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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, October 4, 1979 - Vol. 21 N° 190

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

Neuf heures vingt-deux minutes

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de faire l'audition des mémoires relativement au projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, est réunie ce matin.

Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Alfred (Papineau) en remplacement de M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf) et M. Lefebvre (Viau) en remplacement de M. Vaillancourt (Jonquière).

Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette).

M. Jolivet: Je suis membre.

Le Président (M. Dussault): Qui remplaceriez-vous, M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: M. Johnson.

Le Président (M. Dussault): M. Johnson (Anjou), d'accord. M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Pagé: Remplacé par M. Tremblay (Gouin)!

Le Président (M. Dussault): Les groupes devant se produire devant la commission sont les suivants, et je demanderais aux représentants de ces groupes de s'identifier et de manifester leur présence: II s'agirait, dans l'ordre, du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Le groupe n'est pas présent. La Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, présente. La Centrale de l'enseignement du Québec, qui n'est pas présente. La Clinique de médecine occupationnelle de Montréal, présente. Bell Canada, présent. L'Association des employeurs de la baie James, présente. L'Ordre des ingénieurs du Québec et l'Ordre des architectes du Québec; ils ne sont pas présents. La Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée, présente.

J'invite immédiatement la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec à se présenter devant la commission. Il était aussi question d'entendre Celanese Canada. Cette corporation a demandé simplement de déposer son mémoire. Alors, il paraîtra au journal des Débats.

M. Pagé: II faudrait le consentement unanime, M. le Président, à ce moment-ci.

Une voix: C'est déjà fait. M. Pagé: C'est déjà fait?

Le Président (M. Dussault): Alors, vous donnez votre consentement, si je comprends bien?

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Laporte remplacerait... Nous suspendons quelques secondes... Nous revenons à nos travaux. Je prierais la représentante de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec de se présenter et de nous présenter le collègue qui l'accompagne.

Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec

Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, Estelle Gobeil, membre du bureau de direction de la Fédération des commissions scolaires catholiques; M. Roland Bégin, conseiller en relations du travail.

Le Président (M. Dussault): D'accord. Mme Gobeil, je vous prierais, s'il vous plaît, étant donné la densité du mémoire que vous nous avez remis, de le résumer le plus possible dans les 20 minutes convenues entre les parties à cette commission.

Mme Gobeil: M. le Président, c'est ce que je ferai avec beaucoup de plaisir. Cependant, afin de situer les membres de la commission parlementaire, je me permettrai de lire l'introduction.

Les commissions scolaires catholiques du Québec, conscientes des implications que pourrait avoir la Loi sur la santé et la sécurité du travail dans le milieu scolaire, croient de leur devoir d'exprimer leur avis sur le projet de loi 17 présenté par le ministre d'État au Développement social, M. Pierre Marois.

Le projet de loi stipule d'abord que dans les établissements qui seront régis par la loi figureront notamment les écoles avec tous leurs travailleurs, y compris les étudiants. Les commissions scolaires ne peuvent donc rester indifférentes au projet de loi 17 et elles veulent se prononcer sur les positions et les propositions du projet qui permettront la mise en place de structures d'ensemble concernant la santé et la sécurité du travail dans les établissements scolaires.

Les opinions émises tiennent compte de la mission éducative des commissions scolaires dans le domaine de la prévention des accidents et des maladies industrielles, mais elles prennent aussi en considération la réalité des milieux physique et humain que sont les écoles et leurs travailleurs.

En premier lieu, M. le Président, nous approuvons les grands principes qui découlent des notes

explicatives au début du projet de loi. Aucun individu ou organisme ne peut s'opposer à la reconnaissance du droit du travailleur à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. Cependant, nous émettons des réserves sur certaines des mesures que semble vouloir privilégier la future loi.

M. le Président, je résume les pages 3 et 4. La Fédération des commissions scolaires s'interroge sur la définition du mot étudiant dans la notion de travailleur et souhaite que dans le projet de loi soit clairement défini ce qu'est un travailleur quand on parle d'un étudiant. Je vous référerais ensuite à la page 5, aux "Droits et obligations des commissions scolaires employeurs". J'insiste sur le paragraphe 2. Il ne contient que trois lignes mais je crois qu'il est très important. (9 h 30)

Le premier des commentaires à propos des droits et obligations des commissions scolaires, c'est d'abord que l'autorité compétente en la matière, selon la Loi de l'instruction publique — ces deux petits mots ne sont pas dans le mémoire, il faudrait les écrire, c'est un oubli de notre part — est la commission scolaire en tant que gouvernement scolaire local et non pas l'école. Ensuite, M. le Président, je vous réfère à la page 6, le titre: Obligations générales, et je résume ce paragraphe en allant à la page 7 où je dis: L'insertion de la notion d'école dans la définition de l'établissement nous porte à croire que les commissions scolaires seront touchées de très près, encadrées qu'elles seront par de nombreux règlements qui risquent de tuer toutes les initiatives locales existantes ou à l'état de projet. Je vous réfère maintenant à la page 8: Comité de santé et de sécurité. La notion d'école dans la définition du mot "établissement" rend inapplicables dans les commissions scolaires les articles du projet de loi relatifs aux comités de santé et de sécurité. Je vous donne comme exemple, M. le Président; vous prenez seulement la Commission des écoles catholiques de Montréal qui a 325 écoles, qui est représentée par combien de syndicats? De quelle façon peut-on faire une coordination? Et si vous référez au nombre d'écoles dans les commissions scolaires, en mai 1968, les statistiques nous donnaient 2647 écoles catholiques au Québec représentées par combien d'associations accréditées?

De plus, M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission parlementaire sur le guide de sécurité en milieu scolaire paru en avril 1979 — c'est tout récent, c'était au début du printemps, l'espérance — un document que la Fédération des commissions scolaires a produit qui prévoit des structures beaucoup plus souples et plus adaptées aux commissions scolaires; il nous semble que la commission parlementaire pourrait s'en inspirer pour bonifier son projet de loi. D'ailleurs, je fais le même commentaire pour le représentant à la prévention. Ensuite, je vous réfère à la page 13 où il est question du financement. Le dernier alinéa au bas de la page: La fédération s'interroge sur la lecture que fait le gouvernement, qui semble ne pas comprendre la mission éducative des commissions scolaires de la même façon que nous puisqu'il semble imposer de nouvelles obligations sans les assurer du financement nécessaire au respect de ces obligations. On parle de partage, mais rien n'est précisé. Il y a une grosse interrogation et une réserve à la page 13. Nous allons à la conclusion, à la page 15: Le programme de santé et de sécurité au travail proposé par le projet de loi no 17 exprime la volonté du gouvernement du Québec d'améliorer la situation des travailleurs dans certains établissements et cette volonté est louable.

Le programme proposé peut s'avérer utile comme cadre de travail en vue de l'implantation de mesures de santé et de sécurité dans certains milieux. Cependant, le grand reproche que nous formulons au sujet du programme, c'est qu'il se propose de tout réglementer à l'avenir et qu'il risque de ce fait d'être trop coercitif dans son application plutôt que de laisser la porte ouverte à une bonne marge d'initiatives locales, c'est-à-dire de la part des commissions scolaires, qui sont elles-mêmes des gouvernements locaux d'éducation et reconnus comme tels. À la page 16, à l'avant-dernier alinéa, j'attire votre attention sur le fait suivant: Nous souhaiterions, M. le Président, que le gouvernement fasse confiance aux commissions scolaires en matière de santé et de sécurité au travail dans les écoles.

D'ailleurs, les commissions scolaires sont loin de détenir le championnat pour le plus grand nombre d'accidents. C'est tout à fait le contraire. Ce qui déjà nous apparaît une assurance que le gouvernement devrait faire davantage confiance aux commissions scolaires.

De plus, nous souhaiterions que le projet de loi soit un cadre de travail auquel une enveloppe budgétaire serait attachée afin de permettre aux commissions scolaires de poursuivre ou d'entreprendre un programme de santé et de sécurité dans les écoles.

Je termine, M. le Président, par les recommandations. Dans la première recommandation, il y a un petit changement qui est simplement une amélioration. La première recommandation est que l'on remplace le mot "étudiant" par le mot "stagiaire" dans le projet de loi no 17. Au lieu "que l'étudiant soit soustrait du projet de loi no 17", nous demandons que l'on remplace le mot "étudiant" par le mot "stagiaire" dans le projet de loi no 17.

Deuxième recommandation: Que le projet de loi no 17 reconnaisse que, dans le système scolaire, l'autorité compétente en matière de santé et de sécurité du travail est la commission scolaire à titre d'employeur, et non pas l'école.

Que le projet de loi no 17 propose un comité de santé et de sécurité du travail par commission scolaire plutôt qu'un comité par école et qu'il confie à la commission scolaire le soin de décider elle-même de la formule convenant le mieux à ses besoins.

Que l'employeur, notamment la commission scolaire, soit consulté relativement au choix des

mécanismes de nomination du futur comité de santé et de sécurité, relativement aux fonctions devant lui être attribuées et relativement au choix de représentants à la prévention parmi les travailleurs.

Que le projet de loi no 17 accorde aux associations d'employeurs les mêmes privilèges qu'il accorde aux associations sectorielles et cela dans tous les domaines.

Que le projet de loi no 17 apporte des précisions quant aux articles relatifs à la constitution de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de façon que les commissions scolaires en fassent partie à titre d'associations d'employeurs.

Que le projet de loi no 17 réduise les fonctions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail de façon que les commissions scolaires conservent le pouvoir de poursuivre et d'entreprendre des initiatives locales en matière de santé et de sécurité au travail.

Que la future Commission de la santé et de la sécurité du travail prévue dans le projet de loi no 17 soit tenue de consulter les employeurs concernés dans l'élaboration des règlements.

Que la commission scolaire reconnue au sens de la loi comme employeur reçoive les sommes nécessaires au financement des mesures à prendre afin de pouvoir se conformer aux obligations qui lui incomberont à la suite de l'adoption du projet de loi no 17.

Que les sommes nécessaires versées à la commission scolaire afin de lui permettre de poursuivre et d'entreprendre, selon les besoins, des programmes de santé et de sécurité dans ses écoles le soient sous forme d'une enveloppe budgétaire globale.

Enfin, que les règlements qui suivront l'adoption du projet de loi no 17 assurent une coordination véritable entre les ministères concernés, le ministère des Affaires sociales et le ministère de l'Éducation, et cela dans tous les domaines où il est possible qu'il y ait chevauchement.

Voici, en résumé, M. le Président, l'essentiel de nos demandes. Nous vous remercions de l'attention que vous avez bien voulu y apporter et nous formulons le souhait — nous le faisons avec beaucoup de confiance — que vous vous inspiriez de nos recommandations pour bonifier le projet de loi.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, Mme Gobeil, de votre très grande collaboration et je laisse la parole à M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier la Fédération des commissions scolaires du Québec de son mémoire. On en a pris attentivement connaissance et on va, bien sûr, scruter à la loupe l'ensemble des recommandations qui sont contenues dans le mémoire. Pour l'instant, compte tenu du temps qui est mis à notre disposition, je vais simplement m'arrêter très rapidement à quelques commentaires et à quelques questions auxquelles — j'en suis sûr — les porte- parole de la fédération voudront bien réagir. La première remarque ou le premier commentaire concerne au fond une sorte d'affirmation qui revient dans votre mémoire, à savoir que vous semblez croire, à la lecture du projet de loi, qu'il y aurait très peu d'initiatives qui seraient laissées aux employeurs, en l'occurrence les commissions scolaires, notamment. Vous demandez à la page 16 de votre mémoire, et je cite: "Que le gouvernement fasse confiance aux commissions scolaires en matière de santé et de sécurité au travail dans les écoles." Je veux bien et, d'ailleurs, je ne crois pas que l'économie générale du projet de loi ne soit pas fondée sur une confiance de base. L'économie générale du projet de loi est fondée sur une confiance de base, sur la croyance que nous avons dans le potentiel de "responsabilisation" des parties pour s'impliquer et prendre en charge — l'État ne s'excluant pas, mais s'impliquant avec les autres — une bonne partie du travail à faire pour éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies. Notre approche aurait pu être une approche de style très traditionnel et dire: Dorénavant, l'État va s'en occuper. Ce n'est pas du tout l'économie générale du projet de loi. Donc, c'est basé sur une approche de confiance, d'une part.

Cependant, on a cru nécessaire de s'assurer de l'existence d'un certain nombre de mécanismes de contrôle efficaces étant donné — et je vais le dire comme je le pense — l'insouciance, pour ne pas dire l'apathie d'un trop grand nombre face aux questions de santé et de sécurité. Les chiffres sont là pour le prouver. Cela vaut notamment — ce que je viens de dire là — pour des commissions scolaires. Vous êtes certainement au courant d'un certain nombre d'études récentes, notamment une étude menée par le département de santé communautaire de Joliette au niveau des polyvalentes du territoire concerné qui démontre que tous les ateliers d'école dérogent de façon importante, significative à tout le moins, aux normes qui sont exigées en milieu industriel. Je comprends que l'arrêté en conseil 3787 et que la Loi des établissements industriels et commerciaux ne s'appliquaient pas jusqu'à présent aux commissions scolaires, mais ce n'est pas sans poser un certain nombre de questions absolument fondamentales, surtout quand il s'agit notamment de ce qu'on appelle le secteur professionnel terminal. C'est ma première remarque.

Dans la foulée de cette remarque — et je vous le formule sous la forme d'une remarque, je suis certain que vous réagirez, remarque-question, si vous voulez — vous nous demandez de clarifier la définition d'étudiant. On pensait que cela devait être fait par règlement, bien sûr, mais ce qu'on a en tête, au point de départ, ce sont les étudiants du secondaire en montant. On pense notamment au cas que je viens d'évoquer, les étudiants qui sont au secteur professionnel terminal. À notre point de vue, il n'y a pas de raison pour qu'ils ne soient pas couverts par l'ensemble des règlements, des normes, des droits qui sont reconnus à l'ensemble des travailleurs en vertu du projet de

loi. Et là, j'avoue qu'il y a quelque chose qui m'estomaque dans votre mémoire. Vous dites à la page 4: L'étudiant, à toutes fins pratiques, est-il capable de statuer... Je ne veux pas faire dire — et être injuste — à votre texte ce qu'il ne dit pas, mais vous semblez presque répondre vous-mêmes à la question que vous posez. Vous posez la question à savoir si un étudiant accomplissant un stage, suivant un cours dans un atelier ou pratiquant dans un laboratoire est capable de statuer sur les mesures de sécurité appropriées à son apprentissage, surtout s'il en est à ses premières expériences, même s'il a presque terminé son cours et le reste. Et vous enchaînez par la suite sur le droit de refus en vous posant des questions sur l'opportunité de reconnaître à cet étudiant un droit qui est du domaine des droits absolument naturels. (9 h 45)

En passant, qu'on le mette ou pas dans la loi, il n'y a aucune loi au monde ni aucun tribunal au monde qui pourrait empêcher un homme ou une femme, mis dans une situation donnée, de refuser de faire un travail si leur santé et leur vie sont en danger. Le fait de le mettre dans une loi vient accorder une protection dans l'exercice de ce droit naturel. Donc, vous enchaînez là-dessus, en partant de l'affirmation ou de la question que vous posez, à savoir si l'étudiant est capable de statuer sur les mesures de sécurité appropriées, pour poser une question sur l'opportunité de lui reconnaître le droit de refuser. Mais ma question est la suivante: Pour l'étudiant qui est au professionnel terminal et qui, quelques mois plus tard, peut se retrouver sur le marché du travail, comment conciliez-vous la notion d'apprentissage à la vie, la notion de formation, pour équiper quelqu'un afin qu'il soit capable de faire face à la musique dans le concret de la vie de tous les jours, une fois sorti de l'école, si, au moment où il est à l'école, en atelier, d'une part, ce même atelier ne respecte même pas le minimum des normes de base exigées par les lois et, d'autre part, ce même atelier ne transmet même pas le minimum de base d'information ou de formation requise?

Je suis estomaqué de ce que j'ai vu comme comptes rendus et études. Notamment, j'évoquais celles du département de santé communautaire de Joliette. Bonté! Tu as l'impression que l'étudiant ne sait même pas ce que sont les décibels. Quelques mois plus tard, il va se retrouver sur le marché du travail. En quoi et de quelle façon va-t-il être à même de faire valoir ses droits légitimes, qui lui sont reconnus, si, d'une part, l'école ne respecte même pas les normes et, d'autre part, si elle ne le prépare pas, ne l'informe pas et ne lui donne pas la chance, même, le cas échéant, d'exercer des droits qui lui sont reconnus? J'avoue que je suis un peu estomaqué par ces remarques et, au fond, par ces demandes d'ajustement que vous nous faites concernant ces deux aspects.

J'avoue aussi — j'aimerais avoir des précisions quant à cette recommandation — que j'aimerais que vous précisiez la portée de la recom- mandation 4. Je ne suis pas certain. C'est peut-être la formulation ou le fait qu'on a commencé plus tôt ou qu'on a fini tard hier soir qui fait que je saisis plus lentement ce matin. Vous demandez, notamment, que la commission scolaire soit consultée relativement aux fonctions, au choix d'un représentant à la prévention parmi les travailleurs. Mais le représentant à la prévention, c'est un représentant à la prévention des travailleurs et il doit être choisi par les travailleurs. S'il y a un syndicat, il doit être nommé par le syndicat qui a le pouvoir de nommer, qui a le pouvoir de "dénommer", de la même façon que l'employeur a le pouvoir de choisir et de nommer ses représentants. Au fond, il s'agit de reconnaître simplement aux travailleurs, organisés en syndicat ou pas, le droit d'avoir un minimum de permanence et de temps de liberté pour être capables de faire l'inspection, procéder à l'examen des lieux, informer et former leurs membres, les informer sur leurs droits, les accompagner dans l'exercice de ces droits-là, pour qu'il y ait un équilibre normal qui n'existe pas présentement dans la plupart des cas. J'apprécierais que vous précisiez votre recommandation 4.

Quant à votre recommandation 5, ma question sera la suivante: Concernant les associations sectorielles, notamment, pourquoi votre recommandation n'inclut-elle pas les associations de travailleurs?

Vous avez soumis, en annexe, le guide de sécurité en milieu scolaire. Une lecture très rapide du guide, me semble-t-il, laisse entrevoir une conception qui est fort différente, notamment des comités conjoints, paritaires, de ce qui est prévu dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne le mode de nomination et les fonctions du comité paritaire. Par exemple, concernant le mode de nomination, je ne vois aucune allusion — — sous réserve de me tromper — dans le guide en ce qui concerne le choix de membres qui pourrait être fait par une ou des associations de travailleurs, par les travailleurs eux-mêmes s'il n'y a pas d'association accréditée. De plus, les fonctions qui sont prévues sont loin d'être celles prévues par le projet de loi; cela reste bien en deçà des fonctions prévues par le projet de loi.

Voilà, M. le Président, sans abuser du temps, les quelques premiers commentaires, remarques et questions que j'avais à formuler.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Mme Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, je vais essayer de répondre très brièvement au contenu des questions de M. le ministre. Vous avez d'abord des remarques et vous avez aussi des questions. Je demanderai la collaboration de mon collègue pour certains points. Je ne pourrai certainement pas vous répondre dans tout ce que vous avez posé comme questions.

Ma première réaction concernant votre première réaction au sujet du climat de confiance, c'est que, dans votre projet de loi, 122 fois on lit le

mot "règlement". Nous les avons comptées. Vous savez ce que cela veut dire, 122 fois le mot "règlement"? C'est un cadre. Et la commission scolaire est un gouvernement local. Alors, s'il faut encadrer autant que cela une commission scolaire, comme principe... C'est ma première réaction au climat de confiance. On se demande si vraiment il y a un climat de confiance, si on considère les commissions scolaires comme étant des gouvernements locaux. C'est la question de fond, je pense.

Votre deuxième remarque concerne le droit de l'étudiant, à la page 4; je pense que nous ne faisons pas la même lecture. J'ai fortement cette impression. D'abord, M. le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que nos écoles polyvalentes sont encore jeunes et le secteur de l'enseignement professionnel s'est développé très vite. Vous avez eu des statistiques concernant une commission scolaire; je n'ai pas pris connaissance de ces statistiques. Je ne mets pas votre parole en doute mais je reste surprise...

M. Marois: Ce n'est pas ma parole, madame.

Mme Gobeil: Ce sont les statistiques que vous avez eues.

M. Marois: C'est le rapport d'étude qui est public, qui a été étalé dans les journaux et tous peuvent s'en procurer une copie; c'est un document public, c'est une étude du département de santé communautaire de Joliette, pour mentionner un cas.

Mme Gobeil: D'accord. Mais, de toute façon, M. le ministre, je peux vous dire qu'il y a des efforts...

M. Marois: Si les conclusions n'avaient pas été fondées, je présume que la commission scolaire du coin aurait réagi drôlement, comme gouvernement local.

Mme Gobeil: De toute façon, j'ai pris bonne note de cela et je transmettrai sûrement à la fédération ce que vous avez mentionné ce matin. Je puis vous dire, par contre, qu'il y a d'autres commissions scolaires qui ont fait et font de très gros efforts, premièrement, pour que l'étudiant fasse l'apprentissage de ses responsabilités dans le secteur de l'enseignement professionnel et, deuxièmement, qu'on explique à ces étudiants tout ce qui est essentiel pour leur sécurité.

En ce qui concerne le refus, M. le ministre, lorsqu'un étudiant choisit lui-même telle ou telle option, c'est assez difficile qu'il y ait des refus en cours de route.

M. Marois: Mais, madame, il ne s'agit pas de refuser une option en cours de route. Un étudiant est dans un atelier, très concrètement — je suis allé en voir.

Mme Gobeil: Oui.

M. Marois: II fait l'apprentissage du métier de soudeur, du métier de menuisier. L'appareil qu'on lui donne n'est absolument pas conforme aux normes et il risque, s'il l'utilise un matin donné, parce que l'appareil est dans un état de délabrement, de subir un accident grave qui pourrait le handicaper pour le restant de ses jours. C'est du domaine du droit naturel. On n'a fait que confirmer un droit naturel en assurant la protection dans l'exercice de ce droit et on ne voit pas pourquoi l'étudiant serait privé de l'exercice de ce droit, puisque quelques mois plus tard, dans bon nombre de cas, il va se trouver sur le marché du travail. Est-ce que vous contestez cela?

Mme Gobeil: Je ne conteste pas cela mais, M. le ministre, je reste surprise parce que nos écoles polyvalentes sont neuves et les machines qui ont été achetées... D'abord, les normes nous viennent du ministère de l'Éducation. Il est vrai que les différents ministères n'ont pas toujours les mêmes concordances sur les exigences.

M. Marois: Non seulement ils ne se parlent pas entre eux, non seulement ils n'ont pas les mêmes exigences, ils ne tombent pas sous la coupe de la loi. Vous-mêmes, les commissions scolaires, ne tombez pas sous la coupe des lois actuelles. L'arrêté en conseil 3787 ne vous concerne pas, la Loi des établissements industriels et commerciaux ne vous concerne pas. Ce que nous disons, c'est que dorénavant la loi va lier tout le monde.

Mme Gobeil: De toute façon, M. le ministre, je pense que vous n'attendez pas de moi ce matin des réponses très élaborées. Je vais passer aux recommandations 4 et 5 et demander à mon collègue de continuer, parce qu'il a certainement, comme conseiller en relations du travail, des informations que je n'ai pas à ce moment-ci. Vous parliez de notre recommandation 4 qui dit: "que l'employeur, notamment la commission scolaire, soit consulté relativement au choix des mécanismes de nomination..." C'est dans les modalités... La lecture de cette recommandation... D'ailleurs, dans nos commissions scolaires, il y a des syndicats. Ce n'est pas la commission scolaire qui désigne telle personne pour représenter la partie syndicale. La modalité est que la partie syndicale est invitée à désigner son représentant. C'est ce qui se fait couramment dans les commissions scolaires que je sache; ce n'est pas censé se faire autrement.

Dans la recommandation 5, vous souhaiteriez que soit ajouté "associations de travailleurs", si j'ai bien compris.

M. Marois: C'est-à-dire que je me pose la question à savoir pourquoi vous n'en faites pas état? Je présume que vous avez des raisons.

Mme Gobeil: Je demanderais à M. Bégin de bien vouloir répondre à cette question.

M. Bégin (Roland): Je vais essayer de reprendre quelques questions que vous avez formulées à la suite de notre mémoire. Ce qui nous intriguait au départ, c'est l'insertion dans la loi, entre autres, dans la définition du travailleur, du terme "étudiant" et, dans la définition de l'établissement, du mot "école". Nos craintes vis-à-vis de cela sont qu'on soit aux prises avec des structures qui, vraiment, ne permettraient pas une application facile de la loi pour tout le monde. Là-dessus, notamment en ce qui concerne l'étudiant, on se disait: Peut-être veut-il se référer à la définition de stagiaire prévue dans la Loi des accidents du travail. On sait que les stagiaires sont définis expressément dans cette loi et qu'ils ont droit à des compensations lorsqu'ils sont blessés durant leur stage.

M. Marois: Cela va plus loin que les stagiaires. Comme je viens de l'expliquer, je ne vois pas pourquoi on exclurait les étudiants.

M. Bégin: D'accord. Au niveau de votre autre dimension, l'étudiant comme tel, on se dit nous aussi qu'on est d'accord pour reconnaître le droit naturel, tel que vous l'avez mentionné, d'un étudiant à la sécurité, etc. Il n'y a pas de problème là-dessus. On ne peut pas être contre cela. Nos interrogations là-dessus sont surtout dans le sens qu'on se dit que les étudiants dans les commissions scolaires sont toujours ou à peu près toujours sous la surveillance de travailleurs qui, eux-mêmes, sont couverts par la loi. On estime à ce moment-là que les travailleurs, soit les professeurs, soit les techniciens de laboratoire, qui sont au courant ou qui vont l'être — parce que je pense que c'est un des très gros avantages de votre projet de loi de contribuer à sensibiliser tout le monde à la santé et à la sécurité au travail — en étant sous la supervision de travailleurs auxquels des droits sont reconnus, ont sûrement autant à coeur l'intérêt ou la sécurité des étudiants que leur propre intérêt dans les situations où ils sont. À ce moment-là, il n'y a peut-être pas de raison d'associer la notion d'étudiant à la notion de travailleur dans le sens que, finalement, ce n'est pas un travailleur. Si on inclut la définition d'étudiant dans celle de travailleur, à ce moment-là, on pourrait... Il est sûr que la sécurité et la santé, c'est un droit naturel à tout le monde. Alors, pourquoi n'inclut-on pas tout le monde à ce moment-là dans la loi? (10 heures)

On parle surtout de santé et de sécurité au travail. On pense que, par l'intermédiaire des personnes qui ont la responsabilité des étudiants dans l'accomplissement des activités qu'ils réalisent dans les commissions scolaires, les principes de santé et de sécurité au travail ou de santé et de sécurité naturellement vont être de ce fait sauvegardés par ces individus. Notre autre appréhension au niveau de la définition de l'établissement comme tel, c'est qu'on a pris la peine d'y insérer le mot "école"; avec toute la structure qui est prévue dans le projet de loi, par exemple, pour la formation de comités de prévention et de sécurité, cela nous pose réellement des problèmes d'application. Vous avez entre autres dans le mémoire un chiffre, à savoir qu'il y a 2647 écoles catholiques dans la province de Québec. Est-ce que cela veut dire qu'on va avoir 2647 comités de sécurité et de surveillance dans les commissions scolaires? Dans beaucoup d'écoles, on retrouve cinq catégories d'employés différents; dans les écoles, il y a du personnel de soutien qui peut être syndiqué, ils sont affiliés à des centrales, il y a du personnel de soutien qui n'est pas syndiqué. Au niveau des enseignants, vous avez dans plusieurs écoles deux centrales syndicales qui représentent ces enseignants.

Au niveau des professionnels non enseignants, vous avez également deux centrales syndicales qui représentent souvent ces personnes. Comme autres catégories, vous avez les cadres qui sont regroupés en association et vous avez les principaux qui sont regroupés également en association. Si la structure est appliquée comme telle ou comme on conçoit qu'elle pourrait être appliquée, on pourra se retrouver avec jusqu'à 6000 ou 7000 comités de santé et de sécurité dans les commissions scolaires, d'où, d'abord, impossibilité à peu près totale de coordonner les actions au niveau des écoles, impossibilité d'avoir des personnes qui puissent représenter l'employeur à tous ces comités. Quand on sait, par contre, que dans certaines écoles la personne qui est en autorité c'est un professeur qui est dégagé de certaines parties de ses tâches pour assumer la responsabilité de l'école, à ce moment, on voit des problèmes énormes à ce niveau.

Dans le guide, qui, je pense, vous a été remis avec le mémoire, de sécurité et de santé en milieu scolaire, on se dit: D'accord, on n'est pas parfait. On reconnaît qu'il peut survenir des accidents dans les commissions scolaires. De fait, les statistiques démontrent qu'on a un certain taux d'accidents dans les commissions scolaires. Maintenant, est-ce qu'à partir de cela on doit créer des structures sans fin, des structures où les mêmes choses seront faites par beaucoup de personnes différentes tout simplement parce qu'ils sont dans des écoles différentes alors qu'il y a beaucoup de points qui sont communs à toutes les écoles? Ce qu'on recommande, c'est qu'il y ait un comité de santé et de sécurité consultatif au niveau de la commission scolaire et, quant à la formation du comité, la représentation serait adaptable selon les commissions scolaires. Comme je vous ai mentionné tout à l'heure, il y a des structures différentes, il y a des groupements différents dans toutes les commissions scolaires. On va essayer de trouver un modus vivendi applicable à chacune des commissions scolaires là-dessus.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'est terminé pour M. le ministre?

M. Bégin: Est-ce qu'il y a des questions auxquelles je n'aurais pas répondu? La recommandation 5? Vous nous avez demandé pourquoi on n'avait pas fait allusion aux associations de travailleurs. Disons qu'actuellement, nous nous di-

sons dans les commissions scolaires, dans les conventions collectives qui viennent d'échoir dernièrement, la santé et la sécurité au travail étaient une dimension des comités de relations de travail, dans le personnel de soutien entre autres.

Au niveau du personnel enseignant, il n'y avait à peu près rien sur la santé et la sécurité au travail. Il faut dire aussi que les problèmes sont peut-être beaucoup moins nombreux au niveau des enseignants ou des professionnels non enseignants qu'ils peuvent l'être au niveau du soutien. En fait, on trouve qu'avec la structure actuelle, avec la sensibilisation que votre projet de loi apporte sur la question de la santé et de la sécurité au travail, cela va nous permettre de coordonner davantage les efforts en vue de se conformer aux principes émis dans votre projet de loi.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Bégin. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être assez bref. Je ne prévois pas prendre mon enveloppe de 20 minutes parce que plusieurs des sujets que je voulais aborder ce matin, soit avec Mme Gobeil ou avec M. Bégin, l'ont été par des questions qui ont été formulées par le ministre.

Vous avez mis en relief ce matin certains aspects à l'égard desquels nous nous posions des questions et à l'égard desquels nous nous interrogions après lecture de votre mémoire, entre autres, en ce qui concerne la structure que vous demandez au gouvernement. Vous avez mis en relief le problème de la structure des comités paritaires au niveau de chacune des écoles. Je crois que cela pourrait éventuellement être un problème si le texte de loi était adopté tel quel, et j'étais heureux de vous entendre formuler des inquiétudes à cet égard ce matin. Cependant, je m'attendais que le ministre soit peut-être un peu plus clair parce qu'il y a quand même un aspect particulier dans le dossier d'une école, d'une commission scolaire. On en a déjà discuté avec un intervenant qui a comparu ici il y a quelques semaines. Dans l'école, à la commission scolaire, le représentant de l'employeur, c'est le directeur général. Je me demande — à moins que les règlements qui seront éventuellement adoptés, dont on n'a pas pris connaissance évidemment et dont on ne prendra pas connaissance non plus — comment le gouvernement pourra traduire dans un règlement, comment il pourra "textualiser" et définir une structure qui pourra s'adapter au monde scolaire. Je pense que le moment serait peut-être le mieux choisi ce matin pour le ministre de nous éclairer un peu davantage là-dessus. Les comités paritaires seront-ils implantés au niveau de chacune des écoles? Je crois que le ministre n'a pas répondu à cela ce matin. Cela devrait-il être implanté au niveau de la commission scolaire régionale, par le territoire ou par le nombre d'écoles ou la clientèle étudiante et le travailleur...? Est-ce qu'il faudra aller vers une structure plus décentralisée qu'un seul comité paritaire au niveau de la commission scolaire? En fait, ce sont des questions qu'on se pose et j'aurais bien aimé que le ministre y réponde davantage. Je serais même prêt à lui laisser quelques minutes de mon temps pour qu'il puisse donner les réponses à ces questions.

Ces questions, on se les pose. Ces inquiétudes, Mme Gobeil et M. Bégin, nous les avons nous aussi. Nous voulons ajouter notre voix à la vôtre pour sensibiliser le ministre à cet aspect particulier du problème. Il en sera évidemment question lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture et évidemment lors de l'étude du projet de loi article par article. C'est à ce moment-là qu'on présentera des amendements si le gouvernement n'a pas apporté les modifications qu'on croit qu'il aurait dû ou qu'il devrait apporter.

J'avais des questions sur votre requête concernant l'étudiant, à savoir qu'il soit soustrait du projet de loi. Je dois vous exprimer ma surprise quant à moi relativement à ce que l'étudiant soit soustrait comme tel du projet de loi, et ce pour les mêmes motifs que ceux que le ministre a invoqués tout à l'heure, surtout dans les secteurs professionnels où on a constaté que du fait que la commission scolaire et les écoles n'étaient pas soumises à la loi, aux différents contrôles du ministère du Travail, il y avait des défaillances marquées, entre autres, dans certaines écoles, les écoles de métier et dans le secteur professionnel où il y avait des normes qui n'étaient pas du tout respectées. C'était inacceptable ce qui se passait là.

On prend bonne note quant à nous de votre requête demandant qu'il y ait une personne du monde scolaire qui puisse faire partie de la Commission de la santé et de la sécurité. Je pensais que le ministre vous aurait fait un petit cadeau ce matin et qu'il vous aurait dit oui, mais il ne vous a pas répondu. Peut-être pourra-t-il répondre tantôt.

À la page 13, vous évoquez...

Une voix: Ce n'est pas un Père Noël.

M. Pagé: Ce n'est pas un Père Noël. Si vous voulez intervenir, vous interviendrez tantôt; il n'y a pas de problème. Ces gens-là ont demandé des choses ce matin et je dois dire que, jusqu'à maintenant, on a eu un débat qui a très bien été. Il a été très concluant, très positif, très serein, mais je pensais que le ministre, après quelques jours d'absence des travaux de la commission, serait un peu plus, non seulement généreux dans ses paroles, mais généreux dans ses prises de position ce matin. Je pensais que ce serait peut-être un peu plus clair dans son esprit et, compte tenu du caractère particulier de votre dossier, il aurait pu répondre de façon plus précise à vos questions.

À la page 13, vous évoquez le problème du financement. C'est un aspect important de tout ce débat qu'on n'a peut-être pas discuté tous les jours parce que je pense que personne au Québec ne peut soutenir qu'une action en santé et sécurité coûte trop cher. Tu ne peux pas quantifier les bénéfices de la santé et de la sécurité, mais une

chose est certaine, c'est qu'on peut d'ores et déjà présumer que toute action intégrée et plus rationnelle dans le domaine de la santé et de la sécurité aura des bénéfices, des avantages. Il y a trop de capital humain d'investi dans ce dossier des travailleurs du Québec et de la santé au travail du Québec pour ramener le débat strictement à des considérations financières. Mais ces considérations financières sont quand même importantes. Ce que vous évoquez à la page 13, vous demandez les sommes additionnelles qui devront être déboursées par les commissions scolaires pour répondre à ces normes, pour faire fonctionner ces comités, pour répondre aux différents critères et aux quelque 100 règlements que vous avez...

Mme Gobeil: 122.

M. Pagé: 122. Là-dessus, on peut diverger d'opinion. On n'a peut-être pas lu le même texte, mais ici il y a tellement de règlements qu'on a constaté qu'aucun intervenant en avait trouvé le même nombre. Il y en a qui ont parlé de 80. Nous, on a parlé de 110. Vous parlez de 122. De toute façon, il y aura une bonne centaine de règlements qui pourront être adoptés. Combien cela va-t-il coûter? Je pense qu'il n'y a qu'une seule question. M. le ministre, je conviens qu'il y a plusieurs couronnes sur la même couronne, je conviens qu'il y a plusieurs gouvernements dans le même gouvernement, je conviens que, bien souvent, les ministères, si ce ne sont pas les ministres, s'ignorent entre eux à l'occasion. Le ministre de l'Éducation a certainement été consulté ou a certainement participé à des comités interministériels sur ce projet. Est-ce que, dans l'esprit du gouvernement, les sommes que les commissions scolaires devront investir pour se conformer au projet de loi seront prises à même les enveloppes budgétaires, l'enveloppe globale, l'enveloppe du budget admissible du gouvernement ou si cela sera considéré comme de l'inadmissible et chargé directement aux contribuables? C'est une question bien spécifique à laquelle le ministre pourra peut-être nous répondre.

C'était là l'essentiel de mes questions et de mes commentaires. En ce qui regarde la structure, les préoccupations que vous évoquez, on les retient. On aura l'occasion d'en reparler. Quant à votre participation à la commission de santé et de sécurité, on espère qu'on pourra avoir un représentant du monde scolaire. Pour ce qui est du financement, je pense que la parole est au ministre, à ce moment-ci.

Merci de votre témoignage et de votre comparution, madame et monsieur.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Marois: Pour l'instant, je n'ai pas d'autres commentaires à formuler que ceux que j'ai formulés à ce jour. Il y a encore d'autres témoignages à être entendus aujourd'hui qui concernent, notamment, le domaine scolaire. J'attends qu'on ait en main l'ensemble de toutes et chacune des recommandations. J'ai eu l'occasion de dire que c'est évident qu'en commission parlementaire on ne peut pas passer à l'examen de chacune des recommandations de chacun des mémoires; c'est trop volumineux. On essaie donc d'amener les parties qui se présentent devant nous à clarifier autant que possible leur position pour être à même de les mieux comprendre et, partant de là, de tirer la ligne par la suite. Cela vaut aussi bien pour les questions de financement que pour les autres recommandations qui nous ont été soumises. Partant de là, en temps et lieu, une fois que tous les témoignages auront été entendus, le gouvernement aura l'occasion de formuler ses recommandations très précises. Il est évident, comme quelqu'un l'a évoqué, que je ne suis pas le Père Noël. (10 h 15)

II y a des choses qui semblaient évidentes en cours de route, et j'ai eu l'occasion de le mentionner, ou d'autres aspects, d'autres choses qui nous ont été suggérés ou des questions qui ont été soulevées qui nous semblaient plus que pertinentes. J'ai demandé tout à l'heure, quant à la façon dont la fédération voyait la formation des comités paritaires, si c'était par école, si c'était par commission scolaire régionale; si c'était par école, devait-il y avoir un comité de "chapeautage" et le reste? Cela indique, je pense bien, qu'on cherche avec les parties à examiner les formules qui soient susceptibles de coller le plus à la réalité. Partant de là, en temps et lieu, que ce soit au niveau du débat de deuxième lecture ou de l'examen article par article, j'aurai l'occasion de revenir. J'aime bien quand j'interviens pour dire: Je pense que c'est telle chose. Bien sûr que j'ai tous les éléments en main pour faire des affirmations comme celle-là.

M. Pagé: On reviendra, merci.

Le Président (M. Dussault): On vous remercie. M. le député de Laviolette, pour respecter la convention, puisque le temps alloué au parti ministériel est écoulé, il faudrait être bref.

M. Pagé: Très bref.

M. Jolivet: Je vais être bref. Oui, très bref, je n'ai pas l'intention d'être long. Cependant, je ferai remarquer que le premier paragraphe de la page 4 m'a surpris énormément. Cela me donnait quasiment l'impression que les commissions scolaires faisaient un aveu d'impuissance, quant à former des élèves aptes à entrer sur le marché du travail. C'est l'impression qui m'est restée. On dit: "Même si cet étudiant a presque terminé son cours ou son stage, les questions de normes, de règlements et de programmes de recherches ne sont-elles pas trop compliquées pour lui?". Il ne faut pas oublier que, s'il a terminé son stage ou s'il a terminé son cours terminal, cela veut dire qu'il est prêt à entrer sur le marché du travail et, en conséquence, il devrait connaître les normes du marché du travail où il veut aller. Du moins, c'est une impression qui me reste et c'est, pour moi, presque un aveu d'impuissance quant à former des étudiants aptes à entrer sur le marché du travail.

Deuxièmement, quand vous dites: "Au niveau des commissions scolaires, nos polyvalentes sont neuves", je dois vous faire remarquer que les polyvalentes sont peut-être neuves, la machinerie est peut-être neuve mais ce n'est pas vrai partout. Je prends comme exemple la commission scolaire d'où je viens, la Commission scolaire régionale de la Mauricie, qui s'est vue accusée de certaines infractions à la suite des inspections qui avaient été faites. On a dit au bout de la course: On corrigera ce qu'on est capable de corriger, qui ne coûte rien. Le reste, on attend, on ne le corrige pas tout de suite. En pleine page du journal Le Nouvelliste chez nous. Cela frappe un peu quand on voit cela.

Qu'on regarde les ateliers en enfance inadaptée; une machine peut être très neuve, une scie circulaire ou à ruban aussi, mais, si elles sont non fixées au plancher, je pense que ce sont des choses qui demandent, non seulement, au niveau de l'enseignant mais au niveau de l'étudiant, un arrêt quelconque. Parfois l'enseignant, en dehors de sa convention collective, est obligé, parce que la commission scolaire n'est soumise à aucune loi, aucun règlement, de faire des pressions lui-même au risque de perdre son emploi ou d'avoir des embêtements. Il est obligé de corriger la situation pour des enfants, et la commission scolaire dit: Ce n'est pas grave, ce sont des enfants inadaptés; d'une façon ou d'une autre, ce n'est pas grave.

Quand on a des réflexions comme celles-là et que vous parlez de gouvernement local, cela m'inquiète. Vous me permettrez de m'inquiéter. Si on faisait le tour de l'ensemble des commissions scolaires et des écoles où il y a de l'enseignement professionnel, on pourrait être surpris. On demande aux étudiants d'entrer du bois de l'extérieur l'hiver, on les place à côté de la machinerie qu'ils vont utiliser pour raboter ou des choses mécaniques comme cela, et on le laisse sécher à côté alors que les enfants risquent de s'enfarger dans le bois ou dans l'eau qui s'écoule; et vous allez me dire que le jeune est habitué à une forme de protection, à une forme de vie qu'il va rencontrer le lendemain matin s'il est sur le marché du travail? Quand je regarde cette chose, je m'inquiète et je suis content que la loi prévoie maintenant qu'il y aura, à l'intérieur des écoles — parce que ce n'est pas dans le bureau de la commission scolaire régionale qu'on va régler les problèmes, c'est dans l'école, j'en suis sûr — des comités formés à l'école et non pas dans une tour, en haut, où personne n'ira voir ce qui se passe dans l'école. Permettez-moi d'espérer que cela va régler une partie des problèmes.

L'étudiant, qu'on vient de couvrir par la Commission des accidents du travail au niveau du "curatif", je pense que c'est un pas en avant mais on devait, à mon avis, prévoir plutôt le "préventif" que le "curatif".

Dans ce contexte, la loi vient répondre à cela et soyez assurés que moi, qui proviens des commissions scolaires et qui ai participé à l'élaboration avec le ministre pour l'aider à prévoir des choses, je vais peser énormément pour qu'à l'intérieur des écoles, il y ait de la protection non seulement pour l'enseignant qui y travaille mais pour l'étudiant qui, demain matin, va se retrouver sur le marché du travail, et qu'en conséquence il y ait de la formation au niveau de la prévention et non seulement au point de vue curatif. Soyez assurés que de mon côté, je ferai pression auprès du ministre dans ce sens.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas de commentaires? Mme Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, moi aussi j'ai des inquiétudes concernant ce que vous venez de dire. Vous dites: La lecture que je fais est cela. Je m'inquiète de l'impuissance que vous semblez éprouver. Vous êtes des gouvernements locaux, vous vous réclamez des gouvernements locaux. Mon inquiétude part d'abord d'un principe. Dans le contexte actuel que nous vivons, c'est extraordinaire comme tout le monde remet en cause la commission scolaire comme gouvernement local. Pour la moindre petite chose qui ne va pas bien — ce n'est pas une accusation que je porte, c'est une constatation; on regarde ce qui se passe dans les journaux — la commission scolaire est toujours acculée au mur et une petite affaire est montée en épingle. M. le Président, si on faisait la même chose...

M. Jolivet: Quand il y a 140 infractions au Code de sécurité, vous appelez cela une petite affaire, vous?

Mme Gobeil: Non, M. le Président, ce n'est pas cela que j'ai voulu dire. Vous avez dit que vous manifestiez des inquiétudes sur ce que peut faire un gouvernement local dont nous nous réclamons. C'est à cela que je fais allusion. Je dis que dans le contexte actuel, beaucoup de gens semblent s'interroger. Moi, je m'interroge à savoir si on veut vraiment la disparition des commissions scolaires comme gouvernement local.

M. Jolivet: Ce n'est pas la question ici ce matin, madame.

Mme Gobeil: M. le Président, de toute façon, je fais cette intervention parce que je suis commissaire depuis plusieurs années. J'ai été enseignante moi aussi et je puis vous dire qu'il faut vivre dans la commission scolaire et dans nos écoles et que j'y vais tous les jours dans les écoles. Je sais qu'il y a des lacunes mais il faut dire aussi qu'on fait... Dans beaucoup d'endroits, il faudrait signaler tous les efforts qui sont faits. Nous ne sommes pas contre la loi. Nous avons apporté des choses ce matin pour... Nous pensions que ce que nous apportions pouvait aider à bonifier la loi et à la rendre applicable dans le milieu scolaire que nous représentons. Notre seul objectif était cela; ce n'était pas de faire une critique destructive. Si, en cours de route, nous aussi... Je repars avec des remarques que je vais transmettre à notre fédération et soyez assuré que nous allons regarder de plus

près ce qui a été avancé, que ce soit par l'Opposition ou par la partie gouvernementale. Nous le ferons avec plaisir. Nous vérifierons des choses. Nous ne voulons pas nous inscrire comme étant des modèles de perfection mais nous disons que nous faisons des choses positives et qu'il ne faudrait pas seulement exploiter ce qui est négatif, ou alors qu'on fasse la même chose pour tous les gouvernements locaux. C'est simplement cela, M. le Président. Je repars avec les remarques qui ont été faites et soyez assuré que, du côté de la fédération, tout ce qui pourra être fait vis-à-vis de ses membres pour des améliorations sera fait. Si, dans notre mémoire, il y a des choses que nous devrions, à notre tour, modifier et bonifier pour être plus réalistes et pour protéger l'étudiant et nos travailleurs nous le ferons. Ce que nous cherchons, c'est le bien-être de notre collectivité au niveau de nos commissions scolaires.

M. Jolivet: Juste une petit dernier commentaire simplement pour dire que si, aujourd'hui, nous nous retrouvons en commission parlementaire avec un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail, c'est qu'au départ, il faut que ce qu'on peut appeler les mauvaises choses aient pesé plus fort dans la balance que les bonnes choses. C'est dans ce sens que je voulais vous mentionner qu'au niveau du problème qu'on regarde aujourd'hui, au niveau des commissions scolaires, comme elles n'étaient sujettes, ces commissions scolaires, à aucune loi ni à aucun règlement et que la loi y pourvoit maintenant, il faudrait que ce soit vraiment pour les problèmes qui s'y trouvent. Je ne suis pas ici non plus pour vous donner les bons côtés, ce n'est pas le travail qu'on a à faire ici aujourd'hui.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement. Le commentaire du député de Laviolette m'oblige à un commentaire. Ce matin, le député de Laviolette — vous pourrez me corriger — semble reprocher à la fédération — peut-être pas à la fédération mais aux commissions scolaires — le fait que dans certaines écoles ou certaines commissions scolaires régionales, il y ait eu un constat d'infraction ou un constat d'activités qui ne répondaient pas aux normes et vous semblez vouloir jeter la balle dans le champ des commissions scolaires et leur imputer une responsabilité à cet égard.

Je vous dirai très brièvement seulement ceci: Le monde scolaire, jusqu'à maintenant et jusqu'à l'adoption de la loi 17, n'était pas soumis aux normes et à la vingtaine de règlements qui s'appliquent, qui ont été adoptés dans chacun des ministères. Si le monde scolaire avait été régi par ces règlements, il y aurait eu nécessairement un mécanisme de surveillance, un mécanisme d'inspection. Il y aurait certainement eu une obligation beaucoup plus certaine de la part des gens du milieu de s'impliquer sous cet aspect dans le dossier. Ils n'étaient pas soumis à la loi. Est-ce que la faute revient aux commissions scolaires ou si elle revient au gouvernement ou aux différents gouvernements qui ont décidé, à un moment donné, que les commissions scolaires et que le monde scolaire ne seraient pas assujettis à ces règlements?

Je n'accepte pas qu'on lance la balle comme cela. Ce serait trop facile. Le problème est plus compliqué. C'est peut-être explicable. Ce n'est pas normal, mais c'est peut-être explicable que des constats d'infraction, pour utiliser ce terme, aient été décelés dans certaines commissions scolaires, mais autant cela peut être inacceptable, autant c'est explicable parce que ces commissions scolaires ne sont pas sujettes aux règlements en question. Que le législateur prenne sa responsabilité, qu'il place le monde scolaire sous la coupe de la loi 17 et on aura un commencement de solution au problème, mais qu'on ne jette pas la balle dans le champ du voisin. C'était l'essentiel de mon commentaire.

Le Président (M. Dussault): Mme Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, une petite minute. Est-ce que vous permettriez d'ajouter ceci? Par expérience, je trouve regrettable que, dans une même commission scolaire, le ministère de l'Éducation nous imposait tel type de machines dispendieuses et le ministère du Travail arrivait après, nous disant: Ce n'est pas sécuritaire. Et nos professionnels reconnaissaient que ce n'était pas sécuritaire. M. le Président, qu'est-ce que vous auriez fait à la place d'un commissaire d'école? Je ne dis pas le moins bon. Qu'est-ce que vous auriez fait? C'est là qu'il y a un manque de concordance. Nous vivons ces situations qui sont excessivement pénibles et si, M. le Président, nous ne respectons pas les normes dans les achats, tout simplement ce n'est pas admissible aux subventions.

M. Jolivet: C'est cela, mais moi, je n'ai pas voulu jeter le blâme sur personne. J'ai voulu prendre la page 4 et voir vraiment ce que cela voulait dire. La deuxième chose, je suis conscient qu'au niveau du ministère de l'Éducation on disait: Écoutez, réglez cela, cela ne coûte rien, mais ne faites pas le reste, cela coûte de l'argent. Je suis conscient de cela. Je ne veux pas vous lancer la balle là-dessus. Ce n'est pas ce que j'ai voulu faire. Cependant, que chacune des deux parties, la commission scolaire et le ministère de l'Éducation, qui maintenant sera soumis à la loi, prennent leurs responsabilités dans le futur, qu'elles n'ont peut-être pas prises dans le passé au point de vue pécuniaire ou autre, mais qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y aurait pas eu moyen dans certains cas d'ancrer une machine comme une scie à ruban sur le plancher comme il le faut, au lieu de la laisser se balader sur le terrain. Je pense que cela ne prenait pas le ministère de l'Éducation pour le faire.

Le Président (M. Dussault): Merci. Au nom de la commission, je remercie la Fédération des

commissions scolaires catholiques du Québec de sa participation et de sa collaboration aux travaux de cette commission, et bon retour.

Avant d'inviter le prochain groupe, j'aurais une communication à faire à la commission. Le secrétaire des commissions a reçu deux lettres de la compagnie Union Carbide du Canada Ltée. Je lis ce qui est écrit en tête de lettre, M. le député de Portneuf. C'est bien écrit "du Canada" et non pas "of Canada". La première, la plus récente date du 17 septembre 1979, à l'attention de M. Marc Cantin, secrétaire. "Pour faire suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je vous transmets sous ce pli la lettre que M. Hainey adressait au secrétaire de la commission permanente du travail et de la main d'oeuvre en date du 17 août dernier au sujet du projet de loi no 17. Tel que je vous l'ai mentionné au téléphone, cette lettre fut expédiée de Toronto le 17 août 1979 et nous a été retournée le 14 septembre par le bureau de poste avec les mentions: Adresse incomplète, service et ministère inconnus."

Je dois comprendre...

M. Pagé: Est-ce que ce sont des moyens de pression?

Le Président (M. Dussault): Je continue à citer la lettre. "Je dois comprendre que ces documents seront déposés à la commission, mais qu'il est peu probable que la commission puisse les prendre en considération en raison du retard et des dossiers volumineux à étudier. Le retard étant dû à des circonstances en dehors de notre volonté, nous espérons que la commission tiendra compte de notre lettre du 17 août. (10 h 30)

Cette lettre du 17 août disait: "Union Carbide Canada Ltée a suivi avec intérêt et inquiétude l'élaboration du projet de loi 17 du gouvernement du Québec. Nous avons préparé et soumis en avril 1979 un mémoire présentant nos vues au sujet du livre blanc sur la santé et la sécurité du travail. Vous trouverez ci-joint un exemplaire de ce mémoire. La compagnie a également participé à la préparation d'un mémoire sur le projet de loi no 17 de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et du Conseil du patronat. Ces mémoires ont été soumis conformément aux directives publiées dans la gazette du gouvernement. La compagnie appuie la position prise par les associations mentionnées ci-dessus et vous prie d'accorder une attention toute particulière à leur mémoire."

Je demanderais à la commission si elle consent à ce que le mémoire de l'Union Carbide sur le projet de loi no 17 soit déposé intégralement au journal des Débats.

Des voix: Consentement. M. Marois: Consentement.

Le Président (M. Dussault): Ce sera donc déposé intégralement au journal des Débats. (Voir annexe A)

En vertu du règlement, je devrais normalement inviter les groupes à se présenter devant la commission dans l'ordre où nous avons constaté leur présence ce matin. Compte tenu, évidemment, du fait que nous avons commencé à une heure inhabituelle, il se peut que surtout les habitués de ces commissions aient tenu pour acquis qu'on commençait à 10 heures. Je demande à la commission si elle consent à ce que nous reprenions, contrairement au règlement — l'article 118-A précisément — l'audition des mémoires dans l'ordre où les groupes apparaissent sur la liste de ce matin.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Dussault): Ce qui voudrait dire que nous continuerions avec le Syndicat des fonctionnaires. Mais j'entendais tout à l'heure quelques membres de la commission dire qu'étant donné que nous avions traité de questions d'éducation, il serait peut-être logique que nous entendions immédiatement la CEQ...

M. Pagé: Qui était le groupe suivant.

Le Président (M. Dussault): ... qui était le groupe suivant, après quoi nous entendrions le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Si c'est le consentement de la commission, j'invite donc la Centrale de l'enseignement du Québec à se présenter devant nous.

La commission consent-elle à ce que le ministre, M. Marois (Laporte), remplace M. le député Gravel (Limoilou) et que de cette façon, M. le député Bisaillon (Sainte-Marie) puisse participer aux travaux de cette commission en tant que membre, tel qu'il apparaît sur la liste des membres de la commission?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Dussault): II y a donc consentement. Ce changement sera opéré.

M. Pagé: Oui, pas de problème, M. le Président. Par contre, ce matin, on constate qu'il y a certains petits problèmes de remplacement. Vous devriez demander au premier ministre de se dépêcher à nommer un whip adjoint pour qu'il puisse s'occuper de ces choses-là.

Le Président (M. Dussault): Je me ferai un devoir de faire cette démarche, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Cela pourra permettre à ce whip adjoint d'avoir tous les espoirs parce que cela semble être une formule pour entrer au cabinet.

Le Président (M. Dussault): Je le ferai, à ce moment-là, en tant que député de Châteauguay, évidemment.

M. Marois: Je suggérerais modestement au député de Portneuf qu'avec le lot de problèmes qu'ils ont chez eux...

M. Pagé: Ah! non. On en a pas mal moins que chez vous, vous savez!

M. Marois: Vous pensez cela?

M. Pagé: Ah! oui. Cela va bien de ce côté-là.

Le Président (M. Dussault): Cette parenthèse étant faite...

M. Marois: Avec le nombre que vous avez en Chambre, cela se comprend. C'est moins compliqué.

M. Pagé: On va être 30 bientôt. Il nous en manque trois. Ils vont venir. D'ici un mois, on va être trois de plus. Vous allez voir. Comment ça va, dans Maisonneuve?

Le Président (M. Dussault): J'espère que cela ne dérange pas trop nos invités, ces petites parenthèses.

M. Marois: Avez-vous trouvé un candidat, finalement, après 42 consultations?

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de ces commentaires, MM. les députés. J'invite le représentant de la CEQ à s'identifier pour les fins du journal des Débats et à nous présenter son collègue.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Gaulin (Robert): Robert Gaulin, président de la Centrale d'enseignement du Québec. Les intervenants aujourd'hui devant cette commission parlementaire sont: Michel Agnaieff, qui est le directeur général de la centrale; Marc Plamondon, qui a été le rédacteur du mémoire et qui a travaillé avec toute notre équipe à préparer les documents sur cette question fort importante, et Micheline Sicotte, vice-présidente de la centrale.

Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, j'ai parlé d'un collègue et je n'avais pas vu Mme Sicotte à côté de vous.

M. Gaulin: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Je voudrais d'abord remercier la commission de nous avoir accordé le privilège de passer à ce moment-ci et je remercie également les participants à la séance d'aujourd'hui qui ont manifesté un accord pour que nous dérogions un petit peu aux règles de procédure. Ce n'est pas une pratique de la centrale de demander des privilèges. Nous croyons que, étant fixés en deuxième ou en troisième place, on pouvait arriver pour faire la présentation et vaquer à d'autres occupations en attendant.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Gaulin. De toute évidence, il ne sera pas possible, à la lecture, que vous nous présentiez votre mémoire en 20 minutes. C'est une conven- tion ferme de cette commission depuis quelques jours de faire en sorte que l'on amène les invités à présenter leur mémoire en 20 minutes. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous plier le mieux possible à cette directive.

M. Gaulin: J'ai 20 minutes pour faire ma présentation.

Le Président (M. Dussault): Ce serait cela.

M. Gaulin: II n'y a pas de problème.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie.

M. Gaulin: Je voudrais, dans un premier temps, demander, selon la pratique habituelle des commissions parlementaires, de déposer notre document et de le noter au procès verbal. Je ne ferai pas la lecture du document. Je vais plutôt faire une mise en situation rappelant un peu la politique de la CEQ à certains égards et soulignant certaines recommandations ou certains aspects plus particuliers du mémoire, laissant à la discussion le soin de porter sur d'autres sujets qui pourraient vous intéresser plus précisément.

Le Président (M. Dussault): La commission semble reconnaître votre voeu. Alors, ce document sera versé intégralement au journal des Débats. On vous écoute. (voir annexe B)

M. Gaulin: Je voudrais d'abord, dans un premier temps, souligner l'intérêt de la centrale pour toutes les questions de santé et de sécurité au travail. Depuis déjà dix à quinze ans, la CEQ s'est intéressée aux problèmes de santé et sécurité, particulièrement dans le domaine de l'éducation. Qu'on se rappelle certaines interventions que nous avions faites devant la CAT concernant les maladies professionnelles dans l'enseignement. Nous avons tenté, par le passé, de souligner les problèmes de prévention et d'attirer l'attention des milieux éducatifs sur toutes les questions de santé et de sécurité. Nous avons tenté, à travers nos discussions, nos études, nos analyses sur l'école, de démontrer jusqu'à quel point l'école devait s'orienter sur la préparation de la majorité à exercer leur travail et non pas s'intéresser seulement à cette portion des étudiants qui sont appelés à fréquenter les institutions supérieures d'enseignement, les cégeps ou les universités. Nous avons toujours dénoté que, selon nous, les écoles secondaires, les écoles élémentaires et les cégeps n'accordaient pas suffisamment d'attention à la préparation immédiate à la vie. Je crois que c'est un aspect qui a été nettement mis en évidence dans l'enquête à laquelle vous référiez tout à l'heure, l'enquête de Lanaudière, et qui est confirmée par certaines autres enquêtes qui se font, à ce moment-ci, dans d'autres commissions régionales. On mentionne celle qui a été faite par le DSC de Beauceville où on constate qu'il y a nettement, dans les écoles polyvalentes de ce territoire, des situations illégales. Non seulement

on ne connaît pas les normes, mais il y a des situations qui font que les normes sont violées d'une façon assez importante.

En ce qui concerne la santé et la sécurité, nous considérons, au niveau de la centrale, que cela intéresse d'abord et d'une façon particulière les travailleurs. Toute l'histoire du mouvement ouvrier auquel on réfère dans l'introduction de notre mémoire rappelle les luttes longues, difficiles et importantes qui ont été menées par les organisations de travailleurs pour se faire reconnaître comme organisations de travailleurs et pour tenter de changer le milieu de travail et de faire du milieu de travail pas seulement un endroit où l'on gagne sa vie en risquant fortement de la perdre, mais un milieu de travail où l'on peut gagner décemment sa vie et s'assurer, à un moment donné, une retraite et des moments pour s'occuper d'autres choses que seulement travailler.

L'intervention du gouvernement — nous l'avons souhaitée — nous l'appuyons à ce moment-ci dans le domaine de la santé et de la sécurité, mais il faut tout de même admettre que cela arrive tard, que cela arrive à un moment où on a constaté et la commission, l'étude, le livre blanc constataient aussi d'une façon très importante et très claire une situation assez catastrophique en ce qui regarde la santé et la sécurité au travail au Québec.

Je crois que l'intervention du gouvernement vient tard et vient à un moment où on se situe dans une problématique où on essaie de concilier, à la fois, les intérêts du capital, que ce soit le capital humain ou le capital économique, et où on se situe dans une approche, à notre avis, beaucoup trop coût-bénéfice. Je pense que cela coûte cher aux entreprises, la situation des accidents du travail, de mortalité et, à tout cela, il faut apporter une solution et faire en sorte que les coûts diminuent et qu'en diminuant les coûts liés à la santé et à la sécurité, les profits augmentent.

Notre analyse, à nous, nous pose très clairement cette problématique au coeur de toute l'intervention gouvernementale à ce moment-ci, et nous croyons que c'est une intervention trop timide, trop mitigée et qu'il faudrait, à travers une loi sur la santé et la sécurité, à travers une intervention qui se situe tard, dans le temps, quand on regarde l'histoire du mouvement ouvrier, l'histoire des relations de travail au Québec, c'est une intervention qui devrait être beaucoup plus ferme pour apporter un changement fondamental d'approche, amener une approche globale complètement différente, en ce qui regarde la santé et la sécurité au travail.

Nous avons vu, dans le projet de loi no 17, une approche gouvernementale qui affirme que la santé et la sécurité, c'est une responsabilité commune. Les patrons ont autant d'intérêt à la santé que les travailleurs eux-mêmes, que les organisations des travailleurs. Nous rejetons cette logique qui est présente, à notre avis, partout dans le projet de loi. Elle est présente dans l'absence de distinction assez claire entre les syndiqués et les non-syndiqués: on ne reconnaît pas très claire- ment, dans la loi, que les non-syndiqués auront beaucoup plus de difficultés à faire appliquer toute cette mécanique et à faire reconnaître et appliquer réellement les droits qui leur sont reconnus, dans cette loi.

C'est la même approche dans les programmes de prévention. Prévention, santé et sécurité, c'est une tâche patronale qui, pour une bonne part, est partagée, coresponsabilité, avec les organisations de travailleurs. Le droit de refus individuel, pour nous, nous le lions à cette approche de la responsabilité commune. L'approche des moyens de protection individuels, dire qu'il appartient au travailleur de se protéger. Il appartient au travailleur d'utiliser les instruments de protection pour ne pas être victime de surdité, d'amiantose, ou... porter des bottes avec des "caps" d'acier et des choses comme cela, tout cela, axé sur la prévention plutôt que sur l'organisation du milieu de travail, qui fera que le milieu sera moins permissif aux accidents du travail. Nous croyons que là encore, c'est un élément de l'approche de la responsabilité commune.

La peur a été soulevée par plusieurs intervenants dans cette commission parlementaire, dans plusieurs mémoires, même par le gouvernement, la peur des abus concernant le droit de refus par les travailleurs. On a peur que le balancier aille de l'autre côté, une fois qu'il a fonctionné dans le système qu'on connaît actuellement.

L'approche que nous mettons de l'avant et qui justifie bon nombre de nos recommandations, c'est que l'organisation syndicale doit être au coeur de la défense des intérêts des travailleurs, que les travailleurs sont en mesure de faire valoir leurs droits, leurs revendications, de se protéger, de se défendre, que dans la mesure où ils sont organisés collectivement et où ils se donnent les moyens collectivement d'agir.

Notre demande fondamentale, face à cette situation, c'est la reconnaissance effective du syndicat, du syndicalisme, comme agent principal de la défense des intérêts des travailleurs. L'intervention de l'État, nécessaire, doit venir confirmer, renforcer la capacité du mouvement syndical d'assumer son rôle face aux travailleurs. Et donc, vous ne vous surprendrez pas de voir, encore une fois, cette recommandation dans ce mémoire: il est donc important d'assurer par une loi, une syndicalisation réelle et effective de l'ensemble des travailleurs du Québec. Avec 25%, 30%, 35% d'autres syndicalisations, dans certains secteurs, c'est évident que, quel que soit l'appareil législatif ou réglementaire ou les commissions autour de cela, effectivement, sur les lieux de travail, il y a des choses qui ne pourront jamais se réaliser. (10 h 45)

Nous doutons qu'à travers cette loi, les travailleurs non syndiqués soient véritablement et réellement protégés. Nous sommes heureux de voir introduit dans la loi un point que nous avions soulevé dans des interventions précédentes concernant la protection des acquis des conventions collectives dans la loi. Cela nous semble un élément de base essentiel pour s'assurer que la loi ne sera pas

le minimum et qu'on ne recommencera pas, dans certains secteurs, des batailles pour partir de là où on est maintenant. Sur ce point, nous sommes d'accord avec l'introduction de cette dimension.

Sur la loi elle-même, j'aimerais souligner cinq points, cinq aspects. Sur le droit de refus: Pour nous, le droit de refus doit pouvoir s'exercer collectivement, doit pouvoir s'exercer par le représentant syndical élu, nommé par le syndicat et lorsque le représentant syndical exerce le droit de refus, à ce moment-là, il ne peut pas y avoir de poursuite ou d'intervention contre le travailleur qui aurait refusé parce que le travailleur est appuyé par son représentant syndical et, à ce moment-là, toute la dimension de poursuite et de prendre fait et cause contre le travailleur qui aurait hypothétiquement fait une erreur en refusant de travailler, ne pourrait pas s'exercer.

On invoque que dans certains pays qui ont 30 ans de social-démocratie, on n'a pas encore introduit ce système de recours collectif. Nous pensons que dans un pays qui a 100 ans de capitalisme, il faudrait peut-être changer les choses d'une façon significative et importante même au risque qu'il y ait certains abus ou qu'on aille plus d'un côté qu'on voudrait y aller dans le cadre de cette loi.

Deuxième point soulevé: Les comités paritaires. Nous sommes en accord avec les comités paritaires. Nous considérons que la création des comités paritaires est une des victoires importantes du mouvement syndical. Une fois qu'on a dit cela, il faut que le comité paritaire soit réel, qu'il puisse avoir des pouvoirs, qu'il soit décisionnel et que le comité paritaire ne puisse pas seulement faire des recommandations. Nous croyons que le comité paritaire doit être formé par unités d'accréditation, que le comité paritaire doit avoir un pouvoir décisionnel sur la question de la formation et que le programme de formation dans l'établissement ne relève pas de l'employeur mais soit sous la juridiction du comité paritaire décisionnel. Nous croyons que le choix du médecin devrait se faire par le comité paritaire et qu'en cas de désaccord au niveau du comité paritaire, cela puisse se faire par l'organisation syndicale, c'est-à-dire que le veto syndical s'exerce en cas de désaccord au sein du comité paritaire sur cette question du médecin.

Troisième point: La protection des femmes enceintes. Nous avions déjà eu l'occasion d'intervenir auprès du ministre pour dire que ce n'était pas suffisant ce qu'il y avait là-dedans. Il faudra regarder plus attentivement toute la question du retrait préventif et s'assurer que dans un premier temps, lorsqu'une femme enceinte avisera l'employeur, que l'employeur puisse immédiatement l'informer des dangers existant dans l'entreprise face à cette situation quoiqu'il y ait un rôle d'information première à venir de l'employeur dès qu'on porte à sa connaissance qu'une femme est enceinte. Nous voudrions nous assurer que tout l'exercice du retrait préventif, partiel ou total, puisse s'accompagner sans pénalité et nous voudrions souligner un petit problème face à toute cette question des femmes, des congés de maternité et du droit des femmes — quoique Micheline pourra préciser certaines choses — et souligner le problème de la multiplicité des lois à ce moment-ci. Je crois qu'on veut, du côté du gouvernement, faire un effort mais on commence à accumuler les lois qui vont poser des drôles de problèmes d'application, d'interprétation ou des drôles de problèmes pour définir les droits de chacun des travailleurs.

Qu'on songe à l'ordonnance 17, qu'on songe à la loi 126 sur les conditions minimales, à la Loi d'assurance-chômage qui nous transfère au fédéral et la loi ici sur la santé et la sécurité qui va parler des droits des femmes enceintes et l'élément convention collective qui vient ajouter un autre facteur là-dedans. Cela commence à faire une mécanique pas mal lourde pour cette situation.

Le quatrième point que je voudrais soulever, c'est une recommandation importante que nous faisons, je crois, et qui est peut-être une particularité que la centrale met de l'avant, c'est l'Institut de recherche et de médecine. Nous recommandons la création d'un Institut québécois de recherche et de médecine du travail. Les fonctions principales de cet institut seraient d'assurer la formation des médecins en médecine du travail, la formation des infirmières, la formation des personnels oeuvrant dans le réseau public parce que nous croyons que l'application de la santé et de la sécurité au travail doit se faire dans un réseau public d'institution et ne doit pas être confiée à l'entreprise privée ou laissée au gré de chacune des entreprises elles-mêmes, et enfin, la dimension recherche. Je crois qu'il y a des recherches importantes à entreprendre au niveau... On a souligné que de la recherche, il s'en fait sous différentes formes, dans différentes entreprises. Il faudrait centraliser, consigner au niveau de cet institut l'ensemble des recherches qui se font ailleurs, faire les analyses des études pour éviter la duplication et se donner, à ce niveau, un programme de recherche adéquat. Cet institut pourrait également tenir des stages de formation, des sessions de formation pour les travailleurs qui ont à assumer certaines tâches dans la prévention. Nous croyons que le rôle de formation des travailleurs, des membres militants dans les organisations syndicales appartient aux organisations syndicales et que les budgets devraient être référés pour une bonne part — on parle de deux tiers dans notre recommandation — aux organisations syndicales, mais nous pensons qu'à travers cet institut il pourrait y avoir une formation de pointe, une formation plus spécialisée qui permettrait véritablement de se tenir au courant.

Il y aurait une possibilité ou probablement un autre aspect à ajouter à cet institut de recherche et de médecine du travail, c'est toute la question de la certification des machines outils ou l'autorisation d'utiliser tel ou tel appareil dans les entreprises ou dans les institutions publiques. Je crois qu'on souligne à travers l'étude de Lanaudière, qu'il y a des problèmes de machines, d'utilisation de machines dans les écoles. Dans notre mémoire, notre document de base déposé à l'occasion du sommet économique de La Malbaie, dans des in-

terventions que nous avions faites sur la santé et la sécurité, nous avions souligné ce problème, l'existence dans les écoles de machines où les jeunes sont obligés d'être sur des tabourets pour faire fonctionner la machine parce qu'on n'a pas prévu la hauteur applicable pour les étudiants et j'en passe. On pourrait donner des foules d'exemples de cet ordre. Il y a donc, je crois, un "placet" à donner, à un moment donné, sur l'autorisation de machines et il y a tout le problème des cadences et de l'organisation du travail derrière cela qui fait qu'il ne s'agit pas seulement d'agir au niveau de la prévention, mais il faut agir au niveau de l'équipement, de l'outillage et de l'organisation des milieux de travail.

Le dernier point que je voudrais souligner, c'est concernant l'école. Il y a là un virage important à faire. Nous soulignons l'existence, à la grandeur du Québec, de situations telles que celles mentionnées dans l'étude de Lanaudière et ce qu'on nous dit c'est que Lanaudière c'était peut-être l'école la plus moderne et là où on a essayé d'être d'avant-garde. Si c'est cela Lanaudière, qu'est-ce que c'est que dans l'ensemble des autres régions? D'autres enquêtes que nous faisons à ce moment-ci nous confirment que c'est un fait général dans l'éducation lorsqu'on regarde les budgets zéro de fonctionnement des commissions scolaires, en ce qui regarde tout le reste, sauf les salaires des enseignants, tous les postes budgétaires, l'équipement. Je comprends qu'il y a des situations importantes à corriger et qu'il faudrait du côté gouvernemental — dans la mesure où on adopte des lois et qu'on veut que cela s'applique — il faudrait mettre en oeuvre des moyens pour corriger rapidement la situation faite aux étudiants dans les écoles.

Nous croyons qu'en ce qui regarde l'organisation de la sécurité au travail, c'est évident que cela doit se faire dans les écoles et non pas dans les sièges sociaux des commissions scolaires, comme cela doit se faire dans les usines et non pas dans les sièges sociaux, à Montréal, à Toronto ou à New York. Et là-dessus, nous sommes loin de partager la position de la Fédération des commissions scolaires et nous croyons que la santé et la sécurité, cela doit se vivre, cela doit s'organiser dans les milieux de travail là où sont les dangers réels et effectifs.

Nous sommes heureux de voir qu'il y a possibilité pour les étudiants d'exercer le droit de refus; nous sommes d'accord avec cela. Pour ce qui regarde toute la question des comités paritaires, nous croyons qu'il peut exister un comité paritaire au niveau de la commission scolaire, et pour le reste, cela devrait faire l'objet d'une négociation.

Nous avons déjà déposé, dans nos négociations locales, des revendications sur l'organisation des comités dans les milieux. Nous pensons globalement qu'il devrait y en avoir un dans les écoles polyvalentes et qu'au niveau élémentaire, il pourrait y avoir des arrangements et des accommodements, compte tenu des territoires, compte tenu des dimensions des établissements.

Nous sommes assurés que, si la loi ne recon- naît pas une existence réelle, avec des pouvoirs décisionnels réels et concrets des comités paritaires, nous allons avoir, face à nos employeurs qui ont passé avant nous tout à l'heure, une côte très difficile à remonter, en ce qui regarde l'existence de vrais comités paritaires qui peuvent faire des choses et qui peuvent prendre des décisions. Qu'on se rappelle que dans la négociation — et je ne veux pas ouvrir là-dessus — le comité paritaire de perfectionnement, qui est un acquis de dix ans de négociation, est menacé actuellement et que les propositions patronales éliminent complètement ces comités paritaires qui, pourtant sont un acquis et qui fonctionnent éminemment bien selon les rapports que nous avons de la plupart de nos établissements et de nos syndicats locaux.

Il y a donc là, une côte importante à remonter. Nous ne croyons pas, cependant, que le comité paritaire soit institutionnalisé à la grandeur, soit dans les écoles, soit dans le système éducatif, soit dans les autres types d'établissements, comme étant la seule forme possible d'organisation de la mécanique. Nous croyons que le comité paritaire pourrait être un minimum et que, par le biais de la négociation, on pourrait convenir d'autres formes d'organisation ou de fonctionnement, des comités, des organisations pour faire appliquer les dimensions de santé et de sécurité au travail.

Voilà les aspects que je voulais mettre en évidence dans notre mémoire et nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'on doit entendre immédiatement Mme Sicotte?

Mme Sicotte (Micheline): Ce sera dans l'échange de...

Le Président (M. Dussault): D'accord. Alors, merci, M. Gaulin! Alors, monsieur le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la Centrale de l'enseignement du Québec de son mémoire. Je comprends que c'est le matin, alors vous comprenez qu'on a jeté un rapide coup d'oeil. On avait reçu un document préliminaire. Ce matin, on a en main un document qui contient trente-cinq recommandations. On a jeté un coup d'oeil très rapide pour voir quels étaient les ajustements qui avaient pu être faits, par rapport au document préliminaire. Bon nombre de groupes qui se sont présentés devant nous ont, d'ailleurs, procédé de la même façon, et c'est tout à fait légitime, normal, notamment compte tenu de l'importance du sujet. Partant de là, bien sûr, je n'aurai pas le temps de reprendre toutes et chacune des recommandations. Sans abuser du temps, je voudrais, cependant, jeter sur la table, un certain nombre de remarques, commentaires, questions, si vous permettez que je mette le paquet sur la table, et après, je présume que vous le reprendrez au fur et à mesure.

Une première chose que je voulais dire, c'est — parce qu'on a eu l'occasion de l'évoquer avant

le début des travaux de la commission parlementaire, depuis le début des travaux d'ailleurs, aussi — ce que vous avez appelé la base ou l'un des éléments de philosophie ou de point d'ancrage ou d'appui, de l'économie générale du projet de loi, essentiellement sur une notion de coût-bénéfice. Peut-être que cela, c'est possible — je n'ai pas l'habitude de penser qu'en général, les journalistes citent mal les hommes politiques, je suis toujours porté à penser que les hommes politiques ou les femmes politiques s'expriment mal ou expriment mal leur pensée, sauf les cas d'exception qui confirment la règle. (11 heures)

Essentiellement, ce qu'on a dit depuis le début — et ce que je tiens à répéter à nouveau ce matin — c'est que sur la base de chiffres conservateurs — c'est toujours ce que j'ai dit d'ailleurs — et qui n'ont jamais été contestés par qui que ce soit d'ailleurs — quand une société comme la nôtre est rendue qu'elle se paie l'équivalent en coûts économiques directs et indirects d'un minimum de $2 500 000 000, on ne viendra jamais soutenir devant nous qu'on est une société qui n'a pas les moyens d'essayer de s'attaquer à la racine des maux et de viser à éliminer les causes mêmes d'accidents et de maladies. En d'autres termes, on peut certainement se permettre, comme société, de déplacer une partie de ces coûts pour s'attaquer, encore une fois, à la racine des maux; ce qui implique non seulement l'ensemble de tous les mécanismes de participation pour que ceux et celles qui sont quand même les premiers concernés, les hommes et les femmes au travail, soient impliqués et que ce ne soit pas seulement du placotage, mais avec des droits réels et des pouvoirs réels, mais en plus, que cela implique les ajustements requis à l'environnement même du travail. C'est ce qu'on a soutenu depuis le début et j'ai souvent dit que quant à ceux qui ont de la misère à voir plus loin que leur seul bout de nez économique, les notions de productivité et autres notions du genre, ce ne sont pas des abstractions et cela ne tombe pas du ciel.

Quand les conditions de travail sont telles que les gens risquent d'y laisser une partie d'eux-mêmes si ce n'est pas eux-mêmes intégralement, ce ne sont pas les conditions qui favorisent la productivité. Qu'on ne vienne pas argumenter une chose comme celle-là devant nous. En d'autres termes, notre approche est basée sur le fait qu'on est une société qui se paie actuellement prétendant corriger des choses — il y a des choses qui ne sont pas réparables, on a un minimum de $2 500 000 000 de coûts et que là, le réservoir et le potentiel... Bien sûr, on n'arrivera pas demain matin, quand on regarde certains coins d'où on part, encore une fois aux usines vertes de Le Corbusier, où on est capable de faire un maudit bout de chemin et pas mal plus rapidement qu'on peut le penser à la condition qu'on s'y mette et qu'on s'en donne la peine pour changer les choses au point de nous étonner nous autres mêmes de ce qu'on est capable de faire quand on le veut.

Il y a une autre chose que vous avez évoquée. Vous me permettrez de la relever? Je ne crois pas honnêtement que le gouvernement comme tel ai dit une chose comme celle-là. Vous avez évoqué la peur des abus dans l'exercice du droit de refus, peu importe la forme que prend le droit de refus, individuel ou exercé par plusieurs qui vivent le même problème ou le refus à la suédoise, c'est-à-dire enclenché par le représentant syndical. Des témoignages ont été entendus allant dans ce sens-là. Depuis le début des travaux de cette commission ici, chaque fois que des groupes, notamment du monde des affaires, se sont présentés devant nous pour soutenir cette argumentation, on a entendu plusieurs témoignages en contre-interrogatoire que ce soit le cas de l'Institut canadien du textile, que ce soit d'autres cas qui se sont présentés devant nous. Ils ont admis en réponse à des questions très précises qu'ils ne connaissaient pas dans les cas où le droit existe — et il est limité, par exemple, sous réserve de me tromper, je ne crois pas que vous ayez présentement en convention collective un mot concernant le droit de refus, je ne pense pas que ce soit comme tel dans la convention collective... En d'autres termes, il y a un paquet d'hommes et de femmes syndiqués qui ne l'ont même pas dans leur convention collective, non pas qu'ils n'ont pas le droit naturel — le droit naturel existe pour tout le monde — mais ils n'ont pas la protection de l'exercice de ce droit. La nuance est de taille. Tous ceux qui ont témoigné devant nous à des questions très précises ont admis qu'ils ne connaissaient pas de cas d'abus et depuis le début de nos travaux, on répète qu'on ne voit pas pourquoi, en quoi et sur quoi on se fonderait — à part quelques "flaillés" à gauche et à droite, dans les sociétés il y en a toujours et il y en a chez nous comme ailleurs — pour affirmer que les hommes et les femmes qui sont au travail au Québec seraient plus irresponsables au Québec qu'ailleurs. Quand on regarde l'application des lois, que ce soit en Ontario, que ce soit en Saskatchewan, B.C., que ce soit en Suède, que ce soit dans les autres pays, les cas d'abus, il y en a eu quelques-uns. Il faut l'admettre, mais ils sont à la marge et nous ne croyons pas que les hommes et les femmes au travail au Québec seraient plus irresponsables qu'ailleurs.

Partant de là, si vous me permettez simplement de reprendre — je ne pourrais pas toutes les passer — très rapidement un certain nombre de vos recommandations, il y a la recommandation — et là, je veux être certain que je la comprends bien — où vous demandez que les organisations syndicales aient le droit de participer à l'élaboration et à l'application des normes et règlements ainsi qu'à l'établissement des programmes de recherche et de prévention, il me semble, à moins que la lecture du projet de loi vous semble ambiguë ou que cela ne ressorte pas clairement, que c'est ce que prévoit le projet de loi. Le fait, par exemple, que le conseil même d'administration de la Commission québécoise de la santé et de la sécurité soit composé notamment de représentants des organisations syndicales et que le pouvoir de

réglementation soit initié, que les nouveaux règlements soient élaborés à partir de la commission, forcément, déjà, elles se trouvent associées par ce mécanisme à l'élaboration même des règlements. Forcément, aussi, quant au respect de l'application des règlements, puisqu'elles siègent au conseil d'administration et c'est vrai aussi en bas, au niveau même de l'établissement puisque le projet de loi prévoit déjà la possibilité qu'un syndicat puisse nommer un représentant à la prévention avec du temps de libération pour procéder, enquêter sur les lieux de travail, et le reste.

J'aimerais connaître vos commentaires parce que, fondamentalement, on est d'accord avec ce que vous recommandez. Mais je veux savoir si, d'après vous, la lecture que vous faites du texte de loi vous semble ambiguë.

La même chose en ce qui concerne la recommandation no 3. Je voudrais savoir sur quoi et à partir de quels éléments du projet de loi ou la lecture que vous faites — parce que je croyais comprendre, à la lecture du projet de loi, que ce que vous recommandez au no 3 est déjà prévu dans le projet de loi.

En ce qui concerne la recommandation no 7, concernant le droit de refus et les circonstances, vous demandez que ce soit modifié de telle manière qu'on précise quelles sont les fonctions et quelles sont les circonstances qui peuvent comporter des risques inhérents. Je peux vous dire qu'à la lumière de toute une série de recommandations, de questions qui ont été formulées, je suis en train de réexaminer toute cette question pour voir de quelle façon il y a moyen d'y arriver. Il y a l'approche à la manière ontarienne mais je ne vous cacherai pas qu'elle m'agace un peu. Elle m'agace dans le sens qu'elle exclut nommément des groupes de l'exercice du droit de refus, carrément. Elle exclut, par exemple, les policiers et les pompiers. Ils n'ont pas le droit d'exercer le droit de refus. Par ailleurs, il y a une autre partie de la loi ontarienne qui, elle, peut-être nous ouvre une approche qui pourrait être intéressante. Au lieu de cerner une notion de risques normalement et habituellement inhérents, peut-être qu'on peut prévoir qu'il peut, dans les cas où les circonstances sont telles que l'exercice du droit pourrait mettre en danger la vie d'autres travailleurs ou du public, que dans ces circonstances, uniquement, la notion d'inhérence existera. En d'autres termes, on se trouverait à la resserrer encore mais c'est purement une hypothèse. J'avoue qu'on est en train d'examiner cela mais si vous avez des commentaires ou des suggestions beaucoup plus précises, je pense que ce serait intéressant qu'on puisse les entendre.

J'aimerais aussi vous entendre peut-être préciser davantage votre recommandation no 9. En ce qui concerne maintenant la recommandation no 12, c'est le cas de l'information à une travailleuse qui se déclare enceinte, je pense que c'est une recommandation intéressante que vous formulez. Je tiens à le signaler tout de suite au passage. Il y a une chose cependant que vous avez ajoutée dans votre exposé. Vous avez semblé indiquer, si j'ai bien compris, qu'en plus vous craigniez, vous aviez des raisons de craindre des représailles ou des mesures disciplinaires, en d'autres termes, le cas échéant, dans le cas de l'exercice, par la femme enceinte, du retrait préventif. Il se peut que j'aie mal saisi ce que vous avez dit et, le cas échéant, j'apprécierais que vous commentiez un peu cela, qu'on puisse voir. Mais la recommandation no 12 telle qu'elle est là m'apparaît être une recommandation intéressante.

Puisqu'on parle du retrait préventif, au passage, j'ai posé cette question à plusieurs groupes: Est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu — évidemment, tout ne pourra pas être fait en même temps et il va certainement falloir prévoir un gradualisme — si tel devait être le cas, est-ce que vous pensez qu'une fois le principe du retrait préventif introduit dans une loi comme celle-là, s'appliquant de façon nette dans le cas de la femme enceinte, est-ce qu'à votre avis il n'y aurait pas lieu de prévoir la possibilité d'élargir l'application du principe du retrait préventif par gradualisme parce que les types mêmes d'altération, dans certains cas, le monde médical ou scientifique ne réussit pas à les cerner, je veux dire les premiers signes avant-coureurs, avant qu'il y ait lésion ou maladie.

Est-ce qu'à votre avis, il y aurait lieu d'en ouvrir au moins pour les cas de type d'altération qu'on connaît? Je pense que ce serait intéressant d'avoir vos commentaires, si vous avez des choses à nous dire là-dessus.

La recommandation 15, on va certainement la regarder très près, cette recommandation qui veut qu'au moins deux fois par année un service spécifique de la commission s'assure du fonctionnement adéquat des comités de santé et de sécurité dans les entreprises non syndiquées. J'aimerais que vous commentiez plus avant la recommandation 16. Je crois comprendre que, telle qu'elle est formulée, vous nous demandez d'exclure la participation. Je comprends que ce n'est pas facile à établir. Par exemple, le projet de loi prévoit que, dans le cas d'associations sectorielles — on y reviendra tantôt, parce que vous y touchez de façon très précise avec une recommandation qui est aussi précise - ce sont uniquement les coins d'un secteur économique ou industriel ou d'un service où les travailleurs sont organisés, qu'il y aurait donc uniquement représentation syndicale aux associations sectorielles parce que, dans un secteur large, c'est à peu près impossible de faire autrement. Mais, dans le cas d'un comité paritaire, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait prévoir la possibilité qu'il y ait une forme quelconque de représentation des travailleurs qui seraient non syndiqués dans une entreprise donnée?

Concernant votre recommandation 19, le fait que le pouvoir décisionnel soit déjà prévu dans le projet de loi ne répond-il pas à votre recommandation 19? Je prends note, par ailleurs, de votre recommandation 20. On va la regarder de très près. En ce qui concerne la recommandation 23, on en prend note aussi. On va regarder cela et je tiens à signaler au passage qu'en ce qui concerne la recommandation 23, dans le cas du représen-

tant à la prévention, je pense que le texte est très clair. Il va exactement dans le sens de ce que vous recommandez, mais si je comprends, cela ne vous apparaît pas aussi clair dans le cas des participants désignés par le syndicat au comité paritaire comme tel autres que le représentant à la prévention.

Je terminerais sur deux remarques. Je m'excuse d'abuser de votre temps, M. le Président. Je pense que votre recommandation 33 est intéressante. Encore une fois, il s'agit d'une première réaction. On va la fouiller de toute façon. Dans votre recommandation 34, vous recommandez que les programmes de formation des travailleurs de l'enseignement prévoient une formation théorique et pratique adéquate en hygiène industrielle. Je pense que vous avez plus que raison.

Voilà, M. le Président, les commentaires et remarques que j'avais à formuler.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. Gaulin.

M. Gaulin: Je vais reprendre un certain nombre de choses, mais j'aimerais peut-être, dans un deuxième temps, que le ministre réagisse à notre recommandation concernant l'Institut québécois de santé et de prévention.

M. Marois: Je peux réagir tout de suite pour vous dire qu'on va examiner très attentivement votre recommandation. Pour l'instant, je ne peux pas honnêtement aller plus loin que cela. De mémoire, je me demande d'ailleurs si on n'a pas eu une recommandation d'un autre groupe qui va dans le même sens. On va regarder cela de très près. Je ne suis pas encore convaincu. Je ne dis pas que l'idée... L'idée de base est qu'au fond il s'en fasse et que cela se fasse de façon organisée, systématique, ce qui n'est pas le cas présentement, c'est émietté dans toutes les directions. (11 h 15)

Ce qu'il y a derrière, au fond, peu importe la structure que cela prend, vous recommandez que cela prenne la forme sur le plan structurel d'un institut, quant au contenu de ce qu'il y a derrière, parce que sur le fond, il n'y a pas de discussion, il y a accord là-dessus, pour l'instant, je ne suis pas prêt à me prononcer encore sur l'idée même de la création d'un institut comme tel mais on va regarder cela de près.

M. Gaulin: En réponse à l'ensemble des questions, sur le premier point, l'économie générale de la loi, je crois que votre analyse confirme notre propre analyse de la situation. Nous ne dénonçons pas le fait qu'il y a des coûts impliqués et que cela coûte très cher et qu'il faille utiliser cette argumentation comme point d'accrochage auprès d'un certain nombre d'employeurs plus rébarbatifs et qu'on doive convaincre certaines gens à faire la démonstration que cela peut être "profitable" de s'occuper de la santé et de la sécurité, mais ce que nous dénonçons, c'est qu'on s'arrête là dans la mesure où on peut épargner de l'argent et faire des profits, on va s'occuper de la santé, de la sécurité et de l'organisation du travail, mais dans la mesure où cela deviendrait non rentable ou moins profitable, que le bénéfice ne justifierait pas le coût, alors, il y aurait des réserves. Nous nous disons qu'on doit dépasser le simple stade du calcul économique et aller beaucoup plus loin et dire qu'il faut faire un effort, une transformation importante des mentalités et de l'approche générale en privilégiant le droit inaliénable à la santé et à la sécurité du travail.

Sur la question du droit de refus, je crois que nous n'avons pas peur des abus. Mais l'invitation qu'on faisait par notre recommandation, c'est dire qu'on devrait aller assez loin, même si certains peuvent invoquer le fait qu'il y a des possibilités d'abus dans telle ou telle situation. Nous croyons nous aussi que les travailleurs, d'une façon très générale, n'abusent pas des situations, n'abusent pas des droits qui leur sont conférés ou des droits qu'ils ont conquis à travers les luttes syndicales. C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas nous expliquer autrement que par la crainte, le fait de ne pas introduire, à ce moment-ci, dans la loi le recours collectif et le droit de refus collectif ou le droit de refus à exercer par des représentants syndicaux dûment élus, mandatés, par leur organisation syndicale.

Sur la recommandation 2, ce que nous soulevions là-dedans, c'est tout le mécanisme de décision au niveau du comité national lorsqu'il y a des désaccords entre les parties. Ensuite, la dimension qui était touchée là-dedans, c'est la dimension de la prévention. La prévention, si on l'a bien compris, au niveau des programmes institutionnels, échappe au comité paritaire comme tel. Nous pensons que les organisations syndicales doivent être impliquées directement par le biais des comités paritaires ou autres mécanismes dans l'élaboration et l'adoption des programmes de prévention dans les établissements ou dans les entreprises ou dans les commissions scolaires.

M. Marois: Juste pour qu'on se comprenne bien. Quand vous parlez de prévention, est-ce que vous parlez plus particulièrement de ce qui ressort du paragraphe 3 de l'article 48? L'article 48 parle de la notion d'un programme de prévention qui implique toute une série de dimensions. L'article commence en disant qu'il doit y en avoir un, l'objectif de ce programme doit viser à éliminer à la source les causes d'accidents et de maladies et là il y a toute une série d'éléments et d'instruments, notamment, le paragraphe 3 qui vise à adapter le milieu de travail en conséquence. Est-ce que c'est particulièrement sur ce point et, si c'est particulièrement sur ce point, qu'est-ce que vous suggérez, qu'est-ce que vous formulez comme suggestion d'ajustement s'il vous apparaît que les pouvoirs conférés en conséquence présentement dans l'état actuel des choses du projet de loi no 17 ne sont pas suffisants?

M. Plamondon (Marc): Ce qui nous apparaît clair, c'est que la recommandation 3 renvoie à

plusieurs éléments de notre problématique. La première, c'est que concernant le problème de prévention dans l'entreprise qui dans le projet de loi est sous l'autorité de l'employeur, que ce soit remis sous l'autorité du comité de santé et de sécurité dans l'entreprise conformément d'ailleurs à une recommandation de la Commission des droits de la personne.

Deuxièmement, du fait que nous ne partageons pas la problématique du gouvernement en pensant que la santé et la sécurité des travailleurs c'est de responsabilité et de préoccupation identiques à l'employeur et au travailleur, conformément à cette problématique, on dit que ce sont les organisations syndicales — quand on parle, par exemple, de la formation de l'information et de la prévention au sens global du terme qui incluent la préparation et la participation à l'établissement des règlements au sein de la commission — on pense que ce sont nommément les organisations syndicales qui sont les grandes responsables de cette participation et qu'en aucune façon les employeurs doivent être associés à l'établissement de cette norme en collaboration avec les organisations syndicales.

Si on se fait bien comprendre, on pense que dans l'entreprise le programme de prévention doit être entre les mains du comité paritaire. Cela nous paraît la condition fondamentale pour que le comité paritaire ne soit pas un comité bidon qui fasse des recommandations, tel que le prévoit le projet de loi, y inclus là-dedans que sur le choix du médecin il y ait un droit de veto syndical sur le choix des ports des moyens de protection individuelle, il y ait un droit de veto syndical sur ces éléments du programme de prévention.

Concernant l'ensemble des éléments de la formation de l'information des travailleurs, pour nous, cela nous apparaît inconditionnellement une propriété exclusive comme droit des organisations syndicales. On ne pense pas — et le dépôt du mémoire de la fédération en témoigne — que ce soit une préoccupation décisive des employeurs d'informer adéquatement les travailleurs de leur situation de travail concernant leur santé et leur sécurité.

Au niveau des programmes — vous n'êtes pas intervenu sur les associations sectorielles — à partir de cette problématique, nous ne croyons pas que ce soit de l'intérêt des travailleurs de discuter avec les patrons de la formation de leur information sur leur santé et leur sécurité.

Cela étant dit, à l'égard de la commission, ce que nous croyons, c'est qu'il pourrait y avoir des sessions à limite sectorielle provoquées ou organisées par la commission qui convoque les parties et que chacune mette sur la table leur point de vue mais qu'il n'y ait pas une institutionnalisation de comités sectoriels, de telle manière que cela laisse croire que les patrons, dans les secteurs, ont des intérêts à la santé et à la sécurité des travailleurs, le livre blanc mettant en évidence les situations qui font qu'effectivement les patrons ne sont jamais préoccupés de façon significative de la santé et de la sécurité des travailleurs.

M. Gaulin: Sur la recommandation no 3, ce que nous essayons de mettre en évidence dans notre recommandation, c'est le danger de domination par l'employeur, dans les entreprises où il y a des non-syndiqués, de ces comités qui, à ce moment-là, seraient des comités plus ou moins fantômes. Nous y voyons une idée qui permettrait au travailleur de passer directement et de s'adresser directement à la commission pour s'assurer via un représentant de la commission, que le mécanisme de mise en place du comité paritaire, ou des comités d'établissement, ou la nomination des délégués à la prévention se fasse dans les intérêts des travailleurs et non pas sous couvert d'un paternalisme qui existe encore dans beaucoup d'entreprises. Il faut dont lire les recommandations nos 3 et 4 ensemble en ce qui regarde cette question.

Sur la recommandation no 7, on pourra revenir tout à l'heure, c'est toute la question des risques inhérents. C'est évident que, dans certains secteurs, il y a des problèmes plus particuliers et qu'il faudrait poursuivre un peu plus la réflexion. Nous-mêmes avons regardé la situation de l'Ontario et cela ne nous apparaît pas non plus comme la formule la plus satisfaisante à rechercher en ce qui regarde la définition de certains risques inhérents.

Nous pensons qu'il y a des situations où il y a un danger inhérent et que, dans certains secteurs, il y aurait moyen de définir peut-être un certain nombre de règles, un certain nombre de situations où il pourrait y avoir un danger inhérent. On parle des pompiers. C'est évident. S'il y a un feu, il va falloir que les pompiers aillent éteindre le feu, mais ils ne sont pas nécessairement obligés de faire toutes sortes d'acrobaties parce qu'il y a un feu, d'utiliser tous les moyens pour éteindre ce feu, n'importe quel moyen. Il y a donc une analyse de la situation à faire et une problématique à définir face à des situations comme cela. Dans l'enseignement, dans un atelier, s'il y a un atelier qui renferme seize machines-outils et que, par une circonstance quelconque, il se ramasse 32 enfants dans cet atelier, je crois qu'il pourrait y avoir un risque inhérent: un enseignant tout seul avec 32 enfants et une quinzaine de machines. Je crois que l'enseignant pourrait refuser le groupe. Il pourrait arrêter les machines et dire: On va régler ce problème avant de faire autre chose. Cela peut arriver, des cas d'absence ou des horaires mal faits. Ce sont des exemples. C'est évident que, pour un enseignant ou pour des étudiants, fréquenter un atelier de menuiserie ou de mécanique quand on veut devenir menuisier ou mécanicien, cela devient nécessaire, essentiel, mais encore là il y a des circonstances qui peuvent être exceptionnelles pour justifier un arrêt.

Quant à la recommandation 9, ce que nous essayons, c'est de faire en sorte que l'exercice du droit de refus soit nettement protégé contre n'importe quel abus ou n'importe quelle intervention. C'est évident pour nous que quelqu'un — pas partout, il ne s'agit pas de généraliser toutes les situations — qui aurait dans certaines circonstances,

dans certains établissements à exercer un droit de refus, cela devient quelqu'un qui est marqué et qui va faire l'objet d'une surveillance attentive et qu'on va essayer de "poigner" à un moment donné à une place ou l'autre. On connaît cela avec les délégués syndicaux même dans l'éducation où on est supposé avoir de bons employeurs. On a vu des délégués syndicaux pointés et congédiés pour toutes sortes de raisons quand on réussit à trouver un motif pour le congédiement. Là, on se donne une période où pendant trois mois... Je crois que peu importe les motifs du congédiement, on pourrait préjuger que c'est parce qu'il a exercé à un moment donné un droit de refus et demandé une intervention particulière de cet ordre-là pour s'assurer qu'il n'y a aucun lien entre la mesure disciplinaire exercée et le droit de refus qui aurait été exercé à un moment donné.

Quant à la recommandation 12, je laisserai cela à Micheline tout à l'heure.

Quant à la recommandation 16 au sujet du comité paritaire, le comité paritaire étant formé par unités d'accréditation, le problème des non-syndiqués ne se pose pas dans un établissement où il y a des syndiqués et des non-syndiqués. Les non-syndiqués pourraient utiliser le mécanisme des non-syndiqués pour revendiquer leur comité paritaire. Ce que nous essayons de marquer dans cette recommandation — et c'est un problème que nous avons vécu à tous les niveaux — c'est la représentation des délégués ou des gens nommés par l'organisation syndicale comme étant les représentants reconnus des travailleurs. Même dans les universités, il y a des syndicats d'enseignants dans les universités et on essaie constamment de créer à côté des structures parallèles prétendant que l'organisation syndicale, c'est pour représenter les travailleurs quand ils ont des problèmes avec leur employeur, mais ce n'est pas une organisation valable pour représenter les travailleurs quand on discute de pédagogie ou d'organisation des écoles ou de règlements. On essaie souvent de former d'autres comités en disant: II va y avoir une assemblée syndicale, l'assemblée du syndicat et il va y avoir l'assemblée des professeurs. Là, l'assemblée des professeurs a des pouvoirs et l'assemblée syndicale a des pouvoirs. Cela existe constamment et ce que nous voulions dire, c'est que, quand il y a une organisation syndicale, qu'on reconnaisse l'organisation syndicale qui représente les travailleurs dans l'ensemble des situations et particulièrement en ce qui regarde la santé et la sécurité. (11 h 30)

Quant à la recommandation 19, nous allons un peu plus loin, je crois, que la loi en prévoyant un droit de veto syndical. C'est en cas de désaccord, lorsqu'on ne s'entend pas sur les moyens individuels de protection. Ce qu'on demanderait, c'est que la décision appartienne au syndicat. C'est le droit de veto. Plutôt que de confier à un enquêteur ou de référer à la commission ou d'aller ailleurs pour dire: Est-ce que c'est bon ou si ce n'est pas bon d'utiliser tel ou tel appareil, on demande un droit de veto syndical, les conséquences de l'utilisation ou de la non-utilisation des appareils de protection pouvant être importantes pour les travailleurs. Si un appareil est inapproprié, quand même qu'on obligerait les travailleurs à le porter, si l'organisation syndicale n'a pas eu un mot à dire à ce sujet, elle est mai placée pour défendre le travailleur par la suite et dire: C'est la faute de l'appareil. Si on demande de porter des lunettes et qu'on ne voit pas clair avec les lunettes... Il y a toutes sortes de situations au niveau des appareils de protection qui, souvent, ne sont pas adaptés mécaniquement, si l'on veut, ou ne sont pas toujours conçus pour les usagers qui les prennent. L'élément qu'on veut toucher là-dedans, c'est le pouvoir de droit de veto syndical sur cette dimension.

À la recommandation 23, effectivement, nous visions les autres représentants du comité paritaire, qu'ils puissent être libérés pour participer aux réunions du comité paritaire, mais avoir des moments pour se préparer et procéder aux inspections et aux enquêtes, si nécessaire, pour discuter des problèmes.

M. Marois: Je comprends que le texte de loi ne vous apparaît pas clair à ce sujet.

M. Gaulin: Pas suffisamment clair.

M. Marois: J'en prends note de toute façon.

Mme Sicotte: En ce qui a trait aux éléments concernant la femme enceinte et les retraits préventifs, ce à quoi vous faisiez allusion tantôt et vous vous demandiez si vous aviez bien interprété, en ce sens que nous craignons peut-être des mesures de représailles face à ces retraits préventifs; je pense que notre mémoire, à ce sujet, est clair. On ne se situe pas dans une perspective de crainte de représailles par rapport aux retraits préventifs en tant que tels. Je pense que notre mémoire ne laisse pas entendre cela. Par contre, ce que nous vous soulignions, c'est au-delà de cette information qu'on trouve importante à apporter par l'employeur et une information très étayée. On pense qu'il est important ici de souligner — c'est un point sur lequel on attire votre attention qui fait partie de la philosophie ou de l'économie même du mémoire que nous vous présentons — à savoir que, finalement, tout ce qu'on retrouve concernant le retrait préventif pour la femme enceinte se trouve lié carrément à une situation tout à fait individuelle. La femme indique, selon un certificat médical, qu'elle est effectivement enceinte et qu'il pourrait y avoir danger pour elle. Dans ces articles comme dans d'autres antérieurement, on ne fait pas référence à l'organisation syndicale ou au représentant syndical, un peu dans la philosophie de ce que nous indiquions lorsqu'on parlait du refus de travail dans différentes situations. Je pense que c'est là-dessus qu'il y aurait un lien à faire. Ce qu'il faudrait peut-être regarder, vous posiez la question en termes de retraits préventifs, mais qui seraient peut-être partiels ou pondérés selon le niveau — en tout cas, c'est ce que j'ai compris de votre question — de danger ou quoi que ce soit... Je pense qu'il ne

serait probablement pas opportun, à ce moment-ci, que soient gelées dans la loi des modalités très précises quant à ces formules d'altération possible, mais que cela devrait être laissé éventuellement au mécanisme de négociation auprès des organisations syndicales dans l'établissement de ce qu'on pourrait appeler l'ensemble des moyens de prévention et ce qui pourrait s'appliquer de façon spécifique avec des particularités dans le cas de femmes enceintes.

Finalement, je voudrais ajouter au commentaire qui a été apporté quant à ces articles qu'on retrouve dans la Loi sur la santé et la sécurité. Le président de la centrale indiquait qu'il est important de noter que ces deux articles, dans ce projet de loi, comme plusieurs autre projets de loi, comportent effectivement des références. Ici, c'est un élément qu'on ne peut pas se permettre de passer sous silence. À la lecture même des articles 32 et 33, on fait déjà une référence à une autre loi, la Loi des accidents du travail, avec tout ce qui va avec cela. Je pense que c'est toujours cette espèce de chevauchement des lois les unes sur les autres qui rend très difficile et très souvent presque inapplicable l'utilisation, parfois reconnue dans une loi, d'un droit, mais qui, par un autre biais de la loi, devient caduque à toutes fins utiles. On pourrait en donner concernant la Loi de l'assurance-chômage et l'application de l'ordonnance no 17. Quand on les met les unes à côté des autres, on s'aperçoit, à un moment donné, que le congé de maternité qui est reconnu et qui est supposé être rémunéré, voilà que, selon le niveau de rémunération que gagne la personne, finalement ce congé de maternité n'est plus rémunéré pour une ou l'autre des personnes envisagées.

Or, je pense qu'à cet égard, il y a vraiment une attention particulière qu'il nous faut porter, pour que ce que nous visons ou ce qui est recherché, à titre de principe, par les articles 32 et 33, puisse véritablement s'appliquer et ne puisse être court-circuité par d'autres lois.

M. Marois: Excusez, mais je veux être bien certain que j'ai compris ce que vous avez dit. Si je comprends, d'une part, vous n'avez pas d'objection, bien au contraire, à ce que soit envisagée la possibilité d'un élargissement du retrait préventif, pour qu'il ne s'applique pas uniquement à la femme qui est enceinte au travail, mais à l'ensemble des travailleurs, compte tenu de la limite des connaissances scientifiques — cela évolue par périodes, dans la progression géométrique et, par périodes, cela stagne un bout de temps, il y a des types de changements qui sont bien connus sur le plan scientifique; on peut rapidement et facilement déceler les premiers signes avant-coureurs d'une maladie. L'idée, c'est toujours de faire que la personne soit ou bien déplacée, sans perte d'aucun de ses droits acquis, avec protection de son retour, ou bien déplacée ou bien retirée, préventivement, de façon temporaire jusqu'à ce que sa situation se stabilise et, en même temps, qu'on se serve de ce cas décelé, pour voir s'il n'y a pas en arrière un problème plus fondamental qui est lié au milieu même de travail, pour pouvoir corriger le problème à la source, après. Je comprends donc que vous n'avez pas d'objection de principe à cela. Cependant, je comprends également que vous dites que, dans le cas même de l'application, ce soit uniquement pour la femme enceinte ou dans la perspective d'un élargissement possible — c'est l'expression que vous avez utilisée — il y a un lien à faire entre l'exercice de ce droit-là et, le cas échéant, quand il y a une association accréditée, l'association accréditée. Comment le formuleriez-vous? Je ne vous demande pas de rédiger un texte de loi, mais dois-je comprendre que ce que vous demandez, c'est, au fond, le droit, pour une travailleuse, à l'accompagnement syndical, dans l'exercice de ce droit, notamment, par son représentant à la prévention?

Mme Sicotte: À partir du moment où on s'entend quant au représentant à la prévention, que c'est vraiment quelqu'un de mandaté qui vient du milieu syndical, à la philosophie de ce que nous avons mentionné, qu'il y ait accompagnement par les personnes qui sont les représentants, je pense que cela va de soi, c'est la philosophie que nous partageons, tout le monde.

M. Marois: Et, en ce sens-là, le texte de loi est loin d'être clair, d'accord. Merci!

Le Président (M. Dussault): Alors, merci. M. le ministre!

M. le député de Portneuf, je m'excuse, M. Agnaieff.

M. Agnaieff (Michel): Ce sera très bref. C'est en relation avec les groupes exclus et un tout petit peu, aussi, avec l'Institut du travail.

Nous pensons qu'on ne peut pas codifier quelque chose qui s'appelle l'héroïsme et la notion de prendre des risques n'implique pas les suicides. C'est donc dire qu'on se réfère, pour ces groupes-là, à des procédures précises, en cas d'intervention, ce qui se réfère, à son tour, à un code de sécurité. Il nous semble que des groupes qui, dans l'exercice de leur métier, courent des risques, ont le droit, par rapport à un code de sécurité, à certains moments, de refuser de courir les risques. Ceci implique évidemment une autre notion, c'est que, dans ce contexte, l'acceptation par voie réglementaire n'est pas l'idéal. Elle ne peut constituer qu'un élément de la chose et le reste devrait être, en quelque sorte, laissé à la définition des personnes directement impliquées et intéressées, au plus haut point, autrement dit, que là, c'est le domaine de la négociation, en quelque sorte.

Pour ce qui regarde l'Institut du travail, nous ne voulons pas, surtout que nous connaissons bien le milieu, que les mesures que le gouvernement compte prendre dans ce domaine, virent à de la subvention aux universités, non pas qu'on soit contre ces subventions, mais nous aimerions beaucoup, compte tenu du rattrapage qu'il y a à faire, qu'il y ait concentration des moyens, à un ni-

veau donné, et je vous rappelle que l'Institut du travail, dans notre perspective — quoique l'idée mériterait d'être fouillée et plus analysée — n'est pas le domaine exclusif des médecins. La médecine du travail n'est qu'une dimension, là-dedans, il y a toutes sortes d'autres spécialistes qui auront à travailler.

Quand on sait que toute la question du chlorure de vinyle avec les conséquences néfastes que cela a eu au Québec, en particulier, était déjà largement documentée dès 1957 dans certains pays. Il y a donc la recherche d'une autre nature qui est à mener mais il y a aussi la dimension homologation de l'équipement. À bien des égards, là-dedans, il ne faut pas toujours voir les choses en termes négatifs sur le plan économique. Je fais ici le parallèle avec toute l'industrie qui est en train de se mettre sur pied avec les mesures reliées à la lutte contre la pollution qui a créé à son tour une industrie de l'équipement pour lutter contre la pollution. Il me semble que ce serait merveilleux pour le Québec de produire un type d'équipement qui soit sécuritaire, qui soit sa marque de commerce. Ce n'est pas négatif même sur le plan strictement comptable.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. C'est évidemment avec beaucoup d'attention qu'on a pris connaissance du document préliminaire que vous nous avez fait parvenir et du document que vous avez déposé ce matin. Mes commentaires seront quand même limités étant donné que vous avez touché plusieurs sujets avec le ministre et plusieurs questions que vous avez mises en relief ce matin ont déjà été abondamment et largement débattues avec d'autres intervenants. D'abord, je dois vous dire que je trouve très intéressante votre suggestion concernant le travailleur non syndiqué. Il va de soi que notre texture syndicale du Québec qui comporte un degré de syndicalisation limité à 32% ou 34% implique l'obligation pour le législateur d'être particulièrement soucieux à l'égard du travailleur non syndiqué qui devra pouvoir vivre avec la loi 17 et dans le sens des objectifs que vise la loi 17. Très intéressantes aussi vos remarques sur un institut de recherche, ou institut du travail ou un centre de recherche comme tel. Nous avons nous-mêmes, de l'Opposition officielle, porté à l'attention du ministre, dès notre déclaration d'ouverture, l'obligation que le gouvernement a d'une action à ce chapitre qui ne se limite pas à la prévention parce que cela déborde le cadre de la prévention comme telle, cela doit se rendre jusqu'à la formation et vous avez donné cet exemple ce matin. L'aspect technologique aussi est un aspect important de tout ce dossier. Bien souvent, tous les intervenants peuvent être convaincus de l'obligation qu'ils ont d'intervenir et d'améliorer la technologie mais, bien souvent, on n'a pas le "know how" au Québec pour le faire et un centre ou institut comme celui-là qui ne se limiterait pas strictement à des subventions à des organismes comme les universités, un organisme officiel, gouvernemental, paragouvernemental ou encore un organisme dans lequel on pourrait avoir la participation des nombreux intervenants et qui pourrait permettre une meilleure intégration des actions et, peut-être, de meilleurs résultats.

Vous demandez au gouvernement, au ministre d'État au Développement social, par le biais de votre comparution ce matin, une intervention auprès du ministre de l'Éducation afin que des budgets spéciaux soient consacrés aux commissions scolaires. On en a déjà discuté avec la Fédération des commissions scolaires qui vous a précédés tout à l'heure. Il nous apparaît, quant à nous, que le gouvernement du Québec — peu importe le ministère — comme gouvernement se devra — dans un premier temps, c'est peut-être correct de soumettre toutes les commissions scolaires à la juridiction de la loi 17 mais cela devra quand même être accompagné des budgets nécessaires à la réalisation de l'opération.

Vous avez abondamment fait état du droit de refus. Vous avez une recommandation qui me surprend dans ce sens que vous demandez que le recours qui peut être exercé par l'employeur dans le cas d'un droit de refus ne puisse être exercé lorsque ce refus est accompagné d'une position ou d'une confirmation de la part d'un représentant syndical. Vous savez, il a été abondamment question ici du droit de refus. Je pense que tous les membres autour de la table souscrivent au principe voulant que c'est un droit naturel, que c'est un droit fondamental. C'est peut-être le droit le plus fondamental que de ne pouvoir obliger un travailleur à mettre sa vie, sa santé et son intégrité physique en danger. Il restait cependant à voir comment tout cela pourrait se textualiser et s'écrire dans un projet de loi. Cela a été fait. (11 h 45)

Beaucoup de gens se sont inquiétés de l'application d'un tel droit libellé et dûment écrit dans le projet. Quant à nous, nous ne nous en inquiétons pas outre mesure, vous savez, parce que nous avons eu l'occasion de l'énoncer dès le début. L'expérience qui a été menée dans d'autres provinces ou encore dans d'autres pays est quand même concluante et on y constate que des abus au chapitre du droit de refus n'ont été que très limités. Nous croyons que les travailleurs du Québec ont autant de maturité que les travailleurs d'autres provinces ou d'autres pays. Par contre, le fait d'introduire une notion de recours à l'employeur dans les cas d'abus va avec ce degré de maturité. C'est un genre de balise ou un genre de corridor dans lequel les deux parties... parce qu'il y a quand même deux parties en cause, et s'il y avait des abus comme tels, même si on peut présumer qu'il n'y en aura pas ou qu'il y en aura très peu, cela pourrait quand même, dans certains cas spécifiques, causer des préjudices énormes et très appréciables. Je dois vous le dire et là vous n'aimerez peut-être pas mes remarques ce matin, mais je n'ai pas l'habitude de ne pas dire ce que je pense. Autant je n'ai pas d'inquiétude à l'égard de l'application du droit de refus, autant s'il y a un

secteur qui peut impliquer chez moi quelques inquiétudes, c'est le secteur de l'enseignement.

Vous savez, vous avez des milliers d'enseignants au Québec qui sont membres de la CEQ. Vous avez des milliers de ces gens qui font leur boulot de façon responsable, qui font leur travail journalier dans la formation des enfants, qui remplissent leurs responsabilités, qui font leur travail et c'est bien fait. Mais je ne suis pas convaincu que c'est le lot de la totalité. Vous me direz que ce n'est qu'une minorité, mais cela existe quand même. Vous savez, si on se réfère à des expériences, c'est bien de parler de santé et de sécurité pour l'enfant et pour le travailleur, c'est tout à fait justifié de demander une action, que les commissions scolaires et que le monde scolaire soient sous la juridiction de la loi pour que ne se répètent plus des constats comme ceux qui ont été faits dans certaines commissions scolaires où c'était tout à fait inacceptable le milieu de vie, le milieu de travail, entre autres, dans le secteur professionnel, le ministre a donné l'exemple de l'étude qui avait été menée à Joliette. C'est très bien. On est d'accord avec vous et je pense que tout le monde est unanime là-dessus. Mais quand on voit des expériences comme celles qui ont été menées à Québec, dans la région, vous vous rappelez celle du cégep de Limoilou l'année dernière, vous vous rappelez l'opération PIF et tout ce que cela a entraîné.

Je me dis: Si des gens et des enseignants sont assez irresponsables pour faire cela, on peut peut-être s'inquiéter qu'éventuellement, comme stratégie syndicale ou je ne sais pas pour quel motif, un enseignant, à un moment donné, un matin, décide au mois de février parce que dans sa classe il fait 65°, cela met en péril sa santé et sa sécurité au travail. J'aimerais que vous me rassuriez, ce matin, parce que les inquiétudes que je peux avoir à l'égard du droit de refus... je n'ai pas d'inquiétudes en général dans le secteur de la construction, dans le secteur des industries, mais j'ai quelques inquiétudes pour l'application de ce droit de refus dans le secteur de l'enseignement. Je ne dis pas que c'est le lot des enseignants, non. Ce n'est pas vrai et ce serait faux que de le dire parce que la très grande majorité de ceux-là sont responsables et ils savent ce qu'ils font et ils veulent travailler et veulent enseigner. Le ministre appelle cela quelques "flailleux" et il dit qu'il y en a dans chaque groupe de la société. C'est malheureux. Tant qu'il y aura des humains, il y aura des "humaneries". Moi j'appelle cela mes chialeux professionnels. Je crains que ce droit entre autres, par certains de vos membres, puisse être utilisé de façon abusive et sans nécessairement la maturité avec laquelle on peut présumer qu'il devra être utilisé. C'était le sens de mon commentaire.

M. Gaulin: Je voudrais d'abord souligner que vous partagez, pour une bonne part, l'essentiel de notre mémoire. Cet intéressant. J'espère que vous pourrez appuyer concrètement certaines de ces recommandations pour améliorer la loi et non pas faire en sorte que face à certaines autres lois, à mesure qu'on avance dans le processus d'adoption de la loi, ce sont des reculs pour les travailleurs. Je suis heureux de voir que l'Opposition va faire une tâche constructive d'amélioration...

M. Pagé: Ce ne sera pas la première fois, M. Gaulin, vous savez.

M. Gaulin: ... dans le sens des intérêts des travailleurs. Vous avez référé à une expérience d'abord sur la question de l'abus. Si on dit qu'on ne peut pas poursuivre le travailleur qui aurait eu l'assentiment de son représentant syndical, c'est parce qu'on a cru voir dans la loi l'idée de mauvaise foi.

Il fallait que le travailleur soit de mauvaise foi pour abuser du recours. S'il a l'assentiment de son représentant syndical ou du syndicat, nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir de mauvaise foi dans ce cas. Donc, le travailleur comme tel serait exempté des poursuites et des menaces. Cela pourra s'appliquer éventuellement à d'autres niveaux.

M. Pagé: Sur le même sujet, M. Gaulin, entre parenthèses. Est-ce que vous me permettez? Ce que vous recommandez somme toute c'est que la responsabilité dans les cas de refus de mauvaise foi, est-ce que vous accepteriez en y introduisant la participation du représentant syndical? Est-ce que vous allez aussi loin que de dire à peu près ceci: Le recours ne s'exercera pas à l'égard de l'employé, mais pourrait s'exercer, peu importe, par une action en dommage, peu importe la façon, contre le syndicat comme tel?

M. Gaulin: On ne va pas nécessairement jusque là, mais on dit qu'il y a une responsabilité. Ce que nous faisons dans toute notre démarche et dans tout notre mémoire c'est assumer la responsabilité syndicale. C'est évident qu'il y aurait une responsabilité. Nous demandons des moyens pour faire la formation de nos représentants syndicaux, pour les former à la prévention et à la sécurité. Nous pensons que ces gens auront une meilleure formation et qu'ils pourront certainement utiliser avec peut-être plus de prudence l'exercice de ce droit de recours collectif. S'il y a des problèmes qui se posent, le syndicat saura y faire face; le syndicat, comme tel est mieux organisé, pour se défendre face à des attaques, à des poursuites ou à des menaces, qu'un travailleur seul dans son milieu de travail. Donc, un déplacement de niveau qui fait que la probabilité d'abus sera d'autant atténuée.

Sur l'autre bout, disons que je ne partage pas vos craintes et je suis en total désaccord avec le rapprochement que vous faites entre deux situations: la situation de moyens de pression et la situation de l'expérience de Limoilou. Je ne veux pas juger du fait de Limoilou. J'ai suivi cela un peu par les journaux comme bien d'autres et je ne veux pas me prononcer sur cette affaire. C'est évident qu'il y a des matières dangereuses dans les laboratoires de commissions scolaires; on en a vu aus-

si dans les journaux récemment où il a fallu utiliser des camions spécialisés pour aller faire le nettoyage de certains laboratoires de chimie. Mais je ne crois pas qu'on puisse faire le lien entre cela et l'utilisation d'un moyen de pression. Nous sommes des organisations responsables et nous ne pensons pas qu'utiliser de la nitroglycérine ou un produit chimique, ou les autres patentes des laboratoires comme moyens de pression et de s'en servir pour faire des débrayages collectifs plutôt que des droits, l'exercice du droit de cesser de travailler dans des situations hypothétiques, dangereuses, nous ne pensons pas que ce soit possible. Il n'y a pas de danger pour nous.

Sur l'autre aspect qui touche peut-être l'enseignant comme tel — vous y faites référence en disant que la majorité des enseignants sont corrects mais qu'il y en a un certain nombre qui pourraient abuser — nous admettons qu'il y a de la formation à faire à la santé et la sécurité et de la prévention auprès des enseignants. Nous admettons que tous les enseignants en exercice ne sont pas au courant, ne sont pas toujours bien informés des problèmes que peuvent représenter l'utilisation de tel ou tel produit ou l'utilisation de tel ou tel appareil. Nous admettons que les travailleurs de l'enseignement n'ont pas été formés à ces dimensions à travers leur cours d'école normale ou leur cours d'université et c'est pourquoi nous disons qu'il y a de la formation à faire. Nous sommes prêts, comme organisation syndicale, à faire les efforts qu'il faut, avec l'aide nécessaire, pour former les représentants syndicaux. Il y aura moyen, par le biais de programmes de perfectionnement, de sensibiliser..., nous sommes prêts à en faire un bout autour de cela et nous espérons que nous allons corriger la situation au niveau des écoles pour l'ensemble des futurs travailleurs, y compris les futurs enseignants. Je crois qu'il y a un travail à deux dimensions à faire et là-dessus, nous sommes prêts à faire notre bout.

M. Plamondon: Je compléterais sur les abus. Si vous me permettez, les enquêtes qu'on a eues en main et qu'on a faites nous-mêmes ont montré que les abus, effectivement, il y en a beaucoup dans le système scolaire, mais ils ne sont pas du côté des enseignants. Je pense que les responsables politiques doivent rendre compte des abus réels les plus importants. Lorsqu'on regarde, par exemple, les ateliers de menuiserie et les ateliers mécaniques, l'enquête de Lanaudière montre que 13% des enseignants sont atteints de façon grave, c'est-à-dire n'entendent pas 50 décibels et plus, que dans les ateliers de mécanique, 10% des étudiants n'entendent pas 50 décibels et plus, on évalue à sa juste proportion où sont les abus les plus importants, d'autant plus que dans le cas de Lanaudière, ce sont les polyvalentes les plus avancées et les plus récentes qui ont été construites.

D'autre part, je voudrais revenir sur la dimension des abus liés au droit collectif. Lorsqu'on dit que, effectivement, si on regarde les situations provinciales et les situations étrangères, il n'y a jamais eu d'abus, je pense qu'on pourrait aussi poser le problème de façon inverse, à savoir dans quelle mesure effectivement le droit individuel est exercé. Lorsqu'on a rencontré des enseignants du secteur professionnel, ils ignoraient la possibilité même qu'ils soient atteint dans leur santé à cause de leur situation de travail. Ce que l'enquête de Lanaudière démontre, c'est qu'ils le sont et souvent de façon grave. On se demande si, d'autre part, les travailleurs sont, jusqu'à aujourd'hui, habitués à travailler dans des conditions dangereuses. Ils ignorent d'une part qu'ils sont attaqués dans leur santé. Ils sont de plus habitués à travailler dans des situations dangereuses et on leur fait supporter de manière individuelle la situation dangereuse. Ce n'est pas étonnant de voir qu'il n'y a pas d'abus. C'est précisément parce que les travailleurs sont ignorants de leur situation, qu'ils ne connaissent pas leurs droits et les dangers dans lesquels ils ont à travailler. Ce n'est pas étonnant qu'il n'y ait pas d'abus et c'est ce qui nous pose un problème précisément, parce qu'on remet, on fait porter le poids de cette responsabilité sociale de pouvoir travailler dans des conditions sécuritaires, sur le travailleur individuel. C'est sûr qu'il n'y aura pas d'abus quand on sait que les enseignants qui sont atteints gravement l'ignorent totalement.

M. Gaulin: Cela m'amène peut-être à souligner, pour terminer sur ce point des abus, qu'on est en désaccord assez total avec le bout qui permettrait à l'employeur, à un moment donné, de remplacer un travailleur qui aurait refusé de travailler par un autre brave qui, lui, accepterait de travailler dans les mêmes situations. Nous croyons que cette dynamique de remplacement est assez dangereuse et fait peut-être appel à quelque chose qui est peut-être inhérent à la civilisation québécoise qui est un goût du risque et de l'aventure, et parfois, les aventures se terminent mal.

M. Marois: Mais, je... M. Pagé: Oui.

M. Marois: Si le député me le permet, seulement une remarque. Je veux bien le regarder, mais vous admettrez une chose. L'article 28, le deuxième paragraphe en particulier intervient à une étape donnée, c'est-à-dire que l'économie générale c'est le non-remplacement, quand un travailleur ou une travailleuse exerce le droit de refus ou plusieurs l'exercent ensemble, parce que le projet de loi, on dit toujours que c'est uniquement un. On a déjà cité des cas, le cas d'une raffinerie de l'est de Montréal où si le droit avait existé tel qu'il est libellé présentement, il y a trois travailleurs qui ont été intoxiqués et qui ne l'auraient pas été parce qu'ils auraient pu exercer ensemble le même droit. À ce moment-là, c'est considéré comme un seul et même événement et non pas trois, quatre, cinq ou dix avec trois, quatre, cinq ou dix preuves à faire. En plus, le projet de loi introduit l'idée de l'accompagnement syndical. On

nous a demandé de considérer la possibilité de regarder, d'aller plus loin, de considérer cette possibilité, de resserrer davantage, ce qui ne mène pas nécessairement au refus initié par le représentant syndical, mais il y a peut-être moyen de resserrer cela davantage. Il y a des recommandations qui nous ont été faites dans ce sens. Le principe, c'est le non-remplacement. Les conventions collectives au Québec les plus avancées, les lois existant dans les autres provinces, toutes les lois et les conventions collectives les plus avancées qui existent au Québec contiennent une clause prévoyant — non pas le non-remplacement — que l'employeur peut remplacer..., c'est l'état actuel des conventions collectives au Québec et sur une base, d'un échantillon que je m'étais fait faire à l'époque de la rédaction du livre blanc, donc, ce n'est pas nécessairement à jour ce que je donne là et cela vaut ce que vaut un échantillon, pas plus, il y avait à peine 10% des conventions collectives qui, de toute façon, contenaient une clause de droit de refus d'une part. Donc, on part de loin en maudit. (12 heures)

Le principe était le remplacement à condition que la personne appelée à remplacer soit avisée et qu'elle soit libre d'accepter ou de refuser. On va plus loin que tout ce qui existe présentement et même, si ma mémoire est bonne — je donne ce dernier commentaire sous réserve, cependant — plus loin que la loi suédoise en introduisant le non-remplacement, parce que nous croyons que, de toute façon, si le représentant à la prévention, qui est un représentant syndical, fait son travail, il n'y aura pas de remplacement s'il y a un danger appréhendé sérieux ou alors le représentant ou la représentante, c'est un farfelu et il ne fait pas son travail.

Le principe, c'est le non-remplacement. Il y a un certain nombre d'étapes et il y a une étape de prévue, si les parties ne s'entendent pas pour régler: l'inspecteur intervient et il rend une décision exécutoire, à ce moment-là, et uniquement dans le cas où l'exercice du droit de refus n'a pas de conséquence. Qu'au moins deux autres ne peuvent exercer leur travail, dans une chaîne de montage, par exemple, encore là, il y a une balise — ce n'est pas dans tous les cas, loin de là — l'inspecteur doit être présent dans un délai de... Si l'inspecteur n'est pas présent dans ce délai-là, uniquement dans le cas où il y a les conditions du paragraphe 1, les conditions ou la condition du paragraphe 2, à ce moment-là, on retombe sous la règle générale, qui est l'acquis des plus avancées des conventions collectives actuelles au Québec, la possibilité de remplacer, mais uniquement si le travailleur accepte, à condition qu'il soit informé et avec la présence du représentant à la prévention qui va l'informer, je présume, des dangers possibles, s'il accepte le travail. Il n'y a aucune espèce d'obligation qui est faite. C'est dans ce sens qu'intervient le deuxième paragraphe de l'article 28.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf et M. le ministre. Il n'y a pas d'autre intervention? Au nom de la commission, je remercie les représentants de la CEQ de leur participation aux travaux de cette commission. J'invite maintenant le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à se présenter devant la commission. Jusqu'à maintenant, nous sommes à temps et si nous abrégeons le moindrement sur les autres mémoires, nous devrions pouvoir entendre, dans le temps prévu, tous les groupes.

Pour les fins du journal des Débats, je demande au représentant du syndicat de se présenter et de nous présenter ses collègues.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Je suis Jean-Louis Harguindeguy, président général, accompagné de Camil Thomassin, vice-président à l'exécutif, et de Denis Gaudreault, vice-président également pour l'unité des ouvriers, qui sont les responsables de l'hygiène et de la sécurité au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

Le Président (M. Dussault): D'accord. M. Harguindeguy, je vous demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter votre mémoire dans les 20 minutes convenues par la commission.

M. Harguindeguy: D'accord. D'ailleurs, au point de départ, je tiens aussi à rassurer les membres de la commission que notre retard ce matin n'est pas dû à des moyens de pression reliés à nos négociations. C'est strictement une erreur d'aiguillage.

M. Marois: Notre retard, à vous entendre, ce n'est pas non plus des moyens de pression.

M. Harguindeguy: D'accord. La documentation qu'on vous a soumise et notre mémoire, si vous préférez, on peut les lire, ce sera quand même assez bref.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec estime important de soumettre les recommandations suivantes même si, malheureusement, nous pouvons douter de l'intérêt qu'apportera le gouvernement à ces diverses recommandations et ce, compte tenu de l'expérience antérieure à la suite des recommandations formulées sur divers projets de loi qui étaient importants pour nous et, pour ne citer que quelques cas, notons en particulier le projet de loi n° 50, Loi sur la fonction publique, ainsi que le projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.

Nous devons également noter que, contrairement à la promesse énoncée dans le livre blanc traitant de la politique québécoise de la santé et de la sécurité des travailleurs, le gouvernement n'a pas soumis en même temps que sa politique d'ensemble les priorités et les étapes qui devraient permettre de faire face aux problèmes plus graves et plus urgents. De plus, même si le livre blanc

laissait sous-entendre que le gouvernement avait comme préocupation de privilégier, dans la poursuite de ses objectifs, une approche de participation et de coopération afin d'éviter de monter un supersystème bureaucratique chargé de s'occuper de la santé et de la sécurité des travailleurs, en dictant les mesures à prendre et le comportement à éviter, mais beaucoup plus de créer un ensemble de conditions qui ferait que le monde du travail soit en mesure d'assumer lui-même la responsabilité première des mesures de santé et de sécurité qui lui sont nécessaires.

Force nous est de constater que cette approche de participation et de coopération s'estompe graduellement dans le contenu du projet de loi puisque, notamment, dans l'élaboration des divers règlements que la commission de la santé et de la sécurité du travail peut faire, en vertu des dispositions de l'article 185 du projet de loi, cette participation et cette coopération sont totalement inexistantes.

Nos commentaires, quant à nous, qui sont particuliers, se rattachent aux chapitres suivants:

Au niveau du champ d'application, même si nous sommes en accord sur le fait que la loi lie le gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont mandataires, nous estimons que des précisions devraient être apportées, afin d'éviter toute ambiguïté quant à l'application éventuelle de la loi et nous estimons qu'à l'article 4, devrait être prévu que si "la présente loi lie le gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont mandataires et qui, pour les fins de l'application de la présente loi, devraient constituer une personne." Et c'est une difficulté, quand même majeure, que nous rencontrons dans l'application de diverses lois.

Au niveau des droits et obligations, nous estimons important que le travailleur, en l'absence d'un comité de santé et de sécurité ou d'une association sectorielle, soit habilité sans aucune restriction, à participer à l'élaboration et à l'application des normes et des règlements ainsi qu'aux programmes de recherches et aux programmes des moyens de prévention.

De plus, nous estimons que le travailleur, tout comme l'employeur, a le droit d'être informé des obligations que lui imposent la présente loi et les règlements.

Quant aux droits généraux et particulièrement le droit de refus, nous croyons que le processus de décision concernant le droit de refus est très lourd. En effet, avant d'avoir une décision finale, il peut y avoir intervention du représentant à la prévention; du comité de santé et de sécurité; d'un inspecteur; d'un inspecteur chef régional et de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

À cause de ce processus lourd et également à cause des implications au niveau des mesures de sécurité pouvant être incluses dans les conventions collectives, nous croyons que le syndicat devrait avoir le droit de représentation des travailleurs à ce niveau, comme dans le cas d'un grief.

De plus, contrairement aux dispositions du projet de loi, nous estimons que le représentant du syndicat doive assister obligatoirement à l'examen de la situation et cela, pour au moins deux raisons.

Premièrement, l'employé peut avoir des droits relatifs à la santé et à sa sécurité, selon les dispositions de la convention collective et alors, il appartiendra à l'association de défendre l'employé si un grief est logé.

Deuxièmement, suite au refus de travailler dans certaines circonstances, des mesures disciplinaires peuvent être imposées et, encore là, l'association syndicale sera appelée à défendre le travailleur.

De plus, compte tenu d'une éventuelle formation plus grande dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, nous estimons que le représentant syndical devrait être habilité, au même titre que le travailleur, à recommander à un ou plusieurs travailleurs de cesser d'exécuter un travail qu'il estime dangereux pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des employés et ce, selon les dispositions prévues à l'article 11 du projet de loi.

Quant au retrait préventif de la travailleuse enceinte, considérant que les dispositions du projet de loi 126, "Loi sur les normes du travail" ne s'appliquent pas à l'ensemble des travailleurs du Québec et, particulièrement aux employés du gouvernement, nous estimons que des modifications devraient être apportées à l'article 32, du projet de loi, afin de garantir aux employés de l'État les mêmes droits et privilèges que tout employé du Québec.

C'est pourquoi nous recommandons qu'un troisième paragraphe soit ajouté, qui soit, en fait, similaire à l'article 122, du projet de loi 126.

De plus, que dans le cas où les caractéristiques de santé de certains travailleurs, indépendantes ou dépendantes de leurs conditions de travail, exemple: diabète, épilepsie, etc; qui rendent ceux-ci inaptes à exercer certaines fonctions ou peuvent les exposer à des risques particuliers, que ces employés puissent, sur présentation d'un certificat médical, demander d'être affectés à des tâches ne comportant pas de tels dangers.

Quant aux obligations générales, nous estimons que le terme "convenable" que nous retrouvons au troisième sous-paragraphe devrait être précisé, puisque compte tenu des nombreux griefs qui ont été logés dans la Fonction publique, concernant l'aération, la température et les conditions hygiéniques, il est important de savoir qui décidera si les mesures prises par l'employeur sont convenables ou non.

De plus, il serait important que des recours soient prévus pour le travailleur qui considère ces mesures prises par l'employeur comme non suffisantes.

Au niveau du programme de prévention, des précisions devraient être apportées à cet article puisque, selon nous, un programme de prévention devrait obligatoirement être mis en application par l'employeur dans chaque établissement sur lequel il a autorité. Le texte soumis dans le projet de loi est quelque peu ambigu, selon nous, les mots "s'il y en a un" pouvant se rattacher tant aux program-

mes de prévention, qu'au fait qu'un comité de santé et de sécurité existe dans l'établissement.

Quant à la formation des comités de santé et de sécurité, nous estimons qu'il devrait être obligatoire qu'un comité de santé et de sécurité soit formé au sein de tout établissement regroupant plus de dix travailleurs, indépendamment de son appartenance à une catégorie identifiée à cette fin par règlement.

Nous estimons que cette position serait beaucoup plus conforme au contenu du livre blanc qui voulait prévoir une approche de participation et de coopération et qui semblait vouloir reconnaître à chacune des parties en présence, le droit d'exiger la mise sur pied d'un comité paritaire de prévention au niveau de l'entreprise.

D'ailleurs, le gouvernement, dans ce même livre blanc, précisait-il: "Aussi le gouvernement propose-t-il qu'un comité paritaire de santé et de sécurité soit formé, dans chaque établissement de plus de dix travailleurs, à la demande du syndicat ou de l'employeur, ou d'une majorité des travailleurs là où il n'y a pas de syndicat".

De plus, cette nouvelle disposition éliminerait l'ambiguïté qui existe à l'étude du tableau 36 contenu dans le livre blanc, qui détermine les secteurs d'activité où s'appliquerait la procédure d'établissement des comités paritaires, le choix des secteurs de travail et des établissements devant être inclus dans cette liste s'effectuant en fonction de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles qui surviennent annuellement, cette liste devant inclure les établissements de plus de dix travailleurs où la fréquence annuelle moyenne des accidents et des maladies est égale ou supérieure à 6 par 100 travailleurs et où le nombre moyen annuel de jours perdus par accident est égal ou supérieur à 40.

Le respect des normes établies par le livre blanc aurait donc comme conséquence qu'aucun comité paritaire ne serait formé dans l'administration publique et donc, de façon beaucoup plus directe, au gouvernement.

De plus, afin de permettre toute latitude d'action au comité, nous estimons que celui-ci devrait se réunir au moins une fois par trois mois ou à la demande d'une des parties, et ce, sous réserve des modalités prévues par les règlements.

Nous croyons également que les pouvoirs du comité devraient être accrus, du moins en ce qui concerne les plaintes soumises par les travailleurs en vertu du paragraphe 9 de l'article 63, puisque le pouvoir du comité dans ce cas en est strictement un de recommandation.

Nous croyons que le comité devrait avoir un pouvoir décisionnel concernant toute plainte relative à la santé ou à la sécurité logée par le travailleur.

Nous nous basons évidemment sur notre expérience dans ce domaine puisqu'à l'article 23 de notre convention collective, le comité d'hygiène et de sécurité qui y est formé a le même pouvoir de recommandation.

Dans la réalité, nous sommes cependant constamment obligés de porter à l'arbitrage ces griefs d'hygiène et de sécurité pour obtenir une décision arbitrale sans laquelle nous ne pouvons obtenir l'exécution des recommandations du comité. Je pourrais également ajouter que parfois on a même des difficultés à faire appliquer la sentence arbitrale, même si on parle de santé et de sécurité.

De plus, nous estimons que le comité paritaire devrait également avoir comme fonction d'exercer, par toute méthode appropriée, y compris la visite des lieux de travail, une surveillance préventive en milieu de travail et également accomplir toute autre tâche que l'employeur et les travailleurs ou leur syndicat lui confient par entente mutuelle.

Nous estimons que le pouvoir de recommandation de ce même comité ne devrait pas se limiter aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63, mais devrait également être prévu aux paragraphes 3, 7 et 9 du même article.

Quant aux représentants de la prévention, leur nombre ne devrait pas être limité au nombre maximal de membres du comité, puisqu'il devrait être tenu compte du nombre d'employés travaillant dans chaque lieu de travail.

Au niveau des associations sectorielles, nous estimons que l'obligation devrait être faite de prévoir la création d'une association sectorielle, à tout le moins lorsqu'une association syndicale est accréditée vis-à-vis d'un employeur et particulièrement lorsque la juridiction de l'unité syndicale accréditée est d'envergure provinciale, telle la nôtre.

Nous croyons que l'association sectorielle devrait aussi, sous l'article 78, avoir un droit d'intervention et de consultation au niveau des relations de travail à la suite d'un accord commun.

Quant aux services de santé au travail dans les établissements, nous trouvons quelque peu ambiguës les dispositions de l'article 88 et estimons que les mêmes modalités devraient être applicables dans le choix du médecin responsable indépendamment qu'un comité soit existant ou non.

La proposition actuelle fait en sorte que, lorsqu'il existe un comité et qu'il n'y a pas d'accord avec les représentants de chacune des parties, le médecin responsable est alors désigné par la commission après consultation du chef de département de santé communautaire alors qu'en l'absence de comité, c'est le chef du département de santé communautaire qui désigne le médecin responsable.

Nous croyons donc qu'à défaut d'accord entre les représentants de l'employeur et ceux des travailleurs au sein du comité, le médecin responsable soit désigné par le chef du département de santé communautaire.

Le programme de santé au travail. Nous comprenons mal que le médecin responsable doive élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, le programme de santé spécifique à l'établissement puisque, lorsqu'un comité de santé existe, l'employeur est déjà représenté au sein du comité. L'élaboration du

programme de santé ne devrait être élaborée après consultation avec l'employeur qu'à défaut de l'existence d'un comité.

La commission de la santé et de la sécurité au travail quant à sa constitution. Les membres de la commission, à l'exception du président, ont un mandat d'une durée de deux ans et celui-ci est renouvelable. Nous croyons que ce mode de nomination et surtout la durée du mandat n'assurent pas adéquatement l'indépendance du membre de la commission, qui aura constamment à lutter entre sa conscience et son désir de ne pas décevoir celui qui l'a nommé. Il nous semble qu'un mandat plus long et non renouvelable serait préférable. C'est là, bien sûr, un problème auquel font face seuls les travailleurs ayant le gouvernement comme employeur.

Quant aux fonctions de la commission, nous déplorons encore une fois, comme nous l'avons fait lors de l'étude du projet de loi no 50, Loi sur la fonction publique, que la loi permette une délégation de pouvoirs quasi judiciaire à ses fonctionnaires.

Quant à l'inspection, nous estimons qu'en plus de fournir le résultat de l'enquête, l'inspecteur ait l'obligation de fournir en même temps les méthodes d'analyse utilisées et le rapport d'analyse lui-même. (12 h 15)

Au niveau des règlements, et particulièrement à l'article 185, quoique nous estimions que la commission se voit confier des pouvoirs exorbitants puisque, en définitive, toutes les matières reliées à la santé et à la sécurité du travail seront définies par règlements, nous estimons qu'à tout le moins la commission soit dans l'obligation de consulter avant l'adoption de ces règlements, les associations sectorielles ou, à défaut, les comités de santé et de sécurité du travail ou, à défaut de tels comités, les travailleurs concernés.

Nous estimons, convaincus que nous sommes que le mandat de la commission demeurera tel quel, que la commission devrait établir des normes afin d'assurer dans chaque zone occupée des conditions minimales de température, d'humidité relative, ventilation, circulation d'air et niveau du bruit.

La commission devrait également fixer la charge d'occupation d'une pièce et établir le nombre maximum de personnes pouvant occuper une telle pièce ou aire de plancher.

De plus nous estimons que les dispositions du 35e paragraphe vont en contradiction avec l'article 3 du projet de loi qui prévoit que la présente loi est d'ordre public, puisqu'en vertu de l'article 13 du Code civil on ne peut y déroger par des conventions particulières.

Au niveau des recours, et particulièrement les articles 193 et 194, nous aimerions que la juridiction de l'arbitre des griefs demeure entière, car elle est différente de celle du commissaire du travail ou du tribunal du travail.

En effet, la jurisprudence établie en vertu des articles 14 et suivants du Code du travail nous éclaire sur la juridiction du commissaire du travail et sur celle de l'arbitre.

Le commissaire du travail décide si le congédiement a été exercé à cause de l'exercice d'un droit ou d'une fonction visée par la loi ou s'il a été imposé pour une cause juste et suffisante.

L'arbitre, si la convention collective l'y autorise, pourra examiner la proportionnalité entre la faute reprochée et la sanction. Il est donc de première importance que les articles 193 et 194 de la loi soient abrogés ou amendés de façon que la juridiction de l'arbitre demeure.

Nous n'avons toutefois pas d'objection à ce que l'arbitre n'entende le grief qu'après qu'une décision finale soit rendue par le tribunal du travail.

Au niveau des infractions, à l'article 202, nous estimons que la formulation de cet article fait supporter une part de responsabilités par le travailleur qui n'aurait pris la précaution d'indiquer son désaccord à son employeur. Nous estimons donc que les mots "et malgré le désaccord du travailleur" devraient être biffés de cet article.

Au niveau des dispositions transitoires, le livre blanc a laissé entrevoir l'unification et la clarification des lois et règlements régissant la santé et la sécurité et la loi qui devait être soumise à l'Assemblée nationale devait regrouper dans un même texte tous les éléments législatifs concernant le régime de santé et de sécurité au travail.

Nous constatons à regret qu'il en est tout autrement puisque certaines lois touchant ces mêmes sujets demeurent en vigueur avec des amendements envisagés par les dispositions transitoires.

Au niveau de l'article 223, afin de clarifier la portée de l'article, nous estimons que le terme "propriétaire d'édifices publics" en plus de signifier des particuliers, compagnies et corporations qui sont propriétaires, locataires ou possesseurs, devrait comprendre également le gouvernement, puisque celui-ci n'est actuellement aucunement reconnu à titre de particulier, compagnie ou corporation.

Conscients de l'importance et de l'urgence d'une réforme en matière de santé et de sécurité au travail, nous espérons que le gouvernement saura tenir compte de nos diverses recommandations.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Harguindeguy. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de son mémoire et lui dire, comme on l'a dit aux autres groupes, qu'il peut être assuré qu'on va examiner très attentivement toutes et chacune des recommandations qu'il formule.

Je vais me borner à un certain nombre de commentaires et de questions sur quelques-uns des points qui sont soulevés dans votre mémoire. D'abord, en ce qui concerne l'article 4, qui prévoit que dorénavant — alors que ce n'est pas le cas présentement — le gouvernement, ses mandataires, enfin, l'ensemble des organismes publics et parapublics, vont tomber sous la coupe de la loi et

que les hommes et les femmes qui y travaillent vont bénéficier de l'ensemble des droits qui sont prévus par une loi comme celle-là.

J'aimerais que vous précisiez — parce que j'ai lu votre texte, je l'ai relu — la formulation de l'article 4, c'est la formule standard qu'on retrouve habituellement dans n'importe quel texte de loi, quand on veut que le gouvernement tombe sous la coupe de la loi ou qu'on veut que la loi s'applique au gouvernement et à ses prolongements. Il s'agit donc d'un article standard. J'aimerais que vous précisiez le type d'ambiguïté que vous décelez dans le texte pour que, le cas échéant, je puisse bien comprendre votre recommandation à ce sujet.

En ce qui concerne le droit de refus, je prends bonne note des remarques que vous formulez sur ce que vous appelez la lourdeur du mécanisme du droit de refus, l'ensemble des différentes étapes qui sont prévues, qui vous apparaissent trop lourdes, je présume aussi, en conclusion, trop longues, avant d'en arriver à une décision. Je prends bonne note de cela, on va le regarder.

Je prends note aussi du fait qu'au deuxième paragraphe, concernant le droit de refus, à la page 2 de votre mémoire, vous nous indiquez qu'à votre avis, le syndicat devrait avoir le droit de représentation des travailleurs à ce niveau comme dans le cas de grief. En d'autres termes, si je comprends bien votre recommandation, c'est non seulement l'accompagnement du ou des travailleurs ou travailleuses qui exercent le droit de refus par le représentant syndical à la prévention, mais une forme de prise en charge que vous demandez. On va regarder cela.

Il y a une chose sur laquelle j'aimerais bien que vous expliquiez davantage votre position. Je ne suis pas certain si je comprends ou si on ne fait pas la même lecture du projet de loi mais, au troisième paragraphe, vous ajoutez: De plus, contrairement aux dispositions du projet de loi, nous assumons que le représentant du syndicat assiste obligatoirement à l'examen de la situation et cela, pour au moins deux raisons, etc. Or, l'article 14 prévoit que le représentant à la prévention est convoqué pour procéder à l'examen de la situation. Est-ce que le texte ne vous apparaît pas suffisamment clair? Je pense qu'il serait intéressant que vous précisiez votre point de vue là-dessus.

En ce qui concerne le retrait préventif, je vais analyser sérieusement les commentaires que vous avez formulés. Vous n'êtes pas le seul groupe. Le Conseil du statut de la femme a d'ailleurs, sous forme d'un document, rendu publique son opinion sur le projet de loi 17 et fait des commentaires qui vont sensiblement dans le même sens, c'est-à-dire essentiellement sur cette idée d'une concordance du projet de loi 17 avec la loi 126 sur les normes de travail. Soyez assurés que nous allons regarder cela de très près.

Quant à l'article 47, il est possible que vous ayez raison. Honnêtement, je ne le sais pas. À première vue, cela m'apparaît être une question de forme quant à la rédaction de l'article 47, et on va le regarder. À l'article 61, le projet de loi prévoit un minimum. Au fond, l'approche est l'idée d'un plancher de base minimum obligatoire par lequel il est possible, en laissant toute la latitude maximale possible aux parties, d'ajouter à ce plancher. Rien n'empêche les parties de convenir, par exemple, sur une base d'entente mutuelle, des réunions plus fréquentes que le minimum qui est prévu dans le projet de loi. Ce que je comprends de votre recommandation — j'aimerais que, le cas échéant, si vous le jugez pertinent, vous commentiez un petit peu plus avant - c'est que vous nous demandez de préciser dans le projet de loi qu'au-delà du minimum de base, lorsque vous demandez si, à la demande d'une des parties, on peut introduire dans le texte de loi une chose comme celle-là avec une telle formulation, en d'autres termes, cela voudrait dire que, vous me direz que j'exagère, peut-être bien sûr, mais souvent, j'ai déjà dit que quand les choses vont bien, on ne se sert pas d'un contrat et on ne se sert pas d'un texte de loi; c'est quand ça va moins bien qu'on s'en sert. Si on mettait dans le texte de loi: Au-delà d'un minimum de base qui est prévu, ou à la demande d'une des parties, cela peut nous mener jusqu'où? Est-ce que vous ne préférez pas l'approche qui, en vertu d'une conjugaison de lecture des articles 3,7 et 280, permet aux parties d'ajouter par-dessus le plancher, de convenir entre elles de choses additionnelles à la base qui est prévue, qui là laisse une latitude plus grande de négociation aux parties? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Je vous indique tout de suite qu'à l'article 93, on va revoir la formulation. Quand vous dites que vous comprenez mal que le médecin responsable devrait élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, puisque de toute façon l'employeur est au comité de santé et de sécurité... les représentants des travailleurs aussi, on va regarder à nouveau la formulation à l'article 93.

Le dernier point sur lequel je voudrais m'arrêter, pour vous demander d'expliquer davantage, concerne votre recommandation portant sur l'article 108, le mandat et la durée du mandat des membres de la Commission de la santé et de la sécurité. À la seule lecture de votre texte, je ne suis pas certain de saisir parfaitement bien la nature du problème qu'à votre point de vue auraient en particuIier les représentants des travailleurs du gouvernement. Je voudrais être bien certain de comprendre bien clairement votre point de vue. S'il y avait moyen d'expliquer davantage les raisons qui motivent votre recommandation à l'article 108. Voilà, M. le Président, pour l'instant, les quelques commentaires et questions que j'avais à formuler.

M. Harguindeguy: D'abord, il y a l'article 4, si on me demande des précisions, c'est également en regard aussi à I'article 223. C'est vrai que la loi précise qu'elle est applicable au gouvernement, aux ministères et à ses organismes, sauf qu'il y a quand même d'autres lois également, étroitement reliées à l'application de la santé et de la sécurité, du moins pour la disposition transitoire, qui font en sorte que le gouvernement n'est pas lié, parce qu'il n'est pas considéré comme une personne physique à l'heure actuelle. On pourrait vous citer bien des exemples où même le gouvernement actuel se refuse à appliquer

des normes qu'il impose à d'autres employeurs du Québec. Il y a des choses qui ne seront pas applicables au gouvernement, parce que c'est le gouvernement. Interviennent aussi des contraintes d'ordre budgétaire. Dans bien des cas les recommandations sont formulées pour assurer la santé et la sécurité des fonctionnaires ou des ouvriers de la fonction publique et il y a un refus qui est opposé, parce qu'un budget n'a pas été voté à cet effet, alors qu'au niveau des compagnies qui sont considérées au niveau du Code civil comme étant une personne morale, il y a des poursuites qui ne seront pas possibles vis-à-vis du gouvernement.

C'est la situation dans laquelle on vit à l'heure actuelle, du moins quant à cette partie. C'est pourquoi on voudrait préciser qu'au niveau de la santé et de la sécurité, le cas échéant, s'il fallait intenter des poursuites contre le gouvernement, qu'il soit considéré comme une personne. C'est la difficulté qu'on a rencontrée, qu'on rencontre assez fréquemment.

Quant au droit de refus, en fait, vous l'avez exprimé. C'est sûr que c'est assez long, même si vous dites qu'une information est faite à l'article 14: II n'en demeure pas moins que tout est relié avec la création d'un comité paritaire ou non. C'est relié à nos recommandations, à savoir qu'il y a une obligation dans tout établissement de formation d'un comité paritaire parce que dans le projet de loi, il n'y a pas d'obligation comme telle. On craint qu'au niveau du gouvernement, on se retrouve avec aucune formation de comité paritaire comme tel. On sait que la nomination du représentant est faite par les employés, mais ne peut excéder le nombre de membres du comité. À l'article 67, on dit: Lorsqu'il existe un comité de santé et de sécurité dans un établissement, les travailleurs choisissent parmi leurs représentants au comité une ou des personnes pour exercer les fonctions. Donc, au point de départ, pour avoir un représentant à la prévention, il faut qu'il y ait un comité paritaire qui existe, sans quoi il n'y a pas de nomination possible. Contrairement au projet de loi qui dit qu'on peut former un comité, on estime que dans des établissements où il y a au moins dix travailleurs, il y ait une obligation d'avoir un comité. C'est sûr qu'à ce moment la présence va être physiquement possible, parce que sans cela, s'il faut faire appel à un représentant de l'association syndicale, comme c'est possible à l'article 14, il peut se trouver assez loin du lieu de travail où il y a actuellement un certain litige qui se présente.

Pour nous, autant au niveau du comité qu'au niveau de la recommandation qu'on formule à l'article 67 sur le nombre de représentants à la prévention, c'est pour assurer une présence physique assez immédiate au niveau des problèmes soulevés. C'est dans ce sens que la recommandation est formulée. (12 h 30)

Quant au droit de représentation, comme vous l'avez indiqué, c'est la prise en charge. On connaît cela dans nos conventions collectives quand cela touche une situation, où plusieurs employés font un grief, ce qu'on appelle collectif, où c'est le représentant syndical qui, en fait, est celui qui voit à la formulation de la plainte. On estime qu'au niveau de la santé, c'est quand même un droit encore beaucoup plus grand. Cela devrait également se situer à ce niveau. Au niveau du retrait préventif, la loi 126 ne s'applique pas à nous. C'est un sujet quand même assez important puisqu'on représente près de 50% de nos membres qui sont des employés féminins. Donc, déjà, il y a aussi une nécessité. En plus, il y a aussi certains emplois quand même, par exemple, les auxiliaires en informatique, les demoiselles qui sont préposées au téléregistre, pour elles aussi, il y a quand même certaines conséquences pour la vue, ce qui n'est pas encore, à l'heure actuelle, reconnu comme étant une maladie industrielle. Donc, on estime que, là aussi, il devrait y avoir un certain élargissement des recours possibles pour ces personnes.

M. Marois: En fait, vous comprenez bien que l'idée du retrait préventif, c'est de s'assurer d'un droit à un déplacement ou un retrait au sens strict avant que les choses se gâtent, c'est-à-dire avant qu'il y ait une lésion, avant qu'il y ait une maladie.

M. Harguindeguy: Oui. C'est cela.

M. Marois: D'accord. Mais cela ne réduit pas pour autant la portée de votre argumentation sur la nécessité, en tout cas, d'examiner les concordances requises avec la loi 126...

M. Harguindeguy: D'accord.

M. Marois: ... mais on va regarder cela. Cependant, je pense que tout le monde comprend aussi que le retrait préventif, ce n'est pas un congé de maternité.

M. Harguindeguy: Non.

M. Marois: Le retrait préventif, c'est bien différent d'un congé de maternité. Le congé de maternité, c'est une mesure strictement sociale. Le retrait préventif, c'est un droit qui est reconnu à quelqu'un de pouvoir être affecté à une autre tâche ou, si ce n'est pas possible d'être retiré, de se trouver dans une situation où son état de santé est complètement dégradé ou une partie de son intégrité physique est laissée d'une façon définitive avec le droit d'être compensé en conséquence.

M. Harguindeguy: Oui. D'ailleurs, c'est ce que nous demandons, qu'il soit affecté à d'autres fonctions, compte tenu de son état...

M. Marois: Je comprends le problème de concordance que vous soulevez.

M. Harguindeguy: Au niveau des réunions de comité, notre crainte, c'est qu'on vit certaines situations où parfois le minimum qui est prévu quand on dit au moins une fois tous les trois mois devient également un maximum. C'est pour cette raison qu'on dit qu'ils devraient se réunir au moins une fois par trois mois. Je pense bien que, dans ce

domaine, ils devraient sûrement avoir de quoi à se dire, compte tenu, bien sûr, des secteurs, mais avec le nombre qu'on représente, je pense qu'on aurait sûrement de quoi se parler et au moins à la demande d'une des parties, s'il y a un problème, parce qu'on a quand même vécu des expériences.

Quand justement — comme vous l'avez indiqué — tout va bien, il n'y a pas de problème pour se rencontrer, mais quand cela va mal, habituellement, on a déjà eu des échecs pour avoir des rencontres qui n'étaient pas prévues textuellement C'est ce qu'on veut éviter parce que, dans ce domaine, on estime qu'il devrait y avoir quand même une certaine latitude. Je ne pense pas qu'au niveau d'un comité, on puisse quand même abuser pour se réunir tous les jours. Je pense qu'à ce niveau-là, il y a quand même place pour un certain réalisme. Je pense que, sous réserve des règlements, cela n'implique pas que le règlement pourrait aller en bas, prévoir tous les mois, en tout cas...

Cela dépend. On ne connaît pas encore le règlement. On préférerait quant à nous que ce soit indiqué dans la loi, que ce soit au moins une fois par trois mois à la demande des parties. En tout cas, je pense bien que cela touche quand même le fait que la philosophie du projet de loi veut faire assurer la santé et la sécurité par les parties concernées, les travailleurs et les employeurs. Je pense qu'ils devraient pouvoir avoir la latitude de se rencontrer quand ils le veulent, mais qu'il y ait au moins une possibilité qui soit prévue dans la loi.

Quant à la nomination de la commission, on vit, nous, peut-être de façon particulière au gouvernement, avec des nominations par le gouvernement de membres de commissions ou de régies qui ont quand même des juridictions sur nos conditions de travail. On n'est pas toujours assuré de l'entière autonomie des membres de la commission. D'ailleurs, pour le projet de loi 50 aussi, vous vous souviendrez que nos recommandations étaient à l'effet d'extensionner le délai ou le mandat qui avait été fixé originalement à cinq ans, pour qu'il soit porté à au moins plus que cela. Il a été porté à sept ans. Dans ce cas aussi, on estime — parce qu'on ne se fait pas d'illusion, qu'on n'aura pas de représentant à la commission. Ce sont quand même les secteurs les plus représentatifs, donc, c'est généralement à l'extérieur de ceux de la fonction publique ou du secteur parapublic — que les gens de la partie syndicale vont être nommés. On a quand même vécu des expériences qui ne sont pas trop heureuses pour nous quant à ce genre de nominations et on voudrait assurer une plus grande indépendance de ces personnes vis-à-vis du gouvernement.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier M. Harguindeguy et ses collègues pour la présentation de leur mémoire ce matin. Vous manifestez des commentaires particuliers concer- nant plusieurs articles du projet de loi qu'on aura l'occasion de reprendre probablement lors de l'étude du projet de loi article par article et d'échanger plus spécifiquement avec le ministre sur la position qu'entend adopter le gouvernement à l'égard des représentations ici formulées.

Je retiens quand même un commentaire général de votre mémoire et c'est un peu aussi le commentaire qu'a formulé le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec dans le mémoire qu'il a déposé ici. C'est une attitude que je fais mienne aussi, à savoir l'inquiétude que les représentants syndicaux sont en droit d'avoir de l'application de la loi 17 à l'égard des employés de la fonction publique. Je m'explique: C'est très bien de soumettre et d'obliger le gouvernement à être placé sous la juridiction et l'application de la loi 17; c'est parfait, c'est beau, c'est bien, cela paraît bien de le dire aussi mais la façon dont cela va éventuellement s'appliquer, c'est là qu'est tout le débat, c'est là qu'est toute la question. Le ministre me répondre peut-être que les réponses à mes questions pourront venir lors de l'étude du projet de loi article par article ou encore lors de l'adoption par le gouvernement de différents règlements pour mettre la chair sur l'ossature qu'est la loi 17. Je me dis: On aura des comités au niveau des ministères. D'abord, il y a des problèmes. Ce n'est pas parce que les gens travaillent généralement dans des bureaux qu'il n'y a pas de problèmes de santé et de sécurité, au contraire, il y en a. On a eu des exemples bien particuliers qui nous ont été donnés par le Syndicat des professionnels du gouvernement, entre autres sur des constats de certains problèmes dans certains ministères. Je me rappelle de la référence au bureau du ministère du Travail à Montréal où la température était des plus fluctuante d'une part et où, d'autre part, des spécialistes sont venus percer les murs pour voir la capacité du béton à l'intérieur et ont oublié de fermer tout cela et les rats sont entrés et c'était la valse des rats sur les bureaux. Je me dis: D'accord, qu'est-ce qui arrivera ou qu'est-ce qui aurait pu arriver si la loi 17 avait été en application? Je conviens qu'à ce moment-là aurait pu s'enclencher le mécanisme de comités paritaires, le mécanisme individuel de refus de travail, mais la grande question dans tout cela que vous devez vous poser c'est la question que je pose ce matin au ministre: Quelle est la garantie que les employés de la fonction publique peuvent avoir que l'interlocuteur qu'ils auront sera un interlocuteur qui aura des pouvoirs? Des intervenants de l'entreprise privée nous ont dit: Messieurs de la commission parlementaire, les comités paritaires, cela va très bien. On s'asseoit autour de la table, on se comprend et les gens de la partie patronale quittent le comité et disent: On va soumettre cela à nos supérieurs hiérarchiques. Mais, la décision se prend à Toronto, dans certains cas où le siège social de l'entreprise ou de la multinationale n'est pas nécessairement au Québec mais au Canada. Ils ont dit: Le problème qu'on rencontre c'est qu'on s'entend au niveau local, qu'on s'entend au niveau du comité paritaire mais cela prend un

temps fou et des procédures administratives lourdes pour réaliser et concrétiser l'acceptation au niveau local. Je crains que ce sera possiblement la même chose au niveau du gouvernement. Est-ce qu'on aura un interlocuteur par ministère qui sera chargé de voir à ces questions? C'est possible. Mais, quelle sera sa latitude dans l'action? Vous faites référence à l'article 185 et aux normes de température, de "logeabilité" et tout cela. On sait que le gouvernement, ce même gouvernement qui oblige — je donne un exemple — les hôteliers qui ont une table dans un hôtel doivent avoir 100 pieds carrés par table. Je ne suis pas convaincu que la même norme est respectée quand on va faire un tour dans certains bureaux du gouvernement. Si jamais une décision d'un comité paritaire ou une entente d'un comité en question stipule des améliorations qui impliqueront des déboursés, comment tout cela va-t-il se faire? Si cela prend l'approbation du Conseil du trésor, on peut s'attendre que les gens gèlent longtemps ou qu'ils se promènent avec les rats longtemps parce que le Conseil du trésor n'est pas, que je sache, ce qu'il y a de plus expéditif. Si le représentant patronal est obligé de communiquer ou si celui-ci est placé sous la juridiction de quatre ou cinq supérieurs hiérarchiques qui ont chacun leur part de responsabilités dans la boîte, ça peut prendre du temps là aussi.

Je pense que les députés autour de la table pourront tester le temps que cela prend en moyenne pour rejoindre un fonctionnaire — je ne parle pas d'un fonctionnaire syndiqué, je parle généralement d'un cadre. Vous n'êtes pas sans savoir que bien souvent cela nous prend du temps avant de rejoindre la personne en autorité pour qu'elle nous donne une réponse. Cela va être la même chose pour le représentant de l'employeur au niveau du comité. Je me dis, M. le ministre, que c'est parfait, c'est bien, le gouvernement va être soumis à la loi. Je crains que le niveau décisionnel ou le niveau de responsabilité soit trop loin ou je me demande comment cela pourrait se faire qu'il y ait de véritables décisions qui puissent se prendre au niveau du comité à l'intérieur du ministère en question et que cela puisse aboutir et que, dans les cas où une action concertée est le résultat du comité, cela puisse aboutir à quelque chose. Cela va se faire comment, M. le ministre?

M. Marois: Je pense que les deux commentaires que je formulerais à la suite de la question du député de Portneuf, cela vaut d'ailleurs pour l'ensemble des autres employeurs, est le suivant: À partir du moment, ce qui n'est pas le cas présentement pour l'ensemble des normes, des règles qui sont établies, à partir du moment où le gouvernement tombe sous la coupe de la loi, qu'il est forcé comme n'importe quel autre employeur en vertu de la loi de se donner un programme de prévention qui doit inclure notamment, de par le paragraphe 3 de l'article 48, si ma mémoire est bonne, l'assainissement des lieux mêmes de travail pour s'assurer que c'est conforme aux normes et aux règlements, forcément cela implique obligatoire- ment que les budgets en conséquence sont débloqués. On parlait tantôt des commissions scolaires. C'est avec raison que la question du financement requis est soulevée. Sinon, cela ne mène nulle part. C'est la première des choses.

La deuxième des choses, et cela vaut non seulement pour le gouvernement comme employeur, cela vaut pour l'ensemble des employeurs québécois, à partir du moment — ce qui est complètement nouveau d'ailleurs par rapport aux situations actuelles — où des comités paritaires vont avoir des pouvoirs décisionnels, l'employeur qui va faire en sorte que son représentant, ou ses représentants, aux travaux de ce comité ne soit pas un personnage qui ait des pouvoirs lui permettant d'agir en conséquence et de prendre les décisions en conséquence, il va avoir joyeusement à assumer les conséquences de ses actes par la suite puisque vous savez comme moi que cela donne lieu, que cela donne ouverture à toute une série de mesures, de recours possibles.

Passer simplement, comme on dit en droit, notamment mais non exclusivement, à la possibilité, ce qui est plus ou moins le cas présentement, de l'intervention des inspecteurs qui eux disposent, en vertu du projet de loi no 17, de pouvoirs qu'ils n'ont jamais eus en main antérieurement, cela va valoir pour le gouvernement comme cela va valoir pour les autres. Au fond, il y a comme une espèce de dynamique qui doit se mettre en marche à partir du moment où le projet de loi no 17, avec les amendements qu'il faudra y apporter pour tenir des commentaires pertinents qui nous ont été faits, des suggestions valables pour le modifier, cela vaut pour lui comme cela vaut pour les autres. Ce sont les deux commentaires, M. le Président, que je me permettrais de formuler pour l'instant.

M. Pagé: Le ministre me permettra un commentaire additionnel, M. le Président. C'est que dans l'entreprise la relation est beaucoup plus immédiate entre l'employeur, que ce soit le président de la compagnie, le directeur du service ou le directeur de l'entreprise ou de l'usine, et le représentant de l'employeur au comité que le représentant de l'employeur au comité au gouvernement peut l'être à l'égard de son employeur qu'est le gouvernement. Qui aura la responsabilité dans la boîte? Est-ce que ce sera le ministre du ministère responsable sectoriel? Est-ce que ce sera le sous-ministre à l'administration? Est-ce que ce sera le directeur du personnel? Cela va être qui? Il y a un autre élément aussi et qui va dans le sens de la solution à ce problème, c'est de placer tous les services d'inspection sous la même juridiction, sous le même ministère parce que trop souvent un ministère disait blanc et l'autre ministère disait noir. Ce danger va être encore là parce qu'on aura le ministère responsable de l'application de la loi 17, mais on aura chacun des ministères aussi.

M. Marois: C'est pour cela, d'ailleurs, que j'étais porté plutôt spontanément à souscrire à un de vos commentaires préliminaires, si ma mémoire

est bonne, l'entrée en matière à l'occasion de l'ouverture de nos travaux, du rattachement du nouveau service d'inspection regroupé directement à la commission, notamment mais non exclusivement. (12 h 45)

M. Pagé: Oui, entre autres.

M. Marois: Notamment.

M. Pagé: C'est ça. Soyez vigilants.

M. Harguindeguy: On l'est, on continue. On n'arrêtera pas, même si on sait qu'on va avoir des difficultés, parce qu'on s'attend que cela prenne bien du temps. On a vécu un an et demi pour avoir l'application d'une sentence arbitrale qui devait donner des bottines aux mécaniciens, alors, on a été patient. Même si vous êtes certain que vous courez des risques... on est encore en Cour supérieure pour l'application d'une décision d'un directeur de personnel. Alors, on est habitué à cela dans le domaine de la santé. Encore faut-il qu'il y ait des comités paritaires, c'est surtout à cela qu'on tient, dans la fonction publique.

M. Pagé: Je dois vous dire que je trouve intéressante votre suggestion concernant le mandat plus long et non renouvelable des membres de la commission, à cet égard. On aura l'occasion d'en discuter lors de l'étude du projet de loi, article par article.

Merci! quant à moi, M. Harguindeguy.

M. Marois: Merci!

M. Harguindeguy: Merci bien!

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervention, alors au nom de la commission je remercie le Syndicat des fonctionnaires pour sa participation à nos travaux.

Clinique de médecine occupationnelle de Montréal

J'invite maintenant le groupe suivant, la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal. J'invite le porte-parole de la clinique à se présenter et à nous présenter son collègue.

M. Fauteux (Gaspard): Gaspard Fauteux, président-directeur général de la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal et, à ma gauche, le docteur Marcel Pigeon.

Le Président (M. Dussault): Merci, alors je vous prierais, M. Fauteux, de faire l'effort, s'il vous plaît, de nous présenter votre mémoire dans les vingt minutes prévues selon la convention et nous suspendrons, ensuite, nos travaux jusqu'à quinze heures alors que nous pourrons reprendre avec vous et vous poser les questions pertinentes.

M. Fauteux: D'accord, je vous remercie. Si vous me le permettez, je pense que je peux res- pecter le délai des vingt minutes en faisant, d'une part, la lecture, du moins, des pages les plus importantes de notre mémoire.

M. Marois: Je présume que vous désirez que votre mémoire soit versé intégralement au journal des Débats.

M. Fauteux: D'accord.

Le Président (M. Dussault): II y a consentement de la commission, alors, ce sera versé. (Voir annexe c) Je vous écoute M. Fauteux.

M. Fauteux: D'accord. En octobre 1978, M. le ministre d'État au Développement social publiait un livre blanc d'énoncés des politiques du gouvernement du Québec, en matière de santé et de sécurité des travailleurs. Ces politiques devaient, par la suite, se concrétiser dans le projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail.

Nous tenons, tout d'abord, à exprimer notre satisfaction de voir cette question traitée avec toute l'attention qu'elle demande. Comme l'illustre la première partie du livre blanc, les problèmes de santé et de sécurité au travail sont nombreux et les énergies actuellement déployées pour y remédier ne suffisent pas à la tâche. Des situations parfois déplorables, surtout dans les secteurs d'activité économique à risques élevés, illustrent bien l'importance de légiférer. Le droit des travailleurs à des conditions de travail respectant leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique est indéniable. Ce droit est d'ailleurs de plus en plus reconnu, et plusieurs pays industrialisés sont intervenus en ce sens par voie de législation.

Plusieurs points dans l'orientation gouvernementale nous semblent particulièrement dynamiques et nous tenons à les souligner: la place faite au milieu de travail comme principal agent de changement; le rôle de l'État vu comme catalyseur dans le milieu; le développement de la médecine du travail, spécialité où seront appelés à oeuvrer de plus en plus de professionnels de la santé suite à l'application de ce programme; le développement des services de santé et de sécurité au travail dans les entreprises; la collaboration entre tous les intervenants en santé et sécurité au travail et tous les niveaux d'administration, vers, nous l'espérons, une plus grande efficacité.

Si nous tenons à intervenir devant cette commission parlementaire, c'est pour y soulever une question qui a été presque totalement exclue par le présent projet de loi, mais qui nous semble, cependant, prendre tout son sens dans le cadre du débat, soit la place des cliniques privées de médecine du travail dans le cadre d'un programme complet de santé et de sécurité au travail. Nous aurions pu traiter plusieurs autres points, mais nous préférons nous concentrer sur celui-ci qui nous tient le plus à coeur et sur son importance dans le contexte d'une politique sur la santé et la sécurité au travail. Nous n'ajouterons donc, à notre présentation, que quelques mesures non prévues au projet de loi et qu'il nous apparaît intéressant d'aborder.

C'est à titre de clinique spécialisée en médecine du travail, que la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal aimerait intervenir devant cette commission. La clinique est constituée depuis 1978, moment où elle prend en charge les activités médicales exercées jusqu'à ce jour par Parabec Limitée, compagnie affiliée, elle-même fondée en 1973. Parabec est active depuis cette date en médecine du travail. Des services ont été structurés pour répondre à la demande de plusieurs entreprises conscientes de l'importance d'un programme de santé et de sécurité au travail. Parmi les services offerts, mentionnons les examens médicaux préembauche des travailleurs, les contrôles périodiques de leur état de santé et l'expertise médicale. Depuis, la Clinique de médecine occupationnelle a participé à la réalisation de nombreux projets dans différents secteurs d'activité économique. Ainsi, sommes-nous responsables de la mise sur pied et de la gestion des services de santé de plusieurs entreprises.

Nos services sont assurés par cinq médecins omnipraticiens à temps partiel, tous membres de l'Association de médecine industrielle de la province de Québec. De plus, des consultants médicaux de spécialités diverses sont appelés quand c'est nécessaire. Une quarantaine de médecins collaborent au travail de la clinique dans différentes villes de la province. Dix infirmières, cinq employés de soutien et deux cadres évoluent à plein temps à la clinique. Plus de 50 employeurs ont actuellement recours aux services de la clinique, ce qui représente plus de 20 000 travailleurs.

La clinique fournit des services d'analyse biologique, toxicologie et radiologie; par l'intermédiaire de consultants ou de laboratoires extérieurs. Elle offre sur place les services de laboratoire en physiologie pulmonaire, un département de cardiologie et un service de vaccination.

La clinique s'est aussi penchée sur les problèmes vécus par les différents secteurs du monde du travail, telle la question de bruit industriel et de ses conséquences. En plus des tests par audiomètre dispensés dans nos locaux dans le cadre de programmes de dépistage et de prévention, nous offrons les services de consultants pour le contrôle des bruits et des vibrations en industrie. Nous référons aussi à des spécialistes de l'extérieur les dossiers sur l'hygiène industrielle, ventilation, éclairage, contrôle, chaleur, milieu industriel.

Une des particularités de notre clinique est son service de médecine interentreprise. Le Québec compte plus de petites entreprises que de grandes et plus d'entreprises à faibles risques d'accidents ou de maladies qu'à risques élevés, soit un grand nombre d'établissements n'ayant pas besoin de médecin à plein temps ou de services de santé complet sur les lieux de travail. Ce sont donc les caractéristiques mêmes du monde du travail au Québec qui génèrent le besoin de ce type de services médicaux.

La Clinique de médecine occupationnelle de Montréal assure à ces entreprises des services médicaux ou paramédicaux complets selon leurs besoins au moment où cela s'avère nécessaire. Il est aussi possible de procurer un suivi médical à des travailleurs.

Propositions à la commission parlementaire: L'implantation des cliniques privées dans le cadre d'une politique de santé et de sécurité au travail, référence à l'article 86. La Clinique de médecine occupationnelle de Montréal s'estime bien intégrée à ce milieu de travail qui constitue sa raison d'être. C'est pourquoi la lecture du livre blanc publié en 1978 nous a-t-elle intéressés au plus haut point. Nous nous sommes surtout attachés à une des notions centrales de tout le projet, soit celle de la participation active du milieu de travail comme clé de voûte de toutes les réformes en matière de santé et de sécurité au travail. Il est évident que tout cela touche d'abord les principaux acteurs du milieu, soit les employeurs, certes, mais surtout les travailleurs hautement intéressés quant à la santé et la sécurité en milieu de travail, les grands oubliés de toutes les politiques dans ce domaine. Mais, d'après nous, cette notion s'étend aussi à tous ceux et celles qui oeuvrent dans le monde du travail et qui s'impliquent d'une façon ou d'une autre. Cette vision du milieu du travail dans son sens le plus large se retrouve d'ailleurs dans la suite du livre blanc, particulièrement quand on en vient à parler des ressources de ce même milieu.

Devant l'ampleur de la tâche à accomplir, on parle de priorité d'étape permettant de s'attaquer au plus grave, au plus urgent, d'où l'importance de toutes les ressources disponibles à court terme. Le gouvernement estime qu'il lui faut compter sur une mobilisation et les initiatives de tous les groupes concernés — livre blanc, page 194 — car c'est bien à partir d'une telle dynamique que pourra prendre forme un véritable programme de santé et de sécurité au travail pris en charge par le milieu concerné.

Toutes les ressources de ce milieu doivent être mises à contribution. Pourquoi négligerait-on une partie importante du milieu de travail, soit le personnel médical et paramédical de diverses cliniques qui oeuvre depuis nombre d'années et se consacre exclusivement à la médecine du travail. Sa formation, sa compétence, son expérience, tout cela ne constitue-t-il pas un acquis précieux dans ce domaine où tout reste à faire. La commission devrait également chercher à utiliser au maximum les services existants et déjà disponibles aux travailleurs et aux employeurs comme, par exemple, ceux que peuvent fournir diverses institutions du réseau des services de santé.

Nous croyons que des cliniques médicales reconnues et pratiquant exclusivement dans le monde du travail peuvent aussi prétendre à cette disponibilité au milieu et se sentir directement concernées par tout ce qui les touche. Ces cliniques, fussent-elles du secteur privé, ceci est d'autant plus vrai compte tenu de leurs états de services.

Ces organismes regroupent des professionnels de santé compétents, impliqués dans les milieux où ils travaillent depuis nombre d'années,

en contact étroit aussi bien avec les travailleurs qu'avec les employeurs. Ces cliniques sont responsables de programmes de santé industriels, de prévention, de dépistage et d'examens divers dans le milieu du travail. Leur action s'exerce aussi bien dans les industries que dans les secteurs du transport, de l'agroalimentaire, des services publics et du commerce. Les cliniques privées dont la clinique de médecine occupationnelle se sentent donc prêtes à relever le défi que pose la refonte profonde des programmes de santé et de sécurité au travail. En effet, des services de santé et de sécurité faits par et pour le monde du travail et où une large place est faite à la prévention peuvent aussi bien être dispensés par des organismes privés que par des services de santé publics. Il est clair que ces cliniques privées seront entièrement intégrées dans notre système de santé et de sécurité au travail tel que prévu par le projet de loi 17, que ces médecins seront accrédités par les instances autorisées et qu'elles appliqueront rigoureusement les programmes de santé définis par les comités paritaires, selon les normes de la commission de santé et de sécurité au travail.

Dans le livre blanc, les ressources ne sont pas si nombreuses qu'on puisse se permettre des chevauchements et du gaspillage d'énergie. Dans cette optique, l'importance de la participation des cliniques privées ou une nouvelle politique de santé et de sécurité au travail est indéniable. L'énoncé des politiques du gouvernement incluait d'ailleurs les cliniques privées dans sa vision des services de santé au niveau local. Il pourrait être intégré administrativement un centre hospitalier, un centre local de santé communautaire ou un cabinet privé, comme il est cité dans le livre blanc à la page 241.

Or, le projet de loi no 17 ne fait plus mention des cliniques privées qu'à un seul endroit, à l'article 86, et c'est pour déclarer que le chef du département de santé communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux. Pareille disposition nous semble tout à fait inacceptable. Premièrement, un cabinet privé représente un personnel médical, paramédical et administratif, des équipements spécialisés, des locaux, bref, une immobilisation qu'il devient impossible de garder opérationnelle dans la seule éventualité qu'un centre hospitalier ou un CLSC ne pouvant suffire à la demande lui réfère quelques patients. Deuxièmement, nous estimons qu'il y a là sous-utilisation d'une ressource importante du milieu. Il serait dommage que toute l'expérience acquise au fil des années par les cliniques privées soit si peu profitable au monde du travail. C'est pourquoi nous nous permettons de proposer ici un projet visant non seulement le maintien des cabinets privés dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, mais aussi l'implantation de nouvelles cliniques intégrées dans le système de santé et de sécurité au travail mis sur pied par le gouvernement.

De même qu'il existe encore des hôpitaux privés fonctionnant de façon satisfaisante sans problème budgétaire, ainsi pourrait-il y avoir des cliniques effectuant des tâches prévues par le projet de loi no 17 tout en demeurant dans le secteur privé et, tout comme le système prévoit la création de nouveaux CLSC, il est possible d'envisager de nouvelles cliniques privées en plus, bien sûr, des cliniques existant déjà et pouvant s'intégrer aux programmes publics de santé et de sécurité au travail au moment opportun. L'investissement que fera l'État trouvera un écho dans l'investissement que pourra faire l'entreprise privée.

Nous proposons à ce projet le cadre suivant: Qu'une clinique privée oeuvrant en santé et en sécurité au travail soit une personne civile; que son but exclusif soit la médecine du travail; qu'elle jouisse de l'autonomie financière; qu'elle soit administrée par le conseil de cette clinique. Toutefois, toutes les décisions d'ordre médical doivent relever des instances médicales de la clinique sans ingérence de l'administration.

Que l'existence de la clinique soit reconnue par la commission de santé et de sécurité au travail sous la forme d'un permis de pratique garant de sa compétence. Que les médecins au service de la clinique soient accrédités tel que prévu au projet de loi par le ou les DSC du ou des secteurs administratifs où ils seront appelés à pratiquer. Qu'il y ait une durée de contrat entre la clinique et la commission de santé et de sécurité comme est prévue une durée du contrat des médecins à l'article 89. Le financement de la clinique et la rémunération de son personnel s'établiront de la même façon que ceux des instances correspondantes, les CLSC, selon les règlements prévus par la commission de la santé et de la sécurité du travail.

Que des dispositions limitent l'ampleur de la clinique. Pour le bon fonctionnement de la clinique, que le nombre de médecins y exerçant soit limité à dix — équivalent au plein temps — plus deux médecins par clinique administrée paritairement jusqu'à concurrence de trois de ces cliniques, plus trois médecins — toujours équivalent au plein temps — ayant la charge des cliniques de santé et sécurité au travail à l'intérieur d'entreprises. La limite de tous les services offerts par la clinique sera fonction des normes édictées par la commission de la santé et de la sécurité au travail quant au rapport médecin-travailleurs.

Que la clinique puisse offrir les services suivants: cliniques interentreprises: la clinique offre ses services à plus d'une entreprise à la fois, dans des domaines à vocation sectorielle ou non, ces entreprises pouvant être situées dans des secteurs sous la juridiction d'un même DSC ou de DSC différents. (13 heures)

Le nombre de travailleurs desservis par une clinique serait égal à la somme de ceux de toutes les entreprises desservies, quel que soit le secteur administratif ou elles se trouvent. Les rapports médecin-travailleur prévus par le règlement s'appliqueront alors pour ce nombre total de travail-

leurs. Il est entendu que la clinique est sous la juridiction de centres hospitaliers DSC responsables du secteur où se trouve l'entreprise qu'elle dessert. Les médecins de la clinique sont accrédités par les différents centres hospitaliers DSC des différents secteurs administratifs où ils ont à se rendre dans le cade de visites interentreprises. Le comité paritaire d'une entreprise choisit un médecin et non celui de la clinique, et un médecin précis de la clinique est responsable du dossier santé et sécurité pour une entreprise donnée. Cependant, les examens ne se font pas exclusivement par ce médecin et peuvent être offerts par d'autres médecins de la clinique dont dépend le médecin choisi et ce, cependant, sous la responsabilité du médecin titulaire du dossier. Cela permet une plus grande flexibilité et une plus grande disponibilité face aux besoins de l'entreprise et des travailleurs en ayant toujours un médecin disponible pour des examens ou des soins médicaux.

Clinique interétablissement. Ce service vise à répondre aux besoins des entreprises ayant plusieurs succursales et ce, où que se trouvent ces succursales. Ce peut-être le cas d'une chaîne d'établissements commerciaux, d'une commission scolaire, etc. Un médecin ou une équipe de médecins de la clinique, tous accrédités par les différents centres hospitaliers DSC dont dépendent les différentes succursales de l'entreprise, sont chargés de l'application d'un plan maître. Ce plan est élaboré à partir des normes de prescription de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, des besoins identifiés par le comité paritaire et/ou sectoriel et des mesures supplémentaires prévues par l'employeur. Il est appliqué par une même équipe de médecins d'après les normes/critères et dans les conditions les plus voisines possible. Cette mesure a pour but d'uniformiser l'application de la loi pour tous les travailleurs de la même entreprise et de les faire bénéficier des mêmes avantages. Elle peut aussi être un facteur positif dans la prise en charge de leur santé par les travailleurs qui auront aussi un contrôle beaucoup plus grand sur toutes les mesures de santé et de sécurité au travail par leur secteur.

Clinique administrée paritairement. Ce type de clinique prend tout son sens dans le contexte d'un parc industriel, d'un centre commercial, d'un édifice à bureaux ou d'un chantier de construction. Des entreprises sont regroupées dans un espace géographique précis et plusieurs d'entre elles ne sont pas assez grandes pour justifier la présence d'un service de santé complet sur place. Ainsi, dans un parc industriel, beaucoup d'entreprises occupent un grand espace, mais comptent peu de travailleurs, étant hautement mécanisées. Pourtant, elles se situent souvent dans les secteurs à risques élevés, sans avoir droit à une infirmière à plein temps ou à une certaine fréquence de visites médicales. Cependant, une fois associée aux entreprises voisines, il lui devient possible de bénéficier d'une clinique administrée paritairement.

De plus, les CLSC qui seraient responsables de l'application de la loi dans ce secteur ne sont pas nécessairement en mesure de le faire dans les plus brefs délais. Plusieurs n'existent encore que sur organigramme ou sont en construction. Or, établir un CLSC suppose des frais et des normes minimales de construction et de personnel plus étendues que celles spécifiquement nécessaires à l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ces délais, avant que des CLSC ne soient opérationnels, peuvent aller jusqu'à compromettre l'application immédiate de la Loi sur la santé et la sécurité du travail dans des secteurs d'activité professionnelle à risques élevés.

Il faut aussi considérer que, de par sa vocation communautaire, le CLSC se doit aussi de fournir à la population de son secteur des services de nature diverse, selon les besoins de cette population. Il ne peut donc pas investir toutes ses énergies dans des programmes de santé et de sécurité au travail, ceci en tenant pour acquis que la population environnante au milieu de travail à desservir justifie par son nombre et ses besoins la création d'un nouveau CLSC, ce qui, dans le cas de plusieurs parcs industriels, n'est pas évident. Donc, un CLSC implanté dans un quartier sera souvent loin de plusieurs groupes d'entreprises auxquelles il devra malgré tout fournir des services médicaux.

La question du personnel médical et paramédical chargé de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail mérite aussi d'être soulignée. Les cliniques privées fonctionnant actuellement possèdent un personnel compétent et expérimenté, rompu à la pratique en milieu de travail, donc déjà prêt à passer à l'action. Dans certains secteurs, l'attente nécessaire pour que les nouveaux CLSC constituent pareilles équipes peut représenter un délai coûteux et des risques accrus pour les travailleurs.

Nous proposons donc que soient prévues des mesures afin de favoriser le regroupement des diverses entreprises d'un secteur donné, par l'intermédiaire de leur comité paritaire de santé et de sécurité au travail, pour que celles-ci se dotent collectivement d'une clinique médicale. Le nombre de leurs travailleurs respectifs s'additionne, le total déterminant le nombre de médecins et d'infirmières nécessaire, les sommes allouées, etc., ce qui justifiera souvent la création d'une clinique médicale sur les lieux mêmes du travail.

L'administration paritaire de cette clinique par toutes les entreprises concernées, le comité paritaire de chacune d'elles envoyant un délégué, fait qu'une grande compagnie n'a pas plus de poids que les autres au niveau décisionnel.

Toutes les entreprises reçoivent un service relatif à leurs besoins et non au nombre total de leurs travailleurs. Cela permet de bénéficier d'une clinique sur le lieu même du travail, intégrée à ce même milieu et administrée par lui. Que la clinique puisse se charger de toutes les autres tâches prévues par la loi pour un service de santé et de sécurité du travail; que les programmes de formation, d'information et de recherche entrepris par le centre hospitalier, DSC, dans le cadre de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail,

touchent toutes les cliniques privées oeuvrant en médecine du travail au même titre que les autres structures du système; que des dispositifs soient prévus dans la loi pour que toutes ces mesures s'inscrivent dans l'optique d'une collaboration constante et étroite des cliniques privées avec les CLSC et avec le centre hospitalier DSC, dont ils dépendront.

Nous aimerions nous pencher aussi sur le phénomène des étapes dans l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, afin de présenter à cette commission une définition relative au rôle que jouent présentement et pourront jouer les cliniques privées.

Le projet de loi no 17 s'adresse au monde du travail en général, et, comme l'exprimait le livre blanc: "notre objectif ultime, le seul qui convienne, c'est l'élimination des causes d'accident et de maladie". Le but de tous les intervenants dans ce dossier sera sûrement de faire en sorte que tous les travailleurs bénéficient de conditions de travail ne mettant en péril ni leur santé, ni leur sécurité, ni leur intégrité physique. Cependant, compte tenu du nombre d'hommes et de femmes sur le marché du travail, du très grand nombre d'entreprises réparties dans des secteurs divers, de la multiplicité des risques pour la sécurité, du peu d'information dont nous disposons à propos des maladies professionnelles, cela ne pourra se faire intégralement dans un avenir rapproché. À cela s'ajoute le fait que beaucoup des structures nécessaires à l'application de la loi n'existent pas encore ou n'ont pas de vocation en médecine du travail, que le personnel formé en médecine du travail est peu nombreux, que le milieu lui-même a bien peu d'instruments pour se prendre immédiatement en charge.

L'ampleur du problème a évidemment été envisagé, et le livre blanc déclare: "II nous faut néanmoins convenir tous ensemble de la nécessité d'être réalistes dans notre démarche et accepter qu'il y ait des étapes à franchir." Le gouvernement le mentionne, les programmes de santé et sécurité au travail feront l'objet d'une application progressive, la première cible étant les secteurs d'activité à risques élevés. On ne pourra implanter partout à la fois les structures administratives nécessaires.

Alors, qu'adviendra-t-il des entreprises qui ne seront pas touchées immédiatement par l'application des programmes? Où les travailleurs et les employeurs prendront-ils leurs ressources techniques pour les aider non seulement à entreprendre un projet de santé et sécurité au travail, mais souvent à poursuivre celui déjà existant? Nous ne pouvons que supposer, compte tenu de l'état actuel des ressources disponibles, que le statu quo prévaudra dans le cas des entreprises non incluses dans le cadre des programmes publics de santé et sécurité au travail. Les cliniques privées pourront alors poursuivre leur mandat auprès des entreprises qu'elles desservent déjà et offrir leurs services à celles qui désireront se doter d'un service de santé.

Dans cette perspective, nous proposons que l'intervention des cliniques privées dans les secteurs ne bénéficiant pas immédiatement des ressources de la Commission de la santé et de la sécurité du travail soit faite dans le cadre de contacts plus fréquents et plus étroits avec les autres instances en santé et sécurité au travail: centres hospitaliers, DSC, CLSC.

Cette étape dans l'application de la loi permettrait à la Commission de la santé et la sécurité du travail d'apprécier l'étendue des services et la compétence du personnel des cliniques privées.

Je vais sauter les projets d'amendements aux articles 63 et 88. Toutefois, en les soustrayant, ce n'est pas un indicatif de notre intérêt et de notre souci de ces deux articles.

Je vais également sauter les autres propositions et arriver à la conclusion.

Dans notre intervention, nous avons voulu tout d'abord souligner l'existence de certains services médicaux oeuvrant en médecine du travail tout en appartenant au secteur privé. Nous espérons être parvenus à les situer dans le cadre de ce milieu de travail auquel ils appartiennent à part entière, de par leur compétence, leur expérience et leur implication dans le milieu.

Au moment d'entreprendre une réforme en profondeur de toute la politique de santé et de sécurité du travail, et devant l'ampleur de la tâche, nous savons pertinemment que toutes les énergies doivent être mises à contribution. Cela est particulièrement vrai considérant l'esprit qui a présidé à la rédaction du livre blanc puis du projet de loi et la base de tout ce projet, soit le rôle actif du milieu de travail, prenant lui-même en charge sa propre santé et sa propre sécurité. C'est pourquoi nous nous posons la question suivante: Alors qu'il y a tant à faire pour modifier les conditions de santé et de sécurité au travail, peut-on se priver de la contribution importante qu'apportent les cliniques privées de médecine du travail?

Dans l'affirmative, qu'adviendra-t-il alors de ces cliniques? Car, l'article 288 du projet de loi relatif à son entrée en vigueur ne prévoit aucune date et ne mentionne pas les articles qui seront appliqués prioritairement, non plus que les secteurs d'activité économique touchés les premiers. De plus, de nombreux points pouvant influencer considérablement l'application de la loi ne sont pas précisés dans un article du projet de loi, mais devront faire l'objet de règlements par la Commission de la santé et de la sécurité au travail, ainsi dans les 100 premiers articles, on fait 27 fois mention de référence à des règlements encore inconnus. C'est le cas notamment des modalités de formation des comités paritaires des établissements où des services de santé seront fournis aux travailleurs, des modalités de financement de tout le système, etc.

Il est donc extrêmement difficile de juger de l'ampleur de la présente loi et d'évaluer quand elle pourrait être appliquée intégralement. Dans cette attente, que feront les cliniques privées? Qu'advient-il du personnel à leur emploi, de l'équipement dont elles disposent, de leur investissement? Que se passe-t-il au moment de l'adoption de cette

loi et surtout après, quand le programme est généralisé à toutes les entreprises, sans que les cliniques privées y soient intégrées? Le gouvernement prévoit-il un dédommagement quelconque? Ce sont, bien sûr, des hypothèses, et personne ne souhaite être confronté à une telle réalité.

En effet, nous sommes persuadés qu'il y a place, à l'intérieur d'une politique efficace de santé et de sécurité au travail, pour toutes les ressources disponibles et qu'une entente en ce sens interviendra entre toutes les parties concernées. Nous rappelons au gouvernement notre disponibilité pour discuter de ce dossier et notre motivation à continuer à oeuvrer en médecine du travail. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fauteux. Alors, M. Fauteux et M. Pigeon, nous vous reverrons cet après-midi, à 15 heures. Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 11

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, nous allons reprendre les travaux de la commission. Au moment de la suspension des travaux, nous avions assisté à la présentation du mémoire de la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal et nous en étions aux questions à nos invités. La parole est au ministre. M. Fauteux.

M. Fauteux: Étant donné que j'ai l'impression que c'est une situation un peu inhabituelle de faire une présentation en deux parties, récompensée par un lunch bien mérité, je me demandais si je pouvais vous demander, M. le Président, de permettre à mon collègue, le Dr Pigeon, de vous faire un petit exposé de deux minutes.

Le Président (M. Dussault): D'accord. Vous avez la parole, M. Pigeon.

M. Pigeon (Marcel): En fait, ce que je voudrais apporter, ce serait peut-être un résumé très succinct de ce qu'on a voulu faire ressortir à la lumière du mémoire qu'on a présenté. Pour résumer, je dirais qu'il y a quatre éléments importants dans le mémoire qu'on a voulu présenter. Le premier élément qu'on a voulu décrire dans notre mémoire, c'est la situation qu'on vit actuellement dans notre clinique de médecine occupationnelle qui est une clinique privée à vocation uniquement de médecine du travail. En effet, depuis quelques années, on vivait une situation qui était plutôt stable, c'est-à-dire qu'on rendait des services dans le domaine de la médecine du travail à différentes entreprises qui avaient fait appel à nous possiblement parce que chez elles déjà existait une vocation ou une certaine préoccupation en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail.

On peut dire que, pendant plusieurs années, depuis la création de la clinique en 1973, on vivait plutôt une situation d'évolution linéaire. Maintenant, disons depuis un an ou deux, probablement parce que la santé et la sécurité au travail sont devenues un sujet d'actualité, on a une situation qui est tout à fait contraire, à savoir que ce qu'on vit actuellement, a vraiment pris l'allure d'une évolution logarithmique. Ce que je veux dire par là, c'est que les demandes autant de la part des employeurs que des milieux des travailleurs débordent chez nous, ce qui fait qu'à un moment donné on se demande vraiment si on est la seule ressource dans ce domaine. C'est le premier élément qu'on a voulu mentionner au début en disant qu'on existait. Quand on mentionne des statistiques comme une cinquantaine d'entreprises qui peuvent faire appel, à certains moments, à nos services et que cela regroupe 20 000 employeurs, on n'a pas la prétention de dire qu'à ce moment on remplit toutes les fonctions ou qu'on assume toutes les responsabilités que posent la santé et la sécurité au travail dans ces entreprises.

Deuxièmement, dans le mémoire qu'on a présenté, on a fait des recommandations en ce qui concerne les modes de fonctionnement des cliniques privées en médecine du travail. Ce que j'aimerais mentionner, c'est que ce ne sont pas uniquement des modes de fonctionnement théoriques; ce sont des modes de fonctionnement qui existent actuellement, qu'on utilise, qui peuvent être perfectionnés, qui se doivent d'être perfectionnés. Mais ce sur quoi je veux insister, c'est que ce sont des modes de fonctionnement qui marchent. Cela permet de progresser, cela permet de réaliser quelque chose de positif pour assurer à la fois une meilleure protection du travailleur et, disons — il ne faut pas se le cacher — une protection de l'employeur, en lui permettant d'avoir des employés qui sont plus habilités à faire leur travail de façon adéquate et à donner un meilleur rendement.

La troisième chose qu'on a voulu mentionner dans notre mémoire aussi, c'est qu'on est bien conscient, vu tout ce qui a été mentionné par d'autres intervenants, ne serait-ce que par les intervenants de ce matin, vu les lacunes sur le plan législatif, vu les lacunes énormes et le fouillis qui peut exister, à un moment donné, en ce qui concerne les juridictions dans ce qui peut entrer sous le vaste parapluie de la santé et de la sécurité au travail, qu'actuellement la Clinique de médecine occupationnelle a des lacunes et qu'il est très difficile actuellement de trouver des solutions.

J'aimerais donner un exemple à partir de ce que je connais, à partir de ce que je fais quotidiennement, c'est-à-dire en tant que professionnel-médecin travaillant dans une clinique de médecine occupationnelle. Il arrive souvent, je pense, qu'on se retrouve dans des situations où on a ce que j'appellerais non pas un pouvoir consultatif, mais

une compétence sur le plan consultatif pour déterminer une situation, préciser la problématique d'une situation et même, éventuellement, suggérer des solutions ou des éléments de solutions à des situations qui peuvent être problématiques. (15 h 15)

Ce qui nous manque souvent, c'est le pouvoir exécutif. C'est là, je pense que — et je répète ce qui a été dit probablement depuis le début des présentations ici — la loi 17 sur la santé et la sécurité au travail est essentielle du fait que ce rôle va devoir toujours revenir de façon primordiale au législateur, c'est-à-dire au gouvernement.

Le quatrième élément que je voulais apporter, c'est la question qui est un peu plus aiguë ou un peu plus pressante en ce qui nous concerne, c'est, concrètement parlant, dans le projet de loi ce qui nous attend en tant que personnes civiles, en tant qu'entités dans l'avenir immédiat. Je résumerais la situation de deux façons différentes. Ce qu'on voudrait savoir, du moins l'intention qu'on aimerait pouvoir percevoir du ministre, c'est si, à la lumière de l'information qui peut être accumulée sur le dossier ou le rôle des cliniques privées en médecine occupationnelle, le diagnostic qui a été porté à la lumière de tout cela, c'est celui d'un décès à court terme, et à ce moment-là, c'est une entité qui disparaît, c'est une ressource qui disparaît. Ou bien est-ce que, par ailleurs, il y a possibilité d'envisager une intégration harmonieuse avec l'assurance que, pour les professionnels qui, jusqu'ici ont oeuvré avec dévouement, avec toute leur compétence au sein d'une clinique privée de médecine occupationnelle, ils peuvent aspirer à une permanence et aussi à une certaine satisfaction de la reconnaissance d'une compétence et d'un apport positif dans le grand projet social qu'on est en train de concrétiser avec le projet de loi no 17? C'est un peu ce que je voulais vous dire.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Pigeon. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal de son mémoire. On a eu ici, depuis le début de nos travaux, l'occasion de discuter à plusieurs reprises du fond du problème qui est soulevé également par votre mémoire. Donc, je n'ai pas l'intention de revenir de nouveau aujourd'hui à la charge. On a eu l'occasion d'en discuter longuement. Le témoignage que vous avez rendu, chacun des parlementaires en a certainement fait son profit et ajoutera à la lumière, en plus, des discussions qu'on va avoir maintenant à partir des échanges sur la base des questions, des remarques ou des commentaires qui seront formulés par l'un et l'autre des parlementaires présents à cette commission. C'est uniquement à la suite de cette commission, sans quoi une commission parlementaire n'a plus aucune espèce de raison d'être. Si la commission parlementaire est un endroit où on interroge le ministre sur chacune des recommandations qu'on formule, je vous rappelle que je ne sais pas si on est sur le bord de battre un record. On me dit que passé quelque 60 auditions, ce serait quelque chose de plus que ce qui s'est passé pour la loi 101. Quelque 60 mémoires, mettez une moyenne de je ne sais pas combien — soyons modestes et conservateurs — une quinzaine de recommandations par mémoire, vous ne me demandez quand même pas de répondre. Là, on renverserait les rôles complètement.

J'aurai à répondre, comme ministre responsable, du projet de loi en temps et lieu. Mais au préalable, je pense qu'on est ici pour discuter avec les parties qui se présentent devant nous et essayer, à la lumière de la réalité d'un certain nombre d'objectifs qui sont clairs, de principes aussi qui doivent être clairs, des ajustements requis pour établir les meilleures modalités possible pour bonifier au maximum le projet de loi et faire en sorte d'assurer la meilleure contribution des ressources disponibles du milieu. Donc, je ne veux pas reprendre toute la discussion de fond. Je m'arrêterai à quelques questions précises suivies d'un premier commentaire d'ordre très général.

En introduction de votre mémoire, vous nous indiquez que votre clinique offre à des entreprises des services médicaux, paramédicaux complets selon les besoins. C'est dans cette philosophie que, par exemple, on peut lire aussi dans votre prospectus publicitaire qu'une équipe d'infirmières peut se rendre au domicile du travailleur vérifier si des absences au travail pour raisons de santé sont justifiées. Cela apparaît en annexe. Il est évident que si une clinique comme la vôtre veut continuer dans la même ligne d'intervention que ce qui ressort, notamment, du prospectus qui est en annexe, notamment, je dis bien, mais pas exclusivement, il n'y a aucun doute qu'il y aura toujours preneur dans le milieu, du côté des entreprises, même après l'adoption de la loi 17 et ce, indépendamment des conclusions qu'on pourrait tirer sur l'autre aspect, l'autre dimension du problème qui est soulevé.

D'autant plus que la porte n'est pas fermée, puisque la porte est ouverte, vous l'avez signalé vous-mêmes, par le deuxième paragraphe de l'article 86 et par le fait aussi que ce n'est certainement pas l'intention du législateur — et ce n'est pas ce que fait le projet de loi no 17 — de priver quelque employeur que ce soit de la possibilité d'avoir des groupes-conseils qui pourraient l'entourer. Notre préoccupation première, fondamentale, c'est de faire en sorte, pour les hommes et les femmes qui sont au travail et qui ne disposent pas, présentement, des services médicaux, paramédicaux, de santé, basés sur une approche de dépistage ou une approche épidémiologique, comme on dit dans le milieu, que cela se fasse. Et on sait fort bien qu'on part de loin, qu'il y a beaucoup à faire et que tout ne pourra pas être fait en même temps; cela c'est certain. Quelle que soit la voie choisie, que ce soit une voie publique, une voie mixte ou une voie privée, peu importe, dans l'état actuel des choses, il y a beaucoup à faire et il va falloir comprendre, tout le monde, que cela ne peut pas se

faire autrement qu'avec un certain gradualisme, en choisissant les points qui sont les plus prioritaires. Donc, pour l'instant, c'est l'état de la situation.

Cela étant dit, je voudrais vous poser trois ou quatre questions très précises. On a regardé cela un peu, de notre point de vue, on a analysé la réalité sur une période de deux ans, ce qui se faisait, ce qui ne se faisait pas, ce qui existe, ce qui n'existe pas. Comme vous êtes dans le milieu des cliniques occupationnelles privées, à votre connaissance à vous, combien y a-t-il, au Québec, présentement, de cliniques occupationnelles un peu de fa taille de la vôtre? Deuxièmement, vous nous donnez un certain nombre de chiffres, une cinquantaine d'entreprises, 20 000 travailleurs qui sont couverts. J'aimerais que vous nous disiez, d'une part, quelle est la taille moyenne des entreprises — je peux dire en nombre de travailleurs — que vous desservez et, d'autre part, quelle est la taille de la plus petite et quelle est la taille de la plus grande.

Troisièmement, vous n'en faites pas état dans votre mémoire, à ma connaissance, sous réserve de me tromper. Mais, comme vous êtes dans le domaine de la médecine occupationnelle, je pense qu'il aurait été intéressant — et je me permets de vous poser la question — qu'un groupe comme le vôtre donne son avis sur des choses qui sont en débat présentement et sur lesquelles le gouvernement a un choix extrêmement important à faire, concernant la santé et la sécurité de ceux et de celles qui sont les premiers concernés encore une fois. Ce n'est pas d'abord nous, ce n'est pas d'abord les professionnels, il faut les mettre à contribution et ouvrir toutes les possibilités maximales, mais ce sont d'abord des hommes et des femmes qui sont au travail. Je pense qu'il serait extrêmement intéressant qu'on ait votre opinion, notamment sur cette idée qui a été évoquée. On a introduit dans le projet de loi le principe du retrait préventif. Là, on développe une approche qui vise à dépister les problèmes avant que les drames arrivent.

La première application concrète prévue par le projet de loi no 17 concerne la femme enceinte au travail. J'aimerais que vous nous disiez, sur la base de votre expérience, dans quelle mesure vous pensez qu'il serait pertinent ou non que le gouvernement élargisse l'application de ce principe pour l'ouvrir à l'ensemble des travailleurs, étant bien entendu que, sur une base scientifique, on ne connaît pas encore, d'une façon scientifique et certaine, tous les types d'altérations. Il y en a qu'on connaît, il y en a qu'on ne connaît pas; donc, il y a un gradualisme nécessaire possible. Mais est-ce qu'il vous apparaît que c'est une clef, que c'est quelque chose de fondamental, ou est-ce qu'il vous apparaît que c'est quelque chose de tout à fait secondaire et qu'on ne devrait même pas s'arrêter à une chose comme celle-là?

Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et questions que j'avais à formuler.

M. Fauteux: M. le Président, je me permettrai de répondre aux questions dites administratives et le Dr Pigeon répondra à M. le ministre sur les questions purement sur le plan professionnel.

Vous avez mentionné, d'une part, au début de votre énoncé, M. le ministre, cette remarque concernant les visites d'infirmières, à titre de contrôle d'absences. Si vous avez bien lu le prospectus, je vous rappellerai que ce service est offert, non pas par la clinique, comme telle, mais bien par une compagnie, un organisme associé à la clinique, un organisme d'infirmières visiteuses.

Je ne voudrais pas, ici, faire la synthèse, ou l'explication ou la justification d'un tel service, mais il faut peut-être simplement ajouter non seulement un service d'infirmières visiteuses, côté policier ou côté dramatique, parce qu'on aime souvent, dans le milieu du travail, non seulement dans le milieu du travail, mais même de la part des travailleurs, ressortir les côtés négatifs et regarder les méchants quand on parle de médecine du travail alors que le contrôle d'absence, pour nous, a un apport positif pour la formation et l'éducation des gens qui se disent malades, qui se disent absents au travail pour des raisons légitimes. Je pense que ces infirmières aident à orienter ces gens, à faciliter un suivi médical ou les orienter vers l'obtention de ce suivi médical du côté thérapeutique ou autre.

En ce qui a trait à l'article 86, il est évident qu'au deuxième paragraphe, tel que cité dans notre mémoire, on laisse une porte entrouverte, pour employer vos mots, en ce qui a trait aux cliniques privées. Mais depuis l'automne 1978, depuis la publication du projet de loi no 17, il nous semble que la porte s'est rétrécie de façon assez importante, à tel point on se demande quand la loi prendra effet, s'il n'y aurait pas encore un mouvement additionnel dans cette porte et s'il faudra vraiment passer de côté pour y pénétrer.

Dans les services qu'offre une clinique telle que la nôtre, une clinique qui ne fait que de la médecine du travail, il est très difficile, je crois, de faire du demi-temps dans une telle sphère de travail. Si on veut bien faire notre travail, il faut être impliqué à plein. Autrement dit, combien y avait-il de cliniques de médecine du travail ici au Québec? Si on ne regarde que les cliniques qui font vraiment, je dirais, à 100% ou à peu près de vocation de leur temps en médecine du travail, il y en a une ici même à Québec et il y en a trois à peine, peut-être quatre à Montréal. En plus, peut-être, des cliniques paritaires ou des cliniques... Je pense à la clinique médicale de l'amiante ou des cliniques du genre. Des cliniques telle quelles, il n'y en a que quatre au Québec.

M. Marois: II n'y en a que quatre.

M. Fauteux: C'est cela, oui. Quant à la taille moyenne ou au profil des entreprises que l'on dessert, essentiellement, les entreprises desservies par la nôtre sont d'une part des entreprises à risques moyens ou à petits risques. On représente très peu d'entreprises qui ont des risques sérieux en milieu de travail. Évidemment, de par l'entreprise, il peut exister des postes de travail qui sont plus hasardeux que d'autres, mais dans l'ensem-

ble, ce ne sont pas des industries à risques élevés proprement dites. Le genre d'entreprises qui ont recours à nos services part de la petite entreprise qui a de cinq à dix employés et va vraiment jusqu'à d'autres sociétés qui n'ont peut-être pas loin de 12 000 employés. Les raisons, en fait, sont variées. On retrouve chez nous beaucoup de compagnies ou de sociétés à succursales multiples, des sociétés qui ont peut-être à leur siège social un service médical et une direction médicale. Ici, au Québec, elles n'en ont pas, elles nous ont donné seulement... Je pense à des chaînes d'alimentation, qui sont complètement décentralisées à l'échelle de la province. Je pense également à des établissements financiers qui sont à succursales multiples et qui, dans l'ensemble, sur le plan corporatif, sont des grosses boîtes, mais, à cause de leur décentralisation, je crois qu'ils ont avantage à se servir d'un organisme comme le nôtre qui est structuré à l'échelle de la province. Il y a les sociétés fédérales de la couronne qui font affaire avec nous. Il y a des sociétés de la province également, parapubliques, qui font affaire avec nous. Il y a une variété d'entreprises de services publics et de services industriels, manufacturiers, commerçants, transports, alimentation.

M. Marois: Si je comprends bien, vous desservez un certain nombre d'entreprises qui, notamment, ont, à l'échelle du Québec, par exemple, plusieurs points de services sur le territoire, ou points de distribution ou de vente, enfin, peu importe, je ne veux pas connaître le nom des entreprises... Pardon?

M. Fauteux: En partie, mais non pas exclusivement.

M. Marois: Donc, quand vous me répondez en disant qu'il y a notamment des entreprises où il y a cinq employés, c'est de cela dont vous parlez.

M. Fauteux: Non, quand je parle de cinq employés...

M. Marois: Dont certains points de vente sont... Pardon?

M. Fauteux: Quand je parle purement de cinq employés, je parle d'une boutique, d'une boîte à propriétaire unique ou d'une entreprise quelconque qui n'a que cinq employés, mais qui a recours à nos services lorsqu'elle reconnaît l'importance de la santé et de la sécurité au travail et de la médecine préventive et y croit. (15 h 30)

M. Marois: Évidemment, cela vaut ce que cela vaut et cela n'indique pas plus que cela. Mais une cinquantaine d'entreprises, 20 000 employés, cela fait une moyenne de 400, pas loin.

Vous dites qu'un groupe, une entreprise à elle seule, c'est 12 000. Donc, les 50 autres...

M. Fauteux: Quand on a parlé de 50 employeurs, c'est beaucoup plus dans le sens que si on nous demandait de tabler nos clients, on pour- rait facilement tabler 50 clients qui font affaires avec nous sur une base permanente. Mais, dans l'ensemble, il y a beaucoup de clients qui font affaires avec nous d'une façon sporadique ou occasionnelle.

J'aimerais peut-être que le Dr Pigeon réponde à votre question sur le congé...

M. Pigeon: Si je peux ajouter deux commentaires très brefs à ce que M. Fauteux a dit...

Le Président (M. Dussault): Pouvez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît?

M. Pigeon: Ce que je disais, c'est que si je peux ajouter deux très brefs commentaires à ce que M. Fauteux a dit, en ce qui concerne le type d'entreprise qu'on dessert il y a une réalité ou une situation un petit peu particulière qu'il n'a peut-être pas bien précisée. On a des entreprises qui font appel à nos services qui ont souvent une réalité bien particulière, à savoir que ce sont des entreprises qui sont soit hautement automatisées ou spécialisées, ce qui fait que le nombre des travailleurs que j'appellerais les travailleurs cadres — ce que j'appelle les employés de bureau par rapport aux employés de la production ou les employés manuels — souvent, la proportion est de 50-50 ou même elle est l'inverse de ce qu'on va avoir dans l'industrie lourde, ce qui nous amène souvent à avoir dans une entreprise des postes à risques très élevés, mais pour un nombre très minime d'individus. Ces entreprises vont recourir à nos services parce que pour elles le nombre d'employés ne justifie pas, sur le plan purement financier, l'investissement que cela leur demanderait de faire pour s'assurer qu'il y ait des mécanismes adéquats de contrôle pour ce qui est de la santé et de la sécurité au travail de ces quelques postes.

Le deuxième commentaire que je voulais ajouter en ce qui concerne ce que M. Fauteux a dit, c'est qu'il faut être honnête, être franc et dire que les petites entreprises, quand on parle de petites boutiques, ce qui est à la mode, les PME, frappent chez nous comme elles n'ont jamais frappé.

M. Marois: À 5, c'est plus petit encore. Ce sont des PPE, c'est petit, petit, petit.

M. Pigeon: Je suis d'accord. Mais aussi surprenant que cela puisse vous paraître, nous sommes vraiment surpris de voir qu'à un moment donné on a un téléphone et qu'on doit rencontrer M. Untel qui voudrait profiter de nos services, pour se rendre compte que nos services pourraient s'appliquer à cinq ou six de ses employés, parce que c'est tout son personnel. C'est ce que je veux mentionner. Je pense que c'est un effet bénéfique, positif de l'évolution sociale qu'on connaît actuellement, à savoir que...

M. Marois: Je m'excuse infiniment de vous interrompre, c'est parce que je n'arrive pas à concilier vos chiffres. Si, parmi... c'est juste pour voir ce que cela donne. De toute façon, la réalité, vous

dites qu'à votre connaissance il y a quatre cliniques un peu du genre de la vôtre au Québec.

Vous dites que dans votre cas c'est une cinquantaine d'entreprises, 20 000 employés. Vous dites que parmi les 50 entreprises qui sont vos clients... par entreprise, je comprends corporation d'une façon ou d'une autre si elle a été enregistrée, ou corporation au sens de la loi. 50 qui ne sont pas les mêmes. Dans les 50, vous ne calculez pas dix fois la même?

M. Pigeon: Non.

M. Marois: 50 unités au sens juridique. Vous en avez une là-dedans qui a 12 000 employés et 49 autres.

M. Fauteux: M. le ministre, je ne croyais pas que cette question serait si importante, mais elle est quand même intéressante.

M. Marois: C'est pour voir la taille.

M. Fauteux: Vous me faites réaliser que, quand je vous parle d'un client de 12 000 employés, c'est un client qui nous est venu pendant l'été 1979. Alors, il y aurait peut-être tout simplement lieu de réviser les chiffres et de dire que c'est peut-être 35 ou 32 ou quelque chose d'un peu plus au-dessus de 20 000. Pour nous, ce sont des chiffres qui ont paru dans un autre travail au cours de l'année. Ce ne sont peut-être pas les chiffres les plus à jour.

M. Pagé: C'est pointilleux un peu.

M. Fauteux: Oui, il est pointilleux un peu. J'allais le dire, mais ce n'est pas mon rôle. Je pense qu'il est intéressant de noter de cela, je suis obligé de vous corriger, qu'il y a quand même une dynamique assez importante chez nous et une croissance très importante de nos effectifs. Si vous me demandiez les mêmes chiffres pour l'année passée, l'année précédente ou il y a trois ans, franchement, vous me poseriez peut-être une question, à savoir comment je gagnais mon pain. Il y a eu une croissance très importante, du moins dans notre clinique, depuis trois ans et particulièrement depuis non pas la parution du livre, mais peut-être les quelques mois qui ont précédé la parution où il y a eu cet intérêt, cette inquiétude et ce souci de s'aligner, de prévoir le projet de loi.

M. Marois: Dans ce sens, s'il y a ça, tant mieux; c'est déjà une bonne chose, mieux vaut tard que jamais!

M. Pagé: Pourvu que ça dure!

M. Marois: Pourvu que ça dure! De ça, on va s'en occuper que ça dure, monsieur, je vous en passe un papier. Le député de Portneuf peut trouver que je suis pointilleux et on ne viendra pas nous reprocher après de ne pas scruter la réalité, je prends les chiffres que vous nous communiquez et j'essaie simplement de voir quelle est la réalité actuelle des services. Vous me dites qu'il y a quatre cliniques et je prenais vos chiffres, mais dans la foulée de votre témoignage, il y a des ajustements qui s'imposent; je ne vous en fais pas grief, on est là pour discuter, je veux simplement essayer d'avoir le tableau de votre point de vue.

On a des données en main, on a regardé ça quand même depuis deux ans. On a des données d'une situation qui évolue; c'est vrai, depuis peut-être un an et demi, deux ans, Dieu merci, ça commence à évoluer plus rapidement que ça évoluait avant, il est temps, mais ce n'est pas nous qui allons arrêter le mouvement, certainement pas, bien au contraire. Donc, il est normal qu'il y ait des chiffres, mais je n'arrivais pas à les concilier, j'essayais simplement de comprendre ce que vous dites.

M. Fauteux: II nous ferait plaisir, M. le ministre, de vous présenter en annexe un détail plus complet des activités de la clinique, du profil des compagnies clientes et du nombre de travailleurs.

M. Pigeon: J'aimerais faire des commentaires au sujet de la question qui nous a été posée par M. le ministre, à savoir notre position en ce qui a trait à un élément qui est quand même un élément très important du projet de loi no 17, à savoir toute la question du retrait préventif.

J'aimerais que ma réponse soit interprétée comme étant celle d'un professionnel de la santé et médecin. Pour moi, le projet de loi no 17 a sa raison d'être, à condition que l'élément retrait préventif y soit inclus de façon intégrale. En disant ça, je semble prendre une position extrémiste, mais je pense que je suis probablement appuyé par tous mes confrères médecins, ne serait-ce que l'expérience du contact quotidien des travailleurs, un après l'autre, qui m'a amené à avoir confiance dans les travailleurs.

Je pense que les débats qu'on fait très longuement dans la crainte qu'un projet de loi puisse faire place à des abus sont justifiés, parce qu'il faut toujours essayer de prévenir les abus, plutôt que d'avoir à les guérir; c'est un peu comme le problème de la santé, il vaut mieux être en santé que de guérir d'une maladie. Je pense qu'il faut faire confiance à la population québécoise et dire que la plupart des travailleurs, la plupart des associations de travailleurs ont une certaine maturité qui va les amener à réagir de façon positive ou favorable à l'ensemble du projet, avec l'élément clef qui est le retrait préventif. J'appuie cette opinion sur mon expérience personnelle depuis cinq ans en médecine du travail. C'est que j'ai vécu des situations où les relations entre employeurs et travailleurs pouvaient être des plus harmonieuses, comme des plus discordantes, mais dans un cas comme dans l'autre, je me suis rendu compte que les statistiques d'abus étaient à peu près les mêmes.

J'ai l'impression que dans le domaine de la santé au travail, les "abuseurs", si on veut bien me permettre cette expression, vont se retrouver non

pas en plus grand nombre, ni en plus petit nombre que dans le domaine de la santé d'autres secteurs — je ne sais pas si je m'exprime bien — ce qui veut dire que je ne pense pas que ça constitue un problème en soi, l'abus excessif qu'il pourrait y avoir vis-à-vis du travail. C'est un peu comme dans le domaine de l'assurance ou de l'assurance-maladie; je caricaturerais la situation en disant que tout le monde prend une assurance-maladie. Il y a 80% des gens qui vont payer leurs primes d'assurance-maladie et qui ne s'en serviront jamais, il y en a 10% qui vont les payer et qui vont s'en servir pour raisons valables et il y en a peut-être 10% qui vont s'en servir pour des raisons plus ou moins valables, mais je pense qu'en définitive tout le monde va en bénéficier.

Quand j'ai fait ma petite introduction, tantôt, à savoir que mon troisième point, sur lequel j'ai peut-être plus ou moins insisté, était celui où je mentionnais qu'on reconnaissait qu'on avait des lacunes. Ce que je veux dire par là c'est que c'est évident que sur le plan purement professionnel, compétence médicale, — M. le ministre l'a dit et l'a répété souvent depuis ce matin — en ce qui concerne la santé au travail, il y a beaucoup de terrain à défricher. Évidemment, en ce qui concerne la médecine curative, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont connues; en ce qui concerne la médecine au travail, tout est à découvrir ou à peu près, selon moi.

Ce qui veut dire que je pense, de ce point de vue, que les professionnels médecins, qui ont oeuvré en médecine du travail et qui oeuvrent encore ont à développer une compétence et à profiter d'autres outils pour développer une plus grande compétence, genre d'outils — comme il a été mentionné par M. le ministre — comme des ressources en épidémiologie, des ressources en information, en formation et en éducation du milieu des travailleurs. Mais vis-à-vis des situations qui sont déjà connues, existantes, ce que j'ai mentionné en introduction, c'est qu'il nous manque, à nous professionnels de la santé qui constatons des situations problématiques, un pouvoir exécutif pour mettre un arrêt immédiat à ces situations problématiques. Le retrait préventif, selon moi, est la clé dans l'immédiat tout en comptant sur les autres rapports qui sont dans le projet de loi no 17 comme les éléments formation, recherche, épidémiologie et éducation qui vont nous amener à acquérir — tous les travailleurs dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, pas uniquement les médecins — une meilleure connaissance du milieu de travail et en même temps une meilleure connaissance des moyens pour conserver cette santé et cette sécurité au travail.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Pigeon. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais être moi aussi très bref. Je n'aurai qu'un commentaire à vous formuler et vous remercier de la présentation de votre mémoire. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Il y a déjà peut-être une bonne cinquan- taine d'heures — même plus que cela, c'est la treizième journée aujourd'hui - que nous siégeons et plusieurs des éléments que vous citez ont été abondamment discutés. Vous avez eu l'occasion de prendre connaissance des différentes positions adoptées par les membres de la commission ici autour de la table et vous aurez d'ailleurs l'occasion, aussi, de voir les attitudes adoptées par les différents partis, les différentes formations politiques au moment de la deuxième lecture, au moment de l'étude du projet de loi article par article. Je retiens de votre mémoire l'inquiétude que vous avez. Vous êtes de ceux qui ont déjà oeuvré dans le domaine de la santé. Vous êtes de ceux qui ont participé avec l'entreprise privée, les travailleurs et tout cela. Au risque de me répéter, très brièvement, vous savez notre attitude à nous. Notre grande crainte dans le projet de loi, c'est que le projet de loi vienne mettre de côté les initiatives du travail concluant et positif qui s'est fait dans le passé et qu'on vienne remplacer tout cela par un mécanisme de structures, une nouvelle commission de santé et de sécurité qui viendra adopter des programmes cadres de santé. La grande crainte que nous avons, c'est le fait de mettre de côté ce qui s'est fait dans le passé, qu'on soit perdant à certains égards et que même le travailleur du Québec soit perdant à certains égards. Je comprends votre inquiétude parce que les cliniques privées n'apparaissent qu'à l'article 86. Comme vous le dites c'est quand même très limitatif comme possibilité de participation éventuelle à la nouvelle structure ou aux nouveaux services qui seront mis de l'avant parce que si on lit l'article 86, c'est que le chef du département de santé communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux. C'est quand même très limité et j'hésite à croire, quant à moi, que les départements de santé communautaire, une fois qu'ils auront les pouvoirs, une fois qu'ils auront les budgets — parce qu'on peut présumer qu'ils auront des budgets — qu'ils fassent affaires sous forme de contrat ou autrement de façon fréquente avec les cliniques médicales privées. Je comprends votre inquiétude. On a discuté. On a échangé. Quelle sera votre place dans tous ces mécanismes qui seront établis avec la loi 17. C'est au gouvernement à répondre. Quant à nous, notre rôle doit être de le sensibiliser à ce qui s'est fait de bien. Je conviens qu'il y a eu des problèmes dans le passé. Je conviens qu'il y a des choses à corriger, mais on ne peut pas écarter du revers de la main ce qui s'est fait de bien dans plusieurs entreprises au Québec par l'initiative qu'elles ont déployée, l'effort qu'elles ont déployé — parce qu'il y a des entreprises qui ont déployé des efforts au chapitre de la santé et de la sécurité — qui se sont avancées, qui ont établi elles-mêmes des codes, des normes de contrôle et des normes à respecter. Il ne faudrait pas qu'avec le projet de loi no 17 on mette tout cela de côté du revers de la main pour en arriver à une norme générale et globale qui s'appliquera peut-être à la

grandeur du Québec et qui risque d'être en deçà de ce qui se faisait déjà dans l'entreprise. C'est notre position. On aura l'occasion d'y revenir. Je comprends votre point de vue. Je comprends votre inquiétude. (15 h 45)

C'est maintenant au gouvernement à parler et il parlera tant en deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi, article par article, au moment des modifications que le gouvernement entend apporter parce qu'à plusieurs reprises, le ministre d'État au Développement social nous a dit que certaines choses étaient à revoir. On peut présumer qu'il y aura des modifications, qu'il y aura des amendements, et c'est à la lumière de ces amendements qu'on pourra nous-mêmes en présenter ou encore prendre position sur ces amendements.

M. Fauteux, Docteur, merci.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Sainte-Marie, en vous rappelant que nous avons commencé à prendre gravement du retard.

M. Bisaillon: M. le Président, je pense que vous reconnaîtrez le premier que je n'ai pas abusé du temps de la commission, depuis le début des audiences. Je vais quand même essayer de me limiter aux cinq minutes que vous m'accordez.

Le Président (M. Dussault): Quatre.

M. Pagé: Quatre.

M. Bisaillon: Quatre?

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Bisaillon: Quatre et demie.

Le Président (M. Dussault): Commencez.

M. Bisaillon: Mes premiers commentaires s'adresseraient au docteur Pigeon, peut-être par la suite, s'il me reste du temps, je parlerai à M. Fauteux. Vous avez, en réponse à une question, docteur Pigeon, parlé en disant: je vais vous répondre, et là, c'est le professionnel de la santé qui vous répond, sur la question du retrait préventif. Je suis intéressé à avoir des commentaires d'un médecin qui a travaillé depuis cinq ans, vous dites, dans le milieu du travail, mais appelé à faire ce travail par des entreprises, finalement, par des employeurs. M. Fauteux a dit, tantôt, qu'il y a des entreprises qui faisaient appel à vos services de façon sporadique. J'ai donc compris qu'il arrivait parfois qu'une entreprise faisait appel à vos services, probablement — et là j'interprète — pour régler un problème spécifique qui se présente dans son entreprise, que vous pouvez ou non régler, mais c'est en fonction de besoins spécifiques qu'une entreprise vous appelle.

Ce que je veux vous demander c'est: est-ce qu'il vous est arrivé, durant les cinq années pendant lesquelles vous avez oeuvré dans ce domaine, d'avoir à travailler auprès des employés d'une entreprise, et de poser un diagnostic qui forçait cette entreprise à faire des modifications majeures à son fonctionnement, en terme de sécurité ou en terme de santé au travail? Est-ce que cela vous est arrivé depuis cinq ans?

M. Pigeon: Oui, je dois dire que votre question demanderait une réponse plus nuancée que ne l'est votre question.

M. Bisaillon: Mais, vous pouvez prendre le temps. C'est moi qui ai cinq minutes. Vous, vous avez tout le temps.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Sainte-Marie, je m'excuse, mais le temps de paroles de nos invités passe sur votre temps.

M. Bisaillon: Ah bon!

M. Pigeon: Pour répondre à votre question, je dirais que je suis arrivé en tant que médecin, dans la médecine du travail, à l'époque d'un changement, changement que tout le monde s'attarde à rappeler depuis le début des présentations ici, à savoir que, durant mon cours de médecine, la santé et la sécurité au travail faisaient souvent très peu les grands titres des journaux. Dès le moment où j'entre sur le marché du travail, en tant que médecin, cela commence lentement, à savoir que surtout depuis deux à trois ans, cela fait beaucoup plus l'actualité. Ce qui fait qu'il y a des entreprises qui ont fait appel à nos services, comme vous le dites très bien, pour répondre à des problèmes spécifiques, des problèmes spécifiques qui...

M. Bisaillon: Par exemple, un trop grand nombre d'absences ou des choses comme cela.

M. Pigeon: Non, pas nécessairement, plutôt pour répondre à des problèmes spécifiques qui avaient déjà été observés et qui avaient pu se rendre jusqu'à l'administration ou à l'employeur par le biais du syndicat.

M. Bisaillon: Comme il nous reste seulement cinq minutes, tous les deux, pour aller rapidement au but, est-ce qu'il vous est arrivé d'avoir une demande d'une compagnie — il y a un langage administratif et un langage médical, là je veux prendre le langage médical — pour examiner tel phénomène et avoir à faire des recommandations, par la suite, qui impliquaient, par exemple, un investissement important de la part de la compagnie, pour régler les problèmes de santé ou de sécurité que vous aviez remarqués? Et si oui, servez-vous toujours cette compagnie?

M. Pigeon: Je pourrais vous répondre par oui ou non, parce qu'il y a eu plus qu'une compagnie qui a fait appel à nos services pour des questions spécifiques comme celles-là. C'est là qu'on a pu percevoir qu'au sein de certaines entreprises — que

ce soit des corporations ou que ce soit d'autres entités — il y avait ce que j'appellerais une vocation de préoccupation en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail. Je pense qu'on peut vendre — excusez l'expression — la santé et la sécurité au travail, le jour où les gens qui sont responsables des cordons de la bourse auront réalisé qu'il est aussi avantageux d'investir dans la santé et la sécurité au travail qu'il peut l'être d'investir dans un département du marketing ou un département du personnel. En fait, ce qui s'applique au niveau des entreprises s'applique aussi bien au niveau du gouvernement, c'est ce qui a été relevé à plusieurs occasions.

M. Bisaillon: Mais, Dr Pigeon, ce que vous m'apportez ce sont des nuances importantes à ma question; ma question est peut-être directe, froide, mais je voudrais avoir une réponse à ma question, froidement aussi.

M. Pigeon: Froidement, ce que je peux vous dire, comme je vous disais tantôt, il y a des entreprises qui ont répondu favorablement à nos recommandations et qui ont entrepris les modifications. Par contre, il y a d'autres entreprises dont on a perdu la clientèle, sans avoir — comme je le disais tantôt — le pouvoir exécutif ou le pouvoir de contrôle, de surveillance ou d'inspection pour savoir si nos recommandations étaient restées lettres mortes ou avaient porté fruit.

M. Bisaillon: M. le Président, c'est mon dernier commentaire et je termine avec ça. C'est que si les mots veulent encore dire quelque chose, une loi de la santé et de la sécurité du travail c'est un esprit avant d'être des dispositions, c'est d'abord un esprit, une orientation. Le médecin qui travaille dans ce domaine peut avoir l'orientation, mais être bloqué par l'administration. Entre autres, M. Fauteux, dans son intervention, a utilisé les termes "des gens qui se disent malades", ce que j'ai pris quant à moi, peut-être à tort, comme un préjugé favorable au départ; quand quelqu'un est malade, il est malade ou il ne l'est pas, mais quand on utilise dans le language l'expression "les gens qui se disent malades", c'est qu'on présume à l'avance, avant de l'avoir examiné, qu'il peut l'être effectivement.

Ce que je me demandais c'est, vous, comme médecin, est-ce que vous vous sentiez parfois pris entre l'obligation professionnelle de porter un diagnostic et l'obligation administrative d'avoir quand même des clients qui entrent à tous les jours?

M. Pigeon: Je vous dirais que depuis...

M. Bisaillon: Ou est-ce M. Fauteux qui avait cette préoccupation?

M. Pigeon: Possiblement l'avait-il, mais ce que je peux vous dire c'est qu'à cause du premier commentaire que j'ai fait sur ce qu'on a voulu mentionner dans notre mémoire, étant donné l'évolution très rapide qu'on a connue dans le do- maine de la santé et de la sécurité au travail — évolution, comme je le disais, qui vraiment s'est accélérée vis-à-vis de la demande qu'on a faite chez nous — cela nous a vraiment permis de garder une certaine largeur. Donc, on pourra toujours nous reprocher le fait qu'on n'a pas comblé les lacunes, qu'on n'a pas réglé les problèmes où on en a constatés et où les gens n'ont pas été de l'avant, mais contrairement à certains de mes confrères qui se sont trouvés dans des conflits d'intérêts du fait que leur seul employeur, leur seul milieu de travail était un employeur; nous on avait quand même les mains beaucoup plus libres.

M. Bisaillon: Plus de possibilités?

M. Pigeon: Oui. Ce qui veut dire qu'un dossier où, en tant que médecin, j'avais nettement la perception qu'on ne voulait pas nous faire jouer un rôle de médecin, mais un rôle de policier, pouvait être un dossier qui pourrait être identifié dès le départ.

Le Président (M. Dussault): Vous avez pris sept minutes, M. le député de Sainte-Marie!

M. Bisaillon: Je vous remercie de votre générosité, M. le Président, c'est très généreux pour un parlementaire, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervenant? Alors je remercie, au nom de la commission, la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal pour sa collaboration et sa participation aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant Bell Canada à se présenter devant la commission.

Bell Canada

M. Villeneuve (André): Mon nom est André Villeneuve, je suis vice-président adjoint aux affaires publiques pour Bell Canada et je suis accompagné, à ma gauche, de M. Gilles Mathieu, directeur médical pour le Québec; de M. Yvon Lachance, qui est le directeur de la prévention des accidents pour le Québec et, à ma droite, de M. Jacques Duverger, de notre service du contentieux.

Le Président (M. Dussault): M. Villeneuve, je vous demanderais, s'il vous plaît, puisque de toute évidence vous ne pourrez pas lire votre mémoire en 20 minutes...

M. Villeneuve: J'en ai pour environ sept ou huit minutes.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie et je vous laisse la parole.

M. Villeneuve: Depuis 1920, Bell s'est activement engagée à sauvegarder et à améliorer la santé au travail et à promouvoir la sécurité de ses employés.

Elle est donc pleinement d'accord avec les objectifs visés par le projet de loi, mais son expé-

rience acquise dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail depuis près de 60 ans la laisse perplexe devant certains des moyens suggérés par le projet de loi maintenant à l'étude. Elle croit devoir faire part de son expérience à cette commission et c'est pourquoi elle a choisi de se présenter devant elle.

Le mémoire qui est présentement devant vous contient l'essentiel de nos vues sur le projet de loi. Nous voulons simplement souligner que nous sommes d'accord avec le principe pour qu'un travailleur puisse refuser d'effectuer une tâche qui peut s'avérer dangereuse.

Ce que nous regrettons, c'est que l'on n'ait pas cru bon de prévoir certaines exceptions en ce qui a trait aux entreprises qui oeuvrent dans les services publics. Nous pensons, en effet, qu'il serait socialement irresponsable que par le jeu de la loi les intérêts d'une collectivité, par exemple, dans le cas d'une tempête de verglas ou autrement, qui deviendrait complètement isolée puisse passer nécessairement après ceux d'un individu.

D'autre part, le projet de loi, contrairement à ce que laissait supposer le livre blanc, ne parle pas d'un danger imminent, mais d'un simple danger. Nous comprenons bien sûr que certaines tâches précises ne peuvent révéler les risques qui leur sont inhérents que de manière progressive. Je pense ici au domaine minier, par exemple.

Cependant, il y a d'autres tâches qui peuvent avoir la réputation de comporter ou de ne pas comporter certains risques, suivant les experts qui sont consultés. Que l'on pense, par exemple, aux micro-ondes, aux écrans cathodiques ou à d'autres types de dangers.

Dans une telle hypothèse, Bell Canada souhaite que le législateur prévoie un mécanisme qui pourrait s'inspirer de celui que nous proposons à la page 7 de notre mémoire, mécanisme qui serait destiné à empêcher qu'un travail soit interrompu, lorsque même les plus grands experts ne s'entendent pas entre eux.

Enfin, et pour terminer sur la question du droit de refuser d'effectuer un travail dangereux, nous pensons qu'il serait juste de contrebalancer les inconvénients que peut subir un employeur lorsqu'une tâche n'est pas accomplie, surtout si le fait de refuser d'effectuer cette tâche entraîne le blocage de l'ensemble de la production.

Nous reviendrons un peu plus loin sur la question du programme de prévention. Qu'il nous soit cependant permis de vous signifier notre accord avec ce principe, d'autant plus qu'un programme de prévention qui contient les éléments mentionnés à l'article 48 est déjà en vigueur chez nous et ce, depuis de nombreuses années.

Toutefois, nous pensons que des contraintes inutiles pourraient être évitées si le législateur prévoyait dans la loi que les entreprises qui possèdent déjà un programme de prévention satisfaisant soient exemptées de l'application des articles 47 à 50.

Nous estimons qu'il est fondamental que les employés puissent faire valoir leurs points de vue sur la question de la santé et de la sécurité au travail au sein de l'entreprise et nous sommes d'accord avec le principe des comités paritaires de santé et de sécurité au travail.

Cependant, nous désirons exprimer notre profonde inquiétude sur l'ambiguïté qui nous semble planer autour du mot "établissement". En effet, la loi prévoit que de tels comités seront créés dans chaque établissement de plus de dix travailleurs.

Or, notre lecture de la loi nous amène à penser que l'on pourrait à la rigueur interpréter ce mot comme signifiant chaque lieu physique où une entreprise fait affaires. En ce sens, Bell Canada posséderait donc des centaines d'établissements, selon la définition qu'on pourrait y donner, n'importe où entre 300 et peut-être 2000, au sens de l'article 56 de la loi.

S'il fallait que cette interprétation soit retenue, on pourrait assister à la création au sein d'une entreprise comme la nôtre de centaines de comités paritaires de santé et de sécurité au travail, résultat dont on peut immédiatement voir tous les désavantages. Nous demandons donc instamment que cette ambiguïté soit clairement dissipée afin que le mot "établissement" ait le sens précis d'entreprise.

Nous avons déjà dit que nous étions d'accord avec le concept de comités paritaires. Nous avons déjà des comités représentatifs dont la composition varie, il est vrai, et qui joue un rôle-conseil dans ce domaine. Nous nous opposons cependant à ce que de tels comités aient des pouvoirs décisionnels en matière de santé et de sécurité et nous rejoignons ici ceux qui se sont déjà présentés devant vous en formulant la même demande.

Quant à nous, la santé et la sécurité au travail est clairement un objectif de gestion et il appartient à l'entreprise de prendre les moyens pour atteindre ces objectifs en cette matière, d'autant plus que le projet de loi prévoit qu'elle seule pourrait être tenue responsable des déficiences qui peuvent exister chez elle en cette matière.

Par conséquent, nous nous opposons à ce que le comité paritaire de santé et de sécurité au travail ait des pouvoirs décisionnels en matière de santé et de sécurité, à moins qu'on ne s'entende pour procéder à un partage des responsabilités, y compris en ce qui touche les coûts.

Qu'il me soit maintenant permis de traiter brièvement des services de santé au travail. Comme vous pourrez le constater à la lecture de notre mémoire, nous disposons d'un programme de santé qui est réalisé par un imposant service médical. Les services de santé à Bell Canada la mettent à l'avant-garde de tout ce qui se fait dans le domaine en Amérique du Nord, grâce à un déploiement considérable de ressources financières et humaines.

Nous sommes convaincus que, quels que soient les moyens suggérés, l'État ne pourra jamais y substituer des mécanismes aussi efficaces. Nous avons été étonnés que l'on fasse ainsi abstraction de tout ce qui existe déjà dans certaines entreprises en matière de santé au travail. (16 heures)

C'est pourquoi nous estimons que cette partie de la loi devrait être retravaillée à la lumière des expériences déjà vécues par certaines entreprises

dont nous croyons faire partie afin que le législateur puisse admettre éventuellement dans la loi que ces entreprises puissent continuer à offrir des services de santé au travail tout en permettant, bien sûr, aux entreprises moins bien nanties d'opter pour le réseau public de santé. D'autre part, nous prétendons qu'un programme de santé d'une entreprise doit nécessairement être élaboré par l'employeur puisqu'un tel programme constitue entre autres choses un outil essentiel grâce auquel l'employeur peut remplir son obligation qui est d'organiser sa force ouvrière de manière optimale, compte tenu des aptitudes de chacun. C'est pourquoi nous pensons qu'il serait irréaliste de confier la tâche d'élaborer et d'appliquer un programme de santé spécifique à un établissement, à un tiers qui ne fait pas partie intégrante de l'entreprise d'autant plus que nous doutons fortement que ce tiers puisse être en mesure dans quelque délai que ce soit d'assez bien saisir tous les rouages de l'entreprise pour se faire une idée des besoins de cette dernière en matière de santé au travail.

Pour terminer, nous désirons ici prendre à notre compte les observations déjà faites par d'autres organismes sur la question de la réglementation. Nous nous contenterons de dire que nous nous opposons à toute division du pouvoir législatif en faveur du pouvoir réglementaire.

En conclusion, il apparaît évident que le législateur, désirant établir un programme minimal de santé et de sécurité au travail dans tous les établissements au Québec, impose dans son projet de loi des contraintes qui pénaliseront les entreprises qui avaient déjà manifesté dans ce domaine une attitude responsable de même que leurs employés. Il semble que l'on soit en présence d'un processus de nivellement par la base. Le projet de loi donne aux syndicats des pouvoirs extraordinaires sans qu'il soit nécessairement démontré qu'en résulteront de meilleures conditions de travail pour l'ensemble des travailleurs. Enfin, la loi ne détermine pas toutes les règles du jeu importantes de manière que la réglementation revienne à son rôle véritable qui consiste à préciser les mesures pratiques de mise en opération de principes préalablement énoncés par la loi.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Villeneuve. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais bien sûr remercier la société Bell Canada de son mémoire. Je présume que la société désirerait que son mémoire soit versé intégralement au journal des Débats. Il y aurait consentement de notre côté.

Le Président (M. Dussault): La commission consent; alors, le mémoire sera versé intégralement au journal des Débats. (voir annexe D) M. le ministre.

M. Marois: Cela étant dit, bien sûr, je pense que tous, je pense bien que la plupart des parlementaires l'ont fait, ont pris connaissance atten- tivement de votre mémoire, des chiffres qui sont cités qui, effectivement indiquent qu'il y a eu un effort qu'il importe de noter du côté de la société Bell Canada dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Quand on regarde les moyennes d'accidents, quand on regarde les moyennes de jours perdus également, quand on regarde aussi les sommes qui sont affectées présentement, je pense que cela mérite d'être signalé au passage. Je pense que tous conviendront aussi qu'il y a encore du chemin à faire partout, pas seulement chez Bell Canada, partout. Il y en a qui ont du rattrapage à faire de toute façon encore plus considérable déjà que ce qui a été fait chez vous.

Je me permettrai, d'abord, une remarque peut-être d'ordre plus général sur votre mémoire. Vous semblez soutenir qu'il aurait fallu plutôt intervenir dans le sens d'une évolution, des mentalités, des comportements en y allant notamment par l'établissement de normes minimales.

Vous me permettrez, et si je n'interprète votre mémoire, de signaler que pour l'essentiel on peut dire que c'est précisément l'approche qui est retenue. C'est une des orientations, pas la seule, mais certainement une, dans la mesure où le projet de loi propose un plancher de base minimal, obligatoire qui devra forcément s'appliquer avec un certain gradualisme en déterminant les secteurs prioritaires. Il y a des hypothèses qui ont été soulevées dans le livre blanc et qui seront soumises à la commission lorsqu'elle sera formée puisque les parties, aussi bien patronales que syndicales — vous vous en souviendrez probablement lors du premier sommet de La Malbaie — nous avaient demandé d'être impliquées dans le choix même des priorités, dans l'élaboration même des règlements et c'est pourquoi je comprends mal aujourd'hui, qu'on nous reproche de prévoir un pouvoir réglementaire qui est large, forcément, quoique le pouvoir réglementaire pour une bonne partie ne fait que reprendre des règlements qui existent déjà en vertu d'autres lois qui se trouvent à être intégrées dans cette loi-cadre, les autres règlements étant des règlements nouveaux concernant le fonctionnement des comités et le reste, règlements qui seront élaborés par les parties en présence à l'intérieur même de la commission si on veut respecter, et nous, on était d'accord, l'économie générale de la demande qui nous avait été formulée au sommet de La Malbaie. Bie.

Dans cette perspective, ce que j'évoquais au début, les mécanismes de participation qui sont prévus, la formation, l'information, pour ne mentionner que trois points du projet de loi, devraient normalement être susceptibles d'entraîner des changements d'attitude et de comportement et il semble bien que déjà le simple débat public qu'on a au Québec depuis maintenant un peu plus de deux ans, avant et depuis la parution du livre blanc, avec le projet de loi, comme nous le signalait un groupe qui est venu témoigner juste avant vous, semble indiquer que déjà cela a contribué à un éveil, à une sensibilisation qui peut aussi correspondre tranquillement à des changements de mentalité.

Cela dit, je voudrais, sans reprendre toutes les recommandations — on les regardera attentivement les unes et les autres — m'arrêter très rapidement à quelques-unes et vous formuler un certain nombre de commentaires et de questions auxquelles vous réagirez sûrement. Vous demandez, d'une part, vous nous recommandez d'exclure de l'exercice du droit de refus, les services publics, c'est-à-dire, et je vous cite, c'est à la page 5 de votre mémoire, "les services les plus susceptibles de mettre en péril la santé ou la sécurité publique lorsqu'ils ne sont pas dispensés."

Je pense que vous conviendrez avec nous — et certainement que votre contentieux a regardé cela aussi de son côté — qu'il y a une chose qui s'appelle le droit naturel de refus et que la jurisprudence est formelle là-dessus. Je cite un extrait de jugement qui a été un des jugements de démarrage: Aucune loi au monde — je ferme les guillemets — ne pourra jamais empêcher un homme ou une femme au travail de dire: Cela, non. Mettez imminent, mettez grave, mettez immédiat, qualifiez-le comme vous voudrez, jamais aucune loi au monde avec quelque balise que ce soit ne pourra empêcher l'exercice de ce droit naturel qui est fondamental. Ce que fait une loi, en introduisant la reconnaissance du droit de refus qui est un droit naturel, c'est assurer la protection de ceux et celles qui exercent ce droit naturel. Partant de là, forcément, je pense que tout le monde comprend qu'il y a un certain nombre de balises qu'il faut absolument prévoir.

C'est vrai qu'on prévoyait la notion d'imminence dans le livre blanc. Toutes les consultations qui ont été faites à la suite de la parution du livre blanc — on a reçu plus d'une cinquantaine de mémoires, on a visité plus d'une soixantaine d'entreprises au Québec et le reste — l'examen à nouveau de la jurisprudence, l'état des conventions collectives nous a amenés à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de qualifier le danger, mais qu'il fallait plutôt baliser les cas où, à cause d'un certain nombre de facteurs inhérents à des fonctions comme telles, là, le droit de refus doit être balisé dans son exercice. Donc, il ne s'agit pas de bloquer l'exercice d'un droit naturel.

Par ailleurs, je suis prêt à regarder, parce qu'on a reçu beaucoup de commentaires sur l'expression "normalement et habituellement inhérents", les uns craignant que cela limite de façon considérable la portée de l'exercice du droit, les autres craignant que cela ne l'élargisse de façon considérable — chacun fait sa lecture de la loi — je suis prêt à regarder à nouveau de très près cette partie du texte pour voir si, comme l'a fait l'Ontario dans un des paragraphes concernant l'exercice du droit de refus, il n'y a pas des circonstances — je dis bien des circonstances — dans l'exercice de certaines fonctions, donc, sans exclure certaines fonctions, mais des circonstances dans l'exercice de certaines fonctions qui sont telles que, si l'exercice du droit de refus était réalisé, cela pourrait mettre en péril la vie d'autres travailleurs ou la vie du public. C'est peut-être une hypothèse. Je ne prends pas de décision définitive ou finale là-dessus.

Je suis prêt à regarder cela, mais je ne crois pas qu'on va y arriver en excluant, par exemple, des services comme les services publics, ou qu'on va y arriver par une qualification du danger, par une notion de gravité immédiate, inhabituelle, imminente; on peut essayer toutes les formules possibles et imaginables et même toutes les combinaisons. La jurisprudence est formelle là-de-sus.

Il y a votre recommandation 3. Probablement que vous avez raison quand on dit que l'inspecteur doit rendre une décision et qu'on utilise l'expression "immédiatement"; c'est peut-être un peu fort. On a beau dire: Trop fort ne casse pas; peut-être que là trop fort casse. Immédiatement, c'est immédiatement. Il y a peut-être lieu de regarder sérieusement cette expression.

Il y a votre recommandation 6. J'avoue, j'aimerais bien vous entendre, que j'ai beaucoup de difficultés à vous suivre sur ce terrain où, à toutes fins utiles, vous proposez qu'on prenne les procédures requises pour recouvrer les montants qui seraient versés à une travailleuse enceinte pour qui, pour toutes sortes de raisons, on découvrirait en cours de route que, non médicalement, ce n'était pas si dangereux que cela pour elle ou pour l'enfant à naître. Ce n'était pas possible de l'affecter à une autre tâche sans perte de droits acquis. Elle a été retirée de façon préventive. Vous proposez que, dans ce cas, on recouvre le montant qui lui a été versé, si je comprends bien ce que vous recommandez. Ce n'est pas exactement cela?

M. Villeneuve: C'est qu'éventuellement quelqu'un peut demander un retrait préventif disant: Je pense que je suis enceinte et qu'éventuellement, deux mois après, elle n'est pas enceinte et qu'à ce moment elle a déjà retiré des droits depuis le départ.

M. Marois: Oui, d'accord. Alors là, mon commentaire va être plus précis, plus net et plus clair. Là je disais, j'ai de la difficulté à vous suivre. Là, je ne vous suis plus du tout parce que ce n'est pas cela que le texte de loi dit. Le texte de loi dit: Sur certificat médical attestant que les conditions de travail sont telles dans le cas d'une femme enceinte que cela peut mettre sa vie, sa santé, sa sécurité ou celle de l'enfant à naître en état de danger. Donc, ce n'est pas la femme qui va s'improviser toute seule et enclencher le retrait préventif toute seule. Il y a un certificat médical qui vient de son médecin traitant. On verra si c'est le gynécologue. Les gens sont venus dire ici des choses à faire dresser les cheveux sur la tête, en particulier, des médecins disant que le gynécologue se sentait plus ou moins compétent, qualifié pour évaluer les conditions de travail, et des médecins prétendument spécialisés dans le domaine de la médecine du travail nous disant: Nous, on n'est pas des gynécologues. Il va falloir trouver la formule de conjugaison des deux. Ce n'est pas comme vous venez de

l'évoquer, pas du tout, la femme elle-même qui d'un coup enclenche le mécanisme. C'est une femme qui est enceinte et son médecin lui dit: Moi, je te dis que...

Dans le but de prévenir les coups, là si c'est cela, c'est encore plus clair, et ma réponse est plus précise encore.

Vous avez raison quand vous interprétez le texte, la définition de l'établissement. Ce qu'on vise c'est bien l'établissement. C'est bel et bien cela, l'établissement. Il ne faut pas "contusionner" l'établissement et l'entreprise. On peut avoir une entreprise de grande taille, par exemple, Bell Canada qui a plusieurs établissements. Concevoir la mise en place d'un comité paritaire uniquement au niveau de l'entreprise alors qu'il y a des décisions à prendre sur des choses qui se passent en bas. là où vivent les femmes au travail, cela n'exclut pas la possibilité d'une entente entre les parties, qu'il y a un comité de chapeautage, de concertation entre les parties. Il n'y a rien qui est exclu dans ce sens par la loi. Vous avez raison, vous interprétez très bien la loi. Cela vise l'établissement au sens strict de ce que ce mot veut dire.

J'ai lu votre recommandation no 8. Je suis prêt à examiner de plus près les mécanismes qui sont prévus analogiquement pour la composition du comité dans le cas des comités de francisation de la Charte de la langue française. Je suis prêt à regarder cela.

J'ai déjà eu l'occasion, je ne reviendrai pas là-dessus, vous nous demandez d'abolir le représentant à la prévention. J'ai déjà eu largement l'occasion de commenter cette demande qui nous a été faite par d'autres groupes patronaux. J'avoue en toute honnêteté, bien franchement, que je ne trouve pas à nouveau dans votre mémoire, comme je ne l'ai pas trouvé dans les mémoires qui ont précédé, dans les commentaires, ou les arguments qui ont été utilisés devant nous pour convaincre qu'il fallait abolir ces représentants. (16 h 15)

Je ne trouve pas dans votre mémoire d'argument qui me convainque. Je suis très ouvert, je suis prêt à vous écouter, si vous avez des arguments additionnels. Je ne vois pas pourquoi on ne reconnaîtrait pas aux hommes et aux femmes qui sont au travail un minimum de permanence libérée pour procéder à des inspections, pour procéder à de l'information dans les milieux de travail, alors que l'entreprise a ça, elle. Vous l'avez dans l'entreprise.

Pourquoi, si on veut établir un minimum d'équilibre et une véritable participation de ceux qui sont quand même les premiers concernés — après tout ce sont les hommes et les femmes au travail, c'est de ça dont on parle — je ne vois pas pourquoi on ne leur reconnaîtrait pas ça. Bell Canada ne fait pas des affaires qu'au Québec, que je sache. Vous fonctionnez en Ontario, vous connaissez la loi ontarienne: elle reconnaît les représentants des travailleurs. Vous connaissez la loi de la Saskatchewan, vous connaissez les lois des autres provinces. Pourquoi, dans le cas du Québec, il faudrait qu'on s'en aille à rabais?

Pourquoi on ne reconnaîtrait pas au Québec ce qui est reconnu ailleurs? Est-ce que ça vous a causé des difficultés de fonctionnement particulières en Ontario ou est-ce que vous pensez que dans le cas du Québec la situation est à ce point différente que... Vous devez avoir des raisons que j'aimerais bien entendre.

L'Institut canadien du textile est venu témoigner devant nous et je lui ai posé exactement la même question. Il avait exactement la même recommandation et ses représentants sont venus nous dire qu'ils vivaient avec ça en Ontario et qu'il n'y avait pas de drame à leur connaissance. Pourquoi appréhender? Honnêtement, je suis très ouvert, je suis prêt à écouter une argumentation et je vous dirai très franchement une chose: Plus j'écoute l'argumentation là-dessus, plus je suis porté à aller plus loin en ce qui concerne les représentants à la prévention que le présent projet de loi no 17. Pour être très franc, ça me confirme dans mon opinion.

Une dernière chose, j'aimerais vous entendre là-dessus aussi. Je termine là-dessus, M. le Président, je ne veux pas abuser du temps. C'est votre recommandation 19. Vous nous demandez que l'article 201 du projet de loi soit supprimé. L'article 201, c'est cet article qui prévoit que, dans des poursuites, la preuve qu'une infraction a été commise par un agent, un mandataire ou un travailleur à l'emploi d'un employeur suffit à établir qu'elle a été commise par cet employeur, à moins qu'il n'établisse que l'infraction a été commise à son insu, sans son consentement et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission.

Votre position m'étonne et je vais vous dire pourquoi, parce que c'est la reproduction textuelle et intégrale de l'actuel article 36 de la Loi des établissements industriels et commerciaux qui, comme vous le savez, existe depuis bon nombre d'années au Québec.

De plus, je me permets — et je suis certain que les gens de votre contentieux ont regardé ça aussi — de vous dire que sur le plan du droit civil il y a les articles 1053 et 1054 qui créent une présomption de responsabilité d'un employeur pour les actes commis par les employés analogiquement comme il y a une présomption de responsabilité du père dans le cas des actes commis par son enfant mineur. Cela existe et ce n'est que la reproduction textuelle de l'article 38? Est-ce que l'article 38 de la Loi des établissements industriels et commerciaux vous a causé des problèmes particuliers depuis que cet article existe, depuis plusieurs années? Si oui, j'aimerais connaître les faits et l'argumentation sur laquelle, concrètement, à partir du vécu depuis plusieurs années, vous fondez cette recommandation.

Voilà, M. le Président, les quelques premières remarques et commentaires que j'avais à formuler.

Le Président (M. Dussault): M. Villeneuve.

M. Villeneuve: M. le Président, pour y aller rapidement et prendre certains points — je suis

sûr que M. le ministre pourra revenir s'il y a certains éléments qui ne semblent pas tellement clairs... Sur le premier point que M. le ministre soulève, qui est celui de notre suggestion d'établir des normes minimales et de prévoir une certaine évolution, nous ne prévoyons pas d'évolution dans le sens de dire qu'il faudrait qu'il y ait une absence de loi. On se dit qu'au départ, dans un premier temps, ce serait peut-être bon d'établir des normes au-delà desquelles on croit déjà se situer, nous, et faire en sorte qu'il se fasse un rattrapage chez ceux qui ne font pas leur job; c'est aussi simple que ça. Au lieu de donner des normes minimales en disant: C'est ce à quoi la loi vous oblige, avec un pouvoir de sanction, sans nécessairement dire: C'est ce mécanisme, c'est cette camisole qui doit faire à tout le monde. Nous, on dit: Plutôt que d'imposer des mécanismes, imposer des normes minimales et de cette façon, il va y avoir une évolution.

M. Marois: C'est sûr que c'est l'économie générale du projet de loi et des règlements. Ce qui se fait en plus, d'ailleurs les articles 3, 7 et 280 sont formels là-dessus, ce qu'il y a d'acquis en plus, ce qui se fait en mieux, par-dessus le plancher de base, tant mieux! Il est hors de question, dans notre esprit d'essayer de niveler à rabais ce qui se fait déjà de façon intéressante. Au contraire, exactement dans le sens de ce que vous venez de dire, il faudra faire en sorte que ceux qui ne font pas leur job, qu'ils la fassent. Là, il faut établir une base minimale, à partir de laquelle, sur laquelle il est possible de construire, et ceux qui ont de l'acquis, en plus, tant mieux!

M. Villeneuve: Je souligne là-dessus, M. le Président, que quant à nous, notre perception est un peu différente, et je comprends que les intentions sont au même point; c'est pour cela que, je pense, on souscrit au niveau des objectifs. Mais, pour nous, l'établissement d'une camisole semblable ou d'un moule semblable n'est pas nécessairement la même chose que l'établissement de normes qui soient semblables. C'est que les mécanismes qui sont proposés par la loi, ce ne sont pas des normes, ce sont des mécanismes. Et vous dites: "Si vous faites quelque chose en plus, vous pouvez le faire." Alors là-dessus, notre perception est nettement différente de celle de M. le ministre.

En ce qui a trait à la travailleuse ou au droit de refus dans le cas des services publics, notre problème est un problème bien concret. C'est, en fait, le problème du refus collectif: que s'il y a du verglas et qu'éventuellement on craint, à cause de la route, qu'un travailleur puisse refuser non seulement si sa vie est en danger, mais qu'il puisse y avoir un refus collectif. Et là-dessus, on est craintif un peu qu'on puisse s'en servir comme argumentation dans des cas où la vie est en danger. Si la vie est en danger, s'il n'y a pas une tierce partie, que ce soit un inspecteur ou autre, qui puisse forcer, on croit qu'à ce moment-là il y a des impératifs plus grands au niveau des collectivités qui peuvent être en cause. C'est simplement cela qu'on veut souligner.

M. Marois: D'accord. D'ailleurs, comme je l'évoquais, il y a un paragraphe, dans la loi ontarienne, qui prévoit ces cas-là, dans les cas où cela pourrait mettre en danger la vie d'autres travailleurs ou la vie du public.

M. Villeneuve: Dans le cas de la travailleuse enceinte, il y avait deux points qu'on voulait faire valoir, si je comprends votre point de vue. Le premier point, c'est que si la personne peut aller voir son médecin en disant: "Je fais tel type de tâche et je suis enceinte" et éventuellement que sa déclaration s'avère fausse, le certificat médical peut être, par rapport à la tâche, au niveau de la médecine occupationnelle. Dans un autre cas, c'est qu'il peut y avoir, comme dans n'importe quel cas, le cas d'un paiement par erreur, et, à ce moment-là, la présomption de dette existe toujours lorsqu'il y a un paiement par erreur. Tout ce qu'on voulait, c'est d'avoir une prévention, quelque part, qui permette de récupérer des sommes qui, normalement, n'auraient pas dû être versées. C'est simplement cela, ce n'était pas dans le sens de dire qu'une femme était enceinte et ne le devenait plus au bout d'un certain temps. C'est dans le sens d'éviter éventuellement ce type de situation.

En ce qui a trait aux établissements — et cela, je pense que c'est une norme, même dans votre définition des établissements de dix travailleurs ou plus, je pense — il reste qu'à ce moment-là, les coûts que nous estimions, au niveau du service, vont être encore plus faramineux et ajoutent peut-être du poids au niveau de l'efficacité du modèle en place, compte tenu du fait qu'une compagnie, comme par exemple de l'envergure de Bell Canada, compte tenu des établissements dans chaque patelin, au Québec, assez systématiquement, au sens que vous accordez au mot "établissements".

En ce qui a trait à l'Ontario, est-ce qu'on a eu des problèmes en Ontario parce qu'on parle du représentant à la prévention? Avec votre permission, je ne soulèverai pas, ici, des questions d'ordre juridictionnel. C'est que, au niveau de la loi de l'Ontario, nous n'avons pas de représentant à la prévention dans la description ou la définition qui est donnée par la loi ontarienne.

M. Marois: Dans la dernière version qui a été adoptée et qui vient d'entrer en vigueur, oui.

M. Villeneuve: Oui, mais nous, nous n'avons pas...

M. Marois: Mais, si vous faites affaires en Ontario, j'espère... Je reconnais dans la salle le responsable, M. Robert Sass qui est ici parmi nous, que je viens de voir arriver, le responsable de l'administration de la loi, en Saskatchewan. J'espère qu'il n'y a personne qui est responsable de la loi ontarienne, ici.

M. Villeneuve: Mais ce que je veux dire, c'est que je ne voudrais pas aborder à ce niveau-ci la question: est-ce qu'on est soumis ou est-ce qu'on n'est pas soumis à la loi? Je pense que ce n'est pas le point de vue, on veut le faire comme tout bon

citoyen et donner un point de vue. Notre point de vue là-dessus, c'est que le représentant à la prévention, tel que décrit dans le projet de loi, quant à nous, ne devrait pas exister, tel quel, parce qu'on y voit simplement une réaffirmation d'incorporation de la santé et de la sécurité dans le domaine des relations de travail qui, en vertu même du Code du travail, sont essentiellement conflictuelles. Nous croyons, quant à nous, que sécurité et santé ne sont pas des choses qu'on négocie, au départ. Ce sont des choses vers lesquelles, on tend de part et d'autre. Et on ne négocie pas des phénomènes de santé et de sécurité au même titre qu'on va négocier, par exemple, un salaire ou autre chose. La santé et la sécurité, c'est une obligation pour tout le monde et nous ne voudrions pas que cela entre dans le jeu normal des relations de travail qui sont essentiellement conflictuelles, de par la définition même du Code du travail.

M. Marois: Mais je ne vois pas en quoi le fait qu'il y ait un représentant à la prévention, en partant, indépendamment d'une discussion, à savoir si cela entre ou pas dans le jeu normal des relations de travail, je ne vois pas en quoi le fait d'introduire un représentant à la prévention, automatiquement fait verser cela dans le domaine des relations de travail.

M. Villeneuve: Le mode de désignation du représentant à la prévention, M. le Président, de même que l'appartenance effective du représentant à la prévention risquent de le faire basculer très vite dans le champ des relations de travail.

M. Marois: Mais comment vont-ils pouvoir avoir un peu de temps de libération et d'une permanence à eux pour leur permettre d'examiner des situations, de procéder à l'inspection des lieux de travail, d'accompagner les inspecteurs? Pourquoi est-ce que ce serait uniquement l'employeur qui accompagnerait l'inspecteur quand il se présente sur les lieux de travail? Il faut que quelqu'un soit un peu libéré pour être capable de le faire, si l'inspecteur est appelé à se présenter sur les lieux. Pourquoi les travailleurs n'auraient-ils pas un représentant? En quoi ce que je viens de décrire là, notamment, fait basculer tout cela dans le domaine automatique des relations de travail?

M. Villeneuve: Parce que cela entre essentiellement... Ils sont nommés par le syndicat...

M. Marois: Pourquoi pas?

M. Villeneuve: Ils ont leur appartenance au niveau du syndicat. À ce moment, on peut prévoir dans n'importe quelle forme de convention collective des libérations pour un temps ou pour un autre, à l'occasion de n'importe quelle forme de grief. Cela existe déjà. Ce qu'on veut dire, c'est qu'on recrée une structure avec des gens que l'employeur va payer, en passant, mais sans avoir aucun contrôle, parce que la désignation va être faite par le syndicat pour assumer des tâches qui vont être essentiellement syndicales. C'est le commentaire là-dessus.

À l'article 19, je demanderais à Jacques Duverger de faire le point sur l'article 201 du projet de loi.

M. Duverger (Jacques): M. le Président, j'ai évidemment pris connaissance des articles 36 et 38 de la Loi sur les établissements industriels et commerciaux. Personnellement, j'y vois une différence. Les articles 36 et 38 parlent d'une infraction à la présente loi — on parle de la Loi des établissements industriels et commerciaux — dont le patron se trouve légalement responsable. C'est une chose.

L'article 201 ne fait pas de pareilles nuances. Il ne parle pas des infractions dont le patron ou l'employeur peut être responsable. Il parle de toute infraction. Alors, le point que je voulais faire sur cette question précise, c'était tout simplement le suivant — c'est le sens de notre recommandation — c'est que cet article 201 vu qu'il ne contient pas la même restriction que l'on peut retrouver aux articles 36 et 38, l'article 201 pourrait être interprété comme permettant à un tribunal de condamner un employeur. Ici, on parle de droit pénal, on ne parle pas de droit civil. J'y reviendrai tantôt à propos de votre allusion aux articles 1053 et 1054. Ici, on parle de droit pénal et je dis qu'un tribunal pourrait, à ce moment, condamner à l'amende, par exemple, un employeur pour une infraction dont la responsabilité ultime, finalement, pour l'éviter, repose entre les mains du seul travailleur.

Par exemple, il y a certaines obligations qui sont imposées au travailleur et comme le dit l'article 197: "Quiconque contrevient aux dispositions de la présente loi ou des règlements, etc. commet une infraction, etc."

Par exemple, on a dans les obligations que le travailleur doit prendre connaissance et prendre des moyens de prévention qui lui sont applicables et doit prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité et son intégrité physique, doit veiller à ne pas mettre en danger la sécurité, la santé ou l'intégrité physique des autres personnes, doit se soumettre aux examens de santé exigés pour l'application de la présente loi et des règlements, participer à l'identification et à l'élimination des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles, etc.

Théoriquement, si on pouvait mettre en preuve qu'un travailleur n'a pas satisfait à une de ces obligations, théoriquement, je dis bien, en vertu de l'article 197, il pourrait être reconnu coupable d'une infraction et par le jeu de l'article 201, l'employeur pourrait, à ce moment, être tenu de répondre à cette infraction sur laquelle, finalement, il n'y a aucun moyen de contrôle. (16 h 30)

En d'autres termes, la position de la compagnie — évidemment, mes commentaires débordent le cadre juridique — est essentiellement la suivante: elle est prête à accepter les règles du jeu et à accepter d'être condamnée pour une infraction à des obligations qui lui incombent

parce qu'à ce moment-là si elle n'a pas pris les moyens nécessaires pour satisfaire à cette obligation, qu'elle paie pour les pots cassés, d'accord, mais lorsqu'elle n'est pas en mesure de prendre les moyens pour éviter qu'une infraction soit commise à la loi, quand il s'agit, par exemple, d'une obligation qui est imposée à un employé, à ce moment-là, je trouve pour le moins extraordinaire que l'employeur puisse être appelé de toute manière à payer pour cette infraction. C'est tout simplement le sens et, finalement, c'est une question d'interprétation de l'article 201. Il est bien sûr que si on parlait plus précisément ou on allait dans le sens de l'article 36 ou de l'article 38, ce serait déjà plus précis. On collerait déjà plus à la réalité peut-être acceptable, mais je pense que l'article 201 ne signifie pas la même chose que les articles 36 et 38.

En ce qui concerne votre allusion — et j'y toucherai tout à l'heure — aux articles 1053 et 1054, bien sûr, on parle d'une délégation de responsabilité ou d'une possibilité de condamnation de l'employeur pour les dommages causés par son employé. C'est d'accord, mais il reste qu'on est dans le domaine civil. Ce n'est quand même pas du droit pénal. Vous savez comme moi que la délégation de responsabilité en droit pénal reste quand même pas mal exceptionnelle. C'est tout simplement ce que je voulais faire ressortir.

M. Marois: Mais vous convenez avec moi que c'est un principe qui est déjà retenu dans l'économie générale de notre droit. Vous avez raison de dire qu'en droit civil cela mène à des dommages sur le plan civil. Dans le cas de la Loi des établissements industriels et commerciaux, là, on est en droit pénal, par exemple. Si je comprends ce que vous venez de dire, la partie qui vous agace particulièrement, surtout quand vous établissez un lien notamment avec l'article 97, c'est au fond à la troisième ligne, l'expression "ou un travailleur à l'emploi".

M. Duverger: Je m'excuse. Vous parlez de l'article 197? Ah! non, de 201. Oui, oui. C'est cela.

Le Président (M. Dussault): Terminé? Alors, M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, comme je n'ai pas abusé de mon droit de parole, je dois avoir plusieurs heures à ma disposition, j'imagine. À l'instar du ministre qui m'a précédé, je pense que mon collègue, qui a dû s'absenter quelques minutes pour répondre à certaines autres obligations, voudrait également féliciter la compagnie de l'effort qu'elle a manifesté depuis plusieurs années quant à la santé et à la sécurité de ses travailleurs. Je pense que l'Opposition officielle constate elle-même qu'il est possible que la loi que voudrait la plus parfaite possible le ministre d'État au Développement social amène certaines contraintes et le seul souhait que nous pouvons apporter devant les résultats que vous avez obtenus, c'est que les conditions minimales qui seront apportées ne diminuent pas la protection que vous avez accordée à vos employés.

Pour me limiter simplement à quelques aspects que vous avez traités, je voudrais revenir d'abord sur le droit de refus dont vous parlez dans certaines circonstances où vos travailleurs doivent travailler dans des conditions difficiles. Vous avez mentionné la période du verglas, qui d'ailleurs est bien connue dans le pays que je représente, pays montagneux, où vos employés doivent sur des routes glissantes et dans des conditions difficiles travailler pour remettre les services en place. Le ministre a fait mention qu'il regarderait attentivement la loi de l'Ontario et certains articles où on ne pourrait pas se servir du refus collectif dans certaines circonstances. Je voudrais rappeler à l'attention du ministre qu'auparavant, durant les nombreuses séances de cette commission...

On a déjà mentionné le phénomène des pompiers et des policiers qui doivent travailler dans des circonstances qui sont assez dangereuses. Il y en a une autre qu'on pourrait mentionner également où il faudra que le ministre fasse bien attention à son droit de refus. C'est un domaine dans lequel j'ai oeuvré assez longtemps, soit l'entretien des routes en période hivernale. Quand il y a une tempête extraordinaire ici même dans la région de Charny sur la Transcanadienne, les fonctionnaires attachés à un service de la fonction publique pourraient forcément refuser d'entretenir la route parce qu'il est assez pénible de conduire quand la visibilité est complètement nulle, mais on constate que le refus d'une personne d'entretenir un circuit dans de telles tempêtes met en danger parfois des centaines et des centaines de personnes qui, elles-mêmes, sont déjà sur un tel réseau routier.

Je pense que le gouvernement devra trouver, dans la préparation de son texte de loi et dans ses règlements, les termes qui seront nécessaires pour permettre que dans certaines circonstances, même s'il y a des dangers inhérents à une fonction, la santé peut être en danger dans une plus grande collectivité... Il faudra que le ministre regarde dans plusieurs domaines; on en a mentionné trois ou quatre.

Vous avez également traité de la définition du mot établissement versus entreprise. Le ministre nous a donné une réponse assez catégorique en disant que quant à lui le mot établissement resterait tel qu'il est et, quel que soit le nombre de succursales ou de patelins où vous avez des unités d'au delà de dix personnes, ce serait un comité de santé qui devrait être établi dans chacun de ces établissements.

Je voudrais laisser pour un moment une entreprise aussi importante que celle de Bell Canada où il y a 23 000 employés. Si le ministre reste aussi intransigeant dans sa définition d'établissement... Je regarde un exemple de chez nous qui s'appelle "La poulette grise" qui emploie 300 ou 400 personnes et qui, par contre, fait de l'élevage et d'autres tâches. Elle a des employés qui sont disséminés dix, quinze milles à la ronde et qui sont par groupe de dix ou quinze. Au moment où

vous définissez le mot établissement comme celui qui doit permettre d'avoir un comité de santé, cela devient assez compliqué et assez onéreux pour une entreprise d'une taille plus réduite que celle dont on parle aujourd'hui. S'il faut qu'un comité de santé soit établi à chacun de ces sous-postes et qu'il n'y ait pas seulement un chapeautage dans une entreprise semblable, j'ai l'impression que les coûts vont devenir extrêmement pénibles et la santé et la sécurité des travailleurs ne seront pas davantage sauvegardées.

M. Marois: Je m'excuse d'interrompre, M. le Président. Si le député me le permet. Je n'ai surtout pas voulu, pas laisser entendre que j'étais intransigeant sur le problème qui est posé. Je suis prêt à l'examiner au mérite, à la lumière des témoignages qui ont été rendus. Ce que j'ai simplement voulu indiquer, c'est que la société qui est devant nous présentement a parfaitement raison d'interpréter dans le sens qu'elle le fait le projet, tel qu'il est libellé présentement. Dans ce sens-là, vous avez raison, établissement vise bien ce que vous avez dit dans l'état actuel du projet. Je suis prêt par ailleurs à regarder et à examiner attentivement les recommandations qui nous sont soumises à ce sujet. Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Mailloux: M. le Président, avant de terminer et de dire aux représentants de Bell Canada que l'Opposition officielle avait étudié le mémoire et l'étudiera davantage avant la présentation du projet de loi en Chambre, je voudrais revenir sur un dernier point sur lequel, dans le dialogue que vous avez eu entre vous deux, on n'a pas tellement insisté mais qui est quand même d'une extrême importance. À la page 19 de votre mémoire sur les pouvoirs de réglementation, vous mentionnez les craintes, les inquiétudes que vous avez alors qu'on va laisser entre les mains d'un organisme des pouvoirs de réglementation considérables. Depuis les quelques dernières semaines, M. le Président, c'est la troisième commission parlementaire à laquelle je participe et, chaque fois, on a constaté que, venant de ce gouvernement, on est en train d'enlever à tous les élus du peuple à l'Assemblée nationale presque l'ensemble de leurs pouvoirs et dans une des commissions — je pense que c'est celle qui a étudié le fonctionnement de la Commission des transports — on a dit que même par pouvoirs de réglementation, on pourrait modifier presque 75% des articles de la loi. Ce que nous avons constaté a été jusque là. Autant j'ai été près de la sécurité routière, que le ministre actuel est près de la sécurité des travailleurs — j'en conviens — si le ministre veut, entre l'entreprise et entre les syndicats, une loi dont il a fait — excusez l'expression — son bébé, une loi extrêmement importante, s'il veut que les différents intervenants et l'Opposition officielle cherchent à bonifier un tel projet de loi pour qu'il puisse fonctionner valablement ensuite, je pense que pour une fois il devrait donner l'exemple à tous ses collègues et avant que le projet de loi n'arrive en deuxième lecture ou au moment où il va arriver en deuxième lecture.

L'ensemble de la réglementation proposée, elle devrait être soumise à ce même moment à l'Assemblée nationale. Je pense que tout le monde est conscient évidemment de l'effort que le gouvernement et que l'ensemble de la société veut pour l'ensemble de ses travailleurs. Ce n'est pas en se cachant, évidemment, de ce qui pourra arriver par la suite après l'adoption d'un projet de loi, de la réglementation qui suivra... je pense que c'est à ce moment que le ministre devrait faire école et donner l'exemple à chacun en déposant les projets de réglementation pour que chacun puisse voir exactement où l'on va et de quelle façon cela pourra fonctionner.

M. le Président, c'étaient les quelques commentaires que je voulais apporter, mais, quant au pouvoir de réglementation réellement abusif que se donne le gouvernement actuellement qui n'est pas sous le contrôle de l'Assemblée nationale, j'ai l'impression que depuis trois ou quatre projets qui sont soumis aux commissions parlementaires, il y a là un abus de la part du lieutenant-gouverneur. À une commission on a même vu que ce n'est pas le lieutenant-gouverneur en conseil qui pourra modifier des règlements, mais simplement sur avis dans la Gazette officielle où 30 jours après un règlement pourra être modifié sans être présenté devant le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est aller très loin dans le pouvoir de réglementation que de le laisser entre les mains de personnes où l'Assemblée nationale ne peut se prononcer.

M. Marois: M. le Président, si on me permettait un très bref commentaire dans la foulée des remarques du député de Charlevoix, le député se souviendra sans doute, je n'ai pas à donner exemple ou pas exemple, je vais essayer de faire du mieux que je pense que cela doit être fait, que, lorsqu'on a examiné le projet de loi qui était la première étape d'un revenu minimum garanti au Québec, le supplément au revenu du travail, il y avait une réglementation simple, modeste, quand même limitée, accrochée à cette loi et qui était une réglementation qu'avait à mettre de l'avant en vertu de la loi le gouvernement lui-même. À ce moment, je l'avais déposée, je ne me souviens pas, il me semble que c'est en deuxième lecture, je donne cela sous réserve, à l'Assemblée nationale pour que les parlementaires l'aient et qu'au moment de l'examen article par article on puisse l'avoir en main et regarder comment les choses allaient se passer.

Cependant, le problème qui se pose ici est différent sur deux plans. D'une part, bon nombre des éléments du pouvoir de réglementation ne sont que la reprise et l'intégration dans la loi-cadre de pouvoirs de réglementation qui existent déjà. Ils ne sont que retraduits de diverses lois, les fameuses sept lois, les 20 règlements qui existent éparpillés dans toutes les directions. On n'a fait que reprendre l'intégration de ces lois et des pouvoirs réglementaires et on a déposé entre les mains des divers partis de l'Opposition l'ensemble

des textes, des règlements de ces lois qui seraient des règlements reconduits, qui resteront en vigueur, d'ailleurs — le projet de loi le dit dans les mesures transitoires — jusqu'à ce qu'éventuellement, le cas échéant, ils soient ajustés ou modifiés. Cela couvre déjà une bonne partie du pouvoir réglementaire.

Quant au reste, il y a deux possibilités: ou alors l'approche traditionnelle, et je suis prêt à regarder cette affaire et on va la regarder. En ce qui concerne donc des nouveaux règlements d'une autre partie des pouvoirs réglementaires de 185, ou alors c'est l'approche traditionnelle, c'est-à-dire qu'essentiellement c'est le gouvernement qui fait les règlements, ou alors c'est l'approche qui nous avait été suggérée par les agents socio-économiques à l'occasion du sommet de La Malbaie. Ils demandaient d'être impliqués au niveau même de l'élaboration et de la mise en marche, de l'établissement des règlements, des normes et le reste. C'est pour cela que le projet de loi prévoit que cela vient de la commission où seront représentés les représentants des travailleurs, les représentants du monde des employeurs ou de la partie patronale. Si on retient cette approche, tout ce que je pourrais faire, si cela pouvait être prêt à temps, ce serait de déposer des hypothèses sous réserve de ce que les parties patronales et syndicales siégeant à la commission décideront de soumettre au gouvernement comme projet de règlement. Donc, c'est un peu le problème auquel on a à faire face présentement, mais, cela dit, je suis prêt quand même à regarder l'ensemble du problème.

M. Mailloux: M. le Président, une dernière observation — merci de la réponse du ministre — la dernière observation que je voulais faire est la suivante: C'est qu'avant que la loi ne soit apportée en Chambre, il demeure quand même que c'est une loi générale qui va traiter sur le même pied l'ensemble des intervenants, que je sache, si j'ai bien compris. (16 h 45)

On peut quand même avouer qu'entre les différentes entreprises, ce ne sont pas les mêmes dangers, d'aucune façon, auxquels sont soumis les travailleurs. On a vu certaines entreprises minières où l'on sait qu'il y a eu des problèmes, qu'on fasse référence aux mines d'amiante et autres. Mais la loi va quand même être générale, que ce soit pour la petite entreprise, pour la très grosse entreprise, pour l'entreprise dangereuse qui s'occupe d'explosifs dans la mine, sous terre, ou le commerce de détail qui emploie quinze personnes, les écoles. Je pense que c'est pour cela qu'à travers un dédale d'entreprises aussi diverses où les risques sont tellement différents les uns des autres, on aura peut-être l'exemple de Bell Canada qui a assuré la sécurité et la santé de ses employés et une autre entreprise de même taille contre laquelle on pourrait avoir des blâmes sévères et apporter certains articles pour certaines catégories d'entreprises sur lesquelles il y a absolument obligation de la part du législateur à être beaucoup plus sévère.

J'espère que le législateur permettra à des compagnies qui ont donné un peu l'exemple, au moins, de ne pas revenir à des conditions minimales. La diversité des entreprises et l'ensemble de celles qui devront s'y soumettre..., c'est pour cela que je faisais appel au ministre de faire connaître au moins son schéma de projet de règlement, même s'il n'est pas final. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Merci. Il n'y a pas d'autre intervenant, alors je remercie les représentants de Bell Canada pour leur collaboration et leur participation aux travaux de cette commission. Je leur souhaite bon retour.

J'invite maintenant l'Association des employeurs de la baie James à se présenter devant la commission.

Présence de M. Robert Sass

M. Marois: M. le Président, est-ce que les membres de cette commission me permettraient — je l'ai fait de façon indirecte tout à l'heure — de souligner la présence dans cette salle de M. Robert Sass qui est parmi nous aujourd'hui, qui est sous-ministre du travail et directeur de la santé et de la sécurité au travail de la Saskatchewan, qui nous fait l'honneur d'assister aux travaux de notre commission. On a eu l'occasion de le rencontrer et on sait que la Saskatchewan est une de ces provinces qui ont pris l'initiative qui a été à l'avant-garde parmi l'ensemble des provinces canadienne. M. Sass dirige l'application de cette loi-cadre en Saskatchewan depuis 1973 et je tiens à le saluer au nom de tous et chacun des parlementaires qui sont ici dans cette salle. Je pense qu'ils ont fait un travail qui est pas mal colossal et pas mal intéressant aussi quand on regarde les résultats aujourd'hui, après six ans. Si on pouvait simplement, modestement, réussir à atteindre les résultats qu'ils ont atteints, ce serait déjà pas mal remarquable.

Le Président (M. Dussault): Alors, que M. Sass reçoive les salutations de toute la commission.

Association des employeurs de la baie James

J'invite le représentant de l'Association des employeurs de la baie James à se présenter et à nous présenter ses collègues.

M. Fournier (Alcide): Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord vous présenter, à ma gauche, M. Pierre Jodoin, représentant de Beavergrows-Miron, qui a un chantier à Caniapiscau; immédiatement à ma gauche, vous avez M. Michel Verret, représentant de Les Constructions du Saint-Laurent qui ont des chantiers à Caniapiscau, LG 4, LG 3 et Radisson qui est à LG 2; à mon extrême droite, vous avez M. Guy Marcoux, directeur de Marine Industrie, qui représente le consortium La Grande à LG 2, le consortium LG 3 qui est à LG 3 et Marine

Industrie qui est à LG 4; vous avez ensuite M. Félix Gourbil, représentant de Janin Construction qui a des travaux à LG 2 et à LG 3. Ces quatre personnes sont membres de l'exécutif de l'Association des employeurs de la baie James. À ma droite immédiate, vous avez M. Jacques Roux, en charge des relations de travail à l'Association des employeurs de la baie James et moi-même, Alcide Fournier, qui suis le gérant général.

Le Président (M. Dussault): Je regardais tout à l'heure le texte de votre mémoire; cela me semble quand même assez difficile d'en faire la lecture en 20 minutes. Je vous demanderais de nous le présenter le plus possible dans les 20 minutes convenues par la commission.

M. Fournier: Oui, je pense qu'on pourra réussir en vingt minutes. D'abord, je voudrais souligner que nous avons déposé deux documents supplémentaires, un qui explique ou qui donne certaines données techniques relativement aux chantiers de la baie James et un deuxième qui énumère les lois concernant la santé, la sécurité et la salubrité qui s'appliquent au territoire de la baie James.

Nous avons également mis à votre disposition une pochette publicitaire qui image un petit peu le complexe La Grande et aussi un macaron qui exprime la mise à terme d'un grand projet québécois, c'est-à-dire que le 27 octobre on mettra en service officiellement le premier groupe producteur à la centrale LG 2.

Je voudrais peut-être ajouter un mot sur l'Association des employeurs de la baie James, qui est peut-être un peu moins connue que certaines autres associations de la construction. En fait, l'Association des employeurs de la baie James a deux mandats principaux: d'abord un mandat de relations de travail qui s'exerce tant au niveau du Code du travail, parce que nous avons des unités accréditées, qu'au niveau du décret de la construction.

Le deuxième mandat est un mandat concernant la main-d'oeuvre.

Les membres de l'association. En fait, c'est une association mixte qui représente à la fois les propriétaires et les entrepreneurs à la baie James. Il y a les quatre propriétaires principaux qui sont l'Hydro-Québec, la Société d'énergie de la baie James, la Société de développement d'énergie et la Société de développement de la baie James, et la municipalité de la baie James. Il y a également 200 entrepreneurs généraux et 250 sous-traitants qui sont représentés par le biais de leur entrepreneur général.

En fait, ces entreprises de construction sont parmi les plus importantes du Québec.

Alors, l'Association des employeurs de la baie James a le mandat, entre autres, d'appliquer une politique de relations du travail dans le complexe hydroélectrique La Grande. Les propriétaires de la baie James (SEBJ, SDBJ, Hydro-Québec, MBJ) et les employeurs qui ont des contrats avec les propriétaires sont membres de l'AEBJ.

L'association et ses membres favorisent des mesures qui auront pour effet de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. L'AEBJ est d'accord avec certaines représentations patronales, mais le propos de notre mémoire n'est pas de faire une critique exhaustive des aspects techniques du projet de loi, car nous sommes conscients que les différents groupes patronaux et syndicaux du monde du travail le feront amplement et que les membres de la commission parlementaire seront en mesure d'être informés sur le sujet.

Cependant, nous aimerions quand même apporter une clarification quant aux différentes positions qui ont été prises ou qui seront prises demain, entre autres qui ont été prises par l'AEQ, un mémoire que vous avez déjà entendu et un mémoire que vous entendrez, demain, qui est présenté par l'Association de la construction de Montréal, du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, la Corporation des maîtres-électriciens du Québec, la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie du Québec et la Fédération de la construction du Québec.

Quant à nous, et sur le point précis du délégué de chantier, nous appuyons plus particulièrement la position de ces derniers organismes plutôt que la position de l'AEQ. Alors, fermons la parenthèse.

Par contre, l'AEBJ possède une expertise sérieuse concernant le complexe hydroélectrique La Grande et désire soumettre les caractéristiques principales d'un chantier de construction de grande importance de ce type.

Nous croyons qu'une méthode d'approche particulière devrait être implantée sur un projet de cette importance, car il ne correspond pas à ce que nous connaissons, c'est-à-dire un chantier de construction prêt ou intégré dans un milieu urbain. Il s'agit d'un chantier éloigné et en voici les principales caractéristiques. Alors, là, je vous réfère aux données techniques que nous avons déposées.

Alors, actuellement, en voie de réalisation dans le Moyen-Nord québécois, le complexe La Grande se range parmi les plus importants aménagements hydroélectriques au monde. Le complexe consiste en un ensemble intégré de centrales et de réservoirs s'articulant autour de la Grande Rivière, principal cours d'eau à se jeter dans la baie James et troisième rivière en importance au Québec. La Grande Rivière qui débite presque autant d'eau que le Saguenay offre à elle seule un potentiel hydroélectrique énorme, qu'on va néanmoins doubler en y détournant le cours d'eau de deux rivières voisines, l'Eastmain et la Caniapiscau.

Quatre centrales d'une puissance totale de 11 409 mégawatts seront construites le long de la rivière La Grande: LG1, LG2, LG3 et LG4. À chaque site de centrale, un barrage rehaussera le niveau de la rivière et permettra de former un réservoir.

Deux autres réservoirs seront créés à l'intérieur des bassins de drainage des rivières East-main et Caniapiscau.

On étudie également la possibilité d'installer cinq centrales supplémentaires dans le complexe.

Si le projet se matérialisait, la puissance du complexe passerait de 11 409 mégawatts à 13 562. À titre de comparaison, mentionnons que la puissance actuelle du réseau de l'Hydro-Québec s'établit à quelque 12 979 mégawatts. Les six grands réservoirs du complexe La Grande totaliseront en superficie 11 450 kilomètres carrés ou onze fois et demie le lac Saint-Jean. Le réservoir Caniapiscau avec ses 4285 kilomètres carrés sera le plus grand lac du Québec.

L'aménagement des immenses pièces d'eau nécessitera la construction de neuf barrages et de quelque 170 digues et la mise en place de 150 millions de mètres cubes de remblais. Entreprise en 1972, la réalisation du complexe La Grande doit se faire progressivement de manière à répondre à l'augmentation de la demande d'électricité des Québécois. La Société d'énergie de la baie James incorporée le 20 décembre 1971 a le mandat de gérer les travaux du complexe La Grande pour le compte de l'Hydro-Québec.

Situation géographique. Le complexe La Grande s'insère dans une immense région peu accessible et pratiquement inhabitée, particularité qu'elle partage d'ailleurs avec tout le Nord québécois. Le complexe occupe une superficie de 176 000 kilomètres carrés, soit le dixième de l'étendue du Québec ou encore l'équivalent de l'Angleterre. Quelque 1000 kilomètres séparent en droite ligne Montréal de la Grande Rivière, c'est-à-dire qu'il faut une heure et demie en Boeing 737 pour effectuer le trajet sans escale alors qu'il faut seulement une heure pour relier Toronto. Le barrage de la Caniapiscau est le chantier le plus reculé du complexe. Plus près de Schefferville que de LG 4, il se trouve à quelque 2000 kilomètres par voie de terre au nord-est de Montréal.

Infrastructures routières et aéroportuaires. La réalisation du complexe La Grande suppose l'existence d'une infrastructure routière gigantesque. En 1971, lorsque les travaux ont démarré, la région n'était accessible que par avion de brousse ou par hélicoptère. À cette époque, le réseau routier s'arrêtait à Matagami, petite ville minière de l'Abitibi. Il fallait donc ouvrir ce territoire au développement en perçant une route de 620 kilomètres à partir de Matagami jusqu'à LG 2, premier chantier du complexe. À cette route aujourd'hui bitumée sur toute sa longueur se rattachent divers embranchements donnant accès aux autres chantiers du complexe. En tout, le réseau routier s'étend sur quelque 1500 kilomètres. Si les quelque 3 millions de tonnes de marchandises destinées aux chantiers sont acheminées principalement par route, le transport du personnel s'effectue exclusivement par la voie des airs. Le complexe dispose actuellement de cinq aéroports dotés de pistes d'au moins 1500 mètres de longueur. Principale porte d'entrée aérienne, l'aéroport La Grande desservant LG 2 et LG 1 est en mesure d'accueillir des réactés de grande capacité. Deux compagnies aériennes privées assurent les liaisons quotidiennes entre cet aéroport et les principaux centres du Québec tandis que le service aérien de la SEBJ se charge lui- même de transporter le personnel vers les autres chantiers.

L'effectif des chantiers fluctue considérablement d'une saison à l'autre et d'une année à l'autre. Il culmine normalement au cours des mois de juillet et août au moment où les conditions météorologiques sont les plus favorables à l'exécution des travaux de remblais et de bétonnage. L'effectif de pointe qui s'établissait à 4924 en 1973 atteignait un sommet sens précédent en 1978 alors que 17 896 travailleurs oeuvraient dans les différents chantiers du complexe La Grande. Au cours de la même année, des centres de vérification établis aux différents points d'entrée du complexe enregistraient 179 573 entrées et 176 264 sorties pour un grand total de 355 837 déplacements de personnel. Ces nombreux déplacements s'expliquent par le fait que chaque travailleur a droit à un congé dans sa famille tous les deux mois. Ce va-et-vient perpétuel est au surplus amplifié par le roulement de personnel et les mises à pied survenant à l'expiration des contrats.

En raison de l'éloignement du complexe La Grande, on retrouve d'importantes infrastructures d'accueil à l'usage du personnel de construction à chacun des chantiers. Bien que temporaires, elles offrent tout le confort de la vie moderne. À la pointe des travaux en 1978, quelque 20 000 personnes habitaient le complexe qui comptait alors six campements principaux et cinq villages familiaux. C'est à la société d'énergie en tant que maître d'oeuvre qu'incombe la responsabilité de loger, de nourrir le personnel de construction et de lui assurer tous les services sociaux et communautaires. Les résidents des campements sont logés et nourris gratuitement. C'est dans des dortoirs logeant généralement de 20 à 24 personnes qu'habite le travailleur. (17 heures)

Chaque campement dispose d'une vaste cantine où les résidents prennent leurs repas du matin et du soir. Si l'exploitation des cantines est confiée à un traiteur spécialisé en la matière, la nourriture est achetée par la société d'énergie. Les denrées périssables sont acheminées par camions réfrigérés ou, s'il y a lieu, par avion et ce au gré des besoins. Le lait est reconstitué sur place et le pain est généralement fabriqué au jour le jour. Quand au repas du midi, il est habituellement consommé sur les lieux de travail et il consiste en sandwiches et en crudités qui sont distribués le matin même à la cantine. De la soupe et des boissons chaudes peuvent également être obtenues sur place. À toute heure du jour, lorsqu'il est au campement, le travailleur peut, à un prix raisonnable, prendre un repas léger au casse-croûte. Les administrateurs et spécialistes qui forment le personnel cadre peuvent être accompagnés par leurs familles pour la durée entière de leur affectation au chantier. Ils logent dans des maisons mobiles, moyennant un loyer mensuel et ils doivent défrayer leur nourriture. La plupart des bâtiments qu'on retrouve dans les campements et villages, sont faits d'éléments modulaires préfabriqués en usine et facilement transportables,

qu'on peut réutiliser une fois les travaux terminés.

Le Centre hospitalier La Grande dispose d'un hôpital de 20 lits situé à LG 2. Au campement principal des autres chantiers, on retrouve un local de santé disposant de cinq à treize lits selon l'ampleur du campement. Tous ces centres sont dotés d'une salle d'attente, d'une salle d'opération, d'une clinique dentaire, d'une clinique d'urgence, d'une pharmacie et de laboratoires. On y retrouve un service de clinique externe et de radiologie. De plus, LG 2 a un système de télésurveillance relié par satellite à l'Hôpital Sacré-Coeur de Cartierville, qui permet une lecture spécialisée des électrocardiogrammes.

Chaque campement du complexe offre un large éventail de services publics, communautaires et sociaux. Tous ces services sont subventionnés par la société d'énergie, c'est-à-dire, qu'ils sont à la portée de tous au même prix qu'à Montréal lorsqu'ils entraînent un déboursé de la part des travailleurs. Voici une liste des principaux services et installations communautaires que l'on retrouve dans l'ensemble des chantiers. Accueil, ambulance, auberge, banque, bar salon, brasserie, buanderie, location de voitures, machines distributrices, nettoyage à sec, pompiers, protection, radio, restaurant, bureau de poste, en tout cas, je ne les énumérerai pas tous, mais ils sont tous disponibles. Soulignons que le complexe La Grande est relié au réseau téléphonique nord américain grâce à une liaison hertzienne d'une capacité de 300 voix.

En outre, les campements captent en direct les émissions du réseau français de télévision de Radio-Canada transmises via satellite. Des ressources considérables ont été affectées à l'organisation des loisirs en vue d'assurer aux travailleurs une détente agréable. Les sportifs ont le choix entre le sport intérieur, extérieur, individuel ou de groupe. Diverses ligues ont été mises sur pied pour les amateurs de hockey, ballon panier, football, fastball, balle molle, ballon balai, ballon volant et soccer. Ceux qui préfèrent les loisirs individuels peuvent s'adonner au billard, au ping pong, au badminton et dans certains chantiers au tennis, aux quilles et au mini putt. Lorsqu'on souligne ainsi la personnalité du complexe hydroélectrique La Grande, on parle à ce moment de développement intégré. Il s'agit d'une conception globale d'un chantier de construction. Il faut prévoir les infrastructures, notamment, la route qui relie Matagami à LG 2 et toutes les voies secondaires qui s'y rattachent. Les réseaux de communication, la planification des conditions de vie, toute la logistique nécessaire quant à l'approvisionnement des chantiers, une politique énergétique devra assurer le ravitaillement continu dans la phase de construction des chantiers, et il y a, bien sûr, l'administration des budgets et le contrôle des coûts qui sont essentiels à la gérance d'un tel projet.

Ce ne sont que quelques exemples qui démontrent l'étendue du complexe hydroélectrique La Grande et les difficultés peu communes qu'on peut rencontrer dans sa réalisation. Au niveau des développements de projets hydroélectriques semblables, il faut qu'il y ait une concertation au niveau des différentes composantes. Nous avons lieu de croire que les futurs projets de cette envergure se développeront dans le même esprit, hormis les améliorations qu'on aura apportées sur le plan technique ou administratif. Donc, à cause de sa situation particulière au Québec, le complexe hydroélectrique La Grande commande sûrement des mécanismes à sa mesure et c'est dans cette optique qu'a été rédigé le mémoire qui vous est soumis.

Les chantiers de construction de grande importance. "Nul ne peut entreprendre un chantier de construction qui constituera vraisemblablement un chantier de grande importance au sens des règlements à moins d'en avoir avisé la commission par écrit au moins 180 jours avant le début des travaux. "Lorsqu'elle est ainsi avisée, la Commission convoque et rencontre le maître d'oeuvre et chacune des associations représentatives. Le maître d'oeuvre doit fournir à la commission tous les renseignements que celui-ci requiert à propos du chantier de construction projeté." C'est l'article 181.

Cette citation nous indique à quel point le législateur attache une importance à l'aspect de la sécurité et de la santé des travailleurs sur des chantiers de grande importance du type du complexe hydroélectrique La Grande.

Nous comprenons que cet esprit s'appliquera dans le cas de futurs grands projets, qu'il serait illusoire de tout refaire ce qui a été conçu dans un projet de la taille du complexe hydroélectrique La Grande, mais malgré ces arguments l'AEBJ pense qu'il serait difficile d'appliquer les dispositions actuelles du projet de loi no 17 en ne tenant pas compte de la personnalité du chantier de construction de grande importance qu'est le complexe hydroélectrique La Grande.

C'est précisément le but de cette première partie du mémoire qui consiste à décrire les caractéristiques d'un chantier de grande importance et de prévoir que la méthode de fonctionnement que nous développerons servira de point de départ pour les futurs projets de cette nature.

Les rapports collectifs des relations du travail sont régis par deux législations principales: la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction et le Code du travail. La syndicalisation des travailleurs est à plus de 90% sur les chantiers du complexe La Grande et les travailleurs sont encadrés par plus de 20 associations accréditées et représentatives. Il y a différents blocs syndicaux qui représentent les intérêts des travailleurs: la construction, les employés de bureau, les employés des traiteurs alimentaires, les employés du service de sécurité publique, etc., pour n'en nommer que quelques-uns.

Nous pensons qu'il serait important de prévoir un cadre efficace pour l'application de programmes de prévention dans le complexe hydroélectrique La Grande. Si on examine de plus près la situation des rapports collectifs de travail dans le

complexe La Grande on en vient rapidement à la conclusion que tout se fait par grands ensembles. Pour ne citer que quelques exemples appuyant cet argument, la majorité des salariés des traiteurs alimentaires sont couverts par une convention sur l'ensemble des chantiers du complexe hydroélectrique, de même que les employés de bureau, ceux du service de sécurité publique et, à plus forte raison, les salariés de la construction.

Historiquement et dans les faits, la tendance est au regroupement des secteurs d'activités similaires et à une plus grande centralisation des rapports collectifs de travail.

Étant donné la personnalité particulière d'un chantier de grande importance comme le complexe La Grande et des conditions de vie qui en découlent et qui diffèrent grandement de celles que l'on retrouve sur des chantiers de construction en milieu urbain, il nous paraît opportun de proposer une formule qui pourrait coller à la réalité étant donné que les conditions de vie sont les mêmes pour tous les travailleurs, peu importe leurs secteurs d'activités, une formule qui éviterait le foisonnement d'organismes et de groupes et qui aurait pour résultat de produire beaucoup de double emploi des ressources consacrées à l'aspect de la sécurité et de la santé sur un chantier comme celui du complexe La Grande.

Il nous semble très important de définir une approche particulière pour un chantier de l'envergure du complexe où la coordination des différents projets est essentielle afin que le tout respecte la progression des échéanciers. Nous devons instaurer une formule qui nous permette la coordination de différents programmes de santé et de sécurité qui sont décrits dans le projet de loi no 17 et qui respecte les caractéristiques des différents secteurs d'activités.

Cette formule consisterait en la création d'une association multisectorielle qui pourrait permettre une coordination administrative plus efficace au sein du complexe hydroélectrique La Grande.

Cette association multisectorielle pour les travaux du complexe La Grande serait composée des principaux secteurs d'activités: 1. le secteur de la construction et les secteurs des services, c'est-à-dire du Code du travail: l'alimentation, les bureaux, la sécurité publique, les fournisseurs, les transporteurs, etc.

La formation de l'association multisectorielle se conforme aux dispositions de l'article 73 du projet de loi, à savoir qu'une ou plusieurs associations d'employeurs et une ou plusieurs associations syndicales appartenant aux différents secteurs d'activités pourront conclure une entente constituant une association multisectorielle paritaire de santé et de sécurité au travail. À la différence de l'association sectorielle, l'association multisectorielle ne serait pas imitée à un seul secteur d'activités.

L'association multisectorielle serait administrée par un conseil composé d'un nombre égal de représentants des associations d'employeurs et des propriétaires, d'une part, et de représentants des associations accréditées et représentatives, d'autre part.

Nous instaurons la présence des propriétaires du complexe hydroélectrique La Grande au sein du conseil d'administration car nous pensons que leur présence est nécessaire. Les propriétaires sont en effet responsables de la réalisation du projet; ils ont un rôle de gérance très important et ce sont ces derniers qui peuvent informer les autres membres du conseil dans l'élaboration des programmes de santé et de sécurité qui répondraient aux réalités particulières du complexe La Grande.

Nous vous donnons, dans le mémoire, la composition de l'Association des employeurs de la baie James, les propriétaires: Société d'énergie, Hydro-Québec, Société de développement et municipalité de la baie James; les associations représentatives de la construction, c'est-à-dire le Conseil provincial des métiers de la construction du Québec, la Fédération nationale du bâtiment et du bois, la CSD, etc., et les représentants syndicaux des associations sectorielles provinciales de la construction. Quant aux associations accréditées, nous avons le local 6833 des métallos, l'Union des opérateurs de machinerie lourde qui représente les traiteurs alimentaires, la CSN, etc.

But et objet. L'association multisectorielle aura pour objet de fournir des services de formation, d'information, de recherche et de conseil et assurera un rôle de coordination dans l'application des différents programmes de prévention et pour toute matière ayant trait à des questions de santé et de sécurité du travail qui découlerait de l'application du projet de loi no 17. Conséquemment, les dispositions prévues aux articles 76, 77 et 78 s'appliqueraient également à l'association multisectorielle. La durée du mandat de l'association sera temporaire car l'existence de l'association serait liée à la durée des travaux du complexe hydroélectrique La Grande ou de tout autre projet semblable si la formule d'association multisectorielle est adoptée.

Nous croyons qu'il est nécessaire que l'association multisectorielle soit créée pour les fins du complexe hydroélectrique La Grande. Il est essentiel qu'un organisme comme l'association multisectorielle puisse coordonner l'application des différents programmes de prévention qui seront reliés au programme principal adopté par la commission pour les travaux exécutés au complexe. Nous croyons également qu'il faille favoriser une association multisectorielle plutôt que différentes associations sectorielles distinctes, car lorsque nous parlons d'un chantier de construction, comme ceux existant au complexe La Grande, il ne s'agit pas seulement d'une main-d'oeuvre exclusivement rattachée à des travaux de construction, mais cette main-d'oeuvre est diversifiée dans plusieurs autres secteurs d'activités. Par contre, la main-d'oeuvre de ce type de chantier éloigné vit dans le même chantier de construction et les conditions de vie sont les mêmes pour tous les salariés.

Autant par l'envergure que par la complexité des travaux qui se font au complexe La Grande il est nécessaire d'avoir un organisme de gérance qui supervise l'exécution des différents échéan-

ciers, autant il nous apparaît important que des propriétaires fassent partie du conseil d'administration de l'association multisectorielle. Nous croyons qu'une concertation entre les parties respectives, c'est-à-dire les représentants syndicaux, les représentants d'employeurs et les représentants des propriétaires qui oeuvrent au complexe La Grande, est nécessaire à l'application efficace d'un programme de prévention pour un chantier de cette importance. Les mandats dévolus aux associations sectorielles, tels que cités à l'article 76 du projet de loi, ne sont pas incompatibles avec l'existence d'une telle association car cette dernière pourrait assumer les mêmes fonctions sauf qu'elle coordonnera en plus l'application des différents programmes de prévention dans tout le complexe.

Finalement, l'association proposée rejoint bien les buts et objectifs de l'association sectorielle sauf que nous en élargissons le cadre de fonctionnement. La création d'une association multisectorielle nous aide à atteindre une application homogène du projet de loi no 17 au complexe La Grande. Lorsque nous parlons d'élargir le cadre de fonctionnement de l'association sectorielle pour devenir l'association multisectorielle, nous faisons expressément référence au rôle de formation, d'information, de conseil et de recherche d'une telle association, car c'est cette dernière qui sera responsable de la continuité dans la poursuite des objectifs qui sont décrits dans le présent projet de loi. Par contre, le rôle de coordination de l'association sera très important pour la commission de santé et de sécurité au travail qui assumera la responsabilité de la mise en oeuvre du régime de santé et de sécurité au travail.

Nous croyons avoir soumis une formule simple et réaliste dans le concept de l'association multisectorielle. Pour éviter l'application isolée de différents programmes de prévention, nous pensons que l'association multisectorielle sera l'organisme qui pourra le mieux coordonner les différents programmes de prévention dans le cadre de chantiers de grande importance comme le chantier La Grande.

Le dernier document que j'avais déposé est en fait la liste des lois concernant la santé, la sécurité et la salubrité qui s'appliquent actuellement au territoire de la baie James. Au départ, j'avais envie de vous en faire la lecture, mais je pense que je vais vous en dispenser. Il y a 39 lois et plus de 70 arrêtés en conseil qui dépendent de plusieurs ministères et chacun de ces ministères en fait l'application par le biais d'inspecteurs, etc. En fait, toute cette législation nous motive encore plus à avoir un organisme de coordination au chantier du complexe La Grande.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fournier. M. le ministre. (17 h 15)

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'Association des employeurs de la baie James de son mémoire. Je pense que l'association vient de faire une des démonstrations probablement les plus éclatantes avec les chiffres à l'appui, les données, compte tenu de l'ampleur, de la grosseur, de la diversité, de la complexité des fonctions, des tâches, des corps de métiers de tous ordres qui sont impliqués dans des chantiers de grande envergure. Je pense que tout cela vient confirmer le bien-fondé de la section VII du projet de loi, c'est-à-dire l'idée de concevoir une section propre et particulière dans le cas des grands chantiers aux articles 181 à 184. Ce chapitre prévoit que forcément il faut trouver des formules d'ajustement à cette réalité des programmes de prévention. Donc, il faut revoir un programme d'un type tout à fait particulier, des mécanismes de consultation pour la mise au point de ce programme qui implique les diverses parties concernées. En ce sens, je vous remercie de la contribution que vous avez apportée et je pense que je peux vous assurer que la commission à venir va certainement examiner très attentivement, prendre d'abord en considération l'expérience que vous avez vécue, d'une part, et d'autre part, la formule que vous nous suggérez.

Vous nous suggérez une formule qui vise à faciliter autant que possible la coordination des différents programmes de santé et de sécurité, cette formule passe par la création d'une association multisectorielle. Je ne veux pas entrer dans tous les détails de la recommandation, vous êtes quand même très précis. Vous le développez de la façon de le composer, de le former, les buts, les objets et le fonctionnement même de l'association. Ce sera certainement regardé de très près, sans compter qu'en plus il faut tenir compte, et je pense qu'il faut le signaler aussi, qu'il y a eu tellement de choses dites sur la baie James et je présume qu'il va s'en dire encore beaucoup pendant longtemps. Selon les chiffres qu'on m'a communiqués et donc, sous réserve de vérifier s'ils sont tout à fait exacts et tout à fait au point, on sait très bien la taille que cela a impliqué dans les périodes de pointe autour de 18 000 travailleurs. Il y aurait eu jusqu'à maintenant au total quelque chose qui oscille entre 20 et 25 personnes qui seraient décédées sur le chantier depuis le début des travaux. Quand on regarde l'ensemble du dossier des accidents et de ceux qui ont été beaucoup plus graves pour ne pas dire tragiques et qui ont entraîné des décès, il n'y a aucun doute que toute chose étant égale, toute proportion gardée, en comparaison des chiffres du dossier de la Manicouagan, il est certain que la performance est légèrement moins bonne. La performance est certainement meilleure que ce qu'on trouve dans l'ensemble du secteur de la construction dans l'état actuel des choses, où là, la situation suppose, mérite un redressement important.

Cela étant dit, donc, en conséquence, je vous remercie de votre contribution qui est tout à fait particulière. Il y a une question que je voudrais vous poser pour l'instant, c'est la suivante: Qu'est-ce que vous pensez de l'idée que soit affecté, dans le cadre d'une révision des services d'inspection qui sont actuellement émiettés à l'intérieur des quatre coins de la machine administrative, dans la

perspective d'une coordination, d'un meilleur regroupement des services d'inspection, possiblement... C'est une hypothèse plus que sérieuse, je pense, qu'il faut regarder de très près. J'avoue que je suis plutôt porté spontanément, sous réserve de l'étudier au mérite et de formuler mes recommandations en conséquence au Conseil des ministres, de le rattacher même à l'éventuelle commission de la santé et de la sécurité du travail au Québec. Que pensez-vous de l'hypothèse de s'assurer, sur les grands chantiers, de la présence en permanence d'un inspecteur?

M. Fournier: Je pense que, compte tenu des distances qu'on a énumérées tantôt au niveau du complexe La Grande, il est bien évident que la future commission aura à avoir en permanence des inspecteurs sur les chantiers. Lorsqu'on regarde, par exemple, pour le refus du travail, le processus qui est dessiné au niveau de la loi, on a une décision exécutoire qui doit être rendue dans un certain laps de temps par un inspecteur. Or, évidemment, si vous installez un inspecteur à L G 2, il est bien évident que, si un problème survient à Caniapiscau, il va lui être totalement impossible de s'y rendre en dedans de six heures. Sur le nombre de travailleurs qui gravitent au niveau de la baie James, on dit 16 000 et plus cette année, j'ai la nette impression que le nombre de problèmes va nécessiter, pour la commission, l'implantation de bureaux sur chacun des sites, avec un nombre suffisant d'inspecteurs pour répondre à la demande, c'est-à-dire que les comités paritaires vont examiner certaines situations de danger, mais même si, au niveau de la baie James, nous avons au-delà de 73 agents à la prévention ou agents de sécurité, nous pensons que l'inspecteur devra, dans pratiquement tous les cas, rendre une décision. Alors, il est évident que la commission de la santé et de la sécurité du travail, la future commission, devra sûrement avoir des représentants en permanence aux chantiers. C'est définitif, à notre avis.

Il y a peut-être deux points que je voudrais relever, M. le ministre, si vous me permettez, dans votre intervention. D'abord, ce sont les articles 181 à 184. Il est évident que la loi a déjà prévu certaines dispositions pour des chantiers d'envergure, sauf que nous comprenons que ces dispositions ne visent que les chantiers de construction. Or, à la baie James, le secteur services qui est régi par le Code du travail est quasi aussi important que le secteur construction. C'est un peu pour cela que, dans notre mémoire, nous allons un petit peu plus loin que cette recommandation — c'est-à-dire que nous voyons que, dans ces dispositions contenues dans le projet de loi, on ne parle que d'associations représentatives, par exemple — qui fait référence directement à la Loi de relations de travail dans l'industrie de la construction. On parle de délégués de chantiers, tout cela fait référence uniquement à la structure construction. Nous concevons mal qu'un délégué de chantier, par exemple, qui selon le projet de loi est un représentant à la prévention, puisse aller discuter de sécurité dans les cuisines, puisse aller discuter de sécurité avec les pompiers, les policiers ou les employés de bureau, etc.

C'est pour cela que nous disons que sans éliminer ces dispositions qui, à notre avis, sont réservées pour de gros chantiers, mais situés dans un environnement urbain où on n'a pas besoin d'implanter tous les autres services qui sont régis par le code, nous allons un peu plus loin, on essaie de marier, en fait, les deux régimes qui sont prévus au projet de loi.

L'autre commentaire, vous avez fait une brève comparaison avec les chantiers Manic et, à moins que j'aie mal compris, vous avez laissé sous-entendre que le record de La Grande était moins bon que celui des chantiers de Manic. Si vous me permettez, j'aimerais déposer des comparaisons par millions d'heures entre General Motors, construction pour la province de Québec, en 1977-1978, construction pour l'Ontario en 1977, le chantier olympique, mines Ontario, Sincrude Canada, Churchill Falls, complexe La Grande et Manie-Outardes, qui vont vous donner, par millions d'heures, les résultats. Le complexe La Grande, sans être nécessairement le champion au niveau sécurité, a quand même une position avantageuse comparativement à Manie-Outardes, comparativement à Ontario mines ou d'autres qu'on a pu comparer. Du même coup, on vous donnera une localisation des blessures. Alors, si vous me permettez...

M. Marois: Je pense que les membres seraient d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous en avez plus d'une copie, oui?

M. Fournier: Oui.

M. Marois: Bon, on va en faire faire des photocopies.

Le Président (M. Dussault): Quelqu'un du secrétariat va les distribuer.

M. Marois: Je l'apprécie, c'est pour cela d'ailleurs que j'ai dit: sous réserve de me tromper. On va certainement prendre connaissance avec beaucoup d'intérêt des chiffres qui sont là.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'était la fin de votre intervention, M. le ministre?

M. Marois: Oui, pour l'essentiel, sauf que je veux être certain que j'ai bien compris ce que vous avez évoqué en ce qui concerne la notion de chantier. Vous avez l'impression qu'à la façon dont c'est libellé, non seulement de 181 à 184, mais la définition, cela n'est limité qu'à la partie de la construction, alors que, forcément, il y a toute une batterie de choses additionnelles qui se déroulent en même temps, qui impliquent des hommes et des femmes qui sont au travail, qui impliquent des employeurs. Cela ne doit pas être

exclu de l'ensemble de l'approche. Ce n'est certainement pas notre intention, en tout cas, si on peut être bien clair là-dessus... Si le texte est ambigu, on va y voir, je prends bonne note de vos commentaires. Ce n'est certainement pas notre intention d'exclure le reste; cela, c'est certain. L'idée d'avoir une approche qui implique une coordination de l'ensemble des divers éléments et intervenants n'est certainement pas une recommandation à rejeter du revers de la main, certainement pas. Alors, dans ce sens, je prends bonne note de vos commentaires.

Le Président (M. Dussault): Avant de laisser la parole à M. le député de Portneuf, je voudrais aviser les deux groupes qui resteront à être entendus après l'Association des employeurs de la baie James que nous les entendrons avant d'aller souper. La commission est d'accord pour entendre les deux autres groupes avant d'aller souper, ce qui veut dire que tout le monde serait libéré en soirée.

Cela dit, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président, merci, M. Fournier, merci messieurs. Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Je voudrais vous dire que nous trouvons, de notre côté, très intéressantes les suggestions que vous formulez, eu égard aux associations multisectorielles et je pense que c'est un des meilleurs moyens pour véritablement s'assurer d'une action intégrée et concluante. C'est très intéressant que tout cela. Nous en prenons non seulement bonne note, on a presque envie d'acheter cela tout de suite, mais avant de le faire, on va l'étudier davantage quant à nous et on aura l'occasion de revenir pour prendre connaissance de la position adoptée par le ministre et le gouvernement. Probablement qu'il en tiendra compte dans les amendements qu'il apportera. Ce sont des choses qu'il n'est pas impossible à faire et on verra à s'ajuster. Vous pourrez prendre connaissance des positions que, nous, nous adopterons lors de l'étude du projet de loi article par article, plus spécifiquement à l'égard des articles relatifs aux chantiers de grande importance.

J'avais strictement une brève question à vous poser. Vous avez parlé des délégués en sécurité. Je sais que vos entreprises ont des personnes qui oeuvrent au chapitre de la sécurité. J'aimerais que vous puissiez témoigner de l'expérience connue à ce jour: Comment cela a-t-il été? Combien y en a-t-il en haut à la baie James? Y a-t-il un ratio employés-responsable de la sécurité au sein de chacune des entreprises? Est-ce que de telles personnes oeuvrent à ces fonctions depuis le début du chantier ou est-ce depuis quelque temps seulement? Partant de là, est-ce qu'on a pu assister à une amélioration au chapitre de la sécurité, de la prévention, etc? Quelles sont leurs fonctions? Quelles sont leurs attributions?

Une question qui déborde peut-être le cadre des faits comme tels, mais j'aimerais savoir, si c'est possible, quelle perception les travailleurs ont de ces personnes responsables de la sécurité. Sont-elles considérées comme des gens qui oeuvrent avec le travailleur pour la prévention et la sécurité ou sont-elles considérées comme des représentants de l'employeur, purement et simplement? On a eu souventefois à discuter ici du degré de confiance que pouvait avoir un intervenant dans le milieu, du degré de confiance que pouvait avoir cet intervenant auprès du travailleur, et je pense que c'est important.

Alors, c'est l'essentiel de la question que je voulais vous poser. Je vous remercie beaucoup de votre présence ici, et continuez à construire la Baie James, on a hâte au 27 octobre pour que ce soit inauguré. Je dois vous dire qu'on est heureux, quant à nous, notre formation politique, de s'y être associés, même si on a été souventefois critiqués par nos amis d'en face qui, aujourd'hui, essaient d'en tirer le coin du voile. Mais je suis convaincu que la majorité des coins de la couverture vont rester du côté du Parti libéral du Québec à l'égard du projet de la Baie James, qui a été lancé par M. Bourassa. Merci, messieurs! (17 h 30)

M. Marois: C'est-à-dire que vous m'ouvrez une porte, vous, là, à 17 h 30.

M. Pagé: Le temps est limité, M. le Président.

M. Marois: On ne reviendra pas sur le début du démarrage du projet, le projet annoncé et le projet réalisé. J'ai cru comprendre que, d'abord, dans la simple géographie il y a quelques légers écarts entre le point de départ et le point de chute.

M. Pagé: C'est dans ce temps-là que vous parliez du nucléaire.

M. Marois: Le point de chute est intéressant. Le point de départ c'était autre chose.

M. Pagé: Écoutez, vous ne pouvez pas m'empêcher d'être enthousiaste devant un projet comme celui-là.

M. Marois: II y a des choses grandioses. Cela prouve que nous, les Québécois, on est capables, pas mal plus que certains le laissent entendre.

M. Pagé: On n'a jamais dit le contraire.

M. Fournier: Pour vous mettre d'accord, je vous suggérerais peut-être de porter notre macaron.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fournier, de l'aide que vous m'apportez. Alors, au nom de la commission, je remercie...

M. Pagé: J'ai des questions. Ils vont répondre. Le Président (M. Dussault): Je m'excuse.

M. Pagé: J'aurais quelques questions, si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Oui, d'accord!

M. Fournier: D'abord, je vais peut-être procéder à l'inverse. Au niveau de la perception de nos personnes responsables à la prévention, je pense qu'au niveau du travailleur la perception est bonne. La perception est peut-être moins bonne du côté des représentants syndicaux. Évidemment, le représentant syndical a une fonction plutôt de relation de travail. Il a l'habitude de négocier. En fait, c'est sa fonction principale, finalement, et sa perception, je pense, d'agent à la prévention est peut-être un peu biaisée. On pense que le représentant de l'employeur est toujours un petit peu biaisé, c'est-à-dire qu'il penche un peu du côté de l'employeur, sauf que pour avoir pu converser à plusieurs reprises avec des agents de sécurité — je devrais dire des agents de prévention, non pas des agents de sécurité dans le sens Agence Philipps — et étant moi-même instructeur en sécurité, j'ai pu constater souvent que le bonhomme lui-même faisait le maximum pour assurer la sécurité des travailleurs. Il est sûr que dans un complexe comme La Grande, il arrive des infractions qui sont le pur fait du hasard dans certains cas. Dans d'autres cas, cela peut être des infractions qui sont commises par le salarié lui-même. Il y a aussi certaines infractions qui sont commises par l'employeur, mais je dirais que, de façon générale, le code de sécurité, pour les chantiers de construction est, je dirais, le plus respecté et que le rôle ou enfin l'importance des agents à la prévention est très important à ce niveau-là. D'ailleurs, au chantier de la baie James, nous avons 73 agents à la prévention ou sécurité; il y en a 47 chez les employeurs et 26 à la Société d'énergie de la baie James. Il faut dire aussi que la Société d'énergie a son propre programme de sécurité qu'elle applique et vérifie à l'aide de ses inspecteurs en sécurité.

Quant à l'amélioration, vous nous demandiez s'il y avait eu amélioration depuis le début. Je peux dire carrément que oui, et je pense que cette année, entre autres, nous aurons pour le chantier La Grande à peu près la meilleure année au point de vue de la sécurité, c'est-à-dire que le taux de fréquence est considérablement diminué même par rapport à nos propres chiffres de l'an dernier qui étaient inférieurs à ceux de la construction au Québec et qui étaient inférieurs à ceux de la construction en Ontario. Cette année, nous allons avoir encore une amélioration dans ce domaine-là.

Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre question?

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. Il n'y a pas d'autres interventions. Au nom de la commission, je remercie l'Association des employeurs de la baie James de sa participation aux travaux de cette commission. Je souhaite aux représentants un bon retour.

J'invite maintenant l'Ordre des ingénieurs du Québec et l'Ordre des architectes du Québec à se présenter devant la commission.

Pour les fins du journal des Débats j'invite le porte-parole du groupe à se présenter et à nous présenter ses collègues.

Ordre des ingénieurs et Ordre des architectes

M. Delisle (Pierre): Bonjour messieurs! Mon nom est Pierre Delisle, vice-président de l'Ordre des ingénieurs. Je suis accompagné de M. Jean-Paul Dagenais, permanent à l'Ordre des ingénieurs, M. Robert Santerre, président du comité qui a étudié le projet de loi no 17, M. André Tremblay, architecte, qui faisait également partie de ce comité ainsi que M. Gabriel Richard qui, en tant qu'ingénieur, a travaillé au niveau de notre comité.

Pour vous éviter une trop longue audition de la lecture de notre mémoire, nous avons préparé un résumé que je vais vous livrer en quelques minutes, lequel résumé contient l'essentiel des recommandations que nous formulons à la commission.

Le présent document fait état des principales recommandations contenues au mémoire que nous soumettons à l'attention de cette commission parlementaire. Ces recommandations ont été formulées par un comité d'ingénieurs et d'architectes ayant considéré les conséquences de l'application du projet de loi dans le domaine de la construction et par un comité d'ingénieurs qui a étudié la nouvelle loi en relation avec le milieu industriel. Nos vues doivent être considérées comme celles de membres de l'Ordre des professionnels plutôt que celles de propriétaires d'entreprises et, nous regrettons, à ce sujet, que le projet de loi identifie automatiquement à l'employeur, donc au propriétaire, les spécialistes en matière de santé et de sécurité que sont plusieurs de nos membres.

De fait, nous regrettons que le projet de loi ne précise aucunement, lorsqu'il ne l'ignore pas complètement, le rôle de ces spécialistes en matière de santé et de sécurité.

La loi met l'accent sur la prévention des accidents et des maladies du travail et sur la participation du milieu. L'objectif premier est donc la réduction des accidents et des maladies par la création de mécanismes favorisant la collaboration des employeurs et des travailleurs. L'objectif est évidemment légitime, les mécanismes choisis théoriquement valables, mais selon nous, irréalistes.

Nous considérons que les structures paritaires proposées aux trois échelons et particulièrement au niveau des associations sectorielles et de la commission de la santé et de la sécurité du travail favoriseront l'affrontement entre employeurs et employés au détriment de la prévention des accidents et des maladies industrielles. Nous regrettons particulièrement qu'on ait opté pour le vote en bloc des deux groupes représentés au comité de santé et de sécurité des entreprises. Nous suggérons de plus que, au niveau des associations sectorielles et de la commission, des structures tripartites soient mises en place où les spécialistes

du domaine, et peut-être les représentants du public formant le troisième groupe, pourraient mettre leurs ressources techniques et administratives à la disposition des travailleurs et des employeurs. À la commission en particulier, cette formule favoriserait la prise de décisions plus éclairées et allégerait la tâche du président.

Par ailleurs, puisque tous admettent que l'employeur doit garder la responsabilité — on entend par là la responsabilité légale — de la santé et de la sécurité de ses employés, nous croyons que rien ne devrait venir diluer cette responsabilité. C'est pourquoi nous estimons que le comité de santé et de sécurité des entreprises devrait n'être qu'un comité consultatif chargé par ailleurs d'assurer la surveillance des conditions de travail et d'assister les travailleurs et les employeurs dans l'exercice de leurs droits et devoirs respectifs, avec pouvoir de référer aux autorités gouvernementales les cas d'abus et les manquements à la loi.

Nous croyons également que tel que le livre blanc l'annonçait, en s'appuyant sur de nombreux et puissants arguments, la loi devrait prévoir que les services d'inspection ne relèveront définitivement pas de la commission de la santé et de la sécurité du travail.

Voici maintenant quelques-unes de nos autres suggestions relatives au domaine industriel. Que l'employé soit tenu d'utiliser les moyens et équipements de protection personnels requis par les circonstances. Que soit considéré comme une infraction le fait de rendre inopérant un élément de protection mécanique, électrique ou autre. Qu'une liaison soit assurée entre le programme de prévention et le programme de santé d'une même entreprise et que des médecins et hygiénistes et tous les autres spécialistes soient appelés à collaborer à leur conception et à leur application. Qu'il soit possible à des employeurs et employés d'en appeler à l'inspecteur chef régional de la décision d'un inspecteur. Que l'inspecteur puisse s'en remettre à une attestation d'un ingénieur ou d'un architecte non seulement quant à la solidité d'une structure, mais pour tout ce qui relève de leur compétence respective. Finalement, que la Loi des établissements industriels et commerciaux relativement à la préparation de plans d'architectes ou d'ingénieurs soit incorporée sans modification à la loi à l'étude.

Relativement au domaine de la construction, nous considérons que le projet de loi n'offre pas les garanties minimales nous permettant de croire qu'elle représente une amélioration véritable par rapport à la situation actuelle. Nous croyons qu'il serait prématuré et hasardeux de sanctionner, sans plus d'étude, cette partie du projet de loi. Nous estimons qu'une période supplémentaire de consultation en profondeur de tous les organismes impliqués est essentielle.

Nous croyons que le projet de loi porte à faux, en ce qu'il ne vise pas à améliorer la situation des petits chantiers de construction où semblent se produire plus de 75% des accidents mortels si l'on doit se fier aux données disponibles pour 1976.

Nous estimons donc qu'une analyse plus poussée des causes et circonstances des accidents survenus au cours des dernières années, en fonction surtout de la taille des entreprises et de l'importance des chantiers, permettrait d'en arriver à une loi dont les bénéfices seraient mieux assurés.

Nous estimons que, particulièrement dans le domaine de la construction, ce devrait être une obligation pour travailleurs et employeurs de suivre des cours de sécurité avant de pouvoir être admis sur un chantier où, selon nous, travailleurs et employeurs doivent à chaque instant être sur le qui-vive pour déceler les causes d'accident et les éliminer. Il ne nous semble pas justifié également de faire table rase de tous les mécanismes en place pour les remplacer par d'autres dont le mérite ne s'impose pas de toute évidence. Nous croyons à ce sujet que l'office de construction, tout imparfait qu'il soit selon certains, dispose du personnel spécialisé et de l'expérience nécessaire pour continuer de voir à la sécurité sur les chantiers de construction. Conséquemment, nous recommandons que l'office de construction soit chargé du service d'inspection et agisse comme l'association sectorielle de la construction. Nous estimons que la loi et les règlements devraient permettre l'existence des conditions particulières ainsi créées.

Nous estimons également que, tout comme dans les autres secteurs d'activités, c'est l'employeur qui, sur un chantier de construction, doit être responsable légalement de la sécurité de ses employés. Selon nous, la loi devrait donc obliger l'entrepreneur à désigner un préposé à la sécurité dont les qualifications et responsabilités devraient être clairement établies. Le représentant des travailleurs, pour sa part, devrait être disponible pour aider les travailleurs à faire valoir leurs droits et pour faire les recommandations jugées opportunes au comité de chantier.

Pour conclure, notons que les ordres professionnels chargés de contrôler les activités de leurs membres dont les services touchent au domaine de la santé et de la sécurité au travail sont très conscients de leur responsabilité sociale. Selon nous, le projet de loi no 17 devrait favoriser davantage la contribution des ingénieurs et des architectes et celle de leurs ordres professionnels en leur donnant l'occasion de manifester de façon encore plus tangible cette conscience sociale relative à la santé et à la sécurité des travailleurs.

En terminant, soulignons à nouveau qu'il est certes inadmissible qu'architectes et ingénieurs soient automatiquement identifiés aux employeurs et, a priori, considérés comme réfractaires aux vues des travailleurs. Merci.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Delisle. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'Ordre des ingénieurs du Québec ainsi que l'Ordre des architectes du Québec de leur mémoire. Je tiens à le signaler parce que je crois qu'on peut et qu'on doit se réjouir du fait

que deux groupes de professionnels aient décidé de joindre leurs réflexions pour présenter un mémoire conjoint. Cette attitude nous permet peut-être d'espérer et déjà de voir commencer à se confirmer le fait que l'effort professionnel multidisciplinaire qui sera forcément nécessaire pour atteindre les objectifs qu'on se donne peut se concrétiser. Je voudrais aussi vous remercier pour, et je l'ai lu attentivement, votre mémoire. Je pense que c'est un mémoire qui est extrêmement sérieux. Je pense qu'il constitue un apport intéressant à l'étude du projet de loi et, par ailleurs, mes commentaires et mes questions seront plutôt brefs étant donné l'heure et que bon nombre des questions qui sont soulevées ont déjà été abordées par d'autres groupes en cours de discussion. Je vais surtout m'en tenir à un certain nombre d'éléments qui ressortent de façon plus particulière et qui sont davantage plus propres à votre mémoire.

J'ai cru comprendre... Je ne veux pas mésinterpréter votre mémoire du tout, mais la lecture de certains passages particuliers de votre mémoire peut nous laisser l'impression que vous craignez que le projet de loi tel que libellé favorise plutôt l'affrontement entre les parties qu'un esprit de coopération. (17 h 45)

Si tel était le cas; encore une fois, je peux me tromper dans l'interprétation. Chacun fait ses lectures des textes. Il arrive des fois qu'on lit trop entre les lignes. Cela aussi peut arriver. On le voit d'ailleurs dans l'interprétation que certains donnent à certains articles du projet de loi, mais quand même, c'est du jargon juridique, donc, c'est normal que cela puisse prêter le flanc à interprétation. Mais si c'est le cas, si mon interprétation est exacte, que vous avez cette crainte, j'aimerais savoir si dans votre esprit vos craintes dans cette perspective, dans cet esprit, cela tient à la présence syndicale ou au fait que le comité d'établissement possède des pouvoirs décisionnels dans le projet de loi no 17.

Ma deuxième remarque concerne une affirmation, elle était dans votre mémoire, vous l'avez reprise dans votre résumé et j'avoue qu'elle me surprend. Vous dites que le projet de loi identifie à l'employeur certains groupes de professionnels, notamment, vous autres, qui êtes identifiés à l'employeur, des spécialistes d'un type ou d'un autre en matière de santé et de sécurité. Cela me surprend comme affirmation. J'aimerais que vous essayiez de mettre le doigt dessus pour qu'on puisse voir de la façon la plus concrète possible sur quoi vous fondez une affirmation comme celle-là.

Cela me surprend d'autant plus que le projet de loi spécifie que les services de santé seront fournis par les centres hospitaliers qui ont un département de santé communautaire, que le service aura un service de contrôle médical, un rôle de contrôle de l'environnement, c'est-à-dire, au fond, les deux aspects de ce qu'on appelle un concept de santé, au sens large. En plus, il n'y a rien qui interdit au comité d'établissement de faire appel aux spécialistes, au pluriel, de son choix pour le conseiller et s'il le faut, l'article 60 du projet de loi, on pourrait fort bien le modifier pour bien indiquer que le comité peut faire appel à d'autres ressources qu'uniquement la ressource médicale ou que le médecin. En plus, vous nous assurez — je crois que c'est exact, vous avez raison — que vos deux ordres par vos codes de déontologie vous permettent de garantir aux travailleur en particulier des services professionnels qui sont susceptibles de protéger la santé et d'assurer la sécurité en milieu de travail — d'ailleurs, cela revient à la page 1 de votre mémoire — et, donc, je pense que partant de là, de ce que vous évoquez vous autres mêmes dans le mémoire, de ce qui me semblait dans le projet de loi, et des ajustements, le cas échéant — j'ai mentionné notamment l'article 60 — les travailleurs peuvent donc espérer que les architectes, les ingénieurs comme professionnels ne sont pas là pour épouser une attitude patronale ou une attitude syndicale, mais pour apporter leur support, leur soutien technique comme des professionnels qui sont capables et qui doivent pouvoir oeuvrer avec la plus complète et la plus totale autonomie professionnelle d'action.

Autre élément. En ce qui concerne la question de l'approbation des plans et devis, je voudrais vous demander si ce que vous visez, c'est vraiment l'approbation par un inspecteur ou si ce que vous visez, c'est de vous assurer que les plans et devis sont visés, ou certifiés, ou attestés par un ingénieur ou un architecte, selon les champs respectifs de compétence. Autour de cette question, également, j'aimerais vous demander si à votre avis le contrôle par un inspecteur vous apparaît absolument essentiel.

Maintenant, dans la foulée d'un commentaire — question que je formulais tantôt concernant maintenant plus spécifiquement le programme de santé, je tiens à rappeler que, mais je ne veux pas à nouveau entrer dans les discussions qu'on a eues, dans notre esprit le concept de santé, le projet de loi effectivement, à sa lecture, dans son état actuel, peut laisser l'impression que c'est une approche relativement fermée d'un concept passablement étroit alors que, dans notre esprit, il est évident que le concept de santé comprend et doit comprendre l'ensemble de deux dimensions fondamentales, la santé au sens strict du mot et également toute la dimension de l'hygiène industrielle et de l'environnement du travail. Donc, c'est très clair dans notre esprit.

J'ai déjà eu l'occasion de dire ici, en commission parlementaire, lors de discussions qu'on a eues notamment avec des hygiénistes industriels, que je suis prêt, si nécessaire, à préciser davantage l'article 93 pour que ce concept aussi large et englobant ressorte clairement de l'article et, en conséquence, ouvre clairement la porte à la mise à contribution de tous les professionnels requis et pertinents dans ce domaine.

Il y a une suggestion que vous faites quant à l'inspection — je la signale au passage, elle m'a frappé — qui concerne l'article 147, la possibilité

d'un appel à l'inspecteur-chef plutôt qu'à la commission. Je pense que la suggestion que vous formulez mérite d'être étudiée très sérieusement, d'autant plus que j'ai déjà indiqué que l'intention du gouvernement était de viser à régionaliser pour assurer une présence permanente en région des services d'inspection et aussi des services de la commission. Donc, dans ce sens, je pense que la recommandation que vous faites est plus que pertinente et on va la regarder de très près.

Je ne vous cacherai pas qu'en ce qui concerne vos commentaires, vos remarques, sur toute la question de la formation, je ne peux pas faire autre chose que de me réjouir parce que vraiment vous y mettez une emphase — et je pense que vous avez raison — sur toute la question de la formation et de l'information. Je peux aussi vous indiquer que je partage passablement votre point de vue sur le fait que la formation n'est pas le seul mais certainement un des moyens essentiels pour atteindre les objectifs qui sont proposés. Soyez assurés que votre proposition en ce sens sera étudiée très attentivement.

J'en profite, en tirant une espèce de conclusion à mes remarques-questions, sans vouloir abuser du temps, pour dire qu'au fond c'est vrai qu'il y a une espèce de pari de base derrière l'ensemble du projet de loi no 17 qu'on va chercher tous ensemble à bonifier, à améliorer au maximum, pour en faire la meilleure loi qui soit possible dans le contexte actuel mais qu'un des paris de base, au-delà des divergences — il y en a des divergences et je pense qu'il faut les reconnaître et les admettre entre deux blocs, deux parties, que ce soit le monde des hommes et des femmes qui sont au travail et le bloc des employeurs ou du monde patronal — on croit quand même qu'il y a une large place possible pour une coopération entre les parties qui ne sera certainement pas nécessairement facile. Il y a quelque chose qui est du domaine du défi et, dans ce sens, le projet de loi entend favoriser au maximum cette coopération entre les parties, notamment en fournissant aux deux parties les outils de base leur permettant de discuter sur une base d'égal à égal, c'est le cas de le dire.

Je pense qu'au-delà des divergences de vues qui sont prévisibles — personne ne s'imagine que cela peut être autrement — et de certains moments de durcissement des parties, notre rôle est certainement — et en ce sens je pense que les professionnels, dans la mesure où vous pouvez le faire avec la plus pleine, la plus totale indépendance et autonomie professionnelle, vous pourrez certainement apporter une contribution très grande pour faire tout ce qui est humainement possible, et nous aussi, je crois, comme gouvernement, pour faciliter tout ce qui peut encourager le dialogue plutôt que favoriser la polarisation et le durcissement des parties ou perpétuer les monologues qui, de toute façon, ne nous mènent nulle part.

Voilà, M. le Président, les commentaires et questions que j'avais à formuler. En terminant, je voudrais encore une fois vous remercier infini- ment de votre apport, de votre contribution. Soyez assurés qu'on va regarder très attentivement toutes et chacune des recommandations de votre mémoire.

Le Président (M. Dussault): M. Delisle.

M. Delisle: M. le Président, je veux remercier le ministre pour les éloges qu'il a faits à l'endroit de certains passages de notre rapport. J'essaierai de donner certaines précisions sur les questions que son intervention a soulevées. Tout d'abord, la question de l'affrontement, c'est-à-dire la possibilité d'affrontement que vous semblez lire dans notre rapport. On devrait plutôt parler de polarisation. À tous les niveaux de la structure proposée, on parle évidemment de structure bipartite, c'est-à-dire paritaire, et on insiste aussi pour que ce soient des votes en bloc et, à défaut d'unanimité, c'est l'impasse, c'est-à-dire la polarisation des deux positions qui peuvent être les mêmes. Dans ce cas, tant mieux, mais nous croyons que cet aspect supplémentaire, qui est le vote en bloc et qui est mentionné dans le projet, contribuerait davantage à une polarisation des opinions. Ce n'est pas, contrairement à ce que vous aviez laissé entendre tout à l'heure, la présence de la syndicalisation qui nous amène à craindre cette possibilité. Je pense que tout ce que nous en sommes, en tant qu'ingénieurs et architectes, nous avons des expériences assez heureuses dans ce domaine et ce n'est pas une crainte du phénomène qui nous amène à proposer cette alternative. En ce qui concerne...

M. Marois: Me permettez-vous un bref commentaire? Ma question avait deux volets. Je ne présumais pas de votre réponse. J'ai utilisé effectivement l'expression "affrontement". Vous craignez plutôt la polarisation. Ce que je voudrais savoir, c'est si vous pensez cela à cause d'une présence syndicale. Vous me dites: Non, ce n'est pas cela.

L'autre volet, c'était: Le craignez-vous en particulier à cause des pouvoirs décisionnels qui sont accordés au comité paritaire? Je comprends que vous me dites — vous n'avez pas touché à cette partie de ma question — qu'un des facteurs qui, dans votre esprit, pourraient contribuer à la polarisation, c'est le vote en bloc. Cela ressort clairement de ce que vous dites, bien sûr.

M. Delisle: Pour ce qui est du deuxième aspect, à savoir l'aspect décisionnel du comité, évidemment, l'élément principal qui nous amène à proposer que ce soit plutôt à caractère consultatif, c'est le fait que cela dilue la responsabilité légale de l'employeur vis-à-vis de la sécurité. Un organisme qui nous a précédés tout à l'heure mentionnait que c'est bien beau diluer la responsabilité, mais pour autant que ce qui peut en découler à tous les points de vue y compris le point de vue financier, puisse lui aussi être dilué ou réparti entre différents parties. C'est un peu dans ce sens que nous mentionnons que le comité pourrait être consultatif à ce niveau.

M. Marois: Mais ne craignez-vous pas — parce que cela confirme une des choses que je pensais qui soutenait peut-être votre argumentation quant à la crainte de la polarisation... Au fond, c'est l'argument qui nous a été servi par d'autres groupes sur la crainte de la dilution des pouvoirs de gérance d'entreprises, alors que d'autres groupes sont venus nous dire: Si vraiment on veut sortir de l'impasse actuelle des comités existants — parce qu'il en existe des comités, que ce soit en vertu de la Loi des établissements industriels et commerciaux, que ce soit en vertu de certaines conventions collectives — qui sont des comités consultatifs présentement...

Bon nombre de groupes sont venus devant nous pour dire: Non, au contraire, il faut aller encore plus loin dans l'implication des parties et dans leur participation. Même certains nous ont demandé d'aller plus loin sur les pouvoirs décisionnels du comité paritaire en disant: Les comités actuels qui ne sont uniquement que consultatifs — je vais prendre l'expression qu'a utilisée à plusieurs reprises mon collègue de Portneuf — cela virait souvent en comités de placotage où on prend un café et cela ne menait pas très loin très souvent. (18 heures)

II n'y avait pas là, en d'autres termes, selon bon nombre de témoignages qu'on a entendus, une incitation réelle à s'impliquer, à participer dans la mesure où, de toute façon, ce qui va ressortir de là, on en tiendra compte, on n'en tiendra pas compte; c'est au bon vouloir unilatéral d'une seule partie, alors que concernant certains des éléments, ceux qui sont les premiers impliqués et concernés, ce sont les hommes et les femmes au travail. Je pense, par exemple, à la partie du pouvoir décisionnel qui concerne le port de l'équipement de sécurité.

M. Delisle: D'accord. Comme je vous le mentionnais, c'était surtout au niveau de la responsabilité qui s'ensuit pour ce qui est de l'application des recommandations de ce comité.

En ce qui concerne l'identification aux employeurs, on mentionne dans notre rapport qu'on présente notre position en tant qu'ordre professionnel, en tant que travailleurs, c'est-à-dire ingénieur et architecte travaillant dans un domaine spécifique et non pas en tant que propriétaire d'entreprise ou employeur. Ceci est dû à différentes choses, en particulier au fait que, dans la loi — en particulier, les articles 60 et 93 — ces articles mentionnent, de façon explicite, les médecins comme pouvant être des personnes ressources auprès du comité et ils ne mentionnent pas les autres professionnels dont les services pouvaient être très utiles au niveau de la sécurité et de la santé au travail. Le ministre nous mentionnait tout à l'heure qu'il est prêt à élargir ou même à préciser davantage, dans les articles 60 et 93, la présence éventuelle et même — je dirais — requise de certains spécialistes. Je vous avoue que cela nous réjouit grandement et on trouve, à ce moment-là, que les spécialistes de la santé et de la sécurité autres que les médecins ont aussi leur place dans l'application et dans les mécanismes prévus par la loi.

En ce qui concerne l'approbation des plans et devis, vous demandez si on tient absolument à ce que ces plans soient approuvés par un inspecteur ou si c'est en vue de s'assurer qu'ils sont véritablement signés et approuvés par des professionnels que sont les ingénieurs ou les architectes. C'est la deuxième partie, évidemment, qui est notre première préoccupation en ce sens que nous voulons — c'est une de nos responsabilités en tant qu'ordre professionnel d'ailleurs — voir à ce que tous les plans soient dûment approuvés et signés par les professionnels qui les préparent. C'est dans ce sens-là que nous insistons sur...

M. Marois: Dans ce sens-là, le texte de loi à l'article... Je vais le retrouver, il est 18 heures pour moi comme il l'est pour tout le monde. Il y a un article très précis; je ne le retrouve pas sur le coup, mais il prévoit spécifiquement que les plans doivent être — je ne me souviens pas de l'expression qu'on utilise — attestés ou certifiés par architecte et ingénieur et, en plus, cet article indique que de l'opinion des experts... C'est l'article 43: "L'employeur... ne peut... à moins d'avoir préalablement transmis des plans et devis d'architecte ou d'ingénieur attestant de leur conformité aux règlements..." Cela ne répond-il pas à votre préoccupation?

M. Delisle: Partiellement. J'ai dit partiellement...

M. Marois: Expliquez-moi cela comme il le faut pour que je comprenne.

M. Delisle: Dans notre mémoire, c'est partiellement dans le sens que c'est limitatif dans un endroit donné. Dans le projet de loi, on spécifie que les plans d'ingénieur et d'architecte sont requis pour conformer la solidité d'un bâtiment, d'une structure ou d'un ouvrage. On précise, dans notre mémoire, qu'il y aurait lieu d'élargir davantage tous les champs de compétence, entre autres, de l'ingénieur, qui sont autant au point de vue mécanique, électrique, chimique ou autres. Cela semble un peu limitatif de s'en tenir à cela. C'est pour cela que je dis partiellement. Le principe est là globalement, mais il y a une précision à apporter au niveau de la définition des champs de compétence de l'ingénieur et de l'architecte.

M. Marois: D'accord. C'est noté.

M. Delisle: Quand on mentionne un secteur, c'est limitatif. Il faudrait marquer le mot "notamment", si on veut...

M. Marois: Bien.

M. Delisle: M. Dagenais aurait peut-être une précision.

Le Président (M. Dussault): M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-Paul): Nous nous référons, entre autres, à l'article 185, 23e paragraphe, où l'on précise que c'est à la commission de déterminer quand et dans quelles circonstances des plans d'ingénieur et d'architecte seront requis, alors que l'ancienne Loi des établissements industriels et commerciaux spécifiait que c'était automatique qu'il fallait des plans d'ingénieur et d'architecte.

M. Marois: D'accord. C'est noté.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Delisle, messieurs, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Vous nous formulez des recommandations particulières. Vous formulez aussi des inquiétudes. Il nous apparaît que la question de santé et de sécurité n'est pas strictement un problème médical, ni strictement un problème de structure, ni simplement un problème de participation employeur et employé.

Des professionnels comme vous ont leur place dans un dossier comme celui-là parce que l'action dans le domaine de la prévention et aussi de la correction, de la modification, etc., implique du travail de plusieurs champs professionnels que ce soit les médecins, que ce soit les hygiénistes industriels — on en a longuement parlé au début des travaux de notre commission — que ce soit l'ingénieur, l'architecte, pour corriger des situations. Bien souvent, le médecin va constater un problème ou le début d'un problème mais, trop souvent, on n'a pas les moyens ou les possibilités technologiques pour remédier complètement à des problèmes d'où l'apport non seulement important, mais nécessaire des membres de vos deux corporations.

Je prends bonne note de vos recommandations, entre autres en ce qui concerne les petits chantiers de construction. À la lecture de votre mémoire à la page 5, vous consacrez plusieurs paragraphes aux petits chantiers de construction et je dois vous exprimer ma surprise de constater... C'est là le sens de ma première question, j'aimerais bien que vous me disiez où vous avez puisé vos chiffres lorsque vous soulevez que près de 75% des accidents proprement dits semblent s'être produits sur des petits chantiers, soit sur des chantiers comptant moins de dix travailleurs.

La deuxième question qui va un peu avec le préambule que je formulais tout à l'heure: Je trouve aussi intéressante la suggestion que vous formulez sur la composition de la grosse commission de santé et de sécurité où il y aura des représentants nommés par le gouvernement à même des suggestions formulées par les employés et les employeurs, en ce sens que cette commission ait un bloc de membres qui soient ni des personnes nommées sur suggestion des employés ni sur suggestion des employeurs. Je voudrais bien savoir si j'ai bien compris. Je trouve que c'est intéressant. Je présume — je vais aller un peu plus loin dans ma question — que vous souhaiteriez que des membres de vos ordres professionnels ou peut-être que des ingénieurs ou des architectes puissent être déférés ou référés par des corporations professionnelles comme la vôtre au ministre pour fins de nomination. Vous pourrez me confirmer cela.

La troisième question que j'ai à vous poser: J'aimerais connaître vos commentaires sur ce qui se passe dans le domaine de la recherche actuellement au Québec. On a longuement élaboré sur l'aspect de la recherche. C'est un volet important du dossier. Quant à nous, nous croyons que les actions sont un peu éparses et qu'elles ne sont pas actuellement nécessairement des actions concertées. Je peux me tromper mais c'est notre impression. C'est dans ce sens que nous avons, du côté de l'Opposition, formulé la proposition au gouvernement de songer à implanter ou créer un genre d'institut ou un centre de recherche qui aurait comme principale responsabilité d'oeuvrer ou de fournir des renseignements, de faire de la recherche, des études sur des aspects techniques et même de pouvoir agir à contrat auprès de certaines entreprises, de fournir de tels services tant à la commission qu'aux entreprises, qu'aux associations d'employés, etc. J'aimerais savoir ce qui se fait actuellement dans le domaine de la recherche. Est-ce qu'on peut dire que c'est satisfaisant, peu satisfaisant ou si cela va très bien et qu'est-ce que vous croyez qui devrait être fait au niveau de la recherche? C'était là l'essentiel des trois questions que je voulais vous formuler.

Le Président (M. Dussault): M. Delisle.

M. Delisle: M. le Président, la réponse à la première question, à savoir d'où tenons-nous nos statistiques, vous remarquerez que dans le texte on dit "semble". J'explique pourquoi. Cela s'inspire d'un rapport de statistiques datant de 1976 sur les décès dans le secteur bâtiments et travaux publics en provenance du Service de la statistique de la Commission des accidents du travail. Quand on dit "semble", on n'identifie pas la grosseur du chantier comme telle, mais quand on voit qu'à Disraeli il n'y a pas eu de chantier majeur dans cette période et que le nom de l'entreprise-em-ployeur ne nous disait absolument rien, il y a des grosses chances que ce soit une petite entreprise. On voit dans ces statistiques qu'une bonne partie des accidents surviennent non pas strictement sur le chantier mais, par exemple, sur les routes. Sur 57 accidents, on en compte — je pense que M. Dagenais avait fait un décompte de tout cela —16, je pense, qui sont survenus au type en conduisant son camion pour aller au chantier ou des choses comme cela. À ce moment-là, par analyse de chacune de ces 57 mortalités, nous avons pu déduire qu'une grande majorité, soit 75%, n'était pas ce qu'on appelle des accidents de chantiers de construction survenant dans des gros chantiers, c'est-à-dire des chantiers de dix et plus, mais dans des

chantiers qui ne seraient pas touchés par la loi, ceux de moins de dix. C'est pour cela qu'on a tenu à le mentionner. Évidemment, comme on le disait tout à l'heure, c'est sous réserve. Ce sont des statistiques qui doivent être analysées en détail parce qu'on n'a pas tous les renseignements là-dessus en ce qui concerne le nombre exact d'employés sur le chantier concerné.

La deuxième question. Concernant la structure tripartite qui était proposée au niveau des associations et surtout de la commission, c'est qu'on y voyait effectivement un troisième bloc de gens qui n'étaient ni patrons ni employés, mais qui étaient des experts concernés par la santé et la sécurité des travailleurs. Il y a dans cela, évidemment, les experts du domaine de la santé, c'est-à-dire les experts médicaux, et aussi les experts tels qu'ingénieurs, architectes, hygiénistes et différents autres experts. On ouvrait même la porte à la possibilité que quelqu'un représente un peu le public, comme le font les membres externes de nos corporations professionnelles, par exemple. C'était dans ce but, afin de pouvoir élargir davantage l'éventail et aussi de trouver vraiment une place définie dans la structure aux spécialistes de la santé et de la sécurité.

Le troisième volet de votre intervention concernait la recherche au Québec. Vous nous demandez si on en est satisfait ou pas, si on trouve que l'orientation qu'elle a prise depuis quelque temps est satisfaisante. Je dois vous dire qu'il y en environ un mois, à la suite de l'étude d'un comité que nous avions mis sur pied, nous avons présenté un projet — je pense que cela a été présenté au ministre Landry; de toute façon, cela a été soumis au ministre responsable — sur la recherche scientifique au Québec dans lequel nous proposions des réorientations de certains organismes de recherche. On a déjà eu des échos de ces organismes. Cela veut dire que cela a fait un peu de bruit dans le milieu. Les prises de position que nous y formulons sont assez — je ne dirais pas radicales — formelles en ce qui concerne une réorientation de certains secteurs de la recherche à laquelle, évidemment, plusieurs membres de nos corporations sont drôlement impliqués, et nous devons d'ailleurs en avoir des suites. Il y a des entrevues, des rencontres prévues avec les autorités gouvernementales pour élaborer davantage sur les conclusions et recommandations de notre mémoire. Il serait assez long ici de vous résumer le contenu de ce mémoire qui était très volumineux. Je pourrai me faire un plaisir de vous en faire parvenir une copie, M. le député, si vous le désirez.

M. Pagé: Je l'apprécierais parce qu'à l'Industrie et au Commerce, il y a eu pas mal de changements depuis quinze jours, vous savez.

Le Président (M. Dussault): M. Santerre.

M. Santerre (Robert): Pour répondre à votre question et être plus précis au niveau de la recherche en sécurité, elle est sans aucun doute éparse, et il serait avantageux d'avoir un organisme quelconque, que ce soit un centre, que ce soit un bureau quelconque pour tenter de coordonner tout ce qui peut se faire au niveau de l'entreprise privée. De la même façon on voit l'intérêt de notre mémoire lorsqu'on mentionne que l'inspectorat ne relèverait pas de la commission. On pense, de la même façon, à toute l'expertise qui existe au niveau du groupe de l'hygiène industrielle, le SPE, qui sont des experts et qui pourraient être utilisés en consultation beaucoup mieux à l'intérieur de la commission parce que, comme consultants, nous allons nous adresser à eux alors que comme policiers on va les fuir. L'inspecteur est celui qui émet des contraventions, c'est une chose, alors que si l'inspecteur est celui qui peut nous fournir de la documentation, peut nous fournir une expertise... pas l'inspecteur, mais s'il y a un organisme quelconque, il y a des personnes qui peuvent nous fournir une expertise, nous allons les consulter.

M. Pagé: Merci. J'attends copie de votre mémoire, M. Delisle. Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervention. Au nom de la commission, je remercie...

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Pagé: Est-ce que le mémoire sera soumis intégralement au journal des Débats?

Le Président (M. Dussault): Je suppose que vous souhaiteriez le voir verser intégralement au journal des Débats? Ce sera fait. (Voir annexe E)

Au nom de la commission, je vous remercie pour votre participation aux travaux de cette commission et j'invite maintenant le dernier groupe, la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée, à se présenter devant la commission. (18 h 15)

Alors, j'invite le porte-parole du groupe à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée

M. Phillips (Roger): Merci, M. le Président, mon nom est Roger Phillips, je suis le président de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée. Je suis accompagné par M. Alva Chiasson, directeur de sécurité à l'usine d'Arvida à Jonquière, M. Bertrand Bouchard, vice-président et directeur régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean, M. Hugues Leydet, vice-président personnel, le docteur Gerald Kayne, directeur médical de la compagnie et M. Gilles Lavallée, secrétaire adjoint.

Le Président (M. Dussault): D'accord. M. Phillips je constate que, malgré que vous ayez fait l'effort de résumer votre mémoire, il est quand même assez volumineux; il sera peut-être difficile de nous le présenter en vingt minutes...

M. Phillips: Alors, M. le Président, je voulais justement suggérer que les dossiers supplémentaires que nous avons envoyés cette semaine soient versés au procès-verbal. Nous allons faire seulement un sommaire assez bref.

Je pense que, dans la documentation, nous avons déjà établi que notre entreprise partage entièrement l'objectif ultime visé par le projet de loi. De fait, à l'Alcan le mieux-être de nos employés s'inscrit au premier rang de nos priorités absolues. Comme on vous l'a démontré dans notre mémoire, ce n'est pas d'hier que l'Alcan accorde la primauté à la prévention des accidents industriels ainsi qu'au dépistage et à l'élimination des maladies industrielles.

Quelques mois après avoir accepté, en 1975, le mandat de diriger la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée qui gère des installations industrielles au Québec, en Colombie Britannique, en Alberta et en Ontario, j'ai émis une politique d'ensemble qui manifeste l'importance capitale que notre entreprise accorde au dossier santé-sécurité. Cette politique venait consacrer en quelque sorte les efforts soutenus déployés par l'Alcan dans ce domaine, depuis plusieurs années déjà.

À ce moment, M. le Président, j'aimerais céder la parole à mon collègue, M. Gilles Lavallée, qui est secrétaire adjoint de la compagnie, qui ajoutera aux commentaires déjà déposés dans notre mémoire original. À la fin de l'exposé de M. Lavallée, j'aimerais vous soumettre, M. le Président, une suggestion qui, nous le croyons sincèrement, contribuera à atteindre l'objectif que nous visons tous, soit le mieux-être des employés en milieu de travail.

M. Lavallée (Gilles): M. le Président, dans son désir d'assurer un minimum vital à tous les travailleurs québécois, le projet de loi annonce un régime qui cadre difficilement avec notre expérience et les mécanismes déjà en place dans chacun de nos établissements et qui risque même d'entraver le déroulement d'initiatives valables que nous avons entreprises au cours des dernières années.

De plus, la structure de participation suggérée et l'intégration des services de santé répondent difficilement aux impératifs de la gestion d'une entreprise aux multiples établissements spécialisés comme la nôtre, sans pour autant améliorer la protection de l'intégrité physique des travailleurs. Nous croyons donc que la loi, qui sera éventuellement adoptée, devrait prévoir certains aménagements pour les entreprises qui ont déjà programmes et services structurés et efficaces.

Nous fondons nos espoirs en ce sens sur les vues réalistes à notre avis que le gouvernement exprimait dans son livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, lorsqu'il y déclarait que: "Le milieu du travail est à même de juger des mécanismes appropriés, compte tenu des expériences déjà entreprises".

Comme le mentionnent le livre blanc et le projet de loi, il incombe à l'employeur d'aménager les lieux de travail de façon que le droit de l'employé, à des conditions qui ne portent pas atteinte à sa santé et à son intégrité physique, soit respecté, mais il est souvent difficile, parfois même très coûteux, de réaménager les lieux de travail dans des usines dont la construction remonte à la fin des années 1940. C'est toutefois à coups d'efforts soutenus que nous oeuvrons depuis de nombreuses années à la réduction du nombre des accidents et à l'assainissement des milieux de travail. Depuis 1960, nous avons investi $140 millions pour l'assainissement de l'environnement interne de nos usines.

Nos efforts portent principalement sur la réduction des émissions de gaz et de poussière, de la chaleur et du bruit. De plus, toutes les mesures correctives en matière de protection sont utilisées. Malgré tous ces efforts, il peut exister des circonstances imprévisibles qui peuvent menacer l'intégrité physique de nos employés. Les contremaîtres ont alors le pouvoir et le devoir de suspendre les travaux ou d'ajourner l'exécution de certaines tâches tant que les risques n'ont pas été éliminés ou que les mesures de protection adéquates n'ont pas été prises. Notons finalement que nos usines en voie de construction sont conçues de manière à réduire les risques d'atteinte. Ainsi, l'usine d'électrolyse de Grande-Baie, actuellement en voie de construction, aura fait l'objet d'importantes innovations techniques dans ce domaine. Des $300 millions affectés au coût de la construction des deux premières phases, environ $60 millions seront consacrés à la création d'un environnement sain.

Dans le domaine de la prévention des accidents, le projet de loi reflète le désir légitime du gouvernement d'intégrer et de faire participer le travailleur aux activités de la sécurité. Toutefois, le projet de loi, tout en consacrant les responsabilités et les obligations de l'employeur, lui retire certains outils nécessaires à leur actualisation en mettant en place des structures qui sont hors de son contrôle et de sa responsabilité. Je crois qu'à cet égard il est important de rappeler que le projet de loi tient l'employeur responsable de l'application d'une politique de santé et de sécurité conçue cependant et décidée par une structure d'autorité parallèle qui n'aurait, elle, aucune responsabilité morale, juridique ou financière.

À l'Alcan, nous avons mis au point des mécanismes de participation qui, tout en visant les objectifs du projet de loi, nous permettent de continuer d'assumer pleinement nos responsabilités d'employeur. Ces mécanismes d'actualisation et de participation nous ont permis de déléguer aux employés eux-mêmes, à leur contremaître et au coordonnateur à la sécurité, c'est-à-dire aux personnes les plus proches des problèmes, plusieurs des responsabilités que le projet de loi accorde au comité de santé et de sécurité et aux représentants à la prévention. À la demande des représentants syndicaux, nous avons intégré à la convention collective ces mécanismes de participation des employés. Les comités — nous en avons 32 — ont pour fonctions d'étudier les statistiques relatives à la situation de la sécurité,

de procéder à des tournées d'inspection des lieux de travail et de faire des recommandations, de participer aux enquêtes relatives aux accidents avec perte de temps et aux quasi-accidents et de faire les recommandations appropriées.

Au travail de ces comités, il faut ajouter les activités d'une quarantaine de spécialistes de la prévention et, plus important encore, la participation dos employés au niveau de chaque contremaître. Il ne s'agit pas seulement ici de rencontrer contremaître-employés dans le but de rendre plus sécuritaire l'aire de travail, mais aussi de tout le processus d'analyse sécuritaire des tâches dans lequel les employés sont directement et profondément impliqués. Ce type d'organisation s'est avéré efficace. Le livre blanc évaluait à 1 sur 7 la proportion de travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie industrielle. Chez nous, cette proportion est quatre fois moindre, j'ai bien dit quatre fois moindre.

Les mécanismes que nous avons mis de l'avant, et dont l'application a été convenue avec nos employés et leurs représentants, tout en satisfaisant aux objectifs gouvernementaux, permettent à l'entreprise de gérer efficacement les fonctions de santé et de sécurité, ce qu'elle ne pourrait faire si les mécanismes prévus par le projet de loi étaient retenus.

La Société d'électrolyse et de chimie Alcan gère en effet, au Québec, quatre usines d'électrolyse, quatre centres de coulée, deux usines d'alumine, une usine de produits chimiques, six centrales hydroélectriques, des installations portuaires, un chemin de fer, un hôtel et un siège social, le tout dispersé sur le territoire québécois et regroupant environ 10 000 employés représentés par une vingtaine d'unités syndicales. Nous avons aussi des établissements dans trois autres provinces canadiennes.

Le projet de loi prévoit la formation d'un comité de santé et de sécurité à pouvoir décisionnel au sein de tout établissement groupant dix travailleurs ou plus. Il définit en outre un établissement comme, et je cite: "L'ensemble des installations et de l'équipement physiquement groupés et organisés sous l'autorité d'une même personne ou de personnes liées, en vue de la production de biens ou de services." Selon l'interprétation qui sera donnée à cette définition de l'établissement, nous serons en face de l'une des deux situations suivantes: ou bien nous aurons 21 comités paritaires dotés chacun de leurs pouvoirs respectifs, provoquant ainsi un morcellement injustifiable et incontrôlable de nos programmes et plans d'action; ou bien nous aurons un seul comité pour notre entreprise, comité dont le travail devra se faire en coordination avec six DSC différents, même dans le cas de la première hypothèse, puisque nos quatre alumineries relèveraient de quatre DSC différents et que nos six centrales hydroélectriques relèveraient de deux DSC différents.

Quelles que soient l'hypothèse et la structure finalement retenues, si ces comités sont dotés de toutes les fonctions qui sont présentement pré- vues au projet de loi, fonctions qui, chez nous, sont fortement décentralisées ou, encore, exercées par des services spécialisés, ils devront se rencontrer tous les jours.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi aura tout simplement provoqué la naissance d'une superstructure ou d'une structure parallèle peu susceptible d'augmenter la participation des employés de l'Alcan et peu susceptible également d'atténuer les risques d'accidents ou de maladies. Nous croyons qu'il serait préférable, dans le cas d'entreprises aux multiples établissements spécialisés où des structures ont déjà été mises en place, que le projet de loi puisse tenir compte de ces structures et de leur efficacité. Cela n'exclut évidemment pas la possibilité d'y apporter des améliorations qui entraîneraient une plus grande participation des employés, ni non plus la mise en place de mécanismes gouvernementaux de contrôle.

À l'Alcan, nous avons toujours cru en notre responsabilité et notre obligation de fournir à nos employés les services de santé compétents et adéquats. Dès 1928, nous avions à notre emploi un médecin à temps plein aux usines d'Arvida. Présentement, nous avons à notre emploi dix médecins à temps plein, trois spécialistes à temps partiel et vingt infirmières et techniciens. Nous sommes à construire, à notre complexe de Jonquière, un centre médical au coût de $1 700 000.

Les objectifs poursuivis par notre entreprise en matière de santé sont de protéger l'employé de toute atteinte possible à la santé dans le milieu de travail, d'assurer des services médicaux et de réhabilitation, d'affecter l'employé à un emploi compatible avec son état physique, mental et affectif et d'encourager tous nos employés à acquérir des pratiques personnelles saines. Les programmes de santé actuellement en vigueur à l'Alcan prévoient le maintien de services de santé appropriés à chaque établissement, des examens médicaux, la surveillance des heures de travail, le droit de l'employé à la confidentialité, l'application coordonnée de programmes de santé et d'hygiène industrielle visant à détecter et à contrôler toute situation qui pourrait affecter la santé des employés, l'interdiction de recourir à des produits et des processus de fabrication qui pourraient porter atteinte à la santé jusqu'à ce que des mesures protectrices soient prises et, finalement, l'élaboration de programmes de recherche en vue d'identifier les situations qui pourraient, à long terme, affecter le santé des employés.

Au chapitre des examens, nous administrons un examen de préembauche, des examens périodiques obligatoires qui sont en fonction des profils d'exposition de certains employés et de leurs habitudes de travail. Enfin, nous offrons à nos employés un examen périodique volontaire complet. (18 h 30)

Au chapitre de la recherche, l'Alcan a été la première entreprise en Amérique du Nord à étudier les effets de la chaleur et de l'effort physique sur la santé des employés et à évaluer le temps de

repos nécessaire à une récupération complète. Des études physiologiques dans ce sens sont menées chez nous régulièrement depuis 1943.

Notre programme médical porte également autant sur l'individu que sur l'employé. Nous sommes convaincus que le rôle de la médecine au travail doit déborder celui de la médecine industrielle et s'adresser à l'être humain tout entier et non seulement à une personne travaillant dans un milieu donné. C'est pourquoi nous offrons à nosemployés des services d'examens volontaires complets auxquels recourt la presque totalité de nos employés, situation qui en dit long sur la soi-disant mauvaise réputation des médecins d'entreprise.

L'intégration des services de santé au DSC ne se fera pas chez nous sans causer un certain préjudice à nos travailleurs. Si l'on en croit les données du livre blanc, nous pouvons affirmer que nos travailleurs bénéficient des services d'environ 10% du personnel médical québécois actif dans la médecine industrielle. Ceci représente environ un médecin par 1000 employés, alors que le livre blanc faisait état d'objectifs gouvernementaux de l'ordre d'un médecin pour 4000 employés. N'y a-t-il pas lieu alors pour le gouvernement de laisser se poursuivre le travail sérieusement amorcé dans certaines entreprises et de consacrer les ressources nouvelles des DSC et de la commission à la mise sur pied de services aux entreprises ou secteurs d'activités qui en sont le plus démunis?

Cela nous amène, M. le Président, au dernier point que j'aimerais tout simplement souligner devant votre commission, celui de la responsabilité de l'employeur. Plusieurs intervenants avant nous vous ont souligné que le projet de loi, s'il précise les obligations de l'employeur, s'il le tient responsable devant la loi, lui enlève cependant toute responsabilité. Nous croyons que le projet devrait être modifié pour reconnaître la responsabilité de l'employeur dans la gestion d'activités pour lesquelles on entend le tenir responsable.

Somme toute, M. le Président, nous croyons que le projet gouvernemental, tout en augmentant le service aux travailleurs d'entreprises qui ne sont pas dotées de programmes et de services de santé, risque de porter atteinte aux employés de l'Alcan. Ceux-ci bénéficient déjà de services médicaux et de professionnels qui, étant intégrés à l'entreprise, ont voix à la gestion et ont une connaissance poussée des problèmes de santé associés à notre production. Prévoyant certains aménagements, une telle approche permettrait au gouvernement de conserver ses pouvoirs de réglementation et de surveillance et d'avoir en même temps recours à des spécialistes de la sécurité et à des médecins bien implantés dans l'entreprise et bien au fait des possibilités d'action.

Sur ce, M. le Président, je laisse à M. Roger Phillips le soin de conclure cette présentation.

M. Phillips: M. le Président, je pense que nous avons démontré dans les documents et dans notre présentation que la Société d'électrolyse et de chimie Alcan est déjà organisée de façon à satis- faire aux objectifs du gouvernement en matière de sécurité et de santé au travail. M. le ministre Marois a indiqué, lors de son intervention, après la présentation de la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal, que le but prioritaire du projet de loi est d'offrir des services de santé et de sécurité aux employés dont les entreprises ne disposent pas présentement de tels services. Nous sommes naturellement tout à fait d'accord avec cette déclaration.

Comme vous avez pu le constater par la présentation de M. Lavallée, le cas de l'Alcan est très différent. Il n'y a qu'un très petit nombre d'entreprises au Québec qui disposent d'un programme qui se rapproche du nôtre. C'est pourquoi nous demandons que le projet de loi soit modifié de façon à contenir des aménagements qui permettront à des entreprises comme la nôtre de poursuivre l'élaboration, l'implantation et le suivi de leur programme de santé et de sécurité. À cette fin, M. le Président, la loi pourrait prévoir que l'État, par le biais de la commission de la santé et de la sécurité au travail, émette un certificat de conformité aux seuls employeurs qui répondent aux exigences que nous élaborons ci-après.

Il est vrai que le projet de loi laisse à l'employeur la possibilité d'établir des services et des programmes qui dépassent les exigences de la loi. Cela nous paraît, cependant, presque impossible à réaliser étant donné le morcellement et la duplication qu'une telle éventualité provoquerait.

Nous voudrions avoir la possibilité de poursuivre et d'intensifier nos efforts, en matière de sécurité et de santé au travail, avec les ressources dont nous disposons dans une approche globale et coordonnée.

À cette fin, ce que nous recommandons au gouvernement, c'est qu'il se réserve, dans la loi, surtout puisqu'il s'agit dans le présent cas d'une loi-cadre, la possibilité d'exempter certains employeurs de l'application de la loi ou de certains de ses chapitres ou articles, lorsque les structures, mécanismes, services et programmes de l'entreprise, en matière de sécurité et de santé au travail, rencontreront ou dépasseront les prescriptions de la loi.

Il s'agirait, en fait, d'une certification accordée à l'entreprise, certification dont les conditions et modalités pourraient être précisées dans un règlement de la commission. Sans entrer dans tous les détails de toutes ces conditions et modalités, nous pouvons tout de même en prévoir quelques-unes. Une telle certification ne serait ni automatique, ni permanente. Elle ne serait accordée et prolongée qu'à la condition que les mécanismes, services et programmes de l'entreprise rencontrent ou dépassent et continuent de rencontrer ou dépasser les normes, les exigences de la loi. Cela implique un examen de la situation au point de départ et, par la suite, des rapports, inspections et vérifications, contrôles et révisions périodiques, pour s'assurer du respect des conditions exigées pour l'obtention et le maintien du certificat d'exemption.

La commission vérifierait donc, d'abord, les structures et mécanismes mis en place, chez nous,

en matière de santé et de sécurité. Si des modifications sont jugées nécessaires, nous les effectuerons. Nous soumettrons à la commission les différents programmes prévus par la loi après les avoir discutés avec les représentants de nos employés. Nous les appliquerons, ensuite, en nous soumettant aux procédures de surveillance et de contrôle que la commission aurait édictées. Nous soumettrons, chaque année, à la commission, un rapport sur l'application de nos programmes et sur le fonctionnement de nos services, rapport que nous aurons auparavant discuté avec les représentants de nos employés. Nos programmes pourraient aussi être révisés périodiquement, une telle révision étant aussi discutée et soumise à la commission.

En quelques mots, ce ne sont là que les grandes lignes d'un processus d'application qui serait les conditions de base de ce que nous demandons. Nous croyons, qu'ainsi encadré et surveillé, notre travail, en matière de sécurité et de santé, pourrait se poursuivre sans que soient réduits les services dont bénéficient nos employés et sans taxer les ressources humaines et financières du système public que le gouvernement a l'intention de mettre sur pied.

Le fardeau de travail imposé aux organismes publics par l'application de ce système sera tel qu'il y aurait avantage à laisser fonctionner les systèmes privés qui, comme le nôtre, sont déjà bien structurés et qui sont aptes à assurer le gouvernement que ses objectifs, en matière de sécurité et de santé au travail, seront poursuivis aussi rigoureusement chez nous qu'ils le seront dans les autres entreprises du Québec.

M. le Président, l'essentiel de mes propos relatifs à la recommandation que je viens de formuler sont disponibles pour distribution aux membres de la commission. Merci.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Phillips. M. le ministre.

M. Marois: Je voudrais d'abord remercier la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée de son mémoire. Il y a bon nombre de choses dans votre mémoire et soyez assurés qu'on va prendre connaissance attentivement de chacune des recommandations qui sont contenues dans votre mémoire et qu'on va les étudier au mérite.

Vous me permettrez deux commentaires préliminaires et je voudrais, par la suite, toucher à un certain nombre - je ne peux pas relever, bien sûr, dans le temps qui est mis à notre disposition toutes et chacune des recommandations — au moins à un certain nombre des recommandations ou des commentaires qui sont contenus dans votre mémoire.

Le premier commentaire, c'est le suivant: il n'est certainement pas dans notre esprit de nous mettre dans une situation où il s'agirait de niveler à rabais et par le bas des résultats qui vont au-delà de ce qui est proposé, puisque le constat de la réalité nous amène à dire qu'au contraire, il faut assurer un minimum de base obligatoire qui n'existe pas présentement à l'échelle du Québec.

Il est tout à fait exact qu'il y a des entreprises à l'intérieur de certains secteurs économiques, de distribution, de services ou de production — peu importe — qui ont fait des efforts particuliers et qui ont mené des expériences particulières. Ce n'est certainement pas notre intention de faire en sorte de niveler tout cela à rabais et de balayer tout cela du revers de la main. C'est le premier commentaire que je voulais faire.

Dans votre mémoire, vous vous dites en accord avec l'objectif et avec une des approches clefs du projet de loi retenues, c'est-à-dire la participation des travailleurs et des employeurs. Cependant, vous vous opposez notamment à ce que le comité paritaire — pour prendre un coin — ait des pouvoirs décisionnels. Vous étayez cela d'une argumentation voulant ou estimant, de votre point de vue, que cela enlèverait à l'employeur des moyens d'assumer pleinement ses responsabilités.

Dans votre exposé de tout à l'heure, vous allez même jusqu'à dire que le projet de loi — je pense que je vous cite textuellement — lui — parlant de l'employeur — enlève toute responsabilité. Je ne vous cacherai pas très franchement que cette expression m'apparaît un peu énorme mais, enfin, il est 18 h 40 pour tout le monde, vous voulez faire valoir un point de vue, bien, on va le prendre comme tel, mais je ne vois pas en quoi — sur une base purement de commentaires d'ordre général, avant d'entrer dans le détail — le fait de partager certaines responsabilités avec les travailleurs équivaut à enlever les moyens d'assumer pleinement des responsabilités d'autant plus...

Je vais entrer ici dans des commentaires particuliers, j'ai lu très attentivement votre mémoire et certaines pages, certaines expériences que vous nous relatez sont drôlement intéressantes — il y a notamment l'annexe B — et m'amènent à conclure que vous nous confirmez dans nos hypothèses par les propres expériences que vous avez menées chez vous.

L'annexe B est donc particulièrement intéressante. Vous relatez l'expérience de la lutte menée contre le bruit au centre de coulée d'Arvida. Quand je lis le compte rendu, ce qui est dans votre mémoire aux pages 23, 24 et 25, je regarde la façon dont vous avez procédé, la façon dont vous l'avez fait en concertation avec les travailleurs; vous êtes allés même jusqu'à laisser les travailleurs, pour un des morceaux, à partir d'un certain nombre d'équipements de protection individuelle, choisir eux-mêmes.

Si cela n'est pas un pouvoir décisionnel, je ne comprends plus rien. Vous avez fait cela. En d'autres termes, vous avez fait, dans votre programme de lutte contre le bruit, au centre de coulée d'Arvida, exactement deux des fonctions prévues du comité à l'article 63, premier et deuxième paragraphes. C'est exactement ce que vous avez fait. Pourquoi ne voudriez-vous pas maintenant que cette expérience très concluante, puisque vous la prenez comme exemple pour la mettre dans votre mémoire, que de telles expériences puissent être ouvertes à l'ensemble des travailleurs du Québec, bien sûr, de façon graduelle? Il

va de soi que tout ne pourra pas être fait en même temps.

(18 h 45)

Qu'est-ce que vous avez fait en laissant non seulement le choix mais le pouvoir décisionnel sur le choix entre les mains des travailleurs? Est-ce que vous concluez, de l'expérience que vous avez menée, que vous trouvez très concluante, est-ce que vous concluez que cela vous a enlevé vos responsabilités? Vous avez certainement partagé une partie de votre pouvoir décisionnel. Vous avez certainement partagé une partie de votre pouvoir de gérance en faisant cela. Nous, ce qu'on dit, c'est que précisément, des expériences comme celle-là, on a sûrement répété depuis le début d'ailleurs qu'on n'était pas allé chercher cela dans les nuages, qu'il y avait déjà des expériences concrètes menées au Québec, on n'est pas allé en Irlande, ni prendre cela ailleurs, on a regardé la réalité du Québec, on a regardé l'expérience des autres pays et des autres provinces aussi. Vous me semblez, par vos propres expériences, confirmer certaines hypothèses qui sont formulées en jargon juridique dans un projet de loi, j'avoue et je comprends mal à la fois vos commentaires d'ordre général en ce qui concerne les pouvoirs décisionnels et les expériences, par ailleurs, très concrètes que vous avez menées vous autres mêmes.

Deuxièmement, parce que là je crois qu'il y a eu une ambiguïté qu'il faut absolument lever, et si c'est le texte de loi qui n'est pas clair, on est là pour en discuter justement pour s'assurer, pour faire en sorte de le rendre, de le bonifier au maximum. On n'est pas là pour faire un texte de loi qui va créer des emmerdements à tout le monde par exprès. Ce n'est pas du tout cela l'objectif. Ce n'est certainement pas ce qu'on a en tête. Vous nous donnez l'exemple du seul complexe de Jonquière qui est un deuxième exemple intéressant de fonctionnement chez vous, où, avez-vous dit, il y a 32 comités qui sont, si je comprends bien, accrochés à autant de surintendants. C'est une chose. C'est le concret de la réalité vécue chez vous. En même temps, par ailleurs, vous nous dites: Le projet de loi est beaucoup trop rigide quant à la mise en place des comités paritaires. Vous vous objectez à ce que vous appelez la rigidité du projet de loi qui rendrait impossible la poursuite de l'expérience que vous menez de ces comités qui sont là. Là, je voudrais vraiment lever, autant que faire se peut, une ambiguïté qui me semble persister.

C'est dans ce sens qu'à plusieurs occasions, j'ai dit et répété qu'il était hors de question, que ce n'était pas notre intention de niveler à rabais et par le bas des expériences valables qui sont menées dans certains coins du Québec. Prenons ce cas très précisément parce que je présume que c'est à partir d'expérience comme celle-là que vous craignez, selon la lecture que vous faites du projet de loi, une rigidité trop grande qui viendrait défaire des expériences qui sont menées notamment chez vous, les fameux 32 comités existants. D'une part, le projet de loi no 17, — et s'il y a des points qui sont contraires à ce que je vais dire, j'aimerais que vous me les indiquiez, on va les regarder à la loupe — les articles 3, 7, 280 n'empêchent pas que par convention collective, les parties s'entendent sur un plus grand nombre de comités, le nombre convenu entre les parties. Deuxièmement, il n'y a rien qui empêche le comité d'établissement de créer autant de sous-comités qui seraient jugés nécessaires pour tenir compte de la diversité de situations de travail. Troisièmement, je suis prêt, le cas échéant, si cela n'est pas suffisant, à regarder et à examiner la possibilité de trouver des formules additionnelles pour s'assurer que la souplesse requise et la marge de manoeuvre d'entente et de discussion entre les parties soient là très clairement établies pour que les parties puissent convenir des ajustements et de la souplesse requise pour ajuster les choses aux réalités qui, forcément, varient d'une entreprise à l'autre, d'un secteur à l'autre.

Je voudrais que ce soit bien clair, mais s'il y a des articles, en particulier, qui vous amènent à conclure dans le sens que vous évoquez dans votre mémoire, j'apprécierais que vous attiriez notre attention là-dessus.

Troisième élément, cela concerne le représentant à la prévention, les pages 11, 12 et 13, je crois, de votre mémoire. Je comprends que vous ne soyez pas particulièrement chauds, c'est du moins ce qu'on peut dire, à l'idée d'un représentant à la prévention.

J'ai lu votre mémoire, j'ai écouté, le plus attentivement possible, aujourd'hui, votre présentation et j'avoue que vous ne me convainquez pas. J'aimerais vous entendre encore une dernière fois s'il y a des éléments ou des arguments additionnels que vous voulez faire valoir. Je ne vois pas pourquoi des travailleurs n'auraient pas droit à un minimum de permanence libérée pour procéder à des inspections, à des vérifications, s'assurer que le programme de prévention qui est convenu est bel et bien appliqué, relever des situations qui leur paraissent dangereuses, informer les autres travailleurs, les autres travailleuses de l'entreprise, accompagner les inspecteurs quand ils se présentent. Je ne vois pas pourquoi ce seraient uniquement les employeurs qui pourraient accompagner les inspecteurs, comme cela s'est fait traditionnellement, et le reste.

Vous devez avoir de bons arguments. J'ai cru comprendre que vous exploitiez en Ontario, notamment. Vous savez que la loi ontarienne le prévoit. Est-ce que cela vous crée des problèmes particuliers de fonctionnement en Ontario? Est-ce que vous entrevoyez des problèmes particuliers propres au Québec, que vous n'auriez pas vécus en Ontario? Je pense qu'il serait intéressant qu'on vous entende un peu plus longuement sur cette question, parce que comme je l'ai invoqué dans le courant de cet après-midi, non seulement je ne suis pas convaincu, je suis ouvert, je suis prêt à écouter, je suis prêt à tenir compte des recommandations qu'on m'a formulées depuis le début . des travaux de cette commission, à la condition que je sente qu'elles sont étayées. J'avoue hon-

nêtement — et ce n'est pas à cause de l'argumentation — je vous dis simplement que l'argumentation utilisée jusqu'à maintenant ne me convainc pas. Non seulement elle ne me convainc pas, elle m'amène au contraire à penser qu'il faut peut-être même aller plus loin que ce qui est prévu dans le projet de loi no 17 dans ce domaine. Là-dessus, je vais être bien franc et je suis prêt à vous entendre encore à ce sujet.

Maintenant, une chose, on a eu longuement l'occasion de discuter de toute la question des services médicaux de l'intégration — je ne veux pas revenir là-dessus à cette heure-ci — mais il y a un point. Quant à la possibilité — vous le soulevez dans votre mémoire, et je crois que vous avez raison de le soulever — qu'un seul employé, dans un cas où il n'y a ni comité ni syndicat - évidemment, ce n'est pas le cas de l'Alcan, de toute façon, mais vous le soulevez quand même dans votre mémoire — puisse demander la destitution d'un médecin. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que j'étais prêt à regarder cette affaire-là. Je pense que vous avez raison de le soulever, vous n'êtes par les premiers à le faire. Soyez assurés qu'on va regarder cela de très près.

Voilà, M. le Président, les premiers commentaires et questions.

Le Président (M. Dussault): M. Phillips. M. Phillips: M. le Président...

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. En terminant, je voudrais vous remercier de votre mémoire et je tiens à vous remercier aussi de l'avoir illustré d'exemples très concrets, en particulier les annexes qui sont accrochées à votre mémoire, parce que cela nous permet, pour ceux qui n'ont jamais eu l'occasion d'aller sur place, au moins de voir, de façon concrète, un peu comment les choses se sont passées de votre point de vue. Là, on va voir si cela confirme les pistes qu'on cherchait à déblayer.

M. Phillips: M. le Président, je suis très heureux de savoir que M. Marois n'a pas l'intention de niveler la qualité des services qui y sont déjà existants. Nous sommes disponibles à en discuter de toutes sortes de manières qui préviendraient un tel nivelage, parce que de la façon qu'on a lu le projet de loi, on se demandait comment on pouvait éviter une telle chose.

M. Marois: Ce qui ne veut pas dire cependant — il ne faudrait pas me faire dire ce que je ne dis pas — que je ne maintiens pas jusqu'à nouvel ordre que les hypothèses qui sont dans le projet de loi no 17, concernant ce qu'on a appelé la fin des médecins de compagnie, n'est pas l'hypothèse qui doit être retenue. C'est une autre chose.

M. Phillips: M. le Président, le ministre a posé plusieurs questions et comme il l'a constaté, il est tard, mais on pourrait parler de la question de la responsabilité pendant quelques heures.

Cependant, on va tenter brièvement de toucher cette question et les autres. Avant de céder la parole à M. Leydet, notre vice-président du personnel, j'aimerais juste ajouter que nous avons 20 unités syndicales à Québec. Organiser 20 groupes, qui ne sont pas tous de la même fédération, pour faire des changements avec les comités proposés, etc., ce serait une tâche très difficile. Oui, il existe cette possibilité, mais on fait affaire avec plus qu'un groupe en même temps. M. Leydet, aime-riez-vous commenter la question de la responsabilité?

M. Leydet (Hugues): Oui, je vais en faire une partie et je vais peut-être demander à M. Lavallée de me donner un coup de main. Je pense que la question de la responsabilité est devant nous. Nous avons fait beaucoup d'expériences, c'est un fait. Un exemple était l'exemple que vous avez choisi où, effectivement, il y a eu participation.

M. Marois: Que vous avez choisi, plutôt. M. Leydet: D'accord.

M. Marois: J'imagine que vous aviez de bonnes raisons de le choisir.

M. Leydet: Nous avons plusieurs dossiers.

M. Marois: Mais il m'a frappé, il est intéressant.

M. Leydet: Effectivement, il y a eu beaucoup d'expériences. Nous avons, petit à petit, à travers les années, accumulé des expériences où véritablement la participation a été vécue, a été bien vécue. Cependant, je voudrais demander sur qui, dans toutes ces expériences-là, dans la finalité des choses, il était clair que la responsabilité finale du succès devait quand même revenir. C'est sur la compagnie. On se place dans cette optique. Dans la finalité des choses, si les choses tournent mal, comme entreprise, nous sommes quand même responsables, devant la loi et devant nos employés. C'est ce qu'on essaie de dire. Je pense que cette notion est d'autant plus critique qu'avec cette conviction de cette responsabilité, nous sommes effectivement capables de créer plutôt une ambiance de participation. Je pense que la participation, on ne peut pas l'imposer par une loi. Même dans une convention collective, vous pouvez avoir d'excellentes clauses de participation mais il faut créer l'ambiance et une partie de la création de l'ambiance est quand même de dire: En fin de compte, nous sommes responsables de la sécurité, nous sommes responsables du dépistage des maladies, nous sommes quand même responsables de la santé des employés qui travaillent pour cette compagnie. C'est dans ce sens que la question de la responsabilité se présente.

Je pense que c'est presque une nécessité pour que les expériences aient un suivi. Les expériences, c'est très joli, mais, vraiment, il y a une attitude de prise de conscience et de prise de

responsabilités et par les employés et les cadres, en fait. Je ne parle pas seulement d'employés payés à l'heure ou d'employés de bureau, je parle aussi de contremaîtres, de contremaîtres généraux, de surintendants. C'est quelque chose qui se crée à travers les années. Si la situation devient ambiguë, à savoir qui est vraiment responsable, est-ce un comité paritaire qui, dans la finalité des choses, sera tenu responsable? Je pense que nous irons vers un déclin.

L'autre question, qui rejoint la question de la responsabilité, est effectivement la question qui touche le côté santé: là, je parle plutôt de nos médecins, de la gestion de nos centres de premiers soins, de nos centres médicaux, de nos infirmières. Là, vraiment je pense qu'il est actuellement difficile pour nous d'envisager que ces médecins, ces infirmières pourraient, étant employés par l'État, rendre exactement les mêmes services qu'ils rendent actuellement à nos employés. Je vous donne un exemple. Les infirmières qui sont à notre emploi actuellement et qui font passer des examens à nos employés — comme M. Lavallée vous le disait tantôt, ce sont, pour beaucoup, des examens volontaires — ont une connaissance du milieu, ont une connaissance des problèmes, ont souvent une connaissance même des individus comme individus comme employés, évidemment, et les méthodes utilisées ont été rodées après un certain nombre d'années. Ces personnes sont vraiment au service de ces employés et je pense que c'est ce lien que nous voulons garder. (19 heures)

Enfin de compte, je pourrais peut-être mentionner une chose. C'est sûr que si ces médecins, ces infirmiers et infirmières, ne sont pas à l'emploi de la compagnie, ils font partie évidemment des DSC ou des centres hospitaliers. Là, effectivement, nous croyons que nous perdrons ce lien du point de vue formation, du point de vue qualité d'examen, du point de vue suivi qui, aujourd'hui, sont à notre main, c'est-à-dire que ces personnes sont actuellement sur les listes de paye de la compagnie mais elles sont au service des employés.

On ne met pas nos médecins dans une situation de conflit, par exemple: un médecin qui devrait décider qu'on doit dépenser tant. C'est une question de gestion. Nous pensons que là encore, il y aurait ambiguïté et danger que les buts que nous voulons tous rejoindre soient amenuisés et, qu'effectivement, on en sorte avec — quoique les objectifs demeurent les mêmes mais dans la pratique — que nous ne puissions pas rencontrer les objectifs que nous nous sommes tracés.

M. Lavallée: M. le Président, si on revient à l'exemple que vous avez tiré de notre mémoire, c'est effectivement pour illustrer le fait qu'il y a déjà des mécanismes ou des modes de fonctionnement qui rejoignent ce qui est prévu au projet de loi pour les comités de santé et de sécurité. Dans le cas de l'exemple en question, il y a eu, effectivement, un partage de responsabilités jus- qu'à ce que, comme vous le mentionnez, l'employé décide ce qu'il voulait porter, ce qui lui convenait le mieux. C'est quand même un partage, je dirais, qui s'est bâti dans la relation; cela n'a pas été dicté à un moment donné: À l'avenir, vous aurez ce droit. En fait, il a fallu, même avant d'aller à la protection de l'employé, avoir un programme de sensibilisation. Il a fallu aussi avoir, de la part de la société, des indications très claires qu'on n'avait pas l'intention de dire: Vous allez porter des cache-oreilles. Mais il va y avoir un programme d'élimination à la source.

M. Marois: Excusez-moi de vous interrompre. Si c'est cela la réalité de l'Alcan, c'est ce que vous nous dites que c'est, je pense qu'on prend votre parole, et si la loi vient dire exactement la même chose, quel problème cela pose-t-il à l'Alcan? Deuxièmement, il n'y a pas que l'Alcan au Québec. Il s'agit d'une loi qui va s'appliquer avec un certain gradualisme — encore une fois, on ne peut pas tout faire en même temps — mais qui est de portée universelle.

En d'autres termes, si l'article 63, paragraphe 1, reconnaît un pouvoir décisionnel quant aux équipements de sécurité — c'est ce que vous avez fait — qu'est-ce que cela change? En quoi... je ne comprends pas le lien.

M. Lavallée: II y a certains éléments qui sont changés, M. le Président, si l'on prend, par exemple, les comités, même en reprenant la définition d'établissement pour la restreindre.

M. Marois: Mais si la loi... Une question, si vous permettez. Vos comités ont été convenus avec les parties syndicales. Chez vous, les employés sont syndiqués.

M. Lavallée: Oui.

M. Marois: Ils ont été convenus avec les parties syndicales. Si la loi vous permet, sur une base d'entente convenue entre les deux parties, la partie syndicale et l'employeur, de continuer à fonctionner sur la base des comités que vous avez, si cela satisfait les deux parties, qu'est-ce que cela vient changer?

M. Lavallée: À ce moment-là, dans chaque établissement, les comités sont établis à un niveau plus bas dans l'organisation, ce qui fait que pour un établissement, il y a déjà plusieurs comités.

M. Marois: Oui.

M. Lavallée: La loi permet d'en avoir plusieurs mais semble quand même obliger d'en avoir un pour chapeauter le tout puisqu'il en faut un par établissement. À ce moment-là, il y a une structure additionnelle qui semble s'ajouter à ce. que nous avons déjà. La même chose pour le représentant à la prévention. Il y en a dans plusieurs secteurs qui ont à peu près les mêmes fonctions et il semble que le projet de loi impose d'ajouter à cela une

structure de participation au niveau de l'entreprise alors que nous croyons que c'est au niveau le plus bas possible que la participation va le mieux s'actualiser.

C'est ce qui nous amène finalement à dire que c'est sûr qu'il y a toutes sortes d'entreprises au Québec et, d'un autre côté, il y en a sûrement d'autres qui fonctionnent comme nous le faisons. C'est ce qui nous amène à dire qu'il faudrait quand même que le projet de loi prévoie la possibilité de mécanismes pour identifier ou pour reconnaître ce qui existe déjà comme structures et éviter la superposition de structures additionnelles dans les cas où il y a l'équivalent ou ce que nous pouvons prétendre être déjà plus avancé.

M. Phillips: Pour faire le point sur la question de la responsabilité, je pense, M. le Président, que, quand on prend l'exemple qui était dans notre mémoire, à l'annexe B, cité par le ministre, il y aurait la question de savoir qui est responsable pour décider qu'il faut porter des protecteurs. C'est une chose. L'autre chose, l'autre question, c'était le choix. On avait deux systèmes qui, techniquement, étaient adéquats. Dans un cas, — je pense bien qu'on l'a cité — les employés ont décidé lequel était le meilleur à leur point de vue, mais la responsabilité d'être bien sûr que la protection était adéquate et qu'il fallait porter ces protecteurs, on la voyait comme notre responsabilité en tant qu'employeur.

Le Président (M. Dussault): Merci. Maintenant, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier MM. Phillips et Lavallée et leurs collègues de l'Alcan de la présentation de leur mémoire, du résumé et aussi du document reprenant la déclaration de M. Phillips à l'ouverture. Je pense que ces documents que nous avons consultés et leurs annexes sont très éloquents et démontrent à leur face même que, même si on a un problème de santé et de sécurité, même si on doit déplorer que, dans certains milieux, il n'y a pas suffisamment d'efforts qui ont été faits, même si tout le monde est unanime à constater l'obligation que le législateur intervienne dans ce dossier, on doit constater, par contre, qu'il y a au Québec des entreprises qui ont pris leurs responsabilités et vous en êtes, selon moi. Depuis plusieurs années, depuis plus de 30 ans — tout à l'heure, M. Lavallée évoquait un programme sur le bruit dès 1943 — vous avez consacré des efforts en dialoguant, en échangeant avec les travailleurs. Cela a certainement eu des résultats.

Vous consacrez dans toutes vos entreprises des budgets importants à la recherche technologique, des budgets par les professionnels qui sont affectés à ce dossier, que ce soient les hygiénistes industriels, les médecins, les infirmières, etc. La crainte que vous exprimez aujourd'hui au ministre d'État au Développement social est une crainte à laquelle nous nous associons aussi. Ce que vous dites, c'est que vous craignez qu'avec le projet de loi no 17, même si les objectifs sont louables, on fasse, somme toute, table rase de ce qui existe déjà. C'est ce qu'on évoquait et c'est ce qu'on mettait en relief comme appréhension dans la déclaration d'ouverture le 4 septembre dernier de la part du Parti libéral du Québec. Ce que nous recommandons, il ne serait pas trop tard pour le faire, vous le reprenez essentiellement aujourd'hui, il ne serait pas trop tard pour que le gouvernement modifie l'approche de son projet de loi. Il faut intervenir dans certains milieux. Que le gouvernement, par le projet de loi no 17, fasse en sorte que l'intervention se fera dans les secteurs prioritaires, dans les secteurs où il y a des problèmes, là où les gens ne prennent pas leurs responsabilités, là où il faut agir et là où c'est urgent d'agir. Qu'on crée une structure qui sera sous la juridiction ou dont l'organe moteur sera la commission de santé et de sécurité au travail, ce sera quand même une superstructure qui aura à établir des programmes de santé et un programme général de santé. On introduit le volet du réseau public avec les CHDSC, les départements de santé communautaire, possiblement les CLSC et tout cela. Le ministre, le gouvernement dit — et là-dessus, M. Marois et moi ne sommes pas d'accord, que rien n'empêche une entreprise, que ce soit l'Alcan, que ce soit Dupont ou une autre entreprise qui, au Québec, a déployé des efforts appréciables, de continuer ce qui existait antérieurement. Je ne suis pas convaincu que cela pourra se faire.

Qu'on prenne seulement un exemple bien spécifique, bien concret, qu'on a discuté et que vous avez élaboré un peu tout à l'heure, les infirmières. Le rôle de l'infirmière en milieu de travail est pas mal plus important que beaucoup de gens ne le croient. La première personne, c'est la personne qui est, bien souvent, le premier contact médical de santé ou autre auprès du travailleur. Qu'arrivera-t-il des infirmières? Les infirmières seront sous la juridiction du département de santé communautaire avec une responsabilité dans tout le milieu. Je ne veux pas faire écho au problème spécifique de votre entreprise qui aura à oeuvrer avec six départements de santé communautaire dans certains cas et avec deux départements de santé communautaire dans le cas des barrages. Déjà, ce sera un problème d'action et un problème — si je peux employer un terme juridique — de jurisprudence, de position ou d'approche qui pourrait être différent selon les différents départements de santé communautaire. Cela impliquera des problèmes aux entreprises comme aux employés de l'une ou l'autre des entreprises. Ce que je veux dire, c'est que dans le cas spécifique de l'infirmière, je ne suis pas convaincu que les travailleurs de l'Alcan auront autant de service de la part de l'infirmière ou des infirmières qui dépendront du département de santé communautaire que des infirmières qu'ils ont dans le moment et qui travaillent pour eux dans la structure de service de santé de l'entreprise. Ces dames et ces filles feront partie d'équipes volantes. Elles auront à s'occuper de plusieurs entreprises et ne pourront

pas assumer ou s'assurer du suivi continuel, même personnel, dans plusieurs cas, du dossier avec l'individu.

Le deuxième volet de cet aspect. L'entreprise pourra-t-elle élaborer un programme de santé spécifique? Oui, elle pourra le faire. Pas de problème. Mais cela prendra quand même la permission ou le OK de la commission de santé et de sécurité en vertu de... J'oublie quel article, mais c'est quand même noir sur blanc dans la loi. La crainte que j'ai dans tout cela, c'est que les entreprises qui ont déployé des efforts appréciables disent: Coudon! Le gouvernement a adopté une loi, le gouvernement a fait son lit par la loi 17 et ce à quoi on est obligé maintenant, c'est à la loi 17. L'initiative dans l'action ne se fera pas seulement par moi, comme entreprise et comme employeur, mais elle se fera par moi toujours sujet aux normes de la commission de santé et de sécurité, telles qu'appliquées par le département de santé communautaire de la région. Quant à moi, je crains que ce que vous dites soit vrai, que ce soit une modification, un nivellement à rabais. Quand le ministre dit qu'il n'y aura pas de nivellement à rabais, je crois qu'il y en aura possiblement du nivellement à rabais. Nous craignons que ce soit strictement un minimum, que ce soient des conditions minimales de santé qui seront contenues dans les différents programmes et dans les règlements. La commission de santé qui adoptera des règlements, qui édictera des normes, ce seront des normes de base, des normes minimales, parce que ces normes seront susceptibles et sujettes à avoir des effets dans toutes les entreprises du Québec ou dans différents secteurs de l'industrie qui n'ont pas la même technologie et qui n'ont pas le même degré d'avancement. C'est une appréhension qui est là. C'est une appréhension qui peut avoir des répercussions très graves.

Ce que vous proposez est assez intéressant, soit le processus de certification permettant à certaines entreprises ou à certaines catégories d'entreprises d'avoir plus de pouvoirs dans l'action, mais toujours sous le contrôle de la commission de santé et de sécurité. Je trouve que c'est une approche qui est très intéressante et j'espère que le gouvernement, à la lumière des échanges qu'on a eus — particulièrement, le ministre d'État au Développement social — avec les quelque 60 intervenants qui sont venus ici, pourra approfondir cet aspect de la question. Autant il est vrai qu'il faut agir, que le gouvernement a une responsabilité, autant il est vrai aussi que des secteurs d'industrie au Québec et des entreprises ont déployé des efforts. Je ne suis pas convaincu que ce serait à l'avantage des travailleurs oeuvrant dans ces entreprises-là de mettre cela de côté pour se limiter seulement à une réforme de structure dans laquelle on aura le réseau public. (19 h 15)

Les gens du réseau public, même s'ils ont la meilleure détermination du monde, la meilleure volonté du monde, sont quand même astreints à des obligations budgétaires, des obligations de paperasses administratives et de lourdeurs admi- nistratives. Cela dépendra aussi de la capacité de certaines régions du Québec à se joindre ou à définir chez elles et à mettre en pratique le projet de loi no 17. Je ne suis pas convaincu que ce sont tous les départements de santé communautaire du Québec qui sont prêts en un temps deux mouvements à mettre tout cela sur pied. Le processus de certification aurait peut-être du bon sens et cela m'apparaît tout au moins très intéressant et j'invite le ministre à le regarder. Merci messieurs.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Messieurs de la compagnie l'Alcan, cela me fait énormément plaisir d'avoir l'occasion de parler avec vous aujourd'hui parce que vous êtes aussi les représentants de l'Alcan à Beauharnois, comté dont je suis le représentant à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous poser quelques questions. Je sais que la compagnie Alcan a différentes usines; d'ailleurs, au Québec, vous en avez plus qu'une. Vous en avez en Ontario, mais on va s'en tenir au Québec pour le moment. Je sais aussi qu'à travers les usines que vous possédez au Québec, celle qui semble avoir le plus d'importance, et de beaucoup, par rapport aux autres, est celle d'Arvida je crois. Quand on regarde votre document et qu'on va aux annexes I, J et K, on s'aperçoit, évidemment, que l'accent est mis sur l'usine d'Arvida. Quand on regarde le projet de loi, on dit que le projet de loi ne s'applique pas à une entité comme telle, à une compagnie comme telle, mais à l'usine comme telle. Tout est appliqué à chacune des usines. Si une compagnie possède cinq usines, le projet s'applique cinq fois à cinq usines bien distinctes. Quand on regarde votre organigramme entre autres, à l'annexe K, on s'aperçoit que le programme de sécurité et de santé a été largement élaboré à Arvida et, en deuxième lieu, à l'usine de Vaudreuil. Par contre, on ne retrouve pas — peut-être pas parce qu'il n'existe pas — un programme de sécurité élaboré à l'usine de Beauharnois par exemple. Est-ce parce que l'usine de Beauharnois est plus petite, moins importante? Bien sûr, elle compte seulement environ 350 employés par rapport à tout près de 5000 ou 6000 à Arvida. Bien sûr que pour la compagnie Alcan, Beauharnois est de beaucoup inférieur en potentiel. Est-ce que, parce que c'est moins important, vous allez... Je ne voudrais pas imaginer ou penser que Beauharnois est négligé par rapport aux autres, mais je suis porté à le croire d'après les annexes que j'ai consultées ici. Quand on regarde aussi à l'annexe J, on voit les chiffres. Dans la sécurité, vous avez trois colonnes: Endroit, fréquence à ce jour et gravité à ce jour. Quand on regarde Beauharnois par rapport à Arvida, par exemple, dans fréquence à ce jour, c'est 34,66 au niveau de l'électrolyse et 24,61 au Centre de coulée par rapport à 19,80 à Arvida. Quand on regarde la gravité, on compare Arvida 150,16 par rapport à 384,24 et 473,68 à Beauharnois. Je ne sais pas si j'interprète bien votre tableau; il est très simplifié, il n'y a peut-être

pas d'annotation à côté des chiffres, mais je pense que je l'interprète comme il faut. Je vous pose autant de questions en vrac et j'aimerais avoir des réponses.

M. Phillips: M. le Président, le député de Beauharnois a posé beaucoup de questions. J'aimerais souligner le fait que si on a utilisé des exemples tirés de notre complexe de Jonquière, qui est en fait divisé en trois usines, c'est parce que la complexité de mener un site où vous avez 6000 employés ou plus est beaucoup plus difficile que pour une usine comme Beauharnois. C'est probablement la raison pour laquelle on a utilisé ces exemples. En ce qui concerne la fréquence et la gravité des accidents à Beauharnois, on n'est pas fier de notre record là-bas.

M. Lavigne: Je l'espère.

M. Phillips: Comme vous le savez probablement, il y a plusieurs années, à cause d'un manque de demande, la direction a fermé la moitié de l'usine parce que l'usine comprend deux salles de cuves; l'une a été fermée pendant plusieurs années et quand la moitié de l'usine a été rouverte, on a dû commencer avec des employés qui n'avaient jamais travaillé pour l'Alcan. On a deux groupes de travailleurs là-bas, des gens qui sont dans la cinquantaine à peu près qui représentent la moitié, et l'autre moitié est âgée à peu près de 25 ans. Nous avons des problèmes de culture, de différences d'âge, d'habitudes et toutes sortes de choses. L'usine de Beauharnois était gérée de Shawinigan. Il y a quelques mois, on a décidé que l'usine méritait son propre directeur, alors, nous avons un nouveau directeur sur place, à Beauharnois, et on espère que dans quelques années, j'aimerais que ce soit dans deux semaines, mais au moins, dans quelques années, on pourra être aussi fiers de notre record de Beauharnois que de ceux d'ailleurs. Je ne sais pas s'il y a d'autres...

M. Bouchard (Bertrand): Faire un point là-dessus, peut-être aussi un peu rejoindre le point de M. le ministre tout à l'heure. On a parlé de 32 comités, c'est un fait, mais ces 32 comités travaillent à l'intérieur d'un même objectif global, si vous voulez, une même orientation et sous une même administration totale. Ils n'ont pas de pouvoir décisionnel. Ils ont un pouvoir de recommandation. On assure les comités que chaque recommandation sera étudiée et qu'ils auront une réponse. Dans certaines circonstances, et que ce soit à Beauharnois, à l'île Maligne ou Roberval-Saguenay qui est aussi petit que Beauharnois, effectivement, présentement, il est vrai qu'ils ont la possibilité de prendre certaines décisions à l'intérieur d'un cadre global. Administrer 32 comités de cette façon-ci nous paraît beaucoup plus facile qu'en administrer 32, si vous voulez, à l'intérieur de DSC différentes et avec des pouvoirs décisionnels nettement différents de ceux qui existent présentement. Je voulais ajouter ce commentaire pour vous dire que tout le monde est traité un peu de la même façon, d'une part, et pour revenir aux 32 comités que vous avez mentionnés tout à l'heure.

M. Marois: Je m'excuse parce qu'il est déjà 19 h 20 et je sais qu'on a fait une bonne journée. Je ne veux pas allonger la discussion. Il y a toute la question des infirmières, des médecins, et des DSC. C'est une chose. Mais, dans votre dernière intervention, vous avez ramassé tout le paquet en même temps. Cela me paraît un peu court, dans la mesure où vous nous avez dit vous autres mêmes que vous avez reconnu un pouvoir décisionnel, notamment, sur le port des équipements de sécurité — moi je vous dis, l'article 63, paragraphe 1, c'est simplement cela qu'il fait — et vous me dites dans votre mémoire: On n'est pas d'accord, cela n'a rien à voir avec les départements de santé communautaires, cela n'a rien à voir avec les CLSC. Cela n'a rien à voir avec l'existence ou pas d'une clinique médicale à Arvida rattachée à la compagnie.

M. Lavallée: Ce n'est peut-être pas tellement un pouvoir décisionnel, M. le Président, en fait, que de donner à chaque individu la liberté de choisir ce qui lui convient le mieux. À ce moment, c'est une participation individuelle et non pas structurée dans un type d'organisation comme celui qui est proposé. C'est le genre de participation qu'on est intéressé à pousser le plus souvent et le plus loin possible, mais ce sont les structures — comme je le mentionnais tout à l'heure — qui se développent plus qu'elles ne s'imposent.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Un petit commentaire...

Le Président (M. Dussault): Très brièvement.

M. Chevrette: Un petit commentaire et une question. Tout d'abord, le commentaire. Cela ne surprendra pas mon ami de Portneuf de voir que je suis en désaccord avec lui sur le fait que lorsqu'on vote une loi-cadre fixant des minimums, mais que la loi-cadre reconnaît que par convention collective on peut avoir plus, si dans les conventions collectives il existe déjà des clauses négociées, je pense bien que le vice-président au personnel sait fort bien que c'est difficile d'aller en deçà des droits acquis lors de négociations.

Cela dit, vous demandez à l'intérieur de votre mémoire qu'il puisse y avoir un article ou une clause qui permettrait de déroger au système global puisque tel type d'organisation dans une usine fonctionne bien.

J'ai une appréhension et c'est peut-être ma déformation syndicale là-dessus, mais si on avait cette clause — je ne veux pas négocier avec vous autres — j'ai envisagé des hypothèques théoriques en tout cas. À supposer qu'à la suite d'une requête conjointe du syndicat et d'un employeur, on

puisse recourir à un mécanisme autre que celui de la loi, j'y verrais encore un danger, si on le laissait dans la loi. Vous savez pertinemment qu'on a à peine quelque 30% de syndiqués, qu'il pourrait se glisser des syndicats de boutique. Vous n'êtes pas sans savoir que cela existe et que cela pourrait être une manière d'échappatoire pour l'application concrète de la loi dans certains milieux. Je ne parle pas là où il y a des syndicats bien structurés reconnus depuis des années, qui ont travaillé depuis des années sur certains points. C'est grâce justement à ces comités que le climat des relations du travail en général s'en ressent à part cela. Mais là où il y a un syndicat de boutique, si on laissait une telle échappatoire, vous ne croyez pas que cela pourrait être un danger immense à l'intérieur de la loi de créer un tel pouvoir discrétionnaire? Ne faudrait-il pas ajouter tout au moins que c'est la commission, après vérification et enquête, qui pourrait elle-même accorder une certaine forme divergente, mais après enquête — je dis bien — et surtout pas dans le cadre où il y aurait des syndicats de boutique?

M. Lavallée: Je crois que c'est justement le genre de proposition que nous faisions, que ce processus de certification soit soumis à contrôle, à vérification, et qu'il ne soit évidemment pas automatique, mais qu'il y ait d'abord une vérification des structures et des mécanismes en place, de la part de la commission, qui sera sûrement le maître d'oeuvre de tout le processus. Cette possibilité, c'est ce que l'on suggère et, en même temps, ce que l'on souligne, c'est que si, dans le projet de loi, il n'y a pas cette possibilité, si elle n'est pas inscrite, justement parce que c'est une loi-cadre, lorsque, devant peut-être des situations qui le justifieraient, la commission voudrait agir, elle serait bloquée par le fait que la loi ne permet pas un tel mécanisme. C'est dans ce sens que l'on suggère qu'il soit inscrit dans la loi cette possibilité de fonctionner de cette façon, pour éviter une rigidité que la réalité pourrait démontrer être trop forte pour certaines situations.

M. Phillips: Je dois signaler aussi que la certification ne sera pas permanente. Alors, il y aura toujours possibilité de reprendre l'affaire.

Le Président (M. Dussault): Merci. Pour qu'on s'entende bien, j'en ai discuté avec quelqu'un, un des représentants de l'Alcan, il ne serait pas raisonnable, je pense, de transmettre directement au journal des Débats tout le document, particulièrement le gros document que vous nous avez soumis. Ce qu'on a convenu de faire est de verser le petit document au complet au journal des Débats ainsi que les 18 premières pages du document plus volumineux qui, en fait, est la déclaration. Votre déclaration comme telle, comme vous l'avez lue, paraît déjà au journal des Débats. Si cela convient à la commission et à nos invités, c'est ce qui se ferait. D'accord?

M. Phillips: Oui. (Voir annexe F)

Le Président (M. Dussault): C'est qu'il y a beaucoup de graphiques particulièrement à l'intérieur de cela et il y aurait des problèmes.

Cela dit, je remercie au nom de la commission la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée de sa participation et de sa collaboration aux travaux de notre commission.

Ceci met fin aux travaux de la commission aujourd'hui. Nous devrons reprendre nos travaux demain à 10 heures. J'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain 10 heures et bon retour, messieurs.

Fin de la séance à 19 h 30

ANNEXE A

Mémoire de Union Carbide du Canada Limitée

sur le livre blanc du gouvernement du Québec

au sujet de la santé et sécurité au travail

Le 17 septembre 1979

Le Secrétariat des Commissions parlementaires Hôtel du Gouvernement Bureau 2, Édifice A Québec, Québec G1A 1A3

À l'attention de Monsieur Marc Cantin, Secrétaire Cher monsieur,

Pour faire suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je vous transmets sous ce pli la lettre que monsieur Hainey adressait au Secrétaire de la Commission permanente du Travail et de la Main-d'oeuvre en date du 17 août dernier au sujet du projet de loi 17.

Tel que je vous l'ai mentionné au téléphone, cette lettre fut expédiée de Toronto le 17 août 1979 et nous a été retournée le 14 septembre par le bureau de poste avec les mentions "adresse incomplète", "service et ministère inconnus".

Je crois comprendre que ces documents seront déposés à la Commission mais qu'il est peu probable que la Commission puisse les prendre en considération en raison du retard et des dossiers volumineux à étudier. Le retard étant dû à des circonstances en dehors de notre volonté, nous espérons que la Commission tiendra compte de notre lettre du 17 août.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de nos sentiments distingués.

(Mme) Rachel McShane Secrétaire de M. Hainey

Le 17 août 1979

Le Secrétaire

Commission permanente du Travail et de la Main-d'oeuvre

Secrétariat des Commissions

Hôtel du Gouvernement

Québec, Québec

J1A 1A4

Monsieur le Secrétaire,

Union Carbide du Canada Limitée a suivi avec intérêt et inquiétude l'élaboration du projet de loi 17 du Gouvernement du Québec.

Nous avons préparé et soumis en avril 1979 un mémoire présentant nos vues au sujet du Livre blanc sur la santé et sécurité au travail. Vous trouverez ci-joint un exemplaire de ce mémoire.

La compagnie a également participé à la préparation d'un mémoire sur le projet de loi 17 de l'Association canadienne des Fabricants de Produits chimiques et du Conseil du Patronat. Ces mémoires ont été soumis conformément aux directives publiées dans la Gazette du Gouvernement.

La compagnie appuie la position prise par les associations mentionnées ci-dessus et vous prie d'accorder une attention toute particulière à leurs mémoires.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de mes sentiments distingués.

Major-Général B.F. Macdonald, président Association canadienne des Fabricants de Produits chimiques

M. Pierre Côté, président Conseil du Patronat

La compagnie

Union Carbide du Canada Limitée est l'une de plus importantes sociétés manufacturières du Canada. L'année dernière son chiffre d'affaires dépassait les $500 millions, et elle comptait 5000 employés au Canada.

Premier producteur de résines et pellicules de polyéthylène, produits de carbone et de graphite, ferro-alliages, piles sèches et boyaux alimentaires, la Compagnie est aussi l'un des principaux fabricants de produits chimiques organiques, d'antigel automobile et de gaz industriels.

La présence de Union Carbide du Canada Limitée et des compagnies qui l'ont précédée dans la province de Québec remonte à près de 60 ans. Avec un effectif de quelque 1500 personnes dans la province, la Compagnie est reconnue pour la stabilité de son personnel et le très grand nombre d'employés aux longs états de service.

Les installations manufacturières situées au Québec sont diverses et hautement spécialisées et varient entre le groupe des Plastiques et Produits chimiques à Montréal-Est, les Métaux à Beauharnois et Chicoutimi, les Pellicules à Cowansville et les Produits de Gaz dans sept régions du Québec. De par leur nature particulière, chacune des installations requiert l'apport de spécialistes hautement qualifiés pour gérer et contrôler chaque procédé. Depuis la production jusqu'à la haute direction, en passant par tous les niveaux intermédiaires, chaque emploi nécessite un degré de formation et d'expérience totalisant plusieurs années-hommes. Les connaissances requises en raison de la nature technique particulière de chaque secteur d'activité ont été accumulées au fil de nombreuses années et proviennent de sources multiples et expérimentées, y compris Union Carbide Corporation.

La sécurité et la santé des employés chez Union Carbide

La nécessité d'offrir au personnel un milieu de travail salubre et sécuritaire a toujours été l'une des principales préoccupations de la Direction de Union Carbide, comme en font foi toutes ses pratiques d'exploitation. Cet énoncé de principe: "L'homme est notre actif le plus important — sa sécurité et sa santé notre plus grand souci" témoigne bien de l'engagement de la Compagnie à cet égard. Une politique générale a été élaborée à partir de cet exposé, attestant que la Sécurité et la Santé de tous les employés, tant au travail qu'en dehors du travail, sont de première importance chez Union Carbide du Canada Limitée. La Compagnie a pour objectif de sensibiliser tous les employés à exercer le maximum de vigilance afin de prévenir les accidents. À cette fin, les engagements suivants ont été pris: — La direction met en oeuvre des programmes destinés à prévenir les accidents, maladies et pertes matérielles; — Un programme d'enseignement et de formation est offert aux employés afin de leur permettre d'exécuter leurs tâches sécuritairement; — Tous les employés doivent assumer leur responsabilité — envers eux-mêmes, leur famille et leurs compagnons de travail — de façon à ce que leurs actions ne causent aucun accident.

La Compagnie établissait, il y a plusieurs années, un comité sur la Santé, la Sécurité et l'Environnement qui est composé des Directeurs généraux de chaque division. Ce comité relève directement du Comité de Direction de la Compagnie qui, à son tour, rend compte des questions sur la Sécurité, la Santé et l'Environnement au Conseil d'administration de la Compagnie. Ce comité est chargé de recommander des politiques touchant la santé, la sécurité et l'environnement et de surveiller l'application du programme à l'échelle de la Compagnie.

Les politiques approuvées par la Compagnie sont mises en oeuvre à travers la compagnie par l'intermédiaire des cadres axiaux, la Direction étant persuadée que la sécurité, la santé et l'environnement doivent faire partie intégrante des responsabilités de chaque cadre les jugeant aussi essentiels au bon fonctionnement de l'entreprise que les procédés de fabrication et les normes techniques.

Un service de santé complet est en place à chacune des usines. Un équipement moderne, des professionnels expérimentés connaissant bien les exigences des procédés de fabrication en matière de santé, sont en place à chaque installation importante. Un programme de surveillance biologique au moyen de techniques modernes est en cours; des dispositions sont prises pour réadapter les employés après une maladie et modifier les tâches des employés en fonction de leur âge. En plus des exigences reliées au milieu du travail, le programme de santé prévoit des services de surveillance de la santé exercés sur une base de rappel régulière. Des programmes sur ordinateur ont été établis dans le cadre du programme de protection de l'ouïe à l'aide de l'audiomètre, et les employés sont initiés aux principes de santé.

La Compagnie a un Programme d'Hygiène Industrielle bien établi relevant d'un Hygiéniste industriel professionnel. Les cadres axiaux sont responsables de l'application des principes uniques et hautement spécialisés d'hygiène industrielle dans tous les procédés de fabrication. Des programmes complets destinés à identifier, évaluer et contrôler tous les risques possibles propres à chaque installation existent déjà.

Un programme semblable et hautement perfectionné touchant la Sécurité du Personnel et des Procédés et adapté aux besoins particuliers de chaque installation est le point d'honneur de Union Carbide depuis nombre d'années.

Nous accueillons favorablement l'initiative du Gouvernement à rendre publiques ses intentions sur cet important sujet et nous sommes heureux d'avoir la chance d'y répondre. Par ses recommandations, Union Carbide veut d'abord aider à assurer que la loi finale sera équitable, efficace et lorsque mise en application, qu'elle protégera les droits des travailleurs à un milieu de travail sécuritaire et salubre.

Nous présentons ci-après une analyse de la situation actuelle et proposons, à toutes fins utiles, d'autres solutions:

Partie I

Nous sommes d'accord, en principe, avec l'analyse et les conclusions tirées dans la première section du livre blanc. La validité des statistiques relatives aux accidents et maladies laisse peut-être à désirer dans certains cas, mais l'on peut de bon droit conclure que la fréquence des accidents et des maladies en général, dans les secteurs privé et public de la province de Québec, est beaucoup trop élevée. C'est là une conclusion générale, et il est évident que ces taux de fréquence (Accident et Maladie) varient énormément d'un secteur et sous-secteur d'activité à l'autre.

Partie II

En analysant la seconde partie du livre blanc, nous constatons que l'application de certaines propositions pourrait entraver la bonne marche des programmes de sécurité et de santé de Union Carbide déjà en cours. Ces propositions sont: 1.Comité paritaire

Le gouvernement du Québec s'inquiète de la fragmentation des responsabilités actuelles et subséquemment, de son impuissance à faire respecter les règlements en matière de Santé et de Sécurité. Quant à nous, nous voyons avec appréhension toute mesure susceptible d'empêcher la Compagnie d'assumer elle-même ses responsabilités en matière de sécurité et de santé. Union Carbide voit d'un très mauvais oeil l'idée d'abdiquer sa responsabilité touchant la sécurité et la santé en faveur de "comités paritaires". La Compagnie a formé des Comités de Sécurité qui sont effectivement mis à contribution; leurs membres sont choisis parmi les travailleurs horaires et les employés mensuels et, un représentant syndical siège au Comité, dans les installations desservies par un syndicat. Ces comités ont la responsabilité: a) D'assurer la bonne communication du Programme de Sécurité; b) De surveiller si le programme est effectivement mis en application et suivi; c) D'assurer que les lacunes sont rectifiées et de soumettre un rapport à cet effet.

À notre avis, ces mesures vont bien au-delà de l'intention du livre blanc. Si le gouvernement persiste à vouloir établir des comités paritaires, alors nous recommandons au moins que le président du comité paritaire soit une personne qui siège déjà au comité de la Compagnie. Le président sera ainsi parfaitement au courant des exigences spécifiques des procédés et du personnel, du milieu du travail et de la nécessité de respecter la confidentialité de l'information technique. Ce comité devrait continuer d'assumer un rôle consultatif auprès de la direction, comme c'est présentement le cas. 2.Le droit de refuser un travail dangereux

Nous sommes en faveur du concept visant à assurer un milieu de travail salubre et sécuritaire. Nous avons toutefois peur que la législation de ce droit sans moyen de recours serait susceptible d'abus. L'interruption d'une tâche par un employé pourrait mettre en danger la santé et la sécurité d'autres personnes ainsi que de la collectivité environnante. Dans le projet de loi à l'étude, le travailleur a l'autorité d'interpréter lui-même si oui ou non le travail est sécuritaire. Union Carbide soutient que la consultation de personnes ayant reçu une formation professionnelle est essentielle pour pouvoir évaluer ce qui constitue des conditions dangereuses ou un danger imminent. Nous recommandons donc d'inclure les dispositions suivantes à cette section: a) Discussion de la situation par l'employé avec son superviseur immédiat. b) Au besoin, obtenir l'avis d'un agent de maîtrise du niveau hiérarchique suivant et d'un technicien compétent. c) Recours, en cas d'abus, au Service des Relations professionnelles ou aux procédures de règlement de griefs déjà établies.

Des dispositions devraient également être prévues pour les situations extraordinaires exigeant des travaux d'entretien préventif et d'urgence, qui demandent le port de matériel de protection personnelle approprié, le recours à du personnel de maîtrise ou à des spécialistes de l'extérieur.

3. Les Services de Santé au Travail

Nous sommes heureux de constater l'intérêt que porte le Gouvernement au segment important de la population active actuelle de la province qui ne bénéficie d'aucun service de santé au travail. La

mise en oeuvre du programme de santé défini dans le Livre blanc assurerait un minimum de services de santé à ces travailleurs. Il est toutefois des compagnies dont les normes établies dans ce domaine sont supérieures à celles proposées. Faut-il conclure que ces compagnies devront réduire leurs services? Une telle décision serait inacceptable tant à l'employeur qu'aux employés et syndicats, le cas échéant. L'idée de transférer l'administration quotidienne du service de santé à un Département de santé communautaire nous trouble vivement. Nous recommandons donc que le Ministère définisse, sous forme de règlements, les exigences minimums en matière de santé et qu'il tienne l'employeur responsable de s'y conformer. Le Gouvernement devrait assumer un rôle de vérificateur pour assurer que les services minimums obligatoires sont effectivement offerts et à la disposition des employés. À notre avis, la centralisation des services de santé, telle que proposée, serait une mesure rétrograde qui desservirait les intérêts des employés travaillant pour des compagnies qui disposent déjà de services de santé supérieurs.

4. Les mécanismes d'établissement des normes

Selon le Livre blanc, c'est le Ministre qui aura la responsabilité d'établir les règlements et les normes. On ne fait aucune mention cependant des mécanismes qui présideront à l'élaboration et à l'établissement des règlements et des normes. La réglementation spécifique doit s'appuyer sur des données scientifiques et être réaliste sur le plan du coût global et des avantages dérivés; elle doit aussi tenir compte des besoins de l'industrie visée. L'élaboration des règlements et des normes doit prévoir des mécanismes de consultation "préalable" avec toutes les parties intéressées.

Nous recommandons à cet effet que le Ministre fasse paraître, dans la Gazette du Québec, avant la rédaction d'un règlement, un avis signifiant son intention de commencer l'examen d'un projet de règlement et invitant les intéressés à présenter un mémoire avant l'établissement dudit règlement. Cet avis, ainsi que le projet de règlement, devraient être publiés dans la Gazette du Québec au moins 90 jours avant l'étude dudit règlement de façon à permettre la rédaction et la discussion des mémoires.

5. Confidentialité de l'information

Si le projet de loi sur la santé et la sécurité se fondait sur le Livre blanc, les compagnies pourraient se voir obligées de fournir des renseignements précieux et confidentiels aux comités conjoints, Département de la santé communautaire, Associations sectorielles, Commission de la santé et de la sécurité au travail, etc. L'absence dans le Livre blanc, de mécanismes visant à garantir la confidentialité pourrait entraîner la divulgation de renseignements secrets. Nous recommandons donc de prévoir, dans le projet de loi sur la santé et la sécurité, les garanties suivantes: a) La Compagnie doit avoir le droit de décider si l'information qu'elle fournit est de nature confidentielle ou non et d'en spécifier la nature. b) L'agence gouvernementale qui reçoit les renseignements confidentiels devrait avoir un système de sécurité acceptable qui ferait l'objet d'une vérification et d'une certification périodiques. c) L'agence gouvernementale qui reçoit l'information confidentielle ne devrait pas avoir le droit de partager cette information avec d'autres agences. d) Toutes les personnes ayant accès à l'information confidentielle devraient être liées au secret par serment. e) La divulgation de l'information confidentielle par l'agence qui l'a reçue initialement ne se fera que sur la permission écrite de la Compagnie.

6. Le rôle des inspecteurs

Le rôle et les droits des inspecteurs, ainsi que les titres et compétences que l'on exige d'eux ont besoin d'être élucidés. Dans les industries techniques telles que la pétrochimie, les gaz et les ferro-alliages, les connaissances particulières requises pour évaluer les installations et procédés et faire des recommandations du point de vue santé et sécurité ne peuvent être acquises qu'après une longue formation et plusieurs années d'expérience.

Résumé

En résumé donc, Union Carbide du Canada Limitée se réjouit des efforts que déploie le Gouvernement du Québec pour assurer à tous les employés un milieu de travail salubre et sécuritaire.

La dilution du contrôle de l'employeur, dans les domaines où la responsabilité dernière appartient à la Compagnie, est toutefois pour nous une source de préoccupation intense. Nous remarquons également qu'aucune disposition n'a été prévue dans ce projet concernant le rôle de l'Association de Prévention des Accidents Industriels du Québec dont les réalisations au chapitre de la prévention des accidents industriels sont pourtant impressionnables. Le choix du médecin de la compagnie et les modalités contractuelles devraient, à notre avis, demeurer la responsabilité de

l'employeur. Nous croyons aussi que les compagnies ayant déjà établi des comités employeur-employés devraient pouvoir les conserver; la loi devrait prévoir la possibilité que ces comités fonctionnent de concert avec les agences gouvernementales. Nous croyons fermement que les compagnies qui ont déjà des programmes de santé et de sécurité efficaces et à point devraient pouvoir les conserver puisque dans plusieurs cas, ils sont administrés par des professionnels. Le remplacement de ces professionnels, dans le cas de Union Carbide, par des personnes-ressources sur une base intermittente serait une mesure rétrograde et inefficace. Nous désirons aussi porter à l'attention du Gouvernement que les personnes ayant reçu une formation professionnelle sont en nombre restreint, et que l'industrie à haute technologie doit se prévaloir des services de ces personnes hautement qualifiées. L'émiettement de leurs services sur la collectivité industrielle se ferait au détriment des entreprises à haute technologie. Union Carbide se réjouit d'avoir pu faire connaître ses idées sur une loi d'aussi grande conséquence. Nos professionnels de la santé sont à votre entière disposition et ils se feront un plaisir de paraître devant tout comité pertinent chargé d'examiner ce dossier, afin de répondre à toute question et de fournir tous détails complémentaires.

Submission of Union Carbide Canada Limited

on the government of Quebec's white paper

on occupational health and safety

April, 1979 The company

Union Carbide Canada Limited is one of Canada's largest manufacturing companies with sales last year in excess of $500 million and 5000 employees in Canada.

The Company is Canada's foremost producer of polyethylene resins and films, carbon and graphite, ferroalloys, dry batteries and food casings. It is a leading producer of organic chemicals, automotive antifreezes and industrial gases.

Union Carbide Canada Limited and its predecessor companies have a history of operation in the Province of Quebec dating back almost 60 years. Employing some 1500 people in the Province, the Company is known for its stable work force and large number of long service employees.

Manufacturing facilities in Quebec are diverse and highly specialized ranging from the Plastics and Chemicals group at Montreal East, Metals at Beauharnois and Chicoutimi, Films at Cowansville and Gas Products at seven Quebec locations. The nature of each business requires highly trained specialists to operate and control each particular process. There are many man-years of training experience within each level of job function from the production floor on through the organization up to and including all levels of management. The knowledge required due to the specialized technical nature of the businesses has been developed over a long period of time and gathered from many and experienced sources including Union Carbide Corporation.

Safety and health of employees at Union Carbide

The necessity of providing the work force with a healthful and safe environment is and has always been a major concern of Union Carbide Management and this concern is integrated into all operating practices. This commitment is reflected in the Company's Safety statement "People are our most important asset — their safety and health our greatest concern". A general policy has been derived from this belief which asserts that the Safety and Health of all employees, both on and off the job, is of prime importance to Union Carbide Canada Limited. The Company's objective is to develop the maximum possible safety awareness among all employees and thereby to prevent accidents. To this end, the following commitments have been undertaken: — Management provides programs designed to prevent injuries, illnesses and property losses; — Éducation and training are provided to employees to enable them to perform their duties safely; — All employees are required to discharge their responsibility — to themselves, their families and their fellow employees — in such a way as to ensure that their actions do not result in accidents.

The Company established many years ago a Health, Safety and Environmental Affairs committee composed of the General Managers of each business. This Committee reports directly to the Management Committee of the Company which in turn reports on Safety, Health and Environmental Affairs to the Company Board of Directors. This Committee is responsible for recommending policies on health, safety and environmental affairs and monitoring the program throughout the Company. The Company approved policies are implemented throughout the Company through line management reflecting Management's view that safety, health and environmental affairs are an integral part of all managers position accountability and are as essential to efficient operations as are production processes and technical standards.

A complete medical service is in operation at each plant location. Modern facilities, expert professional staff knowledgeable in the health requirements of the manufacturing process are provided at each location. Biological monitoring is ongoing and utilizes current technology; consideration is made for employee rehabilitation following sickness and altered work processes appropriate to aging of the work force. In addition to work place requirements, the Medical program provides regular recall health maintenance services. Computerized programs have been established within a composite audiometric hearing protection program and health education is practiced.

The Company has a well established Industrial Hygiene Program under the direction of a fully qualified Industrial Hygienist. Line management is responsible for the implementation of the highly specialized and unique requirements of industrial hygiene within the manufacturing processes. Complete programs for identification, evaluation and control of all possible exposure risks are in place with specific accountabilities at each location.

A similar and highly sophisticated Personnel and Process Safety program, a strong feature of Union Carbide for many years, is in operation, with specialized direction at each facility.

We welcome the Government's initiative in making public its intentions on this important subject and appreciate the opportunity to respond. The purpose of Union Carbide's recommendations is to help ensure that the final legislation will be equitable, effective and when implemented, will protect workers' rights to a safe and healthful work environment.

We submit the following analysis of the existing situation and offer constructive alternatives:

Part I

We agree in principle with the analysis and conclusions drawn in the first section of the White Paper. Accident and sickness statistics may be of questionable validity in some instances, but one can properly conclude that the accident rate and the illness rate in general within the private and public sectors of Quebec are far too high. This is a general conclusion, and it is evident that these rates (Accident & Illness) vary drastically depending on the specific sector and sub-sector.

Part II

Our analysis of the second part of the White paper indicates that there are a number of proposals which, if implemented, would interfere with the effectiveness of current Union Carbide health and safety programs. These are as follows:

1. Parity Committee

The Government of Quebec is concerned about the fragmentation of existing responsibilities and subsequent inability to enforce Health and Safety regulations. We too are concerned with any steps which might detract from the Company's ability to manage its responsibilities in the area of safety and health. Union Carbide deplores the suggestion to abdicate its responsibility for safety and health to "parity committees". The Company has developed and operates with Safety Committees; their membership includes both hourly and salaried employees and where there are unions, there is union representation. Their responsibilities are: a) To ensure that the Safety Program is properly communicated. b) To monitor and evaluate whether the program is being implemented and followed. c) To report deficiencies in the proper application of safety procedures. d) To follow up and report on the correction of such deficiencies.

We believe this more than meets the intent of the White Paper. If the Government persists in establishing parity committees, we recommend at least that the chairman of the parity committee be a person from within the existing company committee. The chairman will, thus, have full knowledge of the specific requirements of process and personnel, of the work area and respect for confidentiality of technical information. The role of the committee should continue to be as it is now advisory to management.

2. Right to Refuse Dangerous Work

We support the concept of the provision of safe and healthy work environment. We are concerned however that legislation of this right without recourse would make it subject to abuse. The interruption of a process by an employee could have serious consequences. The stoppage of work by one individual could endanger the health and safety of others and that of the adjacent community. Under the proposed legislation, the worker is given the authority to interpret personally whether the work is safe or unsafe. Union Carbide submits that consultation with professionally trained persons is required to assess what constitutes and unsafe condition or imminent danger. We recommend that this section should have the following provisions:

a) Discussion by the employee of the situation with his immediate supervisor. b) If not resolved, secure the involvement of the next level of supervision and appropriate technical personnel. c) Recourse if the right is abused through established Employee Relations or grievance procedures.

Provision should also be made for special situations requiring preventive maintenance and emergency work where use of adequate personnel protective equipment, supervisory personnel or services of outside specialists is indicated.

3. Health Services at Work

We appreciate Government's concern that a large segment of current working population in the province is without medical service at work. The implementation of the medical program outlined in the White Paper would ensure the provision of certain minimum medical service to these workers. However, there are companies who have standards of medical service superior to those proposed. Are such companies to reduce their service? Such action would be unacceptable to employer and to employees and their unions where unions exist. The concept of removing the day to day administration of the plant medical service to the Community Health Department is of utmost concern to us. We recommend that the Ministry develop minimum medical requirements in the form of regulations and make these the responsibility of the employer for compliance. The Government should assume the role of auditor to ensure that the minimum mandated services are in fact in place and available to the employees. We believe that centralization of Medical services as proposed would be a retrograde step which would disadvantage employees in those companies where a superior medical service has been established.

4. Standard Setting Process

The White Paper states that the Minister will be responsible for the issuing of regulations and establishment of standards. There is no statement concerning the mechanism to be followed for the development and issuing of regulations and standards. Specific regulations must be based on scientific facts and be realistic in terms of overall cost and benefit considerations and reflect the industry concerned. The development of regulations and standards must provide an opportunity for "before the fact" consultation of all interested parties.

We recommend that prior to a regulation being made, the Minister shall publish in the Quebec Gazette a notice stating the intention to begin a review of a proposed regulation and request submissions prior to establishing such regulation. Notice should be published in the Quebec Gazette setting forth the proposed regulation at least 90 days before the regulation is filed thus providing time for submission and discussion.

5. Confidentiality of Information

If the proposed legislation on health and safety is based on the White Paper, companies could be required to provide sensitive and confidential information to the joint committees, Community Health Department, Sectorial Committees, Work Safety and Health Commission, etc. Since there are no safeguards spelled out in the White Paper guaranteeing confidentiality, this could result in breach of confidential information. We recommend that the following safeguards should be provided in the proposed health and safety legislation: • a) The Company must have the right to decide whether the information being provided is of confidential nature or not and to so designate the information. b) The Government agency receiving confidential information should have an acceptable security system with periodic audit and certification. c) The Government agency receiving the confidential information should not be allowed to share the information with other agencies. d) All persons with access to confidential information should be required to sign an oath of secrecy. e) The agency receiving the original confidential information shall only share it with others provided they obtain the written approval of the Company.

6. Role of Inspectors

The role and rights of inspectors, along with their required qualifications should be clarified. In technical industries such as the petrochemical, gases and ferroalloys, the specific knowledge required to evaluate and recommend action on facilities and work procedures as they relate to safety and health, is only acquired through extensive training and experience.

Summary

In summary, therefore, Union Carbide Canada Limited applauds the efforts of the Government of Quebec to provide a healthful and safe working environment for all employees.

The Company, however, views with considerable alarm the dilution of employer control in areas where the ultimate accountability rests with the Company. We also note that there is no provision within the proposed legislation for the role of the Quebec Industrial Accident Prevention Association which has a record of proven value and usefulness in the prevention of accidents in industry. The choice of the company physician and their contractual arrangements in our view should remain the responsibility of the employer. We feel further that companies with well established employer-employee committees should be permitted to retain them; the legislation should provide for an opportunity for these committees to function in concert with the government agencies. We feel very strongly that companies with efficient and well developed health and safety programs should be permitted to keep them since in many cases they are staffed by professionals. Replacement of such professionals in the case of Union Carbide by occasional resource people will be a retrograde and inefficient step. We also draw to the attention of the Government that there is only a limited supply of trained professional people and these highly skilled people are required in high technology industry. To thinly spread them over the great spectrum of industry would result in highly technical companies being improperly served.

Union Carbide is pleased to have had this opportunity to make its thoughts known on such important and pervasive legislation. We would be pleased to place at your disposal our professional staff for consultation and to appear before any pertinent committees considering this legislation to expand on our submission and to answer any questions.

ANNEXE B

Mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec sur le projet de loi numéro 17

Dans "l'Histoire du mouvement ouvrier" québécois, ouvrage qui décrit 150 ans de luttes ouvrières, il est dit que "dans les années soixante-dix, le mouvement syndical va multiplier les batailles pour la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. La cible est claire: le patronat, à la recherche du profit maximum et l'État qui n'agit que si on le presse. On définit donc de nouveaux projets de lutte, on négocie des clauses plus serrées dans les conventions, on veut forcer l'État à faire des lois avec des dents et surtout en assurer l'application. Il s'agit en somme, de s'attaquer aux causes mêmes des innombrables maladies et accidents du travail, afin qu'il n'y ait plus d'ouvriers de la construction s'estropiant sur les chantiers, de travailleurs empoisonnés par des produits chimiques, frappés de surdité à cause du bruit, mutilés sur une chaîne de production ou atteints de maladies respiratoires comme l'amiantose, la silicose, la sidérose, la byssinose, le cancer, etc.." (1).

Ce sont donc les travailleurs et leurs organisations syndicales qui ont mis à jour les abus tragiques du mode d'organisation du travail dans notre type de société. Les exemples de ces abus tragiques n'ont pas manqué. Ce sont entre autres, les sept ouvriers de l'échangeur Turcot, les sept ouvriers de la compagnie Mannix au Mont Wright, les huit travailleurs de la CIL à McMasterville, les onze travailleurs du chantier olympique, les milliers de mineurs et de soudeurs atteints d'amiantose et de silicose. Bref, pendant que les patrons comptent leurs profits, les travailleurs comptent leurs morts et leurs blessés. Et ce n'est pas une figure de style: "Les statistiques internationales, américaines ou québécoises démontrent la gravité de la situation en ce qui concerne les accidents du travail aussi bien que les maladies professionnelles. 1. Le Bureau International du Travail (B.I.T.) établit à 100,000 par année, le nombre de morts suite à des accidents du travail ou à des maladies professionnelles à l'échelle mondiale. 2. Dans son rapport annuel de 1972, le Président des États-Unis estime à 100,000 le nombre de morts suite à des accidents du travail ou à des maladies d'origine industrielle aux États-Unis seulement.

Le premier cas (100,000 morts dans le monde) provient de la compilation des statistiques officielles des Commissions d'Accidents du Travail (CAT.) des pays; le second résulte d'une recherche du gouvernement américain dont l'objectif était de donner un portrait plus réaliste de la situation.

Aux États-Unis, les statistiques officielles ne reconnaissent que 14,100 morts d'origine industrielle par année, ce qui veut dire 7 fois moins que le nombre reconnu par le Président à l'époque.

Si l'on transposait les données américaines à la réalité québécoise, qu'est-ce que cela donnerait? La Commission des Accidents du Travail (C.A.T.) du Québec reconnaît de 200 à 300 morts par année au Québec. Dans la mesure où la réalité peut être aussi différente des chiffres officiels ici qu'elle ne l'est aux États-Unis, on découvrirait entre 1400 et 2100 morts d'origine industrielle par année au Québec." (2)

De fait, le Livre blanc sur la santé et sécurité paru en automne 1978, n'a pas caché l'ampleur et la gravité de la situation faite aux travailleurs, à leur santé et à leur sécurité. Mais cette reconnaissance de la situation de la part de l'État découle d'une double nécessité. D'une part, l'État doit prendre en compte les revendications des travailleurs qui s'expriment autant par de longues grèves que par des choix politiques comme l'élection de partis politiques qui prétendent mieux servir leurs intérêts. C'est ainsi que l'État est amené à faire des concessions, parfois significatives aux travailleurs. D'autre part, l'État doit aussi prendre en charge l'intérêt général des patrons, qui est souvent en contradiction avec leurs intérêts particuliers. C'est éminemment le cas de la santé et sécurité au travail.

En effet, la situation passée et actuelle met en évidence, qu'individuellement ou isolément, les patrons et les entreprises n'ont manifesté aucun intérêt à la santé et à la sécurité des travailleurs, à moins qu'ils n'y fussent forcés par les travailleurs. Et encore là, la problématique patronale s'appuie toujours sur la responsabilité principale du travailleur quant à sa santé et sécurité. "Dans l'esprit des programmes patronaux de prévention, c'est par l'éducation des travailleurs qu'on peut éliminer la majeure partie des causes d'accidents et de maladies d'origine industrielle. Puisque 85%* des accidents proviennent d'actions dangereuses, il faut éduquer les travailleurs pour qu'ils adoptent des attitudes sécuritaires au travail et des comportements opératoires propres à les protéger contre leurs propres erreurs.

En imputant la faute des accidents aux actions dangereuses des travailleurs, en concentrant les activités de prévention sur l'attitude et le comportement des travailleurs, l'entreprise atteint deux objectifs éminemment rentables pour elle: 1. Elle se dégage de sa responsabilité de procurer aux travailleurs des conditions de travail saines et sécuritaires en faisant porter le poids de cette responsabilité par chacun des travailleurs dans chacune de leurs tâches et tout au long de leur journée de travail. 2. Elle évite de considérer les dangers techniques du travail: machines mal conçues, procédés dangereux, matériel défectueux et usé, locaux mal entretenus, encombrement des lieux, etc... Ces aspects impliquent des coûts financiers alors que l'éducation visant à corriger les actions dangereuses des travailleurs ne coûte pratiquement rien. De plus, lorsque les résultats sont médiocres, l'employeur peut toujours prétendre qu'il ne peut rien faire contre la nature humaine et les comportements inexplicables des travailleurs". (3)

Cette façon de poser le problème permet aux patrons d'éviter de prendre à leur charge l'implantation des conditions sécuritaires de travail; elle a évidemment pour conséquence de n'avoir aucun effet sur la diminution des accidents de travail ou sur l'amélioration de la santé des travailleurs. Or, cette détérioration de la santé des travailleurs non seulement se poursuit-elle mais elle s'aggrave: "En analysant l'évolution des accidents du travail au cours des années 1973-77, on remarque que le nombre d'accidents ne requérant que des soins médicaux tend à diminuer depuis 1976, tandis que le nombre des accidents qui entraînent une absence au travail augmente considérablement depuis cette date. Cette remarque nous incite à croire que, depuis 1976, les accidents de travail ont des conséquences de plus en plus graves". (4)

Les états capitalistes ont précisément pour rôle de voir à rationaliser l'anarchie d'une économie dite de marché, de telle manière que les intérêts individuels de chacun des patrons ne compromettent pas l'intérêt de tous. En termes concrets, cela veut dire que si la poursuite du profit maximum par chacun des patrons est la cause première des accidents et des maladies du travail, il n'est pas dit que cette logique égoïste soit à long terme de l'intérêt général. C'est ainsi que le livre blanc tente d'évaluer les coûts socioéconomiques de la "boucherie du travail". "Les travailleurs subissent les accidents et les maladies du travail dans leur chair. Eux et leurs proches sont donc touchés par les coûts psychiques de la crainte d'un éventuel accident, ainsi que par les dommages psychologiques associés à la souffrance par les pertes de jouissance de la vie, etc... Par surcroît, les travailleurs et leurs proches subissent une diminution de leurs revenus et, partant, de leur consommation de biens et services. Cette diminution résulte de la perte de leur emploi (si la compensation reçue ne couvre pas la totalité du revenu), de la perte de revenus d'appoint, de coûts de déplacement des proches pour visiter l'accidenté en traitement, etc...

Les entreprises, pour leur part, subissent des réductions de profits occasionnées par la perte de production, la baisse de rendement, les dégâts matériels et par certaines dépenses qu'entraînent les accidents et les maladies du travail. De plus, elles doivent défrayer une part des frais encourus pour la formation et l'information des travailleurs et des responsables patronaux, la recherche, l'inspection des lieux de travail et la surveillance de la santé au travail; elles doivent *) Selon les recherches patronales.

verser des cotisations à la Commission des Accidents du Travail, parfois payer des primes d'assurance pour couvrir les dommages au matériel, à l'équipement et à l'outillage attribuables aux accidents du travail, verser des indemnités à la suite d'un accident ou d'un dommage quelconque, non couvert par les assurances et la Commission des Accidents du Travail. D'autres déboursés peuvent être effectués pour rencontrer les exigences des normes de prévention; c'est le cas par exemple des déboursés effectués pour adapter les moyens de production, les conditions de travail ou les produits fabriqués aux normes de prévention. Ces mesures toutefois, peuvent également servir à améliorer la productivité.

Le coût global des accidents et des maladies du travail pour la société est souvent évalué en calculant le coût indirect par rapport au coût direct. Le coût indirect représente la partie du coût global qui est plus difficile à comptabiliser, comme la perte de production, la baisse de rendement, etc...; le coût direct se rapporte à la partie de l'ensemble qui est la mieux connue, c'est-à-dire l'assistance médicale et l'indemnisation. Selon une étude récente effectuée en France, le coût indirect serait quatre fois plus élevé que le coût direct. Appliquée au Québec, cette règle d'estimation permet d'évaluer que le coût global des accidents et des maladies du travail s'élevait à environ $1,9 milliard en 1977, soit 3,7% du produit intérieur brut du Québec." (5) Avec une telle évaluation, il apparaît alors assez évident que les effets de la rationalité du profit sont pour le moins irrationnels en vertu de cette logique même.

C'est ce que pourrait signifier la remarque du Premier Ministre en page de garde du livre blanc, "l'économie qui prétendrait encore faire passer l'homme après les machines serait vouée à l'échec". En d'autres termes, l'indifférence de l'ensemble des employeurs des entreprises à l'égard de la santé et sécurité des travailleurs vient à leur coûter extrêmement cher. C'est donc en voulant prendre en charge cette contradiction que l'État québécois cherche avant tout à rationaliser les effets de l'organisation du travail capitaliste en préservant les intérêts à long terme des entreprises.

C'est ainsi que le projet de loi 17 est tout entier fidèle à l'approche élaborée dans le livre blanc sur la santé et sécurité. Globalement, il apparaît et ce, malgré les critiques du mouvement syndical, que le gouvernement considère toujours que la santé et la sécurité des travailleurs constituent des préoccupations qui intéressent, au même degré et au même titre, les employeurs et les travailleurs, et qu'en conséquence, on fait abstraction, de manière continue, du caractère contradictoire, donc conflictuel des intérêts en présence. Aussi, toute l'approche du gouvernement a pour effet de reléguer au second plan l'organisation syndicale que les travailleurs se sont collectivement donnés pour se défendre contre l'arbitraire patronal.

C'est ainsi que le projet de loi pousse cette logique illusoire jusqu'à prévoir le même mécanisme bureaucratique pour les travailleurs syndiqués comme pour les non-syndiqués; comme si l'exercice des droits des travailleurs dans leur situation de travail était indifférent à la présence de l'organisation syndicale!

NOUS RECOMMANDONS que l'on modifie le Code du travail de telle manière à faciliter, à accélérer les procédures de syndicalisation des travailleurs et à prévoir des pénalités importantes à l'endroit des employeurs qui par quelques mesures que ce soit, voudraient contrer ou nier l'exercice de ce droit.

Quant à nous, nous avons la ferme conviction que la situation faite au travailleur, à sa santé et à sa sécurité, s'explique par la nature même de l'organisation capitaliste du travail et la logique du profit qui en est le moteur. Pour freiner cette logique qui a pour effet de blesser et de meurtrir le travailleur, nous sommes profondément convaincus que seul le rapport de force avec l'employeur et les gains qu'il permet d'inscrire dans la convention collective ou dans la loi, permet véritablement d'en atténuer les effets.

En conséquence, nous pensons que l'organisation syndicale doit être au coeur et le maître d'oeuvre de la défense des intérêts des travailleurs en ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs. Pour nous, toute tentative de l'État pour écarter ou minimiser le rôle historique des organisations syndicales ne pourrait que servir les intérêts et la logique meurtrière des patrons. Une telle problématique serait aussi une nouvelle expression d'un antisyndicalisme feutré que l'actuel gouvernement a adopté dans de nombreuses législations. Nous l'avions dénoncé à l'occasion de la loi 45, plus récemment à l'occasion de la commission parlementaire sur les projets de loi 24 et 25, de même qu'à l'occasion d'incidents qui ont marqué le début des négociations. On ne peut prétendre à un préjugé favorable aux travailleurs tout en s'attaquant constamment à la liberté et à la légitimité de l'action syndicale.

NOUS RECOMMANDONS que la loi reconnaisse aux organisations syndicales le droit de participer à l'élaboration et à l'application des normes et règlements ainsi qu'à l'établissement des programmes de recherche et de prévention.

Concernant le chapitre II du projet de loi 17, nous sommes heureux que l'article 3 consacre la possibilité de négocier des dispositions plus avantageuse pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur que celles déterminées par la loi. Mais cela nous incite à faire une double remarque. Premièrement, cette ouverture n'est effectivement possible qu'aux travailleurs syndiqués et consacre donc l'inégalité révoltante du rapport de force entre le travailleur individuel non-syndiqué et son employeur.

NOUS RECOMMANDONS, comme mesure provisoire, que les travailleurs non-syndiqués puissent demander à la Commission de santé et de sécurité la mise sur pied d'un comité de santé et sécurité dans leur entreprise et qu'un fonctionnaire de la commission voit au respect de la loi quant à la nomination des représentants des travailleurs, du représentant à la prévention et au fonctionnement du comité.

NOUS RECOMMANDONS que la commission s'assure, en l'absence d'organisation syndicale, que les travailleurs connaissent les droits dévolus par le projet de loi et qu'elle dispose des moyens nécessaires pour réaliser efficacement ce mandat auprès des travailleurs non-syndiqués.

Deuxièmement, l'article 3 reconnaît implicitement et ce, en contradiction avec la problématique générale du projet, que le seul véritable mécanisme acceptable et efficace en matière de sécurité et de santé au travail est celui de la négociation collective. Pour une organisation syndicale, la seule participation acceptable à des mécanismes paritaires est celle qui met en présence des représentants dûment mandatés par les parties syndicale et patronale.

Concernant le chapitre III sur les droits de refus, l'article 11 a le mérite minimum de ne plus associer le droit de refuser de travailler à l'imminence d'un danger pour la santé et la sécurité du travailleur en cause.

La principale critique que l'on doit faire à l'article 11 concernait le droit d'un travailleur de refuser d'exécuter un travail, c'est que ce droit ne peut s'exercer que par un travailleur individuellement. Pourtant, en mars 1977, le ministre Marois avait admis la nécessité de reconnaître aux travailleurs le droit collectif de refuser de travailler. Ce droit collectif est aussi une exigence fondamentale du mouvement ouvrier. Qu'il ne soit pas légalement reconnu, il continuera occasionnellement d'être exercé. Mais, outre le fait que l'article 11 s'avère être un recul du ministre, il rend compte d'une problématique totalement idéaliste quant à la sécurité et à la santé des travailleurs. En effet, c'est faire supporter au travailleur individuellement le poids d'une situation qui met en jeu ce qu'il a de plus précieux: d'un côté sa santé et sa sécurité ou celle de ses camarades et de l'autre, son emploi.

NOUS RECOMMANDONS que le droit de refus puisse être exercé par les travailleurs ou par leurs représentants syndicaux.

NOUS RECOMMANDONS que l'article 69 permette au représentant syndical à la prévention de faire cesser un travail s'il le considère dangereux et lui donne également pour tâche des activités de prévention et d'information auprès des travailleurs.

Par ailleurs, on peut se demander si l'article 12 qui veut restreindre l'exercice du droit de refus ne permettra pas de légitimer les situations qui causent lentement, insidieusement, de façon cumulative, les maladies professionnelles. Actuellement, la surdité professionnelle, l'intoxication, l'amiantose sont des risques inhérents aux fonctions exercées par des milliers de travailleurs. Les risques inhérents à un travail ne sont pas d'origine naturelle mais d'origine sociale et sont déterminés par l'organisation du travail, le fonctionnement des machines et l'usage de produits dangereux.

NOUS RECOMMANDONS que l'article 12 soit modifié de telle manière qu'il précise lesquelles fonctions et dans quelles circonstances elles peuvent comporter des risques inhérents. De plus, les travailleurs étant déjà habitués à oeuvrer dans des conditions dangereuses, peu d'entre eux, pris individuellement, risqueront un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire pour avoir exercé, "de mauvaise foi", le droit de refus comme le permet l'article 31. À n'en pas douter, le premier réflexe patronal devant le refus du travailleur sera les menaces et le chantage à son égard.

Ce réflexe patronal est d'autant plus certain pour les travailleurs non-syndiqués qui ne bénéficient d'aucune sécurité d'emploi. À la première occasion, l'employeur cherchera à se débarrasser de ce gêneur et même à en faire un exemple pour ceux qui voudraient exercer leur droit. Pour le travailleur syndiqué, l'exercice du droit de refus ne le mettra pas nécessairement à l'abri du harcèlement du contremaître ou du gérant; il n'en disposera pas moins de moyens de défense.

NOUS RECOMMANDONS qu'aucune mesure ne puisse être prise par l'employeur contre un travailleur qui a exercé son droit de refus lorsque ce dernier a été appuyé par un représentant syndical du comité de santé et sécurité.

NOUS RECOMMANDONS que tout travailleur, syndiqué ou non, qui aurait exercé un droit de refus dans les trois mois précédant un congédiement ou une suspension, puisse faire appel de ce congédiement ou de cette suspension au ministère du Travail et que l'employeur doive faire la preuve d'un motif suffisant pour justifier ce congédiement ou cette suspension.

En fin de compte, l'intérêt patronal sera de chercher à limiter au maximum l'exercice de ce droit sous le prétexte d'empêcher les abus. Or, la situation actuelle montre avec assez de netteté de quel côté sont les abus! Pour nous donc, le droit collectif de cesser de travailler — que ce ne soit que par atelier, section ou équipe, ces modalités pouvant être multiples et adaptées aux situations de travail — est la condition première d'une véritable réforme du droit du travail à l'égard de la santé et sécurité des travailleurs.

Pour les travailleurs non-syndiqués, nous ne pouvons que rappeler, une fois de plus, que leur accès à la syndicalisation est la meilleure garantie contre la logique patronale. C'était vrai il y a cent ans et c'est encore vrai aujourd'hui. Autrement, on s'expliquerait mal l'antisyndicalisme passé et actuel du patronat.

II nous semble aussi que le droit collectif de cesser le travail est une garantie supplémentaire que l'employeur procédera avec diligence aux modifications nécessaires à la sécurité des travailleurs. Dans tous les domaines, c'est la loi du nombre et de l'économie qui est susceptible de porter les transformations à leur terme. Il ne faudrait pas feindre d'ignorer que l'élimination des causes d'accident, l'établissement de conditions hygiéniques, l'application de programme de santé et de sécurité, l'indemnisation des travailleurs représentent des coûts importants pour les entreprises. Nous sommes convaincus que le patronat continuera à réfléchir le problème de la santé-sécurité en termes de coûts/bénéfices. La possibilité d'un arrêt collectif de travail peut seule faire contrepoids à l'approche comptable du patronat.

Enfin, il nous apparaît étonnant que l'article 28 permette à l'employeur, si l'inspecteur n'est pas présent dans un délai de six heures sur les lieux de travail, de faire exécuter le travail par un autre travailleur qui accepte de le faire après avoir été informé du fait que le droit au refus a été exercé. En effet, si c'est le travail à exécuter qui est considéré dangereux, on comprend mal que l'on permette à qui que ce soit de l'exécuter, et encore moins que l'on permette à l'employeur de faire exécuter le travail, en offrant une prime par exemple, à un travailleur plus téméraire qu'un autre. Encore là, la problématique gouvernementale apparaît aberrante: d'un côté on veut rendre le travailleur responsable de sa sécurité en lui faisant obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité et son intégrité physique (article 38) et d'autre part, on permet à l'employeur de mettre le travailleur dans une situation où il ne peut répondre à cette obligation.

Par moment, on a l'impression que la problématique du gouvernement rejoint celle du patronat sur le point essentiel de rendre le travailleur principal responsable de sa santé et sécurité au travail.

NOUS RECOMMANDONS que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit biffé.

Nous signalons notre satisfaction quant à la préoccupation gouvernementale de créer des mécanismes rapides — du moins sur papier — d'intervention pour trancher des différends qui pourraient (sic) survenir de l'exercice du droit de refus. Mais nous refusons que le pouvoir d'arbitrage soit entièrement laissé aux mains de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (article 24). D'une part parce que les commissions paragouvernementales ont tendance, l'expérience de la CAT. nous l'a montré, à prendre plus à coeur des intérêts différents de ceux des travailleurs. D'autre part, les travailleurs syndiqués se sont gagné dans leur convention collective, des mécanismes d'arbitrage que la loi devra respecter. Il est évident, par ailleurs, que nous ne voulons pas voir instaurer dans ce secteur des mécanismes d'arbitrage dont la lenteur viendrait annihiler toute efficacité à la loi. Par exemple, la commission pourrait avoir une banque d'arbitres sur la santé et sécurité qui auraient été choisis par les organisations syndicales et patronales et qui auraient une disponibilité et des pouvoirs suffisants pour le règlement rapide des désaccords. Si le gouvernement actuel prétend réaliser une réforme, cette volonté doit d'abord s'exprimer dans le respect des droits acquis des travailleurs et s'illustrer dans l'élargissement de ceux-ci.

NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie que les fonctionnaires de la commission chargés d'arbitrer l'exercice du droit de refus soient choisis conjointement par la partie syndicale et la partie patronale.

En ce qui a trait au retrait préventif de la travailleuse enceinte, il nous semble que l'article 32 pourrait être plus précis quant aux obligations de l'employeur à l'égard de celle-ci. En particulier, une travailleuse qui se déclarera enceinte devra être obligatoirement avertie par l'employeur des dangers potentiels que peuvent comporter pour elle et son enfant, des conditions déterminées de travail. De plus, il nous semble opportun que les travaux de recherches s'orientent, entre autres priorités, sur les substances qui peuvent affecter la fécondité, autant celle des hommes que celles des femmes.

NOUS RECOMMANDONS que la loi oblige l'employeur à informer une travailleuse qui se déclare enceinte, des dangers que peuvent présenter ses conditions de travail pour sa santé et celle de son enfant.

Cela nous amène à critiquer l'article 39, paragraphe 3, qui stipule que l'employeur a le droit de participer à l'élaboration des priorités en matière de programmes de recherches. Ce droit vient en fait préparer le terrain au comité paritaire et aux associations sectorielles sur lesquels nous reviendrons plus loin. Mais sur le principe de l'élaboration des programmes de recherches sous la responsabilité de la commission, nous nous opposons fermement à la participation patronale et ce, pour deux raisons. Premièrement, parce que nous sommes convaincus que le patronat n'a aucun intérêt à la recherche sur les causes et les remèdes à apporter aux accidents et aux maladies du travail. La deuxième raison est complémentaire de la première; l'histoire de la recherche elle-même nous convainc que les patrons cherchent à influencer la recherche de telle manière qu'elle les disculpe de toutes responsabilités ou qu'elle amenuise la nocivité de procédés de production ou de produits. Et même lorsque les preuves sont accablantes, le patronat engage des chercheurs serviles pour produire des contre-expertises qui prolongent des situations dangereuses pour les travailleurs.

NOUS RECOMMANDONS que la recherche en hygiène industrielle, subventionnée par la commission, soit réalisée de manière complètement indépendante de représentants patronaux.

Le patronat a usé de tels pouvoirs dans le dossier du chlorure de vinyle, dans celui de l'amiante (6) ou encore dans celui du tabac. Il dispose déjà de budgets importants qui lui permettent de commander des recherches dont les orientations sont fonction de ses intérêts. Inutile de lui donner une

arme supplémentaire si l'intention est réellement de faire avancer effectivement la recherche au bénéfice de la santé des travailleurs.

Quant aux obligations faites à l'employeur, nous aurions préféré que l'employeur doive garantir au lieu de "s'assurer que les établissements sur lesquels il a autorité soient équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travail" et que l'employeur doive garantir au lieu de "s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur", comme le stipulent les paragraphes 1 et 5 de l'article 40. Il nous semble que l'employeur doit effectivement garantir ces conditions aux travailleurs, qui pourraient alors avoir un droit de recours, si l'employeur ne se soumettait pas à ses obligations.

NOUS RECOMMANDONS que les paragraphes 1 et 5 de l'article 40 soient modifiés de telle manière que l'employeur doive "garantir" aux travailleurs que les établissements sur lesquels il a autorité soient équipés et aménagés de façon à assurer la protection des travailleurs et que l'employeur doive garantir aux travailleurs que l'organisation du travail et les méthodes et techniques pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé des travailleurs.

En abordant le chapitre IV de la présente loi, nous savons que nous critiquons le centre nerveux de la réforme mise de l'avant par le gouvernement du Québec.

Disons tout de suite que pour nous le comité paritaire représente un gain historique pour le mouvement ouvrier puisqu'il est un moyen supplémentaire pour forcer le patron à négocier avec les représentants des travailleurs.

Mais il ne faut pas confondre les comités paritaires avec les comités bidons. Or, à regarder de près le chapitre IV, nous nous croyons effectivement en présence de comités qui auront pour principaux effets de reléguer au second rang l'action syndicale, la négociation et, c'est le principal, de retarder en définitive l'amélioration des conditions de santé et de sécurité des travailleurs.

Premièrement, il nous apparaît que les membres représentant les travailleurs, non seulement devront-ils être choisis par le syndicat, mais dûment mandatés par lui. Bref, c'est à l'organisation syndicale que le patronat devra être confronté au sein de ces comités. Il va sans dire que l'absence de syndicat rend totalement illusoire une quelconque efficacité des comités paritaires. Nous nous interrogeons sur la témérité nécessaire à des travailleurs qui auraient exigé, en absence de sécurité d'emploi garantie par la présence syndicale, la création d'un comité de santé et de sécurité. À moins qu'ils ne le fassent sous la houlette du patron! On serait alors en présence de comités de "boutique" de santé et de sécurité.

NOUS RECOMMANDONS qu'au moins deux fois par année, un service spécifique de la commission s'assure du fonctionnement adéquat des comités de santé et sécurité dans les entreprises non-syndiquées.

NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi voie à reconnaître l'organisation syndicale lorsqu'il y en a une, comme partie exclusive habilitée à représenter les travailleurs sur le comité de santé et sécurité.

Deuxièmement, nous croyons qu'il devrait y avoir un comité paritaire pour chaque syndicat accrédité et si le nombre le justifie, pour chacun des ateliers, ou d'un secteur d'une entreprise, ce que la présente loi ne prévoit pas.

NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie l'existence d'au moins un comité paritaire par syndicat accrédité dans une même entreprise.

Troisièmement, il nous apparaît nécessaire, pour que le comité soit autre chose qu'un mécanisme servant à retarder les échéances, que les représentants patronaux soient dûment mandatés à prendre des décisions. Un comité paritaire qui n'a aucune prise sur les décisions à exécuter est un comité fantôme.

NOUS RECOMMANDONS que l'article 40 fasse obligation à l'employeur de s'assurer que ses représentants au sein du comité de santé et sécurité soient investis de pouvoirs nécessaires à l'application de la loi et des règlements.

En conséquence, il nous semble que l'article 63 du projet de loi aurait dû spécifier les pouvoirs du comité plutôt que ses fonctions.

Au premier paragraphe de l'article 63, sur le choix des moyens et équipements individuels de protection, nous revendiquons un droit de veto syndical. Cela s'explique par le fait que la problématique patronale est principalement centrée sur ce type d'équipements pour résoudre les problèmes de santé et de sécurité.

NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 1 de l'article 63 prévoie un droit de veto syndical sur le choix des moyens individuels de protection comme sur l'obligation qui pourrait être faite de s'en munir.

Au second paragraphe de l'article 63, nous revendiquons, conformément à ce que nous avons dit précédemment, le monopole syndical sur les programmes de formation et d'information des travailleurs en matière de santé et de sécurité. Nous croyons que le rôle du comité devrait être d'en assurer les conditions de réalisation. À ce chapitre, la partie patronale n'aurait qu'un droit de recommandation.

NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 2 de l'article 63, concernant la formation et l'information des travailleurs soit retiré.

Le troisième et le septième paragraphes sont à rejeter tels que formulés du fait qu'ils consacrent l'inefficacité et l'absence de crédibilité des comités de santé et de sécurité. Réduite à un pouvoir de recommandation, l'action du comité viendrait en fait légitimer les retards, les lenteurs et les refus patronaux d'exécuter les recommandations. Ce serait rendre complices les organisations syndicales des situations dangereuses vécues par les travailleurs. Comme l'affirment les camarades de la F.T.Q., l'exercice d'une participation et d'un pouvoir syndical au niveau d'un comité paritaire est illusoire à moins d'être assorti d'un mécanisme pour trancher ces différends et dénouer les impasses sur tous les sujets portant sur la prévention et l'amélioration des conditions de santé et de sécurité au travail. (7)

NOUS RECOMMANDONS que l'article 48 soit modifié au paragraphe 2 en retirant la formation et l'information des travailleurs du programme de prévention.

NOUS RECOMMANDONS que le programme de prévention soit sous la responsabilité et l'autorité du comité de santé et de sécurité de l'entreprise et que les paragraphes 3 et 5 de l'article 63 soient modifiés en conséquence.

Par ailleurs, il nous semble que l'article 62 soit nettement insuffisant quant à la libération des représentants syndicaux du comité. La loi devrait prévoir une libération sans perte de salaire, non seulement pour assister aux réunions, mais pour les préparer de même que pour permettre aux représentants syndicaux de procéder aux inspections et enquêtes nécessaires.

NOUS RECOMMANDONS que l'article 62 prévoie la libération des représentants syndicaux au comité, sans perte de salaire, pour préparer les réunions du comité, pour procéder aux inspections et enquêtes nécessaires.

Quant au représentant à la prévention prévu à l'article 67, il devra être, à la différence des autres membres du comité, libéré à plein temps non seulement pour accomplir les tâches prévues à l'article 69, mais aussi pour s'occuper de prévention et d'information auprès des travailleurs.

À première vue, les services de santé au travail prévus au chapitre VIII nous semblent satisfaire minimalement à la dimension curative des problèmes des travailleurs. Après une période de rodage, il faudra voir si le réseau actuel réussit effectivement à prendre en charge, de manière efficace les responsabilités qui lui incombent. À cet égard, la vigilance des travailleurs et de leurs organisations joueront un rôle déterminant.

NOUS RECOMMANDONS que les programmes de santé au travail soient élaborés indépendamment des employeurs mais avec la participation des travailleurs et de leurs organisations. Toutefois, nous savons tous que le nombre et la compétence, sinon l'intégrité des ressources médicales en médecine du travail sont déficientes. À ce propos, nous contestons le mode de nomination du médecin attitré prévu par la loi. Avec les autres Centrales, nous revendiquons que ce choix soit une prérogative syndicale. Nous voulons à tout prix éviter de voir les médecins d'entreprises nous revenir par le biais des mécanismes prévus à l'article 88. Il suffirait de prévoir qu'en cas de désaccord du comité sur le choix du médecin, c'est le candidat du syndicat qui prévaudrait.

NOUS RECOMMANDONS que le choix du médecin responsable du programme de santé au travail soit, en cas de désaccord du comité de santé et sécurité, une prérogative des représentants syndicaux du comité.

Nous croyons que c'est le choix le plus strict du travailleur de choisir son médecin aux fins de traitement et de diagnostic. En conséquence, c'est le diagnostic de ce médecin traitant qui devra déterminer le droit aux compensations, en cas de désaccord avec le diagnostic du médecin attitré à l'entreprise.

NOUS RECOMMANDONS qu'aux fins de diagnostic et de traitement, donnant droit aux bénéfices d'invalidité, la loi prévoie le libre choix du médecin par le travailleur. Enfin, il nous semble que les ministères de l'Éducation et des Affaires Sociales devront chercher à faire pression sur les organismes concernés pour que les facultés de médecine développent considérablement la formation des étudiants en médecine du travail. Le rôle complexe attribué au médecin par la présente loi exigera plus qu'une formation sur le terrain.

Nous pensons même que le gouvernement devrait voir à la mise sur pied d'un institut québécois de recherche et de formation en médecine du travail. À cet égard, les deux pages accordées à la recherche bio-médicale par le livre vert sur la recherche scientifique sont pour le moins décevantes. Il nous semble qu'un tel institut permettrait de centraliser les données dans ce domaine. Comme le signale un chercheur, "Peut-être faut-il souligner qu'il conviendrait d'abord de faire le bilan, la synthèse, des tonnes de résultats de recherches qui sont perdus dans des milliers de rapports et de périodiques. C'est la règle plutôt que l'exception, qui veut qu'il existe des données sur quantités de problèmes de santé au travail — données publiées mais laissées pour compte, oubliées dans la masse d'information que sont obligés de produire les scientifiques. Il était démontré depuis 1957 que le chlorure de vinyle était cancérigène — l'information produite par les chercheurs soviétiques était ignorée et les travaux ont été repris par Viola en 1970 puis par Maltoni en 1972. Combien d'énergies seraient récupérées si des chercheurs avaient les moyens, que devraient leur octroyer les organismes subventionneurs, de procéder à des bilans bibliographiques systématiques.

Mais comme il faut bien reconnaître que tout n'a pas encore été fait en matière de recherche, il importe aussi d'établir des mécanismes par lesquels on s'assurerait de répondre aux besoins les plus pressants. Les domaines de recherche sont à l'heure actuelle laissés à l'initiative des industries qui les commanditent, ou alors à l'imagination des chercheurs qui cherchent, justement, à les faire subventionner. La jonction n'est à peu près pas faite avec les travailleurs, ceux-là mêmes qui vivent les problèmes de santé et qui, de ce fait, sont les mieux placés pour faire connaître les besoins de connaissance. Il est grandement temps de le faire." (8) Enfin, un tel institut verrait à former le personnel médical et infirmier appelé à intervenir en médecine du travail.

NOUS RECOMMANDONS la création d'un institut québécois de recherche et de formation en médecine du travail.

Nous voulons aussi dire que nous nous opposons en principe à la création d'associations sectorielles avec les employeurs. Pour nous, de telles associations ne serviraient qu'à cautionner les situations de travail que nous dénonçons et à légitimer l'inefficacité des mécanismes bureaucratiques prévus par la loi. Nous ne nous opposerons pas cependant à des colloques, organisés par la Commission, où les associations patronales et syndicales confronteraient leurs positions sur des sujets comme la prévention, les règlements et les normes de santé et de sécurité du travail, sur la recherche, sur la qualification des inspecteurs, leur nombre et leurs fonctions, etc. Pour nous, les fonds de recherche, d'éducation et d'information prévus aux associations sectorielles devraient être versés aux associations patronales et syndicales dans une proportion d'un tiers deux tiers. Cette revendication s'explique par le fait assez évident que les employeurs sont le plus souvent déjà organisés en associations sectorielles, que ces associations ont des ressources et des budgets importants. En outre, cette revendication rejoint notre analyse qui veut que ce soit les travailleurs et leurs organisations qui ont principalement intérêt à la santé et sécurité au travail.

NOUS RECOMMANDONS le retrait du chapitre VI concernant les associations sectorielles. NOUS RECOMMANDONS que les fonds prévus aux associations sectorielles soient versés aux associations syndicales et patronales, dans une proportion de deux tiers, un tiers respectivement.

Concernant le chapitre XIV sur les infractions, nous voulons faire remarquer au ministre d'État au Développement Social que nous voyons difficilement à partir de quel principe un travailleur pourrait être visé par les mesures punitives prévues aux articles 197, 198 alors qu'il est objectivement victime de conditions dangereuses pour sa santé et sa sécurité. En effet, le livre blanc reconnaissait "que le facteur principal (des accidents du travail) est d'ordre organisationnel plutôt qu'humain". (9)

NOUS RECOMMANDONS, concernant le chapitre X sur les infractions, que la seule pénalité imposée à un travailleur soit de lui faire obligation de suivre un cours d'une journée, à ses frais, sur la santé et sécurité au travail.

Nous voulons signifier aussi notre profond désaccord avec l'article 200 qui prévoit l'utilisation d'injonctions et de condamnations pour outrage au tribunal. Voilà plusieurs années que tout le mouvement syndical exige la disparition des injonctions du champ des relations de travail. La réflexion gouvernementale à ce propos nous avait laissés croire que l'on n'assisterait pas à une extension de l'utilisation de ce mécanisme anti-ouvrier.

NOUS RECOMMANDONS le retrait de l'article 200 concernant l'outrage au tribunal. Comme Centrale de l'Enseignement du Québec, il va sans dire que nous avons un point de vue spécifique sur la prévention et l'éducation des travailleurs québécois en matières de santé et sécurité. Déjà en 1972, nous constations que l'école ne préparait pas les futurs travailleurs aux conditions réelles auxquelles ils étaient confrontés et qu'en conséquence, l'école, en maintenant les fils et filles des travailleurs dans l'ignorance de leurs conditions de classes, était au service de la classe dominante. Sept ans plus tard, en juin 1979, une équipe multidisciplinaire en santé, sous les auspices du département de santé communautaire de Lanaudière*, a inspecté 38 ateliers de polyvalentes. Elle a constaté qu'aucun étudiant d'une classe de menuiserie ne pouvait définir le mot décibel, que seulement 3% des futurs soudeurs connaissaient le mot sidérose, qu'aucun soudeur ne pouvait identifier les sources d'ozone en industrie. (10) II y a sept ans, on nous accusait de faire de l'idéologie. Aujourd'hui, la réalité dépasse de loin ce que nous dénoncions alors.

En effet, non seulement l'école ne prépare-t-elle pas adéquatement les futurs travailleurs, mais elle s'attaque déjà à leur santé en leur apprenant un métier. Ainsi, la même enquête a dévoilé qu'un audiogramme effectué auprès de tous les étudiants et des enseignants de menuiserie, mécanique et soudure d'une école polyvalente a dépisté 90% de cas positifs et ce, dans des écoles qui sont classées parmi les plus avant-gardistes quant à l'amélioration des conditions de santé et sécurité! De plus, la recherche a aussi démontré qu'un appareil à arc électrique qui a fonctionné pendant un certain temps et dans des conditions normales, a généré une quantité de poussière respirable qui a dépassé de trois fois la norme maximale permise en industrie. Enfin, une soudeuse automatique émettait dans les voies respiratoires des étudiants six fois plus d'ozone que la norme maximale permise en industrie. *) Voir annexe II

NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation prévoie, pour la présente année, des budgets spéciaux aux Commissions scolaires pour les obliger à rendre conformes les ateliers du secteur professionnel à toutes les lois et à tous les règlements existants. Bref, on prépare les futurs travailleurs en les mettant à l'école dans des situations pires que celles qu'ils trouveront en industrie. Les chercheurs ont constaté également qu'il n'existait aucun document pédagogique pouvant servir d'outil aux professeurs pour l'enseignement de la santé et sécurité au travail. Pourtant, en avril 1975, nous avions publié (11) un manuel qui cherchait à mettre la pédagogie au service des travailleurs, en permettant aux enfants de prendre contact, dès l'école primaire, avec la réalité socio-économique de la majorité des Québécois.

À l'époque, on nous a encore accusés de vouloir endoctriner les enfants. Pourtant, il y avait dans ce manuel des éléments pédagogiques que les enquêteurs de Lanaudière considèrent indispensables et qui sont encore aujourd'hui totalement absents de l'école. Décidément, l'histoire, à force de nous donner raison, justifie que nous continuions de lutter chaque jour pour une authentique démocratie scolaire; aussi l'an prochain, nous aurons complété une démarche fondamentale et qui marquera un point tournant quant à notre définition d'une école à bâtir pour la majorité. (12)

Qu'il nous suffise aujourd'hui de rappeler notre conviction que l'école doit permettre au futur travailleur d'être informé des conditions véritables dans lesquelles il aura à travailler et, osons le dire, à lutter pour sauvegarder non seulement son revenu, mais aussi sa santé et son intégrité physique et psychique.

NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation prévoie, en priorité, l'instauration d'un programme complet de prévention et de formation pour tous les étudiants au secondaire, intégrant des cours sur la santé et sécurité au travail, sur le Code du travail, sur l'histoire du mouvement ouvrier.

En conséquence, nous croyons que des enseignants en sécurité et santé au travail devraient être affectés aux polyvalentes et aux cégeps. De plus, nous croyons que la connaissance des conditions historiques du développement des luttes des travailleurs est indispensable pour que la conscience collective des travailleurs se développe et porte ses fruits. À cette conviction nous avons déjà donné une suite en publiant une histoire du mouvement ouvrier. Il est essentiel qu'elle soit mise à la disposition des étudiants au plus tôt.

NOUS RECOMMANDONS que les programmes de formation des travailleurs de l'enseignement prévoient une formation théorique et pratique adéquate en hygiène industrielle. Les futurs travailleurs, dans l'école actuelle, sont donc confrontés à une série d'aberrations — et le terme est choisi — concernant leur santé et leur sécurité au travail. Non seulement l'école actuelle s'attaque-t-elle à leur santé, mais encore les maintient-elle systématiquement dans l'ignorance de leurs droits et des conditions de travail qu'ils auront à affronter. La C.E.Q. est convaincue que dans une société démocratique, l'école a un rôle primordial comme lieu de formation à la santé et à la sécurité au travail.

Globalement, nous considérons que le projet de loi 17 présente des lacunes majeures à un point tel, que dans sa présente rédaction la loi ne pourra pas avoir pour effet l'élimination des causes d'accidents de travail et des maladies professionnelles.

NOUS RECOMMANDONS le retrait du paragraphe 35 de l'article 185 qui permet à la Commission d'exempter de l'application de la présente loi ou de certaines de ses dispositions, des catégories de personnes, de travailleurs, d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de chantiers de construction.

Il est évident que l'actuelle version est le fruit de compromis importants favorables aux principaux responsables de la situation dévoilée par le Livre blanc. À l'occasion de sa parution, le ministre d'État au Développement Social nous avait laissés croire à l'élaboration d'une solution majeure, au moins proportionnelle au drame que vivent les travailleurs. Encore une fois, le résultat témoigne d'une conviction naïve du gouvernement que l'on peut contenter tout le monde en rendant toutes les parties insatisfaites. Encore une fois, on rate l'occasion d'affirmer un parti pris et un préjugé favorable aux travailleurs.

En mettant principalement l'accent sur la prévention, la formation et l'éducation des travailleurs, le projet de loi néglige la cause première à laquelle on devrait s'attaquer: la dictature patronale sur l'organisation du travail.

Même si dans ce projet de loi, le gouvernement s'avance un peu plus loin que ses prédécesseurs et qu'il démontre des préoccupations sociales réelles et louables, il n'en demeure pas moins qu'il évite avec soin, comme dans toutes ses entreprises législatives majeures, de remettre en question le mode d'organisation social et les rapports des forces sociales. L'ambition gouvernementale semble se limiter à améliorer le statu quo, même si ce statu quo joue au détriment de l'immense majorité des Québécois.

On ne peut éviter de constater que poussé par son souci de préserver le statu quo social, le présent gouvernement s'engage de plus en plus résolument dans une voie qui l'amène à nier, à bien des égards, la représentativité des organisations collectives que se sont données les travailleurs. Probablement inspiré par d'aucuns modèles étrangers, on en arrive même à vouloir restreindre le droit de représentation acquis par les organisations collectives des travailleurs. Il n'y a rien de neuf dans cette

voie qui, jusqu'ici, n'a abouti ailleurs qu'à des impasses, tout en créant des difficultés réelles aux travailleurs, comme ce fût le cas notamment en Allemagne les vingt dernières années.

En ne reconnaissant pas le droit collectif de refuser de travailler, le poids de la réforme repose sur les épaules du travailleur individuel, qu'il soit syndiqué ou non.

En travestissant les comités paritaires en comités consultatifs soumis à l'arbitrage d'une Commission toute-puissante, non seulement veut-on faire croire à une illusoire identité d'intérêt entre le patronat et les travailleurs, mais encore on laisse aux employeurs l'essentiel de leur pouvoir, cause première des accidents et des maladies du travail.

La Centrale de l'Enseignement du Québec attendra la version définitive du projet de loi avant de définir une attitude concrète à l'égard de son vis-à-vis patronal. Néanmoins, elle considère de fort mauvais augure, le document déposé par la Fédération des Commissions Scolaires Catholiques du Québec, intitulé "Guide de sécurité en milieu scolaire", et qui calque l'approche patronale sur la santé-sécurité.

Comme il fallait s'y attendre, il n'est pas question d'une présence syndicale sur les comités, pas plus que celle de représentants des travailleurs de l'enseignement ou des étudiants. Concernant les règles de sécurité, la Fédération, dans le même document affirme: "... qu'il est utile, à cette étape, de préciser que ces règles n'auront de force que dans la mesure où on en assure l'observance. Conséquemment, bien que cet aspect puisse sembler négatif, on peut se demander s'il n'y aurait pas lieu de sanctionner les dérogations aux règles de sécurité.

Ces sanctions pourraient être de divers types: rapport verbal, information, rappel écrit, rencontre, investissement, suspension, etc... Toutefois, la Commission scolaire demeurera seul juge en la matière." (13)

Voilà la problématique patronale: droit de gérance, contrôle et répression et ce, dans un secteur où une enquête a démontré que les normes de l'industrie ne sont même pas respectées, qu'aucun moyen individuel de protection n'est fourni aux enseignants et aux étudiants et où les services de santé sont déficients.

Quant à nous, nous nous engageons à faire de la santé et sécurité des travailleurs de l'enseignement et des étudiants, un enjeu syndical, pleinement syndical et ce, dès maintenant.

Référer à la version PDF page B-9456

ANNEXE I — RECOMMANDATIONS

Recommandation 1:

NOUS RECOMMANDONS que l'on modifie le Code du travail de telle manière à faciliter, à accélérer les procédures de syndicalisation des travailleurs et à prévoir des pénalités importantes à l'endroit des employeurs qui par quelques mesures que ce soit, voudraient contrer ou nier l'exercice de ce droit.

Recommandation 2:

NOUS RECOMMANDONS que la loi reconnaisse aux organisations syndicales le droit de participer à l'élaboration et à l'application des normes et règlements ainsi qu'à l'établissement des programmes de recherche et de prévention.

Recommandation 3:

NOUS RECOMMANDONS, comme mesure provisoire, que les travailleurs non syndiqués puissent demander à la Commission de santé et sécurité la mise sur pied d'un comité de santé et sécurité dans leur entreprise et qu'un fonctionnaire de la commission voit au respect de la loi quant à la nomination des représentants des travailleurs, du représentant à la prévention et au fonctionnement du comité.

Recommandation 4:

NOUS RECOMMANDONS que la commission s'assure, en l'absence d'organisation syndicale, que les travailleurs connaissent les droits dévolus par le projet de loi et qu'elle dispose des moyens nécessaires pour réaliser efficacement ce mandat auprès des travailleurs non syndiqués.

Recommandation 5:

NOUS RECOMMANDONS que le droit de refus puisse être exercé par les travailleurs ou par leurs représentants syndicaux.

Recommandation 6:

NOUS RECOMMANDONS que l'article 69 permette au représentant syndical à la prévention de faire cesser un travail s'il le considère dangereux et lui donne également pour tâche des activités de prévention et d'information auprès des travailleurs.

Recommandation 7:

NOUS RECOMMANDONS que l'article 12 soit modifié de telle manière qu'il précise lesquelles fonctions et dans quelles circonstances elles peuvent comporter des risques inhérents.

Recommandation 8:

NOUS RECOMMANDONS qu'aucune mesure ne puisse être prise par l'employeur contre un travailleur qui a exercé son droit de refus lorsque ce dernier a été appuyé par un représentant syndical du comité de santé et sécurité.

Recommandation 9:

NOUS RECOMMANDONS que tout travailleur, syndiqué ou non, qui aurait exercé un droit de refus dans les trois mois précédant un congédiement ou une suspension, puisse faire appel de ce congédiement ou de cette suspension au ministère du Travail et que l'employeur doive faire la preuve d'un motif suffisant pour justifier ce congédiement ou cette suspension.

Recommandation 10:

NOUS RECOMMANDONS que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit biffé.

Recommandation 11:

NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie que les fonctionnaires de la commission chargés d'arbitrer l'exercice du droit de refus soient choisis conjointement par la partie syndicale et la partie patronale.

Recommandation 12:

NOUS RECOMMANDONS que la loi oblige l'employeur à informer une travailleuse qui se déclare enceinte, des dangers que peuvent présenter ses conditions de travail pour sa santé et celle de son enfant.

Recommandation 13:

NOUS RECOMMANDONS que la recherche en hygiène industrielle, subventionnée par la commission, soit réalisée de manière complètement indépendante de représentants patronaux.

Recommandation 14:

NOUS RECOMMANDONS que les paragraphes 1 et 5 de l'article 40 soient modifiés de telle manière que l'employeur doive "garantir" aux travailleurs que les établissements sur lesquels il a autorité soient équipés et aménagés de façon à assurer la protection des travailleurs et que l'employeur doive garantir aux travailleurs que l'organisation du travail et les méthodes et techniques pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé des travailleurs.

Recommandation 15:

NOUS RECOMMANDONS qu'au moins deux fois par année, un service spécifique de la commission s'assure du fonctionnement adéquat des comités de santé et sécurité dans les entreprises non syndiquées.

Recommandation 16:

NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi voie à reconnaître l'organisation syndicale lorsqu'il y en a une, comme partie exclusive habilitée à représenter les travailleurs sur le comité de santé et sécurité.

Recommandation 17:

NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie l'existence d'au moins un comité paritaire par syndicat accrédité dans une même entreprise.

Recommandation 18:

NOUS RECOMMANDONS que l'article 40 fasse obligation à l'employeur de s'assurer que ses représentants au sein du comité de santé et sécurité soient investis de pouvoirs nécessaires à l'application de la loi et des règlements.

Recommandation 19:

NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 1 de l'article 63 prévoie un droit de veto syndical sur le choix des moyens individuels de protection comme sur l'obligation qui pourrait être faite de s'en munir.

Recommandation 20:

NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 2 de l'article 63, concernant la formation et l'information des travailleurs soit retiré.

Recommandation 21:

NOUS RECOMMANDONS que l'article 48 soit modifié au paragraphe 2 en retirant la formation et l'information des travailleurs du programme de prévention.

Recommandation 22:

NOUS RECOMMANDONS que le programme de prévention soit sous la responsabilité et l'autorité du comité de santé et de sécurité de l'entreprise et que les paragraphes 3 et 5 de l'article 63 soient modifiés en conséquence.

Recommandation 23:

NOUS RECOMMANDONS que l'article 62 prévoie la libération des représentants syndicaux au comité, sans perte de salaire, pour préparer les réunions du comité, pour procéder aux inspections et enquêtes nécessaires.

Recommandation 24:

NOUS RECOMMANDONS que les programmes de santé au travail soient élaborés indépendamment des employeurs, mais avec la participation des travailleurs et de leurs organisations.

Recommandation 25:

NOUS RECOMMANDONS que le choix du médecin responsable du programme de santé au travail soit, en cas de désaccord du comité de santé et sécurité, une prérogative des représentants syndicaux du comité.

Recommandation 26:

NOUS RECOMMANDONS qu'aux fins de diagnostic et de traitement, donnant droit aux bénéfices d'invalidité, la loi prévoie le libre choix du médecin par le travailleur.

Recommandation 27:

NOUS RECOMMANDONS la création d'un institut québécois de recherche et de formation en médecine du travail.

Recommandation 28:

NOUS RECOMMANDONS le retrait du chapitre VI concernant les associations sectorielles.

Recommandation 29:

NOUS RECOMMANDONS que les fonds prévus aux associations sectorielles soient versés aux associations syndicales et patronales, dans une proportion de deux tiers, un tiers respectivement.

Recommandation 30:

NOUS RECOMMANDONS, concernant le chapitre X sur les infractions, que la seule pénalité imposée à un travailleur soit de lui faire obligation de suivre un cours d'une journée, à ses frais, sur la santé et sécurité au travail.

Recommandation 31:

NOUS RECOMMANDONS le retrait de l'article 200 concernant l'outrage au tribunal.

Recommandation 32:

NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation prévoie, pour la présente année, des budgets spéciaux aux commissions scolaires pour les obliger à rendre conformes les ateliers du secteur professionnel à toutes les lois et à tous les règlements existants.

Recommandation 33:

NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation prévoie, en priorité, l'instauration d'un programme complet de prévention et de formation pour tous les étudiants au secondaire, intégrant des cours sur la santé et sécurité au travail, sur le Code du travail, sur l'histoire du mouvement ouvrier.

Recommandation 34:

NOUS RECOMMANDONS que les programmes de formation des travailleurs de l'enseignement prévoient une formation théorique et pratique adéquate en hygiène industrielle.

Recommandation 35:

NOUS RECOMMANDONS le retrait du paragraphe 35 de l'article 185 qui permet à la commission d'exempter de l'application de la présente loi ou de certaines de ses dispositions, des catégories de personnes, de travailleurs, d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de chantiers de construction.

Annexe II — Lettre du Centre hospitalier de Lanaudière

Centre hospitalier régional de Lanaudière Pavillon St-Eusèbe 585, boulevard Manseau Joliette, Québec J6E 3E5

Joliette, le 14 mai 1979

Monsieur Jacques-Yvan Morin Vice-premier ministre et Ministre de l'Éducation Gouvernement du Québec Québec.

Monsieur le ministre,

Vous savez que le gouvernement fait une promotion sans précédent pour protéger la santé plutôt que guérir les maladies.

Des Départements de Santé Communautaire ont justement le mandat de protéger la santé de tous les citoyens situés sur leurs territoires y compris celle des travailleurs ET A FORTIORI CELLE DES FUTURS TRAVAILLEURS.

Dans cette ligne de pensée, nous croyons que les ateliers d'écoles devraient remplir ces fonctions de protection de la santé étant donné qu'elles sont des institutions de formation opérant à même les deniers de la population.

Nous croyons que les écoles devraient remplir trois fonctions minimales essentielles: 1.- Instaurer une salubrité industrielle normale. 2.- Contrôler de façon normale la santé des professeurs et celle des étudiants. 3.- Avoir un enseignement normal et normatif de la santé et de l'hygiène industrielle.

Nous pensons hélas que les écoles polyvalentes s'acquittent mal de ces fonctions au point où les industries privées de profils similaires les devancent à ces chapitres.

Notre lettre voudrait donc expliquer les problèmes rencontrés dans les ateliers d'écoles, le pourquoi de ces problèmes et les moyens à prendre pour éliminer ces problèmes. Nous appuyons notre pensée sur l'expérience vécue en journée de formation destinée à soixante professeurs d'ateliers d'une commission scolaire régionale en novembre dernier.

L'objectif de cette session était de sensibiliser ces professeurs aux causes, mesures et conséquences des maladies professionnelles dans leurs métiers.

Nous avons, à cette occasion, recruté dix excellents spécialistes (annexe A) à travers le Québec pour traiter de la santé et de l'hygiène au travail.

Ce rapport que nous vous soumettons est un reflet des activités de la journée et il se veut être un outil à la disposition des enseignants.

Comme vous pouvez le constater, nous l'avons subdivisé en trois tomes selon les groupes de métiers représentés. — Le premier document traite des risques de maladie chez les travailleurs du bois (menuiserie, construction, meuble). — Le deuxième fait état des problèmes de santé que peuvent avoir les travailleurs du métal (soudure, débosselage, ajustage mécanique). — Le troisième traite des maladies professionnelles chez les mécaniciens (auto et diesel).

La suite de cette lettre tentera de cerner, par étapes, le véritable contexte scolaire versus la santé au travail.

1.- Il y a des problèmes de santé dans les ateliers d'écoles.

Depuis plus d'un an, les infirmières du Département de santé communautaire rattachées au secteur scolaire, avec l'aide professionnelle de notre audiologiste ont effectué plus de 300 audiogrammes chez les professeurs et les étudiants. Les résultats se passent de commentaires. En effet: a.- 90% des professeurs (de 3 commissions scolaires régionales) du secteur des travailleurs du bois ont été dépistés "positifs" par notre audiologiste. En d'autres termes, ils ont une baisse d'audition significative causée par une exposition au bruit (cf. p. A-15 à A-18 du Tome de Menuiserie). b.- Pire encore, un audiogramme effectué à tous les étudiants de menuiserie, mécanique et soudure d'une école polyvalente a dépisté 90% de cas "positifs" (p. A-19 à A-26 du Tome de Menuiserie).

En consultant le tableau en annexe, on constate qu'il n'y a pas de quoi paniquer, mais l'avertissement est sérieux.

Il est à noter que ces études sont sérieuses. Elles n'ont pas été pilotées dans le but d'effectuer des enquêtes épidémiologiques alarmistes! Non! Loin de là! Il s'agissait pour nous d'établir le profil des écoles. Nous avons investigué 38 ateliers et nous affirmons les connaître assez pour savoir de quoi nous parlons.

Précisons enfin que les problèmes dont nous faisons mention sont certes généraux au Québec puisque les écoles de la région de Lanaudière se classent parmi les plus avant-gardistes quant à l'amélioration des conditions de santé et sécurité.

2.- Il y a des problèmes de salubrité dans les ateliers d'écoles.

Les Services de Protection de l'Environnement lors du 10 novembre dernier ont investigué deux postes de travail en soudure. Les résultats sont non équivoques: a.- Un appareil à arc électrique a fonctionné pendant un certain temps et dans les conditions normales: les résultats donnent une quantité de poussière respirée qui dépasse de 3 fois la norme maximale permise en industrie (cf. section B du Tome de Soudure). b.- Une soudeuse automatique émettait dans les voies respiratoires des étudiants 6 fois plus d'ozone que la norme maximale permise en industrie.

Précisons que cet atelier est moderne et bien entretenu. Il appartient à une des écoles où le souci d'avoir d'excellentes conditions de salubrité est le plus soutenu.

Le bruit dans les 38 ateliers visités est excessif à peu près partout surtout en menuiserie.

3.- Les étudiants méconnaissent trop le langage de la santé et de la salubrité en atelier.

Une enquête récemment effectuée dans deux écoles de la Mauricie (Annexe B) est révélatrice.

Aucun étudiant d'une classe de menuiserie ne pouvait définir le mot décibel.

Seulement 3% des futurs soudeurs connaissent le mot "sidérose".

Aucun soudeur ne pouvait identifier les sources d'ozone en industrie.

Pourtant si on avait posé le même questionnaire aux travailleurs de Davie ShipBuilding, de M.L.W. Bombardier ou d'autres industries les réponses auraient été drôlement différentes!

4.- Les écoles sont à l'abri des fougues et/ou des conseils et/ou des services

des intervenants gouvernementaux en santé et sécurité au travail.

A.- Les inspecteurs du travail.

Ils interviennent assez souvent dans les écoles mais ils savent bien que les modifications nécessaires à améliorer la sécurité mettent parfois des éternités à être exécutées. Entre ministères c'est difficile d'imposer quoi que ce soit!...

B.- Les Services de Protection de l'Environnement.

Ils sont mandatés par la loi des établissements industriels et commerciaux pour imposer des conditions salubres dans les industries. Cette loi a totalement oublié les écoles surtout au chapitre de l'approbation des plans avant la construction. Pourtant, les écoles c'est une grosse industrie! Il y a 100 296 étudiants inscrits au professionnel cette année au Québec! En termes de nombre d'individus, c'est l'équivalent de 30 usines General Motors de Ste-Thérèse. Pour un oubli, c'en est tout un!

G.- Les Départements de santé communautaire.

Derniers-nés des intervenants dans le cadre de la santé nous avons le lourd mandat de prévenir les maladies professionnelles chez les travailleurs de nos territoires respectifs. En ce qui nous concerne, dans Lanaudière, nos énergies ont été prioritairement concen-

trées chez les futurs travailleurs d'industrie. Nous avons visité tous les ateliers à risques de neuf écoles polyvalentes. Nous avons mesuré le bruit à tous les postes de travail. Nous avons discuté avec les professeurs et les étudiants. Enfin, un rapport avec recommandations fut envoyé aux responsables de toutes ces écoles (il y a de ça plus d'un an) (cf. annexe C). Nous attendons toujours les accusés de réception.

Je vous jure, monsieur le ministre, que si une seule entreprise privée avait fait un tel oubli, nous aurions rétorqué avec la vigueur que la loi nous accorde dans l'exercice de notre responsabilité.

Cet exemple illustre bien les difficultés d'intervention en milieu scolaire. La cause principale est cette panoplie incroyable de niveaux hiérarchiques à partir du ministère en passant par les élus, les cadres administratifs, l'administration des écoles, les professeurs et finalement les étudiants pour ne nommer que les plus importants. C'est un vrai système à bouton poussoir de sorte qu'il faut avoir une patience héroïque pour convertir tout ce bon monde à notre cause et rejoindre notre population-cible, les étudiants.

D.- La Commission des Accidents de Travail et l'A.P.A.I.

En général ce sont eux qui, à la demande des professeurs, fournissent certains documents, films ou conférenciers.

Leur approche est toutefois strictement reliée à la prévention des accidents avec une vision propatronale en rentabilisant la sécurité et en culpabilisant les professeurs. Comme pédagogie, nous avons vu mieux!

E.- S.G.M.E. et S.M.T.E.

Ce sont des réservoirs imposants de documents audiovisuels qui sont d'ailleurs très mal adaptés au monde de l'apprentissage industriel.

F.- Les "cartes de sécurité" en construction.

Les finissants de cette discipline doivent suivre un cours de "sécurité" en construction. C'est, avouons-le, un humble début.

5.- Les écoles, un ghetto contre la santé

Imaginons un instant les problèmes que les professeurs rencontrent dans leurs ateliers!

On voit souvent des sorties de secours barricadées, des compresseurs dans les salles de cours, des extincteurs chimiques en arrière des piles de bois, des bombonnes à acétylène près du système de chauffage, etc. c'est normal puisque les inspecteurs du travail sont rares... De plus, deux professeurs ne peuvent superviser efficacement une quarantaine d'étudiants. Si une épaisse fumée résulte de la cuisson de l'huile sur les moteurs en réparation... c'est normal... on a pourtant aucune idée de la toxicité de cette fumée et les S.P.E. sont loin...

Quoi faire? À qui se plaindre? Et les comités paritaires sont-ils possibles (lorsqu'il y a 9 niveaux hiérarchiques)?

Les professeurs bien intentionnés se découragent littéralement et pour cause!

La résultante est que le seul langage connu est la "sécurité". L'étudiant n'est toujours pas plus informé sur sa santé.

6.- L'industrie privée dame le pion aux écoles en santé et sécurité.

Dans notre région, le plus gros employeur est effectivement une Commission scolaire régionale qui d'ailleurs n'a aucun permanent pour s'occuper de la santé et de la sécurité de tout ce bon monde (1695 individus impliqués aux métiers).

Le deuxième employeur en importance est une usine de pâte et papier qui a à sa solde quelque 600 travailleurs. Il y a là deux cadres permanents qui veillent exclusivement à la santé et à la sécurité des travailleurs. Tous les postes de travail sont inventoriés! On connaît à fond les quelque 150 produits chimiques utilisés, le comité paritaire est fonctionnel, etc.

Pour le patron comme pour le syndicat, la santé c'est sérieux!

Quant à nous, nous sommes persuadés qu'une telle situation représente l'inverse de la normale puisque par définition l'école est un lieu d'apprentissage pour l'industrie.

7.- Le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail.

L'intention du ministre Marois dans ce projet de loi vise l'apport d'un sens de responsabilité dynamique où l'auto-inspection serait instaurée sur les lieux de travail. Pour y parvenir, il faut deux composantes:

1.- Le droit du travailleur d'être informé et formé sur les dangers qui guettent sa santé et sa sécurité. 2.- En contrepartie, le travailleur bien formé verra à éviter les situations dangereuses soit par l'arrêt de travail ou soit par l'amélioration de son milieu de travail à travers certains mécanismes comme les comités paritaires.

Sachant qu'il y a 65% des travailleurs qui ne sont pas syndiqués et qui oeuvrent dans de petites entreprises, qui d'autre que les écoles peut les former au chapitre de la santé?

8.- Les objectifs du ministère de l'Éducation.

Citons un extrait des objectifs du récent document intitulé "L'Ecole Québécoise" concernant les étudiants du second cycle. "Susciter des engagements personnels qui accentuent le sens de l'appartenance et suscitent la participation de l'esprit de créativité.

S'employer à accroître chez les jeunes le sens de la responsabilité individuelle et de la responsabilité collective...".

Conclusion

Nous sommes persuadés que la véritable percée du projet de loi dans les milieux de travail se fera au rythme de la formation et de l'information des travailleurs en santé et sécurité. Hélas, actuellement les informateurs sont peu nombreux, il y a les patrons des grosses entreprises, quelques syndicats et les D.S.C.

Pourtant, si les écoles pouvaient ou voulaient s'y mettre! Il y a là 100,296 étudiants au secteur professionnel qui ne demandent qu'à apprendre! Ils sont là pour ça! Qu'on refuse une telle chance, c'est inadmissible.

Depuis la présentation du LIVRE VERT EN ÉDUCATION, un souffle de plus en plus persistant et positif place les polyvalentes dans un sillon de meilleure performance et de crédibilité grandissante.

Ces immenses boîtes s'humanisent considérablement, des témoignages positifs fusent de toute part et nous en sommes fiers.

Les ateliers d'écoles n'échappent pas à cette règle de la bonne réputation grandissante, mais dans cette poussée positive on a toujours oublié la santé! D'ailleurs le livre vert, bien que volumineux, est très peu bavard sur ce sujet.

Espérons que le ministère de l'Éducation ouvre draconiennement la marche au chapitre "santé".

Il faudrait donc que les professeurs et les étudiants du secteur professionnel ne fassent plus les frais de problèmes aussi bêtes que des répartitions inhumaines du nombre d'étudiants, de coupures budgétaires pour des équipements aussi vitaux que des protecteurs auriculaires contre le bruit, etc.

De plus, nous ne connaissons aucun document pédagogique pouvant servir d'outil aux professeurs pour l'enseignement de la santé au travail.

Le rapport que nous vous soumettons est à ce chapitre une humble première.

Nous allons poster une copie de ce document à chaque Commission scolaire et à chaque syndicat local dans l'espoir que ce geste crée un certain dégel au chapitre de la santé dans les ateliers d'écoles.

S'il nous était permis de rêver en couleur, nous verrions à tous les ans des dizaines de milliers de finissants en soudure, mécanique, construction, etc., envahir les industries bien résolus à protéger leurs poumons, leurs oreilles, leur peau, etc.. la résultante serait que d'ici quelques décennies les maladies cruelles comme l'amiantose, la silicose, certains cancers, la surdité, etc.. seraient du folklore.

Pourtant, monsieur le Ministre, si l'on consacrait aux écoles 1/2 de 1% du temps à enseigner la santé au travail et 1/2 de 1% du temps à parler d'hygiène industrielle, notre rêve deviendrait peut-être réalité.

La santé vaut-elle ce prix?

Recommandations

Après avoir sommairement brossé le profil des écoles québécoises au chapitre de la santé et sécurité au travail, nous croyons qu'il est urgent que le ministère de l'Éducation agisse sur 3 plans. 1.- Que les ateliers d'écoles sortent de leurs ghettos et soient traités sur le même pied que les industries par les Services d'inspection du travail, les Services de Protection de l'Environnement et les Départements de santé communautaire. Qu'on modifie certaines lois s'il le faut! À ce sujet, monsieur Pierre Amyot, du Comité Marois (projet de loi sur la santé et la sécurité) semble bien résolu à rectifier la situation du côté de ce Ministère. 2.- Que les professeurs reçoivent une véritable formation en santé et en sécurité par des gens qui connaissent l'industrie et qui véhiculent l'approche de la "santé publique".

3.- Que des programmes pédagogiques simples et réalistes soient instaurés dans les ateliers d'écoles partout au Québec. En espérant que ce document soit reçu d'un oeil bienveillant nous demeurons, monsieur le

Ministre, à votre entière disposition et nous vous adressons l'expression de nos sentiments les meilleurs.

Robert FERNET, Coordonnateur en santé au travail.

ANNEXE C

Mémoire présenté à: La Commission Parlementaire chargée de l'étude du

projet de Loi n° 17 sur la santé et la sécurité au travail

par: La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal Inc

Septembre 1979

Introduction

En octobre 1978, le ministre d'État au développement social publiait en un Livre Blanc l'énoncé des politiques du gouvernement du Québec en matière de santé et sécurité des travailleurs. Ces politiques devaient par la suite se concrétiser dans le projet de loi n° 17 sur la santé et la sécurité du travail.

Nous tenons tout d'abord à exprimer notre satisfaction à voir cette question traitée avec toute l'attention qu'elle demande. Comme l'illustre la première partie du Livre Blanc, les problèmes de santé et sécurité au travail sont nombreux et les énergies actuellement déployées pour y remédier ne suffisent pas à la tâche. Des situations parfois déplorables, surtout dans les secteurs d'activité économique à risques élevés, illustrent bien l'importance de légiférer. Le droit des travailleurs à des conditions de travail respectant leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique est indéniable. Ce droit est d'ailleurs de plus en plus reconnu et plusieurs pays industrialisés sont intervenus en ce sens par voie de législation. C'est le cas notamment de la France, de la Belgique, de la Suède, de l'Allemagne, des États-Unis et de plusieurs provinces canadiennes.

Plusieurs points dans l'orientation gouvernementale nous semblent particulièrement dynamiques et nous tenons à les souligner: la place faite au milieu de travail comme principal agent de changement; le rôle de l'État vu comme catalyseur dans le milieu; le développement de la médecine du travail, spécialité où seront appelés à oeuvrer de plus en plus de professionnels de la santé suite à l'application dé ce programme; le développement des services de santé et sécurité au travail dans les entreprises; la collaboration entre tous les intervenants en santé et sécurité au travail et tous les niveaux d'administration, vers, nous l'espérons, une plus grande efficacité.

Si nous tenons à intervenir devant cette commission parlementaire, c'est pour y soulever une question qui a été presque totalement exclue par le présent projet de loi mais qui nous semble cependant prendre tout son sens dans le cadre du débat, soit la place des cliniques privées de médecine du travail dans le cadre d'un programme complet de santé et sécurité au travail. Nous aurions pu traiter plusieurs autres points, mais nous préférons nous concentrer sur celui qui nous tient le plus à coeur et sur son importance dans le contexte d'une politique sur la santé et la sécurité au travail. Nous n'ajouterons donc à notre présentation que quelques mesures non prévues au projet de loi et qu'il nous apparaît intéressant d'aborder.

La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal Inc.

C'est à titre de clinique spécialisée en médecine du travail que la Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal Inc. aimerait intervenir devant cette Commission Parlementaire.

La clinique est constituée depuis 1978, moment où elle prend à sa charge les activités médicales exercées jusque-là par Parabec Limitée. Compagnie affiliée elle-même fondée en 1973, Parabec était active depuis cette date en médecine du travail. Des services ont été structurés pour répondre à la demande de plusieurs entreprises conscientes de l'importance d'un programme de santé et de sécurité au travail. Parmi les services offerts, mentionnons: les examens médicaux pré-embauche des travailleurs, les contrôles périodiques de leur état de santé, l'expertise médicale...

Depuis, la Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal a participé à la réalisation de nombreux projets, dans différents secteurs d'activité économique. Ainsi sommes-nous responsables de la mise sur pied et de la gestion des services de santé de plusieurs entreprises.

Nos services sont assurés par cinq médecins omnipraticiens (à temps partiel), tous membres de l'Association de Médecine Industrielle de la Province de Québec. De plus, des consultants médicaux de spécialités diverses sont appelés quand cela est nécessaire. Une quarantaine de médecins collaborent au travail de la clinique dans différentes villes du pays.

Dix infirmières, cinq employé(e)s de soutien et deux cadres évoluent à plein temps à la Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal. Plus de cinquante employeurs ont actuellement recours aux services de la clinique, ce qui représente plus de vingt mille travailleurs.

La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal fournit des services d'analyse biologique, de toxicologie et de radiologie par l'intermédiaire de consultants ou de laboratoires extérieurs; elle offre sur place les services d'un laboratoire en physiologie pulmonaire (tests de capacité respiratoire...), un département de cardiologie (permettant même les électrocardiogrammes à l'effort) et un service de vaccination.

La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal s'est aussi penchée sur les problèmes vécus par les différents secteurs du monde du travail, tels la question du bruit industriel et de ses conséquences. En plus de tests par audiomètre dispensés dans nos locaux dans le cadre de programmes de dépistage et de prévention, nous offrons les services de consultants pour le contrôle des bruits et des vibrations en industrie. Nous référons aussi à des spécialistes de l'extérieur les dossiers sur l'hygiène industrielle, la ventilation, l'éclairage et le contrôle de la chaleur en milieu industriel.

Une des particularités de notre clinique est son service de médecine interentreprise. Le Québec compte plus de petites entreprises que de grandes et plus d'entreprises à faible risque d'accidents ou de maladie qu'à risques élevés, soit un grand nombre d'établissements n'ayant pas besoin de médecin à temps plein ou de services de santé complets sur les lieux de travail. Ce sont donc les caractéristiques mêmes du monde du travail au Québec qui génèrent le besoin de ce type de services médicaux: la Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal assure à ces entreprises des services médicaux ou para-médicaux complets selon leurs besoins, au moment où cela s'avère nécessaire. Il est aussi possible de procéder à un suivi médical des travailleurs.

Un réseau de médecins pratiquant à travers le Canada nous permet en plus de suivre tous les travailleurs d'une entreprise comptant plusieurs succursales, ceci à partir d'un programme de santé commun. Cela permet à tous les travailleurs d'être suivis médicalement selon des normes propres à leur activité professionnelle et en relation constante avec leurs collègues dans d'autres succursales.

Propositions à la commission parlementaire

1. L'implantation des cliniques privées dans le cadre d'une politique sur la santé et la sécurité

du travail (article 86)

La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal s'estime bien intégrée à ce milieu du travail qui constitue sa raison d'être. C'est pourquoi la lecture du livre blanc publié en 1978, nous a-t-elle intéressée au plus haut point.

Nous nous sommes surtout attachés à une des notions centrales de tout le projet, soit celle de la participation active du milieu de travail comme clef de voûte de toutes les réformes en matière de santé et sécurité au travail. Il est évident que cela touche d'abord les principaux acteurs du milieu soient les employeurs, certes, mais surtout les travailleurs, hautement intéressés quant à la santé et la sécurité en milieu de travail et grands oubliés de toutes les politiques dans ce domaine. Mais d'après nous, cette notion s'étend aussi à tous ceux et toutes celles qui oeuvrent dans le monde du travail et s'y impliquent d'une façon ou d'une autre.

Cette vision du milieu de travail (dans son sens le plus large) se retrouve d'ailleurs dans la suite du livre blanc, particulièrement quand on en vient à parler des ressources de ce même milieu. Devant l'ampleur de la tâche à accomplir, on parle de "priorités", d'"étapes", permettant de s'attaquer au plus grave, au plus urgent, d'où l'importance de toutes les ressources disponibles à court terme. Le gouvernement estime qu'il "lui faut compter sur une mobilisation et des initiatives de tous les groupes concernés" (livre blanc, p. 194). Car c'est bien à partir d'une telle dynamique que pourra prendre forme un véritable programme de santé et sécurité au travail, pris en charge par le milieu concerné.

Toutes les ressources de ce milieu doivent être mises à contribution. Pourquoi négligerait-on une partie importante du milieu de travail, soit le personnel médical et paramédical de diverses cliniques qui y oeuvre depuis nombre d'années et se consacre exclusivement à la médecine du travail? Sa formation, sa compétence, son expérience, tout cela ne constitue-t-il pas un acquis précieux, dans ce domaine où tout reste à faire? "Elle (la commission) devra également chercher à utiliser au maximum les services existants et déjà disponibles aux travailleurs et aux employeurs comme, par exemple, ceux que peuvent fournir diverses institutions du réseau des services de santé" (livre blanc, p. 227).

Nous croyons que des cliniques médicales reconnues et pratiquant exclusivement dans le monde du travail peuvent aussi prétendre à cette disponibilité au milieu, et se sentir directement concernées par tout ce qui le touche, ces cliniques fussent-elles du secteur privé. Ceci est d'autant plus vrai compte tenu de leurs états de service: ces organismes regroupent des professionnels de la santé compétents,

impliqués dans les milieux où ils travaillent depuis nombre d'années, en contact étroit aussi bien avec les travailleurs qu'avec les employeurs; ces cliniques sont responsables de programmes de santé industrielle, de prévention, de dépistage et d'examens divers dans le milieu du travail; leur action s'exerce aussi bien dans les industries que dans les secteurs du transport, de l'agroalimentaire, des services publics, du commerce, etc.

Les cliniques privées, dont la Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal se sentent donc prêtes à relever le défi que pose la réforme profonde des programmes de santé et sécurité au travail. En effet, des services de santé et sécurité faits par et pour le monde du travail et où une large place est faite à la prévention, peuvent aussi bien être dispensés par des organismes privés que par des services de santé publics. Il est clair que ces cliniques privées seront entièrement intégrées dans le système de santé et sécurité au travail, tel que prévu par le projet de loi no 17, que ses médecins seront accrédités par les instances autorisées et qu'elles appliqueront rigoureusement les programmes de santé définis par les comités paritaires, selon les normes de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Comme le souligne le livre blanc, "les ressources ne sont pas si nombreuses qu'on puisse se permettre des chevauchements et des gaspillages d'énergie" (livre blanc, p. 228). Dans cette optique, l'importance de la participation des cliniques privées aux nouvelles politiques de santé et sécurité au travail est indéniable. L'énoncé des politiques du gouvernement incluait d'ailleurs les cliniques privées dans sa vision des services de santé au niveau local. "Il (un service de santé au travail) pourra être intégré administrativement à un centre hospitalier, à un CLSC ou même à un cabinet privé" (livre blanc, p. 241).

Or, le projet de loi no 17 ne fait plus mention des cliniques privées qu'à un seul endroit, à l'article 86, et c'est pour déclarer que: "Le chef du département de santé communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé, lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux" (projet de loi no 17, article 86).

Pareille disposition nous semble tout à fait inacceptable. Premièrement, un cabinet privé représente un personnel médical, para-médical et administratif, des équipements spécialisés, des locaux, bref, une immobilisation qu'il devient impossible de garder opérationnelle dans la seule éventualité où un centre hospitalier ou un CLSC ne pouvant suffire à la demande lui réfère quelques patients. Deuxièmement, nous estimons qu'il y a là sous-utilisation d'une ressource importante du milieu et il serait dommage que toute l'expérience acquise au fil des années par les cliniques privées soit si peu profitable au monde du travail.

C'est pourquoi nous nous permettons de proposer ici un projet visant non seulement le maintien de cabinets privés dans le domaine de la santé et la sécurité au travail, mais aussi l'implantation de nouvelles cliniques, intégrées dans le système de santé et sécurité au travail mis sur pied par le gouvernement.

De même qu'il existe encore des hôpitaux privés fonctionnant de façon satisfaisante sans problèmes budgétaires, ainsi pourrait-il y avoir des cliniques effectuant les tâches prévues par le projet de loi no 17 tout en demeurant dans le secteur privé. Et tout comme le système prévoit la création de nouveaux CLSC, il est possible d'envisager de nouvelles cliniques privées, en plus, bien sûr, des cliniques existant déjà et pouvant s'intégrer au programme public de santé et sécurité au travail au moment opportun (l'investissement que ferait l'État trouvant un écho dans l'investissement que pourrait faire l'entreprise privée).

Nous proposons à ce projet le cadre suivant: 1- qu'une clinique privée oeuvrant en santé et sécurité au travail soit une personnalité civile 2- que son but exclusif soit la médecine du travail 3- qu'elle jouisse de l'autonomie financière 4- qu'elle soit administrée par le conseil de cette clinique.

Toutes les décisions d'ordre médical doivent relever des instances médicales de la clinique, sans ingérence de l'administration. 5- que l'existence de la clinique soit reconnue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, sous la forme d'un permis de pratique, garant de sa compétence. que les médecins au service de la clinique soient accrédités, tel que prévu au projet de loi, par le (les) DSC du (des) secteur(s) administratif(s) où ils seront appelés à pratiquer. 6- qu'il y ait une durée au contrat entre la clinique et la Commission de la santé et de la sécurité au travail (comme est prévue une durée au contrat des médecins — article 89). 7- le financement de la clinique et la rémunération de son personnel s'établiront de la même façon que ceux des instances correspondantes (CLSC, par exemple), selon les règlements prévus par la Commission de la santé et de la sécurité du travail

8- que des dispositions limitent l'ampleur de la clinique. — pour le bon fonctionnement de la clinique, que le nombre de médecins y exerçant soit limité à dix (en équivalent plein temps), plus deux médecins par clinique administrée paritairement (cf. point 9-c de la présente proposition) (jusqu'à concurrence de trois de ces cliniques) plus trois médecins (toujours en équivalent plein temps) ayant la charge de cliniques de santé et sécurité au travail à l'intérieur d'entreprises (charge à temps plein ou partiel). — la limite de tous les services offerts par la clinique sera fonction des normes édictées par la Commission de la santé et de la sécurité au travail, quant au rapport médecin-travailleurs. 9- que la clinique puisse offrir les services suivants: a) Cliniques interentreprises: — la clinique offre ses services à plus d'une entreprise à la fois, dans des domaines à vocation sectorielle ou non, ces entreprises pouvant être situées dans des secteurs sous la juridiction d'un même DSC ou de DSC différents. — le nombre de travailleurs desservis par une clinique sera égal à la somme de ceux de toutes les entreprises desservies, quel que soit le secteur administratif où elles se trouvent; les rapports médecins-travailleurs prévus par règlement s'appliquent alors pour ce nombre total de travailleurs. — il est entendu que la clinique est sous la juridiction du centre hospitalier - DSC responsable du secteur où se trouve l'entreprise qu'elle dessert.

Les médecins de la clinique sont accrédités par les différents centres hospitaliers - DSC des différents secteurs administratifs où ils ont à se rendre dans le cadre de leurs visites interentreprises. — le comité paritaire d'une entreprise choisit un médecin et non une clinique et un médecin précis de la clinique est responsable du dossier santé et sécurité pour une entreprise donnée. Cependant, les examens ne se font pas exclusivement par ce médecin et peuvent être offerts par d'autres médecins de la clinique dont dépend le médecin choisi, ce, cependant, sous la responsabilité du médecin titulaire du dossier. Cela permet une plus grande flexibilité et une plus grande disponibilité face aux besoins de l'entreprise et des travailleurs, en ayant toujours un médecin disponible pour des examens ou des soins médicaux.

Comme les déplacements des travailleurs (s'il y a lieu) vers la clinique sont assumés par l'employeur, cela fait partie de la liberté qu'a cet employeur de choisir une clinique au sein du comité paritaire, même si ladite clinique se trouve dans un secteur administratif autre que le sien; quant aux travailleurs exerçant aussi leur liberté de choix dans ce comité paritaire, la question des différents secteurs administratifs n'a aucune répercussion sur eux, donc, n'est pas un facteur d'empêchement au choix de cette clinique. b) Cliniques interétablissements

Ce service vise à répondre aux besoins des entreprises ayant plusieurs succursales, et ce, où que se trouvent ces succursales (ce peut être le cas d'une chaîne d'établissements commerciaux, d'une commission scolaire). — un médecin ou une équipe de médecins de la clinique, tous accrédités par les différents centres hospitaliers - DSC dont dépendent les différentes succursales de l'entreprise, sont chargés de l'application d'un plan-maître. — ce plan est élaboré à partir des normes et prescriptions de la loi sur la santé et la sécurité au travail et de la Commission de la santé et la sécurité du travail, des besoins identifiés par le comité paritaire et/ou sectoriel et des mesures supplémentaires prévues par l'employeur. Il est appliqué par une même équipe de médecins, d'après les mêmes critères et dans les conditions les plus voisines possible.

Cette mesure a pour but d'uniformiser l'application de la loi pour tous les travailleurs de la même entreprise et de les faire bénéficier des mêmes avantages. Elle peut aussi être un facteur positif dans la prise en charge de leur santé par les travailleurs, qui auront aussi un contrôle beaucoup plus grand sur toutes les mesures de santé et sécurité au travail de leur secteur. c) Cliniques administrées paritairement

Ce type de cliniques prend tout son sens dans le contexte d'un parc industriel, d'un centre commercial, d'un édifice à bureaux, d'un chantier de construction... Des entreprises sont regroupées dans un espace géographique précis et plusieurs d'entre elles ne sont pas assez grandes pour justifier la présence d'un service de santé complet sur place. Ainsi, dans un parc industriel, beaucoup d'entreprises occupent un grand espace mais comptent peu de travailleurs, étant hautement mécanisées. Pourtant, elles se situent souvent dans les secteurs à risques élevés, sans avoir droit à une infirmière à temps plein ou à une certaine fréquence de visites médicales. Cependant, une fois associée aux entreprises voisines, il lui devient possible de bénéficier d'une clinique administrée paritairement.

De plus, les CLSC qui seraient responsables de l'application de la loi dans ce secteur ne sont pas nécessairement en mesure de le faire dans les plus brefs délais. Plusieurs n'existent encore que sur organigramme ou sont en construction. Or, établir un CLSC suppose des frais et des normes minimales de construction et de personnel plus étendues que celles spécifiquement nécessaires à l'application de la loi sur la santé et la sécurité au travail, (de par le mandat même des CLSC).

Ces délais avant que des CLSC ne soient opérationnels peuvent aller jusqu'à compromettre l'application immédiate de la loi sur la santé et la sécurité au travail dans des secteurs d'activité professionnelle à risques élevés.

Il faut aussi considérer que, de par sa vocation communautaire, le CLSC se doit aussi de fournir à la population de son secteur des services de nature diverse, selon les besoins de cette population. Il ne peut donc pas investir toutes ses énergies dans des programmes de santé et sécurité au travail (ceci en prenant pour acquis que la population environnante au milieu de travail à desservir justifie par son nombre et ses besoins la création d'un nouveau CLSC, ce qui, dans le cas de plusieurs parcs industriels, n'est pas évident). Donc, un CLSC implanté dans un quartier sera souvent loin de plusieurs groupes d'entreprises, auxquelles il devra malgré tout fournir des services médicaux (avec les déplacements et les délais que cela peut occasionner), tandis qu'un CLSC plus près de parcs industriels, par exemple, ne pourra que s'éloigner de la population qu'il doit aussi desservir.

La question du personnel médical et para-médical chargé de l'application de la loi sur la santé et la sécurité au travail mérite aussi d'être soulignée. Les cliniques privées fonctionnant actuellement possèdent un personnel compétent et expérimenté, rompu à la pratique en milieu de travail, donc déjà prêt à passer à l'action. Dans certains secteurs, l'attente nécessaire pour que les nouveaux CLSC constituent pareilles équipes peut représenter un délai coûteux et des risques accrus pour les travailleurs. C'est pourquoi nous croyons qu'une clinique privée, dévouée exclusivement à la médecine du travail, aura toute la flexibilité nécessaire pour mettre en place sur les lieux même de travail (à la demande conjointe de tous les comités paritaires de santé et sécurité au travail des entreprises concernées) une clinique médicale complète dévouée exclusivement au service de ce regroupement d'entreprises et bénéficiant de toute l'attention d'un personnel médical et para-médical d'expérience. Nous proposons donc que: — soient prévues des mesures afin de favoriser le regroupement des diverses entreprises d'un secteur donné (par l'intermédiaire de leur comité paritaire de santé et sécurité au travail) pour que celles-ci se dotent collectivement d'une clinique médicale. Le nombre de leurs travailleurs respectifs s'additionne, le total déterminant le nombre de médecins et d'infirmier(ère)s nécessaires, les sommes allouées, etc., ce qui justifiera souvent la création d'une clinique médicale sur les lieux mêmes du travail. — l'administration paritaire de cette clinique par toutes les entreprises concernées (le comité paritaire de chacune d'elle envoyant un délégué), fait qu'une grande compagnie n'a pas plus de poids que les autres, au niveau décisionnel. — toutes les entreprises reçoivent un service relatif à leurs besoins et non au nombre total de leurs travailleurs. — cela permet de bénéficier d'une clinique sur le lieu de travail, intégrée à ce même milieu et administrée par lui. d) que la clinique puisse se charger de toutes les autres tâches prévues par la loi pour un service de santé et santé et sécurité. 10- que les programmes de formation, d'information et de recherche initiés par le centre hospitalier — DSC dans le cadre de l'application de la loi santé et sécurité au travail touche les cliniques privées oeuvrant en médecine du travail au même titre que les autres structures du système. que des dispositifs soient prévus dans la loi pour que toutes ces mesures s'inscrivent dans l'optique d'une collaboration constante et étroite des cliniques privées avec les CLSC et avec le centre hospitalier — DSC dont ils dépendront.

Nous aimerions nous pencher aussi sur le phénomène des étapes dans l'application de la loi santé et sécurité au travail, afin de présenter à cette commission une définition relative au rôle que jouent présentement et pourront jouer les cliniques privées.

Le projet de loi no 17 s'adresse au monde du travail en général et, comme l'exprimait le Livre Blanc, "notre objectif ultime, le seul qui convienne, c'est l'élimination des causes d'accident et de maladie" (Livre Blanc, p. VII). Le but de tous les intervenants dans ce dossier sera sûrement de faire en sorte que tous les travailleurs bénéficient de conditions de travail ne mettant en péril ni leur santé, ni leur sécurité, ni leur intégrité physique. Cependant, compte tenu du nombre d'hommes et de femmes sur le marché du travail, du très grand nombre d'entreprises réparties dans des secteurs divers, de la multiplicité des risques pour la sécurité, du peu d'information dont nous disposons à propos des

maladies professionnelles, cela ne pourra se faire intégralement dans un futur rapproché. À cela s'ajoute le fait que beaucoup des structures nécessaires à l'application de la loi n'existent pas encore ou n'ont pas une vocation en médecine du travail, que le personnel formé en médecine du travail est peu nombreux, que le milieu lui-même a bien peu d'instruments pour se prendre immédiatement en charge.

L'ampleur du problème a évidemment été envisagée, et le Livre Blanc déclare: "il nous faut néanmoins convenir tous ensemble de la nécessité d'être réalistes dans notre démarche et accepter qu'il y ait des étapes à franchir" (Livre Blanc, p. VII). Le gouvernement le mentionne, les programmes de santé et sécurité au travail feront l'objet d'une application progressive, la première cible étant les secteurs d'activité à risques élevés. On ne pourra implanter partout à la fois les structures administratives nécessaires.

Alors, qu'adviendra-t-il des entreprises qui ne seront pas touchés immédiatement par l'application des programmes? Où les travailleurs et les employeurs prendront-ils leurs ressources techniques pour les aider non seulement à initier un projet de santé et sécurité au travail mais souvent à poursuivre celui existant déjà? Nous ne pouvons que supposer, compte tenu de l'état actuel des ressources disponibles, que le statu quo prévaudra dans le cas des entreprises non inclues dans le cadre des programmes publics de santé et sécurité au travail. Les cliniques privées pourront alors poursuivre leur mandat auprès des entreprises qu'elles desservent déjà et offrir leurs services à celles qui désireront se doter d'un service de santé.

Dans cette perspective, nous proposons: — que l'intervention des cliniques privées dans les secteurs ne bénéficiant pas immédiatement des ressources de la Commission de la santé et de la sécurité au travail soit faite dans le cadre de contacts plus fréquents et plus étroits avec les autres instances en santé et sécurité au travail (Commission de la santé et sécurité du travail, centres hospitaliers — DSC, CLSC).

Cette étape dans l'application de la loi permettrait à la Commission de la santé et la sécurité du travail d'apprécier l'étendue des services et la compétence du personnel des cliniques privées.

II. Projet d'amendement aux articles 63 (5°) et 88

Nous voulons aussi souligner une autre disposition du projet de loi, à laquelle nous souhaiterions voir apporter un amendement.

Dans son énoncé des politiques du gouvernement en matière de services de santé au niveau local, plus particulièrement au chapitre du choix du médecin par le comité paritaire d'une entreprise, le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail déclare que, en cas de litige: "la commission devra choisir un médecin parmi ceux qui sont inscrits sur la liste des médecins agréés par le centre hospitalier. Si un médecin oeuvre déjà auprès de l'entreprise au moment de la loi, la commission devra lui accorder une préférence" (livre blanc, p. 242).

Cette motion de préférence accordée à un médecin déjà en poste dans une entreprise au moment du choix d'un responsable de la santé et la sécurité au travail, nous semble importante. En effet, un ' professionnel de la santé au service d'un établissement depuis un certain temps (ce qui représente parfois de nombreuses années), cela devrait avoir une signification: expérience en médecine du travail, connaissance du milieu, conscience des problèmes particuliers à ce secteur d'activité et à cette entreprise en particulier, états de service passés auprès des travailleurs, etc., bref, une compétence dont on devrait tenir compte.

Un raisonnement semblable a possiblement présidé à la rédaction du paragraphe du livre blanc cité ci-dessus. Pourtant, le projet de loi no 17 ne fait aucunement mention de cette notion de "préférence" dans les articles relatifs au choix d'un médecin par le comité paritaire d'une entreprise (article 63, 5° et article 88).

Encore une fois, nous nous surprenons que l'on fasse soudain si peu de cas des mesures de santé et sécurité au travail déjà implantées dans le milieu et des personnes qui en sont responsables. Que ce domaine ait été plus que négligé par le passé, qu'une politique complète de santé et sécurité au travail au Québec s'impose et que cela nécessite une adaptation du milieu et la naissance de nouvelles structures, nous sommes bien placés pour le savoir et nous ne pouvons que nous réjouir de la progression de ce dossier. Cependant, nous croyons que c'est en fait desservir la cause de la santé et la sécurité au travail que de procéder comme si aucune ressource n'existait dans le milieu.

Ainsi pensons-nous qu'un médecin déjà impliqué dans les services de santé d'une entreprise devrait bénéficier d'un certain acquis lors de la prise en main du dossier santé et sécurité au travail par le comité paritaire de l'entreprise.

Nous recommandons donc: — qu'une "préférence" soit accordée à un médecin oeuvrant déjà auprès d'une entreprise, lors du choix par le comité paritaire d'un médecin responsable de l'organisation et de la dispensation des services de santé et sécurité à l'entreprise, donc que des dispositions à cet effet soient inscrites aux articles 63 (5°) et 88 du projet de loi no 17. — que, si la compétence professionnelle du médecin déjà en fonction est mise en doute, par l'une ou l'autre des parties représentées au comité paritaire, le cas doive être entendu par

une instance professionnelle habilitée, pouvant prendre la forme d'un comité où seraient présents des membres de la Corporation Professionnelle des Médecins du Québec et de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

III. Autres propositions

En nous situant toujours dans l'esprit du projet de loi, nous souhaitons proposer certaines mesures non prévues dans la législation mais qui nous semblent cependant pertinentes, soient: — que des mesures incitatives favorisent l'emploi par des cliniques privées, des CLSC ou des DSC, d'étudiant(e)s en médecine et en sciences de la santé durant la période estivale.

Ce projet a un double objectif: la formation d'un personnel médical et paramédical plus compétent et plus conscient en général des problèmes relatifs à la médecine du travail et la possibilité qu'un nombre de plus en plus grand de professionnels de la santé choisissent le milieu du travail comme champ de spécialité.

Nous nous situons ici dans la foulée de l'article 129, 5° et surtout 6°, où on souhaite "intégrer dans l'enseignement des programmes de formation et d'information sur la santé et la sécurité du travail" (projet de loi no 17, article 129, 6°). — un financement particulier de ce programme peut être envisagé en collaboration avec les services d'emploi aux étudiants.

Nous voulons aussi proposer la création d'un carnet de santé propre à chaque travailleur, où serait consigné l'essentiel de son état de santé.

L'examen médical pré-embauche d'un travailleur sera plus utile tant pour le travailleur, au niveau de sa propre santé (affectation à des tâches non nuisibles pour lui) que pour l'employeur (embauche d'un travailleur avec l'état de santé requis pour l'emploi).

De plus, un travailleur passant un examen pré-embauche pour un certain emploi dans un certain type d'entreprise n'aurait pas besoin de repasser un examen s'il sollicite un emploi similaire dans une entreprise similaire, ce dans un délai à déterminer.

On s'élèvera peut-être contre cette mesure au nom du caractère confidentiel des dossiers médicaux. Précisons que le carnet ne contiendra que l'essentiel des visites médicales, sous forme d'un résumé succinct. De plus, comme il est possible de protéger un dossier médical, ainsi pourrait-il en être du carnet de santé.

Nous proposons donc: — qu'un carnet de santé contenant une histoire médicale succincte du travailleur suive celui-ci tout au long de sa présence sur le marché du travail — que ce carnet fasse l'objet des mêmes précautions que tout dossier médical.

Conclusion

Dans notre intervention, nous avons voulu tout d'abord souligner l'existence de certains services médicaux oeuvrant en médecine du travail tout en appartenant au secteur privé. Nous espérons être parvenus à les situer dans le cadre de ce milieu de travail auquel ils appartiennent à part entière, de par leur compétence, leur expérience et leur implication dans le milieu.

Au moment d'entreprendre une réforme en profondeur de toute la politique de santé et sécurité au travail et devant l'ampleur de la tâche, nous savons pertinemment que toutes les énergies doivent être mises à contribution. Cela est particulièrement vrai considérant l'esprit qui a présidé à la rédaction du Livre Blanc puis du projet de loi et la base de tout ce projet, soit le rôle actif du milieu de travail, prenant lui-même en charge sa propre santé et sa propre sécurité.

C'est pourquoi nous nous posons la question suivante: alors qu'il y a tant à faire pour modifier les conditions de santé et sécurité au travail, peut-on se priver de la contribution importante qu'apportent les cliniques privées de médecine du travail?

Dans l'affirmative, qu'advient-il alors de ces cliniques?

Car l'article 288 du projet de loi relatif à son entrée en vigueur ne prévoit aucune date et ne mentionne pas les articles qui seront appliqués prioritairement, non plus que les secteurs d'activité économique touchés les premiers. De plus, de nombreux points pouvant influer considérablement sur l'application de la loi ne sont pas précisés dans un article du projet de loi mais devront faire l'objet de règlements par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ainsi, dans les 100 premiers articles, on fait 27 fois référence à des règlements encore inconnus. C'est le cas notamment des modalités de formation des comités paritaires des établissements où des services de santé seront fournis aux travailleurs, des modalités de financement de tout le système, etc.

Il est donc extrêmement difficile de juger de l'ampleur de la présente loi et d'évaluer quand elle pourra être appliquée intégralement.

Dans cette attente, que font les cliniques privées? Qu'advient-il du personnel à leur emploi, de l'équipement dont elles disposent, de leurs investissements...? Que se passe-t-il au moment de l'adoption de cette loi, et surtout après, quand le programme est généralisé à toutes les entreprises sans que les cliniques privées n'y soient intégrées? Le gouvernement prévoit-il un dédommagement quelconque?

Ce sont bien sûr des hypothèses et personne ne souhaite être confronté à une telle réalité. En effet, nous sommes persuadés qu'il y a place, à l'intérieur d'une politique efficace de santé et sécurité au travail, pour toutes les ressources disponibles et qu'une entente en ce sens interviendra entre toutes les parties concernées.

Nous rappelons au gouvernement notre disponibilité pour discuter de ce dossier et notre motivation à continuer à oeuvrer en médecine du travail.

ANNEXE D

Mémoire sur le projet de loi no 17 intitulé

"Loi sur la santé et la sécurité du travail"

soumis à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

par Bell Canada Août 1979

1. Remarques préliminaires

Le projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité du travail poursuit un but qui rejoint les préoccupations de Bell Canada en ce domaine: l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles.

C'est pourquoi Bell Canada s'empresse d'offrir sa participation à cette commission parlementaire. Elle est convaincue que les années d'expérience qu'elle a acquises en ce domaine pourrait contribuer de façon positive à la réflexion collective amorcée sur ce projet de loi, même si le projet de loi, en tout ou en partie, pourrait ne pas s'appliquer à une entreprise régie par le code canadien du travail. Elle veut en fait livrer le témoignage d'une entreprise qui, depuis 1920, s'est résolument engagée dans le champ de la santé et de la sécurité du travail.

Bell Canada, s'étant déjà engagée depuis fort longtemps à agir dans le sens des objectifs visés par le projet de loi, ne peut que souscrire sans réserve à ces objectifs. Toutefois, certains moyens proposés pour les atteindre lui semblent peu réalistes ou même, dans certains cas, inacceptables. Bell Canada étaiera ces prétentions en commentant les aspects les plus importants de ce projet de loi. Qu'il lui soit cependant permis pour l'instant d'exprimer sa profonde déception de ne pouvoir venir donner ici un point de vue complet, puisque seuls les règlements à venir donneront l'impact réel de certaines dispositions de ce projet.

Ceci étant dit, la compagnie veut assurer cette commission que ses propos veulent être marqués du meilleur esprit de collaboration et de franchise possible et elle est heureuse d'être en mesure de profiter de l'audience qu'elle lui accorde.

2. La santé et la sécurité du travail à Bell Canada

Bell Canada et ses compagnies affiliées constituent le plus important groupe industriel canadien et le plus grand fournisseur de télécommunications au Canada. Au 31 décembre 1978, Bell Canada comptait plus de 53 000 employés au Québec, en Ontario et ailleurs au Canada et dans le monde, auxquels elle a versé près de $870 millions en salaires.

Au Québec seulement, Bell Canada emploie plus de 23 000 personnes, dont environ 17 500 non-cadres, tandis que Télébec Ltée, sa compagnie affiliée au Québec, compte pour sa part 1058 employés, dont 826 non-cadres. Bell Canada et Télébec ont à leur emploi environ 90% de tous les employés du secteur des télécommunications au Québec.

En raison de la nature même de l'entreprise, ces employés sont rattachés à 396 ateliers ou centres de rattachement principaux dispersés sur l'immense partie du territoire du Québec desservie par Bell Canada et Télébec.

Au point de vue administratif, Bell Canada est divisée en trois entités distinctes: le siège social (situé à Montréal), la région du Québec et la région de l'Ontario.

La région du Québec est ainsi organisée que l'on retrouve sous l'autorité d'un même vice-président, le service médical et le groupe de la prévention des accidents. Ces services, qui emploient 68 personnes (dont une trentaine de professionnels de la santé à temps plein ou à temps partiel au service médical), fonctionnent grâce à un budget total de plus de $2 millions. Le seul service médical dispose d'un budget annuel d'environ $1,4 million pour l'ensemble de ses employés localisés au Québec, ce qui représente une allocation "per capita" d'environ $60.

Quant aux services offerts par ces groupes, ils rencontrent ou excèdent ceux que prévoit le projet de loi ou que pourraient vraisemblablement prévoir les règlements à venir à ce sujet.

Il faut le constater, Bell Canada a pu créer et gérer, sans l'intervention de quiconque et sans coercition, une des organisations les plus efficaces au Canada et en Amérique du Nord en matière de santé et de sécurité du travail, le nombre annuel moyen d'accidents avec perte de temps, à Bell Canada

(région du Québec), étant de 2,61/100 employés et le nombre moyen de jours perdus par accident du travail avec absence et maladie professionnelle, de 16,76. Et elle soumet respectueusement, s'autorisant ici de ses nombreuses années d'expérience qu'elle n'a pu acquérir qu'au prix de plusieurs millions de dollars, qu'elle ne voit franchement pas, à l'étude du projet de loi, comment ses résultats pourraient être maintenus et encore moins améliorés par les mécanismes dont le projet de loi prévoit la mise en place.

3. Remarques générales sur le projet de loi

L'objectif ultime du projet de loi no 17, qui est d'éliminer les causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles, est éminemment louable. Bell Canada croit cependant qu'il aurait été de beaucoup préférable de tenter d'atteindre cet objectif en intervenant dans le sens d'une évolution des mentalités et des comportements et par l'établissement de normes minimales, là où le besoin de changements est évident, sans pour autant détruire ce qui se fait déjà de façon efficace dans plusieurs établissements au nombre desquels elle croit être.

Le projet de loi semble provenir, dans sa facture actuelle, d'une réflexion mal engagée sur les problèmes en cause. Plutôt que de proposer des normes qui, respectées, assureront la création d'un environnement sain et sécuritaire pour le travail, le projet de loi détermine le cadre organisationnel comme si seul un mécanisme uniforme pouvait adéquatement répondre à toutes les situations.

Pourtant, des entreprises ont pris des initiatives diverses et se sont dotées d'un service médical et d'un groupe de prévention des accidents et ont, comme Bell Canada, fourni un travail fort valable (bien que perfectible) au cours des années, sans que quiconque les y ait jamais forcées. Est-il vraiment nécessaire de dépouiller ces entreprises responsables de leur rôle clé en matière de santé et de sécurité du travail et de leur enlever cet outil de gestion de base qu'est le service médical? Est-il utile de substituer aux services complets, efficaces et rationnels de ces entreprises, le système lourd et complexe mis de l'avant dans le projet de loi?

4. Les droits et obligations

Pour l'essentiel, Bell Canada est d'accord pour que les travailleurs, les employeurs et les fournisseurs soient soumis aux obligations et jouissent des droits énoncés au chapitre III du projet de loi, sous réserve des commentaires et recommandations qui suivent.

4.1 Quant au droit de refuser d'effectuer un travail dangereux

II est fondamental qu'un travailleur puisse refuser d'effectuer un travail qui serait dangereux pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou pour celles d'une autre personne. On pourrait même prétendre, lorsqu'il en va de la santé ou de la sécurité publique, que ce droit constitue en fait une stricte obligation.

Tous seront cependant d'accord pour affirmer que ce droit doit souffrir une limite, à savoir que son exercice ne puisse en aucun cas mettre en péril la santé ou la sécurité publique, réellement ou probablement. Pourtant, le projet de loi ne semble pas contenir de dispositions à cet effet. Bell Canada estime qu'il est impérieux que le législateur prévoir un cas d'exception à l'égard des travailleurs oeuvrant dans les services publics, c'est-à-dire les services les plus susceptibles de mettre en péril la santé ou la sécurité publique lorsqu'ils ne sont pas dispensés. Ainsi, il est essentiel de rétablir le service téléphonique le plus rapidement possible lorsqu'une tempête de verglas a comme conséquence d'isoler complètement des communautés même si l'état de la chaussée peut constituer un risque inhabituel et anormal.

D'ailleurs, en Ontario, le bill 70 ("The Occupational and Safety Act, 1978"), qui a reçu la sanction royale le 15 décembre 1978 et qui prévoit lui aussi ce droit de refuser d'effectuer un travail dangereux, interdit pourtant l'exercice de ce droit à certaines catégories de travailleurs oeuvrant auprès du public.

Il est donc recommandé: 1. Que là sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du projet de loi ne s'applique pas aux travailleurs employés dans les "services publics", suivant la définition donnée à ces mots par le paragraphe n) de l'article 1 du Code du travail (S.R. 1964, c. 141).

Bell Canada note avec une certaine inquiétude que, contrairement à ce que laissait entrevoir le Livre Blanc à ce sujet, l'on voudrait désormais autoriser le droit de refus non seulement en cas de danger imminent, mais également dans l'hypothèse d'un danger à moyen ou à long terme. Elle souhaite que la notion de danger soit précisée comme étant un danger imminent et grave. Il est donc recommandé: 2. Que l'article II soit modifié en ajoutant après le mot "danger", les mots "immédiat et grave". Ce qui inquiète, ce n'est pas tant qu'un travailleur puisse refuser d'effectuer un travail pouvant s'avérer nocif à la longue, mais bien qu'en toute bonne foi, un travailleur puisse bloquer une tâche, ou même l'entière production, tout simplement parce qu'il est convaincu que sa tâche comporte un risque à long terme là où même les plus grands experts, comme cela arrive très souvent, ne s'entendent même pas entre eux.

Selon ce que prévoit le projet de loi, un inspecteur pourrait éventuellement être appelé à déterminer "immédiatement", aussi étrange que cela puisse paraître (voir pourtant l'article 21 du projet

de loi), s'il existe ou non un danger. Si l'inspecteur décide qu'il y a danger, il peut alors permettre au travailleur de continuer à refuser d'effectuer sa tâche. Cette décision est exécutoire malgré appel (article 22) et, tant que la Commission n'aura pas tranché le débat (ce qui, dans les cas scientifiquement complexes, pourrait prendre des semaines, voire des mois, la commission n'étant pas tenue de rendre ses décisions dans un délai précis), l'employeur n'aura pas le droit d'affecter un autre travailleur à cette tâche (qui pourrait fort bien être un maillon essentiel de la chaîne de production) si le danger ne se rattache pas à la situation particulière de l'individu.

Pourtant, la commission en sera peut-être arrivée entre-temps à la conclusion qu'il n'y avait finalement aucun risque à faire ce travail.

Afin d'éviter que de telles situations ne surviennent, un mécanisme devrait être prévu dans la loi elle-même, qui permettrait à un employeur de continuer à affecter un travailleur à une tâche dont les dangers présumés n'ont pas encore été l'objet d'une opinion scientifique majoritaire.

Il est donc recommandé: 3. Que l'on ajoute à l'article 22 du projet de loi les alinéas suivants: "Cependant, si l'inspecteur permet au travailleur de maintenir son refus d'exécuter le travail, l'employeur peut, malgré l'article 23, demander par écrit à la Commission de déclarer immédiatement qu'elle est d'avis que, dans l'état actuel des recherches scientifiques, il est impossible et il sera impossible de déterminer dans un bref délai si le danger ou le risque appréhendé par le travailleur existe ou non. La commission examine cette demande d'urgence et avise par écrit toutes les parties intéressées de sa décision sans délai, après les avoir entendues sommairement et sans formalité. Si la commission se rend à cette demande, le travailleur doit reprendre le travail immédiatement, malgré les dispositions de l'article 26".

Divers intervenants ont déjà déploré au moment du dépôt du livre blanc que l'on se soit si peu attardé à soumettre des moyens pour empêcher que l'exercice du droit de refuser d'effectuer un travail dangereux ne donne lieu à des abus.

À dire vrai, Bell Canada est convaincue que les abus demeureront marginaux, tant il est vrai que la vaste majorité des travailleurs sont assez responsables pour user de ce droit à bon escient. Et pour ce seul motif, les employeurs doivent peut-être accepter le risque que leur production puisse être totalement arrêtée.

Mais l'on ne peut exiger des employeurs qu'ils acceptent ce risque sans qu'ils n'obtiennent en retour quelque garantie que ce droit sera exercé de bonne foi surtout en période de relations patronales-syndicales difficiles. Or, selon le projet de loi, le fardeau de prouver la mauvaise foi du travailleur (un des plus lourds fardeaux de preuve qui soient) incombe à l'employeur.

Il est donc recommandé: 4. Que l'article 191 du projet de loi soit supprimé.

4.2 Quant au retrait préventif de la travailleuse enceinte

Bell Canada est d'accord pour qu'une travailleuse enceinte ne soit pas astreinte à une tâche comportant un danger pour elle-même ou l'enfant à naître. D'ailleurs, Bell Canada a établi une politique en ce sens depuis plusieurs années déjà. C'est pourquoi ses remarques à ce sujet seront fort brèves.

Elle note tout d'abord que, si le projet de loi ne permet pas à la travailleuse enceinte d'"exiger" mais bien de "demander" d'être affectée à d'autres tâches, ce qui lui semble plus réaliste, il ne permet toujours pas à l'employeur de soumettre le certificat médical délivré par le médecin personnel de l'employée à l'approbation de son propre médecin. Cette demande a pourtant déjà été formulée par divers groupes dans le passé, et Bell Canada la reprend aujourd'hui à son compte. 5. Que le médecin de l'employeur ait la possibilité d'approuver le certificat médical que lui soumet la travailleuse enceinte pour les fins de l'article 32.

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 35, qui prévoit que la commission ne recouvrera pas les paiements temporaires qu'elle aura effectués en faveur d'une travailleuse dont la demande d'indemnité aura finalement été refusée, nous apparaît particulièrement irresponsable, comme allant à l'encontre de tous les principes d'une saine gestion, et ce, indépendamment du fait que ces paiements seront effectués à même un fonds spécial constitué des cotisations des seuls employeurs.

C'est pourquoi, il est recommandé: 6. Que l'article 35 soit reformulé, de manière à ce que la commission puisse recouvrer les montants versés à titre de paiements temporaires, si elle en vient à la conclusion que la demande ne doit pas être accordée.

4.3 Quant au programme de prévention

Le projet de loi prévoit que chaque employeur s'assure qu'un programme de prévention soit mis en application dans son entreprise (article 47). Bell Canada est d'autant plus d'accord avec cette proposition, qu'un programme contenant au moins les éléments mentionnés à l'article 48 est en vigueur chez elle depuis de nombreuses années.

Sous réserve des autres commentaires à ce sujet, qu'elle formulera à l'occasion de ses remarques sur les comités de santé et de sécurité, Bell Canada appuie l'idée que les employeurs soient soumis à l'obligation de mettre en application dans leur entreprise un programme de prévention contenant les

éléments mentionnés à l'article 48. Cependant, comme certaines entreprises ont déjà en place des programmes de prévention qui excèdent de loin ce qui est prévu au projet de loi ou les normes prévisibles qui pourraient être adoptées par la réglementation à venir, Bell Canada suggère que le ministre chargé de l'application de la loi ait la discrétion d'exempter toute entreprise de l'application des articles 47 à 50 inclusivement.

5. Les comités de santé et de sécurité

Bell Canada estime qu'il est fondamental que les employés apportent leur point de vue et participent à l'élaboration des politiques de l'entreprise en cette "matière.

Et si l'on doit malheureusement constater qu'historiquement, les relations employeurs-travailleurs se sont trop souvent traduites par une dialectique d'affrontement, il faut admettre qu'un projet de comité paritaire puisse constituer un pas valable en direction d'un changement de ce climat.

Bell Canada exprime, par conséquent, son accord avec le concept de comité paritaire de santé et de sécurité au travail, sous réserve des commentaires suivants:

5.1 La formation des comités de santé et de sécurité

Le projet de loi reprend les propositions du livre blanc en disposant que ces comités seront établis "au sein de tout établissement de plus de dix travailleurs" (article 56).

Le mot "établissement", quant à lui, est défini au paragraphe 14 de l'article 1 du projet de loi, comme "l'ensemble des installations et de l'équipement physiquement groupés et organisés sous l'autorité d'une même personne ou de personnes liées, en vue de la production de biens ou de services, à l'exception d'un chantier de construction; ce mot comprend notamment une école, une entreprise de construction...". Cette définition apparaît, au moins à première vue, comme donnant au mot "établissement" le sens d'"entreprise".

Cependant, d'autres dispositions du projet de loi utilisent ce mot de manière telle que l'on pourrait être tenté de croire que le mot "établissement" puisse également recevoir le sens de "atelier de travail" (voir par exemple le premier paragraphe de l'article 40).

Bell Canada estime que cette ambiguïté doit être dissipée et que seule la notion d'entreprise doit être retenue. Car s'il fallait qu'aux fins de l'article 56, entre autres, la notion d'atelier de travail soit retenue, on assisterait alors à une prolifération indue de comités paritaires au sein d'une même entreprise (près de 400 dans le cas de Bell Canada et relevant de plusieurs départements de santé communautaire), lesquels établiraient un ordre de priorités plus ou moins différent d'un atelier à l'autre et traiteraient ces priorités de manière non homogène; tout ceci à un coût prohibitif pour les employeurs et l'État, et sans que l'intérêt des travailleurs soit nécessairement mieux assuré.

Il est donc recommandé: 7. Que la loi et les règlements adoptés en vertu de celle-ci soient suffisamment clairs pour que le mot "établissement" employé à l'article 56, ait le sens précis d'"entreprise".

Bell Canada note également que l'article 57 ne fait pas état des situations où une entreprise compte plusieurs associations accréditées même si l'article 58 prévoit, dans ces cas, que le nombre de membres de même que les modalités de la désignation des représentants des travailleurs seront déterminés par règlement. Elle recommande: 8. Que les modalités de désignation des travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité soient inscrites dans la loi et que le législateur s'inspire des mécanismes prévus pour la composition du comité de francisation dans la Charte de la langue française.

5.2 Les pouvoirs des comités de santé et de sécurité

Bell Canada remarque que l'on entend confier aux comités paritaires, par l'article 63 du projet de loi, certains pouvoirs décisionnels en matière de santé et de sécurité du travail tandis que l'employeur doit en assumer les coûts d'implantation.

Bell Canada soumet respectueusement à cette Commission que, si l'employeur doit avoir seul à s'acquitter de ces obligations, il doit aussi être le seul à choisir les moyens de s'en acquitter tout en n'excluant pas la participation consultative des travailleurs.

Bell Canada recommande donc: 9. Que le comité paritaire ait, à l'égard du choix des équipements et moyens de protection individuels, ainsi qu'à l'égard du programme de formation et d'information en matière de santé et de sécurité, de même qu'en ce qui concerne le choix du médecin responsable des services de santé de l'établissement, le pouvoir de faire des recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un délai raisonnable et par écrit.

En ce qui touche le paiement des coûts afférents aux moyens et équipements de protection individuels, ils sont, chez Bell Canada, l'objet de clauses dans les conventions collectives. Cette expérience s'avère heureuse en ce qu'elle consacre la responsabilité de l'employeur et de l'employé dans ce domaine, tout en assurant, les normes de sécurité étant respectées, une liberté de choix à l'employé. Il est recommandé:

10. Que le paiement des coûts afférents aux moyens et équipements de protection individuels propres à l'établissement, continue d'être l'objet de négociations entre l'employeur et le (s) syndicat (s) représentant les employés, par lesquelles Bell Canada assume une responsabilité financière pour ces équipements tout en laissant le choix d'équipements individuels à l'employé. il est finalement recommandé: 11. Que, si l'on entend encore confier au comité paritaire un pouvoir décisionnel en quelque domaine que ce soit, les travailleurs ou leur syndicat participent au même titre que l'employeur aux coûts y afférents et à toutes les responsabilités en découlant.

6. Le représentant à la prévention

Le projet de loi prévoit la création du poste de "représentant à la prévention" nommé parmi les représentants du syndicat au comité. Ce "représentant" serait doté de divers pouvoirs d'Inspection et d'enquête, et aurait pour tâche supplémentaire "d'assister les travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente loi et les règlements" durant les heures de travail.

Bell Canada assume déjà les fonctions décrites comme étant celles du représentant à la prévention. Elle le fait dans le cadre d'un groupe de la prévention des accidents car elle conçoit qu'il lui appartient d'assurer la santé et la sécurité au travail. Elle ne peut que s'objecter à ce que le projet de loi place les activités de prévention au coeur même des relations de travail par la création de ce poste confié à un représentant syndical. En somme Bell Canada croit au concept de responsabilité à la prévention, mais soumet que cette responsabilité est celle de l'employeur et en conséquence recommande: 12. Que l'on abandonne le concept de "représentant à la prévention" tel que décrit dans les articles 67 à 72 inclusivement.

7. Les services de santé au travail

Le chapitre VIII du projet de loi propose un nouveau régime de santé au travail en vertu duquel l'élaboration et l'application du programme de santé ainsi que l'organisation et la dispensation des services de santé dans les entreprises seraient confiées à l'État et au réseau public de santé.

Il est regrettable que l'on veuille soumettre toutes les entreprises, sans distinction, à ce nouveau régime. Les concepteurs de ce projet semblent avoir oublié le fait de constater que certaines entreprises disposent d'une équipe médicale à leur emploi offrant déjà des services de santé à leurs employés.

Ainsi, pour sa part, Bell Canada peut s'enorgueillir à juste titre d'avoir développé, au Québec, depuis plus de 35 ans, un programme de santé très sophistiqué, combinant l'approche clinique et de santé publique tant vantée, et à bon droit, par le livre blanc. Ce programme de santé réalisé par une équipe de 47 personnes, dont quelques dizaines de professionnels de la santé oeuvrant pour la plupart à plein temps, dispose à cette fin d'un budget annuel de $1,4 million pour 23 000 employés, comme nous l'avons déjà dit.

Elle désire préciser que le programme de santé qu'elle offre à ses employés est le fruit de recherches et études menées par ses propres compétences techniques, dont certaines fort spécialisées. Si Bell Canada a pu concevoir un programme si bien adapté à son genre d'industrie, c'est qu'elle a pu bénéficier d'une foule de données, allant du bilan de santé individuel au bilan de santé collectif, puisées chez elle et dans l'ensemble de l'industrie téléphonique d'Amérique du Nord qui regroupe près d'un million d'employés. Il lui a donc été possible de constituer des programmes de prévention, depuis la mise en place de normes d'embauche et de normes de qualité de services jusqu'au contrôle de la qualité et de la fréquence des examens médicaux.

Il est donc utopique, à son avis, de croire qu'un tiers, le "médecin responsable" ou la commission de la santé et de la sécurité du travail, puisse même songer à être en mesure un jour d'établir un programme de santé égal, et encore moins supérieur, à celui qui existe déjà.

Le nouveau régime pourrait avoir comme résultat pratique d'amener des entreprises qui, comme Bell Canada, peuvent maintenir un programme de santé à un coût per capita très supérieur aux prévisions du gouvernement telles qu'elles apparaissaient au livre blanc, à réduire considérablement la qualité des services qui sont offerts présentement, ou pis encore, à faire table rase du jour au lendemain de nombreuses années d'expérience et de millions de dollars consacrés à ces fins, si les représentants syndicaux au sein du comité paritaire (au moment de la consultation), ou la Commission (au moment de l'élaboration des normes minimales), ou le "médecin responsable" (au moment de la rédaction du programme de santé), décident que les priorités de cette catégorie d'entreprise ne sont pas les leurs.

Bell Canada se demande donc comment l'on a pu faire abstraction de ces faits quand la décision de soumettre toutes les entreprises à cette partie de la loi a été prise. Elle ne croit pas qu'il faille nécessairement faire intervenir le réseau public de santé dans les entreprises surtout lorsque se trouvent, au sein même de ces entreprises, des services de santé adéquats.

Il est donc recommandé: 13. Que la législation à venir sur la santé et la sécurité au travail continue de permettre aux entreprises qui le désirent, d'offrir elles-mêmes des services de santé au travail tout en leur laissant la possibilité d'opter pour le réseau public de santé pour ces services.

Le nouveau régime proposé donne à l'employeur un rôle de consultant, au même titre que le comité de santé et de sécurité, lorsqu'il s'agira, pour le médecin responsable, d'élaborer le programme de santé spécifique à son établissement.

Bell Canada prétend, pour sa part, que le programme de santé d'une entreprise doit nécessairement être élaboré par l'employeur puisqu'un tel programme constitue, entre autres choses, un outil de gestion essentiel et grâce auquel l'employeur peut remplir son obligation qui est d'organiser sa force ouvrière de manière optimale, compte tenu des aptitudes de chacun. Comme elle l'a déjà affirmé, elle croit cependant qu'il est normal que les employés participent au processus d'élaboration de ce programme de santé. Elle recommande donc: 14. Que l'employeur soit responsable de l'élaboration du programme de santé spécifique à l'établissement. 15. Que le comité de santé et de sécurité au travail ait le pouvoir de faire des recommandations auprès de l'entreprise à ce sujet, recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un délai raisonnable et par écrit.

Le législateur, de l'avis de Bell Canada, fait encore erreur lorsqu'il se propose de confier l'application de ce programme de santé à un service de santé qui ne serait plus placé sous la responsabilité financière et administrative de l'employeur.

Or, dans la mesure où il faut admettre que ce programme de santé constitue un outil de gestion légitime et fondamental, il s'ensuit logiquement que l'employeur puisse au moins l'administrer, quitte, évidemment, à en défrayer les coûts d'opération. C'est pourquoi, il est recommandé: 16. Que le service de santé au travail continue d'être sous la responsabilité financière et administrative directe de l'employeur. 17. Subsidiairement, si l'on désire encore soustraire ce service à l'autorité de l'employeur, que les travailleurs, ou leur syndicat, participent aux coûts, au même titre que l'employeur.

Compte tenu de la recommandation principale qui précède, l'on comprendra que Bell Canada s'objecte fermement à ce qu'un tiers puisse s'occuper de gestion interne en appliquant le programme de santé de l'employeur.

De plus, elle met en doute l'efficacité du concept de "médecin responsable des services de santé dans l'établissement" choisi par le comité de santé et de sécurité. Le médecin d'entreprise, membre d'un Ordre professionnel vis-à-vis duquel il doit prouver sa compétence, voit son efficacité mesurée par l'employeur par son aptitude à améliorer l'état de santé général des employés, ne serait-ce que parce que l'employeur y trouve son intérêt. Le "médecin responsable", dont fait état le projet de loi, risque fort, étant donné la double origine de son mandat, de proposer des compromis. En conséquence, il est recommandé: 18. Que le service de santé au travail continue d'être confié au médecin d'entreprise.

Enfin, Bell Canada souscrit au principe du droit d'accès, pour le travailleur, à son dossier médical, tel que le prévoit l'article 99. Cependant, comme plusieurs entreprises ont, à l'heure actuelle, des dossiers médicaux dressés selon des procédures différentes et contenant d'autres éléments que des données d'ordre strictement clinique, il serait souhaitable que le concept de "dossier médical" soit précisé pour refléter uniquement des données objectives, de sorte que l'employé n'aurait droit d'accès qu'à cette partie du dossier qui contient des données d'ordre clinique.

8. Les infractions

Le chapitre XIV du projet de loi qui traite des infractions, apparaît à Bell Canada extrêmement sévère pour les employeurs.

Ainsi en est-il de cette disposition qui rendrait l'employeur responsable de l'infraction commise par un travailleur à son emploi, si cet employeur ne peut établir que cette infraction a été commise à son insu, sans son consentement et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission (article 201).

Que l'employeur soit pénalisé pour ne s'être pas plié à une obligation qui lui est imposée par la loi, d'accord. Mais qu'il puisse être appelé à payer pour des infractions à des dispositions qui ne le concernent même pas, lui semble injuste et, par conséquent, inacceptable. Bell Canada recommande donc: 19. Que l'article 201 du projet de loi soit supprimé.

9. Les pouvoirs de réglementation

Bell Canada note avec beaucoup d'inquiétude que l'on se propose encore une fois de laisser au gouvernement et à un organisme qui n'est ni redevable ni responsable devant le peuple québécois, le soin de préciser par règlement plusieurs aspects, souvent essentiels, de la législation à venir au sujet de la santé et de la sécurité au travail.

Bell Canada s'objecte fortement à cette façon de procéder, surtout lorsqu'elle peut avoir pour effet de soustraire au libre jeu de la démocratie, l'élaboration de certaines règles fondamentales.

Elle recommande: 20. Que tous les règlements initiaux soient déposés devant l'Assemblée nationale avant l'adoption du projet de loi.

10. Conclusion

En conclusion, il apparaît évident que le législateur, désirant établir un programme minimum de santé et de sécurité au travail dans tous les établissements au Québec, impose dans son projet de loi de nombreuses contraintes qui pénaliseront les entreprises qui avaient déjà manifesté, dans ce domaine, une attitude responsable, de même que leurs employés.

Il semble que l'on soit encore en présence d'un processus de nivellement par la base. De plus, le projet de loi donne aux syndicats des pouvoirs extraordinaires sans qu'il soit démontré qu'en résulteront de meilleures conditions de travail pour l'ensemble des travailleurs. Enfin, la loi ne détermine pas toutes les règles du jeu importantes de manière à ce que la réglementation revienne à son rôle véritable qui consiste à préciser les mesures pratiques de mise en opération des principes préalablement énoncés par la loi.

ANNEXE 1

LISTE DES PRINCIPALES ACTIVITES DU SERVICE MEDICAL ET DU GROUPE DE LA PREVENTION DES ACCIDENTS DE BELL CANADA

Principales activités du service médical de Bell Canada

Les services mis à la disposition du personnel, des cadres ou du service des avantages sociaux de la compagnie sont multiples. a)Aux employés, nous offrons un service d'examens médicaux périodiques annuels, l'accessibilité aux médecins ou aux infirmières de la compagnie pour malaises, maladies mineures, traitements de blessures au travail, immunisations prophylactiques, etc. b)Aux cadres, nous offrons une assistance médicale lorsqu'il s'agit d'embaucher un nouvel employé, d'effectuer des mutations, de déléguer du personnel à l'étranger, d'évaluer la santé des employés qui ont des problèmes (rendement, comportement) au travail. c)Au service des avantages sociaux, nous offrons une assistance médicale lorsqu'il s'agit de contrôle des absences, de cas de pension, d'incapacité, de mutation d'employés. d)Finalement, nous surveillons, au moyen de données statistiques épidémiologiques, les diverses maladies, blessures, état contagieux, qui se développent chez les employés et indiquons les moyens que la direction doit prendre pour remédier aux situations anormales.

Pour rejoindre une vaste population répartie sur un très vaste territoire, nous avons des centres médicaux dans les villes suivantes: Montréal, Québec, Sherbrooke et Hull. Des infirmières visiteuses assurent la présence du service médical de la compagnie dans les endroits suivants: Alma, Chicoutimi, Drummondville, Granby, Joliette, La Malbaie, Rivière-du-Loup, Sorel, Ste-Agathe, St-Félicien, St-Hyacinthe, St-Jean, St-Jérôme, Thetford Mines, Trois-Rivières, Valleyfield et Victoriaville.

Tout travail effectué au service médical est codifié et fait l'objet de statistiques couvrant le type de service rendu, le diagnostic, l'absence, s'il y a lieu. Également, tout employé qui s'absente pour raison médicale, ou suite à une blessure subie lors d'un accident (au travail ou autre) est l'objet de statistiques, qui sont réunies et publiées annuellement: — Absences-maladie — Morbidité des différentes maladies qui frappent les employés — Blessures — Accidents au travail

En conclusion, l'on peut regrouper les soins dispensés par le service médical dans les rubriques suivantes: — Examens de préaffectation — Examens médicaux périodiques: évaluation (par une infirmière) examens (par un médecin) consultations (par un médecin) — Examens médicaux divers: exigé par l'emploi demandé par le Comité des Avantages sociaux avant le retour au travail demandé par le supérieur immédiat cas spéciaux — Hygiène préventive: entrevues planifiées problèmes de santé particuliers — Blessures: au travail en dehors des heures de travail

— Maladie — Analyses et examens: laboratoire dépistage du cancer acuité visuelle acuité-tonométrie tuberculose rayons X — divers ECG — Divers: immunisations injections diverses physiothérapie rencontres de groupe

Principales activités du groupe de la prévention des accidents de Bell Canada Information

Nos moyens de renseigner les différents services de la compagnie sont: — les pratiques; — les circulaires générales; — les conseils de prudence; — les bulletins flash; — les séminaires sur la sécurité; — les programmes cadres; — les rapports hebdomadaires et mensuels; — les affiches et les campagnes de sensibilisation; — la publicité dans le Journal Bell

Communications

Pour ce qui est des relations avec les groupes énumérés dans "Communications", le groupe de la Prévention participe à leurs recherches et assiste à des réunions sur la prévention des accidents. Les différents services concernés sont alors avisés afin qu'ils établissent de nouvelles pratiques et qu'ils informent les cadres et employés des nouvelles façons de procéder.

Demeure en contact avec les divers ministères.

Analyse les nouveaux projets de loi concernant la sécurité et l'hygiène industrielles.

Met sur pied les programmes et les plans d'action pertinents.

Analyse les accidents survenus à des personnes et en fait un rapport détaillé au gouvernement concerné.

Conçoit, établit et distribue le programme cadre.

Conçoit, établit et distribue le programme d'affichage.

Communique avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les règlements de la Section IV du Code Canadien du Travail du Canada.

Communique avec le gouvernement du Québec en ce qui concerne les règlements du Code de sécurité pour les travaux de construction, les lois des accidents du travail, les lois et ordonnances des transports etc.

Etudie les différentes brochures sur la sécurité publiées par les organismes gouvernementaux (achat et distribution aux services concernés) et prend les mesures qui s'imposent.

Fournit l'assistance pour régler les problèmes que pourrait poser la réglementation relative à certaines directives émanant du gouvernement ou de l'ACNOR.

Visite les différents organismes qui s'occupent de sécurité (protection contre les incendies, sécurité routière, vêtements de sécurité, etc.)

Participe aux congrès, colloques, séminaires de différents organismes qui s'occupent de sécurité et d'hygiène industrielles.

Techniques

Les relations du groupe de la Prévention des accidents de Bell Canada avec les gouvernements consistent à étudier les lois relatives aux outils, équipements, appareillages, méthodes de travail pour voir si nos activités sont en cause. Dans l'affirmative, le service de l'Ingénierie est invité à concevoir un autre produit ou à modifier le produit existant pour satisfaire aux normes de la loi.

Le processus est ensuite suivi jusqu'à ce que la nouvelle information soit inscrite dans les pratiques. Ces mêmes informations sont communiquées au groupe de la Prévention de l'Ontario ainsi qu'à l'Administration centrale.

Membre du comité chargé de standardisation des outils, matériaux, équipements et des méthodes relatives à la sécurité.

Participe à l'examen des nouveaux produits et, s'ils sont acceptables, les recommande au service de l'Ingénierie et aux différents groupes régionaux.

Propose et prépare les changements au programme de prévention des accidents. En relation avec la Région de l'Ontario et l'Administration centrale, étude des changements, préparation, impression et distribution de l'information à tous les détenteurs de nouveau livret P.P.A.

Révise et modifie les méthodes de travail et s'assure que toutes celles qui traitent de sécurité soient canalisées vers les groupes concernés.

Conçoit et met au point des aides didactiques audio-visuelles, participe à la production de nouveaux films et avise les différents services de la disponibilité de ces aides.

Conçoit, rédige et distribue les documents contenant les normes, politiques et règlements sur la protection des yeux, les ceintures de sécurité, les chaussures de sécurité, la protection des employés, etc.

Responsable du choix de l'équipement de protection individuelle tel que les lunettes et les casques.

Formation

Donne des cours de secourisme (en 1978 — 3180 participants).

Tient un dossier de tous les employés qui ont suivi le cours de premiers soins, émet des certificats de participation et fait un rapport à l'Administration centrale sur tous ceux qui ont suivi le cours.

Fait les recommandations nécessaires lors des accidents de véhicules et de blessures au travail.

Participe aux enquêtes et offre l'assistance technique nécessaire.

Evalue le programme de prévention des accidents.

Aide la direction à découvrir et corriger les situations ou les pratiques dangereuses.

Donne la formation sur l'administration du programme de prévention des accidents.

Agit comme personne ressource dans l'élaboration des cours techniques et de direction.

Participe à l'implantation des méthodes d'observation de conducteurs de véhicules.

Forme les nouveaux instructeurs pour les cours de premiers soins.

Inspection et contrôle

Visite et inspecte les lieux de travail et fait rapport au directeur concerné. Veille à la mise en pratique du programme de prévention des accidents. Observe les employés au travail pour s'assurer que les normes et directives en sécurité sont respectées.

Contrôle l'application des normes et règlements de sécurité. Evalue la gestion en prévention.

Affiliations

Société Canadienne des techniques en sécurité

Conseil Canadien de la sécurité

National Safety Council

Association de l'Hygiène Industrielle du Québec

Ligue de sécurité du Québec

Canadian Standards Association — Sectional Committee and Working Committees

Centre spécial de l'Ambulance St-Jean

ANNEXE 2

Liste des recommandations 1. Que la sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du projet de loi ne s'applique pas aux travailleurs employés dans les "services publics", suivant la définition donnée à ces mots par le paragraphe n) de l'article 1 du Code du travail (S.R. 1964, c. 141). 2. Que l'article II soit modifié en ajoutant après le mot "danger", les mots "immédiat et grave". 3. Que l'on ajoute à l'article 22 du projet de loi les alinéas suivants: "Cependant, si l'inspecteur permet au travailleur de maintenir son refus d'exécuter le travail, l'employeur peut, malgré l'article 23, demander par écrit à la Commission de déclarer immédiatement qu'elle est d'avis que, dans l'état actuel des recherches scientifiques, il est impossible de

déterminer dans un bref délai si le danger ou le risque appréhendé par le travailleur existe ou non. La commission examine cette demande d'urgence et avise par écrit toutes les parties intéressées de sa décision sans délai, après les avoir entendues sommairement et sans formalité.

Si la Commission se rend à cette demande, le travailleur doit reprendre le travail immédiatement, malgré les dispositions de l'article 26." 4. Que l'article 191 du projet de loi soit supprimé. 5. Que le médecin de l'employeur ait la possibilité d'approuver le certificat médical que lui soumet la travailleuse enceinte pour les fins de l'article 32. 6. Que l'article 35 soit reformulé de manière à ce que la Commission puisse recouvrer les montants versés à titre de paiements temporaires, si elle en vient à la conclusion que la demande ne doit pas être accordée. 7. Que la loi et les règlements adoptés en vertu de celle-ci soient suffisamment clairs pour que le mot "établissement" employé à l'article 56, ait le sens précis d'entreprise." 8. Que les modalités de désignation des travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité soient inscrites dans la loi et que le législateur s'inspire des mécanismes prévus pour la composition du comité de francisation dans la Charte de la langue française. 9. Que le comité paritaire ait, à l'égard du choix des équipements et moyens de protection individuels, ainsi qu'à l'égard du programme de formation et d'information en matière de santé et de sécurité, de même qu'en ce qui concerne le choix du médecin responsable des services de santé de l'établissement, le pouvoir de faire des recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un délai raisonnable et par écrit. 10. Que le paiement des coûts afférents aux moyens et équipements de protection individuels propres à l'établissement, continue d'être l'objet de négociations entre l'employeur et le (s) syndicat (s) représentant les employés, par lesquelles Bell Canada assume une responsabilité financière pour ces équipements tout en laissant le choix d'équipements individuels à l'employé. 11. Que, si l'on entend encore confier au comité paritaire un pouvoir décisionnel en quelque domaine que ce soit, les travailleurs ou leur syndicat participent au même titre que l'employeur aux coûts y afférents et à toutes les responsabilités en découlant. 12. Que l'on abandonne le concept de "représentant à la prévention" tel que décrit dans les articles 67 à 72 inclusivement. 13. Que la législation à venir sur la santé et la sécurité au travail continue de permettre aux entreprises qui le désirent, d'offrir elles-mêmes des services de santé au travail tout en leur laissant la possibilité d'opter pour le réseau public de santé pour ces services. 14. Que l'employeur soit responsable de l'élaboration du programme de santé spécifique à l'établissement. 15. Que le comité de santé et de sécurité au travail ait le pouvoir de faire des recommandations auprès de l'entreprise à ce sujet, recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un délai raisonnable et par écrit. 16. Que le service de santé au travail continue d'être sous la responsabilité financière et administrative directe de l'employeur. 17. Subsidiairement, si l'on désire encore soustraire ce service à l'autorité de l'employeur, que les travailleurs, ou leur syndicat, participent aux coûts, au même titre que l'employeur. 18. Que le service de santé au travail continue d'être confié au médecin d'entreprise. 19. Que l'article 201 du projet de loi soit supprimé. 20. Que tous les règlements initiaux soient déposés devant l'Assemblée nationale avant l'adoption du projet de loi.

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ANNEXE F

Projet de loi no 17 Loi sur la santé et la sécurité du travail

Mémoire soumis par la

Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée

à la commission parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Août 1979 INTRODUCTION

Nous désirons affirmer notre plein accord avec l'objectif ultime que poursuit le gouvernement, à savoir l'élimination des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C'est à coup d'efforts soutenus que la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée oeuvre, depuis de nombreuses années, à la réduction du nombre d'accidents de travail ou des risques de maladies industrielles. Des budgets substantiels ont été alloués chaque année à l'élimination des situations dangereuses et à l'amélioration des conditions de travail. De plus, notre société a entrepris des études, en collaboration avec des entreprises spécialisées, universités, agences gouvernementales et autres, dans le même but.

Afin d'assurer tous nos employés de l'appui de la haute direction à ces objectifs et à ces efforts, le président de notre société a émis, le 27 octobre 1975, une politique sur la santé et la sécurité; elle a été distribuée à tous les employés, et elle est largement affichée dans nos usines et établissements (voir annexe "A").

D'accord avec les objectifs de la réforme, nous le sommes aussi avec l'approche retenue, soit la participation des travailleurs et des employeurs. Dans nos établissements, les contremaîtres réunissent régulièrement les employés de leur équipe pour discuter de sécurité; des "comités de sécurité, propreté et hygiène" existent et fonctionnent dans chaque service; des informations sont transmises aux syndicats d'employés sur nos programmes d'amélioration en matière de santé-environnement, sur des études sur la qualité du milieu de travail, sur les statistiques que nous compilons relativement à la santé de nos employés, le tout étant déjà inscrit à la convention collective de travail.

C'est pourquoi les vues du gouvernement nous paraissent réalistes lorsqu'il déclarait, à la page 195 de son livre blanc sur la santé et la sécurité au travail: "II semble inutile et contraire à l'orientation fondamentale du nouveau régime d'imposer toutes les formes que devrait prendre cette coopération."

La lecture des chapitres suivants du livre blanc et par la suite du projet de loi no 17 nous a cependant laissé perplexes; nous n'y retrouvons pas la latitude que l'on semblait vouloir laisser au milieu du travail "de juger des mécanismes appropriés, compte tenu des expériences déjà entreprises" (p. 195).

Nous sommes plutôt en face d'un projet de loi qui impose un régime rigide et qui tient peu compte de l'expérience acquise et des mécanismes déjà éprouvés.

Nous désirons aussi souligner que le peu de temps laissé aux intéressés pour analyser à fond un tel document nous semble peu conforme à l'importance de ce projet de loi.

Les vues qui sont exposées dans ce mémoire ne constituent donc qu'une première analyse du projet de loi, analyse que nous comptons approfondir au cours des semaines qui viennent.

Finalement, nous désirons souligner que notre mémoire a été préparé en fonction de la situation propre à la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée, un des principaux employeurs au Québec.

1. Les obligations de l'employeur

L'article 40 du projet de loi se lit comme suit: "40. L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer l'intégrité physique du travailleur. (...)"

Suivent 15 sous-paragraphes qui énoncent certaines obligations spécifiques qui incombent à l'employeur.

Par ailleurs, l'article 47 est formulé de la façon suivante: "47. L'employeur doit faire en sorte qu'un programme de prévention propre à chaque établissement sur lequel il a autorité soit mis en application, compte tenu des responsabilités du comité de santé et de sécurité, s'il y en a un."

L'article suivant mentionne six éléments que doit contenir ce programme de prévention, compte tenu du programme de santé prévu à l'article 93 et de tout élément prescrit par règlement.

Ceci nous amène à poser la question suivante: comment l'employeur, qui conserve la responsabilité morale, juridique et financière de la santé et de la sécurité au travail, pourra-t-il assumer pleinement cette responsabilité quand on lui en aura effectivement enlevé les moyens?

En effet, l'employeur devra assurer l'existence d'un programme de prévention, dont le contenu sera décidé au mieux par une autorité parallèle, le comité paritaire, sinon par une autorité extérieure, la commission de la santé et de la sécurité au travail.

L'employeur devra s'assurer que les travailleurs seront informés des dangers de leurs tâches et des moyens à prendre pour les éviter ou les écarter, mais à l'aide de programmes d'information qui ne relèveront plus de sa compétence.

L'employeur devra s'assurer que les travailleurs bénéficient de services de santé préventifs et de services de premiers secours, mais qui seront aussi décidés par une autorité parallèle ou externe et dispensés par un personnel dont la nature et la quantité lui seront aussi imposées de l'extérieur.

Comment peut-on vraiment le tenir responsable de ces programmes et services puisqu'il n'aura pas décidé de leur teneur et qu'il n'aura pas non plus d'autorité sur bon nombre de ceux qui auront pris les décisions, pour lesquelles par ailleurs ces derniers ne sont pas responsables.

2. Le comité de santé et de sécurité

L'article 56 du projet de loi prévoit la formation de comités (paritaires) de santé et de sécurité et l'article 63 en précise les fonctions.

Nous allons examiner quelques-unes de ces fonctions en regard de ce qui existe aujourd'hui dans nos usines, pour illustrer l'affirmation que nous faisions précédemment à l'effet que la réforme proposée devrait assurer la meilleure utilisation des ressources et mécanismes déjà à l'oeuvre.

Les deux premières fonctions du comité seraient de choisir les moyens et équipements de protection individuelle et d'établir les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité (art. 63, par. 1° et 2°).

L'annexe "B" jointe aux présentes relate sommairement le cheminement suivi lors de la mise en marche d'un programme de lutte contre le bruit au Centre de coulée Arvida.

Nous croyons fermement que l'existence du comité de santé et de sécurité prévu au projet de loi n'aurait rien ajouté au processus suivi, en termes de participation des travailleurs, d'acceptation des moyens de protection, et surtout de protection de l'intégrité physique des travailleurs.

Une autre fonction du comité prévu est "de faire des recommandations à l'employeur concernant les mesures de surveillance et d'entretien préventif et les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement", (art. 63, par. 7°)

La convention collective de travail signée en 1976 avec la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. et présentement en voie de renouvellement, prévoit la formation de "comités de sécurité, propreté et hygiène" au niveau de chaque surintendant. Il y en a donc une trentaine en existence dans notre seul complexe de Jonquière.

Un des éléments du mandat de ces comités est de "procéder à des tournées d'inspection des lieux de travail du département concerné et faire des recommandations sur la sécurité, l'hygiène et la propreté". (C.C.T., art. 14.6 par. b)

La participation des travailleurs et l'efficacité de la surveillance des lieux de travail sont, selon nous, beaucoup mieux assurées par ces comités qui oeuvrent dans une partie restreinte de l'usine qu'elles ne le seraient par un comité central. Les cadres et les représentants des employés qui sont membres de ces comités connaissent les lieux et les procédés; ils sont d'autant plus en mesure de percevoir les risques et de proposer des solutions efficaces et réalistes.

Une autre fonction du comité prévu au projet de loi est "de recevoir copie des avis d'accidents et d'enquêtes sur les événements qui ont causé ou qui auraient été susceptibles de causer un accident de travail ou une maladie professionnelle et soumettre les recommandations appropriées à l'employeur ou à la commission", (art. 63, par.

8°)

Le mandat des comités prescrits par notre convention collective stipule qu'ils doivent "participer aux enquêtes relatives aux accidents avec pertes de temps et quasi-accidents et faire des recommandations appropriées". (C.C.T., art. 14.6, par. c)

Par ailleurs, un autre article de la convention collective de travail traitant des "comités de sécurité, propreté et hygiène" établit un mécanisme par lequel un membre d'un tel comité, qu'il soit cadre ou représentant des employés, peut soumettre de nouveau, à un niveau supérieur de l'organisation, une recommandation à laquelle il juge ne pas avoir obtenu une réponse satisfaisante.

La mise sur pied du comité de santé et de sécurité prévu au projet de loi ne nous paraît donc pas nécessaire; nous devrions dire ne nous paraît plus nécessaire dans nos établissements. Un tel comité ne ferait qu'ajouter une super-structure à une organisation dont l'efficacité progresse continuellement et qui procure aux travailleurs une meilleure possibilité de participation: un plus grand nombre d'entre eux participent à ces comités, qui sont en fait établis au niveau où chacun a le plus d'intérêt, soit le secteur de l'usine où il travaille. De plus, les contremaîtres tiennent des réunions mensuelles avec leurs employés pour discuter de questions de sécurité au travail.

Nous traiterons plus loin du choix, par le comité, du médecin responsable des services de santé dans l'établissement (art. 63, par. 5).

Quant au paragraphe 12 de l'article 63, qui donne comme fonction au comité de santé et de sécurité "de tenir des registres des accidents du travail, des maladies professionnelles et des événements qui auraient pu en causer".

Nous n'en voyons pas la nécessité.

Nous ne croyons pas qu'il soit justifié de modifier un système de dossiers lorsqu'il existe déjà et qu'il est aussi bien tenu que tout autre système de dossiers de l'entreprise. Il y aurait là un dédoublement aussi inutile que coûteux.

3. Le représentant à la prévention

L'article 67 du projet de loi prévoit la nomination d'une ou de plusieurs personnes pour exercer la fonction de représentant à la prévention.

Les nombreux comités de sécurité dont nous avons traité ci-dessus ont, à toutes fins utiles, les mêmes fonctions que celles que le législateur propose pour le représentant à la prévention. De plus, un des représentants des employés à ces comités doit être, selon les termes de notre convention collective, un "officier supérieur du Syndicat" et la fonction d'assistance aux travailleurs dans l'exercice de leurs droits fait déjà partie des attributions de cet officier.

Nous croyons que la nomination d'un représentant à la prévention, pour l'ensemble de l'usine ou dans chaque service, n'accroîtrait pas la participation des employés et n'améliorerait pas la surveillance des lieux de travail et la qualité des enquêtes à la suite d'accidents ou d'incidents qui auraient pu en causer. Présentement, plusieurs travailleurs participent dans chaque service à ces activités et le fait de nommer un d'entre eux comporte plus de risques de laisser-aller chez les autres que de chances d'amélioration du processus.

Le projet de loi, s'il retient ce concept d'un représentant à la prévention, devrait n'imposer sa nomination qu'en l'absence de structures ou de mécanismes équivalents. Il y a lieu, selon nous, de permettre la poursuite des expériences entreprises qui visent, et même dépassent dans plusieurs cas, les objectifs du projet de loi.

4. Les programmes de santé

Le chapitre VIII du projet de loi traite, entre autres, des programmes de santé, programmes cadres et programmes spécifiques.

Notre société possède des établissements dans plusieurs régions du Québec qui seraient sous la juridiction de cinq ou six départements de santé communautaire différents. Nous avons de plus des établissements à l'extérieur du Québec.

Le programme de santé de toutes nos usines est établi sous l'autorité du directeur de la médecine occupationnelle et médecin en chef de la société, en collaboration avec le ou les médecins de chaque établissement. Ces médecins participent aux travaux d'organismes internationaux tels que le Comité de Santé de l'Aluminum Association (U.S.A.) et de l'International Primary Aluminum Institute, et bénéficient de l'expérience acquise à travers le monde entier.

Le régime que propose le projet de loi nous semble difficilement conciliable avec les besoins d'une entreprise aux multiples établissements comme la nôtre. L'intervention de cinq ou six D.S.C. et d'autant de comités paritaires rendra sans doute très difficile la coordination de la révision de notre programme, de sa réalisation et du suivi nécessaire à son succès.

Encore là, nous croyons que le projet de loi devrait reconnaître la complexité des grandes entreprises, de même que leur mode de gestion.

5. Le médecin responsable

Le projet de loi prévoit que les services de santé d'un établissement seront assumés par un médecin responsable, qui ne sera plus sous la juridiction de l'employeur et qui sera nommé par le comité paritaire ou par la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

Les seuls arguments entendus jusqu'ici pour justifier ces changements majeurs sont les suivants:

La crédibilité des médecins d'entreprise est sérieusement mise en doute; Les médecins d'entreprise sont en conflit d'intérêt.

La crédibilité des médecins d'entreprise

Que le médecin d'entreprise ne soit pas toujours des plus populaires auprès des employés se comprend assez facilement. Quand, par exemple, dans des usines comme les nôtres à Jonquière, notre régime d'indemnités-maladie paie aux employés près de 75 000 jours d'absence dans une année, il se produit inévitablement des cas où le médecin d'entreprise doit réprimer des abus quant à la durée de certaines absences-maladie. En faisant ici allusion aux absences-maladies prolongées de façon indue, nous ne soulevons pas des hypothèses fantaisistes.

Par ailleurs, au cours de l'année 1978, nous avons enregistré 26 967 visites d'employés au centre médical de notre complexe de Jonquière. Plus de la moitié de ces visites ne requéraient que l'attention de l'infirmier de service, mais 11 799 étaient des consultations auprès d'un des médecins de l'entreprise. De ce nombre, 7 860 visites, soit 66,6%, furent des consultations d'employés qui se présentaient au médecin à titre personnel et non en raison de problèmes de médecine industrielle.

Comment peut-on prétendre que ces médecins n'ont pas bonne réputation auprès des employés lorsque ceux-ci n'hésitent pas, on le voit, à les consulter dans une relation normale et volontaire de patient-médecin. D'autant plus qu'à l'occasion de ces consultations personnelles, et davantage encore lors des examens médicaux périodiques offerts aux employés, nos médecins font énormément de dépistage de maladies ou de malaises non reliés au travail de l'employé. Cela permet souvent à celui-ci de se faire traiter à un moment où le problème décelé n'a pas encore pris des proportions importantes ou irréversibles. Dépistage du diabète, de maladies coronariennes, de taux de cholestérol élevés, prévention et traitement de toxicomanie ne sont que quelques exemples parmi les plus fréquents des services rendus par nos médecins aux employés et que ces derniers apprécient à leur juste valeur.

Le conflit d'intérêt des médecins d'entreprise

À notre avis, il est infiniment injuste de mettre en doute globalement l'honnêteté professionnelle d'un groupe de médecins du simple fait qu'ils sont à l'emploi d'une entreprise, dusse-t-on avoir quelques exemples isolés à l'appui d'une telle accusation.

La solution réside dans la mise en place de mécanismes appropriés pour traiter de ces exceptions et non dans un anathème prononcé contre un groupe de professionnels que la très vaste majorité d'entre eux ne méritent pas.

Quant au régime décrit dans le projet de loi, il prévoit le choix du médecin responsable par le comité paritaire de l'entreprise. Le médecin nommé ne le sera que pour un maximum de quatre ans et il demeure récusable en tout temps et cela, à la demande de n'importe quel employé. Si l'on ne crée pas ainsi pour le médecin responsable une situation de conflit d'intérêt, on le place à tout le moins dans une situation d'insécurité et de pressions encore plus difficile à soutenir. On va ainsi à l'encontre du but visé, tout en révélant davantage le peu de sérieux des arguments avancés à l'appui de ce changement.

La formation du médecin d'entreprise

Le médecin d'entreprise, particulièrement dans les grandes entreprises et précisément parce qu'il est à l'emploi d'une telle société, a sans doute plus que tout autre l'occasion non seulement de maintenir, mais aussi d'accroître ses connaissances et d'améliorer sa compétence. Le fait qu'une société comme la nôtre ait à son service 9 médecins à plein temps, 5 médecins et quelques spécialistes à temps partiel procure à ces professionnels de la santé, d'une part, l'occasion de se rencontrer fréquemment et, d'autre part, la possibilité de partager leurs expériences avec leurs collègues d'entreprises similaires non seulement au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. Formation spécialisée, discussions au sein d'associations professionnelles et industrielles canadiennes et internationales, colloques, séminaires ne sont pas des exceptions.

Qu'une collaboration plus étroite s'établisse entre les médecins d'entreprise et ceux des C.H. — D.S.C. est possible, souhaitable même et cela est d'ailleurs commencé depuis l'institution des D.S.C. Ces derniers auront déjà fort à faire pour assurer les services de santé dans les entreprises qui n'en ont pas encore, de même que pour jouer leur rôle dans le domaine épidémiologique par exemple. Il ne paraît donc pas nécessaire, ni même utile de démembrer les services de santé bien structurés qui existent dans plusieurs grandes entreprises dont la nôtre.

L'intégration administrative et financière au D.S.C. des médecins de notre entreprise restreindra d'ailleurs plus qu'elle ne facilitera l'acquisition par ces derniers de nouvelles connaissances, propres à l'industrie dans laquelle ils oeuvrent, spécialisation qui n'est pas toujours transférable à d'autres types d'industries.

6. Les autres ressources professionnelles

L'intégration au secteur public des infirmiers et infirmières qui travaillent dans les usines — ils sont une vingtaine chez nous — soulève des difficultés pratiques importantes.

Comment se fera cette intégration, puisque les salaires, conditions de travail et avantages sociaux de ces employés varient d'une entreprise à l'autre?

Qu'arrivera-t-il aux services de santé dispensés dans une entreprise en cas de conflit dans le secteur public? À l'inverse, qu'arrivera-t-il aux infirmiers et infirmières attachés à un établissement frappé d'une grève ou d'un lock-out?

Au centre médical de notre complexe de Jonquière, les infirmiers se partagent différentes parties des examens médicaux périodiques et occupationnels, à l'intérieur d'un cheminement bien structuré et bien rodé. Ces infirmiers effectuent certains tests et utilisent certaines techniques qui, malgré la compétence d'un infirmier ou d'une infirmière, ne sont pas enseignés dans les cours dispensés normalement à ces professionnels. Nous avons fait en sorte que notre personnel acquière les connaissances additionnelles requises. Il serait donc difficile à des infirmiers et infirmières des centres

hospitaliers d'assurer à pied levé le remplacement d'un de nos employés absent en raison de maladie, vacances ou autres causes. Pour chacune de nos usines, nous pouvons compter sur les services de quelques infirmières qualifiées qui ont déjà travaillé chez nous et qui demeurent disponibles pour du travail à temps partiel. Nous ne sommes pas du tout certains qu'un tel système pourrait continuer à fonctionner dans le cadre des unités d'accréditation concernées des centres hospitaliers.

CONCLUSION

Nous croyons avoir démontré que, dans le cas de notre entreprise, la participation des travailleurs est déjà une réalité grâce à des structures et des mécanismes qui dépassent déjà ceux prévus au projet de loi. Les services de santé fonctionnent eux aussi de façon efficace et offrent aux employés des avantages dont le projet de loi les priverait.

Toute loi qui pourrait éventuellement être adoptée devra tenir compte des entreprises où des mécanismes sont bien structurés et fonctionnent de façon satisfaisante. Cela n'exclut ni les possibilités d'amélioration, ni même la mise en place de mécanismes de vérification et de contrôle. On pourrait fort bien concevoir certains mécanismes d'exception, après vérification si le gouvernement le désire, dans les cas où les structures et services en place dans une entreprise sont, à toutes fins utiles, équivalents à ou meilleurs que ceux prévus au projet de loi.

De plus, le livre blanc rappelait les études qui ont été faites à l'extérieur du Québec en vue de sa rédaction. Nous nous permettons de signaler que des changements, tels l'élimination des médecins d'entreprise et la création de comités paritaires obligatoires à pouvoirs décisionnels, n'ont pas été inclus dans des lois récemment adoptées par d'autres gouvernements.

Des changements d'une telle importance ne doivent pas être décrétés par simple souci d'innovation.

Notons en terminant que nous n'avons abordé que quelques-uns des points du projet de loi qui soulèvent des inquiétudes. Nous regrettons vivement que le gouvernement n'ait alloué que si peu de temps, en plein milieu de la période des vacances, pour la préparation et la soumission de commentaires sur un projet de loi aussi volumineux et chargé de principes importants.

Notre silence sur les autres éléments du projet n'indique pas nécessairement notre accord ou désaccord. Nous aurions notamment voulu formuler des commentaires sur des sujets tels que le droit de refus, les pouvoirs dévolus aux inspecteurs et plus particulièrement le droit d'accès à tous les livres, registres et dossiers de l'employeur, ainsi que les pouvoirs de réglementation conférés à la commission en plus des pouvoirs de modification de ces mêmes règlements sans consultation ou préavis. Plusieurs articles du projet auraient nécessité également des commentaires quant à leur rédaction ou formulation.

Tout en souscrivant à l'objectif ultime du projet de loi, il découle de ce qui précède que ce projet de loi devra, à notre avis, subir de profondes modifications afin qu'il devienne un outil valable dans la poursuite des buts visés sans faire table rase des mécanismes éprouvés qui existent déjà.

(ANNEXE "A")

Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée Santé et la Sécurité

La politique de la Société en matière de santé et de sécurité tient dans les trois points suivants: 1. La protection de la santé et la sécurité de tous les employés sont une préoccupation majeure de tous les niveaux de la direction. 2. Il incombe à la direction de s'assurer que les lieux de travail sont salubres et exempts de dangers, d'effectuer continuellement des études sur l'effet des conditions de travail sur la santé et la sécurité et de prendre les mesures correctives appropriées. Là où les dangers et les risques à la santé ne peuvent être complètement écartés, toutes les mesures- adéquates de protection devront être disponibles et constamment utilisées. 3. Chacun d'entre nous est responsable de sa propre santé et de sa propre sécurité et accepte que le respect très strict des règlements portant sur la santé et la sécurité soit une condition d'emploi.

Roger Phillips Président

(ANNEXE "B")

Lutte contre le bruit Centre de coulée Arvida

Depuis 1977, le Centre de coulée Arvida poursuit un programme sérieux de lutte contre le bruit et de sensibilisation des employés au port de protecteurs auriculaires, dans les zones les plus bruyantes.

Ce programme qui se poursuit depuis deux ans a d'abord débuté par une étude des bruits par le groupe de techniciens du service de l'environnement de Sécal. L'usine du Centre de coulée Arvida a été divisée en plusieurs zones et le bruit a été mesuré dans chacune de ces zones.

À partir de cette étude on s'est tout de suite attelé à la tâche de réduire le bruit dans les zones les plus touchées. Exemple: cabines insonorisées pour les opérateurs de scies, adaptation de silencieux aux brûleurs à l'huile des fours et des ventilateurs, etc.

Dans un deuxième temps, une équipe de trois hommes, (deux contremaîtres et un employé à l'heure) a élaboré un programme d'information et de sensibilisation; pendant quelque trois mois, à l'aide de documents audiovisuels, graphiques, etc., cette équipe a rencontré tous les employés par groupe de cinq ou six et leur a fourni toute l'information pertinente au danger du bruit et à la nécessité pour eux de se protéger en portant un protecteur auriculaire adéquat là où on ne peut pour le moment réduire le bruit par des moyens techniques ou mécaniques.

Les employés, à cette occasion, ont eu le loisir de choisir eux-mêmes les protecteurs qu'il préféraient. Cinq ou six leur ont été proposés comme techniquement efficaces et chaque employé pouvait les essayer. Chacun avait ainsi la possibilité de décider de l'appareil auquel il pouvait le mieux s'adapter, compte tenu de la nature de son travail et des conditions dans lesquelles il l'exécute. Le choix des employés s'est finalement arrêté sur deux des appareils proposés.

Par la suite, une période de deux mois dite d'adaptation a été laissée aux employés pour leur permettre de s'habituer au port de ces protecteurs.

Finalement, un règlement de sécurité régissant le port des protecteurs a été rédigé et approuvé et est en application depuis le 8 janvier 1979. Il est évident que le port du protecteur ne réduit pas le bruit et n'est pas qu'une prothèse en attendant mieux. C'est pourquoi la lutte au bruit se continue. Présentement un de nos ingénieurs travaille à un projet de modification des souffleurs des brûleurs des fours, qui sont une de nos plus grandes sources de bruit, modification qui diminuerait sensiblement le niveau de bruit autour des centres de coulée.

Compte rendu des délibérations des commissions

L'édition des délibérations des commissions de l'Assemblée nationale paraît environ (10) jours après chaque séance.

Elle comprend les interventions dans la langue où elles ont été faites devant la commission et, parfois, certains documents annexés.

Un premier tirage limité est distribué aux députés et aux correspondants parlementaires, généralement une heure après le discours. Des copies sont aussi disponibles au bureau du directeur pour les opinants.

Les députés peuvent soumettre à l'éditeur, pour leurs propres interventions et dans les délais prévus, les corrections absolument nécessaires pour des erreurs de fait ou des fautes de forme. Le même privilège est réservé aux opinants.

Pour plus de 25 exemplaires des Débats, la commande doit être faite par écrit au bureau des Débats (74-A) au plus tard le lendemain du discours.

Un index est préparé chaque jour pour être publié à la fin de la session. On peut obtenir des informations du service de l'index en appelant 643-2771.

L'abonnement au journal des Débats est de $8 par année et l'index est disponible au coût de $2. Les chèques ou mandats-poste doivent être faits à l'ordre du ministre des Finances et envoyés au service des documents parlementaires.

Le directeur, Benoît Massicotte, Bureau 74-A, Téléphone: 643-2890

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