To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Wednesday, January 15, 1975 - Vol. 16 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des problèmes de l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du travail,

de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Etude des problèmes de l'industrie de la construction

Séance du mercredi 15 janvier 1975

(Dix heures huit minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont les suivants: MM. Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Lachance (Mille-Iles), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Charron (Saint-Jacques), Bellemare (Rosemont), Cournoyer (Robert Baldwin), Déziel (Saint-François), Tremblay (Iberville), Pelletier (Kamouraska-Témiscouata), Car-pentier (Laviolette), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud).

La parole est au député de Maisonneuve..

M. Burns: Merci M. le Président. Alors, hier, quand on s'est quitté, M. Langlois, vous nous aviez parlé de la façon dont vous en étiez arrivés à certains chiffres. J'aimerais que vous nous disiez... Dans votre mémoire, à la page 4, on retrouve l'affirmation suivante: "L'absence complète de respect du décret et de la loi, la baisse de la productivité qui atteignait 50% avant même le début de la bataille de l'indexation".

Alors, là-dessus, j'aimerais bien que vous nous disiez comment vous êtes arrivés aux chiffres suivant lesquels la baisse de la productivité atteignait 50%, surtout à partir de quels chiffres calculez-vous cette baisse.

Association de la construction de Montréal et du Québec (suite)

M. Langlois: On est arrivé à dire 50% uniquement à partir de déclarations ou de contacts, de conversations faites avec les entrepreneurs depuis en fait deux ou trois ans, où il y a constamment des plaintes de baisse de productivité. Alors, avant même la bataille de l'indexation, lorsqu'on parlait à des entrepreneurs, en particulier à ceux qui travaillent sur les chantiers d'envergure, les gros chantiers, les chantiers industriels, ainsi de suite, non seulement à Montréal mais dans toute la province, les entrepreneurs évaluaient le taux de productivité à environ 50% de ce qu'il pouvait être, disons, il y a cinq ans ou quelque chose comme ça.

M. Burns: Est-ce que vous vous êtes penchés sur les raisons de cette baisse de productivité? Est-ce que vous avez été capables de mettre le doigt sur des causes précises?

M. Langlois: Je ne pense pas qu'il y ait une raison, c'est un ensemble de raisons, c'est un ensemble d'événements qui ont fait que c'est aujourd'hui une sorte de mentalité qui s'est établie.

Par contre, lorsque nous avons présenté notre mémoire à la commission Cliche, on a fait un exposé beaucoup plus exhaustif de tout ce problème, et on afait une liste de ce qui nous apparaissait comme des facteurs,"peut-être pas des explications directes, une série de facteurs dont l'action commune pouvait expliquer la baisse de productivité et l'ensemble des problèmes qu'on a.

M. Burns: Par exemple, est-ce que l'augmentation des normes de sécurité sur les chantiers a pu être un facteur? Ce que je veux dire, c'est que je pense — vous allez l'admettre avec moi, M. Langlois — que, depuis quelques années, je dirais depuis les cinq dernières années, il y a eu, du côté syndical, une campagne beaucoup plus sérieuse en faveur de la sécurité sur les chantiers. Je pense qu'il y a eu des normes de sécurité beaucoup plus rigides qui ont été imposées, par exemple, simplement dans la façon de monter les échafaudages et tout cela. Techniquement, je pense que vous vous y connaissez plus que moi là-dessus. Je sais qu'il y a eu des améliorations importantes qui ont été forcées à la suite des réclamations syndicales.

Est-ce que l'augmentation des normes de sécurité, justement, peut être un facteur, à votre avis? Je vous donne un exemple qui est bien simple: Si, à un certain moment, en temps normal, on arrivait sur le chantier et on prenait plus ou moins de soin à protéger le travailleur, c'est évident que le travail va commencer plus vite. Si, d'autre part, on prend la peine d'établir des normes de sécurité plus grandes, afin d'éviter que les travailleurs se blessent ou se tuent au travail, à ce moment, c'est possible que, si vous calculez durant le même temps de travail, vous allez arriver à une baisse de productivité. Mais cela, cela peut être une cause. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, si possible.

M. Langlois: Jamais on n'a prétendu que l'amélioration des normes de sécurité pouvait être une des causes de la baisse de la productivité. Ce n'était absolument pas dans notre mémoire à la commission Cliche. De fait, c'est le contraire. On a présenté à la commission Cliche le problème de la sécurité comme étant un problème, en lui-même, extrêmement sérieux, et qui méritait une étude approfondie. On est allé plus loin et, lorsque la question de la sécurité est devenue... a beaucoup fait parler d'elle, tout le monde s'est senti effectivement — il était temps — obligé d'y jeter un coup d'oeil très sérieux.

Chez nous, dans notre organisation, il y a eu, à ce moment, création d'un comité de sécurité formé d'entrepreneurs qui a commencé à chercher des solutions aux problèmes de sécurité et il y a eu, entre toutes les associations patronales, création d'une association de sécurité qui s'appelle l'ASIC, qui est l'Association de sécurité de l'industrie de la construction. Et cette dernière a demandé d'être subventionnée par la Commission des accidents du travail pour pouvoir fonctionner adéquatement et améliorer les normes de sécurité, faire de l'éducation auprès des entrepreneurs et les encourager à mettre l'accent là-dessus parce qu'on constate, comme vous, que c'était et que c'est toujours un problème très sérieux.

Malheureusement, la subvention a été refusée de telle sorte que l'association de sécurité est restée un "nom", si vous voulez.

M. Cournoyer: Etes-vous au courant de la raison pour laquelle la subvention a été refusée, M. Langlois?

M. Langlois: Oui. Il y a un règlement — un article — dans la Commission des accidents du travail — je ne me rappelle plus le numéro exact — qui dirait qu'effectivement les associations de sécurité doivent être conjointes pour être subventionnées, selon l'interprétation qui a été donnée par la Commission des accidents du travail.

Cette question n'est pas encore terminée, en ce qui nous concerne. On essaie toujours de faire des démarches, de clarifier l'article en question parce qu'on espère toujours obtenir cette subvention.

M. Burns: Toujours dans cet aspect de sécurité — même si vous ne l'avez pas allégué comme tel, c'est ainsi que je comprends votre réponse — n'est-il pas logique de croire, M. Langlois, que, si on augmente les normes de sécurité, cela peut avoir un effet sur la productivité? Je vous donnais un exemple tout à l'heure. Si vous avez besoin de deux personnes pour préparer le travail de cinq autres personnes, il est fort possible que vous calculerez sept salaires, dans ce cas, mais que vous aurez, effectivement, cinq personnes qui produisent directement, les autres s'occupent du travail préparatoire ou de sécurité. Dans ce sens, n'estimez-vous pas logique de croire que, si vous augmentez les normes de sécurité, vous allez, nécessairement, découvrir une baisse de la productivité?

M. Langlois: Non.

M. Burns: Et que cela n'est pas nécessairement dû à toutes sortes de choses qu'on semble vouloir laisser entendre, que cela soit le ministre de l'Industrie et du Commerce ou le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre ou le ministre de la Justice ou le premier ministre lui-même ou vous-mêmes, les employeurs.

On laisse entendre que ce sont dans le fond, les chicanes qu'il peut y avoir sur les chantiers relativement soit aux conditions de travail, ou entre centrales, ou relativement à l'application du décret. Je vous demande simplement si vous ne croyez pas que ça peut avoir une incidence sur la productivité.

M. Langlois: Non. Lorsqu'on parle de productivité, on ne parle pas de ça. C'est-à-dire que les normesde sécurité, leurmise en application, le fait de les rendre plus difficiles et coûteuses à appliquer pourrait créer une augmentation des coûts, peut-être, des travaux. Disons qu'avant il n'y avait pas l'obligation d'avoir des officiers de sécurité, par exemple; vous avez, à un moment donné, eu l'obligation, sur certains gros chantiers, d'avoir des officiers de sécurité à temps plein. Ce sont des coûts qui augmentent effectivement l'ensemble du coût des travaux de même que les installations de premiers soins et ainsi de suite.

M. Burns: Votre calcul de la productivité, comment le faites-vous? Prenez-vous le coût d'un projet pour le diviser par le nombre d'hommes-heure sur le projet? C'est ce que j'aimerais que vous m'expliquiez.

M. Langlois: Non. C'est simplement la quantité de travail fait par un ouvrier au cours d'une journée de travail. Disons, dans la tuyauterie, qu'à un moment donné ça peut se calculer sur le nombre de pouces de tuyau qui a été soudé durant la journée et des choses comme cela. Cela s'évalue uniquement de cette façon-là. Effectivement, dans la construction, je dois l'avouer, tout l'aspect du "personal management", de l'administration du personnel est assez embryonnaire dans les entreprises de construction de telle sorte que l'évaluation précise de ces choses, malheureusement, ça n'existe pas encore pourqu'on puisse les utiliser.

M. Cournoyer: Est-ce qu'il ne serait pas aussi logique de conclure que des meilleures règles de sécurité, mieux suivies, ça peut améliorer aussi la productivité?

M. Langlois: Je pense que oui. Les normes de sécurité, si elles sont respectées et mises en application, pourraient conduire à cela. On pourrait améliorer le climat, d'une façon générale.

M. Cournoyer: S'il y a moins d'accidents...

M. Langlois: Le rendre plus sain. Evidemment, s'il y a moins d'accidents... En plus de cela, peut-être rendre l'ouvrier plus sécuritaire lui-même, qu'il se sente mieux dans sa peau lorsqu'il est sur le chantier; ce serait et c'est assurément une des façons d'améliorer le climat général dans l'industrie.

M. Cournoyer: Je pense bien que le député de Maisonneuve vous pose la question: Comment arrive-t-on à 50%? Les 50%, je pense bien qu'entre vous et moi, on peut aussi bien dire 30%, 20%, 10%, cela dépendra des individus qui sont en face de nous autres.

Chaque fois que vous allez prendre un projet de construction en particulier, vous avez plusieurs causes de diminution de la productivité. Il n'y a pas — et je pense bien que c'est cela que le député de Maisonneuve voudrait vous faire dire — que ce que, en définitive, vous avez affirmé ici qui soit la seule cause de la baisse de la productivité, il y a plusieurs causes. Par exemple, quand il n'y a pas de ciment qui peut être livré pour une raison ou pour une autre, que ce soit une grève dans les cimenteries, pendant qu'il n'y a pas de ciment, il y a quelqu'un qui ne produit pas autant qu'il produisait quand il y avait du ciment. Les cimentiers ne travaillent pas fort pendant ce temps. A la fin de la journée, est-ce qu'on ne peut pas conclure que, s'il n'y a pas eu de ciment de la journée, la productivité était à zéro dans cette journée?

M. Langlois: Non, ce n'est pas du tout ce à quoi on pense, ce à quoi on fait allusion quand on parle de baisse de productivité. C'est évident que ce que vous dites c'est vrai. S'il n'y a pas de ciment qui arrive et que les gars sont encore là, ils ne produisent pas.

M. Cournoyer: C'est vrai dans n'importe quel contexte.

M. Langlois: Par contre, lorsqu'on parle de productivité dans notre mémoire, vous savez très bien qu'on fait allusion à la quantité de travail effectué dans des conditions normales, avec l'outillage normal, par un travailleur au cours de sa journée de travail.

M. Cournoyer: J'ai déjà lu, quand j'étais avec vous, que la productivité d'un charpentier-menuisier en Colombie-Britannique était de 35%. Est-ce que la réduction ici est de 50% de 35%?

M. Langlois: Est-ce que la réduction ici...

M. Cournoyer: Vous dites qu'elle a baissé de 50%.

M. Langlois: Oui.

M. Cournoyer: J'avais lu dans un rapport de la Colombie-Britannique que la productivité était de 35% pour un menuisier.

M. Langlois: En Colombie-Britannique.

M. Cournoyer: Mais cela fait longtemps, c'est en 1963. Ma question est: Est-ce que les 50% que vous mentionnez c'est 50% de 35%? Nous sommes rendus à seulement 17% de productivité? Vous feriez mentir mon ministre du Commerce, qui a dit que c'était 30%. C'est une augmentation.

M. Langlois: Non, ce n'est pas ce que nous voulions dire, M. le Président.

M. Cournoyer: Ce n'est pas ce que vous vouliez dire.

M. Burns: Toujours sur cette question de productivité, M. Langlois, j'ai entendu à plusieurs reprises, tant du côté syndical que du côté patronal, des gens se plaindre, depuis la mise en application du bill 49, de la façon dont la formation professionnelle se fait. Même, je pense que M. Dion quand il a témoigné hier en a touché un mot. Je pense que la FTQ y a touché également brièvement. Est-ce qu'à votre avis le système de formation professionnelle peut avoir une influence nocive sur le taux de productivité?

M. Langlois: C'est plutôt l'absence de système de formation professionnelle actuellement qui a une conséquence évidente sur le vieillissement de la main-d'oeuvre compétente et son non-remplacement par une nouvelle main-d'oeuvre formée particulièrement aux nouvelles techniques. J'endosse à 100% les remarques faites par mon collègue, Dion, là-dessus, hier. Je pense qu'il a expliqué l'affaire très clairement. En plus de ça, je me permettrais d'ajouter que le règlement no 1 actuel, qui régit la formation professionnelle dans la construction, c'est lui qui ne fonctionne pas dans le moment.

Il y a eu, sur l'initiative du ministère du Travail, des rencontres des parties pour essayer de corriger et de pondre un nouveau système qui visait à ce moment-là, de toute évidence, à le remettre, sinon complètement, du moins en bonne partie, aux parties elles-mêmes, aux associations.

M. Burns: Comme cela existait avant le bill 49.

M. Langlois: Enfin, plus ou moins comme cela existait parce que, selon le projet qui s'en venait, qui a été pas mal complété, je dirais à 95%, le ministère gardait l'autorité suprême, en ce sens que les parties fonctionnaient, mais, si elles ne fonctionnaient pas, le ministère se gardait une porte pour intervenir. De toute façon, on a eu des rencontres de toutes les parties sur la formation professionnelle, à la fin de 1973 et au début de 1974. Il est sorti de ça un projet de modification au règlement no 1. Il y a eu quasi-unanimité, c'est-à-dire qu'il y a eu unanimité d'à peu près 95% à 97% de toutes les associations...

M. Burns: Vous voulez dire du côté patronal et syndical.

M. Langlois: ...patronales et syndicales sur le nouveau système d'apprentissage. C'est-à-dire que tout le monde veut le reprendre en main. C'étaient seulement des questions de détail qui étaient à régler. Malheureusement, le nouveau règlement no 1 n'a pas encore été publié et on attend sa publication.

M. Burns: Est-ce qu'un rapport a été rédigé par les parties concernées lorsque vous avezf ait cette étude relativement aux changements de la formation professionnelle?

M. Langlois: Oui, il y a un rapport qui n'a pas été rédigé par les parties elles-mêmes. L'étude de ce nouveau système de formation prof essionnelle avait été confiée à des hauts fonctionnaires du ministère du Travail qui présidaient et dirigeaient les assemblées. Ce sont eux qui ont fait un rapport durant le mois de mai 1974, je pense.

M. Burns: Est-ce que vous autres, les parties représentatives dans l'industrie de la construction, en avez eu une copie, de ce rapport?

M. Langlois: Je pense que nous n'avons pas eu de copie du rapport final. Ce que nous avons eu, ce sont des projets de règlement. A mesure qu'on avançait et qu'on modifiait le règlement, je pense qu'on a eu trois projets de règlement.

Evidemment, on avait une bonne idée du projet final parce qu'on s'était tous entendu sur presque tout. On avait une bonne idée, mais on n'a pas eu le rapport des fonctionnaires au ministre du Travail.

M. Burns: Le ministre garde cela caché. Il garde cela secret, ces rapports-là, le ministre?

M. Cournoyer: Non, c'est qu'il y a, d'autre part, une entente avec le Parlement selon laquelle avant de faire

adopter de nouveaux règlements de qualification je dois confier cela à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre, parce que cela implique, en soi, un contrôle qualitatif et quantitatif de la main-d'oeuvre. A partir du moment où il est question de contrôle qualitatif et quantitatif, j'avais promis au Parlement, avant de le proposer au conseil des ministres, de confier le rapport en question à la commission parlementaire. Je pense que cela a été convenu par une motion du député de Beauce-Sud, il y a déjà un certain temps.

L'intention que nous avons, c'est de vous le soumettre dès la semaine prochaine à la commission parlementaire, parce qu'il y a aussi cette partie-là des difficultés. C'est que les sept parties s'entendent ensemble. Il reste, cependant, qu'il y a des citoyens, en plus des sept parties. Je ne voudrais pas minimiser l'importance des parties, mais, compte tenu du fait que cela implique beaucoup plus que les parties, que cela implique les citoyens québécois devant être qualifiés, j'avais promis au Parlement de le soumettre avant. Alors, je dois le soumettre avant.

Il est rédigé et j'attendais l'occasion de le faire après qu'un certain nombre d'autres choses seront réglées pour pouvoir vous le soumettre en commission parlementaire. Je peux vous assurer ici, de même qu'aux parties patronales et syndicales, qu'aussitôt que nous aurons terminé les travaux de cette commission parlementaire nous allons soumettre ce document à la commission parlementaire et, en même temps, aux parties contractantes.

Je dois noter cependant que, dans le cas de l'organisme administratif qui redeviendrait, en définitive, une commission d'apprentissage professionnel et sectoriel de la construction, c'est à peu près cela, ceci nécessite un amendement à la loi 49, excluant l'industrie de la construction de l'application de la loi 49 et lui donnant l'autorité sur la formation professionnelle dans la construction.

Cela peut sembler très simple entre vous et moi, la sortie de cette chose-là de la Commission de formation professionnelle.

Mais, cela implique un certain nombre d'ajustements des commissions de formation professionnelle telles qu'elles existent actuellement, pour redonner à l'industrie l'autorité sur la compétence professionnelle des travailleurs, il s'agit de l'enlever de l'endroit où elle est. Surtout sur la question de formation professionnelle, il peut arriver que ce soit plus difficile que les parties peuvent le penser elles-mêmes.

L'éléphant que nous avons créé par les commissions de formation professionnelle, est malheureusement créé. Or, lui enlever une patte, c'est possible qu'il ait de la misère à transporter toute l'affaire.

M. Burns: Tout son poids. M. Cournoyer: Pardon? M. Burns: Tout son poids.

M. Cournoyer: Toute la tête. Enfin, dès aujourd'hui, il est possible de demander à mes fonctionnaires de remettre, au moins aux membres de la commission parlementaire, le règlement de qualification, qui a une incidence de quantification, par exem- ple — pour se comprendre — qui est conditionnel à l'abolition des permis de travail.

Je dois noter que, dans le cas des journaliers, dans le règlement, ils devront, à compter d'une date prévue, posséder un certificat démontrant qu'ils ont suivi des cours de sécurité avant d'avoir la permission de travailler.

M. Burns: Et cela serait pour la semaine prochaine?

M. Cournoyer: Oui, mais je pourrais vous le donner immédiatement, quitte aux leaders parlementaires de s'entendre quant à la date d'une prochaine rencontre là-dessus.

M. Roy: M. le Président, je suis d'accord, c'est bien important d'en prendre connaissance avant que la commission parlementaire ne soit convoquée...

M. Cournoyer: Oui.

M. Roy: ...pour qu'on ait le temps de l'examiner à fond.

Une Voix: Dernière...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Juste un instant, pour une clarification. Advenant le cas où ce document serait distribué aux membres de la commission, je vous préviens immédiatement que je n'accepterai ni débat, ni discussion, ni commentaire, à l'occasion de cette commission relativement à ce rapport. Ce sera pour une autre séance convoquée à un autre moment fixé par le ministre.

M. Burns: On peut vous assurer de cela, on a assez de problèmes comme cela.

Le Président (M. Séguin): C'est ça, je voulais simplement faire cette mise au point. Je n'accepterai pas de discussion quant à ce rapport si toutefois le rapport était déposé aujourd'hui, ici, aux membres de la commission.

M. Charron: Je suis d'accord sur votre proposition, mais est-ce que la commission, qui étudiera cette réglementation, se penchera là-dessus avant United Aircraft ou après United Aircraft?

Le Président (M. Séguin): Vous posez une question qui ne dépend pas de moi. Je ne saurais vous répondre.

M. Cournoyer: Vous m'avez défendu de répondre, hier, donc je ne voudrais pas répondre aujourd'hui.

Le Président (M. Séguin): Alors, nous revenons au député de Maisonneuve.

M. Burns: Dernière question, M. Langlois, toujours sur cette question de formation professionnelle, eu égard à la productivité, etc. Est-ce que vous avez des montants sur le taux de succès ou le taux de non-succès des examens que subissent les apprentis, pour entrer dans un métier ou un autre?

Parce que, me dit-on, il y aurait un taux d'échecs assez élevé. Est-ce que vous êtes au courant? Est-ce qu'il y a des chiffres que vous êtes en mesure de citer ou est-ce que vous avez connaissance d'une certaine situation qui pourrait vous permettre de conclure de cette façon?

M. Langlois: De ce côté-là, je suis à peu près au même point que vous, c'est-à-dire, me dit-on, à moi aussi, qu'il y a effectivement beaucoup d'échecs aux examens. D'ailleurs, la formation professionnelle se fait sous la direction de la direction générale de la main-d'oeuvre du ministère du Travail. Lorsque l'apprenti a terminé ses heures d'apprentissage, qui sont par tranches de 2,000, 4,000, 6,000, correspondant théoriquement à des années de travail, à ce moment-là, il a l'obligation de se présenter à son examen.

Maintenant, je vous avoue que les données manquent là-dessus. Elles sont très difficiles à obtenir. Toute information relativement à la formation professionnelle, de ce temps-ci, est très difficile à obtenir, de toute façon que cela concerne les examens, la façon dont les carnets d'apprentis sont mis à jour, par exemple, la façon dont les apprentis passent de la première année à la deuxième année et ainsi de suite. Tout cela semble être dans un état de quasi-fouillis et mérite certainement d'être remis en place au plus tôt.

Par contre, ce que je peux vous dire là-dessus, peut-être une indication, c'est qu'il n'y a pas de cours qui sont donnés. A toutes fins pratiques, disons, il y en a quelques-uns dans quelques polyvalentes et quelques CEGEP qui sont plus ou moins reconnus, enfin. Mais, par contre, parlons des centres de formation professionnelle qui avaient été bâtis avec l'argent des travailleurs et des employeurs de la construction, particulièrement à Montréal et à Québec, où il y a deux gros centres de formation professionnelle, des centres d'apprentissage. A partir du bill 49, les ouvriers de la construction ont commencé à disparaître et ont cédé la place tranquillement à des bouchers, à des caissières, des esthéticiennes et ainsi de suite, qui occupent toute la place aujourd'hui. A l'heure actuelle, par exemple, au centre de Montréal, il se donne un cours qui peut se rapprocher un peu de l'industrie de la construction et c'est le cours de soudure. Et le cours de soudure, lorsque les gars ont fini, ils ne s'en vont pas dans la construction, ils s'en vont chez Vickers, Marine Industrie et ces compagnies.

Autrement dit, nos centres de formation professionnelle ne nous servent plus du tout. Donc, il n'y a pas de cours. Si vous avez une description de fonction dans le règlement no 1, qui comporte, supposons, 25 activités que le gars est censé connaître en pratique pour passer l'examen avec succès et qu'il ne suit pas de cours, il fait donc tout son apprentissage sur le chantier. Or, on sait que l'apprentissage sur le chantier, la plupart du temps, ce n'est pas tellement bon. Je veux dire que le gars va commencer, souvent il va apporter le café ou des choses comme ça. Il n'apprend pas le métier d'une façon complète. Parce que, très souvent, l'entrepreneur, lui, il ne s'adonnera pas... Si on prend la menuiserie, par exemple, il va juste apprendre à faire des formes. Il n'apprendra pas à faire la finition. Tout cela fait partie, actuellement, de la même définition de fonction.

De telle sorte que lorsque le gars va se présenter à son examen et que cela fait trois ans, ou je ne sais pas combien de temps, qu'il fait des formes, il va couler complètement sur l'aspect de la finition. Donc, cela lui prendrait des cours théoriques en atelier, où il apprendrait les 24 ou 25 étapes du métier et, enfin, des stages sur les chantiers où il complèterait son apprentissage théorique par de la pratique. A la fin, il connaîtrait au moins un peu toutes les étapes pour pouvoir réussir l'examen et être un gars plus polyvalent, ce qui le rendrait moins sujet au chômage et à de telles choses.

M. Burns: Enfin, M. Langlois, une dernière question: A la page 7 de votre mémoire, vous nous dites que les problèmes que vous avez énumérés dans votre mémoire ne peuvent pas trouver remède dans les amendements que le ministre va apporter au décret. Moi, si j'ai bien compris le ministre hier, il ne voulait même pas nous dire quels étaient les amendements au décret. Les connaissez-vous?

M. Langlois: Je ne les connais pas, malheureusement.

M. Burns: Pourquoi nous dites-vous que les amendements qu'il va apporter ne régleront pas les problèmes?

M. Langlois: Parce que les problèmes ne peuvent se régler par de simples amendements au décret, parce que les problèmes sont beaucoup plus fondamentaux et exigent des amendements fondamentaux à la loi, des changements en profondeur.

M. Cournoyer: Comme quoi, par exemple, comme amendements à la loi, parce que...

M. Langlois: M. le ministre, si vous me permettez, j'aimerais mieux ne pas commencer à discuter de cela. Nous avons remis, à la commission Cliche.un rapport complet, et nous attendons, de la commission Cliche, des recommandations qui, dans ce sens... Nos recommandations à la commission Cliche, vous le savez, touchaient un tas d'éléments...

M. Cournoyer: Oui, tout cela.

M. Langlois: ...les bureaux de placement, les délégués de chantier, les hommes en place, enfin, et évidemment la liberté syndicale en bonne partie...

M. Cournoyer: Oui.

M. Langlois: Je vous référerais à ce rapport qui explique les votes à l'intérieur des associations syndicales et la procédure de maraudage et ainsi de suite. Ce sont des choses très longues, très complexes. Je n'ai pas mon rapport ici et, en fait, c'est strictement cela que je voulais dire, lorsque nous avons déclaré, dans cette page 7, que les amendements au décret ne pouvaient pas régler les problèmes. C'est parce que cela ne peut pas être suffisant pour régler les problèmes. J'irai plus loin que cela. Si on avait pensé, nous si nos entrepreneurs avaient pensé, avaient été certains que des amendements au décret auraient pu effectivement ré-

gler ce qu'on appelle les problèmes fondamentaux de l'industrie de la construction, ils se seraient assis et ils auraient négocié, et ils auraient essayé de le travailler, ce décret, pour essayer de régler les problèmes. C'est parce qu'ils étaient convaincus du contraire qu'ils ne l'ont pas fait. C'est pour cela qu'on dit cela, ici.

M. Burns: Vous ne croyez pas que cela peut améliorer la situation, même de si peu que ce soit?

M. Langlois: C'est possible, mais là, je suis obligé de vous dire: On va attendre de voir le projet... Pas le projet, mais la solution que le ministre va nous apporter.

M. Burns: M. le Président, je vous demande... M. Cournoyer: ...fais aussi bien de te lever.

M. Burns: ...de dire au ministre que je me lève à peine. Il veut m'envoyer me coucher. On va attendre à ce soir.

M. Cournoyer: Je m'excuse.

Le Président (M. Séguin): Pour autant que je sache, le bill 201 n'a aucun rapport avec les levers et les couchers. Alors, si vous voulez revenir au sujet, s'il vous plaît.

M. Burns: Je n'avais pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): La parole est au député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. A la page 7 de votre mémoire, vous faites référence à une déclaration de la FTQ. D'ailleurs, M. Daoust nous a dit hier qu'il y avait environ 70% des travailleurs de la construction qui avaient déjà réussi à atteindre une forme d'indexation avec leurs employeurs. Vous dites un peu plus loin que vous êtes en mesure d'affirmer qu'au maximum 20% à 25% des travailleurs ont des conditions de travail supérieures à celles du décret.

Quand vous dites: ... nous sommes en mesure d'affirmer...", avez-vous des chiffres, avez-vous des exemples à nous donner? Avez-vous fait une étude de la question pour pouvoir nous dire dans quel domaine ou dans quel secteur ou dans quelle région, particulièrement, les travailleurs auraient-ils réussi à pouvoir bénéficier de cette indexation?

M. Langlois: C'est la première question que le député de Maisonneuve m'avait posée hier soir. On arrive à ce pourcentage de 20% à 25%. La FTQ dit: 70% des travailleurs de la construction... Or, le porte-parole a dit hier soir que c'étaient 70% des membres de la FTQ, ce qui donnerait 70% de 72%, 72% étant leur représentativité, ce qui fait 50%. C'est encore le double de ce que nous prétendons, et, comme je l'ai dit hier, nous en arrivons à ces pourcentages, en prenant la masse salariale payée par les entrepreneurs, membres de l'ACM, et la masse salariale payée par les entrepreneurs membres de la Corporation des maîtres électri- ciens et de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, ce qui donne 52%. Chacune des trois associations, de par les consultations qu'elle a faites intérieurement — et on a discuté de ces chiffres hier, en profondeur, entre les associations patronales — évalue à 50% et moins le nombre de travailleurs employés par ses membres qui auraient des conditions de travail supérieures à celles du décret. Je ne dis pas indexées. Jenedispasqu'ilsreçoivent$0.50ou$0.75. Il peut y avoir un tas de formules qui ont été imaginées. C'est à partir de cela qu'on arrive à 20% ou à 25% de la masse salariale, donc, ce qui nous donnerait de 20% à 25% des heures travaillées qui sont payées àdes taux plus élevés que ceux d,u décret. Pourquoi seulement l'ACM et l'ASECQ, les deux corporations? C'est parce que l'Association des constructeurs d'habitations, la Fédération de la construction et l'Association des routes et grands travaux n'ont eu aucun rapport de leurs membres, à toutes fins pratiques, indiquant que leurs membres ont été affectés par ce qu'on a appelé la bataille de l'indexation. Cela se restreindrait à l'ASECQ, les deux corporations, et nous de l'association de Montréal, où, chez nous, nous avons des gros entrepreneurs industriels, des gros chantiers.

M. Roy: A votre connaissance, y a-t-il des entrepreneurs qui ont négocié après l'adoption du bill 9 des contrats dans lesquels on aurait tenu compte de l'augmentation des $0.50 de l'heure? Y a-t-il des entrepreneurs qui ont négocié des contrats et qui en ont tenu compte dans leurs négociations? Autrement dit, ils ont obtenu des prix pour exécuter les travaux qui leur permettent de payer les $0.50 aux travailleurs.

M. Langlois: Voulez-vous parler des entrepreneurs qui ont signé des mini-ententes?

M. Roy: Après l'adoption du bill 9, il y a certainement eu des contrats qui ont été accordés à des entrepreneurs.

M. Langlois: Pourquoi parlez-vous du bill 9 à ce moment-ci?

M. Roy: Je parle du bill 9 parce que, lorsque ce bill a été adopté par l'Assemblée nationale, il y a eu...

M. Langlois: Oui.

M. Roy: ...des dispositions bien claires dans le bill 9 et tout le monde a parlé, à ce moment, de la fameuse augmentation des $0.50 l'heure.

M. Cournoyer: Je veux vous corriger pour éviter que vous en alliez sur une mauvaise "track". La bataille de l'indexation n'a pas commencé avec le bill 9. Elle a commencé cette année, et le bill 9 a été adopté en 1973.

M. Roy: La bataille de l'indexation, d'accord. M. Coumoyer: Oui.

M. Roy: Mais il y a eu la question des $0.50 de l'heure...

M. Cournoyer: Non. Le problème des $0.50 l'heure se pose depuis le début de l'été...

M. Roy: ...après que le bill 9...

M. Cournoyer: ...1974.

M. Roy: Oui, c'est cela.

M. Cournoyer: Le bill 9 a été adopté en mai 1973.

M. Roy: C'est cela. De toute façon, la question des $0.50 l'heure... Y a-t-il des entrepreneurs qui ont négocié des contrats et qui, dans leurs négociations, ont tenu compte de cette obligation de payer ou de ce désir de payer les $0.50 l'heure d'augmentation?

M. Langlois: Oui, certains entrepreneurs qui ont sûrement tenu compte des augmentations parce qu'ils les sentaient venir. Ils les sentaient venir, ces augmentations-là. Maintenant, je connais seulement deux chantiers où, effectivement, il y a eu un ordre de donné par le propriétaire, littéralement, qui, lui, avait signé une entente avec la FTQ pour donner l'augmentation que la FTQ demandait, deux gros chantiers; sur ces chantiers, le propriétaire a dit aux entrepreneurs de payer et les entrepreneurs, effectivement, doivent payer pour rester sur le chantier.

M. Cournoyer: Est-ce que je pourrais préciser un peu la question du député de Beauce-Sud? Depuis la bataille de l'indexation, depuis l'été passé, est-ce qu'il y a des entrepreneurs qui, négociant ou non négociant, soumettant des prix à des propriétaires, ont tenu compte du fait qu'il y avait une demande d'augmentation de salaire assez pressante qui était faite et qui l'ont mise dans leur soumission?

M. Langlois: Oui, je m'attendais à ce que vous précisiez la question du député de Beauce-Sud. Effectivement, comme je l'ai dit tantôt, c'est possible que certains entrepreneurs aient fait cela, qu'ils aient prévu dans leur coût de construction on ne sait pas combien, on ne sait pas qui ils sont, on ne sait rien de cela mais c'est possible qu'il y en ait qui l'aient prévu. Il y a 15,000 entrepreneurs en construction au Québec et on ne sait pas combien l'ont fait.

Si on regarde la vaste majorité des entrepreneurs qui travaillent effectivement avec des contrats à prix fixe, est-ce qu'on peut tenter une chance? Supposons qu'il y en aurait seulement 1,000 sur 15,000 qui sont à prix fixe et qui ne l'auraient pas prévu, qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'ils auront les épaules assez larges pour assumer, de leur poche, une augmentation qu'ils n'avaient pas prévue? C'est un problème, je pense, que le ministre connaît très bien. Il y a effectivement des régions où la pression a été inexistante jusqu'à maintenant. A toutes fins pratiques, selon la Fédération de la construction, dont les membres sont en dehors de Montréal, leurs membres, ils n'en ont pas eu, actuellement, de demande d'indexation et, pour eux, c'est un problème qui existe un peu comme si ça existait ailleurs, dans d'autres pays, si vous voulez. Pour eux, j'ai l'impression que le coût serait extrêmement grand.

En ce qui nous concerne, on n'a pas seulement des gros entrepreneurs chez nous. On a, même chez nous, une majorité d'entrepreneurs de moyenne envergure. Je suis loin d'être convaincu que la majorité a prévu quoi que ce soit au point de vue de l'augmentation dans les contrats qui leur ont été octroyés récemment ou dans leurs soumissions.

M. Cournoyer: En fait, M. Langlois, vous ne pouvez répondre à cette question d'une façon exacte.

M. Langlois: Je ne pense pas.

M. Cournoyer: Habituellement, on ne vous demande pas la permission pour faire une soumission. L'entrepreneur est pris avec son problème et il soumissionne.

M. Langlois: Assurément, M. le ministre. Je ne peux pas répondre d'une façon exacte.

M. Roy: Vous dites, un peu plus loin dans votre mémoire, que l'augmentation de $1 l'heure signifierait une augmentation de coût de main-d'oeuvre de $100 millions à la fin de l'année. Je voudrais savoir comment vous avez calculé les $100 millions.

M. Langlois: C'est très conservateur. Je l'ai dit hier, en le lisant. Je pense qu'il y a eu 140 millions d'heures de travail faites en 1973 selon les chiffres de la CIC; alors, ce n'est pas $100 millions, c'est $140 millions plus 25%, selon les chiffres de 1973; en 1975, ça peut être plus et ça peut être moins. On ne sait pas où on s'en va.

M. Roy: D'accord. Dernière question, M. le Président. Dans le bas de la page 9, vous avez fait une déclaration. "Souvenons-nous que, si le Québec se prépare à donner des dizaines de millions de dollars par année, il n'obtient, en retour, aucune garantie de paix syndicale". C'est là que je veux vous poser une question. Après tout, le Québec, lui, n'est pas en mesure d'exiger quoi que ce soit de la FTQ construction. Vous avez fait une déclaration et vous n'avez donné aucune explication là-dessus. J'aimerais que vous nous disiez, en commission parlementaire, ce que vous avez voulu dire par ça.

M. Langlois: Vous dites que j'ai fait une affirmation et que je n'ai pas donné beaucoup d'explications. C'est une phrase qui résume à peu près tout le reste, à toutes fins pratiques.

Ce que j'ai essayé de dire, c'est que depuis cinq ans, les associations syndicales et, en particulier, la FTQ, parce qu'elle devenait rapidement la plus forte, ont fait des demandes, pas seulement des demandes et même rarement des demandes qui venaient d'en haut comme celle qu'on a là, c'est-à-dire une demande d'indexation générale, mais je me réfère encore plus à des demandes faites quotidiennement sur les chantiers pour n'importe quoi, les choses les plus extravagantes que vous pouvez imaginer. Je me réfère à cela et à la non-utilisation des structures prévues, des instruments prévus pour régler les griefs, pour régler les problèmes sur les chantiers. Au lieu de prendre la procédure de

grief ou le conseil d'arbitrage ou le commissaire de la construction, selon la nature de problème, on utilise ce qu'on appelle l'arbitrage instantané, c'est-à-dire que vous envoyez quatre ou cinq arbitres de forte taille sur un chantier et ce n'est pas long que vous avez une décision. C'est à cela que nous faisons allusion quand nous disons que, de toute façon, même si vous en venez à une entente, s'ils ne respectent pas l'entente, si au niveau du chantier vous continuez d'avoir des demandes extravagantes parce que vous avez toute une machine qu'ils ne sont peut-être plus capables de contrôler eux-mêmes et, entre autres, 2,000 délégués de chantier dont la plupart ont été entraînés sur les gros chantiers de la Côte-Nord et qui ont justement acquis cette attitude d'exigence constante de n'importe quoi, à longueur de journée et cette certitude qu'ils vont l'obtenir et que, s'ils ne l'obtiennent pas, ils ferment tout. C'est cette attitude à laquelle je fais allusion et je dis que nous ne sommes pas en mesure de régler cela aujourd'hui et que, malgré cela, on s'apprête à donner des dizaines de millions de dollars. C'est ce que je veux dire.

Le Président (M. Séguin): Le député des Mille-Iles.

M. Lachance: A la page deux de votre document, vous parlez de 2,000 délégués de chantier contrôlant parfaitement leurs 75,000 membres. Je voudrais savoir quel est le mode de rémunération de ces délégués de chantier au taux horaire et au taux hebdomadaire. C'est combien?

M. Langlois: Ce qui a pu vous mélanger, c'est qu'à un moment donné j'ai dit qu'il y avait 185 délégués qui ne travaillaient pas. Le délégué de chantier est un salarié de la construction à l'emploi des entrepreneurs. C'est un employé comme les autres qui théoriquement devrait travailler puisqu'il est payé au même taux horaire que les autres. Il est sur la même liste de paie que les autres. Donc, son taux varie selon son métier et il fait les mêmes heures que les autres avec qui il travaille.

M. Lachance: II a une compétence professionnelle.

M. Langlois: Je m'excuse.

M. Lachance: Le délégué de chantier a une compétence professionnelle.

M. Langlois: Pas nécessairement. Cela peut être un délégué journalier qui n'a pas de qualifications professionnelles. A ce moment-là, il est payé au taux horaire de journalier comme les gars avec qui il travaille.

M. Lachance: Est-ce que ces délégués de chantier travaillent effectivement à la productivité?

M. Langlois: Cela varie énormément. Je n'affirmerai certainement pas que tous les délégués de chantier sont pareils et que cela se passe de la même façon sur tous les chantiers et dans tous les secteurs de l'industrie.

M. Lachance: Ces délégués de chantier, est-ce qu'ils sont nommés par la partie syndicale?

M. Langlois: Ce sont des gens qui représentent leur association syndicale sur le chantier et qui ont justement une description de fonction dans le décret, qui est très mal faite et qui ouvre la porte à tous les excès imaginables. Il y a certainement des améliorations très grandes à être apportées de ce côté.

M. Lachance: Concernant ces délégués de chantier, combien peut-il y en avoir sur un chantier de 600 travailleurs? Est-ce qu'il y a une norme?

M. Langlois: Je vais vous expliquer. Il y a trois sortes de délégués de chantier. C'est assez complexe. Il y a le délégué de chantier qu'on appelle ordinaire. Cela correspond à des sortes de chantiers, en fait. Le délégué de chantier ordinaire, vous allez avoir cela pour une école, par exemple, ou la construction résidentielle, n'importe quelle construction. Dans le cas du délégué de chantier, l'association syndicale doit avoir sept de ses membres sur le chantier pour nommer un délégué. Elle doit le nommer parmi les salariés déjà à l'emploi de l'employeur. Cela en est un.

Le deuxième, c'est le délégué dans l'industrie lourde, sur les chantiers industriels. Celui-là, c'est le premier qui entre sur le chantier pour l'employeur. Il n'est pas choisi parmi les salariés de l'employeur mais il est parachuté par l'association syndicale directement. Donc, vous pouvez avoir, théoriquement, sur un gros chantier industriel, 30 entrepreneurs. Si vous avez 30 entrepreneurs qui utilisent chacun des gens, pour simplifier, de la CSN et de la FTQ. Vous allez avoir pour chaque métier un délégué de chantier, pour chaque union, pour chaque entrepreneur. C'est comme ça qu'on est arrivé à Sept-lles à 185 délégués de chantier au moment où le chantier avait peut-être 1,500 ouvriers en tout, incluant les délégués de chantier. Or, les 185 délégués de chantier refusaient de travailler parce qu'ils disaient qu'ils étaient trop occupés a surveiller la mise en application du décret.

Effectivement, si vous essayez quoi que ce soit, de les faire travailler, si vous essayez de quelque façon que ce soit de leur dire qu'ils sont censés au moins faire une partie de journée d'ouvrage, vous avez alors un drame sur votre chantier qui peut prendre toutes les formes, je laisse ça à votre imagination.

M. Lachance: M. Langlois, ledéléguédechan-tier, plus que tout autre ouvrier, est-ce qu'il fait plus de temps supplémentaire qu'un ouvrier ordinaire?

M. Langlois : Oui, il fait plus de temps supplémentaire parce que la clause de préférence d'emploi du délégué de chantier est également très mal faite dans le décret et ouvre la porte à tous les excès. Elle est interprétée par les associations syndicales comme obligeant l'employeur à toujours avoir un délégué de chantier sur les lieux s'il y a des gars de son équipe qui travaillent. De telle sorte que, si vous avez un chantier où l'entrepreneur a quinze hommes qui font leur journée de travail, avec un des quinze qui est délégué de chantier et qu'il doit faire du temps supplémentaire le soir, n'oublions pas que le délégué de

chantier ne travaille pas mais il exige d'être là lorsque le temps supplémentaire commence à temps et demi ou à temps double. Si, par exemple, l'entrepreneur garde trois ou quatre hommes, il va être obligé de garder en plus son délégué de chantier, sinon... Cela coûte extrêmement cher, vous avez un homme sur quatre qui ne travaille pas.

M. Lachance: Est-ce que vous pouvez donner un exemple concret, une moyenne de ce que ça peut coûter, un délégué de chantier qui ne travaille pas, en somme, qui est supposé pousser sur les employés pour la production?

M. Charron: Ce n'est pas un contremaître, en somme, il ne travaille pas.

M. Cournoyer: Ce n'est pas un "pusher", un délégué de chantier, c'est un "antipusher".

M. Charron: Ce n'est pas un contremaître.

M. Cournoyer: II y a le "pusher" et "l'anti-pusher".

M. Lachance: Je sais bien que ce n'est pas un contremaître.

M. Bellemare (Rosemont): Si le délégué de chantier fait une réunion le dimanche avec ses hommes pour discuter s'il vont faire la grève ou non, est-ce qu'il est payé par l'entrepreneur à ce moment-là?

M. Langlois: J'espère que non. D'abord, j'espère que la réunion ne se fera pas sur le chantier.

M. Bellemare (Rosemont): Ou est-ce qu'il réclame du temps supplémentaire?

M. Cournoyer: C'est malheureux.

Le Président (M. Séguin): Le député de Mille-Iles.

M. Langlois: Je pense que non, M. le député.

M. Lachance: M. Langlois, les délégués de chantier existent depuis quand?

M. Langlois: Depuis quand ça existe?

M. Cournoyer: Depuis 1970.

M. Langlois: Depuis avant mon arrivée, je peux vous le dire quand je suis arrivé, c'était là.

M. Cournoyer: Non, le bill 38.

M. Langlois: Le bill 38 avec le premier décret qui a suivi à toutes fins pratiques, le bill 290.

M. Cournoyer: Non, document sessionnel.

M. Langlois: Dans le document sessionnel, c'est à peu près le premier, en 1970.

M. Cournoyer: M. Langlois, vous et moi n'étions pas là.

Le Président (M. Séguin): Le député de Mille-Iles.

M. Lachance: A la page 3, il y a quelque chose qui me frappe. Vous parlez de plombiers qui ont assisté à la pose de conduites d'eau et d'aqueduc, des tuyaux de béton, je présume, ou d'autres sortes de tuyaux.

M. Langlois: Oui.

M. Lachance: Est-ce que cela relève véritablement des plombiers?

M. Langlois: La juridiction est très claire: Le plombier, c'est écrit, n'a pas juridiction sur les tuyaux d'égout et d'aqueduc, mais ils exigent la juridiction. Ils envoient des arbitres sur les chantiers et, effectivement, l'entrepreneur est obligé de payer deux ou trois plombiers qui regardent, parce qu'ils ne veulent pas toucher à ça, pas une miette. Eux-mêmes trouvent que ce n'est pas de leur juridiction mais, s'il y en a au local qui ne travaillent pas, l'union va s'arranger pour les faire regarder des journaliers poser des tuyaux d'égout et d'aqueduc. Cela, les tuyaux d'égout et d'aqueduc, vous savez comme moi qui paye ça d'une façon très directe.

M. Lachance: Habituellement, ce sont les municipalités, le gouvernement.

M. Langlois: Les municipalités. M. Lachance: C'est tout, merci.

M. Cournoyer: M. Langlois, il y a eu une affirmation qui a été faite la semaine dernière par M. Daoust en particulier qui se réfère au fait qu'à l'intérieur des associations patronales un certain nombre auraient plus d'importance que d'autres et ne seraient reconnues qu'à une importance uniforme dans le sens que M. Daoust a prétendu la semaine dernière.

Du moins je l'ai entendu prétendre ceci: que si les constitutions des associations patronales étaient changées pour donner le pouvoir à ceux qui avaient le plus grand nombre d'employés, les problèmes seraient réglés. Vous avez dit tantôt qu'il devrait y avoir des modifications à la démocratie syndicale, est-ce que, de votre côté, vous pensez qu'il devrait y avoir des modifications à la démocratie patronale?

M. Langlois: Je pourrais encore vous dire que la commission Cliche va regarder cela avec un grand intérêt, j'en suis convaincu, mais rassurez-vous, je vais vous dire autre chose.

M. Cournoyer: C'est mieux. Ce n'était pas pré-

sente dans le mémoire à la commission Cliche, ce n'était pas marqué cette partie-là.

M. Langlois: Nous, nous avons parlé effectivement du côté patronal. On sait, M. Charron l'a dit hier, que la commission Cliche va se pencher sur les entrepreneurs. Toute amélioration au climat général va être fort bien reçue, assurément.

S'il y a des améliorations à apporter dans le fonctionnement interne des associations patronales, je peux vous dire une chose, c'est que, chez nous, vous nous avez vus fonctionner, je regarde fonctionner cela et je trouve que la démocratie, la prise de décision et la consultation se font d'une façon satisfaisante, bonne. Lesgenspeuventfaire passer leur voix. On a suffisamment de réunions de toutes sortes où ils peuvent venir nous dire ce qu'ils pensent de nous et de ce qu'on fait. On a toujours la possibilité que 25 entrepreneurs — et là, je parle de l'organisation que je représente — nous fassent une demande pour une assemblée générale. A ce moment-là, nous sommes obligés de convoquer une assemblée générale de tous les membres.

Je ne sais pas si cela existait dans le temps, mais on a eu, à notre dernière assemblée générale, un vote secret, écrit, ce qui, je pense, est un peu mieux que ce qui se fait du côté syndical. Les entrepreneurs ont été libres de prendre la décision qu'ils voulaient concernant tout le conflit de l'indexation.

Maintenant, il est possible que certains entrepreneurs ne soient pas satisfaits du fonctionnement interne des associations patronales. Il est possible que cette non-satisfaction soit montée en épingle et mise en très grande évidence par la partie syndicale, c'est normal. Par contre, on est disponible, ils ont la chance de nous le dire. Ils ont eu la chance de nous l'expliquer clairement. Théoriquement en tout cas et en ce qui nous concerne, la porte est ouverte aux discussions avec les entrepreneurs chez nous, qui peuvent se sentir lésés par façon, par notre processus de prise de décision. Jamais le conseil d'administration de l'ACN n'a rejeté du revers de la main des discussions pour améliorer cet aspect de notre fonctionnement.

Le Président (M. Séguin): Pas d'autres questions? Merci beaucoup. M. Langlois.

M. Langlois: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Nous allons entendre maintenant la Confédération des syndicats nationaux. Si vous voulez, messieurs, vous approcher un peu plus près du centre. Que la personne représentant le syndicat se nomme, si vous voulez bien, pour le journal des Débats. M. Pepin.

Confédération des Syndicats nationaux

M. Pepin (Marcel): Marcel Pepin. M. le Président, au point de départ, j'aimerais vous expliquer pourquoi on a décidé de ne pas avoir de mémoire écrit. On a pensé vous exprimer verbalement notre point de vue, parce que, depuis 1971, à maintes reprises, nous avons été convoqués devant une commission parlementaire du travail sur les problèmes de la construction.

Nous avons, à toutes ces occasions — je pourrais vous montrer la brassée des documents que nous avons alors produits — préparé mémoires, commentaires; nous avons envoyé aux députés toutes sortes d'informations. Mais, pour des raisons inconnues de moi, connues de vous autres, jamais quoi que ce soit n'est sorti de ces commissions et des travaux que nous pensions sérieux de vous soumettre.

Aujourd'hui, on s'est dit: On va s'essayer autrement. On va y aller verbalement, peut-être qu'on aura plus de chance d'en arriver à un résultat concret. Je pense, cependant, que les sujets que nous avons à aborder sont d'une extrême importance. J'espère que, ce soir ou demain, puisque les journaux nous le rapportent ainsi, la décision du cabinet des ministres sera une décision qui réglera des problèmes et qui ne sera pas de nature à susciter davantage d'autres sources de malaises, d'autres sources de conflits.

Mon deuxième point est pour faire une requête au président et aux membres de la commission. Nous avons ici, dans cette salle, les représentants des ferrailleurs. J'ai bien l'impression que si vous êtes en séance aujourd'hui, comme hier, c'est possiblement suite au conflit des ferrailleurs, je voudrais donc demander au président et aux membres de la commission d'entendre au moins un de leurs représentants, le président du front commun, Michel Galarneau. Si vous êtes d'accord, il pourra parler après mon intervention ou à la suite des autres intervenants, tel que vous l'avez stipulé, hier, dans votre liste. Alors, je vous en fais la demande au nom des ferrailleurs et au nom de mon confrère Galarneau qui est ici avec nous.

Entendez-vous discuter ce sujet immédiatement ou si vous voulez que je continue sur autre chose?

Le Président (M. Séguin): M. Pepin, en prenant en considération votre demande, pourriez-vous nous affirmer que la personne que vous venez de nous demander d'entendre parle, de fait, au nom de la CSN?

M. Pepin: C'est un membre de la CSN. Il pourra parler au nom de la CSN.

Le Président (M. Séguin): II pourrait parler au nom de la CSN.

M. Pepin: Si vous me permettez de donner l'explication. Il est président du front commun des ferrailleurs qui livrent, actuellement, la lutte; ils sont en journées d'étude — ils ne se disent pas en grève, mais en journées d'étude — depuis six ou sept semaines.

Le Président (M. Séguin): Avec l'autorisation de parler au nom de la CSN, comme vous nous la donnez, je serais prêt à l'entendre.

M. Pepin: Très bien.

Le Président (M. Séguin): Maintenant, vous comprendrez l'hésitation. Puisque nous avons convo-

que neuf organisations intéressées dans les conflits de la construction, nous voulons nous en tenir à ces neuf. Sans cela, on n'en finira plus à entendre toutes sortes d'organisations qui auraient le même droit d'exception. Le fait que vous confirmez que la personne en question parlera au nom de votre syndicat, je serai disposé à l'entendre.

M. Pepin: Très bien, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Toujours à l'intérieur du temps alloué, prolongé un peu si nécessaire.

M. Pepin: Cela m'a l'air un peu flexible, quand même, cette question de temps.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Pepin: J'ai cru remarquer cela, depuis hier.

Le Président (M. Séguin): Oui, mais encore une fois, c'est dans le but d'essayer d'entendre le plus de gens possible et d'entendre toutes les précisions voulues.

M. Pepin: D'ailleurs, je n'ai pas l'intention de faire perdre le temps des membres de la commission, parce que votre temps est sûrement très très précieux.

Le Président (M. Séguin): Procédez.

M. Daoust: M. le Président, nous n'avons pas objection à ce qu'un ferrailleur parle au nom de la CSN. Par ailleurs, il y a un autre groupe aussi qui est en grève, depuis déjà quelques semaines. Il s'agit des monteurs de lignes. On voudrait qu'on permette la même liberté à un représentant des monteurs de lignes qui viendrait exposer le problème, et il parlerait au nom de la FTQ.

Le Président (M. Séguin): Je n'ai pas d'objection.

M. Cournoyer: Bon, voilà. Alors, M. Dion, est-ce que vous en avez qui sont impliqués?

Le Président (M. Séguin): Alors, je regrette. Je dois retirer l'autorisation. M. Pepin, continuez. Je refuse donc d'entendre qui que ce soit qui n'est pas représenté sur la liste. Je croyais que c'était un cas d'exception acceptable. Maintenant, puisque le cadre s'élargit, je ne l'autorise pas; je retire et je change ma décision de tout à l'heure.

M. Pepin: Ah! En tout cas, cela vous regarde. J'avais pensé qu'il était préférable, pour vous, pour le cabinet des ministres, pour le public d'avoir l'expression directe de ce monde qui est dans le conflit. Mais je respecte la décision que vous avez prise, tout simplement.

M. Cournoyer: Mais vous comprenez, M. Pepin, que la décision directe du monde qui est impliqué dans le conflit déborde, et de beaucoup, les ferrailleurs.

M. Pepin: Ah oui, oui!

M. Cournoyer: Vous comprenez qu'il y a aussi les gars des lignes de transmission et vous comprenez que chacun des employeurs aussi est impliqué dans ce conflit.

M. Pepin: C'est sûr.

M. Cournoyer: Vous êtes le représentant autorisé de la Confédération des syndicats nationaux, qui représente...

M. Pepin: Oui.

M. Cournoyer:... officiellement, comme partie représentative, un grand nombre de ferrailleurs, sinon l'immense majorité des ferrailleurs.

M. Pepin: Ah! Je ne le sais pas encore. Une question de temps!

Le Président (M. Séguin): Allez-y.

M. Pepin: M. le Président, je voudrais donc commencer par un premier point qui a été longuement traité hier et ce matin, soit la question de la productivité. Je comprends que ni une commission parlementaire, ni un débat ici entre nous sur cette question de la productivité ne pourraient régler le problème, s'il y en a un qui est aussi grave que celui qui est mentionné par les employeurs et par certains représentants gouvernementaux.

Toutefois, j'ai trouvé certaines discussions un peu exorbitantes. Lorsque vous discutez sur la construction de séries de bungalows pour conclure que la productivité a des chances d'être diminuée, je pense bien que le ministre, quand il questionnait là-dessus, savait fort bien que le cadre des discussions était beaucoup trop étroit. S'agissait-il du même monde qui, un jour, prenait 180 heures pour faire tel travail et l'année suivante 280 heures? S'agissait-il exactement du même personnel? Est-ce qu'on peut affirmer qu'ils ont moins de qualifications professionnelles? Est-ce qu'on peut dire que la gérance locale est exactement la même? Est-ce qu'on peut dire que l'arrivée des matériaux se fait à temps? Il y a une série de facteurs qui n'ont pas été avancés. Je pense que M. Dion, d'ailleurs, a sorti cet exemple in extremis, à la toute fin, mais ce n'est pas un exemple qui peut entraîner, me semble-t-il, la moindre conclusion.

Dans le dernier mémoire, celui de l'ACM, bien sûr, on avance des chiffres selon lesquels la productivité baisse. On a pris certains critères, certains moyens de référence pour conclure. Mais, encore là, je pense que tous ces moyens qui sont avancés devant la commission et, aujourd'hui, publiquement restent des choses qui sont partielles je ne dis pas partiales, je dis partielles. Je ne pense pas que l'on puisse conclure présentement quoi que ce soit de valable, même pas de scientifiquement valable, parce que c'est difficile, je présume, dans ce domaine de la construction d'en arriver à établir, d'une manière rigoureuse, ce que sont exactement les faits sur la productivité.

D'autre part, il y a un courant d'opinions qui se crée, qui est alimenté. Entre autres, je me réfère au ministre

de l'Industrie et du Commerce du Québec qui a affirmé, à plusieurs reprises, que les taux de productivité dans la construction avaient dangereusement diminué. Au meilleur de mon souvenir, il aurait même mentionné un chiffre de 30% ; si mon chiffre n'est pas exact, je suis prêt à me corriger. Mais tout cela laisse entendre que la situation se dégrade, se détériore. Peut-être que c'est vrai, peut-être que c'est exagéré aussi et peut-être que cela n'existe pas.

Il me semble qu'on n'a même pas besoin d'amender le décret sur cette question pour fouiller les causes, s'il y a une situation détériorée. Il me semble qu'il y a une série de facteurs qui nous viennent à l'esprit, qui peuvent conduire au fait que la productivité ne soit pas celle que l'on voudrait avoir, celle que l'on désirerait. Très peu ont parlé de la question de la sécurité d'emploi. Il est bien clair que, dans une meilleure conjoncture, lorsqu'il y a beaucoup d'emplois dans la construction, le gars qui va perdre son emploi parce que la construction où son métier, est requis, sera terminée, s'il croit que, le lendemain ou dans une semaine, il va se replacer, peut-être que sa sécurité d'emploi entraîne un effet sur la productivité.

Ce sont des êtres humains comme les autres. S'il arrive que le contrat étant terminé, le gars, le travailleur n'a pas d'emploi ailleurs, du moins, il n'a pas de prévision d'emploi, il est possible que son taux de productivité s'en ressente, à tout le moins.

J'aurais une suggestion concrète à faire, et au ministre et à la commission parlementaire, sur cette question de productivité. Au lieu de laisser aller les choses, dire toutes les choses contradictoires parfois dans le même paragraphe ou dans la même déclaration, pourquoi ne serait-il pas approprié qu'il y ait une équipe spécialisée, ce qu'ils appellent une "task force", qui examine toute la situation de la productivité. S'il y a constat que la productivité, ici, est plus faible que ce qui existe ailleurs, ou encore, oubliant les points de comparaison, si on imagine que la productivité peut être augmentée ou qu'elle a lourdement diminué ces dernières années, au moins, on aura une enquête, une étude qui pourra nous servir d'appui, et cette "task force", cette équipe spécialisée ne devrait pas se contenter d'en faire uniquement les constats, elle devrait regarder aussi les raisons, les causes qui font que la situation est ce qu'ils auront découvert.

Je pense qu'alors, au lieu de se plaindre uniquement du côté patronal et du côté gouvernemental, nous pourrons avoir des choses qui seront concrètes. S'il arrivait que ce sont des directives syndicales qui causent une perte, une diminution de productivité, on le saura tout simplement. S'il arrive que ce sont d'autres causes, la non-abondance de matériaux, la gérance trop faible, quand la productivité est faible, les employeurs peuvent se regarder eux aussi et peuvent se dire pourquoi elle est faible. Est-ce que ma gérance est en cause?

Voilà donc, sur ce point, M. le Président, la suggestion concrète que je voulais mettre devant vous, et encore une fois, je ne pense pas que de traiter de ce sujet aujourd'hui peut entraîner le règlement des problèmes qui nous confrontent et qui nous rassemblent ici aujourd'hui.

Hier, le ministre du Travail a refusé de dire, ici, aux membres de la commission et à nous, quelle serait la suggestion miracle que certains ont traitée, mais quelle serait cette suggestion qu'il ferait au cabinet des ministres. J'ai, moi aussi, regretté que le ministre ne nous ait pas dit là où il en était dans ses réflexions. Mais cela le regarde, et son mode de fonctionnement, je n'ai pas à le critiquer. Toutefois, on apprend par les journaux qu'il semble que la formule qui serait décrétée serait de $0.59, à partir du 1 er janvier 1975, je présume, $0.13 le 1 er mai, $0.17 le 1 er octobre. Je ne sais pas si cela est exact ou non. Je dis, au moins, que les journaux nous rapportent ce qui en est. Mais le ministre me fait signe que ce n'est pas cela. Si ce n'est pas cela, c'est autre chose.

Je voudrais dire, avant d'entrer dans les arguments purement techniques, qu'il y a quelque chose, à l'heure actuelle, dont il faut à tout prix tenir compte. Du côté de la FTQ, on affirme que 70% au moins de ses membres auraient déjà, et les premiers $0.50 et les deuxièmes $0.25, ce qui fait $0.75. Du Côté de l'ACM, elle soutient que c'est de 20% à 25%, les travailleurs de la construction qui auraient donc les deux montants que je viens de mentionner.

Quant à moi, je n'ai pas de chiffres à vous fournir. Je prends tout simplement ces deux chiffres etje me dis: La vérité, il est probable, se situe sans doute à un chiffre intermédiaire entre les deux. Si mon affirmation est exacte, de toute façon, les employeurs acceptent de dire que de 20% a 25%, cela existe, ce fait est exact, s'il arrive que le cabinet des ministres décrète, ce soir ou demain ou un autre jour, une formule qui ne contiendrait pas à tout le moins les $0.75, la décision du cabinet sera source de prolongation de conflit, et ce sera source aussi d'autres conflits.

Souvenez-vous que, dans le cas des ferrailleurs, pour une partie d'entre eux, à tout le moins et je crois que c'est suite au jugement intérimaire du juge Vallerand, il y a des ferrailleurs qui avaient $0.50 de plus et à qui on les a enlevés.

J'ai bien l'impression que vous pouvez imaginer qu'une partie du problème des ferrailleurs prend sa source dans la diminution de traitement. Nous le disons aux membres de la commission et au ministre, s'il devait y avoir une formule qui était inférieure à celle qui est reconnue comme étant appliquée pour une partie importante pour les uns, plus importante pour les autres, si cette formule donc devait être moindre que le chiffre connu, je pense que vous vous embarquez dans une autre situation extrêmement difficile.

Je vais maintenant dire quelques mots des relations de travail dans cette industrie et me référer à la loi 290, loi de décembre 1968. Comme on l'a dit hier, c'est toujours en décembre, à la fin des sessions que les choses se font, cette loi avait été vpulue et demandée par toutes les parties représentatives, sauf la CSN.

Nous avions alors exprimé l'idée que c'était une mauvaise loi et je pense que ceux qui étaient présent — le ministre était là comme représentant d'associations patronales — se souviennent fort bien de nos nombreuses objections à cette loi, mais la loi a été adoptée et je ne connais pas de lois qui ont été violées aussi souvent sans que personne soit puni. Il n'y a pas de lois adoptées par

l'Assemblée nationale, que je connaisse, qui ont connu un sort comme la loi 290 et, depuis ce temps, on ne fait que du rapiéçage. On fait ce qu'on peut appeler du "patchage". On se rend compte qu'il y a un trou ici? On essaie de le bloquer par une loi spéciale, par un règlement particulier. On demande une convocation de la commission parlementaire, on s'en va dans des situations abracadabrantes.

M. le Président, si on veut régler le problème actuel avec une formule qui ne tiendrait pas compte de ce qui s'est produit dans les mois passés, de ce qui se passe aujourd'hui, de ce qui est susceptible de se passer et je parle uniquement au niveau salarial, au niveau de la rémunération, je pense qu'on se prépare encore de durs lendemains.

Il est arrivé qu'hier on nous a dit que cela avait été créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux. L'inflation ne peut avoir été créée par nous. Ce n'est pas vrai. Encore ce matin, la radio nous annonce qu'il y a une augmentation du coût de la vie pour le mois de décembre 1974, de 1%. C'est l'indice du Canada. L'indice de Montréal n'est pas encore connu. Il est toujours connu deux ou trois semaines plus tard. C'est un problème qui est réel et comme le mémoire de l'ACM le mentionne — notre organisation — nous avons soulevé la question dès le mois d'avril ou de mai 1974 parce que nous croyons que si le problème ne se réglait pas, on pourrait en arriver à des situations d'impasse comme celles que nous connaissons aujourd'hui.

Je plaide donc devant vous pour éviter les répétitions du passé et que vous ne fassiez — pas vous comme membres de la commission parce que vous n'avez pas de pouvoir décisionnel — mais que le cabinet des ministres ne s'embarque pas dans une formule qui sera source de nouveaux conflits.

On a parlé aussi des responsables. Pourquoi cela va-t-il mal? On essaie d'indentifier bien sûr les coupables, de trouver des boucs émissaires. J'ai bien l'impression qu'on doit tous avoir un peu notre part.

On ne doit pas tous être des anges, personne, ni du côté patronal, ni du côté syndical et probablement pas du côté gouvernemental non plus. Je voudrais quand même regarder un peu comment on peut identifier la responsabilité. J'ai à dire que, du côté patronal, ce qu'on vient d'entendre, ce matin et hier, c'est qu'on se plaint, à l'heure actuelle, de la situation. Je dis que l'on a encouragé, par bon nombre d'entrepreneurs, le viol systématique, entre autres, de la liberté syndicale. Je pense qu'il y en a qui viennent de parler et qui dans plusieurs cas, ont accepté que les travailleurs ne puissent pas avoir leur liberté.

Je pense aussi que, du côté patronal, le fait qu'on n'ait pas suivi tellement bien les règlements de sécurité a été une source constante d'un très profond malaise. Je sais que le ministre s'y attend; je dois le dire devant lui comme je le dis ailleurs. Je crois que le ministre et le gouvernement — parce qu'il n'est pas seul là-dedans — sont aussi responsables d'une grande partie des choses qui se déroulent présentement. Je ne dis pas que ce sont des péchés de commission tout le temps, mais des péchés d'omission. Cela arrive quand il vous réunit uniquement dans une période de crise, uniquement quand il y a un problème et qu'il faut le régler, mais on règle les problèmes à la petite journée. On n'a pas de politique d'ensemble.

Depuis combien d'années le Parlement a-t-il été appelé à se prononcer sur des pièces détachées, mais non pas sur un programme d'ensemblequi auraitpucréerun autre climat? Je ne sache pas que vous avez eu à étudier ou à adopter des lois dans le domaine du travail en général, dans le domaine de la construction en particulier, sauf quand des périodes de crise s'élevaient. Aujourd'hui, ce que je vous demande encore, c'est de ne pas répéter cette triste expérience.

Voilà maintenant quelle formule nous préconisons. Vous verrez qu'entre les propos tenus hier par la FTQ et la formule que nous mettons de l'avant, il y a quelques points de divergence. Nous, au lieu de réclamer les $0.25 en janvier 1976, nous demandons d'y substituer une formule qui réglerait, d'une manière plus permanente, le problème, une formule d'indexation.

Comme tout le monde, j'espère que nous ne reviendrons pas en arrière avec la fameuse question de la parité salariale. S'il arrivait que le cabinet des ministres décide qu'il y a un taux à Montréal et un taux en province, que l'augmentation ne serait pas la même à Montréal par rapport à la province, je vous dis tout de suite que cela, de nouveau, serait une autre source énorme de conflits. Des luttes épiques ont été livrées pour en arriver à la parité salariale. Souvenez-vous du bill 38, souvenez-vous de la commission parlementaire au cours du bill 38, c'était en 1970. Souvenez-vous des autres séances des commissions parlementaires, des conflits, des troubles que l'absence de parité a occasionnés.

Si, dans la situation présente, on ne devait pas considérer le rattrapage dans la province comme était le salaire qu'ils auraient dû recevoir et qu'il faut partir de là pour ajuster les traitements, on bouleversera beaucoup de concepts au Québec et on accroîtra le nombre de conflits sur les chantiers. Je vous rappelle qu'il y a à peine quelque temps — c'est du oui-dire, on me l'a raconté — dans une ville pas loin de Montréal, un entrepreneur a décidé de payer $0.50 supplémentaires à ceux de l'extérieur de la ville et ne les a pas donnés à ceux qui étaient résidents de la ville. Cela a pris, semble-t-il, à peine quelques heures; le problème s'est réglé, les gars ont arrêté de travailler.

Si vous pensez établir un taux à Montréal et quand la main-d'oeuvre de Montréal s'en ira en province, elle transportera son taux, comme cela se faisait dans le temps, vous vous en allez tout simplement dans un cul-de-sac. Pour ne pas trop m'étendre là-dessus, je vous rappelle qu'il y a de nombreuses catégories de salariés au Québec qui ont le même traitement quoi qu'ils fassent, où qu'ils exercent leur métier, que ce soient des médecins, que ce soient des fonctionnaires, des employés d'hôpitaux, des enseignants, j'irais même jusqu'à dire des députés. C'est normal sans doute. Même si vous représentez un comté de 8,000 personnes, je suppose que vous devez avoir le même traitement qu'un député qui en représente 50,000 ou 75,000.

J'espère donc que le cabinet des ministres

n'appliquera pas une thèse différente aux salariés de la construction de celle qu'il s'applique lui-même et qu'il applique à la députation. Lorsque je reviens à la formule des $0.75 plus indexation, je vais tenter de donner certaines explications techniques et je ne pense pas utile et nécessaire d'aller dans les moindres détails ou dans les méandres techniques de toute cette formule.

Hier, dans le mémoire de la FTQ, vous aviez déjà une illustration de la façon dont les choses peuvent être calculées. D'autres méthodes peuvent être retenues. Je vous rappelle aussi que, dans le mémoire de la Fédération de la construction, on trouve des formules de justification. Dans le domaine statistique, je pense que c'est connu de tout le monde. On essaye toujours de trouver la période qui nous sert, pas la période qui nous dessert. C'est ainsi que la Fédération de la construction prend comme mode de référence, comme base de référence, l'année 1969. Je soupçonne — je ne suis pas dans leurs secrets, loin de là — que leurs chercheurs ont dû essayer deux ou trois autres bases avant de choisir celle-là parce qu'ils ont dû se dire: C'est celle-là qui nous donne le meilleur résultat. Ils ne sont pas les seuls à agir ainsi. Probablement que, du côté syndical, cela doit se produire aussi. Je ne suis pas très au courant, mais probablement aussi que cela doit se produire. Je voudrais vous dire que les travailleurs n'achètent rien en fin de semaine par des statistiques. Ils achètent leur panier de provisions avec de l'argent, pas avec l'argent qu'ils ont gagné en 1969 ou les fameuses bases de référence. On pourrait, quant à nous, dire: II faut tenir compte d'un enrichissement, il faut tenir compte aussi de ce qui était la prévision de l'augmentation du coût de la vie. Cela a été discuté devant vous hier.

Qu'est-ce que les négociateurs se sont dit en 1973 là-dessus? Il est bien possible qu'ils ne se soient rien dit. Je n'y étais pas. La première fois au Québec, je crois, qu'on a parlé de cela dans ces termes, cela a été dans le front commun du secteur public et parapublic. C'est là, je pense, qu'on a identifié les choses. On a dit: C'est tant pour cent, 2.5% pour tenir compte de l'enrichissement, le reste, qui va jusqu'à 6% dans des cas, c'est pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie. Si le coût de la vie n'augmente pas de 3.5%, les travailleurs en auront davantage. S'il dépasse cela, on a négocié une certaine formule d'indexation que vous connaissez déjà. Je pense que, dans la construction, même si je fais l'hypothèse que l'on ne s'est pas dit les choses ainsi: C'est tant de cents pour l'enrichissement, tant de cents pour tenir compte du coût de la vie, les négociateurs du temps ont dû quand même se dire: Le coût de la vie, j'imagine qu'il va augmenter d'un certain pourcentage, mais pas dans l'ordre de ce que l'on reconnaît à l'heure actuelle. Le reste servira à améliorer le sort des travailleurs de la construction.

A combien doit-on ou peut-on établir cela? Il y aura des méthodes scientifiques ou pseudoscientifiques pour y arriver en se basant sur le passé, en se disant: Si, dans le passé, c'était à peu près 4%, on pourrait l'établir. Je pense que je dois travailler plutôt d'une manière empirique de ce côté-là et, d'une manière empirique, nous avons dit que, au moins pour l'enrichissement, il devrait y avoir $0.30 l'heure par année. Après cela, on a examiné l'évolution des salaires, l'évolution du coût de la vie, mois par mois, et on a fait des projections pour l'avenir, comme tout le monde en fait.

Les projections, vous pouvez les faire à .7, à .8, à .9, à 1%, à 1.2 d'augmentation d'indice, tout dépend de ce qui vous passe par la tête, pour autant que c'est dans des choses un peu raisonnables.

On a pris ces taux pour ce qui concerne trois types de salaires: journalier, compagnon, et on s'est trouvé une espèce de point milieu. On a additionné le taux du journalier avec le taux de l'électricien, divisé par 2, on a ainsi le point milieu. On a suivi l'évolution. Suivant que vous êtes moins payé, ou suivant que vous êtes plus payé, le coût de la vie, quand on parle en pourcentage, vous atteint différemment dans le cas de la construction parce qu'il s'agit d'augmentation horaire à taux fixe et non pas en pourcentage. On a suivi tous ces raisonnements et on a essayé de tenir compte de la question soulevée hier par le député de Beauce-Sud relativement aux $0.20 qui, le 1er mai 1974, ont été appliqués pour le fonds de retraite alors qu'avant c'était uniquement $0.05 pour la sécurité sociale. On s'est dit: Doit-on tenir compte de ces $0.20 ou ne pas en tenir compte? On a fait les deux calculs quand on a vu ça, parce que les $0.20, certains peuvent dire, c'est de l'épargne. De l'épargne peut-être un peu forcée dans ce cas, mais de l'épargne dont je retirerai les bénéfices et les fruits uniquement à la fin de ma carrière active. Ces $0.20, même si c'est de l'épargne, je ne les ai pas pour acheter mes pommes de terre en fin de semaine, ils ne sont pas là parce qu'ils sont épargnés.

On a pensé qu'il valait mieux tenir compte que les $0.20 donnés au fonds de retraite ne devaient pas être pris en ligne de compte lorsqu'on fait la progression des salaires mais toute autre personne peut soutenir une thèse opposée. La seule chose concrète que je peux dire, c'est que vraiment, en fin de semaine, les $0.20 ne sont pas dans mon enveloppe de paye, c'est assez clair. Les autres thèses économiques peuvent se soutenir mais les travailleurs, ils n'ont pas ces $0.20. Avec tous ces calculs, les tableaux statistiques que nous avons pu sortir, je pense qu'il est assez simple, suivant les corps de métiers et même au niveau du point milieu, de justifier les $0.75 au 1er janvier.

Pour le futur, nous ne pensons pas que la formule mise de l'avant par la FTQ devrait être celle à retenir par le cabinet des ministres parce qu'on ne sait pas quelle sera l'allure, l'évolution du coût de la vie. S'il arrive que le coût de la vie se mette à grimper, dans des proportions plus importantes que celles que nous connaissons statistiquement, il y a une raison à cela. Regardez le discours d'avant-hier du président Ford qui n'entend plus combattre l'inflation, il entend combattre la récession. Combattant la récession, il envoie du pouvoir d'achat pour $12 milliards ou $13 milliards uniquement sur l'impôt sur le revenu, ce qui normalement, dans une économie libérale, a des chances de faire augmenter les prix parce qu'il y aura une demande accrue des biens. Si cela se produit, ce qui est la norme régulière du système dans lequel nous vivons, nous aurons un impact sur le Canada et le Québec, il est possible que le taux d'inflation soit plus élevé au cours des mois qui

viendront, justement en raison d'une telle décision économique.

Or, si nous sommes pris uniquement avec les $0.25 du mois de janvier prochain, il est encore possible que nous soyons aux prises avec d'autres conflits, d'autres grèves, parce que les travailleurs vont se dire: Mon pouvoir d'achat se détériore trop, l'érosion de mon argent, c'est trop fort. Tandis que si le cabinet des ministres étudie et applique une formule d'indexation véritable, d'abord, il doit tenir compte d'un certain moment d'enrichissement, j'en ai déjà parlé, je l'ai établi, quant à moi, empiriquement, autour de $0.30 l'heure par année. Une fois qu'il a établi son taux d'enrichissement, il peut commencer, en janvier 1975, s'il ne veut pas reculer avant, une forme d'indexation trimestrielle.

Ce que je lui suggère, c'est de prendre un taux d'indexation de $0.01 par .25 d'augmentation. Je m'explique, parce qu'on pourrait me dire: Dans la bataille du front commun, vous avez dit $0.01 par .3. Cela a été la norme. Quand on a pris .3, c'est qu'on a pris des salaires moyens dans tout le territoire du Québec.

C'est parce que vous faites affaires avec du monde de la construction dont les taux horaires sont plus élevés en partie, en raison du fait que leurs heures de travail n'ont pas la même stabilité généralement que dans d'autres secteurs. Voilà pourquoi, si le gouvernement retient cette formule d'indexation, il va se trouver à régler au moins une bonne partie des problèmes. Là, vous allez peut-être me dire: Mais les entrepreneurs eux, comment vont-ils faire pour soumissionner?

Les entrepreneurs, je les soupçonne de savoir compter autant que nous. Je les soupçonne d'être capables de faire de la projection, de la prévision économique. Cela ne veut pas dire que l'un ou l'autre ne se trompera pas en disant qu'il avait prévu, projeté que le décret augmenterait de $0.03, $0.05 ou $0.10, alors qu'il augmentera de quelques sous de plus, parce que la prévision d'augmentation du taux d'inflation n'aura pas été la même. Je pense que cela est prévisible et que cela est applicable par eux.

Bien sûr, on nous parlera des risques de faillites. Je pense que cet argument a longuement été développé en 1970-71. Ceux qui étaient présents se souviendront des cris qui étaient soulevés par des associations patronales, disant: Cela n'a pas de sens; on va tous faire faillite, ou un bon nombre.

Dans la situation actuelle — cela a été mentionné devant vous, il n'y a pas de chiffres pour le démontrer — je crois que bon nombre d'entrepreneurs remplissent déjà des contrats, gèrent des contrats. Ils ont déjà prévu les augmentations, même la question des $0.75. C'est peut-être une affirmation gratuite; je n'ai pas de statistiques à vous fournir, c'est ce que je pense.

Je voudrais aussi dire au gouvernement que, s'il avait l'intention de copier une formule — disons la formule du front commun — et de la copier dans la construction, de faire attention aux distinctions qui s'imposent entre ceux du secteur public et ceux du secteur privé, particulièrement ceux de la construction.

Dans le cas de la construction, je vous rappelle que la sécurité d'emploi n'est pas très considérable, que les heures de travail ne sont pas toujours stables. Je vous rappelle que les permis de travail, entre autres, étant partis au niveau des journaliers, pour l'instant, vous n'avez pas une possibilité de travail toujours aussi grande pour le même journalier.

Voilà pourquoi je vous fais donc une autre recommandation de ce côté-là. Je ne sais pas si j'ai été trop long. Vous avez semblé un peu impatients; alors, j'arrête immédiatement. Merci.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. Pepin. M. le ministre.

M. Cournoyer: Dans les dernières semaines, M. Pepin, même depuis le mois d'avril l'an passé, la CSN, de même que la FTQ, s'est toujours dite prête à négocier avec les associations patronales; la CSD également, je ne voudrais pas l'oublier, parce qu'elle aussi était prête à négocier.

Est-ce que les circonstances ont changé aujourd'hui, au point que le genre de négociation qui serait possible avec des associations patronales, c'est: Prenez ou laissez ce qui est mis sur la table actuellement? Est-ce que nous sommes rendus au point où on ne peut plus négocier, sauf pour appliquer à tous ce que certains ont obtenu?

M. Pepin: Je n'ai participé moi-même à aucuns pourparlers. Les rapports qu'on m'a fait, cependant, c'est qu'il y avait, du côté patronal, une fin de non-recevoir. Je ne sais pas s'il y a changement de situation. A la lecture de leurs mémoires, ceux qu'on a déjà entendus, je me risque aisément à dire qu'il ne me semble pas possible d'en arriver à un accord entre les parties. C'est mon sentiment personnel.

M. Cournoyer: Disons un accord, parce que, d'une part, les associations patronales ont manifesté leur intention de ne pas ouvrir le décret, parce qu'on n'ouvre pas un décret pendant sa durée, selon la prétention patronale, jusqu'ici. Il y a certaines indications où ils nous ont dit: Peut-être qu'on aurait pu ouvrir le décret si on avait eu des assurances, etc.

Mais de toute façon, sur le fond même, cette seule raison étant celle-là, la première, c'est qu'on n'ouvre pas un décret pendant sa durée, on n'a jamais été du côté des associations patronales sur le contenu de la demande syndicale. Ce que j'essaie de vous demander c'est: Est-ce qu'à ce moment-ci, au moment où nous nous trouvons, le janvier 1975, la partie de la négociation possible du côté syndical est amenuisée par le fait que vous ne pouvez pas négocier autre chose que ce qui a déjà été obtenu par un certain nombre de travailleurs?

M. Pepin: Votre question me semble multiple. Je vais essayer de répondre sur toutes les facettes ou tous les volets, au moins, que je comprends. D'abord, je pense que la loi 201 est loin de favoriser des négociations. Mais, je n'ai pas à faire de grief, la loi 201 est là. Avant, les employeurs ne voulaient pas négocier, maintenant, c'est le cabinet des ministres, le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide.

A mon avis, je n'en suis pas sûr, il n'y a qu'une seule façon envisageable. Que le ministre annonce ses couleurs, dise ce qu'il a, à l'heure actuelle, dans la tête, convoque toutes les parties, comme on le fait ici, mais on est obligé de vous parler dans l'abstrait, parce qu'on ne sait pas ce que vous avez dans la tête. C'est une

bonne chose pour vous, pour nous autres c'est un peu moins bon, mais ce n'est pas bien bien grave. On lit les journaux simplement.

Alors, ce qui peut donc être possible...

M. Cournoyer: Cela m'arrive tellement souvent d'apprendre des choses par les journaux, moi aussi, d'ailleurs.

M. Pepin: C'est bien sûr. C'est bon de lire les journaux un peu, et cela instruit.

M. Cournoyer: II y a d'excellents journalistes.

M. Pepin: Ce qui est donc possible, c'est que vous disiez: Voici la formule à laquelle je pense, à l'heure actuelle. J'ai réuni toutes les parties, si vous pouvez en négocier une meilleure ou si vous pouvez me convaincre du contraire, faites-le. A ce moment, là,, peut-être des pourparlers sont envisageables. Mais c'est la seule façon que je vois qu'il y aurait une possibilité.

Quand vous avez une loi comme celle-là, je pense que c'est un peu dans le cas du bill 38, la même situation. Il arrive que cela ne sert à rien de m'ouvrir à une table de négociation, si je ne sais pas... A l'autre bout, tout à coup on serait prêt à me donner le double de ce que je réclame, ou du côté patronal s'ils sont prêts à accepter tel niveau, tout d'un coup le gouvernement va aller beaucoup en bas de cela. C'est cela qui rend la négociation très difficile.

N'oubliez pas que, dans la construction, M. le Président, M. le ministre, à part 1969, le gouvernement n'a jamais laissé aller les rapports de force. Vous êtes toujours intervenus avec des petites lois, des petits règlements, etc.. A mon avis, ce n'est pas très sain, cela peut déteindre sur le climat des relations industrielles.

M. Cournoyer: En fait, le problème dans tout cela, c'est qu'il y a un gouvernement?

M. Pepin: Le gouvernement actuel.

M. Cournoyer: Cela est votre opinion. Si c'était un autre gouvernement, ce serait encore un problème qu'il y ait un gouvernement.

M. Burns: M. Pepin, je suis bien d'accord avec vous.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Cournoyer: Je n'ai pas d'autres questions à poser à M. Pepin.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Moi, j'ai simplement une question, M. Pepin, juste une précision. J'aimerais voir si j'ai bien compris la formule que vous mettez de l'avant.

Si je comprends bien, quant aux premiers $0.75, votre position n'est pas différente de celle de la FTQ, c'est-à-dire les premiers $0.50 pour mai 1974 et $0.25, en janvier?

M. Pepin: La même chose.

M. Burns: Quant à ce qu'il doit se passer après, vous, vous suggérez une formule d'indexation, vous avez mentionné $0.01 des .25, $0.01 à chaque fois que .25 de l'indice du coût de la vie arrive?

M. Pepin: C'est cela.

M. Burns: Est-ce que vous faites partir cela, à tous les trois mois, et à compter de janvier 1976?

M. Pepin: De janvier 1975.

M. Burns: Une fois que les $0.25 de janvier 1975 sont mis en application, par la suite, à tous les trois mois, vous révisez le taux, suivant l'augmentation de l'indice?

M. Pepin: Pour ce qui est de l'ensemble de la formule, je pense qu'il est important de faire la précision. Je relève au point de départ du décret de la construction, de mai 1973, je fais toutes mes augmentations de taux, j'exclus mes $0.20 de sécurité sociale dont j'ai parlé tantôt, je fais ma projection de l'augmentation du coût de la vie. Je ne pars pas avec mon indice à 100% en janvier 1975, je pars de mai 1973 et je tiens compte que, pour l'année 1975, j'ai le droit à $0.55 d'augmentation. A l'intérieur de cela, je me dis: Prenons-en $0.30 pour les fins d'enrichissement mais tenons compte du reste, les $0.25, il faut en tenir compte.

Et, nous semble-t-il, cela règle d'abord le problème d'une manière plus permanente et je pense que, si le coût de la vie continue à grimper comme il est là, cela va légèrement dépasser les $0.25 demandés par la FTQ. Je crois que cela va être plus applicable et à tous les trois mois, ce serait versé.

M. Burns: Bon. Maintenant, je veux juste vous poser une autre question puisque vous y avez touché en passant. Vous parliez du besoin de réviser la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction, le fameux bill no 290.

Selon vous, est-ce que cela doit se faire en convoquant les parties actuellement représentées au décret, ou est-ce que cela devrait passer par l'entremise du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, ou bien si vous avez une autre formule que vous envisagez? Je vous pose la question parce que c'est une histoire qui, depuis cinq ans, me chicote et même avant ça cela me chicotait aussi, mais particulièrement parce que je partage entièrement vos vues lorsque vous dites que ce n'est pas en révisant en pièces détachées ce type de législation qu'on va véritablement arriver, peut-être un jour, à une solution des relations de travail dans le domaine de la construction.

M. Pepin: Bon. D'abord, M. le député, il y a tout le problème de la commission Cliche qui nous annonce qu'elle fera des recommandations pour qu'il y ait des modifications, je présume, substantielles à la loi.

S'il n'y avait pas une telle commission Cliche, je vous demanderais de ne pas le référer au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre parce que je pense qu'il faudrait que ce soit plus spécialisé que cet organisme. Il faudrait du monde beaucoup plus de la

construction qu'il y en a au conseil. Mais je pense que les parties et le ministère auraient dû et devraient maintenant, si la commission Cliche nous décevait quant à ses recommandations, s'asseoir et trouver de nouveaux mécanismes.

Vous savez, des problèmes d'ancienneté dans la construction, il faut que ce soit réglé à un certain moment. Je sais que les travailleurs ne veulent pas d'ancienneté. Je les comprends. Mais il y a là, à mon avis, la source d'un malaise profond parce que c'est le seul monde où il n'y a pas d'ancienneté. La sécurité d'emploi, telle qu'on l'avait négociée avec M. Cournoyer dans le temps, en 1969, il était signataire d'une partie patronale quand il est devenu ministre... L'arrêté en conseil no 4119, vous vous en souvenez, on a fait des luttes aux commissions parlementaires. L'arrêté en conseil no 4119, il a pris le bord du panier parce qu'il a dit: Ce n'est pas applicable. Il y a des raisons pourquoi ce n'est pas applicable. Alors, si on n'a pas une certaine forme de sécurité d'emploi, si on n'a pas une clause d'ancienneté, on aura beau avoir les meilleurs salaires au monde, bien, j'ai l'impression que, constamment, les gars de la construction seront dans une insécurité telle qui se retraduit sur l'industrie, sur l'ensemble du climat, sur le chantier même avec le surintendant, ou le contremaître, ou le "boss" lui-même et qui se traduit après dans tout le territoire du Québec.

On a toujours eu peur, à mon avis, de prendre des décisions et d'appliquer des solutions dans cette industrie, même si on devait prendre des éléments qui existaient ailleurs, dont la question de sécurité d'emploi, dont la question d'ancienneté. Pourquoi? Quand un gars de la Davie Shipbuilding perd son emploi parce que le bateau a été lancé, a-t-il le droit d'aller sur la construction, indépendamment que d'autres travailleurs de la construction soient en chômage, du même métier, avec les mêmes qualifications? Mais quand le chantier de la Davie Shipbuilding rouvre ses portes, le gars de la construction n'a pas le droit d'aller prendre la place de l'autre. Je ne le réclame pas non plus. Mais ce que je réclamerais, c'est qu'il y ait une certaine sécurité d'emploi pour ce qu'on peut appeler, ce que l'on appelait dans le temps "les professionnels de l'industrie de la construction". Je suis sûr qu'à moyen terme, je ne dis pas à court terme, tout le monde au Québec, on va y trouver notre compte, y compris les employeurs. Ce n'est pas d'être antipatronal ou de vouloir tout changer le système économique que de réclamer que les travailleurs de la construction aient une forme de sécurité d'emploi, adaptée à leur situation mais comparable à ce qui existedansd'autres secteurs de la vie économique.

M. Burns: Merci, M. Pepin.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'ai seulement une question à poser à M. Pepin. M. Pepin, vous avez parlé tout à l'heure d'une formule d'indexation trimestrielle. En supposant que cette formule soit mise de l'avant et soit imposée — je ne dirai pas proposée — par le gouvernement — parce que le gouvernement se propose de l'imposer — j'aimerais que vous me précisiez à ce sujet si vous ne croyez pas que seuls les gros entrepreneurs pourraient s'accommoder facilement d'une telle formule.

Les petits et les moyens entrepreneurs — je parle des petits et des moyens entrepreneurs sérieux — n'auraient-ils pas beaucoup plus de difficultés, eux, à s'adapter à ce système? Ceci pourrait avoir, je dis bien, ceci pourrait avoir comme conséquence que, dans bien des régions, on se retrouve avec encore plus de chômage dans le secteur de la construction.

M. Pepin: C'est difficile de faire de la projection, même sur la base de la question que vous posez. Mais on peut quand même essayer de voir l'expérience du passé. Souvenez-vous, quand la parité salariale est arrivée graduellement, je le disais tantôt dans mon exposé, des hauts cris, parce que cela conduirait le monde en faillite, et que, dans la région de la Beauce ou dansd'autres régions, cela accroîtrait le chômage dans la construction. Moi, j'ai l'impression que les faits n'ont pas été ceux-là, que la construction n'a pasdépéri à la suite de la parité salariale, et même pas en province. Je ne dis pas qu'il n'y a pas un certain entrepreneur, dans un cas isolé, qui a subi des sévices suite à l'application de la parité salariale. Mais je ne pense pas, M. le député, que les conséquences soient celles que l'on pourrait imaginer en théorie.

Je voudrais aussi vous rappeler que, s'il y a indexation trimestrielle, la somme d'argent à ajouter trimestriellement n'est pas d'environ $0.10 ou de $0.20 d'augmentation. Evidemment, si le coût de la vie faisait un bond de 8% en un certain mois, ce qui est tout de même un peu imprévisible, là, on s'en irait dans des pays de l'Amérique latine tout simplement. Mais si la progression se fait entre .8 et 1.2 par mois d'augmentation en pourcentage, j'ai bien l'impression que l'augmentation — je n'ai pas le chiffre en tête — pourrait être $0.05, $0.07, $0.08, tous les trois mois, et ce n'est pas, à mon avis, quelque chose qui peut déséquilibrer et déboussoler à un point dramatique un employeur, surtout que, connaissant l'imposition que le ministre en fera, il va pouvoir, quand il va soumissionner pour une maison unifamiliale, un bungalow ou pour une autre catégorie de construction, avoir lui-même fait sa projection et dire: Je prévois que cela va être 1%, donc dans trois mois, j'aurai $0.05 ou $0.06 à donner de plus; il pourra l'avoir calculé.

M. Roy: Si je vous pose ces questions, c'est parce que, lorsqu'on se retrouve dans les régions rurales, non seulement dans la mienne, mais vous savez, dans la région du Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, le Témiscamingue, c'est de la construction domiciliaire, et ce sont surtout des bungalows, en particulier, qui se construisent. Disons que c'est le gros de la construction. Alors, on ne peut pas ignorer le fait — je suis convaincu que vous y pensez également — que la personne qui fait construire une résidence peut nécessairement

avoir recours à un emprunt. Or, lorsque le montant prêté parl'institution, que ce soit une caisse populaire ou une société d'assurance, est complètement dépensé, et que, à cause justement des variantes de coût pendant la construction, l'employeur aussi — vous avez non seulement le cas de l'entrepreneur, mais vous avez celui de la personne qui décide de construire elle-même, en engageant sa main-d'oeuvre elle-même — se trouve, à ce moment, obligée de faire face à des dépenses additionnelles qui peuvent aller jusqu'à concurrence de $500, $800, avec les difficultés que cela implique.

C'est la raison pour laquelle je veux bien avoir des précisions, et que le ministre se rende bien compte, ainsi que tous les gens, de la situation qui pourrait arriver dans ce secteur. Personne n'ignore actuellement que nous avons un ralentissement dramatique dans l'industrie de la construction domiciliaire dans les milieux ruraux. D'ailleurs, on a qu'à voir les politiques gouvernementales, fédérales ou provinciales, au niveau de la Société d'habitation du Québec. Il y a des statistiques qui sont assez effrayantes de ce côté. C'est cela que j'aimerais savoir, et j'aimerais bien être rassuré de la part du président de la CSN.

M. Pepin: M. le député, je voudrais d'abord vous dire que, dans la construction, il me semble que le gros problème, présentement, dans le secteur domiciliaire, c'est le taux d'intérêt. Cela me paraît être un élément majeur. On ne peut pas le régler ici. Mais ce sont des taux d'intérêt qui varient de 10% à 14% et à 14.5%... Je dois aussi ajouter que je n'ai pas l'impression que la masse salariale, dans une construction petite, est de forte intensité relativement. Mais je n'ai pas de chiffres, je ne suis pas un expert dans ces choses. Je dois vous dire aussi que, dans les régions où la situation est dramatique, vous avez parlé entre autres du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, c'est vrai que c'est dramatique là, mais je ne pense pas que ce soit le fait de la construction.

L'activité économique est complètement au ralenti dans ce territoire. On n'a pas réussi à débloquer, à créer un pôle d'attraction qui ferait que l'activité serait plus grande. D'autres régions sont aux prises avec le même problème, mais si vraiment, M. le député, il y avait augmentation, en raison du coût de la vie, pour l'année, mais distribués de $0.30 ou de $0.40 trimestriellement, je ne pense pas que cela affecte dangereusement l'économie. On est dans le domaine de l'économie et de la perspective économique; c'est difficile d'avoir une réponse qui est certaine. C'est de la prévision que nous faisons.

M. Roy: C'était le point que je voulais soulever et je vous remercie des réponses. Je pense bien que tout le monde est d'accord que les travailleurs de la construction doivent bénéficier d'augmentations de salaire correspondant aux augmentations du coût de la vie, mais je m'interrogeais un peu sur la formule prévoyant qu'un montant fixe soit accordé par certaines périodes, plutôt que l'indexation à être fixée, tenant compte de l'évolution ou tenant compte du taux d'inflation.

Je vous remercie, M. Pepin.

M. Pepin: Merci.

Le Président (M. Séguin): Le député de Saint-François.

M. Déziel: M. Pepin, si vous me le permettez, si on veut revenir au grand réalisme que l'on vit présentement, vous n'êtes pas sans savoir que, pendant l'été, nous avions peut-être environ $11 milliards en chantiers de construction dans tout le Québec.

M. Pepin: La baie James?

M. Déziel: La baie James pourrait probablement être incluse. Vous avez également des entrepreneurs généraux, avec des sous-traitants qui ont eu à vivre des soumissions, avant avril, et spécialement ceux qui ont figuré vers la fin de 1973, qui figuraient vers les trois derniers mois de 1973.

Si vous vous souvenez dans ce temps, l'essence coûtait, au mois de septembre 1973, $0.34 le gallon et, dans l'espace de trois mois, elle coûtait $0.60 le gallon. D'accord? Ils ont eu à subir une inflation et différents contrats à prix forfaitaire, garantis par des soumissions de 90 jours, ont dû être respectés par différents entrepreneurs. Je veux en venir à ceci: ces entrepreneurs, déjà déficitaires en commençant leurs chantiers, auront, évidemment, à vivre une certaine indexation, de par les demandes syndicales. Je veux en venir encore à ceci: Qui, d'après vous, devrait payer la note?

M. Pepin: Qui devrait payer la note? Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela ne devrait pas être les travailleurs. En effet, en quoi peuvent-ils être responsables de la hausse effrénée du coût de la vie à l'heure actuelle? Dans le temps, on vous disait: Ce sont vos augmentations de salaires. C'est cela qui fait augmenter tous les prix. Je n'ai jamais cru à cette thèse et je l'ai combattue à fond, mais, depuis cette poussée galopante des prix, y a-t-il encore quelqu'un qui peut soutenir que c'est à cause des salaires que le pétrole a augmenté, que les dérivés du pétrole ont augmenté, que tout le reste a suivi, la viande, etc., alors qu'on connaît la proportion salariale dans les endroits où ils dépècent la viande, où ils produisent?

Je pense que l'inflation ne peut pas être absorbée par les travailleurs, mais, à l'heure actuelle, nous en payons quand même une bonne partie. Même avec une formule d'indexation de trois mois, le coût est moins lourd, mais, si le coût de la vie augmente en décembre de 1 %, en janvier — par hypothèse — de 1 %, je subis cela. Si mon ajustement est trimestriel, cela serait à la fin de février, alors que l'indice du coût de la vie serait connu uniquement plusieurs semaines après la fin du mois. Pendant cette période, j'ai une zone grise où j'ai quand même perdu du pouvoir d'achat.

Je comprends que maintenant vous allez vous tourner du côté des entrepreneurs et dire: Comment vont-ils faire pour arriver? Je pense qu'il est possible qu'il y ait des entrepreneurs qui soient à prix fixe, comme on l'a mentionné hier et ce matin, je crois, et qu'ils n'aient pas beaucoup d'élasticité. Cela peut arriver. Généralement, j'ai bien l'impression que, depuis le temps où il est question de l'inflation, il y en a un bon

nombre qui ont dû prévoir dans leurs soumissions pour des contrats qui n'étaient en cours alors certains montants. Ils savaient un peu ce qui se passait au Québec.

Quand les prix des matériaux augmentent, les entrepreneurs sont obligés de payer le prix du marché. Dans ce cas, ils n'ont pas à rechigner. Ils n'aiment sans doute pas cela, mais ils paient.

Quand c'est la main-d'oeuvre dont le prix doit augmenter en raison de l'inflation, je ne vous dis pas que c'est comparable totalement, mais il y a des points d'analogie qu'il faudrait inclure.

M. Déziel: Vous n'êtes pas d'accord que ces gens se sont basés sur le décret qui avait été promulgué par la Gazette officielle pour, premièrement, sortir des prix précis.

Deuxièmement, je retiens les paroles de M. Dion lorsqu'il a mentionné, hier, qu'il pourrait y avoir environ 242 entrepreneurs qui pourraient être dans une situation précaire. Pensez-vous qu'advenant le cas d'une indexation, alors que des milliers d'entrepreneurs ou de sous-traitants seraient dans un marasme économique, ce marasme économique ne se répandrait pas dans tout le Québec?

M. Pepin: S'il arrive qu'il y ait un marasme, qu'il n'y ait plus de construction au Québec, je vous garantis que c'est dommageable pour les travailleurs aussi. Ce que je soutiens, c'est que tel ne sera pas le développement de la situation. J'ajoute que dans le passé on nous a fait les mêmes peurs. Le Bonhomme-Sept-heures, on l'a sorti et solidement devant les députés qui étaient là dans le temps. Finalement, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de faillites. Dans la construction, il y a des faillites qui ne sont pas nécessairement dues aux hausses de coût ni aux hausses de salaires, il y a aussi d'autres raisons qui existent. Je ne pense pas que la situation sera celle que vous semblez appréhender.

Je voudrais aussi vous dire que du côté des travailleurs, quand le coût de la vie augmente et qu'il y a érosion de leur pouvoir d'achat, ils ont le droit, eux aussi, de vivre à toutes les semaines. Il me semble qu'il faut tenir compte aussi de ce fait.

M. Déziel: Vous avez dit, tout à l'heure, que dans le domaine domiciliaire il y avait tout de même un aspect assez étroit.

M. Pepin: Assez quoi?

M. Déziel: Qu'il y avait tout de même un aspect assez étroit. Dans mon secteur du comté de Saint-François, un projet de 290 bungalows va bientôt débuter. Cela représente tout de même un montant de $5 à $6 millions. Je ne vois pas pourquoi le côté domiciliaire serait négligé en rapport avec des travailleurs qui sont dans des chantiers paragouvemementaux, gouvernementaux ou industriels quelconques. La dernière question...

M. Pepin: Qu'aucune carrière ne soit négligée, aucun travailleur et aucune catégorie. Si...

M. Déziel: D'accord. Maintenant, au niveau de la sécurité sociale, dans les négociations qui sont intervenues syndicalement et patronalement, je sais que dans le corps des maîtres électriciens, il y a une retenue salariale de $0.70, ce qui fait $28 par semaine. N'y aurait-il pas eu possibilité de repenser cette situation? Je rejoins l'idée du député de Beauce-Sud qui mentionne le fait que sur $20, à un certain moment, il reste tout simplement $2.99. S'il arrivait un marasme économique en quoi que ce soit, selon la décision finale qui sera prise, vous n'avez pas l'impression qu'on devrait, au niveau gouvernemental, repenser les charges de taxation qui diminueraient d'autant plus ces $2.99.

M. Pepin: Les $0.70, ce n'est pas de la retenue syndicale. Ce à quoi vous vous référez...

M. Déziel: Non, non, c'est paritaire.

M. Pepin:... c'est la retenue sociale, soit pour les fins de fonds de retraite et d'assurance-groupe.

M. Déziel: La sécurité sociale.

M. Pepin: Ce débat a été soulevé, hier, par M. Dion. Quant à moi, je l'ai traité d'une autre façon, tantôt, en disant: Je ne tiendrai pas compte des $0.20 qui ont été ajoutés à la sécurité sociale parce que je ne les ai pas dans ma poche pour vivre. Je pense que le débat que vous ouvrez, il a été ouvert hier. Il y a beaucoupdetravailleursde laconstruc-tion qui, d'après les rapports que j'ai, disent: II y a trop d'argent mis dans le système de sécurité sociale et particulièrement au niveau du fonds de retraite.

Il est bien sûr que, si on le regarde en chiffres absolus, en fin de semaine, le montant est assez élevé; $0.70, si c'est 40 heures, cela fait $28. Maintenant, pour la part qu'ils envoient au fonds de retraite, du côté des travailleurs, c'est $0.25 de leur argent direct. Je ne pense pas que ce montant soit très élevé. Je sais qu'il y en a beaucoup chez nous, des travailleurs, qui préféreraient que ces $0.25 leur soient retournés et gardés complètement. C'est tout le débat qu'on a à faire. Est-ce que la sécurité sociale gouvernementale va se développer suffisamment pour assurer une caisse de retraite universelle plus substantielle que celle que nous avons à l'heure actuelle? Si c'est l'hypothèse que nous formulons, inutile d'avoirdes plans supplémentaires de retraite ou de régime de rentes. Est-ce vraiment cela qui va arriver? Moi, je me questionne beaucoup, présentement, sur la thèse que nous devrions avoir.

Dans le front commun, j'ai participé aux négociations d'un plan de pension applicable à tous dans le secteur public et paraphublic; même, il devenait obligatoire. On avait de la réticence et tout cela mais, finalement on l'a négocié parce qu'on s'est dit: leur vieillesse, leur troisième âge sera mieux assuré.

Mais est-ce que c'est encore un bon raisonnement que nous faisons ou s'il ne vaudrait pas mieux, comme

vous semblez le suggérer, laisser à la sécurité sociale gouvernementale le soin d'en tenir compte?

Le deuxième aspect que votre question me suggère, c'est toute la question de l'indexation des impôts. Je l'ai moi-même soulevée à plusieurs reprises réclamant l'indexation des impôts. Du côté gouvernemental, on nous a toujours répondu que c'était une formule régressive et que le gouvernement du Québec préférait ne pas indexer les impôts. Je pense que, si nous regardons les chiffres produits par le gouvernement en raison de l'inflation, l'impôt et la taxe de vente, il reçoit des dizaines et des dizaines de millions de plus. C'est une forme de taxation souterraine, déguisée et il me semble que c'est tout un autre débat parce que, s'il y a indexation des impôts, cela sera valide non pas seulement pour ceux de la construction, mais pour l'ensemble de la population. Je continue à croire qu'en indexant les impôts, on va favoriser la classe moyenne et probablement aussi ceux qui sont en bas de ce qu'on peut appeler théoriquement le classe moyenne.

Le gouvernement, de son côté, se dit: Je préfère en donner plus à ceux qui ne sont pas imposables ou augmenter mon niveau de taxation, ma période d'exemption. Je pense que, de toute façon, avec la non-indexation des impôts, vous vous trouvez, au Parlement, à voter des augmentations de taxe sans le dire au monde. Il me semble que je préférerais, s'il vous manque, pour administrer la province, $100 millions ou $200 millions, plutôt que de le retirer d'une manière déguisée en raison de l'inflation, s'il vous manque cet argent, le Parlement doit être saisi d'un projet disant: II me manque $100 millions, voici où je prendrai cette taxation. Là, vous et le public faites le débat. Vaut-il mieux le prendre dans les compagnies multinationales ou le prendre dans la poche des salariés ou dans quelle proportion? Vaut-il mieux continuer à donner des subventions à ITT ou s'abstenir de le faire pour que vraiment nous ayons une assiette fiscale qui se tienne? En tout cas, je suis pour la thèse de l'indexation des impôts, mais pas uniquement pour ceux de la construction, bien sûr, pour tout le monde.

M. Déziel: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que vous ne voyez pas un certain danger concernant l'indexation, à savoir qu'il pourrait y avoir un grave danger pour la petite et la moyenne entreprises d'être supprimées parce qu'elles ont une forte concurrence à affronter?

M. Pepin: Parlez-vous uniquement de la construction?

M. Déziel: Uniquement de la construction.

M. Pepin: Je pense qu'il y a concurrence, mais cette concurrence, si tout le monde est astreint au même niveau de rémunération, ce n'est pas sur la concurrence salariale que le débat se fait, c'est sur la concurrence de meilleure gérance, meilleure prévision, je ne sais trop. Mais dès que le décret est là, dès que le décret prévoit que petites, moyennes, grandes entreprises, c'est tel taux de salaire si le coût de la vie augmente. Dans trois mois, il y aura tant de cents d'ajoutés. Il me semble qu'il n'y a pas beaucoup de danger, sur l'argument de la concurrence à tout le moins, parce que tout le monde serait dans le même bain.

Le Président (M. Séguin): Le député de Laviolette.

M. Carpentier: M. le Président, il y a quelques minutes, le député de Saint-François vous a posé la question, à savoir qui paierait pour ces augmentations, ces ajustements et tout. Vous avez défendu avec beaucoup d'énergie que ce ne seraient certainement pas les travailleurs. D'accord. Mais qui d'après vous va payer ces coûts? Ceux qui avaient des contrats avant, déjà signés depuis trois ou quatre mois, ou, dans la petite industrie, sur le plan industriel, ceux qui avaient des contrats de maisons ou autres ou n'importe quelle sorte de contrats? Qui va payer cette différence?

M. Pepin: Je pense qu'on n'a pas à se mettre la tête dans le sable. Les entrepreneurs ne sont pas là pour nos beaux yeux à nous. Ils sont là pour faire de l'argent. Alors, si le coût de la construction augmente parce que le coût salarial, le coût de la masse salariale augmente, il est bien clair, à tout le moins pour les contrats futurs, qu'ils vont le refiler à un client qui pourra s'appeler le gouvernement, qui pourra s'appeler moi, qui peut s'appeler vous. C'est évident qu'ils vont le refiler quelque part. La seule chance que nous pourrions avoir dans cette industrie, s'il y avait un meilleur ordre, s'il y avait enfin l'établissement de relations convenables, c'est qu'il pourrait y avoir une productivité qui serait meilleure et, à ce moment-là, l'influence de l'augmentation des coûts salariaux se ferait beaucoup moins sentir.

Dans beaucoup d'entreprises, des augmentations de salaire de 5%, 6%, 10% n'entraînent pas d'augmentation de prix parce qu'il y a augmentation de productivité, nouvelle machinerie, nouveau processus de travail, etc. Mais, répondant le plus clairement possible à votre question, c'est bien évident que, s'il y a augmentation des prix, c'est le client tantôt qui va recevoir l'addition et je pense bien que les entrepreneurs vont agir de cette façon, qu'ils ne l'assumeront pas eux-mêmes.

M. Carpentier: Entièrement d'accord pour les contrats futurs, c'est très clair qu'un entrepreneur qui soumissionne, peu importe dans quel domaine, c'est bien évident qu'il va tenir compte de la nouvelle augmentation s'il y a lieu. Mais pour les contrats signés antérieurement, ceux qui ont été signés en juin, juillet, août, l'an passé, durant l'année 1973, il y a encore des parties de parachèvement dans ça. Qui va payer la note?

M. Pepin: N'êtes-vous pas d'opinion que, dans bon nombre de cas, la question de l'indexation étant en l'air, des entrepreneurs ont dû faire un peu de prévision. J'ai lu il y a peu de temps, dans un journal, je ne sais pas si c'est vrai, qu'il y avait eu une brève enquête auprès de certains entrepreneurs, particulièrement à Montréal — il n'identifiait pas les entrepreneurs — les gars répondaient que, dans bien des cas, c'était prévu. Ils

avaient prévu une augmentation, je ne sais pas exactement quel montant. Maintenant, il peut y avoir aussi des contrats qui sont donnés à prix fixe, mais, parfois, ce sont des drôles de prix fixes. Je pense qu'il y a des contrats, je ne veux pas m'aventurer dans un domaine que je connais moins que vous ou moins que d'autres ici, qui doivent prévoir que, si le décret augmente, le prix du contrat augmentera aussi. Je pense qu'il y en a, mais, s'il n'y en n'a pas, ne tenez pas compte de ma réponse.

M. Cournoyer: Dans le cas de certaines entreprises publiques, pas la majorité, je pense que, dans les devis généraux de la ville de Montréal, par exemple, donc, par conséquent, peut-être dans ceux de la communauté urbaine, il y a une clause qui dit qu'on s'ajuste au taux du décret.

M. Pepin: Je n'ai donc pas tout à fait tort.

M. Cournoyer: Dans ce cas particulier, oui, mais, dans le cas du gouvernement provincial, il n'y a pas de telle clause d'indexation dans les contrats à prix fixe. Cela veut dire que c'est transporté dans le cas des hôpitaux et dans le cas des commissions scolaires où il n'y a pas de clause, non pas d'indexation mais d'ajustement du prix, compte tenu de l'augmentation des taux de décret.

M. Burns: Je m'excuse mais, à la commission des engagements financiers, il arrive très souvent, très, très souvent justement, que des contrats qui ont été donnés à prix fixe nous soient montrés comme ayant subi des ajustements à cause d'une augmentation de coût et c'est constant. D'ailleurs, c'est malheureux que le député de Beauce-Sud ne soit pas là parce qu'il est très souvent à cette commission pour le constater.

M. Cournoyer: Je disais qu'il n'y a pas de telle disposition dans le devis.

M. Pepin: On va avoir une démonstration ici.

M. Cournoyer: Je ne dis pas que le gouvernement, dans la question des engagements financiers, ne révise pas les contrats de construction qu'il a consentis, je dis qu'il n'y a pas de clause dans le devis qui dit que ça va être révisé en fonction des taux du décret. Dans le cas de la ville de Montréal, il y a une telle disposition.

Le Président (M. Séguin): Le député de Laviolette.

M. Carpentier: Est-ce que vous pouvez nous fournir certains documents là-dessus pour nous apporter une preuve démontrant que cela a été fait ou n'a pas été fait? Est-ce que vous pouvez nous donner des chiffres là-dessus?

M. Pepin: Je n'ai pas de chiffres que je peux vous fournir. Je peux vous donner des indications comme une correspondance pour un CEGEP où on a demandé au gouvernement d'ajuster pour les $0.50, je ne sais pas si le gouvernement l'a accepté ou non. Pour d'autres aussi, on demande des ajustements. Parfois, dans de gros contrats, je pense qu'il y a la question des "extra", je ne connais pas tellement ça.

M. Carpentier: Prenez par exemple tout le cas de l'habitation, les petits et moyens entrepreneurs qui ont déjà des contrats signés avec un individu pour la construction d'une maison. Ce contrat était signé antérieurement, disons avant le mois de juillet, soit une maison d'appartements, une petite construction, qui va payer pour? Est-ce que ça va être le client, est-ce que ça va être l'entrepreneur? Vous plaidez avec toute l'énergie possible pour que ce ne soit pas le travailleur. Je suis entièrement d'accord avec vous mais il faudra que quelqu'un paie pour ça, qui va payer?

M. Pepin: Je ne sais pas de quelle nature sont ces contrats signés avec des gens du domaine privé, il est bien clair que si l'entrepreneur signe un contrat ferme, c'est $20,000 pour la construction que je vais te faire. En cours de route, lorsque les prix augmentent, quand les matériaux augmentent — ils augmentent les matériaux dans ce temps-ci, comme le reste — qui paie?

M. Bédard (Montmorency): On soumissionne à des prix garantis.

M. Pepin: Vous l'avez prévu à l'avance.

M. Bédard (Montmorency): On soumissionne à des prix garantis.

M. Pepin: Non. Vous pouvez prévoir une augmentation du prix des matériaux jusqu'à un certain point. C'est de la prévision que vous faites. C'est prévu donc ce n'est pas un contrat fixe en ce qui concerne les matériaux. Pour les hommes, par exemple, passe par là.

M. Carpentier: Mais si un individu signe un contrat avec un entrepreneur quelconque, pour la construction d'une maison, par exemple pour un montant de $25,000, et qu'à la fin, avec toutes les augmentations, coût de matériaux, coût de construction et tout cela, on arrive à $28,000...

M. Pepin: C'est une mauvaise prévision, certain. L'entrepreneur a signé un mauvais contrat, certain.

M. Carpentier: Alors si cela se répète?

M. Pepin: On ne peut pas dire que c'est la faute des salaires.

M. Carpentier: Si cela se répète à trop d'exemplaires, qu'est-ce qui va arriver au bout de la ligne? Il va certainement y avoir des démissions.

M. Pepin: Quel est le pourcentage du coût de la main-d'oeuvre dans le coût total d'une maison? Est-ce qu'on peut imaginer cela? Cela peut-être 25% ou 30% ou 40%. Je pense bien qu'entre 25% et 30% je ne me trompe pas tellement.

Si c'est 25%, c'est le quart. Disons que la maison est de $20,000; le quart, cela ferait $5,000 pour la main-d'oeuvre. En tout cas, si c'est 50%, mes chiffres

changeront tout simplement, mais je crois que c'est plus faible que 50%.

Mais si les salaires augmentent, cela n'augmente pas de 10% du coût global, cela augmente de 10% des $5,000 si c'est $5,000. C'est pour cela que, lorsque j'ai répondu au député de Beauce-Sud, j'ai fait attention en disant que la masse salariale, dans un contrat comme cela, est importante, c'est évident, mais elle n'est pas très large, comparée à d'autres ouvrages, je présume.

M. Carpentier: Si vous avez une augmentation de $1 l'heure sur un salaire de $5, par exemple, cela ne représente plus 25%, cela représente 20%. C'est beaucoup plus considérable que vous nous le laissez croire.

M. Pepin: Si mon chiffre de 25%, comme étant attribuable à la main-d'oeuvre, est vrai, si le contrat est de $20,000 pour finir la maison, c'est $5,000 qui s'en vont pour la masse salariale. Peu importe si je gagne $5 ou $6 ou $7 l'heure. S'il est vrai de dire, aujourd'hui, que c'est le quart qui s'en va à la main-d'oeuvre — je ne vous réfère pas au taux horaire à ce moment-là — la masse salariale pour construire une maison, si, par hasard, c'est 40%, changez les chiffres, transposez les chiffres.

M. Carpentier: Pas si loin que cela. Si vous avez une augmentation de $1 l'heure sur une possibilité de $5, cela veut dire 20%. Si vous payez $5,000, cela représente $1,000.

M. Pepin: $1,000, c'est évident, cela s'additionne comme cela.

M. Carpentier: Alors, cela commence déjà à faire quelque chose.

M. Pepin: Bien sûr, parce que le coût de la vie augmente et le gars, il en a besoin.

M. Carpentier: On réalise cette partie de la question, là. Nous le savons. Mais qui va payer pour les contrats en arrière? Disons qu'on arrête au mois X en 1974...

M. Burns: Le même gars qui paie notre salaire.

M. Pepin: Si le gars a un contratfermé, comme celui que vous imaginez, si son taux de profit n'est pas assez élevé, c'est sûrque, dans ce cas-là, il va subir une perte. Mais il est possible qu'il obtienne d'autres contrats aussi et qu'il se venge un peu, je ne le sais pas.

M. Carpentier: Je trouve que c'est pas mal hypothétique.

Le Président (M. Séguin): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. Pepin, je vous ai entendu dire ceci tout à l'heure, au soutien de votre thèse à l'indexation des impôts au Québec. Dans un geste qui vous est familier, vous avez dit que le gouver- nement drainait, d'une façon souterraine, des dizaines de millions de dollars à l'insu des contribuables. Est-ce que vous avez omis, sciemment, de parler dans le sens suivant quant à cette augmentation du produit national brut au Québec à chaque année? Avec un bon gouvernement, cela se produit à chaque année depuis au moins cinq ans, nous avons une augmentation naturelle du produit national. Conséquemment, c'est une augmentation normale, démographique, économique, etc.

Bien sûr que cela amène des revenus additionnels dans les coffres du gouvernement. Si cela amène des revenus additionnels dans les coffres du gouvernement, le gouvernement, ce n'est pas une personne, c'est la population du Québec dans l'ensemble qui en bénéficie.

Cette augmentation du produit national amène nécessairement une hausse dans les services et dans les responsabilités que le gouvernement s'est engagé à assumer envers la population. Tout cela veut dire que l'augmentation normale de la situation économique au Québec, dans son ensemble, amène une hausse naturelle des revenus dans les coffres du gouvernement, mais, en conséquence, également, amène le gouvernement à faire face à des obligations additionnelles. Je crois qu'il aurait été bon d'ajouter cela.

M. Pepin: M. le député, c'est vraiment sciemment que je n'ai pas soulevé cela, parce que je ne partage pas votre point de vue.

Quand vous me parlez du PNB, vous me parlez du produit national brut, tout le monde sait cela. Vous savez qu'à l'heure actuelle le PNB n'augmente pas et vous avez des taxes et des suppléments de taxes, quand même. C'est parce qu'il faut bien porter le problème où il est. Si c'est une augmentation du PNB en termes constants ou en valeur réelle, je crois qu'il faut être suspicieux là-dessus.

Ce que je dis de vous autres, c'est que l'inflation de 12% vous entraîne des revenus. Evidemment, je sais bien que vous ne gaspillez pas cet argent, le moins possible, en tout cas, je l'espère.

M. Tremblay: Je suis content de vous l'entendre dire, tout de suite.

M. Pepin: Quand vous recevez ces dizaines ou ces centaines de millions de plus, je dis que c'est l'inflation qui vous draine cela ici à Québec et que cela est une augmentation de taxe déguisée, parce que vous appauvrissez des citoyens et, comme vous avez besoin des $100 millions, vous allez les appauvrir quelque part. Mais là où je ne marche pas avec vous — je ne peux pas faire de débat public et vous non plus, comme député — c'est que vous ne pouvez pas décider où vous allez piger votre argent pour administrer la province, parce que ce n'est que l'inflation avec les taux marginaux, les tables d'impôt, la taxe de vente qui vous drainent plus d'argent, tandis que, si vous aviez une indexation des impôts, là vous pourriez dire, sur la proposition du ministre des Finances: J'ai besoin de $100 millions de plus pour administrer le Québec; je propose que la taxe soit

prise à même les corporations, les multinationales, le reste, pour une partie, dans la poche des citoyens, en augmentant les taux d'impôt. Là, vous pouvez au moins faire ce débat, que vous ne pouvez pas faire, à l'heure actuelle.

Le PNB, je vous le rappelle, il ne croît pas depuis trois ou quatre mois, semble-t-il.

M. Tremblay: Je ne veux certainement pas faire de débat là-dessus.

M. Pepin: Bien, ça m'avait l'air de cela.

M. Tremblay: Mais vous admettrez avec moi, même si vous ne partagez pas mon opinion, que ces surplus de revenus qui viennent automatiquement, causés par l'augmentation générale, l'inflation, occasionnent naturellement aussi des dépenses additionnelles. On en verra peut-être une preuve tangible d'ici quelques heures.

M. Pepin: Comme l'augmentation des députés, par exemple. Il faut bien que ce soit pris là.

M. Tremblay: Oui, certainement. Puis l'augmentation que le président de la CSN s'est fait voter l'année passée.

M. Pepin: Pardon, ce n'est pas l'an passé.

M. Tremblay: Ou il s'en fera voter une prochainement.

M. Pepin: Mais ce n'est pas à même les taxes, quand même, que c'est payé, je ne pense pas.

M. Tremblay: Mais à toutes fins utiles...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pepin: Ce n'est pas à même les taxes qui sont reçues ici, ne charriez pas.

M. Tremblay: M. Pepin, moi, je voulais... Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Tremblay:... simplement attirer l'attention des gens qui nous écoutent. Je respecte le bien-fondé de vos allégations. N'allez pas croire que je manque de respect envers votre syndicat. Ce n'est pas du tout là l'objet de mon intervention. C'était simplement de soulever la question qu'également il y a des responsabilités additionnelles et des services additionnels qui sont inhérents à une hausse de revenus. C'est normal.

Maintenant, tout le débat sur l'indexation de l'impôt, cela viendra peut-être un jour.

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures, cet après-midi. Nous entendrons, dès l'ouverture, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

Reprise de la séance à 15 h 3

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Voulez-vous vous identifier pour le journal des Débats?

Association des constructeurs d'habitations du Québec

M. Rousseau (Orner): Orner Rousseau, représentant de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Trois heures, M. le Président, c'est une très belle heure. Cela me rappelle qu'une certaine personne s'est déjà fait crucifier à cette heure!

Or, j'aimerais débuter. Pour fins de présentation, je dois vous dire que l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec représente 3,500 membres; elle représente presque exclusivement les constructeurs d'habitations et, je dois dire, le secteur de l'habitation.

Nous représentons 24% des employeurs de toute l'industrie, selon le certificat d'accréditation émis par le ministère du Travail. Et, pour fins de négociation, puisqu'il y a trois critères qui sont additionnés, nous représentons 10%, à peu près, en masse salariale et de 10% à 15% au point de vue du nombre de salariés embauchés par nos employeurs.

Je dois ajouter aussi que mes membres ont des entreprises de petite et moyenne tailles et que nous faisons directement affaires avec le public consommateur, c'est-à-dire celui qui achète une maison et dont les contrats ne sont pas de $1 million, mais entre $20,000 et $30,000. Je dois vous dire que ce sont tous des contrats fermés.

Or, je débute. Depuis le temps que le conflit de l'industrie de la construction dure sur la question de l'indexation des salaires, nous n'avons pas, messieurs les membres de cette commission parlementaire et messieurs du gouvernement, à vous décrire dans tous ses détails la situation qui prévaut actuellement sur les chantiers de construction. Vous en êtes sûrement bien informés puisque vous avez accepté, le 24 décembre dernier, d'amender la Loi des relations de travail, permettant ainsi au lieutenant-gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre du Travail, de modifier le décret si ce dernier est d'avis que, dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante.

Ainsi, vous avez sans doute évalué la situation et sûrement pris cette décision d'amender la Loi des relations de travail en connaissance de cause. Il n'y a donc que peu de chose que vous ne sachiez déjà.

Nous n'avons pas à vous préciser la position de notre association dans l'actuel conflit. A maintes reprises, nous avons clairement exprimé nos vues sur le sujet, à la fois au premier ministre et au ministre du Travail. Enfin, régulièrement, nous avons manifesté publiquement notre pensée afin d'informer nos membres et le public en général.

En effet, nous venons aujourd'hui non pas exposer une situation que tous connaissent, non pas déclarer

notre position maintes fois publiée, mais reprendre uniquement les raisons qui ont motivé et motivent encore notre position.

Les raisons de notre refus à l'indexation des salaires. Depuis bientôt deux ans, la faveur des critiques économiques rend l'inflation responsable de tous les déboires de l'économie mondiale. Dernièrement, les associations syndicales de la construction partaient de ce point de vue pour revendiquer l'indexation de leurs salaires.

En mai 1973, l'industrie de la construction venait de se doter d'un cadre sérieux qui assurait les trois prochaines années d'un climat favorable et productif. Pour les trois ans, tel que démontré dans l'annexe A, l'industrie avait accordé, uniquement au chapitre des salaires, des augmentations de l'ordre de 27% à 40% et, si on ajoute les avantages sociaux, des augmentations variant entre 36% et 45%.

Ces chiffres ont été compilés à partir des principaux centres de la province: Montréal, Valleyfield, Hull, Québec, Thetford Mines, Sherbrooke, Bois-Francs, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Joliette; et pour les métiers suivants: charpentier-menuisier, peintre, plombier, électricien, plâtrier, briqueteur. L'éventail des régions, de même que les principaux métiers, présente l'image réelle des avantages du dernier décret.

Dans la revue Bâtiment de décembre 1974, pour l'année 1974, on peut lire ceci: "Selon les dernières compilations de Statistique Canada, les travailleursde la construction conservent toujours une bonne première place quant aux revenus hebdomadaires moyens au pays. Le salaire moyen d'un ouvrier de la construction se situait, en effet, à $256.33, en comparaison de $237.57 dans l'industrie minière, $186.22 dans l'industrie manufacturière, $144.31 dans le commerce et $127.70 dans les services".

A partir de ces chiffres, on est en droit de se demander si les salariés de la construction ont raison de réclamer une augmentation de salaire actuellement.

Malgré ces salaires alléchants, la FTQ devait revenir à ses tactiques usuelles, dans un premier temps, débauchant par la violence la majorité des syndiqués de la construction, dans un deuxième temps... Ici, je dois me corriger. Ce ne sont pas les syndiqués, mais les salariés.

Dans un deuxième temps, en maintenant une productivité à son plus bas niveau pour forcer les employeurs à accepter des mini-ententes et créant des pénuries artificielles de main-d'oeuvre.

Dans un troisième temps, en faisant des grèves illégales et en maintenant des grèves par la force.

Dans un quatrième temps, en servant des ultimatums au gouvernement qui a cédé, en adoptant, le 24 décembre dernier, la loi 201.

En ce début de 1975, nous nous demandons si le gouvernement saura protéger le principe du respect des obligations contractuelles de la môme manière qu'il a su protéger le principe de la liberté syndicale.

Le principe des obligations contractuelles est primordial et défendu depuis qu'existe la moindre forme de vie sociale et communautaire.

Par le décret, les parties ont établi leurs relations de travail pour trois ans et, de ce fait, ont renoncé au droit de grève et de lock-out pendant la même période.

Se basant sur ce décret, les constructeurs ont éta- bli des prévisions budgétaires et contracté des obligations avec leurs clients qui, eux aussi, ont fait la même démarche que nous. On vient maintenant nous demander d'accepter de chambarder tout le régime avec les employés de la construction. Cependant, avant de changer quoi que ce soit, nous devons aussi considérer que les constructeurs sont aux prises, d'un autre côté, avec leurs clients qui n'accepteront pas de changement au contrat, le gouvernement étant l'un de ceux-ci.

A court terme donc, il serait très néfaste à toute notre économie que le gouvernement fasse en sorte que le principe obligationnel change.

A long terme, il faudrait repenser en profondeur tout notre système juridique, tant pour régler les relations de travail que pour régler toute obligation, si on permet maintenant à une tierce partie de modifier les obligations contractuelles face aux agissements de l'une ou l'autre des parties au contrat.

Il est vrai qu'une situation de fait existe, mais cette situation est illégale.

Nous savons très bien qu'il s'agit de placer le gouvernement devant une situation de fait pour qu'il agisse. Un des ministres, M. Jean-Paul L'Allier, déclarait dernièrement qu'on vit dans une société de violence. On accepte maintenant comme allant de soi que la force et la violence sous toutes ses formes soient les principales sources d'où proviennent, pour ceux qui ont à prendre des décisions, les lignes de conduite à suivre.

Il faut cependant s'interroger sur l'action que doit porter le gouvernement. S'agit-il de légaliser la situation ou de sanctionner plus efficacement les règles établies afin que cette situation ne se perpétue pas?

A titre d'exemple, pourquoi le législateur a-t-il institué la Loi pour la protection du consommateur? Nous répondons que c'est parce qu'il existait une situation de fait par laquelle le public, en général, était exploité par certains parasites insouciants de l'intérêt général.

Il s'agit donc maintenant de juger de l'intérêt général pour voir à sa protection. C'est ce que dit la loi 201.

La situation existante est celle d'une violence constante, psychologique et physique, que subissent les constructeurs et les salariés par les organisations syndicales. Doit-on approuver ou résorber cette violence?

Notre code civil contient une section au chapitre des contrats par laquelle toute forme de violence peut permettre d'annuler un contrat. C'est la base primordiale de toute entente et de toute paix sociale. Faudra-t-il en venir, à plus ou moins longue échéance, à changer cette partie du code civil ou doit-on encore tenter de la faire respecter, ce que nous faisons depuis plus de 100 ans?

Certains vont croire que le raisonnement est poussé à l'absurde, mais nous croyons qu'il est tout à fait réaliste face à la situation existante.

C'est à cette alternative que fait face le gouvernement aujourd'hui et c'est à ce niveau que se retrouve l'intérêt public.

En modifiant le décret parce que l'une des parties prend des mesures répréhensibles pour nous forcer à le faire, nous encourageons l'illégalité et ceci pour le plus grand mal de l'intérêt général.

Cet intérêt général veut que, dans la période d'inflation que nous vivons, nos gouvernements prennent des mesures efficaces pour maintenir le pouvoir d'achat et

le standard de vie de leurs administrés tout en refoulant l'inflation.

Tel que nous le disions au premier ministre en juin 1974, l'achat d'une maison unifamiliale constitue un but dans la vie de nombreux Québécois. Déjà, la construction domiciliaire a vu ses coûts augmenter de façon dramatique et nous ne croyons pas que le consommateur moyen, dont le salaire est certainement inférieur à ceux payés dans notre industrie, soit en mesure de payer un coût supplémentaire.

Ainsi, pour le consommateur moyen — ce qui peut répondre, dans une certaine mesure, à une des questions de ce matin — dont le prix d'achat pour une maison est de $25,000, l'augmentation de $1 l'heure, soit 15%, aurait comme conséquence d'augmenter le coût de production de 7% à 8%, prenant comme base de calcul que le coût de la main-d'oeuvre est évalué à 40% du coût total de construction. C'est donc dire qu'une maison évaluée à $25,000 aujourd'hui coûterait demain $26,500. Pour une maison de $30,000, le coût passerait à $31,800.

Enfin, si le gouvernement cède à la pression syndicale en brandissant l'intérêt public, il ne fait que motiver les mêmes travailleurs à remettre en marche la même stratégie dans un avenir plus ou moins proche.

Maintenant, M. le Président et messieurs les membres de cette commission, si vous permettez, avant que vous commenciez à poser vos questions, j'aimerais peut-être y aller de quelques commentaires pour répondre à certaines questions qui ont été soulevées hier au cours du débat et même ce matin, puisque le centre du débat a porté très souvent sur le domaine de l'habitation. On s'est toujours référé au domaine de l'habitation en disant ceci: Le représentant de l'habitation viendra répondre pour nous. C'est pourquoi je dis, dans une certaine mesure, qu'il y a un secteur de l'habitation dans l'industrie de la construction.

Il y a une question qui a été soulevée ce matin ou hier et qui était la suivante. Les constructeurs ont dû sûrement indexer ou penser ajouter le coût à leurs contrats. Or, je dois dire que, d'une part, je pense que les constructeurs n'ont pas additionné le coût de l'indexation qu'on semble vouloir nous annoncer très bientôt ou en prévision de... Ils n'ont pas indexé le coût de construction, parce que je dois vous dire qu'il y a une concurrence farouche dans ce domaine. Quand vous avez un constructeur qui construit une même maison, à peu près de même capacité, c'est-à-dire à peu près 900 pieds carrés, 925 pieds carrés, 1,000 pieds carrés, à peu près les mêmes modèles, il fait affaires avec les mêmes institutions prêteuses, il fait affaires aussi avec la Société centrale d'hypothèques et de logement qui évalue aussi le coût de construction avant d'assumer un prêt à un consommateur. Elle évalue aussi à quoi a droit le constructeur au point de vue du profit. Elle évalue à partir du décret et non pas en faisant des extrapolations qu'il y aura peut-être une indexation, mais bien à partir du décret, le coût de main-d'oeuvre assez juste. Je dois vous dire qu'à ce moment-là les taux ne sont pas prévus.

D'autre part, je dois vous dire aussi que la Société centrale d'hypothèques et de logement rencontre régulièrement notre association et je dois ajouter qu'il y a une chicane farouche justement sur les questions d'évaluation d'estimation de coûts. Cette estimation se fait surtout au niveau des coûts directs, c'est-à-dire les matériaux, le coût de la main-d'oeuvre et ensuite, c'est certain, il y a encore de grosses discussions sur les frais indirects, tels les certificats de localisation, la passation de contrats, etc. Or, je dois vous dire qu'à l'heure actuelle les constructeurs d'habitations travaillent avec des contrats fermés parce qu'ils travaillent avec le consommateur. Il n'y a absolument aucun consommateur qui ne voudrait marcher à "cost plus" au niveau d'une maison d'habitation. Il veut bien avoir une maison bien déterminée, il veut bien savoir aussi comment cela va lui coûter à la fin de la "run". C'est assez clair de ce côté.

Or, il y a l'autre question qui a été posée: Qui va absorber le coût si jamais il y avait indexation? Moi, je dois vous dire, en premier lieu, que pour les maisons déjà vendues — parce que les constructeurs ont déjà vendu des maisons — pour livraison en juin, juillet ou mai, en tout cas dans un délai de cinq à six mois, c'est l'entrepreneur général qui va assumer le coût, qui va assumer la perte. Possiblement, il y en a qui vont faire faillite.

Dans un deuxième temps, ce sera sûrement le consommateur qui va absorber. Pas simplement le consommateur qui aura acheté une maison unifamilliale, parce que chez nous, on ne fait pas simplement de la maison unifamiliale, on fait des immeubles d'habitation... Vous savez que toute la population doit se loger, inévitablement, elle doit assumer le coût. C'est, dans une certaine mesure, toute la population en général qui aura à assumer, tôt ou tard, l'indexation. Je ne dis pas la perte, parce que la perte va être assumée complètement par l'entrepreneur général et elle ne sera pas portée dans un second temps par le consommateur. Mais lorsque le constructeur sera aux prises avec de nouveaux taux, advenant une indexation, lorsqu'il va présenter à la Société centrale d'hypothèques et de logement, une demande de prêt pour son client, la Société centrale d'hypothèques et de logement va lui dire: Ton coût, compte tenu de l'indexation, est le suivant, c'est ça. La perte ne sera pas additionnée.

Je dois vous dire que le constructeur d'habitation est pris dans un carcan qui est loin d'être flexible. Je vous disais qu'il y avait une distinction entre une construction de $20,000 et une construction de $1 million. Je pense que, dans une construction de $1 million, il y a plus de facilité à pouvoir, tout au moins, apporter des coûts imprévisibles.

Je reprends l'exemple que j'ai présenté dans mon mémoire, selon lequel $1 l'heure représenterait à peu près une augmentation de $1,500. Le constructeur qui bâtit, c'est à peu près le profit qu'il fait. Je dois vous dire qu'à l'heure actuelle c'est un gros profit, $1,500 par maison. Il y a des gens qui font des profits de l'ordre de $500 à $600, mais cela inclut, quand on parle de profit, le salaire qu'il se paie. C'est-à-dire qu'il doit prendre son salaire à même ce profit-là.

Or, je dois vous dire également qu'il y a beaucoup de constructeurs; ce ne sont pas tous de gros constructeurs, il y en a de petits. Si on peut réussir à avoir une certaine concurrence des petits employeurs par rapport aux gros, c'est parce que, dans une certaine mesure, le petit constructeur travaille avec ses mains, en collaboration avec ses salariés, pour arriver à sortir le meilleur prix possible.

Je dois vous dire qu'à l'heure actuelle — je prends simplement novembre et décembre — les mises en

chantier ont baissé d'à peu près 60%. Si vraiment on indexait à l'heure actuelle, le pouvoir d'achat étant tellement restreint, on réduirait encore plus les mises en chantier et je pense qu'on amènerait le constructeur d'habitations à fermer ses portes dans certains cas.

Si j'ai d'autres commentaires à ajouter tout à l'heure, je le ferai avec plaisir. Je suis prêt à répondre aux questions, si vous voulez, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Là-dessus, vous pouvez être assuré d'avoir des questions. M. le ministre.

M. Rousseau: C'est bien possible.

M. Cournoyer: Quelle proportion de vos membres agiraient par devis et marchés?

M. Rousseau: Je n'en ai pas.

M. Cournoyer: Aucun n'agit par devis et marchés?

M. Rousseau: On fonctionne, chez nous, toujours par contrats fermés. Il n'y a absolument rien, à l'heure actuelle, qui peut permettre d'ajouter une formule quelconque d'indexation.

M. Cournoyer: Je ne vous parle pas de cela. Quelle est la proportion de vos membres qui agissent ou qui font affaires par devis et marchés?

M. Rousseau: A peu près, je ne sais pas, 900. M. Cournoyer: Tant que cela?

M. Rousseau: A peu près 900 constructeurs, c'est à peu près cela, la proportion.

M. Cournoyer: Sur combien?

M. Rousseau: Nous avons, à l'heure actuelle, 3,500 membres. Nous avons approximativement 2,500 membres, comme vrais employeurs de l'industrie de la construction, en vertu de la loi, parce que j'exclus les fournisseurs et tous ceux qui sont affiliés.

M. Cournoyer: Mais, 2,500 membres, donc des constructeurs? Des entreprises qui organisent la construction de chantiers domiciliaires par devis et marchés?

M. Rousseau: Oui.

M. Cournoyer: Dont 900 sont par devis et marchés?

M. Rousseau: Oui, c'est cela, 900 par devis et marchés, parce que les autres sont des sous-entrepreneurs.

M. Cournoyer: Ma question est un peu différente. Je voudrais faire la distinction entre devis et marchés, c'est-à-dire que je vous présente un projet de maison et vous me faites un prix sur cette maison. Vous êtes donc astreint à ce prix, comme une autre entreprise générale. Parce qu'ils peuvent être aussi bien dans la fédération que dans l'association. N'importe quel entrepreneur peut faire cela par devis et marchés. Mais chez vous, la proportion qui agit comme cela, c'est-à-dire sur une maison en particulier, je vous présente un prix et ce prix est ferme.

M. Rousseau: Je pense que ce serait difficile de répondre à votre question. Mais je vais essayer d'y répondre en ce sens. Je dois avoir approximativement, sur les 900 membres constructeurs — parce que le reste, ce sont des sous-entrepreneurs — peut-être de 30% à 40% qui fonctionnent en préparant des projets globaux.

M. Cournoyer: C'est-à-dire des projets domiciliaires.

M. Rousseau: C'est cela, ils fonctionnent comme cela.

M. Cournoyer: Un groupe domiciliaire.

M. Rousseau: Et d'autres constructeurs qui fonctionnent selon qu'on leur présente un plan et qu'ils font une estimation.

M. Cournoyer: Est-ce que, depuis le début de la bataille de l'indexation dans le domaine domiciliaire, vous avez des problèmes?

M. Rousseau: Je m'excuse, quelqu'un me parlait.

M. Cournoyer: Depuis le début de ce qu'on peut appeler la bataille de l'indexation, vous, comme représentant de l'Association des constructeurs d'habitations, vous devez en avoir des problèmes. Vous êtes un représentant patronal et vous avez des problèmes, mais, du côté de vos membres, est-ce qu'il y a aussi des problèmes de harassement, par exemple, comme ceux qu'on retrouve dans les mémoires qui ont été présentés avant?

M. Rousseau: A cette question, je dois vous répondre. Je sais que tous les gens pensent que le secteur de l'habitation est un secteur particulier et assez favorisé. Je dois admettre que le secteur de l'habitation est assez favorisé. Par contre, en fonction du dernier conflit, justement le conflit auquel on essaie de mettre un terme, nous avons fait parvenir au ministre de la Justice plus de 600 plaintes d'intimidation, de violence.

C'est-à-dire que les salariés ont été obligés de sortir du chantier. Je peux même vous ajouter qu'il y a des plaintes que nous avons soumises — en tout cas, tout au moins une, à ma connaissance — suivant lesquelles un constructeur a été obligé de se servir d'un fusil pour sortir justement ce genre de fiers-à-bras — il ne faut pas se cacher le mot — du chantier, pour protéger ses propres salariés afin qu'ils puissent continuer à travailler. Cela, nous l'avons soumis à la commission Cliche.

M. Charron: Quand vous dites que vous avez porté des plaintes, c'est l'association ou les entrepreneurs individuellement?

M. Rousseau: Ce sont les entrepreneurs qui nous

ont fait parvenir, chez nous, les plaintes et nous, nous les avons dirigées au ministre de la Justice et aussi, en même temps, nous avons fait parvenir le même dossier à la commission Cliche.

M. Cournoyer: Donc, ce serait dans l'ordre de 600 plaintes connues.

M. Rousseau: Ce sont 600 plaintes...

M. Cournoyer: Dans le domaine, connues...

M. Rousseau: ...connues.

M. Cournoyer: ...ou révélées... Le harassement, dont vous faites état, cela aurait sa place dans le domaine domiciliaire autant que dans le domaine industriel.

M. Rousseau: Je pense qu'il faut comprendre que le secteur de l'habitation, quoique très souvent ce soient de petits chantiers, que ce soient des entreprises de moyenne taille, que ce ne soient pas de grandes équipes d'hommes... Il faut quand même se dire une chose: C'est que nous sommes tributaires, de par les lois, de par les règlements, de toutes les conditions qui existent au niveau du secteur industriel, enfin, sauf avec quelques particularités. Mais nous sommes quand même tributaires, parce qu'il ne faut pas oublier une chose, au niveau de l'habitation, il y a des délégués de chantier. Peut-être que les délégués de chantier n'ont pas la même forme ou la même corpulence que ceux des gros chantiers. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir des armoires à glace sur les petits chantiers d'habitation. C'est plus facile. Aussi, il faut dire une chose. Ces mêmes délégués de chantier sont quand même capables et ils travaillent dans une certaine mesure.

Mais quant vous entrez dans un conflit, l'habitation n'embarque pas tout de suite. Elle ne subit pas tout de suite les incidences du secteur industriel et du secteur commercial. Mais cela a une chaîne, cela a un effet d'entraînement. Quand cela se produit au niveau de l'industriel, pas longtemps après, on le subit, au niveau de l'habitation. Quand les délégués de chantier sont là, ils ne sont pas exempts aussi de subir des pressions qui viennent d'autres délégués de chantier ou des centrales syndicales. Alors, ils n'ont pas le choix, c'est-à-dire ils procèdent aussi de la même façon. Nous subissons toujours le contrecoup. Ce n'est jamais nous au départ, mais c'est toujours nous à la fin. C'est certain.

M. Cournoyer: II y a une affirmation, qui est faite assez régulièrement, selon laquelle il y aurait, chaque année, 4,000 entrepreneurs qui disparaissent de la circulation dans le domaine de la construction et 4,000 nouveaux qui y entrent. Est-ce que vous en avez, vous, qui disparaissent et qui entrent chaque année?

M. Rousseau: Je dois admettre que, chez nous, il y en a une partie, probablement une bonne partie, d'autant plus qu'il y en a probablement plus chez nous qui entrent parce que, lorsque tu commences à être entrepreneur, tu ne commences jamais gros. Enfin, normalement, tu commences petit. Je dois dire que, chez nous aussi, en même temps, ce sont des salariés qui deviennent, du jour au lendemain, employeurs et on les retrouve chez nous.

Mais il y a une partie des entrepreneurs qui laissent la construction d'habitations, qui abandonnent. C'est pourquoi nous avons toujours voulu avoir une loi de la qualification des entrepreneurs pour être certains que ceux qui deviennent entrepreneurs soient vraiment des gens qualifiés au point de vue technique, au point de vue de l'administration et au point de vue de la solvabilité.

Or, c'est sûr que cela va protéger un certain nombre de constructeurs déjà établis dans des positions financières très fortes. Mais je dois vous dire que ce serait nécessaire pour éviter certains problèmes qu'on connaît à l'heure actuelle.

M. Bellemare (Rosemont): Quel est le pourcentage...

M. Rousseau: Je ne comprends pas...

M. Bellemare (Rosemont): Quel est le pourcentage de vos entrepreneurs qui s'en vont annuellement?

M. Rousseau: On a peut-être un "turnover" ou un roulement...

M. Bellemare (Rosemont): Un "turnover", oui, c'est d'accord.

M. Rousseau: ...peut-être de l'ordre de 10% à peu près. Mais cela ne veut pas nécessairement dire... Il faudrait que je regarde pour voir s'il y a eu des changements de raison sociale, je voudrais aussi savoir s'il n'est pas passé à une autre association, parce qu'il ne faut pas nier qu'au niveau des associations patronales, il existe un certain maraudage, un maraudage assez poli, sous forme de publicité, mais cela existe. On l'admet. On le fait nous-mêmes.

M. Cournoyer: Regardez donc celai

M. Charron: Qu'est-ce que c'est, un maraudage poli?

M. Cournoyer: Ils s'écrivent des lettres.

M. Rousseau: Un maraudage poli... Je vais vous donner un exemple.

M. Cournoyer: II n'y a pas de fiers-à-bras.

M. Rousseau: L'an dernier, je n'avais pas d'association dans la région de Val-d'Or. Mon confrère, Michel Dion, en fait, tout au moins, représente une association dans la région de Val-d'Or. Il en représentait une, il y en avait une. Je suis allé m'installer. Maintenant, j'en ai une association. Je représente des constructeurs de la région de Val-d'Or. Pas un gros groupe. Mais quand je forme une association, je pars sur le critère que je représente l'habitation. Or, s'il y a des constructeurs d'habitations dans la fédération, possiblement, je serai en mesure d'aller les chercher, et nous le faisons sous forme de publicité. Nous n'avons pas 56 vendeurs sur les routes et sur les chantiers.

M. Charron: Quand vous maraudez poliment entre vous, dans des régions comme... Quels sont les arguments que vous faites valoir? Je connais le maraudage syndical, reconnu d'ailleurs à la fin d'une période de décret ou d'une convention collective, reconnu par la loi, et je sais quels sont les arguments, par exemple, qu'une partie syndicale A va faire valoir auprès de syndiqués B pour les retirer de B et les faire entrer dans A. Quels sont les arguments, sur quoi tablez-vous pour qu'un constructeur, par exemple, quitte la fédération et rejoigne votre association? Est-ce que vous faites valoir la sécurité sur les chantiers? Vous assurez, par exemple, à vos constructeurs que s'ils étaient avec vous plutôt qu'avec l'association de M. Dion, ils auraient moins de problème avec la partie syndicale, parce que vous avez des moyens plus efficaces que M. Dion pour bien vous entendre avec la partie syndicale?

M. Rousseau: Bon! Comme on est toujours extrêmement poli, je dois vous dire que c'est vrai que le maraudage... Enfin, je reprends, que le maraudage chez nous se fait d'une façon extrêmement polie, en ce sens que nous, lorsque nous voulons avoir des membres, nous misons sur le fait que nous représentons des constructeurs d'habitations et que nous connaissons leurs problèmes. Aussi, parce que nous sommes en constante liaison avec les principaux organismes, tels la Société centrale d'hypothèque et de logement, d'où dépend nécessairement la Loi nationale de l'habitation, d'où les fonds viennent, à 95% et à 100%, j'ai l'impression, mis à part les fonds privés, parce que nous faisons affaires aussi, dans une certaine mesure, avec la Société d'habitation du Québec... S'il advient qu'il y ait une politique d'habitation, on va sûrement essayer de travailler encore plus fort de ce côté, et aussi, je pense que — vous avez souligné tout à l'heure la question de sécurité — lorsque la commission de l'industrie de la construction a décidé de renseigner, d'éduquer le salarié au point de vue de la sécurité, nous avons été une des associations à regrouper nos employeurs, et ces employeurs amenaient leurs salariés à nos secrétariats pour être en mesure de leur donner des cours.

Or, nous avons encouragé nos employeurs à participer à ces cours. D'ailleurs, je dois vous dire que dans le règlement sur la qualification des salariés, l'élément de la sécurité est inclus, tel que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre le mentionnait ce matin. En effet, le salarié sera obligé d'avoir des notions de sécurité, les nouveaux et même les anciens qui sont sur les chantiers devront aller se chercher une attestation d'expérience confirmant qu'ils ont suivi des cours de sécurité et qu'à tout le moins, ils ont passé un examen pour se qualifier, connaissant assez bien les normes de sécurité. Nous avons été l'une des associations à demander cela parce que je dois vous dire que, lorsque nous avons appliqué les normes de sécurité — et je dois me reporter à à peu près deux ans — c'est à ce moment que nous avons commencé la grosse campagne pour l'application des normes de sécurité sur les chantiers de construction.

Les constructeurs, de même que tous les employeurs — je pense à tous les nouveaux, ont subi des contrecoups parce qu'on a collé infraction par-dessus infraction, sans vouloir essayer d'instruire l'entrepreneur et le salarié. Je pense que la sécurité au niveau des chantiers est l'affaire un peu de tout le monde, les salariés et les employeurs.

Or, nous essayons, dans une certaine mesure, d'y participer. Si je reviens encore sur la question de maraudage, je dois vous dire qu'elle se fait — c'est vrai — d'une façon très normale et détendue.

M. Cournoyer: Vous avez dit tantôt, dans votre mémoire: "Cependant, avant de changer quoi que ce soit, nous avons considéré que les constructeurs sont aux prises d'un autre côté avec leurs clients qui n'accepteront pas de changement au contrat, le gouvernement étant l'un de ceux-ci."

Parliez-vous, à ce moment, au nom de l'industrie ou parliez-vous au nom de l'association seulement?

M. Rousseau: Un instant. Ce que nous voulions dire par là, c'est que nous ne croyons pas que le gouvernement devra accepter d'adopter une loi forçant le consommateur à payer l'ajustement du coût que le constructeur aura à subir, si jamais il y avait indexation.

M. Cournoyer: Le gouvernement n'est pas un de vos clients, si je comprends bien le texte que j'ai devant moi.

M. Rousseau: Non.

M. Cournoyer: A la page 5, on dirait que le gouvernement est un de vos clients.

M. Rousseau: Non.

M. Cournoyer: Avez-vous déjà eu des membres dans votre association qui, après avoir vendu une maison, découvrent qu'ils auraient pu la vendre plus cher et qui ont changé d'un coup sec le contrat? Je vous informe tout de suite que je viens de Dollard-des-Ormeaux et que je suis le député du comté de Robert Baldwin.

M. Rousseau: Je sais à quoi vous faites allusion. Vous faites allusion à quelques plaintes qui ont été logées dans le coin de Beaconsfield.

Le Président (M. Séguin): Ecoutez! Vous êtes rendu dans mon comté!

M. Rousseau: Est-ce que je vous touche de très près, M. le Président?

Le Président (M. Séguin): Oui. Je vous demanderais de choisir d'autres municipalités, parce que...

M. Rousseau: C'est parce que cela ne s'est pas produit dans d'autres régions ou dans d'autres municipalités.

M. Cournoyer: Prenez la mienne. M. Rousseau: Ni la vôtre?

M. Cournoyer: J'accepte que cela ait pu se produire chez nous.

M. Rousseau: Cela s'est produit là et c'est pourquoi nous voulons avoir une offre d'achat uniforme, et nous y avons travaillé de façon que, justement, il n'y ait pas d'imbroglio là-dessus.

Mais il faut quand même regarder le fait que lorsqu'un consommateur signe une offre d'achat avec un constructeur, lui aussi a des prérogatives dans le contrat. Il doit quand même suivre certaines clauses et très souvent, il ne les suit pas. Alors, le constructeur, c'est sûr, advenant qu'il y ait une possibilité d'avoir un meilleur prix ailleurs en a peut-être profité. Mais, je pense, ce sont peut-être quelques cas qui se sont produits.

Mais je pense que le ministre Tetley a rencontré ces constructeurs. Ces cas ont été justifiés et nous n'avons pas eu de suite à cette démarche.

M. Cournoyer: II n'y a pas eu de suite. Mais j'ai un exemple qui me touche de très près, j'étais à peine sorti de l'université, cela fait longtemps, j'imagine que les entrepreneurs ont changé depuis ce temps, que ce n'est pas tout à fait pareil. Maintenant qu'ils sont tous membres d'associations patronales, ils doivent avoir changé. J'avais acheté une maison de $12,500 parce que c'était tout ce que je pouvais m'off rir avec le salaire que l'Association de la construction de Montréal me payait. — Vous voulez que j'arrête —

M. Charron: C'est un peu mieux aujourd'hui? M. Rousseau: Avez-vous changé d'association? M. Cournoyer: Non, j'ai changé de "job". M. Charron: II n'en a même plus besoin.

M. Cournoyer: Aujourd'hui, j'ai appris ce matin, de la bouche de M. Pepin que j'avais une diminution de 10% qui vous permettra d'accepter plus facilement l'augmentation de salaire que vous avez eue puisque M. Pepin considère que la pension de retraite doit être exclue du salaire.

J'avais acheté, suivant plans et devis, et l'entrepreneur s'était trompé, j'imagine. De toute façon, il m'a dit: Ce n'est plus $12,500, quand je suis venu pour signer le contrat. C'est $15,000. C'est à prendre ou à laisser ou poursuivez-moi.

M. Rousseau: Mais c'est avant de signer.

M. Cournoyer: Le contrat, l'offre d'achat était déjà signée.

M. Rousseau: C'était déjà signé, vous étiez rendu au contrat.

Vous étiez avocat?

M. Cournoyer: Certainement. M. Rousseau: Qu'avez-vous fait?

M. Cournoyer: Mais comme tout cordonnier est très mal chaussé et que je n'avais pas le temps de m'occuper de mes propres affaires, étant très occupé dans l'Association de la construction à Montréal...

M. Rousseau: Je vous comprends, M. le ministre.

M. Cournoyer: ...j'ai été obligé d'accepter cette décision et ils n'ont tout simplement pas vendu à Cournoyer. Je comprends que je suis un très mauvais client. Quand j'ai acheté la maison dans laquelle j'habite maintenant, l'entrepreneur avait tout simplement... Non, non, c'est à Dollard-des-Ormeaux.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Cournoyer: C'est un cas personnel. Il y en a d'autres cas semblables qui peuvent se retrouver dans la société, j'imagine. On m'a promis que le petit bout de terrain qu'il y avait à côté était utilisé par autre chose. Finalement, ma femme s'était habituée à ce site merveilleux dans lequel je vis, aimait la maison dans laquelle elle allait habiter. Au mois de décembre, juste avant Noël, il n'y a pas que les gouvernements qui font des choses avant Noël, il y en a d'autres aussi qui font cela juste avant Noël, on me dit: Le petit bout de terrain à côté, il faut que tu l'achètes à $1 du pied pour pouvoir avoir la maison qui est là. J'ai négocié un peu parce que là je commençais à être habitué, j'ai réglé pour $0.50 le pied. Mais il reste que l'entrepreneur, à ce moment-là, a réglé son problème sur mon dos, pas sur le sien. J'espère que cela a changé, remarquez que vous allez me donner des exemples où ce n'est pas comme cela, j'espère que cela a changé, mais c'est l'expérience personnelle de deux achats de maison.

M. Rousseau: Je dois vous dire...

M. Cournoyer: Je n'en achèterai pas d'autre, je vous le jure.

M. Rousseau: J'ai un malade à côté de moi.

M. Cournoyer: Cela, je le savais depuis longtemps.

M. Rousseau: Je dois vous dire, M. le ministre, que c'est un cas particulier, c'est vrai.

M. Cournoyer: Vous voulez me dire que je suis épais. Dites-moi que je suis épais. Il vous arrive de dire cela hors de ma présence, dites-le moi tout de suite.

M. Rousseau: Vous êtes épais, M. le ministre. Mais je dois vous dire...

M. Cournoyer: On a des consommateurs maintenant avertis. Même les ministres se font prendre par les constructeurs.

M. Rousseau: J'ai une note et je dois la passer parce qu'il semble qu'il y a des gens qui me forcent le bras.

M. Cournoyer: Attention, si vous la passez, c'est vous qui avez l'air aussi fou que l'autre.

M. Rousseau: Oui, oui, oui. Je vous remercie, M. le

ministre. Je laisse la note de côté parce que j'admets qu'il est fou à côté.

C'est un cas particulier. Je dois vous dire que la majorité de nos membres, à 99.9%, sont des constructeurs honnêtes qui fonctionnent dans un système bien ordonné. Les abus de ce genre, nous les avons dénoncés très souvent.

C'est pourquoi, dans une certaine mesure, nous avons demandé, et à maintes reprises, à avoir une loi de la qualification pour enlever ces gens-là. Or, lorsqu'on aura des gens qui sont vraiment solvables, qui auront une entreprise vraiment sérieuse, je pense qu'on ne retrouvera plus ce problème.

D'ailleurs, chez nous, au niveau de l'association de la région de Montréal métropolitain, pour une de nos dix régionales affiliées, nous avons implanté depuis...

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît, seulement un point de règlement. Le député de Rosemont voulait avoir une précision sur un commentaire que vous avez fait. Je ne lui permets pas d'entrer dans le débat.

M. Bellemare (Rosemont): Lorsque vous parlez des chiffres qui ont été compilés à partir des principaux centres de la province, vous parlez de Montréal. La seule banlieue que vous avez incluse, ce sont les Bois-Francs. Est-ce que vous incluez Montréal et toutes les banlieues ou seulement Montréal? C'est à la page trois, je crois.

M. Rousseau: Oui, à la page trois, mais je vous demande simplement de vous référer à l'annexe A, la première page des tableaux. Je vais vous l'expliquer d'une façon assez précise. Le premier tableau démontre: charpentier-menuisier, région de Montréal et Valley-field, parce qu'à ce moment-là les salaires étaient identiques. Nous avons pris la formule qui nous sert. Comme disait la CSN, tous les gens prennent un peu la formule qui les sert et, en même temps, je pense que nous avons pris simplement les augmentations de salaire et aussi les avantages sociaux prévus au décret que nous avons négociés en 1973. Pour le charpentier-menuisier, c'est marqué aujourd'hui, mais il faut changer cela par 30 avril 1973, puisque ce sont des tableaux que nous avons préparés lors des dernières négociations et que nous avons modifiés pour les circonstances actuelles.

Alors, le 30 avril 1973, le salaire était de $5.29 et là vous voyez toutes les augmentations pour arriver à une augmentation de $1.56 pour la durée du décret.

M. Bellemare (Rosemont): Pour ne pas prendre le temps de la commission, la seule précision que je voulais avoir était: est-ce seulement Montréal ou les banlieues incluses?

M. Rousseau: J'ai la région de Montréal métropolitain et lorsque vous tombez dans Joliette...

M. Bellemare (Rosemont): Montréal-Nord, etc.? M. Rousseau: Oui.

M. Bellemare (Rosemont): C'est tout ce que je voulais savoir.

M. Cournoyer: J'ai une autre question beaucoup plus sérieuse que la première, je l'espère du moins, et que cela ne fera pas rire M. Dion. Quand vous comparez le salaire d'un mineur avec le salaire d'un employé de la construction, vous les placez à $256.33 par comparaison à $237.57. M. Pepin a parlé ce matin, avec un certain degré d'insistance, de la sécurité d'emploi. Est-ce que vous pouvez nous dire si le salaire du mineur peut facilement se comparer au salaire du travailleur de la construction, compte tenu de la durée d'emploi annuelle?

M. Rousseau: Je dois vous dire que la sécurité d'emploi au niveau de l'industrie de la construction, les vrais travailleurs de l'industrie de la construction peuvent la trouver. Je peux même aller jusqu'à dire que j'ai des constructeurs — lorsqu'arrive le temps des Fêtes, l'hiver, janvier, février — qui gardent leurs principaux salariés, ils les payent presque à ne rien faire, simplement pour faire un peu de "maintenance" pour leurs maisons modèles, pour donner du service après vente. Or, je pense que si un salarié est bien qualifié, compétent et polyvalent le plus possible, tout au moins au niveau du charpentier-menuisier, qui, en plus d'être capable de faire du "rough", est capable de faire de la finition, il y a de l'ouvrage à l'année. Il n'y a absolument aucun problème de ce côté. Mais de là à dire qu'on serait prêt à instituer un genre de sécurité d'emploi au niveau de l'industrie de la construction, tout au moins au niveau de l'habitation, ce serait extrêmement difficile.

M. Cournoyer: Je ne suggère pas cela. Remarquez bien que, malgré toutes les opinions que vous pouvez avoir contre le ministre du Travail, j'ai déjà vu la construction aussi. Ce n'est pas cela. J'ai dit: M. Pepin a fait état de la sécurité d'emploi. La comparaison que vous faites, dans un des paragraphes de votre mémoire, est d'un salaire d'un ouvrier de la construction à $256.33 par rapport à un salaire de l'industrie minière de $237.57. Est-ce que le même salaire, sur une base annuelle, est identique pour le travailleur de la construction par rapport à ce qu'il est pour le travailleur de l'industrie minière?

M. Rousseau: Je pense qu'au niveau de l'habitation, on peut croire que la main-d'oeuvre est assez stable, a de l'ouvrage régulièrement. Je pense que ces chiffres sont admissibles.

M. Cournoyer: Vous ne fermez jamais. M. Rousseau: Pardon?

M. Cournoyer: Dans l'habitation, vous n'arrêtez pas l'hiver.

M. Rousseau: Oui, on arrête.

M. Cournoyer: Vous suspendez, vous ralentissez. Si je comprends bien, ce dont vous parliez tantôt, c'est que vous utilisez ce qu'il est convenu d'appeler les "key

men" pour faire "la maintenance" pendant la période d'hiver, mais vous ne commencez pas de nouvelles constructions en hiver, maintenant, depuis que les travaux d'hiver sont arrêtés.

M. Rousseau: Je dois vous dire qu'à l'heure actuelle, depuis ces dernières années, les constructeurs construisent encore plus, tout au moins, cela devient équilibré.

Les saisons, c'est pareil. L'hiver, on construit normalement plus, parce que la Société centrale d'hypothèques et de logement sort ses fonds à ce moment-là.

M. Cournoyer: Dans la diminution des constructions, est-ce que le taux d'intérêt vous apparaît comme étant un des facteurs de la diminution des constructions?

M. Rousseau: Je m'excuse, je n'ai pas compris, M. le ministre. Ce n'est pas parce que vous ne parlez pas assez fort.

M. Cournoyer: Quant à la diminution des travaux de construction domiciliaire qu'on observe — vous avez dit tantôt qu'il y avait une diminution des travaux de construction domiciliaire — est-ce qu'on peut attribuer cela au problème de l'indexation seulement ou si on doit en attribuer une partie au taux élevé des hypothèques ou peut-être à l'absence de fonds?

M. Rousseau: II y a, c'est vrai, une certaine absence de fonds, mais je dois vous dire que le problème majeur n'est pas nécessairement le taux d'hypothèque. Parce qu'on peut trouver à l'heure actuelle des taux l'hypothèque variant de 10 1/4% à 11 1/4% ou 11 1/2%.

Mais c'est surtout l'incertitude dans laquelle le consommateur vit aujourd'hui. Dans une certaine mesure, il a perdu le pouvoir d'achat. Il n'a pas le choix, il faut qu'il se restreigne quelque part. Je pense surtout que c'est à cause de la non-disponibilité des fonds. Il n'y a pas de fonds disponibles à l'heure actuelle. On annonce que, très bientôt, on aura des fonds.

M. Cournoyer: Mais, maintenant, vous allez avoir besoin d'acheteurs, si vous avez des fonds.

M. Rousseau: Oui.

M. Cournoyer: Les acheteurs, c'est le petit consommateur, chez vous en particulier, c'est-à-dire celui qui a besoin ou qui veut résider dans une maison unifamiliale ou multifamiliale, la majorité de vos membres étant dans le résidentiel.

M. Rousseau: Oui.

M. Cournoyer: Pour qu'il ait plus d'argent, vous consentez qu'il ait l'indexation de son salaire de son côté pour qu'il puisse acheter votre produit.

Remarquez bien que ce n'est pas un jeu de mots. Le problème de l'indexation ne vient pas du simple fait de l'attitude des syndicats. Il y a l'inflation, je ne veux pas vous enseigner ça, vous le vivez, c'est vous qui avez affirmé tantôt que l'inflation gruge tout sur le petit, et comme vous vendez au petit, il n'est pas capable de s'acheter une maison. Même si vous aviez de l'argent demain matin, il va falloir qu'il augmente son revenu pour pouvoir s'acheter une maison, il l'augmente d'une façon générale dans la province de Québec. Je ne vous raconte pas de conte en vous disant qu'il y a 250,000 employés de la fonction publique qui ont au moins une compensation, compte tenu des projections qu'ils faisaient de l'augmentation du coût de la vie. Je ne raconterai rien non plus si je dis qu'à l'Hydro-Québec, on a consenti une compensation. Je ne raconte rien non plus si je dis qu'à l'ALCAN, on a rouvert le contrat. Je ne raconterai rien non plus si je dis qu'à I'lron Ore on a rouvert le contrat. Je ne raconterai rien non plus si je dis que, dans 40 cas, durant l'été passé — à part la construction, bien sûr — les gens ont obtenu, après manifestations, j'en conviens, beaucoup plus souvent sans manifestation, une révision des conventions collectives qu'ils avaient ou une révision de leur taux de salaire. Je ne raconte rien, l'inflation existe pour tout le monde. Elle existe aussi pour le travailleur de la construction.

C'est là qu'on peut se séparer vous et moi. Vous me dites que c'est de la violence. Parfait, c'est de la violence. Par ailleurs, l'inflation a existé dans la province de Québec depuis un bout de temps et les seuls efforts que le gouvernement a dû faire, cela a été d'aider les gens à trouver une façon de s'ajuster à l'inflation. Parce qu'on ne peut pas la couper, pas plus que vous pouvez la couper. Mais quand vous me dites en commission parlementaire, aujourd'hui, que l'inflation gruge le salaire, la possibilité d'achat de l'individu, vous avez totalement raison. Mais elle gruge la possibilité d'achat de votre travailleur de la même manière. Et les autres entreprises ont révisé les salaires.

M. Rousseau: Je suis d'accord avec vous. Mais indexer les salaires... Vous êtes quand même conscient que le coût de la maison devient de plus en plus prohibitif à l'heure actuelle.

M. Cournoyer: D'accord avec vous, mais il devient prohibitif; êtes-vous capable de me dire que les matériaux de construction n'ont pas augmenté sensiblement dans les six derrjiers mois ou dans les trois dernières années?

M. Rousseau: Je suis d'accord.

M. Cournoyer: Le gyproc se vend plus cher qu'il ne se vendait, l'huile se vend plus cher qu'elle ne se vendait. Est-ce que le bois se vend plus cher qu'il ne se vendait? Ce sont des facteurs d'augmentation de vos coûts. Il faudrait peut-être me dire qu'il y a des facteurs d'augmentation des coûts.

Vous avez parlé tantôt, à juste titre, j'en conviens, dans les cas de construction d'habitations, de 40% du contenu en main-d'oeuvre. Vous avez dit 40%.

S'il s'agit de 40% du contenu en main-d'oeuvre, ne venez pas me faire croire que ce sont les seules choses qui augmenteraient sensiblement dans le domaine de la construction domiciliaire, au moment où on se parle? Tout augmente.

M. Rousseau: Oui, je suis d'accord là-dessus.

M. Cournoyer: Sans vouloir se battre, tout augmente. Le matériau, quand il augmente, est-ce que ce n'est pas vrai que l'entrepreneur demande des révisions de prix à ses clients?

M. Rousseau: Pas chez nous.

M. Cournoyer: Pas chez vous. Je pose la question, parce que, effectivement, peut-être que ce n'est pas vrai. J'entends dire cela.

M. Rousseau: Non, le constructeur, face à l'acheteur, il ne demande pas de révision de prix, c'est-à-dire qu'il vend selon ce qui a été spécifié au contrat.

M. Cournoyer: Mais un contrat chez vous, par exemple, dans le domaine résidentiel en particulier, cela dure combien de temps? Combien cela prend-il de temps à construire une maison ou un groupe de maisons?

M. Rousseau: On vend aujourd'hui pour livraison au mois de mai, au mois de juin. C'est quand même un assez bon décalage. C'est quatre ou cinq mois à venir.

M. Cournoyer: Vous vendez aujourd'hui. J'imagine qu'au moment où vous vendez vous avez déjà fait les solages dans un grand arrondissement et vous avez déjà commencé à construire la maison et vous la vendez à un prix aujourd'hui.

Je ne veux pas vous placer dans une situation ambiguë, comprenez-moi bien.

M. Rousseau: Non.

M. Cournoyer: Je dis que, si on veut savoir quel est votre problème, le premier problème se situe dans une augmentation des prix des maisons déjà vendues.

M. Rousseau: C'est cela.

M. Cournoyer: Vous êtes "poignés" avec quelque chose que vous n'aviez pas prévu. C'est vrai dans le domaine des matériaux comme dans le domaine de la main-d'oeuvre. Dans le cas des matériaux, on ne vous demande pas la permission pour changer les prix. On vous dit: Cela vous coûte tant. Vous avez fait très certainement une provision — si on peut utiliser ce terme-là, ce n'est peut-être pas français — pour augmentation possible du coût des matériaux, compte tenu du fait qu'il change tellement que très souvent les entrepreneurs sont obligés de marquer "livraison dans 30 jours", autrement le prix va changer. Est-ce que cela se peut que cette possibilité existe, livraison dans 30 jours, autrement je ne peux plus le garantir?

M. Rousseau: Oui.

M. Cournoyer: Dans ce cas-là en particulier. Donc, il est possible, dans le cas des matériaux de construction, avec une livraison qui dépasserait les 30 jours, que l'individu acheteur soit tenu de payer plus cher pour un matériau de construction?

M. Rousseau: Oui, c'est vrai pour les matériaux de construction. Mais, lorsqu'il s'agit de salaires, le constructeur, à l'heure actuelle, est habitué de fonctionner avec un décret où c'est bien mentionné et il n'extrapole pas au cas où il devrait payer plus cher dans un mois, deux mois ou trois mois.

M. Cournoyer: D'accord là-dessus. Vous avez été habitués à dire et à prétendre, avec raison aussi, qu'une convention comme celle-là était une convention fixe.

M. Rousseau: Oui.

M. Cournoyer: Vous avez dit: Elle est fixe pour la durée du décret ou la durée de la convention collective. Elle ne changera pas, donc je fais mes prix à même cette provision. C'est vrai, mais l'individu qui l'a signé avec vous, est-ce qu'il n'est pas possible, à ce moment-ci de nos discussions, compte tenu de l'inflation que nous avons connue dans les derniers mois ou dans les dernières années, de penser qu'il n'aurait pas signé ce contrat s'il avait su que l'inflation aurait été ce qu'elle est? Ce n'est pas possible cela à un moment donné?

Vous étiez là, je pense bien, à la négociation de 1973; enfin quelqu'un de votre association était là en 1973 et vous avez signé une convention collective. Les conventions collectives, de la nature même des choses, spécifient les conditions de travail de vos employés. Est-ce qu'il n'est pas juste de penser qu'en 1973 les expectatives étaient différentes des constatations qu'on fait en 1975 et que, s'il avait su, il n'aurait pas signé le même contrat?

L'entrepreneur qui m'a vendu la mienne, ma maison, ses expectatives étaient qu'elle coûterait $12,500 et ses constatations étaient qu'elle lui coûtait $15,000. Quand ses expectatives étaient qu'elle coûterait $12,500, de bonne foi, il me l'a vendue, le gars, à $12,500. Sais-tu pourquoi elle a coûté $15,000? C'est parce que la maison modèle n'était pas finie quand il me l'a vendue. Puis, après avoir fait la maison modèle, l'avoir terminée, il a découvert ce qu'était son prix réel. Il me l'a vendue à $15,000, parce qu'elle valait $15,000, pas parce qu'elle valait $12,500. Il n'a pas voulu me voler, le gars; il n'a tout simplement pas voulu perdre. Il avait le droit de ne pas vouloir perdre. Je pense bien que vous et moi, on ne veut rien perdre.

Je ne l'excuse pas, je le comprends. Dans le cas des actes illégaux, je ne les excuse pas, je les comprends, parce qu'ils en ont fait dans mon cas des actes illégaux.

A partir de là, je dis: Monsieur, je vous ai demandé, l'été passé, de discuter avec les représentants syndicaux. Vos représentants sont venus dans mon bureau, vous êtes restés debout, vous m'avez dit: Non, jamais! Et pourtant, c'était il y a six mois. Il y a six mois, le problème aurait peut-être pu être réglé à l'avantage des entreprises de construction. Aujourd'hui, vos projections pour les coûts de construction qui s'en viennent seraient très correctes pour les entrepreneurs de construction. Vous passeriez peut-être au consommateur le produit de vos discussions, mais il en est le premier bénéficiaire. Très simplement de la constatation de la réalité par un certain nombre d'entreprises de la province de Québec, d'une compensation pour l'augmentation effrénée du coût de la vie que nous avons eue.

Je ne vous accuse pas de vous être placé dans cette position, mais je vous dis: II y a six mois, vous aviez comme intention très fermement arrêtée de ne pas rouvrir un contrat, malgré les représentations qui vous étaient faites, que les prévisions qu'on faisait en 1973 ne correspondaient à aucune forme de la réalité qu'on constatait en 1974. Le transport des responsabilités à d'autres, il est arrivé très souvent que vous l'avez fait en disant: C'est le ministre du Travail qui doit être changé. Ne passons pas tous pour des fous en même temps. Je suis peut-être le seul fou dans cette assemblée, mais, en définitive, quand les problèmes se discutent à un moment où il est opportun d'en discuter, il est peut-être préférable de saisir l'occasion de discuter de ces problèmes, puis d'en arriver à des conclusions.

Le mémoire qui a été présenté, hier, par la Fédération de l'industrie de la construction est un mémoire extrêmement sérieux. Le vôtre est extrêmement sérieux et je dois vous dire que, si vous aviez expliqué tout cela aux parties syndicales, peut-être que les parties syndicales ne parleraient pas aujourd'hui de $0.75 mais parleraient d'une constatation avec vous autres, des problèmes que vous avez et des problèmes qu'ils ont comme représentants syndicaux. Au fur et à mesure qu'on continue, ces problèmes continuent de grandir.

M. Rousseau: Mais pourquoi, M. le ministre, accepterait-on de discuter d'indexation de salaires avec les syndicats, alors que, lorsqu'on a signé une convention collective, nous croyons avoir donné des augmentations prévoyant, dans une certaine mesure, l'inflation? Ces augmentations de salaires font que ce sont les salariés, à l'heure actuelle, qui sont assez bien nantis dans l'industrie de la construction.

M. Cournoyer: Pourquoi accepteriez-vous? Pour la même raison qu'on accepte, à un moment donné, de discuter d'un problème d'entrepreneurs et de dire: Les circonstances sont peut-être changées. Cela ne veut pas dire qu'elles sont effectivement changées. Cela ne veut pas dire que vous n'aviez pas prévu justement, au moment de la signature de la convention, une compensation pour l'augmentation du coût de la vie dans les sommes que vous aviez déjà consenties. Mais ces choses s'expliquent entre personnes civilisées, entre vous.

M. Rousseau: On a quand même toujours dit aux syndicats: Nous sommes prêts à considérer l'indexation des salaires, mais seulement lorsque viendra le temps de la prochaine négociation. Nous avons signé un contrat avec vous, respectez-le. Je pense que le contrat était assez avantageux pour eux.

Or, si, lors de la prochaine convention, il faut discuter d'indexation parce que là c'est un problème important, on regardera cela de plus près. En fait, il nous a été soumis, au tout début, par la FTQ une formule d'indexation. Tout ce qu'on a dit: C'est $1 qu'on veut avoir. Alors, nous, à des arguments de $1 l'heure on répond: Non.

M. Cournoyer: C'est zéro. Vous avez répondu: Zéro.

M. Rousseau: Mais pendant tout ce temps-là, est-ce que le gouvernement fédéral n'a pas compensé pour la perte du pouvoir d'achat de ses propres employés par tout le Canada? Est-ce que l'Alcan n'a pas compensé la perte du pouvoir d'achat par ses employés — et ils avaient une "désespoir" de belle convention, les employés de l'Alcan, et cela ne faisait pas longtemps qu'elle était signée? Est-ce que l'Iron Ore ne l'a pas fait? Ce sont là de grosses entreprises. Est-ce que le gouvernement provincial n'avait pas prévu lui-même une formule de compensation pour la perte du pouvoir d'achat? Bien sûr qu'on l'a trouvée douloureuse, la compensation. Bien sûr que le premier ministre me dit qu'elle coûte bien cher. Mais elle aurait coûté cher à l'individu en bas par exemple. Parce que l'inflation, c'est le gars d'en bas qui en subit les premières conséquences. Il faut penser à celui-là, aussi.

Dans votre cas, dans la construction, il est bien possible que vous ayez prévu tout cela. Il est possible que ce soit défendable de cette façon. Il est possible que la partie syndicale aurait compris les problèmes que vous avez, comme entreprises, si vous en aviez discuté avec elle.

M. Rousseau: Nous, si nous avions discuté l'indexation et prenant pour hypothèse que nous l'aurions accordée, cette indexation, aux salariés de l'industrie de la construction, il n'en demeure pas moins qu'à ce moment-là on favorisait simplement une couche, une partie des travailleurs.

Moi, je vais vous poser une question, M. le ministre. Est-ce que le gouvernement provincial ne serait pas en droit de penser à tous ses administrés? Est-ce que, par la formule, qui a été avancée ce matin par la CSN, qui dit "pourquoi ne regarderions-nous pas la possibilité d'indexer le tableau d'impôt", à ce moment-là, on ne réglerait pas le problème pour tout le monde en même temps? Est-ce que ce ne serait pas équitable pour tout le monde? Est-ce que ce ne seraient pas simplement certains employeurs qui auraient à payer la facture à l'heure actuelle? Est-ce qu'il n'y aurait pas simplement une certaine couche des salariés qui profiteraient de cette occasion, qui profiteraient de l'indexation, parce que certains employeurs l'ont donnée, ou que d'autres se sentiraient obligés, ou que d'autres vont être forcés de la donner? Est-ce que ce ne serait pas préférable que le gouvernement pose un geste dans ce sens-là? A ce moment-là, on est certain que cela va être équitable pour tout le monde, autant pour vous, pour moi que pour le salarié parce que, moi aussi, le pouvoir d'achat, je le subis. Je ne le subis pas au même titre peut-être que le salarié. Le salarié de l'industrie de la construction ne le subit peut-être pas au même titre que celui qui gagne le salaire minimum.

Je pense que cette question, enfin quand on parle d'indexation, d'inflation, c'est un cercle vicieux, et je pense aussi que si le gouvernement regardait sa table d'impôt, il pourrait sûrement arriver à une formule pour compenser tout le monde et cela éviterait peut-être aussi de remettre en question tout le système de relations de travail, pas simplement au niveau de l'industrie de la construction, mais dans tous les secteurs, même en vertu du code du travail.

M. Cournoyer: J'espère que le premier ministre entend cela parce qu'il a son moniteur et il écoute cela dans son bureau.

M. Rousseau: J'espère...

M. Roy: Oui. Est-ce que le ministre...

M. Rousseau: ...qu'il n'y a pas que le premier ministre. J'espère qu'il y en a d'autres.

M. Cournoyer: II a tout entendu. M. Pepin a dit la même chose ce matin sur l'indexation des impôts. Le Conseil du patronat a demandé la même chose il y a déjà un certain temps. Je pense bien que c'est une décision du premier ministre. Est-ce que cela réglerait le problème de la construction?

Des Voix: Non.

M. Cournoyer: Pas tous? Non?

M. Rousseau: Pourquoi est-ce qu'ils disent non?

M. Cournoyer: Je ne le sais pas.

M. Rousseau: Moi non plus, je ne le sais pas.

M. Cournoyer: Je serais prêt à discuter avec eux pour savoir pourquoi ils disent non.

M. Rousseau: Moi, je crois que oui.

Le Président (M. Séguin): Le député de Saint-Jacques.

M. Burns: II n'est pas là et on n'a pas d'autre question. Les questions ont été posées par le ministre.

Le Président (M. Séguin): Alors, le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Non, pas de questions, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Rousseau, nous vous remercions.

M. Rousseau: Nous vous remercions également.

Le Président (M. Séguin): Nous entendrons maintenant la Centrale des syndicats démocratiques. Je demanderais encore une fois à la personne qui fait la présentation de s'identifier, ainsi que son association.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Dalpé (Paul): Paul Dalpé, CSD.

M. le Président, la grève des ferrailleurs n'est pas un cas particulier. Cette grève se situe dans l'ensemble des luttes que font les travailleurs pour indexer leur salaire à la hausse du coût de la vie. Les travailleurs de la construction n'ont pas échappé à ce mouvement général. Ils ont déclenché plusieurs grèves depuis juin 1974.

Bien que la majorité du patronat se soit opposée à accorder la compensation demandée, une minorité a acquiescé aux demandes syndicales, ce qui a contribué à perturber grandement l'industrie. Le ministre de l'In- dustrie et du Commerce prétend que la productivité dans cet important secteur de l'économie a diminué jusqu'à 30% de son efficacité normale. Si cette assertion était fondée, ce serait un désastre. Devant cette situation, on veut rendre les unions responsables du fouillis économique dans lequel semble se trouver l'industrie.

Le gouvernement a fait voter, par l'Assemblée nationale, le projet de loi 201, donnant au ministre du Travail des pouvoirs exceptionnels d'intervention dans les relations de travail dans la construction, les parties ayant été incapables de s'entendre pour redresser la situation lors de la rencontre du 20 décembre 1974.

Le problème de l'indexation des salaires au coût de la vie se pose différemment, dans le secteur de la construction, de celui des secteurs manufacturiers et publics pour les quatre raisons suivantes: Premièrement, dans le secteur de la construction, la négociation est sectorielle et provinciale en vertu d'une loi spéciale. Deuxièmement, les relations du travail dans ce secteur font actuellement l'objet d'une enquête de la part de la commission Cliche. Troisièmement, les taux horaires payés dans cette industrie dépassent de beaucoup le taux de salaire moyen de l'industrie manufacturière et, pourtant, le salaire moyen gagné est inférieur. Quatrièmement, la productivité dans ce secteur est plus sujette à des fluctuations que celle du secteur de fabrication. Pour ces raisons, le problème de l'indexation apparaît donc beaucoup plus complexe, sans pour autant négliger l'absence complète de dialogue entre les parties, frustrées bien plus par la passation de lois spéciales favorisant les unes au détriment des autres, que par une baisse de la productivité soi-disant importante. On se trouve alors dans le vrai problème. D'une part, le patronat prétend qu'il ne peut y avoir de discussion sur les salaires, si l'on ne trouve pas avant, des mesures à prendre pour accroître la productivité. D'autre part, pour les syndicats, la hausse du pouvoir d'achat de leurs membres leur apparaît essentielle.

Devant toute cette situation, la CSD prétend qu'il ne faut pas organiser de chasses aux sorcières contre qui que ce soit. Les trois parties en présence doivent accepter chacune leur part de responsabilités.

Selon le régime de négociations collectives en vigueur, il existe une division fondamentale dans les relations de travail que l'on peut exprimer par les deux postulats suivants: premièrement, l'employeur est exclusivement responsable de la marche générale de son entreprise, des prix, de l'organisation de la production et de la productivité.

Deuxièmement, le syndicat, de son côté, est plus particulièrement responsable du salaire, des conditions de travail et du bien-être des travailleurs.

Jusqu'à aujourd'hui, l'employeur s'est bien accommodé de ce régime qui lui accordait une grande liberté d'action dans la poursuite d'une efficacité accrue et de marges de profits plus généreuses.

Le syndicat s'est retranché dans la seule revendication, le régime ne leur demandant pas d'assumer des responsabilités quant à la bonne marche de l'entreprise, particulièrement quant à l'accroissement de la productivité.

Aujourd'hui, l'on constate que ce partage de responsabilités telles que définies dans la Loi des relations

de travail dans l'industrie de la construction repose sur de faux postulats.

En effet, on accuse les syndicats d'être responsables de la diminution de la productivité. De deux choses, l'une: Ou les syndicats ont une responsabilité à l'égard de la productivité et la loi leur reconnaît ce droit de décision avec la direction, ou ils ont une responsabilité indirecte et on continue de les exclure du droit de décision tout en leur demandant du même souffle de prendre des décisions informelles et officieuses pour accroître la production.

Les principaux responsables de la diminution de la productivité sont les employeurs. Ils doivent donc en assumer le principal fardeau.

Premièrement, c'est la compétence de gestion des entreprises qui est mise en cause; ce sont les employeurs qui fixent les coûts et les délais de livraison et qui ne peuvent les respecter. Pour chaque contrat d'importance, les entrepreneurs trouvent moyen d'étirer les délais de livraison et d'augmenter les coûts.

La plupart du temps, c'est dû à une mauvaise planification parce qu'on minimise certains facteurs, tels l'approvisionnement de matériaux, l'empiétement des sous-entrepreneurs, etc.

Les employeurs, en deuxième lieu, ont cédé au chantage. Sur les chantiers importants, industriels et commerciaux, les employeurs ont voulu acheter la paix en donnant des prébendes à des délégués de chantier reliés à la pègre, tel que l'ont démontré certains témoins à la commission Cliche.

Troisièmement, les pseudo-négociations. La répétition du scénario des pseudo-négociations de mai 1973, cautionné par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre lui-même, amenant des employeurs à conclure des ententes séparées à l'encontre de toute décence par rapport aux lois existantes, a prolongé le secteur de la construction dans le fouillis actuel et perturbé à nouveau le climat des relations patronales-syndicales.

Par esprit de revanche, pour ce qu'ils avaient dû avaler en 1973, les employeurs, malgré l'évidence, ont refusé de discuter des conséquences de l'inflation vis-à-vis des salaires des travailleurs de l'industrie de la construction.

C'est donc dire que les uns et les autres sont responsables, au même titre, des ralentissements de travail qui ont pu survenir sur les chantiers depuis juin 1974.

Les unions de la construction, inspirées par une volonté de contrôler l'industrie, ont utilisé les services de placement syndicaux pour mater les patrons récalcitrants en ne leur fournissant pas la main-d'oeuvre qualifiée et requise. Elles ont fait appel à des rasta-quouères à qui l'on donnait des certificats de qualification afin d'introduire sur les chantiers de construction les moyens classiques de corruption de la pègre: taux usuriers, loterie, prostitution, etc., et ils ont été également chargés de prendre des mesures pour ralentir la production et intimider les travailleurs; ils avaient aussi la responsabilité de fermer les chantiers sans que les travailleurs n'aient été consultés sur l'opportunité de faire la grève.

Le gouvernement est responsable, lui aussi, de la diminution de la productivité sur les chantiers de construction, particulièrement pour les raisons suivantes: premièrement, manque de politique de formation professionnelle dynamique et réaliste. Depuis l'abolition des centres de formation professionnelle, la Loi sur la formation et la qualification professionnelles où l'on a soutiré la responsabilité aux parties de s'occuper de l'apprentissage, le gouvernement s'est embourbé dans la technocratie. Il n'a, à toutes fins pratiques, rien fait pour développer une main-d'oeuvre qualifiée, laissant au ministère de l'Education le soin de former des apprentis avec un équipement inadapté à l'industrie de la construction.

Deuxièmement, l'abolition de la sécurité d'emploi. En abolissant la sécurité d'emploi et les permis de travail qui devaient favoriser le travailleur qualifié, le gouvernement a créé une plus grande instabilité chez les travailleurs déjà affectés par les emplois de courte durée, la "saisonnalité" et le taux de chômage qui est trois fois plus élevé que chez les travailleurs des autres secteurs. Cela est un extrait d'un document préparé par le Conseil économique du Canada, intitulé Pour une croissance plus stable dans la construction.

Le taux horaire plus élevé pour le travailleur de la construction par rapport au taux du travailleur affecté à l'industrie de fabrication ne doit pas être un argument valable pour empêcher d'accorder des rajustements de salaires qui sont dus, à cause de l'inflation, aux travailleurs de la construction. "Les employeurs, sachant que le niveau des prix ne décourageait pas les acheteurs et qu'il entraînait des revenus accrus pour l'industrie de la construction, ont opposé une résistance moindre aux revendications syndicales et ont même consenti à des ententes tacites au lieu d'entreprendre une véritable négociation des salaires. "Un autre facteur important a permis aux sociétés de construction, aux entrepreneurs et aux sous-traitants, tant au Canada qu'aux Etats-Unis, d'absorber des augmentations salariales dépassant la moyenne; ils ont réussi à moderniser les techniques de construction, à recourir à l'assemblage modulaire, à substituer un équipement plus productif aux travailleurs et, de façon générale, à réaliser des économies considérables de main-d'oeuvre. On pourrait croire que, depuis 1968, les fortes hausses de salaires des travailleurs syndiqués ont grandement contribué à accroître la part des revenus de l'industrie allant aux travailleurs. En fait, cette augmentation a été modeste car, pour compenser l'accroissement des coûts unitaires du travail, les employeurs ont substitué de plus en plus des techniques à fort coefficient de capital". C'est également une citation tirée du même document: Pour une croissance plus stable de la construction, du Conseil économique du Canada.

Par ailleurs, en examinant le tableau illustrant les gains annuels selon le métier et le statut, on s'aperçoit que la moyenne des salaires est située à $5,409 en 1973. Donc, inférieure au salaire moyen gagné au Québec qui dépasse $7,000 par année.

Cette moyenne de salaire des travailleurs de la construction s'explique par le faible nombre d'heures de travail. C'est ce que nous démontre le tableau suivant. Je pense que vous me dispenserez de m'y référer de façon directe. Il est devant vos yeux.

Les éléments de solution. L'indexation des salaires doit être une première étape pour relancer l'industrie de la construction. Dans le régime de négociations collec-

tives, les différends qui surviennent sont habituellement portés à la connaissance du ministre du Travail qui délègue son représentant ou agit lui-même pour amener les parties à résoudre les problèmes.

Dans le présent conflit, le ministre du Travail n'est plus en mesure de jouer ce rôle capital parce que les parties en cause ont totalement perdu confiance en lui et ont même réclamé, en des occasions diverses, sa démission.

Nous avons donc conscience que la présence des parties à cette commission est dénuée de tout sens logique. Mais, vu que la loi 201 nous impose de venir exposer à cette commission notre point de vue, la CSD fait appel à l'équité qui est la seule capable de trouver un règlement satisfaisant à ce conflit.

Cette équité commande que tous les taux horaires du décret de l'industrie de la construction soient majorés de $0.75 l'heure à compter du 1er janvier 1975; les augmentations prévues au décret continuent de s'appliquer aux dates fixées; le décret prévoit une clause d'indexation des salaires au coût de la vie à partir d'octobre 1975 ou dès le moment où l'indice des prix à la consommation de Montréal atteint 178.1.

Toute tentative ou intention, venant de qui que ce soit, d'accorder des augmentations de salaire à des groupements distincts de travailleurs ou de revenir aux disparités scandaleuses qui ont déjà existé, ou encore entretenir l'illusion magique de la division du secteur de la construction en catégorie industrielle et domiciliaire avec des taux différents, ne peuvent, en aucune circonstance et pour quelque considération que ce soit, être envisagées comme des solutions au problème actuel. L'un ou l'autre de ces cataplasmes ne ferait que précipiter des réactions à la chaîne dont les conséquences seraient encore plus tragiques pour l'économie que la véritable solution d'équité énoncée plus haut, en plus d'être un affront à l'endroit des véritables travailleurs professionnels de la construction.

Le pouvoir d'achat étant ainsi rétabli selon les exigences de l'inflation, cette équité commande en retour aux travailleurs d'accomplir le travail exigé. Ce qu'ils s'empresseront sans doute de faire.

Le gouvernement devra, également, s'empresser de créer les conditions nouvelles nécessaires pour que les employeurs et les travailleurs accroissent la productivité à son niveau normal. A cette fin, le gouvernement devra appliquer toutes les recommandations de la commission Cliche qui contribueront à créer le climat nécessaire pour que la paix industrielle règne sur les chantiers de construction.

L'indexation des salaires paraît donc indispensable pour relancer l'industrie de la construction en 1975 et la loi 201 donne plein pouvoir au gouvernement d'agir dans ce sens.

Quant à l'annexe, M. le Président, elle contient des commentaires sur des formules utilisées pour arriver à l'indexation qui est réclamée. Je pense que je pourrais être dispensé de la lire.

Le Président (M. Burns): Merci, M. Dalpé. Le ministre du Travail.

M. Cournoyer: Pas de question.

Le Président (M. Burns): Le leader de l'Opposition en aurait une, mais il est mal placé.

M. Cournoyer: Je vais changer de place avec vous.

Le Président (M. Burns): Si la commission y consent, je veux simplement...

M. Cournoyer: J'y consens.

Le Président (M. Burns): Je veux simplement souligner...

M. Cournoyer: D'accord, on lui donne la permission?

M. Roy: Permission accordée. Le Président (M. Burns): Merci.

M. Roy: A la condition que ce ne soit pas considéré comme un précédent pour les autres présidents qui viendront à cette commission.

-Le Président (M. Burns): C'est beaucoup plus une remarque, M. le Président, que je veux faire et je pense que je serais mieux de passer la parole au député de Beauce-Sud.

M. Roy: Non, vous pouvez y aller. Le Président (M. Burns): Allez-y. M. Roy: Vous pouvez y aller.

Le Président (M. Burns): Aie! C'est moi qui mène. Allez-y.

M. Bellemare (Rosemont): Ce n'est pas pareil.

M. Roy: Le président est en train de créer un précédent dangereux que je dois signaler.

Le Président (M. Burns): C'est vrai.

M. Roy: Parce que le président n'a pas à imposer la parole. Il s'agit que le député qui veut prendre la parole la demande au président et, dans les circonstances, je ne l'avait pas demandée.

Le Président (M. Burns): Alors, vous ne la voulez pas?

M. Roy: Non. Je n'ai pas de question à poser pour le moment. Je voulais attendre.

Le Président (M. Burns): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, j'en aurais une.

Le Président (M. Burns): Le député de Rosemont.

M. Bellemare (Rosemont): Oui. J'en aurais une. M. Dalpé, c'est bien ça votre nom? Vous demandez la tête du ministre. Avez-vous une solution de rechange et, deuxièmement, seriez-vous prêt à affronter l'électorat et devenir ministre du Travail?

M. Dalpé: Je pourrais peut-être vous répondre en disant que je pourrais être nommé temporairement et voir ce que je peux faire. Si les électeurs ne sont pas satisfaits de ce que j'aurai fait, ils me battront. C'est déjà arrivé d'ail leurs que des ministres ont agi avant d'être élus.

M. Bellemare (Rosemont): D'accord. C'est votre réponse, mon cher ami. Mon autre question va être celle-ci. Si les patrons, dans un élan de collaboration, vous accordaient — vous êtes ministre du Travail, remarquez bien — l'augmentation que vous demandez, remarquez que je crois bien que tous les députés qui sont ici présents sont favorables à l'augmentation, il n'y a aucun doute de ce côté, alors, vous êtes toujours ministre du Travail, dans un élan de collaboration avec le patronat, seriez-vous prêts, les chefs d'union, à garantir la productivité des employés sur les chantiers de construction?

M. Dalpé: Dans le mémoire que nous avons présenté, nous avons fait état de la carence de productivité dont parle le ministre, nous ne pouvons pas dire que nous sommes d'accord avec lui. S'il a des chiffres, nous imaginons qu'il n'a pas dû les lancer en l'air sans les vérifier. Mais tout le contexte de la productivité est quand même relié aux aspects que nous avons soulevés dans le mémoire. Donc, tenter d'obtenir, de la part de quelque chef syndical que ce soit, une garantie formelle que la productivité va retrouver son taux normal si $0.75 l'heure sont donnés en janvier plus ce qui est demandé, je pense que personne ne pourrait prendre un tel engagement. Nous pouvons cependant dire ceci: Un minimum de satisfaction régnant sur les chantiers de construction, il y a lieu de s'attendre de la part de quelqu'un qui est satisfait à un meilleur rendement que de quelqu'un qui est en instance de revendications et de chicanes. Je pense qu'à partir de cela, vous pourriez tenir pour acquis que le travailleur de la construction, ayant reçu satisfaction au plan salarial, devrait retrouver son rythme de croisière normal de travail.

M. Bellemare (Rosemont): Remarquez bien, M. Dalpé, que je n'ai absolument rien contre les unions, au contraire. Par contre, je trouve que vous avez des formules très faciles, des formules incitatives pour demander à vos travailleurs de faire la grève et cela va comme cela. Mais quand vous allez les inciter à la productivité sur les chantiers de construction, sciemment ou inconsciemment, vous ne trouvez plus de formule.

M. Dalpé: Je pense que le rôle des unions n'est pas de faire valoir que la productivité va produire pour eux des effets dont ils vont être les bénéficiaires. Les travailleurs, comme tels, sont quand même des citoyens qui savent que, pour obtenir quelque chose, il faut le faire, donc le produire. Mais le moyen de résistance qu'ils ont dans certaines circonstances, c'est de ralentir ou de cesser de travailler. Je pense qu'il n'est pas nécessaire pour quelque chef d'union, lorsque les conditions ont été rétablies, surtout celles qu'il désire, de dire aux travailleurs en cause: Maintenant, tu vas produire. C'est l'effet normal qui se produit chez lui comme chez n'importe quel autre citoyen.

M. Bellemare (Rosemont): Je vais poser ma question d'une autre façon. Si, demain matin, vous pouviez collaborer avec les patrons, avec une entente — parce qu'on dit souvent que la plus mauvaise des ententes vaut mieux que le plus beau des procès — seriez-vous prêt à faire toute la publicité vis-à-vis de vos membres pour les inciter à la productivité sur les chantiers de construction, après les demandes que vous aurez obtenues du patronat, comme vous avez fait pour les inciter à la grève?

M. Dalpé: Je pense qu'il y a des distinctions à faire quant à l'incitation à la grève. Vous n'avez pas le droit de généraliser parce que ce n'est pas général dans le moment et, quant à la centrale, nous n'avons demandé à personne de faire la grève.

M. Bellemare (Rosemont): Je n'ai pas généralisé, j'ai dit que vous étiez ministre du Travail.

M. Dalpé: Alors, à titre de ministre du Travail, je vais lancer l'appel à tous les travailleurs, non seulement de la construction, mais à tous les travailleurs qui ont bénéficié d'une formule d'indexation, pour qu'ils donnent le rendement qu'on attend d'eux. Ils savent ce que cela veutdire. Je n'ai pas besoin d'insister là-dessus.

M. Bellemare (Rosemont): Vous ne pensez pas que le ministre l'a fait à ce jour?

M. Dalpé: Pardon?

M. Bellemare (Rosemont): Vous ne pensez pas que le ministre l'a fait déjà cette demande-là?

M. Dalpé: Oui, sauf que les travailleurs en cause n'ont pas encore l'indexation.

M. Bellemare (Rosemont): Ils ont plus confiance en vous qu'au ministre?

M. Dalpé: Pas nécessairement. Dès qu'ils auront l'indexation, quand quiconque va leur demander de donner le rendement normal, ils vont retrouver leur rendement normal.

M. Bellemare (Rosemont): Je ne vous comprends plus ou je ne vous suis plus.

M. Dalpé: Vous êtes devant une situation où quelqu'un se plaint de ralentissements de travail et même, dans d'autres cas, on a cessé complètement de travailler. C'est pour signifier qu'on attend quelque chose comme rajustement. Quand le rajustement sera donné, que la cause des arrêts ou des modifications du rythme de travail aura été abolie, je pense qu'il faut s'attendre que le rythme

normal va reprendre. Je pense qu'il est tout à fait normal de s'attendre à cela.

M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que c'est une pure hypothèse ou si vous pensez que cela va être cela?

M. Dalpé: Je crois que cela va être cela. Ce n'est pas une hypothèse dans mon cas; je crois que cela va être cela. A notre point de vue, cela va sûrement être cela.

M. Bellemare (Rosemont): En tant que ministre du travail, tout le temps?

M. Dalpé: Toujours, en tant que ministre. Les élections, c'est quand?

Le Président (M. Burns): Le député de Saint-François a demandé la parole.

M. Dalpé: ...de prendre des décisions comme ministre, à un moment donné, il va falloir que je me fasse élire.

M. Déziel: M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais porter à l'attention de M. Dalpé, à la page 4, le paragraphe a), la responsabilité du patronat. Vous dites, à un moment donné, que c'est la compétence de gestion des entrepreneurs qui est mise en cause, qu'à chaque contrat d'importance les entrepreneurs trouvent moyen d'étirer les délais de livraison et d'augmenter les coûts.

Je ne sais pas si vous êtes au courant que durant l'annéee 1974, que ce soit au niveau du patronat ou au niveau de l'administration des villes et des municipalités, à l'intérieur de ces organismes il y a eu des administrateurs de grande importance qui n'ont pas pu prévoir, par exemple, la livraison de camions, qui était de 18 mois, ou de transformateurs, qui était de 12 à 18 mois, même deux ans. Dans le domaine de la construction également, il y a eu de forts délais au niveau de la livraison des matériaux.

Lorsqu'on dit que cela devient de la mauvaise administration concernant le domaine du patronat, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. J'aimerais avoir de plus amples explications sur cette mauvaise administration.

M. Dalpé: Je pense qu'il faut tenir pour acquis que l'entrepreneur, lorsqu'il prend des engagements vis-à-vis de son client, doit être en mesure de fournir la construction demandée dans les délais prévus.

Si, pour obtenir le contrat — parce qu'il se dit en concurrence avec un autre — il laisse entendre à son client que lui est en mesure d'avoir ceci beaucoup plus vite qu'un autre, qu'il a des passes, qu'il a des tuyaux, qu'il n'a pas de problème avec un tel, s'il est prêt à lui mentir, je pense qu'il doit accepter le blâme qu'on déverse actuellement dans notre mémoire. C'est sûrement le cas de plusieurs entrepreneurs qui font miroiter à leurs acheteurs leurs capacités personnelles, leur expérience et toute la kyrielle de chansons pour obtenir le contrat. Je pense que cela est indéniable.

Ceux-là, ils sont visés sans qu'on les nomme.

M. Déziel: Mais dans le contexte d'inflation qui a existé, M. Dalpé, n'êtes-vous pas d'accord qu'il n'y a eu aucun contrôle possible dans ce domaine-là, au niveau de tous les sous-traitants ou des entrepreneurs généraux, d'une part? Il n'y avait aucun contrôle possible.

M. Dalpé: Je ne veux pas nier que tous ces entrepreneurs ont pu avoir des problèmes. Nous nous en tenons aux promesses qu'ils ont faites à leurs clients. Si, intérieurement, ils pouvaient soupçonner que des problèmes surviendraient et qu'ils n'ont pas fait savoir à leurs clients ce qu'ils pensaient, je pense qu'ils méritent les blâmes. On a le droit, à ce moment-ci, de les considérer comme de mauvais administrateurs. Je pense que le minimum d'honnêteté vis-à-vis de leur clientèle les obligeait à laisser voir que, dans le contexte actuel, ils ne pouvaient pas garantir, de façon formelle, la livraison ou le service à tel moment.

M. Déziel: Dernière question, M. le Président, si vous me permettez. Quelle serait votre réponse à la question que je posais, ce matin, au président de la CSN, relativement aux contrats qui ont été soumissionnés vers la fin de 1973, et même ceux avant avril 1974, où il n'était pas question d'indexation, et où il y a eu des prix fermes, des prix forfaitaires qui ont été soumis, de façon fixe, par des entrepreneurs généraux? Par la suite, lorsqu'on sait qu'il y a eu inflation, ils ont eu à subir des pertes de départ peut-être de $250,000 à un demi-million, mais pour conserver leur intégrité au niveau des bons de performance ou des bons de garantie ou quoi que ce soit, ils ont voulu maintenir leur contrat, respecter leur signature et, par le fait même, exécuter le contrat proprement dit. On sait que ces types n'ont éventuellement pu prévoir aucune indexation à venir, celle qu'on discute présentement, ou l'inflation qui est entrée en cause dans ce temps. Quelle est votre réponse là-dessus? Qui doit payer la note d'après vous?

M. Dalpé: Je dois dire, au départ, que c'est malheureux, si ces situations existent. Mais si, d'une part, on doit trouver une formule pour régler le problème de ces soumissionnaires, de ces entrepreneurs, je pense que, d'autre part, on va, par équité, être obligé de trouver une formule pour d'autres situations aussi pénibles dans lesquelles tous les citoyens ont pu être pris. Je pense qu'on va être obligé d'envisager cela.

Quant au cas spécifique dont vous parlez, c'est possible que certaines de ces pertes soient déductibles quelque part. Je ne suis pas tellement familier avec les impôts des industries ou des entreprises, mais j'imagine qu'il doit y avoir moyen de passer là-dedans une partie des pertes. Je ne serais pas surpris que certains entrepreneurs réussissent le tour. A ce moment, ils en auront certainement diminué une bonne partie. L'autre partie, cela fait partie du jeu normal de la vie dans laquelle tout le monde est pris. La ménagère qui n'a pas acheté, la semaine dernière, certaines provisions et qui se fait prendre, cette semaine, avec l'augmentation de prix, on ne se demande pas qui va payer pour cela. C'est malheureux pour elle, c'est la semaine dernière qu'elle aurait dû les acheter. Cette semaine, elle va les payer plus

cher. Il en est ainsi, si on veut multiplier les cas à volonté.

M. Déziel: Vous parlez de la ménagère, je suis d'accord avec vous, mais elle a l'entière liberté de l'acheter ou de ne pas l'acheter. Tandis que l'entrepreneur dont je veux parler est obligé, par contrat forfaitaire, de voir à l'exécution des travaux. Vous n'avez pas répondu à ma question, lorsque je vous demande: Qui va payer la note?

M. Dalpé: Je n'ai pas besoin de répondre, parce que j'ai l'impression que vous répondez vous-même. S'il ne passe pas la note à quelque part, c'est lui qui va la payer.

Je vous place dans la situation où il réussit à la passer à quelqu'un, ce sera un consommateur éventuel ou l'impôt, quelque chose comme cela. D'ailleurs, je pense que les employeurs doivent se battre un peu la poitrine, aujourd'hui. Si, en juin, ils avaient accepté d'ouvrir le dialogue, de discuter, la pénalité qu'ils s'apprêtent à subir ou qu'ils craignent serait certainement moindre, ajourd'hui, à endurer.

M. Déziel: Là, vous venez de souligner que c'est le patron qui doit payer la note. Devant le fait qu'il pourrait, dans une situation semblable, y avoir éventuellement un marasme économique, au niveau du Québec, avec un lot de faillites que différents entrepreneurs généraux et sous-entrepreneurs auraient à encourir, devant ce marasme économique, qui, encore là, devrait payer la note?

M. Dalpé: Dans un cas de marasme, je pense que c'est toute la population qui est prise pour écoper. Cela a des réactions à chaîne. Si telle chose ferme, ce sont des travailleurs qui ne travaillent plus. Ne travaillant plus, ils n'achètent pas. Donc, ceux qui produisent et qui achetaient, produisent moins, etc. On comprend toute la situation.

Dans le cas spécifique dont il est question, je pense que ceux qui ont refusé d'ouvrir le dialogue au moment où il était possible de le faire doivent quand même s'attendre d'être pénalisés un peu si, par malheur, ils ont des contrats à prix fixe, qui ne leur permettent aucune échappatoire.

M. Déziel: A l'intérieur de votre organisme, M. Dalpé, est-ce que vous avez essayé de trouver une formule quelconque pour essayer d'élucider ce problème?

M. Dalpé: Je n'ai pas saisi le début, je regrette.

M. Déziel: A l'intérieur de votre organisme, lorsque vous avez préparé votre mémoire, devant un tel état de choses qui pourrait se produire, est-ce que vous auriez essayé, éventuellement, de trouver une formule qui pourrait répondre aux données de ce problème que je viens de vous soumettre?

M. Dalpé: Je dois vous avouer que nous n'avons pas été préoccupés par les conséquences de la demande pour la simple raison que nous ne croyons pas que la situation va être catastrophique au point de re- quérir une attention particulière de notre part là-dessus. Nous ne croyons pas à la catastrophe qui va venir parce qu'il y aurait addition au décret de taux supplémentaires d'augmentation de salaire et même de l'indexation. Du tout.

Certains pourront être serrés mais nous avons la conviction qu'ils vont trouver le moyen dans les temps à venir de se rattraper. Ils existent actuellement et ils semblent faire des affaires, être prospères jusqu'à un certain point. Je ne vois pas pourquoi ils cesseraient d'être prospères parce que les conditions ont été changées, conditions d'ailleurs qu'ils utilisent à volonté. Ce sont les patrons qui en ont fait l'admission. Lorsqu'ils soumissionnent ils se couchent sur le décret. Alors, à ce moment-là, leurs taux sont prévus et sont une répétition fidèle de ce qu'un client éventuel peut s'attendre à payer.

M. Déziel: Une dernière question, M. le Président. Si vous me le permettez, on va prendre un sous-traitant qui fait un petit contrat domiciliaire, admettons, de $600. Normalement, un profit légitime, qui, je le calcule, à mon sens, est très minime, peut lui rapporter au maximum 5% net. A raison de 5% net, il faut comprendre également qu'il ne faut pas qu'il y ait l'épée de Damoclès des faillites au-dessus de sa tête, d'une part. A raison de 5%, vous savez que cela lui donne $30 net pour un contrat de $600?

Qu'arrive-t-il à ce type avec une indexation lorsque, sur une période à long terme, prenons un projet domiciliaire de 250 ou 300 bungalows, il a donné un prix ferme pour fins d'exécution?

M. Pelletier: M. le Président, j'aurais une question...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je vais vous passer la parole après le député de Rosemont. Avez-vous terminé?

M. Déziel: Non. J'ai posé une question à M. Dalpé...

Le Président (M. Séguin): Bon, alors...

M. Déziel: ...je voudrais avoir une réponse. Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Dalpé: Le cas précis auquel vous vous référez, où un entrepreneur met en chantier une série de maisons, 250, je pense que ce n'est pas le cas le plus pénible. Assez souvent, les 250 maisons ne sont pas vendues immédiatement. C'est ce qui lui permet de se rattraper lors de l'apparition du client éventuel pour l'acheter. Il n'est pas assez fou, le gars, pour mettre ses 250 maisons sur pied, finies et de les offrir en vente. C'est au fur et à mesure qu'il les vend. Bien sûr, connaissant le besoin d'habitations, on sait qu'elles vont se vendre assez vite.

A ce moment-là, il les vend au fur et à mesure. Donc, les pertes dont on peut parler ne sont pas aussi grosses que ça. Ses 5%, il va s'arranger pour les retrouver.

M. Déziel: M. Dalpé, j'ai bien souligné que c'était le

cas d'un sous-traitant et non pas d'un entrepreneur général.

M. Dalpé: Mais le sous-traitant a contracté à ce prix-là.

M. Déziel: A un prix fixe.

M. Dalpe: Oui. Alors, il va payer.

M. Déziel: C'est cela qui arrive. Voyez-vous, on est dans un ghetto et on n'est pas capable d'en sortir, d'une façon ou de l'autre. J'ai fini, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Rosemont.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, ma question va être très courte. Encore une fois, pour la presse surtout, je veux très bien dire que je n'ai rien contre les unions. Au contraire, je suis pour.

Le Président (M. Séguin): Dites-le au président, pas à la presse.

M. Bellemare (Rosemont): Je voudrais savoir une chose de M. Dalpé. A la page 4 de votre mémoire, "responsabilités du patronat", vous nous dites: "...que les principaux responsables de la diminution de la productivité sont les employeurs. Ils doivent donc en assumer le principal fardeau. "1. C'est la compétence de gestion des entreprises qui est mise en cause."

Ma question est celle-ci: Seriez-vous prêt a admettre que le mouvement de la CSN a eu une mauvaise gestion lorsque sa caisse est devenue presque à sec, ce qui n'est souhaitable pour aucune union, ou si c'est dû à l'inflation des grèves?

M. Dalpé: Vous comprendrez que je ne répondrai pas pour la presse!

Je n'ai rien à faire avec la CSN, je ne suis pas en relation avec la CSN, et je ne vois pas pourquoi je traiterais de la situation de la CSN.

M. Bellemare (Rosemont): D'accord, je vous suis.

M. Dalpé: Ce que vous voulez, à toutes fins pratiques, m'amener à dire, c'est que s'il y a des responsabilités à quelque part, nous pouvons aussi être responsables. Je pense que, plus loin, j'ai bien fait la part de responsabilité de la part des unions.

M. Bellemare (Rosemont): Remarquez bien, M. Dalpé, que ma question, je la voulais très courte. Mais là, vous m'obligez à vous en poser une autre.

Supposons que, chez vous, à la CSD, vous avez prévu 10,000 ouvriers en grève au cours de deux années. Mais malheureusement, vous en avez 30,000, ce que vous n'aviez pas prévu. C'est une inflation de grève qui arrive. Cela ne veut pas dire que vous avez fait une mauvaise gestion. Pensez-vous que cela peut vous arriver, chez vous?

M. Dalpé: Cela peut sûrement nous arriver, mais je ne vois pas la relation...

M. Bellemare (Rosemont): Ce qui n'est pas souhaitable, remarquez bien, pour l'ouvrier, parce que pendant ce temps, l'ouvrier, vous ne pouvez pas le payer à toutes les semaines comme vous donnez $30 ou $40, selon le nombre d'enfants. Malheureusement, vous n'avez plus de fonds. Le pauvre gars, qui a des enfants, qui a une famille, est obligé de manger quand même, il n'a plus droit à l'assurance-chômage, il n'a plus droit au bien-être social. Il faut faire quelque chose pour ces gens. Ce sont les ouvriers qui en souffrent. Mais, malheureusement, votre fonds est à sec à cause de l'inflation des grèves. C'est une mauvaise gestion de votre part.

M. Dalpé: A ce moment, M. le député, je vais vous dire ceci: Avant que les travailleurs décident d'aller en grève — ce sera leur décision — ils sauront que la centrale n'est pas en mesure de les appuyer. Est-ce que les entrepreneurs, auxquels vous faites allusion et que nous mentionnons, agissent de cette façon?

M. Bellemare (Rosemont): Je ne fais allusion à aucun entrepreneur, même pas à une union, si vous me permettez. Là, vous pouvez me dire que je généralise, oui, autant du côté patronal que du côté syndical. C'est une situation qui peut se présenter. Elle s'est présentée à la CSN. C'est malheureux. Moi, je le déplore. Elle peut se présenter chez vous. Elle peut se présenter à la FTQ ou à une autre union. Peu m'importent les unions. Dans ce cas, c'est de trouver aussi un programme à l'effet que, si l'union est à sec, on pourra aider, d'une certaine façon, l'ouvrier qui n'a rien pour manger. C'est dans ce sens que je veux le dire. Je pense que vous me comprenez très clairement.

M. Dalpé: Je vous comprends très bien.

M. Bellemare (Rosemont): Cela ne veut pas dire que c'est une mauvaise gestion.

M. Dalpé: Non.

M. Bellemare (Rosemont): Cela veut dire que c'est l'inflation des grèves qui a amené cela.

M. Dalpé: Oui.

M. Bellemare (Rosemont): Vous admettez cela?

M. Dalpé: Bien sûr! Cela peut arriver. C'est une situation...

M. Bellemare (Rosemont): C'est cela... M. Dalpé: ...hypothétique possible.

M. Bellemare (Rosemont): ...que je voulais vous faire dire.

M. Dalpé: Je vous dis ceci: S'ils décident de faire la

grève, ils auront pris connaissance de la situation de la caisse. Donc, ils auront accepté d'y aller sans recevoir immédiatement ou peut-être jamais les prestations qu'on leur verse normalement.

M. Bellemare (Rosemont): Vous allez dire: On a $500,000 en banque, par exemple. Vous avez 10,000 grévistes sur les bras à $40 par semaine. Vous faites le compte, sur une période de cinq à six mois, vous allez les payer pendant combien de temps?

M. Dalpé: On va les payer tant qu'on en aura et tant qu'on sera capable d'en trouver.

M. Bellemare (Rosemont): D'accord!

M. Dalpé: Quand on n'en trouvera plus, on leur dira. Comme ils sont parmi ceux qui doivent payer un jour ou l'autre, ils prendront les décisions. C'est de cette façon que cela fonctionne.

M. Bellemare (Rosemont): Remarquez bien que la question que je vous pose, c'est surtout pour le bien de ces ouvriers qui sont en grève. C'est dans ce sens que je voudrais que vous me compreniez. C'est pour que ces gars ne restent pas à sec quand ils sont en grève. C'est surtout cela.

M. Dalpé: Alors, à ce moment, si le gouvernement a des préoccupations de cet ordre, on pourra lui demander de nous avancer l'argent et les gars feront la grève le temps que cela durera.

M. Bellemare (Rosemont): Vous demanderez cela au ministre. Dans ce temps-là......le ministre du

Travail.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! C'est très intéressant, ce dialogue, mais nous, on est ici pour rien à ce moment-ci. Si vous avez des questions ou des commentaires à faire, passez-les donc par le président. Au moins, les membres de la commission pourront bénéficier de votre très intéressant commentaire.

M. Bellemare (Rosemont): Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): C'est cela. Avez-vous terminé?

M. Bellemare (Rosemont): Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Pelletier: M. le Président, ma question s'adresse au président de la CSD. Je remarque que vous voyez bien que l'indice du coût de la vie, de 1972 à 1974, a été de 18% et, d'après votre rapport, si on constate les chiffres, au 30 avril 1974 et au 31 décembre 1974, c'est indiqué $5.39, comparativement à $4.38, ce qui représente une augmentation de 23%.

C'est donc dire que l'indexation n'aurait pas sa place, en ce sens que l'augmentation de salaire a été de 23%, et celle du coût de la vie, de 18%. Le tableau à l'annexe: Salaire indexé, indice de Montréal. Tableau numéro 1.

M. Bedard (Montmorency): Première page en annexe. Premier tableau.

M. Dalpé: Quelle est votre question? Que les augmentations de salaire ont été de...

M. Pelletier: L'indexation du coût de la vie a été de 1.8%...

M. Dalpé: Oui.

M. Pelletier: ...et l'augmentation de salaire de 23%.

M. Dalpé: A partir de...?

M. Pelletier: De 1972 à 1974, augmentation de 18%...

M. Dalpé: Cela va. 18%: coût de la vie. 23%: augmentation. L'indexation ou le coût de la vie, c'est une chose. L'augmentation du mieux-être qui résulte de la productivité, autrement dit, le produit national brut s'accroît chaque année, les citoyens ont droit à une partie de cet accroissement; vous n'en tenez pas compte lorsque vous parlez des 23%. Les 23% ont tenté d'en tenir compte et c'est pour cela qu'on retrouve l'écart de 5% — de 18% à 23% — parce que vous ne parlez que du coût de la vie alors qu'à cela, il faut ajouter, et cela de façon constante — les syndicats négocient toujours les augmentations en fonction du mieux-être — le bénéfice...

M. Pelletier: Oui.

M. Dalpé: ...de la productivité. Ils ont droit à une augmentation sur ce chapitre. Il faudrait ajouter cela.

M. Pelletier: C'est donc dire qu'ils satisfont à...

M. Dalpé: Si vous partez de 1972, cela fait trois ans, cela fait 9% au minimum, à 3% par année. Alors, 18% plus 9%, cela devrait faire 27% au lieu de 23%.

M. Pelletier: ...l'augmentation du coût de la vie présentement. ' M. Dalpé: Oui, mais si vous dites: Prends toujours ton augmentation de bien-être pour compenser l'indexation ou l'augmentation du coût de la vie, vous n'êtes pas tellement honnête avec lui. C'est lui qui fait les frais de l'augmentation du coût de la vie en prenant ce que le produit national brut lui doit pour vivre de façon décente. Je ne pense pas que cela soit la façon connue, traditionnelle, de négocier.

M. Pelletier: D'accord.

Le Président (M. Séguin): M. Dalpé, nous vous remercions. Afin d'ajouter un peu de "pouvoir" et surtout d'éclairer, le prochain groupe que nous entendrons

sera la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Voulez-vous s'il vous plaît vous identifier, ainsi que le groupe que vous représentez.

M. Roy: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Un instant. A l'ordre! M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Question préalable. Selon les renseignements que vous nous avez fournis, au début de la séance, il reste trois organismes.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Roy: J'aimerais savoir un peu de quoi il retourne jusqu'à maintenant, quelles sont les intentions de la commission parlementaire, à savoir si nous ajournons sine die à six heures ou si la commission parlementaire entendra les trois groupes qui sont devant nous...

Le Président (M. Séguin): Absolument. M. Roy: Y aura-t-il des limites de temps?

Le Président (M. Séguin): Pas plus que jusqu'à présent.

M. Roy: Vous pouvez nous assurer que les trois organismes seront entendus devant la commission.

Le Président (M. Séguin): Si ces organismes sont présents pour se faire entendre.

M. Roy: Et deuxièmement, le ministre aura-t-il l'occasion et la permission de nous faire part de ses décisions si ses décisions sont prises devant la commission? Troisièmement, aurons-nous l'occasion, comme membres de la commission, d'interroger le ministre ou de faire des commentaires sur les décisions qu'il pourrait annoncer? Avant la dernière question, il y a l'avant-dernière question. J'ai demandé si le ministre fera connaître ses décisions devant la commission parlementaire. Je m'excuse de revenir un peu là-dessus. Cela a été la première question que j'ai posée hier, mais, à ce moment, avant qu'on ajourne les travaux de la commission sine die, sans avertissement, à six heures, comme cela a malheureusement déjà été le cas, j'aimerais savoir, pour la gouverne de tout le monde, vers quoi nous nous dirigeons.

Le Président (M. Séguin): Premièrement, je n'ai pas l'intention d'ajourner les travaux de la commission sine die. Lorsque nous ajournerons, nous aurons terminé nos travaux. En ce qui concerne les commentaires que le ministre aura à faire, je pense que votre question devrait être posée au ministre et non pas au président.

D'abord, si je m'en tiens au texte de la loi, c'est-à-dire notre agenda pour cette rencontre, cette séance, il est bien spécifié, dans cet agenda et dans la loi 201, que la commission est convoquée pour les seules fins d'entendre les parties intéressées.

J'ai nommé, au début de la séance, si vous vous en souvenez, les neuf associations ou grou- pes qui devaient être entendus par la commission. Je vous assure immédiatement que les neuf, pourvu que chacun de ces neuf veuille être entendu, naturellement, seront entendus.

En ce qui concerne les commentaires que le ministre aura à faire ou qu'il devra faire, ou que vous voudriez qu'il fasse, c'est lui naturellement, dans un cas semblable, qui doit assumer cette responsabilité.

M. Roy: Me donnez-vous la permission de lui demander s'il a l'intention de le faire devant la commission?

Le Président (M. Séguin): Pas à ce moment-ci. Ce que je demanderais au député, c'est de suivre l'ordre que nous avons adopté et, comme j'ai appelé la Corporation des maîtres électriciens du Québec, nous allons procéder avec cette formule. C'est dire que nous entendrons maintenant monsieur...

Electriciens et mécaniciens en tuyauterie

M. Guilbault: Yvon Guilbault, représentant de l'Association des sous-entrepreneurs en construction du Québec et porte-parole de la Corporation des maîtres électriciens du Québec et de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.

M. le Président, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec devait être entendue après la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Mais étant donné que l'Association des sous-entrepreneurs en construction en est le porte-parole, le mémoire que nous vous présentons contient les représentations des deux corporations qui sont des associations représentatives reconnues par la loi.

Le Président (M. Séguin): A ce moment-ci vous parlez au nom...

M. Guilbault: De deux associations représentatives...

Le Président (M. Séguin):... de deux associations, la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.

M. Guilbault: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): C'est dire qu'il n'y a pas deux organisations qui parleront mais vous parlerez au nom des deux. Je vous remercie. Vous pouvez procéder.

M. Guilbault: Alors, les représentations qui vont suivre sont celles de la Corporation des maîtres électriciens du Québec et de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, deux des associations représentatives de l'industrie de la construction et qui ensemble re-

présentent 23% de l'industrie selon les critères exprimés dans le bill 9 adopté par l'Assemblée nationale, le 1er juin 1974.

En matière de relations de travail, ces deux associations s'expriment par l'entremise de l'Association des sous-entrepreneurs en construction du Québec dont elles sont membres et qui constituent leur porte-parole officiel. Il est bon de souligner que nous nous exprimons au nom de 4,500 entrepreneurs répartis dans toutes les régions du Québec.

Au moment de notre convocation à cette commission parlementaire, nous ignorions le sujet exact sur lequel la commission désire nous entendre mais, étant donné les pouvoirs conférés au ministre du Travail par la loi 201, nous sommes nettement conscients que la voix que nous aurions pu faire entendre dans d'autres circonstances, comme association représentative, est maintenant réduite à celle d'un simple groupe de pression, qui, par ses revendications, veut sensibiliser le ministre du Travail — qui, de son propre chef, semble décidé à amender le décret — en le mettant en garde contre des solutions simples, face à des problèmes complexes.

C'est pourquoi il estde notre intention de mettre l'accent sur les points majeurs du conflit actuel pour que la commission soit pleinement consciente des conséquences des décisions qui pourront être prises par le ministre du Travail. Je pourrais ajouter par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Mésentente chronique entre les parties et intervention inefficace du gouvernement. Il est sûrement inquiétant de constater que, depuis 1968, le gouvernement est intervenu dans à peu près tous les conflits qui ont sévi dans l'industrie de la construction malgré le fait qu'il a lui-même mis sur pied, par le bill 290, des structures qui — en matière de relations de travail — devaient, théoriquement, permettre aux associations représenta-tivesde régler leurs propres problèmes. Toutefois, ces associations représentatives n'ont jamais pu s'entendre entre elles pour résoudre les conflits qui, à chaque fois, ont exigé une intervention du gouvernement qui s'est exécuté timidement et à contrecoeur, malgré l'impact considérable de l'industrie de la construction sur l'économie du Québec. A de nombreuses reprises, le gouvernement s'est vu dans l'obligation de modifier, par législation, un système de relations de travail qu'on ne peut que qualifier de boiteux et d'inefficace.

Depuis le bill 290, le gouvernement ne s'est contenté que de raccommoder les pièces selon les circonstances sans aller au fond du problème et étudier les raisons pour lesquelles les parties en cause ne pouvaient à peu près jamais en venir à une entente.

Bien plus, le gouvernement est aujourd'hui tellement convaincu de l'impossibilité des parties de s'entendre entre elles qu'il a présenté la loi 201 qui lui permet d'amender le décret à sa guise sans que ces mêmes parties ne puissent s'y opposer. De toute façon, il peut donc amender le décret sans avoir à modifier la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction — comme il l'a fait si souvent dans le passé — ce qui est certes plus pratique pour lui, mais combien significatif de la faillite du système des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Si l'on s'en remet aux récentes déclarations du ministre du Travail, ce dernier désire que les parties expliquent devant cette commission les raisons pour lesquelles elles ne se sont pas entendues dans le conflit de l'indexation. Mais une telle question aurait pu être posée à chacun des conflits qu'a connus l'industrie de la construction.

Bref, nous sommes convaincus que le problème de l'indexation n'est qu'un problème parmi tant d'autres qui démontrent que le système des relations de travail dans l'industrie de la construction est périmé en 1975. Il est à prévoir que, lors d'un conflit ultérieur, le gouvernement devra intervenir de nouveau si le statu quo est maintenu relativement à ce système de relations de travail qui, disons-nous, s'est avéré inefficace et inopérant. Les nombreuses interventions gouvernementales antérieures le prouvent. En effet, ces interventions à courte vue n'ont fait que pallier plus ou moins efficacement des problèmes d'actualité sans aller au fond des choses. Bien entendu, nous comptons sur la Commission royale d'enquête sur la liberté syndicale dans l'industrie de la construction pour y établir un système viable, mais en attendant le gouvernement, dans ses interventions, doit faire preuve de clairvoyance, en tenant compte des contraintes propres à la nature même de l'industrie de la construction et qui sont à l'origine des mésententes perpétuelles entre les parties. Toute intervention contraire à cette optique ne saurait qu'entretenir le pourrissement de la situation actuelle.

Quelles sont les causes de la mésentente qui affecte les relations interpatronales et patronales-syndicales? J'aurais pu ajouter intersyndicales.

Il serait facile de dire que les associations sont irréalistes ou irresponsables mais nous croyons plus utile d'exposer les véritables causes de dissension.

Les relations interassociations patronales. C'est un secret de polichinelle de dire que les relations entre les associations patronales sont ardues en matière de relations de travail. Chacune d'elles tente de représenter adéquatement la volonté de ses membres, mais il se produit que les membres de ces associations n'ont pas nécessairement les mêmes problèmes, ce qui ne peut qu'occasionner une dissension plus ou moins latente entre eux et, par conséquent, leurs associations. Le mandat donné à chacune des associations par les entrepreneurs diffère donc selon les circonstances et les besoins.

Ces circonstances sont les suivantes:

A) La vocation première des associations patronales n'est pas les relations de travail.

Les six associations patronales de l'industrie de la construction reconnues par la loi n'ont pas été formées pour des fins de relations de travail contrairement, par exemple, aux associations syndicales.

Ce n'est que les circonstances qui ont voulu qu'elles s'occupent de relations de travail; sans les relations de travail, elles continueraient fort probablement d'exister. En effet, plusieurs entrepreneurs sont membres de

plusieurs associations à la fois pour des raisons tout à fait autres que les relations de travail. Pourtant, chacune de ces associations a le mandat de les représenter en relations de travail.

B)Le conflit entre la région de Montréal et le reste de la province est un facteur dont il faut tenir compte.

Il n'y a pas de doute que la plupart des conflits ont leur origine dans la région de Montréal et spécialement chez les entrepreneurs qui emploient un nombre important de salariés. Le reste de la province est régulièrement exempté des problèmes de la région de Montréal, de sorte que les associations patronales dont les membres proviennent de l'extérieur de la région de Montréal ne subissent pas de pressions aussi grandes que les autres. Ce facteur a un reflet direct sur le mandat donné à l'association.

C)La taille des entreprises faisant partie des associations.

Ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont une ampleur suffisante pour embaucher un nombre appréciable de salariés impliquant la présence de délégués de chantier et l'utilisation des bureaux syndicaux de placement. Or, il est connu que les conflits débutent dans ce genre d'entreprises qui sont majoritairement situées dans la région de Montréal.

Il est évident que les associations qui possèdent parmi leurs membres peu de grandes entreprises ne sont pas enclines à se plier à un dialogue susceptible de régler un problème auquel leurs membres ne se butent pas.

La structure démocratique des associations patronales permet un vote égal en matière de relations de travail à l'artisan comme à l'entrepreneur qui a à son emploi de nombreux salariés.

D) Les genres de travaux effectués dans la construction constituent le handicap majeur à toute entente. Il a souvent été question dans la construction de la création de secteurs qui tiennent compte des différences entre les travaux qui ne sont pas de même nature. Ainsi, l'entrepreneur qui oeuvre dans le service à domicile ou dans la construction domiciliaire oeuvre dans un domaine différent de celui qui entreprend à la baie James ou à la construction de routes.

Pourtant, le décret de la construction ne fait pratiquement aucune nuance entre ces différents genres de travaux, à tel point que le salarié qui fait de la réparation à domicile pourra prendre sa période de quinze minutes de repos dans le salon du client, tout comme le salarié de la baie James y a droit.

Toutes ces raisons, qui sont reliées entre elles, constituent à notre avis les causes d'une mésentente chronique. On pourra toujours prétendre qu'une association devrait se rallier à une autre — même si ses membres n'ont pas de problèmes — de façon à régler un litige pour le bien de l'industrie, mais c'est faire preuve d'angélisme.

Les relations patronales-syndicales. Les associations syndicales et particulièrement la FTQ construction possèdent avec leurs délégués de chantier et leurs bureaux de placement syndicaux des pouvoirs démesurés de sorte qu'ils imposent leur loi aux entrepreneurs et lancent leurs reven- dications sous forme d'ultimatum. Aucune discussion n'est possible dans ces circonstances. D'ailleurs, il est même à se demander si elles ne préfèrent pas que les associations patronales ne discutent pas avec elles, comme l'a laissé entendre M. André Desjardins, ex-directeur général de la FTQ construction, dans une conversation entendue à la commission Cliche avec le président de la Commission de l'industrie de la construction, Me Fernand Morin.

Après une telle révélation, comment croire que la FTQ construction discute de bonne foi? Nous sommes plutôt enclins à penser qu'elle préfère utiliser sa force démesurée pour obtenir gain de cause.

De fait, la FTQ construction nous a laissé savoir à maintes reprises qu'elle n'accepterait pas moins de $0.75 l'heure d'augmentation de salaire en guise d'indexation et qu'il y avait même possibilité pour elle de défier toute loi qui lui accorderait un montant moindre. Toute discussion avec un groupe qui a un tel état d'esprit est inutile. Ce genre d'ultimatum que la FTQ construction a lancé au gouvernement a aussi été lancé aux associations patronales à maintes reprises et spécialement lors de la rencontre de toutes les associations représentatives au ministère du Travail, le 20 décembre 1974.

Les associations patronales sont conscientes que la FTQ construction impose sa loi dans l'industrie et que sa récente demande se limitait à leur demander de signer une entente qui leur permettrait d'officialiser une augmentation immédiate de $0.50 l'heure qui a été obtenue à coups de pressions — arrêts de travail et ralentissements illégaux — devant lesquelles, contrairement à la loi, le gouvernement est resté passif.

Il est certain que nous déplorons la situation actuelle et toutes les causes qui l'ont engendrée. Il peut être facile d'accuser les associations patronales d'irréalisme ou d'irresponsabilité, mais, si on va au fond des choses, nous croyons que ce sont les structures établies qui sont périmées. Il incombe au gouvernement la responsabilité d'implanter des structures adéquates. Ce sont, croyons-nous, les raisons pour lesquelles les parties peuvent difficilement arriver à un accord.

Quoi qu'il en soit, nous nous interrogeons sur le moment choisi par le gouvernement pour intervenir dans ce conflit qui dure déjà depuis plus de six mois. Nous nous rappelons amèrement qu'aux mois de juin, juillet et août de l'an dernier ce même gouvernement a systématiquement refusé d'intervenir dans ce conflit, alors que plusieurs régions du Québec étaient touchées par des ralentissements de travail, du sabotage et des grèves. Il nous paraît clair que la cause de la présente intervention gouvernementale est l'arrêt du chantier olympique de Montréal. Or, nous craignons que le gouvernement, dans le but de régler ce seul problème du chantier olympique, sacrifie toute la province, par une indexation peut-être rapide des salaires ou autre méthode sans tenir compte des conséquences pour le public consommateur, de la productivité sur les chantiers, des garanties de

paix pour l'avenir et des différents secteurs d'activité dans l'industrie de la construction.

Une intervention gouvernementale trop brutale peut prendre plusieurs entrepreneurs par surprise et affecter la survie de leur entreprise. Il faut que le gouvernement tienne compte de la nature des contrats signés entre les entrepreneurs et les donneurs d'ordres dans l'industrie de la construction. Le gouvernement doit être prêt à indexer ces contrats, tout comme il semble prêt à le faire pour les salaires.

Toute forme de modification au décret, s'il y a lieu, doit aussi tenir compte du public consommateur qui est lourdement pénalisé par des conditions pécuniaires qu'il supporte difficilement, ce qui met en péril la survie même de plusieurs petites entreprises et encourage le braconnage, mettant en danger la santé et la sécurité du public.

Compte tenu de ces considérations, le gouvernement peut être assuré que les deux corporations, par l'entremise de l'ASECQ, vont contester toute modification unilatérale du décret qui ne tient pas compte: a) D'une garantie de paix sur les chantiers dans l'avenir; le gouvernement a le devoir de faire respecter la loi et il se doit de prendre les mesures pertinentes; b)D'une augmentation de la productivité des salariés. Le ministre de l'Industrie et du Commerce a confirmé les doléances des associations patronales sur les problèmes de productivité sur les chantiers en évaluant à 30% le degré de productivité sur les chantiers, spécialement pour les métiers d'électricien et de plombier; c)De la capacité de payer du consommateur affectant ainsi la survie de la petite et moyenne entreprise; d)Des différents secteurs d'activité dans l'industrie de la construction. Il faut que la distinction soit faite entre la construction domiciliaire, la construction de routes, le service à domicile et les travaux du secteur commercial et industriel; e)Du décret où des taux ont déjà été prévus et qui prévoit l'augmentation du coût de la vie; f)De la nature même de l'industrie de la construction alors que plusieurs contrats a prix ferme sont actuellement en exécution, basés sur des soumissions calculées sur les taux actuels du décret.

Si ces conditions ne sont pas respectées, nous craignons d'avoir à nous présenter à nouveau devant la même commission dans quelques mois pour un problème similaire, puisque rien n'aura été résolu. Il est important que le gouvernement cesse de penser à court terme et qu'il envisage des solutions à longue portée, de telle sorte que les parties puissent discuter en toute bonne foi.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. Guilbault. M. le ministre, avez-vous des questions? M. le ministre du Travail.

M. Cournoyer: Non, franchement, je n'ai pas de questions à ce moment-ci à poser. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont dites là-dedans qui ont dû être dites à la commission Cliche, particulièrement au début de votre mémoire. Les reproches que vous nous adressez sont normaux. Assis de l'endroit où vous êtes et assiss à l'endroit où je suis, ce sont des sièges différents et cela va continuer comme cela.

M. Guilbault: Je m'excuse, M. le ministre, je vous entends très mal.

M. Cournoyer: Je dis qu'assis à l'endroit où vous êtes et assis à l'endroit où je suis, ce sont deux sièges différents. On peut toujours mettre un blâme assez certain sur celui qui est responsable des relations de travail au Québec parce qu'il ne va pas aussi vite que vous croyez qu'il devrait aller, ou qu'il ne fait pas ce que vous croyez qu'il devrait faire. Vous remarquez cependant que la confusion règne et c'est difficile, entre les associations patronales, comme vous l'avez décrit, c'est difficile entre les syndicats également. C'est au ministre d'essayer de sortir toute la vérité de six associations patronales et trois associations syndicales. Cette difficulté-là, je pense bien que c'est à moi de la vivre, ce n'est pas à vous.

M. Guilbault: M. le ministre, est-ce que vous n'avez pas de questions précises à me poser? Est-ce que je peux me permettre certains commentaires?

M. Cournoyer: Sur quoi? Parce que je n'ai pas de questions à poser?

M. Guilbault: Sur mon texte en particulier, non pas sur vous et votre rôle. Je ne pense pas que cela réglerait quoi que ce soit, de toute façon.

M. Cournoyer: C'est-à-dire continuer la présentation de votre texte? Vous voulez préciser davantage? Allez-y, je vous en prie.

M. Guilbault: La question est qu'au moment où nous avons été convoqués à la commission parlementaire, il y avait quand même beaucoup de tentatives qui avaient été faites — je dis bien des tentatives — entre les parties, pour résoudre quelque chose. Vous savez les démarches qui ont été faites entre les parties et par votre ministère.

Je peux vous dire que cela fait deux jours que nous sommes assis ici à écouter les représentations de toutes les parties. Probablement que les autres parties vont faire le même commentaire après nous avoir entendus, l'ASECQ, mais je pense que c'est à peu près la première fois que toutes ces parties tentent de justifier les raisons de leur position.

Si je vous rappelais qu'au moment où la FTQ construction avait convoqué toutes les associations patronales, le 30 mai, à Montréal, pour faire sa demande d'indexation des salaires — en passant, la CSN et la CSD n'étaient pas là, mais elles aussi ont fait des représentations ce matin — le porte-parole de la FTQ construction, à ce moment-là, pour justifier leurs demandes d'indexation de salaires au coût de la vie, expliquait cela de la façon suivante.

Vous allez voir jusqu'à quel point les parties patronales ont raison de réagir et de dire que ces gens veulent se servirde leurforcedémesurée. Le

porte-parole a dit ce qui suit — cela a été très court: Ma femme me disait que la crème glacée a monté du double depuis un an, il faut faire quelque chose. Qu'est-ce que vous faites? On vous de-mande $0.50 tout de suite, $0.25 le 1er janvier 1975 et $0.25 le 1er janvier 1976. Cela n'a jamais bougé de là, jamais. C'était une demande inébranlable qu'on nous présentait sous forme d'ultimatum. On a bien fait — évidemment, selon les associations patronales, selon le genre et la nature des travaux effectués par leurs membres — des tentatives pour régler le problème. Vous savez que toutes les associations patronales, un certain pourcentage, vous êtes bien placés pour le savoir, la FTQ est à 72% — je pense que les membres de la commission en sont conscients — ontdespréoccupations différentes. Vous avez entendu l'Association des constructeurs d'habitations dont les membres sont des petites et moyennes entreprises et font affaires dans un secteur bien particulier. Vous avez entendu la Fédération de la construction du Québec qui fait affaires surtout dans le reste de la province, et aussi l'Association de la construction de Montréal, dont les membres varient de la petite à la moyenne et à la grande entreprise. Ces gens, selon le mandat qu'ils reçoivent, évidemment, réagissent différemment. Il se produit que même si une partie voulait régler un problème, mais avec 23%, 25% ou 26%, on n'en a pas assez. Et même si on réglait un problème spécifique, comme le secteur industriel, les raffineries, où tous les désordres commencent à tout coup, parce qu'il y a des délégués de chantier où, du côté du syndicat, les militants sont à peu près les plus actifs, si on veut régler ce problème, comme association, il faut penser à nos membres dans la province qui font du service à domicile, qui travaillent dans la construction domiciliaire, qui font un peu des deux. C'est peut-être pour ça que, chaque fois qu'on a discuté des secteurs, il y a eu des difficultés à prendre des décisions, parce qu'il y a des gens qui oeuvrent dans le domicile, dans l'industriel, dans le commercial. Puis mettre une ligne, ce n'est pas toujours facile. J'admets cela.

Par contre, quand on regarde du côté patronal, j'ai tenté, dans le mémoire, au nom de l'ASECQ, de l'exprimer le plus honnêtement possible. Cela aurait peut-être été facile de dire pour l'ASECQ: Les associations patronales s'entendent tout le temps et tout va sur des roulettes. On a des problèmes. Pas parce qu'on ne veut pas s'entendre. J'imagine qu'on doit être aussi intelligent que du côté syndical; les syndicats non plus ne s'entendent pas toujours. Moi, je me dis: A partir de ce moment, c'est l'objet du mémoire, s'il se produit un autre conflit dans l'industrie de la construction, comme sur le chantierolympique qui est un endroit stratégique, alors qu'on dit qu'aux mois de juin, juillet et août de l'an dernier, il y avait des problèmes pour les associations, à notre avis, beaucoup plus graves qu'actuellement, parce que ce n'est pas le chantier olympique...

On se dit pour le chantier olympique: On est conscient — les associations patronales que, du point de vue politique, du point de vue du prestige international, il faut faire quelque chose. Mais on est très conscient aussi qu'en présentant nos mémoires devant cette commission, on veut rendre ces membres et le lieutenant-gouverneur en conseil, comme j'ai précisé tout à l'heure, conscients qu'il ne faut pas sacrifier la province pour un problème qui est quand même très localisé.

C'est pour cela, à la fin du mémoire, M. le ministre, qu'on vous dit que s'il se présente un autre conflit où — excusez l'expression — les syndicats ou les employés peuvent prendre les entrepreneurs par... à ce moment, il est impossible, encore une fois, que les parties puissent s'entendre. Je vous donne un autre exemple. A la fin du mois d'août 1974, si ma mémoire est bonne, l'Association de la construction de Montréal a convoqué toutes les parties représentatives de la construction à une rencontre à Montréal. Toutes les parties sont venues. Je pense que la CSD s'est absentée cette fois — on me corrigera s'il le faut — la CSN et la FTQ étaient là. Toutes les associations patronales étaient là. La FTQ a vu sur les lieux des représentants de la CSN, la FTQ s'est retirée; si la CSN est là, on ne parle pas. Ce n'est pas facile de parler avec des gens comme cela. Comme ils peuvent vous dire, de l'autre côté, ce n'est pas facile de parler avec des gens des associations patronales. Mais on nous arrive toujours avec des ultimatums. A un moment donné, on se dit: II faut faire quelque chose. On n'a pas en main la solution pour faire quelque chose.

Vous trouvez peut-être que les parties vous accablent souvent de tous les maux. Mais, parfois il faut accabler des gens pour que les problèmes puissent se régler, surtout lorsque consciemment on sait — et je pense que tout le monde le sait — que ces problèmes, on ne peut pas les régler. Il faut pratiquement que cela vienne toujours au gouvernement qui, en même temps, doit faire la partie patronale et la partie syndicale afin d'essayer de contenter un peu tout le monde.

J'admets que, dans les circonstances, c'est difficile. On vous a fait, à maintes reprises, des déclarations disant que si le gouvernement, en approuvant un arrêté en conseil, accordait moins de $1 l'heure, il va avoir des problèmes. La CSD est venue vous le dire. La CSN est venue vous le dire. La FTQ est venue vous le dire. Je comprends que cela peut être difficile, pour vous, de donner $0.50 au lieu de $1. Vous pouvez craindre encore des troubles et votre problème du chantier olympique ne sera peut-être pas réglé. Peut-être que ce problème du chantier olympique va s'en aller en province et dans d'autres chantiers de la région de Montréal. On comprend cela.

Par contre, on est très conscient qu'on se présente devant vous, avec tous les pouvoirs qui vous ont été conférés par la loi 201, pour sauver les meubles. Je pense que je ne reviendrai pas sur tout l'aspect des questions qui ont été posées, à savoir si la perte du pouvoir d'achat a été comblée. Elle n'a pas été comblée. Je ne pense pas que ce soit le problème, à moins d'éclairer évidemment les membres de la commission. Chaque partie est venue s'exprimer sur les différents points en apportant des statistiques. Sachez, messieurs, que c'est quand même la première

fois que tous les membres des associations patronales ou syndicales présentent — je ne dis pas mutuellement — un document pour justifier leurs positions.

Quant à ce document, présenté hier par la FTQ construction justifiant son augmentation de $1.05 — mais on va se contenter de $1, on est bon prince — vous savez que c'est la première fois qu'elle vient justifier sa demande par des statistiques. Il y a quand même un bout. On demande $1. Cela, je peux vous dire que cela a été pris en l'air: Tout de suite $0.50, $0.25 et $0.25. Il y a aussi M. Pepin qui a dit qu'avec les statistiques, c'est connu qu'on peut se servir de différents critères pour arriver à ce que l'on veut. Eux, ils sont arrivés à $1.05. Ils auraient pu arriver, dans d'autres circonstances, possiblement à $0.50. Mais là, il fallait arriver à $1. Il fallait le justifier parce qu'on parlait à des gens qui ont des décisions à prendre. Il faut justifier logiquement les gestes qu'on a posés.

Quand je vous dis qu'on se présente devant vous, M. le ministre — M. le lieutenant-gouverneur en conseil, si je pouvais vous appeler comme ça — pour sauver les meubles, quand je parle, à la toute fin du mémoire, des différents points qui sont apportés, à peu près cinq ou six points, dans les différents secteurs d'activité, la capacité du public de payer, cela a déjà été traité, il y a des questions qui ont été posées là-dessus. On a quand même de nos membres qui sont maîtres électriciens, maîtres mécaniciens en tuyauterie, qui font du service à domicile. Evidemment, si ce maître électricien, à cause de la montée très rapide des salaires, en arrive à facturer à un client $16 l'heure, qui peut être vous, qui peut même être le ministre du Travail à sa maison de Dollard-des-Ormeaux, cela arrive aussi, vous comprendrez que ce n'est pas facile, pour un salarié, de payer $16 l'heure. La capacité du public à payer a une certaine limite. On est très conscient que le secteur de la construction est très important et a énormément d'influence sur le reste de l'économie.

C'est pour ça qu'un entrepreneur, qui travaille dans la région de Drummondville, par exemple, où un électricien gagne $6.74 l'heure — dans les manufactures, à Drummondville, il y a du textile, c'est la 27e ville de la province où les salaires ne sont pas les plus élevées, mais les plus bas — vous comprendrez que le gars qui travaille à la Canadian Celanese ou à la Dominion Textile, qui gagne $3.50 et que l'électricien en fait $6.74 dans sa région, qui a son milieu social dans ce coin et qu'il a sa famille, vous comprendrez que lorsqu'il y a un entrepreneur ou une association patronale qui vient vous dire que c'est un gars bien nanti, on sait de quoi on parle. Et s'ils n'ont pas de problème dans ce coin, c'est parce que ces gars sont quand même heureux de travailler à $6.74 l'heure plutôt que de travailler à $3.50 à la Canadian Celanese.

Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte. Quand les associations syndicales viennent vous faire des représentations pour englober tout le Québec, pour dire que tout le monde est malheureux, tout le monde ne produit pas parce qu'ils sont malheureux, eh bien, allez demander aux gens des régions de Gaspésie, d'Abitibi qui, contrairement aux gens qui travaillent dans l'industrie, gagnent un salaire qui, parfois, se rapproche du double des autres.

Vous comprendrez qu'à ce moment, souvent, c'est très difficile de convaincre ces travailleurs de revendiquer, par certains moyens de pression, une indexation qu'ils pensent avoir eue, surtout quand, au 1er janvier, pour la plupart, ils ont eu $0.25 l'heure d'augmentation.

M. le ministre du Travail, sachez qu'on n'a pas l'intention, à l'ASECQ de vous accuser de tous les péchés du monde. On n'a pas l'intention de demander votre démission, parce qu'on n'est pas capable de répondre à la question: qui va vous remplacer? Il y avait une caricature dans la Presse aujourd'hui qui disait: "Le bonhomme, il a encore du nerf!" Ce sont des choses qu'on considère. Il y a des facteurs humains qu'on considère. Par contre, le point majeur sur lequel on voulait vous faire nos revendications — je pense que vous en êtes parfaitement conscient — c'est que les parties, qu'arrive n'importe quel conflit, à cause des différents secteurs dans l'industrie de la construction, de la taille des entreprises, à cause des pouvoirs démesurés des syndicats... Peut-être que les entrepreneurs y ont contribué, c'est possible. La commission Cliche va probablement nous éclairer sur cette question. On attend beaucoup de la commission Cliche. On essaie quand même de vous faire comprendre — on sait que vous le savez, mais on veut l'exposer publiquement — qu'on ne s'entendra jamais. Quand on dit que le gouvernement est toujours arrivé avec des solutions à court terme, c'est parce que les problèmes à régler devaient être vite réglés. Nous autres, on dit: Essayons de nous pencher — pour notre part, on est prêt à collaborer dans toute la mesure du possible — pour trouver un système. Autrement, on va revenir encore une fois et le ministre du Travail sera encore dans l'eau chaude et dira: Faites de moi un martyr. On ne veut pas cela.

M. Cournoyer: On ne peut demander cela.

M. Guilbault: II en a déjà assez comme cela. C'est dans ce sens, M. le ministre, qu'on est intervenu.

Le Président (M. Séguin): Le ministre du Travail.

M. Cournoyer: Suite aux explications complémentaires que vous avez eu l'amabilité d'ajouter à votre mémoire, vous me dites, dan s des termes différents de ceux que M. Pepin a utilisés ce matin, et que M. Daoust a utilisés, que M. Dalpé a utilisés aussi — peut-être d'une façon plus calme, plus sereine pour M. Dalpé — que les syndicats ont dit ce matin: On ne se contentera jamais de moins de $0.75.

J'ai entendu cela et je ne l'ai ni pris, ni laissé. Je considère que les remarques ont été faites sérieusement. J'imagine que c'est à cause de la crainte qu'ils ont, probablement, de la réaction de ceux qui ont maintenant $0.75, qui ne l'auraient plus par une décision ministérielle, si elle disait zéro, par exemple. D'après ce que je dois suivre, je devrais dire zéro, dans certains cas, parce que tout a été prévu. Je lis maintenant votre remarque, à la fin. Vous me dites, vous, comme représentant de l'ASECQ: Compte tenu de ces considéra-

tions, le gouvernement peut être assuré que les deux corporations, par l'entremise de l'ASECQ, vont contester toute modification unilatérale du décret qui ne tienne pas compte, premièrement, d'une garantie de paix sur les chantiers de construction dans l'avenir. Le gouvernement a le devoir de faire respecter la loi et il doit prendre les mesures pertinentes.

Depuis longtemps, les entrepreneurs se sont plaints d'activités illégales de certains délégués de chantiers et de certains agents d'affaires sur les chantiers de construction. Cela n'a pas commencé l'année dernière, ces activités de type illégal. Cela fait longtemps que cela traîne. Avant, les employeurs avaient de la difficulté à poursuivre pour des gestes illégaux. Ils ne poursuivaient presque jamais pour des gestes illégaux. On se souviendra de certains incidents qui s'étaient produits à Montréal, vers 1960, ou 1958 ou 1959, au coin des rues Guy et Dorchester, sur l'édifice de la Canadian Westinghouse, si je me souviens bien. Les actions prises, les appels entrepris par la partie syndicale, etc., ont fait qu'à un certain moment, compte tenu des circonstances, les employeurs laissaient tomber les actions entreprises. Je pense bien que l'histoire démontre cela. Les employeurs avaient une certaine faiblesse face à la partie syndicale. Peut-être pas face à la partie syndicale, mais face à des gestes posés sur les chantiers de construction.

Avec le bill 15, nous avons dit: C'est le procureur général qui va prendre les actions maintenant. Vous n'avez qu'à vous plaindre au procureur général.

Nous n'avons pas, cependant, changé les procédures ordinaires devant les tribunaux selon lesquelles, pour condamner quelqu'un, il faille faire la preuve d'un acte criminel ou encore d'un acte répréhensible en vertu de la loi. Ce n'est pas changé.

Mais j'imagine que vous ne souhaitez pas que nous changions ce système strictement lorsqu'il s'agit du domaine des relations patronales-syndicales, mais qu'il faudrait peut-être repenser le système en général et dire: Maintenant, on pourra condamner et, après cela, le gars se défendra. Si c'est cela, il y a plusieurs personnes qui seront condamnées et nos prisons ne seront jamais assez grandes, et cela ne sera pas toujours pour des activités syndicales.

Ce que je voulais dire, principalement, c'est ceci: Même si, à bien des reprises, les entreprises se sont plaintes à mes bureaux, il n'y a pas beaucoup de gens qui étaient capables d'aller jusqu'au bout de la preuve qui aurait été susceptible d'être maintenue devant un tribunal ordinaire, au Québec et au Canada.

C'est probablement la seule raison, je vous en prie, qui a fait que le ministre de la Justice et le ministère de la Justice n'ont pas pris toutes les actions pour toutes les plaintes qui ont été portées à leur attention, et Dieu sait qu'il y en a.

Le représentant de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations disait 600. Si je prends les autres associations qui ont d'autres contrôles, on va peut-être découvrir qu'il y a des milliers de plaintes qui ont été portées au ministère de la Justice. Je n'ai pas à défendre le ministre de la Justice ici. Je n'ai qu'à dire qu'il n'est pas plus facile pour le ministre de la Justice de faire une preuve qu'il était facile pour un employeur d'en faire une avant ou, pour un syndicat, d'en faire une avant.

Faire respecter la loi, c'est une chose, mais la faire respecter comporte qu'on utilise, sans autres ambages, le système de respect des lois que nous avons. Jusqu'ici, je pense bien que depuis le bill 15 le ministre de la Justice prend les actions qu'il peut prendre avec les preuves qu'on lui met dans les mains. C'est ce point que je voulais commenter en particulier.

M. Guilbault: M. le ministre, vous avez attaqué, évidemment, le problème du point de vue juridique. Je pense que, dans ce que vous avez dit, vous avez quand même parfaitement raison, en mentionnant, par exemple, que les poursuites judiciaires prennent beaucoup de temps et que les entrepreneurs, souvent, négligent de poursuivre parce que cela prend du temps.

M. Cournoyer: Ils n'ont pas de possibilités.

M. Guilbault: Leurs problèmes, pendant ce temps, continuent d'exister. Nous, nous ne voulons pas être dans les nuages. Pour nous, ce qu'il y a à changer, ce sont les structures de façon à modifier l'attitude des parties.

Je pense que c'est plus fondamental que de faire du légalisme et on croit à cela, parce qu'on dit: Lorsqu'on peut se parler, on connaît les problèmes qui existent. On pense qu'on pourrait amenuiser énormément les conflits s'il y avait possibilité de se parler.

On parle, par exemple, d'imposer la loi. Dans le contexte actuel, avec les problèmes que les gens ont, avec les délégués de chantier, sur certains chantiers, qui sont très actifs, qui incitent les gens à ne pas produire, il est bien certain que ces gens se tournent vers l'appareil judiciaire. Je suis d'accord. C'est peut-être pour cela qu'il y a tellement de poursuites. Si le système était changé ou si on pouvait se parler...

M. Cournoyer: Je ne blâme pas... Remarquez bien. Premièrement, vous avez dit qu'il faut faire respecter la loi. Je dis: Voici le contexte dans lequel on se trouve pour faire respecter la loi, à moins qu'on ne change et que cela ne soit plus les tribunaux qui fassent respecter la loi ou qu'on n'ait plus à se présenter devant les tribunaux pour faire respecter la loi. C'est une difficulté.

Sur le deuxième point, vous avez parlé d'une augmentation de la productivité des salariés. Donc, avant que je puisse décider, il faudrait que j'aie la garantie qu'il y a une augmentation de la productivité des salariés. Ce matin, M. Pepin a fait une suggestion. Il l'a faite, bien sûr, au ministre parce qu'il parlait au ministre, mais en définitive je crois qu'il s'adressait d'abord aux parties patronales et syndicales, ses collègues et amis, sur cette étude conjointe des vraies causes de la diminution de la productivité sur les chantiers de construction. C'est une suggestion qui est faite. Le ministre peut décréter qu'il y aura un "task force", comme M. Pepin disait ce matin. Mais cela vous sourit-il comme possibilité? Le dialogue pourrait peut-être commencer en regardant quelles sont les causes profondes de la diminution de productivité sur les chantiers de construction pour tenter, dans la mesure où le décret en serait une cause, d'en modifier les termes.

M. Guilbault: Une chose est certaine, M. le

ministre. La loi 201 vous donne le pouvoir d'amender le décret. Tous les problèmes ne sont pas seulement dans le décret. On est bien conscient que les taux de salaires sont dans le décret, par exemple, mais on est bien conscient aussi que, quant à la productivité, vous pouvez mettre à peu près n'importe quoi dans le décret pour dire que le gars va faire une journée normale; s'il ne veut pas la faire, il ne la fera pas.

C'est bien certain que la suggestion de M. Pepin, si elle permettait aux parties d'établir certains mécanismes... Parce que vous avez quand même remarqué que, pour établir les pourcentages de productivité dans la construction, ce n'est quand même pas aussi technique et facile que cela peut l'être dans l'entreprise manufacturière où souvent la production va être routinière, répétitive, assez simplement.

Par contre, il s'établit souvent, pour chacun des entrepreneurs, des normes de productivité et ces entrepreneurs, au cours des mois, au cours des années, s'aperçoivent que, pour le même genre de travail qu'ils faisaient il y a un an, deux ans, dans leur estimation, ça prend beaucoup plus d'heures de travail. Ils se posent des questions et, quand ils se posent des questions, ils viennent nous dire: La productivité sur les chantiers a baissé. Quand il y en a un qui nous le dit, peut-être qu'il administre mal son affaire, c'est possible. Mais quand un paquet d'entrepreneurs viennent nous dire: Cela n'a plus d'allure; moi, il y a deux ans, cela me coûtait tant pour faire tel genre de choses et aujourd'hui, il m'en coûte tant parce que ça me prend plus d'heures de travail entre autres facteurs; je ne voudrais pas que vous m'arriviez encore avec les matériaux, je vais vous dire oui, cela peut être un des facteurs. A ce moment-là, le gars se pose des questions et se poser la question, à savoir pourquoi cela arrive, nous sommes bien intéressés à avoir les réponses. Si les parties veulent discuter, nous sommes bien d'accord. Parce que nous nous disons que, dans le fond, c'est l'attitude, premièrement, qu'il faut changer; deuxièmement, le problème de la compétence a été touché, et je pense que c'est un facteur très important.

Je pense que c'est le représentant de l'ACM qui disait que le comité Dion... On a siégé là-dessus à maintes reprises, la dernière fois qu'on a siégé, c'est le 28 mai; on n'en a jamais entendu parler; on a hâte que ces choses se passent de façon que les gens soient vraiment formés pour l'industrie de la construction.

M. Cournoyer: Moi aussi. Je suis d'accord avec vous.

M. Guilbault: Aujourd'hui, un apprenti arrive dans l'industrie de la construction et il n'a aucun critère. C'est peut-être une des causes de la diminution de productivité. On veut que des choses soient faites là-dessus et non pas qu'il y ait un laisser-aller total et c'est "au plus fort la poche" qui l'emporte. Ce n'est pas normal, il faut qu'il y ait un climat de concurrence saine et aujourd'hui il n'existe plus parce que les entrepreneurs, dans la situation actuelle, ceux qui se sont fait prendre pour les $0.50, ils se sont dit: Peut-être que si je me fais prendre encore pour les $0.25...Ils ont de la difficulté à soumissionner selon des bases sta- bles. Les membres de la commission posaient des questions, hier et aujourd'hui, pour savoir si certains entrepreneurs ont pu augmenter leurs soumissions; c'est sûr que cela existe, ce ne sont pas des fous. Mais, par contre, c'est possible que cet entrepreneur, s'il avait vécu dans un climat plus sain, aurait peut-être été celui qui aurait décroché le contrat. Parce qu'il y en a un qui se pensait plus sûr que l'autre et a coté selon des prix stables; l'autre, normalement, il l'aurait fait, mais il est inquiet. Cela bouleverse pratiquement toutes les règles du jeu; c'est malheureux et, si c'est un laisser-aller, c'est certain qu'on va se revoir encore. Ce n'est pas parce que cela ne nous fait pas plaisir de vous rencontrer, mais en d'autres circonstances.

M. Cournoyer: Ce n'est pas parce que ça ne me fait pas plaisir de vous voir, mais je n'aime quand même pas cela. Il y a toujours des conflits quand je vous vois. Il faudrait que vous m'invitiez à un de vos "parties" de temps à autre, je pourrais vous voir dans d'autres domaines que ceux des conflits.

La capacité de payer du consommateur affectant ainsi la survie des petites et moyennes entreprises, quand vous parlez des petites et des moyennes entreprises, vous parlez du consommateur de vos services.

M. Guilbault: Je m'excuse, je n'ai pas compris la question.

M. Cournoyer: Dans votre paragraphe c), vous parlez de la capacité de payer du consommateur affectant ainsi la survie des petites et moyennes entreprises. Parlez-vous ici des petites et moyennes entreprises consommatrices de vos services ou...

M. Guilbault: Non, non.

M. Cournoyer:... s'il s'agit des petites et moyennes entreprises de mécanique, par exemple, ou d'électricité?

M. Guilbault: Oui, oui.

M. Cournoyer: C'est de celles-là.

M. Guilbault: C'est sûr. Parce qu'elles font affaires, la plupart du temps, avec le particulier, le public consommateur, qu'on appelle. Ces gens ont une capacité de payer, à un moment donné, qui peut réduire certains besoins au minimum et qui fait qu'évidemment, si les contrats sont moindres, l'entreprise est assurément en danger.

M. Cournoyer: Oui, mais dans...

M. Guilbault: Moins il y a d'argent, moins il y a de demandes.

M. Cournoyer: Dans ce cas particulier, la capacité de payer serait changée selon les régions de la province de Québec.

M. Guilbault: Cela peut-être un facteur. C'est bien sûr qu'en Gaspésie, ils n'ont pas la même capacité de payer qu'à Montréal.

M. Cournoyer: C'est surtout dans le service que vous avez des problèmes.

M. Guilbault: II y a dans le service. Il y a ceux qui oeuvrent dans le domaine domiciliaire et ceux qui... Ce sont surtout ces deux services. Ceux qui font du service et de la construction domiciliaire, un peu de commercial.

M. Cournoyer: Si on va dans le service pour quelques secondes, le décret est dans l'industrie de la construction d'une façon générale. Donc, à peu près tout le monde a l'impression qu'il s'agit de la construction d'un carré de maison et du filage de cela, de la plomberie. Le monde s'imagine que c'est de cela qu'il s'agit. Le service, en définitive. Quelles sont donc les difficultés qu'on a voulu régler en disant que le service d'un maître électricien ou d'un électricien proprement dit devait être assujetti au décret de la construction?

M. Guilbault: J'ai très mal compris votre question, je dois vous l'avouer. Vous dites: Quels sont les services...

M. Cournoyer: II y a tellement de différences entre le service, c'est-à-dire la réparation du robinet dont parle M. Picard, la réparation d'un appareil électrique.

M. Picard:... pour changer un "washer" de $0.25 environ.

M. Cournoyer: Oui.

M. Guilbault: C'est le genre de service dont vous parlez?

M. Cournoyer: Ils disent cela, justement. Ce service en particulier. Pourquoi le service fait-il partie du décret de la construction?

M. Guilbault: II peut y avoir bien des causes. Premièrement, je constate qu'il est là. A partir de ce moment, vous me dites: Quelles sont les causes?

M. Cournoyer: Non, je dis: Pourquoi?

M. Guilbault: II se produit quand même que les gens, les employés, les salariés qui travaillent dans ce secteur vont — c'est là où je vous parlais tout à l'heure de zones grises — aussi travailler dans le secteur commercial, par exemple, ou cela peut être des compagnies qui font appel à des entreprises pour faire du filage. Il est bien certain que c'est là qu'est tout le problème qu'on vous soulignait tout à l'heure. Il est bien certain que l'employé qui va faire du service, qui va travailler aussi dans le commercial, c'est probablement une des raisons pour lesquelles on l'a mis là. On n'a pas été capable de tirer la ligne. Je n'étais pas là, mais je présume que cela peut être cela. Cela pourrait être une bonne raison, mais cela peut être une bonne raison de problèmes aussi.

M. Cournoyer: Pourriez-vous expliquer à M. Picard pourquoi cela coûte $16 pour changer un robinet?

Est-ce que vous pourriez expliquer les raisons fondamentales qui font que cela coûte $16 pour changer un robinet.

M. Guilbault: Supposons qu'on est à Montréal. Cela coûte $6.74 l'heure un électricien ou un maître mécanicien en tuyauterie ou un plombier.

M. Cournoyer: C'est le même prix. M. Picard: Un plombier. M. Guilbault: C'est la même affaire. M. Picard: Un petit "washer" à $0.25.

M. Guilbault: $6.74 l'heure. Il y a aussi pour l'entrepreneur $0.45 l'heure qui va dans...

M. Cournoyer: Le fonds de retraite.

M. Guilbault: ... le fonds de retraite. Il y a la Commission des accidents du travail qui coûte $4.50 les $100 payé que l'entrepreneur doit absorber. Il y a les vacances, 10% maintenant — il faut que je m'adapte — depuis le 1 er janvier, du taux de base, et la Commission de l'industrie de la construction, 1/2% du taux de base plus les vacances. Il y a l'assurance-chômage que l'entrepreneur doit payer, le Régime des rentes, le fonds d'indemnisation. Enfin, il y a aussi l'administration, ce qu'on appelle l"overhead".

M. Cournoyer: Et le profit.

M. Guilbault: II y a le profit, il y a le voyage. Ce qui fait qu'à un moment donné, si ma mémoire est bonne, les coûts fixes — je peux parler ainsi — que l'entrepreneur doit absolument défrayer pour ne pas perdre $0.01, et si j'exclus son "overhead", son administration et si j'exclus son profit, c'est quelque chose comme $8.75. Autrement dit, un entrepreneur qui facturerait son client plus bas que $8.75 perdrait de l'argent. Dans cela, son administration, son estimateur, ses bureaux, son loyer, les amendes qu'il doit payer, enfin, tout ce qu'on appelle T'overhead", ce n'est pas compté. Son profit n'est pas compté. Ce qui fait qu'actuellement un maître mécanicien en tuyauterie qui va aller faire du travail chez vous va vous demander à peu près $13.25 l'heure. C'est de là que cela vient, et cela inclut à peu près un profit de 10%.

M. Cournoyer: L'heure dont il est question commence à compter au départ de la boutique, aller retour.

M. Guilbault: Oui, parce que l'entrepreneur paye les huit heures de salaire.

M. Cournoyer: C'est ça. En fait, je sais que c'est cher, mais le changement de robinet comporte qu'un type est parti d'une boutique, il est retourné à la boutique...

M. Guilbault: C'est ça.

M. Cournoyer: Est-ce que le mécanicien en tuyauterie ne doit pas être là avec un apprenti aussi?

M. Guilbault: Ce n'est pas nécessaire. M. Cournoyer: Pas nécessaire.

M. Guilbault: Cela coûte plus cher s'il y en a un qui y va et souvent la partie syndicale va exiger que le compagnon ait son apprenti mais c'est une autre paire de manches.

M. Cournoyer: Parfois, les délégués de chantier ne sont pas toujours là.

On voit donc que les coûts, juste pour le service, en soi, comportent plusieurs facteurs en plus du facteur salaire. Le simple fait de payer le salaire à partir d'une boutique jusqu'à ce qu'il soit de retour à la boutique, parce que l'entrepreneur l'emploie sur une base de huit heures et qu'il met le "traveling time" à l'intérieur, peut faire que ça coûte $13 et $16 pour changer un robinet.

M. Guilbault: Actuellement, je vous dis que c'est pour une heure de travail.

M. Cournoyer: Oui, mais s'il fait plus long de travail parce qu'il y a plus de choses à faire que de changer seulement un robinet, on répartit les coûts généraux dans une journée.

M. Guilbault: Cela coûte $13.35 l'heure suivant la longueur.

M. Cournoyer: Pour expliquer encore ça et pour ne pas vous placer dans une mauvaise situation, quand il vient, si le client ne lui a pas dit ce qu'était la défectuosité, s'il trouve que c'est un robinet qui est défectueux et que cette sorte de robinet n'est pas dans son coffre à outils, il est obligé de retourner à la boutique pour chercher ce qu'il faut.

M. Guilbault: Ce serait logique.

M. Cournoyer: II va chercher ce qu'il lui faut, ça fait deux voyages payés dans la même journée pour le même "désespoir" de robinet.

M. Guilbault: Ce serait logique que ça se fasse comme ça.

M. Cournoyer: Normalement. Cela arrive régulièrement, à moins que l'entrepreneur soit celui qui a construit la maison et qu'il sait parfaitement de quoi il s'agit, que ce soit du standard, il n'y a pas de problème de transport. Mais ça augmente le coût de votre changement de robinet. Il ne change pas son robinet ou il le change tout seul. Il fait comme moi.

M. Roy: S'il demeure dans deux localités où il n'y a pas personne, autrement dit, qualifié selon les règles pour le faire, qu'est-ce qui arrive?

M. Cournoyer: II le chanqe tout seul.

M. Roy: Cela peut coûter jusqu'à $50 pour réparer un robinet dans des régions rurales.

M. Cournoyer: II fait venir le gars de Montréal et téléphone au délégué de chantier et dit: Envoie-m'en un.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre s'il vous plaît, il ne faudrait pas toujours parler de robinet, il doit y avoir autre chose.

M. Cournoyer: En définitive, on parle de robinet, on parle de choses aussi précises que cela quant il s'agit de productivité. J'ai fait une distinction entre le service et la construction, il y a un certain coût dans les services et, à cause de la nature du service qui est rendu, ça fait que cela a l'air bien cher pour le service. Mais, par ailleurs, si vous avez une période de construction plus longue, un certain nombre de vos coûts sont répartis sur un plus grand montant d'argent, donc, sur une occupation plus sérieuse. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'il y ait distinction entre le service et la construction en matière d'électricité et de plomberie?

M. Guilbault: Ecoutez, la question que vous me posez, vous savez que vous l'avez déjà posée bien avant aujourd'hui, hein?

M. Cournoyer: Oui, souvent.

M. Guilbault: II est certain que cela pourrait être l'objet d'une étude, il y en a déjà qui ont été faites. Mais on dit que cela cause un problème. Et si à un problème on essaie de trouver une cause et à une cause, on essaie de trouver une solution... Si vous me demandez, rapidement, si je verrais ça d'un bon oeil, même si je vous répondais n'importe quoi, vous allez me dire après: On va partir maintenant avec le commercial. Est-ce que vous verrez d'un bon oeil que le commercial soit séparé de l'industriel? Encore une fois, il faudrait que je fasse une nuance.

M. Cournoyer: J'arrivais là, c'est parce que j'arrive à d). Je voulais me préparer à arriver à d).

M. Guilbault: Une fois que je l'ai vu, oui. Vous ne l'avez pas appris par coeur, pas les lettres en tout cas.

M. Cournoyer: A cause de l'uniformisation des conditions de travail, des choses qui semblent coûter trop cher pour ce qu'elles valent et des choses qui ne semblent pas coûter assez cher pour ce qu'elles valent, d'après les conflits que nous avons.

Il serait onéreux et difficile de faire une distinction entre le service et la construction, étant donné qu'il s'agit d'employés de la même entreprise. Donc, il ne faudrait peut-être pas s'en aller trop vite dans ce sens-là et faire une distinction entre le service et la construction. C'est probablement pourquoi les gens n'ont pas fait la distinction entre le service et la construction, dans le passé.

J'arrive maintenant au paragraphe d). Là on dit qu'il faut tenir compte des différents secteurs d'activité dans l'industrie de la construction. Il faut que la distinction soit faite entre la construction domiciliaire, la construction

de routes, le service à domicile et les travaux du secteur commercial et industriel.

Je ne me pose pas une très grande question, mais, très souvent, depuis le début de ces auditions et même avant, il nous est arrivé de songer à une différence entre le domiciliaire, les routes, très certainement, par rapport aux autres corps d'activité, et le service à domicile dont vous venez de parler et dont je viens de vous entretenir, les travaux du secteur commercial et industriel. Par quel procédé pourrais-je dire qu'un employé qui travaille sur le résidentiel ou le domiciliaire est différent d'un employé qui travaille sur l'industriel et le commercial?

M. Guilbault: Ils peuvent être multiples, mais cela peut amener des causes de désaccord, justement à cause des zones grises dont je vous ai fait mention tout à l'heure. Je vous ai dit il y a quelques minutes que ce n'est pas la première fois que la question est posée, mais nous, on pense que c'est un élément de solution, parce que, quand on parle de la construction domiciliaire, on parle du public consommateur, du particulier qui achète une maison.

Si on parle de distinction, c'est sûr qu'on vous envoie cela comme cela, on sait que ce n'est pas une solution facile, mais nous sommes conscients que c'est une tribune et on veut expliquer des problèmes.

Je constate. Mais on se dit qu'étant donné que, dans le service à domicile, par exemple, quand un entrepreneur va faire une réparation chez un client, chez un particulier, sa capacité de payer peut, à un moment donné, dans les métiers régis par des lois des deux corporations, mettre la santé et la sécurité du public en danger, cela a été mentionné tout à l'heure dans le mémoire.

Si on parle de la construction de routes, — les représentants vont venir vous exposer leur point de vue tout à l'heure — vous savez fort bien que c'est un secteur tout à fait particulier, comparé par exemple au commercial et à l'industriel. La construction domiciliaire — je pense que le représentant de l'association tout à l'heure a parlé d'un secteur lui aussi — c'est sûr que, dans votre esprit, il peut être difficile de faire la distinction entre ce qu'est le secteur et ce que n'est pas le secteur, comme il est quelquefois difficile de faire la distinction entre ce qui est de la construction et ce qui n'en est pas.

Comme vous pouvez rencontrer des difficultés, si vous procédez par législation, parce qu'il faut changer des choses au point de vue du salaire — on est conscient de cela — c'est bien certain que les associations syndicales vont dire: Si le gars travaille dans le domiciliaire, il va avoir le même salaire que celui qui travaille dans le secteur industriel. On est conscient de ces problèmes. On est conscient que, par exemple, il faut en parler. Il faut parler de cela. Quand on parlait de créer des mécanismes où les parties peuvent se rencontrer et se parler, c'est de cela qu'on voudrait leur parler. Ces gens-là, lorsqu'on leur parle, sont conscients de ces problèmes. Ils sont fort conscients que le gars qui travaille dans le commercial ou dans le résidentiel ne va à peu près jamais travailler dans l'industriel. Même s'il est électricien ou plombier, il ne va jamais travailler dans l'industriel. Après cela, on nous dit qu'il y a de la main-d'oeuvre disponible. Il y a de la main-d'oeuvre disponible, mais le gars n'est pas capa- ble d'aller travailler dans le résidentiel. Il a travaillé toute sa vie dans l'industriel; c'est un problème et les gens en sont conscients.

Ce sont des choses dont il faut discuter. Il est bien certain, comme je vous l'ai dit, par votre loi 201, que vous ne pouvez pas changer tout cela.

Mais, par exemple, on vous dit: Pensez à cela et arrangez donc cela pour qu'on puisse se parler. Vous avez souvent essayé, d'accord, mais peut-être pas à l'intérieur des cadres dans lesquels on aurait dû se parler. On se dit: II faut parler de cela, c'est important. Peut-être qu'on viendra à trouver une solution, comme peut-être, actuellement, vous avez pensé à des solutions découlant des pouvoirs qui vous sont conférés par la loi 201. On ne les connaît pas, mais je suppose que vous allez faire quelque chose. Mais nous, nous vous faisons part des points sur lesquels on pense qu'il y a des problèmes.

M. Cournoyer: Je suis totalement d'accord sur votre présentation. Il n'y a pas de problème là-dessus. En définitive, ce sont tous les problèmes de l'industrie de la construction qu'on pourrait résumer dans ce genre de questions à poser. Il n'y a pas d'antagonisme, de ma part, à vous poser ces questions. Mais je vous les pose comme des problèmes que j'aurais, moi, ou que l'industrie doit avoir immédiatement après. Qu'est-ce que c'est la construction de routes? Tout le monde sait cela. C'est une route et c'est identifié. Mais, dès que tu entres dans le domaine de l'électricité ou de la plomberie ou de la construction tout simplement de choses qui sont pour l'abri des personnes, que ce soit un édifice à bureaux, que ce soit une maison de 35 étages à logements, ou une maison tout simplement unifamiliale ou multifamiliale, les problèmes peuvent être totalement différents.

Est-ce qu'il s'agit, cependant, tout le temps, du seul taux de salaire? On peut se poser la question, au moment où l'on se parle. On peut parler de productivité, encore là. Dans le décret, l'examen dont M. Pepin parlait ce matin, il y a peut-être des dispositions qui sont facilement applicables et originairement applicables à certains genres de constructions et qui sont transportées dans d'autres genres de constructions où ils n'ont pas d'affaire à être là du tout.

Par exemple, on peut parler des "Johnny-on-the-spot". Il n'y a pas de plomberie là-dedans, mais quand, par exemple, un entrepreneur construit des lignes de transport d'énergie électrique et que ces lignes sont réparties sur 135 milles de long, puis qu'il est obligé d'avoir un "Johnny-on-the-spot" à chacun des endroits de travail, puis qu'il n'y a pas un "moses" de gars qui va dedans, parce qu'ils sont en plein champ, il y a toujours des limites. On l'a forcé, cependant — cela a été interprété par les parties après — à avoir un "Johnny-on-the-spot" sous chaque tour en construction. Pourquoi? Parce qu'il était déterminé que, sur un chantier de construction, il devait y avoir des endroits pour aller aux toilettes. Mais imaginez-vous donc, sur une ligne de 135 milles de long, combien cela prend de toilettes en été?

Je me souviens, dans le temps, qu'on pensait à un édifice situé sur la rue Sainte-Catherine à Montréal où le type était dans la rue, puis n'était pas capable de faire ses besoins là où il voulait. Mais on a transporté ce concept sur tous les chantiers de construction, parce

qu'on a un seul décret et que les conditions de travail de ce décret sont applicables sur tous les chantiers de construction."

Il y a des choses que les constructeurs domiciliaires ont certainement à l'idée, pour améliorer davantage le statut de leurs employés, des choses de même nature du côté des constructeurs de routes et du côté des constructeurs de ligne de transport d'énergie électrique. Actuellement, parce que ces choses sont discutées sur une base uniforme et universelle par toutes les associations patronales en même temps, qui ont, ce que vous avez décrit comme des obligations différentes, des capacités différentes. On se retrouve dans une situation où un certain nombre de situations auraient pu facilement être réglées par les premiers intéressés. Mais, à cause du fait qu'elles ont un effet d'entraînement direct sur des gens qui ne sont absolument pas intéressés, on ne donne pas à certains travailleurs ce à quoi ils auraient légitimement droit dans cet endroit et que l'employeur est prêt à donner, mais que dans cet endroit, c'est impossible de le donner.

L'uniformisation des conditions de travail à travers la province a fait qu'aujourd'hui nous avons un certain nombre de problèmes. Je disserte peut-être, mais il faudrait que vous vous rappeliez que j'étudie de temps en temps, moi aussi, et que je lis le décret, moi aussi. Je vois les imperfections qu'il y a dans le décret. Je vois les difficultés d'application de ce décret, mais je vois surtout les énormes difficultés à le négocier.

Bien sûr, j'ai des pouvoirs assez exorbitants dans la loi 201. Je n'ai pas le pouvoir de changer, cependant, les comportements des gens. Cela, je ne peux pas le faire.

Les concurrences entre centrales syndicales et les concurrences entre associations patronales; c'est dans le domaine concurrentiel que nous sommes. Tant et aussi longtemps qu'on sera dans le domaine concurrentiel, ceux qui vont être les plus beaux vont avoir plus de membres. S'ils sont très beaux, très fins, très sages et qu'ils mènent l'industrie de la construction comme il faut, au dire de la population, ces gens doivent être là pour les régler. Je ne m'opposerai pas à cela du tout.

Mais le comportement des gens, par exemple, à un moment donné, fait qu'on se dit: II ne faudrait pas qu'ils empêchent l'intérêt public d'avoir préséance aussi une fois de temps en temps. Là-dessus, c'est l'intention du bill no 201.

J'espère que c'est la dernière fois que j'aurai l'obligation de me servir du bill no 201. Les études faites par la commission Cliche actuellement, en dehors de l'enquête publique, vont certainement, compte tenu des mémoires assez importants et volumineux qui ont été présentés au début des auditions de la commission Cliche, faire que la commission Cliche va, à la suite des représentations de tout le monde, recommander, j'espère, à toutes les parties, en plus du gouvernement, les modifications qui s'imposent. Je l'espère, sur tous les sujets dont vous avez parlé.

Mais vous me dites au début de ce paragraphe que les membres de l'ASECQ, ou l'ASECQ, vont contester toute modification unilatérale du décret qui ne tienne pas compte des différents secteurs d'activité dans l'industrie de la construction; il faut que la distinction soit faite entre la construction domiciliaire, la construction de routes, le service à domicile et les travaux des sec- teurs commercial et industriel. J'espère que vous n'aurez pas le même ton que vous avez prêté à M. Pepin, ce matin, qui vous a dit qu'il ne se contenterait pas d'autre chose que $0.75.

M. Guilbault: Je vais vous dire une chose. J'ai affirmé tout à l'heure que par la loi 201 vous avez le pouvoir de modifier le décret et non la loi. J'ai dit aussi par ce mémoire, comme la loi 201 le dit, qu'il fallait exposer devant la commission parlementaire les raisons pour lesquelles les parties ne se sont pas entendues; c'est ce à quoi nous nous sommes employés.

M. Cournoyer: C'est bien.

M. Guilbault: On est très conscient que, lorsque l'on parle des secteurs, cela déborde le décret comme tel. Cela prend autre chose. Cela prend des prérequis. Et vous avez souligné, et je les ai soulignés aussi, les problèmes, les zones grises qui peuvent exister entre ces différents secteurs. Par contre, peut-être auriez-vous préféré que je dise: Peut-être allons-nous contester? Je ne voudrais pas en faire une question de sémantique. Mais je voudrais juste vous dire qu'on est tellement conscients que ce sont des problèmes qui existent — et on veut qu'ils soient discutés — que si une autre tribune nous est prêtée et si d'autres moyens sont nécessaires, dépendant de l'espèce de climat d'inquiétude qui existe chez les entrepreneurs, on va aviser. C'est certain qu'il y a des pressions qui vont être faites. Mais il ne s'agit pas dans le texte — comme je le dis, je ne veux pas faire de sémantique — de menaces. Il s'agit de mettre un peu d'insistance pour expliquer que ce sont des points importants.

M. Cournoyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: J'ai seulement une question, M. Guilbault. Parmi vos membres, est-ce qu'il y en a qui déjà, à votre connaissance, ont accordé les $0.50 l'heure ou encore les $0.75 l'heure?

M. Guilbault: Evidemment, je vous ai expliqué tout à l'heure que l'ASECQ, qui est formée des deux corporations, a des membres de la petite, de la moyenne et de la grosse entreprise, c'est-à-dire dans le secteur industriel. Je pense que, par les journaux, il est à peu près connu de tous que, du côté de la FTQ construction, les locaux les plus actifs et les mieux structurés, qui se sont subdivisés en locaux et coiffés par le Conseil provincial des métiers, ce sont les locaux des électriciens et plombiers.

Alors, quand la bataille de l'indexation — comme on se plaît à l'appeler aujourd'hui — a débuté, une guérilla s'est déclarée sur les chantiers. Dans un groupe d'entrepreneurs, on choisissait un entrepreneur qui avait — parce que les gens connaissent les besoins des entrepreneurs — besoin de main-d'oeuvre, ou qui avait à finir un contrat le mois suivant. On provoquait, par l'entremise des délégués de chantier, des ralentis-

sements de travail, dans certains cas, du sabotage. Si cette compagnie faisait appel au bureau de placement syndical, à ce moment-là il y avait refus de fournir de la main-d'oeuvre, refus de faire du temps supplémentaire, enfin un paquet de pressions unilatérales et excessives qui ont fait que des entrepreneurs devaient céder ou être acculés à la faillite. Je vais vous donner un exemple précis. Je connais un entrepreneur qui a douze employés et qui travaillait sur un certain chantier. Pour lui, il n'était pas question — c'est au tout début, cela — de rien céder parce que ses employés ne lui avaient jamais rien demandé et ses employés étaient heureux.

Il n'avait pas de problème jusqu'au moment où le délégué des chantiers, qui a rencontré l'agent d'affaires, a dit: Cela prend $0.50. Il s'est produit que lui, dit: II n'est pas question pour moi de donner ces $0.50. Je l'ai revu la semaine suivante. Il lui restait quatre gars. Il dit: Je les donne, les $0.50, ou je suis en faillite la semaine prochaine. Il y en a un qui a cédé de cette façon. Après cela, on va voir son concurrent à côté, on dit: Regarde. Un tel les a donnés. Pourquoi ne les donnerais-tu pas? De toute façon, le gouvernement va approuver un arrêté en conseil. Cela sera officiel dans deux semaines. L'entrepreneur, qui a quand même autre chose à faire que de suivre tous les textes de loi, tous les arrêtés en conseil qui existent dans la construction, parfois, il en vient qu'à ne plus savoir qui croire. A un certain moment, si cela ne fait pas, lui aussi on lui enlève des hommes. Ce qui a fait qu'à un certain moment, spécialement pour les électriciens et pour les plombiers, il y a quand même un certain nombre d'entrepreneurs qui, par ces menaces, cette persuasion, ont versé les $0.50. Evidemment, pendant que ces troubles se passaient, en province, il n'y avait rien, pas de trouble. Ce sont les problèmes qu'il y avait sur les gros chantiers comme Place Desjardins, dans les raffineries, ainsi de suite.

Il y a de nos membres, de nos gros membres, je dirais, pour être honnête, de nos gros membres, en majorité, qui ont subi ces pressions et qui versent aujourd'hui les $0.50. Ils ne sont pas très heureux, il va sans dire, parce que cela alourdit quand même le climat de concurrence. On ne sait plus trop à quoi s'en tenir; il y a aussi les membres de l'ACM qui ont été très fortement touchés. Aujourd'hui, parce qu'on s'est servi de ces moyens pour faire plier des entrepreneurs, on dit: II y a 70% des gars dans la province qui les reçoivent. C'est un chiffre farfelu, pour moi. Je sais fort bien que, en province, il n'y a à peu près personne qui donne les $0.50. D'ailleurs, les gars, on eu $0.25 d'augmentation au 1er janvier, pas $0.25 sur le bras, comme on s'est évertué à le dire, mais $0.25 prévus au décret. Quand on dit 70%, c'est y aller un peu fort. Il y a 50% des salariés dans la région de Montréal. Si on en met 90,000, cela en fait 45,000. En dehors de la région de Montréal, il n'y en a pas qui les reçoivent, ou à peu près pas, à part certains gros chantiers. Quand on dit 15% ou 20% des salariés, c'est le gros maximum. Ce sont surtout des membres de l'ACM et des membres de l'ASECQ.

M. Burns: Vous, ce serait dans quelle proportion, M. Guilbault?

M. Guilbault: A peu près dans cette proportion, j'imagine. Je n'ai aucun indice qui me fait donner un chiffre précis. Cela peut varier. Cela peut être 10%, comme cela peut être 20%.

M. Burns: Non, mais cela peut être 10% des entrepreneurs. Mais comme vous me dites, ce sont les gros entrepreneurs qui sont membres chez vous. Cela peut peut-être être une plus grosse proportion que cela des travailleurs visés.

M. Guilbault: Oui, mais, par contre, il faut aussi mentionner, comme je vous l'ai dit, qu'il y a 50% des salariés à l'extérieur de la région de Montréal. Alors, comment voulez-vous que ce soient 70% des salariés de la construction, quand on sait qu'à l'extérieur de Montréal, il n'y a personne qui les paie?

M. Burns: Mais chez vous, dans les 50% des travailleurs visés, dans la région de Montréal, votre estimation serait de combien de ce groupe qui les reçoivent déjà?

M. Guilbault: De salariés, qui travaillent pour... M. Burns: Oui...

M. Guilbault: ... des membres de notre association?

M. Burns: ... parce que si on parle d'entreprises, cela ne me dit rien, parce que vous pouvez avoir dix entreprises qui ont dix employés chacune...

M. Guilbault: Non, je vous parle de...

M. Burns: ... comme vous pouvez avoir deux entreprises qui ont 400 employés.

M. Guilbault: Quand je dis 15% à 20%, je vous parle des salariés.

M. Burns: Des salariés, selon vous.

M. Guilbault: Oui, dans la région de Montréal. A l'extérieur, il n'y en n'a pas qui les versent.

M. Burns: A l'extérieur... M. Guilbault: Très peu.

M. Burns: ... ils ont eu le rattrapage. Les $0.25, c'est $0.25 de rattrapage.

M. Guilbault: Oui, je l'ai mentionné, mais vous me parliez des $0.50 qui avaient été accordés...

M. Burns: Oui, d'accord!

M. Guilbault:... en dehors des cadres du décret.

M. Burns: Oui.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Mes questions ont été posées, une par le

député de Maisonneuve et l'autre par le ministre. Je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Séguin): Le député de Saint-François.

M. Déziel: Pour ma gouverne, M. le Président, à un certain moment, à la page 11, vous parlez de braconnage. A l'intérieur de la loi 172, qui couvre les installations électriques et la loi qui couvre les installations à tuyauterie, avez-vous des dispositions pour vous protéger contre le braconnage?

M. Guilbault: Oui, par la loi. En fait, les deux corporations possèdent un pouvoir...

M. Déziel:... pas la loi 172, n'est-ce pas? M. Guilbault: Pas la loi?

M. Déziel: La loi 172, qui couvre les installations électriques. Vous parlez de la loi 146, qui, par le truchement de la Corporation des maîtres électriciens, vous donne probablement des dispositions, mais pas la loi 172, n'est-ce pas? Est-ce que vous avez déjà fait des pressions auprès du ministère du Travail pour être protégés par le truchement du bureau des examinateurs électriciens?

M. Guilbault: Oui. La Corporation des maîtres électriciens travaille de concert avec le bureau des examinateurs électriciens et c'est la corporation qui est chargée d'appliquer la loi comme telle. Evidemment, s'il y a des poursuites à prendre contre des personnes qui ne sont pas qualifiées aux termes de la loi du BEE et de la loi régissant la Corporation des maîtres électriciens, à ce moment, la corporation possède le pouvoir légal de poursuivre ces gens. C'est la même chose pour la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie. Je ne sais pas si je suis assez clair.

M. Déziel: Je me demandais si vous aviez l'entière coopération de la loi 172 avec la loi 146 qui vient du Bureau des examinateurs électriciens.

M. Guilbault: II faudrait que je consulte parce que, de mémoire, en nommant les numéros, je ne suis pas capable d'identifier ce à quoi vous faites allusion.

Le Président (M. Séguin): Avez-vous terminé, M. le député de Saint-François?

M. Déziel: Je veux seulement souligner, M. le Président, qu'il est sûr qu'avec les indexations ou quoi que ce soit, le braconnage augmentera de plus en plus.

Le Président (M. Séguin): M. Guilbault, nous vous remercions ainsi que vos collègues.

M. Guilbault: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre du jour, nous avons encore l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.

Lorsque vous serez prêt, le commentaire habituel, votre nom et l'association que vous représentez ou les associations que vous représentez.

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec

M. Fournier (Alcide): Alcide Fournier, de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, messieurs les députés, à l'heure et au rang où nous sommes entendus, nous devons faire preuve, je pense, d'une certaine philosophie et selon nos sources généralement mal informées, la décision serait déjà prise. Nous ne voudrions surtout pas vous mêler avec les faits. Cependant, à votre aimable invitation, nous vous présentons quand même notre mémoire.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec est l'une des associations patronales représentatives au sens de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Comme son nom l'indique, notre association regroupe dans ses rangs la presque totalité des entreprises de construction spécialisées dans les travaux routiers et de génie civil, en général, y compris les lignes de transport et de distribution d'énergie électrique.

Nos représentations à cette commission se limiteront donc à ce champ d'activité à l'intérieur de l'industrie de la construction, car les autres associations patronales vous ont parlé des autres secteurs de l'industrie et il est inutile de répéter leurs propos, d'autant plus que nous faisons nôtres leurs commentaires.

On a parlé de secteurs, on a parlé de productivité, on a parlé de bureaux de placement, on a parlé d'un tas de choses. Sans vouloir insister sur un des points qui nous tient à coeur, c'est-à-dire les secteurs, nous réservons, selon votre disponibilité, à la fin de la présentation de notre mémoire, les questions que vous aimerez bien nous poser sur ce sujet.

Si nous sommes tous réunis ici aujourd'hui, c'est qu'encore une fois la construction au Québec connaît des problèmes graves: des chantiers sont fermés, des salariés font la grève alors que le décret est en vigueur, il y a des ralentissements de travaux, la productivité est désastreuse, etc.

Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans l'industrie de la construction, il faut remonter à la source, c'est-à-dire à la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction, et ce à partir de 1968, pour tenter de dégager les causes du marasme actuel des relations patronales-ouvrières.

Dans un premier temps, on vous fait un court historique de ces causes et, dans un deuxième temps, on vous fera l'historique des salaires aussi qu'on a connus plus particulièrement dans la voirie.

Alors, l'historique. La Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction fut adoptée en décembre 1968. Les buts de cette loi étaient louables et les principes fondamentaux qui l'animaient rencontraient l'assentiment de la plupart des parties intéressées.

Cette loi prévoyait, entre autres choses, la pleine et entière liberté syndicale des travailleurs de la construction, elle favorisait une négociation unique pour toute la province et pour tous les métiers, faisant ainsi disparaître les décrets régionaux, au nombre de quinze, et certains décrets provinciaux. Le secteur voirie régi par la cédule des justes salaires devenait désormais assujetti à cette loi.

La loi prévoyait également que des associations patronales et syndicales étaient seules reconnues, avec droit de veto, pour négocier la convention collective qui devait ensuite être "extensionnée" par décret.

Le premier essai. La première négociation en vertu de cette nouvelle loi se déroula en 1969. Après une grève générale d'environ trois semaines, un protocole d'entente était signé entre les parties grêce à la médiation spéciale du ministre du Travail. Outre les questions de parité salariale et de sécurité d'emploi, un des points majeurs en litige était la syndicalisation obligatoire de tous les travailleurs de la construction.

Les associations syndicales ont fait de cette clause une condition de règlement des conflits; les associations patronales, pour acheter la paix, ont consenti à une telle clause. Le gouvernement, qui avait favorisé la signature du protocole du 11 juillet, a "extensionné" cette clause par le décret du 27 octobre 1969. C'est ainsi que les quelque 20,000 travailleurs du secteur voirie et génie civil ont appris qu'éventuellement ils devraient être syndiqués.

Le deuxième essai. En 1970, à nouveau les parties ne s'entendent pas. Le 10 août, l'Assemblée nationale adopte le bill 38 mettant fin aux grèves. La région de Montréal avait été paralysée dès le début de l'été. La question en litige: les délégués de chantier. Cette clause qui n'avait pas été acceptée par toutes les parties fut cependant imposée par la loi 38 et inscrite au décret. Ce décret était en vigueur jusqu'au mois d'avril 1973.

Cependant, même si un décret est en vigueur, tout ne va pas pour le mieux dans le secteur de la construction et le gouvernement doit adopter une nouvelle loi, le bill 15, pour mettre fin aux émeutes de la Côte-Nord en prévoyant de fortes amendes pour les responsables de grèves ou de lock-out illégaux. Nous ne traiterons ici ni du bill 68, ni du bill 58, ni du bill 14, ni du bill 15, etc.

Troisième essai. En 1973, l'échec de la négociation fut encore plus complet que lors des deux essais précédents. Il ne fut même pas possible d'asseoir toutes les parties représentatives à une même table de négociations pour tenir une seule séance de négociations.

Encouragées par le médiateur du ministère du Travail, des associations patronales, dont la nôtre, ont signé des ententes illégales avec la FTQ construction. Ces ententes illégales non seulement ont été "exten-sionnées" par décret, mais le gouvernement a amendé la loi pour les rendre légales et les imposer rétroactivement à ceux qui n'y avaient pas consenti. Cela a été fait par les bills 9 et 14.

Depuis ce temps, nous n'avons connu que cela, des gestes illégaux dans la construction; grèves, ralentissement de travail, violence, etc.

D'ailleurs, ici, je me permets de me référer au mémoire de la CSD qui est en accord avec nos propos sur ce sujet.

Le bilan de l'application de cette loi. Il faut se rendre à l'évidence, la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction n'a pas donné les résultats que l'on escomptait lors de son adoption, en 1968. Il est cependant possible d'identifier certains facteurs qui ont contribué à rendre la loi inopérante et à amener le marasme actuel des relations patronales-ouvrières.

La disparition de la liberté syndicale du travailleur de la construction par l'instauration de l'empire des centrales syndicales avec la collaboration des associations patronales et du gouvernement. En 1968, la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction prévoyait que le salarié pouvait, s'il le désirait, appartenir à l'association syndicale de son choix.

Cette liberté d'allégeance fut de courte durée car le premier décret disait: "Comme condition du maintien de son emploi le salarié doit devenir membre d'une centrale et le demeurer". Tous les salariés de la construction devinrent donc des syndiqués.

Pour devenir syndiques les quelque 20,000 travailleurs du secteur de la voirie et du génie civil n'avaient pas été consultés, ce n'était que le début. La clientèle des syndicats et des unions devenait donc une clientèle captive et, comme ils devaient tous être syndiqués, il ne restait aux centrales syndicales qu'à les recruter. Selon la loi, il s'agissait de périodes de "maraudage". Ce furent des périodes de violence sans précédent sur les chantiers de construction, chaque centrale tentant d'avoir le plus grand nombre de membres. Tous les moyens furent utilisés, certains furent menacés, d'autres perdirent leur emploi parce qu'ils n'étaient pas de la bonne centrale, etc. Encore aujourd'hui, l'emploi du salarié dépend souvent de son appartenance syndicale.

Le travailleur de la construction fut également la victime des grèves de 1969, 1970 et des nombreuses grèves en 1974. On ne l'a jamais consulté, il a été sorti des chantiers par des fiers-à-bras, il n'avait qu'à faire ce qu'on lui disait. Pendant ce temps, ce fut la course au monopole entre les centrales syndicales. En 1969 elles obtinrent la syndicalisation obligatoire de quelque 100,000 travailleurs de la construction. En 1970, elles obtinrent les délégués de chantier: véritable armée de surveillants des faits et gestes de tous les travailleurs. Ces derniers doivent faire ce que dit le délégué de chantiers ou le représentant syndical. Le monopole ou la majorité fut enfin obtenu par la FTQ en 1973 et après quelle période de maraudage!

Les parties patronales et le gouvernement ne furent pas étrangers à ces phénomènes. Bien que leur rôle ne soit pas de protéger les travailleurs contre leurs centrales syndicales, nous croyons que les associations patronales auraient dû refuser d'accorder la syndicalisation obligatoire de tous les travailleurs, refuser la mise sur pied du système des délégués de chantier même si ces concessions ont été faites pour éviter des grèves. Le ministère du Travail, pour sa part, a prolongé ce système dans les décrets et l'Assemblée nationale par la loi 9 a consacré le monopole FTQ dans la construction.

La deuxième partie. Historique des augmentations de salaire depuis 1969 dans le secteur de la voirie et du génie civil.

Durant tous les conflits dont nous venons de parler, il n'a pas été question uniquement de sécurité syndicale, il fut également question de salaires. Il en est

encore question aujourd'hui par la demande d'indexation des salaires.

Dans leurs demandes, les centrales syndicales parlent de perte du pouvoir d'achat du travailleur de la construction, de son faible revenu et que ces augmentations de salaire actuellement prévues au décret sont insuffisantes pour couvrir le taux d'inflation que nous connaissons.

Avant de faire de telles affirmations, il nous faut vérifier si dans les faits elles ont un fondement quelconque. Dans le domaine de la voirie, pour effectuer ces vérifications, il faut se replacer au moment de la négociation de 1973. A cette époque, se terminait le décret qui, pour la première fois, avait régi le secteur de la voirie et qui, de plus, avait été imposé aux parties patronales et syndicales par le bill 38 au mois d'août 1970. A cette époque, il nous fallait concilier les augmentations accordées par le bill 38 et celles à accorder pour équilibrer nos salaires avec ceux du reste de la construction. Nous avons eu pour la période de décembre 1970 à avril 1976 les augmentations suivantes:

Alors, si on prend le tableau no 1, nous donnons quatre exemples de régions c'est-à-dire le Bas Saint-Laurent, Québec, Trois-Rivières, Montréal pour pouvoir couvrir un peu l'ensemble de la province. Nous donnons également l'exemple de trois métiers qui nous concernent plus particulièrement, soit les opérateurs de pelle, les opérateurs de machinerie lourde et les manoeuvres.

Si on regarde la région du Bas-Saint-Laurent, l'opérateur de pelle qui en avril 1970 gagnait $2.50, en ajoutant les 4% de vacances, cela lui faisait $2.60. En avril 1976, le taux du décret est de $6.95. Il faut ajouter à ce taux 10% de vacances et $0.45 de sécurité sociale, ce qui lui fait un salaire horaire de $8.10 l'heure, soit une augmentation de 212% et en argent $5.50 en cinq ans.

Il y a un commentaire que je voudrais ajouter ici. Sur le fonds de retraite, c'est à la demande expresse, en 1973, de la centrale syndicale, avec laquelle nous avons signé une convention illégale, que ces $0.45 ont étét insérés dans le décret.

Evidemment, pour l'employeur, il s'agit d'un déboursé. Pour l'employé, il s'agit d'un revenu dont il pourra bénéficier à long terme. Les 10% pour les vacances sont un revenu dont il peut bénéficier deux fois par année, soit aux mois de décembre et juillet. Evidemment, quand ce n'est pas avant le mois de juillet, au mois de juin. Si on regarde les autres régions, par exemple, celle de Québec, prenons l'opérateur de pelle. Nous voyons qu'il y a une augmentation de 208%, c'est-à-dire $5.62 l'heure. Pour la région de Trois-Rivières, il y a une augmentation de 248%, c'est-à-dire $5.93 l'heure. Pour la région de Montréal, il y a une augmentation de 119%, c'est-à-dire $4.52 l'heure.

Il faut dire aussi que, selon la source Statistique Canada, le coût de la vie, durant cette période, aurait augmenté de 29.1%.

On nous dira sans doute que nous considérons seulement les chiffres qui font notre affaire et que nous ne parlons pas des années 1973, 1974 et 1975, durant lesquelles l'inflation s'est fait le plus sentir.

Examinons le tableau 2, où nous vous donnons, pour les mêmes régions et pour les mêmes métiers, les comparaisons salariales pour chaque année, en vous donnant aussi, pour chaque année, l'augmentation en argent et l'augmentation en pourcentage et, à la fin, l'augmentation totale en pourcentage et en argent.

Prenons, comme exemple, l'opérateur de pelle dans la région de Bas-Saint-Laurent — nous pourrons vérifier aussi les autres régions, si vous le désirez — nous partons, en avril 1973, avec un salaire de $4.88; en avril 1974, avec un salaire de $5.93, ce qui fait une augmentation de $1.05 l'heure, soit 22%. En avril 1975, $6.76, une augmentation de $0.83 l'heure, soit 14%. En avril 1976, $8.10, une augmentation de $1.34, soit 20%. Ce qui fait une augmentation totale pour les trois ans de 66%, c'est-à-dire $3.22 l'heure.

Si nous regardons l'augmentation du coût de la vie durant la même période, il est évident qu'elle n'a jamais atteint ces pourcentages, ni ces chiffres réels.

En compilant toujours des pourcentages, il devient facile d'estomper la notion de salaires en chiffres absolus. Pour ne pas perdre cette notion, nous vous donnons le tableau suivant, pour visualiser le salaire hebdomadaire d'un travailleur de la construction dans notre secteur de la voirie et du génie civil.

Au tableau 3, vous avez, pour la région de Montréal, les mêmes métiers. Au 1er janvier 1975, c'est-à-dire aujourd'hui, un salaire de $6.60 l'heure, multiplié par 50 heures, ce qui donne $330 par semaine; pour les vacances: $33; pour la sécurité sociale: $22.50, ce qui fait un salaire hebdomadaire de $392.10.

Au tableau 4, nous ajoutons les bénéfices indirects, ou les coûts que l'entrepreneur doit assumer, de toute façon, c'est-à-dire les accidents de travail qu'on calcule à 4% dans la plupart des cas, à cause de la clause de mérite et de démérite; c'est d'environ 6%. On calcule, de toute façon, à 4%, soit $15.68; l'assurance-chômage à $5.49; la Régie des rentes à 1.8%, soit $7.05; l'assurance-maladie à 0.8%, soit $3.13: le prélèvement à 1/2%, soit $1.96; le repos journalier: $19.60; le fonds d'indemnisation à $0.01 l'heure, soit $0.50, ce qui fait un salaire payable par l'entrepreneur, en bénéfices directs ou indirects, de $445.51. .

Evidemment, ces calculs ne tiennent pas compte des frais de chambre et pension que, dans notre secteur, malheureusement, ou heureusement, nous payons, en grande majorité, parce que les chantiers de routes ou de lignes, habituellement, ne se situent pas dans une ville ou très près d'une ville. Nous ne tenons pas compte non plus du temps supplémentaire qui, à cause des pourcentages, augmente encore plus les coûts.

A la vue du tableau précédent, nous constatons que le travailleur de la construction retire quand même une bonne paie hebdomadairement. La question qui surgit à notre esprit, c'est: Que se passe-t-il dans les autres secteurs?

Selon le Conseil économique du Canada et Statistique Canada, la situation des salaires dans la construction, par rapport aux autres secteurs, est la suivante:

Nous vous fournissons ci-joint le graphique qui a été publié par Statistique Canada, la courbe des salaires de la construction étant pointillée et la courbe des autres secteurs étant une ligne continue.

On s'aperçoit que les salaires de la construction atteignent tout près de 275 points tandis que, dans les

autres secteurs, c'est environ 208 points, pour 1975.

A la page suivante, on vous donne la comparaison, toujours d'après les mêmes sources, de la productivité de la construction et de l'ensemble des autres secteurs. La construction, c'est encore la ligne pointillée et l'autre ligne, c'est l'ensemble des autres secteurs. On se rend compte que la production du secteur de la construction est d'environ 125 points tandis que la production des autres secteurs est d'environ 150 points, même si les salaires de la construction sont plus élevés et que le salaire des autres secteurs est moins élevé.

Un autre fait qui est à remarquer, c'est que, depuis 1970, la courbe de l'augmentation de la production des travailleurs de la construction subit un fléchissement marqué. Malheureusement, nous n'avons pas les chiffres pour 1975.

Conclusion et recommandation. A l'aide des chiffres que nous venons d'exposer, il nous semble évident que les augmentations de salaire reçues par les salariés de la construction sont amplement suffisantes pour couvrir le taux d'augmentation du coût de la vie.

Il est également inutile d'ajouter qu'une modification du décret à ce moment-ci ne ferait que ruiner le système des décrets qui régissent la construction, d'autant plus qu'il s'agit d'un problème qui a été monté de toutes pièces par une centrale syndicale. C'est enfin une affirmation qui se base sur les autres mémoires que vous avez entendus et que vous avez pu commenter.

Recommandation. Bien que la commission Cliche ait actuellement le mandat d'étudier cette question, la gravité et l'urgence de la situation actuelle commandent une action immédiate; c'est pourquoi nous nous permettons de faire une seule recommandation et elle concerne la liberté syndicale dans l'industrie de la construction.

Nous sommes d'avis que tous les problèmes que l'on connaît dans la construction sont nés graduellement du manque total de liberté du travailleur. Si les travailleurs de la construction pouvaient s'exprimer librement, nous ne serions pas rendus là où nous sommes actuellement. Il faut donc redonner une véritable liberté syndicale par les moyens suivants: a) La liberté syndicale garantie par la loi et non négociable par les parties.

Nous croyons que c'est la base du rétablissement d'une paix industrielle. Cette garantie dans la loi aura pour effet d'éviter la tentation à la centrale syndicale la plus forte de demander l'atelier fermé pour elle au détriment des autres centrales. Cela évitera aussi aux associations patronales de consentir à une telle demande pour mettre fin à une grève et cela évitera finalement au ministère du Travail, pour acheter la paix, d'étendre cette clause par décret. b) Allégeance de tous les travailleurs par un vote libre et contrôlé par un organisme indépendant.

La loi prévoit actuellement des périodes dites de maraudage durant lesquelles le travailleur peut changer d'allégeance syndicale. Depuis l'adoption de la loi, ces périodes ont donné lieu à de l'intimidation, à des menaces et même à de la violence dans certains cas contre des travailleurs. La victime de toutes ces batailles a toujours été le travailleur qui, parfois, pour se débarrasser des représentants syndicaux, va signer trois cartes d'allégeance, ce qui est contraire à la loi.

A tout le moins, nous croyons que le travailleur devrait pouvoir choisir librement la centrale syndicale qu'il désire, sans que des pressions indues s'exercent sur lui. A cette fin, un système de vote par ordinateur pourrait facilement être mis sur pied et ce vote aurait de grands avantages à être contrôlé par un organisme indépendant. c)Consultation obligatoire de tous les travailleurs sur tout sujet les concernant par un vote libre et contrôlé par un organisme indépendant.

Actuellement, lors du déclenchement d'une grève, et en particulier celle de 1974, qu'elle soit légale ou non, les travailleurs sont tout simplement sortis des chantiers de construction. Ils sont tout simplement privés de leur gagne-pain, sans qu'ils aient quelque chose à dire.

Cette situation est tout à fait anormale et nous croyons que les travailleurs devraient pouvoir exprimer leurs opinions démocratiquement par un vote libre sur ordinateur et que ce vote soit contrôlé par un organisme indépendant. d)Sanctions.

Nous pouvons écrire le système démocratique idéal. Cependant, si personne ne le respecte, nous n'aurons pas amélioré la situation. Il faut donc que des sanctions fortes, contre ceux qui seraient tentés de brimer la liberté du travailleur, soient prévues à la loi et surtout que ces sanctions soient appliquées rigoureusement.

En conclusion, n'oublions surtout pas que les entrepreneurs de routes et travaux du génie civil transigent, dans la très grande majorité des cas, avec des donneurs d'ouvrage à qui sont confiés des deniers publics; les gouvernements fédéral, provincial et municipaux. Dans la décision que vous aurez à prendre, MM. les membres de la commission et M. le ministre, nous vous prions de retenir deux points. Premièrement, les salaires que les entrepreneurs devront débourser affecteront directement le pouvoir d'achat des divers donneurs d'ouvrage dont les budgets ne sont pas élastiques.

Deuxièmement, tout climat d'incertitude, tel que celui que nous connaissons actuellement, ne pourra éventuellement que contribuer à élever les coûts des travaux.

Messieurs, c'est la fin de notre exposé. Nous souhaitons, maintenant, à l'heure qu'il est, entendre le verdict sur l'audition qui se déroule ici depuis deux jours.

Le Président (M. Séguin): Si vous me permettez, M. Fournier, tout en vous remerciant pour vos commentaires et votre mémoire, je cède d'abord la parole au ministre s'il a des questions.

M. Cournoyer: Vous avez affirmé, tantôt, que le coût de la vie avait augmenté de 29%; depuis quelle période, déjà?

M. Fournier: D'après ce que j'ai noté, 29.1%, depuis 1970.

M. Cournoyer: A ce moment-ci, cela?

M. Fournier: C'est une note, d'ailleurs, que j'ai prise dans un autre mémoire qui vous a été présenté, au début des débats.

M. Cournoyer: C'est une information que j'ai, M. Fournier. L'indice de janvier 1971 était de 124.4% dans la région de Montréal.

M. Fournier: Oui.

M. Cournoyer: Et, en janvier 1976, on prévoit qu'il sera à 185.2%.

M. Fournier: 185.2%.

M. Cournoyer: II devrait l'être, étant donné qu'on projette, j'en suis sûr, après la dernière année. Les salaires que vous avez consentis comportent un élément pour le coût de la vie ou la totalité pour le coût de la vie, si j'ai bien compris le raisonnement?

M. Fournier: Pardon, j'ai mal compris.

M. Cournoyer: Les salaires consentis comportaient augmentation du coût de la vie, augmentation de salaire réelle, etc., ils comportaient tout cela, si j'ai bien compris?

M. Fournier: Oui. D'ailleurs, si vous regardez les pourcentages d'augmentation, si on veut comparer, par exemple, au pourcentage de l'augmentation du coût de la vie, je vais vous en donner juste quelques-uns: 212%, 191%, 205%, 248%, 260% d'augmentation des salaires. Même si on dit que l'augmentation des salaires a été de 10%, 12%, 50% ou même de 60%, je pense que dans notre cas,le secteur de la voirie, les augmentations de salaire ont facilement et très largement comblé toute augmentation du coût de la vie prévue ou imprévue, parce que c'est 200% en montant.

M. Cournoyer: Si, pour une raison ou pour une autre, nous excluions le domaine routier d'une décision que nous croirions utile de prendre au nom de l'intérêt public, qu'est-ce que cela vous ferait?

M. Fournier: Moi, je pense qu'il faut d'abord relier la question à l'ensemble des travaux qui peuvent être exécutés par les membres de notre association.

Nous voyons que les conditions de travail du secteur de la voirie et du génie civil, tel qu'on l'entend dans ce secteur, doivent être uniformes, c'est-à-dire que les augmentations de salaire que nous avons consenties jusqu'à présent comblent à notre avis et le coût de la vie et l'amélioration du sort du travailleur, etc. Mais, quand même, à l'intérieur de ce secteur, qui comprend la voirie, l'excavation, les travaux municipaux, etc., nous prétendons que les conditions devraient quand même demeurer uniformes à l'intérieur de ce secteur. Il faut comprendre que la main-d'oeuvre de notre secteur est complètement différente de la main-d'oeuvre, par exemple, de l'habitation, de la main-d'oeuvre du bâtiment ou des autres travaux. C'est-à-dire que nous, nous allons engager, par exemple, un menuisier à l'occasion. La main-d'oeuvre, fondamentalement, chez nous, ce sont des opérateurs d'équipement lourd, ce sont des journaliers, ce sont des mécaniciens, que vous ne retrouvez dans aucun autre secteur.

Il est évident qu'à l'intérieur du secteur, nous pensons que les conditions salariales doivent demeurer les mêmes, c'est-à-dire qu'un opérateur d'équipement lourd qui travaille à des travaux de voirie, qui va travailler dans l'excavation, va travailler dans des travaux municipaux, etc., conserve son salaire à l'intérieur. Cela est notre point de vue. Il est évident que, si l'on pense de cette façon, les augmentations qui ont été reçues par nos employés, à notre avis, sont suffisantes pour couvrir le coût de la vie, d'autant plus que, dans aucun cas, depuis le début de la bataille de l'indexation, aucun travailleur chez nous en tout cas n'a débrayé volontairement pour réclamer des augmentations de salaire.

Cela a été, évidemment, en juin, une ronde provinciale, un effet d'entraînement. Mais si on regarde à partir du 28 juin, lorsque les entrepreneurs ont rouvert leurs chantiers, le calme s'est rétabli, la productivité a été bonne. En passant, je dois dire que, dans le domaine des opérateurs d'équipement lourd et de la main-d'oeuvre que nous engageons habituellement, actuellement nous avons quand même une main-d'oeuvre qui est productive, qui est qualifiée. Nous connaissons, malheureusement, une pénurie de ce côté. Mais on doit quand même reconnaître ce qui est vrai, c'est qu'on a une main-d'oeuvré qui, quand même, est qualifiée, qui est productive.

M. Cournoyer: Mais est-ce qu'il n'est pas plus facile de mesurer le travail d'une main-d'oeuvre routière que de mesurer le travail d'un électricien dans le secteur domiciliaire?

M. Fournier: C'est assez difficile pour moi de pouvoir faire une comparaison parce que l'électricien, dans le domaine domiciliaire, je ne connais pas du tout son mode de fonctionnement.

M. Cournoyer: Non, mais en termes routiers...

M. Fournier: Chez nous, c'est quand même facile, je pense, de pouvoir évaluer un opérateur de pelle, par exemple, qui va charger trois camions par jour et l'autre, à côté, qui va en charger quinze; je pense qu'on peut quand même faire la différence, et comparer un chauffeur de camion qui va faire d'un point X à un point Y douze voyages pendant que l'autre va en faire deux. C'est quand même facile de déterminer lequel est productif ou lequel ne l'est pas.

M. Cournoyer: Admettons maintenant que nous fassions une distinction, toujours dans l'hypothèse d'une distinction dans le domaine routier. Vous dites, vous, que cela va prendre tous les travaux que vos membres font et non pas seulement le domaine routier, donc des travaux de génie civil, des travaux municipaux. Admettons qu'on dise, par exemple, que sur les sites industriels — non pas parce que je suis bien d'accord sur cela mais je pose la question — les salaires sont élevés de tant, pour telle raison, et que telle entreprise, qui n'est pas de chez vous, emploie aussi un opérateur de machinerie lourde et que, par hypothèse, vous preniez ou qu'un de vos membres prenne un contrat de pavage, d'un parc de stationnement avec le drainage dedans. Est-ce qu'il n'y aurait pas risque de difficulté pour celui

qui opérerait votre équipement lourd par rapport à celui qui opère l'équipement lourd de l'autre entreprise de construction?

M. Fournier: Je pense que cette difficulté, en fait, on la vit depuis peut-être 100 ans, c'est-à-dire que la cédule des justes salaires n'a jamais été égale aux décrets de la construction, de façon générale, sauf qu'elle va le devenir en 1976.

Ce danger, chez nous, est beaucoup moins évident parce que la main-d'oeuvre est complètement différente, c'est-à-dire qu'un opérateur d'équipement lourd, de façon générale, va travailler au genre de travaux que nous exécutons. Dans certains cas, il va aller faire, par exemple, du terrassement dans une raffinerie d'huile. Dans ce cas, on dit: C'est le taux qui s'applique au secteur qui normalement devrait s'appliquer. Si j'engage, par exemple, un menuisier de finition parce que je veux me faire finir quelque chose, je devrai, s'il y a un secteur bâtiment, payer le taux du bâtiment, parce que le gars, dans le bâtiment, gagne ce taux. Donc, si je l'emploie à des travaux de génie civil, je devrai payer ce taux également, comme un gars du bâtiment, qui veut se faire creuser un trou quelque part, devra payer le taux de l'opérateur d'équipement lourd, qui est payé dans l'ensemble des travaux d'excavation.

M. Cournoyer: N'a-t-on pas eu cette situation pendant un certain nombre d'années à Montréal, par exemple, et dans la région limitrophe de Montréal où la cédule des justes salaires s'appliquait dans une partie de la région de Montréal et, dans l'autre partie de la région de Montréal, c'était le décret qui s'appliquait dans le domaine de la voirie?

M. Fournier: Oui, en fait, je dois dire que sur l'île de Montréal, la cédule des justes salaires est disparue depuis 1966. Je pense que vous êtes...

M. Cournoyer: Sur l'île même?

M. Fournier: ...parfaitement au courant de ce phénomène.

M. Cournoyer: Oui.

M. Fournier: II faut dire que, depuis 1966, sur l'île de Montréal, tout ce qui s'est fait, ce sont des travaux d'autoroute, soit élevée ou soit en dépression. Ce sont justement deux exceptions qui, dans le décret, existaient et qui prévoyaient le paiement du taux du décret. A partir de 1976, il n'y a plus aucune différence entre le taux du décret et le taux de la cédule. Même ceux qui travaillaient sur ces autoroutes, à ce moment, n'ont pas eu de difficulté à se trouver de la main-d'oeuvre et, lorsqu'ils allaient travailler sur un chantier de voirie, après, à un taux moindre, ils n'ont pas eu de problèmes, non plus. Cela s'appliquait, évidemment, dans des cas bien particuliers. On ne peut pas dire qu'on pourrait continuer la situation de façon régulière, c'est-à-dire deux ou trois taux à l'intérieur du même secteur. Celui qui fait de l'excavation de façon générale, à un certain moment, à un contrat de voirie, devrait alors diminuer les salaires de son gars — c'est le même — on ne pourrait pas vivre cela de façon générale, parce qu'évidemment cela crée des problèmes. C'est pour cela qu'on dit, nous qu'à l'intérieur du secteur les taux devraient quand même être uniformes.

M. Cournoyer: A l'intérieur de tout le secteur.

M. Fournier: Oui, tout le secteur voirie et génie civil.

M. Cournoyer: Et provincial. M. Fournier: Pardon?

M. Cournoyer: Et provincial, c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir de distinction entre les régions.

M. Fournier: Je pense que nous sommes devant un fait accompli. Ce n'est pas parce que nous y avons consenti. En 1970, lors de la première négociation, il avait été non pas entendu, mais pratiquement dialogué, en tout cas, que la cédule des justes salaires rattraperait le décret; deuxièmement, que les décrets régionaux rattraperaient ceux de Montréal. C'est pour cela que nous, on a, en fait, ramassé deux rattrapages, c'est-à-dire celui des décrets régionaux, celui des décrets régionaux vis-à-vis de Montréal, et troisièmement, un autre rattrapage intermétiers, c'est-à-dire qu'on a regroupé, par exemple, dans l'équipement lourd, les opérateurs de "Beavers" — excusez le mot anglais — de chargeuses en butte frontale, etc. On a regroupé tout cela dans un seul métier. Evidemment, dans une région, par exemple, on a pris le taux le plus haut et tout le monde s'est rattrapé là. Mais on ne pense pas que ce soit une bonne chose de revenir, etc., parce qu'on pense peut-être que cela nous créerait beaucoup plus de problèmes que d'essayerde trouver une solution qui pourrait satisfaire tout le monde.

M. Cournoyer: Est-ce que les carrières sont dans le décret de la construction, maintenant?

M. Fournier: Non, elles ne le sont pas. M. Cournoyer: Est-ce que, dans les...

M. Fournier: M y a les carrières, les usines d'asphalte, il y a les garages des entrepreneurs, il y a tout le camionnage qui se fait. La seule exception, c'est que, si l'usine d'asphalte ou l'usine de concassage se situe à l'intérieur même du chantier ou si le transport se fait uniquement à l'intérieur du chantier, à ce moment, ils deviennent couverts par le décret. C'est une interprétation du commissaire de l'industriede la construction. Il y a les arpenteurs-chaîneurs aussi qui sont couverts par le décret.

M. Cournoyer: A un certain moment, n'y a-t-il pas eu des difficultés assez grandes du côté des entreprises qui exploitent des carrières et qui sont assujetties, d'un côté, au code du travail ordinaire et qui ont des accréditations et, de l'autre côté, à la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction?

M. Fournier: II est évident que cela crée un paquet

de problèmes, si je peux m'exprimer ainsi. Entre autres choses, dans notre domaine, c'est ce qui fausse les statistiques de la Commission de l'industrie de la construction. Prenons, par exemple, un mécanicien qui travaille dans le garage principal de la compagnie de construction et qui, une journée par semaine ou même une demi-journée par semaine, est appelé à aller réparer une machine sur le chantier. A ce moment, il devient couvert par le décret. Il reçoit un certain taux du décret et, lorsqu'il retourne dans le garage, il suit la convention du garage.

Evidemment, au niveau des statistiques de la construction, lorsque vous avez, par exemple, un gars qui a gagné $18. dans une année, cela fait baisser une moyenne, surtout les mécaniciens. D'après les vérifications que nous pouvons faire, avec les travaux de déneigement, les travaux d'exploitation d'usine d'asphalte, de concassage, etc., on voit — un exemple concret qu'on peut confirmer— que nos opérateurs de pelle, actuellement, dans une compagnie, leur salaire annuel varie entre $17,000 et $21,000 par année, sur la construction.

Prenez, par exemple, un conducteur de camion; pendant l'hiver il travaille au déneigement et, l'été, il travaille sur le transport. Lorsqu'il travaille à l'intérieur d'un chantier, il devient couvert par le décret. On prend cette portion de salaire et on fait les statistiques parce que la commission, de toute façon, a juridiction uniquement sur cette portion. Lorsqu'on parle d'un salaire annuel moyen d'un conducteur de camion, il est évident que c'est complètement faussé parce qu'on ne compte pas l'exploitation de la carrière, on ne compte pas l'exploitation de l'usine d'asphalte, on ne compte pas le transport qu'il fait, par exemple, pour aller livrer de la pierre chez des clients et on ne compte pas non plus toutes les activités de déneigement durant l'hiver.

C'est pour cela que la statistique de la CIC, surtout dans notre cas, est incomplète. On a des activités qui sont séparées de la construction et d'autres qui sont couvertes; alors, cela fausse généralement la statistique.

M. Cournoyer: Celle dont s'est servi M. Dalpé cet après-midi comporte, par exemple, pour le mécanicien de chantier dont vous parlez, quand il est mécanicien sur le chantier...

M. Fournier: Je pense qu'il y a une distinction à faire entre mécanicien de chantier et mécanicien de machinerie lourde.

M. Cournoyer: Millwright?

M. Fournier: Oui, millwright et...

M. Cournoyer: Où est le mécanicien?

M. Fournier: On retrouve le mécanicien de machinerie lourde dans leur mémoire. La moyenne, les gains annuels totaux, $9,206 pour la construction seulement. Si on prend, par exemple, un mécanicien qui a le moindrement travaillé à l'extérieur de la construction, l'hiver pour les travaux de déneigement, dans le garage des entrepreneurs, le salaire est beaucoup plus élevé que cela.

M.Cournoyer: Cela signifie que les chiffres qui sont dans le bas de cette page n'auraient pas été pondérés en aucune manière.

M. Fournier: De quelle page parlez-vous?

M. Cournoyer: Je parle du mémoire de M. Dalpé.

M. Fournier: Non. Je pense que les chiffres...

M. Cournoyer: Ils viennent du conseil économique ou de la Commission de l'industrie de la construction? Je ne sais pas.

Analyse des caractéristiques de la population active de la construction. -

M. Fournier: On me dit que c'est la Commission de l'industrie de la construction. Il faut comprendre cette dernière. Son seul champ de juridiction, c'est le chantier de construction. Elle ne peut pas aller chez un employeur demander des informations sur les travaux de déneigement, sur les usines d'asphalte et les carrières, etc. Même son mandat ne lui donne pas l'autorité d'aller chez un employeur pour demander cela. C'est pour cette raison que cela peut, comme je disais tantôt, fausser drôlement les statistiques.

D'ailleurs, si vous me permettez, M. le ministre, je pense qu'à l'intérieur même du décret, actuellement, il y a une clause spéciale pour les travaux de voirie.

M. Cournoyer: Oui.

M. Fournier: L'article 18.013). Il y a aussi des conditions spéciales pour les lignes de transmission, et c'est peut-être le commentaire que je voudrais faire, parce qu'en suivant la règle générale, pour tous les chantiers, on se retrouve dans de drôles de situations. Par exemple, dans les lignes de transmission — vous en faisiez état un peu tantôt — je vais vous citer seulement un exemple, et c'est l'application du règlement pour les explosifs.

C'est-à-dire que si vous entreposez des explosifs sur un chantier, vous devez le faire dans une cache spéciale éclairée et entourée de fils de fer barbelés. Vous construisez une ligne de Micoua à Québec à 300 milles dans le nord, vous vous en venez à Québec. Si quelqu'un veut se procurer de la dynamite, vous n'avez qu'à prendre un hélicoptère et regarder tous les points éclairés, là, c'est de la dynamite. C'est à peu près cela l'application qui peut résulter dans certains cas. Vous parliez un peu d'autres...

M. Cournoyer: Ce n'est pas moi qui ai fait le règlement.

M. Fournier: Ce qui peut être très logique sur un chantier de bâtiment qui est dans une ville, concentré dans un endroit peut-être de 1,000 pieds carrés, est complètement inapplicable dans notre secteur.

Par exemple, les toilettes sur le travail. Prenez, par exemple, un chantier de pavage. Si vous faites cinq milles par jour de pavage, allez-vous l'attacher en arrière du "paver"? Sauf que, dans le règlement de sécurité, dans le décret, vous devez avoir une toilette.

Ce sont des choses qui évidemment paraissent drôles, ce sont les points qui nous sautent le plus aux

yeux. Mais c'est à peu près comme cela pour toutes les clauses. Si vous regardez, par exemple, le préavis de mise à pied, qui est une clause un peu plus sérieuse, dans un travail de voirie, vous êtes conditionné, et dans les lignes de transport de l'énergie, c'est la même chose, par le temps. C'est-à-dire que s'il commence à pleuvoir, alors que vous étiez en train de paver, vous dites: On va arrêter les travaux, il pleut, on ne peut plus paver. Cela dure une journée, deux jours. Aussitôt que cela a dépassé 48 heures, vous venez de payer seize heures de pénalité parce que vous n'avez pas donné de préavis de mise à pied. Sauf que vous n'avez quand même pas pu prévoir le fait que la pluie va se mettre à tomber, personne ne peut le prévoir, ni le travailleur, ni l'employeur.

Mais à cause de l'application générale, c'est-à-dire dans un bâtiment où vous avez un toit sur la tête, ou dans l'habitation, ce sont des choses qui peuvent être appliquées de façon normale. C'est-à-dire que si vous prévoyez la fin du chantier, vous avisez vos travailleurs que la fin approche, etc. Tandis que nous autres, pour des conditions de temps on ne peut pas les aviser et on est pincé avec une amende de seize heures, selon l'interprétation de la commission.

M. Cournoyer: La semaine de travail est toujours de 50 heures?

M. Fournier: Oui.

M. Cournoyer: Remarquez que votre mémoire...

M. Fournier: Evidemment, c'est encore une condition de temps si l'on peut dire, parce que si vous regardez, par exemple, les chantiers d'asphalte, même avec toutes les expériences qui se font à l'heure actuelle, à partir de novembre jusqu'au mois de mai, il ne se fait pas de pavage; qu'on le veuille ou non, c'est impossible.

Evidemment, si on veut quand même avoir une production pour les coûts d'investissement et si le travailleur veut quand même se faire une paie, à un moment donné, il faut faire des heures.

M. Cournoyer: Font-ils effectivement 50 heures?

M. Fournier: Ils font effectivement 50 heures, je dirais même jusqu'à 60 ou 65. Quand le temps est beau, il est évident qu'il se fait beaucoup de pavage et les heures sont longues, c'est certain, avec le temps supplémentaire, temps double, selon le décret.

M. Cournoyer: Je regardais non pas tellement la courbe, mais la description des salaires, vous avez pris le salaire, bien sûr, pour 50 heures par semaine.

M. Fournier: Oui, oui.

M. Cournoyer: C'est 50 heures sans limite journalière, c'est-à-dire qu'il y a une limite de 15 heures je suppose, est-ce qu'il y a une limite?

M. Fournier: C'est sans limite. Aucune limite.

M. Cournoyer: Jamais, aucune. De toute façon, les limites, la nature se charge de vous en mettre.

M. Fournier: Oui, assurément, parce que vous ne pouvez pas commencer surtout dans une période...

M. Cournoyer: Pas à la noirceur.

M. Fournier: Vous fonctionnez toujours à la clarté, toujours.

M. Cournoyer: Mais vous avez bien pris, par exemple, comme statistique que c'était $330 par semaine qu'ils gagnaient.

M. Fournier: Oui, mais on ne compte évidemment pas le temps supplémentaire.

M. Cournoyer: Vous ne comptez pas non plus le temps qui est perdu.

M. Fournier: Sur cette question, M. le ministre, il faudrait...

M. Cournoyer: Je pose la question parce qu'on m'a toujours dit qu'il y a des gars qui perdaient du temps sur les routes parce que, quand il pleut le lundi ou qu'il a plu toute la journée du dimanche, on ne peut pas commencer à travailler sur les routes avant le lundi midi, ceci à la condition qu'il ait commencé à faire beau vers quatre heures du matin et peut-être qu'on commencera seulement le mardi matin aussi. Cela dépend, bien sûr, de la période et du genre de pluie qui est tombé. En hiver, travaillez-vous bien fort?

M. Fournier: Je pense que, sur les chantiers de pavage, ce que vous venez de dire peut s'appliquer et encore, car cela dépend de certaines circonstances, surtout des fondations sur lesquelles vous mettez votre pavage parce que, sur certaines fondations, vous pouvez même paver quand il pleut. Aujourd'hui, avec les fondations, etc.

M. Cournoyer: Dans les fondations, il n'y a pas de problème, je parle de la route.

M. Fournier: En fait, le pavage dépend de la fondation que vous avez. Si vous avez une mauvaise fondation, aussitôt qu'il pleut, cela devient...

M. Cournoyer: Oui, je comprends, vous mettez les grandes housses de cellophane.

M. Fournier: Nous ne sommes pas encore rendus au baseball encore. Mais si on regarde, il y a quand même certains travaux qui peuvent être exécutés même l'hiver, c'est-à-dire dans les chantiers de terrassement, entre autres la coupe de roc ou des choses comme cela. Il est évident que tous les travaux ne peuvent pas être exécutés pendant l'hiver. Il y a certains travaux, tout dépend de la nature du sol, qui peuvent être exécutés l'hiver.

M. Cournoyer: Moins.

M. Fournier: Moins, mais il y a un autre aspect qu'il

faut ajouter, c'est que les entrepreneurs en construction avec l'équipement qu'ils ont à leur disposition, des camions sur lesquels ils peuvent ajouter des grattes, etc., la plupart de nos membres font du déneigement l'hiver, ce qui veut dire que les employés demeurent à l'emploi, je ne dirais pas de façon totalement annuelle, mais en grande partie. C'est-à-dire que, si on prend un opérateur de pelle, vous savez que sur l'équipement il faut quand même faire de l'entretien et il faut surtout, après un certain nombre d'heures d'opération, faire une révision de cet équipement si on ne veut pas avoir des bris à tout bout de champ lorsqu'on va commencer la production réelle. Ce qui veut dire que la plupart des opérateurs se retrouvent dans les garages de l'entrepreneur durant l'hiver pour faire la réparation de cet équipement, faire la réparation des usines d'asphalte, faire la réparation des usines de concassage, de tout l'équipement lourd qui sert durant l'été pour les travaux.

M. Cournoyer: Vous avez utilisé un graphique, le graphique 2. Dans ce graphique, compte tenu de plusieurs affirmations qui ont été faites soit par le ministre de l'Industrie et du Commerce, soit par à peu près tous les mémoires des employeurs. Il est inscrit qu'il y a eu augmentation de la productivité ou de la production des hommes, même si elle n'est pas correspondante à l'augmentation de la courbe des salaires. Parmi les affirmations que nous avons entendues, il y avait diminution de la productivité. Pourriez-vous m'expliquer comment on peut arriver à une augmentation tout en ayant une diminution.

M. Fournier: Si on regarde le graphique, malheureusement nos sources se limitent à 1971.

M. Cournoyer: Oui, j'ai remarqué cela.

M. Fournier: Ce que nous avons constaté de la baisse de productivité qui a été exposée par les autres associations, cela a été en 1972, 1973, 1974. Nous avons communiqué avec les organismes où nous avons puisé nos sources et malheureusement ils n'ont pas pu nous fournir les chiffres pour 1972,1973 et 1974. Ils nous ont cependant dit que la tendance qui est exprimée depuis 1969 dans le secteur de la construction s'est accentuée. C'est-à-dire que, si on regarde le graphique, à partir de 1969, on voit qu'en 1968, etc., la courbe est montante continuellement. En 1969 cela fléchit, en 1970 cela fléchit encore et finalement, en 1971, on a pratiquement une ligne horizontale. Je dois le mentionner, l'économiste de l'Association canadienne de la construction nous a dit qu'avec l'influence des grèves, principalement en 1974 dans la province de Québec, d'après lui, la courbe de la productivité baisserait en 1974 pour la région du Québec. Malheureusement, je n'ai pas l'enregistrement de cette conversation, mais c'est ce qu'on m'a dit. Lui-même n'avait pas fait le bilan des arrêts de travail etc., mais la tendance, d'après lui, dans le Québec, est encore beaucoup plus à la baisse que ne l'indique la moyenne canadienne.

M. Cournoyer: Mais, dans le cas de vos membres, vous avez affirmé que cela allait bien.

M. Fournier: Oui, je dois dire que nos chantiers ont été fermés. C'est pour cela que nous disons que les problèmes sont différents. Nous avons été fermés lors du tour provincial, c'est-à-dire en juin. On a tous été fermés, en oubliant les raisons. Tous nos chantiers ont été fermés sauf certains chantiers dans le fond des bois ou des choses comme cela. De façon générale, tout a été fermé. Le 28 juin, à la demande du premier ministre, on a demandé à nos membres de réouvrir leur chantier. Les chantiers ont été rouverts et fonctionnent depuis ce temps-là.

Quand l'association de Montréal, ou quand l'ASECQ vient vous dire qu'elles ont été plus affectées que nous par la situation, c'est vrai, sauf dans certaines régions, soit celle de Montréal, où on a eu le même problème que tout le monde, c'est-à-dire que, sur la construction des viaducs, etc., sur les autoroutes 13, 40 ou 440, il est évident qu'il n'y avait pas un ferrailleur qui travaillait, donc on ne travaillait pas. Mais le terrassement et les autres travaux qui n'étaient pas de structure ne nécessitaient pas la présence d'un ferrailleur et ils se sont poursuivis.

M. Cournoyer: Dans votre conversation téléphonique avec le monsieur de Statistique Canada, a-t-il été question des grèves de la construction ou des grèves susceptibles de faire perdre du temps à des gars qui étaient en travail sur la construction?

M. Fournier: II a été question des grèves de la construction.

M. Cournoyer: De la construction.

M. Fournier: Oui. Il est évident que c'est assez difficile, au niveau des statistiques, de dissocier des chantiers de voirie des chantiers de bâtiments. On peut les dissocier en phénomènes régionaux, d'après ce qu'on m'a dit, mais en secteurs, c'est beaucoup plus difficile. Cela prend une étude beaucoup plus poussée.

M. Cournoyer: Mais quand on prend de la production par heure-homme, j'imagine qu'on compte les heures de travail. On ne compte pas les heures durant lesquelles ils sont en grève.

M. Fournier: Oui, c'est cela.

M. Cournoyer: Dans le cas de certaines grèves qui ont peut-être affecté certains constructeurs de routes et grands travaux, par exemple, la grève du ciment, à Montréal, il est possible qu'elle en ait affecté un certain nombre, à cause d'un manque de production. Pendant ce temps, il y avait un certain degré d'inactivité ou de ralenti avant que les mises à pied ne soient faites. C'est pour cela que je me pose la question de l'utilisation de cette statistique en particulier.

M. Fournier: Oui, certainement.

M. Cournoyer: D'un côté, la courbe de production augmente par heure-homme de travail, j'imagine que ce sont les heures de travail, et que la productivité dont il est souvent question ici reflète beaucoup plus des gens au travail que des gens en grève.

M. Fournier: Oui.

M. Cournoyer: Quand les gens sont en grève, ils ne travaillent pas. Donc, c'est sûr que pour employer le raisonnement que vous avez énoncé tantôt, une journée de grève va peut-être changer la statistique, peut-être que quinze jours de grève vont changer la statistique, parce qu'ils ne travaillent pas beaucoup pendant ce temps. Mais quand ils sont en ralentissement de travail et qu'ils sont chez vous, cela doit avoir un certain effet.

M. Fournier: C'est cela. En fait, si je peux résumer un peu ce qu'ils me disaient, parce que je ne suis pas du tout spécialiste dans la matière, c'est évidemment l'influence, par exemple, de la non-livraison de certains matériaux, etc. Le gars qui est sur le chantier et qui s'aperçoit que s'il fait trop de formes, il va être obligé de laisser son emploi parce qu'il n'a pas de béton à mettre dedans et qu'il ne pourra pas faire l'étage au-dessus ou qu'il ne pourra pas continuer sa structure, il est évident qu'il est influencé par cela. Quant à la forme, on va agir prudemment, avant que le béton arrive. Il est évident que ce phénomène accentue la non-productivité ou la baisse de productivité dans certains cas.

Si on regarde, par exemple, la région de Montréal, elle a été choyée, je dirais, au niveau des grèves, soit du béton, soit de la construction. Quand ce n'était pas le béton, c'était la construction. Quand ce n'était pas la construction, c'était le béton. Cela n'a pas arrêté. Si vous regardez l'échéancier des chantiers, ils sont en retard un peu partout. C'est évident. Je pense que je ne vous apprends rien.

M. Cournoyer: A la page 8, vous dites que la loi 9 a consacré le monopole de la FTQ dans la construction.

M. Fournier: Avant la loi 9, elles étaient trois.

M. Cournoyer: Non. Avant la loi 9, elles étaient seulement deux.

M. Fournier: La CSD est arrivée après. D'accord. Disons qu'elles étaient deux. Avant cela, il y avait les deux centrales syndicales qui connaissaient les mêmes problèmes, etc. Avant la loi 9, avant la négociation de 1973, nous avons eu une période de maraudage qui a quand même été très difficile.

M. Cournoyer: C'était avant la loi 9.

M. Fournier: Oui. C'était toujours avant la loi 9. A notre avis, la loi 9 est venue tout simplement dire: La FTQ, c'est 73. La CSN, c'est environ 30.

Avant cela, si on regarde les organismes comme la CIC, si on regarde le processus de négociation, les conseils d'arbitrage ou des choses comme cela, cela fonctionnait, évidemment, avec ,la même voix à toute le monde.

Après la loi 9, si on regarde la CIC, cela fonctionnait pour autant que la FTQ était d'accord, parce que cela prenait une double majorité, une majorité syndicale et une majorité patronale de 50 et plus.

Du côté syndical, il n'y avait pas de questions à se poser, la FTQ avait 73%. Il était évident que, du côté syndical, c'est elle qui représentait, c'est elle qui disait...

M. Cournoyer: La majorité.

M. Fournier: ...Si je dis oui, cela va être oui; si je dis non, cela va être non. Il est évident que les travailleurs de la construction, à mon avis — je peux me tromper — qui voient cela, qui voient que la centrale syndicale... S'il appartient à la FTQ, il est chanceux. S'il appartient à la CSD, il dit: La CSD, à la CIC, qu'est-ce que vous dites? Vous avez un gars là, la CSN, deux gars là et, si la FTQ dit non, vous êtes "foul ball".

Il est évident que ce phénomène a consacré, à mon avis — je peux me tromper — la priorité de la FTQ.

M. Cournoyer: La priorité de la FTQ!

M. Fournier: En fait, je me dis que c'est un monopole à brève échéance.

M. Cournoyer: Ah oui?

M. Fournier: Je ne sais pas. Si je devais me faire représenter par un organisme, peut-être que je prendrais le plus fort, que selon le genre de règlement que nous allons faire en vertu de la loi 9, cela va peut-être être plus difficile pour la FTQ d'utiliser les méthodes qui sont racontées devant la commission Cliche pour obtenir des membres.

M. Fournier: D'ailleurs, c'est tout ce qu'on dit dans notre mémoire. On dit tout simplement: Laissons donc le travailleur décider lui-même, sans qu'il sache qu'il va peut-être se faire taper. Peut-être qu'il y en a un qui va dire: Si tu ne fais pas cela, tu perds ta "job", ou des choses comme cela. Laissons donc la possibilité au travailleur d'aller à un endroit, le temps de se faire une idée, et dire librement ce qu'il en pense de la patente, s'il pense être pour la FTQ, s'il pense être pour la CSN ou pour la CSD. Ce qu'il pense du fonds de retraite, ce qu'il pense des offres patronales lors d'une négociation, lui laisser la possibilité, d'abord, de se faire une idée et surtout de l'exprimer.

Si on regarde certaines affirmations qui ont été faites devant la commission Cliche, je pense que tout le monde est un peu au courant. Si vous regardez une assemblée qui a été tenue à LG-2, ceux qui sont allés là pour voter, c'étaient des gars qui étaient convaincus. Ceux qui n'étaient pas sûrs, ils ne sont pas entrés dans la salle.

Je me dis que le gars de la construction, dans le fond, c'est lui qui paie tout le temps. Actuellement, c'est lui qui est encore dans la rue. Si, demain matin, les délégués de chantier n'ont pas assez de pouvoirs, c'est encore lui qui va être dans la rue. C'est toujours lui qui est dans la rue.

Nos gars sur la voirie — on l'a l'exemple actuellement — ont été sortis au mois de juin. Le 28 juin, on les a laissés entrer. Ils sont entrés depuis ce temps-là. La productivité est bonne depuis ce temps-là. Après l'analyse qu'on a faite, on a consulté nos membres et on leur a demandé ce qu'ils avaient constaté comme problèmes sur les chantiers. Les gars ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. C'est ce qu'on constate sur nos chantiers. Lorsque l'agent d'affaires arrive et dit: Ecoute, 12 voyages par jour, ce n'est plus cela; tu en fais juste 9, parce qu'à 12 voyages, tu vas sûrement péter ta transmission.

M. Cournoyer : Pourtant vous me dites que cela va bien?

M. Fournier: Oui, je dis que cela va bien. Il y a des problèmes sur certains chantiers. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas du tout de problèmes, c'est impossible.

M. Cournoyer: II y a les problèmes naturels. M. Fournier: Oui.

M. Cournoyer: Mais vous me dites que la production est bonne sur les chantiers de construction de routes ou, du moins, celle de vos membres?

M. Fournier: De façon générale.

M. Cournoyer: Celle de vos membres, de façon générale, gela va bien?

M. Fournier: Oui, sur les chantiers de routes.

M. Cournoyer: Est-ce qu'il y a des délégués de chantier sur vos chantiers?

M. Fournier: Je dirais que, dans 50% des cas, il y en a.

M. Cournoyer: Les autres sont plus petits, j'imagine?

M. Fournier: Plus petits. Mais ce qui arrive, sur nos chantiers, c'est quand même beaucoup plus difficile.

M. Cournoyer: Ils sont longs.

M. Fournier: Les chantiers sont longs. Evidemment, le délégué de chantier qui veut aller jaser avec l'opérateur de "bull" qui est à un mille, c'est pas mal plus difficile. Mais, sur un chantier de bâtiment, c'est très facile; le gars est juste à côté. Sur nos chantiers, c'est plus difficile. Sur une machine qui ne produit plus, on peut s'en apercevoir assez rapidement. Tandis qu'un gars qui est caché derrière une porte quelque part, c'est plus difficile.

M. Cournoyer: En fait, parce que vous pouvez mieux gérer votre affaire, vous avez moins de problèmes avec les délégués de chantier?

M. Fournier: Non, je ne suis pas prêt à dire cela parce qu'avec le local 791, pour ne pas le nommer, on a quand même eu des problèmes. Je ne veux pas dire qu'on n'a jamais eu de problèmes; on en a eu des problèmes.

M. Cournoyer: Maintenant, vous en avez moins?

M. Fournier: Non, je ne dirais pas qu'on en a moins ou qu'on en a plus. De façon générale, si vous prenez nos chantiers en province, cela va assez bien. Il y a évidemment certains chantiers où on a des problèmes.

On a eu des arrêts de travail, ici à Québec, sur l'autoroute Dufferin-Montmorency. On a eu certains problèmes. On en a encore à Montréal. On en a, entre autres, à Mirabel où, par exemple, un plombier arrive et nous dit: Les tuyaux, ce ne sont pas des journaliers qui font cela, c'est un plombier qui fait cela. Sauf que le plombier, lui, on est obligé de l'engager, l'asseoir sur le bord du trou et ce sont les journaliers qui vont continuer. Dans un cas, ils sont même allés plus loin, ils ont dit: L'opérateur de la "crane" qui descend les tuyaux, c'est un plombier, parce qu'indirectement il touche aux tuyaux. Il est évident qu'on a des problèmes.

Une Voix: Ce n'est pas vrai.

M. Cournoyer: Ceux qui rient et pensent que ce n'est pas vrai, je garantis que ce qu'il dit est vrai. Ce sont des gars du 144 qui parlent? Je ne sais pas qui est-ce, mais c'est vrai. Je l'ai entendu, puis je l'ai vu. Je me le suis fait affirmer par un de vos représentants; c'était à lui le tuyau; tout le tuyau, c'est à lui, le tuyau de grès, le tuyau de béton puis n'importe quelle sorte de tuyau.

M. Fournier: Oui, oui, tous les tuyaux.

M. Cournoyer: Y toucher avec des gants ou pas de gants, c'est pareil. Il y a une grève à la General Motors, juste pour décharger le tuyau; les journaliers n'ont pas été capables d'y toucher. Il faut que les plombiers le déchargent.

On est rendu que ça va prendre une permission, comme j'ai déjà entendu dire, ça va prendre une permission et être membre de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, pour coucher avec une femme.

Le Président (M. Séguin): As-tu terminé, Jean? M. Cournoyer: J'en ai assez!

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. Fournier, le groupe des monteurs de lignes, actuellement, qui sont en grève, les gens que certains de vos membres emploient, je présume, est-ce qu'à votre connaissance, le problème de l'indexation est un problème dans cette grève?

M. Fournier: Evidemment, la réclamation syndicale, c'est l'indexation. On doit dire que les monteurs de lignes ont reçu exactement la même augmentation que les travailleurs de la construction générale, en 1973, plus $0.33.

M. Burns: Ce qui fait quoi au total?

M. Fournier: L'idée, lors de la négociation de 1973, c'était de maintenir le taux du monteur de lignes à peu près semblable à celui de l'électricien. C'est pour cela qu'à un moment donné, il y a eu un rajustement de $0.33, ce qui fait des augmentations supérieures à toutes celles qui ont été consenties aux autres travailleurs de la construction, si on prend le taux de Montréal. Il faut ajouter que les monteurs de lignes ont un taux provincial, c'est-à-dire qu'il est identique dans toutes les régions, parce qu'ils se promènent d'une région à l'autre. Si on regarde, par exemple, l'augmentation de Montréal qui a été de 14%, alors, eux autres, c'est 14% plus $0.33, ce qui veut dire à peu près 20%.

M. Burns: En général, est-ce exact — j'ai des chiffres, moi — que, dans les trois dernières années, ils ont eu une augmentation de $1.56 l'heure?

M. Fournier: II faudrait que je vérifie.

M. Cournoyer: Ce serait le salaire moyen. L'augmentation moyenne de salaire était prévue à $1.56 pour la durée du présent décret.

M. Fournier: Je n'ai pas le chiffre exact. Cela a été l'augmentation générale qui se situait à $1.51, je pense, plus $0.33. Alors cela fait $1.81.

M. Burns: Est-ce que vous diriez qu'actuellement, dans leur arrêt de travail, c'est une des principales réclamations qui justifie le phénomène de l'indexation?

M. Fournier: Bien, j'ai entendu parler, j'ai lu dans les journaux que c'était relié aussi à la carte de compétence pour les monteurs de lignes. Je dois dire que, sur la carte de compétence, on a déjà eu des rencontres. Il n'y a pas de blocage à ce niveau. C'est-à-dire que les entrepreneurs sont quand même conscients que c'est une main-d'oeuvre plus qualifiée que le journalier. C'est tout simplement de continuer les rencontres pour essayer de trouver un moyen terme, si c'est possible d'en trouver un.

Mais je pense que cela a été associé, je ne connais pas exactement la teneur, à la question d'indexation. C'est qu'ils voulaient la reconnaissance du métier avec ça. Mais, de ce côté, il n'y a aucun blocage de notre part.

M. Burns: C'est-à-dire que votre corporation... M. Fournier: On a eu des rencontres.

M. Burns: ...ne s'oppose pas au phénomène du certificat de compétence?

M. Fournier: Ce n'est pas qu'on ne s'oppose pas, mais on veut tenter de trouver un système qui pourra favoriser et le travailleur et l'entrepreneur, non pas, par exemple, s'embarquer comme on l'a été un peu, à un moment donné, dans l'équipement lourd. Parce que, dans l'équipement lourd, ce qui est arrivé, c'est qu'on a regroupé, dans les opérateurs d'équipement lourd, l'opérateur de tracteur, l'opérateur de niveleuse, l'opérateur de paveuse d'asphalte, de profileuse, etc. C'étaient quand même des métiers qui n'avaient aucun point commun, sauf que c'était une machine.

A un moment donné, on s'est aperçu qu'aux examens tout le monde bloquait parce que si c'était un opérateur de tracteur, par exemple; il bloquait à cause de l'opération du rouleau d'asphalte ou du paveur d'asphalte. Si c'était un gars d'asphalte, il bloquait parce qu'il y avait des questions sur le tracteur.

M. Burns: Oui, mais vous n'avez pas... M. Fournier: Alors, on a été obligé...

M. Burns: ...les mêmes problèmes pour les monteurs de lignes.

M. Fournier: ...de rediviser...

M. Burns: Un monteur de lignes, j'imagine, c'est un monteur de lignes. Ce n'est pas...

M. Foumier: Oui. Il y a deux choses... M. Burns: A moins que... M. Foumier: ...qu'il faut distinguer... M. Burns: ...je comprenne mal.

M. Fournier: ...assurément. Il y a le monteur de transport, c'est-à-dire la construction de lignes de transport d'énergie et le monteur de distribution d'énergie électrique. Parce qu'il y en a un qui travaille sur le mort et l'autre travaille sur le vif, si on peut appeler cela comme ça.

M. Burns: Oui, d'accord.

M. Foumier: C'est que celui qui travaille à la construction, comme on dit couramment, n'a pas de jus tandis que l'autre travaille sur le jus. Alors, il est évident que, sur la distribution, il faut que le gars connaisse un tas de méthodes pour ne pas s'électrocuter.

M. Burns: Mais est-ce qu'il y a des discussions qui se tiennent actuellement avec le groupe des monteurs de lignes?

M. Foumier: Nous avons eu des discussions, je pense, fin novembre. Ici, durant les dernières auditions, j'ai eu l'occasion de rencontrer mes représentants de ce côté. On ne s'est pas entendu, mais on a ajourné au début de février parce que nous, à l'association, nous avons quand même un congrès à la fin janvier, etc. Il y a certaines obligations qui nous empêchent pour le moment, mais, en février, c'est prévu que peut-être on se rencontrera sur cette question.

M. Burns: Est-ce que je me tromperais en pensant que vous attendez pour voir ce que le ministre va faire avec son décret avant de...

M. Foumier: Oh! Absolument pas. M. Burns: ...faire quoi que ce soit?

M. Fournier: Sans ça, on aurait refusé de les rencontrer en décembre ou à la fin de novembre.

M. Cournoyer: Pourquoi? M. Foumier: Mais non! M. Burns: Non, mais la loi...

M. Foumier: On me demande si j'attends votre décision.

M. Burns: ...201, M. Fournier, a été adoptée seulement le 24 décembre. Alors, si vous les...

M. Foumier: Oui, mais...

M. Burns: ...avez rencontrés... M. Fournier: Non, mais...

M. Burns: ...en novembre, ce n'était pas quelque chose qui vous engageait beaucoup.

M. Fournier: Non, la loi 201, à mon avis, n'a absolument aucun rapport avec la carte de qualification parce que la carte de qualification dépend du bill 49, Loi sur la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, elle ne relève pas du tout de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Alors, à mon avis, cela n'a aucun rapport. Cela n'a pas empêché...

M. Burns: Mais malgré ça...

M. Fournier: ...de se dire: Je veux $0.50 et moi je dis que tu ne l'auras pas.

M. Burns: Malgré cela, vous dites que vous ne prévoyez pas de rencontre avec eux avant le mois de février. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Fournier: Sur la carte de compétence; je pense qu'il faut quand même comprendre qu'on organise un congrès pour la fin de janvier. Cela demande de la préparation pour les assemblées, les ateliers de travail, etc. Justement, les entrepreneurs de lignes vont se rencontrer à ce moment, cela sera un des sujets à discuter. A partir de février, on sera en mesure de continuer les discussions avec les montants donnés.

M. Burns: D'ici ce temps, vous n'en prévoyez pas?

M. Fournier: Malheureusement, nous sommes le 15, notre congrès est dans une semaine et demie. C'est difficilement possible dans le temps.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je n'ai pas de question à poser, parce que nous avons, devant nous, je pense bien, des gens bien patients, comme tous ceux qui ont présenté des mémoires et tous ceux qui sont ici. On a tous hâte d'entendre la voix du ministre pour nous dire quelles sont les décisions que le gouvernement prendra.

Je veux seulement souligner un point à votre attention, parce que cela sera consigné au journal des Débats. Vous avez dit, à la fin: Messieurs les membres de la commission, suite aux décisions que vous prendrez. On ne prend pas de décisions, nous, les membres de la commission. Je veux tout simplement le souligner à votre attention. Je vous dis cela tout bonnement. Ce ne sont pas les membres de la commission qui vont prendre les décisions. Je pense que les décisions sont déjà prises.

M. Fournier: Je vous remercie du renseignement.

M. Roy: On discute ici tout simplement pour attendre un peu les réponses du ministre. D'ailleurs, il y a quelqu'un qui a souligné tout à l'heure que les décisions étaient prises.

M. Burns: Ce que le député de Beauce-Sud demande, M. le ministre, à ce stade-ci, maintenant que... A moins qu'il y ait quelqu'un qui ait d'autres questions...

Le Président (M. Séguin): II y en a un autre, c'est pour cela que je vous interromps. Le député d'Iberville.

M. Tremblay: Seulement une remarque, M. le Président. M. Fournier, vous avez peut-être oublié de spécifier que le minimum de 50 heures en vigueur chez vos membres, c'est pour compenser les trois mois ou trois mois et demi de travail où vous avez des mises à pied, à toutes fins utiles. 40 semaines à 50 heures ou 50 semaines à 40 heures, cela fait 2,000 heures quand même.

M. Fournier: En fait, ce n'est pas pour compenser les mises à pied. Par exemple, un travail d'asphalte, vous ne pouvez le faire que l'été.

M. Tremblay: Même à cela, cela vous donne une comparaison avec les autres travailleurs de la construction, qui font, en moyenne, 2,000 heures par année.

M. Fournier: Certainement, quant aux... M. Tremblay: C'est sur ce que je...

M. Fournier: ...heures de nos opérateurs. Prenez, par exemple, les chiffres moyens qui nous ont été fournis par la CSD pour l'opérateur de machinerie lourde, l'opérateur de pelle, l'opérateur de grue et le mécanicien de machinerie lourde. Sans me tromper, c'est pratiquement supérieur à tous les salaires moyens dans la construction, sauf peut-être les plombiers ou électriciens, mais c'est certainement supérieur...

M. Tremblay: Mais le fait de demander aux gens, qu'ils ont accepté d'ailleurs dans leur convention collective, de travailler un minimum de 50 heures par semaine, c'est en prévision, justement, des intempéries, des accidents de la nature et de telles choses.

M. Fournier: Oui, parce que la période...

M. Tremblay: II y a trois mois d'hiver finalement où il y a des mises à pied qui se font dans les compagnies de pavage. On le sait.

M. Fournier: Oui. La production est très courte, évidemment.

M. Tremblay: D'accord! Ce n'est que là-dessus que je voulais...

M. Fournier: Comme j'ajoutais tantôt, la plupart des compagnies, grâce à l'équipement dont elles se servent pour la construction, peuvent, durant l'hiver, faire des travaux de déneigement. Alors, si on regarde les statistiques qui nous sont fournies par la Commission de l'industrie de la construction, elles ne donnent que la partie de la construction. Le salarié, dans au moins 50% des cas, continue de travailler durant l'hiver, ce qui lui rapporte un revenu additionnel, mais qui n'apparaît pas, nécessairement, dans les statistiques.

M. Tremblay: Ce que je voulais vous faire dire surtout, c'est que cela n'était pas 50 heures par semaine... Ce n'était pas exagéré sur le rendement, parce qu'il y a des profanes qui vont dire: Comment se fait-il que ces gens travaillent 50 heures par semaine et que, dans la construction, c'est une semaine de 40 heures? Est-ce que ce sont des "drivers", etc? Il faut peut-être expliquer aux gens qui vont lire dans les journaux que la semaine de...

M. Fournier: II faut dire qu'auparavant c'étaient 60 heures. Cela a été diminué à 50 heures. Il y avait, évidemment, eu un phénomène de négociations, à un certain moment, où les heures ont été réduites.

M. Tremblay: Je vous aide à protéger votre image. M. Cournoyer: C'est une remarque excellente.

M. Fournier: Dommage que les journalistes ne l'aient pas prise!

M. Burns: Merci bien.

Le Président (M. Séguin): Le député a-t-il terminé ses questions? Oui?

M. Tremblay: Oui.

Le Président (M. Séguin): Vous avez terminé. J'ai interrompu deux membres de la commission tout à l'heure pour donner la parole au député d'Iberville, pour entendre ses questions. Je redonne donc le droit de parole au député de Beauce-Sud...

M. Roy: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): ...et après vous, sans vous répondre, je reviendrai au député de Maisonneuve.

M. Roy: On aimerait savoir...

M. Burns: Je pense qu'après que le député de Beauce-Sud aura posé sa question, je n'aurai pas besoin d'en poser parce que je pense que c'est la même.

M. Roy: La question qu'on veut poser, que je veux poser au ministre est celle-ci: Je veux savoir si la décision est prise et quelle est-elle? Je pense que c'est le but des deux journées de travaux de la commission parlementaire. Tout le monde a été entendu. Les neuf organismes ont présenté leur mémoire. On aimerait bien savoir, parce qu'il circule des rumeurs à l'intérieur de cette enceinte selon lesquelles déjà, depuis un certain temps, les décisions seraient prises.

M. Cournoyer: La décision n'est pas prise et, immédiatement après cette séance, je me rendrai auprès du premier ministre pour discuter avec lui de la décision à prendre.

M. Burns: Vous allez vous rendre auprès du premier ministre. Vous dites cela comme si vous alliez à son chevet.

M. Cournoyer: Comme si c'était le lieutenant-gouverneur.

M. Burns: En vertu de la loi 201, M. le ministre, c'est sur votre recommandation que le lieutenant-gouverneur en conseil peut modifier, abroger, prolonger, toute la bebelle. Mais, pour le bénéfice des membres de la commission, pour le bénéfice encore également de certaines parties représentatives qui sont encore ici — j'en vois quelques-unes — êtes-vous en mesure de nous dire quelle serait, à ce moment-ci, votre recommandation si vous aviez à en faire une?

M. Cournoyer: C'est celle qui sera acceptée par le conseil des ministres, s'il l'accepte, bien entendu.

M. Burns: Non. Je ne vous demande pas ce que le conseil des ministres va faire ou va dire. Je conçois très bien que, si la décision n'est pas prise encore, comme elle ne devrait pas l'être d'ailleurs parce que la loi prétend que vous devez consulter avant que la décision ne soit prise...

M. Cournoyer: Je dois entendre auparavant...

M. Burns: ...Vous devez entendre les parties, ce que nous venons de faire.

M. Cournoyer: C'est cela.

M. Burns: Peu importe ce que fera le conseil des ministres. Je sais bien que vous ne pouvez pas lier le cabinet; mais vous-même, M. le ministre, qui avez la responsabilité de l'application de cette loi, qui avez la responsabilité d'une recommandation au conseil des ministres, êtes-vous en mesure, à ce stade-ci, de nous dire quelle serait votre recommandation si vous aviez à en faire une?

M. Cournoyer: II y a deux façons de lier un conseil des ministres, c'est de lui faire une recommandation publique qu'il n'a plus le pouvoir de rejeter.

M. Burns: II pourrait toujours faire cela, il a déjà outrepassé certains de vos avis.

M. Cournoyer: Cela est arrivé souvent, mais rarement lorsque je les avais faits en public. J'ai toujours fait mes avis réels en public après avoir consulté le conseil des ministres. Dans les circonstances actuelles, ayant entendu toutes les parties, je recommanderai au conseil des ministres la meilleure attitude à prendre, et c'est lui, le conseil des ministres, qui décidera en définitive.

M. Burns: Pouvons-nous quand même avoir une indication sur lé moment où le conseil des ministres rendra publique sa décision?

M. Cournoyer: Quant à la rendre publique, j'espérerais que ce soit ce soir, mais je ne veux pas limiter la discussion du conseil.

M. Burns: Mais on peut s'attendre à ce qu'au plus tard demain on soit en mesure de savoir...

M. Cournoyer: C'est une décision que le gouvernement considère comme urgente dans un sens ou dans un autre. En conséquence, il prendra sa décision aujourd'hui ou demain. Mais la réunion du conseil des ministres devrait commencer dans quelques minutes.

M. Burns: Mais on peut s'attendre à ce qu'une fois la décision prise, elle sera rendu publique, même avant les proclamations requises dans la Gazette officielle du Québec, etc?

M. Cournoyer: Dans ce sens-là, oui.

Maintenant, je ne dis pas que le conseil des ministres n'a pas, cet après-midi, étudié une proposition qui n'a pas été formelle, cependant. Je n'étais pas là, j'étais ici et je n'ai signé aucune recommandation encore au conseil des ministres.

Le Président (M. Séguin): Alors, messieurs... M. Burns: M. le Président, une dernière question.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Roy: M. le Président, avant, nous avons la visite du premier ministre...

M. Burns: Ah! Nous allons avoir la décision. M. Roy: Nous pouvons... Une Voix: II n'a pas le droit de parole. Le Président (M. Séguin): Je regrette. M. Roy: Nous pouvons lui accorder.

Le Président (M. Séguin): Justement, messieurs, une décision a été prise, hier. On a dû refuser la permission à plusieurs députés de parler ou de poser des questions. Or parmi ces députés, il y avait le chef de l'Opposition, le premier ministre et d'autres députés. Alors, je ne reviendrai pas sur cette décision prise, hier, à l'occasion de cette séance de la commission du travail.

M. Burns: Une dernière question, M. le Président, pour le ministre.

Le Président (M. Séguin): Posez la question, mais il ne répondra pas.

M. Burns: II a déjà partiellement répondu à une question à laquelle il ne voulait pas du tout me répondre. Alors je m'essaie sur une deuxième. Dans le cas de United Aircraft, quand va-t-on siéger?

M. Cournoyer: Aussitôt que possible. M. Burns: C'est sérieux?

Le Président (M. Séguin): Je considère que la question est hors du mandat de cette commission.

On me permettra, au nom des membres de la commission et en mon nom personnel, de remercier M. Fournier et les huit autres qui ont voulu présenter des mémoires. J'espère que la décision sur tout cela saura vous plaire. Je vous remercie de votre coopération.

La commission ajourne ses travaux sine die. C'est le terme habituellement employé, mais en réalité, c'est la fin du mandat de cette commission.

(Fin de la séance à 19 h 40)

Document(s) related to the sitting