une structure comme cela existait en industrie, normalement,
l'étudiant serait considéré comme étant un
travailleur et le professeur comme étant un contremaître.
Dans la structure actuelle, le professeur est un
syndiqué-travailleur et l'étudiant n'est pas grand-chose. On le
définit très peu. Ce qui revient à dire que si on veut
établir un comité paritaire ou de sécurité dans une
école, il faudra absolument faire un tour de force, il faudrait aller
à l'encontre de la nature, de la structure même des
écoles.
Après avoir dressé un tableau qui est peut-être un
peu noir concernant les écoles, ce serait peut-être bon qu'on
puisse faire un lien plus fort entre les écoles et le projet de loi no
17. Évidemment, j'endosse avec allégresse le projet de loi no 17
dans ses objectifs, parce qu'il vise la prise en charge par le milieu
lui-même.
Étant donné que les écoles c'est la
conclusion qu'on en tire s'acquittent mal de leur travail en ce qui
concerne la santé, étant donné que les écoles
enseignent très peu la question ou pas du tout la question de la
santé, comment le projet de loi no 17 pourra-t-il établir des
mécanismes réellement intéressants et positifs si on sait,
par exemple, qu'il y a plus de 60% des travailleurs québécois qui
ne sont pas syndiqués? Qui va leur apprendre, sinon l'école, les
bases et les rudiments de la santé et de la sécurité?
Il y a plusieurs travailleurs qui partent à leur compte. Je
pense, par exemple, aux plombiers ou aux différents corps de
métiers. Étant donné qu'ils sont eux-mêmes leurs
propres employeurs, qui va les informer, sinon les écoles? C'est une
question qui est lourde, à mon point de vue, de conséquences,
étant donné que le projet de loi no 17, la base du projet de loi
est orientée vers la participation des travailleurs, soit au niveau des
comités de sécurité ou encore, soit au niveau des
associations sectorielles, comme délégués de chantiers ou
autres.
Pour terminer, je pourrais peut-être indiquer quelles seraient,
à mon point de vue, les modifications que la loi devrait apporter pour
essayer de corriger la trajectoire actuelle en ce qui concerne les ateliers
d'écoles.
Le Président (M. Dussault): Je vous demanderais de le
faire rapidement.
M. Fernet: Oui, on va y aller assez rapidement. Il y aurait deux
volets: il y a d'abord l'aspect environnement, comme tel, dans l'école,
l'hygiène du milieu. On sait que ce n'est pas mieux que dans une
entreprise et l'entreprise est soumise à des lois, alors que
l'école ne l'est pas. Il faudrait placer, d'abord et avant tout, les
écoles au niveau de l'industrie.
Actuellement, l'article 1 définit l'école comme
étant une industrie, un établissement. Ce serait peut-être
bon qu'on étende et qu'on inclue, par exemple, les cégeps ou les
centres de formation professionnelle ou les autres maisons d'enseignement qui
ont, en fait, des vocations similaires.
Maintenant, il y aurait un élément qui me semble
extrêmement important, c'est à l'alinéa 24, du même
chapitre toujours, où on définit le travailleur comme
étant un étudiant, mais ce n'est pas clair cette histoire. Si on
regarde la définition, on dit qu'un: "travailleur, c'est une personne y
compris un étudiant, dans les cas déterminés par
règlement, qui exécute, en vertu d'un contrat de louage de
services personnels ou d'un contrat d'apprentissage, même sans
rémunération, un travail pour un employeur"... Alors,
l'étudiant ne peut pas être le travailleur de la commission
scolaire ou la commission scolaire ne peut pas être l'employeur. À
cause de cette définition, l'étudiant est complètement
rejeté du milieu du travail en termes de définition, en termes de
loi, à mon point de vue.
Le deuxième volet, en ce qui concerne les écoles, qui est
lourd de responsabilité, c'est la question de la formation. Là,
c'est beaucoup plus "touchy" en termes de loi. Ce serait difficile à
expliciter, mais il me semble que ce qui serait fondamental dans tout
ça, c'est que la commission puisse avoir plus de force de contrainte
envers les commissions scolaires, afin qu'elles intègrent un
régime pédagogique réellement efficace en ce qui concerne
la santé et la sécurité au travail.
Dans un premier temps, il serait peut-être bon d'illustrer ceci.
C'est que les programmes-cadres en ce qui concerne la santé et la
sécurité dans les 17 ateliers d'écoles devraient
être déterminés normalement par Québec, devraient
être élaborés par le ministère et la commission,
mais avec l'aide, cette fois, si possible, de spécialistes dans le
domaine afin que les régimes pédagogiques soient
réellement tapés au milieu du monde du travail dans le secteur de
l'enseignement professionnel et, à mon point de vue, ce qui pourrait
être important, c'est que la commission de la santé et de la
sécurité régionalise ses services en ce qui a trait
à la formation et à l'information. Le réseau scolaire est
déjà basé sur un axe régional. On parle des
commissions scolaires régionales.
Étant donné que c'est grand, le Québec,
étant donné qu'il y a plusieurs écoles, il me semble que,
pour la formation des professeurs, ça devrait être un
comité régional, au niveau de la commission, qui s'occupe de la
formation des professeurs sur le territoire, étant donné qu'il y
a très peu de commissions scolaires régionales. De plus, que ce
comité, qui appartiendrait à la CAT, puisse soutenir
techniquement les professeurs étant donné que
l'enseignement de la santé suppose un petit peu de normes
d'hygiène industrielle ou autres, évidemment, dans les choses les
plus simples qu'il puisse servir de techniques ou de support
professionnel justement aux professeurs et aux administrateurs scolaires.
Ensuite, que ce comité puisse même évaluer l'atteinte des
objectifs pour donner un petit peu plus de coercition au niveau des commissions
scolaires quant à l'enseignement de la santé au travail.
Finalement, que ce comité puisse faire des recommandations au niveau de
la commission en ce qui a trait aux programmes qui sont exécutés
sur le territoire.
Voilà, en substance, ce que j'avais à mentionner
concernant la question d, les ateliers d'écoles et de l'enseignement au
niveau des futurs travailleurs. Je déplore être seul, justement,
à parler au nom de 150 000 travailleurs peut-être. La situation a
ainsi rendu les choses.
Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Fernet. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
très sincèrement M. Fernet. Je sais le travail pas facile et les
conditions pas faciles non plus dans lequel vous l'exercez. Je tiens à
vous remercier de votre témoignage devant les membres de la commission
parlementaire. Il y avait eu, d'ailleurs, déjà, et c'était
venu en cours de préparation du projet de loi, le dossier je
pense que vous n'étiez pas loin de ce dossier, pour ne pas dire
directement les deux pieds dedans qui avait été largement
étalé dans les media publics, avec raison et pour cause, parce
que ce qui était relevé et sur lequel vous êtes revenu
encore ce matin qui, de plus, ressort très clairement de votre
mémoire, qui ressort aussi très clairement de la correspondance
que vous avez échangée avec au moins un de mes collègues
et les vérifications faites démontrent que vous avez parfaitement
raison.
L'information la plus élémentaire n'est pas faite à
l'école, les règlements les plus élémentaires ne
sont pas respectés en atelier, et pour les raisons que vous avez
évoquées. C'est partant précisément de cela qu'est
ressortie cette idée d'insérer et l'école, et
l'étudiant dans le projet de loi pour qu'il soit protégé.
Là, c'est une question de lecture et d'interprétation des textes,
mais j'ai pris bonne note de vos commentaires. Évidemment, un texte,
c'est du jargon juridique, mais la définition de "travailleur", on va la
vérifier à nouveau, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit
qu'elle couvre bien, et on dit, notamment, "y compris l'étudiant" parce
qu'il s'établit un contrat de louage de services c'est une notion
de droit entre un
étudiant qui entre dans une école et l'école comme
telle, même dans un contrat non écrit, il y a des contrats qui
sont des contrats purement verbaux, plus que bona fide, des contrats qui ont et
qui impliquent les obligations légales en vertu desquelles il es
possible de prendre des procédures.
Deuxièmement, la notion d'employeur inclut l'école,
l'article 1, paragraphe 12. C'est une personne qui, en vertu d'un contrat de
louage d'un service personnel ou d'un contrat d'apprentissage, même sans
rémunération; il faut donc lire les deux articles, l'un en
relation avec l'autre. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on a ajouté
"même sans rémunération", pour s'assurer que la notion de
louage de services est incluse. Enfin, c'est une façon juridique de
l'insérer et c'est ce qu'on appelle dans le jargon un contrat
d'adhésion. Enfin, l'important, c'est que ça y soit, mais de
toute manière, on va le regarder.
Également, la définition d'école, parce que vous
vous inquiétez du fait et avec raison, si ça devait
être le cas que le cégep ou d'autres types d'institutions
ne soient pas couverts par la loi. La règle d'interprétation des
textes de loi, à moins qu'une définition soit très
précise et limitative, hors du sens commun des mots qui sont
insérés dans un texte de loi, une définition doit toujours
s'interpréter selon le sens commun, donc selon le dictionnaire, et
l'école, c'est l'établissement où l'on enseigne, donc,
quel que soit le niveau.
De toute façon, j'ai pris bonne note de vos commentaires pour
être certain que l'objectif qu'on vise et qui correspond exactement
à ce que vous évoquez est bel et bien respecté.
Cela dit, je voulais vous poser très rapidement parce que le
temps fuit vite, trois questions. La première, c'est plutôt une
interrogation parce que je ne suis pas encore convaincu des commentaires
que vous formulez là-dessus c'est quant à
l'impossibilité de former des comités paritaires.
L'étudiant étant considéré, pour les fins du projet
de loi no 17, comme un travailleur, je ne vois pas ce qui empêche la mise
en place d'un comité paritaire de représentants de l'employeur,
la commission scolaire et, d'autre part, de représentants émanant
des étudiants, émanant des employés, émanant du
personnel enseignant. Ce n'est peut-être pas facile, il y a
peut-être une autre formule, je suis prêt à regarder
d'autres formules. À impossible, j'ai l'habitude de dire que c'est une
page que je suis porté à arracher du dictionnaire.
Deuxièmement, j'ai vraiment beaucoup plus de difficultés
à comprendre et je voudrais savoir pourquoi vous dites que les
institutions scolaires ne peuvent pas appartenir à des associations
sectorielles. Qu'est-ce qui pourrait empêcher cela?
Troisièmement, pourquoi le représentant à la
prévention s'intégrerait mal dans le réseau scolaire,
à partir du moment où l'école, et en particulier les coins
où il s'agit d'ateliers, tombe sous la coupe de la loi. Enfin.
Là, j'ai laissé de côté, bien consciemment, mais ne
le perdant absolument pas de vue, toute la dimension que vous avez
évoquée d'un accent colossal à mettre sur la formation en
milieu scolaire et tout ce que ça suppose pour y arriver, et même
la nécessité d'une volonté à l'intérieur
même de la machine gouvernementale et administrative qui n'est pas
nécessairement, encore limpide, dans certains coins en tout cas de la
machine. (12 heures)
M. Fernet: Merci. En ce qui concerne la première question,
pour ce qui est du comité paritaire, j'ai mentionné que
c'était impossible. Il faudrait peut-être se rapporter à
l'expérience qu'a vécue une école. On avait d'abord mis
deux professeurs et quatre étudiants au niveau du comité
paritaire avec deux représentants de l'administration et
l'infirmière et un parent afin d'essayer de regrouper tout le monde. En
plus du responsable du secteur des adultes du soir, si on regarde un peu la
question, c'est à peu près impossible dans une conjoncture comme
cela d'avoir une épreuve de force rapport syndicaux/rapports patronaux,
parce qu'il y avait trop d'éléments disparates inclus
là-dedans. Un autre sujet qui, je pense, dans le milieu scolaire est le
plus important en ce qui concerne l'applicabilité du comité
paritaire, c'est le suivant. Le professeur est défini comme étant
un travailleur, alors qu'effectivement, il a le rôle, en pratique, de
contremaître, et lorsqu'un comité paritaire fonctionne, en
général il y a toujours cet aspect d'inventaire des
problèmes au niveau de l'école et là on se demande qui va
remplir ce rôle, cette espèce de pseudo rôle d'inspecteur
dans l'école. Les professeurs disent non, parce qu'un syndiqué ne
peut pas, dans la logique des choses, servir d'inspecteur à d'autres
syndiqués et si on demande aux étudiants de le faire, cela peut
dans certains cas se faire, je sais qu'il y a une école à Verdun
qui le fait, mais c'est très rare, parce que l'étudiant est en
général trop mis de côté. C'est le produit en bas.
Évidemment, on aimerait que l'étudiant puisse être
intégré justement dans ce processus de parité, mais c'est
absolument impossible à cause de l'aspect que normalement le
contremaître devrait faire... de sa fonction de contremaître. Dans
une école, ce contremaître est un syndiqué, c'est le
professeur. À cause de cela, je sais qu'ils ont eu des problèmes
extrêmement forts et cela a paralysé le comité pendant
trois ou quatre mois afin que le syndicat puisse finir par trancher et faire
une espèce de clause indépendante pour ce secteur. En gros, pour
la question des comités paritaires, c'est la raison de base qui m'a
amené justement à dire que ce n'est pas trop facile.
Pour ce qui est de la question des associations sectorielles, par ce que
j'ai pu comprendre dans votre projet de loi, une association sectorielle c'est
tout simplement un ensemble d'employeurs qui sont dans un même secteur.
Je pense, par exemple, à l'industrie des portes et fenêtres, par
exemple. Ce sont des gens qui fabriquent des portes et des fenêtres, une
série d'employeurs et là il y aurait, au niveau syndical, des
travailleurs qui oeuvrent dans ce secteur d'activité économique.
Dans une école, une école
polyvalente qui est le moindrement grosse a environ une dizaine
d'ateliers. Il y a de la soudure là-dedans, il y a de la menuiserie, il
y a de la plomberie, il y a toutes sortes de métiers, il y a la
coiffure. Où est le secteur d'activités commun là-dedans.
Comment voulez-vous rejoindre un professeur de coiffure avec un soudeur dans
une même école. Les besoins sont différents, les
problèmes de santé sont différents. Dans un contexte comme
cela, je verrais assez mal le fonctionnement d'associations sectorielles, qu'on
prenne une série d'écoles avec une série de professeurs,
par exemple, qui pourrait faire l'aspect syndical dans un contexte comme
celui-là, parce que les champs d'activité sont trop
différents étant donné la nature même de
l'école qui est une maison de formation donc disparate dans la structure
de sa production.
Pour ce qui est de la question des représentants à la
prévention, ce secteur je le connais un peu moins. J'avais tout
simplement mentionné que le représentant à la
prévention, cela devient impossible justement de l'inclure dans le
système pour les raisons que j'ai mentionnées au départ.
Je vous dis que dans l'application concrète dans une école, que
le professeur soit syndiqué, ce n'est réellement pas drôle,
parce que c'est un contremaître, dans le processus industriel.
Étant donné que votre loi "tape" sur l'aspect industriel surtout,
essayer de faire le joint, la conjoncture, à mon point de vue, c'est
extrêmement difficile. Le représentant à la
prévention aurait un peu les mêmes problèmes
d'applicabilité, à cause de ce contexte particulier.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, je voudrais remercier M. Fernet de sa contribution à
la commission. La dimension et le volet de son mémoire ce matin nous
permettent de constater ou de lever le voile sur un secteur bien particulier
qui est celui de l'éducation et de l'enseignement. Évidemment,
les membres de la commission n'ont pas tous eu l'expérience du
député de Beauharnois à ce chapitre, qui peut certainement
apporter une contribution utile dans ce débat.
Il y a les éléments que vous nous exposez ce matin qu'on
retient et soyez certain que d'une part, vous ne faites pas que lancer le
débat, il va certainement y avoir une suite. On aura l'occasion
d'entendre d'autres intervenants, que ce soit la CEQ éventuellement. On
aura aussi l'occasion d'entendre la Fédération des commissions
scolaire et je dois d'ores et déjà même s'ils n'ont
pas comparu, déposer leur mémoire exprimer ma surprise
à l'égard de certaines recommandations qui sont formulées,
entre autres, au sujet de l'étudiant, notamment.
Il nous apparaît, quant à nous, comme le ministre l'a dit
tout à l'heure, que tous les agents et tous les intervenants dans le
milieu scolaire se doivent d'être impliqués. Que ce soit
l'étudiant, que ce soit les enseignants, il y a peut-être un
aspect particulier de démarcation entre l'employeur, l'employé,
tout ça. Il y a aussi un autre aspect du dossier qui est bien important,
c'est le gouvernement, comme tel, le ministère de l'Éducation,
dans ses normes. J'ai bien apprécié, entre autres, la
recommandation que vous avez formulée ou la mise en garde que vous avez
formulée, que les normes du ministère de l'Environnement ne sont
pas respectées de la part des commissions scolaires qui sont
appelées à procéder à des modifications à
l'intérieur de leur boîte. C'est inacceptable. Dans ce sens,
lorsque le gouvernement a introduit cette notion dans le projet de loi no 17,
qu'il sera lui-même obligé de respecter les normes
établies, il me paraît, selon moi, que ça se devra de
transpirer jusqu'à tous les agents, les sociétés
d'État, les commissions scolaires, etc. Merci.
J'aurais seulement une question. Vous semblez mettre en doute la
possibilité de comités paritaires. Bien concrètement,
à la lumière de l'expérience que vous avez, comment cela
pourrait-il se faire? Comment le comité pourrait-il être
composé et est-ce que cela implique chez vous l'obligation pour nous
d'établir un régime particulier ou des dispositions
particulières au monde de l'enseignement ou si la structure
proposée dans le projet de loi peut convenir ou contribuer à
régler les problèmes?
M. Fernet: J'ai beaucoup de difficultés à
répondre à votre question à cause de la hiérarchie.
À mon point de vue, le comité paritaire, même s'il est
fondamental dans le projet de loi no 17, devient secondaire dans le
réseau scolaire. Cela devrait être un lieu d'apprentissage pour
l'étudiant. Ce qui est important dans une école, et j'y reviens,
c'est la formation et il faut que les professeurs aient des documents
pédagogiques pour enseigner la santé et la
sécurité. Cela est fondamental.
Le jour où le professeur parlera de bruit, de décibel, je
pense que la question des comités paritaires pourra peut-être
s'établir un peu dans le sens que M. le ministre disait, mettre
l'étudiant et le professeur du côté des travailleurs et du
côté patronal la balance de la hiérarchie. Quoique dans une
telle circonstance, ça créerait un problème fonctionnel
dans l'école parce qu'au niveau patronal il n'y a qu'un seul individu
qui est responsable, c'est le directeur du secteur professionnel. Le principal
d'école a d'autres chats à fouetter en général et
il a beaucoup d'autres problèmes parce qu'il a quand même tout le
secteur général à s'occuper, les autobus, etc. C'est en
principe à peu près seulement le responsable du secteur
professionnel qui représenterait la partie patronale qui connaît
bien les problèmes du milieu. À ce moment-là, ça
créerait une disproportion. Le côté travailleur serait plus
représenté que le côté patronal dans une situation
comme celle-là.
C'est impossible aussi de créer un comité paritaire au
niveau de la Commission scolaire régionale. C'est comme si on avait, par
exemple, dans une usine un comité paritaire au niveau du
siège social à Montréal. Ce qui revient à
dire qu'il faut que l'école règle son problème et cela
aussi créerait un problème. En fait, c'est tout ce que je peux
vous répondre au sujet des comités.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. Fernet, vous disiez tout à l'heure que vous
étiez venu ici en commission parlementaire nous faire part de ces propos
et que vous vous sentiez un peu seul. Je pourrais vous dire que je ne suis
peut-être pas de votre équipe, de l'autre côté de la
table, mais concernant ce que vous nous avez dit, cela m'a touché de
très près. Je peux vous dire que vous n'êtes pas seul. Bien
sûr, en 1976, lorsque j'ai été élu
député du comté de Beauharnois, on m'a extirpé du
milieu dont vous venez de parler. J'étais professeur de soudure dans une
école polyvalente. Tous les points que vous avez soulevés, bien
sûr, je les ai vécus. C'est un peu dramatique de voir que,
finalement, le gouvernement est pris en défaut sur bien des points.
Quand vous parliez tout à l'heure de l'enseignement de la santé
et de la sécurité d'abord aux étudiants, c'est
effectivement vrai que dans la cédule, dans les programmes, dans les
horaires des enseignants, il n'y a pas grand-place pour la santé et la
sécurité.
Effectivement, les enseignants des différents métiers
s'adonnent surtout à montrer les métiers à leurs
étudiants. Je trouve cela dramatique et un peu utopique de penser
à apporter quelque chose de neuf avec le projet de loi no 17, si on n'y
met pas des dents à ce niveau-là. L'étudiant d'aujourd'hui
sera le travailleur de demain et s'il n'a pas été initié,
dès son premier contact avec son métier, à être
prudent, à savoir où sont les sources de danger autant du point
de vue des accidents que du point de vue de la maladie industrielle que
comporte son métier, il aura été mal habitué. Quand
il arrivera en milieu de travail, il ne saura pas encore une fois il
aura 30 ans, à ce moment-là où sont les dangers. Je
pense que l'étudiant qui arrive dans un atelier pour la première
fois, il est tout ouïe et tout oreille face à son professeur et si
on l'habitue à passer outre à certains dangers, dès qu'il
aura 15, 16 ou 17 ans, cela deviendra pour lui quelque chose de normal
d'entendre du bruit, de respirer de la fumée ou de respirer des gaz qui
émanent des métaux en fusion. Il vivra avec cette
normalité.
Je change de secteur pour bien illustrer. Si vous prenez les anciens
joueurs de hockey de l'époque de Maurice Richard, ils ont
été habitués à jouer au hockey sans casque
protecteur. Quand ils sont arrivés un peu plus tard dans la ligue
professionnelle, on leur a demandé de porter le casque protecteur. Quand
ils avaient sept, huit, neuf ou dix ans, ils n'étaient pas
habitués de les porter et ils n'ont jamais été capables de
s'habituer à les porter. Mais les jeunes d'aujourd'hui qui commencent
à jouer au hockey, dès qu'ils mettent les patins, ils mettent
systématiquement le casque protecteur. Ils arrivent dans le monde
professionnel et ils ne se rendent plus compte qu'ils l'ont sur la
tête.
C'est la même chose ici. C'est de donner de bonnes habitudes
à ces jeunes travailleurs dès leur premier contact avec leur
métier, de les sensibiliser aux maladies qui peuvent survenir à
l'intérieur de leur métier et les habituer aussi... Ce n'est pas
plus difficile. J'ai insisté à maintes reprises là-dessus.
Ce n'est pas plus difficile de donner des bonnes habitudes à un
étudiant que de lui en laisser prendre des mauvaises. Et de lui faire
prendre le chalumeau de la bonne façon plutôt que de la mauvaise,
une fois qu'il aura été habitué à le prendre de la
bonne façon, pour lui ce n'est plus un inconvénient au niveau du
travail. S'il a été habitué à porter un masque au
moment opportun, ce n'est plus un inconvénient pour lui, parce qu'il
aura été habitué à le porter. Cela est majeur.
Je pense que vous avez touché deux points. Il y a le domaine des
accidents du travail et il y a le domaine des maladies du travail.
Effectivement, cela saute beaucoup plus aux yeux quand un étudiant se
coupe un doigt que lorsqu'il respire à la journée longue des gaz
émanant des métaux en fusion. Cela ne paraît pas. C'est
moins dramatique, nous sommes moins portés à faire attention,
à les sensibiliser sur la question des maladies que peut entraîner
la pratique de leur métier.
Par contre, les professeurs, même si cela ne fait pas partie de
leur programme pédagogique, de leur montrer des habitudes de
sécurité, on le fait quand même plus dans les ateliers. Je
sais qu'au niveau des accidents, j'ai souvent dit à mes étudiants
de faire attention sur tel ou tel point. Mais on n'avait pas
j'espère qu'on l'aura une oreille assez attentive de la part des
patrons, du directeur d'école, de la commission scolaire. (12 h 15)
J'ai eu à enseigner dans une école où le
système de ventilation faisait défaut. J'ai été
obligé de me battre. J'ai rassemblé tous les professeurs et je
leur ai fait visiter mon atelier. J'ai sensibilisé toute la commission
scolaire. J'ai fait venir le directeur général de la commission
scolaire et on m'a dit, en résultat: Cela rejoint les interventions que
j'ai eues face à la partie patronale dernièrement lors de cette
commission parlementaire. Les coûts que cela entraîne, cela
gêne énormément les patrons. On m'a répondu que cela
coûtait trop cher de réaménager le système de
ventilation. Hier encore, je suis intervenu. Le député de
Portneuf me disait qu'il avait entendu ma réplique d'hier, la veille de
l'avant-veille, mais on ne parlera jamais trop de cela. On était
conscient d'un problème dans une commission scolaire et dans un atelier
bien spécifique qui était l'atelier de soudure, qu'il y avait
là un mauvais système de ventilation et on nous a dit qu'on ne
pouvait pas y toucher parce que cela coûtait trop cher.
On va aller dans le monde industriel, c'est exactement la même
chose. On connaît les sources de danger, on les a identifiées,
mais on n'in-
tervient pas à cause du fameux coût. J'espère que la
loi sera assez sévère pour indiquer et obliger autant le
patron-gouvernement que les patrons dans l'entreprise privée à
remédier indépendamment des coûts, les sources de
danger, soit au niveau des accidents aussi bien qu'au niveau des maladies
industrielles à l'intérieur de leur atelier, de leur
usine, aux vices qu'on connaît.
C'étaient les points que je voulais soulever. J'ai bien
apprécié votre mémoire. On va réviser le projet de
loi à la loupe à ce niveau-là et on va faire en sorte que
la loi puisse s'appliquer d'une façon très virile face à
l'enseignement des métiers dans les écoles, parce que je pense
que c'est là le début de la chaîne, c'est le premier
maillon de la chaîne et que s'il est faible, on connaîtra cette
faiblesse-là tout au long de la chaîne. Si je parle de cela, c'est
pour imager que c'est le jeune travailleur qui s'initie à l'âge de
quinze ou seize ans. Si on l'initie mal, on aura ces séquelles-là
d'une mauvaise initiation tout au long de son travail en industrie. Il aura une
faiblesse aussi dans ses revendications. C'est cela qui est important. C'est de
l'habituer à être capable de revendiquer, parce qu'on lui aura
donné des connaissances de revendiquer là où il y aura des
faiblesses, soit au niveau de l'école ou soit au niveau de l'industrie
plus tard. Je pense que de le sensibiliser, de l'informer et de l'instruire
à ce niveau-là fera du monde des travailleurs un monde beaucoup
plus "sécure", beaucoup plus correct pour les travailleurs.
Je vous remercie. C'étaient les quelques remarques que je voulais
faire. Je suis très sensible à votre mémoire, parce que,
peut-être que quand je laisserai la politique, je retournerai encore dans
un atelier de soudure dans une école polyvalente et j'espère
qu'on verra une différence parce que j'aurai siégé
à la commission parlementaire sur le projet de loi no 17.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Beauharnois. M. le député de Laviolette,
brièvement.
M. Jolivet: Oui, je ne voudrais pas être trop long. C'est
simplement pour ajouter à ce que le député de Beauharnois
vient de dire, ayant moi-même eu à faire des batailles au niveau
syndical, parce que j'étais permanent au Syndicat des travailleurs de
l'enseignement de la Mauricie, là où on a fait des recherches. On
s'est aperçu que plusieurs causes d'accidents étaient à
l'intérieur des ateliers de l'enseignement professionnel. C'est pour
dire que, justement, à titre de député qui a
participé au groupe qui a conseillé le ministre sur l'ensemble du
projet de loi, ce n'était pas tout d'en arriver à permettre
à l'intérieur de la Commission des accidents du travail de faire
en sorte que l'étudiant qui se trouve en atelier soit prémuni
contre les risques d'accidents en termes de corrections, mais qu'il fallait
maintenant aborder l'autre partie qui était celle de la
prévention.
Les remarques que vous avez apportées dans votre document sont
très intéressantes. Si le projet de loi, comme disait mon
collègue, doit être vérifié pour le rendre conforme
à l'idée que nous voulons vraiment instaurer, les changements
à la base même au niveau de l'équipe de l'enseignement
professionnel, que ce soit au niveau de la commission scolaire, au niveau des
enseignants et au niveau des étudiants, parce que les dangers qui sont
là sont présents et il faudra les corriger.
Je me souviens d'un exemple, où à la commission scolaire,
dans un atelier, il y avait des étudiants de l'enseignement
professionnel court, et parce que c'étaient des étudiants de
l'enseignement professionnel court, on pouvait se permettre d'avoir une scie
mécanique non ajustée au plancher, non attachée au
plancher. On pouvait se permettre d'avoir de la poussière qui circulait,
parce que dans le fond, c'étaient des enfants de l'enfance
inadaptée. J'ai trouvé cela, quant à moi, inexplicable et
incompréhensif. Soyez assuré que ces formes de pression faites
par l'enseignant qui, dans la loi, n'était pas protégé et
les commissions scolaires n'étant soumises à aucune loi à
ce niveau on parlait tout à l'heure des services de protection de
l'environnement, c'est vrai que les normes n'étaient même pas
respectées dans bien des écoles de telle sorte que
l'enseignant prenait un risque d'être ensuite congédié s'il
le faisait, et même s'il l'a fait, il a réussi à avoir, au
bout de la course, pour lui-même et pour ses élèves une
forme de protection qui était tout à fait normale.
Il reste que c'est anormal que l'individu enseignant syndiqué,
puisse risquer son emploi pour simplement avoir ce que le bon sens recommande.
Dans ce contexte, la loi vient apporter des premiers jalons qu'on
espère, productifs, au niveau du travail dans le milieu, pour faire en
sorte que, non seulement, on veuille instaurer des moyens de prévention,
mais qu'on les installe réellement sans risque pour personne.
Soyez assuré que de mon côté, à ce niveau,
vous avez mon appui pour que dans les écoles où il y a de
l'enseignement professionnel on puisse vraiment arriver à de la
prévention dans le sens que vous l'indiquez.
Le Président (M. Dussault): C'était la
dernière intervention. Au nom de la commission, je remercie M. Fernet de
sa participation à nos travaux. Il nous reste encore deux
mémoires à entendre; alors il faudrait y aller plus rapidement.
Alors, j'invite M. Morisset à se présenter devant la commission.
M. Morisset, de toute évidence, il ne sera pas possible, dans les 20
minutes prévues, de lire votre mémoire. Alors, je vais vous
demander de le résumer le plus rapidement possible et d'abord de
commencer par vous identifier à la commission.
M. Yves Morisset
M. Morisset: Je suis Yves Morisset, Je suis, comme Robert, de
formation en biologie et je suis promoteur d'un programme de santé au
travail à l'intérieur d'un département de santé
communautaire. Pour répondre à la question de la limite de temps,
je peux vous dire que j'ai préparé déjà un
résumé, puisque j'avais déjà assisté
à des présentations antérieures.
Le Président (M. Dussault): Merci.
M. Jolivet: Votre texte sera versé intégralement au
journal des Débats.
Le Président (M. Dussault): Si vous le souhaitez,
effectivement, votre texte peut être inscrit intégralement au
journal des Débats.
M. Morisset: S'il vous plaît.
Le Président (M. Dussault): D'accord, ce sera fait. (Voir
annexe).
M. Morisset: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, c'est en tant que professionnel impliqué dans le domaine de
la santé au travail, c'est aussi fort probablement en tant qu'ancien
professeur, mais c'est beaucoup plus en tant qu'individu,
préoccupé par le succès de la réforme en
santé du travail, que j'ai voulu apporter cette mince contribution au
débat actuel, en attirant votre attention sur un aspect du projet de loi
qui y gagnerait, à mon humble avis, à être mieux
défini, c'est-à-dire les programmes de formation et
d'information, mais plus spécifiquement les programmes de formation.
Il serait malheureux que ces programmes demeurent négligés
quand tant d'efforts ont été déployés en vue
d'apporter plus de précisions et de clarté aux mécanismes
de participation des travailleurs et des employeurs, par exemple, les
fonctions, les comités de santé-sécurité, les
associations sectorielles, de même que la définition de
différents services à la disposition des travailleurs, les
services d'inspection, les services de santé et probablement M.
le ministre nous l'a confirmé des services d'hygiène
industrielle.
Les programmes de formation ont une importance qui a déjà
été reconnue dans le livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail, puisqu'on pouvait y lire à la page
226, comment, en effet, demander aux parties d'assumer une plus grande part de
responsabilité dans l'amélioration des conditions de santé
et de sécurité au travail, si on ne s'engage pas à leur
fournir en partant et au besoin, de façon intensive, les outils
nécessaires et le minimum de connaissances et de savoir-faire
indispensable à une telle entreprise.
Le projet de loi no 17 reconnaît à tout employeur, comme il
semble le faire pour tout travailleur, le droit à des services de
formation, d'information et de conseil en matière de santé et de
sécurité au travail. Je me réfère aux articles 39
et 9. Mais pour l'article 9 concernant les droits des travailleurs, il y aurait
avantage à les préciser dans les mêmes termes qu'à
l'article 39. Ces droits deviennent une nécessité. Quant à
l'article 38, nous lisons "Le travailleur doit" j'imagine que c'est tout
travailleur "prendre les mesures nécessaires pour protéger
sa santé, sa sécurité et son intégrité
physique", doit aussi "participer à l'identification et à
l'élimination des risques d'accidents du travail et de maladies
professionnelles sur le lieu de travail". Comment, en effet, demander au
travailleur d'assumer ses responsabilités s'il n'a pas été
formé pour connaître et exercer ses droits, ses obligations et les
autres fonctions qu'il peut être appelé à jouer dans le
cadre de cette réforme. "Les services de formation doivent donc
être disponibles et accessibles à tout travailleur, de même
qu'à tout employeur. C'est un prérequis indispensable à la
mise en place et au bon fonctionnement des mécanismes de participation
des travailleurs et des employeurs" et là, je cite le livre blanc. Je
n'insisterai jamais assez sur cette dimension, mais ces quelques
précisions étant apportées, je voudrais, au cours de cette
présentation, vous soumettre quelques questions qui me sont venues
à l'esprit, à la lecture du projet de loi no 17.
Ces interrogations permettront peut-être de soulever quelques
ambiguïtés qui ont pu se glisser au cours de la préparation
du projet de loi ou encore vous permettront de clarifier certaines de mes
mauvaises interprétations. Ces questions témoigneront, de plus,
de mes deux préoccupations fondamentales en vue d'assurer le
succès de la réforme et concernant précisément les
programmes de formation, c'est-à-dire leur accessibilité à
tout travailleur et leur importance dans la prise en charge par le milieu de
travail c'est-à-dire qu'on doit les considérer comme un
prérequis indispensable à une telle entreprise.
La première de ces interrogations est: Est-ce que les organismes
ou individus appelés à réaliser les programmes de
formation à l'intention des travailleurs et des employeurs poursuivent
tous l'objectif qui pourrait se lire comme suit: rendre les travailleurs et les
employeurs aptes à éliminer les causes d'accidents du travail et
de maladies professionnelles?
Les associations patronales forment les employeurs dans leur secteur
d'activité, tel que prévu dans le projet de loi, et j'ose
espérer qu'elles poursuivent un tel objectif. Les associations
syndicales de leur part forment leurs membres et je suis convaincu qu'elles
poursuivent l'objectif défini précédemment. Les
associations syndicales sont d'ailleurs le moyen privilégié pour
élaborer et réaliser les programmes de formation et d'information
s'adressant à leurs travailleurs.
La possibilité de rejoindre tous les travailleurs membres de
l'association syndicale existe via cet organisme, mais malheureusement ces
travailleurs ne constituent que moins de 30% des travailleurs
québécois.
Les autres travailleurs qui constituent, de fait, la majorité, ne
pourront être formés que par leurs employeurs ou leur association
sectorielle paritaire, comme semble le laisser entendre le projet de loi no 17.
Si le programme de formation des travailleurs est réalisé par
leur employeur, tel qu'il semble être prévu à l'article 48,
ce programme, même s'il a été établi par le
comité de santé-sécurité, pourrait-il contenir
autre chose que des
éléments d'information sur les risques d'atteinte à
la santé, à la sécurité, par poste de travail, et
les modalités d'entraînement du travailleur aux méthodes de
travail sécuritaire, en plus de contenir, évidemment, quelques
éléments sur les obligations du travailleur?
Je crois personnellement que c'est le maximum qu'on peut exiger de la
part de l'employeur, mais un programme de formation, qui viserait à
rendre le travailleur apte à éliminer les causes d'accident et de
maladie provoqués par son milieu de travail, devrait avant tout, avoir
permis au travailleur de connaître ses obligations, connaître et
exercer ses droits, connaître et exercer les différents recours
à sa disposition s'il croit avoir été lésé
dans ses droits, avec tout ce que cela présuppose comme acquisition de
connaissances et d'apprentissage d'un minimum de savoir-faire.
Peut-on exiger de l'employeur de former ses travailleurs pour les rendre
aptes à évaluer s'ils ont des motifs valables pour cesser de
travailler? Aptes aussi à exercer leur droit de refus ou leur droit au
retrait préventif, aptes à utiliser les différents recours
prévus par la loi, s'ils croient avoir été
lésés dans leurs droits.
C'est malheureusement cette ambiguïté que l'on
découvre à la lecture du projet de loi et qui peut facilement
être corrigée en précisant les objectifs que doivent
poursuivre les programmes de formation et d'information s'adressant aux
travailleurs qui ont été établis préalablement par
le comité santé-sécurité et mis en application par
l'employeur.
Si ces précisions étaient apportées, un trou
demeurera encore dans la loi. Comment amener les travailleurs non
syndiqués à se prendre en charge, s'il n'y a pas de programme de
formation poursuivant un tel objectif qui leur est offert? On pourrait toujours
nous répondre que les associations sectorielles paritaires ont justement
comme mandat à l'article 76, de fournir aux travailleurs et aux
employeurs appartenant aux secteurs d'activités qu'elles
représentent des services de formation et d'information, de recherche et
de conseil. (12 h 30)
Cependant, en lisant un peu plus loin le projet de loi, nous y
découvrons quelques précisions de cet énoncé
très large, comme c'est le cas pour d'autres énoncés du
même type, par exemple, les droits des travailleurs à l'article 9,
les obligations de l'employeur à l'article 40 et le programme de
prévention à l'article 48. Cette précision au sujet des
programmes de formation et d'information de l'association sectorielle paritaire
soulève une autre ambiguïté du projet de loi. Est-ce que les
services de formation et d'information fournis par l'association sectorielle
paritaire se limitent à l'élaboration de programmes-types de
formation et d'information à l'usage des comités de santé
et de sécurité, de même qu'à l'usage des
comités de chantier? Si tel est le cas, la formation des membres des
comités de santé et de sécurité débute quand
le comité est formé. À l'exception des travailleurs
membres d'une association syndicale qui recevront de leur association syndicale
la formation nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, les
autres travailleurs recevront leur formation de l'association sectorielle quand
ils seront membres du comité de santé et de
sécurité.
Si les travailleurs non syndiqués et ne faisant pas partie d'un
secteur d'activités économiques où il y a une association
sectorielle paritaire ne pouvaient pas former ou participer à des
comités de santé et de sécurité, la réforme
serait partielle, mais les chances de succès et de prise en charge par
le milieu de travail seraient beaucoup plus grandes puisqu'on a
déjà reconnu l'importance des programmes de formation comme
prérequis à la mise en place et au bon fonctionnement des
mécanismes de participation sur lesquels s'appuie la réforme. Tel
n'est pas le cas, et à l'article 57, qui précise le processus
pour former un comité de santé et de sécurité, tout
groupe de travailleurs ou tout employeur d'un établissement groupant
plus de dix travailleurs peut former un comité de santé et de
sécurité. Cet article démontre la volonté nette du
législateur de donner une portée presque universelle à la
réforme proposée, ce qui est en accord avec la reconnaissance des
droits des travailleurs qui ne se limite pas à la reconnaissance des
droits pour certaines catégories de travailleurs.
En contrepartie, puisqu'on donne une portée universelle ou
presque à la loi, pourquoi ne mettons-nous pas à la disposition
de l'ensemble des travailleurs les services jugés prérequis au
bon fonctionnement des mécanismes de prise en charge? C'est cette courte
réflexion qui m'a amené à vous proposer la création
d'un service de prévention régional.
Je voudrais apporter, sur le mémoire que j'ai
déposé, quelques précisions concernant ce service de
prévention régional qui semble être demeuré obscur.
Quand même, c'est à la limite de ce que je peux en
connaître.
Ce service de prévention régional pourrait assumer
d'autres fonctions, en plus des fonctions de formation et d'information et de
conseils auprès des milieux de travail non syndiqués et de
secteurs d'activités où il n'y a pas d'association sectorielle.
Il se devrait d'être, pour respecter l'esprit de la réforme, donc
ce service de prévention régional se devrait d'être
paritaire. Une équipe multidisciplinaire apte à répondre
à toute question provenant du milieu de travail constituerait
l'élément essentiel à la création d'un tel service
de prévention régional. Ce service pourrait de plus travailler
à l'adaptation de programmes-types de formation élaborés
par l'association sectorielle paritaire et mis à la disposition des
comités de santé et de sécurité. Il pourrait
procéder de plus à la définition de priorités
régionales, procéder à l'évaluation des programmes
de formation et d'information. Si je souligne ce point, les différents
autres programmes prévention et santé, il y a déjà
un mécanisme prévu pour les évaluer. On investit quand
même des sommes importantes pour la formation dans le projet de loi, et
nulle part il nest fait mention de l'évaluation des programmes de
formation et d'information. Ce service pourrait
procéder de plus à l'évaluation des programmes de
prévention avec la commission de la santé et de la
sécurité au travail, procéder à l'évaluation
et à l'amélioration du fonctionnement des comités de
santé et de sécurité, faire des représentations
auprès de l'organisation centrale pour faire connaître les besoins
des milieux de travail de sa région. Pour accomplir ces
différentes fonctions, le service de prévention régional
doit avoir accès aux données et compter sur la participation des
services d'inspection d'hygiène industrielle et de médecine du
travail, de même que sur la participation des associations sectorielles
paritaires. Ces différents services fournissent la matière
première des programmes de formation et d'information, de
sensibilisation du milieu de travail. Ce service de prévention
régional doit aussi avoir suffisamment de liberté d'action pour
pouvoir, sans risque de représailles, acheminer son évaluation,
ses critiques et recommandations à l'organisation centrale.
Ces recommandations des services de prévention régionaux
ont leur importance puisqu'elles sont le reflet de réactions des milieux
de travail et des intervenants dans ces milieux et qu'à ce titre, elles
ont droit à la plus haute considération. Le législateur
devra donc démontrer beaucoup de souplesse dans la définition des
mécanismes de participation du service de prévention
régional avec les instances décisionnelles.
Mon mémoire, en vous proposant ce service de prévention
régional ne voulait pas mettre en doute l'approche sectorielle. Au
contraire, je crois que le législateur a fait un pas important pour
assurer le succès de la réforme quand il a créé ces
associations sectorielles paritaires. Je crois tout simplement qu'il s'agit
seulement de faire un pas de plus, et cette fois-ci du côté de
l'approche régionale pour garantir le succès des
mécanismes de participation de tout travailleur et de tout employeur
à l'élimination des causes d'accidents et de maladies
professionnelles.
Ces deux approches se doivent d'être complémentaires et il
ne doit pas y avoir de duplication entre l'une et l'autre. Je crois aussi
important de donner une reconnaissance juridique à ce service de
prévention régional en définissant dans la loi sa
composition, ses fonctions, et en précisant son articulation avec
l'organisation centrale. Ce service a un rôle tout aussi important pour
assurer le bon fonctionnement des mécanismes de prise en charge par le
milieu que l'association sectorielle paritaire et il serait malheureux de ne
pas reconnaître cette importance en ne considérant ce service que
comme un mode administratif de l'organisation centrale sans lui assurer cette
stabilité et cette précision que pourrait lui conférer une
reconnaissance juridique.
Toujours dans l'esprit d'offrir le plus possible à tous les
travailleurs de quelque secteur d'activité que ce soit les services de
formation, n'y aurait-il pas lieu d'envisager un rôle de formation pour
le représentant à la prévention et le
délégué de chantier, puisque le représentant
à la prévention, comme le délégué de
chantier, peut être libéré de ses tâches pour
participer à des programmes de formation du ministère de
l'Éducation ou à des programmes dont le contenu et la
durée sont approuvés par la commission? Puisqu'ils ont comme
fonction d'assister les travailleurs dans l'exercice de leurs droits, est-ce
qu'ils ne pourraient pas, les représentants à la
prévention ou les délégués de chantiers jouer un
rôle de formateurs auprès des travailleurs, ce qui leur
permettrait de véritablement assister le travailleur dans l'exercice de
ses droits?
Cette fonction de formateur du représentant à la
prévention ou du délégué de chantier est
peut-être implicite dans la fonction d'assister le travailleur dans
l'exercice de ses droits, mais, pour enlever toute ambiguïté, il y
aurait avantage à le préciser.
Le service de prévention régional pourrait participer
à la formation des représentants à la prévention
des entreprises non syndiquées, ou encore des entreprises où il
n'y a pas d'association sectorielle paritaire, et les assister dans
l'élaboration et la réalisation des programmes de formation
à l'intention des travailleurs de leur entreprise. Si tel est
l'élargissement de la fonction du délégué de
chantier, il y aurait lieu de réviser le temps que ce dernier consacre
à ses fonctions, selon la Loi sur les relations de travail dans
l'industrie de la construction, car ce dernier continue de jouer son rôle
en vertu de cette loi, c'est-à-dire l'application du décret, et
il cumulerait de plus les fonctions de délégué de
chantier, en vertu du projet de loi no 17, et la fonction de formation et
d'information des travailleurs de la construction. Son association syndicale
assurerait, à ce moment-là, la formation du
délégué de chantier, sa supervision dans la formation des
travailleurs et l'évaluation des programmes de formation s'adressant aux
travailleurs de la construction.
Voilà, messieurs les membres de la commission, en bref, les
éléments que je jugeais les plus fondamentaux dans le
mémoire que j'ai déposé à cette commission
parlementaire. J'ose espérer que ces représentations n'auront pas
été vaines et qu'avant janvier 1980 je pourrai prendre
connaissance des modifications et précisions qui auront pu avoir
été apportées au programme de formation et d'information
en vue de lui accorder l'importance qui lui revient dans la mise en place et le
bon fonctionnement des mécanismes de prise en charge par le milieu de
travail.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Moris-set. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, M. Morisset, je voudrais tout
d'abord m'excuser de mes absences occasionnelles depuis le début de nos
travaux, ce matin. Il y a des journées comme cela. Je pense bien qu'on
comprendra, en écoutant les nouvelles en fin de journée, en
lisant les journaux demain matin, que c'est une journée un peu
spéciale. En plus, je tiens à vous dire que j'ai pris
attentivement connaissance de votre mémoire, je l'ai regardé de
très près.
Cela dit, je n'ai pas l'intention de tout relever, il y a des
recommandations dans votre mémoire... je pense que vous mettez le doigt
sur des failles de rédaction sur lesquelles il faudra qu'on revienne, on
va regarder ça. Vous semblez indiquer ce sera mon premier
commentaire que le projet de loi ne précise pas les objectifs du
programme de formation et d'information, c'est-à-dire de viser toujours
cette perspective de l'objectif fondamental de l'économie
générale de la loi qui visait à éliminer à
la source les causes même d'accidents et de maladies. Je ne sais pas si
les articles 48, l'introduction, le deuxième paragraphe, le
deuxième paragraphe de l'article 63, les articles 64, 76, 129, aussi...
Enfin, il y a un certain nombre d'articles qui me semblent je
l'espère, en tout cas, si ce n'est pas clair et pas suffisant, on va y
voir en cours de révision du projet... le but ultime des programmes de
formation et d'information doivent être accrochés à
l'objectif ultime, c'est-à-dire de viser l'élimination à
la source des causes d'accidents et de maladies.
Quant à votre recommandation concernant le deuxième
paragraphe de l'article 76, il est possible que vous ayez raison et qu'on doive
le réviser pour s'assurer... en tout cas, être certain que
l'association sectorielle puisse faire de la formation et non pas seulement
établir des programmes types.
Une chose qui m'a frappé également je la signale au
passage parmi d'autres en ce qui concerne les chantiers de construction,
il est possible qu'il y ait une interprétation de l'article 81 qui
pourrait nous amener à conclure que les services de santé ne sont
pas prévus pour ce secteur. On va regarder ça de très
près, parce qu'il est hors de question que ce soit le cas. C'est
évident qu'ils doivent être couverts aussi.
Quant à l'évaluation, qui est une des dimensions que vous
avez abordées, la formation et l'information faisant partie d'un
programme au sens large de prévention, tel que défini à
l'article 48, notamment, sera donc forcément évaluée en
même temps qu'on devra, de façon périodique,
procéder à l'évaluation de l'ensemble du programme de
prévention.
Il y a une dernière chose que je voudrais ajouter. C'est
celle-ci: vous avez insisté vous n'êtes pas le premier
à le faire devant nous, et je pense que c'est plus que légitime,
vous avez parfaitement raison sur cette idée d'une
régionalisation des services de la commission, s'assurer qu'elle est
présente en région. On a eu l'occasion d'y revenir en abordant,
en particulier, la question de l'inspection, mais plus globalement aussi,
l'ensemble des opérations de la commission. Je peux vous assurer que,
tant et aussi longtemps que j'aurai un mot à dire dans ce dossier, c'est
l'intention arrêtée de s'assurer que les services de cette
commission seront pleinement et totalement régionalisés, parce
que c'est la seule façon d'arriver à coller au maximum à
la réalité et de s'assurer que les services les plus
élémentaires, de base, soient accessibles et présents dans
le milieu.
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires que je
voulais formuler à la suite de l'exposé de M. Morisset et je
voulais, en terminant, le remercier, parce qu'il est un des seuls qui a mis le
doigt sur un certain nombre d'éléments qui, peut-être oui,
sont des failles de rédaction et qu'on va regarder de très
près. Je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): M. Morisset.
M. Morisset: M. le ministre s'est absenté, probablement
à juste titre, mais il y a quand même un élément sur
la question de l'évaluation du programme de formation et d'information
que j'ai soulevé au cours de l'exposé qui n'était pas dans
la lecture du mémoire, c'est le fait que les programmes de formation et
d'information qui s'adressent aux travailleurs doivent les rendre aptes
à exercer leurs droits, à connaître leurs obligations,
à exercer d'autres fonctions qui peuvent être amenées
à jouer... et, avec toutes les connaissances et le minimum de
savoir-faire que cela présuppose. J'ai dit cela dans mon exposé.
Le programme de prévention demeure sous la responsabilité d'un
employeur quant à sa mise en application et la question que je
soulève est celle-ci: est-ce que l'employeur peut former un travailleur
pour lui dire quand exercer son droit de refus?
M. Marois: C'est pour ça...
M. Morisset: C'est à partir... Excusez...
M. Marois: Oui.
M. Morisset: C'est à partir de ça que je
prévoyais... J'accorde à l'employeur la possibilité
d'informer le travailleur et l'obligation de la part de l'employeur d'informer
ses travailleurs concernant les risques et donner une formation pour des
méthodes de travail sécuritaire, mais qu'à partir du
moment où il y a de la formation qui doit être acquise pour
l'exercice des droits, des obligations et d'autres fonctions, je ne crois pas
que ça puisse relever de l'employeur et que l'évaluation du
programme de prévention puisse, à ce moment-là,
évaluer d'autres facettes du programme de formation que celui que
l'employeur est appelé à donner.
M. Marois: C'est pour ça... Vous avez parfaitement raison.
C'est pour ça qu'en plus des programmes de formation, qu'ils soient
nationaux, sectoriels, à la base ou régionaux, prévus et
qui devront être conçus sur une base paritaire, qu'il est
prévu aussi si ma mémoire est bonne, ce sont les articles
78 et 79 du projet de loi que des fonds, des ressources
financières seront mises à la disposition, notamment, des
associations de travailleurs pour faire en sorte de leur donner les moyens et
le soutien financiers, leur permettant, eux-mêmes, de développer
leurs propres programmes d'information et de formation visant non seulement
à communiquer l'information qui deviendrait enfin disponible, par
exemple, sur les produits dangereux et les "contaminants" qui sont
utilisés en entreprises ou dans les procédés de
fabrication, mais, en plus, sur les droits qu'ils ont, sur la protection qu'ils
ont quand ils exercent ces droits, parce que c'est une chose essentielle. C'est
beau de reconnaître des droits; c'est important de s'assurer, en
conséquence, qu'ils sont connus, et c'est important aussi de
démystifier l'espèce de crainte psychologique, dans certains cas,
de l'exercice de ces droits, les craintes de représailles qui sont
attachées à une longue tradition de mesures disciplinaires ou de
représailles. Là-dessus, vous avez parfaitement raison. (12 h
45)
M. Morisset: Je voudrais d'abord remercier aussi pour un autre
point que vous avez soulevé, c'est-à-dire la
régionalisation des différents services de la commission.
J'apprends qu'en plus des services d'inspection, des services de formation et
d'information probablement seront réalisés, de même que les
services d'hygiène industrielle. Je suis heureux de l'entendre.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Vous me permettrez quelques commentaires concernant
les déplacements de plus en plus fréquents du ministre
d'État au développement social. Je voudrais, au nom de mes
collègues de la commission parlementaire, le remercier de sa belle
participation aux travaux de notre commission et le cas échéant,
si cela devait être le cas, lui souhaiter bonne chance dans ses nouvelles
fonctions.
M. Pagé: On consulte toujours l'Opposition et on a
jugé bon de le garder.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervention.
M. Marois: Vous allez peut-être être pris pour
m'endurer encore un bon bout de temps, peut-être pas mal plus longtemps
que vous pouvez le penser.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie au nom de la
commission pour votre collaboration aux travaux de cette commission. J'invite
maintenant le dernier groupe, soit le Comité des travailleurs
accidentés de l'Outaouais Inc.
Comité des travailleurs accidentés de
l'Outaouais
M. Ménard (Louis): M. le Président de la
commission, de la façon dont nous comptons procéder au nom du
Comité des travailleurs accidents de l'Outaouais Inc., c'est que chaque
membre du comité va présenter un aspect de nos recommandations.
J'invite le président du Comité des travailleurs
accidentés Inc., M. Laurin, à entamer le pas dans le cadre des
présentations.
M. Laurin (Richard): M. le Président, MM. les ministres,
au nom de tous les membres du Comité des travailleurs accidentés
de l'Outaouais Inc., nous remercions les responsables de cette commission
parlementaire, particulièrement le ministre d'État au
développement social, M. Pierre Marois, de bien vouloir entendre nos
recommandations relativement au projet de loi no 17, santé et
sécurité au travail.
Le présent document vient compléter...
Le Président (M. Dussault): M. Laurin, si vous le
permettez auparavant, puisqu'on a été un peu pris par d'autres
questions qui sont dans l'air, est-ce que vous pourriez identifier les gens qui
vous accompagnent?
M. Laurin (Richard): II y a M. Bonin, M. Desjardins, M. Leblanc,
M. Cadotte, M. Bourque et M. Ménard.
Le Président (M. Dussault): Je vous prierais, compte tenu
du nombre de pages de votre mémoire, de le résumer autant que
possible, de façon à ce que l'on puisse faire tout cela en dedans
de vingt minutes.
M. Laurin (Richard): Nous appuyons le présent gouvernement
pour son initiative de proposer une loi sur la santé et la
sécurité au travail. Cependant, nous estimons que l'ensemble des
droits, tel que rédigés au projet de loi, visant à assurer
la santé, la sécurité, l'intégrité physique
des travailleurs, ne pourront pratiquement pas être exercés par
l'ensemble des travailleurs, particulièrement les travailleurs non
syndiqués.
Nous ne pouvons faire payer de leur santé le fait que des
travailleurs ne soient pas syndiqués. Par conséquent, il importe
de prévoir une loi beaucoup plus à la portée de tous les
travailleurs. De plus, l'effort du gouvernement dans une législation sur
la santé et la sécurité au travail devrait comprendre non
seulement la prévention, mais aussi l'indemnisation et la
réhabilitation de ces travailleurs.
M. Desjardins: M. le Président, M. le ministre. MM. les
députés. Comme le travailleur, et pour les travailleurs de
l'Outaouais, concernant le droit de reprendre le travail dans le but de
permettre une véritable intégration des travailleurs et
d'éviter toute dégradation socio-économique, nous estimons
que la loi sur la santé et la sécurité devrait
prévoir le droit à un travailleur de reprendre son emploi
après son établissement, avec les mêmes avantages qu'il
avait avant son accident ou sa maladie de travail.
Est-ce que je vais lire le texte au complet avant de... Excusez-moi,
mais je ne suis pas un diplomate ni... Je vais parler comme travailleur,
ça fait 25 ans que je suis à l'ouvrage. À l'âge que
j'ai...
Une voix: ... On comprend ça.
M. Desjardins: D'accord! La loi devrait couvrir les deux
situations qui font suite à un accident du travail: a-
Rétablissement complet: Une fois que l'état de santé de
l'accidenté est reconnu par son
médecin traitant comme étant normal, ce salarié
peut réintégrer ses fonctions pour le même employeur, sans
devoir encourir une perte de salaire. Si l'employeur refuse de reprendre
l'accidenté, il devrait verser son salaire normal au salarié; b-
Rétablissement partiel: Si l'accident du travail laisse une
incapacité partielle permanente qui empêche, d'après son
médecin traitant, l'accidenté d'accomplir la même fonction
qu'auparavant, son employeur doit lui fournir un emploi approprié
à sa condition, sans aucune perte de salaire et avec les mêmes
bénéfices. Si l'employeur ne peut pas fournir un tel emploi
à l'accidenté, la responsabilité de maintenir son salaire
intégralement et de lui trouver un emploi approprié ailleurs,
revient à la CAT.
Je m'explique: Quand un travailleur arrive à la compagnie,
accidenté de façon assez grave pour ne pas pouvoir travailler,
que font-ils? Ils l'envoient soit à la Régie de
l'assurance-maladie ou à la CAT... Ensuite le cas est retourné
à la CAT qui le retourne à un autre médecin et ainsi de
suite. On devient tanné de ça parce que vraiment c'est le gros
trouble qu'on a. J'en ai des preuves, étant travailleur depuis 24 ans et
onze mois, à la même place. Je pense que mon devoir de citoyen
pour la compagnie est... C'est tout pour moi.
M. Gauthier (Yvon): Le point no 2 de notre programme c'est pour
assurer à tous les travailleurs l'exercice du droit de participer
à l'élaboration et au contrôle des moyens de
prévention au travail. Ce que nous voulons, c'est que ce programme
couvre tous les travailleurs et non seulement un petit groupe. À cette
instance, nous formons les recommandations suivantes: Premièrement,
regardant les comités de la santé et sécurité, que
l'article 56 du projet de loi soit amendé de manière à
rendre obligatoire pour tous les établissements la mise sur pied d'un
comité de sécurité et santé au travail.
Ce que nous voulons dire par ceci, c'est que quelle que soit l'ampleur
de l'établissement, qu'il y ait 20 employés, 200 ou deux ou
trois, que le comité devrait être obligatoire. C'est pour
protéger non seulement ceux qui sont syndiqués... Le gros
problème avec les accidents du travail est dans le domaine des
non-syndiqués. Donc, c'est dans ce domaine-là aussi qu'il faut
bûcher dans le tas.
Le deuxième point serait que l'article 63 du projet de loi soit
amendé de façon à accorder au comité de la
santé et sécurité, le pouvoir d'élaborer le
programme de prévention dans son établissement. Le projet de loi
accorde certains droits aux membres de ce comité, de faire des
recommandations, etc. Mais faire des recommandations seulement auprès de
l'employeur, cela ne veut pas dire que ce sera appliqué. Ce qu'on
demande, c'est que ce comité ait un pouvoir réel pour participer
au programme d'élaboration pour la prévention des accidents.
Troisièmement, on ajoute, dans les obligations
générales de l'employeur prévues à l'article 40,
celle de respecter le programme de prévention élaboré par
le comité de santé et sécurité de
l'établissement, donc, de faire fonctionner ce comité, lui donner
une couverture dans la loi qui lui donne l'autorité de faire appliquer
les règles ou le programme.
Quels seraient les pouvoirs des représentants à la
prévention? Nous proposons d'ajouter à l'alinéa 1 de
l'article 69 du projet de loi la phrase suivante: "et d'obliger l'employeur
à corriger dans les meilleurs délais toute situation dangereuse
pouvant porter atteinte à la santé et à la
sécurité des travailleurs." Il est acquis que l'employeur ne fera
pas de démarche pour prévenir un accident à moins que
quelque chose se soit produit auparavant; il va attendre en dernière
instance.
Nous voulons parler du choix du représentant. Nous proposons de
modifier l'article 67 afin de permettre qu'un travailleur accidenté
puisse être choisi comme représentant à la
prévention. Ce que nous voulons dire, c'est qu'un homme averti en vaut
deux. Un accidenté a déjà passé à travers...
Ce qui peut arriver, moi-même j'ai déjà eu un accident et
avant que ça m'arrive, je me disais: Cela ne peut pas m'arriver. Quand
c'est arrivé, j'étais l'homme le plus surpris au monde. Si on
prend un accidenté, il est plus conscient. Deuxièmement,
peut-être qu'on pourrait choisir prioritairement un accidenté qui
ne peut plus reprendre son travail habituel à cause d'une
infirmité partielle ou quelque chose du genre. Ces personnes qui
feraient partie du comité, il faudrait leur donner une formation
adéquate pour qu'elles puissent remplir leur tâche
convenablement.
Ensuite, nous demandons le droit à l'information. Que tous les
travailleurs, quels qu'ils soient, dans quelque entreprise qu'ils soient,
quelle qu'en soit l'ampleur, qu'ils soient syndiqués ou non, aient droit
à l'information. Afin que le droit à l'information soit vraiment
accessible à tous les travailleurs, nous proposons que l'article 80 du
projet de loi accorde à la commission de santé et de
sécurité, comme on a à l'Office de la protection du
consommateur, le pouvoir de subventionner tout groupe à but non lucratif
qui a pour objet principal la défense et la promotion des droits
à la santé et sécurité au travail.
M. Laurin (Richard): Nous croyons que la question de
l'indemnisation qui constitue sûrement une des préoccupations du
gouvernement doit être abordée dans cette loi, d'autant plus que
la commission de santé et de sécurité qui est
proposée aura la tâche d'administrer ce régime et qu'elle
remplacera l'actuelle Commission des accidents du travail. Nous demandons donc,
à ce sujet, que la loi garantisse à chaque travailleur
accidenté ou atteint d'une maladie professionnelle 100% de son salaire
régulier, que ses indemnités soient automatiquement
ajustées au taux de salaire que le travailleur accidenté aurait
reçu s'il était toujours à son travail. Une politique de
la santé et de la sécurité étant à la fois
prévention et réparation, elle doit être
complétée par un système d'indemnisation qui empêche
toute dégradation socio-économique causée par un accident
du travail ou une maladie professionnelle.
Je crois que toute personne qui a eu un accident, comme nous en sommes
des victimes, sait qu'un accident, c'est une punition, en partant. Souvent, on
sort avec des morceaux en moins, on retourne au travail et c'est une adaptation
nouvelle et, en plus, on est coupé du côté salaire.
Présentement, les chirurgiens qu'on a font de la réparation. (13
heures)
M. Bourque (Gilles): Nous demandons que le droit de cesser un
travail dangereux devienne un droit collectif et que son exercice soit
conditionnel à l'existence d'un motif, et non pas d'un motif
raisonnable. Par expérience, on peut dire que pour le patron le motif
est raisonnable seulement quand il a déjà provoqué un
accident avec ou sans blessures. Face au chantage des pénalités
de toutes sortes, quel travailleur va jouer au martyr et accepter de refuser un
travail risquant ainsi de perdre sa "job" ou son revenu? Le recours collectif
est nécessaire aux fins de la défense et de la protection des
droits des travailleurs, n'étant pas les seuls à refuser le
travail, ayant le soutien soit du syndicat, soit d'autres personnes à
l'intérieur de l'usine.
En conséquence, l'article 11 devrait se lire comme suit: Un
travailleur ou son représentant, en son nom, a le droit de refuser
d'exécuter un travail, s'il a des motifs de croire que
l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa
santé, sa sécurité ou son intégrité physique
et psychique, ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un
semblable danger. Évidemment, aucune sanction ne devrait pouvoir
être exercée suite à l'exercice de ce droit de refus. Il
faut assurer à tous les travailleurs le libre exercice de leurs droits
sans contraintes ni pénalités.
Tel que rédigé, l'article 12 permettrait à
plusieurs employeurs de faire indûment échec au droit de refus.
Pour enlever toute ambiguïté, le gouvernement devrait
prévoir que les fonctions qui comportant normalement et habituellement
des risques seront déterminées par règlement, car il faut
s'attaquer aux mauvaises conditions de travail à leur source et
éliminer tout risque soi-disant normal à l'exception de
quelques-uns déterminés par règlement.
M. Cadotte (Paul): Au sujet des médecins, plusieurs des
recommandations formulées par le mémoire du comité sont
satisfaites en totalité ou en partie par le projet de loi. Cependant,
les trois points suivants y sont malheureusement absents et nous
réclamons leur adoption: Le droit au médecin de son choix,
paragraphe a). La Loi sur la santé et la sécurité du
travail devrait reconnaître clairement que tout travailleur a droit au
médecin traitant de son choix et que les rapports médicaux de
celui-ci servent de référence unique pour le paiement,
l'indemnité et la fixation du taux d'incapacité sans que la
Commission des accidents du travail ne puisse les contester.
La Commission des accidents du travail devrait s'en tenir strictement
à l'aspect factuel d'un accident du travail et ceci pour deux motifs:
premièrement, contester un rapport médical, c'est douter de
l'honnêteté et de la compétence d'un médecin. Or,
nous croyons, comme c'est le cas pour les autres corporations professionnelles,
qu'il revient à l'organisme chargé de contrôler l'exercice
de cette profession de sévir s'il y a lieu.
Deuxièmement, l'indemnisation relève, malgré les
limites imposées par la Loi sur les accidents du travail, de la
responsabilité civile et, en ce domaine, il ne revient pas au juge de
contester une demande. Or, la CAT, en contestant un rapport médical,
agit comme juge et partie à la fois. Le travailleur accidenté a
déjà assez de difficulté à repousser les
contestations de l'employeur sans y ajouter celles de la CAT.
La présence de personnel médical. Afin d'assurer la
présence d'un personnel médical permanent dans un plus grand
nombre d'établissements, nous proposons l'adoption du texte qui suit:
Lorsque, dans un établissement, le nombre de travailleurs, la nature du
travail ou le niveau de risques le justifie, la commission doit prévoir
l'affectation obligatoire de personnel médical permanent. Quant au
personnel médical de l'établissement, les articles 63 et 85 du
projet devraient être amendés de manière à inclure
tout le personnel médical d'un établissement comme étant
nommé par le comité de santé et de sécurité
et rémunéré par l'assurance-maladie du Québec, ceci
afin de garantir une totale impartialité et honnêteté de
tout ce personnel, surtout quand le médecin responsable n'est pas
assigné à l'établissement.
Je m'excuse, non pas de l'instruction que j'ai, non pas de parler en
public, je n'ai jamais parlé en public, mais il y a une chose qui me
touche personnellement, de même que plusieurs accidentés du
travail, c'est la question du médecin.
Dans mon cas, je suis suffisamment accidenté. Mon médecin
traitant, mon spécialiste, c'est fini, mon affaire. Il me dit: II n'y a
pas de retour au travail. Correct, la commission va nous payer un certain
montant de temps. Ensuite, il nous envoie au spécialiste de la
commission, s'il est un médecin spécialisé. Moi, c'est le
coeur.
De là, ce spécialiste te sort un rapport médical
disant qu'il n'y a rien à faire dans ton cas. Ils vont te donner un 10%,
un 5% ou un 20%. En ce qui concerne le retour au travail, ton médecin
traitant dit qu'il n'en est pas question, parce que tu as de la misère
à te tenir debout.
Ce que tout accidenté n'aime pas c'est de se faire garrocher
d'une place à l'autre et que deux médecins
spécialisés dans ton cas disent: Tu ne bouges pas de là.
Tu n'es pas capable; en réalité on n'est pas capable. Un des
spécialistes de la commission va décider: Dans ton cas, tu vas
travailler. Meurs, fais ce que tu voudras, va travailler.
On retourne au travail. Celui qui nous engage dit: Ici, ce n'est pas
hôpital, si tu n'es pas capable de faire ton travail, va-t-en chez vous,
on n'a pas besoin de toi. On s'en retourne chez nous et le médecin de la
commission... là on n'a plus de prestations qui entrent. On n'a plus
rien. Là, on
vient près de perdre tout ce qui nous reste: le petit brin qu'on
a accumulé toute notre vie. Moi, j'ai travaillé 35 ans et,
aujourd'hui, je suis en train de perdre ma maison et je ne pourrai jamais en
avoir une autre à cause d'une décision d'un médecin de la
commission. Je ne le méprise pas, mais je ne sais pas sur quoi il se
base, par exemple, pour nous donner ces traitements. C'est cela qu'on voudrait
qui entre dans ce projet de loi, que le médecin traitant ait la force de
le dire.
Aujourd'hui, les médecins ne veulent plus voir de cas de CAT. Si
on mentionne CAT, ils ne veulent rien savoir de cela. C'est un problème.
On est dans un problème grave.
M. Laurin (Richard): Dans le contexte actuel, je crois tout
simplement que les rapports médicaux de nos médecins, c'est de la
bouillie pour les chats, puisqu'on les accepte si on veut, et on les rejette
aussi vite. Donc, s'il n'y a pas un amendement à la loi à cet
effet... ce n'est pas mêlant, nos médecins sont des marionnettes.
C'est la manière que je le vois.
M. Cadotte: Si on prend deux spécialistes... Je parle de
moi-même, personnellement. Je trempe là-dedans depuis six ans. Je
n'ai jamais été malade de ma vie. On a toujours payé des
impôts comme n'importe qui. On a toujours travaillé. Si on est
accidenté, c'est parce qu'on a travaillé. On se demande où
on s'en va avec cela? On ne le sait plus.
Ils nous traitent de paresseux, de ce qu'on veut, quand on a de la
misère à se tenir debout. J'ai de la misère à me
tenir debout aujourd'hui pendant que je vous parle.
On demande à la commission de faire quelque chose de ce
côté-là. Je ne suis pas le seul. Tout accidenté du
Québec qui a fait affaire avec la CAT, qui est pris dans le même
pétrin que moi, va dire la même chose. Ils nous garrochent de Hull
à Montréal et de Montréal à Hull et
également à Québec. Cela n'a pas de bon sens. Cela
coûte une fortune. Si je vous disais que dans six ans, cela fait 52
médecins que je vois à l'Institut de cardiologie, le
Sacré-Coeur de Montréal, le Sacré-Coeur de Hull, le
Général d'Ottawa. On est garroché, c'est une affaire
terrible.
Ils nous prennent pour les déchets de la société.
C'est de valeur, parce qu'on a payé des taxes nous aussi et on a
travaillé pour bâtir la province. On est dans cette position
aujourd'hui. C'est pour cela qu'on demande qu'on fasse quelque chose avec la
loi 17. C'est important, parce qu'il y a un coin de la province qui va devenir
une province d'invalides avant dix ans, de la manière qu'on nous
traite.
Je ne suis pas le seul à penser cela. C'est tout pour moi.
M. Bonin: Le recours de l'article 189 et les travailleurs non
syndiqués. Afin que le recours prévu à l'article 189 du
projet de loi soit un peu plus à la portée de tous les
travailleurs, nous proposons ce qui suit: a) que le délai de quinze
jours pour soumettre une plainte au commissaire général du
travail soit étendu à 30 jours, b) que la Loi des normes de
travail soit amendée de manière à obliger l'employeur qui
congédie ou suspend un salarié à lui remettre en
même temps que son dernier bulletin de paie, une copie intégrale
de l'article 189 du projet de loi 17.
M. Laurin (Richard): Ceci, je crois, M. le ministre et M. le
Président, n'est qu'une petite manière peut-être d'essayer
de corriger une lacune à savoir que le travailleur non syndiqué
n'a aucune protection. Le travailleur non syndiqué se retrouve tout
seul. Premièrement, les trois quarts des travailleurs ne connaissent pas
les lois. Cela, c'est reconnu. Donc, le gars est congédié parce
qu'il a posé un acte pour sa santé et sa sécurité.
On lui donne son "slip" de paie et "that's it", va-t-en c'est fini! Là,
on demande au gouvernement, en l'occurrence, de lui remettre un papier
l'avisant qu'il a droit à un tel recours. Ceci, je crois, est juste et
normal.
M. Bourque: En vertu de l'article 281 du projet de loi, il est
prévu que la commission sera substituée à la Commission
des accidents du travail du Québec. Les membres du Comité des
travailleurs accidentés de l'Outaouais ont perçu, jusqu'à
maintenant, la Commission des accidents du travail comme un organisme qui agit
de manière arbitraire et représente une source de tracasseries
administratives. Un changement de nom est nettement insuffisant.
La réhabilitation au travail et la réadaptation: Nous
estimons qu'il est urgent que le présent gouvernement intervienne
vigoureusement concernant la réadaptation sociale des travailleurs ayant
été victimes d'un accident ou d'une maladie du travail. Pour bon
nombre de travailleurs accidentés, ce régime ne représente
qu'un appauvrissement graduel. On passe de la CAT à
l'assurance-chômage pour aboutir à l'aide sociale, les employeurs
s'en lavant les mains.
Nous invitons donc le gouvernement à intervenir sur trois aspects
fondamentaux de la réhabilitation actuellement administrée par la
CAT. Instaurer un véritable programme de réhabilitation qui
reconnaîtrait le droit à une réhabilitation pleine et
entière et qui aurait comme double objectif la réinsertion au
travail et l'empêchement de toute dégradation
socio-économique; réglementer le programme de
réhabilitation, de manière à écarter tout l'aspect
arbitraire exercé par la CAT dans l'administration de ce régime;
troisièmement, reconnaître en appel un droit d'appel direct
à la Commission des Affaires sociales sur toute question portant sur le
droit à la réhabilitation d'un travailleur victime d'un accident
du travail ou maladie professionnelle.
Le bureau de révision: La question des délais et autres
embûches devant le bureau de révision préoccupe
également le comité et il doute que la nouvelle commission s'en
tire mieux que la CAT. À plusieurs reprises, dont en février
dernier, le comité a fait valoir ses doléances auprès des
ad-
ministrateurs concernés, y compris le président de la CAT,
mais sans obtenir un redressement significatif. Les réponses prennent
énormément de temps à venir, ainsi que les auditions,
lorsqu'on en tient. Cette lenteur est à un tel point coutume que les
formules utilisées à titre d'accusé de réception
comprennent à l'avance des excuses pour délais, comme en fait foi
la copie de la lettre jointe en annexe. Comme vous pouvez voir, l'accident a eu
lieu en 1960 et on a répondu en 1978. M. Desjardins es ici
présent et peut vous parler de son accident.
Une entente Québec-Ontario: La nouvelle commission sur la
santé et la sécurité devrait avoir comme mandat
spécifique de négocier une entente avec les provinces voisines
afin que les travailleurs résidant au Québec puissent s'adresser
à elle s'ils travaillent hors du Québec. Ce problème est
particulièrement aigu dans la région de l'Outaouais, à
cause du nombre élevé de citoyens québécois qui
doivent gagner leur vie à Ottawa ou dans les environs. Ces derniers
doivent actuellement s'adresser au "Workmen's Compensation Board of Ontario"
où ils sont souvent traités comme des citoyens de seconde classe,
ne pouvant obtenir des services en français et doivent se rendre
jusqu'à Toronto pour faire reconnaître leurs droits. Il est donc
essentiel que la commission effectue les arrangements nécessaires pour
que tout résident du Québec puisse produire sa réclamation
au Québec en cas d'accident du travail.
M. Laurin (Richard): En ce qui a trait au bureau de
révision, moi, j'ai eu une petite aventure. C'était mon premier
voyage à Québec en 1977 et, franchement, il était amer.
J'attendais pour passer devant le comité de médecins et le type
qui est passé devant moi est sorti et j'ai eu la malchance d'entendre
les trois médecins, les trois spécialistes... Ils ont
traité le cas vite fait... On va lui donner 1% et on n'en entendra plus
parler. C'est dommage. J'aurais aimé avoir des témoins pour cette
chose, parce que je l'ai vécue. Quand je suis entré dans le
bureau ensuite, je vous jure que j'étais petit.
Le Président (M. Dussault): Cela termine la
présentation de votre mémoire. Merci. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le
Comité des travailleurs accidentés de l'Outaouais de son
mémoire. Il y a plusieurs choses, plusieurs aspects, plusieurs
dimensions que vous soulevez dans votre mémoire.
D'une part, je voudrais vous dire que c'est vrai que l'idéal
aurait été qu'on ait pu réussir, en même temps,
à préparer toute la réforme qui est celle qui, pour la
première fois, va introduire dans l'ensemble les outils de la
perspective qu'on a de viser à éliminer à la source,
autant que possible, les causes même d'accidents et de maladies et c'est
déjà tout un morceau. On peut le voir par le genre de discussion.
(13 h 15)
Ceux qui ont pu suivre par les media les travaux de la commission
parlementaire, ont pu constater que cela tire dans bon nombre de directions en
même temps. C'est déjà pas un petit morceau. L'idéal
aurait été qu'en même temps on puisse arriver avec ce sur
quoi on travaille, pour aboutir le plus vite possible à l'autre
dimension que vous évoquiez qui est une révision et une
réforme en profondeur du régime actuel d'indemnisation, non
seulement du problème des compensations comme tel, mais également
toute la question que vous avez évoquez, qui est réelle. Il faut
absolument pouvoir trouver une solution à ce problème qui est
celle de ce que j'appelle le ballottage d'un médecin à l'autre,
de la question des expertises médicales, des contestations pardessus les
contestations, et les autres dimensions inhérentes à cela.
Malheureusement, il n'a pas été possible de tout faire en
même temps. Ce que je peux vous dire à nouveau, comme j'ai eu
l'occasion de l'évoquer une fois, en cours de route des travaux de cette
commission, on espère pouvoir aboutir, dans les meilleurs délais
possible, à une révision en profondeur du régime
d'indemnisation. Et il faut qu'on y arrive, pour toutes sortes de raisons que
vous avez mentionnées et pour une autre raison. On a des morceaux. Il y
a la loi 52 qui en est un, il y a la Loi des accidents du travail qui en est un
autre. C'est basé sur une philosophie des choses. On compense pour une
perte d'intégrité physique, avec, dans certains cas, des
résultats que vous avez évoqués, soit des gens qui,
à un moment donné, se retrouvent pour reprendre votre expression,
passant de l'assurance-chômage à l'aide sociale, alors que des
gens veulent... Cela rejoint un autre élément, je vais y
revenir.
Ce n'est pas vrai que la majorité des hommes et des femmes du
Québec veulent vivre dans un état de dépendance. Ils
veulent contribuer à construire, à la mesure de leurs moyens,
leur coin local ou régional de pays. Je crois profondément
à cela. Il y a des exceptions à cette règle; il y en aura
toujours, des exceptions.
Deuxièmement, il y a en plus le régime d'indemnisation de
l'assurance-automobile qui a été une grosse réforme. Il
est basé sur une philosophie bien différente, une philosophie de
remplacement du revenu perdu. Je ne vois pas pourquoi, dans l'étude,
dans l'examen des hypothèses d'un réaménagement des
régimes d'indemnisation, je ne vois pas pourquoi on ne regarderait pas
très attentivement une des choses que vous demandez, qui serait de faire
en sorte que si on va vers une philosophie de remplacement du revenu, qu'on
remplace le revenu à 100%. Cela ferait un revenu brut à 100% qui
serait imposé comme n'importe quel autre revenu. En d'autres termes, que
cela ne modifie pas la situation de revenu.
Cela étant dit, deuxièmement, vous avez
évoqué la question de la réadaptation. Vous avez raison
d'insister là-dessus. Une petite expérience, née sur un
laps de temps court, relativement récent, dans la région de
Québec, nous aura, j'espère, démontré que ce que
bien des gens pensaient impossible est possible. Un seul homme
qui était affecté à la CAT, un seul homme, avec une
équipe qui était plus ou moins motivée, vient de
réussir. Quand tu regardes cela, tu as l'impression qu'ils ont fait des
miracles en peu de temps. Ce n'est pas vrai. Ils ont fait une job qui aurait
dû être faite depuis longtemps.
Partant de cette expérience et cela ne suppose pas des
amendements à la loi, cela suppose une volonté d'y arriver et de
le faire peut-être que cela supposera des ajustements dans le
cadre de la révision de la réforme sur l'indemnisation, mais
enfin, il y a moyen de pousser là-dessus.
Quant à ce que vous évoquez sur les bureaux de
révision, c'est vrai qu'il y a de sérieux problèmes de
fonctionnement avec les bureaux de révision. Encore là, il n'y a
pas besoin de modifications à la loi, il y a besoin tout simplement
d'une volonté pour y arriver. Vous pouvez être sûr que mon
collègue qui est responsable de la Commission des accidents du travail,
le ministre du Travail, est conscient de cela. Je peux vous assurer que c'est
son intention arrêtée de pousser pour faire en sorte qu'il y ait
des modifications qui soient apportées. Déjà, il y a des
expériences qui sont tentées dans la région de
Montréal, de même que sur la rive sud de Montréal. Je
comprends que vous avez choisi un bon exemple par les cas que vous citez. Mais,
de toute façon, les faits sont là pour prouver qu'il y a des
attentes qui sont absolument inacceptables et il faut que cela change.
Là-dessus, je ne peux pas faire autrement que d'endosser et vous dire
que dans la mesure où j'ai un mot à dire là-dessus, et que
je pourrai pousser, je vais pousser.
Cela étant dit, je n'ai pas le temps de reprendre en
détail toutes et chacune des recommandations de votre mémoire.
Soyez assurés qu'elles vont être examinées très
attentivement.
Il y a une chose que vous suggérez parce que vous vous
préoccupez beaucoup des travailleurs qui ne sont pas syndiqués.
Vous avez parfaitement raison, parce qu'il y a 35% des hommes et des femmes qui
sont syndiqués au Québec. Dans le secteur privé, il y en a
à peine 22%. Donc, la grande majorité ne l'est pas. C'est beau de
reconnaître des droits, mais il faut s'assurer que les travailleurs
soient capables de les exercer, que ce soit opérationnel et qu'ils aient
la protection voulue, qu'ils le sachent et qu'ils connaissent ces droits. C'est
vrai, comme vous l'évoquiez, que tu ne te promènes pas avec le
char de lois dans tes poches tous les jours pour en prendre connaissance. Donc,
il faut des moyens d'information.
Je vais regarder très attentivement votre suggestion concernant
le représentant à la prévention, pour que cela puisse
être un accidenté du travail. Je ne vois pas pourquoi ça ne
se ferait pas. On va regarder le projet de loi sur la base de la suggestion que
vous formulez, pour s'assurer que ce soit possible de le faire.
Il y a aussi votre suggestion quant à un soutien financier
à des groupes sans but lucratif, à des fins d'information et de
formation. On va regarder cela au mérite également. Vous avez
fait l'analogie avec la protection du consommateur. Je pense que cela
mérite d'être regardé de près.
Il y a deux suggestions intéressantes concernant les recours des
non-syndiqués, en particulier, l'idée de l'avis. C'est pourtant
tellement simple qu'on aurait dû y penser. Sachez qu'on apprécie
que vous l'ayez formulée. Je trouve que c'est simple, mais cela
permettrait peut-être aussi d'accrocher à cet avis l'indication
des droits que tu as, des protections que tu as, les recours possibles, etc. Je
pense qu'il y a là des suggestions qui sont plus
qu'intéressantes.
Quant au problème Québec-Ontario et à la
nécessité de voir à négocier des ententes, ce n'est
pas toujours facile de négocier des ententes de
réciprocité. Ce n'est pas une raison pour ne pas regarder cela au
mérite.
M. le Président, je m'excuse d'avoir abusé du temps, pour
les quelques commentaires-remarques que je voulais faire. Je tiens à
remercier le Comité des travailleurs accidentés de l'Outaouais de
son mémoire. Encore une fois, il y a des points sur lesquels, concernant
directement le projet de loi 17, il y a un certain nombre de points qui sont
abordés pour la première fois, avec des suggestions qui sont
pertinentes et qui sont intéressantes, et qui méritent
d'être étudiées très attentivement. Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier les représentants du Comité des travailleurs
accidentés de l'Outaouais. Je pense que votre seule constitution en
comité, comme c'est le cas dans plusieurs autres régions du
Québec, en particulier dans mon comté, c'est le Mouvement d'aide
aux accidentés du travail, la seule obligation que des gens, en plus
d'avoir des problèmes d'accidents du travail et des problèmes
avec la commission se sentent et avec, tout le système juridique et
légal dans lequel on a à oeuvrer, le seul fait qu'ils soient
obligés de se regrouper en association témoigne
déjà, par le fait même c'est presque implicite
que cela ne va pas toujours pour le mieux avec les mécanismes et
les dispositions établies au niveau de l'indemnisation et la relation
qu'il y a entre le gouvernement et l'usager.
Je vais faire très brièvement moi aussi. Je voudrais
ajouter ma voix à celle du ministre, à l'égard de
plusieurs choses que vous avez voulu mettre en relief ce matin. Vous avez
parlé beaucoup de la réinsertion, de la réadaptation.
C'est un élément qui est important. Je pense que nous sommes
rendus à une maturité politique, à une évolution
politique, dans nos politiques, qu'on se doit de déborder le cadre de
l'indemnisation pure et simple. Dans ce sens-là, j'étais heureux,
dans les travaux de la commission, que le ministre nous dise que la loi 17 est
une étape et que l'étape suivante qui sera nécessaire, ce
sera tous les mécanismes d'indemnisation que cela peut impliquer.
On avait déjà un service limité de
réinsertion sociale dans le milieu du travail, à la Commission
des accidents du travail. Dans une certaine mesure cela a été
concluant, mais cela n'a pas eu, jusqu'à maintenant, l'envergure que
cela devrait avoir. Et si le gouvernement songe à envisager la
possibilité d'une action globale au niveau de la réinsertion
sociale, j'inviterais le ministre, entre autres, à regarder cela non
seulement à l'égard des accidents du travail. J'ai
déjà eu l'occasion de citer en exemple les problèmes que
plusieurs travailleurs du Québec connaissent, entre autres avec la
Régie des rentes du Québec. Vous allez avoir le travailleur
accidenté qui a une maladie. Je donnais souvent l'exemple du camionneur.
Cette personne va se faire dire, à l'âge de 50 ans: Mon vieux, tu
ne peux plus conduire un camion, tes maux de dos sont tels que c'est fini. Pour
ce travailleur, partir à 50 ans et aller se trouver une autre job dans
un contexte d'économie difficile et où cela prend des
diplômes et encore là, même ceux qui ont des
diplômes ont de la difficulté ce gars-là est bien
souvent condamné à des prestations de chômage pour une
vingtaine de semaines et ensuite ce seront les prestations d'aide sociale. Le
gars va s'adresser à la Régie des rentes du Québec et on
va lui dire que notre Loi de Régime de rentes nous dit que pour recevoir
une rente d'invalidité, il faut quasiment que tu sois à peu
près mort, ou pas trop loin du salon funéraire, que tu ne puisses
pas faire aucun autre travail.
J'invite le gouvernement à se pencher là-dessus. Le
ministre d'État au développement social vous disait tantôt:
Je pousserai auprès du ministre du Travail qui est responsable de la
Commission des accidents du travail, pour qu'il étudie ces questions et
que cela aille de l'avant. Je dois vous dire que quant à nous, de
l'Opposition officielle, la façon de pousser dessus, c'est de poser des
questions à l'Assemblée nationale et on va continuer à en
poser, entre autres sur ces aspects et sur l'aspect des comités de
révision.
Les comités de révision, à la Commission des
accidents du travail, cela a été fait à la suite d'une
modification à la loi. Je pense que le législateur était
très bien intentionné quand il a voulu établir un
mécanisme d'appel d'une décision rendue au premier palier.
C'était très bien de permettre aux travailleurs de pouvoir aller
se défendre à un autre niveau.
Mais le problème qu'on a dans le moment et que les travailleurs
ont, la lettre que vous citez en annexe en témoigne, ils sont
embourbés, cela n'a pas d'allure. Cela n'a pas de bon sens; c'est
inacceptable que dans la très grande majorité des cas, il faille
attendre plusieurs mois. Et ce qui est encore plus grave, c'est que dans
certains cas de référence où le type va en appel au Bureau
de révision, bien souvent, ce type-là, son médecin ou son
spécialiste lui dit: Mon vieux, cela te prend telle opération ou
cela te prend tel type de physiothérapie. Et pendant tout le temps que
cela traîne au Bureau de révision, le gars n'a pas de traitement,
bien souvent. Cela contribue, dans certains cas, à empirer la situation
qui prévaut.
C'est peut-être strictement une question de mécanique, et
je ne pense pas que le gouvernement ait à présenter une loi pour
améliorer ce qui se passe dans les bureaux de révision, mais il
faudra peut-être des budgets. C'est peut-être parce que c'est mal
structuré ou je ne sais quoi. Mais il faudra s'y pencher. Et j'invite le
gouvernement à le faire.
Pour les comités de santé, vous avez demandé plus
de pouvoirs. Je dois vous dire que, quant à nous, on est d'accord avec
ça et on espère qu'il y aura des modifications au projet de loi
dans ce sens-là parce qu'il ne faut pas que ce soit strictement des
comités de "parlage" et de "placotage".
Messieurs, merci de votre témoignage de ce matin. C'est un
témoignage vécu. Pour ce qui est de la CAT, messieurs, et de
votre 1%, ce que vous nous dites, moi, c'est ce que je présumais depuis
longtemps. C'est que, malheureusement, actuellement le ministre
d'État au développement social pourrait jeter un coup d'oeil
lui-même, même s'il n'a pas de responsabilité à la
Commission des accidents du travail l'impression que j'ai je peux
me tromper comme député qui rencontre
régulièrement des accidentés, c'est que le
mécanisme d'appel au bureau de révision aurait, jusque dans une
certaine mesure, selon moi, créé un genre de jurisprudence
à la Commission des accidents du travail où les médecins
en mettent moins en se disant: si le gars n'est pas content, il peut aller en
chercher plus au bureau de révision. Si c'est prouvé, si c'est
ça, le débat est complètement faussé et ce n'est
pas dans cet esprit que le gouvernement et le législateur ont
adopté une loi créant un bureau de révision. Ce que
monsieur disait tantôt: On va lui donner 1%, on a une chance sur deux
qu'il aille en révision et on a une chance sur deux qu'il n'y aille pas,
ça, je pense que personne ne veut ça, peu importe du
côté de la Chambre où on se situe.
Merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): Si vous voulez ajouter...
M. Pagé: On va continuer à pousser, mais à
notre façon, parce qu'on n'est pas de ce côté-là,
vous savez.
M. Laurin (Richard): J'ai dit tantôt, je crois, très
clairement, que si la commission ordonnait à la CAT, d'une part,
d'accepter les rapports médicaux des médecins, je crois que ceci
empêcherait beaucoup de cas d'aller en révision, parce que,
présentement, toute évaluation d'un médecin, je crois
qu'elle est contestée et la CAT... On conteste et ça va en
révision. Il y a beaucoup de cas qui vont en révision. Si les
rapports médicaux étaient examinés comme il le faut, je
vous garantis que... On ne prend pas les rapports des médecins, ce n'est
pas mêlant... Si la CAT se met dans la tête de les regarder et
d'accepter les rapports médicaux... Présentement, on n'est pas
supporté par les médecins quand vient le temps d'aller devant la
commission. Pourquoi? Bâtisse! leurs rapports ne sont
même pas acceptés. Donc, leur nom n'est pas bon.
M. Desjardins: Je voudrais ajouter quelque chose à ce que
vient de dire mon collègue. J'ai ici les rapports de 1959, un petit
accident, et les plus grosses ne paraissent presque pas... J'ai les rapports de
1959 à 1979, que j'ai conservés et je n'ai jamais eu un cent
depuis ce temps-là. Ce qu'ils m'ont donné? Ils m'ont fait payer
jusqu'au médecin qu'on m'a envoyé voir à Montréal.
Le médecin m'avait envoyé à l'hôpital à
Montréal, il m'avait fait une ponction lombaire. Ensuite, j'ai
été à peu près deux mois et demi à trois
mois sans marcher. Je n'ai jamais eu d'indemnité d'incapacité, on
ne m'en a jamais donné. C'est un autre accident. Dans 24 ans, tu peux
parfois en avoir deux ou trois. Mais, les preuves sont ici, des
opérations que j'ai eues. En 1978, j'ai eu une opération, il n'y
a pas très longtemps. J'étais allé voir le médecin
et quand je lui ai parlé de la CAT, il n'a jamais voulu la faire. Il a
dit: Je vais t'opérer sous l'assurance-maladie. Ce sont des preuves que
j'ai ici dans mes dossiers et que j'ai gardées depuis ce temps. Ce n'est
pas d'aujourd'hui, depuis 1959, depuis mon accident.
M. Laurin (Richard): Si la CAT acceptait les rapports
médicaux de nos médecins, ce serait réellement un gros
support, premièrement pour nous, travailleurs accidentés, et pour
nous qui représentons les travailleurs accidentés.
Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: M. le Président, je vous remercie. Je m'en
voudrais de ne pas ajouter ma voix ce matin, même si j'ai un peu de
difficulté avec, à celle de mes collègues ici, surtout
à cause du genre de mémoire que vous avez présenté,
d'abord pour vous remercier de l'éclairage un peu particulier que vous
amenez à la commission parlementaire par votre présence et vos
témoignages aujourd'hui, parce que vous apportez le point de vue de ceux
qui sont aux prises avec les problèmes. Cela, c'est une autre
façon de les voir qu'il ne faut pas négliger parce que, dans le
fond, ce qu'on vise avec les changements des lois ou ces choses-là,
c'est d'amener un mieux-être soit au niveau de la protection, soit au
niveau de la réinsertion, au niveau du travail ou au niveau de la
compensation.
Ce que vous nous avez apporté, ce sont des témoignages
concrets, pratiques. En tant que député d'un comté
où il y a pas mal d'industries aussi et, entre autres, de l'amiante, la
ville d'Asbestos, dont vous avez entendu parler pas mal, j'ai eu l'occasion,
depuis sept ans que j'oeuvre en politique, d'avoir des contacts pas mal avec
des gens "poignés" d'une drôle de façon là-dedans.
Je comprends très bien les exemples que vous donnez maintenant. Je
comprends très bien aussi que ce serait peut-être le moment
là-dessus, le ministre pourrait peut-être intervenir auprès
de son collègue responsable de la Commission des accidents du travail,
dans le sens de la philosophie que le ministre a adoptée au début
même des travaux de cette commission parlementaire de repenser un
peu la commission comme telle, dans son approche aussi envers les gens qui sont
touchés, tant au niveau de la commission comme telle et de son attitude,
tant au niveau de la révision, tant au niveau du rôle du
médecin dont vous parliez tout à l'heure, parce que,
là-dessus, on pourrait facilement quant à moi, je pourrais
le faire avec des preuves à l'appui monter un dossier pas mal
complet et faire un plaidoyer assez éloquent sur la façon dont
les gens sont traités. (13 h 30)
II faudrait peut-être, dans ce "repensage" de la commission,
mettre comme principe d'éviter de jouer au yo-yo avec ceux qui ont subi
des accidents du travail parce qu'en plus d'avoir à supporter un
accident du travail, comme c'est le cas de ces gens, comme c'est le cas de
plusieurs gens chez nous, dans Richmond ou ailleurs, par la suite ces gens ont
à faire face aux dangers de la Commission des accidents du travail. En
plus d'avoir le problème de santé et d'accident comme tel, ils
sont pris avec un organisme contre lequel ils ont à lutter. La CAT ne
devient pas un organisme qui les protège et qui les aide dans leur
situation précise, mais ça devient un organisme qui est en
conflit avec eux, comme si elles étaient des coupables à la barre
des accusés de la Commission des accidents du travail, qu'on envoie
souventefois de Caïphe à Pilate, qui ne sont pas payés
durant des mois alors qu'on sait que c'est à ce moment-là que
vous en avez besoin. Quand un accident de travail survient, ce n'est pas six
mois plus tard, quand le gars est rentré au travail... ainsi de
suite.
On a commencé une démarche en régionalisant un peu
les services, je sais que ce n'est pas facile non plus parce que quand on
commence à déplacer toute une machine comme la Commission des
accidents du travail, cela a des implications au point de vue
réorganisation, au point de vue fonctionnement. C'est loin d'être
parfait, c'est un premier pas. Par contre, ce que je veux dire essentiellement
à partir de ces témoignages éloquents, c'est que c'est
vrai ce que ces gens disent, et c'est beaucoup plus vrai parce qu'on pourrait
les étayer avec beaucoup d'autres témoignages, mais on devrait
peut-être profiter de l'occasion pour dire: On veut reformuler la loi,
mais il faut d'abord faire maison nette chez nous, comme le ministre l'a
déjà dit, en regardant ce qu'est la Commission des accidents du
travail et en apportant les correctifs nécessaires.
Le député de Portneuf a parlé tantôt de la
question de l'invalidité et la Régie des rentes. Là aussi,
il y a beaucoup de problèmes, et j'en ai sur mon bureau à presque
toutes les semaines, des gens qui ne sont pas capables de reprendre le travail,
qui sont même déclassés, reconnus invalides par des
compagnies d'assurance privée; d'ha-
bitude, elles ne donnent pas cela pour rien, elle ne me donneront pas si
je les appelle ce matin pour me reconnaître invalide. Ils sont reconnus
par des entreprises privées chez nous, à Asbestos, c'est
la Travelers, avec Johns Manville beaucoup de gens sont reconnus
invalides par la compagnie Travelers, qui sont compensés en ce sens, qui
font leur demande à la Régie des rentes du Québec et on
leur dit: Non, vous n'êtes pas invalide. Même à
l'intérieur de cela, il y a des gens qui sont déclassés
à 10% ou 15% d'amiantose, qui sont hors du marché du travail, les
compagnons de travail se présentent à la Régie des rentes,
il y a des cas où c'est identique à 15%-15% d'amiantose, un est
déclaré invalide et l'autre ne l'est pas.
Quels sont les critères de la Régie des rentes dans ce
sens pour protéger les travailleurs, pour assurer que quelque chose de
normal tienne? Ce sont toutes des questions qu'on a à se poser. Il y a
même quelques cas là-dedans qui traînent depuis quelques
années, qui n'ont pas été rajustés. Il y a des
gens, par exemple, qui ont laissé le marché du travail en 1972 ou
1973 dans les conditions qui existaient à ce moment-là je
connais des cas, actuellement et qui reçoivent $90 par mois pour
vivre. Alors, c'est quoi? Ce sont des cas de bien-être social. Dans cette
évaluation, avec la nouvelle approche qu'on veut prendre, je pense qu'il
y aurait peut-être lieu d'ouvrir l'enveloppe de la Commission des
accidents du travail et de la regarder en même temps avec cette
préoccupation d'amener des changements qui se tiennent dans
l'ensemble.
Dans ce sens, je vous remercie infiniment, cela ne tombe pas dans
l'oreille d'un sourd, vous pouvez en être certain.
Le Président (M. Dussault): Alors, il n'y a pas d'autres
intervenants. Je remercie...
M. Desjardins: M. le Président, j'ai été
à Montréal, une fois, à la commission, et quand je suis
entré, ils m'ont fait voir deux médecins: On n'a plus de dossier,
on ne trouve rien, on ne vous reconnaît plus dans le dossier, on va
t'envoyer passer un autre examen par les infirmières qui étaient
à la commission. Quand je suis sorti de là, pas de
réponse, pas de docteur, rien, va-t-en chez vous. Ce sont des faits
vécus par moi-même et par d'autres travailleurs parce que je ne
parle pas seulement pour moi, je parle pour les autres travailleurs. Cela s'est
fait à la commission, à Montréal.
M. Brochu: Cela ne me surprend pas du tout, j'ai des cas
semblables au vôtre dans mes dossiers où les gens se sont plaints
de choses semblables à cela. C'est dans ce sens que je dis qu'il faut
regarder parce que ce sont des services comme monsieur disait
tantôt qu'on s'est tous payés, vous avez dû payer des
impôts pour avoir cela, dans le fond. Alors, que cela réponde
à nos besoins.
M. Cadotte: II faut avoir bâti de la province pour avoir
trente ans de camionnage, je suis chauffeur de camion dans la province depuis
30 ans; aujourd'hui, il n'y a plus de place pour un gars comme moi, aucune, et
je ne suis pas le seul. On est tous dans le même bateau. J'ai 50 ans,
où est-ce qu'on va à 50 ans avec une quatrième
année? S'il n'en a pas assez entre les deux oreilles pour faire ce
bureau, on a tout dans les bras et rien dans la tête, et on est mal pris
dans la belle province avec toutes ces choses-là. C'est grave, je vous
dis que c'est grave. On souhaite que la commission fasse quelque chose pour
l'accidenté ou pour la prévention des accidents, qu'il n'y en ait
pas de plus jeunes que nous qui tombent dans le même bateau parce que tu
n'en ressors plus, tu es fini. On vous remercie.
Le Président (M. Dussault): Nous avons mis beaucoup de
temps. Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission,
au nom de cette commission. Oui, monsieur.
M. Gauthier: J'aurais un petit point de vue à apporter au
point de vue de la réhabilitation. La Commission des accidents du
travail conteste souvent l'accidenté, même si l'employeur ne le
conteste pas. Finalement le gars se retrouve, il n'a plus de compensation, il
n'a plus de travail. Il a peut-être le peu d'assurance-chômage qui
va lui revenir. Ensuite, il retombe à quoi? Le service social.
Quand le gars en est rendu au service social, l'employeur s'en lave les
mains, il ne paie plus pour lui. C'est le gouvernement qui paie pour lui.
D'accord, il reste peut-être au gars comme revenu la moitié de la
compensation qu'il aurait, mais l'employeur ne paie plus pour lui. C'est sur le
dos des contribuables que le gars est payé.
Le Président (M. Dussault): Merci. Cela met fin à
nos travaux pour aujourd'hui.
Selon l'information que nous avons reçue, nous devrions reprendre
nos travaux jeudi le 4 octobre prochain ici au salon rouge. Tel que convenu, la
commission commencerait ses travaux à 9 heures. J'ajourne donc les
travaux de cette commission jusqu'à jeudi le 4 octobre à 9
heures.
Fin de la séance à 13 h 36
ANNEXE
Mémoire déposé à la
commission parlementaire sur le projet de loi
concernant la santé et la
sécurité au travail
Août 1979
par: Yves Morisset
Monsieur le ministre,
C'est avec un certain soulagement que nous avons appris le
dépôt du projet de loi numéro 17 en juin dernier et c'est
avec enthousiasme que nous avons pu constater à la lecture de notes
explicatives que ce projet de loi avait pour objet d'établir les
mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à
l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles. Cette intention déjà amorcée dans le
livre blanc, prévoyait la reconnaissance du droit de cesser un travail
dangereux; le droit d'exiger la mise sur pied d'un comité paritaire et
l'émergence d'association sectorielle paritaire; il était
déjà précisé que "pour que ces mécanismes de
prise en charge puissent s'actualiser pleinement il est nécessaire de
prévoir des activités de formation, d'information et de
recherche".
À la page 226 du livre blanc, après avoir reconnu au
travailleur le droit à des services adéquats de formation et
d'information, il est écrit: "Dans le contexte actuel, la qualité
de ces services constitue un prérequis à la mise en place et au
bon fonctionnement des mécanismes de prise en charge sur lesquels
s'appuient les changements proposés". Et un peu plus loin nous pouvions
lire: "Comment en effet, demander aux parties d'assumer une plus grande part
des responsabilités dans l'amélioration des conditions de
santé et de sécurité au travail, si on ne s'engage pas
à leur fournir en partant, et au besoin de façon intensive, les
outils nécessaires et le minimum de connaissance et de savoir faire
indispensable à une telle entreprise?
Quand dans les notes explicatives du projet de loi nous lisons que ce
projet avait pour objet d'établir les mécanismes de participation
des travailleurs il va de soi que nous nous attendions à avoir des
précisions quant aux moyens qui seront mis en oeuvre pour que les
services de support, jugés indispensables à la prise en charge
par le milieu de travail, puissent rejoindre l'ensemble des travailleurs.
Vous le précisiez vous-même, Monsieur le ministre au
Développement social, "Cette loi est de portée universelle. Elle
s'applique à tous les employeurs, travailleurs, propriétaires et
fournisseurs. Elle s'applique également au gouvernement, à ses
ministères et aux organismes qui en sont mandataires."
Ce court mémoire veut mettre en évidence les
difficultés de parcours à une réelle prise en charge par
le milieu de travail compte tenu de l'inaccessibilité à des
programmes de formation et d'information ou à l'impossibilité
pour les différents intervenants d'atteindre les objectifs que devraient
permettre de tels programmes. De plus nous tenterons d'évaluer les
bénéfices que peuvent tirer les travailleurs du programme de
santé tel que présenté dans le projet de loi et
présenterons les objectifs qu'il pourrait permettre d'atteindre dans le
contexte d'une réelle prise en charge par le milieu de travail.
A- Programme de formation et d'information
II n'est précisé nulle part qu'un programme de formation
et d'information doit avoir comme objectif de rendre les travailleurs et les
employeurs aptes à éliminer les causes d'accidents du travail et
de maladies causées par le travail.
Si tel est l'objectif général que devraient permettre
d'atteindre les programmes de formation et d'information, quatre groupes
d'objectifs spécifiques devraient être définis puisque nous
retrouvons dans le milieu de travail quatre groupes ou individus qui ont des
fonctions, des droits et obligations qui diffèrent. Un programme de
formation et d'information devrait permettre à chaque groupe ou individu
de remplir ses obligations, exercer ses fonctions et connaître et faire
respecter ses droits.
Compte tenu des fonctions, des droits et obligations qu'on a reconnus,
un programme de formation doit donc, entre autres objectifs, 1- permettre au
travailleur d'identifier les conditions de travail dangereuses pour sa
santé, sa sécurité et son intégrité
physique; d'évaluer s'il a des motifs raisonnables de cesser de
travailler; d'exercer son droit de refus; d'aviser les personnes
qui doivent inspecter les lieux; d'évaluer, après
inspection, si la décision prise par les personnes qui ont
inspecté le lieu de travail et les améliorations qui ont pu y
être apportées sont suffisantes pour lui permettre de reprendre
son travail; d'user de son droit de refus jusqu'à la
décision de la commission;
de soumettre une plainte par écrit au commissaire
général s'il croit avoir été
congédié, déplacé ou victime d'une mesure
disciplinaire pour avoir exercé son droit de refus. prendre les
mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique (38, 2e);
participer à l'élimination des risques d'accidents de travail et
de maladies professionnelles sur le lieu de travail (38, 5e). 2- permettre
à l'employeur d'identifier les postes de travail qui
présentent des dangers pour la santé, la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs; d'informer le
travailleur des risques à la santé, la sécurité ou
à l'intégrité physique que présente son travail;
de collaborer à l'élaboration du programme de
santé; de prendre les mesures nécessaires à la
protection de la santé, la sécurité et
l'intégrité physique des travailleurs; de remplir les
différentes obligations du projet de loi; d'élaborer un
programme de prévention. 3- permettre aux membres du comité de
santé et de sécurité d'identifier les conditions de
travail dangereuses pour la santé, la sécurité et
l'intégrité physique des travailleurs; d'élaborer
les programmes de formation et d'information en matière de santé
et de sécurité; de collaborer à
l'élaboration du programme de prévention; d'évaluer
le programme d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites;
de développer des techniques d'enquête; de tenir des
registres des accidents du travail, des maladies professionnelles et des
événements qui auraient pu en causer. 4- permettre au(x)
représentant(s) à la prévention de faire appliquer
les règlements et dispositions du programme de prévention;
d'identifier les conditions de travail qui peuvent être dangereuses pour
la santé, la sécurité et l'intégrité
physique des travailleurs; d'assister le travailleur dans l'exercice de
ses droits.
Nous identifions de plus dans le projet de loi quatre milieux de travail
différents quant aux moyens mis en oeuvre pour assurer la participation
des travailleurs et des employeurs: 1- un établissement où il y a
un comité de santé et de sécurité; 2- un
établissement sans comité de santé et de
sécurité mais avec un représentant à la
prévention; 3- un établissement sans représentant à
la prévention et sans comité de santé et de
sécurité; 4- un chantier de construction. 1- Dans un
établissement où il y a un comité de santé et de
sécurité
Le comité de santé et de sécurité
établit au sein du programme de prévention les programmes de
formation et d'information (63, 2e), sur lesquels l'employeur a autorité
et dont la mise en application lui revient (47). L'objectif du programme de
prévention de l'employeur est l'élimination à la source
des dangers pour la santé et la sécurité (48). Pour
atteindre cet objectif, le programme doit contenir les mesures de surveillance
et d'entretien préventif, les normes d'hygiène et de
sécurité de l'établissement, l'identification des moyens
et équipement de protection qu'on peut probablement considérer
comme des mesures transitoires compte tenu de l'objectif cité à
l'article 48, et de programmes d'adaptation de l'établissement aux
normes prescrites par règlements, ce qui autorise l'entreprise à
ne pas respecter les règlements le temps nécessaire de s'adapter
aux normes.
Tous ces éléments sont des éléments
directifs et ne demandent en rien la participation des travailleurs. Ce sont
des règles qu'on leur impose.
Compte tenu des objectifs visés par le programme de formation qui
s'adresse aux travailleurs et compte tenu de l'importance du programme de
formation en vue de la prise en charge ou la participation des travailleurs
à l'élimination des causes d'accidents et des maladies
professionnelles peut-on le considérer comme les autres
éléments du programme de prévention c'est-à-dire un
autre élément directif...?
Est-ce qu'on peut le voir comme un programme sur lequel l'employeur a
autorité et dont la mise en application lui appartient?
Peut-on demander à l'employeur de mettre en application un
programme de formation qui permettra à l'employé d'évaluer
s'il a des motifs valables pour cesser de travailler, d'exécuter son
droit de refus, de soumettre une plainte au commissaire général
s'il croit avoir été lésé dans l'exercice de son
droit de refus?
Compte tenu des objectifs définis précédemment pour
le programme de formation s'adressant aux travailleurs il deviendra difficile
pour les deux parties, employeurs et travailleurs, au sein du comité de
santé et de sécurité, d'établir le programme de
formation et d'information du programme de prévention...
Dans les établissements d'importance au sein desquels les
travailleurs sont membres d'une association syndicale qui sera en mesure
d'assurer la formation des membres travailleurs du comité de
santé et de sécurité, établir le programme de
formation et d'information pourra même être une source de conflit
important puisque la formation qu'auront eu ces membres aura permis l'atteinte
d'objectifs différents de ceux du programme de formation qu'auront pu
avoir, via l'association patronale les membres des employeurs du comité
de santé et de sécurité. Nous assisterons alors à
l'échange de correspondance prévu à l'article 64 et la
commission aura à trancher le litige.
L'association sectorielle paritaire n'élabore que des programmes
types et ne réalise aucun programme de formation tel qu'il avait
été prévu en page 216 du livre blanc; ce qui permettait
à l'ensemble des travailleurs et employeurs d'un secteur
d'activité d'être rejoint par un même programme de
formation. 2- Dans un établissement où il y a un
représentant à la prévention
Dans un établissement où les travailleurs ne font pas
partie d'une association syndicale qui peut leur offrir un programme de
formation, le représentant à la prévention qui peut seul
s'absenter de son travail pour participer à des programmes de formation,
pourra s'inscrire à un programme de l'association patronale puisque la
seule condition posée pour que le représentant à la
prévention puisse s'absenter est que le contenu et la durée du
programme soit approuvés par la Commission. C'est ce représentant
à la prévention qui aura par la suite à assister le
travailleur dans l'exercice des droits qui lui sont reconnus par la loi et les
règlements. Le représentant à la prévention pourra
de plus être libéré de son travail pour assister au
programme de formation du M.E.Q. dont l'élaboration et la mise au point
se sont faites conjointement avec la commission.
Puisque seulement le représentant à la prévention
peut assister à ce programme, sans perte de salaire, les objectifs que
permettra d'atteindre ce programme ne peuvent être ceux identifiés
précédemment pour le représentant à la
prévention. Cette formation lui permettra de mieux assumer ses
fonctions. L'ensemble des travailleurs ne pourra cependant profiter de cette
formation puisque le représentant n'est absolument pas impliqué
dans la formation qui s'adresse aux travailleurs.
Dans un établissement que la commission a désigné
pour avoir un représentant à la prévention mais où
il n'y a pas de comité de santé et de sécurité,
c'est l'employeur qui définit le contenu du programme de
prévention et comme le programme de formation et d'information aux
travailleurs est un élément du programme de prévention
nous pouvons supposer que c'est aussi ce dernier qui définira le contenu
du programme de formation (article 48, 6° 2e paragraphe).
Peu importe le programme de formation qu'aura suivi le
représentant à la prévention, l'employeur a seul
autorité sur le programme de formation et d'information qui s'adresse
aux travailleurs dans son établissement.
3-
Dans les établissements où il n'y a pas de la
prévention, l'employeur informe et forme ses employés pour
leur permettre d'exercer leurs droits.
4-
Chantiers de construction
Pour les chantiers de constructions le programme de prévention
dont le contenu est défini par règlement est
élaboré par la partie patronale et transmis à la
commission lorsque le chantier est d'importance ou que le risque d'atteinte
à la sécurité est élevé. Nous ne tenons
absolument pas compte de l'importance des risques d'atteinte à la
santé et pourtant ces risques existent sur les chantiers de
construction.
Ce projet de loi reconnaît de plus au travailleur de la
construction le droit de refuser de travailler comme un travailleur
d'établissement. Pour que le travailleur de la construction puisse
exercer le droit et que le comité de chantier ou le
délégué de chantier puisse exécuter les fonctions
définies par le projet de loi un programme de formation doit être
mis sur pied. Les objectifs visés par ce programme devraient être
sensiblement les mêmes que ceux définis pour les programmes
d'établissement puisque les droits reconnus aux travailleurs de la
construction sont les mêmes et que les fonctions des comités de
chantier et des délégués de chantier sont très
semblables aux fonctions des comités de santé et de
sécurité et du représentant à la
prévention.
Tous les étudiants inscrits au secteur professionnel qui sont
appelés à travailler un jour ou l'autre sur un chantier de
construction devraient avoir réussi un cours qui pourra s'intituler:
"Santé et Sécurité général sur les chantiers
de construction". Ce cours devrait permettre à l'étudiant qui y
participe, (futur travailleur de la construction) d'identifier les
risques d'atteinte à la santé, la sécurité et
l'intégrité physique sur les chantiers de construction etc...
comme le travailleur d'un établissement.
De plus ce cours devrait leur permettre d'exercer les fonctions
d'un membre du comité de chantier et d'un délégué
de chantier. Le projet de loi 17 oblige le délégué de
chantier à participer aux programmes de formation que la commission
détermine par règlement. Je ne saisis pas tellement quelle
fonction exercée par le délé-
gué de chantier l'oblige à participer au programme de
formation de la commission contrairement au représentant à la
prévention à qui on ne fait qu'offrir la participation à
de tels programmes. Je ne vois pas pourquoi compte tenu de la formation qu'aura
acquise le représentant à la prévention ou le
délégué de chantier ces derniers ne pourraient exercer un
rôle de formateur ou au moins d'informateur auprès des membres du
comité de santé et de sécurité et des travailleurs
de leur établissement ou de leur chantier de construction. Ceci pourrait
même impliquer une libération totale sur les établissements
et le chantier de construction de grande importance. Cette possibilité
pourrait multiplier le nombre de travailleurs formés et augmenter leur
participation à l'élimination des causes d'accidents et de
maladies professionnelles.
5-
Evaluation
La commission exerce la fonction d'évaluer l'efficacité
des programmes de prévention en collaboration avec le ministre des
Affaires sociales, même si ce dernier n'a jamais eu copie d'un tel
programme de prévention (129).
Le chef du D.S.C. a comme fonction d'évaluer les programmes de
santé spécifiques dont il a au moins reçu copie (85). Qui
réalisera l'évaluation de l'atteinte des objectifs des programmes
d'information et de formation?
Nous avons des raisons d'être perplexe face au succès de la
réforme quand nous constatons que les services de formation et
d'information, qui constituent un prérequis à la mise en place et
au bon fonctionnement des mécanismes de prise en charge par le milieu de
travail, n'ont présenté qu'aussi peu d'intérêt pour
le législateur puisque: les programmes de formation et
d'information ne sont pas identifiés en fonction des populations
à rejoindre: travailleurs comité de santé et
de sécurité représentant à la
prévention travailleur de la construction
délégué de chantier étudiants
personne n'a comme fonction de définir les objectifs que doivent
poursuivre ces programmes de formation et d'information, par contre on sent le
besoin de préciser que le contenu et la durée seront
approuvés par la Commission; personne n'a comme fonction
d'évaluer la compétence de la personne qui sera responsable de la
mise en application du programme de même que l'atteinte des objectifs du
programme de formation; les programmes de formation ne tendent pas
à rejoindre l'ensemble des travailleurs de telle sorte qu'on pourra voir
se former des comités de santé et de sécurité dont
les membres n'ont aucune idée du rôle qu'ils auront à jouer
puisqu'ils n'auront jamais eu d'élément de formation et
d'information au sujet de leur fonction; les travailleurs des
établissements non syndiqués n'ont qu'un seul moyen pour
connaître leurs droits et les mécanismes pour les faire respecter:
la bonne volonté de leur employeur. les travailleurs membres du
comité de santé et de sécurité des
établissements non syndiqués n'auront eu aucune formation
spécifique. ni le comité de santé et
sécurité, ni le représentant à la prévention
n'a un rôle de formation auprès du milieu de travail; le
représentant à la prévention peut être
libéré de ses tâches pour suivre à peu près
n'importe quel programme de formation approuvé par la commission;
les travailleurs des établissements syndiqués peuvent recevoir
leur formation de leur association syndicale en dehors des heures de travail et
de leur employeur sur leur temps de travail. Il en est de même des
membres du comité de santé et de sécurité des
mêmes entreprises.
Je recommande que des équipes multidisciplinaires (service
de prévention régionale, ou du moins le plus près possible
du milieu de travail) soient mises sur pied en vue d'élaborer et
d'offrir aux travailleurs, aux membres du comité de santé et de
sécurité et même aux représentants à la
prévention des programmes d'information et de formation adéquats.
que ce service de prévention régionale reçoive
copie des données médicales de surveillance de l'environnement et
des rapports d'inspection produits pour chaque établissement et que ce
service coordonne les services de formation et d'information qui peuvent
être assumés par d'autres ressources de son territoire. que
ce service soit responsable de l'évaluation des programmes de formation.
que ce service tende à rejoindre par son programme de formation
l'ensemble des travailleurs de son territoire.
B- Programme de santé
La surveillance de l'état de santé des travailleurs de
même que la surveillance de l'environnement sont des outils
nécessaires à l'amélioration des conditions de
santé ou de sécurité au travail. Ces deux programmes de
surveillance se doivent d'être complémentaires de telle sorte que
le diagnostic posé après l'examen médical d'un travailleur
puisse être associé à des conditions d'exposition de ce
même travailleur. C'est ainsi que les examens médicaux en milieu
de travail prennent un sens et peuvent déboucher sur des actions
concrètes: identification des zones à hauts risques,
définition de priorités d'intervention, retrait du travailleur
qui présente les premières altérations de la santé
et réaffectation de ce travailleur à un poste qui ne portera pas
atteinte à sa santé et son intégrité physique; pour
ce il faut prévoir des mécanismes pour garantir au travailleur
une sécurité financière et une qualité de vie
égale ou supérieure à celle qu'il avait à son
ancien poste.
Si le retrait préventif n'est pas possible les médecins
assisteront, impuissants, à la détérioration de
l'état de santé des travailleurs du Québec. Ils pourront
quand même brosser de beaux tableaux de l'état de santé des
travailleurs d'un établissement, d'une région, d'un secteur
d'activité économique et peut-être de la province,
sélectionner les travailleurs les plus résistants pour effectuer
les tâches les plus à risque d'atteinte à la santé
dans un établissement; faire compenser les travailleurs les plus
atteints; prouver que l'établissement dans lequel ils oeuvrent ne
présente pas beaucoup de risque pour la santé puisque les
travailleurs les moins résistants ont quitté leur emploi et
qu'ils ont été remplacés par des plus résistants ou
encore qu'il y a tellement de rotation de personnel que les travailleurs
commencent à manifester les premiers symptômes de maladie
professionnelle au moment où ils quittent leur emploi de telle sorte que
cet établissement, même si l'état de santé des
travailleurs semble excellent, remet à la société des
travailleurs physiquement handicapés.
Ces examens médicaux isolés peuvent aussi amener un
travailleur à prendre conscience de l'importance des risques d'atteinte
à la santé de son milieu de travail. Mais s'ils ne
débouchent pas sur une question concrète en vue de
prévenir la détérioration de l'état de santé
du travailleur, ils peuvent aussi créer ce sentiment de fausse
sécurité chez le travailleur: le travailleur se sent
protégé de toute atteinte à la santé parce qu'il
est suivi par un médecin; ça s'est déjà vu...
Si la surveillance de l'état de santé de travailleurs se
fait de façon isolée de la surveillance de l'environnement, et si
des mécanismes pour garantir au travailleur une sécurité
financière et une qualité de vie équivalente à
celle qu'il avait au poste de travail qu'on lui demande de quitter après
évaluation médicale ne sont pas mis sur pied, si des
priorités d'interventions ne peuvent être définies
après le programme de surveillance médicale, les
bénéfices que l'on tire du programme de santé
défini dans le projet de loi 17 valent-ils les coûts que ce
programme entraînera?
Je suis porté à vous répondre par la
négative puisqu'un tel programme entraînera des coûts de
plus en plus grands pour l'évaluation médicale
spécialisée et le traitement d'individus de plus en plus
nombreux.
On reconnaît au travailleur l'obligation de prendre les mesures
nécessaires pour protéger sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique, on lui
reconnaît le droit de refuser d'exécuter un travail, si ce travail
l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité et
son intégrité physique, pourquoi en contrepartie n'oblige-t-on
pas le médecin à informer le travailleur des premières
altérations à sa santé et ne garantissons-nous pas
à ce travailleur une réaffectation à un poste qui convient
à ses compétences et qui ne diminuera d'aucune façon sa
qualité de vie? Au sein de la réforme proposée le
travailleur qui serait informé des premières altérations
à la santé par le médecin d'établissement n'aura
pas d'autres choix que de continuer à travailler dans les mêmes
conditions ou devenir un candidat pour le "bien-être".
Je recommande donc que le service de prévention régionale
ait comme fonction d'assurer la réaffectation des travailleurs qui
manifestent les premières altérations à la santé et
qui n'ont pas d'autres moyens de se protéger que de cesser de travailler
dans les mêmes conditions que l'état définisse les
conditions dans lesquelles devra s'exercer le retrait préventif et les
mécanismes qui garantiront au travailleur une sécurité
financière et une qualité de vie égale ou
supérieure au poste qu'il a quitté.
Il devient impérieux d'offrir les services de support
nécessaires au succès des mécanismes proposés de
participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination
des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La
création de services de prévention régionaux pourront
être une preuve de la volonté du législateur de se doter
des moyens nécessaires pour assurer le succès de sa
réforme ou encore d'actualiser pleinement les mécanismes de prise
en charge".