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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
Neuf heures vingt-deux minutes
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire élue permanente du travail et de la
main-d'oeuvre, dont le mandat est de faire l'audition des mémoires
relativement au projet de loi no 17, Loi sur la santé et la
sécurité du travail, est réunie ce matin.
Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Alfred (Papineau) en
remplacement de M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf) et M.
Lefebvre (Viau) en remplacement de M. Vaillancourt (Jonquière).
Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette).
M. Jolivet: Je suis membre.
Le Président (M. Dussault): Qui remplaceriez-vous, M. le
député de Laviolette?
M. Jolivet: M. Johnson.
Le Président (M. Dussault): M. Johnson (Anjou), d'accord.
M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount) et M.
Samson (Rouyn-Noranda).
M. Pagé: Remplacé par M. Tremblay (Gouin)!
Le Président (M. Dussault): Les groupes devant se produire
devant la commission sont les suivants, et je demanderais aux
représentants de ces groupes de s'identifier et de manifester leur
présence: II s'agirait, dans l'ordre, du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec. Le groupe n'est pas présent. La
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, présente. La Centrale de l'enseignement du Québec,
qui n'est pas présente. La Clinique de médecine occupationnelle
de Montréal, présente. Bell Canada, présent. L'Association
des employeurs de la baie James, présente. L'Ordre des ingénieurs
du Québec et l'Ordre des architectes du Québec; ils ne sont pas
présents. La Société d'électrolyse et de chimie
Alcan Ltée, présente.
J'invite immédiatement la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec à se présenter
devant la commission. Il était aussi question d'entendre Celanese
Canada. Cette corporation a demandé simplement de déposer son
mémoire. Alors, il paraîtra au journal des Débats.
M. Pagé: II faudrait le consentement unanime, M. le
Président, à ce moment-ci.
Une voix: C'est déjà fait. M. Pagé:
C'est déjà fait?
Le Président (M. Dussault): Alors, vous donnez votre
consentement, si je comprends bien?
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Laporte remplacerait... Nous suspendons quelques secondes... Nous revenons
à nos travaux. Je prierais la représentante de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
de se présenter et de nous présenter le collègue qui
l'accompagne.
Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec
Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, Estelle Gobeil,
membre du bureau de direction de la Fédération des commissions
scolaires catholiques; M. Roland Bégin, conseiller en relations du
travail.
Le Président (M. Dussault): D'accord. Mme Gobeil, je vous
prierais, s'il vous plaît, étant donné la densité du
mémoire que vous nous avez remis, de le résumer le plus possible
dans les 20 minutes convenues entre les parties à cette commission.
Mme Gobeil: M. le Président, c'est ce que je ferai avec
beaucoup de plaisir. Cependant, afin de situer les membres de la commission
parlementaire, je me permettrai de lire l'introduction.
Les commissions scolaires catholiques du Québec, conscientes des
implications que pourrait avoir la Loi sur la santé et la
sécurité du travail dans le milieu scolaire, croient de leur
devoir d'exprimer leur avis sur le projet de loi 17 présenté par
le ministre d'État au Développement social, M. Pierre Marois.
Le projet de loi stipule d'abord que dans les établissements qui
seront régis par la loi figureront notamment les écoles avec tous
leurs travailleurs, y compris les étudiants. Les commissions scolaires
ne peuvent donc rester indifférentes au projet de loi 17 et elles
veulent se prononcer sur les positions et les propositions du projet qui
permettront la mise en place de structures d'ensemble concernant la
santé et la sécurité du travail dans les
établissements scolaires.
Les opinions émises tiennent compte de la mission
éducative des commissions scolaires dans le domaine de la
prévention des accidents et des maladies industrielles, mais elles
prennent aussi en considération la réalité des milieux
physique et humain que sont les écoles et leurs travailleurs.
En premier lieu, M. le Président, nous approuvons les grands
principes qui découlent des notes
explicatives au début du projet de loi. Aucun individu ou
organisme ne peut s'opposer à la reconnaissance du droit du travailleur
à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. Cependant, nous
émettons des réserves sur certaines des mesures que semble
vouloir privilégier la future loi.
M. le Président, je résume les pages 3 et 4. La
Fédération des commissions scolaires s'interroge sur la
définition du mot étudiant dans la notion de travailleur et
souhaite que dans le projet de loi soit clairement défini ce qu'est un
travailleur quand on parle d'un étudiant. Je vous
référerais ensuite à la page 5, aux "Droits et obligations
des commissions scolaires employeurs". J'insiste sur le paragraphe 2. Il ne
contient que trois lignes mais je crois qu'il est très important. (9 h
30)
Le premier des commentaires à propos des droits et obligations
des commissions scolaires, c'est d'abord que l'autorité
compétente en la matière, selon la Loi de l'instruction publique
ces deux petits mots ne sont pas dans le mémoire, il faudrait les
écrire, c'est un oubli de notre part est la commission scolaire
en tant que gouvernement scolaire local et non pas l'école. Ensuite, M.
le Président, je vous réfère à la page 6, le titre:
Obligations générales, et je résume ce paragraphe en
allant à la page 7 où je dis: L'insertion de la notion
d'école dans la définition de l'établissement nous porte
à croire que les commissions scolaires seront touchées de
très près, encadrées qu'elles seront par de nombreux
règlements qui risquent de tuer toutes les initiatives locales
existantes ou à l'état de projet. Je vous réfère
maintenant à la page 8: Comité de santé et de
sécurité. La notion d'école dans la définition du
mot "établissement" rend inapplicables dans les commissions scolaires
les articles du projet de loi relatifs aux comités de santé et de
sécurité. Je vous donne comme exemple, M. le Président;
vous prenez seulement la Commission des écoles catholiques de
Montréal qui a 325 écoles, qui est représentée par
combien de syndicats? De quelle façon peut-on faire une coordination? Et
si vous référez au nombre d'écoles dans les commissions
scolaires, en mai 1968, les statistiques nous donnaient 2647 écoles
catholiques au Québec représentées par combien
d'associations accréditées?
De plus, M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des
membres de la commission parlementaire sur le guide de sécurité
en milieu scolaire paru en avril 1979 c'est tout récent,
c'était au début du printemps, l'espérance un
document que la Fédération des commissions scolaires a produit
qui prévoit des structures beaucoup plus souples et plus adaptées
aux commissions scolaires; il nous semble que la commission parlementaire
pourrait s'en inspirer pour bonifier son projet de loi. D'ailleurs, je fais le
même commentaire pour le représentant à la
prévention. Ensuite, je vous réfère à la page 13
où il est question du financement. Le dernier alinéa au bas de la
page: La fédération s'interroge sur la lecture que fait le
gouvernement, qui semble ne pas comprendre la mission éducative des
commissions scolaires de la même façon que nous puisqu'il semble
imposer de nouvelles obligations sans les assurer du financement
nécessaire au respect de ces obligations. On parle de partage, mais rien
n'est précisé. Il y a une grosse interrogation et une
réserve à la page 13. Nous allons à la conclusion,
à la page 15: Le programme de santé et de sécurité
au travail proposé par le projet de loi no 17 exprime la volonté
du gouvernement du Québec d'améliorer la situation des
travailleurs dans certains établissements et cette volonté est
louable.
Le programme proposé peut s'avérer utile comme cadre de
travail en vue de l'implantation de mesures de santé et de
sécurité dans certains milieux. Cependant, le grand reproche que
nous formulons au sujet du programme, c'est qu'il se propose de tout
réglementer à l'avenir et qu'il risque de ce fait d'être
trop coercitif dans son application plutôt que de laisser la porte
ouverte à une bonne marge d'initiatives locales, c'est-à-dire de
la part des commissions scolaires, qui sont elles-mêmes des gouvernements
locaux d'éducation et reconnus comme tels. À la page 16, à
l'avant-dernier alinéa, j'attire votre attention sur le fait suivant:
Nous souhaiterions, M. le Président, que le gouvernement fasse confiance
aux commissions scolaires en matière de santé et de
sécurité au travail dans les écoles.
D'ailleurs, les commissions scolaires sont loin de détenir le
championnat pour le plus grand nombre d'accidents. C'est tout à fait le
contraire. Ce qui déjà nous apparaît une assurance que le
gouvernement devrait faire davantage confiance aux commissions scolaires.
De plus, nous souhaiterions que le projet de loi soit un cadre de
travail auquel une enveloppe budgétaire serait attachée afin de
permettre aux commissions scolaires de poursuivre ou d'entreprendre un
programme de santé et de sécurité dans les
écoles.
Je termine, M. le Président, par les recommandations. Dans la
première recommandation, il y a un petit changement qui est simplement
une amélioration. La première recommandation est que l'on
remplace le mot "étudiant" par le mot "stagiaire" dans le projet de loi
no 17. Au lieu "que l'étudiant soit soustrait du projet de loi no 17",
nous demandons que l'on remplace le mot "étudiant" par le mot
"stagiaire" dans le projet de loi no 17.
Deuxième recommandation: Que le projet de loi no 17 reconnaisse
que, dans le système scolaire, l'autorité compétente en
matière de santé et de sécurité du travail est la
commission scolaire à titre d'employeur, et non pas l'école.
Que le projet de loi no 17 propose un comité de santé et
de sécurité du travail par commission scolaire plutôt qu'un
comité par école et qu'il confie à la commission scolaire
le soin de décider elle-même de la formule convenant le mieux
à ses besoins.
Que l'employeur, notamment la commission scolaire, soit consulté
relativement au choix des
mécanismes de nomination du futur comité de santé
et de sécurité, relativement aux fonctions devant lui être
attribuées et relativement au choix de représentants à la
prévention parmi les travailleurs.
Que le projet de loi no 17 accorde aux associations d'employeurs les
mêmes privilèges qu'il accorde aux associations sectorielles et
cela dans tous les domaines.
Que le projet de loi no 17 apporte des précisions quant aux
articles relatifs à la constitution de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail, de façon que les commissions
scolaires en fassent partie à titre d'associations d'employeurs.
Que le projet de loi no 17 réduise les fonctions de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail de façon
que les commissions scolaires conservent le pouvoir de poursuivre et
d'entreprendre des initiatives locales en matière de santé et de
sécurité au travail.
Que la future Commission de la santé et de la
sécurité du travail prévue dans le projet de loi no 17
soit tenue de consulter les employeurs concernés dans
l'élaboration des règlements.
Que la commission scolaire reconnue au sens de la loi comme employeur
reçoive les sommes nécessaires au financement des mesures
à prendre afin de pouvoir se conformer aux obligations qui lui
incomberont à la suite de l'adoption du projet de loi no 17.
Que les sommes nécessaires versées à la commission
scolaire afin de lui permettre de poursuivre et d'entreprendre, selon les
besoins, des programmes de santé et de sécurité dans ses
écoles le soient sous forme d'une enveloppe budgétaire
globale.
Enfin, que les règlements qui suivront l'adoption du projet de
loi no 17 assurent une coordination véritable entre les
ministères concernés, le ministère des Affaires sociales
et le ministère de l'Éducation, et cela dans tous les domaines
où il est possible qu'il y ait chevauchement.
Voici, en résumé, M. le Président, l'essentiel de
nos demandes. Nous vous remercions de l'attention que vous avez bien voulu y
apporter et nous formulons le souhait nous le faisons avec beaucoup de
confiance que vous vous inspiriez de nos recommandations pour bonifier
le projet de loi.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, Mme Gobeil,
de votre très grande collaboration et je laisse la parole à M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier la Fédération des commissions scolaires du
Québec de son mémoire. On en a pris attentivement connaissance et
on va, bien sûr, scruter à la loupe l'ensemble des recommandations
qui sont contenues dans le mémoire. Pour l'instant, compte tenu du temps
qui est mis à notre disposition, je vais simplement m'arrêter
très rapidement à quelques commentaires et à quelques
questions auxquelles j'en suis sûr les porte- parole de la
fédération voudront bien réagir. La première
remarque ou le premier commentaire concerne au fond une sorte d'affirmation qui
revient dans votre mémoire, à savoir que vous semblez croire,
à la lecture du projet de loi, qu'il y aurait très peu
d'initiatives qui seraient laissées aux employeurs, en l'occurrence les
commissions scolaires, notamment. Vous demandez à la page 16 de votre
mémoire, et je cite: "Que le gouvernement fasse confiance aux
commissions scolaires en matière de santé et de
sécurité au travail dans les écoles." Je veux bien et,
d'ailleurs, je ne crois pas que l'économie générale du
projet de loi ne soit pas fondée sur une confiance de base.
L'économie générale du projet de loi est fondée sur
une confiance de base, sur la croyance que nous avons dans le potentiel de
"responsabilisation" des parties pour s'impliquer et prendre en charge
l'État ne s'excluant pas, mais s'impliquant avec les autres une
bonne partie du travail à faire pour éliminer à la source
les causes mêmes d'accidents et de maladies. Notre approche aurait pu
être une approche de style très traditionnel et dire:
Dorénavant, l'État va s'en occuper. Ce n'est pas du tout
l'économie générale du projet de loi. Donc, c'est
basé sur une approche de confiance, d'une part.
Cependant, on a cru nécessaire de s'assurer de l'existence d'un
certain nombre de mécanismes de contrôle efficaces étant
donné et je vais le dire comme je le pense l'insouciance,
pour ne pas dire l'apathie d'un trop grand nombre face aux questions de
santé et de sécurité. Les chiffres sont là pour le
prouver. Cela vaut notamment ce que je viens de dire là
pour des commissions scolaires. Vous êtes certainement au courant d'un
certain nombre d'études récentes, notamment une étude
menée par le département de santé communautaire de
Joliette au niveau des polyvalentes du territoire concerné qui
démontre que tous les ateliers d'école dérogent de
façon importante, significative à tout le moins, aux normes qui
sont exigées en milieu industriel. Je comprends que
l'arrêté en conseil 3787 et que la Loi des établissements
industriels et commerciaux ne s'appliquaient pas jusqu'à présent
aux commissions scolaires, mais ce n'est pas sans poser un certain nombre de
questions absolument fondamentales, surtout quand il s'agit notamment de ce
qu'on appelle le secteur professionnel terminal. C'est ma première
remarque.
Dans la foulée de cette remarque et je vous le formule
sous la forme d'une remarque, je suis certain que vous réagirez,
remarque-question, si vous voulez vous nous demandez de clarifier la
définition d'étudiant. On pensait que cela devait être fait
par règlement, bien sûr, mais ce qu'on a en tête, au point
de départ, ce sont les étudiants du secondaire en montant. On
pense notamment au cas que je viens d'évoquer, les étudiants qui
sont au secteur professionnel terminal. À notre point de vue, il n'y a
pas de raison pour qu'ils ne soient pas couverts par l'ensemble des
règlements, des normes, des droits qui sont reconnus à l'ensemble
des travailleurs en vertu du projet de
loi. Et là, j'avoue qu'il y a quelque chose qui m'estomaque dans
votre mémoire. Vous dites à la page 4: L'étudiant,
à toutes fins pratiques, est-il capable de statuer... Je ne veux pas
faire dire et être injuste à votre texte ce qu'il ne
dit pas, mais vous semblez presque répondre vous-mêmes à la
question que vous posez. Vous posez la question à savoir si un
étudiant accomplissant un stage, suivant un cours dans un atelier ou
pratiquant dans un laboratoire est capable de statuer sur les mesures de
sécurité appropriées à son apprentissage, surtout
s'il en est à ses premières expériences, même s'il a
presque terminé son cours et le reste. Et vous enchaînez par la
suite sur le droit de refus en vous posant des questions sur
l'opportunité de reconnaître à cet étudiant un droit
qui est du domaine des droits absolument naturels. (9 h 45)
En passant, qu'on le mette ou pas dans la loi, il n'y a aucune loi au
monde ni aucun tribunal au monde qui pourrait empêcher un homme ou une
femme, mis dans une situation donnée, de refuser de faire un travail si
leur santé et leur vie sont en danger. Le fait de le mettre dans une loi
vient accorder une protection dans l'exercice de ce droit naturel. Donc, vous
enchaînez là-dessus, en partant de l'affirmation ou de la question
que vous posez, à savoir si l'étudiant est capable de statuer sur
les mesures de sécurité appropriées, pour poser une
question sur l'opportunité de lui reconnaître le droit de refuser.
Mais ma question est la suivante: Pour l'étudiant qui est au
professionnel terminal et qui, quelques mois plus tard, peut se retrouver sur
le marché du travail, comment conciliez-vous la notion d'apprentissage
à la vie, la notion de formation, pour équiper quelqu'un afin
qu'il soit capable de faire face à la musique dans le concret de la vie
de tous les jours, une fois sorti de l'école, si, au moment où il
est à l'école, en atelier, d'une part, ce même atelier ne
respecte même pas le minimum des normes de base exigées par les
lois et, d'autre part, ce même atelier ne transmet même pas le
minimum de base d'information ou de formation requise?
Je suis estomaqué de ce que j'ai vu comme comptes rendus et
études. Notamment, j'évoquais celles du département de
santé communautaire de Joliette. Bonté! Tu as l'impression que
l'étudiant ne sait même pas ce que sont les décibels.
Quelques mois plus tard, il va se retrouver sur le marché du travail. En
quoi et de quelle façon va-t-il être à même de faire
valoir ses droits légitimes, qui lui sont reconnus, si, d'une part,
l'école ne respecte même pas les normes et, d'autre part, si elle
ne le prépare pas, ne l'informe pas et ne lui donne pas la chance,
même, le cas échéant, d'exercer des droits qui lui sont
reconnus? J'avoue que je suis un peu estomaqué par ces remarques et, au
fond, par ces demandes d'ajustement que vous nous faites concernant ces deux
aspects.
J'avoue aussi j'aimerais avoir des précisions quant
à cette recommandation que j'aimerais que vous précisiez
la portée de la recom- mandation 4. Je ne suis pas certain. C'est
peut-être la formulation ou le fait qu'on a commencé plus
tôt ou qu'on a fini tard hier soir qui fait que je saisis plus lentement
ce matin. Vous demandez, notamment, que la commission scolaire soit
consultée relativement aux fonctions, au choix d'un représentant
à la prévention parmi les travailleurs. Mais le
représentant à la prévention, c'est un représentant
à la prévention des travailleurs et il doit être choisi par
les travailleurs. S'il y a un syndicat, il doit être nommé par le
syndicat qui a le pouvoir de nommer, qui a le pouvoir de "dénommer", de
la même façon que l'employeur a le pouvoir de choisir et de nommer
ses représentants. Au fond, il s'agit de reconnaître simplement
aux travailleurs, organisés en syndicat ou pas, le droit d'avoir un
minimum de permanence et de temps de liberté pour être capables de
faire l'inspection, procéder à l'examen des lieux, informer et
former leurs membres, les informer sur leurs droits, les accompagner dans
l'exercice de ces droits-là, pour qu'il y ait un équilibre normal
qui n'existe pas présentement dans la plupart des cas.
J'apprécierais que vous précisiez votre recommandation 4.
Quant à votre recommandation 5, ma question sera la suivante:
Concernant les associations sectorielles, notamment, pourquoi votre
recommandation n'inclut-elle pas les associations de travailleurs?
Vous avez soumis, en annexe, le guide de sécurité en
milieu scolaire. Une lecture très rapide du guide, me semble-t-il,
laisse entrevoir une conception qui est fort différente, notamment des
comités conjoints, paritaires, de ce qui est prévu dans le projet
de loi, notamment en ce qui concerne le mode de nomination et les fonctions du
comité paritaire. Par exemple, concernant le mode de nomination, je ne
vois aucune allusion sous réserve de me tromper
dans le guide en ce qui concerne le choix de membres qui pourrait être
fait par une ou des associations de travailleurs, par les travailleurs
eux-mêmes s'il n'y a pas d'association accréditée. De plus,
les fonctions qui sont prévues sont loin d'être celles
prévues par le projet de loi; cela reste bien en deçà des
fonctions prévues par le projet de loi.
Voilà, M. le Président, sans abuser du temps, les quelques
premiers commentaires, remarques et questions que j'avais à
formuler.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Mme
Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, je vais essayer de
répondre très brièvement au contenu des questions de M. le
ministre. Vous avez d'abord des remarques et vous avez aussi des questions. Je
demanderai la collaboration de mon collègue pour certains points. Je ne
pourrai certainement pas vous répondre dans tout ce que vous avez
posé comme questions.
Ma première réaction concernant votre première
réaction au sujet du climat de confiance, c'est que, dans votre projet
de loi, 122 fois on lit le
mot "règlement". Nous les avons comptées. Vous savez ce
que cela veut dire, 122 fois le mot "règlement"? C'est un cadre. Et la
commission scolaire est un gouvernement local. Alors, s'il faut encadrer autant
que cela une commission scolaire, comme principe... C'est ma première
réaction au climat de confiance. On se demande si vraiment il y a un
climat de confiance, si on considère les commissions scolaires comme
étant des gouvernements locaux. C'est la question de fond, je pense.
Votre deuxième remarque concerne le droit de l'étudiant,
à la page 4; je pense que nous ne faisons pas la même lecture.
J'ai fortement cette impression. D'abord, M. le ministre, vous n'êtes pas
sans savoir que nos écoles polyvalentes sont encore jeunes et le secteur
de l'enseignement professionnel s'est développé très vite.
Vous avez eu des statistiques concernant une commission scolaire; je n'ai pas
pris connaissance de ces statistiques. Je ne mets pas votre parole en doute
mais je reste surprise...
M. Marois: Ce n'est pas ma parole, madame.
Mme Gobeil: Ce sont les statistiques que vous avez eues.
M. Marois: C'est le rapport d'étude qui est public, qui a
été étalé dans les journaux et tous peuvent s'en
procurer une copie; c'est un document public, c'est une étude du
département de santé communautaire de Joliette, pour mentionner
un cas.
Mme Gobeil: D'accord. Mais, de toute façon, M. le
ministre, je peux vous dire qu'il y a des efforts...
M. Marois: Si les conclusions n'avaient pas été
fondées, je présume que la commission scolaire du coin aurait
réagi drôlement, comme gouvernement local.
Mme Gobeil: De toute façon, j'ai pris bonne note de cela
et je transmettrai sûrement à la fédération ce que
vous avez mentionné ce matin. Je puis vous dire, par contre, qu'il y a
d'autres commissions scolaires qui ont fait et font de très gros
efforts, premièrement, pour que l'étudiant fasse l'apprentissage
de ses responsabilités dans le secteur de l'enseignement professionnel
et, deuxièmement, qu'on explique à ces étudiants tout ce
qui est essentiel pour leur sécurité.
En ce qui concerne le refus, M. le ministre, lorsqu'un étudiant
choisit lui-même telle ou telle option, c'est assez difficile qu'il y ait
des refus en cours de route.
M. Marois: Mais, madame, il ne s'agit pas de refuser une option
en cours de route. Un étudiant est dans un atelier, très
concrètement je suis allé en voir.
Mme Gobeil: Oui.
M. Marois: II fait l'apprentissage du métier de soudeur,
du métier de menuisier. L'appareil qu'on lui donne n'est absolument pas
conforme aux normes et il risque, s'il l'utilise un matin donné, parce
que l'appareil est dans un état de délabrement, de subir un
accident grave qui pourrait le handicaper pour le restant de ses jours. C'est
du domaine du droit naturel. On n'a fait que confirmer un droit naturel en
assurant la protection dans l'exercice de ce droit et on ne voit pas pourquoi
l'étudiant serait privé de l'exercice de ce droit, puisque
quelques mois plus tard, dans bon nombre de cas, il va se trouver sur le
marché du travail. Est-ce que vous contestez cela?
Mme Gobeil: Je ne conteste pas cela mais, M. le ministre, je
reste surprise parce que nos écoles polyvalentes sont neuves et les
machines qui ont été achetées... D'abord, les normes nous
viennent du ministère de l'Éducation. Il est vrai que les
différents ministères n'ont pas toujours les mêmes
concordances sur les exigences.
M. Marois: Non seulement ils ne se parlent pas entre eux, non
seulement ils n'ont pas les mêmes exigences, ils ne tombent pas sous la
coupe de la loi. Vous-mêmes, les commissions scolaires, ne tombez pas
sous la coupe des lois actuelles. L'arrêté en conseil 3787 ne vous
concerne pas, la Loi des établissements industriels et commerciaux ne
vous concerne pas. Ce que nous disons, c'est que dorénavant la loi va
lier tout le monde.
Mme Gobeil: De toute façon, M. le ministre, je pense que
vous n'attendez pas de moi ce matin des réponses très
élaborées. Je vais passer aux recommandations 4 et 5 et demander
à mon collègue de continuer, parce qu'il a certainement, comme
conseiller en relations du travail, des informations que je n'ai pas à
ce moment-ci. Vous parliez de notre recommandation 4 qui dit: "que l'employeur,
notamment la commission scolaire, soit consulté relativement au choix
des mécanismes de nomination..." C'est dans les modalités... La
lecture de cette recommandation... D'ailleurs, dans nos commissions scolaires,
il y a des syndicats. Ce n'est pas la commission scolaire qui désigne
telle personne pour représenter la partie syndicale. La modalité
est que la partie syndicale est invitée à désigner son
représentant. C'est ce qui se fait couramment dans les commissions
scolaires que je sache; ce n'est pas censé se faire autrement.
Dans la recommandation 5, vous souhaiteriez que soit ajouté
"associations de travailleurs", si j'ai bien compris.
M. Marois: C'est-à-dire que je me pose la question
à savoir pourquoi vous n'en faites pas état? Je présume
que vous avez des raisons.
Mme Gobeil: Je demanderais à M. Bégin de bien
vouloir répondre à cette question.
M. Bégin (Roland): Je vais essayer de reprendre quelques
questions que vous avez formulées à la suite de notre
mémoire. Ce qui nous intriguait au départ, c'est l'insertion dans
la loi, entre autres, dans la définition du travailleur, du terme
"étudiant" et, dans la définition de l'établissement, du
mot "école". Nos craintes vis-à-vis de cela sont qu'on soit aux
prises avec des structures qui, vraiment, ne permettraient pas une application
facile de la loi pour tout le monde. Là-dessus, notamment en ce qui
concerne l'étudiant, on se disait: Peut-être veut-il se
référer à la définition de stagiaire prévue
dans la Loi des accidents du travail. On sait que les stagiaires sont
définis expressément dans cette loi et qu'ils ont droit à
des compensations lorsqu'ils sont blessés durant leur stage.
M. Marois: Cela va plus loin que les stagiaires. Comme je viens
de l'expliquer, je ne vois pas pourquoi on exclurait les étudiants.
M. Bégin: D'accord. Au niveau de votre autre dimension,
l'étudiant comme tel, on se dit nous aussi qu'on est d'accord pour
reconnaître le droit naturel, tel que vous l'avez mentionné, d'un
étudiant à la sécurité, etc. Il n'y a pas de
problème là-dessus. On ne peut pas être contre cela. Nos
interrogations là-dessus sont surtout dans le sens qu'on se dit que les
étudiants dans les commissions scolaires sont toujours ou à peu
près toujours sous la surveillance de travailleurs qui, eux-mêmes,
sont couverts par la loi. On estime à ce moment-là que les
travailleurs, soit les professeurs, soit les techniciens de laboratoire, qui
sont au courant ou qui vont l'être parce que je pense que c'est un
des très gros avantages de votre projet de loi de contribuer à
sensibiliser tout le monde à la santé et à la
sécurité au travail en étant sous la supervision de
travailleurs auxquels des droits sont reconnus, ont sûrement autant
à coeur l'intérêt ou la sécurité des
étudiants que leur propre intérêt dans les situations
où ils sont. À ce moment-là, il n'y a peut-être pas
de raison d'associer la notion d'étudiant à la notion de
travailleur dans le sens que, finalement, ce n'est pas un travailleur. Si on
inclut la définition d'étudiant dans celle de travailleur,
à ce moment-là, on pourrait... Il est sûr que la
sécurité et la santé, c'est un droit naturel à tout
le monde. Alors, pourquoi n'inclut-on pas tout le monde à ce
moment-là dans la loi? (10 heures)
On parle surtout de santé et de sécurité au
travail. On pense que, par l'intermédiaire des personnes qui ont la
responsabilité des étudiants dans l'accomplissement des
activités qu'ils réalisent dans les commissions scolaires, les
principes de santé et de sécurité au travail ou de
santé et de sécurité naturellement vont être de ce
fait sauvegardés par ces individus. Notre autre appréhension au
niveau de la définition de l'établissement comme tel, c'est qu'on
a pris la peine d'y insérer le mot "école"; avec toute la
structure qui est prévue dans le projet de loi, par exemple, pour la
formation de comités de prévention et de sécurité,
cela nous pose réellement des problèmes d'application. Vous avez
entre autres dans le mémoire un chiffre, à savoir qu'il y a 2647
écoles catholiques dans la province de Québec. Est-ce que cela
veut dire qu'on va avoir 2647 comités de sécurité et de
surveillance dans les commissions scolaires? Dans beaucoup d'écoles, on
retrouve cinq catégories d'employés différents; dans les
écoles, il y a du personnel de soutien qui peut être
syndiqué, ils sont affiliés à des centrales, il y a du
personnel de soutien qui n'est pas syndiqué. Au niveau des enseignants,
vous avez dans plusieurs écoles deux centrales syndicales qui
représentent ces enseignants.
Au niveau des professionnels non enseignants, vous avez également
deux centrales syndicales qui représentent souvent ces personnes. Comme
autres catégories, vous avez les cadres qui sont regroupés en
association et vous avez les principaux qui sont regroupés
également en association. Si la structure est appliquée comme
telle ou comme on conçoit qu'elle pourrait être appliquée,
on pourra se retrouver avec jusqu'à 6000 ou 7000 comités de
santé et de sécurité dans les commissions scolaires,
d'où, d'abord, impossibilité à peu près totale de
coordonner les actions au niveau des écoles, impossibilité
d'avoir des personnes qui puissent représenter l'employeur à tous
ces comités. Quand on sait, par contre, que dans certaines écoles
la personne qui est en autorité c'est un professeur qui est
dégagé de certaines parties de ses tâches pour assumer la
responsabilité de l'école, à ce moment, on voit des
problèmes énormes à ce niveau.
Dans le guide, qui, je pense, vous a été remis avec le
mémoire, de sécurité et de santé en milieu
scolaire, on se dit: D'accord, on n'est pas parfait. On reconnaît qu'il
peut survenir des accidents dans les commissions scolaires. De fait, les
statistiques démontrent qu'on a un certain taux d'accidents dans les
commissions scolaires. Maintenant, est-ce qu'à partir de cela on doit
créer des structures sans fin, des structures où les mêmes
choses seront faites par beaucoup de personnes différentes tout
simplement parce qu'ils sont dans des écoles différentes alors
qu'il y a beaucoup de points qui sont communs à toutes les
écoles? Ce qu'on recommande, c'est qu'il y ait un comité de
santé et de sécurité consultatif au niveau de la
commission scolaire et, quant à la formation du comité, la
représentation serait adaptable selon les commissions scolaires. Comme
je vous ai mentionné tout à l'heure, il y a des structures
différentes, il y a des groupements différents dans toutes les
commissions scolaires. On va essayer de trouver un modus vivendi applicable
à chacune des commissions scolaires là-dessus.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'est
terminé pour M. le ministre?
M. Bégin: Est-ce qu'il y a des questions auxquelles je
n'aurais pas répondu? La recommandation 5? Vous nous avez demandé
pourquoi on n'avait pas fait allusion aux associations de travailleurs. Disons
qu'actuellement, nous nous di-
sons dans les commissions scolaires, dans les conventions collectives
qui viennent d'échoir dernièrement, la santé et la
sécurité au travail étaient une dimension des
comités de relations de travail, dans le personnel de soutien entre
autres.
Au niveau du personnel enseignant, il n'y avait à peu près
rien sur la santé et la sécurité au travail. Il faut dire
aussi que les problèmes sont peut-être beaucoup moins nombreux au
niveau des enseignants ou des professionnels non enseignants qu'ils peuvent
l'être au niveau du soutien. En fait, on trouve qu'avec la structure
actuelle, avec la sensibilisation que votre projet de loi apporte sur la
question de la santé et de la sécurité au travail, cela va
nous permettre de coordonner davantage les efforts en vue de se conformer aux
principes émis dans votre projet de loi.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M.
Bégin. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être
assez bref. Je ne prévois pas prendre mon enveloppe de 20 minutes parce
que plusieurs des sujets que je voulais aborder ce matin, soit avec Mme Gobeil
ou avec M. Bégin, l'ont été par des questions qui ont
été formulées par le ministre.
Vous avez mis en relief ce matin certains aspects à
l'égard desquels nous nous posions des questions et à
l'égard desquels nous nous interrogions après lecture de votre
mémoire, entre autres, en ce qui concerne la structure que vous demandez
au gouvernement. Vous avez mis en relief le problème de la structure des
comités paritaires au niveau de chacune des écoles. Je crois que
cela pourrait éventuellement être un problème si le texte
de loi était adopté tel quel, et j'étais heureux de vous
entendre formuler des inquiétudes à cet égard ce matin.
Cependant, je m'attendais que le ministre soit peut-être un peu plus
clair parce qu'il y a quand même un aspect particulier dans le dossier
d'une école, d'une commission scolaire. On en a déjà
discuté avec un intervenant qui a comparu ici il y a quelques semaines.
Dans l'école, à la commission scolaire, le représentant de
l'employeur, c'est le directeur général. Je me demande
à moins que les règlements qui seront éventuellement
adoptés, dont on n'a pas pris connaissance évidemment et dont on
ne prendra pas connaissance non plus comment le gouvernement pourra
traduire dans un règlement, comment il pourra "textualiser" et
définir une structure qui pourra s'adapter au monde scolaire. Je pense
que le moment serait peut-être le mieux choisi ce matin pour le ministre
de nous éclairer un peu davantage là-dessus. Les comités
paritaires seront-ils implantés au niveau de chacune des écoles?
Je crois que le ministre n'a pas répondu à cela ce matin. Cela
devrait-il être implanté au niveau de la commission scolaire
régionale, par le territoire ou par le nombre d'écoles ou la
clientèle étudiante et le travailleur...? Est-ce qu'il faudra
aller vers une structure plus décentralisée qu'un seul
comité paritaire au niveau de la commission scolaire? En fait, ce sont
des questions qu'on se pose et j'aurais bien aimé que le ministre y
réponde davantage. Je serais même prêt à lui laisser
quelques minutes de mon temps pour qu'il puisse donner les réponses
à ces questions.
Ces questions, on se les pose. Ces inquiétudes, Mme Gobeil et M.
Bégin, nous les avons nous aussi. Nous voulons ajouter notre voix
à la vôtre pour sensibiliser le ministre à cet aspect
particulier du problème. Il en sera évidemment question lors de
l'étude du projet de loi en deuxième lecture et évidemment
lors de l'étude du projet de loi article par article. C'est à ce
moment-là qu'on présentera des amendements si le gouvernement n'a
pas apporté les modifications qu'on croit qu'il aurait dû ou qu'il
devrait apporter.
J'avais des questions sur votre requête concernant
l'étudiant, à savoir qu'il soit soustrait du projet de loi. Je
dois vous exprimer ma surprise quant à moi relativement à ce que
l'étudiant soit soustrait comme tel du projet de loi, et ce pour les
mêmes motifs que ceux que le ministre a invoqués tout à
l'heure, surtout dans les secteurs professionnels où on a
constaté que du fait que la commission scolaire et les écoles
n'étaient pas soumises à la loi, aux différents
contrôles du ministère du Travail, il y avait des
défaillances marquées, entre autres, dans certaines
écoles, les écoles de métier et dans le secteur
professionnel où il y avait des normes qui n'étaient pas du tout
respectées. C'était inacceptable ce qui se passait là.
On prend bonne note quant à nous de votre requête demandant
qu'il y ait une personne du monde scolaire qui puisse faire partie de la
Commission de la santé et de la sécurité. Je pensais que
le ministre vous aurait fait un petit cadeau ce matin et qu'il vous aurait dit
oui, mais il ne vous a pas répondu. Peut-être pourra-t-il
répondre tantôt.
À la page 13, vous évoquez...
Une voix: Ce n'est pas un Père Noël.
M. Pagé: Ce n'est pas un Père Noël. Si vous
voulez intervenir, vous interviendrez tantôt; il n'y a pas de
problème. Ces gens-là ont demandé des choses ce matin et
je dois dire que, jusqu'à maintenant, on a eu un débat qui a
très bien été. Il a été très
concluant, très positif, très serein, mais je pensais que le
ministre, après quelques jours d'absence des travaux de la commission,
serait un peu plus, non seulement généreux dans ses paroles, mais
généreux dans ses prises de position ce matin. Je pensais que ce
serait peut-être un peu plus clair dans son esprit et, compte tenu du
caractère particulier de votre dossier, il aurait pu répondre de
façon plus précise à vos questions.
À la page 13, vous évoquez le problème du
financement. C'est un aspect important de tout ce débat qu'on n'a
peut-être pas discuté tous les jours parce que je pense que
personne au Québec ne peut soutenir qu'une action en santé et
sécurité coûte trop cher. Tu ne peux pas quantifier les
bénéfices de la santé et de la sécurité,
mais une
chose est certaine, c'est qu'on peut d'ores et déjà
présumer que toute action intégrée et plus rationnelle
dans le domaine de la santé et de la sécurité aura des
bénéfices, des avantages. Il y a trop de capital humain d'investi
dans ce dossier des travailleurs du Québec et de la santé au
travail du Québec pour ramener le débat strictement à des
considérations financières. Mais ces considérations
financières sont quand même importantes. Ce que vous
évoquez à la page 13, vous demandez les sommes additionnelles qui
devront être déboursées par les commissions scolaires pour
répondre à ces normes, pour faire fonctionner ces comités,
pour répondre aux différents critères et aux quelque 100
règlements que vous avez...
Mme Gobeil: 122.
M. Pagé: 122. Là-dessus, on peut diverger
d'opinion. On n'a peut-être pas lu le même texte, mais ici il y a
tellement de règlements qu'on a constaté qu'aucun intervenant en
avait trouvé le même nombre. Il y en a qui ont parlé de 80.
Nous, on a parlé de 110. Vous parlez de 122. De toute façon, il y
aura une bonne centaine de règlements qui pourront être
adoptés. Combien cela va-t-il coûter? Je pense qu'il n'y a qu'une
seule question. M. le ministre, je conviens qu'il y a plusieurs couronnes sur
la même couronne, je conviens qu'il y a plusieurs gouvernements dans le
même gouvernement, je conviens que, bien souvent, les ministères,
si ce ne sont pas les ministres, s'ignorent entre eux à l'occasion. Le
ministre de l'Éducation a certainement été consulté
ou a certainement participé à des comités
interministériels sur ce projet. Est-ce que, dans l'esprit du
gouvernement, les sommes que les commissions scolaires devront investir pour se
conformer au projet de loi seront prises à même les enveloppes
budgétaires, l'enveloppe globale, l'enveloppe du budget admissible du
gouvernement ou si cela sera considéré comme de l'inadmissible et
chargé directement aux contribuables? C'est une question bien
spécifique à laquelle le ministre pourra peut-être nous
répondre.
C'était là l'essentiel de mes questions et de mes
commentaires. En ce qui regarde la structure, les préoccupations que
vous évoquez, on les retient. On aura l'occasion d'en reparler. Quant
à votre participation à la commission de santé et de
sécurité, on espère qu'on pourra avoir un
représentant du monde scolaire. Pour ce qui est du financement, je pense
que la parole est au ministre, à ce moment-ci.
Merci de votre témoignage et de votre comparution, madame et
monsieur.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Marois: Pour l'instant, je n'ai pas d'autres commentaires
à formuler que ceux que j'ai formulés à ce jour. Il y a
encore d'autres témoignages à être entendus aujourd'hui qui
concernent, notamment, le domaine scolaire. J'attends qu'on ait en main
l'ensemble de toutes et chacune des recommandations. J'ai eu l'occasion de dire
que c'est évident qu'en commission parlementaire on ne peut pas passer
à l'examen de chacune des recommandations de chacun des mémoires;
c'est trop volumineux. On essaie donc d'amener les parties qui se
présentent devant nous à clarifier autant que possible leur
position pour être à même de les mieux comprendre et,
partant de là, de tirer la ligne par la suite. Cela vaut aussi bien pour
les questions de financement que pour les autres recommandations qui nous ont
été soumises. Partant de là, en temps et lieu, une fois
que tous les témoignages auront été entendus, le
gouvernement aura l'occasion de formuler ses recommandations très
précises. Il est évident, comme quelqu'un l'a
évoqué, que je ne suis pas le Père Noël. (10 h
15)
II y a des choses qui semblaient évidentes en cours de route, et
j'ai eu l'occasion de le mentionner, ou d'autres aspects, d'autres choses qui
nous ont été suggérés ou des questions qui ont
été soulevées qui nous semblaient plus que pertinentes.
J'ai demandé tout à l'heure, quant à la façon dont
la fédération voyait la formation des comités paritaires,
si c'était par école, si c'était par commission scolaire
régionale; si c'était par école, devait-il y avoir un
comité de "chapeautage" et le reste? Cela indique, je pense bien, qu'on
cherche avec les parties à examiner les formules qui soient susceptibles
de coller le plus à la réalité. Partant de là, en
temps et lieu, que ce soit au niveau du débat de deuxième lecture
ou de l'examen article par article, j'aurai l'occasion de revenir. J'aime bien
quand j'interviens pour dire: Je pense que c'est telle chose. Bien sûr
que j'ai tous les éléments en main pour faire des affirmations
comme celle-là.
M. Pagé: On reviendra, merci.
Le Président (M. Dussault): On vous remercie. M. le
député de Laviolette, pour respecter la convention, puisque le
temps alloué au parti ministériel est écoulé, il
faudrait être bref.
M. Pagé: Très bref.
M. Jolivet: Je vais être bref. Oui, très bref, je
n'ai pas l'intention d'être long. Cependant, je ferai remarquer que le
premier paragraphe de la page 4 m'a surpris énormément. Cela me
donnait quasiment l'impression que les commissions scolaires faisaient un aveu
d'impuissance, quant à former des élèves aptes à
entrer sur le marché du travail. C'est l'impression qui m'est
restée. On dit: "Même si cet étudiant a presque
terminé son cours ou son stage, les questions de normes, de
règlements et de programmes de recherches ne sont-elles pas trop
compliquées pour lui?". Il ne faut pas oublier que, s'il a
terminé son stage ou s'il a terminé son cours terminal, cela veut
dire qu'il est prêt à entrer sur le marché du travail et,
en conséquence, il devrait connaître les normes du marché
du travail où il veut aller. Du moins, c'est une impression qui me reste
et c'est, pour moi, presque un aveu d'impuissance quant à former des
étudiants aptes à entrer sur le marché du travail.
Deuxièmement, quand vous dites: "Au niveau des commissions
scolaires, nos polyvalentes sont neuves", je dois vous faire remarquer que les
polyvalentes sont peut-être neuves, la machinerie est peut-être
neuve mais ce n'est pas vrai partout. Je prends comme exemple la commission
scolaire d'où je viens, la Commission scolaire régionale de la
Mauricie, qui s'est vue accusée de certaines infractions à la
suite des inspections qui avaient été faites. On a dit au bout de
la course: On corrigera ce qu'on est capable de corriger, qui ne coûte
rien. Le reste, on attend, on ne le corrige pas tout de suite. En pleine page
du journal Le Nouvelliste chez nous. Cela frappe un peu quand on voit cela.
Qu'on regarde les ateliers en enfance inadaptée; une machine peut
être très neuve, une scie circulaire ou à ruban aussi,
mais, si elles sont non fixées au plancher, je pense que ce sont des
choses qui demandent, non seulement, au niveau de l'enseignant mais au niveau
de l'étudiant, un arrêt quelconque. Parfois l'enseignant, en
dehors de sa convention collective, est obligé, parce que la commission
scolaire n'est soumise à aucune loi, aucun règlement, de faire
des pressions lui-même au risque de perdre son emploi ou d'avoir des
embêtements. Il est obligé de corriger la situation pour des
enfants, et la commission scolaire dit: Ce n'est pas grave, ce sont des enfants
inadaptés; d'une façon ou d'une autre, ce n'est pas grave.
Quand on a des réflexions comme celles-là et que vous
parlez de gouvernement local, cela m'inquiète. Vous me permettrez de
m'inquiéter. Si on faisait le tour de l'ensemble des commissions
scolaires et des écoles où il y a de l'enseignement
professionnel, on pourrait être surpris. On demande aux étudiants
d'entrer du bois de l'extérieur l'hiver, on les place à
côté de la machinerie qu'ils vont utiliser pour raboter ou des
choses mécaniques comme cela, et on le laisse sécher à
côté alors que les enfants risquent de s'enfarger dans le bois ou
dans l'eau qui s'écoule; et vous allez me dire que le jeune est
habitué à une forme de protection, à une forme de vie
qu'il va rencontrer le lendemain matin s'il est sur le marché du
travail? Quand je regarde cette chose, je m'inquiète et je suis content
que la loi prévoie maintenant qu'il y aura, à l'intérieur
des écoles parce que ce n'est pas dans le bureau de la commission
scolaire régionale qu'on va régler les problèmes, c'est
dans l'école, j'en suis sûr des comités
formés à l'école et non pas dans une tour, en haut,
où personne n'ira voir ce qui se passe dans l'école.
Permettez-moi d'espérer que cela va régler une partie des
problèmes.
L'étudiant, qu'on vient de couvrir par la Commission des
accidents du travail au niveau du "curatif", je pense que c'est un pas en avant
mais on devait, à mon avis, prévoir plutôt le
"préventif" que le "curatif".
Dans ce contexte, la loi vient répondre à cela et soyez
assurés que moi, qui proviens des commissions scolaires et qui ai
participé à l'élaboration avec le ministre pour l'aider
à prévoir des choses, je vais peser énormément pour
qu'à l'intérieur des écoles, il y ait de la protection non
seulement pour l'enseignant qui y travaille mais pour l'étudiant qui,
demain matin, va se retrouver sur le marché du travail, et qu'en
conséquence il y ait de la formation au niveau de la prévention
et non seulement au point de vue curatif. Soyez assurés que de mon
côté, je ferai pression auprès du ministre dans ce
sens.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas de commentaires?
Mme Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, moi aussi j'ai des
inquiétudes concernant ce que vous venez de dire. Vous dites: La lecture
que je fais est cela. Je m'inquiète de l'impuissance que vous semblez
éprouver. Vous êtes des gouvernements locaux, vous vous
réclamez des gouvernements locaux. Mon inquiétude part d'abord
d'un principe. Dans le contexte actuel que nous vivons, c'est extraordinaire
comme tout le monde remet en cause la commission scolaire comme gouvernement
local. Pour la moindre petite chose qui ne va pas bien ce n'est pas une
accusation que je porte, c'est une constatation; on regarde ce qui se passe
dans les journaux la commission scolaire est toujours acculée au
mur et une petite affaire est montée en épingle. M. le
Président, si on faisait la même chose...
M. Jolivet: Quand il y a 140 infractions au Code de
sécurité, vous appelez cela une petite affaire, vous?
Mme Gobeil: Non, M. le Président, ce n'est pas cela que
j'ai voulu dire. Vous avez dit que vous manifestiez des inquiétudes sur
ce que peut faire un gouvernement local dont nous nous réclamons. C'est
à cela que je fais allusion. Je dis que dans le contexte actuel,
beaucoup de gens semblent s'interroger. Moi, je m'interroge à savoir si
on veut vraiment la disparition des commissions scolaires comme gouvernement
local.
M. Jolivet: Ce n'est pas la question ici ce matin, madame.
Mme Gobeil: M. le Président, de toute façon, je
fais cette intervention parce que je suis commissaire depuis plusieurs
années. J'ai été enseignante moi aussi et je puis vous
dire qu'il faut vivre dans la commission scolaire et dans nos écoles et
que j'y vais tous les jours dans les écoles. Je sais qu'il y a des
lacunes mais il faut dire aussi qu'on fait... Dans beaucoup d'endroits, il
faudrait signaler tous les efforts qui sont faits. Nous ne sommes pas contre la
loi. Nous avons apporté des choses ce matin pour... Nous pensions que ce
que nous apportions pouvait aider à bonifier la loi et à la
rendre applicable dans le milieu scolaire que nous représentons. Notre
seul objectif était cela; ce n'était pas de faire une critique
destructive. Si, en cours de route, nous aussi... Je repars avec des remarques
que je vais transmettre à notre fédération et soyez
assuré que nous allons regarder de plus
près ce qui a été avancé, que ce soit par
l'Opposition ou par la partie gouvernementale. Nous le ferons avec plaisir.
Nous vérifierons des choses. Nous ne voulons pas nous inscrire comme
étant des modèles de perfection mais nous disons que nous faisons
des choses positives et qu'il ne faudrait pas seulement exploiter ce qui est
négatif, ou alors qu'on fasse la même chose pour tous les
gouvernements locaux. C'est simplement cela, M. le Président. Je repars
avec les remarques qui ont été faites et soyez assuré que,
du côté de la fédération, tout ce qui pourra
être fait vis-à-vis de ses membres pour des améliorations
sera fait. Si, dans notre mémoire, il y a des choses que nous devrions,
à notre tour, modifier et bonifier pour être plus réalistes
et pour protéger l'étudiant et nos travailleurs nous le ferons.
Ce que nous cherchons, c'est le bien-être de notre collectivité au
niveau de nos commissions scolaires.
M. Jolivet: Juste une petit dernier commentaire simplement pour
dire que si, aujourd'hui, nous nous retrouvons en commission parlementaire avec
un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail,
c'est qu'au départ, il faut que ce qu'on peut appeler les mauvaises
choses aient pesé plus fort dans la balance que les bonnes choses. C'est
dans ce sens que je voulais vous mentionner qu'au niveau du problème
qu'on regarde aujourd'hui, au niveau des commissions scolaires, comme elles
n'étaient sujettes, ces commissions scolaires, à aucune loi ni
à aucun règlement et que la loi y pourvoit maintenant, il
faudrait que ce soit vraiment pour les problèmes qui s'y trouvent. Je ne
suis pas ici non plus pour vous donner les bons côtés, ce n'est
pas le travail qu'on a à faire ici aujourd'hui.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement. Le commentaire du
député de Laviolette m'oblige à un commentaire. Ce matin,
le député de Laviolette vous pourrez me corriger
semble reprocher à la fédération peut-être
pas à la fédération mais aux commissions scolaires
le fait que dans certaines écoles ou certaines commissions scolaires
régionales, il y ait eu un constat d'infraction ou un constat
d'activités qui ne répondaient pas aux normes et vous semblez
vouloir jeter la balle dans le champ des commissions scolaires et leur imputer
une responsabilité à cet égard.
Je vous dirai très brièvement seulement ceci: Le monde
scolaire, jusqu'à maintenant et jusqu'à l'adoption de la loi 17,
n'était pas soumis aux normes et à la vingtaine de
règlements qui s'appliquent, qui ont été adoptés
dans chacun des ministères. Si le monde scolaire avait été
régi par ces règlements, il y aurait eu nécessairement un
mécanisme de surveillance, un mécanisme d'inspection. Il y aurait
certainement eu une obligation beaucoup plus certaine de la part des gens du
milieu de s'impliquer sous cet aspect dans le dossier. Ils n'étaient pas
soumis à la loi. Est-ce que la faute revient aux commissions scolaires
ou si elle revient au gouvernement ou aux différents gouvernements qui
ont décidé, à un moment donné, que les commissions
scolaires et que le monde scolaire ne seraient pas assujettis à ces
règlements?
Je n'accepte pas qu'on lance la balle comme cela. Ce serait trop facile.
Le problème est plus compliqué. C'est peut-être explicable.
Ce n'est pas normal, mais c'est peut-être explicable que des constats
d'infraction, pour utiliser ce terme, aient été
décelés dans certaines commissions scolaires, mais autant cela
peut être inacceptable, autant c'est explicable parce que ces commissions
scolaires ne sont pas sujettes aux règlements en question. Que le
législateur prenne sa responsabilité, qu'il place le monde
scolaire sous la coupe de la loi 17 et on aura un commencement de solution au
problème, mais qu'on ne jette pas la balle dans le champ du voisin.
C'était l'essentiel de mon commentaire.
Le Président (M. Dussault): Mme Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, une petite minute. Est-ce que
vous permettriez d'ajouter ceci? Par expérience, je trouve regrettable
que, dans une même commission scolaire, le ministère de
l'Éducation nous imposait tel type de machines dispendieuses et le
ministère du Travail arrivait après, nous disant: Ce n'est pas
sécuritaire. Et nos professionnels reconnaissaient que ce n'était
pas sécuritaire. M. le Président, qu'est-ce que vous auriez fait
à la place d'un commissaire d'école? Je ne dis pas le moins bon.
Qu'est-ce que vous auriez fait? C'est là qu'il y a un manque de
concordance. Nous vivons ces situations qui sont excessivement pénibles
et si, M. le Président, nous ne respectons pas les normes dans les
achats, tout simplement ce n'est pas admissible aux subventions.
M. Jolivet: C'est cela, mais moi, je n'ai pas voulu jeter le
blâme sur personne. J'ai voulu prendre la page 4 et voir vraiment ce que
cela voulait dire. La deuxième chose, je suis conscient qu'au niveau du
ministère de l'Éducation on disait: Écoutez, réglez
cela, cela ne coûte rien, mais ne faites pas le reste, cela coûte
de l'argent. Je suis conscient de cela. Je ne veux pas vous lancer la balle
là-dessus. Ce n'est pas ce que j'ai voulu faire. Cependant, que chacune
des deux parties, la commission scolaire et le ministère de
l'Éducation, qui maintenant sera soumis à la loi, prennent leurs
responsabilités dans le futur, qu'elles n'ont peut-être pas prises
dans le passé au point de vue pécuniaire ou autre, mais qu'on ne
vienne pas me dire qu'il n'y aurait pas eu moyen dans certains cas d'ancrer une
machine comme une scie à ruban sur le plancher comme il le faut, au lieu
de la laisser se balader sur le terrain. Je pense que cela ne prenait pas le
ministère de l'Éducation pour le faire.
Le Président (M. Dussault): Merci. Au nom de la
commission, je remercie la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec de sa participation
et de sa collaboration aux travaux de cette commission, et bon retour.
Avant d'inviter le prochain groupe, j'aurais une communication à
faire à la commission. Le secrétaire des commissions a
reçu deux lettres de la compagnie Union Carbide du Canada Ltée.
Je lis ce qui est écrit en tête de lettre, M. le
député de Portneuf. C'est bien écrit "du Canada" et non
pas "of Canada". La première, la plus récente date du 17
septembre 1979, à l'attention de M. Marc Cantin, secrétaire.
"Pour faire suite à notre conversation téléphonique de ce
jour, je vous transmets sous ce pli la lettre que M. Hainey adressait au
secrétaire de la commission permanente du travail et de la main d'oeuvre
en date du 17 août dernier au sujet du projet de loi no 17. Tel que je
vous l'ai mentionné au téléphone, cette lettre fut
expédiée de Toronto le 17 août 1979 et nous a
été retournée le 14 septembre par le bureau de poste avec
les mentions: Adresse incomplète, service et ministère
inconnus."
Je dois comprendre...
M. Pagé: Est-ce que ce sont des moyens de pression?
Le Président (M. Dussault): Je continue à citer la
lettre. "Je dois comprendre que ces documents seront déposés
à la commission, mais qu'il est peu probable que la commission puisse
les prendre en considération en raison du retard et des dossiers
volumineux à étudier. Le retard étant dû à
des circonstances en dehors de notre volonté, nous espérons que
la commission tiendra compte de notre lettre du 17 août. (10 h 30)
Cette lettre du 17 août disait: "Union Carbide Canada Ltée
a suivi avec intérêt et inquiétude l'élaboration du
projet de loi 17 du gouvernement du Québec. Nous avons
préparé et soumis en avril 1979 un mémoire
présentant nos vues au sujet du livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail. Vous trouverez ci-joint un exemplaire de ce
mémoire. La compagnie a également participé à la
préparation d'un mémoire sur le projet de loi no 17 de
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et du Conseil du
patronat. Ces mémoires ont été soumis conformément
aux directives publiées dans la gazette du gouvernement. La compagnie
appuie la position prise par les associations mentionnées ci-dessus et
vous prie d'accorder une attention toute particulière à leur
mémoire."
Je demanderais à la commission si elle consent à ce que le
mémoire de l'Union Carbide sur le projet de loi no 17 soit
déposé intégralement au journal des Débats.
Des voix: Consentement. M. Marois: Consentement.
Le Président (M. Dussault): Ce sera donc
déposé intégralement au journal des Débats. (Voir
annexe A)
En vertu du règlement, je devrais normalement inviter les groupes
à se présenter devant la commission dans l'ordre où nous
avons constaté leur présence ce matin. Compte tenu,
évidemment, du fait que nous avons commencé à une heure
inhabituelle, il se peut que surtout les habitués de ces commissions
aient tenu pour acquis qu'on commençait à 10 heures. Je demande
à la commission si elle consent à ce que nous reprenions,
contrairement au règlement l'article 118-A
précisément l'audition des mémoires dans l'ordre
où les groupes apparaissent sur la liste de ce matin.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Dussault): Ce qui voudrait dire que nous
continuerions avec le Syndicat des fonctionnaires. Mais j'entendais tout
à l'heure quelques membres de la commission dire qu'étant
donné que nous avions traité de questions d'éducation, il
serait peut-être logique que nous entendions immédiatement la
CEQ...
M. Pagé: Qui était le groupe suivant.
Le Président (M. Dussault): ... qui était le groupe
suivant, après quoi nous entendrions le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec. Si c'est le consentement de la commission,
j'invite donc la Centrale de l'enseignement du Québec à se
présenter devant nous.
La commission consent-elle à ce que le ministre, M. Marois
(Laporte), remplace M. le député Gravel (Limoilou) et que de
cette façon, M. le député Bisaillon (Sainte-Marie) puisse
participer aux travaux de cette commission en tant que membre, tel qu'il
apparaît sur la liste des membres de la commission?
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Dussault): II y a donc consentement. Ce
changement sera opéré.
M. Pagé: Oui, pas de problème, M. le
Président. Par contre, ce matin, on constate qu'il y a certains petits
problèmes de remplacement. Vous devriez demander au premier ministre de
se dépêcher à nommer un whip adjoint pour qu'il puisse
s'occuper de ces choses-là.
Le Président (M. Dussault): Je me ferai un devoir de faire
cette démarche, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Cela pourra permettre à ce whip adjoint
d'avoir tous les espoirs parce que cela semble être une formule pour
entrer au cabinet.
Le Président (M. Dussault): Je le ferai, à ce
moment-là, en tant que député de Châteauguay,
évidemment.
M. Marois: Je suggérerais modestement au
député de Portneuf qu'avec le lot de problèmes qu'ils ont
chez eux...
M. Pagé: Ah! non. On en a pas mal moins que chez vous,
vous savez!
M. Marois: Vous pensez cela?
M. Pagé: Ah! oui. Cela va bien de ce
côté-là.
Le Président (M. Dussault): Cette parenthèse
étant faite...
M. Marois: Avec le nombre que vous avez en Chambre, cela se
comprend. C'est moins compliqué.
M. Pagé: On va être 30 bientôt. Il nous en
manque trois. Ils vont venir. D'ici un mois, on va être trois de plus.
Vous allez voir. Comment ça va, dans Maisonneuve?
Le Président (M. Dussault): J'espère que cela ne
dérange pas trop nos invités, ces petites parenthèses.
M. Marois: Avez-vous trouvé un candidat, finalement,
après 42 consultations?
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de ces
commentaires, MM. les députés. J'invite le représentant de
la CEQ à s'identifier pour les fins du journal des Débats et
à nous présenter son collègue.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Gaulin (Robert): Robert Gaulin, président de la
Centrale d'enseignement du Québec. Les intervenants aujourd'hui devant
cette commission parlementaire sont: Michel Agnaieff, qui est le directeur
général de la centrale; Marc Plamondon, qui a été
le rédacteur du mémoire et qui a travaillé avec toute
notre équipe à préparer les documents sur cette question
fort importante, et Micheline Sicotte, vice-présidente de la
centrale.
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, j'ai parlé
d'un collègue et je n'avais pas vu Mme Sicotte à
côté de vous.
M. Gaulin: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés. Je voudrais d'abord remercier la commission de nous
avoir accordé le privilège de passer à ce moment-ci et je
remercie également les participants à la séance
d'aujourd'hui qui ont manifesté un accord pour que nous dérogions
un petit peu aux règles de procédure. Ce n'est pas une pratique
de la centrale de demander des privilèges. Nous croyons que,
étant fixés en deuxième ou en troisième place, on
pouvait arriver pour faire la présentation et vaquer à d'autres
occupations en attendant.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Gaulin.
De toute évidence, il ne sera pas possible, à la lecture, que
vous nous présentiez votre mémoire en 20 minutes. C'est une
conven- tion ferme de cette commission depuis quelques jours de faire en sorte
que l'on amène les invités à présenter leur
mémoire en 20 minutes. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de
vous plier le mieux possible à cette directive.
M. Gaulin: J'ai 20 minutes pour faire ma présentation.
Le Président (M. Dussault): Ce serait cela.
M. Gaulin: II n'y a pas de problème.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie.
M. Gaulin: Je voudrais, dans un premier temps, demander, selon la
pratique habituelle des commissions parlementaires, de déposer notre
document et de le noter au procès verbal. Je ne ferai pas la lecture du
document. Je vais plutôt faire une mise en situation rappelant un peu la
politique de la CEQ à certains égards et soulignant certaines
recommandations ou certains aspects plus particuliers du mémoire,
laissant à la discussion le soin de porter sur d'autres sujets qui
pourraient vous intéresser plus précisément.
Le Président (M. Dussault): La commission semble
reconnaître votre voeu. Alors, ce document sera versé
intégralement au journal des Débats. On vous écoute. (voir
annexe B)
M. Gaulin: Je voudrais d'abord, dans un premier temps, souligner
l'intérêt de la centrale pour toutes les questions de santé
et de sécurité au travail. Depuis déjà dix à
quinze ans, la CEQ s'est intéressée aux problèmes de
santé et sécurité, particulièrement dans le domaine
de l'éducation. Qu'on se rappelle certaines interventions que nous
avions faites devant la CAT concernant les maladies professionnelles dans
l'enseignement. Nous avons tenté, par le passé, de souligner les
problèmes de prévention et d'attirer l'attention des milieux
éducatifs sur toutes les questions de santé et de
sécurité. Nous avons tenté, à travers nos
discussions, nos études, nos analyses sur l'école, de
démontrer jusqu'à quel point l'école devait s'orienter sur
la préparation de la majorité à exercer leur travail et
non pas s'intéresser seulement à cette portion des
étudiants qui sont appelés à fréquenter les
institutions supérieures d'enseignement, les cégeps ou les
universités. Nous avons toujours dénoté que, selon nous,
les écoles secondaires, les écoles élémentaires et
les cégeps n'accordaient pas suffisamment d'attention à la
préparation immédiate à la vie. Je crois que c'est un
aspect qui a été nettement mis en évidence dans
l'enquête à laquelle vous référiez tout à
l'heure, l'enquête de Lanaudière, et qui est confirmée par
certaines autres enquêtes qui se font, à ce moment-ci, dans
d'autres commissions régionales. On mentionne celle qui a
été faite par le DSC de Beauceville où on constate qu'il y
a nettement, dans les écoles polyvalentes de ce territoire, des
situations illégales. Non seulement
on ne connaît pas les normes, mais il y a des situations qui font
que les normes sont violées d'une façon assez importante.
En ce qui concerne la santé et la sécurité, nous
considérons, au niveau de la centrale, que cela intéresse d'abord
et d'une façon particulière les travailleurs. Toute l'histoire du
mouvement ouvrier auquel on réfère dans l'introduction de notre
mémoire rappelle les luttes longues, difficiles et importantes qui ont
été menées par les organisations de travailleurs pour se
faire reconnaître comme organisations de travailleurs et pour tenter de
changer le milieu de travail et de faire du milieu de travail pas seulement un
endroit où l'on gagne sa vie en risquant fortement de la perdre, mais un
milieu de travail où l'on peut gagner décemment sa vie et
s'assurer, à un moment donné, une retraite et des moments pour
s'occuper d'autres choses que seulement travailler.
L'intervention du gouvernement nous l'avons souhaitée
nous l'appuyons à ce moment-ci dans le domaine de la santé
et de la sécurité, mais il faut tout de même admettre que
cela arrive tard, que cela arrive à un moment où on a
constaté et la commission, l'étude, le livre blanc constataient
aussi d'une façon très importante et très claire une
situation assez catastrophique en ce qui regarde la santé et la
sécurité au travail au Québec.
Je crois que l'intervention du gouvernement vient tard et vient à
un moment où on se situe dans une problématique où on
essaie de concilier, à la fois, les intérêts du capital,
que ce soit le capital humain ou le capital économique, et où on
se situe dans une approche, à notre avis, beaucoup trop
coût-bénéfice. Je pense que cela coûte cher aux
entreprises, la situation des accidents du travail, de mortalité et,
à tout cela, il faut apporter une solution et faire en sorte que les
coûts diminuent et qu'en diminuant les coûts liés à
la santé et à la sécurité, les profits
augmentent.
Notre analyse, à nous, nous pose très clairement cette
problématique au coeur de toute l'intervention gouvernementale à
ce moment-ci, et nous croyons que c'est une intervention trop timide, trop
mitigée et qu'il faudrait, à travers une loi sur la santé
et la sécurité, à travers une intervention qui se situe
tard, dans le temps, quand on regarde l'histoire du mouvement ouvrier,
l'histoire des relations de travail au Québec, c'est une intervention
qui devrait être beaucoup plus ferme pour apporter un changement
fondamental d'approche, amener une approche globale complètement
différente, en ce qui regarde la santé et la
sécurité au travail.
Nous avons vu, dans le projet de loi no 17, une approche gouvernementale
qui affirme que la santé et la sécurité, c'est une
responsabilité commune. Les patrons ont autant d'intérêt
à la santé que les travailleurs eux-mêmes, que les
organisations des travailleurs. Nous rejetons cette logique qui est
présente, à notre avis, partout dans le projet de loi. Elle est
présente dans l'absence de distinction assez claire entre les
syndiqués et les non-syndiqués: on ne reconnaît pas
très claire- ment, dans la loi, que les non-syndiqués auront
beaucoup plus de difficultés à faire appliquer toute cette
mécanique et à faire reconnaître et appliquer
réellement les droits qui leur sont reconnus, dans cette loi.
C'est la même approche dans les programmes de prévention.
Prévention, santé et sécurité, c'est une
tâche patronale qui, pour une bonne part, est partagée,
coresponsabilité, avec les organisations de travailleurs. Le droit de
refus individuel, pour nous, nous le lions à cette approche de la
responsabilité commune. L'approche des moyens de protection individuels,
dire qu'il appartient au travailleur de se protéger. Il appartient au
travailleur d'utiliser les instruments de protection pour ne pas être
victime de surdité, d'amiantose, ou... porter des bottes avec des "caps"
d'acier et des choses comme cela, tout cela, axé sur la
prévention plutôt que sur l'organisation du milieu de travail, qui
fera que le milieu sera moins permissif aux accidents du travail. Nous croyons
que là encore, c'est un élément de l'approche de la
responsabilité commune.
La peur a été soulevée par plusieurs intervenants
dans cette commission parlementaire, dans plusieurs mémoires, même
par le gouvernement, la peur des abus concernant le droit de refus par les
travailleurs. On a peur que le balancier aille de l'autre côté,
une fois qu'il a fonctionné dans le système qu'on connaît
actuellement.
L'approche que nous mettons de l'avant et qui justifie bon nombre de nos
recommandations, c'est que l'organisation syndicale doit être au coeur de
la défense des intérêts des travailleurs, que les
travailleurs sont en mesure de faire valoir leurs droits, leurs revendications,
de se protéger, de se défendre, que dans la mesure où ils
sont organisés collectivement et où ils se donnent les moyens
collectivement d'agir.
Notre demande fondamentale, face à cette situation, c'est la
reconnaissance effective du syndicat, du syndicalisme, comme agent principal de
la défense des intérêts des travailleurs. L'intervention de
l'État, nécessaire, doit venir confirmer, renforcer la
capacité du mouvement syndical d'assumer son rôle face aux
travailleurs. Et donc, vous ne vous surprendrez pas de voir, encore une fois,
cette recommandation dans ce mémoire: il est donc important d'assurer
par une loi, une syndicalisation réelle et effective de l'ensemble des
travailleurs du Québec. Avec 25%, 30%, 35% d'autres syndicalisations,
dans certains secteurs, c'est évident que, quel que soit l'appareil
législatif ou réglementaire ou les commissions autour de cela,
effectivement, sur les lieux de travail, il y a des choses qui ne pourront
jamais se réaliser. (10 h 45)
Nous doutons qu'à travers cette loi, les travailleurs non
syndiqués soient véritablement et réellement
protégés. Nous sommes heureux de voir introduit dans la loi un
point que nous avions soulevé dans des interventions
précédentes concernant la protection des acquis des conventions
collectives dans la loi. Cela nous semble un élément de base
essentiel pour s'assurer que la loi ne sera pas
le minimum et qu'on ne recommencera pas, dans certains secteurs, des
batailles pour partir de là où on est maintenant. Sur ce point,
nous sommes d'accord avec l'introduction de cette dimension.
Sur la loi elle-même, j'aimerais souligner cinq points, cinq
aspects. Sur le droit de refus: Pour nous, le droit de refus doit pouvoir
s'exercer collectivement, doit pouvoir s'exercer par le représentant
syndical élu, nommé par le syndicat et lorsque le
représentant syndical exerce le droit de refus, à ce
moment-là, il ne peut pas y avoir de poursuite ou d'intervention contre
le travailleur qui aurait refusé parce que le travailleur est
appuyé par son représentant syndical et, à ce
moment-là, toute la dimension de poursuite et de prendre fait et cause
contre le travailleur qui aurait hypothétiquement fait une erreur en
refusant de travailler, ne pourrait pas s'exercer.
On invoque que dans certains pays qui ont 30 ans de
social-démocratie, on n'a pas encore introduit ce système de
recours collectif. Nous pensons que dans un pays qui a 100 ans de capitalisme,
il faudrait peut-être changer les choses d'une façon significative
et importante même au risque qu'il y ait certains abus ou qu'on aille
plus d'un côté qu'on voudrait y aller dans le cadre de cette
loi.
Deuxième point soulevé: Les comités paritaires.
Nous sommes en accord avec les comités paritaires. Nous
considérons que la création des comités paritaires est une
des victoires importantes du mouvement syndical. Une fois qu'on a dit cela, il
faut que le comité paritaire soit réel, qu'il puisse avoir des
pouvoirs, qu'il soit décisionnel et que le comité paritaire ne
puisse pas seulement faire des recommandations. Nous croyons que le
comité paritaire doit être formé par unités
d'accréditation, que le comité paritaire doit avoir un pouvoir
décisionnel sur la question de la formation et que le programme de
formation dans l'établissement ne relève pas de l'employeur mais
soit sous la juridiction du comité paritaire décisionnel. Nous
croyons que le choix du médecin devrait se faire par le comité
paritaire et qu'en cas de désaccord au niveau du comité
paritaire, cela puisse se faire par l'organisation syndicale,
c'est-à-dire que le veto syndical s'exerce en cas de désaccord au
sein du comité paritaire sur cette question du médecin.
Troisième point: La protection des femmes enceintes. Nous avions
déjà eu l'occasion d'intervenir auprès du ministre pour
dire que ce n'était pas suffisant ce qu'il y avait là-dedans. Il
faudra regarder plus attentivement toute la question du retrait
préventif et s'assurer que dans un premier temps, lorsqu'une femme
enceinte avisera l'employeur, que l'employeur puisse immédiatement
l'informer des dangers existant dans l'entreprise face à cette situation
quoiqu'il y ait un rôle d'information première à venir de
l'employeur dès qu'on porte à sa connaissance qu'une femme est
enceinte. Nous voudrions nous assurer que tout l'exercice du retrait
préventif, partiel ou total, puisse s'accompagner sans
pénalité et nous voudrions souligner un petit problème
face à toute cette question des femmes, des congés de
maternité et du droit des femmes quoique Micheline pourra
préciser certaines choses et souligner le problème de la
multiplicité des lois à ce moment-ci. Je crois qu'on veut, du
côté du gouvernement, faire un effort mais on commence à
accumuler les lois qui vont poser des drôles de problèmes
d'application, d'interprétation ou des drôles de problèmes
pour définir les droits de chacun des travailleurs.
Qu'on songe à l'ordonnance 17, qu'on songe à la loi 126
sur les conditions minimales, à la Loi d'assurance-chômage qui
nous transfère au fédéral et la loi ici sur la
santé et la sécurité qui va parler des droits des femmes
enceintes et l'élément convention collective qui vient ajouter un
autre facteur là-dedans. Cela commence à faire une
mécanique pas mal lourde pour cette situation.
Le quatrième point que je voudrais soulever, c'est une
recommandation importante que nous faisons, je crois, et qui est
peut-être une particularité que la centrale met de l'avant, c'est
l'Institut de recherche et de médecine. Nous recommandons la
création d'un Institut québécois de recherche et de
médecine du travail. Les fonctions principales de cet institut seraient
d'assurer la formation des médecins en médecine du travail, la
formation des infirmières, la formation des personnels oeuvrant dans le
réseau public parce que nous croyons que l'application de la
santé et de la sécurité au travail doit se faire dans un
réseau public d'institution et ne doit pas être confiée
à l'entreprise privée ou laissée au gré de chacune
des entreprises elles-mêmes, et enfin, la dimension recherche. Je crois
qu'il y a des recherches importantes à entreprendre au niveau... On a
souligné que de la recherche, il s'en fait sous différentes
formes, dans différentes entreprises. Il faudrait centraliser, consigner
au niveau de cet institut l'ensemble des recherches qui se font ailleurs, faire
les analyses des études pour éviter la duplication et se donner,
à ce niveau, un programme de recherche adéquat. Cet institut
pourrait également tenir des stages de formation, des sessions de
formation pour les travailleurs qui ont à assumer certaines tâches
dans la prévention. Nous croyons que le rôle de formation des
travailleurs, des membres militants dans les organisations syndicales
appartient aux organisations syndicales et que les budgets devraient être
référés pour une bonne part on parle de deux tiers
dans notre recommandation aux organisations syndicales, mais nous
pensons qu'à travers cet institut il pourrait y avoir une formation de
pointe, une formation plus spécialisée qui permettrait
véritablement de se tenir au courant.
Il y aurait une possibilité ou probablement un autre aspect
à ajouter à cet institut de recherche et de médecine du
travail, c'est toute la question de la certification des machines outils ou
l'autorisation d'utiliser tel ou tel appareil dans les entreprises ou dans les
institutions publiques. Je crois qu'on souligne à travers l'étude
de Lanaudière, qu'il y a des problèmes de machines, d'utilisation
de machines dans les écoles. Dans notre mémoire, notre document
de base déposé à l'occasion du sommet économique de
La Malbaie, dans des in-
terventions que nous avions faites sur la santé et la
sécurité, nous avions souligné ce problème,
l'existence dans les écoles de machines où les jeunes sont
obligés d'être sur des tabourets pour faire fonctionner la machine
parce qu'on n'a pas prévu la hauteur applicable pour les
étudiants et j'en passe. On pourrait donner des foules d'exemples de cet
ordre. Il y a donc, je crois, un "placet" à donner, à un moment
donné, sur l'autorisation de machines et il y a tout le problème
des cadences et de l'organisation du travail derrière cela qui fait
qu'il ne s'agit pas seulement d'agir au niveau de la prévention, mais il
faut agir au niveau de l'équipement, de l'outillage et de l'organisation
des milieux de travail.
Le dernier point que je voudrais souligner, c'est concernant
l'école. Il y a là un virage important à faire. Nous
soulignons l'existence, à la grandeur du Québec, de situations
telles que celles mentionnées dans l'étude de Lanaudière
et ce qu'on nous dit c'est que Lanaudière c'était peut-être
l'école la plus moderne et là où on a essayé
d'être d'avant-garde. Si c'est cela Lanaudière, qu'est-ce que
c'est que dans l'ensemble des autres régions? D'autres enquêtes
que nous faisons à ce moment-ci nous confirment que c'est un fait
général dans l'éducation lorsqu'on regarde les budgets
zéro de fonctionnement des commissions scolaires, en ce qui regarde tout
le reste, sauf les salaires des enseignants, tous les postes
budgétaires, l'équipement. Je comprends qu'il y a des situations
importantes à corriger et qu'il faudrait du côté
gouvernemental dans la mesure où on adopte des lois et qu'on veut
que cela s'applique il faudrait mettre en oeuvre des moyens pour
corriger rapidement la situation faite aux étudiants dans les
écoles.
Nous croyons qu'en ce qui regarde l'organisation de la
sécurité au travail, c'est évident que cela doit se faire
dans les écoles et non pas dans les sièges sociaux des
commissions scolaires, comme cela doit se faire dans les usines et non pas dans
les sièges sociaux, à Montréal, à Toronto ou
à New York. Et là-dessus, nous sommes loin de partager la
position de la Fédération des commissions scolaires et nous
croyons que la santé et la sécurité, cela doit se vivre,
cela doit s'organiser dans les milieux de travail là où sont les
dangers réels et effectifs.
Nous sommes heureux de voir qu'il y a possibilité pour les
étudiants d'exercer le droit de refus; nous sommes d'accord avec cela.
Pour ce qui regarde toute la question des comités paritaires, nous
croyons qu'il peut exister un comité paritaire au niveau de la
commission scolaire, et pour le reste, cela devrait faire l'objet d'une
négociation.
Nous avons déjà déposé, dans nos
négociations locales, des revendications sur l'organisation des
comités dans les milieux. Nous pensons globalement qu'il devrait y en
avoir un dans les écoles polyvalentes et qu'au niveau
élémentaire, il pourrait y avoir des arrangements et des
accommodements, compte tenu des territoires, compte tenu des dimensions des
établissements.
Nous sommes assurés que, si la loi ne recon- naît pas une
existence réelle, avec des pouvoirs décisionnels réels et
concrets des comités paritaires, nous allons avoir, face à nos
employeurs qui ont passé avant nous tout à l'heure, une
côte très difficile à remonter, en ce qui regarde
l'existence de vrais comités paritaires qui peuvent faire des choses et
qui peuvent prendre des décisions. Qu'on se rappelle que dans la
négociation et je ne veux pas ouvrir là-dessus le
comité paritaire de perfectionnement, qui est un acquis de dix ans de
négociation, est menacé actuellement et que les propositions
patronales éliminent complètement ces comités paritaires
qui, pourtant sont un acquis et qui fonctionnent éminemment bien selon
les rapports que nous avons de la plupart de nos établissements et de
nos syndicats locaux.
Il y a donc là, une côte importante à remonter. Nous
ne croyons pas, cependant, que le comité paritaire soit
institutionnalisé à la grandeur, soit dans les écoles,
soit dans le système éducatif, soit dans les autres types
d'établissements, comme étant la seule forme possible
d'organisation de la mécanique. Nous croyons que le comité
paritaire pourrait être un minimum et que, par le biais de la
négociation, on pourrait convenir d'autres formes d'organisation ou de
fonctionnement, des comités, des organisations pour faire appliquer les
dimensions de santé et de sécurité au travail.
Voilà les aspects que je voulais mettre en évidence dans
notre mémoire et nous sommes à votre disposition.
Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'on doit entendre
immédiatement Mme Sicotte?
Mme Sicotte (Micheline): Ce sera dans l'échange de...
Le Président (M. Dussault): D'accord. Alors, merci, M.
Gaulin! Alors, monsieur le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
Centrale de l'enseignement du Québec de son mémoire. Je comprends
que c'est le matin, alors vous comprenez qu'on a jeté un rapide coup
d'oeil. On avait reçu un document préliminaire. Ce matin, on a en
main un document qui contient trente-cinq recommandations. On a jeté un
coup d'oeil très rapide pour voir quels étaient les ajustements
qui avaient pu être faits, par rapport au document préliminaire.
Bon nombre de groupes qui se sont présentés devant nous ont,
d'ailleurs, procédé de la même façon, et c'est tout
à fait légitime, normal, notamment compte tenu de l'importance du
sujet. Partant de là, bien sûr, je n'aurai pas le temps de
reprendre toutes et chacune des recommandations. Sans abuser du temps, je
voudrais, cependant, jeter sur la table, un certain nombre de remarques,
commentaires, questions, si vous permettez que je mette le paquet sur la table,
et après, je présume que vous le reprendrez au fur et à
mesure.
Une première chose que je voulais dire, c'est parce qu'on
a eu l'occasion de l'évoquer avant
le début des travaux de la commission parlementaire, depuis le
début des travaux d'ailleurs, aussi ce que vous avez
appelé la base ou l'un des éléments de philosophie ou de
point d'ancrage ou d'appui, de l'économie générale du
projet de loi, essentiellement sur une notion de
coût-bénéfice. Peut-être que cela, c'est possible
je n'ai pas l'habitude de penser qu'en général, les
journalistes citent mal les hommes politiques, je suis toujours porté
à penser que les hommes politiques ou les femmes politiques s'expriment
mal ou expriment mal leur pensée, sauf les cas d'exception qui
confirment la règle. (11 heures)
Essentiellement, ce qu'on a dit depuis le début et ce que
je tiens à répéter à nouveau ce matin c'est
que sur la base de chiffres conservateurs c'est toujours ce que j'ai dit
d'ailleurs et qui n'ont jamais été contestés par
qui que ce soit d'ailleurs quand une société comme la
nôtre est rendue qu'elle se paie l'équivalent en coûts
économiques directs et indirects d'un minimum de $2 500 000 000, on ne
viendra jamais soutenir devant nous qu'on est une société qui n'a
pas les moyens d'essayer de s'attaquer à la racine des maux et de viser
à éliminer les causes mêmes d'accidents et de maladies. En
d'autres termes, on peut certainement se permettre, comme
société, de déplacer une partie de ces coûts pour
s'attaquer, encore une fois, à la racine des maux; ce qui implique non
seulement l'ensemble de tous les mécanismes de participation pour que
ceux et celles qui sont quand même les premiers concernés, les
hommes et les femmes au travail, soient impliqués et que ce ne soit pas
seulement du placotage, mais avec des droits réels et des pouvoirs
réels, mais en plus, que cela implique les ajustements requis à
l'environnement même du travail. C'est ce qu'on a soutenu depuis le
début et j'ai souvent dit que quant à ceux qui ont de la
misère à voir plus loin que leur seul bout de nez
économique, les notions de productivité et autres notions du
genre, ce ne sont pas des abstractions et cela ne tombe pas du ciel.
Quand les conditions de travail sont telles que les gens risquent d'y
laisser une partie d'eux-mêmes si ce n'est pas eux-mêmes
intégralement, ce ne sont pas les conditions qui favorisent la
productivité. Qu'on ne vienne pas argumenter une chose comme
celle-là devant nous. En d'autres termes, notre approche est
basée sur le fait qu'on est une société qui se paie
actuellement prétendant corriger des choses il y a des choses qui
ne sont pas réparables, on a un minimum de $2 500 000 000 de coûts
et que là, le réservoir et le potentiel... Bien sûr, on
n'arrivera pas demain matin, quand on regarde certains coins d'où on
part, encore une fois aux usines vertes de Le Corbusier, où on est
capable de faire un maudit bout de chemin et pas mal plus rapidement qu'on peut
le penser à la condition qu'on s'y mette et qu'on s'en donne la peine
pour changer les choses au point de nous étonner nous autres mêmes
de ce qu'on est capable de faire quand on le veut.
Il y a une autre chose que vous avez évoquée. Vous me
permettrez de la relever? Je ne crois pas honnêtement que le gouvernement
comme tel ai dit une chose comme celle-là. Vous avez
évoqué la peur des abus dans l'exercice du droit de refus, peu
importe la forme que prend le droit de refus, individuel ou exercé par
plusieurs qui vivent le même problème ou le refus à la
suédoise, c'est-à-dire enclenché par le
représentant syndical. Des témoignages ont été
entendus allant dans ce sens-là. Depuis le début des travaux de
cette commission ici, chaque fois que des groupes, notamment du monde des
affaires, se sont présentés devant nous pour soutenir cette
argumentation, on a entendu plusieurs témoignages en
contre-interrogatoire que ce soit le cas de l'Institut canadien du textile, que
ce soit d'autres cas qui se sont présentés devant nous. Ils ont
admis en réponse à des questions très précises
qu'ils ne connaissaient pas dans les cas où le droit existe et il
est limité, par exemple, sous réserve de me tromper, je ne crois
pas que vous ayez présentement en convention collective un mot
concernant le droit de refus, je ne pense pas que ce soit comme tel dans la
convention collective... En d'autres termes, il y a un paquet d'hommes et de
femmes syndiqués qui ne l'ont même pas dans leur convention
collective, non pas qu'ils n'ont pas le droit naturel le droit naturel
existe pour tout le monde mais ils n'ont pas la protection de l'exercice
de ce droit. La nuance est de taille. Tous ceux qui ont témoigné
devant nous à des questions très précises ont admis qu'ils
ne connaissaient pas de cas d'abus et depuis le début de nos travaux, on
répète qu'on ne voit pas pourquoi, en quoi et sur quoi on se
fonderait à part quelques "flaillés" à gauche et
à droite, dans les sociétés il y en a toujours et il y en
a chez nous comme ailleurs pour affirmer que les hommes et les femmes
qui sont au travail au Québec seraient plus irresponsables au
Québec qu'ailleurs. Quand on regarde l'application des lois, que ce soit
en Ontario, que ce soit en Saskatchewan, B.C., que ce soit en Suède, que
ce soit dans les autres pays, les cas d'abus, il y en a eu quelques-uns. Il
faut l'admettre, mais ils sont à la marge et nous ne croyons pas que les
hommes et les femmes au travail au Québec seraient plus irresponsables
qu'ailleurs.
Partant de là, si vous me permettez simplement de reprendre
je ne pourrais pas toutes les passer très rapidement un
certain nombre de vos recommandations, il y a la recommandation et
là, je veux être certain que je la comprends bien où
vous demandez que les organisations syndicales aient le droit de participer
à l'élaboration et à l'application des normes et
règlements ainsi qu'à l'établissement des programmes de
recherche et de prévention, il me semble, à moins que la lecture
du projet de loi vous semble ambiguë ou que cela ne ressorte pas
clairement, que c'est ce que prévoit le projet de loi. Le fait, par
exemple, que le conseil même d'administration de la Commission
québécoise de la santé et de la sécurité
soit composé notamment de représentants des organisations
syndicales et que le pouvoir de
réglementation soit initié, que les nouveaux
règlements soient élaborés à partir de la
commission, forcément, déjà, elles se trouvent
associées par ce mécanisme à l'élaboration
même des règlements. Forcément, aussi, quant au respect de
l'application des règlements, puisqu'elles siègent au conseil
d'administration et c'est vrai aussi en bas, au niveau même de
l'établissement puisque le projet de loi prévoit
déjà la possibilité qu'un syndicat puisse nommer un
représentant à la prévention avec du temps de
libération pour procéder, enquêter sur les lieux de
travail, et le reste.
J'aimerais connaître vos commentaires parce que, fondamentalement,
on est d'accord avec ce que vous recommandez. Mais je veux savoir si,
d'après vous, la lecture que vous faites du texte de loi vous semble
ambiguë.
La même chose en ce qui concerne la recommandation no 3. Je
voudrais savoir sur quoi et à partir de quels éléments du
projet de loi ou la lecture que vous faites parce que je croyais
comprendre, à la lecture du projet de loi, que ce que vous recommandez
au no 3 est déjà prévu dans le projet de loi.
En ce qui concerne la recommandation no 7, concernant le droit de refus
et les circonstances, vous demandez que ce soit modifié de telle
manière qu'on précise quelles sont les fonctions et quelles sont
les circonstances qui peuvent comporter des risques inhérents. Je peux
vous dire qu'à la lumière de toute une série de
recommandations, de questions qui ont été formulées, je
suis en train de réexaminer toute cette question pour voir de quelle
façon il y a moyen d'y arriver. Il y a l'approche à la
manière ontarienne mais je ne vous cacherai pas qu'elle m'agace un peu.
Elle m'agace dans le sens qu'elle exclut nommément des groupes de
l'exercice du droit de refus, carrément. Elle exclut, par exemple, les
policiers et les pompiers. Ils n'ont pas le droit d'exercer le droit de refus.
Par ailleurs, il y a une autre partie de la loi ontarienne qui, elle,
peut-être nous ouvre une approche qui pourrait être
intéressante. Au lieu de cerner une notion de risques normalement et
habituellement inhérents, peut-être qu'on peut prévoir
qu'il peut, dans les cas où les circonstances sont telles que l'exercice
du droit pourrait mettre en danger la vie d'autres travailleurs ou du public,
que dans ces circonstances, uniquement, la notion d'inhérence existera.
En d'autres termes, on se trouverait à la resserrer encore mais c'est
purement une hypothèse. J'avoue qu'on est en train d'examiner cela mais
si vous avez des commentaires ou des suggestions beaucoup plus précises,
je pense que ce serait intéressant qu'on puisse les entendre.
J'aimerais aussi vous entendre peut-être préciser davantage
votre recommandation no 9. En ce qui concerne maintenant la recommandation no
12, c'est le cas de l'information à une travailleuse qui se
déclare enceinte, je pense que c'est une recommandation
intéressante que vous formulez. Je tiens à le signaler tout de
suite au passage. Il y a une chose cependant que vous avez ajoutée dans
votre exposé. Vous avez semblé indiquer, si j'ai bien compris,
qu'en plus vous craigniez, vous aviez des raisons de craindre des
représailles ou des mesures disciplinaires, en d'autres termes, le cas
échéant, dans le cas de l'exercice, par la femme enceinte, du
retrait préventif. Il se peut que j'aie mal saisi ce que vous avez dit
et, le cas échéant, j'apprécierais que vous commentiez un
peu cela, qu'on puisse voir. Mais la recommandation no 12 telle qu'elle est
là m'apparaît être une recommandation
intéressante.
Puisqu'on parle du retrait préventif, au passage, j'ai
posé cette question à plusieurs groupes: Est-ce que vous pensez
qu'il y aurait lieu évidemment, tout ne pourra pas être
fait en même temps et il va certainement falloir prévoir un
gradualisme si tel devait être le cas, est-ce que vous pensez
qu'une fois le principe du retrait préventif introduit dans une loi
comme celle-là, s'appliquant de façon nette dans le cas de la
femme enceinte, est-ce qu'à votre avis il n'y aurait pas lieu de
prévoir la possibilité d'élargir l'application du principe
du retrait préventif par gradualisme parce que les types mêmes
d'altération, dans certains cas, le monde médical ou scientifique
ne réussit pas à les cerner, je veux dire les premiers signes
avant-coureurs, avant qu'il y ait lésion ou maladie.
Est-ce qu'à votre avis, il y aurait lieu d'en ouvrir au moins
pour les cas de type d'altération qu'on connaît? Je pense que ce
serait intéressant d'avoir vos commentaires, si vous avez des choses
à nous dire là-dessus.
La recommandation 15, on va certainement la regarder très
près, cette recommandation qui veut qu'au moins deux fois par
année un service spécifique de la commission s'assure du
fonctionnement adéquat des comités de santé et de
sécurité dans les entreprises non syndiquées. J'aimerais
que vous commentiez plus avant la recommandation 16. Je crois comprendre que,
telle qu'elle est formulée, vous nous demandez d'exclure la
participation. Je comprends que ce n'est pas facile à établir.
Par exemple, le projet de loi prévoit que, dans le cas d'associations
sectorielles on y reviendra tantôt, parce que vous y touchez de
façon très précise avec une recommandation qui est aussi
précise - ce sont uniquement les coins d'un secteur économique ou
industriel ou d'un service où les travailleurs sont organisés,
qu'il y aurait donc uniquement représentation syndicale aux associations
sectorielles parce que, dans un secteur large, c'est à peu près
impossible de faire autrement. Mais, dans le cas d'un comité paritaire,
est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait prévoir la
possibilité qu'il y ait une forme quelconque de représentation
des travailleurs qui seraient non syndiqués dans une entreprise
donnée?
Concernant votre recommandation 19, le fait que le pouvoir
décisionnel soit déjà prévu dans le projet de loi
ne répond-il pas à votre recommandation 19? Je prends note, par
ailleurs, de votre recommandation 20. On va la regarder de très
près. En ce qui concerne la recommandation 23, on en prend note aussi.
On va regarder cela et je tiens à signaler au passage qu'en ce qui
concerne la recommandation 23, dans le cas du représen-
tant à la prévention, je pense que le texte est
très clair. Il va exactement dans le sens de ce que vous recommandez,
mais si je comprends, cela ne vous apparaît pas aussi clair dans le cas
des participants désignés par le syndicat au comité
paritaire comme tel autres que le représentant à la
prévention.
Je terminerais sur deux remarques. Je m'excuse d'abuser de votre temps,
M. le Président. Je pense que votre recommandation 33 est
intéressante. Encore une fois, il s'agit d'une première
réaction. On va la fouiller de toute façon. Dans votre
recommandation 34, vous recommandez que les programmes de formation des
travailleurs de l'enseignement prévoient une formation théorique
et pratique adéquate en hygiène industrielle. Je pense que vous
avez plus que raison.
Voilà, M. le Président, les commentaires et remarques que
j'avais à formuler.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M.
Gaulin.
M. Gaulin: Je vais reprendre un certain nombre de choses, mais
j'aimerais peut-être, dans un deuxième temps, que le ministre
réagisse à notre recommandation concernant l'Institut
québécois de santé et de prévention.
M. Marois: Je peux réagir tout de suite pour vous dire
qu'on va examiner très attentivement votre recommandation. Pour
l'instant, je ne peux pas honnêtement aller plus loin que cela. De
mémoire, je me demande d'ailleurs si on n'a pas eu une recommandation
d'un autre groupe qui va dans le même sens. On va regarder cela de
très près. Je ne suis pas encore convaincu. Je ne dis pas que
l'idée... L'idée de base est qu'au fond il s'en fasse et que cela
se fasse de façon organisée, systématique, ce qui n'est
pas le cas présentement, c'est émietté dans toutes les
directions. (11 h 15)
Ce qu'il y a derrière, au fond, peu importe la structure que cela
prend, vous recommandez que cela prenne la forme sur le plan structurel d'un
institut, quant au contenu de ce qu'il y a derrière, parce que sur le
fond, il n'y a pas de discussion, il y a accord là-dessus, pour
l'instant, je ne suis pas prêt à me prononcer encore sur
l'idée même de la création d'un institut comme tel mais on
va regarder cela de près.
M. Gaulin: En réponse à l'ensemble des questions,
sur le premier point, l'économie générale de la loi, je
crois que votre analyse confirme notre propre analyse de la situation. Nous ne
dénonçons pas le fait qu'il y a des coûts impliqués
et que cela coûte très cher et qu'il faille utiliser cette
argumentation comme point d'accrochage auprès d'un certain nombre
d'employeurs plus rébarbatifs et qu'on doive convaincre certaines gens
à faire la démonstration que cela peut être "profitable" de
s'occuper de la santé et de la sécurité, mais ce que nous
dénonçons, c'est qu'on s'arrête là dans la mesure
où on peut épargner de l'argent et faire des profits, on va
s'occuper de la santé, de la sécurité et de l'organisation
du travail, mais dans la mesure où cela deviendrait non rentable ou
moins profitable, que le bénéfice ne justifierait pas le
coût, alors, il y aurait des réserves. Nous nous disons qu'on doit
dépasser le simple stade du calcul économique et aller beaucoup
plus loin et dire qu'il faut faire un effort, une transformation importante des
mentalités et de l'approche générale en
privilégiant le droit inaliénable à la santé et
à la sécurité du travail.
Sur la question du droit de refus, je crois que nous n'avons pas peur
des abus. Mais l'invitation qu'on faisait par notre recommandation, c'est dire
qu'on devrait aller assez loin, même si certains peuvent invoquer le fait
qu'il y a des possibilités d'abus dans telle ou telle situation. Nous
croyons nous aussi que les travailleurs, d'une façon très
générale, n'abusent pas des situations, n'abusent pas des droits
qui leur sont conférés ou des droits qu'ils ont conquis à
travers les luttes syndicales. C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas
nous expliquer autrement que par la crainte, le fait de ne pas introduire,
à ce moment-ci, dans la loi le recours collectif et le droit de refus
collectif ou le droit de refus à exercer par des représentants
syndicaux dûment élus, mandatés, par leur organisation
syndicale.
Sur la recommandation 2, ce que nous soulevions là-dedans, c'est
tout le mécanisme de décision au niveau du comité national
lorsqu'il y a des désaccords entre les parties. Ensuite, la dimension
qui était touchée là-dedans, c'est la dimension de la
prévention. La prévention, si on l'a bien compris, au niveau des
programmes institutionnels, échappe au comité paritaire comme
tel. Nous pensons que les organisations syndicales doivent être
impliquées directement par le biais des comités paritaires ou
autres mécanismes dans l'élaboration et l'adoption des programmes
de prévention dans les établissements ou dans les entreprises ou
dans les commissions scolaires.
M. Marois: Juste pour qu'on se comprenne bien. Quand vous parlez
de prévention, est-ce que vous parlez plus particulièrement de ce
qui ressort du paragraphe 3 de l'article 48? L'article 48 parle de la notion
d'un programme de prévention qui implique toute une série de
dimensions. L'article commence en disant qu'il doit y en avoir un, l'objectif
de ce programme doit viser à éliminer à la source les
causes d'accidents et de maladies et là il y a toute une série
d'éléments et d'instruments, notamment, le paragraphe 3 qui vise
à adapter le milieu de travail en conséquence. Est-ce que c'est
particulièrement sur ce point et, si c'est particulièrement sur
ce point, qu'est-ce que vous suggérez, qu'est-ce que vous formulez comme
suggestion d'ajustement s'il vous apparaît que les pouvoirs
conférés en conséquence présentement dans
l'état actuel des choses du projet de loi no 17 ne sont pas
suffisants?
M. Plamondon (Marc): Ce qui nous apparaît clair, c'est que
la recommandation 3 renvoie à
plusieurs éléments de notre problématique. La
première, c'est que concernant le problème de prévention
dans l'entreprise qui dans le projet de loi est sous l'autorité de
l'employeur, que ce soit remis sous l'autorité du comité de
santé et de sécurité dans l'entreprise conformément
d'ailleurs à une recommandation de la Commission des droits de la
personne.
Deuxièmement, du fait que nous ne partageons pas la
problématique du gouvernement en pensant que la santé et la
sécurité des travailleurs c'est de responsabilité et de
préoccupation identiques à l'employeur et au travailleur,
conformément à cette problématique, on dit que ce sont les
organisations syndicales quand on parle, par exemple, de la formation de
l'information et de la prévention au sens global du terme qui incluent
la préparation et la participation à l'établissement des
règlements au sein de la commission on pense que ce sont
nommément les organisations syndicales qui sont les grandes responsables
de cette participation et qu'en aucune façon les employeurs doivent
être associés à l'établissement de cette norme en
collaboration avec les organisations syndicales.
Si on se fait bien comprendre, on pense que dans l'entreprise le
programme de prévention doit être entre les mains du comité
paritaire. Cela nous paraît la condition fondamentale pour que le
comité paritaire ne soit pas un comité bidon qui fasse des
recommandations, tel que le prévoit le projet de loi, y inclus
là-dedans que sur le choix du médecin il y ait un droit de veto
syndical sur le choix des ports des moyens de protection individuelle, il y ait
un droit de veto syndical sur ces éléments du programme de
prévention.
Concernant l'ensemble des éléments de la formation de
l'information des travailleurs, pour nous, cela nous apparaît
inconditionnellement une propriété exclusive comme droit des
organisations syndicales. On ne pense pas et le dépôt du
mémoire de la fédération en témoigne que ce
soit une préoccupation décisive des employeurs d'informer
adéquatement les travailleurs de leur situation de travail concernant
leur santé et leur sécurité.
Au niveau des programmes vous n'êtes pas intervenu sur les
associations sectorielles à partir de cette problématique,
nous ne croyons pas que ce soit de l'intérêt des travailleurs de
discuter avec les patrons de la formation de leur information sur leur
santé et leur sécurité.
Cela étant dit, à l'égard de la commission, ce que
nous croyons, c'est qu'il pourrait y avoir des sessions à limite
sectorielle provoquées ou organisées par la commission qui
convoque les parties et que chacune mette sur la table leur point de vue mais
qu'il n'y ait pas une institutionnalisation de comités sectoriels, de
telle manière que cela laisse croire que les patrons, dans les secteurs,
ont des intérêts à la santé et à la
sécurité des travailleurs, le livre blanc mettant en
évidence les situations qui font qu'effectivement les patrons ne sont
jamais préoccupés de façon significative de la
santé et de la sécurité des travailleurs.
M. Gaulin: Sur la recommandation no 3, ce que nous essayons de
mettre en évidence dans notre recommandation, c'est le danger de
domination par l'employeur, dans les entreprises où il y a des
non-syndiqués, de ces comités qui, à ce moment-là,
seraient des comités plus ou moins fantômes. Nous y voyons une
idée qui permettrait au travailleur de passer directement et de
s'adresser directement à la commission pour s'assurer via un
représentant de la commission, que le mécanisme de mise en place
du comité paritaire, ou des comités d'établissement, ou la
nomination des délégués à la prévention se
fasse dans les intérêts des travailleurs et non pas sous couvert
d'un paternalisme qui existe encore dans beaucoup d'entreprises. Il faut dont
lire les recommandations nos 3 et 4 ensemble en ce qui regarde cette
question.
Sur la recommandation no 7, on pourra revenir tout à l'heure,
c'est toute la question des risques inhérents. C'est évident que,
dans certains secteurs, il y a des problèmes plus particuliers et qu'il
faudrait poursuivre un peu plus la réflexion. Nous-mêmes avons
regardé la situation de l'Ontario et cela ne nous apparaît pas non
plus comme la formule la plus satisfaisante à rechercher en ce qui
regarde la définition de certains risques inhérents.
Nous pensons qu'il y a des situations où il y a un danger
inhérent et que, dans certains secteurs, il y aurait moyen de
définir peut-être un certain nombre de règles, un certain
nombre de situations où il pourrait y avoir un danger inhérent.
On parle des pompiers. C'est évident. S'il y a un feu, il va falloir que
les pompiers aillent éteindre le feu, mais ils ne sont pas
nécessairement obligés de faire toutes sortes d'acrobaties parce
qu'il y a un feu, d'utiliser tous les moyens pour éteindre ce feu,
n'importe quel moyen. Il y a donc une analyse de la situation à faire et
une problématique à définir face à des situations
comme cela. Dans l'enseignement, dans un atelier, s'il y a un atelier qui
renferme seize machines-outils et que, par une circonstance quelconque, il se
ramasse 32 enfants dans cet atelier, je crois qu'il pourrait y avoir un risque
inhérent: un enseignant tout seul avec 32 enfants et une quinzaine de
machines. Je crois que l'enseignant pourrait refuser le groupe. Il pourrait
arrêter les machines et dire: On va régler ce problème
avant de faire autre chose. Cela peut arriver, des cas d'absence ou des
horaires mal faits. Ce sont des exemples. C'est évident que, pour un
enseignant ou pour des étudiants, fréquenter un atelier de
menuiserie ou de mécanique quand on veut devenir menuisier ou
mécanicien, cela devient nécessaire, essentiel, mais encore
là il y a des circonstances qui peuvent être exceptionnelles pour
justifier un arrêt.
Quant à la recommandation 9, ce que nous essayons, c'est de faire
en sorte que l'exercice du droit de refus soit nettement protégé
contre n'importe quel abus ou n'importe quelle intervention. C'est
évident pour nous que quelqu'un pas partout, il ne s'agit pas de
généraliser toutes les situations qui aurait dans
certaines circonstances,
dans certains établissements à exercer un droit de refus,
cela devient quelqu'un qui est marqué et qui va faire l'objet d'une
surveillance attentive et qu'on va essayer de "poigner" à un moment
donné à une place ou l'autre. On connaît cela avec les
délégués syndicaux même dans l'éducation
où on est supposé avoir de bons employeurs. On a vu des
délégués syndicaux pointés et
congédiés pour toutes sortes de raisons quand on réussit
à trouver un motif pour le congédiement. Là, on se donne
une période où pendant trois mois... Je crois que peu importe les
motifs du congédiement, on pourrait préjuger que c'est parce
qu'il a exercé à un moment donné un droit de refus et
demandé une intervention particulière de cet ordre-là pour
s'assurer qu'il n'y a aucun lien entre la mesure disciplinaire exercée
et le droit de refus qui aurait été exercé à un
moment donné.
Quant à la recommandation 12, je laisserai cela à
Micheline tout à l'heure.
Quant à la recommandation 16 au sujet du comité paritaire,
le comité paritaire étant formé par unités
d'accréditation, le problème des non-syndiqués ne se pose
pas dans un établissement où il y a des syndiqués et des
non-syndiqués. Les non-syndiqués pourraient utiliser le
mécanisme des non-syndiqués pour revendiquer leur comité
paritaire. Ce que nous essayons de marquer dans cette recommandation et
c'est un problème que nous avons vécu à tous les niveaux
c'est la représentation des délégués ou des
gens nommés par l'organisation syndicale comme étant les
représentants reconnus des travailleurs. Même dans les
universités, il y a des syndicats d'enseignants dans les
universités et on essaie constamment de créer à
côté des structures parallèles prétendant que
l'organisation syndicale, c'est pour représenter les travailleurs quand
ils ont des problèmes avec leur employeur, mais ce n'est pas une
organisation valable pour représenter les travailleurs quand on discute
de pédagogie ou d'organisation des écoles ou de
règlements. On essaie souvent de former d'autres comités en
disant: II va y avoir une assemblée syndicale, l'assemblée du
syndicat et il va y avoir l'assemblée des professeurs. Là,
l'assemblée des professeurs a des pouvoirs et l'assemblée
syndicale a des pouvoirs. Cela existe constamment et ce que nous voulions dire,
c'est que, quand il y a une organisation syndicale, qu'on reconnaisse
l'organisation syndicale qui représente les travailleurs dans l'ensemble
des situations et particulièrement en ce qui regarde la santé et
la sécurité. (11 h 30)
Quant à la recommandation 19, nous allons un peu plus loin, je
crois, que la loi en prévoyant un droit de veto syndical. C'est en cas
de désaccord, lorsqu'on ne s'entend pas sur les moyens individuels de
protection. Ce qu'on demanderait, c'est que la décision appartienne au
syndicat. C'est le droit de veto. Plutôt que de confier à un
enquêteur ou de référer à la commission ou d'aller
ailleurs pour dire: Est-ce que c'est bon ou si ce n'est pas bon d'utiliser tel
ou tel appareil, on demande un droit de veto syndical, les conséquences
de l'utilisation ou de la non-utilisation des appareils de protection pouvant
être importantes pour les travailleurs. Si un appareil est
inapproprié, quand même qu'on obligerait les travailleurs à
le porter, si l'organisation syndicale n'a pas eu un mot à dire à
ce sujet, elle est mai placée pour défendre le travailleur par la
suite et dire: C'est la faute de l'appareil. Si on demande de porter des
lunettes et qu'on ne voit pas clair avec les lunettes... Il y a toutes sortes
de situations au niveau des appareils de protection qui, souvent, ne sont pas
adaptés mécaniquement, si l'on veut, ou ne sont pas toujours
conçus pour les usagers qui les prennent. L'élément qu'on
veut toucher là-dedans, c'est le pouvoir de droit de veto syndical sur
cette dimension.
À la recommandation 23, effectivement, nous visions les autres
représentants du comité paritaire, qu'ils puissent être
libérés pour participer aux réunions du comité
paritaire, mais avoir des moments pour se préparer et procéder
aux inspections et aux enquêtes, si nécessaire, pour discuter des
problèmes.
M. Marois: Je comprends que le texte de loi ne vous
apparaît pas clair à ce sujet.
M. Gaulin: Pas suffisamment clair.
M. Marois: J'en prends note de toute façon.
Mme Sicotte: En ce qui a trait aux éléments
concernant la femme enceinte et les retraits préventifs, ce à
quoi vous faisiez allusion tantôt et vous vous demandiez si vous aviez
bien interprété, en ce sens que nous craignons peut-être
des mesures de représailles face à ces retraits
préventifs; je pense que notre mémoire, à ce sujet, est
clair. On ne se situe pas dans une perspective de crainte de
représailles par rapport aux retraits préventifs en tant que
tels. Je pense que notre mémoire ne laisse pas entendre cela. Par
contre, ce que nous vous soulignions, c'est au-delà de cette information
qu'on trouve importante à apporter par l'employeur et une information
très étayée. On pense qu'il est important ici de souligner
c'est un point sur lequel on attire votre attention qui fait partie de
la philosophie ou de l'économie même du mémoire que nous
vous présentons à savoir que, finalement, tout ce qu'on
retrouve concernant le retrait préventif pour la femme enceinte se
trouve lié carrément à une situation tout à fait
individuelle. La femme indique, selon un certificat médical, qu'elle est
effectivement enceinte et qu'il pourrait y avoir danger pour elle. Dans ces
articles comme dans d'autres antérieurement, on ne fait pas
référence à l'organisation syndicale ou au
représentant syndical, un peu dans la philosophie de ce que nous
indiquions lorsqu'on parlait du refus de travail dans différentes
situations. Je pense que c'est là-dessus qu'il y aurait un lien à
faire. Ce qu'il faudrait peut-être regarder, vous posiez la question en
termes de retraits préventifs, mais qui seraient peut-être
partiels ou pondérés selon le niveau en tout cas, c'est ce
que j'ai compris de votre question de danger ou quoi que ce soit... Je
pense qu'il ne
serait probablement pas opportun, à ce moment-ci, que soient
gelées dans la loi des modalités très précises
quant à ces formules d'altération possible, mais que cela devrait
être laissé éventuellement au mécanisme de
négociation auprès des organisations syndicales dans
l'établissement de ce qu'on pourrait appeler l'ensemble des moyens de
prévention et ce qui pourrait s'appliquer de façon
spécifique avec des particularités dans le cas de femmes
enceintes.
Finalement, je voudrais ajouter au commentaire qui a été
apporté quant à ces articles qu'on retrouve dans la Loi sur la
santé et la sécurité. Le président de la centrale
indiquait qu'il est important de noter que ces deux articles, dans ce projet de
loi, comme plusieurs autre projets de loi, comportent effectivement des
références. Ici, c'est un élément qu'on ne peut pas
se permettre de passer sous silence. À la lecture même des
articles 32 et 33, on fait déjà une référence
à une autre loi, la Loi des accidents du travail, avec tout ce qui va
avec cela. Je pense que c'est toujours cette espèce de chevauchement des
lois les unes sur les autres qui rend très difficile et très
souvent presque inapplicable l'utilisation, parfois reconnue dans une loi, d'un
droit, mais qui, par un autre biais de la loi, devient caduque à toutes
fins utiles. On pourrait en donner concernant la Loi de
l'assurance-chômage et l'application de l'ordonnance no 17. Quand on les
met les unes à côté des autres, on s'aperçoit,
à un moment donné, que le congé de maternité qui
est reconnu et qui est supposé être rémunéré,
voilà que, selon le niveau de rémunération que gagne la
personne, finalement ce congé de maternité n'est plus
rémunéré pour une ou l'autre des personnes
envisagées.
Or, je pense qu'à cet égard, il y a vraiment une attention
particulière qu'il nous faut porter, pour que ce que nous visons ou ce
qui est recherché, à titre de principe, par les articles 32 et
33, puisse véritablement s'appliquer et ne puisse être
court-circuité par d'autres lois.
M. Marois: Excusez, mais je veux être bien certain que j'ai
compris ce que vous avez dit. Si je comprends, d'une part, vous n'avez pas
d'objection, bien au contraire, à ce que soit envisagée la
possibilité d'un élargissement du retrait préventif, pour
qu'il ne s'applique pas uniquement à la femme qui est enceinte au
travail, mais à l'ensemble des travailleurs, compte tenu de la limite
des connaissances scientifiques cela évolue par périodes,
dans la progression géométrique et, par périodes, cela
stagne un bout de temps, il y a des types de changements qui sont bien connus
sur le plan scientifique; on peut rapidement et facilement déceler les
premiers signes avant-coureurs d'une maladie. L'idée, c'est toujours de
faire que la personne soit ou bien déplacée, sans perte d'aucun
de ses droits acquis, avec protection de son retour, ou bien
déplacée ou bien retirée, préventivement, de
façon temporaire jusqu'à ce que sa situation se stabilise et, en
même temps, qu'on se serve de ce cas décelé, pour voir s'il
n'y a pas en arrière un problème plus fondamental qui est
lié au milieu même de travail, pour pouvoir corriger le
problème à la source, après. Je comprends donc que vous
n'avez pas d'objection de principe à cela. Cependant, je comprends
également que vous dites que, dans le cas même de l'application,
ce soit uniquement pour la femme enceinte ou dans la perspective d'un
élargissement possible c'est l'expression que vous avez
utilisée il y a un lien à faire entre l'exercice de ce
droit-là et, le cas échéant, quand il y a une association
accréditée, l'association accréditée. Comment le
formuleriez-vous? Je ne vous demande pas de rédiger un texte de loi,
mais dois-je comprendre que ce que vous demandez, c'est, au fond, le droit,
pour une travailleuse, à l'accompagnement syndical, dans l'exercice de
ce droit, notamment, par son représentant à la
prévention?
Mme Sicotte: À partir du moment où on s'entend
quant au représentant à la prévention, que c'est vraiment
quelqu'un de mandaté qui vient du milieu syndical, à la
philosophie de ce que nous avons mentionné, qu'il y ait accompagnement
par les personnes qui sont les représentants, je pense que cela va de
soi, c'est la philosophie que nous partageons, tout le monde.
M. Marois: Et, en ce sens-là, le texte de loi est loin
d'être clair, d'accord. Merci!
Le Président (M. Dussault): Alors, merci. M. le
ministre!
M. le député de Portneuf, je m'excuse, M. Agnaieff.
M. Agnaieff (Michel): Ce sera très bref. C'est en relation
avec les groupes exclus et un tout petit peu, aussi, avec l'Institut du
travail.
Nous pensons qu'on ne peut pas codifier quelque chose qui s'appelle
l'héroïsme et la notion de prendre des risques n'implique pas les
suicides. C'est donc dire qu'on se réfère, pour ces
groupes-là, à des procédures précises, en cas
d'intervention, ce qui se réfère, à son tour, à un
code de sécurité. Il nous semble que des groupes qui, dans
l'exercice de leur métier, courent des risques, ont le droit, par
rapport à un code de sécurité, à certains moments,
de refuser de courir les risques. Ceci implique évidemment une autre
notion, c'est que, dans ce contexte, l'acceptation par voie
réglementaire n'est pas l'idéal. Elle ne peut constituer qu'un
élément de la chose et le reste devrait être, en quelque
sorte, laissé à la définition des personnes directement
impliquées et intéressées, au plus haut point, autrement
dit, que là, c'est le domaine de la négociation, en quelque
sorte.
Pour ce qui regarde l'Institut du travail, nous ne voulons pas, surtout
que nous connaissons bien le milieu, que les mesures que le gouvernement compte
prendre dans ce domaine, virent à de la subvention aux
universités, non pas qu'on soit contre ces subventions, mais nous
aimerions beaucoup, compte tenu du rattrapage qu'il y a à faire, qu'il y
ait concentration des moyens, à un ni-
veau donné, et je vous rappelle que l'Institut du travail, dans
notre perspective quoique l'idée mériterait d'être
fouillée et plus analysée n'est pas le domaine exclusif
des médecins. La médecine du travail n'est qu'une dimension,
là-dedans, il y a toutes sortes d'autres spécialistes qui auront
à travailler.
Quand on sait que toute la question du chlorure de vinyle avec les
conséquences néfastes que cela a eu au Québec, en
particulier, était déjà largement documentée
dès 1957 dans certains pays. Il y a donc la recherche d'une autre nature
qui est à mener mais il y a aussi la dimension homologation de
l'équipement. À bien des égards, là-dedans, il ne
faut pas toujours voir les choses en termes négatifs sur le plan
économique. Je fais ici le parallèle avec toute l'industrie qui
est en train de se mettre sur pied avec les mesures reliées à la
lutte contre la pollution qui a créé à son tour une
industrie de l'équipement pour lutter contre la pollution. Il me semble
que ce serait merveilleux pour le Québec de produire un type
d'équipement qui soit sécuritaire, qui soit sa marque de
commerce. Ce n'est pas négatif même sur le plan strictement
comptable.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. C'est
évidemment avec beaucoup d'attention qu'on a pris connaissance du
document préliminaire que vous nous avez fait parvenir et du document
que vous avez déposé ce matin. Mes commentaires seront quand
même limités étant donné que vous avez touché
plusieurs sujets avec le ministre et plusieurs questions que vous avez mises en
relief ce matin ont déjà été abondamment et
largement débattues avec d'autres intervenants. D'abord, je dois vous
dire que je trouve très intéressante votre suggestion concernant
le travailleur non syndiqué. Il va de soi que notre texture syndicale du
Québec qui comporte un degré de syndicalisation limité
à 32% ou 34% implique l'obligation pour le législateur
d'être particulièrement soucieux à l'égard du
travailleur non syndiqué qui devra pouvoir vivre avec la loi 17 et dans
le sens des objectifs que vise la loi 17. Très intéressantes
aussi vos remarques sur un institut de recherche, ou institut du travail ou un
centre de recherche comme tel. Nous avons nous-mêmes, de l'Opposition
officielle, porté à l'attention du ministre, dès notre
déclaration d'ouverture, l'obligation que le gouvernement a d'une action
à ce chapitre qui ne se limite pas à la prévention parce
que cela déborde le cadre de la prévention comme telle, cela doit
se rendre jusqu'à la formation et vous avez donné cet exemple ce
matin. L'aspect technologique aussi est un aspect important de tout ce dossier.
Bien souvent, tous les intervenants peuvent être convaincus de
l'obligation qu'ils ont d'intervenir et d'améliorer la technologie mais,
bien souvent, on n'a pas le "know how" au Québec pour le faire et un
centre ou institut comme celui-là qui ne se limiterait pas strictement
à des subventions à des organismes comme les universités,
un organisme officiel, gouvernemental, paragouvernemental ou encore un
organisme dans lequel on pourrait avoir la participation des nombreux
intervenants et qui pourrait permettre une meilleure intégration des
actions et, peut-être, de meilleurs résultats.
Vous demandez au gouvernement, au ministre d'État au
Développement social, par le biais de votre comparution ce matin, une
intervention auprès du ministre de l'Éducation afin que des
budgets spéciaux soient consacrés aux commissions scolaires. On
en a déjà discuté avec la Fédération des
commissions scolaires qui vous a précédés tout à
l'heure. Il nous apparaît, quant à nous, que le gouvernement du
Québec peu importe le ministère comme gouvernement
se devra dans un premier temps, c'est peut-être correct de
soumettre toutes les commissions scolaires à la juridiction de la loi 17
mais cela devra quand même être accompagné des budgets
nécessaires à la réalisation de l'opération.
Vous avez abondamment fait état du droit de refus. Vous avez une
recommandation qui me surprend dans ce sens que vous demandez que le recours
qui peut être exercé par l'employeur dans le cas d'un droit de
refus ne puisse être exercé lorsque ce refus est accompagné
d'une position ou d'une confirmation de la part d'un représentant
syndical. Vous savez, il a été abondamment question ici du droit
de refus. Je pense que tous les membres autour de la table souscrivent au
principe voulant que c'est un droit naturel, que c'est un droit fondamental.
C'est peut-être le droit le plus fondamental que de ne pouvoir obliger un
travailleur à mettre sa vie, sa santé et son
intégrité physique en danger. Il restait cependant à voir
comment tout cela pourrait se textualiser et s'écrire dans un projet de
loi. Cela a été fait. (11 h 45)
Beaucoup de gens se sont inquiétés de l'application d'un
tel droit libellé et dûment écrit dans le projet. Quant
à nous, nous ne nous en inquiétons pas outre mesure, vous savez,
parce que nous avons eu l'occasion de l'énoncer dès le
début. L'expérience qui a été menée dans
d'autres provinces ou encore dans d'autres pays est quand même concluante
et on y constate que des abus au chapitre du droit de refus n'ont
été que très limités. Nous croyons que les
travailleurs du Québec ont autant de maturité que les
travailleurs d'autres provinces ou d'autres pays. Par contre, le fait
d'introduire une notion de recours à l'employeur dans les cas d'abus va
avec ce degré de maturité. C'est un genre de balise ou un genre
de corridor dans lequel les deux parties... parce qu'il y a quand même
deux parties en cause, et s'il y avait des abus comme tels, même si on
peut présumer qu'il n'y en aura pas ou qu'il y en aura très peu,
cela pourrait quand même, dans certains cas spécifiques, causer
des préjudices énormes et très appréciables. Je
dois vous le dire et là vous n'aimerez peut-être pas mes remarques
ce matin, mais je n'ai pas l'habitude de ne pas dire ce que je pense. Autant je
n'ai pas d'inquiétude à l'égard de l'application du droit
de refus, autant s'il y a un
secteur qui peut impliquer chez moi quelques inquiétudes, c'est
le secteur de l'enseignement.
Vous savez, vous avez des milliers d'enseignants au Québec qui
sont membres de la CEQ. Vous avez des milliers de ces gens qui font leur boulot
de façon responsable, qui font leur travail journalier dans la formation
des enfants, qui remplissent leurs responsabilités, qui font leur
travail et c'est bien fait. Mais je ne suis pas convaincu que c'est le lot de
la totalité. Vous me direz que ce n'est qu'une minorité, mais
cela existe quand même. Vous savez, si on se réfère
à des expériences, c'est bien de parler de santé et de
sécurité pour l'enfant et pour le travailleur, c'est tout
à fait justifié de demander une action, que les commissions
scolaires et que le monde scolaire soient sous la juridiction de la loi pour
que ne se répètent plus des constats comme ceux qui ont
été faits dans certaines commissions scolaires où
c'était tout à fait inacceptable le milieu de vie, le milieu de
travail, entre autres, dans le secteur professionnel, le ministre a
donné l'exemple de l'étude qui avait été
menée à Joliette. C'est très bien. On est d'accord avec
vous et je pense que tout le monde est unanime là-dessus. Mais quand on
voit des expériences comme celles qui ont été
menées à Québec, dans la région, vous vous rappelez
celle du cégep de Limoilou l'année dernière, vous vous
rappelez l'opération PIF et tout ce que cela a
entraîné.
Je me dis: Si des gens et des enseignants sont assez irresponsables pour
faire cela, on peut peut-être s'inquiéter
qu'éventuellement, comme stratégie syndicale ou je ne sais pas
pour quel motif, un enseignant, à un moment donné, un matin,
décide au mois de février parce que dans sa classe il fait
65°, cela met en péril sa santé et sa sécurité
au travail. J'aimerais que vous me rassuriez, ce matin, parce que les
inquiétudes que je peux avoir à l'égard du droit de
refus... je n'ai pas d'inquiétudes en général dans le
secteur de la construction, dans le secteur des industries, mais j'ai quelques
inquiétudes pour l'application de ce droit de refus dans le secteur de
l'enseignement. Je ne dis pas que c'est le lot des enseignants, non. Ce n'est
pas vrai et ce serait faux que de le dire parce que la très grande
majorité de ceux-là sont responsables et ils savent ce qu'ils
font et ils veulent travailler et veulent enseigner. Le ministre appelle cela
quelques "flailleux" et il dit qu'il y en a dans chaque groupe de la
société. C'est malheureux. Tant qu'il y aura des humains, il y
aura des "humaneries". Moi j'appelle cela mes chialeux professionnels. Je
crains que ce droit entre autres, par certains de vos membres, puisse
être utilisé de façon abusive et sans nécessairement
la maturité avec laquelle on peut présumer qu'il devra être
utilisé. C'était le sens de mon commentaire.
M. Gaulin: Je voudrais d'abord souligner que vous partagez, pour
une bonne part, l'essentiel de notre mémoire. Cet intéressant.
J'espère que vous pourrez appuyer concrètement certaines de ces
recommandations pour améliorer la loi et non pas faire en sorte que face
à certaines autres lois, à mesure qu'on avance dans le processus
d'adoption de la loi, ce sont des reculs pour les travailleurs. Je suis heureux
de voir que l'Opposition va faire une tâche constructive
d'amélioration...
M. Pagé: Ce ne sera pas la première fois, M.
Gaulin, vous savez.
M. Gaulin: ... dans le sens des intérêts des
travailleurs. Vous avez référé à une
expérience d'abord sur la question de l'abus. Si on dit qu'on ne peut
pas poursuivre le travailleur qui aurait eu l'assentiment de son
représentant syndical, c'est parce qu'on a cru voir dans la loi
l'idée de mauvaise foi.
Il fallait que le travailleur soit de mauvaise foi pour abuser du
recours. S'il a l'assentiment de son représentant syndical ou du
syndicat, nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir de mauvaise foi dans ce cas.
Donc, le travailleur comme tel serait exempté des poursuites et des
menaces. Cela pourra s'appliquer éventuellement à d'autres
niveaux.
M. Pagé: Sur le même sujet, M. Gaulin, entre
parenthèses. Est-ce que vous me permettez? Ce que vous recommandez somme
toute c'est que la responsabilité dans les cas de refus de mauvaise foi,
est-ce que vous accepteriez en y introduisant la participation du
représentant syndical? Est-ce que vous allez aussi loin que de dire
à peu près ceci: Le recours ne s'exercera pas à
l'égard de l'employé, mais pourrait s'exercer, peu importe, par
une action en dommage, peu importe la façon, contre le syndicat comme
tel?
M. Gaulin: On ne va pas nécessairement jusque là,
mais on dit qu'il y a une responsabilité. Ce que nous faisons dans toute
notre démarche et dans tout notre mémoire c'est assumer la
responsabilité syndicale. C'est évident qu'il y aurait une
responsabilité. Nous demandons des moyens pour faire la formation de nos
représentants syndicaux, pour les former à la prévention
et à la sécurité. Nous pensons que ces gens auront une
meilleure formation et qu'ils pourront certainement utiliser avec
peut-être plus de prudence l'exercice de ce droit de recours collectif.
S'il y a des problèmes qui se posent, le syndicat saura y faire face; le
syndicat, comme tel est mieux organisé, pour se défendre face
à des attaques, à des poursuites ou à des menaces, qu'un
travailleur seul dans son milieu de travail. Donc, un déplacement de
niveau qui fait que la probabilité d'abus sera d'autant
atténuée.
Sur l'autre bout, disons que je ne partage pas vos craintes et je suis
en total désaccord avec le rapprochement que vous faites entre deux
situations: la situation de moyens de pression et la situation de
l'expérience de Limoilou. Je ne veux pas juger du fait de Limoilou. J'ai
suivi cela un peu par les journaux comme bien d'autres et je ne veux pas me
prononcer sur cette affaire. C'est évident qu'il y a des matières
dangereuses dans les laboratoires de commissions scolaires; on en a vu aus-
si dans les journaux récemment où il a fallu utiliser des
camions spécialisés pour aller faire le nettoyage de certains
laboratoires de chimie. Mais je ne crois pas qu'on puisse faire le lien entre
cela et l'utilisation d'un moyen de pression. Nous sommes des organisations
responsables et nous ne pensons pas qu'utiliser de la nitroglycérine ou
un produit chimique, ou les autres patentes des laboratoires comme moyens de
pression et de s'en servir pour faire des débrayages collectifs
plutôt que des droits, l'exercice du droit de cesser de travailler dans
des situations hypothétiques, dangereuses, nous ne pensons pas que ce
soit possible. Il n'y a pas de danger pour nous.
Sur l'autre aspect qui touche peut-être l'enseignant comme tel
vous y faites référence en disant que la majorité
des enseignants sont corrects mais qu'il y en a un certain nombre qui
pourraient abuser nous admettons qu'il y a de la formation à
faire à la santé et la sécurité et de la
prévention auprès des enseignants. Nous admettons que tous les
enseignants en exercice ne sont pas au courant, ne sont pas toujours bien
informés des problèmes que peuvent représenter
l'utilisation de tel ou tel produit ou l'utilisation de tel ou tel appareil.
Nous admettons que les travailleurs de l'enseignement n'ont pas
été formés à ces dimensions à travers leur
cours d'école normale ou leur cours d'université et c'est
pourquoi nous disons qu'il y a de la formation à faire. Nous sommes
prêts, comme organisation syndicale, à faire les efforts qu'il
faut, avec l'aide nécessaire, pour former les représentants
syndicaux. Il y aura moyen, par le biais de programmes de perfectionnement, de
sensibiliser..., nous sommes prêts à en faire un bout autour de
cela et nous espérons que nous allons corriger la situation au niveau
des écoles pour l'ensemble des futurs travailleurs, y compris les futurs
enseignants. Je crois qu'il y a un travail à deux dimensions à
faire et là-dessus, nous sommes prêts à faire notre
bout.
M. Plamondon: Je compléterais sur les abus. Si vous me
permettez, les enquêtes qu'on a eues en main et qu'on a faites
nous-mêmes ont montré que les abus, effectivement, il y en a
beaucoup dans le système scolaire, mais ils ne sont pas du
côté des enseignants. Je pense que les responsables politiques
doivent rendre compte des abus réels les plus importants. Lorsqu'on
regarde, par exemple, les ateliers de menuiserie et les ateliers
mécaniques, l'enquête de Lanaudière montre que 13% des
enseignants sont atteints de façon grave, c'est-à-dire
n'entendent pas 50 décibels et plus, que dans les ateliers de
mécanique, 10% des étudiants n'entendent pas 50 décibels
et plus, on évalue à sa juste proportion où sont les abus
les plus importants, d'autant plus que dans le cas de Lanaudière, ce
sont les polyvalentes les plus avancées et les plus récentes qui
ont été construites.
D'autre part, je voudrais revenir sur la dimension des abus liés
au droit collectif. Lorsqu'on dit que, effectivement, si on regarde les
situations provinciales et les situations étrangères, il n'y a
jamais eu d'abus, je pense qu'on pourrait aussi poser le problème de
façon inverse, à savoir dans quelle mesure effectivement le droit
individuel est exercé. Lorsqu'on a rencontré des enseignants du
secteur professionnel, ils ignoraient la possibilité même qu'ils
soient atteint dans leur santé à cause de leur situation de
travail. Ce que l'enquête de Lanaudière démontre, c'est
qu'ils le sont et souvent de façon grave. On se demande si, d'autre
part, les travailleurs sont, jusqu'à aujourd'hui, habitués
à travailler dans des conditions dangereuses. Ils ignorent d'une part
qu'ils sont attaqués dans leur santé. Ils sont de plus
habitués à travailler dans des situations dangereuses et on leur
fait supporter de manière individuelle la situation dangereuse. Ce n'est
pas étonnant de voir qu'il n'y a pas d'abus. C'est
précisément parce que les travailleurs sont ignorants de leur
situation, qu'ils ne connaissent pas leurs droits et les dangers dans lesquels
ils ont à travailler. Ce n'est pas étonnant qu'il n'y ait pas
d'abus et c'est ce qui nous pose un problème précisément,
parce qu'on remet, on fait porter le poids de cette responsabilité
sociale de pouvoir travailler dans des conditions sécuritaires, sur le
travailleur individuel. C'est sûr qu'il n'y aura pas d'abus quand on sait
que les enseignants qui sont atteints gravement l'ignorent totalement.
M. Gaulin: Cela m'amène peut-être à
souligner, pour terminer sur ce point des abus, qu'on est en désaccord
assez total avec le bout qui permettrait à l'employeur, à un
moment donné, de remplacer un travailleur qui aurait refusé de
travailler par un autre brave qui, lui, accepterait de travailler dans les
mêmes situations. Nous croyons que cette dynamique de remplacement est
assez dangereuse et fait peut-être appel à quelque chose qui est
peut-être inhérent à la civilisation
québécoise qui est un goût du risque et de l'aventure, et
parfois, les aventures se terminent mal.
M. Marois: Mais, je... M. Pagé: Oui.
M. Marois: Si le député me le permet, seulement une
remarque. Je veux bien le regarder, mais vous admettrez une chose. L'article
28, le deuxième paragraphe en particulier intervient à une
étape donnée, c'est-à-dire que l'économie
générale c'est le non-remplacement, quand un travailleur ou une
travailleuse exerce le droit de refus ou plusieurs l'exercent ensemble, parce
que le projet de loi, on dit toujours que c'est uniquement un. On a
déjà cité des cas, le cas d'une raffinerie de l'est de
Montréal où si le droit avait existé tel qu'il est
libellé présentement, il y a trois travailleurs qui ont
été intoxiqués et qui ne l'auraient pas été
parce qu'ils auraient pu exercer ensemble le même droit. À ce
moment-là, c'est considéré comme un seul et même
événement et non pas trois, quatre, cinq ou dix avec trois,
quatre, cinq ou dix preuves à faire. En plus, le projet de loi introduit
l'idée de l'accompagnement syndical. On
nous a demandé de considérer la possibilité de
regarder, d'aller plus loin, de considérer cette possibilité, de
resserrer davantage, ce qui ne mène pas nécessairement au refus
initié par le représentant syndical, mais il y a peut-être
moyen de resserrer cela davantage. Il y a des recommandations qui nous ont
été faites dans ce sens. Le principe, c'est le non-remplacement.
Les conventions collectives au Québec les plus avancées, les lois
existant dans les autres provinces, toutes les lois et les conventions
collectives les plus avancées qui existent au Québec contiennent
une clause prévoyant non pas le non-remplacement que
l'employeur peut remplacer..., c'est l'état actuel des conventions
collectives au Québec et sur une base, d'un échantillon que je
m'étais fait faire à l'époque de la rédaction du
livre blanc, donc, ce n'est pas nécessairement à jour ce que je
donne là et cela vaut ce que vaut un échantillon, pas plus, il y
avait à peine 10% des conventions collectives qui, de toute
façon, contenaient une clause de droit de refus d'une part. Donc, on
part de loin en maudit. (12 heures)
Le principe était le remplacement à condition que la
personne appelée à remplacer soit avisée et qu'elle soit
libre d'accepter ou de refuser. On va plus loin que tout ce qui existe
présentement et même, si ma mémoire est bonne je
donne ce dernier commentaire sous réserve, cependant plus loin
que la loi suédoise en introduisant le non-remplacement, parce que nous
croyons que, de toute façon, si le représentant à la
prévention, qui est un représentant syndical, fait son travail,
il n'y aura pas de remplacement s'il y a un danger appréhendé
sérieux ou alors le représentant ou la représentante,
c'est un farfelu et il ne fait pas son travail.
Le principe, c'est le non-remplacement. Il y a un certain nombre
d'étapes et il y a une étape de prévue, si les parties ne
s'entendent pas pour régler: l'inspecteur intervient et il rend une
décision exécutoire, à ce moment-là, et uniquement
dans le cas où l'exercice du droit de refus n'a pas de
conséquence. Qu'au moins deux autres ne peuvent exercer leur travail,
dans une chaîne de montage, par exemple, encore là, il y a une
balise ce n'est pas dans tous les cas, loin de là
l'inspecteur doit être présent dans un délai de... Si
l'inspecteur n'est pas présent dans ce délai-là,
uniquement dans le cas où il y a les conditions du paragraphe 1, les
conditions ou la condition du paragraphe 2, à ce moment-là, on
retombe sous la règle générale, qui est l'acquis des plus
avancées des conventions collectives actuelles au Québec, la
possibilité de remplacer, mais uniquement si le travailleur accepte,
à condition qu'il soit informé et avec la présence du
représentant à la prévention qui va l'informer, je
présume, des dangers possibles, s'il accepte le travail. Il n'y a aucune
espèce d'obligation qui est faite. C'est dans ce sens qu'intervient le
deuxième paragraphe de l'article 28.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf et M. le ministre. Il n'y a pas d'autre
intervention? Au nom de la commission, je remercie les représentants de
la CEQ de leur participation aux travaux de cette commission. J'invite
maintenant le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à
se présenter devant la commission. Jusqu'à maintenant, nous
sommes à temps et si nous abrégeons le moindrement sur les autres
mémoires, nous devrions pouvoir entendre, dans le temps prévu,
tous les groupes.
Pour les fins du journal des Débats, je demande au
représentant du syndicat de se présenter et de nous
présenter ses collègues.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Je suis Jean-Louis Harguindeguy,
président général, accompagné de Camil Thomassin,
vice-président à l'exécutif, et de Denis Gaudreault,
vice-président également pour l'unité des ouvriers, qui
sont les responsables de l'hygiène et de la sécurité au
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.
Le Président (M. Dussault): D'accord. M. Harguindeguy, je
vous demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter votre
mémoire dans les 20 minutes convenues par la commission.
M. Harguindeguy: D'accord. D'ailleurs, au point de départ,
je tiens aussi à rassurer les membres de la commission que notre retard
ce matin n'est pas dû à des moyens de pression reliés
à nos négociations. C'est strictement une erreur
d'aiguillage.
M. Marois: Notre retard, à vous entendre, ce n'est pas non
plus des moyens de pression.
M. Harguindeguy: D'accord. La documentation qu'on vous a soumise
et notre mémoire, si vous préférez, on peut les lire, ce
sera quand même assez bref.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec estime
important de soumettre les recommandations suivantes même si,
malheureusement, nous pouvons douter de l'intérêt qu'apportera le
gouvernement à ces diverses recommandations et ce, compte tenu de
l'expérience antérieure à la suite des recommandations
formulées sur divers projets de loi qui étaient importants pour
nous et, pour ne citer que quelques cas, notons en particulier le projet de loi
n° 50, Loi sur la fonction publique, ainsi que le projet de loi no 126, Loi
sur les normes du travail.
Nous devons également noter que, contrairement à la
promesse énoncée dans le livre blanc traitant de la politique
québécoise de la santé et de la sécurité des
travailleurs, le gouvernement n'a pas soumis en même temps que sa
politique d'ensemble les priorités et les étapes qui devraient
permettre de faire face aux problèmes plus graves et plus urgents. De
plus, même si le livre blanc
laissait sous-entendre que le gouvernement avait comme
préocupation de privilégier, dans la poursuite de ses objectifs,
une approche de participation et de coopération afin d'éviter de
monter un supersystème bureaucratique chargé de s'occuper de la
santé et de la sécurité des travailleurs, en dictant les
mesures à prendre et le comportement à éviter, mais
beaucoup plus de créer un ensemble de conditions qui ferait que le monde
du travail soit en mesure d'assumer lui-même la responsabilité
première des mesures de santé et de sécurité qui
lui sont nécessaires.
Force nous est de constater que cette approche de participation et de
coopération s'estompe graduellement dans le contenu du projet de loi
puisque, notamment, dans l'élaboration des divers règlements que
la commission de la santé et de la sécurité du travail
peut faire, en vertu des dispositions de l'article 185 du projet de loi, cette
participation et cette coopération sont totalement inexistantes.
Nos commentaires, quant à nous, qui sont particuliers, se
rattachent aux chapitres suivants:
Au niveau du champ d'application, même si nous sommes en accord
sur le fait que la loi lie le gouvernement, ses ministères et les
organismes qui en sont mandataires, nous estimons que des précisions
devraient être apportées, afin d'éviter toute
ambiguïté quant à l'application éventuelle de la loi
et nous estimons qu'à l'article 4, devrait être prévu que
si "la présente loi lie le gouvernement, ses ministères et les
organismes qui en sont mandataires et qui, pour les fins de l'application de la
présente loi, devraient constituer une personne." Et c'est une
difficulté, quand même majeure, que nous rencontrons dans
l'application de diverses lois.
Au niveau des droits et obligations, nous estimons important que le
travailleur, en l'absence d'un comité de santé et de
sécurité ou d'une association sectorielle, soit habilité
sans aucune restriction, à participer à l'élaboration et
à l'application des normes et des règlements ainsi qu'aux
programmes de recherches et aux programmes des moyens de prévention.
De plus, nous estimons que le travailleur, tout comme l'employeur, a le
droit d'être informé des obligations que lui imposent la
présente loi et les règlements.
Quant aux droits généraux et particulièrement le
droit de refus, nous croyons que le processus de décision concernant le
droit de refus est très lourd. En effet, avant d'avoir une
décision finale, il peut y avoir intervention du représentant
à la prévention; du comité de santé et de
sécurité; d'un inspecteur; d'un inspecteur chef régional
et de la Commission de la santé et de la sécurité au
travail.
À cause de ce processus lourd et également à cause
des implications au niveau des mesures de sécurité pouvant
être incluses dans les conventions collectives, nous croyons que le
syndicat devrait avoir le droit de représentation des travailleurs
à ce niveau, comme dans le cas d'un grief.
De plus, contrairement aux dispositions du projet de loi, nous estimons
que le représentant du syndicat doive assister obligatoirement à
l'examen de la situation et cela, pour au moins deux raisons.
Premièrement, l'employé peut avoir des droits relatifs
à la santé et à sa sécurité, selon les
dispositions de la convention collective et alors, il appartiendra à
l'association de défendre l'employé si un grief est
logé.
Deuxièmement, suite au refus de travailler dans certaines
circonstances, des mesures disciplinaires peuvent être imposées
et, encore là, l'association syndicale sera appelée à
défendre le travailleur.
De plus, compte tenu d'une éventuelle formation plus grande dans
le domaine de la santé et de la sécurité au travail, nous
estimons que le représentant syndical devrait être
habilité, au même titre que le travailleur, à recommander
à un ou plusieurs travailleurs de cesser d'exécuter un travail
qu'il estime dangereux pour la santé, la sécurité ou
l'intégrité physique des employés et ce, selon les
dispositions prévues à l'article 11 du projet de loi.
Quant au retrait préventif de la travailleuse enceinte,
considérant que les dispositions du projet de loi 126, "Loi sur les
normes du travail" ne s'appliquent pas à l'ensemble des travailleurs du
Québec et, particulièrement aux employés du gouvernement,
nous estimons que des modifications devraient être apportées
à l'article 32, du projet de loi, afin de garantir aux employés
de l'État les mêmes droits et privilèges que tout
employé du Québec.
C'est pourquoi nous recommandons qu'un troisième paragraphe soit
ajouté, qui soit, en fait, similaire à l'article 122, du projet
de loi 126.
De plus, que dans le cas où les caractéristiques de
santé de certains travailleurs, indépendantes ou
dépendantes de leurs conditions de travail, exemple: diabète,
épilepsie, etc; qui rendent ceux-ci inaptes à exercer certaines
fonctions ou peuvent les exposer à des risques particuliers, que ces
employés puissent, sur présentation d'un certificat
médical, demander d'être affectés à des tâches
ne comportant pas de tels dangers.
Quant aux obligations générales, nous estimons que le
terme "convenable" que nous retrouvons au troisième sous-paragraphe
devrait être précisé, puisque compte tenu des nombreux
griefs qui ont été logés dans la Fonction publique,
concernant l'aération, la température et les conditions
hygiéniques, il est important de savoir qui décidera si les
mesures prises par l'employeur sont convenables ou non.
De plus, il serait important que des recours soient prévus pour
le travailleur qui considère ces mesures prises par l'employeur comme
non suffisantes.
Au niveau du programme de prévention, des précisions
devraient être apportées à cet article puisque, selon nous,
un programme de prévention devrait obligatoirement être mis en
application par l'employeur dans chaque établissement sur lequel il a
autorité. Le texte soumis dans le projet de loi est quelque peu ambigu,
selon nous, les mots "s'il y en a un" pouvant se rattacher tant aux
program-
mes de prévention, qu'au fait qu'un comité de santé
et de sécurité existe dans l'établissement.
Quant à la formation des comités de santé et de
sécurité, nous estimons qu'il devrait être obligatoire
qu'un comité de santé et de sécurité soit
formé au sein de tout établissement regroupant plus de dix
travailleurs, indépendamment de son appartenance à une
catégorie identifiée à cette fin par règlement.
Nous estimons que cette position serait beaucoup plus conforme au
contenu du livre blanc qui voulait prévoir une approche de participation
et de coopération et qui semblait vouloir reconnaître à
chacune des parties en présence, le droit d'exiger la mise sur pied d'un
comité paritaire de prévention au niveau de l'entreprise.
D'ailleurs, le gouvernement, dans ce même livre blanc,
précisait-il: "Aussi le gouvernement propose-t-il qu'un comité
paritaire de santé et de sécurité soit formé, dans
chaque établissement de plus de dix travailleurs, à la demande du
syndicat ou de l'employeur, ou d'une majorité des travailleurs là
où il n'y a pas de syndicat".
De plus, cette nouvelle disposition éliminerait
l'ambiguïté qui existe à l'étude du tableau 36
contenu dans le livre blanc, qui détermine les secteurs
d'activité où s'appliquerait la procédure
d'établissement des comités paritaires, le choix des secteurs de
travail et des établissements devant être inclus dans cette liste
s'effectuant en fonction de la fréquence et de la gravité des
accidents du travail et des maladies professionnelles qui surviennent
annuellement, cette liste devant inclure les établissements de plus de
dix travailleurs où la fréquence annuelle moyenne des accidents
et des maladies est égale ou supérieure à 6 par 100
travailleurs et où le nombre moyen annuel de jours perdus par accident
est égal ou supérieur à 40.
Le respect des normes établies par le livre blanc aurait donc
comme conséquence qu'aucun comité paritaire ne serait
formé dans l'administration publique et donc, de façon beaucoup
plus directe, au gouvernement.
De plus, afin de permettre toute latitude d'action au comité,
nous estimons que celui-ci devrait se réunir au moins une fois par trois
mois ou à la demande d'une des parties, et ce, sous réserve des
modalités prévues par les règlements.
Nous croyons également que les pouvoirs du comité
devraient être accrus, du moins en ce qui concerne les plaintes soumises
par les travailleurs en vertu du paragraphe 9 de l'article 63, puisque le
pouvoir du comité dans ce cas en est strictement un de
recommandation.
Nous croyons que le comité devrait avoir un pouvoir
décisionnel concernant toute plainte relative à la santé
ou à la sécurité logée par le travailleur.
Nous nous basons évidemment sur notre expérience dans ce
domaine puisqu'à l'article 23 de notre convention collective, le
comité d'hygiène et de sécurité qui y est
formé a le même pouvoir de recommandation.
Dans la réalité, nous sommes cependant constamment
obligés de porter à l'arbitrage ces griefs d'hygiène et de
sécurité pour obtenir une décision arbitrale sans laquelle
nous ne pouvons obtenir l'exécution des recommandations du
comité. Je pourrais également ajouter que parfois on a même
des difficultés à faire appliquer la sentence arbitrale,
même si on parle de santé et de sécurité.
De plus, nous estimons que le comité paritaire devrait
également avoir comme fonction d'exercer, par toute méthode
appropriée, y compris la visite des lieux de travail, une surveillance
préventive en milieu de travail et également accomplir toute
autre tâche que l'employeur et les travailleurs ou leur syndicat lui
confient par entente mutuelle.
Nous estimons que le pouvoir de recommandation de ce même
comité ne devrait pas se limiter aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63,
mais devrait également être prévu aux paragraphes 3, 7 et 9
du même article.
Quant aux représentants de la prévention, leur nombre ne
devrait pas être limité au nombre maximal de membres du
comité, puisqu'il devrait être tenu compte du nombre
d'employés travaillant dans chaque lieu de travail.
Au niveau des associations sectorielles, nous estimons que l'obligation
devrait être faite de prévoir la création d'une association
sectorielle, à tout le moins lorsqu'une association syndicale est
accréditée vis-à-vis d'un employeur et
particulièrement lorsque la juridiction de l'unité syndicale
accréditée est d'envergure provinciale, telle la nôtre.
Nous croyons que l'association sectorielle devrait aussi, sous l'article
78, avoir un droit d'intervention et de consultation au niveau des relations de
travail à la suite d'un accord commun.
Quant aux services de santé au travail dans les
établissements, nous trouvons quelque peu ambiguës les dispositions
de l'article 88 et estimons que les mêmes modalités devraient
être applicables dans le choix du médecin responsable
indépendamment qu'un comité soit existant ou non.
La proposition actuelle fait en sorte que, lorsqu'il existe un
comité et qu'il n'y a pas d'accord avec les représentants de
chacune des parties, le médecin responsable est alors
désigné par la commission après consultation du chef de
département de santé communautaire alors qu'en l'absence de
comité, c'est le chef du département de santé
communautaire qui désigne le médecin responsable.
Nous croyons donc qu'à défaut d'accord entre les
représentants de l'employeur et ceux des travailleurs au sein du
comité, le médecin responsable soit désigné par le
chef du département de santé communautaire.
Le programme de santé au travail. Nous comprenons mal que le
médecin responsable doive élaborer, en consultation avec
l'employeur et le comité de santé et de sécurité,
le programme de santé spécifique à l'établissement
puisque, lorsqu'un comité de santé existe, l'employeur est
déjà représenté au sein du comité.
L'élaboration du
programme de santé ne devrait être élaborée
après consultation avec l'employeur qu'à défaut de
l'existence d'un comité.
La commission de la santé et de la sécurité au
travail quant à sa constitution. Les membres de la commission, à
l'exception du président, ont un mandat d'une durée de deux ans
et celui-ci est renouvelable. Nous croyons que ce mode de nomination et surtout
la durée du mandat n'assurent pas adéquatement
l'indépendance du membre de la commission, qui aura constamment à
lutter entre sa conscience et son désir de ne pas décevoir celui
qui l'a nommé. Il nous semble qu'un mandat plus long et non renouvelable
serait préférable. C'est là, bien sûr, un
problème auquel font face seuls les travailleurs ayant le gouvernement
comme employeur.
Quant aux fonctions de la commission, nous déplorons encore une
fois, comme nous l'avons fait lors de l'étude du projet de loi no 50,
Loi sur la fonction publique, que la loi permette une délégation
de pouvoirs quasi judiciaire à ses fonctionnaires.
Quant à l'inspection, nous estimons qu'en plus de fournir le
résultat de l'enquête, l'inspecteur ait l'obligation de fournir en
même temps les méthodes d'analyse utilisées et le rapport
d'analyse lui-même. (12 h 15)
Au niveau des règlements, et particulièrement à
l'article 185, quoique nous estimions que la commission se voit confier des
pouvoirs exorbitants puisque, en définitive, toutes les matières
reliées à la santé et à la sécurité
du travail seront définies par règlements, nous estimons
qu'à tout le moins la commission soit dans l'obligation de consulter
avant l'adoption de ces règlements, les associations sectorielles ou,
à défaut, les comités de santé et de
sécurité du travail ou, à défaut de tels
comités, les travailleurs concernés.
Nous estimons, convaincus que nous sommes que le mandat de la commission
demeurera tel quel, que la commission devrait établir des normes afin
d'assurer dans chaque zone occupée des conditions minimales de
température, d'humidité relative, ventilation, circulation d'air
et niveau du bruit.
La commission devrait également fixer la charge d'occupation
d'une pièce et établir le nombre maximum de personnes pouvant
occuper une telle pièce ou aire de plancher.
De plus nous estimons que les dispositions du 35e paragraphe vont en
contradiction avec l'article 3 du projet de loi qui prévoit que la
présente loi est d'ordre public, puisqu'en vertu de l'article 13 du Code
civil on ne peut y déroger par des conventions particulières.
Au niveau des recours, et particulièrement les articles 193 et
194, nous aimerions que la juridiction de l'arbitre des griefs demeure
entière, car elle est différente de celle du commissaire du
travail ou du tribunal du travail.
En effet, la jurisprudence établie en vertu des articles 14 et
suivants du Code du travail nous éclaire sur la juridiction du
commissaire du travail et sur celle de l'arbitre.
Le commissaire du travail décide si le congédiement a
été exercé à cause de l'exercice d'un droit ou
d'une fonction visée par la loi ou s'il a été
imposé pour une cause juste et suffisante.
L'arbitre, si la convention collective l'y autorise, pourra examiner la
proportionnalité entre la faute reprochée et la sanction. Il est
donc de première importance que les articles 193 et 194 de la loi soient
abrogés ou amendés de façon que la juridiction de
l'arbitre demeure.
Nous n'avons toutefois pas d'objection à ce que l'arbitre
n'entende le grief qu'après qu'une décision finale soit rendue
par le tribunal du travail.
Au niveau des infractions, à l'article 202, nous estimons que la
formulation de cet article fait supporter une part de responsabilités
par le travailleur qui n'aurait pris la précaution d'indiquer son
désaccord à son employeur. Nous estimons donc que les mots "et
malgré le désaccord du travailleur" devraient être
biffés de cet article.
Au niveau des dispositions transitoires, le livre blanc a laissé
entrevoir l'unification et la clarification des lois et règlements
régissant la santé et la sécurité et la loi qui
devait être soumise à l'Assemblée nationale devait
regrouper dans un même texte tous les éléments
législatifs concernant le régime de santé et de
sécurité au travail.
Nous constatons à regret qu'il en est tout autrement puisque
certaines lois touchant ces mêmes sujets demeurent en vigueur avec des
amendements envisagés par les dispositions transitoires.
Au niveau de l'article 223, afin de clarifier la portée de
l'article, nous estimons que le terme "propriétaire d'édifices
publics" en plus de signifier des particuliers, compagnies et corporations qui
sont propriétaires, locataires ou possesseurs, devrait comprendre
également le gouvernement, puisque celui-ci n'est actuellement
aucunement reconnu à titre de particulier, compagnie ou corporation.
Conscients de l'importance et de l'urgence d'une réforme en
matière de santé et de sécurité au travail, nous
espérons que le gouvernement saura tenir compte de nos diverses
recommandations.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Harguindeguy. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de son
mémoire et lui dire, comme on l'a dit aux autres groupes, qu'il peut
être assuré qu'on va examiner très attentivement toutes et
chacune des recommandations qu'il formule.
Je vais me borner à un certain nombre de commentaires et de
questions sur quelques-uns des points qui sont soulevés dans votre
mémoire. D'abord, en ce qui concerne l'article 4, qui prévoit que
dorénavant alors que ce n'est pas le cas présentement
le gouvernement, ses mandataires, enfin, l'ensemble des organismes
publics et parapublics, vont tomber sous la coupe de la loi et
que les hommes et les femmes qui y travaillent vont
bénéficier de l'ensemble des droits qui sont prévus par
une loi comme celle-là.
J'aimerais que vous précisiez parce que j'ai lu votre
texte, je l'ai relu la formulation de l'article 4, c'est la formule
standard qu'on retrouve habituellement dans n'importe quel texte de loi, quand
on veut que le gouvernement tombe sous la coupe de la loi ou qu'on veut que la
loi s'applique au gouvernement et à ses prolongements. Il s'agit donc
d'un article standard. J'aimerais que vous précisiez le type
d'ambiguïté que vous décelez dans le texte pour que, le cas
échéant, je puisse bien comprendre votre recommandation à
ce sujet.
En ce qui concerne le droit de refus, je prends bonne note des remarques
que vous formulez sur ce que vous appelez la lourdeur du mécanisme du
droit de refus, l'ensemble des différentes étapes qui sont
prévues, qui vous apparaissent trop lourdes, je présume aussi, en
conclusion, trop longues, avant d'en arriver à une décision. Je
prends bonne note de cela, on va le regarder.
Je prends note aussi du fait qu'au deuxième paragraphe,
concernant le droit de refus, à la page 2 de votre mémoire, vous
nous indiquez qu'à votre avis, le syndicat devrait avoir le droit de
représentation des travailleurs à ce niveau comme dans le cas de
grief. En d'autres termes, si je comprends bien votre recommandation, c'est non
seulement l'accompagnement du ou des travailleurs ou travailleuses qui exercent
le droit de refus par le représentant syndical à la
prévention, mais une forme de prise en charge que vous demandez. On va
regarder cela.
Il y a une chose sur laquelle j'aimerais bien que vous expliquiez
davantage votre position. Je ne suis pas certain si je comprends ou si on ne
fait pas la même lecture du projet de loi mais, au troisième
paragraphe, vous ajoutez: De plus, contrairement aux dispositions du projet de
loi, nous assumons que le représentant du syndicat assiste
obligatoirement à l'examen de la situation et cela, pour au moins deux
raisons, etc. Or, l'article 14 prévoit que le représentant
à la prévention est convoqué pour procéder à
l'examen de la situation. Est-ce que le texte ne vous apparaît pas
suffisamment clair? Je pense qu'il serait intéressant que vous
précisiez votre point de vue là-dessus.
En ce qui concerne le retrait préventif, je vais analyser
sérieusement les commentaires que vous avez formulés. Vous
n'êtes pas le seul groupe. Le Conseil du statut de la femme a d'ailleurs,
sous forme d'un document, rendu publique son opinion sur le projet de loi 17 et
fait des commentaires qui vont sensiblement dans le même sens,
c'est-à-dire essentiellement sur cette idée d'une concordance du
projet de loi 17 avec la loi 126 sur les normes de travail. Soyez
assurés que nous allons regarder cela de très près.
Quant à l'article 47, il est possible que vous ayez raison.
Honnêtement, je ne le sais pas. À première vue, cela
m'apparaît être une question de forme quant à la
rédaction de l'article 47, et on va le regarder. À l'article 61,
le projet de loi prévoit un minimum. Au fond, l'approche est
l'idée d'un plancher de base minimum obligatoire par lequel il est
possible, en laissant toute la latitude maximale possible aux parties,
d'ajouter à ce plancher. Rien n'empêche les parties de convenir,
par exemple, sur une base d'entente mutuelle, des réunions plus
fréquentes que le minimum qui est prévu dans le projet de loi. Ce
que je comprends de votre recommandation j'aimerais que, le cas
échéant, si vous le jugez pertinent, vous commentiez un petit peu
plus avant - c'est que vous nous demandez de préciser dans le projet de
loi qu'au-delà du minimum de base, lorsque vous demandez si, à la
demande d'une des parties, on peut introduire dans le texte de loi une chose
comme celle-là avec une telle formulation, en d'autres termes, cela
voudrait dire que, vous me direz que j'exagère, peut-être bien
sûr, mais souvent, j'ai déjà dit que quand les choses vont
bien, on ne se sert pas d'un contrat et on ne se sert pas d'un texte de loi;
c'est quand ça va moins bien qu'on s'en sert. Si on mettait dans le
texte de loi: Au-delà d'un minimum de base qui est prévu, ou
à la demande d'une des parties, cela peut nous mener jusqu'où?
Est-ce que vous ne préférez pas l'approche qui, en vertu d'une
conjugaison de lecture des articles 3,7 et 280, permet aux parties d'ajouter
par-dessus le plancher, de convenir entre elles de choses additionnelles
à la base qui est prévue, qui là laisse une latitude plus
grande de négociation aux parties? J'aimerais avoir votre opinion
là-dessus.
Je vous indique tout de suite qu'à l'article 93, on va revoir la
formulation. Quand vous dites que vous comprenez mal que le médecin
responsable devrait élaborer, en consultation avec l'employeur et le
comité de santé et de sécurité, puisque de toute
façon l'employeur est au comité de santé et de
sécurité... les représentants des travailleurs aussi, on
va regarder à nouveau la formulation à l'article 93.
Le dernier point sur lequel je voudrais m'arrêter, pour vous
demander d'expliquer davantage, concerne votre recommandation portant sur
l'article 108, le mandat et la durée du mandat des membres de la
Commission de la santé et de la sécurité. À la
seule lecture de votre texte, je ne suis pas certain de saisir parfaitement
bien la nature du problème qu'à votre point de vue auraient en
particuIier les représentants des travailleurs du gouvernement. Je
voudrais être bien certain de comprendre bien clairement votre point de
vue. S'il y avait moyen d'expliquer davantage les raisons qui motivent votre
recommandation à l'article 108. Voilà, M. le Président,
pour l'instant, les quelques commentaires et questions que j'avais à
formuler.
M. Harguindeguy: D'abord, il y a l'article 4, si on me demande
des précisions, c'est également en regard aussi à
I'article 223. C'est vrai que la loi précise qu'elle est applicable au
gouvernement, aux ministères et à ses organismes, sauf qu'il y a
quand même d'autres lois également, étroitement
reliées à l'application de la santé et de la
sécurité, du moins pour la disposition transitoire, qui font en
sorte que le gouvernement n'est pas lié, parce qu'il n'est pas
considéré comme une personne physique à l'heure actuelle.
On pourrait vous citer bien des exemples où même le gouvernement
actuel se refuse à appliquer
des normes qu'il impose à d'autres employeurs du Québec.
Il y a des choses qui ne seront pas applicables au gouvernement, parce que
c'est le gouvernement. Interviennent aussi des contraintes d'ordre
budgétaire. Dans bien des cas les recommandations sont formulées
pour assurer la santé et la sécurité des fonctionnaires ou
des ouvriers de la fonction publique et il y a un refus qui est opposé,
parce qu'un budget n'a pas été voté à cet effet,
alors qu'au niveau des compagnies qui sont considérées au niveau
du Code civil comme étant une personne morale, il y a des poursuites qui
ne seront pas possibles vis-à-vis du gouvernement.
C'est la situation dans laquelle on vit à l'heure actuelle, du
moins quant à cette partie. C'est pourquoi on voudrait préciser
qu'au niveau de la santé et de la sécurité, le cas
échéant, s'il fallait intenter des poursuites contre le
gouvernement, qu'il soit considéré comme une personne. C'est la
difficulté qu'on a rencontrée, qu'on rencontre assez
fréquemment.
Quant au droit de refus, en fait, vous l'avez exprimé. C'est
sûr que c'est assez long, même si vous dites qu'une information est
faite à l'article 14: II n'en demeure pas moins que tout est
relié avec la création d'un comité paritaire ou non. C'est
relié à nos recommandations, à savoir qu'il y a une
obligation dans tout établissement de formation d'un comité
paritaire parce que dans le projet de loi, il n'y a pas d'obligation comme
telle. On craint qu'au niveau du gouvernement, on se retrouve avec aucune
formation de comité paritaire comme tel. On sait que la nomination du
représentant est faite par les employés, mais ne peut
excéder le nombre de membres du comité. À l'article 67, on
dit: Lorsqu'il existe un comité de santé et de
sécurité dans un établissement, les travailleurs
choisissent parmi leurs représentants au comité une ou des
personnes pour exercer les fonctions. Donc, au point de départ, pour
avoir un représentant à la prévention, il faut qu'il y ait
un comité paritaire qui existe, sans quoi il n'y a pas de nomination
possible. Contrairement au projet de loi qui dit qu'on peut former un
comité, on estime que dans des établissements où il y a au
moins dix travailleurs, il y ait une obligation d'avoir un comité. C'est
sûr qu'à ce moment la présence va être physiquement
possible, parce que sans cela, s'il faut faire appel à un
représentant de l'association syndicale, comme c'est possible à
l'article 14, il peut se trouver assez loin du lieu de travail où il y a
actuellement un certain litige qui se présente.
Pour nous, autant au niveau du comité qu'au niveau de la
recommandation qu'on formule à l'article 67 sur le nombre de
représentants à la prévention, c'est pour assurer une
présence physique assez immédiate au niveau des problèmes
soulevés. C'est dans ce sens que la recommandation est formulée.
(12 h 30)
Quant au droit de représentation, comme vous l'avez
indiqué, c'est la prise en charge. On connaît cela dans nos
conventions collectives quand cela touche une situation, où plusieurs
employés font un grief, ce qu'on appelle collectif, où c'est le
représentant syndical qui, en fait, est celui qui voit à la
formulation de la plainte. On estime qu'au niveau de la santé, c'est
quand même un droit encore beaucoup plus grand. Cela devrait
également se situer à ce niveau. Au niveau du retrait
préventif, la loi 126 ne s'applique pas à nous. C'est un sujet
quand même assez important puisqu'on représente près de 50%
de nos membres qui sont des employés féminins. Donc,
déjà, il y a aussi une nécessité. En plus, il y a
aussi certains emplois quand même, par exemple, les auxiliaires en
informatique, les demoiselles qui sont préposées au
téléregistre, pour elles aussi, il y a quand même certaines
conséquences pour la vue, ce qui n'est pas encore, à l'heure
actuelle, reconnu comme étant une maladie industrielle. Donc, on estime
que, là aussi, il devrait y avoir un certain élargissement des
recours possibles pour ces personnes.
M. Marois: En fait, vous comprenez bien que l'idée du
retrait préventif, c'est de s'assurer d'un droit à un
déplacement ou un retrait au sens strict avant que les choses se
gâtent, c'est-à-dire avant qu'il y ait une lésion, avant
qu'il y ait une maladie.
M. Harguindeguy: Oui. C'est cela.
M. Marois: D'accord. Mais cela ne réduit pas pour autant
la portée de votre argumentation sur la nécessité, en tout
cas, d'examiner les concordances requises avec la loi 126...
M. Harguindeguy: D'accord.
M. Marois: ... mais on va regarder cela. Cependant, je pense que
tout le monde comprend aussi que le retrait préventif, ce n'est pas un
congé de maternité.
M. Harguindeguy: Non.
M. Marois: Le retrait préventif, c'est bien
différent d'un congé de maternité. Le congé de
maternité, c'est une mesure strictement sociale. Le retrait
préventif, c'est un droit qui est reconnu à quelqu'un de pouvoir
être affecté à une autre tâche ou, si ce n'est pas
possible d'être retiré, de se trouver dans une situation où
son état de santé est complètement dégradé
ou une partie de son intégrité physique est laissée d'une
façon définitive avec le droit d'être compensé en
conséquence.
M. Harguindeguy: Oui. D'ailleurs, c'est ce que nous demandons,
qu'il soit affecté à d'autres fonctions, compte tenu de son
état...
M. Marois: Je comprends le problème de concordance que
vous soulevez.
M. Harguindeguy: Au niveau des réunions de comité,
notre crainte, c'est qu'on vit certaines situations où parfois le
minimum qui est prévu quand on dit au moins une fois tous les trois mois
devient également un maximum. C'est pour cette raison qu'on dit qu'ils
devraient se réunir au moins une fois par trois mois. Je pense bien que,
dans ce
domaine, ils devraient sûrement avoir de quoi à se dire,
compte tenu, bien sûr, des secteurs, mais avec le nombre qu'on
représente, je pense qu'on aurait sûrement de quoi se parler et au
moins à la demande d'une des parties, s'il y a un problème, parce
qu'on a quand même vécu des expériences.
Quand justement comme vous l'avez indiqué tout va
bien, il n'y a pas de problème pour se rencontrer, mais quand cela va
mal, habituellement, on a déjà eu des échecs pour avoir
des rencontres qui n'étaient pas prévues textuellement C'est ce
qu'on veut éviter parce que, dans ce domaine, on estime qu'il devrait y
avoir quand même une certaine latitude. Je ne pense pas qu'au niveau d'un
comité, on puisse quand même abuser pour se réunir tous les
jours. Je pense qu'à ce niveau-là, il y a quand même place
pour un certain réalisme. Je pense que, sous réserve des
règlements, cela n'implique pas que le règlement pourrait aller
en bas, prévoir tous les mois, en tout cas...
Cela dépend. On ne connaît pas encore le règlement.
On préférerait quant à nous que ce soit indiqué
dans la loi, que ce soit au moins une fois par trois mois à la demande
des parties. En tout cas, je pense bien que cela touche quand même le
fait que la philosophie du projet de loi veut faire assurer la santé et
la sécurité par les parties concernées, les travailleurs
et les employeurs. Je pense qu'ils devraient pouvoir avoir la latitude de se
rencontrer quand ils le veulent, mais qu'il y ait au moins une
possibilité qui soit prévue dans la loi.
Quant à la nomination de la commission, on vit, nous,
peut-être de façon particulière au gouvernement, avec des
nominations par le gouvernement de membres de commissions ou de régies
qui ont quand même des juridictions sur nos conditions de travail. On
n'est pas toujours assuré de l'entière autonomie des membres de
la commission. D'ailleurs, pour le projet de loi 50 aussi, vous vous
souviendrez que nos recommandations étaient à l'effet
d'extensionner le délai ou le mandat qui avait été
fixé originalement à cinq ans, pour qu'il soit porté
à au moins plus que cela. Il a été porté à
sept ans. Dans ce cas aussi, on estime parce qu'on ne se fait pas
d'illusion, qu'on n'aura pas de représentant à la commission. Ce
sont quand même les secteurs les plus représentatifs, donc, c'est
généralement à l'extérieur de ceux de la fonction
publique ou du secteur parapublic que les gens de la partie syndicale
vont être nommés. On a quand même vécu des
expériences qui ne sont pas trop heureuses pour nous quant à ce
genre de nominations et on voudrait assurer une plus grande indépendance
de ces personnes vis-à-vis du gouvernement.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier M.
Harguindeguy et ses collègues pour la présentation de leur
mémoire ce matin. Vous manifestez des commentaires particuliers concer-
nant plusieurs articles du projet de loi qu'on aura l'occasion de reprendre
probablement lors de l'étude du projet de loi article par article et
d'échanger plus spécifiquement avec le ministre sur la position
qu'entend adopter le gouvernement à l'égard des
représentations ici formulées.
Je retiens quand même un commentaire général de
votre mémoire et c'est un peu aussi le commentaire qu'a formulé
le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec dans le
mémoire qu'il a déposé ici. C'est une attitude que je fais
mienne aussi, à savoir l'inquiétude que les représentants
syndicaux sont en droit d'avoir de l'application de la loi 17 à
l'égard des employés de la fonction publique. Je m'explique:
C'est très bien de soumettre et d'obliger le gouvernement à
être placé sous la juridiction et l'application de la loi 17;
c'est parfait, c'est beau, c'est bien, cela paraît bien de le dire aussi
mais la façon dont cela va éventuellement s'appliquer, c'est
là qu'est tout le débat, c'est là qu'est toute la
question. Le ministre me répondre peut-être que les
réponses à mes questions pourront venir lors de l'étude du
projet de loi article par article ou encore lors de l'adoption par le
gouvernement de différents règlements pour mettre la chair sur
l'ossature qu'est la loi 17. Je me dis: On aura des comités au niveau
des ministères. D'abord, il y a des problèmes. Ce n'est pas parce
que les gens travaillent généralement dans des bureaux qu'il n'y
a pas de problèmes de santé et de sécurité, au
contraire, il y en a. On a eu des exemples bien particuliers qui nous ont
été donnés par le Syndicat des professionnels du
gouvernement, entre autres sur des constats de certains problèmes dans
certains ministères. Je me rappelle de la référence au
bureau du ministère du Travail à Montréal où la
température était des plus fluctuante d'une part et où,
d'autre part, des spécialistes sont venus percer les murs pour voir la
capacité du béton à l'intérieur et ont
oublié de fermer tout cela et les rats sont entrés et
c'était la valse des rats sur les bureaux. Je me dis: D'accord,
qu'est-ce qui arrivera ou qu'est-ce qui aurait pu arriver si la loi 17 avait
été en application? Je conviens qu'à ce moment-là
aurait pu s'enclencher le mécanisme de comités paritaires, le
mécanisme individuel de refus de travail, mais la grande question dans
tout cela que vous devez vous poser c'est la question que je pose ce matin au
ministre: Quelle est la garantie que les employés de la fonction
publique peuvent avoir que l'interlocuteur qu'ils auront sera un interlocuteur
qui aura des pouvoirs? Des intervenants de l'entreprise privée nous ont
dit: Messieurs de la commission parlementaire, les comités paritaires,
cela va très bien. On s'asseoit autour de la table, on se comprend et
les gens de la partie patronale quittent le comité et disent: On va
soumettre cela à nos supérieurs hiérarchiques. Mais, la
décision se prend à Toronto, dans certains cas où le
siège social de l'entreprise ou de la multinationale n'est pas
nécessairement au Québec mais au Canada. Ils ont dit: Le
problème qu'on rencontre c'est qu'on s'entend au niveau local, qu'on
s'entend au niveau du comité paritaire mais cela prend un
temps fou et des procédures administratives lourdes pour
réaliser et concrétiser l'acceptation au niveau local. Je crains
que ce sera possiblement la même chose au niveau du gouvernement. Est-ce
qu'on aura un interlocuteur par ministère qui sera chargé de voir
à ces questions? C'est possible. Mais, quelle sera sa latitude dans
l'action? Vous faites référence à l'article 185 et aux
normes de température, de "logeabilité" et tout cela. On sait que
le gouvernement, ce même gouvernement qui oblige je donne un
exemple les hôteliers qui ont une table dans un hôtel
doivent avoir 100 pieds carrés par table. Je ne suis pas convaincu que
la même norme est respectée quand on va faire un tour dans
certains bureaux du gouvernement. Si jamais une décision d'un
comité paritaire ou une entente d'un comité en question stipule
des améliorations qui impliqueront des déboursés, comment
tout cela va-t-il se faire? Si cela prend l'approbation du Conseil du
trésor, on peut s'attendre que les gens gèlent longtemps ou
qu'ils se promènent avec les rats longtemps parce que le Conseil du
trésor n'est pas, que je sache, ce qu'il y a de plus expéditif.
Si le représentant patronal est obligé de communiquer ou si
celui-ci est placé sous la juridiction de quatre ou cinq
supérieurs hiérarchiques qui ont chacun leur part de
responsabilités dans la boîte, ça peut prendre du temps
là aussi.
Je pense que les députés autour de la table pourront
tester le temps que cela prend en moyenne pour rejoindre un fonctionnaire
je ne parle pas d'un fonctionnaire syndiqué, je parle
généralement d'un cadre. Vous n'êtes pas sans savoir que
bien souvent cela nous prend du temps avant de rejoindre la personne en
autorité pour qu'elle nous donne une réponse. Cela va être
la même chose pour le représentant de l'employeur au niveau du
comité. Je me dis, M. le ministre, que c'est parfait, c'est bien, le
gouvernement va être soumis à la loi. Je crains que le niveau
décisionnel ou le niveau de responsabilité soit trop loin ou je
me demande comment cela pourrait se faire qu'il y ait de véritables
décisions qui puissent se prendre au niveau du comité à
l'intérieur du ministère en question et que cela puisse aboutir
et que, dans les cas où une action concertée est le
résultat du comité, cela puisse aboutir à quelque chose.
Cela va se faire comment, M. le ministre?
M. Marois: Je pense que les deux commentaires que je formulerais
à la suite de la question du député de Portneuf, cela vaut
d'ailleurs pour l'ensemble des autres employeurs, est le suivant: À
partir du moment, ce qui n'est pas le cas présentement pour l'ensemble
des normes, des règles qui sont établies, à partir du
moment où le gouvernement tombe sous la coupe de la loi, qu'il est
forcé comme n'importe quel autre employeur en vertu de la loi de se
donner un programme de prévention qui doit inclure notamment, de par le
paragraphe 3 de l'article 48, si ma mémoire est bonne, l'assainissement
des lieux mêmes de travail pour s'assurer que c'est conforme aux normes
et aux règlements, forcément cela implique obligatoire- ment que
les budgets en conséquence sont débloqués. On parlait
tantôt des commissions scolaires. C'est avec raison que la question du
financement requis est soulevée. Sinon, cela ne mène nulle part.
C'est la première des choses.
La deuxième des choses, et cela vaut non seulement pour le
gouvernement comme employeur, cela vaut pour l'ensemble des employeurs
québécois, à partir du moment ce qui est
complètement nouveau d'ailleurs par rapport aux situations actuelles
où des comités paritaires vont avoir des pouvoirs
décisionnels, l'employeur qui va faire en sorte que son
représentant, ou ses représentants, aux travaux de ce
comité ne soit pas un personnage qui ait des pouvoirs lui permettant
d'agir en conséquence et de prendre les décisions en
conséquence, il va avoir joyeusement à assumer les
conséquences de ses actes par la suite puisque vous savez comme moi que
cela donne lieu, que cela donne ouverture à toute une série de
mesures, de recours possibles.
Passer simplement, comme on dit en droit, notamment mais non
exclusivement, à la possibilité, ce qui est plus ou moins le cas
présentement, de l'intervention des inspecteurs qui eux disposent, en
vertu du projet de loi no 17, de pouvoirs qu'ils n'ont jamais eus en main
antérieurement, cela va valoir pour le gouvernement comme cela va valoir
pour les autres. Au fond, il y a comme une espèce de dynamique qui doit
se mettre en marche à partir du moment où le projet de loi no 17,
avec les amendements qu'il faudra y apporter pour tenir des commentaires
pertinents qui nous ont été faits, des suggestions valables pour
le modifier, cela vaut pour lui comme cela vaut pour les autres. Ce sont les
deux commentaires, M. le Président, que je me permettrais de formuler
pour l'instant.
M. Pagé: Le ministre me permettra un commentaire
additionnel, M. le Président. C'est que dans l'entreprise la relation
est beaucoup plus immédiate entre l'employeur, que ce soit le
président de la compagnie, le directeur du service ou le directeur de
l'entreprise ou de l'usine, et le représentant de l'employeur au
comité que le représentant de l'employeur au comité au
gouvernement peut l'être à l'égard de son employeur qu'est
le gouvernement. Qui aura la responsabilité dans la boîte? Est-ce
que ce sera le ministre du ministère responsable sectoriel? Est-ce que
ce sera le sous-ministre à l'administration? Est-ce que ce sera le
directeur du personnel? Cela va être qui? Il y a un autre
élément aussi et qui va dans le sens de la solution à ce
problème, c'est de placer tous les services d'inspection sous la
même juridiction, sous le même ministère parce que trop
souvent un ministère disait blanc et l'autre ministère disait
noir. Ce danger va être encore là parce qu'on aura le
ministère responsable de l'application de la loi 17, mais on aura chacun
des ministères aussi.
M. Marois: C'est pour cela, d'ailleurs, que j'étais
porté plutôt spontanément à souscrire à un de
vos commentaires préliminaires, si ma mémoire
est bonne, l'entrée en matière à l'occasion de
l'ouverture de nos travaux, du rattachement du nouveau service d'inspection
regroupé directement à la commission, notamment mais non
exclusivement. (12 h 45)
M. Pagé: Oui, entre autres.
M. Marois: Notamment.
M. Pagé: C'est ça. Soyez vigilants.
M. Harguindeguy: On l'est, on continue. On n'arrêtera pas,
même si on sait qu'on va avoir des difficultés, parce qu'on
s'attend que cela prenne bien du temps. On a vécu un an et demi pour
avoir l'application d'une sentence arbitrale qui devait donner des bottines aux
mécaniciens, alors, on a été patient. Même si vous
êtes certain que vous courez des risques... on est encore en Cour
supérieure pour l'application d'une décision d'un directeur de
personnel. Alors, on est habitué à cela dans le domaine de la
santé. Encore faut-il qu'il y ait des comités paritaires, c'est
surtout à cela qu'on tient, dans la fonction publique.
M. Pagé: Je dois vous dire que je trouve
intéressante votre suggestion concernant le mandat plus long et non
renouvelable des membres de la commission, à cet égard. On aura
l'occasion d'en discuter lors de l'étude du projet de loi, article par
article.
Merci! quant à moi, M. Harguindeguy.
M. Marois: Merci!
M. Harguindeguy: Merci bien!
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervention, alors au nom de la commission je remercie le Syndicat des
fonctionnaires pour sa participation à nos travaux.
Clinique de médecine occupationnelle de
Montréal
J'invite maintenant le groupe suivant, la Clinique de médecine
occupationnelle de Montréal. J'invite le porte-parole de la clinique
à se présenter et à nous présenter son
collègue.
M. Fauteux (Gaspard): Gaspard Fauteux, président-directeur
général de la Clinique de médecine occupationnelle de
Montréal et, à ma gauche, le docteur Marcel Pigeon.
Le Président (M. Dussault): Merci, alors je vous prierais,
M. Fauteux, de faire l'effort, s'il vous plaît, de nous présenter
votre mémoire dans les vingt minutes prévues selon la convention
et nous suspendrons, ensuite, nos travaux jusqu'à quinze heures alors
que nous pourrons reprendre avec vous et vous poser les questions
pertinentes.
M. Fauteux: D'accord, je vous remercie. Si vous me le permettez,
je pense que je peux res- pecter le délai des vingt minutes en faisant,
d'une part, la lecture, du moins, des pages les plus importantes de notre
mémoire.
M. Marois: Je présume que vous désirez que votre
mémoire soit versé intégralement au journal des
Débats.
M. Fauteux: D'accord.
Le Président (M. Dussault): II y a consentement de la
commission, alors, ce sera versé. (Voir annexe c) Je vous écoute
M. Fauteux.
M. Fauteux: D'accord. En octobre 1978, M. le ministre
d'État au Développement social publiait un livre blanc
d'énoncés des politiques du gouvernement du Québec, en
matière de santé et de sécurité des travailleurs.
Ces politiques devaient, par la suite, se concrétiser dans le projet de
loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail.
Nous tenons, tout d'abord, à exprimer notre satisfaction de voir
cette question traitée avec toute l'attention qu'elle demande. Comme
l'illustre la première partie du livre blanc, les problèmes de
santé et de sécurité au travail sont nombreux et les
énergies actuellement déployées pour y remédier ne
suffisent pas à la tâche. Des situations parfois
déplorables, surtout dans les secteurs d'activité
économique à risques élevés, illustrent bien
l'importance de légiférer. Le droit des travailleurs à des
conditions de travail respectant leur santé, leur sécurité
et leur intégrité physique est indéniable. Ce droit est
d'ailleurs de plus en plus reconnu, et plusieurs pays industrialisés
sont intervenus en ce sens par voie de législation.
Plusieurs points dans l'orientation gouvernementale nous semblent
particulièrement dynamiques et nous tenons à les souligner: la
place faite au milieu de travail comme principal agent de changement; le
rôle de l'État vu comme catalyseur dans le milieu; le
développement de la médecine du travail, spécialité
où seront appelés à oeuvrer de plus en plus de
professionnels de la santé suite à l'application de ce programme;
le développement des services de santé et de
sécurité au travail dans les entreprises; la collaboration entre
tous les intervenants en santé et sécurité au travail et
tous les niveaux d'administration, vers, nous l'espérons, une plus
grande efficacité.
Si nous tenons à intervenir devant cette commission
parlementaire, c'est pour y soulever une question qui a été
presque totalement exclue par le présent projet de loi, mais qui nous
semble, cependant, prendre tout son sens dans le cadre du débat, soit la
place des cliniques privées de médecine du travail dans le cadre
d'un programme complet de santé et de sécurité au travail.
Nous aurions pu traiter plusieurs autres points, mais nous
préférons nous concentrer sur celui-ci qui nous tient le plus
à coeur et sur son importance dans le contexte d'une politique sur la
santé et la sécurité au travail. Nous n'ajouterons donc,
à notre présentation, que quelques mesures non prévues au
projet de loi et qu'il nous apparaît intéressant d'aborder.
C'est à titre de clinique spécialisée en
médecine du travail, que la Clinique de médecine occupationnelle
de Montréal aimerait intervenir devant cette commission. La clinique est
constituée depuis 1978, moment où elle prend en charge les
activités médicales exercées jusqu'à ce jour par
Parabec Limitée, compagnie affiliée, elle-même
fondée en 1973. Parabec est active depuis cette date en médecine
du travail. Des services ont été structurés pour
répondre à la demande de plusieurs entreprises conscientes de
l'importance d'un programme de santé et de sécurité au
travail. Parmi les services offerts, mentionnons les examens médicaux
préembauche des travailleurs, les contrôles périodiques de
leur état de santé et l'expertise médicale. Depuis, la
Clinique de médecine occupationnelle a participé à la
réalisation de nombreux projets dans différents secteurs
d'activité économique. Ainsi, sommes-nous responsables de la mise
sur pied et de la gestion des services de santé de plusieurs
entreprises.
Nos services sont assurés par cinq médecins omnipraticiens
à temps partiel, tous membres de l'Association de médecine
industrielle de la province de Québec. De plus, des consultants
médicaux de spécialités diverses sont appelés quand
c'est nécessaire. Une quarantaine de médecins collaborent au
travail de la clinique dans différentes villes de la province. Dix
infirmières, cinq employés de soutien et deux cadres
évoluent à plein temps à la clinique. Plus de 50
employeurs ont actuellement recours aux services de la clinique, ce qui
représente plus de 20 000 travailleurs.
La clinique fournit des services d'analyse biologique, toxicologie et
radiologie; par l'intermédiaire de consultants ou de laboratoires
extérieurs. Elle offre sur place les services de laboratoire en
physiologie pulmonaire, un département de cardiologie et un service de
vaccination.
La clinique s'est aussi penchée sur les problèmes
vécus par les différents secteurs du monde du travail, telle la
question de bruit industriel et de ses conséquences. En plus des tests
par audiomètre dispensés dans nos locaux dans le cadre de
programmes de dépistage et de prévention, nous offrons les
services de consultants pour le contrôle des bruits et des vibrations en
industrie. Nous référons aussi à des spécialistes
de l'extérieur les dossiers sur l'hygiène industrielle,
ventilation, éclairage, contrôle, chaleur, milieu industriel.
Une des particularités de notre clinique est son service de
médecine interentreprise. Le Québec compte plus de petites
entreprises que de grandes et plus d'entreprises à faibles risques
d'accidents ou de maladies qu'à risques élevés, soit un
grand nombre d'établissements n'ayant pas besoin de médecin
à plein temps ou de services de santé complet sur les lieux de
travail. Ce sont donc les caractéristiques mêmes du monde du
travail au Québec qui génèrent le besoin de ce type de
services médicaux.
La Clinique de médecine occupationnelle de Montréal assure
à ces entreprises des services médicaux ou paramédicaux
complets selon leurs besoins au moment où cela s'avère
nécessaire. Il est aussi possible de procurer un suivi médical
à des travailleurs.
Propositions à la commission parlementaire: L'implantation des
cliniques privées dans le cadre d'une politique de santé et de
sécurité au travail, référence à l'article
86. La Clinique de médecine occupationnelle de Montréal s'estime
bien intégrée à ce milieu de travail qui constitue sa
raison d'être. C'est pourquoi la lecture du livre blanc publié en
1978 nous a-t-elle intéressés au plus haut point. Nous nous
sommes surtout attachés à une des notions centrales de tout le
projet, soit celle de la participation active du milieu de travail comme
clé de voûte de toutes les réformes en matière de
santé et de sécurité au travail. Il est évident que
tout cela touche d'abord les principaux acteurs du milieu, soit les employeurs,
certes, mais surtout les travailleurs hautement intéressés quant
à la santé et la sécurité en milieu de travail, les
grands oubliés de toutes les politiques dans ce domaine. Mais,
d'après nous, cette notion s'étend aussi à tous ceux et
celles qui oeuvrent dans le monde du travail et qui s'impliquent d'une
façon ou d'une autre. Cette vision du milieu du travail dans son sens le
plus large se retrouve d'ailleurs dans la suite du livre blanc,
particulièrement quand on en vient à parler des ressources de ce
même milieu.
Devant l'ampleur de la tâche à accomplir, on parle de
priorité d'étape permettant de s'attaquer au plus grave, au plus
urgent, d'où l'importance de toutes les ressources disponibles à
court terme. Le gouvernement estime qu'il lui faut compter sur une mobilisation
et les initiatives de tous les groupes concernés livre blanc,
page 194 car c'est bien à partir d'une telle dynamique que pourra
prendre forme un véritable programme de santé et de
sécurité au travail pris en charge par le milieu
concerné.
Toutes les ressources de ce milieu doivent être mises à
contribution. Pourquoi négligerait-on une partie importante du milieu de
travail, soit le personnel médical et paramédical de diverses
cliniques qui oeuvre depuis nombre d'années et se consacre exclusivement
à la médecine du travail. Sa formation, sa compétence, son
expérience, tout cela ne constitue-t-il pas un acquis précieux
dans ce domaine où tout reste à faire. La commission devrait
également chercher à utiliser au maximum les services existants
et déjà disponibles aux travailleurs et aux employeurs comme, par
exemple, ceux que peuvent fournir diverses institutions du réseau des
services de santé.
Nous croyons que des cliniques médicales reconnues et pratiquant
exclusivement dans le monde du travail peuvent aussi prétendre à
cette disponibilité au milieu et se sentir directement concernées
par tout ce qui les touche. Ces cliniques, fussent-elles du secteur
privé, ceci est d'autant plus vrai compte tenu de leurs états de
services.
Ces organismes regroupent des professionnels de santé
compétents, impliqués dans les milieux où ils travaillent
depuis nombre d'années,
en contact étroit aussi bien avec les travailleurs qu'avec les
employeurs. Ces cliniques sont responsables de programmes de santé
industriels, de prévention, de dépistage et d'examens divers dans
le milieu du travail. Leur action s'exerce aussi bien dans les industries que
dans les secteurs du transport, de l'agroalimentaire, des services publics et
du commerce. Les cliniques privées dont la clinique de médecine
occupationnelle se sentent donc prêtes à relever le défi
que pose la refonte profonde des programmes de santé et de
sécurité au travail. En effet, des services de santé et de
sécurité faits par et pour le monde du travail et où une
large place est faite à la prévention peuvent aussi bien
être dispensés par des organismes privés que par des
services de santé publics. Il est clair que ces cliniques privées
seront entièrement intégrées dans notre système de
santé et de sécurité au travail tel que prévu par
le projet de loi 17, que ces médecins seront accrédités
par les instances autorisées et qu'elles appliqueront rigoureusement les
programmes de santé définis par les comités paritaires,
selon les normes de la commission de santé et de sécurité
au travail.
Dans le livre blanc, les ressources ne sont pas si nombreuses qu'on
puisse se permettre des chevauchements et du gaspillage d'énergie. Dans
cette optique, l'importance de la participation des cliniques privées ou
une nouvelle politique de santé et de sécurité au travail
est indéniable. L'énoncé des politiques du gouvernement
incluait d'ailleurs les cliniques privées dans sa vision des services de
santé au niveau local. Il pourrait être intégré
administrativement un centre hospitalier, un centre local de santé
communautaire ou un cabinet privé, comme il est cité dans le
livre blanc à la page 241.
Or, le projet de loi no 17 ne fait plus mention des cliniques
privées qu'à un seul endroit, à l'article 86, et c'est
pour déclarer que le chef du département de santé
communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un
cabinet privé lorsque cela s'avère nécessaire à
cause de la non-disponibilité des autres locaux. Pareille disposition
nous semble tout à fait inacceptable. Premièrement, un cabinet
privé représente un personnel médical, paramédical
et administratif, des équipements spécialisés, des locaux,
bref, une immobilisation qu'il devient impossible de garder
opérationnelle dans la seule éventualité qu'un centre
hospitalier ou un CLSC ne pouvant suffire à la demande lui
réfère quelques patients. Deuxièmement, nous estimons
qu'il y a là sous-utilisation d'une ressource importante du milieu. Il
serait dommage que toute l'expérience acquise au fil des années
par les cliniques privées soit si peu profitable au monde du travail.
C'est pourquoi nous nous permettons de proposer ici un projet visant non
seulement le maintien des cabinets privés dans le domaine de la
santé et de la sécurité au travail, mais aussi
l'implantation de nouvelles cliniques intégrées dans le
système de santé et de sécurité au travail mis sur
pied par le gouvernement.
De même qu'il existe encore des hôpitaux privés
fonctionnant de façon satisfaisante sans problème
budgétaire, ainsi pourrait-il y avoir des cliniques effectuant des
tâches prévues par le projet de loi no 17 tout en demeurant dans
le secteur privé et, tout comme le système prévoit la
création de nouveaux CLSC, il est possible d'envisager de nouvelles
cliniques privées en plus, bien sûr, des cliniques existant
déjà et pouvant s'intégrer aux programmes publics de
santé et de sécurité au travail au moment opportun.
L'investissement que fera l'État trouvera un écho dans
l'investissement que pourra faire l'entreprise privée.
Nous proposons à ce projet le cadre suivant: Qu'une clinique
privée oeuvrant en santé et en sécurité au travail
soit une personne civile; que son but exclusif soit la médecine du
travail; qu'elle jouisse de l'autonomie financière; qu'elle soit
administrée par le conseil de cette clinique. Toutefois, toutes les
décisions d'ordre médical doivent relever des instances
médicales de la clinique sans ingérence de l'administration.
Que l'existence de la clinique soit reconnue par la commission de
santé et de sécurité au travail sous la forme d'un permis
de pratique garant de sa compétence. Que les médecins au service
de la clinique soient accrédités tel que prévu au projet
de loi par le ou les DSC du ou des secteurs administratifs où ils seront
appelés à pratiquer. Qu'il y ait une durée de contrat
entre la clinique et la commission de santé et de sécurité
comme est prévue une durée du contrat des médecins
à l'article 89. Le financement de la clinique et la
rémunération de son personnel s'établiront de la
même façon que ceux des instances correspondantes, les CLSC, selon
les règlements prévus par la commission de la santé et de
la sécurité du travail.
Que des dispositions limitent l'ampleur de la clinique. Pour le bon
fonctionnement de la clinique, que le nombre de médecins y
exerçant soit limité à dix équivalent au
plein temps plus deux médecins par clinique administrée
paritairement jusqu'à concurrence de trois de ces cliniques, plus trois
médecins toujours équivalent au plein temps ayant
la charge des cliniques de santé et sécurité au travail
à l'intérieur d'entreprises. La limite de tous les services
offerts par la clinique sera fonction des normes édictées par la
commission de la santé et de la sécurité au travail quant
au rapport médecin-travailleurs.
Que la clinique puisse offrir les services suivants: cliniques
interentreprises: la clinique offre ses services à plus d'une entreprise
à la fois, dans des domaines à vocation sectorielle ou non, ces
entreprises pouvant être situées dans des secteurs sous la
juridiction d'un même DSC ou de DSC différents. (13 heures)
Le nombre de travailleurs desservis par une clinique serait égal
à la somme de ceux de toutes les entreprises desservies, quel que soit
le secteur administratif ou elles se trouvent. Les rapports
médecin-travailleur prévus par le règlement s'appliqueront
alors pour ce nombre total de travail-
leurs. Il est entendu que la clinique est sous la juridiction de centres
hospitaliers DSC responsables du secteur où se trouve l'entreprise
qu'elle dessert. Les médecins de la clinique sont
accrédités par les différents centres hospitaliers DSC des
différents secteurs administratifs où ils ont à se rendre
dans le cade de visites interentreprises. Le comité paritaire d'une
entreprise choisit un médecin et non celui de la clinique, et un
médecin précis de la clinique est responsable du dossier
santé et sécurité pour une entreprise donnée.
Cependant, les examens ne se font pas exclusivement par ce médecin et
peuvent être offerts par d'autres médecins de la clinique dont
dépend le médecin choisi et ce, cependant, sous la
responsabilité du médecin titulaire du dossier. Cela permet une
plus grande flexibilité et une plus grande disponibilité face aux
besoins de l'entreprise et des travailleurs en ayant toujours un médecin
disponible pour des examens ou des soins médicaux.
Clinique interétablissement. Ce service vise à
répondre aux besoins des entreprises ayant plusieurs succursales et ce,
où que se trouvent ces succursales. Ce peut-être le cas d'une
chaîne d'établissements commerciaux, d'une commission scolaire,
etc. Un médecin ou une équipe de médecins de la clinique,
tous accrédités par les différents centres hospitaliers
DSC dont dépendent les différentes succursales de l'entreprise,
sont chargés de l'application d'un plan maître. Ce plan est
élaboré à partir des normes de prescription de la Loi sur
la santé et la sécurité du travail, des besoins
identifiés par le comité paritaire et/ou sectoriel et des mesures
supplémentaires prévues par l'employeur. Il est appliqué
par une même équipe de médecins d'après les
normes/critères et dans les conditions les plus voisines possible. Cette
mesure a pour but d'uniformiser l'application de la loi pour tous les
travailleurs de la même entreprise et de les faire
bénéficier des mêmes avantages. Elle peut aussi être
un facteur positif dans la prise en charge de leur santé par les
travailleurs qui auront aussi un contrôle beaucoup plus grand sur toutes
les mesures de santé et de sécurité au travail par leur
secteur.
Clinique administrée paritairement. Ce type de clinique prend
tout son sens dans le contexte d'un parc industriel, d'un centre commercial,
d'un édifice à bureaux ou d'un chantier de construction. Des
entreprises sont regroupées dans un espace géographique
précis et plusieurs d'entre elles ne sont pas assez grandes pour
justifier la présence d'un service de santé complet sur place.
Ainsi, dans un parc industriel, beaucoup d'entreprises occupent un grand
espace, mais comptent peu de travailleurs, étant hautement
mécanisées. Pourtant, elles se situent souvent dans les secteurs
à risques élevés, sans avoir droit à une
infirmière à plein temps ou à une certaine
fréquence de visites médicales. Cependant, une fois
associée aux entreprises voisines, il lui devient possible de
bénéficier d'une clinique administrée paritairement.
De plus, les CLSC qui seraient responsables de l'application de la loi
dans ce secteur ne sont pas nécessairement en mesure de le faire dans
les plus brefs délais. Plusieurs n'existent encore que sur organigramme
ou sont en construction. Or, établir un CLSC suppose des frais et des
normes minimales de construction et de personnel plus étendues que
celles spécifiquement nécessaires à l'application de la
Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ces
délais, avant que des CLSC ne soient opérationnels, peuvent aller
jusqu'à compromettre l'application immédiate de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail dans des secteurs
d'activité professionnelle à risques élevés.
Il faut aussi considérer que, de par sa vocation communautaire,
le CLSC se doit aussi de fournir à la population de son secteur des
services de nature diverse, selon les besoins de cette population. Il ne peut
donc pas investir toutes ses énergies dans des programmes de
santé et de sécurité au travail, ceci en tenant pour
acquis que la population environnante au milieu de travail à desservir
justifie par son nombre et ses besoins la création d'un nouveau CLSC, ce
qui, dans le cas de plusieurs parcs industriels, n'est pas évident.
Donc, un CLSC implanté dans un quartier sera souvent loin de plusieurs
groupes d'entreprises auxquelles il devra malgré tout fournir des
services médicaux.
La question du personnel médical et paramédical
chargé de l'application de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail mérite aussi d'être
soulignée. Les cliniques privées fonctionnant actuellement
possèdent un personnel compétent et expérimenté,
rompu à la pratique en milieu de travail, donc déjà
prêt à passer à l'action. Dans certains secteurs, l'attente
nécessaire pour que les nouveaux CLSC constituent pareilles
équipes peut représenter un délai coûteux et des
risques accrus pour les travailleurs.
Nous proposons donc que soient prévues des mesures afin de
favoriser le regroupement des diverses entreprises d'un secteur donné,
par l'intermédiaire de leur comité paritaire de santé et
de sécurité au travail, pour que celles-ci se dotent
collectivement d'une clinique médicale. Le nombre de leurs travailleurs
respectifs s'additionne, le total déterminant le nombre de
médecins et d'infirmières nécessaire, les sommes
allouées, etc., ce qui justifiera souvent la création d'une
clinique médicale sur les lieux mêmes du travail.
L'administration paritaire de cette clinique par toutes les entreprises
concernées, le comité paritaire de chacune d'elles envoyant un
délégué, fait qu'une grande compagnie n'a pas plus de
poids que les autres au niveau décisionnel.
Toutes les entreprises reçoivent un service relatif à
leurs besoins et non au nombre total de leurs travailleurs. Cela permet de
bénéficier d'une clinique sur le lieu même du travail,
intégrée à ce même milieu et administrée par
lui. Que la clinique puisse se charger de toutes les autres tâches
prévues par la loi pour un service de santé et de
sécurité du travail; que les programmes de formation,
d'information et de recherche entrepris par le centre hospitalier, DSC, dans le
cadre de l'application de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail,
touchent toutes les cliniques privées oeuvrant en médecine
du travail au même titre que les autres structures du système; que
des dispositifs soient prévus dans la loi pour que toutes ces mesures
s'inscrivent dans l'optique d'une collaboration constante et étroite des
cliniques privées avec les CLSC et avec le centre hospitalier DSC, dont
ils dépendront.
Nous aimerions nous pencher aussi sur le phénomène des
étapes dans l'application de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, afin de présenter à cette
commission une définition relative au rôle que jouent
présentement et pourront jouer les cliniques privées.
Le projet de loi no 17 s'adresse au monde du travail en
général, et, comme l'exprimait le livre blanc: "notre objectif
ultime, le seul qui convienne, c'est l'élimination des causes d'accident
et de maladie". Le but de tous les intervenants dans ce dossier sera
sûrement de faire en sorte que tous les travailleurs
bénéficient de conditions de travail ne mettant en péril
ni leur santé, ni leur sécurité, ni leur
intégrité physique. Cependant, compte tenu du nombre d'hommes et
de femmes sur le marché du travail, du très grand nombre
d'entreprises réparties dans des secteurs divers, de la
multiplicité des risques pour la sécurité, du peu
d'information dont nous disposons à propos des maladies
professionnelles, cela ne pourra se faire intégralement dans un avenir
rapproché. À cela s'ajoute le fait que beaucoup des structures
nécessaires à l'application de la loi n'existent pas encore ou
n'ont pas de vocation en médecine du travail, que le personnel
formé en médecine du travail est peu nombreux, que le milieu
lui-même a bien peu d'instruments pour se prendre immédiatement en
charge.
L'ampleur du problème a évidemment été
envisagé, et le livre blanc déclare: "II nous faut
néanmoins convenir tous ensemble de la nécessité
d'être réalistes dans notre démarche et accepter qu'il y
ait des étapes à franchir." Le gouvernement le mentionne, les
programmes de santé et sécurité au travail feront l'objet
d'une application progressive, la première cible étant les
secteurs d'activité à risques élevés. On ne pourra
implanter partout à la fois les structures administratives
nécessaires.
Alors, qu'adviendra-t-il des entreprises qui ne seront pas
touchées immédiatement par l'application des programmes?
Où les travailleurs et les employeurs prendront-ils leurs ressources
techniques pour les aider non seulement à entreprendre un projet de
santé et sécurité au travail, mais souvent à
poursuivre celui déjà existant? Nous ne pouvons que supposer,
compte tenu de l'état actuel des ressources disponibles, que le statu
quo prévaudra dans le cas des entreprises non incluses dans le cadre des
programmes publics de santé et sécurité au travail. Les
cliniques privées pourront alors poursuivre leur mandat auprès
des entreprises qu'elles desservent déjà et offrir leurs services
à celles qui désireront se doter d'un service de
santé.
Dans cette perspective, nous proposons que l'intervention des cliniques
privées dans les secteurs ne bénéficiant pas
immédiatement des ressources de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail soit faite dans le cadre de contacts plus
fréquents et plus étroits avec les autres instances en
santé et sécurité au travail: centres hospitaliers, DSC,
CLSC.
Cette étape dans l'application de la loi permettrait à la
Commission de la santé et la sécurité du travail
d'apprécier l'étendue des services et la compétence du
personnel des cliniques privées.
Je vais sauter les projets d'amendements aux articles 63 et 88.
Toutefois, en les soustrayant, ce n'est pas un indicatif de notre
intérêt et de notre souci de ces deux articles.
Je vais également sauter les autres propositions et arriver
à la conclusion.
Dans notre intervention, nous avons voulu tout d'abord souligner
l'existence de certains services médicaux oeuvrant en médecine du
travail tout en appartenant au secteur privé. Nous espérons
être parvenus à les situer dans le cadre de ce milieu de travail
auquel ils appartiennent à part entière, de par leur
compétence, leur expérience et leur implication dans le
milieu.
Au moment d'entreprendre une réforme en profondeur de toute la
politique de santé et de sécurité du travail, et devant
l'ampleur de la tâche, nous savons pertinemment que toutes les
énergies doivent être mises à contribution. Cela est
particulièrement vrai considérant l'esprit qui a
présidé à la rédaction du livre blanc puis du
projet de loi et la base de tout ce projet, soit le rôle actif du milieu
de travail, prenant lui-même en charge sa propre santé et sa
propre sécurité. C'est pourquoi nous nous posons la question
suivante: Alors qu'il y a tant à faire pour modifier les conditions de
santé et de sécurité au travail, peut-on se priver de la
contribution importante qu'apportent les cliniques privées de
médecine du travail?
Dans l'affirmative, qu'adviendra-t-il alors de ces cliniques? Car,
l'article 288 du projet de loi relatif à son entrée en vigueur ne
prévoit aucune date et ne mentionne pas les articles qui seront
appliqués prioritairement, non plus que les secteurs d'activité
économique touchés les premiers. De plus, de nombreux points
pouvant influencer considérablement l'application de la loi ne sont pas
précisés dans un article du projet de loi, mais devront faire
l'objet de règlements par la Commission de la santé et de la
sécurité au travail, ainsi dans les 100 premiers articles, on
fait 27 fois mention de référence à des règlements
encore inconnus. C'est le cas notamment des modalités de formation des
comités paritaires des établissements où des services de
santé seront fournis aux travailleurs, des modalités de
financement de tout le système, etc.
Il est donc extrêmement difficile de juger de l'ampleur de la
présente loi et d'évaluer quand elle pourrait être
appliquée intégralement. Dans cette attente, que feront les
cliniques privées? Qu'advient-il du personnel à leur emploi, de
l'équipement dont elles disposent, de leur investissement? Que se
passe-t-il au moment de l'adoption de cette
loi et surtout après, quand le programme est
généralisé à toutes les entreprises, sans que les
cliniques privées y soient intégrées? Le gouvernement
prévoit-il un dédommagement quelconque? Ce sont, bien sûr,
des hypothèses, et personne ne souhaite être confronté
à une telle réalité.
En effet, nous sommes persuadés qu'il y a place, à
l'intérieur d'une politique efficace de santé et de
sécurité au travail, pour toutes les ressources disponibles et
qu'une entente en ce sens interviendra entre toutes les parties
concernées. Nous rappelons au gouvernement notre disponibilité
pour discuter de ce dossier et notre motivation à continuer à
oeuvrer en médecine du travail. M. le Président, je vous
remercie.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fauteux.
Alors, M. Fauteux et M. Pigeon, nous vous reverrons cet après-midi,
à 15 heures. Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à
15 heures.
Suspension de la séance à 13 h 11
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, nous allons reprendre les travaux de la commission.
Au moment de la suspension des travaux, nous avions assisté à la
présentation du mémoire de la Clinique de médecine
occupationnelle de Montréal et nous en étions aux questions
à nos invités. La parole est au ministre. M. Fauteux.
M. Fauteux: Étant donné que j'ai l'impression que
c'est une situation un peu inhabituelle de faire une présentation en
deux parties, récompensée par un lunch bien mérité,
je me demandais si je pouvais vous demander, M. le Président, de
permettre à mon collègue, le Dr Pigeon, de vous faire un petit
exposé de deux minutes.
Le Président (M. Dussault): D'accord. Vous avez la parole,
M. Pigeon.
M. Pigeon (Marcel): En fait, ce que je voudrais apporter, ce
serait peut-être un résumé très succinct de ce qu'on
a voulu faire ressortir à la lumière du mémoire qu'on a
présenté. Pour résumer, je dirais qu'il y a quatre
éléments importants dans le mémoire qu'on a voulu
présenter. Le premier élément qu'on a voulu décrire
dans notre mémoire, c'est la situation qu'on vit actuellement dans notre
clinique de médecine occupationnelle qui est une clinique privée
à vocation uniquement de médecine du travail. En effet, depuis
quelques années, on vivait une situation qui était plutôt
stable, c'est-à-dire qu'on rendait des services dans le domaine de la
médecine du travail à différentes entreprises qui avaient
fait appel à nous possiblement parce que chez elles déjà
existait une vocation ou une certaine préoccupation en ce qui concerne
la santé et la sécurité au travail.
On peut dire que, pendant plusieurs années, depuis la
création de la clinique en 1973, on vivait plutôt une situation
d'évolution linéaire. Maintenant, disons depuis un an ou deux,
probablement parce que la santé et la sécurité au travail
sont devenues un sujet d'actualité, on a une situation qui est tout
à fait contraire, à savoir que ce qu'on vit actuellement, a
vraiment pris l'allure d'une évolution logarithmique. Ce que je veux
dire par là, c'est que les demandes autant de la part des employeurs que
des milieux des travailleurs débordent chez nous, ce qui fait
qu'à un moment donné on se demande vraiment si on est la seule
ressource dans ce domaine. C'est le premier élément qu'on a voulu
mentionner au début en disant qu'on existait. Quand on mentionne des
statistiques comme une cinquantaine d'entreprises qui peuvent faire appel,
à certains moments, à nos services et que cela regroupe 20 000
employeurs, on n'a pas la prétention de dire qu'à ce moment on
remplit toutes les fonctions ou qu'on assume toutes les responsabilités
que posent la santé et la sécurité au travail dans ces
entreprises.
Deuxièmement, dans le mémoire qu'on a
présenté, on a fait des recommandations en ce qui concerne les
modes de fonctionnement des cliniques privées en médecine du
travail. Ce que j'aimerais mentionner, c'est que ce ne sont pas uniquement des
modes de fonctionnement théoriques; ce sont des modes de fonctionnement
qui existent actuellement, qu'on utilise, qui peuvent être
perfectionnés, qui se doivent d'être perfectionnés. Mais ce
sur quoi je veux insister, c'est que ce sont des modes de fonctionnement qui
marchent. Cela permet de progresser, cela permet de réaliser quelque
chose de positif pour assurer à la fois une meilleure protection du
travailleur et, disons il ne faut pas se le cacher une protection
de l'employeur, en lui permettant d'avoir des employés qui sont plus
habilités à faire leur travail de façon adéquate et
à donner un meilleur rendement.
La troisième chose qu'on a voulu mentionner dans notre
mémoire aussi, c'est qu'on est bien conscient, vu tout ce qui a
été mentionné par d'autres intervenants, ne serait-ce que
par les intervenants de ce matin, vu les lacunes sur le plan législatif,
vu les lacunes énormes et le fouillis qui peut exister, à un
moment donné, en ce qui concerne les juridictions dans ce qui peut
entrer sous le vaste parapluie de la santé et de la
sécurité au travail, qu'actuellement la Clinique de
médecine occupationnelle a des lacunes et qu'il est très
difficile actuellement de trouver des solutions.
J'aimerais donner un exemple à partir de ce que je connais,
à partir de ce que je fais quotidiennement, c'est-à-dire en tant
que professionnel-médecin travaillant dans une clinique de
médecine occupationnelle. Il arrive souvent, je pense, qu'on se retrouve
dans des situations où on a ce que j'appellerais non pas un pouvoir
consultatif, mais
une compétence sur le plan consultatif pour déterminer une
situation, préciser la problématique d'une situation et
même, éventuellement, suggérer des solutions ou des
éléments de solutions à des situations qui peuvent
être problématiques. (15 h 15)
Ce qui nous manque souvent, c'est le pouvoir exécutif. C'est
là, je pense que et je répète ce qui a
été dit probablement depuis le début des
présentations ici la loi 17 sur la santé et la
sécurité au travail est essentielle du fait que ce rôle va
devoir toujours revenir de façon primordiale au législateur,
c'est-à-dire au gouvernement.
Le quatrième élément que je voulais apporter, c'est
la question qui est un peu plus aiguë ou un peu plus pressante en ce qui
nous concerne, c'est, concrètement parlant, dans le projet de loi ce qui
nous attend en tant que personnes civiles, en tant qu'entités dans
l'avenir immédiat. Je résumerais la situation de deux
façons différentes. Ce qu'on voudrait savoir, du moins
l'intention qu'on aimerait pouvoir percevoir du ministre, c'est si, à la
lumière de l'information qui peut être accumulée sur le
dossier ou le rôle des cliniques privées en médecine
occupationnelle, le diagnostic qui a été porté à la
lumière de tout cela, c'est celui d'un décès à
court terme, et à ce moment-là, c'est une entité qui
disparaît, c'est une ressource qui disparaît. Ou bien est-ce que,
par ailleurs, il y a possibilité d'envisager une intégration
harmonieuse avec l'assurance que, pour les professionnels qui, jusqu'ici ont
oeuvré avec dévouement, avec toute leur compétence au sein
d'une clinique privée de médecine occupationnelle, ils peuvent
aspirer à une permanence et aussi à une certaine satisfaction de
la reconnaissance d'une compétence et d'un apport positif dans le grand
projet social qu'on est en train de concrétiser avec le projet de loi no
17? C'est un peu ce que je voulais vous dire.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Pigeon. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal de son
mémoire. On a eu ici, depuis le début de nos travaux, l'occasion
de discuter à plusieurs reprises du fond du problème qui est
soulevé également par votre mémoire. Donc, je n'ai pas
l'intention de revenir de nouveau aujourd'hui à la charge. On a eu
l'occasion d'en discuter longuement. Le témoignage que vous avez rendu,
chacun des parlementaires en a certainement fait son profit et ajoutera
à la lumière, en plus, des discussions qu'on va avoir maintenant
à partir des échanges sur la base des questions, des remarques ou
des commentaires qui seront formulés par l'un et l'autre des
parlementaires présents à cette commission. C'est uniquement
à la suite de cette commission, sans quoi une commission parlementaire
n'a plus aucune espèce de raison d'être. Si la commission
parlementaire est un endroit où on interroge le ministre sur chacune des
recommandations qu'on formule, je vous rappelle que je ne sais pas si on est
sur le bord de battre un record. On me dit que passé quelque 60
auditions, ce serait quelque chose de plus que ce qui s'est passé pour
la loi 101. Quelque 60 mémoires, mettez une moyenne de je ne sais pas
combien soyons modestes et conservateurs une quinzaine de
recommandations par mémoire, vous ne me demandez quand même pas de
répondre. Là, on renverserait les rôles
complètement.
J'aurai à répondre, comme ministre responsable, du projet
de loi en temps et lieu. Mais au préalable, je pense qu'on est ici pour
discuter avec les parties qui se présentent devant nous et essayer,
à la lumière de la réalité d'un certain nombre
d'objectifs qui sont clairs, de principes aussi qui doivent être clairs,
des ajustements requis pour établir les meilleures modalités
possible pour bonifier au maximum le projet de loi et faire en sorte d'assurer
la meilleure contribution des ressources disponibles du milieu. Donc, je ne
veux pas reprendre toute la discussion de fond. Je m'arrêterai à
quelques questions précises suivies d'un premier commentaire d'ordre
très général.
En introduction de votre mémoire, vous nous indiquez que votre
clinique offre à des entreprises des services médicaux,
paramédicaux complets selon les besoins. C'est dans cette philosophie
que, par exemple, on peut lire aussi dans votre prospectus publicitaire qu'une
équipe d'infirmières peut se rendre au domicile du travailleur
vérifier si des absences au travail pour raisons de santé sont
justifiées. Cela apparaît en annexe. Il est évident que si
une clinique comme la vôtre veut continuer dans la même ligne
d'intervention que ce qui ressort, notamment, du prospectus qui est en annexe,
notamment, je dis bien, mais pas exclusivement, il n'y a aucun doute qu'il y
aura toujours preneur dans le milieu, du côté des entreprises,
même après l'adoption de la loi 17 et ce, indépendamment
des conclusions qu'on pourrait tirer sur l'autre aspect, l'autre dimension du
problème qui est soulevé.
D'autant plus que la porte n'est pas fermée, puisque la porte est
ouverte, vous l'avez signalé vous-mêmes, par le deuxième
paragraphe de l'article 86 et par le fait aussi que ce n'est certainement pas
l'intention du législateur et ce n'est pas ce que fait le projet
de loi no 17 de priver quelque employeur que ce soit de la
possibilité d'avoir des groupes-conseils qui pourraient l'entourer.
Notre préoccupation première, fondamentale, c'est de faire en
sorte, pour les hommes et les femmes qui sont au travail et qui ne disposent
pas, présentement, des services médicaux, paramédicaux, de
santé, basés sur une approche de dépistage ou une approche
épidémiologique, comme on dit dans le milieu, que cela se fasse.
Et on sait fort bien qu'on part de loin, qu'il y a beaucoup à faire et
que tout ne pourra pas être fait en même temps; cela c'est certain.
Quelle que soit la voie choisie, que ce soit une voie publique, une voie mixte
ou une voie privée, peu importe, dans l'état actuel des choses,
il y a beaucoup à faire et il va falloir comprendre, tout le monde, que
cela ne peut pas se
faire autrement qu'avec un certain gradualisme, en choisissant les
points qui sont les plus prioritaires. Donc, pour l'instant, c'est
l'état de la situation.
Cela étant dit, je voudrais vous poser trois ou quatre questions
très précises. On a regardé cela un peu, de notre point de
vue, on a analysé la réalité sur une période de
deux ans, ce qui se faisait, ce qui ne se faisait pas, ce qui existe, ce qui
n'existe pas. Comme vous êtes dans le milieu des cliniques
occupationnelles privées, à votre connaissance à vous,
combien y a-t-il, au Québec, présentement, de cliniques
occupationnelles un peu de fa taille de la vôtre? Deuxièmement,
vous nous donnez un certain nombre de chiffres, une cinquantaine d'entreprises,
20 000 travailleurs qui sont couverts. J'aimerais que vous nous disiez, d'une
part, quelle est la taille moyenne des entreprises je peux dire en
nombre de travailleurs que vous desservez et, d'autre part, quelle est
la taille de la plus petite et quelle est la taille de la plus grande.
Troisièmement, vous n'en faites pas état dans votre
mémoire, à ma connaissance, sous réserve de me tromper.
Mais, comme vous êtes dans le domaine de la médecine
occupationnelle, je pense qu'il aurait été intéressant
et je me permets de vous poser la question qu'un groupe comme le
vôtre donne son avis sur des choses qui sont en débat
présentement et sur lesquelles le gouvernement a un choix
extrêmement important à faire, concernant la santé et la
sécurité de ceux et de celles qui sont les premiers
concernés encore une fois. Ce n'est pas d'abord nous, ce n'est pas
d'abord les professionnels, il faut les mettre à contribution et ouvrir
toutes les possibilités maximales, mais ce sont d'abord des hommes et
des femmes qui sont au travail. Je pense qu'il serait extrêmement
intéressant qu'on ait votre opinion, notamment sur cette idée qui
a été évoquée. On a introduit dans le projet de loi
le principe du retrait préventif. Là, on développe une
approche qui vise à dépister les problèmes avant que les
drames arrivent.
La première application concrète prévue par le
projet de loi no 17 concerne la femme enceinte au travail. J'aimerais que vous
nous disiez, sur la base de votre expérience, dans quelle mesure vous
pensez qu'il serait pertinent ou non que le gouvernement élargisse
l'application de ce principe pour l'ouvrir à l'ensemble des
travailleurs, étant bien entendu que, sur une base scientifique, on ne
connaît pas encore, d'une façon scientifique et certaine, tous les
types d'altérations. Il y en a qu'on connaît, il y en a qu'on ne
connaît pas; donc, il y a un gradualisme nécessaire possible. Mais
est-ce qu'il vous apparaît que c'est une clef, que c'est quelque chose de
fondamental, ou est-ce qu'il vous apparaît que c'est quelque chose de
tout à fait secondaire et qu'on ne devrait même pas
s'arrêter à une chose comme celle-là?
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et
questions que j'avais à formuler.
M. Fauteux: M. le Président, je me permettrai de
répondre aux questions dites administratives et le Dr Pigeon
répondra à M. le ministre sur les questions purement sur le plan
professionnel.
Vous avez mentionné, d'une part, au début de votre
énoncé, M. le ministre, cette remarque concernant les visites
d'infirmières, à titre de contrôle d'absences. Si vous avez
bien lu le prospectus, je vous rappellerai que ce service est offert, non pas
par la clinique, comme telle, mais bien par une compagnie, un organisme
associé à la clinique, un organisme d'infirmières
visiteuses.
Je ne voudrais pas, ici, faire la synthèse, ou l'explication ou
la justification d'un tel service, mais il faut peut-être simplement
ajouter non seulement un service d'infirmières visiteuses,
côté policier ou côté dramatique, parce qu'on aime
souvent, dans le milieu du travail, non seulement dans le milieu du travail,
mais même de la part des travailleurs, ressortir les côtés
négatifs et regarder les méchants quand on parle de
médecine du travail alors que le contrôle d'absence, pour nous, a
un apport positif pour la formation et l'éducation des gens qui se
disent malades, qui se disent absents au travail pour des raisons
légitimes. Je pense que ces infirmières aident à orienter
ces gens, à faciliter un suivi médical ou les orienter vers
l'obtention de ce suivi médical du côté
thérapeutique ou autre.
En ce qui a trait à l'article 86, il est évident qu'au
deuxième paragraphe, tel que cité dans notre mémoire, on
laisse une porte entrouverte, pour employer vos mots, en ce qui a trait aux
cliniques privées. Mais depuis l'automne 1978, depuis la publication du
projet de loi no 17, il nous semble que la porte s'est rétrécie
de façon assez importante, à tel point on se demande quand la loi
prendra effet, s'il n'y aurait pas encore un mouvement additionnel dans cette
porte et s'il faudra vraiment passer de côté pour y
pénétrer.
Dans les services qu'offre une clinique telle que la nôtre, une
clinique qui ne fait que de la médecine du travail, il est très
difficile, je crois, de faire du demi-temps dans une telle sphère de
travail. Si on veut bien faire notre travail, il faut être
impliqué à plein. Autrement dit, combien y avait-il de cliniques
de médecine du travail ici au Québec? Si on ne regarde que les
cliniques qui font vraiment, je dirais, à 100% ou à peu
près de vocation de leur temps en médecine du travail, il y en a
une ici même à Québec et il y en a trois à peine,
peut-être quatre à Montréal. En plus, peut-être, des
cliniques paritaires ou des cliniques... Je pense à la clinique
médicale de l'amiante ou des cliniques du genre. Des cliniques telle
quelles, il n'y en a que quatre au Québec.
M. Marois: II n'y en a que quatre.
M. Fauteux: C'est cela, oui. Quant à la taille moyenne ou
au profil des entreprises que l'on dessert, essentiellement, les entreprises
desservies par la nôtre sont d'une part des entreprises à risques
moyens ou à petits risques. On représente très peu
d'entreprises qui ont des risques sérieux en milieu de travail.
Évidemment, de par l'entreprise, il peut exister des postes de travail
qui sont plus hasardeux que d'autres, mais dans l'ensem-
ble, ce ne sont pas des industries à risques élevés
proprement dites. Le genre d'entreprises qui ont recours à nos services
part de la petite entreprise qui a de cinq à dix employés et va
vraiment jusqu'à d'autres sociétés qui n'ont
peut-être pas loin de 12 000 employés. Les raisons, en fait, sont
variées. On retrouve chez nous beaucoup de compagnies ou de
sociétés à succursales multiples, des
sociétés qui ont peut-être à leur siège
social un service médical et une direction médicale. Ici, au
Québec, elles n'en ont pas, elles nous ont donné seulement... Je
pense à des chaînes d'alimentation, qui sont complètement
décentralisées à l'échelle de la province. Je pense
également à des établissements financiers qui sont
à succursales multiples et qui, dans l'ensemble, sur le plan corporatif,
sont des grosses boîtes, mais, à cause de leur
décentralisation, je crois qu'ils ont avantage à se servir d'un
organisme comme le nôtre qui est structuré à
l'échelle de la province. Il y a les sociétés
fédérales de la couronne qui font affaire avec nous. Il y a des
sociétés de la province également, parapubliques, qui font
affaire avec nous. Il y a une variété d'entreprises de services
publics et de services industriels, manufacturiers, commerçants,
transports, alimentation.
M. Marois: Si je comprends bien, vous desservez un certain nombre
d'entreprises qui, notamment, ont, à l'échelle du Québec,
par exemple, plusieurs points de services sur le territoire, ou points de
distribution ou de vente, enfin, peu importe, je ne veux pas connaître le
nom des entreprises... Pardon?
M. Fauteux: En partie, mais non pas exclusivement.
M. Marois: Donc, quand vous me répondez en disant qu'il y
a notamment des entreprises où il y a cinq employés, c'est de
cela dont vous parlez.
M. Fauteux: Non, quand je parle de cinq employés...
M. Marois: Dont certains points de vente sont... Pardon?
M. Fauteux: Quand je parle purement de cinq employés, je
parle d'une boutique, d'une boîte à propriétaire unique ou
d'une entreprise quelconque qui n'a que cinq employés, mais qui a
recours à nos services lorsqu'elle reconnaît l'importance de la
santé et de la sécurité au travail et de la
médecine préventive et y croit. (15 h 30)
M. Marois: Évidemment, cela vaut ce que cela vaut et cela
n'indique pas plus que cela. Mais une cinquantaine d'entreprises, 20 000
employés, cela fait une moyenne de 400, pas loin.
Vous dites qu'un groupe, une entreprise à elle seule, c'est 12
000. Donc, les 50 autres...
M. Fauteux: Quand on a parlé de 50 employeurs, c'est
beaucoup plus dans le sens que si on nous demandait de tabler nos clients, on
pour- rait facilement tabler 50 clients qui font affaires avec nous sur une
base permanente. Mais, dans l'ensemble, il y a beaucoup de clients qui font
affaires avec nous d'une façon sporadique ou occasionnelle.
J'aimerais peut-être que le Dr Pigeon réponde à
votre question sur le congé...
M. Pigeon: Si je peux ajouter deux commentaires très brefs
à ce que M. Fauteux a dit...
Le Président (M. Dussault): Pouvez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît?
M. Pigeon: Ce que je disais, c'est que si je peux ajouter deux
très brefs commentaires à ce que M. Fauteux a dit, en ce qui
concerne le type d'entreprise qu'on dessert il y a une réalité ou
une situation un petit peu particulière qu'il n'a peut-être pas
bien précisée. On a des entreprises qui font appel à nos
services qui ont souvent une réalité bien particulière,
à savoir que ce sont des entreprises qui sont soit hautement
automatisées ou spécialisées, ce qui fait que le nombre
des travailleurs que j'appellerais les travailleurs cadres ce que
j'appelle les employés de bureau par rapport aux employés de la
production ou les employés manuels souvent, la proportion est de
50-50 ou même elle est l'inverse de ce qu'on va avoir dans l'industrie
lourde, ce qui nous amène souvent à avoir dans une entreprise des
postes à risques très élevés, mais pour un nombre
très minime d'individus. Ces entreprises vont recourir à nos
services parce que pour elles le nombre d'employés ne justifie pas, sur
le plan purement financier, l'investissement que cela leur demanderait de faire
pour s'assurer qu'il y ait des mécanismes adéquats de
contrôle pour ce qui est de la santé et de la
sécurité au travail de ces quelques postes.
Le deuxième commentaire que je voulais ajouter en ce qui concerne
ce que M. Fauteux a dit, c'est qu'il faut être honnête, être
franc et dire que les petites entreprises, quand on parle de petites boutiques,
ce qui est à la mode, les PME, frappent chez nous comme elles n'ont
jamais frappé.
M. Marois: À 5, c'est plus petit encore. Ce sont des PPE,
c'est petit, petit, petit.
M. Pigeon: Je suis d'accord. Mais aussi surprenant que cela
puisse vous paraître, nous sommes vraiment surpris de voir qu'à un
moment donné on a un téléphone et qu'on doit rencontrer M.
Untel qui voudrait profiter de nos services, pour se rendre compte que nos
services pourraient s'appliquer à cinq ou six de ses employés,
parce que c'est tout son personnel. C'est ce que je veux mentionner. Je pense
que c'est un effet bénéfique, positif de l'évolution
sociale qu'on connaît actuellement, à savoir que...
M. Marois: Je m'excuse infiniment de vous interrompre, c'est
parce que je n'arrive pas à concilier vos chiffres. Si, parmi... c'est
juste pour voir ce que cela donne. De toute façon, la
réalité, vous
dites qu'à votre connaissance il y a quatre cliniques un peu du
genre de la vôtre au Québec.
Vous dites que dans votre cas c'est une cinquantaine d'entreprises, 20
000 employés. Vous dites que parmi les 50 entreprises qui sont vos
clients... par entreprise, je comprends corporation d'une façon ou d'une
autre si elle a été enregistrée, ou corporation au sens de
la loi. 50 qui ne sont pas les mêmes. Dans les 50, vous ne calculez pas
dix fois la même?
M. Pigeon: Non.
M. Marois: 50 unités au sens juridique. Vous en avez une
là-dedans qui a 12 000 employés et 49 autres.
M. Fauteux: M. le ministre, je ne croyais pas que cette question
serait si importante, mais elle est quand même intéressante.
M. Marois: C'est pour voir la taille.
M. Fauteux: Vous me faites réaliser que, quand je vous
parle d'un client de 12 000 employés, c'est un client qui nous est venu
pendant l'été 1979. Alors, il y aurait peut-être tout
simplement lieu de réviser les chiffres et de dire que c'est
peut-être 35 ou 32 ou quelque chose d'un peu plus au-dessus de 20 000.
Pour nous, ce sont des chiffres qui ont paru dans un autre travail au cours de
l'année. Ce ne sont peut-être pas les chiffres les plus à
jour.
M. Pagé: C'est pointilleux un peu.
M. Fauteux: Oui, il est pointilleux un peu. J'allais le dire,
mais ce n'est pas mon rôle. Je pense qu'il est intéressant de
noter de cela, je suis obligé de vous corriger, qu'il y a quand
même une dynamique assez importante chez nous et une croissance
très importante de nos effectifs. Si vous me demandiez les mêmes
chiffres pour l'année passée, l'année
précédente ou il y a trois ans, franchement, vous me poseriez
peut-être une question, à savoir comment je gagnais mon pain. Il y
a eu une croissance très importante, du moins dans notre clinique,
depuis trois ans et particulièrement depuis non pas la parution du
livre, mais peut-être les quelques mois qui ont
précédé la parution où il y a eu cet
intérêt, cette inquiétude et ce souci de s'aligner, de
prévoir le projet de loi.
M. Marois: Dans ce sens, s'il y a ça, tant mieux; c'est
déjà une bonne chose, mieux vaut tard que jamais!
M. Pagé: Pourvu que ça dure!
M. Marois: Pourvu que ça dure! De ça, on va s'en
occuper que ça dure, monsieur, je vous en passe un papier. Le
député de Portneuf peut trouver que je suis pointilleux et on ne
viendra pas nous reprocher après de ne pas scruter la
réalité, je prends les chiffres que vous nous communiquez et
j'essaie simplement de voir quelle est la réalité actuelle des
services. Vous me dites qu'il y a quatre cliniques et je prenais vos chiffres,
mais dans la foulée de votre témoignage, il y a des ajustements
qui s'imposent; je ne vous en fais pas grief, on est là pour discuter,
je veux simplement essayer d'avoir le tableau de votre point de vue.
On a des données en main, on a regardé ça quand
même depuis deux ans. On a des données d'une situation qui
évolue; c'est vrai, depuis peut-être un an et demi, deux ans, Dieu
merci, ça commence à évoluer plus rapidement que ça
évoluait avant, il est temps, mais ce n'est pas nous qui allons
arrêter le mouvement, certainement pas, bien au contraire. Donc, il est
normal qu'il y ait des chiffres, mais je n'arrivais pas à les concilier,
j'essayais simplement de comprendre ce que vous dites.
M. Fauteux: II nous ferait plaisir, M. le ministre, de vous
présenter en annexe un détail plus complet des activités
de la clinique, du profil des compagnies clientes et du nombre de
travailleurs.
M. Pigeon: J'aimerais faire des commentaires au sujet de la
question qui nous a été posée par M. le ministre, à
savoir notre position en ce qui a trait à un élément qui
est quand même un élément très important du projet
de loi no 17, à savoir toute la question du retrait
préventif.
J'aimerais que ma réponse soit interprétée comme
étant celle d'un professionnel de la santé et médecin.
Pour moi, le projet de loi no 17 a sa raison d'être, à condition
que l'élément retrait préventif y soit inclus de
façon intégrale. En disant ça, je semble prendre une
position extrémiste, mais je pense que je suis probablement
appuyé par tous mes confrères médecins, ne serait-ce que
l'expérience du contact quotidien des travailleurs, un après
l'autre, qui m'a amené à avoir confiance dans les
travailleurs.
Je pense que les débats qu'on fait très longuement dans la
crainte qu'un projet de loi puisse faire place à des abus sont
justifiés, parce qu'il faut toujours essayer de prévenir les
abus, plutôt que d'avoir à les guérir; c'est un peu comme
le problème de la santé, il vaut mieux être en santé
que de guérir d'une maladie. Je pense qu'il faut faire confiance
à la population québécoise et dire que la plupart des
travailleurs, la plupart des associations de travailleurs ont une certaine
maturité qui va les amener à réagir de façon
positive ou favorable à l'ensemble du projet, avec
l'élément clef qui est le retrait préventif. J'appuie
cette opinion sur mon expérience personnelle depuis cinq ans en
médecine du travail. C'est que j'ai vécu des situations où
les relations entre employeurs et travailleurs pouvaient être des plus
harmonieuses, comme des plus discordantes, mais dans un cas comme dans l'autre,
je me suis rendu compte que les statistiques d'abus étaient à peu
près les mêmes.
J'ai l'impression que dans le domaine de la santé au travail, les
"abuseurs", si on veut bien me permettre cette expression, vont se retrouver
non
pas en plus grand nombre, ni en plus petit nombre que dans le domaine de
la santé d'autres secteurs je ne sais pas si je m'exprime bien
ce qui veut dire que je ne pense pas que ça constitue un
problème en soi, l'abus excessif qu'il pourrait y avoir vis-à-vis
du travail. C'est un peu comme dans le domaine de l'assurance ou de
l'assurance-maladie; je caricaturerais la situation en disant que tout le monde
prend une assurance-maladie. Il y a 80% des gens qui vont payer leurs primes
d'assurance-maladie et qui ne s'en serviront jamais, il y en a 10% qui vont les
payer et qui vont s'en servir pour raisons valables et il y en a
peut-être 10% qui vont s'en servir pour des raisons plus ou moins
valables, mais je pense qu'en définitive tout le monde va en
bénéficier.
Quand j'ai fait ma petite introduction, tantôt, à savoir
que mon troisième point, sur lequel j'ai peut-être plus ou moins
insisté, était celui où je mentionnais qu'on reconnaissait
qu'on avait des lacunes. Ce que je veux dire par là c'est que c'est
évident que sur le plan purement professionnel, compétence
médicale, M. le ministre l'a dit et l'a
répété souvent depuis ce matin en ce qui concerne
la santé au travail, il y a beaucoup de terrain à
défricher. Évidemment, en ce qui concerne la médecine
curative, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont connues; en ce qui
concerne la médecine au travail, tout est à découvrir ou
à peu près, selon moi.
Ce qui veut dire que je pense, de ce point de vue, que les
professionnels médecins, qui ont oeuvré en médecine du
travail et qui oeuvrent encore ont à développer une
compétence et à profiter d'autres outils pour développer
une plus grande compétence, genre d'outils comme il a
été mentionné par M. le ministre comme des
ressources en épidémiologie, des ressources en information, en
formation et en éducation du milieu des travailleurs. Mais
vis-à-vis des situations qui sont déjà connues,
existantes, ce que j'ai mentionné en introduction, c'est qu'il nous
manque, à nous professionnels de la santé qui constatons des
situations problématiques, un pouvoir exécutif pour mettre un
arrêt immédiat à ces situations problématiques. Le
retrait préventif, selon moi, est la clé dans l'immédiat
tout en comptant sur les autres rapports qui sont dans le projet de loi no 17
comme les éléments formation, recherche,
épidémiologie et éducation qui vont nous amener à
acquérir tous les travailleurs dans le domaine de la santé
et de la sécurité au travail, pas uniquement les médecins
une meilleure connaissance du milieu de travail et en même temps
une meilleure connaissance des moyens pour conserver cette santé et
cette sécurité au travail.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Pigeon. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais être moi
aussi très bref. Je n'aurai qu'un commentaire à vous formuler et
vous remercier de la présentation de votre mémoire. Il y a
beaucoup de choses qui ont été dites. Il y a déjà
peut-être une bonne cinquan- taine d'heures même plus que
cela, c'est la treizième journée aujourd'hui - que nous
siégeons et plusieurs des éléments que vous citez ont
été abondamment discutés. Vous avez eu l'occasion de
prendre connaissance des différentes positions adoptées par les
membres de la commission ici autour de la table et vous aurez d'ailleurs
l'occasion, aussi, de voir les attitudes adoptées par les
différents partis, les différentes formations politiques au
moment de la deuxième lecture, au moment de l'étude du projet de
loi article par article. Je retiens de votre mémoire l'inquiétude
que vous avez. Vous êtes de ceux qui ont déjà oeuvré
dans le domaine de la santé. Vous êtes de ceux qui ont
participé avec l'entreprise privée, les travailleurs et tout
cela. Au risque de me répéter, très brièvement,
vous savez notre attitude à nous. Notre grande crainte dans le projet de
loi, c'est que le projet de loi vienne mettre de côté les
initiatives du travail concluant et positif qui s'est fait dans le passé
et qu'on vienne remplacer tout cela par un mécanisme de structures, une
nouvelle commission de santé et de sécurité qui viendra
adopter des programmes cadres de santé. La grande crainte que nous
avons, c'est le fait de mettre de côté ce qui s'est fait dans le
passé, qu'on soit perdant à certains égards et que
même le travailleur du Québec soit perdant à certains
égards. Je comprends votre inquiétude parce que les cliniques
privées n'apparaissent qu'à l'article 86. Comme vous le dites
c'est quand même très limitatif comme possibilité de
participation éventuelle à la nouvelle structure ou aux nouveaux
services qui seront mis de l'avant parce que si on lit l'article 86, c'est que
le chef du département de santé communautaire peut toutefois
accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé lorsque
cela s'avère nécessaire à cause de la
non-disponibilité des autres locaux. C'est quand même très
limité et j'hésite à croire, quant à moi, que les
départements de santé communautaire, une fois qu'ils auront les
pouvoirs, une fois qu'ils auront les budgets parce qu'on peut
présumer qu'ils auront des budgets qu'ils fassent affaires sous
forme de contrat ou autrement de façon fréquente avec les
cliniques médicales privées. Je comprends votre
inquiétude. On a discuté. On a échangé. Quelle sera
votre place dans tous ces mécanismes qui seront établis avec la
loi 17. C'est au gouvernement à répondre. Quant à nous,
notre rôle doit être de le sensibiliser à ce qui s'est fait
de bien. Je conviens qu'il y a eu des problèmes dans le passé. Je
conviens qu'il y a des choses à corriger, mais on ne peut pas
écarter du revers de la main ce qui s'est fait de bien dans plusieurs
entreprises au Québec par l'initiative qu'elles ont
déployée, l'effort qu'elles ont déployé
parce qu'il y a des entreprises qui ont déployé des efforts au
chapitre de la santé et de la sécurité qui se sont
avancées, qui ont établi elles-mêmes des codes, des normes
de contrôle et des normes à respecter. Il ne faudrait pas qu'avec
le projet de loi no 17 on mette tout cela de côté du revers de la
main pour en arriver à une norme générale et globale qui
s'appliquera peut-être à la
grandeur du Québec et qui risque d'être en
deçà de ce qui se faisait déjà dans l'entreprise.
C'est notre position. On aura l'occasion d'y revenir. Je comprends votre point
de vue. Je comprends votre inquiétude. (15 h 45)
C'est maintenant au gouvernement à parler et il parlera tant en
deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi, article
par article, au moment des modifications que le gouvernement entend apporter
parce qu'à plusieurs reprises, le ministre d'État au
Développement social nous a dit que certaines choses étaient
à revoir. On peut présumer qu'il y aura des modifications, qu'il
y aura des amendements, et c'est à la lumière de ces amendements
qu'on pourra nous-mêmes en présenter ou encore prendre position
sur ces amendements.
M. Fauteux, Docteur, merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de Sainte-Marie,
en vous rappelant que nous avons commencé à prendre gravement du
retard.
M. Bisaillon: M. le Président, je pense que vous
reconnaîtrez le premier que je n'ai pas abusé du temps de la
commission, depuis le début des audiences. Je vais quand même
essayer de me limiter aux cinq minutes que vous m'accordez.
Le Président (M. Dussault): Quatre.
M. Pagé: Quatre.
M. Bisaillon: Quatre?
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Bisaillon: Quatre et demie.
Le Président (M. Dussault): Commencez.
M. Bisaillon: Mes premiers commentaires s'adresseraient au
docteur Pigeon, peut-être par la suite, s'il me reste du temps, je
parlerai à M. Fauteux. Vous avez, en réponse à une
question, docteur Pigeon, parlé en disant: je vais vous répondre,
et là, c'est le professionnel de la santé qui vous répond,
sur la question du retrait préventif. Je suis intéressé
à avoir des commentaires d'un médecin qui a travaillé
depuis cinq ans, vous dites, dans le milieu du travail, mais appelé
à faire ce travail par des entreprises, finalement, par des employeurs.
M. Fauteux a dit, tantôt, qu'il y a des entreprises qui faisaient appel
à vos services de façon sporadique. J'ai donc compris qu'il
arrivait parfois qu'une entreprise faisait appel à vos services,
probablement et là j'interprète pour régler
un problème spécifique qui se présente dans son
entreprise, que vous pouvez ou non régler, mais c'est en fonction de
besoins spécifiques qu'une entreprise vous appelle.
Ce que je veux vous demander c'est: est-ce qu'il vous est arrivé,
durant les cinq années pendant lesquelles vous avez oeuvré dans
ce domaine, d'avoir à travailler auprès des employés d'une
entreprise, et de poser un diagnostic qui forçait cette entreprise
à faire des modifications majeures à son fonctionnement, en terme
de sécurité ou en terme de santé au travail? Est-ce que
cela vous est arrivé depuis cinq ans?
M. Pigeon: Oui, je dois dire que votre question demanderait une
réponse plus nuancée que ne l'est votre question.
M. Bisaillon: Mais, vous pouvez prendre le temps. C'est moi qui
ai cinq minutes. Vous, vous avez tout le temps.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Sainte-Marie, je m'excuse, mais le temps de paroles de nos invités passe
sur votre temps.
M. Bisaillon: Ah bon!
M. Pigeon: Pour répondre à votre question, je
dirais que je suis arrivé en tant que médecin, dans la
médecine du travail, à l'époque d'un changement,
changement que tout le monde s'attarde à rappeler depuis le début
des présentations ici, à savoir que, durant mon cours de
médecine, la santé et la sécurité au travail
faisaient souvent très peu les grands titres des journaux. Dès le
moment où j'entre sur le marché du travail, en tant que
médecin, cela commence lentement, à savoir que surtout depuis
deux à trois ans, cela fait beaucoup plus l'actualité. Ce qui
fait qu'il y a des entreprises qui ont fait appel à nos services, comme
vous le dites très bien, pour répondre à des
problèmes spécifiques, des problèmes spécifiques
qui...
M. Bisaillon: Par exemple, un trop grand nombre d'absences ou des
choses comme cela.
M. Pigeon: Non, pas nécessairement, plutôt pour
répondre à des problèmes spécifiques qui avaient
déjà été observés et qui avaient pu se
rendre jusqu'à l'administration ou à l'employeur par le biais du
syndicat.
M. Bisaillon: Comme il nous reste seulement cinq minutes, tous
les deux, pour aller rapidement au but, est-ce qu'il vous est arrivé
d'avoir une demande d'une compagnie il y a un langage administratif et
un langage médical, là je veux prendre le langage médical
pour examiner tel phénomène et avoir à faire des
recommandations, par la suite, qui impliquaient, par exemple, un investissement
important de la part de la compagnie, pour régler les problèmes
de santé ou de sécurité que vous aviez remarqués?
Et si oui, servez-vous toujours cette compagnie?
M. Pigeon: Je pourrais vous répondre par oui ou non, parce
qu'il y a eu plus qu'une compagnie qui a fait appel à nos services pour
des questions spécifiques comme celles-là. C'est là qu'on
a pu percevoir qu'au sein de certaines entreprises que
ce soit des corporations ou que ce soit d'autres entités
il y avait ce que j'appellerais une vocation de préoccupation en ce qui
concerne la santé et la sécurité au travail. Je pense
qu'on peut vendre excusez l'expression la santé et la
sécurité au travail, le jour où les gens qui sont
responsables des cordons de la bourse auront réalisé qu'il est
aussi avantageux d'investir dans la santé et la sécurité
au travail qu'il peut l'être d'investir dans un département du
marketing ou un département du personnel. En fait, ce qui s'applique au
niveau des entreprises s'applique aussi bien au niveau du gouvernement, c'est
ce qui a été relevé à plusieurs occasions.
M. Bisaillon: Mais, Dr Pigeon, ce que vous m'apportez ce sont des
nuances importantes à ma question; ma question est peut-être
directe, froide, mais je voudrais avoir une réponse à ma
question, froidement aussi.
M. Pigeon: Froidement, ce que je peux vous dire, comme je vous
disais tantôt, il y a des entreprises qui ont répondu
favorablement à nos recommandations et qui ont entrepris les
modifications. Par contre, il y a d'autres entreprises dont on a perdu la
clientèle, sans avoir comme je le disais tantôt le
pouvoir exécutif ou le pouvoir de contrôle, de surveillance ou
d'inspection pour savoir si nos recommandations étaient restées
lettres mortes ou avaient porté fruit.
M. Bisaillon: M. le Président, c'est mon dernier
commentaire et je termine avec ça. C'est que si les mots veulent encore
dire quelque chose, une loi de la santé et de la sécurité
du travail c'est un esprit avant d'être des dispositions, c'est d'abord
un esprit, une orientation. Le médecin qui travaille dans ce domaine
peut avoir l'orientation, mais être bloqué par l'administration.
Entre autres, M. Fauteux, dans son intervention, a utilisé les termes
"des gens qui se disent malades", ce que j'ai pris quant à moi,
peut-être à tort, comme un préjugé favorable au
départ; quand quelqu'un est malade, il est malade ou il ne l'est pas,
mais quand on utilise dans le language l'expression "les gens qui se disent
malades", c'est qu'on présume à l'avance, avant de l'avoir
examiné, qu'il peut l'être effectivement.
Ce que je me demandais c'est, vous, comme médecin, est-ce que
vous vous sentiez parfois pris entre l'obligation professionnelle de porter un
diagnostic et l'obligation administrative d'avoir quand même des clients
qui entrent à tous les jours?
M. Pigeon: Je vous dirais que depuis...
M. Bisaillon: Ou est-ce M. Fauteux qui avait cette
préoccupation?
M. Pigeon: Possiblement l'avait-il, mais ce que je peux vous dire
c'est qu'à cause du premier commentaire que j'ai fait sur ce qu'on a
voulu mentionner dans notre mémoire, étant donné
l'évolution très rapide qu'on a connue dans le do- maine de la
santé et de la sécurité au travail
évolution, comme je le disais, qui vraiment s'est
accélérée vis-à-vis de la demande qu'on a faite
chez nous cela nous a vraiment permis de garder une certaine largeur.
Donc, on pourra toujours nous reprocher le fait qu'on n'a pas comblé les
lacunes, qu'on n'a pas réglé les problèmes où on en
a constatés et où les gens n'ont pas été de
l'avant, mais contrairement à certains de mes confrères qui se
sont trouvés dans des conflits d'intérêts du fait que leur
seul employeur, leur seul milieu de travail était un employeur; nous on
avait quand même les mains beaucoup plus libres.
M. Bisaillon: Plus de possibilités?
M. Pigeon: Oui. Ce qui veut dire qu'un dossier où, en tant
que médecin, j'avais nettement la perception qu'on ne voulait pas nous
faire jouer un rôle de médecin, mais un rôle de policier,
pouvait être un dossier qui pourrait être identifié
dès le départ.
Le Président (M. Dussault): Vous avez pris sept minutes,
M. le député de Sainte-Marie!
M. Bisaillon: Je vous remercie de votre
générosité, M. le Président, c'est très
généreux pour un parlementaire, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant? Alors je remercie, au nom de la commission, la Clinique de
médecine occupationnelle de Montréal pour sa collaboration et sa
participation aux travaux de cette commission.
J'invite maintenant Bell Canada à se présenter devant la
commission.
Bell Canada
M. Villeneuve (André): Mon nom est André
Villeneuve, je suis vice-président adjoint aux affaires publiques pour
Bell Canada et je suis accompagné, à ma gauche, de M. Gilles
Mathieu, directeur médical pour le Québec; de M. Yvon Lachance,
qui est le directeur de la prévention des accidents pour le
Québec et, à ma droite, de M. Jacques Duverger, de notre service
du contentieux.
Le Président (M. Dussault): M. Villeneuve, je vous
demanderais, s'il vous plaît, puisque de toute évidence vous ne
pourrez pas lire votre mémoire en 20 minutes...
M. Villeneuve: J'en ai pour environ sept ou huit minutes.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie et je vous
laisse la parole.
M. Villeneuve: Depuis 1920, Bell s'est activement engagée
à sauvegarder et à améliorer la santé au travail et
à promouvoir la sécurité de ses employés.
Elle est donc pleinement d'accord avec les objectifs visés par le
projet de loi, mais son expé-
rience acquise dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail depuis près de 60 ans la laisse
perplexe devant certains des moyens suggérés par le projet de loi
maintenant à l'étude. Elle croit devoir faire part de son
expérience à cette commission et c'est pourquoi elle a choisi de
se présenter devant elle.
Le mémoire qui est présentement devant vous contient
l'essentiel de nos vues sur le projet de loi. Nous voulons simplement souligner
que nous sommes d'accord avec le principe pour qu'un travailleur puisse refuser
d'effectuer une tâche qui peut s'avérer dangereuse.
Ce que nous regrettons, c'est que l'on n'ait pas cru bon de
prévoir certaines exceptions en ce qui a trait aux entreprises qui
oeuvrent dans les services publics. Nous pensons, en effet, qu'il serait
socialement irresponsable que par le jeu de la loi les intérêts
d'une collectivité, par exemple, dans le cas d'une tempête de
verglas ou autrement, qui deviendrait complètement isolée puisse
passer nécessairement après ceux d'un individu.
D'autre part, le projet de loi, contrairement à ce que laissait
supposer le livre blanc, ne parle pas d'un danger imminent, mais d'un simple
danger. Nous comprenons bien sûr que certaines tâches
précises ne peuvent révéler les risques qui leur sont
inhérents que de manière progressive. Je pense ici au domaine
minier, par exemple.
Cependant, il y a d'autres tâches qui peuvent avoir la
réputation de comporter ou de ne pas comporter certains risques, suivant
les experts qui sont consultés. Que l'on pense, par exemple, aux
micro-ondes, aux écrans cathodiques ou à d'autres types de
dangers.
Dans une telle hypothèse, Bell Canada souhaite que le
législateur prévoie un mécanisme qui pourrait s'inspirer
de celui que nous proposons à la page 7 de notre mémoire,
mécanisme qui serait destiné à empêcher qu'un
travail soit interrompu, lorsque même les plus grands experts ne
s'entendent pas entre eux.
Enfin, et pour terminer sur la question du droit de refuser d'effectuer
un travail dangereux, nous pensons qu'il serait juste de contrebalancer les
inconvénients que peut subir un employeur lorsqu'une tâche n'est
pas accomplie, surtout si le fait de refuser d'effectuer cette tâche
entraîne le blocage de l'ensemble de la production.
Nous reviendrons un peu plus loin sur la question du programme de
prévention. Qu'il nous soit cependant permis de vous signifier notre
accord avec ce principe, d'autant plus qu'un programme de prévention qui
contient les éléments mentionnés à l'article 48 est
déjà en vigueur chez nous et ce, depuis de nombreuses
années.
Toutefois, nous pensons que des contraintes inutiles pourraient
être évitées si le législateur prévoyait dans
la loi que les entreprises qui possèdent déjà un programme
de prévention satisfaisant soient exemptées de l'application des
articles 47 à 50.
Nous estimons qu'il est fondamental que les employés puissent
faire valoir leurs points de vue sur la question de la santé et de la
sécurité au travail au sein de l'entreprise et nous sommes
d'accord avec le principe des comités paritaires de santé et de
sécurité au travail.
Cependant, nous désirons exprimer notre profonde
inquiétude sur l'ambiguïté qui nous semble planer autour du
mot "établissement". En effet, la loi prévoit que de tels
comités seront créés dans chaque établissement de
plus de dix travailleurs.
Or, notre lecture de la loi nous amène à penser que l'on
pourrait à la rigueur interpréter ce mot comme signifiant chaque
lieu physique où une entreprise fait affaires. En ce sens, Bell Canada
posséderait donc des centaines d'établissements, selon la
définition qu'on pourrait y donner, n'importe où entre 300 et
peut-être 2000, au sens de l'article 56 de la loi.
S'il fallait que cette interprétation soit retenue, on pourrait
assister à la création au sein d'une entreprise comme la
nôtre de centaines de comités paritaires de santé et de
sécurité au travail, résultat dont on peut
immédiatement voir tous les désavantages. Nous demandons donc
instamment que cette ambiguïté soit clairement dissipée afin
que le mot "établissement" ait le sens précis d'entreprise.
Nous avons déjà dit que nous étions d'accord avec
le concept de comités paritaires. Nous avons déjà des
comités représentatifs dont la composition varie, il est vrai, et
qui joue un rôle-conseil dans ce domaine. Nous nous opposons cependant
à ce que de tels comités aient des pouvoirs décisionnels
en matière de santé et de sécurité et nous
rejoignons ici ceux qui se sont déjà présentés
devant vous en formulant la même demande.
Quant à nous, la santé et la sécurité au
travail est clairement un objectif de gestion et il appartient à
l'entreprise de prendre les moyens pour atteindre ces objectifs en cette
matière, d'autant plus que le projet de loi prévoit qu'elle seule
pourrait être tenue responsable des déficiences qui peuvent
exister chez elle en cette matière.
Par conséquent, nous nous opposons à ce que le
comité paritaire de santé et de sécurité au travail
ait des pouvoirs décisionnels en matière de santé et de
sécurité, à moins qu'on ne s'entende pour procéder
à un partage des responsabilités, y compris en ce qui touche les
coûts.
Qu'il me soit maintenant permis de traiter brièvement des
services de santé au travail. Comme vous pourrez le constater à
la lecture de notre mémoire, nous disposons d'un programme de
santé qui est réalisé par un imposant service
médical. Les services de santé à Bell Canada la mettent
à l'avant-garde de tout ce qui se fait dans le domaine en
Amérique du Nord, grâce à un déploiement
considérable de ressources financières et humaines.
Nous sommes convaincus que, quels que soient les moyens
suggérés, l'État ne pourra jamais y substituer des
mécanismes aussi efficaces. Nous avons été
étonnés que l'on fasse ainsi abstraction de tout ce qui existe
déjà dans certaines entreprises en matière de santé
au travail. (16 heures)
C'est pourquoi nous estimons que cette partie de la loi devrait
être retravaillée à la lumière des
expériences déjà vécues par certaines
entreprises
dont nous croyons faire partie afin que le législateur puisse
admettre éventuellement dans la loi que ces entreprises puissent
continuer à offrir des services de santé au travail tout en
permettant, bien sûr, aux entreprises moins bien nanties d'opter pour le
réseau public de santé. D'autre part, nous prétendons
qu'un programme de santé d'une entreprise doit nécessairement
être élaboré par l'employeur puisqu'un tel programme
constitue entre autres choses un outil essentiel grâce auquel l'employeur
peut remplir son obligation qui est d'organiser sa force ouvrière de
manière optimale, compte tenu des aptitudes de chacun. C'est pourquoi
nous pensons qu'il serait irréaliste de confier la tâche
d'élaborer et d'appliquer un programme de santé spécifique
à un établissement, à un tiers qui ne fait pas partie
intégrante de l'entreprise d'autant plus que nous doutons fortement que
ce tiers puisse être en mesure dans quelque délai que ce soit
d'assez bien saisir tous les rouages de l'entreprise pour se faire une
idée des besoins de cette dernière en matière de
santé au travail.
Pour terminer, nous désirons ici prendre à notre compte
les observations déjà faites par d'autres organismes sur la
question de la réglementation. Nous nous contenterons de dire que nous
nous opposons à toute division du pouvoir législatif en faveur du
pouvoir réglementaire.
En conclusion, il apparaît évident que le
législateur, désirant établir un programme minimal de
santé et de sécurité au travail dans tous les
établissements au Québec, impose dans son projet de loi des
contraintes qui pénaliseront les entreprises qui avaient
déjà manifesté dans ce domaine une attitude responsable de
même que leurs employés. Il semble que l'on soit en
présence d'un processus de nivellement par la base. Le projet de loi
donne aux syndicats des pouvoirs extraordinaires sans qu'il soit
nécessairement démontré qu'en résulteront de
meilleures conditions de travail pour l'ensemble des travailleurs. Enfin, la
loi ne détermine pas toutes les règles du jeu importantes de
manière que la réglementation revienne à son rôle
véritable qui consiste à préciser les mesures pratiques de
mise en opération de principes préalablement
énoncés par la loi.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Villeneuve. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais bien sûr
remercier la société Bell Canada de son mémoire. Je
présume que la société désirerait que son
mémoire soit versé intégralement au journal des
Débats. Il y aurait consentement de notre côté.
Le Président (M. Dussault): La commission consent; alors,
le mémoire sera versé intégralement au journal des
Débats. (voir annexe D) M. le ministre.
M. Marois: Cela étant dit, bien sûr, je pense que
tous, je pense bien que la plupart des parlementaires l'ont fait, ont pris
connaissance atten- tivement de votre mémoire, des chiffres qui sont
cités qui, effectivement indiquent qu'il y a eu un effort qu'il importe
de noter du côté de la société Bell Canada dans le
domaine de la santé et de la sécurité au travail. Quand on
regarde les moyennes d'accidents, quand on regarde les moyennes de jours perdus
également, quand on regarde aussi les sommes qui sont affectées
présentement, je pense que cela mérite d'être
signalé au passage. Je pense que tous conviendront aussi qu'il y a
encore du chemin à faire partout, pas seulement chez Bell Canada,
partout. Il y en a qui ont du rattrapage à faire de toute façon
encore plus considérable déjà que ce qui a
été fait chez vous.
Je me permettrai, d'abord, une remarque peut-être d'ordre plus
général sur votre mémoire. Vous semblez soutenir qu'il
aurait fallu plutôt intervenir dans le sens d'une évolution, des
mentalités, des comportements en y allant notamment par
l'établissement de normes minimales.
Vous me permettrez, et si je n'interprète votre mémoire,
de signaler que pour l'essentiel on peut dire que c'est
précisément l'approche qui est retenue. C'est une des
orientations, pas la seule, mais certainement une, dans la mesure où le
projet de loi propose un plancher de base minimal, obligatoire qui devra
forcément s'appliquer avec un certain gradualisme en déterminant
les secteurs prioritaires. Il y a des hypothèses qui ont
été soulevées dans le livre blanc et qui seront soumises
à la commission lorsqu'elle sera formée puisque les parties,
aussi bien patronales que syndicales vous vous en souviendrez
probablement lors du premier sommet de La Malbaie nous avaient
demandé d'être impliquées dans le choix même des
priorités, dans l'élaboration même des règlements et
c'est pourquoi je comprends mal aujourd'hui, qu'on nous reproche de
prévoir un pouvoir réglementaire qui est large, forcément,
quoique le pouvoir réglementaire pour une bonne partie ne fait que
reprendre des règlements qui existent déjà en vertu
d'autres lois qui se trouvent à être intégrées dans
cette loi-cadre, les autres règlements étant des
règlements nouveaux concernant le fonctionnement des comités et
le reste, règlements qui seront élaborés par les parties
en présence à l'intérieur même de la commission si
on veut respecter, et nous, on était d'accord, l'économie
générale de la demande qui nous avait été
formulée au sommet de La Malbaie. Bie.
Dans cette perspective, ce que j'évoquais au début, les
mécanismes de participation qui sont prévus, la formation,
l'information, pour ne mentionner que trois points du projet de loi, devraient
normalement être susceptibles d'entraîner des changements
d'attitude et de comportement et il semble bien que déjà le
simple débat public qu'on a au Québec depuis maintenant un peu
plus de deux ans, avant et depuis la parution du livre blanc, avec le projet de
loi, comme nous le signalait un groupe qui est venu témoigner juste
avant vous, semble indiquer que déjà cela a contribué
à un éveil, à une sensibilisation qui peut aussi
correspondre tranquillement à des changements de mentalité.
Cela dit, je voudrais, sans reprendre toutes les recommandations
on les regardera attentivement les unes et les autres m'arrêter
très rapidement à quelques-unes et vous formuler un certain
nombre de commentaires et de questions auxquelles vous réagirez
sûrement. Vous demandez, d'une part, vous nous recommandez d'exclure de
l'exercice du droit de refus, les services publics, c'est-à-dire, et je
vous cite, c'est à la page 5 de votre mémoire, "les services les
plus susceptibles de mettre en péril la santé ou la
sécurité publique lorsqu'ils ne sont pas dispensés."
Je pense que vous conviendrez avec nous et certainement que votre
contentieux a regardé cela aussi de son côté qu'il y
a une chose qui s'appelle le droit naturel de refus et que la jurisprudence est
formelle là-dessus. Je cite un extrait de jugement qui a
été un des jugements de démarrage: Aucune loi au monde
je ferme les guillemets ne pourra jamais empêcher un homme
ou une femme au travail de dire: Cela, non. Mettez imminent, mettez grave,
mettez immédiat, qualifiez-le comme vous voudrez, jamais aucune loi au
monde avec quelque balise que ce soit ne pourra empêcher l'exercice de ce
droit naturel qui est fondamental. Ce que fait une loi, en introduisant la
reconnaissance du droit de refus qui est un droit naturel, c'est assurer la
protection de ceux et celles qui exercent ce droit naturel. Partant de
là, forcément, je pense que tout le monde comprend qu'il y a un
certain nombre de balises qu'il faut absolument prévoir.
C'est vrai qu'on prévoyait la notion d'imminence dans le livre
blanc. Toutes les consultations qui ont été faites à la
suite de la parution du livre blanc on a reçu plus d'une
cinquantaine de mémoires, on a visité plus d'une soixantaine
d'entreprises au Québec et le reste l'examen à nouveau de
la jurisprudence, l'état des conventions collectives nous a
amenés à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de qualifier le
danger, mais qu'il fallait plutôt baliser les cas où, à
cause d'un certain nombre de facteurs inhérents à des fonctions
comme telles, là, le droit de refus doit être balisé dans
son exercice. Donc, il ne s'agit pas de bloquer l'exercice d'un droit
naturel.
Par ailleurs, je suis prêt à regarder, parce qu'on a
reçu beaucoup de commentaires sur l'expression "normalement et
habituellement inhérents", les uns craignant que cela limite de
façon considérable la portée de l'exercice du droit, les
autres craignant que cela ne l'élargisse de façon
considérable chacun fait sa lecture de la loi je suis
prêt à regarder à nouveau de très près cette
partie du texte pour voir si, comme l'a fait l'Ontario dans un des paragraphes
concernant l'exercice du droit de refus, il n'y a pas des circonstances
je dis bien des circonstances dans l'exercice de certaines fonctions,
donc, sans exclure certaines fonctions, mais des circonstances dans l'exercice
de certaines fonctions qui sont telles que, si l'exercice du droit de refus
était réalisé, cela pourrait mettre en péril la vie
d'autres travailleurs ou la vie du public. C'est peut-être une
hypothèse. Je ne prends pas de décision définitive ou
finale là-dessus.
Je suis prêt à regarder cela, mais je ne crois pas qu'on va
y arriver en excluant, par exemple, des services comme les services publics, ou
qu'on va y arriver par une qualification du danger, par une notion de
gravité immédiate, inhabituelle, imminente; on peut essayer
toutes les formules possibles et imaginables et même toutes les
combinaisons. La jurisprudence est formelle là-de-sus.
Il y a votre recommandation 3. Probablement que vous avez raison quand
on dit que l'inspecteur doit rendre une décision et qu'on utilise
l'expression "immédiatement"; c'est peut-être un peu fort. On a
beau dire: Trop fort ne casse pas; peut-être que là trop fort
casse. Immédiatement, c'est immédiatement. Il y a peut-être
lieu de regarder sérieusement cette expression.
Il y a votre recommandation 6. J'avoue, j'aimerais bien vous entendre,
que j'ai beaucoup de difficultés à vous suivre sur ce terrain
où, à toutes fins utiles, vous proposez qu'on prenne les
procédures requises pour recouvrer les montants qui seraient
versés à une travailleuse enceinte pour qui, pour toutes sortes
de raisons, on découvrirait en cours de route que, non
médicalement, ce n'était pas si dangereux que cela pour elle ou
pour l'enfant à naître. Ce n'était pas possible de
l'affecter à une autre tâche sans perte de droits acquis. Elle a
été retirée de façon préventive. Vous
proposez que, dans ce cas, on recouvre le montant qui lui a été
versé, si je comprends bien ce que vous recommandez. Ce n'est pas
exactement cela?
M. Villeneuve: C'est qu'éventuellement quelqu'un peut
demander un retrait préventif disant: Je pense que je suis enceinte et
qu'éventuellement, deux mois après, elle n'est pas enceinte et
qu'à ce moment elle a déjà retiré des droits depuis
le départ.
M. Marois: Oui, d'accord. Alors là, mon commentaire va
être plus précis, plus net et plus clair. Là je disais,
j'ai de la difficulté à vous suivre. Là, je ne vous suis
plus du tout parce que ce n'est pas cela que le texte de loi dit. Le texte de
loi dit: Sur certificat médical attestant que les conditions de travail
sont telles dans le cas d'une femme enceinte que cela peut mettre sa vie, sa
santé, sa sécurité ou celle de l'enfant à
naître en état de danger. Donc, ce n'est pas la femme qui va
s'improviser toute seule et enclencher le retrait préventif toute seule.
Il y a un certificat médical qui vient de son médecin traitant.
On verra si c'est le gynécologue. Les gens sont venus dire ici des
choses à faire dresser les cheveux sur la tête, en particulier,
des médecins disant que le gynécologue se sentait plus ou moins
compétent, qualifié pour évaluer les conditions de
travail, et des médecins prétendument spécialisés
dans le domaine de la médecine du travail nous disant: Nous, on n'est
pas des gynécologues. Il va falloir trouver la formule de conjugaison
des deux. Ce n'est pas comme vous venez de
l'évoquer, pas du tout, la femme elle-même qui d'un coup
enclenche le mécanisme. C'est une femme qui est enceinte et son
médecin lui dit: Moi, je te dis que...
Dans le but de prévenir les coups, là si c'est cela, c'est
encore plus clair, et ma réponse est plus précise encore.
Vous avez raison quand vous interprétez le texte, la
définition de l'établissement. Ce qu'on vise c'est bien
l'établissement. C'est bel et bien cela, l'établissement. Il ne
faut pas "contusionner" l'établissement et l'entreprise. On peut avoir
une entreprise de grande taille, par exemple, Bell Canada qui a plusieurs
établissements. Concevoir la mise en place d'un comité paritaire
uniquement au niveau de l'entreprise alors qu'il y a des décisions
à prendre sur des choses qui se passent en bas. là où
vivent les femmes au travail, cela n'exclut pas la possibilité d'une
entente entre les parties, qu'il y a un comité de chapeautage, de
concertation entre les parties. Il n'y a rien qui est exclu dans ce sens par la
loi. Vous avez raison, vous interprétez très bien la loi. Cela
vise l'établissement au sens strict de ce que ce mot veut dire.
J'ai lu votre recommandation no 8. Je suis prêt à examiner
de plus près les mécanismes qui sont prévus analogiquement
pour la composition du comité dans le cas des comités de
francisation de la Charte de la langue française. Je suis prêt
à regarder cela.
J'ai déjà eu l'occasion, je ne reviendrai pas
là-dessus, vous nous demandez d'abolir le représentant à
la prévention. J'ai déjà eu largement l'occasion de
commenter cette demande qui nous a été faite par d'autres groupes
patronaux. J'avoue en toute honnêteté, bien franchement, que je ne
trouve pas à nouveau dans votre mémoire, comme je ne l'ai pas
trouvé dans les mémoires qui ont précédé,
dans les commentaires, ou les arguments qui ont été
utilisés devant nous pour convaincre qu'il fallait abolir ces
représentants. (16 h 15)
Je ne trouve pas dans votre mémoire d'argument qui me convainque.
Je suis très ouvert, je suis prêt à vous écouter, si
vous avez des arguments additionnels. Je ne vois pas pourquoi on ne
reconnaîtrait pas aux hommes et aux femmes qui sont au travail un minimum
de permanence libérée pour procéder à des
inspections, pour procéder à de l'information dans les milieux de
travail, alors que l'entreprise a ça, elle. Vous l'avez dans
l'entreprise.
Pourquoi, si on veut établir un minimum d'équilibre et une
véritable participation de ceux qui sont quand même les premiers
concernés après tout ce sont les hommes et les femmes au
travail, c'est de ça dont on parle je ne vois pas pourquoi on ne
leur reconnaîtrait pas ça. Bell Canada ne fait pas des affaires
qu'au Québec, que je sache. Vous fonctionnez en Ontario, vous connaissez
la loi ontarienne: elle reconnaît les représentants des
travailleurs. Vous connaissez la loi de la Saskatchewan, vous connaissez les
lois des autres provinces. Pourquoi, dans le cas du Québec, il faudrait
qu'on s'en aille à rabais?
Pourquoi on ne reconnaîtrait pas au Québec ce qui est
reconnu ailleurs? Est-ce que ça vous a causé des
difficultés de fonctionnement particulières en Ontario ou est-ce
que vous pensez que dans le cas du Québec la situation est à ce
point différente que... Vous devez avoir des raisons que j'aimerais bien
entendre.
L'Institut canadien du textile est venu témoigner devant nous et
je lui ai posé exactement la même question. Il avait exactement la
même recommandation et ses représentants sont venus nous dire
qu'ils vivaient avec ça en Ontario et qu'il n'y avait pas de drame
à leur connaissance. Pourquoi appréhender? Honnêtement, je
suis très ouvert, je suis prêt à écouter une
argumentation et je vous dirai très franchement une chose: Plus
j'écoute l'argumentation là-dessus, plus je suis porté
à aller plus loin en ce qui concerne les représentants à
la prévention que le présent projet de loi no 17. Pour être
très franc, ça me confirme dans mon opinion.
Une dernière chose, j'aimerais vous entendre là-dessus
aussi. Je termine là-dessus, M. le Président, je ne veux pas
abuser du temps. C'est votre recommandation 19. Vous nous demandez que
l'article 201 du projet de loi soit supprimé. L'article 201, c'est cet
article qui prévoit que, dans des poursuites, la preuve qu'une
infraction a été commise par un agent, un mandataire ou un
travailleur à l'emploi d'un employeur suffit à établir
qu'elle a été commise par cet employeur, à moins qu'il
n'établisse que l'infraction a été commise à son
insu, sans son consentement et malgré les dispositions prises pour
prévenir sa commission.
Votre position m'étonne et je vais vous dire pourquoi, parce que
c'est la reproduction textuelle et intégrale de l'actuel article 36 de
la Loi des établissements industriels et commerciaux qui, comme vous le
savez, existe depuis bon nombre d'années au Québec.
De plus, je me permets et je suis certain que les gens de votre
contentieux ont regardé ça aussi de vous dire que sur le
plan du droit civil il y a les articles 1053 et 1054 qui créent une
présomption de responsabilité d'un employeur pour les actes
commis par les employés analogiquement comme il y a une
présomption de responsabilité du père dans le cas des
actes commis par son enfant mineur. Cela existe et ce n'est que la reproduction
textuelle de l'article 38? Est-ce que l'article 38 de la Loi des
établissements industriels et commerciaux vous a causé des
problèmes particuliers depuis que cet article existe, depuis plusieurs
années? Si oui, j'aimerais connaître les faits et l'argumentation
sur laquelle, concrètement, à partir du vécu depuis
plusieurs années, vous fondez cette recommandation.
Voilà, M. le Président, les quelques premières
remarques et commentaires que j'avais à formuler.
Le Président (M. Dussault): M. Villeneuve.
M. Villeneuve: M. le Président, pour y aller rapidement et
prendre certains points je suis
sûr que M. le ministre pourra revenir s'il y a certains
éléments qui ne semblent pas tellement clairs... Sur le premier
point que M. le ministre soulève, qui est celui de notre suggestion
d'établir des normes minimales et de prévoir une certaine
évolution, nous ne prévoyons pas d'évolution dans le sens
de dire qu'il faudrait qu'il y ait une absence de loi. On se dit qu'au
départ, dans un premier temps, ce serait peut-être bon
d'établir des normes au-delà desquelles on croit
déjà se situer, nous, et faire en sorte qu'il se fasse un
rattrapage chez ceux qui ne font pas leur job; c'est aussi simple que
ça. Au lieu de donner des normes minimales en disant: C'est ce à
quoi la loi vous oblige, avec un pouvoir de sanction, sans
nécessairement dire: C'est ce mécanisme, c'est cette camisole qui
doit faire à tout le monde. Nous, on dit: Plutôt que d'imposer des
mécanismes, imposer des normes minimales et de cette façon, il va
y avoir une évolution.
M. Marois: C'est sûr que c'est l'économie
générale du projet de loi et des règlements. Ce qui se
fait en plus, d'ailleurs les articles 3, 7 et 280 sont formels
là-dessus, ce qu'il y a d'acquis en plus, ce qui se fait en mieux,
par-dessus le plancher de base, tant mieux! Il est hors de question, dans notre
esprit d'essayer de niveler à rabais ce qui se fait déjà
de façon intéressante. Au contraire, exactement dans le sens de
ce que vous venez de dire, il faudra faire en sorte que ceux qui ne font pas
leur job, qu'ils la fassent. Là, il faut établir une base
minimale, à partir de laquelle, sur laquelle il est possible de
construire, et ceux qui ont de l'acquis, en plus, tant mieux!
M. Villeneuve: Je souligne là-dessus, M. le
Président, que quant à nous, notre perception est un peu
différente, et je comprends que les intentions sont au même point;
c'est pour cela que, je pense, on souscrit au niveau des objectifs. Mais, pour
nous, l'établissement d'une camisole semblable ou d'un moule semblable
n'est pas nécessairement la même chose que l'établissement
de normes qui soient semblables. C'est que les mécanismes qui sont
proposés par la loi, ce ne sont pas des normes, ce sont des
mécanismes. Et vous dites: "Si vous faites quelque chose en plus, vous
pouvez le faire." Alors là-dessus, notre perception est nettement
différente de celle de M. le ministre.
En ce qui a trait à la travailleuse ou au droit de refus dans le
cas des services publics, notre problème est un problème bien
concret. C'est, en fait, le problème du refus collectif: que s'il y a du
verglas et qu'éventuellement on craint, à cause de la route,
qu'un travailleur puisse refuser non seulement si sa vie est en danger, mais
qu'il puisse y avoir un refus collectif. Et là-dessus, on est craintif
un peu qu'on puisse s'en servir comme argumentation dans des cas où la
vie est en danger. Si la vie est en danger, s'il n'y a pas une tierce partie,
que ce soit un inspecteur ou autre, qui puisse forcer, on croit qu'à ce
moment-là il y a des impératifs plus grands au niveau des
collectivités qui peuvent être en cause. C'est simplement cela
qu'on veut souligner.
M. Marois: D'accord. D'ailleurs, comme je l'évoquais, il y
a un paragraphe, dans la loi ontarienne, qui prévoit ces cas-là,
dans les cas où cela pourrait mettre en danger la vie d'autres
travailleurs ou la vie du public.
M. Villeneuve: Dans le cas de la travailleuse enceinte, il y
avait deux points qu'on voulait faire valoir, si je comprends votre point de
vue. Le premier point, c'est que si la personne peut aller voir son
médecin en disant: "Je fais tel type de tâche et je suis enceinte"
et éventuellement que sa déclaration s'avère fausse, le
certificat médical peut être, par rapport à la tâche,
au niveau de la médecine occupationnelle. Dans un autre cas, c'est qu'il
peut y avoir, comme dans n'importe quel cas, le cas d'un paiement par erreur,
et, à ce moment-là, la présomption de dette existe
toujours lorsqu'il y a un paiement par erreur. Tout ce qu'on voulait, c'est
d'avoir une prévention, quelque part, qui permette de
récupérer des sommes qui, normalement, n'auraient pas dû
être versées. C'est simplement cela, ce n'était pas dans le
sens de dire qu'une femme était enceinte et ne le devenait plus au bout
d'un certain temps. C'est dans le sens d'éviter éventuellement ce
type de situation.
En ce qui a trait aux établissements et cela, je pense que
c'est une norme, même dans votre définition des
établissements de dix travailleurs ou plus, je pense il reste
qu'à ce moment-là, les coûts que nous estimions, au niveau
du service, vont être encore plus faramineux et ajoutent peut-être
du poids au niveau de l'efficacité du modèle en place, compte
tenu du fait qu'une compagnie, comme par exemple de l'envergure de Bell Canada,
compte tenu des établissements dans chaque patelin, au Québec,
assez systématiquement, au sens que vous accordez au mot
"établissements".
En ce qui a trait à l'Ontario, est-ce qu'on a eu des
problèmes en Ontario parce qu'on parle du représentant à
la prévention? Avec votre permission, je ne soulèverai pas, ici,
des questions d'ordre juridictionnel. C'est que, au niveau de la loi de
l'Ontario, nous n'avons pas de représentant à la
prévention dans la description ou la définition qui est
donnée par la loi ontarienne.
M. Marois: Dans la dernière version qui a
été adoptée et qui vient d'entrer en vigueur, oui.
M. Villeneuve: Oui, mais nous, nous n'avons pas...
M. Marois: Mais, si vous faites affaires en Ontario,
j'espère... Je reconnais dans la salle le responsable, M. Robert Sass
qui est ici parmi nous, que je viens de voir arriver, le responsable de
l'administration de la loi, en Saskatchewan. J'espère qu'il n'y a
personne qui est responsable de la loi ontarienne, ici.
M. Villeneuve: Mais ce que je veux dire, c'est que je ne voudrais
pas aborder à ce niveau-ci la question: est-ce qu'on est soumis ou
est-ce qu'on n'est pas soumis à la loi? Je pense que ce n'est pas le
point de vue, on veut le faire comme tout bon
citoyen et donner un point de vue. Notre point de vue là-dessus,
c'est que le représentant à la prévention, tel que
décrit dans le projet de loi, quant à nous, ne devrait pas
exister, tel quel, parce qu'on y voit simplement une réaffirmation
d'incorporation de la santé et de la sécurité dans le
domaine des relations de travail qui, en vertu même du Code du travail,
sont essentiellement conflictuelles. Nous croyons, quant à nous, que
sécurité et santé ne sont pas des choses qu'on
négocie, au départ. Ce sont des choses vers lesquelles, on tend
de part et d'autre. Et on ne négocie pas des phénomènes de
santé et de sécurité au même titre qu'on va
négocier, par exemple, un salaire ou autre chose. La santé et la
sécurité, c'est une obligation pour tout le monde et nous ne
voudrions pas que cela entre dans le jeu normal des relations de travail qui
sont essentiellement conflictuelles, de par la définition même du
Code du travail.
M. Marois: Mais je ne vois pas en quoi le fait qu'il y ait un
représentant à la prévention, en partant,
indépendamment d'une discussion, à savoir si cela entre ou pas
dans le jeu normal des relations de travail, je ne vois pas en quoi le fait
d'introduire un représentant à la prévention,
automatiquement fait verser cela dans le domaine des relations de travail.
M. Villeneuve: Le mode de désignation du
représentant à la prévention, M. le Président, de
même que l'appartenance effective du représentant à la
prévention risquent de le faire basculer très vite dans le champ
des relations de travail.
M. Marois: Mais comment vont-ils pouvoir avoir un peu de temps de
libération et d'une permanence à eux pour leur permettre
d'examiner des situations, de procéder à l'inspection des lieux
de travail, d'accompagner les inspecteurs? Pourquoi est-ce que ce serait
uniquement l'employeur qui accompagnerait l'inspecteur quand il se
présente sur les lieux de travail? Il faut que quelqu'un soit un peu
libéré pour être capable de le faire, si l'inspecteur est
appelé à se présenter sur les lieux. Pourquoi les
travailleurs n'auraient-ils pas un représentant? En quoi ce que je viens
de décrire là, notamment, fait basculer tout cela dans le domaine
automatique des relations de travail?
M. Villeneuve: Parce que cela entre essentiellement... Ils sont
nommés par le syndicat...
M. Marois: Pourquoi pas?
M. Villeneuve: Ils ont leur appartenance au niveau du syndicat.
À ce moment, on peut prévoir dans n'importe quelle forme de
convention collective des libérations pour un temps ou pour un autre,
à l'occasion de n'importe quelle forme de grief. Cela existe
déjà. Ce qu'on veut dire, c'est qu'on recrée une structure
avec des gens que l'employeur va payer, en passant, mais sans avoir aucun
contrôle, parce que la désignation va être faite par le
syndicat pour assumer des tâches qui vont être essentiellement
syndicales. C'est le commentaire là-dessus.
À l'article 19, je demanderais à Jacques Duverger de faire
le point sur l'article 201 du projet de loi.
M. Duverger (Jacques): M. le Président, j'ai
évidemment pris connaissance des articles 36 et 38 de la Loi sur les
établissements industriels et commerciaux. Personnellement, j'y vois une
différence. Les articles 36 et 38 parlent d'une infraction à la
présente loi on parle de la Loi des établissements
industriels et commerciaux dont le patron se trouve légalement
responsable. C'est une chose.
L'article 201 ne fait pas de pareilles nuances. Il ne parle pas des
infractions dont le patron ou l'employeur peut être responsable. Il parle
de toute infraction. Alors, le point que je voulais faire sur cette question
précise, c'était tout simplement le suivant c'est le sens
de notre recommandation c'est que cet article 201 vu qu'il ne contient
pas la même restriction que l'on peut retrouver aux articles 36 et 38,
l'article 201 pourrait être interprété comme permettant
à un tribunal de condamner un employeur. Ici, on parle de droit
pénal, on ne parle pas de droit civil. J'y reviendrai tantôt
à propos de votre allusion aux articles 1053 et 1054. Ici, on parle de
droit pénal et je dis qu'un tribunal pourrait, à ce moment,
condamner à l'amende, par exemple, un employeur pour une infraction dont
la responsabilité ultime, finalement, pour l'éviter, repose entre
les mains du seul travailleur.
Par exemple, il y a certaines obligations qui sont imposées au
travailleur et comme le dit l'article 197: "Quiconque contrevient aux
dispositions de la présente loi ou des règlements, etc. commet
une infraction, etc."
Par exemple, on a dans les obligations que le travailleur doit prendre
connaissance et prendre des moyens de prévention qui lui sont
applicables et doit prendre les mesures nécessaires pour protéger
sa santé, sa sécurité et son intégrité
physique, doit veiller à ne pas mettre en danger la
sécurité, la santé ou l'intégrité physique
des autres personnes, doit se soumettre aux examens de santé
exigés pour l'application de la présente loi et des
règlements, participer à l'identification et à
l'élimination des risques d'accidents du travail et des maladies
professionnelles, etc.
Théoriquement, si on pouvait mettre en preuve qu'un travailleur
n'a pas satisfait à une de ces obligations, théoriquement, je dis
bien, en vertu de l'article 197, il pourrait être reconnu coupable d'une
infraction et par le jeu de l'article 201, l'employeur pourrait, à ce
moment, être tenu de répondre à cette infraction sur
laquelle, finalement, il n'y a aucun moyen de contrôle. (16 h 30)
En d'autres termes, la position de la compagnie
évidemment, mes commentaires débordent le cadre juridique
est essentiellement la suivante: elle est prête à accepter les
règles du jeu et à accepter d'être condamnée pour
une infraction à des obligations qui lui incombent
parce qu'à ce moment-là si elle n'a pas pris les moyens
nécessaires pour satisfaire à cette obligation, qu'elle paie pour
les pots cassés, d'accord, mais lorsqu'elle n'est pas en mesure de
prendre les moyens pour éviter qu'une infraction soit commise à
la loi, quand il s'agit, par exemple, d'une obligation qui est imposée
à un employé, à ce moment-là, je trouve pour le
moins extraordinaire que l'employeur puisse être appelé de toute
manière à payer pour cette infraction. C'est tout simplement le
sens et, finalement, c'est une question d'interprétation de l'article
201. Il est bien sûr que si on parlait plus précisément ou
on allait dans le sens de l'article 36 ou de l'article 38, ce serait
déjà plus précis. On collerait déjà plus
à la réalité peut-être acceptable, mais je pense que
l'article 201 ne signifie pas la même chose que les articles 36 et
38.
En ce qui concerne votre allusion et j'y toucherai tout à
l'heure aux articles 1053 et 1054, bien sûr, on parle d'une
délégation de responsabilité ou d'une possibilité
de condamnation de l'employeur pour les dommages causés par son
employé. C'est d'accord, mais il reste qu'on est dans le domaine civil.
Ce n'est quand même pas du droit pénal. Vous savez comme moi que
la délégation de responsabilité en droit pénal
reste quand même pas mal exceptionnelle. C'est tout simplement ce que je
voulais faire ressortir.
M. Marois: Mais vous convenez avec moi que c'est un principe qui
est déjà retenu dans l'économie générale de
notre droit. Vous avez raison de dire qu'en droit civil cela mène
à des dommages sur le plan civil. Dans le cas de la Loi des
établissements industriels et commerciaux, là, on est en droit
pénal, par exemple. Si je comprends ce que vous venez de dire, la partie
qui vous agace particulièrement, surtout quand vous établissez un
lien notamment avec l'article 97, c'est au fond à la troisième
ligne, l'expression "ou un travailleur à l'emploi".
M. Duverger: Je m'excuse. Vous parlez de l'article 197? Ah! non,
de 201. Oui, oui. C'est cela.
Le Président (M. Dussault): Terminé? Alors, M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, comme je n'ai pas
abusé de mon droit de parole, je dois avoir plusieurs heures à ma
disposition, j'imagine. À l'instar du ministre qui m'a
précédé, je pense que mon collègue, qui a dû
s'absenter quelques minutes pour répondre à certaines autres
obligations, voudrait également féliciter la compagnie de
l'effort qu'elle a manifesté depuis plusieurs années quant
à la santé et à la sécurité de ses
travailleurs. Je pense que l'Opposition officielle constate elle-même
qu'il est possible que la loi que voudrait la plus parfaite possible le
ministre d'État au Développement social amène certaines
contraintes et le seul souhait que nous pouvons apporter devant les
résultats que vous avez obtenus, c'est que les conditions minimales qui
seront apportées ne diminuent pas la protection que vous avez
accordée à vos employés.
Pour me limiter simplement à quelques aspects que vous avez
traités, je voudrais revenir d'abord sur le droit de refus dont vous
parlez dans certaines circonstances où vos travailleurs doivent
travailler dans des conditions difficiles. Vous avez mentionné la
période du verglas, qui d'ailleurs est bien connue dans le pays que je
représente, pays montagneux, où vos employés doivent sur
des routes glissantes et dans des conditions difficiles travailler pour
remettre les services en place. Le ministre a fait mention qu'il regarderait
attentivement la loi de l'Ontario et certains articles où on ne pourrait
pas se servir du refus collectif dans certaines circonstances. Je voudrais
rappeler à l'attention du ministre qu'auparavant, durant les nombreuses
séances de cette commission...
On a déjà mentionné le phénomène des
pompiers et des policiers qui doivent travailler dans des circonstances qui
sont assez dangereuses. Il y en a une autre qu'on pourrait mentionner
également où il faudra que le ministre fasse bien attention
à son droit de refus. C'est un domaine dans lequel j'ai oeuvré
assez longtemps, soit l'entretien des routes en période hivernale. Quand
il y a une tempête extraordinaire ici même dans la région de
Charny sur la Transcanadienne, les fonctionnaires attachés à un
service de la fonction publique pourraient forcément refuser
d'entretenir la route parce qu'il est assez pénible de conduire quand la
visibilité est complètement nulle, mais on constate que le refus
d'une personne d'entretenir un circuit dans de telles tempêtes met en
danger parfois des centaines et des centaines de personnes qui,
elles-mêmes, sont déjà sur un tel réseau
routier.
Je pense que le gouvernement devra trouver, dans la préparation
de son texte de loi et dans ses règlements, les termes qui seront
nécessaires pour permettre que dans certaines circonstances, même
s'il y a des dangers inhérents à une fonction, la santé
peut être en danger dans une plus grande collectivité... Il faudra
que le ministre regarde dans plusieurs domaines; on en a mentionné trois
ou quatre.
Vous avez également traité de la définition du mot
établissement versus entreprise. Le ministre nous a donné une
réponse assez catégorique en disant que quant à lui le mot
établissement resterait tel qu'il est et, quel que soit le nombre de
succursales ou de patelins où vous avez des unités d'au
delà de dix personnes, ce serait un comité de santé qui
devrait être établi dans chacun de ces établissements.
Je voudrais laisser pour un moment une entreprise aussi importante que
celle de Bell Canada où il y a 23 000 employés. Si le ministre
reste aussi intransigeant dans sa définition d'établissement...
Je regarde un exemple de chez nous qui s'appelle "La poulette grise" qui
emploie 300 ou 400 personnes et qui, par contre, fait de l'élevage et
d'autres tâches. Elle a des employés qui sont
disséminés dix, quinze milles à la ronde et qui sont par
groupe de dix ou quinze. Au moment où
vous définissez le mot établissement comme celui qui doit
permettre d'avoir un comité de santé, cela devient assez
compliqué et assez onéreux pour une entreprise d'une taille plus
réduite que celle dont on parle aujourd'hui. S'il faut qu'un
comité de santé soit établi à chacun de ces
sous-postes et qu'il n'y ait pas seulement un chapeautage dans une entreprise
semblable, j'ai l'impression que les coûts vont devenir extrêmement
pénibles et la santé et la sécurité des
travailleurs ne seront pas davantage sauvegardées.
M. Marois: Je m'excuse d'interrompre, M. le Président. Si
le député me le permet. Je n'ai surtout pas voulu, pas laisser
entendre que j'étais intransigeant sur le problème qui est
posé. Je suis prêt à l'examiner au mérite, à
la lumière des témoignages qui ont été rendus. Ce
que j'ai simplement voulu indiquer, c'est que la société qui est
devant nous présentement a parfaitement raison d'interpréter dans
le sens qu'elle le fait le projet, tel qu'il est libellé
présentement. Dans ce sens-là, vous avez raison,
établissement vise bien ce que vous avez dit dans l'état actuel
du projet. Je suis prêt par ailleurs à regarder et à
examiner attentivement les recommandations qui nous sont soumises à ce
sujet. Je m'excuse de vous avoir interrompu.
M. Mailloux: M. le Président, avant de terminer et de dire
aux représentants de Bell Canada que l'Opposition officielle avait
étudié le mémoire et l'étudiera davantage avant la
présentation du projet de loi en Chambre, je voudrais revenir sur un
dernier point sur lequel, dans le dialogue que vous avez eu entre vous deux, on
n'a pas tellement insisté mais qui est quand même d'une
extrême importance. À la page 19 de votre mémoire sur les
pouvoirs de réglementation, vous mentionnez les craintes, les
inquiétudes que vous avez alors qu'on va laisser entre les mains d'un
organisme des pouvoirs de réglementation considérables. Depuis
les quelques dernières semaines, M. le Président, c'est la
troisième commission parlementaire à laquelle je participe et,
chaque fois, on a constaté que, venant de ce gouvernement, on est en
train d'enlever à tous les élus du peuple à
l'Assemblée nationale presque l'ensemble de leurs pouvoirs et dans une
des commissions je pense que c'est celle qui a étudié le
fonctionnement de la Commission des transports on a dit que même
par pouvoirs de réglementation, on pourrait modifier presque 75% des
articles de la loi. Ce que nous avons constaté a été
jusque là. Autant j'ai été près de la
sécurité routière, que le ministre actuel est près
de la sécurité des travailleurs j'en conviens si le
ministre veut, entre l'entreprise et entre les syndicats, une loi dont il a
fait excusez l'expression son bébé, une loi
extrêmement importante, s'il veut que les différents intervenants
et l'Opposition officielle cherchent à bonifier un tel projet de loi
pour qu'il puisse fonctionner valablement ensuite, je pense que pour une fois
il devrait donner l'exemple à tous ses collègues et avant que le
projet de loi n'arrive en deuxième lecture ou au moment où il va
arriver en deuxième lecture.
L'ensemble de la réglementation proposée, elle devrait
être soumise à ce même moment à l'Assemblée
nationale. Je pense que tout le monde est conscient évidemment de
l'effort que le gouvernement et que l'ensemble de la société veut
pour l'ensemble de ses travailleurs. Ce n'est pas en se cachant,
évidemment, de ce qui pourra arriver par la suite après
l'adoption d'un projet de loi, de la réglementation qui suivra... je
pense que c'est à ce moment que le ministre devrait faire école
et donner l'exemple à chacun en déposant les projets de
réglementation pour que chacun puisse voir exactement où l'on va
et de quelle façon cela pourra fonctionner.
M. le Président, c'étaient les quelques commentaires que
je voulais apporter, mais, quant au pouvoir de réglementation
réellement abusif que se donne le gouvernement actuellement qui n'est
pas sous le contrôle de l'Assemblée nationale, j'ai l'impression
que depuis trois ou quatre projets qui sont soumis aux commissions
parlementaires, il y a là un abus de la part du lieutenant-gouverneur.
À une commission on a même vu que ce n'est pas le
lieutenant-gouverneur en conseil qui pourra modifier des règlements,
mais simplement sur avis dans la Gazette officielle où 30 jours
après un règlement pourra être modifié sans
être présenté devant le lieutenant-gouverneur en conseil.
C'est aller très loin dans le pouvoir de réglementation que de le
laisser entre les mains de personnes où l'Assemblée nationale ne
peut se prononcer.
M. Marois: M. le Président, si on me permettait un
très bref commentaire dans la foulée des remarques du
député de Charlevoix, le député se souviendra sans
doute, je n'ai pas à donner exemple ou pas exemple, je vais essayer de
faire du mieux que je pense que cela doit être fait, que, lorsqu'on a
examiné le projet de loi qui était la première
étape d'un revenu minimum garanti au Québec, le supplément
au revenu du travail, il y avait une réglementation simple, modeste,
quand même limitée, accrochée à cette loi et qui
était une réglementation qu'avait à mettre de l'avant en
vertu de la loi le gouvernement lui-même. À ce moment, je l'avais
déposée, je ne me souviens pas, il me semble que c'est en
deuxième lecture, je donne cela sous réserve, à
l'Assemblée nationale pour que les parlementaires l'aient et qu'au
moment de l'examen article par article on puisse l'avoir en main et regarder
comment les choses allaient se passer.
Cependant, le problème qui se pose ici est différent sur
deux plans. D'une part, bon nombre des éléments du pouvoir de
réglementation ne sont que la reprise et l'intégration dans la
loi-cadre de pouvoirs de réglementation qui existent déjà.
Ils ne sont que retraduits de diverses lois, les fameuses sept lois, les 20
règlements qui existent éparpillés dans toutes les
directions. On n'a fait que reprendre l'intégration de ces lois et des
pouvoirs réglementaires et on a déposé entre les mains des
divers partis de l'Opposition l'ensemble
des textes, des règlements de ces lois qui seraient des
règlements reconduits, qui resteront en vigueur, d'ailleurs le
projet de loi le dit dans les mesures transitoires jusqu'à ce
qu'éventuellement, le cas échéant, ils soient
ajustés ou modifiés. Cela couvre déjà une bonne
partie du pouvoir réglementaire.
Quant au reste, il y a deux possibilités: ou alors l'approche
traditionnelle, et je suis prêt à regarder cette affaire et on va
la regarder. En ce qui concerne donc des nouveaux règlements d'une autre
partie des pouvoirs réglementaires de 185, ou alors c'est l'approche
traditionnelle, c'est-à-dire qu'essentiellement c'est le gouvernement
qui fait les règlements, ou alors c'est l'approche qui nous avait
été suggérée par les agents
socio-économiques à l'occasion du sommet de La Malbaie. Ils
demandaient d'être impliqués au niveau même de
l'élaboration et de la mise en marche, de l'établissement des
règlements, des normes et le reste. C'est pour cela que le projet de loi
prévoit que cela vient de la commission où seront
représentés les représentants des travailleurs, les
représentants du monde des employeurs ou de la partie patronale. Si on
retient cette approche, tout ce que je pourrais faire, si cela pouvait
être prêt à temps, ce serait de déposer des
hypothèses sous réserve de ce que les parties patronales et
syndicales siégeant à la commission décideront de
soumettre au gouvernement comme projet de règlement. Donc, c'est un peu
le problème auquel on a à faire face présentement, mais,
cela dit, je suis prêt quand même à regarder l'ensemble du
problème.
M. Mailloux: M. le Président, une dernière
observation merci de la réponse du ministre la
dernière observation que je voulais faire est la suivante: C'est
qu'avant que la loi ne soit apportée en Chambre, il demeure quand
même que c'est une loi générale qui va traiter sur le
même pied l'ensemble des intervenants, que je sache, si j'ai bien
compris. (16 h 45)
On peut quand même avouer qu'entre les différentes
entreprises, ce ne sont pas les mêmes dangers, d'aucune façon,
auxquels sont soumis les travailleurs. On a vu certaines entreprises
minières où l'on sait qu'il y a eu des problèmes, qu'on
fasse référence aux mines d'amiante et autres. Mais la loi va
quand même être générale, que ce soit pour la petite
entreprise, pour la très grosse entreprise, pour l'entreprise dangereuse
qui s'occupe d'explosifs dans la mine, sous terre, ou le commerce de
détail qui emploie quinze personnes, les écoles. Je pense que
c'est pour cela qu'à travers un dédale d'entreprises aussi
diverses où les risques sont tellement différents les uns des
autres, on aura peut-être l'exemple de Bell Canada qui a assuré la
sécurité et la santé de ses employés et une autre
entreprise de même taille contre laquelle on pourrait avoir des
blâmes sévères et apporter certains articles pour certaines
catégories d'entreprises sur lesquelles il y a absolument obligation de
la part du législateur à être beaucoup plus
sévère.
J'espère que le législateur permettra à des
compagnies qui ont donné un peu l'exemple, au moins, de ne pas revenir
à des conditions minimales. La diversité des entreprises et
l'ensemble de celles qui devront s'y soumettre..., c'est pour cela que je
faisais appel au ministre de faire connaître au moins son schéma
de projet de règlement, même s'il n'est pas final. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Merci. Il n'y a pas d'autre
intervenant, alors je remercie les représentants de Bell Canada pour
leur collaboration et leur participation aux travaux de cette commission. Je
leur souhaite bon retour.
J'invite maintenant l'Association des employeurs de la baie James
à se présenter devant la commission.
Présence de M. Robert Sass
M. Marois: M. le Président, est-ce que les membres de
cette commission me permettraient je l'ai fait de façon indirecte
tout à l'heure de souligner la présence dans cette salle
de M. Robert Sass qui est parmi nous aujourd'hui, qui est sous-ministre du
travail et directeur de la santé et de la sécurité au
travail de la Saskatchewan, qui nous fait l'honneur d'assister aux travaux de
notre commission. On a eu l'occasion de le rencontrer et on sait que la
Saskatchewan est une de ces provinces qui ont pris l'initiative qui a
été à l'avant-garde parmi l'ensemble des provinces
canadienne. M. Sass dirige l'application de cette loi-cadre en Saskatchewan
depuis 1973 et je tiens à le saluer au nom de tous et chacun des
parlementaires qui sont ici dans cette salle. Je pense qu'ils ont fait un
travail qui est pas mal colossal et pas mal intéressant aussi quand on
regarde les résultats aujourd'hui, après six ans. Si on pouvait
simplement, modestement, réussir à atteindre les résultats
qu'ils ont atteints, ce serait déjà pas mal remarquable.
Le Président (M. Dussault): Alors, que M. Sass
reçoive les salutations de toute la commission.
Association des employeurs de la baie James
J'invite le représentant de l'Association des employeurs de la
baie James à se présenter et à nous présenter ses
collègues.
M. Fournier (Alcide): Alors, M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord vous
présenter, à ma gauche, M. Pierre Jodoin, représentant de
Beavergrows-Miron, qui a un chantier à Caniapiscau; immédiatement
à ma gauche, vous avez M. Michel Verret, représentant de Les
Constructions du Saint-Laurent qui ont des chantiers à Caniapiscau, LG
4, LG 3 et Radisson qui est à LG 2; à mon extrême droite,
vous avez M. Guy Marcoux, directeur de Marine Industrie, qui représente
le consortium La Grande à LG 2, le consortium LG 3 qui est à LG 3
et Marine
Industrie qui est à LG 4; vous avez ensuite M. Félix
Gourbil, représentant de Janin Construction qui a des travaux à
LG 2 et à LG 3. Ces quatre personnes sont membres de l'exécutif
de l'Association des employeurs de la baie James. À ma droite
immédiate, vous avez M. Jacques Roux, en charge des relations de travail
à l'Association des employeurs de la baie James et moi-même,
Alcide Fournier, qui suis le gérant général.
Le Président (M. Dussault): Je regardais tout à
l'heure le texte de votre mémoire; cela me semble quand même assez
difficile d'en faire la lecture en 20 minutes. Je vous demanderais de nous le
présenter le plus possible dans les 20 minutes convenues par la
commission.
M. Fournier: Oui, je pense qu'on pourra réussir en vingt
minutes. D'abord, je voudrais souligner que nous avons déposé
deux documents supplémentaires, un qui explique ou qui donne certaines
données techniques relativement aux chantiers de la baie James et un
deuxième qui énumère les lois concernant la santé,
la sécurité et la salubrité qui s'appliquent au territoire
de la baie James.
Nous avons également mis à votre disposition une pochette
publicitaire qui image un petit peu le complexe La Grande et aussi un macaron
qui exprime la mise à terme d'un grand projet québécois,
c'est-à-dire que le 27 octobre on mettra en service officiellement le
premier groupe producteur à la centrale LG 2.
Je voudrais peut-être ajouter un mot sur l'Association des
employeurs de la baie James, qui est peut-être un peu moins connue que
certaines autres associations de la construction. En fait, l'Association des
employeurs de la baie James a deux mandats principaux: d'abord un mandat de
relations de travail qui s'exerce tant au niveau du Code du travail, parce que
nous avons des unités accréditées, qu'au niveau du
décret de la construction.
Le deuxième mandat est un mandat concernant la main-d'oeuvre.
Les membres de l'association. En fait, c'est une association mixte qui
représente à la fois les propriétaires et les
entrepreneurs à la baie James. Il y a les quatre propriétaires
principaux qui sont l'Hydro-Québec, la Société
d'énergie de la baie James, la Société de
développement d'énergie et la Société de
développement de la baie James, et la municipalité de la baie
James. Il y a également 200 entrepreneurs généraux et 250
sous-traitants qui sont représentés par le biais de leur
entrepreneur général.
En fait, ces entreprises de construction sont parmi les plus importantes
du Québec.
Alors, l'Association des employeurs de la baie James a le mandat, entre
autres, d'appliquer une politique de relations du travail dans le complexe
hydroélectrique La Grande. Les propriétaires de la baie James
(SEBJ, SDBJ, Hydro-Québec, MBJ) et les employeurs qui ont des contrats
avec les propriétaires sont membres de l'AEBJ.
L'association et ses membres favorisent des mesures qui auront pour
effet de protéger la santé et la sécurité des
travailleurs. L'AEBJ est d'accord avec certaines représentations
patronales, mais le propos de notre mémoire n'est pas de faire une
critique exhaustive des aspects techniques du projet de loi, car nous sommes
conscients que les différents groupes patronaux et syndicaux du monde du
travail le feront amplement et que les membres de la commission parlementaire
seront en mesure d'être informés sur le sujet.
Cependant, nous aimerions quand même apporter une clarification
quant aux différentes positions qui ont été prises ou qui
seront prises demain, entre autres qui ont été prises par l'AEQ,
un mémoire que vous avez déjà entendu et un mémoire
que vous entendrez, demain, qui est présenté par l'Association de
la construction de Montréal, du Québec, l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, la Corporation
des maîtres-électriciens du Québec, la Corporation des
maîtres-mécaniciens en tuyauterie du Québec et la
Fédération de la construction du Québec.
Quant à nous, et sur le point précis du
délégué de chantier, nous appuyons plus
particulièrement la position de ces derniers organismes plutôt que
la position de l'AEQ. Alors, fermons la parenthèse.
Par contre, l'AEBJ possède une expertise sérieuse
concernant le complexe hydroélectrique La Grande et désire
soumettre les caractéristiques principales d'un chantier de construction
de grande importance de ce type.
Nous croyons qu'une méthode d'approche particulière
devrait être implantée sur un projet de cette importance, car il
ne correspond pas à ce que nous connaissons, c'est-à-dire un
chantier de construction prêt ou intégré dans un milieu
urbain. Il s'agit d'un chantier éloigné et en voici les
principales caractéristiques. Alors, là, je vous
réfère aux données techniques que nous avons
déposées.
Alors, actuellement, en voie de réalisation dans le Moyen-Nord
québécois, le complexe La Grande se range parmi les plus
importants aménagements hydroélectriques au monde. Le complexe
consiste en un ensemble intégré de centrales et de
réservoirs s'articulant autour de la Grande Rivière, principal
cours d'eau à se jeter dans la baie James et troisième
rivière en importance au Québec. La Grande Rivière qui
débite presque autant d'eau que le Saguenay offre à elle seule un
potentiel hydroélectrique énorme, qu'on va néanmoins
doubler en y détournant le cours d'eau de deux rivières voisines,
l'Eastmain et la Caniapiscau.
Quatre centrales d'une puissance totale de 11 409 mégawatts
seront construites le long de la rivière La Grande: LG1, LG2, LG3 et
LG4. À chaque site de centrale, un barrage rehaussera le niveau de la
rivière et permettra de former un réservoir.
Deux autres réservoirs seront créés à
l'intérieur des bassins de drainage des rivières East-main et
Caniapiscau.
On étudie également la possibilité d'installer cinq
centrales supplémentaires dans le complexe.
Si le projet se matérialisait, la puissance du complexe passerait
de 11 409 mégawatts à 13 562. À titre de comparaison,
mentionnons que la puissance actuelle du réseau de l'Hydro-Québec
s'établit à quelque 12 979 mégawatts. Les six grands
réservoirs du complexe La Grande totaliseront en superficie 11 450
kilomètres carrés ou onze fois et demie le lac Saint-Jean. Le
réservoir Caniapiscau avec ses 4285 kilomètres carrés sera
le plus grand lac du Québec.
L'aménagement des immenses pièces d'eau nécessitera
la construction de neuf barrages et de quelque 170 digues et la mise en place
de 150 millions de mètres cubes de remblais. Entreprise en 1972, la
réalisation du complexe La Grande doit se faire progressivement de
manière à répondre à l'augmentation de la demande
d'électricité des Québécois. La
Société d'énergie de la baie James incorporée le 20
décembre 1971 a le mandat de gérer les travaux du complexe La
Grande pour le compte de l'Hydro-Québec.
Situation géographique. Le complexe La Grande s'insère
dans une immense région peu accessible et pratiquement inhabitée,
particularité qu'elle partage d'ailleurs avec tout le Nord
québécois. Le complexe occupe une superficie de 176 000
kilomètres carrés, soit le dixième de l'étendue du
Québec ou encore l'équivalent de l'Angleterre. Quelque 1000
kilomètres séparent en droite ligne Montréal de la Grande
Rivière, c'est-à-dire qu'il faut une heure et demie en Boeing 737
pour effectuer le trajet sans escale alors qu'il faut seulement une heure pour
relier Toronto. Le barrage de la Caniapiscau est le chantier le plus
reculé du complexe. Plus près de Schefferville que de LG 4, il se
trouve à quelque 2000 kilomètres par voie de terre au nord-est de
Montréal.
Infrastructures routières et aéroportuaires. La
réalisation du complexe La Grande suppose l'existence d'une
infrastructure routière gigantesque. En 1971, lorsque les travaux ont
démarré, la région n'était accessible que par avion
de brousse ou par hélicoptère. À cette époque, le
réseau routier s'arrêtait à Matagami, petite ville
minière de l'Abitibi. Il fallait donc ouvrir ce territoire au
développement en perçant une route de 620 kilomètres
à partir de Matagami jusqu'à LG 2, premier chantier du complexe.
À cette route aujourd'hui bitumée sur toute sa longueur se
rattachent divers embranchements donnant accès aux autres chantiers du
complexe. En tout, le réseau routier s'étend sur quelque 1500
kilomètres. Si les quelque 3 millions de tonnes de marchandises
destinées aux chantiers sont acheminées principalement par route,
le transport du personnel s'effectue exclusivement par la voie des airs. Le
complexe dispose actuellement de cinq aéroports dotés de pistes
d'au moins 1500 mètres de longueur. Principale porte d'entrée
aérienne, l'aéroport La Grande desservant LG 2 et LG 1 est en
mesure d'accueillir des réactés de grande capacité. Deux
compagnies aériennes privées assurent les liaisons quotidiennes
entre cet aéroport et les principaux centres du Québec tandis que
le service aérien de la SEBJ se charge lui- même de transporter le
personnel vers les autres chantiers.
L'effectif des chantiers fluctue considérablement d'une saison
à l'autre et d'une année à l'autre. Il culmine normalement
au cours des mois de juillet et août au moment où les conditions
météorologiques sont les plus favorables à
l'exécution des travaux de remblais et de bétonnage. L'effectif
de pointe qui s'établissait à 4924 en 1973 atteignait un sommet
sens précédent en 1978 alors que 17 896 travailleurs oeuvraient
dans les différents chantiers du complexe La Grande. Au cours de la
même année, des centres de vérification établis aux
différents points d'entrée du complexe enregistraient 179 573
entrées et 176 264 sorties pour un grand total de 355 837
déplacements de personnel. Ces nombreux déplacements s'expliquent
par le fait que chaque travailleur a droit à un congé dans sa
famille tous les deux mois. Ce va-et-vient perpétuel est au surplus
amplifié par le roulement de personnel et les mises à pied
survenant à l'expiration des contrats.
En raison de l'éloignement du complexe La Grande, on retrouve
d'importantes infrastructures d'accueil à l'usage du personnel de
construction à chacun des chantiers. Bien que temporaires, elles offrent
tout le confort de la vie moderne. À la pointe des travaux en 1978,
quelque 20 000 personnes habitaient le complexe qui comptait alors six
campements principaux et cinq villages familiaux. C'est à la
société d'énergie en tant que maître d'oeuvre
qu'incombe la responsabilité de loger, de nourrir le personnel de
construction et de lui assurer tous les services sociaux et communautaires. Les
résidents des campements sont logés et nourris gratuitement.
C'est dans des dortoirs logeant généralement de 20 à 24
personnes qu'habite le travailleur. (17 heures)
Chaque campement dispose d'une vaste cantine où les
résidents prennent leurs repas du matin et du soir. Si l'exploitation
des cantines est confiée à un traiteur spécialisé
en la matière, la nourriture est achetée par la
société d'énergie. Les denrées périssables
sont acheminées par camions réfrigérés ou, s'il y a
lieu, par avion et ce au gré des besoins. Le lait est reconstitué
sur place et le pain est généralement fabriqué au jour le
jour. Quand au repas du midi, il est habituellement consommé sur les
lieux de travail et il consiste en sandwiches et en crudités qui sont
distribués le matin même à la cantine. De la soupe et des
boissons chaudes peuvent également être obtenues sur place.
À toute heure du jour, lorsqu'il est au campement, le travailleur peut,
à un prix raisonnable, prendre un repas léger au
casse-croûte. Les administrateurs et spécialistes qui forment le
personnel cadre peuvent être accompagnés par leurs familles pour
la durée entière de leur affectation au chantier. Ils logent dans
des maisons mobiles, moyennant un loyer mensuel et ils doivent défrayer
leur nourriture. La plupart des bâtiments qu'on retrouve dans les
campements et villages, sont faits d'éléments modulaires
préfabriqués en usine et facilement transportables,
qu'on peut réutiliser une fois les travaux terminés.
Le Centre hospitalier La Grande dispose d'un hôpital de 20 lits
situé à LG 2. Au campement principal des autres chantiers, on
retrouve un local de santé disposant de cinq à treize lits selon
l'ampleur du campement. Tous ces centres sont dotés d'une salle
d'attente, d'une salle d'opération, d'une clinique dentaire, d'une
clinique d'urgence, d'une pharmacie et de laboratoires. On y retrouve un
service de clinique externe et de radiologie. De plus, LG 2 a un système
de télésurveillance relié par satellite à
l'Hôpital Sacré-Coeur de Cartierville, qui permet une lecture
spécialisée des électrocardiogrammes.
Chaque campement du complexe offre un large éventail de services
publics, communautaires et sociaux. Tous ces services sont subventionnés
par la société d'énergie, c'est-à-dire, qu'ils sont
à la portée de tous au même prix qu'à
Montréal lorsqu'ils entraînent un déboursé de la
part des travailleurs. Voici une liste des principaux services et installations
communautaires que l'on retrouve dans l'ensemble des chantiers. Accueil,
ambulance, auberge, banque, bar salon, brasserie, buanderie, location de
voitures, machines distributrices, nettoyage à sec, pompiers,
protection, radio, restaurant, bureau de poste, en tout cas, je ne les
énumérerai pas tous, mais ils sont tous disponibles. Soulignons
que le complexe La Grande est relié au réseau
téléphonique nord américain grâce à une
liaison hertzienne d'une capacité de 300 voix.
En outre, les campements captent en direct les émissions du
réseau français de télévision de Radio-Canada
transmises via satellite. Des ressources considérables ont
été affectées à l'organisation des loisirs en vue
d'assurer aux travailleurs une détente agréable. Les sportifs ont
le choix entre le sport intérieur, extérieur, individuel ou de
groupe. Diverses ligues ont été mises sur pied pour les amateurs
de hockey, ballon panier, football, fastball, balle molle, ballon balai, ballon
volant et soccer. Ceux qui préfèrent les loisirs individuels
peuvent s'adonner au billard, au ping pong, au badminton et dans certains
chantiers au tennis, aux quilles et au mini putt. Lorsqu'on souligne ainsi la
personnalité du complexe hydroélectrique La Grande, on parle
à ce moment de développement intégré. Il s'agit
d'une conception globale d'un chantier de construction. Il faut prévoir
les infrastructures, notamment, la route qui relie Matagami à LG 2 et
toutes les voies secondaires qui s'y rattachent. Les réseaux de
communication, la planification des conditions de vie, toute la logistique
nécessaire quant à l'approvisionnement des chantiers, une
politique énergétique devra assurer le ravitaillement continu
dans la phase de construction des chantiers, et il y a, bien sûr,
l'administration des budgets et le contrôle des coûts qui sont
essentiels à la gérance d'un tel projet.
Ce ne sont que quelques exemples qui démontrent l'étendue
du complexe hydroélectrique La Grande et les difficultés peu
communes qu'on peut rencontrer dans sa réalisation. Au niveau des
développements de projets hydroélectriques semblables, il faut
qu'il y ait une concertation au niveau des différentes composantes. Nous
avons lieu de croire que les futurs projets de cette envergure se
développeront dans le même esprit, hormis les améliorations
qu'on aura apportées sur le plan technique ou administratif. Donc,
à cause de sa situation particulière au Québec, le
complexe hydroélectrique La Grande commande sûrement des
mécanismes à sa mesure et c'est dans cette optique qu'a
été rédigé le mémoire qui vous est
soumis.
Les chantiers de construction de grande importance. "Nul ne peut
entreprendre un chantier de construction qui constituera vraisemblablement un
chantier de grande importance au sens des règlements à moins d'en
avoir avisé la commission par écrit au moins 180 jours avant le
début des travaux. "Lorsqu'elle est ainsi avisée, la Commission
convoque et rencontre le maître d'oeuvre et chacune des associations
représentatives. Le maître d'oeuvre doit fournir à la
commission tous les renseignements que celui-ci requiert à propos du
chantier de construction projeté." C'est l'article 181.
Cette citation nous indique à quel point le législateur
attache une importance à l'aspect de la sécurité et de la
santé des travailleurs sur des chantiers de grande importance du type du
complexe hydroélectrique La Grande.
Nous comprenons que cet esprit s'appliquera dans le cas de futurs grands
projets, qu'il serait illusoire de tout refaire ce qui a été
conçu dans un projet de la taille du complexe hydroélectrique La
Grande, mais malgré ces arguments l'AEBJ pense qu'il serait difficile
d'appliquer les dispositions actuelles du projet de loi no 17 en ne tenant pas
compte de la personnalité du chantier de construction de grande
importance qu'est le complexe hydroélectrique La Grande.
C'est précisément le but de cette première partie
du mémoire qui consiste à décrire les
caractéristiques d'un chantier de grande importance et de prévoir
que la méthode de fonctionnement que nous développerons servira
de point de départ pour les futurs projets de cette nature.
Les rapports collectifs des relations du travail sont régis par
deux législations principales: la Loi des relations de travail dans
l'industrie de la construction et le Code du travail. La syndicalisation des
travailleurs est à plus de 90% sur les chantiers du complexe La Grande
et les travailleurs sont encadrés par plus de 20 associations
accréditées et représentatives. Il y a différents
blocs syndicaux qui représentent les intérêts des
travailleurs: la construction, les employés de bureau, les
employés des traiteurs alimentaires, les employés du service de
sécurité publique, etc., pour n'en nommer que quelques-uns.
Nous pensons qu'il serait important de prévoir un cadre efficace
pour l'application de programmes de prévention dans le complexe
hydroélectrique La Grande. Si on examine de plus près la
situation des rapports collectifs de travail dans le
complexe La Grande on en vient rapidement à la conclusion que
tout se fait par grands ensembles. Pour ne citer que quelques exemples appuyant
cet argument, la majorité des salariés des traiteurs alimentaires
sont couverts par une convention sur l'ensemble des chantiers du complexe
hydroélectrique, de même que les employés de bureau, ceux
du service de sécurité publique et, à plus forte raison,
les salariés de la construction.
Historiquement et dans les faits, la tendance est au regroupement des
secteurs d'activités similaires et à une plus grande
centralisation des rapports collectifs de travail.
Étant donné la personnalité particulière
d'un chantier de grande importance comme le complexe La Grande et des
conditions de vie qui en découlent et qui diffèrent grandement de
celles que l'on retrouve sur des chantiers de construction en milieu urbain, il
nous paraît opportun de proposer une formule qui pourrait coller à
la réalité étant donné que les conditions de vie
sont les mêmes pour tous les travailleurs, peu importe leurs secteurs
d'activités, une formule qui éviterait le foisonnement
d'organismes et de groupes et qui aurait pour résultat de produire
beaucoup de double emploi des ressources consacrées à l'aspect de
la sécurité et de la santé sur un chantier comme celui du
complexe La Grande.
Il nous semble très important de définir une approche
particulière pour un chantier de l'envergure du complexe où la
coordination des différents projets est essentielle afin que le tout
respecte la progression des échéanciers. Nous devons instaurer
une formule qui nous permette la coordination de différents programmes
de santé et de sécurité qui sont décrits dans le
projet de loi no 17 et qui respecte les caractéristiques des
différents secteurs d'activités.
Cette formule consisterait en la création d'une association
multisectorielle qui pourrait permettre une coordination administrative plus
efficace au sein du complexe hydroélectrique La Grande.
Cette association multisectorielle pour les travaux du complexe La
Grande serait composée des principaux secteurs d'activités: 1. le
secteur de la construction et les secteurs des services, c'est-à-dire du
Code du travail: l'alimentation, les bureaux, la sécurité
publique, les fournisseurs, les transporteurs, etc.
La formation de l'association multisectorielle se conforme aux
dispositions de l'article 73 du projet de loi, à savoir qu'une ou
plusieurs associations d'employeurs et une ou plusieurs associations syndicales
appartenant aux différents secteurs d'activités pourront conclure
une entente constituant une association multisectorielle paritaire de
santé et de sécurité au travail. À la
différence de l'association sectorielle, l'association multisectorielle
ne serait pas imitée à un seul secteur d'activités.
L'association multisectorielle serait administrée par un conseil
composé d'un nombre égal de représentants des associations
d'employeurs et des propriétaires, d'une part, et de
représentants des associations accréditées et
représentatives, d'autre part.
Nous instaurons la présence des propriétaires du complexe
hydroélectrique La Grande au sein du conseil d'administration car nous
pensons que leur présence est nécessaire. Les
propriétaires sont en effet responsables de la réalisation du
projet; ils ont un rôle de gérance très important et ce
sont ces derniers qui peuvent informer les autres membres du conseil dans
l'élaboration des programmes de santé et de
sécurité qui répondraient aux réalités
particulières du complexe La Grande.
Nous vous donnons, dans le mémoire, la composition de
l'Association des employeurs de la baie James, les propriétaires:
Société d'énergie, Hydro-Québec,
Société de développement et municipalité de la baie
James; les associations représentatives de la construction,
c'est-à-dire le Conseil provincial des métiers de la construction
du Québec, la Fédération nationale du bâtiment et du
bois, la CSD, etc., et les représentants syndicaux des associations
sectorielles provinciales de la construction. Quant aux associations
accréditées, nous avons le local 6833 des métallos,
l'Union des opérateurs de machinerie lourde qui représente les
traiteurs alimentaires, la CSN, etc.
But et objet. L'association multisectorielle aura pour objet de fournir
des services de formation, d'information, de recherche et de conseil et
assurera un rôle de coordination dans l'application des différents
programmes de prévention et pour toute matière ayant trait
à des questions de santé et de sécurité du travail
qui découlerait de l'application du projet de loi no 17.
Conséquemment, les dispositions prévues aux articles 76, 77 et 78
s'appliqueraient également à l'association multisectorielle. La
durée du mandat de l'association sera temporaire car l'existence de
l'association serait liée à la durée des travaux du
complexe hydroélectrique La Grande ou de tout autre projet semblable si
la formule d'association multisectorielle est adoptée.
Nous croyons qu'il est nécessaire que l'association
multisectorielle soit créée pour les fins du complexe
hydroélectrique La Grande. Il est essentiel qu'un organisme comme
l'association multisectorielle puisse coordonner l'application des
différents programmes de prévention qui seront reliés au
programme principal adopté par la commission pour les travaux
exécutés au complexe. Nous croyons également qu'il faille
favoriser une association multisectorielle plutôt que différentes
associations sectorielles distinctes, car lorsque nous parlons d'un chantier de
construction, comme ceux existant au complexe La Grande, il ne s'agit pas
seulement d'une main-d'oeuvre exclusivement rattachée à des
travaux de construction, mais cette main-d'oeuvre est diversifiée dans
plusieurs autres secteurs d'activités. Par contre, la main-d'oeuvre de
ce type de chantier éloigné vit dans le même chantier de
construction et les conditions de vie sont les mêmes pour tous les
salariés.
Autant par l'envergure que par la complexité des travaux qui se
font au complexe La Grande il est nécessaire d'avoir un organisme de
gérance qui supervise l'exécution des différents
échéan-
ciers, autant il nous apparaît important que des
propriétaires fassent partie du conseil d'administration de
l'association multisectorielle. Nous croyons qu'une concertation entre les
parties respectives, c'est-à-dire les représentants syndicaux,
les représentants d'employeurs et les représentants des
propriétaires qui oeuvrent au complexe La Grande, est nécessaire
à l'application efficace d'un programme de prévention pour un
chantier de cette importance. Les mandats dévolus aux associations
sectorielles, tels que cités à l'article 76 du projet de loi, ne
sont pas incompatibles avec l'existence d'une telle association car cette
dernière pourrait assumer les mêmes fonctions sauf qu'elle
coordonnera en plus l'application des différents programmes de
prévention dans tout le complexe.
Finalement, l'association proposée rejoint bien les buts et
objectifs de l'association sectorielle sauf que nous en élargissons le
cadre de fonctionnement. La création d'une association multisectorielle
nous aide à atteindre une application homogène du projet de loi
no 17 au complexe La Grande. Lorsque nous parlons d'élargir le cadre de
fonctionnement de l'association sectorielle pour devenir l'association
multisectorielle, nous faisons expressément référence au
rôle de formation, d'information, de conseil et de recherche d'une telle
association, car c'est cette dernière qui sera responsable de la
continuité dans la poursuite des objectifs qui sont décrits dans
le présent projet de loi. Par contre, le rôle de coordination de
l'association sera très important pour la commission de santé et
de sécurité au travail qui assumera la responsabilité de
la mise en oeuvre du régime de santé et de sécurité
au travail.
Nous croyons avoir soumis une formule simple et réaliste dans le
concept de l'association multisectorielle. Pour éviter l'application
isolée de différents programmes de prévention, nous
pensons que l'association multisectorielle sera l'organisme qui pourra le mieux
coordonner les différents programmes de prévention dans le cadre
de chantiers de grande importance comme le chantier La Grande.
Le dernier document que j'avais déposé est en fait la
liste des lois concernant la santé, la sécurité et la
salubrité qui s'appliquent actuellement au territoire de la baie James.
Au départ, j'avais envie de vous en faire la lecture, mais je pense que
je vais vous en dispenser. Il y a 39 lois et plus de 70 arrêtés en
conseil qui dépendent de plusieurs ministères et chacun de ces
ministères en fait l'application par le biais d'inspecteurs, etc. En
fait, toute cette législation nous motive encore plus à avoir un
organisme de coordination au chantier du complexe La Grande.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fournier.
M. le ministre. (17 h 15)
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'Association des employeurs de la baie James de son mémoire. Je pense
que l'association vient de faire une des démonstrations probablement les
plus éclatantes avec les chiffres à l'appui, les données,
compte tenu de l'ampleur, de la grosseur, de la diversité, de la
complexité des fonctions, des tâches, des corps de métiers
de tous ordres qui sont impliqués dans des chantiers de grande
envergure. Je pense que tout cela vient confirmer le bien-fondé de la
section VII du projet de loi, c'est-à-dire l'idée de concevoir
une section propre et particulière dans le cas des grands chantiers aux
articles 181 à 184. Ce chapitre prévoit que forcément il
faut trouver des formules d'ajustement à cette réalité des
programmes de prévention. Donc, il faut revoir un programme d'un type
tout à fait particulier, des mécanismes de consultation pour la
mise au point de ce programme qui implique les diverses parties
concernées. En ce sens, je vous remercie de la contribution que vous
avez apportée et je pense que je peux vous assurer que la commission
à venir va certainement examiner très attentivement, prendre
d'abord en considération l'expérience que vous avez vécue,
d'une part, et d'autre part, la formule que vous nous suggérez.
Vous nous suggérez une formule qui vise à faciliter autant
que possible la coordination des différents programmes de santé
et de sécurité, cette formule passe par la création d'une
association multisectorielle. Je ne veux pas entrer dans tous les
détails de la recommandation, vous êtes quand même
très précis. Vous le développez de la façon de le
composer, de le former, les buts, les objets et le fonctionnement même de
l'association. Ce sera certainement regardé de très près,
sans compter qu'en plus il faut tenir compte, et je pense qu'il faut le
signaler aussi, qu'il y a eu tellement de choses dites sur la baie James et je
présume qu'il va s'en dire encore beaucoup pendant longtemps. Selon les
chiffres qu'on m'a communiqués et donc, sous réserve de
vérifier s'ils sont tout à fait exacts et tout à fait au
point, on sait très bien la taille que cela a impliqué dans les
périodes de pointe autour de 18 000 travailleurs. Il y aurait eu
jusqu'à maintenant au total quelque chose qui oscille entre 20 et 25
personnes qui seraient décédées sur le chantier depuis le
début des travaux. Quand on regarde l'ensemble du dossier des accidents
et de ceux qui ont été beaucoup plus graves pour ne pas dire
tragiques et qui ont entraîné des décès, il n'y a
aucun doute que toute chose étant égale, toute proportion
gardée, en comparaison des chiffres du dossier de la Manicouagan, il est
certain que la performance est légèrement moins bonne. La
performance est certainement meilleure que ce qu'on trouve dans l'ensemble du
secteur de la construction dans l'état actuel des choses, où
là, la situation suppose, mérite un redressement important.
Cela étant dit, donc, en conséquence, je vous remercie de
votre contribution qui est tout à fait particulière. Il y a une
question que je voudrais vous poser pour l'instant, c'est la suivante:
Qu'est-ce que vous pensez de l'idée que soit affecté, dans le
cadre d'une révision des services d'inspection qui sont actuellement
émiettés à l'intérieur des quatre coins de la
machine administrative, dans la
perspective d'une coordination, d'un meilleur regroupement des services
d'inspection, possiblement... C'est une hypothèse plus que
sérieuse, je pense, qu'il faut regarder de très près.
J'avoue que je suis plutôt porté spontanément, sous
réserve de l'étudier au mérite et de formuler mes
recommandations en conséquence au Conseil des ministres, de le rattacher
même à l'éventuelle commission de la santé et de la
sécurité du travail au Québec. Que pensez-vous de
l'hypothèse de s'assurer, sur les grands chantiers, de la
présence en permanence d'un inspecteur?
M. Fournier: Je pense que, compte tenu des distances qu'on a
énumérées tantôt au niveau du complexe La Grande, il
est bien évident que la future commission aura à avoir en
permanence des inspecteurs sur les chantiers. Lorsqu'on regarde, par exemple,
pour le refus du travail, le processus qui est dessiné au niveau de la
loi, on a une décision exécutoire qui doit être rendue dans
un certain laps de temps par un inspecteur. Or, évidemment, si vous
installez un inspecteur à L G 2, il est bien évident que, si un
problème survient à Caniapiscau, il va lui être totalement
impossible de s'y rendre en dedans de six heures. Sur le nombre de travailleurs
qui gravitent au niveau de la baie James, on dit 16 000 et plus cette
année, j'ai la nette impression que le nombre de problèmes va
nécessiter, pour la commission, l'implantation de bureaux sur chacun des
sites, avec un nombre suffisant d'inspecteurs pour répondre à la
demande, c'est-à-dire que les comités paritaires vont examiner
certaines situations de danger, mais même si, au niveau de la baie James,
nous avons au-delà de 73 agents à la prévention ou agents
de sécurité, nous pensons que l'inspecteur devra, dans
pratiquement tous les cas, rendre une décision. Alors, il est
évident que la commission de la santé et de la
sécurité du travail, la future commission, devra sûrement
avoir des représentants en permanence aux chantiers. C'est
définitif, à notre avis.
Il y a peut-être deux points que je voudrais relever, M. le
ministre, si vous me permettez, dans votre intervention. D'abord, ce sont les
articles 181 à 184. Il est évident que la loi a
déjà prévu certaines dispositions pour des chantiers
d'envergure, sauf que nous comprenons que ces dispositions ne visent que les
chantiers de construction. Or, à la baie James, le secteur services qui
est régi par le Code du travail est quasi aussi important que le secteur
construction. C'est un peu pour cela que, dans notre mémoire, nous
allons un petit peu plus loin que cette recommandation
c'est-à-dire que nous voyons que, dans ces dispositions contenues dans
le projet de loi, on ne parle que d'associations représentatives, par
exemple qui fait référence directement à la Loi de
relations de travail dans l'industrie de la construction. On parle de
délégués de chantiers, tout cela fait
référence uniquement à la structure construction. Nous
concevons mal qu'un délégué de chantier, par exemple, qui
selon le projet de loi est un représentant à la
prévention, puisse aller discuter de sécurité dans les
cuisines, puisse aller discuter de sécurité avec les pompiers,
les policiers ou les employés de bureau, etc.
C'est pour cela que nous disons que sans éliminer ces
dispositions qui, à notre avis, sont réservées pour de
gros chantiers, mais situés dans un environnement urbain où on
n'a pas besoin d'implanter tous les autres services qui sont régis par
le code, nous allons un peu plus loin, on essaie de marier, en fait, les deux
régimes qui sont prévus au projet de loi.
L'autre commentaire, vous avez fait une brève comparaison avec
les chantiers Manic et, à moins que j'aie mal compris, vous avez
laissé sous-entendre que le record de La Grande était moins bon
que celui des chantiers de Manic. Si vous me permettez, j'aimerais
déposer des comparaisons par millions d'heures entre General Motors,
construction pour la province de Québec, en 1977-1978, construction pour
l'Ontario en 1977, le chantier olympique, mines Ontario, Sincrude Canada,
Churchill Falls, complexe La Grande et Manie-Outardes, qui vont vous donner,
par millions d'heures, les résultats. Le complexe La Grande, sans
être nécessairement le champion au niveau sécurité,
a quand même une position avantageuse comparativement à
Manie-Outardes, comparativement à Ontario mines ou d'autres qu'on a pu
comparer. Du même coup, on vous donnera une localisation des blessures.
Alors, si vous me permettez...
M. Marois: Je pense que les membres seraient d'accord, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous en avez plus
d'une copie, oui?
M. Fournier: Oui.
M. Marois: Bon, on va en faire faire des photocopies.
Le Président (M. Dussault): Quelqu'un du
secrétariat va les distribuer.
M. Marois: Je l'apprécie, c'est pour cela d'ailleurs que
j'ai dit: sous réserve de me tromper. On va certainement prendre
connaissance avec beaucoup d'intérêt des chiffres qui sont
là.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'était la
fin de votre intervention, M. le ministre?
M. Marois: Oui, pour l'essentiel, sauf que je veux être
certain que j'ai bien compris ce que vous avez évoqué en ce qui
concerne la notion de chantier. Vous avez l'impression qu'à la
façon dont c'est libellé, non seulement de 181 à 184, mais
la définition, cela n'est limité qu'à la partie de la
construction, alors que, forcément, il y a toute une batterie de choses
additionnelles qui se déroulent en même temps, qui impliquent des
hommes et des femmes qui sont au travail, qui impliquent des employeurs. Cela
ne doit pas être
exclu de l'ensemble de l'approche. Ce n'est certainement pas notre
intention, en tout cas, si on peut être bien clair là-dessus... Si
le texte est ambigu, on va y voir, je prends bonne note de vos commentaires. Ce
n'est certainement pas notre intention d'exclure le reste; cela, c'est certain.
L'idée d'avoir une approche qui implique une coordination de l'ensemble
des divers éléments et intervenants n'est certainement pas une
recommandation à rejeter du revers de la main, certainement pas. Alors,
dans ce sens, je prends bonne note de vos commentaires.
Le Président (M. Dussault): Avant de laisser la parole
à M. le député de Portneuf, je voudrais aviser les deux
groupes qui resteront à être entendus après l'Association
des employeurs de la baie James que nous les entendrons avant d'aller souper.
La commission est d'accord pour entendre les deux autres groupes avant d'aller
souper, ce qui veut dire que tout le monde serait libéré en
soirée.
Cela dit, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président, merci, M.
Fournier, merci messieurs. Je vous remercie de la présentation de votre
mémoire. Je voudrais vous dire que nous trouvons, de notre
côté, très intéressantes les suggestions que vous
formulez, eu égard aux associations multisectorielles et je pense que
c'est un des meilleurs moyens pour véritablement s'assurer d'une action
intégrée et concluante. C'est très intéressant que
tout cela. Nous en prenons non seulement bonne note, on a presque envie
d'acheter cela tout de suite, mais avant de le faire, on va l'étudier
davantage quant à nous et on aura l'occasion de revenir pour prendre
connaissance de la position adoptée par le ministre et le gouvernement.
Probablement qu'il en tiendra compte dans les amendements qu'il apportera. Ce
sont des choses qu'il n'est pas impossible à faire et on verra à
s'ajuster. Vous pourrez prendre connaissance des positions que, nous, nous
adopterons lors de l'étude du projet de loi article par article, plus
spécifiquement à l'égard des articles relatifs aux
chantiers de grande importance.
J'avais strictement une brève question à vous poser. Vous
avez parlé des délégués en sécurité.
Je sais que vos entreprises ont des personnes qui oeuvrent au chapitre de la
sécurité. J'aimerais que vous puissiez témoigner de
l'expérience connue à ce jour: Comment cela a-t-il
été? Combien y en a-t-il en haut à la baie James? Y a-t-il
un ratio employés-responsable de la sécurité au sein de
chacune des entreprises? Est-ce que de telles personnes oeuvrent à ces
fonctions depuis le début du chantier ou est-ce depuis quelque temps
seulement? Partant de là, est-ce qu'on a pu assister à une
amélioration au chapitre de la sécurité, de la
prévention, etc? Quelles sont leurs fonctions? Quelles sont leurs
attributions?
Une question qui déborde peut-être le cadre des faits comme
tels, mais j'aimerais savoir, si c'est possible, quelle perception les
travailleurs ont de ces personnes responsables de la sécurité.
Sont-elles considérées comme des gens qui oeuvrent avec le
travailleur pour la prévention et la sécurité ou
sont-elles considérées comme des représentants de
l'employeur, purement et simplement? On a eu souventefois à discuter ici
du degré de confiance que pouvait avoir un intervenant dans le milieu,
du degré de confiance que pouvait avoir cet intervenant auprès du
travailleur, et je pense que c'est important.
Alors, c'est l'essentiel de la question que je voulais vous poser. Je
vous remercie beaucoup de votre présence ici, et continuez à
construire la Baie James, on a hâte au 27 octobre pour que ce soit
inauguré. Je dois vous dire qu'on est heureux, quant à nous,
notre formation politique, de s'y être associés, même si on
a été souventefois critiqués par nos amis d'en face qui,
aujourd'hui, essaient d'en tirer le coin du voile. Mais je suis convaincu que
la majorité des coins de la couverture vont rester du côté
du Parti libéral du Québec à l'égard du projet de
la Baie James, qui a été lancé par M. Bourassa. Merci,
messieurs! (17 h 30)
M. Marois: C'est-à-dire que vous m'ouvrez une porte, vous,
là, à 17 h 30.
M. Pagé: Le temps est limité, M. le
Président.
M. Marois: On ne reviendra pas sur le début du
démarrage du projet, le projet annoncé et le projet
réalisé. J'ai cru comprendre que, d'abord, dans la simple
géographie il y a quelques légers écarts entre le point de
départ et le point de chute.
M. Pagé: C'est dans ce temps-là que vous parliez du
nucléaire.
M. Marois: Le point de chute est intéressant. Le point de
départ c'était autre chose.
M. Pagé: Écoutez, vous ne pouvez pas
m'empêcher d'être enthousiaste devant un projet comme
celui-là.
M. Marois: II y a des choses grandioses. Cela prouve que nous,
les Québécois, on est capables, pas mal plus que certains le
laissent entendre.
M. Pagé: On n'a jamais dit le contraire.
M. Fournier: Pour vous mettre d'accord, je vous
suggérerais peut-être de porter notre macaron.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. Fournier,
de l'aide que vous m'apportez. Alors, au nom de la commission, je
remercie...
M. Pagé: J'ai des questions. Ils vont répondre.
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse.
M. Pagé: J'aurais quelques questions, si vous me
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Oui, d'accord!
M. Fournier: D'abord, je vais peut-être procéder
à l'inverse. Au niveau de la perception de nos personnes responsables
à la prévention, je pense qu'au niveau du travailleur la
perception est bonne. La perception est peut-être moins bonne du
côté des représentants syndicaux. Évidemment, le
représentant syndical a une fonction plutôt de relation de
travail. Il a l'habitude de négocier. En fait, c'est sa fonction
principale, finalement, et sa perception, je pense, d'agent à la
prévention est peut-être un peu biaisée. On pense que le
représentant de l'employeur est toujours un petit peu biaisé,
c'est-à-dire qu'il penche un peu du côté de l'employeur,
sauf que pour avoir pu converser à plusieurs reprises avec des agents de
sécurité je devrais dire des agents de prévention,
non pas des agents de sécurité dans le sens Agence Philipps
et étant moi-même instructeur en sécurité,
j'ai pu constater souvent que le bonhomme lui-même faisait le maximum
pour assurer la sécurité des travailleurs. Il est sûr que
dans un complexe comme La Grande, il arrive des infractions qui sont le pur
fait du hasard dans certains cas. Dans d'autres cas, cela peut être des
infractions qui sont commises par le salarié lui-même. Il y a
aussi certaines infractions qui sont commises par l'employeur, mais je dirais
que, de façon générale, le code de sécurité,
pour les chantiers de construction est, je dirais, le plus respecté et
que le rôle ou enfin l'importance des agents à la
prévention est très important à ce niveau-là.
D'ailleurs, au chantier de la baie James, nous avons 73 agents à la
prévention ou sécurité; il y en a 47 chez les employeurs
et 26 à la Société d'énergie de la baie James. Il
faut dire aussi que la Société d'énergie a son propre
programme de sécurité qu'elle applique et vérifie à
l'aide de ses inspecteurs en sécurité.
Quant à l'amélioration, vous nous demandiez s'il y avait
eu amélioration depuis le début. Je peux dire carrément
que oui, et je pense que cette année, entre autres, nous aurons pour le
chantier La Grande à peu près la meilleure année au point
de vue de la sécurité, c'est-à-dire que le taux de
fréquence est considérablement diminué même par
rapport à nos propres chiffres de l'an dernier qui étaient
inférieurs à ceux de la construction au Québec et qui
étaient inférieurs à ceux de la construction en Ontario.
Cette année, nous allons avoir encore une amélioration dans ce
domaine-là.
Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre
question?
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. Il n'y a pas d'autres interventions. Au nom
de la commission, je remercie l'Association des employeurs de la baie James de
sa participation aux travaux de cette commission. Je souhaite aux
représentants un bon retour.
J'invite maintenant l'Ordre des ingénieurs du Québec et
l'Ordre des architectes du Québec à se présenter devant la
commission.
Pour les fins du journal des Débats j'invite le porte-parole du
groupe à se présenter et à nous présenter ses
collègues.
Ordre des ingénieurs et Ordre des
architectes
M. Delisle (Pierre): Bonjour messieurs! Mon nom est Pierre
Delisle, vice-président de l'Ordre des ingénieurs. Je suis
accompagné de M. Jean-Paul Dagenais, permanent à l'Ordre des
ingénieurs, M. Robert Santerre, président du comité qui a
étudié le projet de loi no 17, M. André Tremblay,
architecte, qui faisait également partie de ce comité ainsi que
M. Gabriel Richard qui, en tant qu'ingénieur, a travaillé au
niveau de notre comité.
Pour vous éviter une trop longue audition de la lecture de notre
mémoire, nous avons préparé un résumé que je
vais vous livrer en quelques minutes, lequel résumé contient
l'essentiel des recommandations que nous formulons à la commission.
Le présent document fait état des principales
recommandations contenues au mémoire que nous soumettons à
l'attention de cette commission parlementaire. Ces recommandations ont
été formulées par un comité d'ingénieurs et
d'architectes ayant considéré les conséquences de
l'application du projet de loi dans le domaine de la construction et par un
comité d'ingénieurs qui a étudié la nouvelle loi en
relation avec le milieu industriel. Nos vues doivent être
considérées comme celles de membres de l'Ordre des professionnels
plutôt que celles de propriétaires d'entreprises et, nous
regrettons, à ce sujet, que le projet de loi identifie automatiquement
à l'employeur, donc au propriétaire, les spécialistes en
matière de santé et de sécurité que sont plusieurs
de nos membres.
De fait, nous regrettons que le projet de loi ne précise
aucunement, lorsqu'il ne l'ignore pas complètement, le rôle de ces
spécialistes en matière de santé et de
sécurité.
La loi met l'accent sur la prévention des accidents et des
maladies du travail et sur la participation du milieu. L'objectif premier est
donc la réduction des accidents et des maladies par la création
de mécanismes favorisant la collaboration des employeurs et des
travailleurs. L'objectif est évidemment légitime, les
mécanismes choisis théoriquement valables, mais selon nous,
irréalistes.
Nous considérons que les structures paritaires proposées
aux trois échelons et particulièrement au niveau des associations
sectorielles et de la commission de la santé et de la
sécurité du travail favoriseront l'affrontement entre employeurs
et employés au détriment de la prévention des accidents et
des maladies industrielles. Nous regrettons particulièrement qu'on ait
opté pour le vote en bloc des deux groupes représentés au
comité de santé et de sécurité des entreprises.
Nous suggérons de plus que, au niveau des associations sectorielles et
de la commission, des structures tripartites soient mises en place où
les spécialistes
du domaine, et peut-être les représentants du public
formant le troisième groupe, pourraient mettre leurs ressources
techniques et administratives à la disposition des travailleurs et des
employeurs. À la commission en particulier, cette formule favoriserait
la prise de décisions plus éclairées et allégerait
la tâche du président.
Par ailleurs, puisque tous admettent que l'employeur doit garder la
responsabilité on entend par là la responsabilité
légale de la santé et de la sécurité de ses
employés, nous croyons que rien ne devrait venir diluer cette
responsabilité. C'est pourquoi nous estimons que le comité de
santé et de sécurité des entreprises devrait n'être
qu'un comité consultatif chargé par ailleurs d'assurer la
surveillance des conditions de travail et d'assister les travailleurs et les
employeurs dans l'exercice de leurs droits et devoirs respectifs, avec pouvoir
de référer aux autorités gouvernementales les cas d'abus
et les manquements à la loi.
Nous croyons également que tel que le livre blanc
l'annonçait, en s'appuyant sur de nombreux et puissants arguments, la
loi devrait prévoir que les services d'inspection ne relèveront
définitivement pas de la commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Voici maintenant quelques-unes de nos autres suggestions relatives au
domaine industriel. Que l'employé soit tenu d'utiliser les moyens et
équipements de protection personnels requis par les circonstances. Que
soit considéré comme une infraction le fait de rendre
inopérant un élément de protection mécanique,
électrique ou autre. Qu'une liaison soit assurée entre le
programme de prévention et le programme de santé d'une même
entreprise et que des médecins et hygiénistes et tous les autres
spécialistes soient appelés à collaborer à leur
conception et à leur application. Qu'il soit possible à des
employeurs et employés d'en appeler à l'inspecteur chef
régional de la décision d'un inspecteur. Que l'inspecteur puisse
s'en remettre à une attestation d'un ingénieur ou d'un architecte
non seulement quant à la solidité d'une structure, mais pour tout
ce qui relève de leur compétence respective. Finalement, que la
Loi des établissements industriels et commerciaux relativement à
la préparation de plans d'architectes ou d'ingénieurs soit
incorporée sans modification à la loi à
l'étude.
Relativement au domaine de la construction, nous considérons que
le projet de loi n'offre pas les garanties minimales nous permettant de croire
qu'elle représente une amélioration véritable par rapport
à la situation actuelle. Nous croyons qu'il serait
prématuré et hasardeux de sanctionner, sans plus d'étude,
cette partie du projet de loi. Nous estimons qu'une période
supplémentaire de consultation en profondeur de tous les organismes
impliqués est essentielle.
Nous croyons que le projet de loi porte à faux, en ce qu'il ne
vise pas à améliorer la situation des petits chantiers de
construction où semblent se produire plus de 75% des accidents mortels
si l'on doit se fier aux données disponibles pour 1976.
Nous estimons donc qu'une analyse plus poussée des causes et
circonstances des accidents survenus au cours des dernières
années, en fonction surtout de la taille des entreprises et de
l'importance des chantiers, permettrait d'en arriver à une loi dont les
bénéfices seraient mieux assurés.
Nous estimons que, particulièrement dans le domaine de la
construction, ce devrait être une obligation pour travailleurs et
employeurs de suivre des cours de sécurité avant de pouvoir
être admis sur un chantier où, selon nous, travailleurs et
employeurs doivent à chaque instant être sur le qui-vive pour
déceler les causes d'accident et les éliminer. Il ne nous semble
pas justifié également de faire table rase de tous les
mécanismes en place pour les remplacer par d'autres dont le
mérite ne s'impose pas de toute évidence. Nous croyons à
ce sujet que l'office de construction, tout imparfait qu'il soit selon
certains, dispose du personnel spécialisé et de
l'expérience nécessaire pour continuer de voir à la
sécurité sur les chantiers de construction. Conséquemment,
nous recommandons que l'office de construction soit chargé du service
d'inspection et agisse comme l'association sectorielle de la construction. Nous
estimons que la loi et les règlements devraient permettre l'existence
des conditions particulières ainsi créées.
Nous estimons également que, tout comme dans les autres secteurs
d'activités, c'est l'employeur qui, sur un chantier de construction,
doit être responsable légalement de la sécurité de
ses employés. Selon nous, la loi devrait donc obliger l'entrepreneur
à désigner un préposé à la
sécurité dont les qualifications et responsabilités
devraient être clairement établies. Le représentant des
travailleurs, pour sa part, devrait être disponible pour aider les
travailleurs à faire valoir leurs droits et pour faire les
recommandations jugées opportunes au comité de chantier.
Pour conclure, notons que les ordres professionnels chargés de
contrôler les activités de leurs membres dont les services
touchent au domaine de la santé et de la sécurité au
travail sont très conscients de leur responsabilité sociale.
Selon nous, le projet de loi no 17 devrait favoriser davantage la contribution
des ingénieurs et des architectes et celle de leurs ordres
professionnels en leur donnant l'occasion de manifester de façon encore
plus tangible cette conscience sociale relative à la santé et
à la sécurité des travailleurs.
En terminant, soulignons à nouveau qu'il est certes inadmissible
qu'architectes et ingénieurs soient automatiquement identifiés
aux employeurs et, a priori, considérés comme réfractaires
aux vues des travailleurs. Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Delisle. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'Ordre des ingénieurs du Québec ainsi que l'Ordre des
architectes du Québec de leur mémoire. Je tiens à le
signaler parce que je crois qu'on peut et qu'on doit se réjouir du
fait
que deux groupes de professionnels aient décidé de joindre
leurs réflexions pour présenter un mémoire conjoint. Cette
attitude nous permet peut-être d'espérer et déjà de
voir commencer à se confirmer le fait que l'effort professionnel
multidisciplinaire qui sera forcément nécessaire pour atteindre
les objectifs qu'on se donne peut se concrétiser. Je voudrais aussi vous
remercier pour, et je l'ai lu attentivement, votre mémoire. Je pense que
c'est un mémoire qui est extrêmement sérieux. Je pense
qu'il constitue un apport intéressant à l'étude du projet
de loi et, par ailleurs, mes commentaires et mes questions seront plutôt
brefs étant donné l'heure et que bon nombre des questions qui
sont soulevées ont déjà été abordées
par d'autres groupes en cours de discussion. Je vais surtout m'en tenir
à un certain nombre d'éléments qui ressortent de
façon plus particulière et qui sont davantage plus propres
à votre mémoire.
J'ai cru comprendre... Je ne veux pas mésinterpréter votre
mémoire du tout, mais la lecture de certains passages particuliers de
votre mémoire peut nous laisser l'impression que vous craignez que le
projet de loi tel que libellé favorise plutôt l'affrontement entre
les parties qu'un esprit de coopération. (17 h 45)
Si tel était le cas; encore une fois, je peux me tromper dans
l'interprétation. Chacun fait ses lectures des textes. Il arrive des
fois qu'on lit trop entre les lignes. Cela aussi peut arriver. On le voit
d'ailleurs dans l'interprétation que certains donnent à certains
articles du projet de loi, mais quand même, c'est du jargon juridique,
donc, c'est normal que cela puisse prêter le flanc à
interprétation. Mais si c'est le cas, si mon interprétation est
exacte, que vous avez cette crainte, j'aimerais savoir si dans votre esprit vos
craintes dans cette perspective, dans cet esprit, cela tient à la
présence syndicale ou au fait que le comité
d'établissement possède des pouvoirs décisionnels dans le
projet de loi no 17.
Ma deuxième remarque concerne une affirmation, elle était
dans votre mémoire, vous l'avez reprise dans votre résumé
et j'avoue qu'elle me surprend. Vous dites que le projet de loi identifie
à l'employeur certains groupes de professionnels, notamment, vous
autres, qui êtes identifiés à l'employeur, des
spécialistes d'un type ou d'un autre en matière de santé
et de sécurité. Cela me surprend comme affirmation. J'aimerais
que vous essayiez de mettre le doigt dessus pour qu'on puisse voir de la
façon la plus concrète possible sur quoi vous fondez une
affirmation comme celle-là.
Cela me surprend d'autant plus que le projet de loi spécifie que
les services de santé seront fournis par les centres hospitaliers qui
ont un département de santé communautaire, que le service aura un
service de contrôle médical, un rôle de contrôle de
l'environnement, c'est-à-dire, au fond, les deux aspects de ce qu'on
appelle un concept de santé, au sens large. En plus, il n'y a rien qui
interdit au comité d'établissement de faire appel aux
spécialistes, au pluriel, de son choix pour le conseiller et s'il le
faut, l'article 60 du projet de loi, on pourrait fort bien le modifier pour
bien indiquer que le comité peut faire appel à d'autres
ressources qu'uniquement la ressource médicale ou que le médecin.
En plus, vous nous assurez je crois que c'est exact, vous avez raison
que vos deux ordres par vos codes de déontologie vous permettent
de garantir aux travailleur en particulier des services professionnels qui sont
susceptibles de protéger la santé et d'assurer la
sécurité en milieu de travail d'ailleurs, cela revient
à la page 1 de votre mémoire et, donc, je pense que
partant de là, de ce que vous évoquez vous autres mêmes
dans le mémoire, de ce qui me semblait dans le projet de loi, et des
ajustements, le cas échéant j'ai mentionné
notamment l'article 60 les travailleurs peuvent donc espérer que
les architectes, les ingénieurs comme professionnels ne sont pas
là pour épouser une attitude patronale ou une attitude syndicale,
mais pour apporter leur support, leur soutien technique comme des
professionnels qui sont capables et qui doivent pouvoir oeuvrer avec la plus
complète et la plus totale autonomie professionnelle d'action.
Autre élément. En ce qui concerne la question de
l'approbation des plans et devis, je voudrais vous demander si ce que vous
visez, c'est vraiment l'approbation par un inspecteur ou si ce que vous visez,
c'est de vous assurer que les plans et devis sont visés, ou
certifiés, ou attestés par un ingénieur ou un architecte,
selon les champs respectifs de compétence. Autour de cette question,
également, j'aimerais vous demander si à votre avis le
contrôle par un inspecteur vous apparaît absolument essentiel.
Maintenant, dans la foulée d'un commentaire question que
je formulais tantôt concernant maintenant plus spécifiquement le
programme de santé, je tiens à rappeler que, mais je ne veux pas
à nouveau entrer dans les discussions qu'on a eues, dans notre esprit le
concept de santé, le projet de loi effectivement, à sa lecture,
dans son état actuel, peut laisser l'impression que c'est une approche
relativement fermée d'un concept passablement étroit alors que,
dans notre esprit, il est évident que le concept de santé
comprend et doit comprendre l'ensemble de deux dimensions fondamentales, la
santé au sens strict du mot et également toute la dimension de
l'hygiène industrielle et de l'environnement du travail. Donc, c'est
très clair dans notre esprit.
J'ai déjà eu l'occasion de dire ici, en commission
parlementaire, lors de discussions qu'on a eues notamment avec des
hygiénistes industriels, que je suis prêt, si nécessaire,
à préciser davantage l'article 93 pour que ce concept aussi large
et englobant ressorte clairement de l'article et, en conséquence, ouvre
clairement la porte à la mise à contribution de tous les
professionnels requis et pertinents dans ce domaine.
Il y a une suggestion que vous faites quant à l'inspection
je la signale au passage, elle m'a frappé qui concerne l'article
147, la possibilité
d'un appel à l'inspecteur-chef plutôt qu'à la
commission. Je pense que la suggestion que vous formulez mérite
d'être étudiée très sérieusement, d'autant
plus que j'ai déjà indiqué que l'intention du gouvernement
était de viser à régionaliser pour assurer une
présence permanente en région des services d'inspection et aussi
des services de la commission. Donc, dans ce sens, je pense que la
recommandation que vous faites est plus que pertinente et on va la regarder de
très près.
Je ne vous cacherai pas qu'en ce qui concerne vos commentaires, vos
remarques, sur toute la question de la formation, je ne peux pas faire autre
chose que de me réjouir parce que vraiment vous y mettez une emphase
et je pense que vous avez raison sur toute la question de la
formation et de l'information. Je peux aussi vous indiquer que je partage
passablement votre point de vue sur le fait que la formation n'est pas le seul
mais certainement un des moyens essentiels pour atteindre les objectifs qui
sont proposés. Soyez assurés que votre proposition en ce sens
sera étudiée très attentivement.
J'en profite, en tirant une espèce de conclusion à mes
remarques-questions, sans vouloir abuser du temps, pour dire qu'au fond c'est
vrai qu'il y a une espèce de pari de base derrière l'ensemble du
projet de loi no 17 qu'on va chercher tous ensemble à bonifier, à
améliorer au maximum, pour en faire la meilleure loi qui soit possible
dans le contexte actuel mais qu'un des paris de base, au-delà des
divergences il y en a des divergences et je pense qu'il faut les
reconnaître et les admettre entre deux blocs, deux parties, que ce soit
le monde des hommes et des femmes qui sont au travail et le bloc des employeurs
ou du monde patronal on croit quand même qu'il y a une large place
possible pour une coopération entre les parties qui ne sera certainement
pas nécessairement facile. Il y a quelque chose qui est du domaine du
défi et, dans ce sens, le projet de loi entend favoriser au maximum
cette coopération entre les parties, notamment en fournissant aux deux
parties les outils de base leur permettant de discuter sur une base
d'égal à égal, c'est le cas de le dire.
Je pense qu'au-delà des divergences de vues qui sont
prévisibles personne ne s'imagine que cela peut être
autrement et de certains moments de durcissement des parties, notre
rôle est certainement et en ce sens je pense que les
professionnels, dans la mesure où vous pouvez le faire avec la plus
pleine, la plus totale indépendance et autonomie professionnelle, vous
pourrez certainement apporter une contribution très grande pour faire
tout ce qui est humainement possible, et nous aussi, je crois, comme
gouvernement, pour faciliter tout ce qui peut encourager le dialogue
plutôt que favoriser la polarisation et le durcissement des parties ou
perpétuer les monologues qui, de toute façon, ne nous
mènent nulle part.
Voilà, M. le Président, les commentaires et questions que
j'avais à formuler. En terminant, je voudrais encore une fois vous
remercier infini- ment de votre apport, de votre contribution. Soyez
assurés qu'on va regarder très attentivement toutes et chacune
des recommandations de votre mémoire.
Le Président (M. Dussault): M. Delisle.
M. Delisle: M. le Président, je veux remercier le ministre
pour les éloges qu'il a faits à l'endroit de certains passages de
notre rapport. J'essaierai de donner certaines précisions sur les
questions que son intervention a soulevées. Tout d'abord, la question de
l'affrontement, c'est-à-dire la possibilité d'affrontement que
vous semblez lire dans notre rapport. On devrait plutôt parler de
polarisation. À tous les niveaux de la structure proposée, on
parle évidemment de structure bipartite, c'est-à-dire paritaire,
et on insiste aussi pour que ce soient des votes en bloc et, à
défaut d'unanimité, c'est l'impasse, c'est-à-dire la
polarisation des deux positions qui peuvent être les mêmes. Dans ce
cas, tant mieux, mais nous croyons que cet aspect supplémentaire, qui
est le vote en bloc et qui est mentionné dans le projet, contribuerait
davantage à une polarisation des opinions. Ce n'est pas, contrairement
à ce que vous aviez laissé entendre tout à l'heure, la
présence de la syndicalisation qui nous amène à craindre
cette possibilité. Je pense que tout ce que nous en sommes, en tant
qu'ingénieurs et architectes, nous avons des expériences assez
heureuses dans ce domaine et ce n'est pas une crainte du
phénomène qui nous amène à proposer cette
alternative. En ce qui concerne...
M. Marois: Me permettez-vous un bref commentaire? Ma question
avait deux volets. Je ne présumais pas de votre réponse. J'ai
utilisé effectivement l'expression "affrontement". Vous craignez
plutôt la polarisation. Ce que je voudrais savoir, c'est si vous pensez
cela à cause d'une présence syndicale. Vous me dites: Non, ce
n'est pas cela.
L'autre volet, c'était: Le craignez-vous en particulier à
cause des pouvoirs décisionnels qui sont accordés au
comité paritaire? Je comprends que vous me dites vous n'avez pas
touché à cette partie de ma question qu'un des facteurs
qui, dans votre esprit, pourraient contribuer à la polarisation, c'est
le vote en bloc. Cela ressort clairement de ce que vous dites, bien
sûr.
M. Delisle: Pour ce qui est du deuxième aspect, à
savoir l'aspect décisionnel du comité, évidemment,
l'élément principal qui nous amène à proposer que
ce soit plutôt à caractère consultatif, c'est le fait que
cela dilue la responsabilité légale de l'employeur
vis-à-vis de la sécurité. Un organisme qui nous a
précédés tout à l'heure mentionnait que c'est bien
beau diluer la responsabilité, mais pour autant que ce qui peut en
découler à tous les points de vue y compris le point de vue
financier, puisse lui aussi être dilué ou réparti entre
différents parties. C'est un peu dans ce sens que nous mentionnons que
le comité pourrait être consultatif à ce niveau.
M. Marois: Mais ne craignez-vous pas parce que cela
confirme une des choses que je pensais qui soutenait peut-être votre
argumentation quant à la crainte de la polarisation... Au fond, c'est
l'argument qui nous a été servi par d'autres groupes sur la
crainte de la dilution des pouvoirs de gérance d'entreprises, alors que
d'autres groupes sont venus nous dire: Si vraiment on veut sortir de l'impasse
actuelle des comités existants parce qu'il en existe des
comités, que ce soit en vertu de la Loi des établissements
industriels et commerciaux, que ce soit en vertu de certaines conventions
collectives qui sont des comités consultatifs
présentement...
Bon nombre de groupes sont venus devant nous pour dire: Non, au
contraire, il faut aller encore plus loin dans l'implication des parties et
dans leur participation. Même certains nous ont demandé d'aller
plus loin sur les pouvoirs décisionnels du comité paritaire en
disant: Les comités actuels qui ne sont uniquement que consultatifs
je vais prendre l'expression qu'a utilisée à plusieurs
reprises mon collègue de Portneuf cela virait souvent en
comités de placotage où on prend un café et cela ne menait
pas très loin très souvent. (18 heures)
II n'y avait pas là, en d'autres termes, selon bon nombre de
témoignages qu'on a entendus, une incitation réelle à
s'impliquer, à participer dans la mesure où, de toute
façon, ce qui va ressortir de là, on en tiendra compte, on n'en
tiendra pas compte; c'est au bon vouloir unilatéral d'une seule partie,
alors que concernant certains des éléments, ceux qui sont les
premiers impliqués et concernés, ce sont les hommes et les femmes
au travail. Je pense, par exemple, à la partie du pouvoir
décisionnel qui concerne le port de l'équipement de
sécurité.
M. Delisle: D'accord. Comme je vous le mentionnais,
c'était surtout au niveau de la responsabilité qui s'ensuit pour
ce qui est de l'application des recommandations de ce comité.
En ce qui concerne l'identification aux employeurs, on mentionne dans
notre rapport qu'on présente notre position en tant qu'ordre
professionnel, en tant que travailleurs, c'est-à-dire ingénieur
et architecte travaillant dans un domaine spécifique et non pas en tant
que propriétaire d'entreprise ou employeur. Ceci est dû à
différentes choses, en particulier au fait que, dans la loi en
particulier, les articles 60 et 93 ces articles mentionnent, de
façon explicite, les médecins comme pouvant être des
personnes ressources auprès du comité et ils ne mentionnent pas
les autres professionnels dont les services pouvaient être très
utiles au niveau de la sécurité et de la santé au travail.
Le ministre nous mentionnait tout à l'heure qu'il est prêt
à élargir ou même à préciser davantage, dans
les articles 60 et 93, la présence éventuelle et même
je dirais requise de certains spécialistes. Je vous avoue
que cela nous réjouit grandement et on trouve, à ce
moment-là, que les spécialistes de la santé et de la
sécurité autres que les médecins ont aussi leur place dans
l'application et dans les mécanismes prévus par la loi.
En ce qui concerne l'approbation des plans et devis, vous demandez si on
tient absolument à ce que ces plans soient approuvés par un
inspecteur ou si c'est en vue de s'assurer qu'ils sont véritablement
signés et approuvés par des professionnels que sont les
ingénieurs ou les architectes. C'est la deuxième partie,
évidemment, qui est notre première préoccupation en ce
sens que nous voulons c'est une de nos responsabilités en tant
qu'ordre professionnel d'ailleurs voir à ce que tous les plans
soient dûment approuvés et signés par les professionnels
qui les préparent. C'est dans ce sens-là que nous insistons
sur...
M. Marois: Dans ce sens-là, le texte de loi à
l'article... Je vais le retrouver, il est 18 heures pour moi comme il l'est
pour tout le monde. Il y a un article très précis; je ne le
retrouve pas sur le coup, mais il prévoit spécifiquement que les
plans doivent être je ne me souviens pas de l'expression qu'on
utilise attestés ou certifiés par architecte et
ingénieur et, en plus, cet article indique que de l'opinion des
experts... C'est l'article 43: "L'employeur... ne peut... à moins
d'avoir préalablement transmis des plans et devis d'architecte ou
d'ingénieur attestant de leur conformité aux
règlements..." Cela ne répond-il pas à votre
préoccupation?
M. Delisle: Partiellement. J'ai dit partiellement...
M. Marois: Expliquez-moi cela comme il le faut pour que je
comprenne.
M. Delisle: Dans notre mémoire, c'est partiellement dans
le sens que c'est limitatif dans un endroit donné. Dans le projet de
loi, on spécifie que les plans d'ingénieur et d'architecte sont
requis pour conformer la solidité d'un bâtiment, d'une structure
ou d'un ouvrage. On précise, dans notre mémoire, qu'il y aurait
lieu d'élargir davantage tous les champs de compétence, entre
autres, de l'ingénieur, qui sont autant au point de vue
mécanique, électrique, chimique ou autres. Cela semble un peu
limitatif de s'en tenir à cela. C'est pour cela que je dis
partiellement. Le principe est là globalement, mais il y a une
précision à apporter au niveau de la définition des champs
de compétence de l'ingénieur et de l'architecte.
M. Marois: D'accord. C'est noté.
M. Delisle: Quand on mentionne un secteur, c'est limitatif. Il
faudrait marquer le mot "notamment", si on veut...
M. Marois: Bien.
M. Delisle: M. Dagenais aurait peut-être une
précision.
Le Président (M. Dussault): M. Dagenais.
M. Dagenais (Jean-Paul): Nous nous référons, entre
autres, à l'article 185, 23e paragraphe, où l'on précise
que c'est à la commission de déterminer quand et dans quelles
circonstances des plans d'ingénieur et d'architecte seront requis, alors
que l'ancienne Loi des établissements industriels et commerciaux
spécifiait que c'était automatique qu'il fallait des plans
d'ingénieur et d'architecte.
M. Marois: D'accord. C'est noté.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Delisle,
messieurs, je vous remercie de la présentation de votre mémoire.
Vous nous formulez des recommandations particulières. Vous formulez
aussi des inquiétudes. Il nous apparaît que la question de
santé et de sécurité n'est pas strictement un
problème médical, ni strictement un problème de structure,
ni simplement un problème de participation employeur et
employé.
Des professionnels comme vous ont leur place dans un dossier comme
celui-là parce que l'action dans le domaine de la prévention et
aussi de la correction, de la modification, etc., implique du travail de
plusieurs champs professionnels que ce soit les médecins, que ce soit
les hygiénistes industriels on en a longuement parlé au
début des travaux de notre commission que ce soit
l'ingénieur, l'architecte, pour corriger des situations. Bien souvent,
le médecin va constater un problème ou le début d'un
problème mais, trop souvent, on n'a pas les moyens ou les
possibilités technologiques pour remédier complètement
à des problèmes d'où l'apport non seulement important,
mais nécessaire des membres de vos deux corporations.
Je prends bonne note de vos recommandations, entre autres en ce qui
concerne les petits chantiers de construction. À la lecture de votre
mémoire à la page 5, vous consacrez plusieurs paragraphes aux
petits chantiers de construction et je dois vous exprimer ma surprise de
constater... C'est là le sens de ma première question, j'aimerais
bien que vous me disiez où vous avez puisé vos chiffres lorsque
vous soulevez que près de 75% des accidents proprement dits semblent
s'être produits sur des petits chantiers, soit sur des chantiers comptant
moins de dix travailleurs.
La deuxième question qui va un peu avec le préambule que
je formulais tout à l'heure: Je trouve aussi intéressante la
suggestion que vous formulez sur la composition de la grosse commission de
santé et de sécurité où il y aura des
représentants nommés par le gouvernement à même des
suggestions formulées par les employés et les employeurs, en ce
sens que cette commission ait un bloc de membres qui soient ni des personnes
nommées sur suggestion des employés ni sur suggestion des
employeurs. Je voudrais bien savoir si j'ai bien compris. Je trouve que c'est
intéressant. Je présume je vais aller un peu plus loin
dans ma question que vous souhaiteriez que des membres de vos ordres
professionnels ou peut-être que des ingénieurs ou des architectes
puissent être déférés ou
référés par des corporations professionnelles comme la
vôtre au ministre pour fins de nomination. Vous pourrez me confirmer
cela.
La troisième question que j'ai à vous poser: J'aimerais
connaître vos commentaires sur ce qui se passe dans le domaine de la
recherche actuellement au Québec. On a longuement élaboré
sur l'aspect de la recherche. C'est un volet important du dossier. Quant
à nous, nous croyons que les actions sont un peu éparses et
qu'elles ne sont pas actuellement nécessairement des actions
concertées. Je peux me tromper mais c'est notre impression. C'est dans
ce sens que nous avons, du côté de l'Opposition, formulé la
proposition au gouvernement de songer à implanter ou créer un
genre d'institut ou un centre de recherche qui aurait comme principale
responsabilité d'oeuvrer ou de fournir des renseignements, de faire de
la recherche, des études sur des aspects techniques et même de
pouvoir agir à contrat auprès de certaines entreprises, de
fournir de tels services tant à la commission qu'aux entreprises, qu'aux
associations d'employés, etc. J'aimerais savoir ce qui se fait
actuellement dans le domaine de la recherche. Est-ce qu'on peut dire que c'est
satisfaisant, peu satisfaisant ou si cela va très bien et qu'est-ce que
vous croyez qui devrait être fait au niveau de la recherche?
C'était là l'essentiel des trois questions que je voulais vous
formuler.
Le Président (M. Dussault): M. Delisle.
M. Delisle: M. le Président, la réponse à la
première question, à savoir d'où tenons-nous nos
statistiques, vous remarquerez que dans le texte on dit "semble". J'explique
pourquoi. Cela s'inspire d'un rapport de statistiques datant de 1976 sur les
décès dans le secteur bâtiments et travaux publics en
provenance du Service de la statistique de la Commission des accidents du
travail. Quand on dit "semble", on n'identifie pas la grosseur du chantier
comme telle, mais quand on voit qu'à Disraeli il n'y a pas eu de
chantier majeur dans cette période et que le nom de
l'entreprise-em-ployeur ne nous disait absolument rien, il y a des grosses
chances que ce soit une petite entreprise. On voit dans ces statistiques qu'une
bonne partie des accidents surviennent non pas strictement sur le chantier
mais, par exemple, sur les routes. Sur 57 accidents, on en compte je
pense que M. Dagenais avait fait un décompte de tout cela 16, je
pense, qui sont survenus au type en conduisant son camion pour aller au
chantier ou des choses comme cela. À ce moment-là, par analyse de
chacune de ces 57 mortalités, nous avons pu déduire qu'une grande
majorité, soit 75%, n'était pas ce qu'on appelle des accidents de
chantiers de construction survenant dans des gros chantiers,
c'est-à-dire des chantiers de dix et plus, mais dans des
chantiers qui ne seraient pas touchés par la loi, ceux de moins
de dix. C'est pour cela qu'on a tenu à le mentionner. Évidemment,
comme on le disait tout à l'heure, c'est sous réserve. Ce sont
des statistiques qui doivent être analysées en détail parce
qu'on n'a pas tous les renseignements là-dessus en ce qui concerne le
nombre exact d'employés sur le chantier concerné.
La deuxième question. Concernant la structure tripartite qui
était proposée au niveau des associations et surtout de la
commission, c'est qu'on y voyait effectivement un troisième bloc de gens
qui n'étaient ni patrons ni employés, mais qui étaient des
experts concernés par la santé et la sécurité des
travailleurs. Il y a dans cela, évidemment, les experts du domaine de la
santé, c'est-à-dire les experts médicaux, et aussi les
experts tels qu'ingénieurs, architectes, hygiénistes et
différents autres experts. On ouvrait même la porte à la
possibilité que quelqu'un représente un peu le public, comme le
font les membres externes de nos corporations professionnelles, par exemple.
C'était dans ce but, afin de pouvoir élargir davantage
l'éventail et aussi de trouver vraiment une place définie dans la
structure aux spécialistes de la santé et de la
sécurité.
Le troisième volet de votre intervention concernait la recherche
au Québec. Vous nous demandez si on en est satisfait ou pas, si on
trouve que l'orientation qu'elle a prise depuis quelque temps est
satisfaisante. Je dois vous dire qu'il y en environ un mois, à la suite
de l'étude d'un comité que nous avions mis sur pied, nous avons
présenté un projet je pense que cela a été
présenté au ministre Landry; de toute façon, cela a
été soumis au ministre responsable sur la recherche
scientifique au Québec dans lequel nous proposions des
réorientations de certains organismes de recherche. On a
déjà eu des échos de ces organismes. Cela veut dire que
cela a fait un peu de bruit dans le milieu. Les prises de position que nous y
formulons sont assez je ne dirais pas radicales formelles en ce
qui concerne une réorientation de certains secteurs de la recherche
à laquelle, évidemment, plusieurs membres de nos corporations
sont drôlement impliqués, et nous devons d'ailleurs en avoir des
suites. Il y a des entrevues, des rencontres prévues avec les
autorités gouvernementales pour élaborer davantage sur les
conclusions et recommandations de notre mémoire. Il serait assez long
ici de vous résumer le contenu de ce mémoire qui était
très volumineux. Je pourrai me faire un plaisir de vous en faire
parvenir une copie, M. le député, si vous le désirez.
M. Pagé: Je l'apprécierais parce qu'à
l'Industrie et au Commerce, il y a eu pas mal de changements depuis quinze
jours, vous savez.
Le Président (M. Dussault): M. Santerre.
M. Santerre (Robert): Pour répondre à votre
question et être plus précis au niveau de la recherche en
sécurité, elle est sans aucun doute éparse, et il serait
avantageux d'avoir un organisme quelconque, que ce soit un centre, que ce soit
un bureau quelconque pour tenter de coordonner tout ce qui peut se faire au
niveau de l'entreprise privée. De la même façon on voit
l'intérêt de notre mémoire lorsqu'on mentionne que
l'inspectorat ne relèverait pas de la commission. On pense, de la
même façon, à toute l'expertise qui existe au niveau du
groupe de l'hygiène industrielle, le SPE, qui sont des experts et qui
pourraient être utilisés en consultation beaucoup mieux à
l'intérieur de la commission parce que, comme consultants, nous allons
nous adresser à eux alors que comme policiers on va les fuir.
L'inspecteur est celui qui émet des contraventions, c'est une chose,
alors que si l'inspecteur est celui qui peut nous fournir de la documentation,
peut nous fournir une expertise... pas l'inspecteur, mais s'il y a un organisme
quelconque, il y a des personnes qui peuvent nous fournir une expertise, nous
allons les consulter.
M. Pagé: Merci. J'attends copie de votre mémoire,
M. Delisle. Merci beaucoup, messieurs.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervention. Au nom de la commission, je remercie...
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Pagé: Est-ce que le mémoire sera soumis
intégralement au journal des Débats?
Le Président (M. Dussault): Je suppose que vous
souhaiteriez le voir verser intégralement au journal des Débats?
Ce sera fait. (Voir annexe E)
Au nom de la commission, je vous remercie pour votre participation aux
travaux de cette commission et j'invite maintenant le dernier groupe, la
Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée,
à se présenter devant la commission. (18 h 15)
Alors, j'invite le porte-parole du groupe à s'identifier et
à nous présenter ses collègues.
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Ltée
M. Phillips (Roger): Merci, M. le Président, mon nom est
Roger Phillips, je suis le président de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée. Je suis
accompagné par M. Alva Chiasson, directeur de sécurité
à l'usine d'Arvida à Jonquière, M. Bertrand Bouchard,
vice-président et directeur régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
M. Hugues Leydet, vice-président personnel, le docteur Gerald Kayne,
directeur médical de la compagnie et M. Gilles Lavallée,
secrétaire adjoint.
Le Président (M. Dussault): D'accord. M. Phillips je
constate que, malgré que vous ayez fait l'effort de résumer votre
mémoire, il est quand même assez volumineux; il sera
peut-être difficile de nous le présenter en vingt minutes...
M. Phillips: Alors, M. le Président, je voulais justement
suggérer que les dossiers supplémentaires que nous avons
envoyés cette semaine soient versés au procès-verbal. Nous
allons faire seulement un sommaire assez bref.
Je pense que, dans la documentation, nous avons déjà
établi que notre entreprise partage entièrement l'objectif ultime
visé par le projet de loi. De fait, à l'Alcan le mieux-être
de nos employés s'inscrit au premier rang de nos priorités
absolues. Comme on vous l'a démontré dans notre mémoire,
ce n'est pas d'hier que l'Alcan accorde la primauté à la
prévention des accidents industriels ainsi qu'au dépistage et
à l'élimination des maladies industrielles.
Quelques mois après avoir accepté, en 1975, le mandat de
diriger la Société d'électrolyse et de chimie Alcan
Limitée qui gère des installations industrielles au
Québec, en Colombie Britannique, en Alberta et en Ontario, j'ai
émis une politique d'ensemble qui manifeste l'importance capitale que
notre entreprise accorde au dossier santé-sécurité. Cette
politique venait consacrer en quelque sorte les efforts soutenus
déployés par l'Alcan dans ce domaine, depuis plusieurs
années déjà.
À ce moment, M. le Président, j'aimerais céder la
parole à mon collègue, M. Gilles Lavallée, qui est
secrétaire adjoint de la compagnie, qui ajoutera aux commentaires
déjà déposés dans notre mémoire original.
À la fin de l'exposé de M. Lavallée, j'aimerais vous
soumettre, M. le Président, une suggestion qui, nous le croyons
sincèrement, contribuera à atteindre l'objectif que nous visons
tous, soit le mieux-être des employés en milieu de travail.
M. Lavallée (Gilles): M. le Président, dans son
désir d'assurer un minimum vital à tous les travailleurs
québécois, le projet de loi annonce un régime qui cadre
difficilement avec notre expérience et les mécanismes
déjà en place dans chacun de nos établissements et qui
risque même d'entraver le déroulement d'initiatives valables que
nous avons entreprises au cours des dernières années.
De plus, la structure de participation suggérée et
l'intégration des services de santé répondent
difficilement aux impératifs de la gestion d'une entreprise aux
multiples établissements spécialisés comme la nôtre,
sans pour autant améliorer la protection de l'intégrité
physique des travailleurs. Nous croyons donc que la loi, qui sera
éventuellement adoptée, devrait prévoir certains
aménagements pour les entreprises qui ont déjà programmes
et services structurés et efficaces.
Nous fondons nos espoirs en ce sens sur les vues réalistes
à notre avis que le gouvernement exprimait dans son livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail, lorsqu'il y
déclarait que: "Le milieu du travail est à même de juger
des mécanismes appropriés, compte tenu des expériences
déjà entreprises".
Comme le mentionnent le livre blanc et le projet de loi, il incombe
à l'employeur d'aménager les lieux de travail de façon que
le droit de l'employé, à des conditions qui ne portent pas
atteinte à sa santé et à son intégrité
physique, soit respecté, mais il est souvent difficile, parfois
même très coûteux, de réaménager les lieux de
travail dans des usines dont la construction remonte à la fin des
années 1940. C'est toutefois à coups d'efforts soutenus que nous
oeuvrons depuis de nombreuses années à la réduction du
nombre des accidents et à l'assainissement des milieux de travail.
Depuis 1960, nous avons investi $140 millions pour l'assainissement de
l'environnement interne de nos usines.
Nos efforts portent principalement sur la réduction des
émissions de gaz et de poussière, de la chaleur et du bruit. De
plus, toutes les mesures correctives en matière de protection sont
utilisées. Malgré tous ces efforts, il peut exister des
circonstances imprévisibles qui peuvent menacer
l'intégrité physique de nos employés. Les
contremaîtres ont alors le pouvoir et le devoir de suspendre les travaux
ou d'ajourner l'exécution de certaines tâches tant que les risques
n'ont pas été éliminés ou que les mesures de
protection adéquates n'ont pas été prises. Notons
finalement que nos usines en voie de construction sont conçues de
manière à réduire les risques d'atteinte. Ainsi, l'usine
d'électrolyse de Grande-Baie, actuellement en voie de construction, aura
fait l'objet d'importantes innovations techniques dans ce domaine. Des $300
millions affectés au coût de la construction des deux
premières phases, environ $60 millions seront consacrés à
la création d'un environnement sain.
Dans le domaine de la prévention des accidents, le projet de loi
reflète le désir légitime du gouvernement
d'intégrer et de faire participer le travailleur aux activités de
la sécurité. Toutefois, le projet de loi, tout en consacrant les
responsabilités et les obligations de l'employeur, lui retire certains
outils nécessaires à leur actualisation en mettant en place des
structures qui sont hors de son contrôle et de sa responsabilité.
Je crois qu'à cet égard il est important de rappeler que le
projet de loi tient l'employeur responsable de l'application d'une politique de
santé et de sécurité conçue cependant et
décidée par une structure d'autorité parallèle qui
n'aurait, elle, aucune responsabilité morale, juridique ou
financière.
À l'Alcan, nous avons mis au point des mécanismes de
participation qui, tout en visant les objectifs du projet de loi, nous
permettent de continuer d'assumer pleinement nos responsabilités
d'employeur. Ces mécanismes d'actualisation et de participation nous ont
permis de déléguer aux employés eux-mêmes, à
leur contremaître et au coordonnateur à la sécurité,
c'est-à-dire aux personnes les plus proches des problèmes,
plusieurs des responsabilités que le projet de loi accorde au
comité de santé et de sécurité et aux
représentants à la prévention. À la demande des
représentants syndicaux, nous avons intégré à la
convention collective ces mécanismes de participation des
employés. Les comités nous en avons 32 ont pour
fonctions d'étudier les statistiques relatives à la situation de
la sécurité,
de procéder à des tournées d'inspection des lieux
de travail et de faire des recommandations, de participer aux enquêtes
relatives aux accidents avec perte de temps et aux quasi-accidents et de faire
les recommandations appropriées.
Au travail de ces comités, il faut ajouter les activités
d'une quarantaine de spécialistes de la prévention et, plus
important encore, la participation dos employés au niveau de chaque
contremaître. Il ne s'agit pas seulement ici de rencontrer
contremaître-employés dans le but de rendre plus
sécuritaire l'aire de travail, mais aussi de tout le processus d'analyse
sécuritaire des tâches dans lequel les employés sont
directement et profondément impliqués. Ce type d'organisation
s'est avéré efficace. Le livre blanc évaluait à 1
sur 7 la proportion de travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une
maladie industrielle. Chez nous, cette proportion est quatre fois moindre, j'ai
bien dit quatre fois moindre.
Les mécanismes que nous avons mis de l'avant, et dont
l'application a été convenue avec nos employés et leurs
représentants, tout en satisfaisant aux objectifs gouvernementaux,
permettent à l'entreprise de gérer efficacement les fonctions de
santé et de sécurité, ce qu'elle ne pourrait faire si les
mécanismes prévus par le projet de loi étaient
retenus.
La Société d'électrolyse et de chimie Alcan
gère en effet, au Québec, quatre usines d'électrolyse,
quatre centres de coulée, deux usines d'alumine, une usine de produits
chimiques, six centrales hydroélectriques, des installations portuaires,
un chemin de fer, un hôtel et un siège social, le tout
dispersé sur le territoire québécois et regroupant environ
10 000 employés représentés par une vingtaine
d'unités syndicales. Nous avons aussi des établissements dans
trois autres provinces canadiennes.
Le projet de loi prévoit la formation d'un comité de
santé et de sécurité à pouvoir décisionnel
au sein de tout établissement groupant dix travailleurs ou plus. Il
définit en outre un établissement comme, et je cite: "L'ensemble
des installations et de l'équipement physiquement groupés et
organisés sous l'autorité d'une même personne ou de
personnes liées, en vue de la production de biens ou de services." Selon
l'interprétation qui sera donnée à cette définition
de l'établissement, nous serons en face de l'une des deux situations
suivantes: ou bien nous aurons 21 comités paritaires dotés chacun
de leurs pouvoirs respectifs, provoquant ainsi un morcellement injustifiable et
incontrôlable de nos programmes et plans d'action; ou bien nous aurons un
seul comité pour notre entreprise, comité dont le travail devra
se faire en coordination avec six DSC différents, même dans le cas
de la première hypothèse, puisque nos quatre alumineries
relèveraient de quatre DSC différents et que nos six centrales
hydroélectriques relèveraient de deux DSC différents.
Quelles que soient l'hypothèse et la structure finalement
retenues, si ces comités sont dotés de toutes les fonctions qui
sont présentement pré- vues au projet de loi, fonctions qui, chez
nous, sont fortement décentralisées ou, encore, exercées
par des services spécialisés, ils devront se rencontrer tous les
jours.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi aura tout simplement
provoqué la naissance d'une superstructure ou d'une structure
parallèle peu susceptible d'augmenter la participation des
employés de l'Alcan et peu susceptible également
d'atténuer les risques d'accidents ou de maladies. Nous croyons qu'il
serait préférable, dans le cas d'entreprises aux multiples
établissements spécialisés où des structures ont
déjà été mises en place, que le projet de loi
puisse tenir compte de ces structures et de leur efficacité. Cela
n'exclut évidemment pas la possibilité d'y apporter des
améliorations qui entraîneraient une plus grande participation des
employés, ni non plus la mise en place de mécanismes
gouvernementaux de contrôle.
À l'Alcan, nous avons toujours cru en notre responsabilité
et notre obligation de fournir à nos employés les services de
santé compétents et adéquats. Dès 1928, nous avions
à notre emploi un médecin à temps plein aux usines
d'Arvida. Présentement, nous avons à notre emploi dix
médecins à temps plein, trois spécialistes à temps
partiel et vingt infirmières et techniciens. Nous sommes à
construire, à notre complexe de Jonquière, un centre
médical au coût de $1 700 000.
Les objectifs poursuivis par notre entreprise en matière de
santé sont de protéger l'employé de toute atteinte
possible à la santé dans le milieu de travail, d'assurer des
services médicaux et de réhabilitation, d'affecter
l'employé à un emploi compatible avec son état physique,
mental et affectif et d'encourager tous nos employés à
acquérir des pratiques personnelles saines. Les programmes de
santé actuellement en vigueur à l'Alcan prévoient le
maintien de services de santé appropriés à chaque
établissement, des examens médicaux, la surveillance des heures
de travail, le droit de l'employé à la confidentialité,
l'application coordonnée de programmes de santé et
d'hygiène industrielle visant à détecter et à
contrôler toute situation qui pourrait affecter la santé des
employés, l'interdiction de recourir à des produits et des
processus de fabrication qui pourraient porter atteinte à la
santé jusqu'à ce que des mesures protectrices soient prises et,
finalement, l'élaboration de programmes de recherche en vue d'identifier
les situations qui pourraient, à long terme, affecter le santé
des employés.
Au chapitre des examens, nous administrons un examen de
préembauche, des examens périodiques obligatoires qui sont en
fonction des profils d'exposition de certains employés et de leurs
habitudes de travail. Enfin, nous offrons à nos employés un
examen périodique volontaire complet. (18 h 30)
Au chapitre de la recherche, l'Alcan a été la
première entreprise en Amérique du Nord à étudier
les effets de la chaleur et de l'effort physique sur la santé des
employés et à évaluer le temps de
repos nécessaire à une récupération
complète. Des études physiologiques dans ce sens sont
menées chez nous régulièrement depuis 1943.
Notre programme médical porte également autant sur
l'individu que sur l'employé. Nous sommes convaincus que le rôle
de la médecine au travail doit déborder celui de la
médecine industrielle et s'adresser à l'être humain tout
entier et non seulement à une personne travaillant dans un milieu
donné. C'est pourquoi nous offrons à nosemployés des services d'examens volontaires complets auxquels
recourt la presque totalité de nos employés, situation qui en dit
long sur la soi-disant mauvaise réputation des médecins
d'entreprise.
L'intégration des services de santé au DSC ne se fera pas
chez nous sans causer un certain préjudice à nos travailleurs. Si
l'on en croit les données du livre blanc, nous pouvons affirmer que nos
travailleurs bénéficient des services d'environ 10% du personnel
médical québécois actif dans la médecine
industrielle. Ceci représente environ un médecin par 1000
employés, alors que le livre blanc faisait état d'objectifs
gouvernementaux de l'ordre d'un médecin pour 4000 employés. N'y
a-t-il pas lieu alors pour le gouvernement de laisser se poursuivre le travail
sérieusement amorcé dans certaines entreprises et de consacrer
les ressources nouvelles des DSC et de la commission à la mise sur pied
de services aux entreprises ou secteurs d'activités qui en sont le plus
démunis?
Cela nous amène, M. le Président, au dernier point que
j'aimerais tout simplement souligner devant votre commission, celui de la
responsabilité de l'employeur. Plusieurs intervenants avant nous vous
ont souligné que le projet de loi, s'il précise les obligations
de l'employeur, s'il le tient responsable devant la loi, lui enlève
cependant toute responsabilité. Nous croyons que le projet devrait
être modifié pour reconnaître la responsabilité de
l'employeur dans la gestion d'activités pour lesquelles on entend le
tenir responsable.
Somme toute, M. le Président, nous croyons que le projet
gouvernemental, tout en augmentant le service aux travailleurs d'entreprises
qui ne sont pas dotées de programmes et de services de santé,
risque de porter atteinte aux employés de l'Alcan. Ceux-ci
bénéficient déjà de services médicaux et de
professionnels qui, étant intégrés à l'entreprise,
ont voix à la gestion et ont une connaissance poussée des
problèmes de santé associés à notre production.
Prévoyant certains aménagements, une telle approche permettrait
au gouvernement de conserver ses pouvoirs de réglementation et de
surveillance et d'avoir en même temps recours à des
spécialistes de la sécurité et à des
médecins bien implantés dans l'entreprise et bien au fait des
possibilités d'action.
Sur ce, M. le Président, je laisse à M. Roger Phillips le
soin de conclure cette présentation.
M. Phillips: M. le Président, je pense que nous avons
démontré dans les documents et dans notre présentation que
la Société d'électrolyse et de chimie Alcan est
déjà organisée de façon à satis- faire aux
objectifs du gouvernement en matière de sécurité et de
santé au travail. M. le ministre Marois a indiqué, lors de son
intervention, après la présentation de la Clinique de
médecine occupationnelle de Montréal, que le but prioritaire du
projet de loi est d'offrir des services de santé et de
sécurité aux employés dont les entreprises ne disposent
pas présentement de tels services. Nous sommes naturellement tout
à fait d'accord avec cette déclaration.
Comme vous avez pu le constater par la présentation de M.
Lavallée, le cas de l'Alcan est très différent. Il n'y a
qu'un très petit nombre d'entreprises au Québec qui disposent
d'un programme qui se rapproche du nôtre. C'est pourquoi nous demandons
que le projet de loi soit modifié de façon à contenir des
aménagements qui permettront à des entreprises comme la
nôtre de poursuivre l'élaboration, l'implantation et le suivi de
leur programme de santé et de sécurité. À cette
fin, M. le Président, la loi pourrait prévoir que l'État,
par le biais de la commission de la santé et de la
sécurité au travail, émette un certificat de
conformité aux seuls employeurs qui répondent aux exigences que
nous élaborons ci-après.
Il est vrai que le projet de loi laisse à l'employeur la
possibilité d'établir des services et des programmes qui
dépassent les exigences de la loi. Cela nous paraît, cependant,
presque impossible à réaliser étant donné le
morcellement et la duplication qu'une telle éventualité
provoquerait.
Nous voudrions avoir la possibilité de poursuivre et
d'intensifier nos efforts, en matière de sécurité et de
santé au travail, avec les ressources dont nous disposons dans une
approche globale et coordonnée.
À cette fin, ce que nous recommandons au gouvernement, c'est
qu'il se réserve, dans la loi, surtout puisqu'il s'agit dans le
présent cas d'une loi-cadre, la possibilité d'exempter certains
employeurs de l'application de la loi ou de certains de ses chapitres ou
articles, lorsque les structures, mécanismes, services et programmes de
l'entreprise, en matière de sécurité et de santé au
travail, rencontreront ou dépasseront les prescriptions de la loi.
Il s'agirait, en fait, d'une certification accordée à
l'entreprise, certification dont les conditions et modalités pourraient
être précisées dans un règlement de la commission.
Sans entrer dans tous les détails de toutes ces conditions et
modalités, nous pouvons tout de même en prévoir
quelques-unes. Une telle certification ne serait ni automatique, ni permanente.
Elle ne serait accordée et prolongée qu'à la condition que
les mécanismes, services et programmes de l'entreprise rencontrent ou
dépassent et continuent de rencontrer ou dépasser les normes, les
exigences de la loi. Cela implique un examen de la situation au point de
départ et, par la suite, des rapports, inspections et
vérifications, contrôles et révisions périodiques,
pour s'assurer du respect des conditions exigées pour l'obtention et le
maintien du certificat d'exemption.
La commission vérifierait donc, d'abord, les structures et
mécanismes mis en place, chez nous,
en matière de santé et de sécurité. Si des
modifications sont jugées nécessaires, nous les effectuerons.
Nous soumettrons à la commission les différents programmes
prévus par la loi après les avoir discutés avec les
représentants de nos employés. Nous les appliquerons, ensuite, en
nous soumettant aux procédures de surveillance et de contrôle que
la commission aurait édictées. Nous soumettrons, chaque
année, à la commission, un rapport sur l'application de nos
programmes et sur le fonctionnement de nos services, rapport que nous aurons
auparavant discuté avec les représentants de nos employés.
Nos programmes pourraient aussi être révisés
périodiquement, une telle révision étant aussi
discutée et soumise à la commission.
En quelques mots, ce ne sont là que les grandes lignes d'un
processus d'application qui serait les conditions de base de ce que nous
demandons. Nous croyons, qu'ainsi encadré et surveillé, notre
travail, en matière de sécurité et de santé,
pourrait se poursuivre sans que soient réduits les services dont
bénéficient nos employés et sans taxer les ressources
humaines et financières du système public que le gouvernement a
l'intention de mettre sur pied.
Le fardeau de travail imposé aux organismes publics par
l'application de ce système sera tel qu'il y aurait avantage à
laisser fonctionner les systèmes privés qui, comme le
nôtre, sont déjà bien structurés et qui sont aptes
à assurer le gouvernement que ses objectifs, en matière de
sécurité et de santé au travail, seront poursuivis aussi
rigoureusement chez nous qu'ils le seront dans les autres entreprises du
Québec.
M. le Président, l'essentiel de mes propos relatifs à la
recommandation que je viens de formuler sont disponibles pour distribution aux
membres de la commission. Merci.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Phillips. M. le
ministre.
M. Marois: Je voudrais d'abord remercier la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée de son mémoire. Il y
a bon nombre de choses dans votre mémoire et soyez assurés qu'on
va prendre connaissance attentivement de chacune des recommandations qui sont
contenues dans votre mémoire et qu'on va les étudier au
mérite.
Vous me permettrez deux commentaires préliminaires et je
voudrais, par la suite, toucher à un certain nombre - je ne peux pas
relever, bien sûr, dans le temps qui est mis à notre disposition
toutes et chacune des recommandations au moins à un certain
nombre des recommandations ou des commentaires qui sont contenus dans votre
mémoire.
Le premier commentaire, c'est le suivant: il n'est certainement pas dans
notre esprit de nous mettre dans une situation où il s'agirait de
niveler à rabais et par le bas des résultats qui vont
au-delà de ce qui est proposé, puisque le constat de la
réalité nous amène à dire qu'au contraire, il faut
assurer un minimum de base obligatoire qui n'existe pas présentement
à l'échelle du Québec.
Il est tout à fait exact qu'il y a des entreprises à
l'intérieur de certains secteurs économiques, de distribution, de
services ou de production peu importe qui ont fait des efforts
particuliers et qui ont mené des expériences
particulières. Ce n'est certainement pas notre intention de faire en
sorte de niveler tout cela à rabais et de balayer tout cela du revers de
la main. C'est le premier commentaire que je voulais faire.
Dans votre mémoire, vous vous dites en accord avec l'objectif et
avec une des approches clefs du projet de loi retenues, c'est-à-dire la
participation des travailleurs et des employeurs. Cependant, vous vous opposez
notamment à ce que le comité paritaire pour prendre un
coin ait des pouvoirs décisionnels. Vous étayez cela d'une
argumentation voulant ou estimant, de votre point de vue, que cela
enlèverait à l'employeur des moyens d'assumer pleinement ses
responsabilités.
Dans votre exposé de tout à l'heure, vous allez même
jusqu'à dire que le projet de loi je pense que je vous cite
textuellement lui parlant de l'employeur enlève
toute responsabilité. Je ne vous cacherai pas très franchement
que cette expression m'apparaît un peu énorme mais, enfin, il est
18 h 40 pour tout le monde, vous voulez faire valoir un point de vue, bien, on
va le prendre comme tel, mais je ne vois pas en quoi sur une base
purement de commentaires d'ordre général, avant d'entrer dans le
détail le fait de partager certaines responsabilités avec
les travailleurs équivaut à enlever les moyens d'assumer
pleinement des responsabilités d'autant plus...
Je vais entrer ici dans des commentaires particuliers, j'ai lu
très attentivement votre mémoire et certaines pages, certaines
expériences que vous nous relatez sont drôlement
intéressantes il y a notamment l'annexe B et
m'amènent à conclure que vous nous confirmez dans nos
hypothèses par les propres expériences que vous avez
menées chez vous.
L'annexe B est donc particulièrement intéressante. Vous
relatez l'expérience de la lutte menée contre le bruit au centre
de coulée d'Arvida. Quand je lis le compte rendu, ce qui est dans votre
mémoire aux pages 23, 24 et 25, je regarde la façon dont vous
avez procédé, la façon dont vous l'avez fait en
concertation avec les travailleurs; vous êtes allés même
jusqu'à laisser les travailleurs, pour un des morceaux, à partir
d'un certain nombre d'équipements de protection individuelle, choisir
eux-mêmes.
Si cela n'est pas un pouvoir décisionnel, je ne comprends plus
rien. Vous avez fait cela. En d'autres termes, vous avez fait, dans votre
programme de lutte contre le bruit, au centre de coulée d'Arvida,
exactement deux des fonctions prévues du comité à
l'article 63, premier et deuxième paragraphes. C'est exactement ce que
vous avez fait. Pourquoi ne voudriez-vous pas maintenant que cette
expérience très concluante, puisque vous la prenez comme exemple
pour la mettre dans votre mémoire, que de telles expériences
puissent être ouvertes à l'ensemble des travailleurs du
Québec, bien sûr, de façon graduelle? Il
va de soi que tout ne pourra pas être fait en même
temps.
(18 h 45)
Qu'est-ce que vous avez fait en laissant non seulement le choix mais le
pouvoir décisionnel sur le choix entre les mains des travailleurs?
Est-ce que vous concluez, de l'expérience que vous avez menée,
que vous trouvez très concluante, est-ce que vous concluez que cela vous
a enlevé vos responsabilités? Vous avez certainement
partagé une partie de votre pouvoir décisionnel. Vous avez
certainement partagé une partie de votre pouvoir de gérance en
faisant cela. Nous, ce qu'on dit, c'est que précisément, des
expériences comme celle-là, on a sûrement
répété depuis le début d'ailleurs qu'on
n'était pas allé chercher cela dans les nuages, qu'il y avait
déjà des expériences concrètes menées au
Québec, on n'est pas allé en Irlande, ni prendre cela ailleurs,
on a regardé la réalité du Québec, on a
regardé l'expérience des autres pays et des autres provinces
aussi. Vous me semblez, par vos propres expériences, confirmer certaines
hypothèses qui sont formulées en jargon juridique dans un projet
de loi, j'avoue et je comprends mal à la fois vos commentaires d'ordre
général en ce qui concerne les pouvoirs décisionnels et
les expériences, par ailleurs, très concrètes que vous
avez menées vous autres mêmes.
Deuxièmement, parce que là je crois qu'il y a eu une
ambiguïté qu'il faut absolument lever, et si c'est le texte de loi
qui n'est pas clair, on est là pour en discuter justement pour
s'assurer, pour faire en sorte de le rendre, de le bonifier au maximum. On
n'est pas là pour faire un texte de loi qui va créer des
emmerdements à tout le monde par exprès. Ce n'est pas du tout
cela l'objectif. Ce n'est certainement pas ce qu'on a en tête. Vous nous
donnez l'exemple du seul complexe de Jonquière qui est un
deuxième exemple intéressant de fonctionnement chez vous,
où, avez-vous dit, il y a 32 comités qui sont, si je comprends
bien, accrochés à autant de surintendants. C'est une chose. C'est
le concret de la réalité vécue chez vous. En même
temps, par ailleurs, vous nous dites: Le projet de loi est beaucoup trop rigide
quant à la mise en place des comités paritaires. Vous vous
objectez à ce que vous appelez la rigidité du projet de loi qui
rendrait impossible la poursuite de l'expérience que vous menez de ces
comités qui sont là. Là, je voudrais vraiment lever,
autant que faire se peut, une ambiguïté qui me semble
persister.
C'est dans ce sens qu'à plusieurs occasions, j'ai dit et
répété qu'il était hors de question, que ce
n'était pas notre intention de niveler à rabais et par le bas des
expériences valables qui sont menées dans certains coins du
Québec. Prenons ce cas très précisément parce que
je présume que c'est à partir d'expérience comme
celle-là que vous craignez, selon la lecture que vous faites du projet
de loi, une rigidité trop grande qui viendrait défaire des
expériences qui sont menées notamment chez vous, les fameux 32
comités existants. D'une part, le projet de loi no 17, et s'il y
a des points qui sont contraires à ce que je vais dire, j'aimerais que
vous me les indiquiez, on va les regarder à la loupe les articles
3, 7, 280 n'empêchent pas que par convention collective, les parties
s'entendent sur un plus grand nombre de comités, le nombre convenu entre
les parties. Deuxièmement, il n'y a rien qui empêche le
comité d'établissement de créer autant de
sous-comités qui seraient jugés nécessaires pour tenir
compte de la diversité de situations de travail. Troisièmement,
je suis prêt, le cas échéant, si cela n'est pas suffisant,
à regarder et à examiner la possibilité de trouver des
formules additionnelles pour s'assurer que la souplesse requise et la marge de
manoeuvre d'entente et de discussion entre les parties soient là
très clairement établies pour que les parties puissent convenir
des ajustements et de la souplesse requise pour ajuster les choses aux
réalités qui, forcément, varient d'une entreprise à
l'autre, d'un secteur à l'autre.
Je voudrais que ce soit bien clair, mais s'il y a des articles, en
particulier, qui vous amènent à conclure dans le sens que vous
évoquez dans votre mémoire, j'apprécierais que vous
attiriez notre attention là-dessus.
Troisième élément, cela concerne le
représentant à la prévention, les pages 11, 12 et 13, je
crois, de votre mémoire. Je comprends que vous ne soyez pas
particulièrement chauds, c'est du moins ce qu'on peut dire, à
l'idée d'un représentant à la prévention.
J'ai lu votre mémoire, j'ai écouté, le plus
attentivement possible, aujourd'hui, votre présentation et j'avoue que
vous ne me convainquez pas. J'aimerais vous entendre encore une dernière
fois s'il y a des éléments ou des arguments additionnels que vous
voulez faire valoir. Je ne vois pas pourquoi des travailleurs n'auraient pas
droit à un minimum de permanence libérée pour
procéder à des inspections, à des vérifications,
s'assurer que le programme de prévention qui est convenu est bel et bien
appliqué, relever des situations qui leur paraissent dangereuses,
informer les autres travailleurs, les autres travailleuses de l'entreprise,
accompagner les inspecteurs quand ils se présentent. Je ne vois pas
pourquoi ce seraient uniquement les employeurs qui pourraient accompagner les
inspecteurs, comme cela s'est fait traditionnellement, et le reste.
Vous devez avoir de bons arguments. J'ai cru comprendre que vous
exploitiez en Ontario, notamment. Vous savez que la loi ontarienne le
prévoit. Est-ce que cela vous crée des problèmes
particuliers de fonctionnement en Ontario? Est-ce que vous entrevoyez des
problèmes particuliers propres au Québec, que vous n'auriez pas
vécus en Ontario? Je pense qu'il serait intéressant qu'on vous
entende un peu plus longuement sur cette question, parce que comme je l'ai
invoqué dans le courant de cet après-midi, non seulement je ne
suis pas convaincu, je suis ouvert, je suis prêt à écouter,
je suis prêt à tenir compte des recommandations qu'on m'a
formulées depuis le début . des travaux de cette commission,
à la condition que je sente qu'elles sont étayées. J'avoue
hon-
nêtement et ce n'est pas à cause de l'argumentation
je vous dis simplement que l'argumentation utilisée
jusqu'à maintenant ne me convainc pas. Non seulement elle ne me convainc
pas, elle m'amène au contraire à penser qu'il faut
peut-être même aller plus loin que ce qui est prévu dans le
projet de loi no 17 dans ce domaine. Là-dessus, je vais être bien
franc et je suis prêt à vous entendre encore à ce
sujet.
Maintenant, une chose, on a eu longuement l'occasion de discuter de
toute la question des services médicaux de l'intégration
je ne veux pas revenir là-dessus à cette heure-ci mais il
y a un point. Quant à la possibilité vous le soulevez dans
votre mémoire, et je crois que vous avez raison de le soulever
qu'un seul employé, dans un cas où il n'y a ni comité ni
syndicat - évidemment, ce n'est pas le cas de l'Alcan, de toute
façon, mais vous le soulevez quand même dans votre mémoire
puisse demander la destitution d'un médecin. J'ai
déjà eu l'occasion d'indiquer que j'étais prêt
à regarder cette affaire-là. Je pense que vous avez raison de le
soulever, vous n'êtes par les premiers à le faire. Soyez
assurés qu'on va regarder cela de très près.
Voilà, M. le Président, les premiers commentaires et
questions.
Le Président (M. Dussault): M. Phillips. M. Phillips:
M. le Président...
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. En terminant, je
voudrais vous remercier de votre mémoire et je tiens à vous
remercier aussi de l'avoir illustré d'exemples très concrets, en
particulier les annexes qui sont accrochées à votre
mémoire, parce que cela nous permet, pour ceux qui n'ont jamais eu
l'occasion d'aller sur place, au moins de voir, de façon
concrète, un peu comment les choses se sont passées de votre
point de vue. Là, on va voir si cela confirme les pistes qu'on cherchait
à déblayer.
M. Phillips: M. le Président, je suis très heureux
de savoir que M. Marois n'a pas l'intention de niveler la qualité des
services qui y sont déjà existants. Nous sommes disponibles
à en discuter de toutes sortes de manières qui
préviendraient un tel nivelage, parce que de la façon qu'on a lu
le projet de loi, on se demandait comment on pouvait éviter une telle
chose.
M. Marois: Ce qui ne veut pas dire cependant il ne
faudrait pas me faire dire ce que je ne dis pas que je ne maintiens pas
jusqu'à nouvel ordre que les hypothèses qui sont dans le projet
de loi no 17, concernant ce qu'on a appelé la fin des médecins de
compagnie, n'est pas l'hypothèse qui doit être retenue. C'est une
autre chose.
M. Phillips: M. le Président, le ministre a posé
plusieurs questions et comme il l'a constaté, il est tard, mais on
pourrait parler de la question de la responsabilité pendant quelques
heures.
Cependant, on va tenter brièvement de toucher cette question et
les autres. Avant de céder la parole à M. Leydet, notre
vice-président du personnel, j'aimerais juste ajouter que nous avons 20
unités syndicales à Québec. Organiser 20 groupes, qui ne
sont pas tous de la même fédération, pour faire des
changements avec les comités proposés, etc., ce serait une
tâche très difficile. Oui, il existe cette possibilité,
mais on fait affaire avec plus qu'un groupe en même temps. M. Leydet,
aime-riez-vous commenter la question de la responsabilité?
M. Leydet (Hugues): Oui, je vais en faire une partie et je vais
peut-être demander à M. Lavallée de me donner un coup de
main. Je pense que la question de la responsabilité est devant nous.
Nous avons fait beaucoup d'expériences, c'est un fait. Un exemple
était l'exemple que vous avez choisi où, effectivement, il y a eu
participation.
M. Marois: Que vous avez choisi, plutôt. M. Leydet:
D'accord.
M. Marois: J'imagine que vous aviez de bonnes raisons de le
choisir.
M. Leydet: Nous avons plusieurs dossiers.
M. Marois: Mais il m'a frappé, il est
intéressant.
M. Leydet: Effectivement, il y a eu beaucoup
d'expériences. Nous avons, petit à petit, à travers les
années, accumulé des expériences où
véritablement la participation a été vécue, a
été bien vécue. Cependant, je voudrais demander sur qui,
dans toutes ces expériences-là, dans la finalité des
choses, il était clair que la responsabilité finale du
succès devait quand même revenir. C'est sur la compagnie. On se
place dans cette optique. Dans la finalité des choses, si les choses
tournent mal, comme entreprise, nous sommes quand même responsables,
devant la loi et devant nos employés. C'est ce qu'on essaie de dire. Je
pense que cette notion est d'autant plus critique qu'avec cette conviction de
cette responsabilité, nous sommes effectivement capables de créer
plutôt une ambiance de participation. Je pense que la participation, on
ne peut pas l'imposer par une loi. Même dans une convention collective,
vous pouvez avoir d'excellentes clauses de participation mais il faut
créer l'ambiance et une partie de la création de l'ambiance est
quand même de dire: En fin de compte, nous sommes responsables de la
sécurité, nous sommes responsables du dépistage des
maladies, nous sommes quand même responsables de la santé des
employés qui travaillent pour cette compagnie. C'est dans ce sens que la
question de la responsabilité se présente.
Je pense que c'est presque une nécessité pour que les
expériences aient un suivi. Les expériences, c'est très
joli, mais, vraiment, il y a une attitude de prise de conscience et de prise
de
responsabilités et par les employés et les cadres, en
fait. Je ne parle pas seulement d'employés payés à l'heure
ou d'employés de bureau, je parle aussi de contremaîtres, de
contremaîtres généraux, de surintendants. C'est quelque
chose qui se crée à travers les années. Si la situation
devient ambiguë, à savoir qui est vraiment responsable, est-ce un
comité paritaire qui, dans la finalité des choses, sera tenu
responsable? Je pense que nous irons vers un déclin.
L'autre question, qui rejoint la question de la responsabilité,
est effectivement la question qui touche le côté santé:
là, je parle plutôt de nos médecins, de la gestion de nos
centres de premiers soins, de nos centres médicaux, de nos
infirmières. Là, vraiment je pense qu'il est actuellement
difficile pour nous d'envisager que ces médecins, ces infirmières
pourraient, étant employés par l'État, rendre exactement
les mêmes services qu'ils rendent actuellement à nos
employés. Je vous donne un exemple. Les infirmières qui sont
à notre emploi actuellement et qui font passer des examens à nos
employés comme M. Lavallée vous le disait tantôt, ce
sont, pour beaucoup, des examens volontaires ont une connaissance du
milieu, ont une connaissance des problèmes, ont souvent une connaissance
même des individus comme individus comme employés,
évidemment, et les méthodes utilisées ont
été rodées après un certain nombre d'années.
Ces personnes sont vraiment au service de ces employés et je pense que
c'est ce lien que nous voulons garder. (19 heures)
Enfin de compte, je pourrais peut-être mentionner une chose. C'est
sûr que si ces médecins, ces infirmiers et infirmières, ne
sont pas à l'emploi de la compagnie, ils font partie évidemment
des DSC ou des centres hospitaliers. Là, effectivement, nous croyons que
nous perdrons ce lien du point de vue formation, du point de vue qualité
d'examen, du point de vue suivi qui, aujourd'hui, sont à notre main,
c'est-à-dire que ces personnes sont actuellement sur les listes de paye
de la compagnie mais elles sont au service des employés.
On ne met pas nos médecins dans une situation de conflit, par
exemple: un médecin qui devrait décider qu'on doit
dépenser tant. C'est une question de gestion. Nous pensons que là
encore, il y aurait ambiguïté et danger que les buts que nous
voulons tous rejoindre soient amenuisés et, qu'effectivement, on en
sorte avec quoique les objectifs demeurent les mêmes mais dans la
pratique que nous ne puissions pas rencontrer les objectifs que nous
nous sommes tracés.
M. Lavallée: M. le Président, si on revient
à l'exemple que vous avez tiré de notre mémoire, c'est
effectivement pour illustrer le fait qu'il y a déjà des
mécanismes ou des modes de fonctionnement qui rejoignent ce qui est
prévu au projet de loi pour les comités de santé et de
sécurité. Dans le cas de l'exemple en question, il y a eu,
effectivement, un partage de responsabilités jus- qu'à ce que,
comme vous le mentionnez, l'employé décide ce qu'il voulait
porter, ce qui lui convenait le mieux. C'est quand même un partage, je
dirais, qui s'est bâti dans la relation; cela n'a pas été
dicté à un moment donné: À l'avenir, vous aurez ce
droit. En fait, il a fallu, même avant d'aller à la protection de
l'employé, avoir un programme de sensibilisation. Il a fallu aussi
avoir, de la part de la société, des indications très
claires qu'on n'avait pas l'intention de dire: Vous allez porter des
cache-oreilles. Mais il va y avoir un programme d'élimination à
la source.
M. Marois: Excusez-moi de vous interrompre. Si c'est cela la
réalité de l'Alcan, c'est ce que vous nous dites que c'est, je
pense qu'on prend votre parole, et si la loi vient dire exactement la
même chose, quel problème cela pose-t-il à l'Alcan?
Deuxièmement, il n'y a pas que l'Alcan au Québec. Il s'agit d'une
loi qui va s'appliquer avec un certain gradualisme encore une fois, on
ne peut pas tout faire en même temps mais qui est de portée
universelle.
En d'autres termes, si l'article 63, paragraphe 1, reconnaît un
pouvoir décisionnel quant aux équipements de
sécurité c'est ce que vous avez fait qu'est-ce que
cela change? En quoi... je ne comprends pas le lien.
M. Lavallée: II y a certains éléments qui
sont changés, M. le Président, si l'on prend, par exemple, les
comités, même en reprenant la définition
d'établissement pour la restreindre.
M. Marois: Mais si la loi... Une question, si vous permettez. Vos
comités ont été convenus avec les parties syndicales. Chez
vous, les employés sont syndiqués.
M. Lavallée: Oui.
M. Marois: Ils ont été convenus avec les parties
syndicales. Si la loi vous permet, sur une base d'entente convenue entre les
deux parties, la partie syndicale et l'employeur, de continuer à
fonctionner sur la base des comités que vous avez, si cela satisfait les
deux parties, qu'est-ce que cela vient changer?
M. Lavallée: À ce moment-là, dans chaque
établissement, les comités sont établis à un niveau
plus bas dans l'organisation, ce qui fait que pour un établissement, il
y a déjà plusieurs comités.
M. Marois: Oui.
M. Lavallée: La loi permet d'en avoir plusieurs mais
semble quand même obliger d'en avoir un pour chapeauter le tout puisqu'il
en faut un par établissement. À ce moment-là, il y a une
structure additionnelle qui semble s'ajouter à ce. que nous avons
déjà. La même chose pour le représentant à la
prévention. Il y en a dans plusieurs secteurs qui ont à peu
près les mêmes fonctions et il semble que le projet de loi impose
d'ajouter à cela une
structure de participation au niveau de l'entreprise alors que nous
croyons que c'est au niveau le plus bas possible que la participation va le
mieux s'actualiser.
C'est ce qui nous amène finalement à dire que c'est
sûr qu'il y a toutes sortes d'entreprises au Québec et, d'un autre
côté, il y en a sûrement d'autres qui fonctionnent comme
nous le faisons. C'est ce qui nous amène à dire qu'il faudrait
quand même que le projet de loi prévoie la possibilité de
mécanismes pour identifier ou pour reconnaître ce qui existe
déjà comme structures et éviter la superposition de
structures additionnelles dans les cas où il y a l'équivalent ou
ce que nous pouvons prétendre être déjà plus
avancé.
M. Phillips: Pour faire le point sur la question de la
responsabilité, je pense, M. le Président, que, quand on prend
l'exemple qui était dans notre mémoire, à l'annexe B,
cité par le ministre, il y aurait la question de savoir qui est
responsable pour décider qu'il faut porter des protecteurs. C'est une
chose. L'autre chose, l'autre question, c'était le choix. On avait deux
systèmes qui, techniquement, étaient adéquats. Dans un
cas, je pense bien qu'on l'a cité les employés ont
décidé lequel était le meilleur à leur point de
vue, mais la responsabilité d'être bien sûr que la
protection était adéquate et qu'il fallait porter ces
protecteurs, on la voyait comme notre responsabilité en tant
qu'employeur.
Le Président (M. Dussault): Merci. Maintenant, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier MM. Phillips et Lavallée et leurs collègues de l'Alcan
de la présentation de leur mémoire, du résumé et
aussi du document reprenant la déclaration de M. Phillips à
l'ouverture. Je pense que ces documents que nous avons consultés et
leurs annexes sont très éloquents et démontrent à
leur face même que, même si on a un problème de santé
et de sécurité, même si on doit déplorer que, dans
certains milieux, il n'y a pas suffisamment d'efforts qui ont été
faits, même si tout le monde est unanime à constater l'obligation
que le législateur intervienne dans ce dossier, on doit constater, par
contre, qu'il y a au Québec des entreprises qui ont pris leurs
responsabilités et vous en êtes, selon moi. Depuis plusieurs
années, depuis plus de 30 ans tout à l'heure, M.
Lavallée évoquait un programme sur le bruit dès 1943
vous avez consacré des efforts en dialoguant, en
échangeant avec les travailleurs. Cela a certainement eu des
résultats.
Vous consacrez dans toutes vos entreprises des budgets importants
à la recherche technologique, des budgets par les professionnels qui
sont affectés à ce dossier, que ce soient les hygiénistes
industriels, les médecins, les infirmières, etc. La crainte que
vous exprimez aujourd'hui au ministre d'État au Développement
social est une crainte à laquelle nous nous associons aussi. Ce que vous
dites, c'est que vous craignez qu'avec le projet de loi no 17, même si
les objectifs sont louables, on fasse, somme toute, table rase de ce qui existe
déjà. C'est ce qu'on évoquait et c'est ce qu'on mettait en
relief comme appréhension dans la déclaration d'ouverture le 4
septembre dernier de la part du Parti libéral du Québec. Ce que
nous recommandons, il ne serait pas trop tard pour le faire, vous le reprenez
essentiellement aujourd'hui, il ne serait pas trop tard pour que le
gouvernement modifie l'approche de son projet de loi. Il faut intervenir dans
certains milieux. Que le gouvernement, par le projet de loi no 17, fasse en
sorte que l'intervention se fera dans les secteurs prioritaires, dans les
secteurs où il y a des problèmes, là où les gens ne
prennent pas leurs responsabilités, là où il faut agir et
là où c'est urgent d'agir. Qu'on crée une structure qui
sera sous la juridiction ou dont l'organe moteur sera la commission de
santé et de sécurité au travail, ce sera quand même
une superstructure qui aura à établir des programmes de
santé et un programme général de santé. On
introduit le volet du réseau public avec les CHDSC, les
départements de santé communautaire, possiblement les CLSC et
tout cela. Le ministre, le gouvernement dit et là-dessus, M.
Marois et moi ne sommes pas d'accord, que rien n'empêche une entreprise,
que ce soit l'Alcan, que ce soit Dupont ou une autre entreprise qui, au
Québec, a déployé des efforts appréciables, de
continuer ce qui existait antérieurement. Je ne suis pas convaincu que
cela pourra se faire.
Qu'on prenne seulement un exemple bien spécifique, bien concret,
qu'on a discuté et que vous avez élaboré un peu tout
à l'heure, les infirmières. Le rôle de l'infirmière
en milieu de travail est pas mal plus important que beaucoup de gens ne le
croient. La première personne, c'est la personne qui est, bien souvent,
le premier contact médical de santé ou autre auprès du
travailleur. Qu'arrivera-t-il des infirmières? Les infirmières
seront sous la juridiction du département de santé communautaire
avec une responsabilité dans tout le milieu. Je ne veux pas faire
écho au problème spécifique de votre entreprise qui aura
à oeuvrer avec six départements de santé communautaire
dans certains cas et avec deux départements de santé
communautaire dans le cas des barrages. Déjà, ce sera un
problème d'action et un problème si je peux employer un
terme juridique de jurisprudence, de position ou d'approche qui pourrait
être différent selon les différents départements de
santé communautaire. Cela impliquera des problèmes aux
entreprises comme aux employés de l'une ou l'autre des entreprises. Ce
que je veux dire, c'est que dans le cas spécifique de
l'infirmière, je ne suis pas convaincu que les travailleurs de l'Alcan
auront autant de service de la part de l'infirmière ou des
infirmières qui dépendront du département de santé
communautaire que des infirmières qu'ils ont dans le moment et qui
travaillent pour eux dans la structure de service de santé de
l'entreprise. Ces dames et ces filles feront partie d'équipes volantes.
Elles auront à s'occuper de plusieurs entreprises et ne pourront
pas assumer ou s'assurer du suivi continuel, même personnel, dans
plusieurs cas, du dossier avec l'individu.
Le deuxième volet de cet aspect. L'entreprise pourra-t-elle
élaborer un programme de santé spécifique? Oui, elle
pourra le faire. Pas de problème. Mais cela prendra quand même la
permission ou le OK de la commission de santé et de
sécurité en vertu de... J'oublie quel article, mais c'est quand
même noir sur blanc dans la loi. La crainte que j'ai dans tout cela,
c'est que les entreprises qui ont déployé des efforts
appréciables disent: Coudon! Le gouvernement a adopté une loi, le
gouvernement a fait son lit par la loi 17 et ce à quoi on est
obligé maintenant, c'est à la loi 17. L'initiative dans l'action
ne se fera pas seulement par moi, comme entreprise et comme employeur, mais
elle se fera par moi toujours sujet aux normes de la commission de santé
et de sécurité, telles qu'appliquées par le
département de santé communautaire de la région. Quant
à moi, je crains que ce que vous dites soit vrai, que ce soit une
modification, un nivellement à rabais. Quand le ministre dit qu'il n'y
aura pas de nivellement à rabais, je crois qu'il y en aura possiblement
du nivellement à rabais. Nous craignons que ce soit strictement un
minimum, que ce soient des conditions minimales de santé qui seront
contenues dans les différents programmes et dans les règlements.
La commission de santé qui adoptera des règlements, qui
édictera des normes, ce seront des normes de base, des normes minimales,
parce que ces normes seront susceptibles et sujettes à avoir des effets
dans toutes les entreprises du Québec ou dans différents secteurs
de l'industrie qui n'ont pas la même technologie et qui n'ont pas le
même degré d'avancement. C'est une appréhension qui est
là. C'est une appréhension qui peut avoir des
répercussions très graves.
Ce que vous proposez est assez intéressant, soit le processus de
certification permettant à certaines entreprises ou à certaines
catégories d'entreprises d'avoir plus de pouvoirs dans l'action, mais
toujours sous le contrôle de la commission de santé et de
sécurité. Je trouve que c'est une approche qui est très
intéressante et j'espère que le gouvernement, à la
lumière des échanges qu'on a eus particulièrement,
le ministre d'État au Développement social avec les
quelque 60 intervenants qui sont venus ici, pourra approfondir cet aspect de la
question. Autant il est vrai qu'il faut agir, que le gouvernement a une
responsabilité, autant il est vrai aussi que des secteurs d'industrie au
Québec et des entreprises ont déployé des efforts. Je ne
suis pas convaincu que ce serait à l'avantage des travailleurs oeuvrant
dans ces entreprises-là de mettre cela de côté pour se
limiter seulement à une réforme de structure dans laquelle on
aura le réseau public. (19 h 15)
Les gens du réseau public, même s'ils ont la meilleure
détermination du monde, la meilleure volonté du monde, sont quand
même astreints à des obligations budgétaires, des
obligations de paperasses administratives et de lourdeurs admi- nistratives.
Cela dépendra aussi de la capacité de certaines régions du
Québec à se joindre ou à définir chez elles et
à mettre en pratique le projet de loi no 17. Je ne suis pas convaincu
que ce sont tous les départements de santé communautaire du
Québec qui sont prêts en un temps deux mouvements à mettre
tout cela sur pied. Le processus de certification aurait peut-être du bon
sens et cela m'apparaît tout au moins très intéressant et
j'invite le ministre à le regarder. Merci messieurs.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Messieurs de la compagnie l'Alcan, cela me fait
énormément plaisir d'avoir l'occasion de parler avec vous
aujourd'hui parce que vous êtes aussi les représentants de l'Alcan
à Beauharnois, comté dont je suis le représentant à
l'Assemblée nationale. Je voudrais vous poser quelques questions. Je
sais que la compagnie Alcan a différentes usines; d'ailleurs, au
Québec, vous en avez plus qu'une. Vous en avez en Ontario, mais on va
s'en tenir au Québec pour le moment. Je sais aussi qu'à travers
les usines que vous possédez au Québec, celle qui semble avoir le
plus d'importance, et de beaucoup, par rapport aux autres, est celle d'Arvida
je crois. Quand on regarde votre document et qu'on va aux annexes I, J et K, on
s'aperçoit, évidemment, que l'accent est mis sur l'usine
d'Arvida. Quand on regarde le projet de loi, on dit que le projet de loi ne
s'applique pas à une entité comme telle, à une compagnie
comme telle, mais à l'usine comme telle. Tout est appliqué
à chacune des usines. Si une compagnie possède cinq usines, le
projet s'applique cinq fois à cinq usines bien distinctes. Quand on
regarde votre organigramme entre autres, à l'annexe K, on
s'aperçoit que le programme de sécurité et de santé
a été largement élaboré à Arvida et, en
deuxième lieu, à l'usine de Vaudreuil. Par contre, on ne retrouve
pas peut-être pas parce qu'il n'existe pas un programme de
sécurité élaboré à l'usine de Beauharnois
par exemple. Est-ce parce que l'usine de Beauharnois est plus petite, moins
importante? Bien sûr, elle compte seulement environ 350 employés
par rapport à tout près de 5000 ou 6000 à Arvida. Bien
sûr que pour la compagnie Alcan, Beauharnois est de beaucoup
inférieur en potentiel. Est-ce que, parce que c'est moins important,
vous allez... Je ne voudrais pas imaginer ou penser que Beauharnois est
négligé par rapport aux autres, mais je suis porté
à le croire d'après les annexes que j'ai consultées ici.
Quand on regarde aussi à l'annexe J, on voit les chiffres. Dans la
sécurité, vous avez trois colonnes: Endroit, fréquence
à ce jour et gravité à ce jour. Quand on regarde
Beauharnois par rapport à Arvida, par exemple, dans fréquence
à ce jour, c'est 34,66 au niveau de l'électrolyse et 24,61 au
Centre de coulée par rapport à 19,80 à Arvida. Quand on
regarde la gravité, on compare Arvida 150,16 par rapport à 384,24
et 473,68 à Beauharnois. Je ne sais pas si j'interprète bien
votre tableau; il est très simplifié, il n'y a
peut-être
pas d'annotation à côté des chiffres, mais je pense
que je l'interprète comme il faut. Je vous pose autant de questions en
vrac et j'aimerais avoir des réponses.
M. Phillips: M. le Président, le député de
Beauharnois a posé beaucoup de questions. J'aimerais souligner le fait
que si on a utilisé des exemples tirés de notre complexe de
Jonquière, qui est en fait divisé en trois usines, c'est parce
que la complexité de mener un site où vous avez 6000
employés ou plus est beaucoup plus difficile que pour une usine comme
Beauharnois. C'est probablement la raison pour laquelle on a utilisé ces
exemples. En ce qui concerne la fréquence et la gravité des
accidents à Beauharnois, on n'est pas fier de notre record
là-bas.
M. Lavigne: Je l'espère.
M. Phillips: Comme vous le savez probablement, il y a plusieurs
années, à cause d'un manque de demande, la direction a
fermé la moitié de l'usine parce que l'usine comprend deux salles
de cuves; l'une a été fermée pendant plusieurs
années et quand la moitié de l'usine a été
rouverte, on a dû commencer avec des employés qui n'avaient jamais
travaillé pour l'Alcan. On a deux groupes de travailleurs là-bas,
des gens qui sont dans la cinquantaine à peu près qui
représentent la moitié, et l'autre moitié est
âgée à peu près de 25 ans. Nous avons des
problèmes de culture, de différences d'âge, d'habitudes et
toutes sortes de choses. L'usine de Beauharnois était
gérée de Shawinigan. Il y a quelques mois, on a
décidé que l'usine méritait son propre directeur, alors,
nous avons un nouveau directeur sur place, à Beauharnois, et on
espère que dans quelques années, j'aimerais que ce soit dans deux
semaines, mais au moins, dans quelques années, on pourra être
aussi fiers de notre record de Beauharnois que de ceux d'ailleurs. Je ne sais
pas s'il y a d'autres...
M. Bouchard (Bertrand): Faire un point là-dessus,
peut-être aussi un peu rejoindre le point de M. le ministre tout à
l'heure. On a parlé de 32 comités, c'est un fait, mais ces 32
comités travaillent à l'intérieur d'un même objectif
global, si vous voulez, une même orientation et sous une même
administration totale. Ils n'ont pas de pouvoir décisionnel. Ils ont un
pouvoir de recommandation. On assure les comités que chaque
recommandation sera étudiée et qu'ils auront une réponse.
Dans certaines circonstances, et que ce soit à Beauharnois, à
l'île Maligne ou Roberval-Saguenay qui est aussi petit que Beauharnois,
effectivement, présentement, il est vrai qu'ils ont la
possibilité de prendre certaines décisions à
l'intérieur d'un cadre global. Administrer 32 comités de cette
façon-ci nous paraît beaucoup plus facile qu'en administrer 32, si
vous voulez, à l'intérieur de DSC différentes et avec des
pouvoirs décisionnels nettement différents de ceux qui existent
présentement. Je voulais ajouter ce commentaire pour vous dire que tout
le monde est traité un peu de la même façon, d'une part, et
pour revenir aux 32 comités que vous avez mentionnés tout
à l'heure.
M. Marois: Je m'excuse parce qu'il est déjà 19 h 20
et je sais qu'on a fait une bonne journée. Je ne veux pas allonger la
discussion. Il y a toute la question des infirmières, des
médecins, et des DSC. C'est une chose. Mais, dans votre dernière
intervention, vous avez ramassé tout le paquet en même temps. Cela
me paraît un peu court, dans la mesure où vous nous avez dit vous
autres mêmes que vous avez reconnu un pouvoir décisionnel,
notamment, sur le port des équipements de sécurité
moi je vous dis, l'article 63, paragraphe 1, c'est simplement cela qu'il fait
et vous me dites dans votre mémoire: On n'est pas d'accord, cela
n'a rien à voir avec les départements de santé
communautaires, cela n'a rien à voir avec les CLSC. Cela n'a rien
à voir avec l'existence ou pas d'une clinique médicale à
Arvida rattachée à la compagnie.
M. Lavallée: Ce n'est peut-être pas tellement un
pouvoir décisionnel, M. le Président, en fait, que de donner
à chaque individu la liberté de choisir ce qui lui convient le
mieux. À ce moment, c'est une participation individuelle et non pas
structurée dans un type d'organisation comme celui qui est
proposé. C'est le genre de participation qu'on est
intéressé à pousser le plus souvent et le plus loin
possible, mais ce sont les structures comme je le mentionnais tout
à l'heure qui se développent plus qu'elles ne
s'imposent.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Un petit commentaire...
Le Président (M. Dussault): Très
brièvement.
M. Chevrette: Un petit commentaire et une question. Tout d'abord,
le commentaire. Cela ne surprendra pas mon ami de Portneuf de voir que je suis
en désaccord avec lui sur le fait que lorsqu'on vote une loi-cadre
fixant des minimums, mais que la loi-cadre reconnaît que par convention
collective on peut avoir plus, si dans les conventions collectives il existe
déjà des clauses négociées, je pense bien que le
vice-président au personnel sait fort bien que c'est difficile d'aller
en deçà des droits acquis lors de négociations.
Cela dit, vous demandez à l'intérieur de votre
mémoire qu'il puisse y avoir un article ou une clause qui permettrait de
déroger au système global puisque tel type d'organisation dans
une usine fonctionne bien.
J'ai une appréhension et c'est peut-être ma
déformation syndicale là-dessus, mais si on avait cette clause
je ne veux pas négocier avec vous autres j'ai
envisagé des hypothèques théoriques en tout cas. À
supposer qu'à la suite d'une requête conjointe du syndicat et d'un
employeur, on
puisse recourir à un mécanisme autre que celui de la loi,
j'y verrais encore un danger, si on le laissait dans la loi. Vous savez
pertinemment qu'on a à peine quelque 30% de syndiqués, qu'il
pourrait se glisser des syndicats de boutique. Vous n'êtes pas sans
savoir que cela existe et que cela pourrait être une manière
d'échappatoire pour l'application concrète de la loi dans
certains milieux. Je ne parle pas là où il y a des syndicats bien
structurés reconnus depuis des années, qui ont travaillé
depuis des années sur certains points. C'est grâce justement
à ces comités que le climat des relations du travail en
général s'en ressent à part cela. Mais là où
il y a un syndicat de boutique, si on laissait une telle échappatoire,
vous ne croyez pas que cela pourrait être un danger immense à
l'intérieur de la loi de créer un tel pouvoir
discrétionnaire? Ne faudrait-il pas ajouter tout au moins que c'est la
commission, après vérification et enquête, qui pourrait
elle-même accorder une certaine forme divergente, mais après
enquête je dis bien et surtout pas dans le cadre où
il y aurait des syndicats de boutique?
M. Lavallée: Je crois que c'est justement le genre de
proposition que nous faisions, que ce processus de certification soit soumis
à contrôle, à vérification, et qu'il ne soit
évidemment pas automatique, mais qu'il y ait d'abord une
vérification des structures et des mécanismes en place, de la
part de la commission, qui sera sûrement le maître d'oeuvre de tout
le processus. Cette possibilité, c'est ce que l'on suggère et, en
même temps, ce que l'on souligne, c'est que si, dans le projet de loi, il
n'y a pas cette possibilité, si elle n'est pas inscrite, justement parce
que c'est une loi-cadre, lorsque, devant peut-être des situations qui le
justifieraient, la commission voudrait agir, elle serait bloquée par le
fait que la loi ne permet pas un tel mécanisme. C'est dans ce sens que
l'on suggère qu'il soit inscrit dans la loi cette possibilité de
fonctionner de cette façon, pour éviter une rigidité que
la réalité pourrait démontrer être trop forte pour
certaines situations.
M. Phillips: Je dois signaler aussi que la certification ne sera
pas permanente. Alors, il y aura toujours possibilité de reprendre
l'affaire.
Le Président (M. Dussault): Merci. Pour qu'on s'entende
bien, j'en ai discuté avec quelqu'un, un des représentants de
l'Alcan, il ne serait pas raisonnable, je pense, de transmettre directement au
journal des Débats tout le document, particulièrement le gros
document que vous nous avez soumis. Ce qu'on a convenu de faire est de verser
le petit document au complet au journal des Débats ainsi que les 18
premières pages du document plus volumineux qui, en fait, est la
déclaration. Votre déclaration comme telle, comme vous l'avez
lue, paraît déjà au journal des Débats. Si cela
convient à la commission et à nos invités, c'est ce qui se
ferait. D'accord?
M. Phillips: Oui. (Voir annexe F)
Le Président (M. Dussault): C'est qu'il y a beaucoup de
graphiques particulièrement à l'intérieur de cela et il y
aurait des problèmes.
Cela dit, je remercie au nom de la commission la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée de sa participation et de
sa collaboration aux travaux de notre commission.
Ceci met fin aux travaux de la commission aujourd'hui. Nous devrons
reprendre nos travaux demain à 10 heures. J'ajourne les travaux de la
commission jusqu'à demain 10 heures et bon retour, messieurs.
Fin de la séance à 19 h 30
ANNEXE A
Mémoire de Union Carbide du Canada
Limitée
sur le livre blanc du gouvernement du
Québec
au sujet de la santé et sécurité
au travail
Le 17 septembre 1979
Le Secrétariat des Commissions parlementaires Hôtel du
Gouvernement Bureau 2, Édifice A Québec, Québec G1A
1A3
À l'attention de Monsieur Marc Cantin, Secrétaire Cher
monsieur,
Pour faire suite à notre conversation téléphonique
de ce jour, je vous transmets sous ce pli la lettre que monsieur Hainey
adressait au Secrétaire de la Commission permanente du Travail et de la
Main-d'oeuvre en date du 17 août dernier au sujet du projet de loi
17.
Tel que je vous l'ai mentionné au téléphone, cette
lettre fut expédiée de Toronto le 17 août 1979 et nous a
été retournée le 14 septembre par le bureau de poste avec
les mentions "adresse incomplète", "service et ministère
inconnus".
Je crois comprendre que ces documents seront déposés
à la Commission mais qu'il est peu probable que la Commission puisse les
prendre en considération en raison du retard et des dossiers volumineux
à étudier. Le retard étant dû à des
circonstances en dehors de notre volonté, nous espérons que la
Commission tiendra compte de notre lettre du 17 août.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de
nos sentiments distingués.
(Mme) Rachel McShane Secrétaire de M. Hainey
Le 17 août 1979
Le Secrétaire
Commission permanente du Travail et de la Main-d'oeuvre
Secrétariat des Commissions
Hôtel du Gouvernement
Québec, Québec
J1A 1A4
Monsieur le Secrétaire,
Union Carbide du Canada Limitée a suivi avec intérêt
et inquiétude l'élaboration du projet de loi 17 du Gouvernement
du Québec.
Nous avons préparé et soumis en avril 1979 un
mémoire présentant nos vues au sujet du Livre blanc sur la
santé et sécurité au travail. Vous trouverez ci-joint un
exemplaire de ce mémoire.
La compagnie a également participé à la
préparation d'un mémoire sur le projet de loi 17 de l'Association
canadienne des Fabricants de Produits chimiques et du Conseil du Patronat. Ces
mémoires ont été soumis conformément aux directives
publiées dans la Gazette du Gouvernement.
La compagnie appuie la position prise par les associations
mentionnées ci-dessus et vous prie d'accorder une attention toute
particulière à leurs mémoires.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de
mes sentiments distingués.
Major-Général B.F. Macdonald, président Association
canadienne des Fabricants de Produits chimiques
M. Pierre Côté, président Conseil du Patronat
La compagnie
Union Carbide du Canada Limitée est l'une de plus importantes
sociétés manufacturières du Canada. L'année
dernière son chiffre d'affaires dépassait les $500 millions, et
elle comptait 5000 employés au Canada.
Premier producteur de résines et pellicules de
polyéthylène, produits de carbone et de graphite, ferro-alliages,
piles sèches et boyaux alimentaires, la Compagnie est aussi l'un des
principaux fabricants de produits chimiques organiques, d'antigel automobile et
de gaz industriels.
La présence de Union Carbide du Canada Limitée et des
compagnies qui l'ont précédée dans la province de
Québec remonte à près de 60 ans. Avec un effectif de
quelque 1500 personnes dans la province, la Compagnie est reconnue pour la
stabilité de son personnel et le très grand nombre
d'employés aux longs états de service.
Les installations manufacturières situées au Québec
sont diverses et hautement spécialisées et varient entre le
groupe des Plastiques et Produits chimiques à Montréal-Est, les
Métaux à Beauharnois et Chicoutimi, les Pellicules à
Cowansville et les Produits de Gaz dans sept régions du Québec.
De par leur nature particulière, chacune des installations requiert
l'apport de spécialistes hautement qualifiés pour gérer et
contrôler chaque procédé. Depuis la production
jusqu'à la haute direction, en passant par tous les niveaux
intermédiaires, chaque emploi nécessite un degré de
formation et d'expérience totalisant plusieurs années-hommes. Les
connaissances requises en raison de la nature technique particulière de
chaque secteur d'activité ont été accumulées au fil
de nombreuses années et proviennent de sources multiples et
expérimentées, y compris Union Carbide Corporation.
La sécurité et la santé des
employés chez Union Carbide
La nécessité d'offrir au personnel un milieu de travail
salubre et sécuritaire a toujours été l'une des
principales préoccupations de la Direction de Union Carbide, comme en
font foi toutes ses pratiques d'exploitation. Cet énoncé de
principe: "L'homme est notre actif le plus important sa
sécurité et sa santé notre plus grand souci"
témoigne bien de l'engagement de la Compagnie à cet égard.
Une politique générale a été élaborée
à partir de cet exposé, attestant que la Sécurité
et la Santé de tous les employés, tant au travail qu'en dehors du
travail, sont de première importance chez Union Carbide du Canada
Limitée. La Compagnie a pour objectif de sensibiliser tous les
employés à exercer le maximum de vigilance afin de
prévenir les accidents. À cette fin, les engagements suivants ont
été pris: La direction met en oeuvre des programmes
destinés à prévenir les accidents, maladies et pertes
matérielles; Un programme d'enseignement et de formation est
offert aux employés afin de leur permettre d'exécuter leurs
tâches sécuritairement; Tous les employés doivent
assumer leur responsabilité envers eux-mêmes, leur famille
et leurs compagnons de travail de façon à ce que leurs
actions ne causent aucun accident.
La Compagnie établissait, il y a plusieurs années, un
comité sur la Santé, la Sécurité et l'Environnement
qui est composé des Directeurs généraux de chaque
division. Ce comité relève directement du Comité de
Direction de la Compagnie qui, à son tour, rend compte des questions sur
la Sécurité, la Santé et l'Environnement au Conseil
d'administration de la Compagnie. Ce comité est chargé de
recommander des politiques touchant la santé, la sécurité
et l'environnement et de surveiller l'application du programme à
l'échelle de la Compagnie.
Les politiques approuvées par la Compagnie sont mises en oeuvre
à travers la compagnie par l'intermédiaire des cadres axiaux, la
Direction étant persuadée que la sécurité, la
santé et l'environnement doivent faire partie intégrante des
responsabilités de chaque cadre les jugeant aussi essentiels au bon
fonctionnement de l'entreprise que les procédés de fabrication et
les normes techniques.
Un service de santé complet est en place à chacune des
usines. Un équipement moderne, des professionnels
expérimentés connaissant bien les exigences des
procédés de fabrication en matière de santé, sont
en place à chaque installation importante. Un programme de surveillance
biologique au moyen de techniques modernes est en cours; des dispositions sont
prises pour réadapter les employés après une maladie et
modifier les tâches des employés en fonction de leur âge. En
plus des exigences reliées au milieu du travail, le programme de
santé prévoit des services de surveillance de la santé
exercés sur une base de rappel régulière. Des programmes
sur ordinateur ont été établis dans le cadre du programme
de protection de l'ouïe à l'aide de l'audiomètre, et les
employés sont initiés aux principes de santé.
La Compagnie a un Programme d'Hygiène Industrielle bien
établi relevant d'un Hygiéniste industriel professionnel. Les
cadres axiaux sont responsables de l'application des principes uniques et
hautement spécialisés d'hygiène industrielle dans tous les
procédés de fabrication. Des programmes complets destinés
à identifier, évaluer et contrôler tous les risques
possibles propres à chaque installation existent déjà.
Un programme semblable et hautement perfectionné touchant la
Sécurité du Personnel et des Procédés et
adapté aux besoins particuliers de chaque installation est le point
d'honneur de Union Carbide depuis nombre d'années.
Nous accueillons favorablement l'initiative du Gouvernement à
rendre publiques ses intentions sur cet important sujet et nous sommes heureux
d'avoir la chance d'y répondre. Par ses recommandations, Union Carbide
veut d'abord aider à assurer que la loi finale sera équitable,
efficace et lorsque mise en application, qu'elle protégera les droits
des travailleurs à un milieu de travail sécuritaire et
salubre.
Nous présentons ci-après une analyse de la situation
actuelle et proposons, à toutes fins utiles, d'autres solutions:
Partie I
Nous sommes d'accord, en principe, avec l'analyse et les conclusions
tirées dans la première section du livre blanc. La
validité des statistiques relatives aux accidents et maladies laisse
peut-être à désirer dans certains cas, mais l'on peut de
bon droit conclure que la fréquence des accidents et des maladies en
général, dans les secteurs privé et public de la province
de Québec, est beaucoup trop élevée. C'est là une
conclusion générale, et il est évident que ces taux de
fréquence (Accident et Maladie) varient énormément d'un
secteur et sous-secteur d'activité à l'autre.
Partie II
En analysant la seconde partie du livre blanc, nous constatons que
l'application de certaines propositions pourrait entraver la bonne marche des
programmes de sécurité et de santé de Union Carbide
déjà en cours. Ces propositions sont: 1.Comité
paritaire
Le gouvernement du Québec s'inquiète de la fragmentation
des responsabilités actuelles et subséquemment, de son
impuissance à faire respecter les règlements en matière de
Santé et de Sécurité. Quant à nous, nous voyons
avec appréhension toute mesure susceptible d'empêcher la Compagnie
d'assumer elle-même ses responsabilités en matière de
sécurité et de santé. Union Carbide voit d'un très
mauvais oeil l'idée d'abdiquer sa responsabilité touchant la
sécurité et la santé en faveur de "comités
paritaires". La Compagnie a formé des Comités de
Sécurité qui sont effectivement mis à contribution; leurs
membres sont choisis parmi les travailleurs horaires et les employés
mensuels et, un représentant syndical siège au Comité,
dans les installations desservies par un syndicat. Ces comités ont la
responsabilité: a) D'assurer la bonne communication du Programme de
Sécurité; b) De surveiller si le programme est effectivement mis
en application et suivi; c) D'assurer que les lacunes sont rectifiées et
de soumettre un rapport à cet effet.
À notre avis, ces mesures vont bien au-delà de l'intention
du livre blanc. Si le gouvernement persiste à vouloir établir des
comités paritaires, alors nous recommandons au moins que le
président du comité paritaire soit une personne qui siège
déjà au comité de la Compagnie. Le président sera
ainsi parfaitement au courant des exigences spécifiques des
procédés et du personnel, du milieu du travail et de la
nécessité de respecter la confidentialité de l'information
technique. Ce comité devrait continuer d'assumer un rôle
consultatif auprès de la direction, comme c'est présentement le
cas. 2.Le droit de refuser un travail dangereux
Nous sommes en faveur du concept visant à assurer un milieu de
travail salubre et sécuritaire. Nous avons toutefois peur que la
législation de ce droit sans moyen de recours serait susceptible d'abus.
L'interruption d'une tâche par un employé pourrait mettre en
danger la santé et la sécurité d'autres personnes ainsi
que de la collectivité environnante. Dans le projet de loi à
l'étude, le travailleur a l'autorité d'interpréter
lui-même si oui ou non le travail est sécuritaire. Union Carbide
soutient que la consultation de personnes ayant reçu une formation
professionnelle est essentielle pour pouvoir évaluer ce qui constitue
des conditions dangereuses ou un danger imminent. Nous recommandons donc
d'inclure les dispositions suivantes à cette section: a) Discussion de
la situation par l'employé avec son superviseur immédiat. b) Au
besoin, obtenir l'avis d'un agent de maîtrise du niveau
hiérarchique suivant et d'un technicien compétent. c) Recours, en
cas d'abus, au Service des Relations professionnelles ou aux procédures
de règlement de griefs déjà établies.
Des dispositions devraient également être prévues
pour les situations extraordinaires exigeant des travaux d'entretien
préventif et d'urgence, qui demandent le port de matériel de
protection personnelle approprié, le recours à du personnel de
maîtrise ou à des spécialistes de l'extérieur.
3.
Les Services de Santé au
Travail
Nous sommes heureux de constater l'intérêt que porte le
Gouvernement au segment important de la population active actuelle de la
province qui ne bénéficie d'aucun service de santé au
travail. La
mise en oeuvre du programme de santé défini dans le Livre
blanc assurerait un minimum de services de santé à ces
travailleurs. Il est toutefois des compagnies dont les normes établies
dans ce domaine sont supérieures à celles proposées.
Faut-il conclure que ces compagnies devront réduire leurs services? Une
telle décision serait inacceptable tant à l'employeur qu'aux
employés et syndicats, le cas échéant. L'idée de
transférer l'administration quotidienne du service de santé
à un Département de santé communautaire nous trouble
vivement. Nous recommandons donc que le Ministère définisse, sous
forme de règlements, les exigences minimums en matière de
santé et qu'il tienne l'employeur responsable de s'y conformer. Le
Gouvernement devrait assumer un rôle de vérificateur pour assurer
que les services minimums obligatoires sont effectivement offerts et à
la disposition des employés. À notre avis, la centralisation des
services de santé, telle que proposée, serait une mesure
rétrograde qui desservirait les intérêts des
employés travaillant pour des compagnies qui disposent
déjà de services de santé supérieurs.
4.
Les mécanismes d'établissement
des normes
Selon le Livre blanc, c'est le Ministre qui aura la
responsabilité d'établir les règlements et les normes. On
ne fait aucune mention cependant des mécanismes qui présideront
à l'élaboration et à l'établissement des
règlements et des normes. La réglementation spécifique
doit s'appuyer sur des données scientifiques et être
réaliste sur le plan du coût global et des avantages
dérivés; elle doit aussi tenir compte des besoins de l'industrie
visée. L'élaboration des règlements et des normes doit
prévoir des mécanismes de consultation "préalable" avec
toutes les parties intéressées.
Nous recommandons à cet effet que le Ministre fasse
paraître, dans la Gazette du Québec, avant la rédaction
d'un règlement, un avis signifiant son intention de commencer l'examen
d'un projet de règlement et invitant les intéressés
à présenter un mémoire avant l'établissement dudit
règlement. Cet avis, ainsi que le projet de règlement, devraient
être publiés dans la Gazette du Québec au moins 90 jours
avant l'étude dudit règlement de façon à permettre
la rédaction et la discussion des mémoires.
5.
Confidentialité de
l'information
Si le projet de loi sur la santé et la sécurité se
fondait sur le Livre blanc, les compagnies pourraient se voir obligées
de fournir des renseignements précieux et confidentiels aux
comités conjoints, Département de la santé communautaire,
Associations sectorielles, Commission de la santé et de la
sécurité au travail, etc. L'absence dans le Livre blanc, de
mécanismes visant à garantir la confidentialité pourrait
entraîner la divulgation de renseignements secrets. Nous recommandons
donc de prévoir, dans le projet de loi sur la santé et la
sécurité, les garanties suivantes: a) La Compagnie doit avoir le
droit de décider si l'information qu'elle fournit est de nature
confidentielle ou non et d'en spécifier la nature. b) L'agence
gouvernementale qui reçoit les renseignements confidentiels devrait
avoir un système de sécurité acceptable qui ferait l'objet
d'une vérification et d'une certification périodiques. c)
L'agence gouvernementale qui reçoit l'information confidentielle ne
devrait pas avoir le droit de partager cette information avec d'autres agences.
d) Toutes les personnes ayant accès à l'information
confidentielle devraient être liées au secret par serment. e) La
divulgation de l'information confidentielle par l'agence qui l'a reçue
initialement ne se fera que sur la permission écrite de la
Compagnie.
6.
Le rôle des inspecteurs
Le rôle et les droits des inspecteurs, ainsi que les titres et
compétences que l'on exige d'eux ont besoin d'être
élucidés. Dans les industries techniques telles que la
pétrochimie, les gaz et les ferro-alliages, les connaissances
particulières requises pour évaluer les installations et
procédés et faire des recommandations du point de vue
santé et sécurité ne peuvent être acquises
qu'après une longue formation et plusieurs années
d'expérience.
Résumé
En résumé donc, Union Carbide du Canada Limitée se
réjouit des efforts que déploie le Gouvernement du Québec
pour assurer à tous les employés un milieu de travail salubre et
sécuritaire.
La dilution du contrôle de l'employeur, dans les domaines
où la responsabilité dernière appartient à la
Compagnie, est toutefois pour nous une source de préoccupation intense.
Nous remarquons également qu'aucune disposition n'a été
prévue dans ce projet concernant le rôle de l'Association de
Prévention des Accidents Industriels du Québec dont les
réalisations au chapitre de la prévention des accidents
industriels sont pourtant impressionnables. Le choix du médecin de la
compagnie et les modalités contractuelles devraient, à notre
avis, demeurer la responsabilité de
l'employeur. Nous croyons aussi que les compagnies ayant
déjà établi des comités employeur-employés
devraient pouvoir les conserver; la loi devrait prévoir la
possibilité que ces comités fonctionnent de concert avec les
agences gouvernementales. Nous croyons fermement que les compagnies qui ont
déjà des programmes de santé et de sécurité
efficaces et à point devraient pouvoir les conserver puisque dans
plusieurs cas, ils sont administrés par des professionnels. Le
remplacement de ces professionnels, dans le cas de Union Carbide, par des
personnes-ressources sur une base intermittente serait une mesure
rétrograde et inefficace. Nous désirons aussi porter à
l'attention du Gouvernement que les personnes ayant reçu une formation
professionnelle sont en nombre restreint, et que l'industrie à haute
technologie doit se prévaloir des services de ces personnes hautement
qualifiées. L'émiettement de leurs services sur la
collectivité industrielle se ferait au détriment des entreprises
à haute technologie. Union Carbide se réjouit d'avoir pu faire
connaître ses idées sur une loi d'aussi grande conséquence.
Nos professionnels de la santé sont à votre entière
disposition et ils se feront un plaisir de paraître devant tout
comité pertinent chargé d'examiner ce dossier, afin de
répondre à toute question et de fournir tous détails
complémentaires.
Submission of Union Carbide Canada Limited
on the government of Quebec's white paper
on occupational health and safety
April, 1979 The company
Union Carbide Canada Limited is one of Canada's largest manufacturing
companies with sales last year in excess of $500 million and 5000 employees in
Canada.
The Company is Canada's foremost producer of polyethylene resins and
films, carbon and graphite, ferroalloys, dry batteries and food casings. It is
a leading producer of organic chemicals, automotive antifreezes and industrial
gases.
Union Carbide Canada Limited and its predecessor companies have a
history of operation in the Province of Quebec dating back almost 60 years.
Employing some 1500 people in the Province, the Company is known for its stable
work force and large number of long service employees.
Manufacturing facilities in Quebec are diverse and highly specialized
ranging from the Plastics and Chemicals group at Montreal East, Metals at
Beauharnois and Chicoutimi, Films at Cowansville and Gas Products at seven
Quebec locations. The nature of each business requires highly trained
specialists to operate and control each particular process. There are many
man-years of training experience within each level of job function from the
production floor on through the organization up to and including all levels of
management. The knowledge required due to the specialized technical nature of
the businesses has been developed over a long period of time and gathered from
many and experienced sources including Union Carbide Corporation.
Safety and health of employees at Union
Carbide
The necessity of providing the work force with a healthful and safe
environment is and has always been a major concern of Union Carbide Management
and this concern is integrated into all operating practices. This commitment is
reflected in the Company's Safety statement "People are our most important
asset their safety and health our greatest concern". A general policy
has been derived from this belief which asserts that the Safety and Health of
all employees, both on and off the job, is of prime importance to Union Carbide
Canada Limited. The Company's objective is to develop the maximum possible
safety awareness among all employees and thereby to prevent accidents. To this
end, the following commitments have been undertaken: Management provides
programs designed to prevent injuries, illnesses and property losses;
Éducation and training are provided to employees to enable them to
perform their duties safely; All employees are required to discharge
their responsibility to themselves, their families and their fellow
employees in such a way as to ensure that their actions do not result in
accidents.
The Company established many years ago a Health, Safety and
Environmental Affairs committee composed of the General Managers of each
business. This Committee reports directly to the Management Committee of the
Company which in turn reports on Safety, Health and Environmental Affairs to
the Company Board of Directors. This Committee is responsible for recommending
policies on health, safety and environmental affairs and monitoring the program
throughout the Company. The Company approved policies are implemented
throughout the Company through line management reflecting Management's view
that safety, health and environmental affairs are an integral part of all
managers position accountability and are as essential to efficient operations
as are production processes and technical standards.
A complete medical service is in operation at each plant location.
Modern facilities, expert professional staff knowledgeable in the health
requirements of the manufacturing process are provided at each location.
Biological monitoring is ongoing and utilizes current technology; consideration
is made for employee rehabilitation following sickness and altered work
processes appropriate to aging of the work force. In addition to work place
requirements, the Medical program provides regular recall health maintenance
services. Computerized programs have been established within a composite
audiometric hearing protection program and health education is practiced.
The Company has a well established Industrial Hygiene Program under the
direction of a fully qualified Industrial Hygienist. Line management is
responsible for the implementation of the highly specialized and unique
requirements of industrial hygiene within the manufacturing processes. Complete
programs for identification, evaluation and control of all possible exposure
risks are in place with specific accountabilities at each location.
A similar and highly sophisticated Personnel and Process Safety program,
a strong feature of Union Carbide for many years, is in operation, with
specialized direction at each facility.
We welcome the Government's initiative in making public its intentions
on this important subject and appreciate the opportunity to respond. The
purpose of Union Carbide's recommendations is to help ensure that the final
legislation will be equitable, effective and when implemented, will protect
workers' rights to a safe and healthful work environment.
We submit the following analysis of the existing situation and offer
constructive alternatives:
Part I
We agree in principle with the analysis and conclusions drawn in the
first section of the White Paper. Accident and sickness statistics may be of
questionable validity in some instances, but one can properly conclude that the
accident rate and the illness rate in general within the private and public
sectors of Quebec are far too high. This is a general conclusion, and it is
evident that these rates (Accident & Illness) vary drastically depending on
the specific sector and sub-sector.
Part II
Our analysis of the second part of the White paper indicates that there
are a number of proposals which, if implemented, would interfere with the
effectiveness of current Union Carbide health and safety programs. These are as
follows:
1.
Parity Committee
The Government of Quebec is concerned about the fragmentation of
existing responsibilities and subsequent inability to enforce Health and Safety
regulations. We too are concerned with any steps which might detract from the
Company's ability to manage its responsibilities in the area of safety and
health. Union Carbide deplores the suggestion to abdicate its responsibility
for safety and health to "parity committees". The Company has developed and
operates with Safety Committees; their membership includes both hourly and
salaried employees and where there are unions, there is union representation.
Their responsibilities are: a) To ensure that the Safety Program is properly
communicated. b) To monitor and evaluate whether the program is being
implemented and followed. c) To report deficiencies in the proper application
of safety procedures. d) To follow up and report on the correction of such
deficiencies.
We believe this more than meets the intent of the White Paper. If the
Government persists in establishing parity committees, we recommend at least
that the chairman of the parity committee be a person from within the existing
company committee. The chairman will, thus, have full knowledge of the specific
requirements of process and personnel, of the work area and respect for
confidentiality of technical information. The role of the committee should
continue to be as it is now advisory to management.
2.
Right to Refuse Dangerous Work
We support the concept of the provision of safe and healthy work
environment. We are concerned however that legislation of this right without
recourse would make it subject to abuse. The interruption of a process by an
employee could have serious consequences. The stoppage of work by one
individual could endanger the health and safety of others and that of the
adjacent community. Under the proposed legislation, the worker is given the
authority to interpret personally whether the work is safe or unsafe. Union
Carbide submits that consultation with professionally trained persons is
required to assess what constitutes and unsafe condition or imminent danger. We
recommend that this section should have the following provisions:
a) Discussion by the employee of the situation with his immediate
supervisor. b) If not resolved, secure the involvement of the next level of
supervision and appropriate technical personnel. c) Recourse if the right is
abused through established Employee Relations or grievance procedures.
Provision should also be made for special situations requiring
preventive maintenance and emergency work where use of adequate personnel
protective equipment, supervisory personnel or services of outside specialists
is indicated.
3.
Health Services at Work
We appreciate Government's concern that a large segment of current
working population in the province is without medical service at work. The
implementation of the medical program outlined in the White Paper would ensure
the provision of certain minimum medical service to these workers. However,
there are companies who have standards of medical service superior to those
proposed. Are such companies to reduce their service? Such action would be
unacceptable to employer and to employees and their unions where unions exist.
The concept of removing the day to day administration of the plant medical
service to the Community Health Department is of utmost concern to us. We
recommend that the Ministry develop minimum medical requirements in the form of
regulations and make these the responsibility of the employer for compliance.
The Government should assume the role of auditor to ensure that the minimum
mandated services are in fact in place and available to the employees. We
believe that centralization of Medical services as proposed would be a
retrograde step which would disadvantage employees in those companies where a
superior medical service has been established.
4.
Standard Setting Process
The White Paper states that the Minister will be responsible for the
issuing of regulations and establishment of standards. There is no statement
concerning the mechanism to be followed for the development and issuing of
regulations and standards. Specific regulations must be based on scientific
facts and be realistic in terms of overall cost and benefit considerations and
reflect the industry concerned. The development of regulations and standards
must provide an opportunity for "before the fact" consultation of all
interested parties.
We recommend that prior to a regulation being made, the Minister shall
publish in the Quebec Gazette a notice stating the intention to begin a review
of a proposed regulation and request submissions prior to establishing such
regulation. Notice should be published in the Quebec Gazette setting forth the
proposed regulation at least 90 days before the regulation is filed thus
providing time for submission and discussion.
5.
Confidentiality of Information
If the proposed legislation on health and safety is based on the White
Paper, companies could be required to provide sensitive and confidential
information to the joint committees, Community Health Department, Sectorial
Committees, Work Safety and Health Commission, etc. Since there are no
safeguards spelled out in the White Paper guaranteeing confidentiality, this
could result in breach of confidential information. We recommend that the
following safeguards should be provided in the proposed health and safety
legislation: a) The Company must have the right to decide whether the
information being provided is of confidential nature or not and to so designate
the information. b) The Government agency receiving confidential information
should have an acceptable security system with periodic audit and
certification. c) The Government agency receiving the confidential information
should not be allowed to share the information with other agencies. d) All
persons with access to confidential information should be required to sign an
oath of secrecy. e) The agency receiving the original confidential information
shall only share it with others provided they obtain the written approval of
the Company.
6.
Role of Inspectors
The role and rights of inspectors, along with their required
qualifications should be clarified. In technical industries such as the
petrochemical, gases and ferroalloys, the specific knowledge required to
evaluate and recommend action on facilities and work procedures as they relate
to safety and health, is only acquired through extensive training and
experience.
Summary
In summary, therefore, Union Carbide Canada Limited applauds the efforts
of the Government of Quebec to provide a healthful and safe working environment
for all employees.
The Company, however, views with considerable alarm the dilution of
employer control in areas where the ultimate accountability rests with the
Company. We also note that there is no provision within the proposed
legislation for the role of the Quebec Industrial Accident Prevention
Association which has a record of proven value and usefulness in the prevention
of accidents in industry. The choice of the company physician and their
contractual arrangements in our view should remain the responsibility of the
employer. We feel further that companies with well established
employer-employee committees should be permitted to retain them; the
legislation should provide for an opportunity for these committees to function
in concert with the government agencies. We feel very strongly that companies
with efficient and well developed health and safety programs should be
permitted to keep them since in many cases they are staffed by professionals.
Replacement of such professionals in the case of Union Carbide by occasional
resource people will be a retrograde and inefficient step. We also draw to the
attention of the Government that there is only a limited supply of trained
professional people and these highly skilled people are required in high
technology industry. To thinly spread them over the great spectrum of industry
would result in highly technical companies being improperly served.
Union Carbide is pleased to have had this opportunity to make its
thoughts known on such important and pervasive legislation. We would be pleased
to place at your disposal our professional staff for consultation and to appear
before any pertinent committees considering this legislation to expand on our
submission and to answer any questions.
ANNEXE B
Mémoire de la Centrale de l'enseignement du
Québec sur le projet de loi numéro 17
Dans "l'Histoire du mouvement ouvrier" québécois, ouvrage
qui décrit 150 ans de luttes ouvrières, il est dit que "dans les
années soixante-dix, le mouvement syndical va multiplier les batailles
pour la protection de la santé et de la sécurité des
travailleurs. La cible est claire: le patronat, à la recherche du profit
maximum et l'État qui n'agit que si on le presse. On définit donc
de nouveaux projets de lutte, on négocie des clauses plus serrées
dans les conventions, on veut forcer l'État à faire des lois avec
des dents et surtout en assurer l'application. Il s'agit en somme, de
s'attaquer aux causes mêmes des innombrables maladies et accidents du
travail, afin qu'il n'y ait plus d'ouvriers de la construction s'estropiant sur
les chantiers, de travailleurs empoisonnés par des produits chimiques,
frappés de surdité à cause du bruit, mutilés sur
une chaîne de production ou atteints de maladies respiratoires comme
l'amiantose, la silicose, la sidérose, la byssinose, le cancer, etc.."
(1).
Ce sont donc les travailleurs et leurs organisations syndicales qui ont
mis à jour les abus tragiques du mode d'organisation du travail dans
notre type de société. Les exemples de ces abus tragiques n'ont
pas manqué. Ce sont entre autres, les sept ouvriers de
l'échangeur Turcot, les sept ouvriers de la compagnie Mannix au Mont
Wright, les huit travailleurs de la CIL à McMasterville, les onze
travailleurs du chantier olympique, les milliers de mineurs et de soudeurs
atteints d'amiantose et de silicose. Bref, pendant que les patrons comptent
leurs profits, les travailleurs comptent leurs morts et leurs blessés.
Et ce n'est pas une figure de style: "Les statistiques internationales,
américaines ou québécoises démontrent la
gravité de la situation en ce qui concerne les accidents du travail
aussi bien que les maladies professionnelles. 1. Le Bureau International du
Travail (B.I.T.) établit à 100,000 par année, le nombre de
morts suite à des accidents du travail ou à des maladies
professionnelles à l'échelle mondiale. 2. Dans son rapport annuel
de 1972, le Président des États-Unis estime à 100,000 le
nombre de morts suite à des accidents du travail ou à des
maladies d'origine industrielle aux États-Unis seulement.
Le premier cas (100,000 morts dans le monde) provient de la compilation
des statistiques officielles des Commissions d'Accidents du Travail (CAT.) des
pays; le second résulte d'une recherche du gouvernement américain
dont l'objectif était de donner un portrait plus réaliste de la
situation.
Aux États-Unis, les statistiques officielles ne reconnaissent que
14,100 morts d'origine industrielle par année, ce qui veut dire 7 fois
moins que le nombre reconnu par le Président à
l'époque.
Si l'on transposait les données américaines à la
réalité québécoise, qu'est-ce que cela donnerait?
La Commission des Accidents du Travail (C.A.T.) du Québec
reconnaît de 200 à 300 morts par année au Québec.
Dans la mesure où la réalité peut être aussi
différente des chiffres officiels ici qu'elle ne l'est aux
États-Unis, on découvrirait entre 1400 et 2100 morts d'origine
industrielle par année au Québec." (2)
De fait, le Livre blanc sur la santé et sécurité
paru en automne 1978, n'a pas caché l'ampleur et la gravité de la
situation faite aux travailleurs, à leur santé et à leur
sécurité. Mais cette reconnaissance de la situation de la part de
l'État découle d'une double nécessité. D'une part,
l'État doit prendre en compte les revendications des travailleurs qui
s'expriment autant par de longues grèves que par des choix politiques
comme l'élection de partis politiques qui prétendent mieux servir
leurs intérêts. C'est ainsi que l'État est amené
à faire des concessions, parfois significatives aux travailleurs.
D'autre part, l'État doit aussi prendre en charge l'intérêt
général des patrons, qui est souvent en contradiction avec leurs
intérêts particuliers. C'est éminemment le cas de la
santé et sécurité au travail.
En effet, la situation passée et actuelle met en évidence,
qu'individuellement ou isolément, les patrons et les entreprises n'ont
manifesté aucun intérêt à la santé et
à la sécurité des travailleurs, à moins qu'ils n'y
fussent forcés par les travailleurs. Et encore là, la
problématique patronale s'appuie toujours sur la responsabilité
principale du travailleur quant à sa santé et
sécurité. "Dans l'esprit des programmes patronaux de
prévention, c'est par l'éducation des travailleurs qu'on peut
éliminer la majeure partie des causes d'accidents et de maladies
d'origine industrielle. Puisque 85%* des accidents proviennent d'actions
dangereuses, il faut éduquer les travailleurs pour qu'ils adoptent des
attitudes sécuritaires au travail et des comportements
opératoires propres à les protéger contre leurs propres
erreurs.
En imputant la faute des accidents aux actions dangereuses des
travailleurs, en concentrant les activités de prévention sur
l'attitude et le comportement des travailleurs, l'entreprise atteint deux
objectifs éminemment rentables pour elle: 1. Elle se dégage de sa
responsabilité de procurer aux travailleurs des conditions de travail
saines et sécuritaires en faisant porter le poids de cette
responsabilité par chacun des travailleurs dans chacune de leurs
tâches et tout au long de leur journée de travail. 2. Elle
évite de considérer les dangers techniques du travail: machines
mal conçues, procédés dangereux, matériel
défectueux et usé, locaux mal entretenus, encombrement des lieux,
etc... Ces aspects impliquent des coûts financiers alors que
l'éducation visant à corriger les actions dangereuses des
travailleurs ne coûte pratiquement rien. De plus, lorsque les
résultats sont médiocres, l'employeur peut toujours
prétendre qu'il ne peut rien faire contre la nature humaine et les
comportements inexplicables des travailleurs". (3)
Cette façon de poser le problème permet aux patrons
d'éviter de prendre à leur charge l'implantation des conditions
sécuritaires de travail; elle a évidemment pour
conséquence de n'avoir aucun effet sur la diminution des accidents de
travail ou sur l'amélioration de la santé des travailleurs. Or,
cette détérioration de la santé des travailleurs non
seulement se poursuit-elle mais elle s'aggrave: "En analysant
l'évolution des accidents du travail au cours des années 1973-77,
on remarque que le nombre d'accidents ne requérant que des soins
médicaux tend à diminuer depuis 1976, tandis que le nombre des
accidents qui entraînent une absence au travail augmente
considérablement depuis cette date. Cette remarque nous incite à
croire que, depuis 1976, les accidents de travail ont des conséquences
de plus en plus graves". (4)
Les états capitalistes ont précisément pour
rôle de voir à rationaliser l'anarchie d'une économie dite
de marché, de telle manière que les intérêts
individuels de chacun des patrons ne compromettent pas l'intérêt
de tous. En termes concrets, cela veut dire que si la poursuite du profit
maximum par chacun des patrons est la cause première des accidents et
des maladies du travail, il n'est pas dit que cette logique égoïste
soit à long terme de l'intérêt général. C'est
ainsi que le livre blanc tente d'évaluer les coûts
socioéconomiques de la "boucherie du travail". "Les travailleurs
subissent les accidents et les maladies du travail dans leur chair. Eux et
leurs proches sont donc touchés par les coûts psychiques de la
crainte d'un éventuel accident, ainsi que par les dommages
psychologiques associés à la souffrance par les pertes de
jouissance de la vie, etc... Par surcroît, les travailleurs et leurs
proches subissent une diminution de leurs revenus et, partant, de leur
consommation de biens et services. Cette diminution résulte de la perte
de leur emploi (si la compensation reçue ne couvre pas la
totalité du revenu), de la perte de revenus d'appoint, de coûts de
déplacement des proches pour visiter l'accidenté en traitement,
etc...
Les entreprises, pour leur part, subissent des réductions de
profits occasionnées par la perte de production, la baisse de rendement,
les dégâts matériels et par certaines dépenses
qu'entraînent les accidents et les maladies du travail. De plus, elles
doivent défrayer une part des frais encourus pour la formation et
l'information des travailleurs et des responsables patronaux, la recherche,
l'inspection des lieux de travail et la surveillance de la santé au
travail; elles doivent *) Selon les recherches patronales.
verser des cotisations à la Commission des Accidents du Travail,
parfois payer des primes d'assurance pour couvrir les dommages au
matériel, à l'équipement et à l'outillage
attribuables aux accidents du travail, verser des indemnités à la
suite d'un accident ou d'un dommage quelconque, non couvert par les assurances
et la Commission des Accidents du Travail. D'autres déboursés
peuvent être effectués pour rencontrer les exigences des normes de
prévention; c'est le cas par exemple des déboursés
effectués pour adapter les moyens de production, les conditions de
travail ou les produits fabriqués aux normes de prévention. Ces
mesures toutefois, peuvent également servir à améliorer la
productivité.
Le coût global des accidents et des maladies du travail pour la
société est souvent évalué en calculant le
coût indirect par rapport au coût direct. Le coût indirect
représente la partie du coût global qui est plus difficile
à comptabiliser, comme la perte de production, la baisse de rendement,
etc...; le coût direct se rapporte à la partie de l'ensemble qui
est la mieux connue, c'est-à-dire l'assistance médicale et
l'indemnisation. Selon une étude récente effectuée en
France, le coût indirect serait quatre fois plus élevé que
le coût direct. Appliquée au Québec, cette règle
d'estimation permet d'évaluer que le coût global des accidents et
des maladies du travail s'élevait à environ $1,9 milliard en
1977, soit 3,7% du produit intérieur brut du Québec." (5) Avec
une telle évaluation, il apparaît alors assez évident que
les effets de la rationalité du profit sont pour le moins irrationnels
en vertu de cette logique même.
C'est ce que pourrait signifier la remarque du Premier Ministre en page
de garde du livre blanc, "l'économie qui prétendrait encore faire
passer l'homme après les machines serait vouée à
l'échec". En d'autres termes, l'indifférence de l'ensemble des
employeurs des entreprises à l'égard de la santé et
sécurité des travailleurs vient à leur coûter
extrêmement cher. C'est donc en voulant prendre en charge cette
contradiction que l'État québécois cherche avant tout
à rationaliser les effets de l'organisation du travail capitaliste en
préservant les intérêts à long terme des
entreprises.
C'est ainsi que le projet de loi 17 est tout entier fidèle
à l'approche élaborée dans le livre blanc sur la
santé et sécurité. Globalement, il apparaît et ce,
malgré les critiques du mouvement syndical, que le gouvernement
considère toujours que la santé et la sécurité des
travailleurs constituent des préoccupations qui intéressent, au
même degré et au même titre, les employeurs et les
travailleurs, et qu'en conséquence, on fait abstraction, de
manière continue, du caractère contradictoire, donc conflictuel
des intérêts en présence. Aussi, toute l'approche du
gouvernement a pour effet de reléguer au second plan l'organisation
syndicale que les travailleurs se sont collectivement donnés pour se
défendre contre l'arbitraire patronal.
C'est ainsi que le projet de loi pousse cette logique illusoire
jusqu'à prévoir le même mécanisme bureaucratique
pour les travailleurs syndiqués comme pour les non-syndiqués;
comme si l'exercice des droits des travailleurs dans leur situation de travail
était indifférent à la présence de l'organisation
syndicale!
NOUS RECOMMANDONS que l'on modifie le Code du travail de telle
manière à faciliter, à accélérer les
procédures de syndicalisation des travailleurs et à
prévoir des pénalités importantes à l'endroit des
employeurs qui par quelques mesures que ce soit, voudraient contrer ou nier
l'exercice de ce droit.
Quant à nous, nous avons la ferme conviction que la situation
faite au travailleur, à sa santé et à sa
sécurité, s'explique par la nature même de l'organisation
capitaliste du travail et la logique du profit qui en est le moteur. Pour
freiner cette logique qui a pour effet de blesser et de meurtrir le
travailleur, nous sommes profondément convaincus que seul le rapport de
force avec l'employeur et les gains qu'il permet d'inscrire dans la convention
collective ou dans la loi, permet véritablement d'en atténuer les
effets.
En conséquence, nous pensons que l'organisation syndicale doit
être au coeur et le maître d'oeuvre de la défense des
intérêts des travailleurs en ce qui concerne la
sécurité et la santé des travailleurs. Pour nous, toute
tentative de l'État pour écarter ou minimiser le rôle
historique des organisations syndicales ne pourrait que servir les
intérêts et la logique meurtrière des patrons. Une telle
problématique serait aussi une nouvelle expression d'un antisyndicalisme
feutré que l'actuel gouvernement a adopté dans de nombreuses
législations. Nous l'avions dénoncé à l'occasion de
la loi 45, plus récemment à l'occasion de la commission
parlementaire sur les projets de loi 24 et 25, de même qu'à
l'occasion d'incidents qui ont marqué le début des
négociations. On ne peut prétendre à un
préjugé favorable aux travailleurs tout en s'attaquant
constamment à la liberté et à la légitimité
de l'action syndicale.
NOUS RECOMMANDONS que la loi reconnaisse aux organisations syndicales le
droit de participer à l'élaboration et à l'application des
normes et règlements ainsi qu'à l'établissement des
programmes de recherche et de prévention.
Concernant le chapitre II du projet de loi 17, nous sommes heureux que
l'article 3 consacre la possibilité de négocier des dispositions
plus avantageuse pour la santé, la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur que celles
déterminées par la loi. Mais cela nous incite à faire une
double remarque. Premièrement, cette ouverture n'est effectivement
possible qu'aux travailleurs syndiqués et consacre donc
l'inégalité révoltante du rapport de force entre le
travailleur individuel non-syndiqué et son employeur.
NOUS RECOMMANDONS, comme mesure provisoire, que les travailleurs
non-syndiqués puissent demander à la Commission de santé
et de sécurité la mise sur pied d'un comité de
santé et sécurité dans leur entreprise et qu'un
fonctionnaire de la commission voit au respect de la loi quant à la
nomination des représentants des travailleurs, du représentant
à la prévention et au fonctionnement du comité.
NOUS RECOMMANDONS que la commission s'assure, en l'absence
d'organisation syndicale, que les travailleurs connaissent les droits
dévolus par le projet de loi et qu'elle dispose des moyens
nécessaires pour réaliser efficacement ce mandat auprès
des travailleurs non-syndiqués.
Deuxièmement, l'article 3 reconnaît implicitement et ce, en
contradiction avec la problématique générale du projet,
que le seul véritable mécanisme acceptable et efficace en
matière de sécurité et de santé au travail est
celui de la négociation collective. Pour une organisation syndicale, la
seule participation acceptable à des mécanismes paritaires est
celle qui met en présence des représentants dûment
mandatés par les parties syndicale et patronale.
Concernant le chapitre III sur les droits de refus, l'article 11 a le
mérite minimum de ne plus associer le droit de refuser de travailler
à l'imminence d'un danger pour la santé et la
sécurité du travailleur en cause.
La principale critique que l'on doit faire à l'article 11
concernait le droit d'un travailleur de refuser d'exécuter un travail,
c'est que ce droit ne peut s'exercer que par un travailleur individuellement.
Pourtant, en mars 1977, le ministre Marois avait admis la
nécessité de reconnaître aux travailleurs le droit
collectif de refuser de travailler. Ce droit collectif est aussi une exigence
fondamentale du mouvement ouvrier. Qu'il ne soit pas légalement reconnu,
il continuera occasionnellement d'être exercé. Mais, outre le fait
que l'article 11 s'avère être un recul du ministre, il rend compte
d'une problématique totalement idéaliste quant à la
sécurité et à la santé des travailleurs. En effet,
c'est faire supporter au travailleur individuellement le poids d'une situation
qui met en jeu ce qu'il a de plus précieux: d'un côté sa
santé et sa sécurité ou celle de ses camarades et de
l'autre, son emploi.
NOUS RECOMMANDONS que le droit de refus puisse être exercé
par les travailleurs ou par leurs représentants syndicaux.
NOUS RECOMMANDONS que l'article 69 permette au représentant
syndical à la prévention de faire cesser un travail s'il le
considère dangereux et lui donne également pour tâche des
activités de prévention et d'information auprès des
travailleurs.
Par ailleurs, on peut se demander si l'article 12 qui veut restreindre
l'exercice du droit de refus ne permettra pas de légitimer les
situations qui causent lentement, insidieusement, de façon cumulative,
les maladies professionnelles. Actuellement, la surdité professionnelle,
l'intoxication, l'amiantose sont des risques inhérents aux fonctions
exercées par des milliers de travailleurs. Les risques inhérents
à un travail ne sont pas d'origine naturelle mais d'origine sociale et
sont déterminés par l'organisation du travail, le fonctionnement
des machines et l'usage de produits dangereux.
NOUS RECOMMANDONS que l'article 12 soit modifié de telle
manière qu'il précise lesquelles fonctions et dans quelles
circonstances elles peuvent comporter des risques inhérents. De plus,
les travailleurs étant déjà habitués à
oeuvrer dans des conditions dangereuses, peu d'entre eux, pris
individuellement, risqueront un congédiement, un déplacement ou
une mesure disciplinaire pour avoir exercé, "de mauvaise foi", le droit
de refus comme le permet l'article 31. À n'en pas douter, le premier
réflexe patronal devant le refus du travailleur sera les menaces et le
chantage à son égard.
Ce réflexe patronal est d'autant plus certain pour les
travailleurs non-syndiqués qui ne bénéficient d'aucune
sécurité d'emploi. À la première occasion,
l'employeur cherchera à se débarrasser de ce gêneur et
même à en faire un exemple pour ceux qui voudraient exercer leur
droit. Pour le travailleur syndiqué, l'exercice du droit de refus ne le
mettra pas nécessairement à l'abri du harcèlement du
contremaître ou du gérant; il n'en disposera pas moins de moyens
de défense.
NOUS RECOMMANDONS qu'aucune mesure ne puisse être prise par
l'employeur contre un travailleur qui a exercé son droit de refus
lorsque ce dernier a été appuyé par un représentant
syndical du comité de santé et sécurité.
NOUS RECOMMANDONS que tout travailleur, syndiqué ou non, qui
aurait exercé un droit de refus dans les trois mois
précédant un congédiement ou une suspension, puisse faire
appel de ce congédiement ou de cette suspension au ministère du
Travail et que l'employeur doive faire la preuve d'un motif suffisant pour
justifier ce congédiement ou cette suspension.
En fin de compte, l'intérêt patronal sera de chercher
à limiter au maximum l'exercice de ce droit sous le prétexte
d'empêcher les abus. Or, la situation actuelle montre avec assez de
netteté de quel côté sont les abus! Pour nous donc, le
droit collectif de cesser de travailler que ce ne soit que par atelier,
section ou équipe, ces modalités pouvant être multiples et
adaptées aux situations de travail est la condition
première d'une véritable réforme du droit du travail
à l'égard de la santé et sécurité des
travailleurs.
Pour les travailleurs non-syndiqués, nous ne pouvons que
rappeler, une fois de plus, que leur accès à la syndicalisation
est la meilleure garantie contre la logique patronale. C'était vrai il y
a cent ans et c'est encore vrai aujourd'hui. Autrement, on s'expliquerait mal
l'antisyndicalisme passé et actuel du patronat.
II nous semble aussi que le droit collectif de cesser le travail est une
garantie supplémentaire que l'employeur procédera avec diligence
aux modifications nécessaires à la sécurité des
travailleurs. Dans tous les domaines, c'est la loi du nombre et de
l'économie qui est susceptible de porter les transformations à
leur terme. Il ne faudrait pas feindre d'ignorer que l'élimination des
causes d'accident, l'établissement de conditions hygiéniques,
l'application de programme de santé et de sécurité,
l'indemnisation des travailleurs représentent des coûts importants
pour les entreprises. Nous sommes convaincus que le patronat continuera
à réfléchir le problème de la
santé-sécurité en termes de
coûts/bénéfices. La possibilité d'un arrêt
collectif de travail peut seule faire contrepoids à l'approche comptable
du patronat.
Enfin, il nous apparaît étonnant que l'article 28 permette
à l'employeur, si l'inspecteur n'est pas présent dans un
délai de six heures sur les lieux de travail, de faire exécuter
le travail par un autre travailleur qui accepte de le faire après avoir
été informé du fait que le droit au refus a
été exercé. En effet, si c'est le travail à
exécuter qui est considéré dangereux, on comprend mal que
l'on permette à qui que ce soit de l'exécuter, et encore moins
que l'on permette à l'employeur de faire exécuter le travail, en
offrant une prime par exemple, à un travailleur plus
téméraire qu'un autre. Encore là, la problématique
gouvernementale apparaît aberrante: d'un côté on veut rendre
le travailleur responsable de sa sécurité en lui faisant
obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa
santé, sa sécurité et son intégrité physique
(article 38) et d'autre part, on permet à l'employeur de mettre le
travailleur dans une situation où il ne peut répondre à
cette obligation.
Par moment, on a l'impression que la problématique du
gouvernement rejoint celle du patronat sur le point essentiel de rendre le
travailleur principal responsable de sa santé et sécurité
au travail.
NOUS RECOMMANDONS que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit
biffé.
Nous signalons notre satisfaction quant à la préoccupation
gouvernementale de créer des mécanismes rapides du moins
sur papier d'intervention pour trancher des différends qui
pourraient (sic) survenir de l'exercice du droit de refus. Mais nous refusons
que le pouvoir d'arbitrage soit entièrement laissé aux mains de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail
(article 24). D'une part parce que les commissions paragouvernementales ont
tendance, l'expérience de la CAT. nous l'a montré, à
prendre plus à coeur des intérêts différents de ceux
des travailleurs. D'autre part, les travailleurs syndiqués se sont
gagné dans leur convention collective, des mécanismes d'arbitrage
que la loi devra respecter. Il est évident, par ailleurs, que nous ne
voulons pas voir instaurer dans ce secteur des mécanismes d'arbitrage
dont la lenteur viendrait annihiler toute efficacité à la loi.
Par exemple, la commission pourrait avoir une banque d'arbitres sur la
santé et sécurité qui auraient été choisis
par les organisations syndicales et patronales et qui auraient une
disponibilité et des pouvoirs suffisants pour le règlement rapide
des désaccords. Si le gouvernement actuel prétend réaliser
une réforme, cette volonté doit d'abord s'exprimer dans le
respect des droits acquis des travailleurs et s'illustrer dans
l'élargissement de ceux-ci.
NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie que les fonctionnaires de la
commission chargés d'arbitrer l'exercice du droit de refus soient
choisis conjointement par la partie syndicale et la partie patronale.
En ce qui a trait au retrait préventif de la travailleuse
enceinte, il nous semble que l'article 32 pourrait être plus
précis quant aux obligations de l'employeur à l'égard de
celle-ci. En particulier, une travailleuse qui se déclarera enceinte
devra être obligatoirement avertie par l'employeur des dangers potentiels
que peuvent comporter pour elle et son enfant, des conditions
déterminées de travail. De plus, il nous semble opportun que les
travaux de recherches s'orientent, entre autres priorités, sur les
substances qui peuvent affecter la fécondité, autant celle des
hommes que celles des femmes.
NOUS RECOMMANDONS que la loi oblige l'employeur à informer une
travailleuse qui se déclare enceinte, des dangers que peuvent
présenter ses conditions de travail pour sa santé et celle de son
enfant.
Cela nous amène à critiquer l'article 39, paragraphe 3,
qui stipule que l'employeur a le droit de participer à
l'élaboration des priorités en matière de programmes de
recherches. Ce droit vient en fait préparer le terrain au comité
paritaire et aux associations sectorielles sur lesquels nous reviendrons plus
loin. Mais sur le principe de l'élaboration des programmes de recherches
sous la responsabilité de la commission, nous nous opposons fermement
à la participation patronale et ce, pour deux raisons.
Premièrement, parce que nous sommes convaincus que le patronat n'a aucun
intérêt à la recherche sur les causes et les remèdes
à apporter aux accidents et aux maladies du travail. La deuxième
raison est complémentaire de la première; l'histoire de la
recherche elle-même nous convainc que les patrons cherchent à
influencer la recherche de telle manière qu'elle les disculpe de toutes
responsabilités ou qu'elle amenuise la nocivité de
procédés de production ou de produits. Et même lorsque les
preuves sont accablantes, le patronat engage des chercheurs serviles pour
produire des contre-expertises qui prolongent des situations dangereuses pour
les travailleurs.
NOUS RECOMMANDONS que la recherche en hygiène industrielle,
subventionnée par la commission, soit réalisée de
manière complètement indépendante de représentants
patronaux.
Le patronat a usé de tels pouvoirs dans le dossier du chlorure de
vinyle, dans celui de l'amiante (6) ou encore dans celui du tabac. Il dispose
déjà de budgets importants qui lui permettent de commander des
recherches dont les orientations sont fonction de ses intérêts.
Inutile de lui donner une
arme supplémentaire si l'intention est réellement de faire
avancer effectivement la recherche au bénéfice de la santé
des travailleurs.
Quant aux obligations faites à l'employeur, nous aurions
préféré que l'employeur doive garantir au lieu de
"s'assurer que les établissements sur lesquels il a autorité
soient équipés et aménagés de façon à
assurer la protection du travail" et que l'employeur doive garantir au lieu de
"s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques
utilisées pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas
atteinte à la santé du travailleur", comme le stipulent les
paragraphes 1 et 5 de l'article 40. Il nous semble que l'employeur doit
effectivement garantir ces conditions aux travailleurs, qui pourraient alors
avoir un droit de recours, si l'employeur ne se soumettait pas à ses
obligations.
NOUS RECOMMANDONS que les paragraphes 1 et 5 de l'article 40 soient
modifiés de telle manière que l'employeur doive "garantir" aux
travailleurs que les établissements sur lesquels il a autorité
soient équipés et aménagés de façon à
assurer la protection des travailleurs et que l'employeur doive garantir aux
travailleurs que l'organisation du travail et les méthodes et techniques
pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à
la santé des travailleurs.
En abordant le chapitre IV de la présente loi, nous savons que
nous critiquons le centre nerveux de la réforme mise de l'avant par le
gouvernement du Québec.
Disons tout de suite que pour nous le comité paritaire
représente un gain historique pour le mouvement ouvrier puisqu'il est un
moyen supplémentaire pour forcer le patron à négocier avec
les représentants des travailleurs.
Mais il ne faut pas confondre les comités paritaires avec les
comités bidons. Or, à regarder de près le chapitre IV,
nous nous croyons effectivement en présence de comités qui auront
pour principaux effets de reléguer au second rang l'action syndicale, la
négociation et, c'est le principal, de retarder en définitive
l'amélioration des conditions de santé et de
sécurité des travailleurs.
Premièrement, il nous apparaît que les membres
représentant les travailleurs, non seulement devront-ils être
choisis par le syndicat, mais dûment mandatés par lui. Bref, c'est
à l'organisation syndicale que le patronat devra être
confronté au sein de ces comités. Il va sans dire que l'absence
de syndicat rend totalement illusoire une quelconque efficacité des
comités paritaires. Nous nous interrogeons sur la
témérité nécessaire à des travailleurs qui
auraient exigé, en absence de sécurité d'emploi garantie
par la présence syndicale, la création d'un comité de
santé et de sécurité. À moins qu'ils ne le fassent
sous la houlette du patron! On serait alors en présence de
comités de "boutique" de santé et de sécurité.
NOUS RECOMMANDONS qu'au moins deux fois par année, un service
spécifique de la commission s'assure du fonctionnement adéquat
des comités de santé et sécurité dans les
entreprises non-syndiquées.
NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi voie à reconnaître
l'organisation syndicale lorsqu'il y en a une, comme partie exclusive
habilitée à représenter les travailleurs sur le
comité de santé et sécurité.
Deuxièmement, nous croyons qu'il devrait y avoir un comité
paritaire pour chaque syndicat accrédité et si le nombre le
justifie, pour chacun des ateliers, ou d'un secteur d'une entreprise, ce que la
présente loi ne prévoit pas.
NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie l'existence d'au moins un
comité paritaire par syndicat accrédité dans une
même entreprise.
Troisièmement, il nous apparaît nécessaire, pour que
le comité soit autre chose qu'un mécanisme servant à
retarder les échéances, que les représentants patronaux
soient dûment mandatés à prendre des décisions. Un
comité paritaire qui n'a aucune prise sur les décisions à
exécuter est un comité fantôme.
NOUS RECOMMANDONS que l'article 40 fasse obligation à l'employeur
de s'assurer que ses représentants au sein du comité de
santé et sécurité soient investis de pouvoirs
nécessaires à l'application de la loi et des
règlements.
En conséquence, il nous semble que l'article 63 du projet de loi
aurait dû spécifier les pouvoirs du comité plutôt que
ses fonctions.
Au premier paragraphe de l'article 63, sur le choix des moyens et
équipements individuels de protection, nous revendiquons un droit de
veto syndical. Cela s'explique par le fait que la problématique
patronale est principalement centrée sur ce type d'équipements
pour résoudre les problèmes de santé et de
sécurité.
NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 1 de l'article 63 prévoie un
droit de veto syndical sur le choix des moyens individuels de protection comme
sur l'obligation qui pourrait être faite de s'en munir.
Au second paragraphe de l'article 63, nous revendiquons,
conformément à ce que nous avons dit précédemment,
le monopole syndical sur les programmes de formation et d'information des
travailleurs en matière de santé et de sécurité.
Nous croyons que le rôle du comité devrait être d'en assurer
les conditions de réalisation. À ce chapitre, la partie patronale
n'aurait qu'un droit de recommandation.
NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 2 de l'article 63, concernant la
formation et l'information des travailleurs soit retiré.
Le troisième et le septième paragraphes sont à
rejeter tels que formulés du fait qu'ils consacrent
l'inefficacité et l'absence de crédibilité des
comités de santé et de sécurité. Réduite
à un pouvoir de recommandation, l'action du comité viendrait en
fait légitimer les retards, les lenteurs et les refus patronaux
d'exécuter les recommandations. Ce serait rendre complices les
organisations syndicales des situations dangereuses vécues par les
travailleurs. Comme l'affirment les camarades de la F.T.Q., l'exercice d'une
participation et d'un pouvoir syndical au niveau d'un comité paritaire
est illusoire à moins d'être assorti d'un mécanisme pour
trancher ces différends et dénouer les impasses sur tous les
sujets portant sur la prévention et l'amélioration des conditions
de santé et de sécurité au travail. (7)
NOUS RECOMMANDONS que l'article 48 soit modifié au paragraphe 2
en retirant la formation et l'information des travailleurs du programme de
prévention.
NOUS RECOMMANDONS que le programme de prévention soit sous la
responsabilité et l'autorité du comité de santé et
de sécurité de l'entreprise et que les paragraphes 3 et 5 de
l'article 63 soient modifiés en conséquence.
Par ailleurs, il nous semble que l'article 62 soit nettement insuffisant
quant à la libération des représentants syndicaux du
comité. La loi devrait prévoir une libération sans perte
de salaire, non seulement pour assister aux réunions, mais pour les
préparer de même que pour permettre aux représentants
syndicaux de procéder aux inspections et enquêtes
nécessaires.
NOUS RECOMMANDONS que l'article 62 prévoie la libération
des représentants syndicaux au comité, sans perte de salaire,
pour préparer les réunions du comité, pour procéder
aux inspections et enquêtes nécessaires.
Quant au représentant à la prévention prévu
à l'article 67, il devra être, à la différence des
autres membres du comité, libéré à plein temps non
seulement pour accomplir les tâches prévues à l'article 69,
mais aussi pour s'occuper de prévention et d'information auprès
des travailleurs.
À première vue, les services de santé au travail
prévus au chapitre VIII nous semblent satisfaire minimalement à
la dimension curative des problèmes des travailleurs. Après une
période de rodage, il faudra voir si le réseau actuel
réussit effectivement à prendre en charge, de manière
efficace les responsabilités qui lui incombent. À cet
égard, la vigilance des travailleurs et de leurs organisations joueront
un rôle déterminant.
NOUS RECOMMANDONS que les programmes de santé au travail soient
élaborés indépendamment des employeurs mais avec la
participation des travailleurs et de leurs organisations. Toutefois, nous
savons tous que le nombre et la compétence, sinon
l'intégrité des ressources médicales en médecine du
travail sont déficientes. À ce propos, nous contestons le mode de
nomination du médecin attitré prévu par la loi. Avec les
autres Centrales, nous revendiquons que ce choix soit une prérogative
syndicale. Nous voulons à tout prix éviter de voir les
médecins d'entreprises nous revenir par le biais des mécanismes
prévus à l'article 88. Il suffirait de prévoir qu'en cas
de désaccord du comité sur le choix du médecin, c'est le
candidat du syndicat qui prévaudrait.
NOUS RECOMMANDONS que le choix du médecin responsable du
programme de santé au travail soit, en cas de désaccord du
comité de santé et sécurité, une prérogative
des représentants syndicaux du comité.
Nous croyons que c'est le choix le plus strict du travailleur de choisir
son médecin aux fins de traitement et de diagnostic. En
conséquence, c'est le diagnostic de ce médecin traitant qui devra
déterminer le droit aux compensations, en cas de désaccord avec
le diagnostic du médecin attitré à l'entreprise.
NOUS RECOMMANDONS qu'aux fins de diagnostic et de traitement, donnant
droit aux bénéfices d'invalidité, la loi prévoie le
libre choix du médecin par le travailleur. Enfin, il nous semble que les
ministères de l'Éducation et des Affaires Sociales devront
chercher à faire pression sur les organismes concernés pour que
les facultés de médecine développent
considérablement la formation des étudiants en médecine du
travail. Le rôle complexe attribué au médecin par la
présente loi exigera plus qu'une formation sur le terrain.
Nous pensons même que le gouvernement devrait voir à la
mise sur pied d'un institut québécois de recherche et de
formation en médecine du travail. À cet égard, les deux
pages accordées à la recherche bio-médicale par le livre
vert sur la recherche scientifique sont pour le moins décevantes. Il
nous semble qu'un tel institut permettrait de centraliser les données
dans ce domaine. Comme le signale un chercheur, "Peut-être faut-il
souligner qu'il conviendrait d'abord de faire le bilan, la synthèse, des
tonnes de résultats de recherches qui sont perdus dans des milliers de
rapports et de périodiques. C'est la règle plutôt que
l'exception, qui veut qu'il existe des données sur quantités de
problèmes de santé au travail données
publiées mais laissées pour compte, oubliées dans la masse
d'information que sont obligés de produire les scientifiques. Il
était démontré depuis 1957 que le chlorure de vinyle
était cancérigène l'information produite par les
chercheurs soviétiques était ignorée et les travaux ont
été repris par Viola en 1970 puis par Maltoni en 1972. Combien
d'énergies seraient récupérées si des chercheurs
avaient les moyens, que devraient leur octroyer les organismes subventionneurs,
de procéder à des bilans bibliographiques
systématiques.
Mais comme il faut bien reconnaître que tout n'a pas encore
été fait en matière de recherche, il importe aussi
d'établir des mécanismes par lesquels on s'assurerait de
répondre aux besoins les plus pressants. Les domaines de recherche sont
à l'heure actuelle laissés à l'initiative des industries
qui les commanditent, ou alors à l'imagination des chercheurs qui
cherchent, justement, à les faire subventionner. La jonction n'est
à peu près pas faite avec les travailleurs, ceux-là
mêmes qui vivent les problèmes de santé et qui, de ce fait,
sont les mieux placés pour faire connaître les besoins de
connaissance. Il est grandement temps de le faire." (8) Enfin, un tel institut
verrait à former le personnel médical et infirmier appelé
à intervenir en médecine du travail.
NOUS RECOMMANDONS la création d'un institut
québécois de recherche et de formation en médecine du
travail.
Nous voulons aussi dire que nous nous opposons en principe à la
création d'associations sectorielles avec les employeurs. Pour nous, de
telles associations ne serviraient qu'à cautionner les situations de
travail que nous dénonçons et à légitimer
l'inefficacité des mécanismes bureaucratiques prévus par
la loi. Nous ne nous opposerons pas cependant à des colloques,
organisés par la Commission, où les associations patronales et
syndicales confronteraient leurs positions sur des sujets comme la
prévention, les règlements et les normes de santé et de
sécurité du travail, sur la recherche, sur la qualification des
inspecteurs, leur nombre et leurs fonctions, etc. Pour nous, les fonds de
recherche, d'éducation et d'information prévus aux associations
sectorielles devraient être versés aux associations patronales et
syndicales dans une proportion d'un tiers deux tiers. Cette revendication
s'explique par le fait assez évident que les employeurs sont le plus
souvent déjà organisés en associations sectorielles, que
ces associations ont des ressources et des budgets importants. En outre, cette
revendication rejoint notre analyse qui veut que ce soit les travailleurs et
leurs organisations qui ont principalement intérêt à la
santé et sécurité au travail.
NOUS RECOMMANDONS le retrait du chapitre VI concernant les associations
sectorielles. NOUS RECOMMANDONS que les fonds prévus aux associations
sectorielles soient versés aux associations syndicales et patronales,
dans une proportion de deux tiers, un tiers respectivement.
Concernant le chapitre XIV sur les infractions, nous voulons faire
remarquer au ministre d'État au Développement Social que nous
voyons difficilement à partir de quel principe un travailleur pourrait
être visé par les mesures punitives prévues aux articles
197, 198 alors qu'il est objectivement victime de conditions dangereuses pour
sa santé et sa sécurité. En effet, le livre blanc
reconnaissait "que le facteur principal (des accidents du travail) est d'ordre
organisationnel plutôt qu'humain". (9)
NOUS RECOMMANDONS, concernant le chapitre X sur les infractions, que la
seule pénalité imposée à un travailleur soit de lui
faire obligation de suivre un cours d'une journée, à ses frais,
sur la santé et sécurité au travail.
Nous voulons signifier aussi notre profond désaccord avec
l'article 200 qui prévoit l'utilisation d'injonctions et de
condamnations pour outrage au tribunal. Voilà plusieurs années
que tout le mouvement syndical exige la disparition des injonctions du champ
des relations de travail. La réflexion gouvernementale à ce
propos nous avait laissés croire que l'on n'assisterait pas à une
extension de l'utilisation de ce mécanisme anti-ouvrier.
NOUS RECOMMANDONS le retrait de l'article 200 concernant l'outrage au
tribunal. Comme Centrale de l'Enseignement du Québec, il va sans dire
que nous avons un point de vue spécifique sur la prévention et
l'éducation des travailleurs québécois en matières
de santé et sécurité. Déjà en 1972, nous
constations que l'école ne préparait pas les futurs travailleurs
aux conditions réelles auxquelles ils étaient confrontés
et qu'en conséquence, l'école, en maintenant les fils et filles
des travailleurs dans l'ignorance de leurs conditions de classes, était
au service de la classe dominante. Sept ans plus tard, en juin 1979, une
équipe multidisciplinaire en santé, sous les auspices du
département de santé communautaire de Lanaudière*, a
inspecté 38 ateliers de polyvalentes. Elle a constaté qu'aucun
étudiant d'une classe de menuiserie ne pouvait définir le mot
décibel, que seulement 3% des futurs soudeurs connaissaient le mot
sidérose, qu'aucun soudeur ne pouvait identifier les sources d'ozone en
industrie. (10) II y a sept ans, on nous accusait de faire de
l'idéologie. Aujourd'hui, la réalité dépasse de
loin ce que nous dénoncions alors.
En effet, non seulement l'école ne prépare-t-elle pas
adéquatement les futurs travailleurs, mais elle s'attaque
déjà à leur santé en leur apprenant un
métier. Ainsi, la même enquête a dévoilé qu'un
audiogramme effectué auprès de tous les étudiants et des
enseignants de menuiserie, mécanique et soudure d'une école
polyvalente a dépisté 90% de cas positifs et ce, dans des
écoles qui sont classées parmi les plus avant-gardistes quant
à l'amélioration des conditions de santé et
sécurité! De plus, la recherche a aussi démontré
qu'un appareil à arc électrique qui a fonctionné pendant
un certain temps et dans des conditions normales, a généré
une quantité de poussière respirable qui a dépassé
de trois fois la norme maximale permise en industrie. Enfin, une soudeuse
automatique émettait dans les voies respiratoires des étudiants
six fois plus d'ozone que la norme maximale permise en industrie. *) Voir
annexe II
NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation
prévoie, pour la présente année, des budgets
spéciaux aux Commissions scolaires pour les obliger à rendre
conformes les ateliers du secteur professionnel à toutes les lois et
à tous les règlements existants. Bref, on prépare les
futurs travailleurs en les mettant à l'école dans des situations
pires que celles qu'ils trouveront en industrie. Les chercheurs ont
constaté également qu'il n'existait aucun document
pédagogique pouvant servir d'outil aux professeurs pour l'enseignement
de la santé et sécurité au travail. Pourtant, en avril
1975, nous avions publié (11) un manuel qui cherchait à mettre la
pédagogie au service des travailleurs, en permettant aux enfants de
prendre contact, dès l'école primaire, avec la
réalité socio-économique de la majorité des
Québécois.
À l'époque, on nous a encore accusés de vouloir
endoctriner les enfants. Pourtant, il y avait dans ce manuel des
éléments pédagogiques que les enquêteurs de
Lanaudière considèrent indispensables et qui sont encore
aujourd'hui totalement absents de l'école. Décidément,
l'histoire, à force de nous donner raison, justifie que nous continuions
de lutter chaque jour pour une authentique démocratie scolaire; aussi
l'an prochain, nous aurons complété une démarche
fondamentale et qui marquera un point tournant quant à notre
définition d'une école à bâtir pour la
majorité. (12)
Qu'il nous suffise aujourd'hui de rappeler notre conviction que
l'école doit permettre au futur travailleur d'être informé
des conditions véritables dans lesquelles il aura à travailler
et, osons le dire, à lutter pour sauvegarder non seulement son revenu,
mais aussi sa santé et son intégrité physique et
psychique.
NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation
prévoie, en priorité, l'instauration d'un programme complet de
prévention et de formation pour tous les étudiants au secondaire,
intégrant des cours sur la santé et sécurité au
travail, sur le Code du travail, sur l'histoire du mouvement ouvrier.
En conséquence, nous croyons que des enseignants en
sécurité et santé au travail devraient être
affectés aux polyvalentes et aux cégeps. De plus, nous croyons
que la connaissance des conditions historiques du développement des
luttes des travailleurs est indispensable pour que la conscience collective des
travailleurs se développe et porte ses fruits. À cette conviction
nous avons déjà donné une suite en publiant une histoire
du mouvement ouvrier. Il est essentiel qu'elle soit mise à la
disposition des étudiants au plus tôt.
NOUS RECOMMANDONS que les programmes de formation des travailleurs de
l'enseignement prévoient une formation théorique et pratique
adéquate en hygiène industrielle. Les futurs travailleurs, dans
l'école actuelle, sont donc confrontés à une série
d'aberrations et le terme est choisi concernant leur santé
et leur sécurité au travail. Non seulement l'école
actuelle s'attaque-t-elle à leur santé, mais encore les
maintient-elle systématiquement dans l'ignorance de leurs droits et des
conditions de travail qu'ils auront à affronter. La C.E.Q. est
convaincue que dans une société démocratique,
l'école a un rôle primordial comme lieu de formation à la
santé et à la sécurité au travail.
Globalement, nous considérons que le projet de loi 17
présente des lacunes majeures à un point tel, que dans sa
présente rédaction la loi ne pourra pas avoir pour effet
l'élimination des causes d'accidents de travail et des maladies
professionnelles.
NOUS RECOMMANDONS le retrait du paragraphe 35 de l'article 185 qui
permet à la Commission d'exempter de l'application de la présente
loi ou de certaines de ses dispositions, des catégories de personnes, de
travailleurs, d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de
chantiers de construction.
Il est évident que l'actuelle version est le fruit de compromis
importants favorables aux principaux responsables de la situation
dévoilée par le Livre blanc. À l'occasion de sa parution,
le ministre d'État au Développement Social nous avait
laissés croire à l'élaboration d'une solution majeure, au
moins proportionnelle au drame que vivent les travailleurs. Encore une fois, le
résultat témoigne d'une conviction naïve du gouvernement que
l'on peut contenter tout le monde en rendant toutes les parties insatisfaites.
Encore une fois, on rate l'occasion d'affirmer un parti pris et un
préjugé favorable aux travailleurs.
En mettant principalement l'accent sur la prévention, la
formation et l'éducation des travailleurs, le projet de loi
néglige la cause première à laquelle on devrait
s'attaquer: la dictature patronale sur l'organisation du travail.
Même si dans ce projet de loi, le gouvernement s'avance un peu
plus loin que ses prédécesseurs et qu'il démontre des
préoccupations sociales réelles et louables, il n'en demeure pas
moins qu'il évite avec soin, comme dans toutes ses entreprises
législatives majeures, de remettre en question le mode d'organisation
social et les rapports des forces sociales. L'ambition gouvernementale semble
se limiter à améliorer le statu quo, même si ce statu quo
joue au détriment de l'immense majorité des
Québécois.
On ne peut éviter de constater que poussé par son souci de
préserver le statu quo social, le présent gouvernement s'engage
de plus en plus résolument dans une voie qui l'amène à
nier, à bien des égards, la représentativité des
organisations collectives que se sont données les travailleurs.
Probablement inspiré par d'aucuns modèles étrangers, on en
arrive même à vouloir restreindre le droit de
représentation acquis par les organisations collectives des
travailleurs. Il n'y a rien de neuf dans cette
voie qui, jusqu'ici, n'a abouti ailleurs qu'à des impasses, tout
en créant des difficultés réelles aux travailleurs, comme
ce fût le cas notamment en Allemagne les vingt dernières
années.
En ne reconnaissant pas le droit collectif de refuser de travailler, le
poids de la réforme repose sur les épaules du travailleur
individuel, qu'il soit syndiqué ou non.
En travestissant les comités paritaires en comités
consultatifs soumis à l'arbitrage d'une Commission toute-puissante, non
seulement veut-on faire croire à une illusoire identité
d'intérêt entre le patronat et les travailleurs, mais encore on
laisse aux employeurs l'essentiel de leur pouvoir, cause première des
accidents et des maladies du travail.
La Centrale de l'Enseignement du Québec attendra la version
définitive du projet de loi avant de définir une attitude
concrète à l'égard de son vis-à-vis patronal.
Néanmoins, elle considère de fort mauvais augure, le document
déposé par la Fédération des Commissions Scolaires
Catholiques du Québec, intitulé "Guide de sécurité
en milieu scolaire", et qui calque l'approche patronale sur la
santé-sécurité.
Comme il fallait s'y attendre, il n'est pas question d'une
présence syndicale sur les comités, pas plus que celle de
représentants des travailleurs de l'enseignement ou des
étudiants. Concernant les règles de sécurité, la
Fédération, dans le même document affirme: "... qu'il est
utile, à cette étape, de préciser que ces règles
n'auront de force que dans la mesure où on en assure l'observance.
Conséquemment, bien que cet aspect puisse sembler négatif, on
peut se demander s'il n'y aurait pas lieu de sanctionner les dérogations
aux règles de sécurité.
Ces sanctions pourraient être de divers types: rapport verbal,
information, rappel écrit, rencontre, investissement, suspension, etc...
Toutefois, la Commission scolaire demeurera seul juge en la matière."
(13)
Voilà la problématique patronale: droit de gérance,
contrôle et répression et ce, dans un secteur où une
enquête a démontré que les normes de l'industrie ne sont
même pas respectées, qu'aucun moyen individuel de protection n'est
fourni aux enseignants et aux étudiants et où les services de
santé sont déficients.
Quant à nous, nous nous engageons à faire de la
santé et sécurité des travailleurs de l'enseignement et
des étudiants, un enjeu syndical, pleinement syndical et ce, dès
maintenant.
Référer à la version PDF page B-9456
ANNEXE I RECOMMANDATIONS
Recommandation 1:
NOUS RECOMMANDONS que l'on modifie le Code du travail de telle
manière à faciliter, à accélérer les
procédures de syndicalisation des travailleurs et à
prévoir des pénalités importantes à l'endroit des
employeurs qui par quelques mesures que ce soit, voudraient contrer ou nier
l'exercice de ce droit.
Recommandation 2:
NOUS RECOMMANDONS que la loi reconnaisse aux organisations syndicales le
droit de participer à l'élaboration et à l'application des
normes et règlements ainsi qu'à l'établissement des
programmes de recherche et de prévention.
Recommandation 3:
NOUS RECOMMANDONS, comme mesure provisoire, que les travailleurs non
syndiqués puissent demander à la Commission de santé et
sécurité la mise sur pied d'un comité de santé et
sécurité dans leur entreprise et qu'un fonctionnaire de la
commission voit au respect de la loi quant à la nomination des
représentants des travailleurs, du représentant à la
prévention et au fonctionnement du comité.
Recommandation 4:
NOUS RECOMMANDONS que la commission s'assure, en l'absence
d'organisation syndicale, que les travailleurs connaissent les droits
dévolus par le projet de loi et qu'elle dispose des moyens
nécessaires pour réaliser efficacement ce mandat auprès
des travailleurs non syndiqués.
Recommandation 5:
NOUS RECOMMANDONS que le droit de refus puisse être exercé
par les travailleurs ou par leurs représentants syndicaux.
Recommandation 6:
NOUS RECOMMANDONS que l'article 69 permette au représentant
syndical à la prévention de faire cesser un travail s'il le
considère dangereux et lui donne également pour tâche des
activités de prévention et d'information auprès des
travailleurs.
Recommandation 7:
NOUS RECOMMANDONS que l'article 12 soit modifié de telle
manière qu'il précise lesquelles fonctions et dans quelles
circonstances elles peuvent comporter des risques inhérents.
Recommandation 8:
NOUS RECOMMANDONS qu'aucune mesure ne puisse être prise par
l'employeur contre un travailleur qui a exercé son droit de refus
lorsque ce dernier a été appuyé par un représentant
syndical du comité de santé et sécurité.
Recommandation 9:
NOUS RECOMMANDONS que tout travailleur, syndiqué ou non, qui
aurait exercé un droit de refus dans les trois mois
précédant un congédiement ou une suspension, puisse faire
appel de ce congédiement ou de cette suspension au ministère du
Travail et que l'employeur doive faire la preuve d'un motif suffisant pour
justifier ce congédiement ou cette suspension.
Recommandation 10:
NOUS RECOMMANDONS que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit
biffé.
Recommandation 11:
NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie que les fonctionnaires de la
commission chargés d'arbitrer l'exercice du droit de refus soient
choisis conjointement par la partie syndicale et la partie patronale.
Recommandation 12:
NOUS RECOMMANDONS que la loi oblige l'employeur à informer une
travailleuse qui se déclare enceinte, des dangers que peuvent
présenter ses conditions de travail pour sa santé et celle de son
enfant.
Recommandation 13:
NOUS RECOMMANDONS que la recherche en hygiène industrielle,
subventionnée par la commission, soit réalisée de
manière complètement indépendante de représentants
patronaux.
Recommandation 14:
NOUS RECOMMANDONS que les paragraphes 1 et 5 de l'article 40 soient
modifiés de telle manière que l'employeur doive "garantir" aux
travailleurs que les établissements sur lesquels il a autorité
soient équipés et aménagés de façon à
assurer la protection des travailleurs et que l'employeur doive garantir aux
travailleurs que l'organisation du travail et les méthodes et techniques
pour l'accomplir soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à
la santé des travailleurs.
Recommandation 15:
NOUS RECOMMANDONS qu'au moins deux fois par année, un service
spécifique de la commission s'assure du fonctionnement adéquat
des comités de santé et sécurité dans les
entreprises non syndiquées.
Recommandation 16:
NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi voie à reconnaître
l'organisation syndicale lorsqu'il y en a une, comme partie exclusive
habilitée à représenter les travailleurs sur le
comité de santé et sécurité.
Recommandation 17:
NOUS RECOMMANDONS que la loi prévoie l'existence d'au moins un
comité paritaire par syndicat accrédité dans une
même entreprise.
Recommandation 18:
NOUS RECOMMANDONS que l'article 40 fasse obligation à l'employeur
de s'assurer que ses représentants au sein du comité de
santé et sécurité soient investis de pouvoirs
nécessaires à l'application de la loi et des
règlements.
Recommandation 19:
NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 1 de l'article 63 prévoie un
droit de veto syndical sur le choix des moyens individuels de protection comme
sur l'obligation qui pourrait être faite de s'en munir.
Recommandation 20:
NOUS RECOMMANDONS que le paragraphe 2 de l'article 63, concernant la
formation et l'information des travailleurs soit retiré.
Recommandation 21:
NOUS RECOMMANDONS que l'article 48 soit modifié au paragraphe 2
en retirant la formation et l'information des travailleurs du programme de
prévention.
Recommandation 22:
NOUS RECOMMANDONS que le programme de prévention soit sous la
responsabilité et l'autorité du comité de santé et
de sécurité de l'entreprise et que les paragraphes 3 et 5 de
l'article 63 soient modifiés en conséquence.
Recommandation 23:
NOUS RECOMMANDONS que l'article 62 prévoie la libération
des représentants syndicaux au comité, sans perte de salaire,
pour préparer les réunions du comité, pour procéder
aux inspections et enquêtes nécessaires.
Recommandation 24:
NOUS RECOMMANDONS que les programmes de santé au travail soient
élaborés indépendamment des employeurs, mais avec la
participation des travailleurs et de leurs organisations.
Recommandation 25:
NOUS RECOMMANDONS que le choix du médecin responsable du
programme de santé au travail soit, en cas de désaccord du
comité de santé et sécurité, une prérogative
des représentants syndicaux du comité.
Recommandation 26:
NOUS RECOMMANDONS qu'aux fins de diagnostic et de traitement, donnant
droit aux bénéfices d'invalidité, la loi prévoie le
libre choix du médecin par le travailleur.
Recommandation 27:
NOUS RECOMMANDONS la création d'un institut
québécois de recherche et de formation en médecine du
travail.
Recommandation 28:
NOUS RECOMMANDONS le retrait du chapitre VI concernant les associations
sectorielles.
Recommandation 29:
NOUS RECOMMANDONS que les fonds prévus aux associations
sectorielles soient versés aux associations syndicales et patronales,
dans une proportion de deux tiers, un tiers respectivement.
Recommandation 30:
NOUS RECOMMANDONS, concernant le chapitre X sur les infractions, que la
seule pénalité imposée à un travailleur soit de lui
faire obligation de suivre un cours d'une journée, à ses frais,
sur la santé et sécurité au travail.
Recommandation 31:
NOUS RECOMMANDONS le retrait de l'article 200 concernant l'outrage au
tribunal.
Recommandation 32:
NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation
prévoie, pour la présente année, des budgets
spéciaux aux commissions scolaires pour les obliger à rendre
conformes les ateliers du secteur professionnel à toutes les lois et
à tous les règlements existants.
Recommandation 33:
NOUS RECOMMANDONS que le ministère de l'Éducation
prévoie, en priorité, l'instauration d'un programme complet de
prévention et de formation pour tous les étudiants au secondaire,
intégrant des cours sur la santé et sécurité au
travail, sur le Code du travail, sur l'histoire du mouvement ouvrier.
Recommandation 34:
NOUS RECOMMANDONS que les programmes de formation des travailleurs de
l'enseignement prévoient une formation théorique et pratique
adéquate en hygiène industrielle.
Recommandation 35:
NOUS RECOMMANDONS le retrait du paragraphe 35 de l'article 185 qui
permet à la commission d'exempter de l'application de la présente
loi ou de certaines de ses dispositions, des catégories de personnes, de
travailleurs, d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de
chantiers de construction.
Annexe II Lettre du Centre hospitalier de
Lanaudière
Centre hospitalier régional de Lanaudière Pavillon
St-Eusèbe 585, boulevard Manseau Joliette, Québec J6E 3E5
Joliette, le 14 mai 1979
Monsieur Jacques-Yvan Morin Vice-premier ministre et Ministre de
l'Éducation Gouvernement du Québec Québec.
Monsieur le ministre,
Vous savez que le gouvernement fait une promotion sans
précédent pour protéger la santé plutôt que
guérir les maladies.
Des Départements de Santé Communautaire ont justement le
mandat de protéger la santé de tous les citoyens situés
sur leurs territoires y compris celle des travailleurs ET A FORTIORI CELLE DES
FUTURS TRAVAILLEURS.
Dans cette ligne de pensée, nous croyons que les ateliers
d'écoles devraient remplir ces fonctions de protection de la
santé étant donné qu'elles sont des institutions de
formation opérant à même les deniers de la population.
Nous croyons que les écoles devraient remplir trois fonctions
minimales essentielles: 1.- Instaurer une salubrité industrielle
normale. 2.- Contrôler de façon normale la santé des
professeurs et celle des étudiants. 3.- Avoir un enseignement normal et
normatif de la santé et de l'hygiène industrielle.
Nous pensons hélas que les écoles polyvalentes
s'acquittent mal de ces fonctions au point où les industries
privées de profils similaires les devancent à ces chapitres.
Notre lettre voudrait donc expliquer les problèmes
rencontrés dans les ateliers d'écoles, le pourquoi de ces
problèmes et les moyens à prendre pour éliminer ces
problèmes. Nous appuyons notre pensée sur l'expérience
vécue en journée de formation destinée à soixante
professeurs d'ateliers d'une commission scolaire régionale en novembre
dernier.
L'objectif de cette session était de sensibiliser ces professeurs
aux causes, mesures et conséquences des maladies professionnelles dans
leurs métiers.
Nous avons, à cette occasion, recruté dix excellents
spécialistes (annexe A) à travers le Québec pour traiter
de la santé et de l'hygiène au travail.
Ce rapport que nous vous soumettons est un reflet des activités
de la journée et il se veut être un outil à la disposition
des enseignants.
Comme vous pouvez le constater, nous l'avons subdivisé en trois
tomes selon les groupes de métiers représentés. Le
premier document traite des risques de maladie chez les travailleurs du bois
(menuiserie, construction, meuble). Le deuxième fait état
des problèmes de santé que peuvent avoir les travailleurs du
métal (soudure, débosselage, ajustage mécanique).
Le troisième traite des maladies professionnelles chez les
mécaniciens (auto et diesel).
La suite de cette lettre tentera de cerner, par étapes, le
véritable contexte scolaire versus la santé au travail.
1.- Il y a des problèmes de santé dans les ateliers
d'écoles.
Depuis plus d'un an, les infirmières du Département de
santé communautaire rattachées au secteur scolaire, avec l'aide
professionnelle de notre audiologiste ont effectué plus de 300
audiogrammes chez les professeurs et les étudiants. Les résultats
se passent de commentaires. En effet: a.- 90% des professeurs (de 3 commissions
scolaires régionales) du secteur des travailleurs du bois ont
été dépistés "positifs" par notre audiologiste. En
d'autres termes, ils ont une baisse d'audition significative causée par
une exposition au bruit (cf. p. A-15 à A-18 du Tome de Menuiserie). b.-
Pire encore, un audiogramme effectué à tous les étudiants
de menuiserie, mécanique et soudure d'une école polyvalente a
dépisté 90% de cas "positifs" (p. A-19 à A-26 du Tome de
Menuiserie).
En consultant le tableau en annexe, on constate qu'il n'y a pas de quoi
paniquer, mais l'avertissement est sérieux.
Il est à noter que ces études sont sérieuses. Elles
n'ont pas été pilotées dans le but d'effectuer des
enquêtes épidémiologiques alarmistes! Non! Loin de
là! Il s'agissait pour nous d'établir le profil des
écoles. Nous avons investigué 38 ateliers et nous affirmons les
connaître assez pour savoir de quoi nous parlons.
Précisons enfin que les problèmes dont nous faisons
mention sont certes généraux au Québec puisque les
écoles de la région de Lanaudière se classent parmi les
plus avant-gardistes quant à l'amélioration des conditions de
santé et sécurité.
2.- Il y a des problèmes de salubrité
dans les ateliers d'écoles.
Les Services de Protection de l'Environnement lors du 10 novembre
dernier ont investigué deux postes de travail en soudure. Les
résultats sont non équivoques: a.- Un appareil à arc
électrique a fonctionné pendant un certain temps et dans les
conditions normales: les résultats donnent une quantité de
poussière respirée qui dépasse de 3 fois la norme maximale
permise en industrie (cf. section B du Tome de Soudure). b.- Une soudeuse
automatique émettait dans les voies respiratoires des étudiants 6
fois plus d'ozone que la norme maximale permise en industrie.
Précisons que cet atelier est moderne et bien entretenu. Il
appartient à une des écoles où le souci d'avoir
d'excellentes conditions de salubrité est le plus soutenu.
Le bruit dans les 38 ateliers visités est excessif à peu
près partout surtout en menuiserie.
3.-
Les étudiants méconnaissent
trop le langage de la santé et de la salubrité en
atelier.
Une enquête récemment effectuée dans deux
écoles de la Mauricie (Annexe B) est révélatrice.
Aucun étudiant d'une classe de menuiserie ne pouvait
définir le mot décibel.
Seulement 3% des futurs soudeurs connaissent le mot
"sidérose".
Aucun soudeur ne pouvait identifier les sources d'ozone en
industrie.
Pourtant si on avait posé le même questionnaire aux
travailleurs de Davie ShipBuilding, de M.L.W. Bombardier ou d'autres industries
les réponses auraient été drôlement
différentes!
4.- Les écoles sont à l'abri des fougues
et/ou des conseils et/ou des services
des intervenants gouvernementaux en santé et
sécurité au travail.
A.- Les inspecteurs du travail.
Ils interviennent assez souvent dans les écoles mais ils savent
bien que les modifications nécessaires à améliorer la
sécurité mettent parfois des éternités à
être exécutées. Entre ministères c'est difficile
d'imposer quoi que ce soit!...
B.- Les Services de Protection de
l'Environnement.
Ils sont mandatés par la loi des établissements
industriels et commerciaux pour imposer des conditions salubres dans les
industries. Cette loi a totalement oublié les écoles surtout au
chapitre de l'approbation des plans avant la construction. Pourtant, les
écoles c'est une grosse industrie! Il y a 100 296 étudiants
inscrits au professionnel cette année au Québec! En termes de
nombre d'individus, c'est l'équivalent de 30 usines General Motors de
Ste-Thérèse. Pour un oubli, c'en est tout un!
G.- Les Départements de santé
communautaire.
Derniers-nés des intervenants dans le cadre de la santé
nous avons le lourd mandat de prévenir les maladies professionnelles
chez les travailleurs de nos territoires respectifs. En ce qui nous concerne,
dans Lanaudière, nos énergies ont été
prioritairement concen-
trées chez les futurs travailleurs d'industrie. Nous avons
visité tous les ateliers à risques de neuf écoles
polyvalentes. Nous avons mesuré le bruit à tous les postes de
travail. Nous avons discuté avec les professeurs et les
étudiants. Enfin, un rapport avec recommandations fut envoyé aux
responsables de toutes ces écoles (il y a de ça plus d'un an)
(cf. annexe C). Nous attendons toujours les accusés de
réception.
Je vous jure, monsieur le ministre, que si une seule entreprise
privée avait fait un tel oubli, nous aurions rétorqué avec
la vigueur que la loi nous accorde dans l'exercice de notre
responsabilité.
Cet exemple illustre bien les difficultés d'intervention en
milieu scolaire. La cause principale est cette panoplie incroyable de niveaux
hiérarchiques à partir du ministère en passant par les
élus, les cadres administratifs, l'administration des écoles, les
professeurs et finalement les étudiants pour ne nommer que les plus
importants. C'est un vrai système à bouton poussoir de sorte
qu'il faut avoir une patience héroïque pour convertir tout ce bon
monde à notre cause et rejoindre notre population-cible, les
étudiants.
D.- La Commission des Accidents de Travail et
l'A.P.A.I.
En général ce sont eux qui, à la demande des
professeurs, fournissent certains documents, films ou conférenciers.
Leur approche est toutefois strictement reliée à la
prévention des accidents avec une vision propatronale en rentabilisant
la sécurité et en culpabilisant les professeurs. Comme
pédagogie, nous avons vu mieux!
E.- S.G.M.E. et S.M.T.E.
Ce sont des réservoirs imposants de documents audiovisuels qui
sont d'ailleurs très mal adaptés au monde de l'apprentissage
industriel.
F.- Les "cartes de sécurité" en
construction.
Les finissants de cette discipline doivent suivre un cours de
"sécurité" en construction. C'est, avouons-le, un humble
début.
5.- Les écoles, un ghetto contre la
santé
Imaginons un instant les problèmes que les professeurs
rencontrent dans leurs ateliers!
On voit souvent des sorties de secours barricadées, des
compresseurs dans les salles de cours, des extincteurs chimiques en
arrière des piles de bois, des bombonnes à
acétylène près du système de chauffage, etc. c'est
normal puisque les inspecteurs du travail sont rares... De plus, deux
professeurs ne peuvent superviser efficacement une quarantaine
d'étudiants. Si une épaisse fumée résulte de la
cuisson de l'huile sur les moteurs en réparation... c'est normal... on a
pourtant aucune idée de la toxicité de cette fumée et les
S.P.E. sont loin...
Quoi faire? À qui se plaindre? Et les comités paritaires
sont-ils possibles (lorsqu'il y a 9 niveaux hiérarchiques)?
Les professeurs bien intentionnés se découragent
littéralement et pour cause!
La résultante est que le seul langage connu est la
"sécurité". L'étudiant n'est toujours pas plus
informé sur sa santé.
6.- L'industrie privée dame le pion aux
écoles en santé et sécurité.
Dans notre région, le plus gros employeur est effectivement une
Commission scolaire régionale qui d'ailleurs n'a aucun permanent pour
s'occuper de la santé et de la sécurité de tout ce bon
monde (1695 individus impliqués aux métiers).
Le deuxième employeur en importance est une usine de pâte
et papier qui a à sa solde quelque 600 travailleurs. Il y a là
deux cadres permanents qui veillent exclusivement à la santé et
à la sécurité des travailleurs. Tous les postes de travail
sont inventoriés! On connaît à fond les quelque 150
produits chimiques utilisés, le comité paritaire est fonctionnel,
etc.
Pour le patron comme pour le syndicat, la santé c'est
sérieux!
Quant à nous, nous sommes persuadés qu'une telle situation
représente l'inverse de la normale puisque par définition
l'école est un lieu d'apprentissage pour l'industrie.
7.-
Le projet de loi sur la santé et la
sécurité au travail.
L'intention du ministre Marois dans ce projet de loi vise l'apport d'un
sens de responsabilité dynamique où l'auto-inspection serait
instaurée sur les lieux de travail. Pour y parvenir, il faut deux
composantes:
1.- Le droit du travailleur d'être informé et formé
sur les dangers qui guettent sa santé et sa sécurité. 2.-
En contrepartie, le travailleur bien formé verra à éviter
les situations dangereuses soit par l'arrêt de travail ou soit par
l'amélioration de son milieu de travail à travers certains
mécanismes comme les comités paritaires.
Sachant qu'il y a 65% des travailleurs qui ne sont pas syndiqués
et qui oeuvrent dans de petites entreprises, qui d'autre que les écoles
peut les former au chapitre de la santé?
8.-
Les objectifs du ministère de
l'Éducation.
Citons un extrait des objectifs du récent document
intitulé "L'Ecole Québécoise" concernant les
étudiants du second cycle. "Susciter des engagements personnels qui
accentuent le sens de l'appartenance et suscitent la participation de l'esprit
de créativité.
S'employer à accroître chez les jeunes le sens de la
responsabilité individuelle et de la responsabilité
collective...".
Conclusion
Nous sommes persuadés que la véritable percée du
projet de loi dans les milieux de travail se fera au rythme de la formation et
de l'information des travailleurs en santé et sécurité.
Hélas, actuellement les informateurs sont peu nombreux, il y a les
patrons des grosses entreprises, quelques syndicats et les D.S.C.
Pourtant, si les écoles pouvaient ou voulaient s'y mettre! Il y a
là 100,296 étudiants au secteur professionnel qui ne demandent
qu'à apprendre! Ils sont là pour ça! Qu'on refuse une
telle chance, c'est inadmissible.
Depuis la présentation du LIVRE VERT EN ÉDUCATION, un
souffle de plus en plus persistant et positif place les polyvalentes dans un
sillon de meilleure performance et de crédibilité
grandissante.
Ces immenses boîtes s'humanisent considérablement, des
témoignages positifs fusent de toute part et nous en sommes fiers.
Les ateliers d'écoles n'échappent pas à cette
règle de la bonne réputation grandissante, mais dans cette
poussée positive on a toujours oublié la santé! D'ailleurs
le livre vert, bien que volumineux, est très peu bavard sur ce
sujet.
Espérons que le ministère de l'Éducation ouvre
draconiennement la marche au chapitre "santé".
Il faudrait donc que les professeurs et les étudiants du secteur
professionnel ne fassent plus les frais de problèmes aussi bêtes
que des répartitions inhumaines du nombre d'étudiants, de
coupures budgétaires pour des équipements aussi vitaux que des
protecteurs auriculaires contre le bruit, etc.
De plus, nous ne connaissons aucun document pédagogique pouvant
servir d'outil aux professeurs pour l'enseignement de la santé au
travail.
Le rapport que nous vous soumettons est à ce chapitre une humble
première.
Nous allons poster une copie de ce document à chaque Commission
scolaire et à chaque syndicat local dans l'espoir que ce geste
crée un certain dégel au chapitre de la santé dans les
ateliers d'écoles.
S'il nous était permis de rêver en couleur, nous verrions
à tous les ans des dizaines de milliers de finissants en soudure,
mécanique, construction, etc., envahir les industries bien
résolus à protéger leurs poumons, leurs oreilles, leur
peau, etc.. la résultante serait que d'ici quelques décennies les
maladies cruelles comme l'amiantose, la silicose, certains cancers, la
surdité, etc.. seraient du folklore.
Pourtant, monsieur le Ministre, si l'on consacrait aux écoles 1/2
de 1% du temps à enseigner la santé au travail et 1/2 de 1% du
temps à parler d'hygiène industrielle, notre rêve
deviendrait peut-être réalité.
La santé vaut-elle ce prix?
Recommandations
Après avoir sommairement brossé le profil des
écoles québécoises au chapitre de la santé et
sécurité au travail, nous croyons qu'il est urgent que le
ministère de l'Éducation agisse sur 3 plans. 1.- Que les ateliers
d'écoles sortent de leurs ghettos et soient traités sur le
même pied que les industries par les Services d'inspection du travail,
les Services de Protection de l'Environnement et les Départements de
santé communautaire. Qu'on modifie certaines lois s'il le faut! À
ce sujet, monsieur Pierre Amyot, du Comité Marois (projet de loi sur la
santé et la sécurité) semble bien résolu à
rectifier la situation du côté de ce Ministère. 2.- Que les
professeurs reçoivent une véritable formation en santé et
en sécurité par des gens qui connaissent l'industrie et qui
véhiculent l'approche de la "santé publique".
3.- Que des programmes pédagogiques simples et réalistes
soient instaurés dans les ateliers d'écoles partout au
Québec. En espérant que ce document soit reçu d'un oeil
bienveillant nous demeurons, monsieur le
Ministre, à votre entière disposition et nous vous
adressons l'expression de nos sentiments les meilleurs.
Robert FERNET, Coordonnateur en santé au travail.
ANNEXE C
Mémoire présenté à: La
Commission Parlementaire chargée de l'étude du
projet de Loi n° 17 sur la santé et la
sécurité au travail
par: La Clinique de Médecine Occupationnelle de
Montréal Inc
Septembre 1979
Introduction
En octobre 1978, le ministre d'État au développement
social publiait en un Livre Blanc l'énoncé des politiques du
gouvernement du Québec en matière de santé et
sécurité des travailleurs. Ces politiques devaient par la suite
se concrétiser dans le projet de loi n° 17 sur la santé et la
sécurité du travail.
Nous tenons tout d'abord à exprimer notre satisfaction à
voir cette question traitée avec toute l'attention qu'elle demande.
Comme l'illustre la première partie du Livre Blanc, les problèmes
de santé et sécurité au travail sont nombreux et les
énergies actuellement déployées pour y remédier ne
suffisent pas à la tâche. Des situations parfois
déplorables, surtout dans les secteurs d'activité
économique à risques élevés, illustrent bien
l'importance de légiférer. Le droit des travailleurs à des
conditions de travail respectant leur santé, leur sécurité
et leur intégrité physique est indéniable. Ce droit est
d'ailleurs de plus en plus reconnu et plusieurs pays industrialisés sont
intervenus en ce sens par voie de législation. C'est le cas notamment de
la France, de la Belgique, de la Suède, de l'Allemagne, des
États-Unis et de plusieurs provinces canadiennes.
Plusieurs points dans l'orientation gouvernementale nous semblent
particulièrement dynamiques et nous tenons à les souligner: la
place faite au milieu de travail comme principal agent de changement; le
rôle de l'État vu comme catalyseur dans le milieu; le
développement de la médecine du travail, spécialité
où seront appelés à oeuvrer de plus en plus de
professionnels de la santé suite à l'application dé ce
programme; le développement des services de santé et
sécurité au travail dans les entreprises; la collaboration entre
tous les intervenants en santé et sécurité au travail et
tous les niveaux d'administration, vers, nous l'espérons, une plus
grande efficacité.
Si nous tenons à intervenir devant cette commission
parlementaire, c'est pour y soulever une question qui a été
presque totalement exclue par le présent projet de loi mais qui nous
semble cependant prendre tout son sens dans le cadre du débat, soit la
place des cliniques privées de médecine du travail dans le cadre
d'un programme complet de santé et sécurité au travail.
Nous aurions pu traiter plusieurs autres points, mais nous
préférons nous concentrer sur celui qui nous tient le plus
à coeur et sur son importance dans le contexte d'une politique sur la
santé et la sécurité au travail. Nous n'ajouterons donc
à notre présentation que quelques mesures non prévues au
projet de loi et qu'il nous apparaît intéressant d'aborder.
La Clinique de Médecine Occupationnelle de
Montréal Inc.
C'est à titre de clinique spécialisée en
médecine du travail que la Clinique de Médecine Occupationnelle
de Montréal Inc. aimerait intervenir devant cette Commission
Parlementaire.
La clinique est constituée depuis 1978, moment où elle
prend à sa charge les activités médicales exercées
jusque-là par Parabec Limitée. Compagnie affiliée
elle-même fondée en 1973, Parabec était active depuis cette
date en médecine du travail. Des services ont été
structurés pour répondre à la demande de plusieurs
entreprises conscientes de l'importance d'un programme de santé et de
sécurité au travail. Parmi les services offerts, mentionnons: les
examens médicaux pré-embauche des travailleurs, les
contrôles périodiques de leur état de santé,
l'expertise médicale...
Depuis, la Clinique de Médecine Occupationnelle de
Montréal a participé à la réalisation de nombreux
projets, dans différents secteurs d'activité économique.
Ainsi sommes-nous responsables de la mise sur pied et de la gestion des
services de santé de plusieurs entreprises.
Nos services sont assurés par cinq médecins omnipraticiens
(à temps partiel), tous membres de l'Association de Médecine
Industrielle de la Province de Québec. De plus, des consultants
médicaux de spécialités diverses sont appelés quand
cela est nécessaire. Une quarantaine de médecins collaborent au
travail de la clinique dans différentes villes du pays.
Dix infirmières, cinq employé(e)s de soutien et deux
cadres évoluent à plein temps à la Clinique de
Médecine Occupationnelle de Montréal. Plus de cinquante
employeurs ont actuellement recours aux services de la clinique, ce qui
représente plus de vingt mille travailleurs.
La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal
fournit des services d'analyse biologique, de toxicologie et de radiologie par
l'intermédiaire de consultants ou de laboratoires extérieurs;
elle offre sur place les services d'un laboratoire en physiologie pulmonaire
(tests de capacité respiratoire...), un département de
cardiologie (permettant même les électrocardiogrammes à
l'effort) et un service de vaccination.
La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal s'est
aussi penchée sur les problèmes vécus par les
différents secteurs du monde du travail, tels la question du bruit
industriel et de ses conséquences. En plus de tests par
audiomètre dispensés dans nos locaux dans le cadre de programmes
de dépistage et de prévention, nous offrons les services de
consultants pour le contrôle des bruits et des vibrations en industrie.
Nous référons aussi à des spécialistes de
l'extérieur les dossiers sur l'hygiène industrielle, la
ventilation, l'éclairage et le contrôle de la chaleur en milieu
industriel.
Une des particularités de notre clinique est son service de
médecine interentreprise. Le Québec compte plus de petites
entreprises que de grandes et plus d'entreprises à faible risque
d'accidents ou de maladie qu'à risques élevés, soit un
grand nombre d'établissements n'ayant pas besoin de médecin
à temps plein ou de services de santé complets sur les lieux de
travail. Ce sont donc les caractéristiques mêmes du monde du
travail au Québec qui génèrent le besoin de ce type de
services médicaux: la Clinique de Médecine Occupationnelle de
Montréal assure à ces entreprises des services médicaux ou
para-médicaux complets selon leurs besoins, au moment où cela
s'avère nécessaire. Il est aussi possible de procéder
à un suivi médical des travailleurs.
Un réseau de médecins pratiquant à travers le
Canada nous permet en plus de suivre tous les travailleurs d'une entreprise
comptant plusieurs succursales, ceci à partir d'un programme de
santé commun. Cela permet à tous les travailleurs d'être
suivis médicalement selon des normes propres à leur
activité professionnelle et en relation constante avec leurs
collègues dans d'autres succursales.
Propositions à la commission
parlementaire
1.
L'implantation des cliniques privées
dans le cadre d'une politique sur la santé et la
sécurité
du travail (article 86)
La Clinique de Médecine Occupationnelle de Montréal
s'estime bien intégrée à ce milieu du travail qui
constitue sa raison d'être. C'est pourquoi la lecture du livre blanc
publié en 1978, nous a-t-elle intéressée au plus haut
point.
Nous nous sommes surtout attachés à une des notions
centrales de tout le projet, soit celle de la participation active du milieu de
travail comme clef de voûte de toutes les réformes en
matière de santé et sécurité au travail. Il est
évident que cela touche d'abord les principaux acteurs du milieu soient
les employeurs, certes, mais surtout les travailleurs, hautement
intéressés quant à la santé et la
sécurité en milieu de travail et grands oubliés de toutes
les politiques dans ce domaine. Mais d'après nous, cette notion
s'étend aussi à tous ceux et toutes celles qui oeuvrent dans le
monde du travail et s'y impliquent d'une façon ou d'une autre.
Cette vision du milieu de travail (dans son sens le plus large) se
retrouve d'ailleurs dans la suite du livre blanc, particulièrement quand
on en vient à parler des ressources de ce même milieu. Devant
l'ampleur de la tâche à accomplir, on parle de "priorités",
d'"étapes", permettant de s'attaquer au plus grave, au plus urgent,
d'où l'importance de toutes les ressources disponibles à court
terme. Le gouvernement estime qu'il "lui faut compter sur une mobilisation et
des initiatives de tous les groupes concernés" (livre blanc, p. 194).
Car c'est bien à partir d'une telle dynamique que pourra prendre forme
un véritable programme de santé et sécurité au
travail, pris en charge par le milieu concerné.
Toutes les ressources de ce milieu doivent être mises à
contribution. Pourquoi négligerait-on une partie importante du milieu de
travail, soit le personnel médical et paramédical de diverses
cliniques qui y oeuvre depuis nombre d'années et se consacre
exclusivement à la médecine du travail? Sa formation, sa
compétence, son expérience, tout cela ne constitue-t-il pas un
acquis précieux, dans ce domaine où tout reste à faire?
"Elle (la commission) devra également chercher à utiliser au
maximum les services existants et déjà disponibles aux
travailleurs et aux employeurs comme, par exemple, ceux que peuvent fournir
diverses institutions du réseau des services de santé" (livre
blanc, p. 227).
Nous croyons que des cliniques médicales reconnues et pratiquant
exclusivement dans le monde du travail peuvent aussi prétendre à
cette disponibilité au milieu, et se sentir directement
concernées par tout ce qui le touche, ces cliniques fussent-elles du
secteur privé. Ceci est d'autant plus vrai compte tenu de leurs
états de service: ces organismes regroupent des professionnels de la
santé compétents,
impliqués dans les milieux où ils travaillent depuis
nombre d'années, en contact étroit aussi bien avec les
travailleurs qu'avec les employeurs; ces cliniques sont responsables de
programmes de santé industrielle, de prévention, de
dépistage et d'examens divers dans le milieu du travail; leur action
s'exerce aussi bien dans les industries que dans les secteurs du transport, de
l'agroalimentaire, des services publics, du commerce, etc.
Les cliniques privées, dont la Clinique de Médecine
Occupationnelle de Montréal se sentent donc prêtes à
relever le défi que pose la réforme profonde des programmes de
santé et sécurité au travail. En effet, des services de
santé et sécurité faits par et pour le monde du travail et
où une large place est faite à la prévention, peuvent
aussi bien être dispensés par des organismes privés que par
des services de santé publics. Il est clair que ces cliniques
privées seront entièrement intégrées dans le
système de santé et sécurité au travail, tel que
prévu par le projet de loi no 17, que ses médecins seront
accrédités par les instances autorisées et qu'elles
appliqueront rigoureusement les programmes de santé définis par
les comités paritaires, selon les normes de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
Comme le souligne le livre blanc, "les ressources ne sont pas si
nombreuses qu'on puisse se permettre des chevauchements et des gaspillages
d'énergie" (livre blanc, p. 228). Dans cette optique, l'importance de la
participation des cliniques privées aux nouvelles politiques de
santé et sécurité au travail est indéniable.
L'énoncé des politiques du gouvernement incluait d'ailleurs les
cliniques privées dans sa vision des services de santé au niveau
local. "Il (un service de santé au travail) pourra être
intégré administrativement à un centre hospitalier,
à un CLSC ou même à un cabinet privé" (livre blanc,
p. 241).
Or, le projet de loi no 17 ne fait plus mention des cliniques
privées qu'à un seul endroit, à l'article 86, et c'est
pour déclarer que: "Le chef du département de santé
communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un
cabinet privé, lorsque cela s'avère nécessaire à
cause de la non-disponibilité des autres locaux" (projet de loi no 17,
article 86).
Pareille disposition nous semble tout à fait inacceptable.
Premièrement, un cabinet privé représente un personnel
médical, para-médical et administratif, des équipements
spécialisés, des locaux, bref, une immobilisation qu'il devient
impossible de garder opérationnelle dans la seule
éventualité où un centre hospitalier ou un CLSC ne pouvant
suffire à la demande lui réfère quelques patients.
Deuxièmement, nous estimons qu'il y a là sous-utilisation d'une
ressource importante du milieu et il serait dommage que toute
l'expérience acquise au fil des années par les cliniques
privées soit si peu profitable au monde du travail.
C'est pourquoi nous nous permettons de proposer ici un projet visant non
seulement le maintien de cabinets privés dans le domaine de la
santé et la sécurité au travail, mais aussi l'implantation
de nouvelles cliniques, intégrées dans le système de
santé et sécurité au travail mis sur pied par le
gouvernement.
De même qu'il existe encore des hôpitaux privés
fonctionnant de façon satisfaisante sans problèmes
budgétaires, ainsi pourrait-il y avoir des cliniques effectuant les
tâches prévues par le projet de loi no 17 tout en demeurant dans
le secteur privé. Et tout comme le système prévoit la
création de nouveaux CLSC, il est possible d'envisager de nouvelles
cliniques privées, en plus, bien sûr, des cliniques existant
déjà et pouvant s'intégrer au programme public de
santé et sécurité au travail au moment opportun
(l'investissement que ferait l'État trouvant un écho dans
l'investissement que pourrait faire l'entreprise privée).
Nous proposons à ce projet le cadre suivant: 1- qu'une clinique
privée oeuvrant en santé et sécurité au travail
soit une personnalité civile 2- que son but exclusif soit la
médecine du travail 3- qu'elle jouisse de l'autonomie financière
4- qu'elle soit administrée par le conseil de cette clinique.
Toutes les décisions d'ordre médical doivent relever des
instances médicales de la clinique, sans ingérence de
l'administration. 5- que l'existence de la clinique soit reconnue par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, sous
la forme d'un permis de pratique, garant de sa compétence. que les
médecins au service de la clinique soient accrédités, tel
que prévu au projet de loi, par le (les) DSC du (des) secteur(s)
administratif(s) où ils seront appelés à pratiquer. 6-
qu'il y ait une durée au contrat entre la clinique et la Commission de
la santé et de la sécurité au travail (comme est
prévue une durée au contrat des médecins article
89). 7- le financement de la clinique et la rémunération de son
personnel s'établiront de la même façon que ceux des
instances correspondantes (CLSC, par exemple), selon les règlements
prévus par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail
8- que des dispositions limitent l'ampleur de la clinique. pour
le bon fonctionnement de la clinique, que le nombre de médecins y
exerçant soit limité à dix (en équivalent plein
temps), plus deux médecins par clinique administrée paritairement
(cf. point 9-c de la présente proposition) (jusqu'à concurrence
de trois de ces cliniques) plus trois médecins (toujours en
équivalent plein temps) ayant la charge de cliniques de santé et
sécurité au travail à l'intérieur d'entreprises
(charge à temps plein ou partiel). la limite de tous les services
offerts par la clinique sera fonction des normes édictées par la
Commission de la santé et de la sécurité au travail, quant
au rapport médecin-travailleurs. 9- que la clinique puisse offrir les
services suivants: a) Cliniques interentreprises: la clinique offre ses
services à plus d'une entreprise à la fois, dans des domaines
à vocation sectorielle ou non, ces entreprises pouvant être
situées dans des secteurs sous la juridiction d'un même DSC ou de
DSC différents. le nombre de travailleurs desservis par une
clinique sera égal à la somme de ceux de toutes les entreprises
desservies, quel que soit le secteur administratif où elles se trouvent;
les rapports médecins-travailleurs prévus par règlement
s'appliquent alors pour ce nombre total de travailleurs. il est entendu
que la clinique est sous la juridiction du centre hospitalier - DSC responsable
du secteur où se trouve l'entreprise qu'elle dessert.
Les médecins de la clinique sont accrédités par les
différents centres hospitaliers - DSC des différents secteurs
administratifs où ils ont à se rendre dans le cadre de leurs
visites interentreprises. le comité paritaire d'une entreprise
choisit un médecin et non une clinique et un médecin
précis de la clinique est responsable du dossier santé et
sécurité pour une entreprise donnée. Cependant, les
examens ne se font pas exclusivement par ce médecin et peuvent
être offerts par d'autres médecins de la clinique dont
dépend le médecin choisi, ce, cependant, sous la
responsabilité du médecin titulaire du dossier. Cela permet une
plus grande flexibilité et une plus grande disponibilité face aux
besoins de l'entreprise et des travailleurs, en ayant toujours un
médecin disponible pour des examens ou des soins médicaux.
Comme les déplacements des travailleurs (s'il y a lieu) vers la
clinique sont assumés par l'employeur, cela fait partie de la
liberté qu'a cet employeur de choisir une clinique au sein du
comité paritaire, même si ladite clinique se trouve dans un
secteur administratif autre que le sien; quant aux travailleurs exerçant
aussi leur liberté de choix dans ce comité paritaire, la question
des différents secteurs administratifs n'a aucune répercussion
sur eux, donc, n'est pas un facteur d'empêchement au choix de cette
clinique. b) Cliniques interétablissements
Ce service vise à répondre aux besoins des entreprises
ayant plusieurs succursales, et ce, où que se trouvent ces succursales
(ce peut être le cas d'une chaîne d'établissements
commerciaux, d'une commission scolaire). un médecin ou une
équipe de médecins de la clinique, tous accrédités
par les différents centres hospitaliers - DSC dont dépendent les
différentes succursales de l'entreprise, sont chargés de
l'application d'un plan-maître. ce plan est élaboré
à partir des normes et prescriptions de la loi sur la santé et la
sécurité au travail et de la Commission de la santé et la
sécurité du travail, des besoins identifiés par le
comité paritaire et/ou sectoriel et des mesures supplémentaires
prévues par l'employeur. Il est appliqué par une même
équipe de médecins, d'après les mêmes
critères et dans les conditions les plus voisines possible.
Cette mesure a pour but d'uniformiser l'application de la loi pour tous
les travailleurs de la même entreprise et de les faire
bénéficier des mêmes avantages. Elle peut aussi être
un facteur positif dans la prise en charge de leur santé par les
travailleurs, qui auront aussi un contrôle beaucoup plus grand sur toutes
les mesures de santé et sécurité au travail de leur
secteur. c) Cliniques administrées paritairement
Ce type de cliniques prend tout son sens dans le contexte d'un parc
industriel, d'un centre commercial, d'un édifice à bureaux, d'un
chantier de construction... Des entreprises sont regroupées dans un
espace géographique précis et plusieurs d'entre elles ne sont pas
assez grandes pour justifier la présence d'un service de santé
complet sur place. Ainsi, dans un parc industriel, beaucoup d'entreprises
occupent un grand espace mais comptent peu de travailleurs, étant
hautement mécanisées. Pourtant, elles se situent souvent dans les
secteurs à risques élevés, sans avoir droit à une
infirmière à temps plein ou à une certaine
fréquence de visites médicales. Cependant, une fois
associée aux entreprises voisines, il lui devient possible de
bénéficier d'une clinique administrée paritairement.
De plus, les CLSC qui seraient responsables de l'application de la loi
dans ce secteur ne sont pas nécessairement en mesure de le faire dans
les plus brefs délais. Plusieurs n'existent encore que sur organigramme
ou sont en construction. Or, établir un CLSC suppose des frais et des
normes minimales de construction et de personnel plus étendues que
celles spécifiquement nécessaires à l'application de la
loi sur la santé et la sécurité au travail, (de par le
mandat même des CLSC).
Ces délais avant que des CLSC ne soient opérationnels
peuvent aller jusqu'à compromettre l'application immédiate de la
loi sur la santé et la sécurité au travail dans des
secteurs d'activité professionnelle à risques
élevés.
Il faut aussi considérer que, de par sa vocation communautaire,
le CLSC se doit aussi de fournir à la population de son secteur des
services de nature diverse, selon les besoins de cette population. Il ne peut
donc pas investir toutes ses énergies dans des programmes de
santé et sécurité au travail (ceci en prenant pour acquis
que la population environnante au milieu de travail à desservir justifie
par son nombre et ses besoins la création d'un nouveau CLSC, ce qui,
dans le cas de plusieurs parcs industriels, n'est pas évident). Donc, un
CLSC implanté dans un quartier sera souvent loin de plusieurs groupes
d'entreprises, auxquelles il devra malgré tout fournir des services
médicaux (avec les déplacements et les délais que cela
peut occasionner), tandis qu'un CLSC plus près de parcs industriels, par
exemple, ne pourra que s'éloigner de la population qu'il doit aussi
desservir.
La question du personnel médical et para-médical
chargé de l'application de la loi sur la santé et la
sécurité au travail mérite aussi d'être
soulignée. Les cliniques privées fonctionnant actuellement
possèdent un personnel compétent et expérimenté,
rompu à la pratique en milieu de travail, donc déjà
prêt à passer à l'action. Dans certains secteurs, l'attente
nécessaire pour que les nouveaux CLSC constituent pareilles
équipes peut représenter un délai coûteux et des
risques accrus pour les travailleurs. C'est pourquoi nous croyons qu'une
clinique privée, dévouée exclusivement à la
médecine du travail, aura toute la flexibilité nécessaire
pour mettre en place sur les lieux même de travail (à la demande
conjointe de tous les comités paritaires de santé et
sécurité au travail des entreprises concernées) une
clinique médicale complète dévouée exclusivement au
service de ce regroupement d'entreprises et bénéficiant de toute
l'attention d'un personnel médical et para-médical
d'expérience. Nous proposons donc que: soient prévues des
mesures afin de favoriser le regroupement des diverses entreprises d'un secteur
donné (par l'intermédiaire de leur comité paritaire de
santé et sécurité au travail) pour que celles-ci se dotent
collectivement d'une clinique médicale. Le nombre de leurs travailleurs
respectifs s'additionne, le total déterminant le nombre de
médecins et d'infirmier(ère)s nécessaires, les sommes
allouées, etc., ce qui justifiera souvent la création d'une
clinique médicale sur les lieux mêmes du travail.
l'administration paritaire de cette clinique par toutes les entreprises
concernées (le comité paritaire de chacune d'elle envoyant un
délégué), fait qu'une grande compagnie n'a pas plus de
poids que les autres, au niveau décisionnel. toutes les
entreprises reçoivent un service relatif à leurs besoins et non
au nombre total de leurs travailleurs. cela permet de
bénéficier d'une clinique sur le lieu de travail,
intégrée à ce même milieu et administrée par
lui. d) que la clinique puisse se charger de toutes les autres tâches
prévues par la loi pour un service de santé et santé et
sécurité. 10- que les programmes de formation, d'information et
de recherche initiés par le centre hospitalier DSC dans le cadre
de l'application de la loi santé et sécurité au travail
touche les cliniques privées oeuvrant en médecine du travail au
même titre que les autres structures du système. que des
dispositifs soient prévus dans la loi pour que toutes ces mesures
s'inscrivent dans l'optique d'une collaboration constante et étroite des
cliniques privées avec les CLSC et avec le centre hospitalier DSC
dont ils dépendront.
Nous aimerions nous pencher aussi sur le phénomène des
étapes dans l'application de la loi santé et
sécurité au travail, afin de présenter à cette
commission une définition relative au rôle que jouent
présentement et pourront jouer les cliniques privées.
Le projet de loi no 17 s'adresse au monde du travail en
général et, comme l'exprimait le Livre Blanc, "notre objectif
ultime, le seul qui convienne, c'est l'élimination des causes d'accident
et de maladie" (Livre Blanc, p. VII). Le but de tous les intervenants dans ce
dossier sera sûrement de faire en sorte que tous les travailleurs
bénéficient de conditions de travail ne mettant en péril
ni leur santé, ni leur sécurité, ni leur
intégrité physique. Cependant, compte tenu du nombre d'hommes et
de femmes sur le marché du travail, du très grand nombre
d'entreprises réparties dans des secteurs divers, de la
multiplicité des risques pour la sécurité, du peu
d'information dont nous disposons à propos des
maladies professionnelles, cela ne pourra se faire intégralement
dans un futur rapproché. À cela s'ajoute le fait que beaucoup des
structures nécessaires à l'application de la loi n'existent pas
encore ou n'ont pas une vocation en médecine du travail, que le
personnel formé en médecine du travail est peu nombreux, que le
milieu lui-même a bien peu d'instruments pour se prendre
immédiatement en charge.
L'ampleur du problème a évidemment été
envisagée, et le Livre Blanc déclare: "il nous faut
néanmoins convenir tous ensemble de la nécessité
d'être réalistes dans notre démarche et accepter qu'il y
ait des étapes à franchir" (Livre Blanc, p. VII). Le gouvernement
le mentionne, les programmes de santé et sécurité au
travail feront l'objet d'une application progressive, la première cible
étant les secteurs d'activité à risques
élevés. On ne pourra implanter partout à la fois les
structures administratives nécessaires.
Alors, qu'adviendra-t-il des entreprises qui ne seront pas
touchés immédiatement par l'application des programmes? Où
les travailleurs et les employeurs prendront-ils leurs ressources techniques
pour les aider non seulement à initier un projet de santé et
sécurité au travail mais souvent à poursuivre celui
existant déjà? Nous ne pouvons que supposer, compte tenu de
l'état actuel des ressources disponibles, que le statu quo
prévaudra dans le cas des entreprises non inclues dans le cadre des
programmes publics de santé et sécurité au travail. Les
cliniques privées pourront alors poursuivre leur mandat auprès
des entreprises qu'elles desservent déjà et offrir leurs services
à celles qui désireront se doter d'un service de
santé.
Dans cette perspective, nous proposons: que l'intervention des
cliniques privées dans les secteurs ne bénéficiant pas
immédiatement des ressources de la Commission de la santé et de
la sécurité au travail soit faite dans le cadre de contacts plus
fréquents et plus étroits avec les autres instances en
santé et sécurité au travail (Commission de la
santé et sécurité du travail, centres hospitaliers
DSC, CLSC).
Cette étape dans l'application de la loi permettrait à la
Commission de la santé et la sécurité du travail
d'apprécier l'étendue des services et la compétence du
personnel des cliniques privées.
II.
Projet d'amendement aux articles 63
(5°) et 88
Nous voulons aussi souligner une autre disposition du projet de loi,
à laquelle nous souhaiterions voir apporter un amendement.
Dans son énoncé des politiques du gouvernement en
matière de services de santé au niveau local, plus
particulièrement au chapitre du choix du médecin par le
comité paritaire d'une entreprise, le livre blanc sur la santé et
la sécurité au travail déclare que, en cas de litige: "la
commission devra choisir un médecin parmi ceux qui sont inscrits sur la
liste des médecins agréés par le centre hospitalier. Si un
médecin oeuvre déjà auprès de l'entreprise au
moment de la loi, la commission devra lui accorder une
préférence" (livre blanc, p. 242).
Cette motion de préférence accordée à un
médecin déjà en poste dans une entreprise au moment du
choix d'un responsable de la santé et la sécurité au
travail, nous semble importante. En effet, un ' professionnel de la
santé au service d'un établissement depuis un certain temps (ce
qui représente parfois de nombreuses années), cela devrait avoir
une signification: expérience en médecine du travail,
connaissance du milieu, conscience des problèmes particuliers à
ce secteur d'activité et à cette entreprise en particulier,
états de service passés auprès des travailleurs, etc.,
bref, une compétence dont on devrait tenir compte.
Un raisonnement semblable a possiblement présidé à
la rédaction du paragraphe du livre blanc cité ci-dessus.
Pourtant, le projet de loi no 17 ne fait aucunement mention de cette notion de
"préférence" dans les articles relatifs au choix d'un
médecin par le comité paritaire d'une entreprise (article 63,
5° et article 88).
Encore une fois, nous nous surprenons que l'on fasse soudain si peu de
cas des mesures de santé et sécurité au travail
déjà implantées dans le milieu et des personnes qui en
sont responsables. Que ce domaine ait été plus que
négligé par le passé, qu'une politique complète de
santé et sécurité au travail au Québec s'impose et
que cela nécessite une adaptation du milieu et la naissance de nouvelles
structures, nous sommes bien placés pour le savoir et nous ne pouvons
que nous réjouir de la progression de ce dossier. Cependant, nous
croyons que c'est en fait desservir la cause de la santé et la
sécurité au travail que de procéder comme si aucune
ressource n'existait dans le milieu.
Ainsi pensons-nous qu'un médecin déjà
impliqué dans les services de santé d'une entreprise devrait
bénéficier d'un certain acquis lors de la prise en main du
dossier santé et sécurité au travail par le comité
paritaire de l'entreprise.
Nous recommandons donc: qu'une "préférence" soit
accordée à un médecin oeuvrant déjà
auprès d'une entreprise, lors du choix par le comité paritaire
d'un médecin responsable de l'organisation et de la dispensation des
services de santé et sécurité à l'entreprise, donc
que des dispositions à cet effet soient inscrites aux articles 63
(5°) et 88 du projet de loi no 17. que, si la compétence
professionnelle du médecin déjà en fonction est mise en
doute, par l'une ou l'autre des parties représentées au
comité paritaire, le cas doive être entendu par
une instance professionnelle habilitée, pouvant prendre la forme
d'un comité où seraient présents des membres de la
Corporation Professionnelle des Médecins du Québec et de la
Commission de la santé et de la sécurité au travail.
III. Autres propositions
En nous situant toujours dans l'esprit du projet de loi, nous souhaitons
proposer certaines mesures non prévues dans la législation mais
qui nous semblent cependant pertinentes, soient: que des mesures
incitatives favorisent l'emploi par des cliniques privées, des CLSC ou
des DSC, d'étudiant(e)s en médecine et en sciences de la
santé durant la période estivale.
Ce projet a un double objectif: la formation d'un personnel
médical et paramédical plus compétent et plus conscient en
général des problèmes relatifs à la médecine
du travail et la possibilité qu'un nombre de plus en plus grand de
professionnels de la santé choisissent le milieu du travail comme champ
de spécialité.
Nous nous situons ici dans la foulée de l'article 129, 5° et
surtout 6°, où on souhaite "intégrer dans l'enseignement des
programmes de formation et d'information sur la santé et la
sécurité du travail" (projet de loi no 17, article 129, 6°).
un financement particulier de ce programme peut être
envisagé en collaboration avec les services d'emploi aux
étudiants.
Nous voulons aussi proposer la création d'un carnet de
santé propre à chaque travailleur, où serait
consigné l'essentiel de son état de santé.
L'examen médical pré-embauche d'un travailleur sera plus
utile tant pour le travailleur, au niveau de sa propre santé
(affectation à des tâches non nuisibles pour lui) que pour
l'employeur (embauche d'un travailleur avec l'état de santé
requis pour l'emploi).
De plus, un travailleur passant un examen pré-embauche pour un
certain emploi dans un certain type d'entreprise n'aurait pas besoin de
repasser un examen s'il sollicite un emploi similaire dans une entreprise
similaire, ce dans un délai à déterminer.
On s'élèvera peut-être contre cette mesure au nom du
caractère confidentiel des dossiers médicaux. Précisons
que le carnet ne contiendra que l'essentiel des visites médicales, sous
forme d'un résumé succinct. De plus, comme il est possible de
protéger un dossier médical, ainsi pourrait-il en être du
carnet de santé.
Nous proposons donc: qu'un carnet de santé contenant une
histoire médicale succincte du travailleur suive celui-ci tout au long
de sa présence sur le marché du travail que ce carnet
fasse l'objet des mêmes précautions que tout dossier
médical.
Conclusion
Dans notre intervention, nous avons voulu tout d'abord souligner
l'existence de certains services médicaux oeuvrant en médecine du
travail tout en appartenant au secteur privé. Nous espérons
être parvenus à les situer dans le cadre de ce milieu de travail
auquel ils appartiennent à part entière, de par leur
compétence, leur expérience et leur implication dans le
milieu.
Au moment d'entreprendre une réforme en profondeur de toute la
politique de santé et sécurité au travail et devant
l'ampleur de la tâche, nous savons pertinemment que toutes les
énergies doivent être mises à contribution. Cela est
particulièrement vrai considérant l'esprit qui a
présidé à la rédaction du Livre Blanc puis du
projet de loi et la base de tout ce projet, soit le rôle actif du milieu
de travail, prenant lui-même en charge sa propre santé et sa
propre sécurité.
C'est pourquoi nous nous posons la question suivante: alors qu'il y a
tant à faire pour modifier les conditions de santé et
sécurité au travail, peut-on se priver de la contribution
importante qu'apportent les cliniques privées de médecine du
travail?
Dans l'affirmative, qu'advient-il alors de ces cliniques?
Car l'article 288 du projet de loi relatif à son entrée en
vigueur ne prévoit aucune date et ne mentionne pas les articles qui
seront appliqués prioritairement, non plus que les secteurs
d'activité économique touchés les premiers. De plus, de
nombreux points pouvant influer considérablement sur l'application de la
loi ne sont pas précisés dans un article du projet de loi mais
devront faire l'objet de règlements par la Commission de la santé
et de la sécurité du travail (ainsi, dans les 100 premiers
articles, on fait 27 fois référence à des
règlements encore inconnus. C'est le cas notamment des modalités
de formation des comités paritaires des établissements où
des services de santé seront fournis aux travailleurs, des
modalités de financement de tout le système, etc.
Il est donc extrêmement difficile de juger de l'ampleur de la
présente loi et d'évaluer quand elle pourra être
appliquée intégralement.
Dans cette attente, que font les cliniques privées? Qu'advient-il
du personnel à leur emploi, de l'équipement dont elles disposent,
de leurs investissements...? Que se passe-t-il au moment de l'adoption de cette
loi, et surtout après, quand le programme est
généralisé à toutes les entreprises sans que les
cliniques privées n'y soient intégrées? Le gouvernement
prévoit-il un dédommagement quelconque?
Ce sont bien sûr des hypothèses et personne ne souhaite
être confronté à une telle réalité. En effet,
nous sommes persuadés qu'il y a place, à l'intérieur d'une
politique efficace de santé et sécurité au travail, pour
toutes les ressources disponibles et qu'une entente en ce sens interviendra
entre toutes les parties concernées.
Nous rappelons au gouvernement notre disponibilité pour discuter
de ce dossier et notre motivation à continuer à oeuvrer en
médecine du travail.
ANNEXE D
Mémoire sur le projet de loi no 17
intitulé
"Loi sur la santé et la sécurité
du travail"
soumis à la commission permanente du travail et
de la main-d'oeuvre
par Bell Canada Août 1979
1.
Remarques préliminaires
Le projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité
du travail poursuit un but qui rejoint les préoccupations de Bell Canada
en ce domaine: l'élimination des causes d'accidents du travail et des
maladies professionnelles.
C'est pourquoi Bell Canada s'empresse d'offrir sa participation à
cette commission parlementaire. Elle est convaincue que les années
d'expérience qu'elle a acquises en ce domaine pourrait contribuer de
façon positive à la réflexion collective amorcée
sur ce projet de loi, même si le projet de loi, en tout ou en partie,
pourrait ne pas s'appliquer à une entreprise régie par le code
canadien du travail. Elle veut en fait livrer le témoignage d'une
entreprise qui, depuis 1920, s'est résolument engagée dans le
champ de la santé et de la sécurité du travail.
Bell Canada, s'étant déjà engagée depuis
fort longtemps à agir dans le sens des objectifs visés par le
projet de loi, ne peut que souscrire sans réserve à ces
objectifs. Toutefois, certains moyens proposés pour les atteindre lui
semblent peu réalistes ou même, dans certains cas, inacceptables.
Bell Canada étaiera ces prétentions en commentant les aspects les
plus importants de ce projet de loi. Qu'il lui soit cependant permis pour
l'instant d'exprimer sa profonde déception de ne pouvoir venir donner
ici un point de vue complet, puisque seuls les règlements à venir
donneront l'impact réel de certaines dispositions de ce projet.
Ceci étant dit, la compagnie veut assurer cette commission que
ses propos veulent être marqués du meilleur esprit de
collaboration et de franchise possible et elle est heureuse d'être en
mesure de profiter de l'audience qu'elle lui accorde.
2.
La santé et la sécurité
du travail à Bell Canada
Bell Canada et ses compagnies affiliées constituent le plus
important groupe industriel canadien et le plus grand fournisseur de
télécommunications au Canada. Au 31 décembre 1978, Bell
Canada comptait plus de 53 000 employés au Québec, en Ontario et
ailleurs au Canada et dans le monde, auxquels elle a versé près
de $870 millions en salaires.
Au Québec seulement, Bell Canada emploie plus de 23 000
personnes, dont environ 17 500 non-cadres, tandis que Télébec
Ltée, sa compagnie affiliée au Québec, compte pour sa part
1058 employés, dont 826 non-cadres. Bell Canada et Télébec
ont à leur emploi environ 90% de tous les employés du secteur des
télécommunications au Québec.
En raison de la nature même de l'entreprise, ces employés
sont rattachés à 396 ateliers ou centres de rattachement
principaux dispersés sur l'immense partie du territoire du Québec
desservie par Bell Canada et Télébec.
Au point de vue administratif, Bell Canada est divisée en trois
entités distinctes: le siège social (situé à
Montréal), la région du Québec et la région de
l'Ontario.
La région du Québec est ainsi organisée que l'on
retrouve sous l'autorité d'un même vice-président, le
service médical et le groupe de la prévention des accidents. Ces
services, qui emploient 68 personnes (dont une trentaine de professionnels de
la santé à temps plein ou à temps partiel au service
médical), fonctionnent grâce à un budget total de plus de
$2 millions. Le seul service médical dispose d'un budget annuel
d'environ $1,4 million pour l'ensemble de ses employés localisés
au Québec, ce qui représente une allocation "per capita"
d'environ $60.
Quant aux services offerts par ces groupes, ils rencontrent ou
excèdent ceux que prévoit le projet de loi ou que pourraient
vraisemblablement prévoir les règlements à venir à
ce sujet.
Il faut le constater, Bell Canada a pu créer et gérer,
sans l'intervention de quiconque et sans coercition, une des organisations les
plus efficaces au Canada et en Amérique du Nord en matière de
santé et de sécurité du travail, le nombre annuel moyen
d'accidents avec perte de temps, à Bell Canada
(région du Québec), étant de 2,61/100
employés et le nombre moyen de jours perdus par accident du travail avec
absence et maladie professionnelle, de 16,76. Et elle soumet respectueusement,
s'autorisant ici de ses nombreuses années d'expérience qu'elle
n'a pu acquérir qu'au prix de plusieurs millions de dollars, qu'elle ne
voit franchement pas, à l'étude du projet de loi, comment ses
résultats pourraient être maintenus et encore moins
améliorés par les mécanismes dont le projet de loi
prévoit la mise en place.
3.
Remarques générales sur le
projet de loi
L'objectif ultime du projet de loi no 17, qui est d'éliminer les
causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles, est
éminemment louable. Bell Canada croit cependant qu'il aurait
été de beaucoup préférable de tenter d'atteindre
cet objectif en intervenant dans le sens d'une évolution des
mentalités et des comportements et par l'établissement de normes
minimales, là où le besoin de changements est évident,
sans pour autant détruire ce qui se fait déjà de
façon efficace dans plusieurs établissements au nombre desquels
elle croit être.
Le projet de loi semble provenir, dans sa facture actuelle, d'une
réflexion mal engagée sur les problèmes en cause.
Plutôt que de proposer des normes qui, respectées, assureront la
création d'un environnement sain et sécuritaire pour le travail,
le projet de loi détermine le cadre organisationnel comme si seul un
mécanisme uniforme pouvait adéquatement répondre à
toutes les situations.
Pourtant, des entreprises ont pris des initiatives diverses et se sont
dotées d'un service médical et d'un groupe de prévention
des accidents et ont, comme Bell Canada, fourni un travail fort valable (bien
que perfectible) au cours des années, sans que quiconque les y ait
jamais forcées. Est-il vraiment nécessaire de dépouiller
ces entreprises responsables de leur rôle clé en matière de
santé et de sécurité du travail et de leur enlever cet
outil de gestion de base qu'est le service médical? Est-il utile de
substituer aux services complets, efficaces et rationnels de ces entreprises,
le système lourd et complexe mis de l'avant dans le projet de loi?
4.
Les droits et obligations
Pour l'essentiel, Bell Canada est d'accord pour que les travailleurs,
les employeurs et les fournisseurs soient soumis aux obligations et jouissent
des droits énoncés au chapitre III du projet de loi, sous
réserve des commentaires et recommandations qui suivent.
4.1 Quant au droit de refuser d'effectuer un travail
dangereux
II est fondamental qu'un travailleur puisse refuser d'effectuer un
travail qui serait dangereux pour sa santé, sa sécurité ou
son intégrité physique ou pour celles d'une autre personne. On
pourrait même prétendre, lorsqu'il en va de la santé ou de
la sécurité publique, que ce droit constitue en fait une stricte
obligation.
Tous seront cependant d'accord pour affirmer que ce droit doit souffrir
une limite, à savoir que son exercice ne puisse en aucun cas mettre en
péril la santé ou la sécurité publique,
réellement ou probablement. Pourtant, le projet de loi ne semble pas
contenir de dispositions à cet effet. Bell Canada estime qu'il est
impérieux que le législateur prévoir un cas d'exception
à l'égard des travailleurs oeuvrant dans les services publics,
c'est-à-dire les services les plus susceptibles de mettre en
péril la santé ou la sécurité publique lorsqu'ils
ne sont pas dispensés. Ainsi, il est essentiel de rétablir le
service téléphonique le plus rapidement possible lorsqu'une
tempête de verglas a comme conséquence d'isoler
complètement des communautés même si l'état de la
chaussée peut constituer un risque inhabituel et anormal.
D'ailleurs, en Ontario, le bill 70 ("The Occupational and Safety Act,
1978"), qui a reçu la sanction royale le 15 décembre 1978 et qui
prévoit lui aussi ce droit de refuser d'effectuer un travail dangereux,
interdit pourtant l'exercice de ce droit à certaines catégories
de travailleurs oeuvrant auprès du public.
Il est donc recommandé: 1. Que là sous-section 2 de la
section 1 du chapitre III du projet de loi ne s'applique pas aux travailleurs
employés dans les "services publics", suivant la définition
donnée à ces mots par le paragraphe n) de l'article 1 du Code du
travail (S.R. 1964, c. 141).
Bell Canada note avec une certaine inquiétude que, contrairement
à ce que laissait entrevoir le Livre Blanc à ce sujet, l'on
voudrait désormais autoriser le droit de refus non seulement en cas de
danger imminent, mais également dans l'hypothèse d'un danger
à moyen ou à long terme. Elle souhaite que la notion de danger
soit précisée comme étant un danger imminent et grave. Il
est donc recommandé: 2. Que l'article II soit modifié en ajoutant
après le mot "danger", les mots "immédiat et grave". Ce qui
inquiète, ce n'est pas tant qu'un travailleur puisse refuser d'effectuer
un travail pouvant s'avérer nocif à la longue, mais bien qu'en
toute bonne foi, un travailleur puisse bloquer une tâche, ou même
l'entière production, tout simplement parce qu'il est convaincu que sa
tâche comporte un risque à long terme là où
même les plus grands experts, comme cela arrive très souvent, ne
s'entendent même pas entre eux.
Selon ce que prévoit le projet de loi, un inspecteur pourrait
éventuellement être appelé à déterminer
"immédiatement", aussi étrange que cela puisse paraître
(voir pourtant l'article 21 du projet
de loi), s'il existe ou non un danger. Si l'inspecteur décide
qu'il y a danger, il peut alors permettre au travailleur de continuer à
refuser d'effectuer sa tâche. Cette décision est exécutoire
malgré appel (article 22) et, tant que la Commission n'aura pas
tranché le débat (ce qui, dans les cas scientifiquement
complexes, pourrait prendre des semaines, voire des mois, la commission
n'étant pas tenue de rendre ses décisions dans un délai
précis), l'employeur n'aura pas le droit d'affecter un autre travailleur
à cette tâche (qui pourrait fort bien être un maillon
essentiel de la chaîne de production) si le danger ne se rattache pas
à la situation particulière de l'individu.
Pourtant, la commission en sera peut-être arrivée
entre-temps à la conclusion qu'il n'y avait finalement aucun risque
à faire ce travail.
Afin d'éviter que de telles situations ne surviennent, un
mécanisme devrait être prévu dans la loi elle-même,
qui permettrait à un employeur de continuer à affecter un
travailleur à une tâche dont les dangers présumés
n'ont pas encore été l'objet d'une opinion scientifique
majoritaire.
Il est donc recommandé: 3. Que l'on ajoute à l'article 22
du projet de loi les alinéas suivants: "Cependant, si l'inspecteur
permet au travailleur de maintenir son refus d'exécuter le travail,
l'employeur peut, malgré l'article 23, demander par écrit
à la Commission de déclarer immédiatement qu'elle est
d'avis que, dans l'état actuel des recherches scientifiques, il est
impossible et il sera impossible de déterminer dans un bref délai
si le danger ou le risque appréhendé par le travailleur existe ou
non. La commission examine cette demande d'urgence et avise par écrit
toutes les parties intéressées de sa décision sans
délai, après les avoir entendues sommairement et sans
formalité. Si la commission se rend à cette demande, le
travailleur doit reprendre le travail immédiatement, malgré les
dispositions de l'article 26".
Divers intervenants ont déjà déploré au
moment du dépôt du livre blanc que l'on se soit si peu
attardé à soumettre des moyens pour empêcher que l'exercice
du droit de refuser d'effectuer un travail dangereux ne donne lieu à des
abus.
À dire vrai, Bell Canada est convaincue que les abus demeureront
marginaux, tant il est vrai que la vaste majorité des travailleurs sont
assez responsables pour user de ce droit à bon escient. Et pour ce seul
motif, les employeurs doivent peut-être accepter le risque que leur
production puisse être totalement arrêtée.
Mais l'on ne peut exiger des employeurs qu'ils acceptent ce risque sans
qu'ils n'obtiennent en retour quelque garantie que ce droit sera exercé
de bonne foi surtout en période de relations patronales-syndicales
difficiles. Or, selon le projet de loi, le fardeau de prouver la mauvaise foi
du travailleur (un des plus lourds fardeaux de preuve qui soient) incombe
à l'employeur.
Il est donc recommandé: 4. Que l'article 191 du projet de loi
soit supprimé.
4.2
Quant au retrait préventif de la
travailleuse enceinte
Bell Canada est d'accord pour qu'une travailleuse enceinte ne soit pas
astreinte à une tâche comportant un danger pour elle-même ou
l'enfant à naître. D'ailleurs, Bell Canada a établi une
politique en ce sens depuis plusieurs années déjà. C'est
pourquoi ses remarques à ce sujet seront fort brèves.
Elle note tout d'abord que, si le projet de loi ne permet pas à
la travailleuse enceinte d'"exiger" mais bien de "demander" d'être
affectée à d'autres tâches, ce qui lui semble plus
réaliste, il ne permet toujours pas à l'employeur de soumettre le
certificat médical délivré par le médecin personnel
de l'employée à l'approbation de son propre médecin. Cette
demande a pourtant déjà été formulée par
divers groupes dans le passé, et Bell Canada la reprend aujourd'hui
à son compte. 5. Que le médecin de l'employeur ait la
possibilité d'approuver le certificat médical que lui soumet la
travailleuse enceinte pour les fins de l'article 32.
Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 35, qui
prévoit que la commission ne recouvrera pas les paiements temporaires
qu'elle aura effectués en faveur d'une travailleuse dont la demande
d'indemnité aura finalement été refusée, nous
apparaît particulièrement irresponsable, comme allant à
l'encontre de tous les principes d'une saine gestion, et ce,
indépendamment du fait que ces paiements seront effectués
à même un fonds spécial constitué des cotisations
des seuls employeurs.
C'est pourquoi, il est recommandé: 6. Que l'article 35 soit
reformulé, de manière à ce que la commission puisse
recouvrer les montants versés à titre de paiements temporaires,
si elle en vient à la conclusion que la demande ne doit pas être
accordée.
4.3
Quant au programme de
prévention
Le projet de loi prévoit que chaque employeur s'assure qu'un
programme de prévention soit mis en application dans son entreprise
(article 47). Bell Canada est d'autant plus d'accord avec cette proposition,
qu'un programme contenant au moins les éléments mentionnés
à l'article 48 est en vigueur chez elle depuis de nombreuses
années.
Sous réserve des autres commentaires à ce sujet, qu'elle
formulera à l'occasion de ses remarques sur les comités de
santé et de sécurité, Bell Canada appuie l'idée que
les employeurs soient soumis à l'obligation de mettre en application
dans leur entreprise un programme de prévention contenant les
éléments mentionnés à l'article 48.
Cependant, comme certaines entreprises ont déjà en place des
programmes de prévention qui excèdent de loin ce qui est
prévu au projet de loi ou les normes prévisibles qui pourraient
être adoptées par la réglementation à venir, Bell
Canada suggère que le ministre chargé de l'application de la loi
ait la discrétion d'exempter toute entreprise de l'application des
articles 47 à 50 inclusivement.
5. Les comités de santé et de
sécurité
Bell Canada estime qu'il est fondamental que les employés
apportent leur point de vue et participent à l'élaboration des
politiques de l'entreprise en cette "matière.
Et si l'on doit malheureusement constater qu'historiquement, les
relations employeurs-travailleurs se sont trop souvent traduites par une
dialectique d'affrontement, il faut admettre qu'un projet de comité
paritaire puisse constituer un pas valable en direction d'un changement de ce
climat.
Bell Canada exprime, par conséquent, son accord avec le concept
de comité paritaire de santé et de sécurité au
travail, sous réserve des commentaires suivants:
5.1
La formation des comités de
santé et de sécurité
Le projet de loi reprend les propositions du livre blanc en disposant
que ces comités seront établis "au sein de tout
établissement de plus de dix travailleurs" (article 56).
Le mot "établissement", quant à lui, est défini au
paragraphe 14 de l'article 1 du projet de loi, comme "l'ensemble des
installations et de l'équipement physiquement groupés et
organisés sous l'autorité d'une même personne ou de
personnes liées, en vue de la production de biens ou de services,
à l'exception d'un chantier de construction; ce mot comprend notamment
une école, une entreprise de construction...". Cette définition
apparaît, au moins à première vue, comme donnant au mot
"établissement" le sens d'"entreprise".
Cependant, d'autres dispositions du projet de loi utilisent ce mot de
manière telle que l'on pourrait être tenté de croire que le
mot "établissement" puisse également recevoir le sens de "atelier
de travail" (voir par exemple le premier paragraphe de l'article 40).
Bell Canada estime que cette ambiguïté doit être
dissipée et que seule la notion d'entreprise doit être retenue.
Car s'il fallait qu'aux fins de l'article 56, entre autres, la notion d'atelier
de travail soit retenue, on assisterait alors à une prolifération
indue de comités paritaires au sein d'une même entreprise
(près de 400 dans le cas de Bell Canada et relevant de plusieurs
départements de santé communautaire), lesquels
établiraient un ordre de priorités plus ou moins différent
d'un atelier à l'autre et traiteraient ces priorités de
manière non homogène; tout ceci à un coût prohibitif
pour les employeurs et l'État, et sans que l'intérêt des
travailleurs soit nécessairement mieux assuré.
Il est donc recommandé: 7. Que la loi et les règlements
adoptés en vertu de celle-ci soient suffisamment clairs pour que le mot
"établissement" employé à l'article 56, ait le sens
précis d'"entreprise".
Bell Canada note également que l'article 57 ne fait pas
état des situations où une entreprise compte plusieurs
associations accréditées même si l'article 58
prévoit, dans ces cas, que le nombre de membres de même que les
modalités de la désignation des représentants des
travailleurs seront déterminés par règlement. Elle
recommande: 8. Que les modalités de désignation des travailleurs
au sein du comité de santé et de sécurité soient
inscrites dans la loi et que le législateur s'inspire des
mécanismes prévus pour la composition du comité de
francisation dans la Charte de la langue française.
5.2
Les pouvoirs des comités de
santé et de sécurité
Bell Canada remarque que l'on entend confier aux comités
paritaires, par l'article 63 du projet de loi, certains pouvoirs
décisionnels en matière de santé et de
sécurité du travail tandis que l'employeur doit en assumer les
coûts d'implantation.
Bell Canada soumet respectueusement à cette Commission que, si
l'employeur doit avoir seul à s'acquitter de ces obligations, il doit
aussi être le seul à choisir les moyens de s'en acquitter tout en
n'excluant pas la participation consultative des travailleurs.
Bell Canada recommande donc: 9. Que le comité paritaire ait,
à l'égard du choix des équipements et moyens de protection
individuels, ainsi qu'à l'égard du programme de formation et
d'information en matière de santé et de sécurité,
de même qu'en ce qui concerne le choix du médecin responsable des
services de santé de l'établissement, le pouvoir de faire des
recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un
délai raisonnable et par écrit.
En ce qui touche le paiement des coûts afférents aux moyens
et équipements de protection individuels, ils sont, chez Bell Canada,
l'objet de clauses dans les conventions collectives. Cette expérience
s'avère heureuse en ce qu'elle consacre la responsabilité de
l'employeur et de l'employé dans ce domaine, tout en assurant, les
normes de sécurité étant respectées, une
liberté de choix à l'employé. Il est
recommandé:
10. Que le paiement des coûts afférents aux moyens et
équipements de protection individuels propres à
l'établissement, continue d'être l'objet de négociations
entre l'employeur et le (s) syndicat (s) représentant les
employés, par lesquelles Bell Canada assume une responsabilité
financière pour ces équipements tout en laissant le choix
d'équipements individuels à l'employé. il est finalement
recommandé: 11. Que, si l'on entend encore confier au comité
paritaire un pouvoir décisionnel en quelque domaine que ce soit, les
travailleurs ou leur syndicat participent au même titre que l'employeur
aux coûts y afférents et à toutes les
responsabilités en découlant.
6.
Le représentant à la
prévention
Le projet de loi prévoit la création du poste de
"représentant à la prévention" nommé parmi les
représentants du syndicat au comité. Ce "représentant"
serait doté de divers pouvoirs d'Inspection et d'enquête, et
aurait pour tâche supplémentaire "d'assister les travailleurs dans
l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente loi et les
règlements" durant les heures de travail.
Bell Canada assume déjà les fonctions décrites
comme étant celles du représentant à la prévention.
Elle le fait dans le cadre d'un groupe de la prévention des accidents
car elle conçoit qu'il lui appartient d'assurer la santé et la
sécurité au travail. Elle ne peut que s'objecter à ce que
le projet de loi place les activités de prévention au coeur
même des relations de travail par la création de ce poste
confié à un représentant syndical. En somme Bell Canada
croit au concept de responsabilité à la prévention, mais
soumet que cette responsabilité est celle de l'employeur et en
conséquence recommande: 12. Que l'on abandonne le concept de
"représentant à la prévention" tel que décrit dans
les articles 67 à 72 inclusivement.
7.
Les services de santé au
travail
Le chapitre VIII du projet de loi propose un nouveau régime de
santé au travail en vertu duquel l'élaboration et l'application
du programme de santé ainsi que l'organisation et la dispensation des
services de santé dans les entreprises seraient confiées à
l'État et au réseau public de santé.
Il est regrettable que l'on veuille soumettre toutes les entreprises,
sans distinction, à ce nouveau régime. Les concepteurs de ce
projet semblent avoir oublié le fait de constater que certaines
entreprises disposent d'une équipe médicale à leur emploi
offrant déjà des services de santé à leurs
employés.
Ainsi, pour sa part, Bell Canada peut s'enorgueillir à juste
titre d'avoir développé, au Québec, depuis plus de 35 ans,
un programme de santé très sophistiqué, combinant
l'approche clinique et de santé publique tant vantée, et à
bon droit, par le livre blanc. Ce programme de santé
réalisé par une équipe de 47 personnes, dont quelques
dizaines de professionnels de la santé oeuvrant pour la plupart à
plein temps, dispose à cette fin d'un budget annuel de $1,4 million pour
23 000 employés, comme nous l'avons déjà dit.
Elle désire préciser que le programme de santé
qu'elle offre à ses employés est le fruit de recherches et
études menées par ses propres compétences techniques, dont
certaines fort spécialisées. Si Bell Canada a pu concevoir un
programme si bien adapté à son genre d'industrie, c'est qu'elle a
pu bénéficier d'une foule de données, allant du bilan de
santé individuel au bilan de santé collectif, puisées chez
elle et dans l'ensemble de l'industrie téléphonique
d'Amérique du Nord qui regroupe près d'un million
d'employés. Il lui a donc été possible de constituer des
programmes de prévention, depuis la mise en place de normes d'embauche
et de normes de qualité de services jusqu'au contrôle de la
qualité et de la fréquence des examens médicaux.
Il est donc utopique, à son avis, de croire qu'un tiers, le
"médecin responsable" ou la commission de la santé et de la
sécurité du travail, puisse même songer à être
en mesure un jour d'établir un programme de santé égal, et
encore moins supérieur, à celui qui existe
déjà.
Le nouveau régime pourrait avoir comme résultat pratique
d'amener des entreprises qui, comme Bell Canada, peuvent maintenir un programme
de santé à un coût per capita très supérieur
aux prévisions du gouvernement telles qu'elles apparaissaient au livre
blanc, à réduire considérablement la qualité des
services qui sont offerts présentement, ou pis encore, à faire
table rase du jour au lendemain de nombreuses années d'expérience
et de millions de dollars consacrés à ces fins, si les
représentants syndicaux au sein du comité paritaire (au moment de
la consultation), ou la Commission (au moment de l'élaboration des
normes minimales), ou le "médecin responsable" (au moment de la
rédaction du programme de santé), décident que les
priorités de cette catégorie d'entreprise ne sont pas les
leurs.
Bell Canada se demande donc comment l'on a pu faire abstraction de ces
faits quand la décision de soumettre toutes les entreprises à
cette partie de la loi a été prise. Elle ne croit pas qu'il
faille nécessairement faire intervenir le réseau public de
santé dans les entreprises surtout lorsque se trouvent, au sein
même de ces entreprises, des services de santé
adéquats.
Il est donc recommandé: 13. Que la législation à
venir sur la santé et la sécurité au travail continue de
permettre aux entreprises qui le désirent, d'offrir elles-mêmes
des services de santé au travail tout en leur laissant la
possibilité d'opter pour le réseau public de santé pour
ces services.
Le nouveau régime proposé donne à l'employeur un
rôle de consultant, au même titre que le comité de
santé et de sécurité, lorsqu'il s'agira, pour le
médecin responsable, d'élaborer le programme de santé
spécifique à son établissement.
Bell Canada prétend, pour sa part, que le programme de
santé d'une entreprise doit nécessairement être
élaboré par l'employeur puisqu'un tel programme constitue, entre
autres choses, un outil de gestion essentiel et grâce auquel l'employeur
peut remplir son obligation qui est d'organiser sa force ouvrière de
manière optimale, compte tenu des aptitudes de chacun. Comme elle l'a
déjà affirmé, elle croit cependant qu'il est normal que
les employés participent au processus d'élaboration de ce
programme de santé. Elle recommande donc: 14. Que l'employeur soit
responsable de l'élaboration du programme de santé
spécifique à l'établissement. 15. Que le comité de
santé et de sécurité au travail ait le pouvoir de faire
des recommandations auprès de l'entreprise à ce sujet,
recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un
délai raisonnable et par écrit.
Le législateur, de l'avis de Bell Canada, fait encore erreur
lorsqu'il se propose de confier l'application de ce programme de santé
à un service de santé qui ne serait plus placé sous la
responsabilité financière et administrative de l'employeur.
Or, dans la mesure où il faut admettre que ce programme de
santé constitue un outil de gestion légitime et fondamental, il
s'ensuit logiquement que l'employeur puisse au moins l'administrer, quitte,
évidemment, à en défrayer les coûts
d'opération. C'est pourquoi, il est recommandé: 16. Que le
service de santé au travail continue d'être sous la
responsabilité financière et administrative directe de
l'employeur. 17. Subsidiairement, si l'on désire encore soustraire ce
service à l'autorité de l'employeur, que les travailleurs, ou
leur syndicat, participent aux coûts, au même titre que
l'employeur.
Compte tenu de la recommandation principale qui précède,
l'on comprendra que Bell Canada s'objecte fermement à ce qu'un tiers
puisse s'occuper de gestion interne en appliquant le programme de santé
de l'employeur.
De plus, elle met en doute l'efficacité du concept de
"médecin responsable des services de santé dans
l'établissement" choisi par le comité de santé et de
sécurité. Le médecin d'entreprise, membre d'un Ordre
professionnel vis-à-vis duquel il doit prouver sa compétence,
voit son efficacité mesurée par l'employeur par son aptitude
à améliorer l'état de santé général
des employés, ne serait-ce que parce que l'employeur y trouve son
intérêt. Le "médecin responsable", dont fait état le
projet de loi, risque fort, étant donné la double origine de son
mandat, de proposer des compromis. En conséquence, il est
recommandé: 18. Que le service de santé au travail continue
d'être confié au médecin d'entreprise.
Enfin, Bell Canada souscrit au principe du droit d'accès, pour le
travailleur, à son dossier médical, tel que le prévoit
l'article 99. Cependant, comme plusieurs entreprises ont, à l'heure
actuelle, des dossiers médicaux dressés selon des
procédures différentes et contenant d'autres
éléments que des données d'ordre strictement clinique, il
serait souhaitable que le concept de "dossier médical" soit
précisé pour refléter uniquement des données
objectives, de sorte que l'employé n'aurait droit d'accès
qu'à cette partie du dossier qui contient des données d'ordre
clinique.
8.
Les infractions
Le chapitre XIV du projet de loi qui traite des infractions,
apparaît à Bell Canada extrêmement sévère pour
les employeurs.
Ainsi en est-il de cette disposition qui rendrait l'employeur
responsable de l'infraction commise par un travailleur à son emploi, si
cet employeur ne peut établir que cette infraction a été
commise à son insu, sans son consentement et malgré les
dispositions prises pour prévenir sa commission (article 201).
Que l'employeur soit pénalisé pour ne s'être pas
plié à une obligation qui lui est imposée par la loi,
d'accord. Mais qu'il puisse être appelé à payer pour des
infractions à des dispositions qui ne le concernent même pas, lui
semble injuste et, par conséquent, inacceptable. Bell Canada recommande
donc: 19. Que l'article 201 du projet de loi soit supprimé.
9.
Les pouvoirs de
réglementation
Bell Canada note avec beaucoup d'inquiétude que l'on se propose
encore une fois de laisser au gouvernement et à un organisme qui n'est
ni redevable ni responsable devant le peuple québécois, le soin
de préciser par règlement plusieurs aspects, souvent essentiels,
de la législation à venir au sujet de la santé et de la
sécurité au travail.
Bell Canada s'objecte fortement à cette façon de
procéder, surtout lorsqu'elle peut avoir pour effet de soustraire au
libre jeu de la démocratie, l'élaboration de certaines
règles fondamentales.
Elle recommande: 20. Que tous les règlements initiaux soient
déposés devant l'Assemblée nationale avant l'adoption du
projet de loi.
10. Conclusion
En conclusion, il apparaît évident que le
législateur, désirant établir un programme minimum de
santé et de sécurité au travail dans tous les
établissements au Québec, impose dans son projet de loi de
nombreuses contraintes qui pénaliseront les entreprises qui avaient
déjà manifesté, dans ce domaine, une attitude responsable,
de même que leurs employés.
Il semble que l'on soit encore en présence d'un processus de
nivellement par la base. De plus, le projet de loi donne aux syndicats des
pouvoirs extraordinaires sans qu'il soit démontré qu'en
résulteront de meilleures conditions de travail pour l'ensemble des
travailleurs. Enfin, la loi ne détermine pas toutes les règles du
jeu importantes de manière à ce que la réglementation
revienne à son rôle véritable qui consiste à
préciser les mesures pratiques de mise en opération des principes
préalablement énoncés par la loi.
ANNEXE 1
LISTE DES PRINCIPALES ACTIVITES DU SERVICE MEDICAL ET
DU GROUPE DE LA PREVENTION DES ACCIDENTS DE BELL CANADA
Principales activités du service médical
de Bell Canada
Les services mis à la disposition du personnel, des cadres ou du
service des avantages sociaux de la compagnie sont multiples. a)Aux
employés, nous offrons un service d'examens médicaux
périodiques annuels, l'accessibilité aux médecins ou aux
infirmières de la compagnie pour malaises, maladies mineures,
traitements de blessures au travail, immunisations prophylactiques, etc. b)Aux
cadres, nous offrons une assistance médicale lorsqu'il s'agit
d'embaucher un nouvel employé, d'effectuer des mutations, de
déléguer du personnel à l'étranger,
d'évaluer la santé des employés qui ont des
problèmes (rendement, comportement) au travail. c)Au service des
avantages sociaux, nous offrons une assistance médicale lorsqu'il s'agit
de contrôle des absences, de cas de pension, d'incapacité, de
mutation d'employés. d)Finalement, nous surveillons, au moyen de
données statistiques épidémiologiques, les diverses
maladies, blessures, état contagieux, qui se développent chez les
employés et indiquons les moyens que la direction doit prendre pour
remédier aux situations anormales.
Pour rejoindre une vaste population répartie sur un très
vaste territoire, nous avons des centres médicaux dans les villes
suivantes: Montréal, Québec, Sherbrooke et Hull. Des
infirmières visiteuses assurent la présence du service
médical de la compagnie dans les endroits suivants: Alma, Chicoutimi,
Drummondville, Granby, Joliette, La Malbaie, Rivière-du-Loup, Sorel,
Ste-Agathe, St-Félicien, St-Hyacinthe, St-Jean, St-Jérôme,
Thetford Mines, Trois-Rivières, Valleyfield et Victoriaville.
Tout travail effectué au service médical est
codifié et fait l'objet de statistiques couvrant le type de service
rendu, le diagnostic, l'absence, s'il y a lieu. Également, tout
employé qui s'absente pour raison médicale, ou suite à une
blessure subie lors d'un accident (au travail ou autre) est l'objet de
statistiques, qui sont réunies et publiées annuellement:
Absences-maladie Morbidité des différentes maladies qui
frappent les employés Blessures Accidents au travail
En conclusion, l'on peut regrouper les soins dispensés par le
service médical dans les rubriques suivantes: Examens de
préaffectation Examens médicaux périodiques:
évaluation (par une infirmière) examens (par un médecin)
consultations (par un médecin) Examens médicaux divers:
exigé par l'emploi demandé par le Comité des Avantages
sociaux avant le retour au travail demandé par le supérieur
immédiat cas spéciaux Hygiène préventive:
entrevues planifiées problèmes de santé particuliers
Blessures: au travail en dehors des heures de travail
Maladie Analyses et examens: laboratoire dépistage
du cancer acuité visuelle acuité-tonométrie tuberculose
rayons X divers ECG Divers: immunisations injections diverses
physiothérapie rencontres de groupe
Principales activités du groupe de la
prévention des accidents de Bell Canada
Information
Nos moyens de renseigner les différents services de la compagnie
sont: les pratiques; les circulaires générales;
les conseils de prudence; les bulletins flash; les
séminaires sur la sécurité; les programmes cadres;
les rapports hebdomadaires et mensuels; les affiches et les
campagnes de sensibilisation; la publicité dans le Journal
Bell
Communications
Pour ce qui est des relations avec les groupes
énumérés dans "Communications", le groupe de la
Prévention participe à leurs recherches et assiste à des
réunions sur la prévention des accidents. Les différents
services concernés sont alors avisés afin qu'ils
établissent de nouvelles pratiques et qu'ils informent les cadres et
employés des nouvelles façons de procéder.
Demeure en contact avec les divers ministères.
Analyse les nouveaux projets de loi concernant la sécurité
et l'hygiène industrielles.
Met sur pied les programmes et les plans d'action pertinents.
Analyse les accidents survenus à des personnes et en fait un
rapport détaillé au gouvernement concerné.
Conçoit, établit et distribue le programme cadre.
Conçoit, établit et distribue le programme
d'affichage.
Communique avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne
les règlements de la Section IV du Code Canadien du Travail du
Canada.
Communique avec le gouvernement du Québec en ce qui concerne les
règlements du Code de sécurité pour les travaux de
construction, les lois des accidents du travail, les lois et ordonnances des
transports etc.
Etudie les différentes brochures sur la sécurité
publiées par les organismes gouvernementaux (achat et distribution aux
services concernés) et prend les mesures qui s'imposent.
Fournit l'assistance pour régler les problèmes que
pourrait poser la réglementation relative à certaines directives
émanant du gouvernement ou de l'ACNOR.
Visite les différents organismes qui s'occupent de
sécurité (protection contre les incendies, sécurité
routière, vêtements de sécurité, etc.)
Participe aux congrès, colloques, séminaires de
différents organismes qui s'occupent de sécurité et
d'hygiène industrielles.
Techniques
Les relations du groupe de la Prévention des accidents de Bell
Canada avec les gouvernements consistent à étudier les lois
relatives aux outils, équipements, appareillages, méthodes de
travail pour voir si nos activités sont en cause. Dans l'affirmative, le
service de l'Ingénierie est invité à concevoir un autre
produit ou à modifier le produit existant pour satisfaire aux normes de
la loi.
Le processus est ensuite suivi jusqu'à ce que la nouvelle
information soit inscrite dans les pratiques. Ces mêmes informations sont
communiquées au groupe de la Prévention de l'Ontario ainsi
qu'à l'Administration centrale.
Membre du comité chargé de standardisation des outils,
matériaux, équipements et des méthodes relatives à
la sécurité.
Participe à l'examen des nouveaux produits et, s'ils sont
acceptables, les recommande au service de l'Ingénierie et aux
différents groupes régionaux.
Propose et prépare les changements au programme de
prévention des accidents. En relation avec la Région de l'Ontario
et l'Administration centrale, étude des changements, préparation,
impression et distribution de l'information à tous les détenteurs
de nouveau livret P.P.A.
Révise et modifie les méthodes de travail et s'assure que
toutes celles qui traitent de sécurité soient canalisées
vers les groupes concernés.
Conçoit et met au point des aides didactiques audio-visuelles,
participe à la production de nouveaux films et avise les
différents services de la disponibilité de ces aides.
Conçoit, rédige et distribue les documents contenant les
normes, politiques et règlements sur la protection des yeux, les
ceintures de sécurité, les chaussures de sécurité,
la protection des employés, etc.
Responsable du choix de l'équipement de protection individuelle
tel que les lunettes et les casques.
Formation
Donne des cours de secourisme (en 1978 3180 participants).
Tient un dossier de tous les employés qui ont suivi le cours de
premiers soins, émet des certificats de participation et fait un rapport
à l'Administration centrale sur tous ceux qui ont suivi le cours.
Fait les recommandations nécessaires lors des accidents de
véhicules et de blessures au travail.
Participe aux enquêtes et offre l'assistance technique
nécessaire.
Evalue le programme de prévention des accidents.
Aide la direction à découvrir et corriger les situations
ou les pratiques dangereuses.
Donne la formation sur l'administration du programme de
prévention des accidents.
Agit comme personne ressource dans l'élaboration des cours
techniques et de direction.
Participe à l'implantation des méthodes d'observation de
conducteurs de véhicules.
Forme les nouveaux instructeurs pour les cours de premiers soins.
Inspection et contrôle
Visite et inspecte les lieux de travail et fait rapport au directeur
concerné. Veille à la mise en pratique du programme de
prévention des accidents. Observe les employés au travail pour
s'assurer que les normes et directives en sécurité sont
respectées.
Contrôle l'application des normes et règlements de
sécurité. Evalue la gestion en prévention.
Affiliations
Société Canadienne des techniques en
sécurité
Conseil Canadien de la sécurité
National Safety Council
Association de l'Hygiène Industrielle du Québec
Ligue de sécurité du Québec
Canadian Standards Association Sectional Committee and Working
Committees
Centre spécial de l'Ambulance St-Jean
ANNEXE 2
Liste des recommandations 1. Que la sous-section 2 de la section
1 du chapitre III du projet de loi ne s'applique pas aux travailleurs
employés dans les "services publics", suivant la définition
donnée à ces mots par le paragraphe n) de l'article 1 du Code du
travail (S.R. 1964, c. 141). 2. Que l'article II soit modifié en
ajoutant après le mot "danger", les mots "immédiat et grave". 3.
Que l'on ajoute à l'article 22 du projet de loi les alinéas
suivants: "Cependant, si l'inspecteur permet au travailleur de maintenir son
refus d'exécuter le travail, l'employeur peut, malgré l'article
23, demander par écrit à la Commission de déclarer
immédiatement qu'elle est d'avis que, dans l'état actuel des
recherches scientifiques, il est impossible de
déterminer dans un bref délai si le danger ou le risque
appréhendé par le travailleur existe ou non. La commission
examine cette demande d'urgence et avise par écrit toutes les parties
intéressées de sa décision sans délai, après
les avoir entendues sommairement et sans formalité.
Si la Commission se rend à cette demande, le travailleur doit
reprendre le travail immédiatement, malgré les dispositions de
l'article 26." 4. Que l'article 191 du projet de loi soit supprimé. 5.
Que le médecin de l'employeur ait la possibilité d'approuver le
certificat médical que lui soumet la travailleuse enceinte pour les fins
de l'article 32. 6. Que l'article 35 soit reformulé de manière
à ce que la Commission puisse recouvrer les montants versés
à titre de paiements temporaires, si elle en vient à la
conclusion que la demande ne doit pas être accordée. 7. Que la loi
et les règlements adoptés en vertu de celle-ci soient
suffisamment clairs pour que le mot "établissement" employé
à l'article 56, ait le sens précis d'entreprise." 8. Que les
modalités de désignation des travailleurs au sein du
comité de santé et de sécurité soient inscrites
dans la loi et que le législateur s'inspire des mécanismes
prévus pour la composition du comité de francisation dans la
Charte de la langue française. 9. Que le comité paritaire ait,
à l'égard du choix des équipements et moyens de protection
individuels, ainsi qu'à l'égard du programme de formation et
d'information en matière de santé et de sécurité,
de même qu'en ce qui concerne le choix du médecin responsable des
services de santé de l'établissement, le pouvoir de faire des
recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre dans un
délai raisonnable et par écrit. 10. Que le paiement des
coûts afférents aux moyens et équipements de protection
individuels propres à l'établissement, continue d'être
l'objet de négociations entre l'employeur et le (s) syndicat (s)
représentant les employés, par lesquelles Bell Canada assume une
responsabilité financière pour ces équipements tout en
laissant le choix d'équipements individuels à l'employé.
11. Que, si l'on entend encore confier au comité paritaire un pouvoir
décisionnel en quelque domaine que ce soit, les travailleurs ou leur
syndicat participent au même titre que l'employeur aux coûts y
afférents et à toutes les responsabilités en
découlant. 12. Que l'on abandonne le concept de "représentant
à la prévention" tel que décrit dans les articles 67
à 72 inclusivement. 13. Que la législation à venir sur la
santé et la sécurité au travail continue de permettre aux
entreprises qui le désirent, d'offrir elles-mêmes des services de
santé au travail tout en leur laissant la possibilité d'opter
pour le réseau public de santé pour ces services. 14. Que
l'employeur soit responsable de l'élaboration du programme de
santé spécifique à l'établissement. 15. Que le
comité de santé et de sécurité au travail ait le
pouvoir de faire des recommandations auprès de l'entreprise à ce
sujet, recommandations auxquelles l'entreprise serait tenue de répondre
dans un délai raisonnable et par écrit. 16. Que le service de
santé au travail continue d'être sous la responsabilité
financière et administrative directe de l'employeur. 17.
Subsidiairement, si l'on désire encore soustraire ce service à
l'autorité de l'employeur, que les travailleurs, ou leur syndicat,
participent aux coûts, au même titre que l'employeur. 18. Que le
service de santé au travail continue d'être confié au
médecin d'entreprise. 19. Que l'article 201 du projet de loi soit
supprimé. 20. Que tous les règlements initiaux soient
déposés devant l'Assemblée nationale avant l'adoption du
projet de loi.
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Référer à la version PDF page B-9481
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ANNEXE F
Projet de loi no 17 Loi sur la santé et la
sécurité du travail
Mémoire soumis par la
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Ltée
à la commission parlementaire du Travail et de
la Main-d'Oeuvre
Août 1979 INTRODUCTION
Nous désirons affirmer notre plein accord avec l'objectif ultime
que poursuit le gouvernement, à savoir l'élimination des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
C'est à coup d'efforts soutenus que la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée oeuvre, depuis de
nombreuses années, à la réduction du nombre d'accidents de
travail ou des risques de maladies industrielles. Des budgets substantiels ont
été alloués chaque année à
l'élimination des situations dangereuses et à
l'amélioration des conditions de travail. De plus, notre
société a entrepris des études, en collaboration avec des
entreprises spécialisées, universités, agences
gouvernementales et autres, dans le même but.
Afin d'assurer tous nos employés de l'appui de la haute direction
à ces objectifs et à ces efforts, le président de notre
société a émis, le 27 octobre 1975, une politique sur la
santé et la sécurité; elle a été
distribuée à tous les employés, et elle est largement
affichée dans nos usines et établissements (voir annexe "A").
D'accord avec les objectifs de la réforme, nous le sommes aussi
avec l'approche retenue, soit la participation des travailleurs et des
employeurs. Dans nos établissements, les contremaîtres
réunissent régulièrement les employés de leur
équipe pour discuter de sécurité; des "comités de
sécurité, propreté et hygiène" existent et
fonctionnent dans chaque service; des informations sont transmises aux
syndicats d'employés sur nos programmes d'amélioration en
matière de santé-environnement, sur des études sur la
qualité du milieu de travail, sur les statistiques que nous compilons
relativement à la santé de nos employés, le tout
étant déjà inscrit à la convention collective de
travail.
C'est pourquoi les vues du gouvernement nous paraissent réalistes
lorsqu'il déclarait, à la page 195 de son livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail: "II semble inutile et
contraire à l'orientation fondamentale du nouveau régime
d'imposer toutes les formes que devrait prendre cette coopération."
La lecture des chapitres suivants du livre blanc et par la suite du
projet de loi no 17 nous a cependant laissé perplexes; nous n'y
retrouvons pas la latitude que l'on semblait vouloir laisser au milieu du
travail "de juger des mécanismes appropriés, compte tenu des
expériences déjà entreprises" (p. 195).
Nous sommes plutôt en face d'un projet de loi qui impose un
régime rigide et qui tient peu compte de l'expérience acquise et
des mécanismes déjà éprouvés.
Nous désirons aussi souligner que le peu de temps laissé
aux intéressés pour analyser à fond un tel document nous
semble peu conforme à l'importance de ce projet de loi.
Les vues qui sont exposées dans ce mémoire ne constituent
donc qu'une première analyse du projet de loi, analyse que nous comptons
approfondir au cours des semaines qui viennent.
Finalement, nous désirons souligner que notre mémoire a
été préparé en fonction de la situation propre
à la Société d'électrolyse et de chimie Alcan
Ltée, un des principaux employeurs au Québec.
1. Les obligations de l'employeur
L'article 40 du projet de loi se lit comme suit: "40. L'employeur doit
prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et
assurer l'intégrité physique du travailleur. (...)"
Suivent 15 sous-paragraphes qui énoncent certaines obligations
spécifiques qui incombent à l'employeur.
Par ailleurs, l'article 47 est formulé de la façon
suivante: "47. L'employeur doit faire en sorte qu'un programme de
prévention propre à chaque établissement sur lequel il a
autorité soit mis en application, compte tenu des responsabilités
du comité de santé et de sécurité, s'il y en a
un."
L'article suivant mentionne six éléments que doit contenir
ce programme de prévention, compte tenu du programme de santé
prévu à l'article 93 et de tout élément prescrit
par règlement.
Ceci nous amène à poser la question suivante: comment
l'employeur, qui conserve la responsabilité morale, juridique et
financière de la santé et de la sécurité au
travail, pourra-t-il assumer pleinement cette responsabilité quand on
lui en aura effectivement enlevé les moyens?
En effet, l'employeur devra assurer l'existence d'un programme de
prévention, dont le contenu sera décidé au mieux par une
autorité parallèle, le comité paritaire, sinon par une
autorité extérieure, la commission de la santé et de la
sécurité au travail.
L'employeur devra s'assurer que les travailleurs seront informés
des dangers de leurs tâches et des moyens à prendre pour les
éviter ou les écarter, mais à l'aide de programmes
d'information qui ne relèveront plus de sa compétence.
L'employeur devra s'assurer que les travailleurs
bénéficient de services de santé préventifs et de
services de premiers secours, mais qui seront aussi décidés par
une autorité parallèle ou externe et dispensés par un
personnel dont la nature et la quantité lui seront aussi imposées
de l'extérieur.
Comment peut-on vraiment le tenir responsable de ces programmes et
services puisqu'il n'aura pas décidé de leur teneur et qu'il
n'aura pas non plus d'autorité sur bon nombre de ceux qui auront pris
les décisions, pour lesquelles par ailleurs ces derniers ne sont pas
responsables.
2.
Le comité de santé et de
sécurité
L'article 56 du projet de loi prévoit la formation de
comités (paritaires) de santé et de sécurité et
l'article 63 en précise les fonctions.
Nous allons examiner quelques-unes de ces fonctions en regard de ce qui
existe aujourd'hui dans nos usines, pour illustrer l'affirmation que nous
faisions précédemment à l'effet que la réforme
proposée devrait assurer la meilleure utilisation des ressources et
mécanismes déjà à l'oeuvre.
Les deux premières fonctions du comité seraient de choisir
les moyens et équipements de protection individuelle et d'établir
les programmes de formation et d'information en matière de santé
et de sécurité (art. 63, par. 1° et 2°).
L'annexe "B" jointe aux présentes relate sommairement le
cheminement suivi lors de la mise en marche d'un programme de lutte contre le
bruit au Centre de coulée Arvida.
Nous croyons fermement que l'existence du comité de santé
et de sécurité prévu au projet de loi n'aurait rien
ajouté au processus suivi, en termes de participation des travailleurs,
d'acceptation des moyens de protection, et surtout de protection de
l'intégrité physique des travailleurs.
Une autre fonction du comité prévu est "de faire des
recommandations à l'employeur concernant les mesures de surveillance et
d'entretien préventif et les normes d'hygiène et de
sécurité spécifiques à l'établissement",
(art. 63, par. 7°)
La convention collective de travail signée en 1976 avec la
Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. et
présentement en voie de renouvellement, prévoit la formation de
"comités de sécurité, propreté et hygiène"
au niveau de chaque surintendant. Il y en a donc une trentaine en existence
dans notre seul complexe de Jonquière.
Un des éléments du mandat de ces comités est de
"procéder à des tournées d'inspection des lieux de travail
du département concerné et faire des recommandations sur la
sécurité, l'hygiène et la propreté". (C.C.T., art.
14.6 par. b)
La participation des travailleurs et l'efficacité de la
surveillance des lieux de travail sont, selon nous, beaucoup mieux
assurées par ces comités qui oeuvrent dans une partie restreinte
de l'usine qu'elles ne le seraient par un comité central. Les cadres et
les représentants des employés qui sont membres de ces
comités connaissent les lieux et les procédés; ils sont
d'autant plus en mesure de percevoir les risques et de proposer des solutions
efficaces et réalistes.
Une autre fonction du comité prévu au projet de loi est
"de recevoir copie des avis d'accidents et d'enquêtes sur les
événements qui ont causé ou qui auraient été
susceptibles de causer un accident de travail ou une maladie professionnelle et
soumettre les recommandations appropriées à l'employeur ou
à la commission", (art. 63, par.
8°)
Le mandat des comités prescrits par notre convention collective
stipule qu'ils doivent "participer aux enquêtes relatives aux accidents
avec pertes de temps et quasi-accidents et faire des recommandations
appropriées". (C.C.T., art. 14.6, par. c)
Par ailleurs, un autre article de la convention collective de travail
traitant des "comités de sécurité, propreté et
hygiène" établit un mécanisme par lequel un membre d'un
tel comité, qu'il soit cadre ou représentant des employés,
peut soumettre de nouveau, à un niveau supérieur de
l'organisation, une recommandation à laquelle il juge ne pas avoir
obtenu une réponse satisfaisante.
La mise sur pied du comité de santé et de
sécurité prévu au projet de loi ne nous paraît donc
pas nécessaire; nous devrions dire ne nous paraît plus
nécessaire dans nos établissements. Un tel comité ne
ferait qu'ajouter une super-structure à une organisation dont
l'efficacité progresse continuellement et qui procure aux travailleurs
une meilleure possibilité de participation: un plus grand nombre d'entre
eux participent à ces comités, qui sont en fait établis au
niveau où chacun a le plus d'intérêt, soit le secteur de
l'usine où il travaille. De plus, les contremaîtres tiennent des
réunions mensuelles avec leurs employés pour discuter de
questions de sécurité au travail.
Nous traiterons plus loin du choix, par le comité, du
médecin responsable des services de santé dans
l'établissement (art. 63, par. 5).
Quant au paragraphe 12 de l'article 63, qui donne comme fonction au
comité de santé et de sécurité "de tenir des
registres des accidents du travail, des maladies professionnelles et des
événements qui auraient pu en causer".
Nous n'en voyons pas la nécessité.
Nous ne croyons pas qu'il soit justifié de modifier un
système de dossiers lorsqu'il existe déjà et qu'il est
aussi bien tenu que tout autre système de dossiers de l'entreprise. Il y
aurait là un dédoublement aussi inutile que coûteux.
3.
Le représentant à la
prévention
L'article 67 du projet de loi prévoit la nomination d'une ou de
plusieurs personnes pour exercer la fonction de représentant à la
prévention.
Les nombreux comités de sécurité dont nous avons
traité ci-dessus ont, à toutes fins utiles, les mêmes
fonctions que celles que le législateur propose pour le
représentant à la prévention. De plus, un des
représentants des employés à ces comités doit
être, selon les termes de notre convention collective, un "officier
supérieur du Syndicat" et la fonction d'assistance aux travailleurs dans
l'exercice de leurs droits fait déjà partie des attributions de
cet officier.
Nous croyons que la nomination d'un représentant à la
prévention, pour l'ensemble de l'usine ou dans chaque service,
n'accroîtrait pas la participation des employés et
n'améliorerait pas la surveillance des lieux de travail et la
qualité des enquêtes à la suite d'accidents ou d'incidents
qui auraient pu en causer. Présentement, plusieurs travailleurs
participent dans chaque service à ces activités et le fait de
nommer un d'entre eux comporte plus de risques de laisser-aller chez les autres
que de chances d'amélioration du processus.
Le projet de loi, s'il retient ce concept d'un représentant
à la prévention, devrait n'imposer sa nomination qu'en l'absence
de structures ou de mécanismes équivalents. Il y a lieu, selon
nous, de permettre la poursuite des expériences entreprises qui visent,
et même dépassent dans plusieurs cas, les objectifs du projet de
loi.
4.
Les programmes de santé
Le chapitre VIII du projet de loi traite, entre autres, des programmes
de santé, programmes cadres et programmes spécifiques.
Notre société possède des établissements
dans plusieurs régions du Québec qui seraient sous la juridiction
de cinq ou six départements de santé communautaire
différents. Nous avons de plus des établissements à
l'extérieur du Québec.
Le programme de santé de toutes nos usines est établi sous
l'autorité du directeur de la médecine occupationnelle et
médecin en chef de la société, en collaboration avec le ou
les médecins de chaque établissement. Ces médecins
participent aux travaux d'organismes internationaux tels que le Comité
de Santé de l'Aluminum Association (U.S.A.) et de l'International
Primary Aluminum Institute, et bénéficient de l'expérience
acquise à travers le monde entier.
Le régime que propose le projet de loi nous semble difficilement
conciliable avec les besoins d'une entreprise aux multiples
établissements comme la nôtre. L'intervention de cinq ou six
D.S.C. et d'autant de comités paritaires rendra sans doute très
difficile la coordination de la révision de notre programme, de sa
réalisation et du suivi nécessaire à son
succès.
Encore là, nous croyons que le projet de loi devrait
reconnaître la complexité des grandes entreprises, de même
que leur mode de gestion.
5.
Le médecin responsable
Le projet de loi prévoit que les services de santé d'un
établissement seront assumés par un médecin responsable,
qui ne sera plus sous la juridiction de l'employeur et qui sera nommé
par le comité paritaire ou par la Commission de la santé et de la
sécurité au travail.
Les seuls arguments entendus jusqu'ici pour justifier ces changements
majeurs sont les suivants:
La crédibilité des médecins d'entreprise est
sérieusement mise en doute; Les médecins d'entreprise sont en
conflit d'intérêt.
La crédibilité des médecins
d'entreprise
Que le médecin d'entreprise ne soit pas toujours des plus
populaires auprès des employés se comprend assez facilement.
Quand, par exemple, dans des usines comme les nôtres à
Jonquière, notre régime d'indemnités-maladie paie aux
employés près de 75 000 jours d'absence dans une année, il
se produit inévitablement des cas où le médecin
d'entreprise doit réprimer des abus quant à la durée de
certaines absences-maladie. En faisant ici allusion aux absences-maladies
prolongées de façon indue, nous ne soulevons pas des
hypothèses fantaisistes.
Par ailleurs, au cours de l'année 1978, nous avons
enregistré 26 967 visites d'employés au centre médical de
notre complexe de Jonquière. Plus de la moitié de ces visites ne
requéraient que l'attention de l'infirmier de service, mais 11 799
étaient des consultations auprès d'un des médecins de
l'entreprise. De ce nombre, 7 860 visites, soit 66,6%, furent des consultations
d'employés qui se présentaient au médecin à titre
personnel et non en raison de problèmes de médecine
industrielle.
Comment peut-on prétendre que ces médecins n'ont pas bonne
réputation auprès des employés lorsque ceux-ci
n'hésitent pas, on le voit, à les consulter dans une relation
normale et volontaire de patient-médecin. D'autant plus qu'à
l'occasion de ces consultations personnelles, et davantage encore lors des
examens médicaux périodiques offerts aux employés, nos
médecins font énormément de dépistage de maladies
ou de malaises non reliés au travail de l'employé. Cela permet
souvent à celui-ci de se faire traiter à un moment où le
problème décelé n'a pas encore pris des proportions
importantes ou irréversibles. Dépistage du diabète, de
maladies coronariennes, de taux de cholestérol élevés,
prévention et traitement de toxicomanie ne sont que quelques exemples
parmi les plus fréquents des services rendus par nos médecins aux
employés et que ces derniers apprécient à leur juste
valeur.
Le conflit d'intérêt des médecins
d'entreprise
À notre avis, il est infiniment injuste de mettre en doute
globalement l'honnêteté professionnelle d'un groupe de
médecins du simple fait qu'ils sont à l'emploi d'une entreprise,
dusse-t-on avoir quelques exemples isolés à l'appui d'une telle
accusation.
La solution réside dans la mise en place de mécanismes
appropriés pour traiter de ces exceptions et non dans un anathème
prononcé contre un groupe de professionnels que la très vaste
majorité d'entre eux ne méritent pas.
Quant au régime décrit dans le projet de loi, il
prévoit le choix du médecin responsable par le comité
paritaire de l'entreprise. Le médecin nommé ne le sera que pour
un maximum de quatre ans et il demeure récusable en tout temps et cela,
à la demande de n'importe quel employé. Si l'on ne crée
pas ainsi pour le médecin responsable une situation de conflit
d'intérêt, on le place à tout le moins dans une situation
d'insécurité et de pressions encore plus difficile à
soutenir. On va ainsi à l'encontre du but visé, tout en
révélant davantage le peu de sérieux des arguments
avancés à l'appui de ce changement.
La formation du médecin d'entreprise
Le médecin d'entreprise, particulièrement dans les grandes
entreprises et précisément parce qu'il est à l'emploi
d'une telle société, a sans doute plus que tout autre l'occasion
non seulement de maintenir, mais aussi d'accroître ses connaissances et
d'améliorer sa compétence. Le fait qu'une société
comme la nôtre ait à son service 9 médecins à plein
temps, 5 médecins et quelques spécialistes à temps partiel
procure à ces professionnels de la santé, d'une part, l'occasion
de se rencontrer fréquemment et, d'autre part, la possibilité de
partager leurs expériences avec leurs collègues d'entreprises
similaires non seulement au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde.
Formation spécialisée, discussions au sein d'associations
professionnelles et industrielles canadiennes et internationales, colloques,
séminaires ne sont pas des exceptions.
Qu'une collaboration plus étroite s'établisse entre les
médecins d'entreprise et ceux des C.H. D.S.C. est possible,
souhaitable même et cela est d'ailleurs commencé depuis
l'institution des D.S.C. Ces derniers auront déjà fort à
faire pour assurer les services de santé dans les entreprises qui n'en
ont pas encore, de même que pour jouer leur rôle dans le domaine
épidémiologique par exemple. Il ne paraît donc pas
nécessaire, ni même utile de démembrer les services de
santé bien structurés qui existent dans plusieurs grandes
entreprises dont la nôtre.
L'intégration administrative et financière au D.S.C. des
médecins de notre entreprise restreindra d'ailleurs plus qu'elle ne
facilitera l'acquisition par ces derniers de nouvelles connaissances, propres
à l'industrie dans laquelle ils oeuvrent, spécialisation qui
n'est pas toujours transférable à d'autres types
d'industries.
6.
Les autres ressources
professionnelles
L'intégration au secteur public des infirmiers et
infirmières qui travaillent dans les usines ils sont une
vingtaine chez nous soulève des difficultés pratiques
importantes.
Comment se fera cette intégration, puisque les salaires,
conditions de travail et avantages sociaux de ces employés varient d'une
entreprise à l'autre?
Qu'arrivera-t-il aux services de santé dispensés dans une
entreprise en cas de conflit dans le secteur public? À l'inverse,
qu'arrivera-t-il aux infirmiers et infirmières attachés à
un établissement frappé d'une grève ou d'un lock-out?
Au centre médical de notre complexe de Jonquière, les
infirmiers se partagent différentes parties des examens médicaux
périodiques et occupationnels, à l'intérieur d'un
cheminement bien structuré et bien rodé. Ces infirmiers
effectuent certains tests et utilisent certaines techniques qui, malgré
la compétence d'un infirmier ou d'une infirmière, ne sont pas
enseignés dans les cours dispensés normalement à ces
professionnels. Nous avons fait en sorte que notre personnel acquière
les connaissances additionnelles requises. Il serait donc difficile à
des infirmiers et infirmières des centres
hospitaliers d'assurer à pied levé le remplacement d'un de
nos employés absent en raison de maladie, vacances ou autres causes.
Pour chacune de nos usines, nous pouvons compter sur les services de quelques
infirmières qualifiées qui ont déjà
travaillé chez nous et qui demeurent disponibles pour du travail
à temps partiel. Nous ne sommes pas du tout certains qu'un tel
système pourrait continuer à fonctionner dans le cadre des
unités d'accréditation concernées des centres
hospitaliers.
CONCLUSION
Nous croyons avoir démontré que, dans le cas de notre
entreprise, la participation des travailleurs est déjà une
réalité grâce à des structures et des
mécanismes qui dépassent déjà ceux prévus au
projet de loi. Les services de santé fonctionnent eux aussi de
façon efficace et offrent aux employés des avantages dont le
projet de loi les priverait.
Toute loi qui pourrait éventuellement être adoptée
devra tenir compte des entreprises où des mécanismes sont bien
structurés et fonctionnent de façon satisfaisante. Cela n'exclut
ni les possibilités d'amélioration, ni même la mise en
place de mécanismes de vérification et de contrôle. On
pourrait fort bien concevoir certains mécanismes d'exception,
après vérification si le gouvernement le désire, dans les
cas où les structures et services en place dans une entreprise sont,
à toutes fins utiles, équivalents à ou meilleurs que ceux
prévus au projet de loi.
De plus, le livre blanc rappelait les études qui ont
été faites à l'extérieur du Québec en vue de
sa rédaction. Nous nous permettons de signaler que des changements, tels
l'élimination des médecins d'entreprise et la création de
comités paritaires obligatoires à pouvoirs décisionnels,
n'ont pas été inclus dans des lois récemment
adoptées par d'autres gouvernements.
Des changements d'une telle importance ne doivent pas être
décrétés par simple souci d'innovation.
Notons en terminant que nous n'avons abordé que quelques-uns des
points du projet de loi qui soulèvent des inquiétudes. Nous
regrettons vivement que le gouvernement n'ait alloué que si peu de
temps, en plein milieu de la période des vacances, pour la
préparation et la soumission de commentaires sur un projet de loi aussi
volumineux et chargé de principes importants.
Notre silence sur les autres éléments du projet n'indique
pas nécessairement notre accord ou désaccord. Nous aurions
notamment voulu formuler des commentaires sur des sujets tels que le droit de
refus, les pouvoirs dévolus aux inspecteurs et plus
particulièrement le droit d'accès à tous les livres,
registres et dossiers de l'employeur, ainsi que les pouvoirs de
réglementation conférés à la commission en plus des
pouvoirs de modification de ces mêmes règlements sans consultation
ou préavis. Plusieurs articles du projet auraient
nécessité également des commentaires quant à leur
rédaction ou formulation.
Tout en souscrivant à l'objectif ultime du projet de loi, il
découle de ce qui précède que ce projet de loi devra,
à notre avis, subir de profondes modifications afin qu'il devienne un
outil valable dans la poursuite des buts visés sans faire table rase des
mécanismes éprouvés qui existent déjà.
(ANNEXE "A")
Société d'électrolyse et de chimie Alcan
Ltée Santé et la Sécurité
La politique de la Société en matière de
santé et de sécurité tient dans les trois points suivants:
1. La protection de la santé et la sécurité de tous les
employés sont une préoccupation majeure de tous les niveaux de la
direction. 2. Il incombe à la direction de s'assurer que les lieux de
travail sont salubres et exempts de dangers, d'effectuer continuellement des
études sur l'effet des conditions de travail sur la santé et la
sécurité et de prendre les mesures correctives
appropriées. Là où les dangers et les risques à la
santé ne peuvent être complètement écartés,
toutes les mesures- adéquates de protection devront être
disponibles et constamment utilisées. 3. Chacun d'entre nous est
responsable de sa propre santé et de sa propre sécurité et
accepte que le respect très strict des règlements portant sur la
santé et la sécurité soit une condition d'emploi.
Roger Phillips Président
(ANNEXE "B")
Lutte contre le bruit Centre de coulée
Arvida
Depuis 1977, le Centre de coulée Arvida poursuit un programme
sérieux de lutte contre le bruit et de sensibilisation des
employés au port de protecteurs auriculaires, dans les zones les plus
bruyantes.
Ce programme qui se poursuit depuis deux ans a d'abord
débuté par une étude des bruits par le groupe de
techniciens du service de l'environnement de Sécal. L'usine du Centre de
coulée Arvida a été divisée en plusieurs zones et
le bruit a été mesuré dans chacune de ces zones.
À partir de cette étude on s'est tout de suite
attelé à la tâche de réduire le bruit dans les zones
les plus touchées. Exemple: cabines insonorisées pour les
opérateurs de scies, adaptation de silencieux aux brûleurs
à l'huile des fours et des ventilateurs, etc.
Dans un deuxième temps, une équipe de trois hommes, (deux
contremaîtres et un employé à l'heure) a
élaboré un programme d'information et de sensibilisation; pendant
quelque trois mois, à l'aide de documents audiovisuels, graphiques,
etc., cette équipe a rencontré tous les employés par
groupe de cinq ou six et leur a fourni toute l'information pertinente au danger
du bruit et à la nécessité pour eux de se protéger
en portant un protecteur auriculaire adéquat là où on ne
peut pour le moment réduire le bruit par des moyens techniques ou
mécaniques.
Les employés, à cette occasion, ont eu le loisir de
choisir eux-mêmes les protecteurs qu'il préféraient. Cinq
ou six leur ont été proposés comme techniquement efficaces
et chaque employé pouvait les essayer. Chacun avait ainsi la
possibilité de décider de l'appareil auquel il pouvait le mieux
s'adapter, compte tenu de la nature de son travail et des conditions dans
lesquelles il l'exécute. Le choix des employés s'est finalement
arrêté sur deux des appareils proposés.
Par la suite, une période de deux mois dite d'adaptation a
été laissée aux employés pour leur permettre de
s'habituer au port de ces protecteurs.
Finalement, un règlement de sécurité
régissant le port des protecteurs a été
rédigé et approuvé et est en application depuis le 8
janvier 1979. Il est évident que le port du protecteur ne réduit
pas le bruit et n'est pas qu'une prothèse en attendant mieux. C'est
pourquoi la lutte au bruit se continue. Présentement un de nos
ingénieurs travaille à un projet de modification des souffleurs
des brûleurs des fours, qui sont une de nos plus grandes sources de
bruit, modification qui diminuerait sensiblement le niveau de bruit autour des
centres de coulée.
Compte rendu des délibérations des
commissions
L'édition des délibérations des commissions de
l'Assemblée nationale paraît environ (10) jours après
chaque séance.
Elle comprend les interventions dans la langue où elles ont
été faites devant la commission et, parfois, certains documents
annexés.
Un premier tirage limité est distribué aux
députés et aux correspondants parlementaires,
généralement une heure après le discours. Des copies sont
aussi disponibles au bureau du directeur pour les opinants.
Les députés peuvent soumettre à l'éditeur,
pour leurs propres interventions et dans les délais prévus, les
corrections absolument nécessaires pour des erreurs de fait ou des
fautes de forme. Le même privilège est réservé aux
opinants.
Pour plus de 25 exemplaires des Débats, la commande doit
être faite par écrit au bureau des Débats (74-A) au plus
tard le lendemain du discours.
Un index est préparé chaque jour pour être
publié à la fin de la session. On peut obtenir des informations
du service de l'index en appelant 643-2771.
L'abonnement au journal des Débats est de $8 par année et
l'index est disponible au coût de $2. Les chèques ou mandats-poste
doivent être faits à l'ordre du ministre des Finances et
envoyés au service des documents parlementaires.
Le directeur, Benoît Massicotte, Bureau 74-A,
Téléphone: 643-2890