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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, May 6, 1975 - Vol. 16 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Immigration


Journal des débats

 

Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Etude des crédits du ministère de l'Immigration

Séance du mardi 6 mai 1975

(Dix-sept heures trente)

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'Immigration): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte pour étudier les crédits du ministère de l'Immigration. Les membres de cette commission seront, pour cette séance: MM. Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Charron (Saint-Jacques), Assad (Papineau), Bienvenue (Crémazie), Déziel (Saint-François), Harvey (Charlesbourg), Lachance (Mille-Iles), Lecours (Frontenac), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud), Ver-reault (Shefford) et le rapporteur serait... Est-ce que nous avons un volontaire?

Une Voix: Le député de Papineau.

Le Président (M. Séguin): Le député de Papineau, M. Assad. Je cède la parole au ministre de l'Immigration, Me Jean Bienvenue.

Exposé général du ministre

M. Bienvenue: J'ai des textes pour mes collègues. M. le Président, chers collègues membres de la commission, je désire tout d'abord, avec votre permission, vous présenter ceux qui m'entourent, à côté ou en arrière. M. René Didier, ici à ma droite, est sous-ministre en titre de mon ministère; M. Bonin, qui était assis et qui se lève, est sous-ministre adjoint; M. Marcel Cloutier, derrière moi, est directeur général à la Direction de l'adaptation; M. Benjamin est secrétaire général du ministère de l'Immigration; M. Pelletier est directeur des ressources internes; M. Péloquin, mon chef de cabinet, qui, à cause de ses fonctions, très humble, est nommé en dernier. Quand je dis humble, je ne parle pas des fonctions; je parle de l'individu.

M. le Président, messieurs, une des principales différences entre ces gens que je viens de nommer et celui qui vous parle est la suivante: ils ont, eux, une sécurité d'emploi et je dois, moi, comme tous mes excellents amis, membres de cette commission, faire renouveler mon mandat tous les quatre ans. Quant au reste, nous avons beaucoup en commun. Nous avons la communion de pensées et d'actions et la solidarité dans les décisions. Je me plais à dire, avec toute la sincérité dont je suis capable, que je ne les considère pas comme des hauts fonctionnaires, mais comme mes proches collaborateurs.

Si, pendant ou à la suite de l'étude de ces crédits, compte tenu, évidemment, qu'il est de bonne guerre parlementaire que l'Opposition cri- tique le gouvernement, soit parce qu'il le mérite, soit en pensant un peu à l'électorat, si, dis-je, les membres de cette commission ont des reproches à formuler, je suis prêt à les subir, conscient de mes propres déficiences. Si, au contraire, vous deviez exprimer certains commentaires favorables, c'est à eux, mes proches collaborateurs, que je les refilerai avec infiniment de plaisir parce qu'à mes yeux ils les auront largement mérités, de même, d'ailleurs, que les centaines d'autres membres du ministère de l'Immigration du Québec, qui ne sont pas parmi nous aujourd'hui, mais n'en font pas moins un excellent travail quotidien.

Ainsi donc, dans cette communion de pensées à laquelle je viens de faire allusion, mes proches collaborateurs croient, comme moi, que l'action du ministère, du ministre de l'Immigration du Québec consiste à circuler dans un corridor étroit, qui tend parfois à se rétrécir spontanément et d'une manière prolongée visant presque à la permanence, les limites de ce corridor se trouvant aussi bien à Québec qu'à Ottawa. Dans un autre langage et pour être clair et sans ambiguïté, je dis qu'une partie importante de mes énergies et des énergies de mon équipe est trop souvent consacrée à l'élargissement de ce corridor, pour ainsi presque assurer la survie même de mon ministère.

Quelques exemples récents vécus au cours de la précédente année permettent d'illustrer ce propos. On se rappelle, effectivement, que l'article II7 du projet de loi no 22, Loi sur la langue officielle, retranchait une partie de l'article 3 de ma loi organique et j'ai déclaré publiquement que je l'ignorais puisque je n'avais pas été consulté sur un problème qui, apparemment, n'en était qu'un de concordance de textes, que nous nous sommes d'ailleurs empressés de rétablir par la suite, conformément à l'engagement que j'avais pris.

Un autre exemple, c'est celui de l'automne dernier, alors que les ministres de la Santé et du Bien-Etre ont pris une décision concernant les restrictions appliquées aux médecins étrangers. Mais je l'ai appris, sans doute comme vous, par la voie des [ournaux.

Tout récemment encore, en mars 1975, et comme beaucoup de gens, j'ai appris de la même façon les programmes fédéraux des travailleurs saisonniers antillais et mexicains.

Même si ces exemples et quelques autres sont un peu agaçants, beaucoup parfois, je suis loin de m'en étonner et de m'en scandaliser. Je souhaite honnêtement que vous ayez la même réaction. Je trouve cela même normal.

Cette situation s'explique à la fois par l'histoire et par la nature même du champ de l'immigration.

Tout d'abord par l'histoire. Au Québec, on a ignoré depuis beaucoup trop longtemps l'immigration, comme j'avais l'occasion, encore hier soir, de l'expliquer longuement sur les ondes de Radio-Canada. J'ai relevé, à la page 62 du premier volume du livre vert fédéral, récemment publié, la citation suivante, que je trouve, pour ma part, parfaitement fondée: "Au cours des dernières années, la participation du Québec dans le domaine de

l'immigration a été très active." Vous comprenez, messieurs — je sors de la citation — pourquoi je trouve cette citation bien fondée...

M. Burns: Pour une fois qu'il y a quelqu'un qui vous félicite!

M. Bienvenue: C'est un précédent... M. Burns: Oui.

M. Bienvenue: ... un exemple. M. Burns: Vous pouvez le noter.

M. Bienvenue: Merci. Reprenant la citation: "Du point de vue historique, son taux de natalité élevé était une garantie de sa position démographique, culturelle et linguistique au sein de la confédération. A une certaine époque, cette situation expliquait le manque relatif d'enthousiasme du Québec pour l'immigration. Les avantages de celle-ci ne semblaient profiter qu'à l'élément anglophone du Canada tandis que, compte tenu de la faiblesse de l'élément francophone du mouvement, le Québec avait tendance à considérer que l'immigration était incompatible avec son intégrité culturelle."

Il n'est donc pas étonnant que beaucoup, y compris au sein de la Fonction publique du Québec, aillent jusqu'à ignorer l'existence même du jeune ministère de l'Immigration du Québec. Je m'emploie chaque jour et sans relâche, et toute l'équipe de mon ministère avec moi, à faire connaître notre action et à faire disparaître ces oublis.

En ce qui concerne maintenant la nature même du champ de l'immigration, il est superflu de rappeler qu'il s'agit d'une clientèle particulière — les nouveaux arrivants — dont les problèmes sont ceux de M. Tout-le-Monde: travail, éducation, santé, bien-être, loisir, vie familiale, consommation et que sais-je encore.

La vocation de mon ministère est de rappeler aux autres les besoins de cette clientèle particulière et de satisfaire ceux que personne ne prend en compte.

Ceci étant dit, l'action du ministère que je dirige s'est orientée, au cours de l'année écoulée, vers deux axes principaux: —d'une part, développer et affiner l'outil de travail encore très jeune et qui, comme le rappelais déjà l'an dernier en pareille circonstance et à peu près à pareille date, a été créé en décembre 1968, a démarré à la fin de 1969, m'a été confié en février 1972 et fonctionne normalement depuis le printemps 1973, soit depuis seulement deux années; —d'autre part, développer et mettre en oeuvre des programmes diversifiés, concrets et, dans toute la mesure du possible, irréversibles.

Développer et affiner l'outil de travail. le développement et le perfectionnement de cet outil de plus en plus indispensable de la politique du gouvernement du Québec qu'est son ministère de l'Immigration.

En premier lieu, j'obtenais de cette Assemblée, l'Assemblée nationale du Québec, des pouvoirs accrus via la loi 46. En votant ce projet de loi, le 28 décembre dernier, mes collègues députés donnaient au Québec un véritable instrument pour réaliser une politique cohérente et énergique en matière d'immigration dans le cadre, évidemment, du pacte confédératif actuel, qui prévoit le partage de compétences entre le gouvernement central et les provinces, ce que ne permettait pas le chapitre 68 des lois de la même année, I968, qui prévoyait la création du ministère.

La nouvelle rédaction des articles 2 et 3 étend à la fois la clientèle du ministère, en y ajoutant les résidents temporaires, et les pouvoirs du ministre en le rendant responsable de la planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales en ce qui touche les nouveaux arrivants et leur recrutement, leur sélection, leur établissement et leur intégration à la société québécoise, plus particulièrement à la majorité francophone.

Nonobstant mes remarques du début, déjà les effets de cette nouvelle loi se font sentir tant du côté des autres ministères québécois que du côté d'Ottawa.

Le budget de cette année 1975/76.

En second lieu, les crédits que nous discutons aujourd'hui marquent, je le dis bien respectueusement, une étape importante dans l'histoire de ce ministère.

Sans doute n'atteignent-ils pas encore le niveau que souhaitait l'an passé mon collègue et ami, le député de Maisonneuve, reprenant les chiffres publiés dans le budget de l'an I du Parti québécois, et qui, si ma mémoire est bonne, totalisaient un peu plus de $20 millions.

Au cours du débat sur le projet de loi no 46, je pense avoir réussi à le convaincre que, le Québec étant toujours dans la Fédération canadienne, il aurait été inutilement coûteux et illogique d'installer des agents aux quatre coins des limites territoriales de la province, puisqu'il existe au Canada, comme dans tous les Etats souverains, le principe de la libre circulation des personnes.

J'ai donc demandé et obtenu du Conseil du trésor tous les crédits nécessaires au fonctionnement des programmes actuellement indispensables dans mon champ de compétence.

L'action présente du ministère justifie un budget de $16 millions, dont $5 millions sont directement versés par le gouvernement fédéral sous forme d'allocation hebdomadaire aux étudiants des COFI. Le Conseil du trésor du Québec a donc fourni les $ll millions nécessaires, dont $349,500 ont été virés au ministère des Travaux publics pour la location des COFI dont la gestion directe est maintenant, on le sait, assurée par le ministère que je dirige.

En 1969/70, le budget du ministère était de $2,835,000. Six années plus tard, il est désormais de $ll millions, soit une croissance de près de 400%. Dans la même période, la part des remboursements fédéraux est passée, elle, de 74% à 50%. En d'autres termes, le gouvernement du

Québec assume de plus en plus seul ses responsabilités dans le domaine de l'immigration.

Du côté des effectifs, le nombre des postes autorisés est passé de 147 à 461 au cours de l'année. Cet accroissement de 314 postes est réparti comme suit: 215 pour la prise en gestion directe des COFI, intégration des professeurs et du personnel de soutien; 42 postes additionnels pour les programmes d'établissement et d'intégration; 31 postes additionnels pour les bureaux à l'étranger; 16 pour l'encadrement général des options du ministère, et 10 pour la recherche.

L'organisation.

Dans le même temps, M. le Président, le plan d'organisation administrative supérieure a été réévalué et mon ministère compte désormais sur 26 postes de cadres supérieurs et d'adjoints aux cadres contre II à pareille date l'année dernière.

Pour ses opérations, le ministère dispose donc désormais d'un élément de programme "établissement", qui regroupe une direction des services à l'étranger et une direction du recrutement et de l'établissement; d'un élément de programme "adaptation", qui regroupe une direction de la formation, et une direction de l'adaptation des groupes ethniques.

L'ouverture prochaine de classes de COFI à Hull et à Sherbrooke est une amorce du réseau des bureaux régionaux du ministère dont on parle depuis plusieurs années, s'inscrivant aussi logiquement dans le cadre de la politique de démétropolisation à laquelle nous n'avons pas renoncé, bien au contraire.

Enfin, la jeune direction de la recherche a connu des débuts prometteurs. Trois bulletins statistiques ont été publiés — c'était une première historique dans le cas du Québec — et un quatrième est actuellement sous presse.

Même si certaines statistiques sont loin d'être satisfaisantes dans ce qu'elles signifient pour le Québec, on a désormais entre les mains les outils de travail qui permettent une meilleure connaissance du mouvement migratoire et de la clientèle du ministère. Ce sont là des instruments de politiques et de gestion que nous jugeons indispensables.

Par ailleurs, des études sont en cours et je citerai les plus importantes: La connaissance des groupes ethniques, l'intégration des immigrants par le sport, la rentabilité intellectuelle de l'immigration et l'impact économique de l'immigration au Québec.

Ressources humaines: II n'est cependant plus possible de traiter l'immigration en soi séparément ou isolément. En effet, l'immigration n'est rien d'autre qu'un effort extérieur complémentaire destiné à combler les déficits d'une population, qu'il s'agisse du déficit global — et on parle à ce moment-là de démographie — ou de déficit sectoriel — et je songe à l'emploi et à la main-d'oeuvre. Au Québec, cela peut devenir également, si on le veut, une action volontaire destinée à renforcer la communauté francophone, qui y est largement majoritaire.

Depuis deux ans déjà, je le répète obstinément à mes collègues du cabinet...

M. Burns: J'aime le mot obstinément, M. le ministre.

M. Bienvenue: Mais j'ai eu de l'aide, j'ai eu de l'aide du député de Maisonneuve et je le souligne en passant.

M. Burns: Vous avez encore mon aide.

M. Bienvenue: Merci, je l'accepte bien volontiers. D'ailleurs, le mot obstinément, M. le Président, pour l'information du député de Maisonneuve, n'était pas dans le texte original, je l'ai ajouté ce matin.

M. Burns: Vous aviez bien raison parce que vous êtes très obstiné ou bien absolument courageux...

M. Bienvenue: Bien, arrêtons là.

M. Burns: ... vous avez un courage absolument sans borne.

M. Bienvenue: D'accord. Alors...

M. Burns: Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Bienvenue: C'est le genre d'interruptions qui me plaisent, M. le Président. Alors, je le répète obstinément à mes collègues du cabinet. Dans le cadre de l'allocation interprogrammes ou allocation triennale, j'ai à nouveau livré le même message à la même occasion, poursuivant mon obstination et on va voir bientôt, en tournant la page, qu'elle commence à donner des fruits.

C'est la raison pour laquelle je n'ai pas été surpris que le livre vert fédéral aboutisse aux mêmes conclusions que le Québec et je cite: "Malgré son importance, l'immigration n'est qu'un élément dans l'évolution de la population au Canada. La politique d'immigration doit être envisagée dans le cadre plus vaste d'une politique démographique globale." C'est pour toutes ces raisons que mes hauts fonctionnaires ont rédigé un livre brun sur la problématique des ressources humaines au Québec. Il y a des gens...

M. Roy: ...

M. Bienvenue: Je répondrai au député de Beauce-Sud. Il y a des gens qui se sont même effarouchés, croyant voir une connotation discriminatoire ou raciste. Dans deux instants, le député de Beauce-Sud va voir pourquoi brun ou lieu de blanc; c'est que le blanc s'en vient quelques lignes plus loin. Une raison fondamentale, c'est que la couverture du livre était brune.

M. Roy: Parce que j'ai l'impression qu'on est un peu dans la brume.

M. Bienvenue: Le député de Beauce-Sud est en verve cet après-midi. Reprenons où nous en étions, M. le Président. Alors, terminé à la mi-

décembre, ce document de travail, le livre brun, a servi de base à la discussion d'une soixantaine d'experts réunis en colloque à Montréal les 31 janvier et 1er février derniers. Il va de soi que ces travaux ont reçu l'approbation des plus hautes instances du gouvernement du Québec; c'est pourquoi, le 18 mars dernier, le discours inaugural énonçait ce qui suit: "L'immigration est un problème qui dépasse le strict champ culturel; elle s'inscrit en fait au coeur de la politique démographique d'une société. Une intense recherche débouchera sur la publication d'un livre blanc, sur les ressources humaines. Ce livre blanc servira de base à une large consultation populaire, dans le cadre d'une commission parlementaire de cette Assemblée. Vous serez ainsi appelés à élargir le mandat du ministère de l'Immigration, le situant dans le cadre plus vaste des ressources humaines qui relient étroitement les problèmes de population, de main-d'oeuvre et d'immigration."

Voilà, je l'espère, messieurs, où conduit l'obstination et j'espère qu'elle aboutira. De fait, une solide équipe comprenant des hommes aussi prestigieux que les professeurs Jacques Henripin et Pierre Harvey ainsi que le recteur de l'Université de Sherbrooke, M. Yves Martin, est au travail sous la direction non moins experte de mon sous-ministre adjoint à la recherche et au développement, M. Bernard Bonin, qui se cache derrière ses feuilles pour esquisser un sourire.

Les actions et les programmes.

J'en arrive maintenant, M. le Président, mes chers collègues, au second axe principal de l'action de mon ministère, qui est le développement et la mise en oeuvre de programmes concrets diversifiés et irréversibles.

Sans doute les statistiques récentes sont-elles encore loin d'être satisfaisantes a mes yeux. Cependant, l'année qui vient de s'achever, l'année 1974, a marqué un léger progrès sur l'année précédente. C'est ainsi qu'en 1974, il est arrivé 33,458 immigrants au Québec, soit une augmentation de 24.5% par rapport à 1973 et de 80% par rapport à 1972. Ce nombre représente 15.3% de l'immigration canadienne contre 14.6% l'année précédente.

Haïti, ce fait est ignoré par la grande majorité de la population du Québec, est arrivé au premier rang des pays d'immigration avec 4,853 personnes contre 2,252 en 1973, occupant donc le troisième rang. La France était au quatrième rang avec 2,372 personnes contre 1,951 en 1973, occupant alors le cinquième rang. Ces deux pays francophones représentent 21.6% des nouveaux arrivants, plus de un sur cinq, contre 15.7% en 1973.

Même si le gain est appréciable, je ne puis me satisfaire d'une immigration qui ne correspond pas encore adéquatement aux véritables besoins du Québec. En effet, cette immigration est trop mécanique et pas encore suffisamment francophone ou francophonisable.

C'est pourquoi la politique de mon ministère se fixe deux objectifs prioritaires. D'une part, maîtriser de plus en plus le flux migratoire, sans pour autant oublier les deux contraintes majeures que sont l'article 95 de la constitution et la libre circu- lation des personnes à travers le Canada, à l'intérieur du pays. D'autre part, intégrer les nouveaux arrivants à la communauté francophone québécoise.

La maîtrise du flux de l'immigration au Québec.

En ce qui concerne cette opération, notre action doit se faire au double niveau du gouvernement fédéral et de la province. Du côté d'Ottawa, je voudrais d'abord me féliciter de la prise de position publique et officielle inscrite dans le livre vert, où l'on peut lire ce qui suit: "La politique fédérale ne saurait éviter de tenir compte des répercussions possibles de l'immigration future sur les rapports numériques entre les francophones et les anglophones du Canada." Plus loin: "Les moyens à prendre en vue d'élargir la portée et d'augmenter l'efficacité de la collaboration dans le domaine du recrutement et de la sélection font actuellement l'objet de discussions soutenues entre les autorités fédérales et celles du Québec."

J'ai remis, en mai dernier, à mon homologue, M. And ras, un projet d'entente élargissant très fortement l'actuelle entente Lang-Cloutier, signée en 1971 comme on le sait. Aux termes de ce projet, le Québec aurait accès à toutes les demandes de résidence formulées à l'étranger et les agents fédéraux devraient prendre en considération dans tous les cas l'avis du Québec avant d'émettre un visa. Les hauts fonctionnaires des deux ministères ont discuté de ce projet à plusieurs reprises et, lors de ma dernière rencontre toute récente avec le ministre Andras — je dis toute récente parce que c'était le vendredi, 25 avril dernier — j'ai acquis la certitude que la signature de cette entente n'était plus qu'une question de quelques semaines.

Effectivement, M. le Président, j'ai ici, tout près de moi, à la portée de la main, une copie, un exemplaire de ce projet de protocole d'entente sur lequel le fédéral a apporté, comme il se devait et comme la chose était normale, certaines propositions, contre-propositions ou modifications. Je crois ne pas faire erreur en parlant d'un délai raisonnable, quand même, de quelques semaines parce que ce projet, ce document entraînera du côté québécois, évidemment, possiblement l'analyse et l'étude des contre-propositions et les modifications de dernière heure.

Toutefois, je suis confiant que le délai que je viens d'indiquer sera respecté.

Par ailleurs, au cours de l'année écoulée, nous avons mis en place le processus des missions conjointes de recrutement et de sélection, précédant dans les faits la signature de l'entente dont je viens de parler, et qui les institutionnalisera — je l'ai bien prononcé du premier coup, M. le Président!

Ainsi, en outre des missions déjà réalisées en France depuis plusieurs années, mes fonctionnaires ont participé à sept missions conjointes avec le fédéral, deux en Afrique francophone, une dans les îles de l'océan Indien, deux en Tunisie, une à Malte et une à Athènes, en Grèce.

De plus, les deux ministères ont développé un mécanisme de concertation intelligente, efficace

et quasi permanente, que j'espère, pour ma part, voir déboucher un jour sur la création d'un comité mixte de l'immigration, fonctionnant sur le principe du consensus, comme le comité mixte qui existe déjà dans le domaine de la main-d'oeuvre.

Enfin, mon équipe a préparé un mémoire très étoffé, précisant la position du Québec en réponse au livre vert fédéral. Ce mémoire vient d'être déposé il y a à peine quelques heures au conseil des ministres, et je le remettrai personnellement à M. Andras à la fin de ce mois.

Contrairement au mémoire préparatoire au livre vert de janvier I974, et dont, soit dit en passant, et je le souligne avec beaucoup de fierté, le gouvernement fédéral a largement tenu compte, ce nouveau mémoire sera rendu public dès qu'il aura été remis à celui à qui il est destiné, mon homologue fédéral à Ottawa, et j'espère que, contrairement à l'année dernière, il ne sera pas l'objet de fuites pendant les quelques semaines qui nous séparent de sa remise prochaine.

En ce qui nous concerne tous, au ministère de l'Immigration du Québec, nos principales actions qui sont destinées à maîtriser le flux migratoire, sont les suivantes:

Premièrement, le développement des postes à l'étranger. Au cours de la discussion sur le projet de loi no 46, j'avais déjà indiqué ce qui en était. Je répéterai ici que nous sommes à procéder en cette matière: sept postes à Paris, au lieu de quatre; trois à Rome, au lieu d'un; deux à Beyrouth au lieu d'un; ouverture du poste de Londres, avec l'envoi de trois agents, vous rappelant, messieurs de la commission, que l'immigration britannique est la deuxième en importance, représentant plus de 10% des nouveaux arrivants. Il est donc normal que les immigrants britanniques sachent exactement ce qui les attend au Québec. Ouverture de postes à Port-au-Prince, en Haïti, avec deux agents; à Lisbonne, Portugal, avec trois agents et en Amérique du Sud, un pays sur lequel nous n'avons pas encore arrêté notre choix, avec deux agents également.

Le personnel est soit en cours de recrutement, dans ces cas, soit en stage de formation, soit en instance de départ.

En second lieu, une concertation accrue avec le ministère québécois du Travail et de la Main-d'Oeuvre. C'est ainsi que notre participation s'est développée au sein du comité interministériel sur la main-d'oeuvre et l'emploi, le comité qu'on appelle le CIME, et du comité mixte sur les besoins en main-d'oeuvre.

En troisième lieu, l'action auprès des entrepreneurs. Jusqu'à tout récemment, M. le Président, les entreprises qui avaient une pénurie de main-d'oeuvre s'adressaient exclusivement aux centres de main-d'oeuvre du Canada, et faisaient directement le recrutement à l'étranger, souvent dans des pays non francophones. Au cours de l'année écoulée, une demi-douzaine de grosses entreprises, et non les moindres, ont eu recours aux services de mon ministère pour leurs campagnes de recrutement qui se sont faites prioritairement dans des pays francophones.

En quatrième lieu, les immigrants entrepre- neurs. Le bilan de l'année écoulée met en évidence l'importance grandissante de ce service de mon ministère; créé il y a encore relativement peu de temps, soit en 1972/73, ce service avait traîé un chiffre d'affaires de $6 millions au début. Ce montant est passé à $51 millions pour 1974/75.

Au cours de l'exercice, 239 immigrants entrepreneurs, représentant plus de $22.5 millions, se sont installés au Québec et 153 candidats, représentant $29 millions, ont eu recours à nos services.

Chaque investissement représente en moyenne $125,000 et les investissements réalisés ont créé 455 nouveaux emplois. 72% des cas traités venaient de pays reconnus pour leur attachement à la francophonie. La France à elle seule en a fourni 38%, et $22 millions, contre 7%, et $4 millions, en provenance des pays anglophones.

En cinquième et dernier lieu, je rappellerai mon souci, partagé par mon homologue fédéral, en ce qui concerne les résidents temporaires. Il ne faut plus qu'un drame comme celui des Colombiens se renouvelle. J'ai entrepris à ce sujet des conversations en profondeur avec mon homologue fédéral. Mes proches collaborateurs et mon sous-ministre en particulier ont repris et continué cette conversation.

L'intégration à la communauté francophone. Après la maîtrise du flux migratoire dont je viens de parler, le second objectif reste l'intégration des nouveaux arrivants à la communauté francophone. Le problème prioritaire est évidemment d'assurer que ceux-ci apprennent et parlent le français comme la loi du ministère m'en fait un devoir. L'outil essentiel de cette politique, ce sont les COFI, ou centres d'orientation et de formation des immigrants. Après un long et douloureux conflit dont tous se rappellent, le conseil des ministres m'a donné mandat, il y a bientôt un an, soit le 31 juillet dernier, d'en assurer la gestion directe et exclusive et d'en intégrer le personnel à la fonction publique.

La chose a été réalisée sans bruit et sans heurt, quant à nous du moins, selon un style qui m'est particulièrement cher, et cela contrairement aux déclarations fracassantes, aux attaques quasi quotidiennes qui étaient la règle d'or il y a un an.

Cette intégration n'a pas été une chose simple mais j'ai la prétention de dire qu'elle a été faite harmonieusement et à la satisfaction de tous. Je tiens à rendre publiquement hommage au travail acharné de mes propres fonctionnaires ainsi qu'à l'extrême et précieuse collaboration reçue du Conseil du trésor du Québec, de la Commission de la fonction publique et des ministères concernés, soit ceux de la Fonction publique, des Travaux publics, des Transports et enfin de l'Education.

Mais là ne s'arrête pas notre rôle en matière linguistique. Nous jouons également un rôle de gardien vigilant vis-à-vis des professionnels immigrants, pour qui la connaissance de la langue française est requise. Mon ministère, de ce fait, a signé un protocole d'entente avec l'Office des professions au terme duquel la complémentarité des tâches en ce domaine a été définie et reconnue.

En outre, de nombreuses actions ponctuelles

ont été menées dans ce domaine avec le ministère des Affaires sociales et celui de l'Education.

Dans une perspective complémentaire, l'action auprès des groupes ethniques a été de nouveau renforcée. Une véritable direction vient d'être constituée, regroupant l'ensemble de projets d'intégration. La Saint-Jean-Baptiste de 1974 a été l'occasion d'une semaine de l'amitié québécoise qui a connu un immense succès et a regroupé, pour fraterniser, des milliers et des milliers de Québécois d'origine et de nouveaux Québécois, à Montréal en particulier, au Chalet de la montagne, au Forum, dans des fêtes de quartiers et de rues et l'opération a été un succès.

Les projets Vivre au Québec, connus sous le nom de VIVAQ et les opérations Vacances et loisirs, sous le nom de VAL, réunissent chaque semaine, toute l'année, des centaines et des centaines d'adultes et de jeunes dont 50% sont Québécois d'origine et 50% de nouveaux arrivants pour des activités très diversifiées: carnaval, cabane à sucre, camps de fin de semaine, folklore, art culinaire, petites vacances, sports, loisirs, artisanat et que sais-je encore.

Le résultat de ces activités nouvelles qui se déroulent exclusivement en français est surprenant et bien des préjugés sont en train de disparaître, notamment du côté des Québécois.

Enfin, M. le Président, mon ministère a été au coeur d'une prise de position concertée, cohérente et ferme du gouvernement du Québec face aux projets fédéraux de multiculturalisme.

Voilà, M. le Président et mes chers collègues, un rapide et bref bilan de l'action du ministère que je dirige au cours de l'année qui vient de s'écouler.

Sans doute avons-nous encore beaucoup de chemin à parcourir et mon collègue, le député de Maisonneuve, aura tout à fait raison de me le rappeler et de me stimuler encore davantage. Cela est écrit, voyez que je pensais à lui en préparant mon intervention. Mais l'année, qui vient de passer, a été riche d'actions et prometteuse de moissons à venir.

Depuis plusieurs mois, vous ne m'avez plus entendu me plaindre, comme par le passé, ni parler de microministère ou de minibudget.

J'ai, en effet, la conviction et la certitude que le Québec a enfin pris conscience du problème vital que représente le phénomène migratoire pour son avenir et qu'il a commencé à prendre les moyens pour le maîtriser et l'utiliser à ses fins propres.

La prochaine étape est incontestablement celle des ressources humaines dont on a abondamment parlé depuis quelques mois, projet cohérent et englobant, indispensable et nécessaire si le Québec de l'an 2,000 veut encore être une nation française bien vivante au coeur de l'Amérique du Nord.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le ministre. Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je remercie le mi- nistre de ces précisions, de cette allocution intro-ductive à ses crédits. Cette allocution, a première vue, me paraît optimiste, nous laissant croire qu'un certain nombre de problèmes sont réglés. Mais puisque je dois servir d'aiguillon au ministre et si cela peut l'aider que je le dise, je ne pense pas que tous les problèmes en matière d'immigration sont réglés, loin de là.

Je me réfère d'abord simplement à une déclaration que le ministre faisait l'année dernière, lors de l'étude de ses crédits, encore une fois, plus particulièrement le 9 avril 1974. Et on retrouve cette intervention à la page B-697, et je cite le ministre lorsqu'il nous disait: "Si 1973/74 a été l'année de la réorganisation et de la rationalisation de l'appareil que je viens de décrire, l'année qui vient, 1974/75, sera l'année de la croissance et du développement. Plus concrètement, je me propose d'atteindre les deux objectifs préliminaires suivants — le ministre s'en souviendra sans doute — premièrement, mettre une terme à la réorganisation; deuxièmement, poursuivre les négociations avec Ottawa en vue d'obtenir plus de pouvoirs en matière de sélection et de recrutement et en vue de sortir les COFI du cadre restrictif de la Loi de la formation professionnelle des adultes."

Suivant ce que j'ai entendu le ministre dire, son premier but de l'année passée est encore un but de cette année, c'est-à-dire qu'il est encore en état de réorganisation, même si, je dois l'admettre, il y a eu des pas de franchis.

Son deuxième but, je pense qu'il est encore en train de poursuivre des négociations avec Ottawa. Et, dans le fond, je pourrais résumer l'étude des crédits du ministère à une seule question: Qu'est-ce qui se passe? Où en sommes-nous? Je veux bien — on reviendra à la déclaration intro-ductive du ministre — comprendre qu'il y a une série de choses qui se font, qu'il y a des contacts avec Ottawa. Mais, cependant, je ne peux pas m'empêcher de rappeler que, l'année dernière, en ce qui nous concerne, nous avons fait une tentative de passer le ministère au peigne fin, justement dans le but d'améliorer l'efficacité de ce ministère et je remercie le ministre de l'avoir reconnu dans sa déclaration.

A ce moment-là, je me souviens que, dans une formule un peu synthétisée, nous trouvions que nous étions face à un ministère qui a un budget inadéquat, un personnel insuffisant, en somme, disions-nous, un miniministère.

A la fin de l'étude des crédits de 1974/75, nous avons même, vous vous en rappellerez, refusé de voter l'adoption de ces crédits qui nous étaient présentés, à notre avis, absolument sans tenir compte de ce que nous considérons être l'importance que devrait prendre le ministère de l'Immigration au sein de l'appareil gouvernemental québécois.

Par ce refus de voter l'adoption des crédits, nous voulions souligner notre appui, dans le fond, total à un ministère que nous voulions sérieux, que nous voulons encore très sérieux, un ministère doté, par conséquent, de moyens sérieux et voué à posséder des pouvoirs sérieux.

Cette année, la question de base est la suivante. Encore une fois, malgré les bonnes intentions exprimées dans la déclaration préliminaire du ministre, ce que nous voudrions savoir, après ces années de négociation, après la loi 46, après le livre vert, puis après le livre brun auquel s'est référé le ministre et dans l'attente du livre blanc, c'est où en sont les pouvoirs du Québec en matière d'immigration.

Dans le fond, c'est la seule et unique question qui m'intéresse, je le dis au ministre, cette année. Dans le fond, j'aimerais que le ministre, de façon plus explicite, beaucoup plus directe que ce qui nous est apparu dans sa déclaration de base, nous dise quels sont les nouveaux pouvoirs que le Québec a, depuis l'étude des crédits l'année dernière.

J'aimerais savoir, s'il y a des nouveaux pouvoirs qui existent et qui ne s'appliquent pas encore et quand ils vont s'appliquer, j'aimerais savoir où sont les nouveaux moyens financiers. Sans entrer dans les détails, je n'ai qu'à regarder le projet de prévisions budgétaires du ministère, qui, pour l'année 1975/76 par rapport à 1974/75, passent de $8,108,100 à $10,650,500. Toujours parlant de ces nouveaux moyens, ce que je trouve particulièrement inquiétant, c'est que, d'une part, les employés permanents, eux, pendant cette période, passent de 147 à 461. Si je regarde la ventilation de ces crédits — je ne veux pas entrer, M. le Président, dans les détails; je suis au niveau des remarques générales — je m'aperçois qu'effectivement, au niveau des traitements de l'année 1974/75 à 1975/76, c'est-à-dire cette année, c'est là qu'on va chercher cette augmentation. On passe de $1,796,000 à $5,910,000 pour 1975/76, mais, alors qu'on augmente le personnel permanent à l'emploi du ministère, on semble diminuer les sommes mises à la disposition de ce que l'on appelle les services. Ces sommes passent de $5,691,000 à $3,509,000. J'ai de la difficulté à croire, M. le Président, que, devant une telle situation: augmentation de $2,542,000 du budget global du ministère, on soit en mesure de dire qu'on a à faire face à un ministère qui est en plein développement.

C'est évident que $2 millions d'augmentation par rapport aux $8 millions de l'année passée, c'est une somme énorme, mais deux fois zéro, M. le Président, cela donne toujours zéro. Cela ne m'impressionne pas beaucoup que la proportion d'augmentation soit de près de 25%, quand on sait que le budget partait de $8 millions.

Cela ne m'impressionne pas davantage, quand je vois le personnel qui augmente, personnel déjà existant, personnel des COFI, et que, parallèlement, au niveau des services, on diminue de près de $2 millions la somme qui est affectée à cela. Je vous avoue que cela me permet de me poser un certain nombre de questions. La question de base que je pose rievant ce phénomène c'est: Quels sont les nouveaux pouvoirs, où est-ce qu'on s'en va, quand ces nouveaux pouvoirs vont-ils s'appliquer et quels sont les nouveaux moyens?

C'est le ministre lui-même, l'année passée, qui réclamait — là-dessus je l'appuyais, je pense, sans aucune réserve — environ $15 millions de plus, à l'intérieur de l'assiette financière, pour administrer son ministère.

Je pense même que le ministre nous a laissé entendre qu'il était très confiant de les obtenir. Je réfère le ministre encore une fois à ses déclarations du 9 avril 1974, toujours à l'étude des crédits, lorsqu'il nous disait, je cite à la page 696: "II me faudrait également une quinzaine de millions de dollars supplémentaires. Je vous fais donc part, dès maintenant, de mon intention de demander un budget supplémentaire pour mettre en oeuvre les politiques que j'expliquais à l'Assemblée nationale le 26 mars dernier, etc.

Et le ministre continue avec cette affirmation, dans les jours qui ont suivi, soit le 22 mai 1974: "Le premier ministre a vu d'un très bon oeil une demande que je lui ai faite de crédits supplémentaires." On trouve cette affirmation à la page B/2262, toujours de ses crédits de l'année dernière.

Je suis en droit, M. le Président, de me poser ces questions, malgré encore une fois l'affirmation de bonnes intentions, dont vous savez quel endroit est pavé, qui paraît dans votre déclaration d'introduction. Je voudrais que le ministre nous précise comment il pense qu'il aura la possibilité d'améliorer la situation qu'il nous décrivait l'année dernière, alors que, sur le plan des moyens financiers, je ne vois pas de solution très encourageante.

J'aimerais que le ministre, dans le fond, parce que son ministère se résume actuellement à une question qui se pose en quatre mots, nous dise comment il prétend, avec ce budget, concrètement, informer les immigrants, recruter les immigrants, les sélectionner et les implanter dans la société québécoise. En quoi y a-t-il quelque chose de changé cette année par rapport à l'année dernière?

En ce qui me concerne, je vous avoue que je n'ai pas du tout l'intention d'entrer dans les détails de savoir si M. Untel sera nommé à tel poste et pas nommé à tel autre poste. Je pense que c'est cela, la question fondamentale. Il n'y en a pas d'autre.

J'ai une autre question générale à poser au ministre, par la suite, que je pourrai lui soumettre aussi au même moment. Je ne sais pas s'il préfère me répondre à cette première question et me répondre à l'autre ensuite. Si le ministre est d'accord, c'est relié à cette première question, dans le fond, d'orientation du ministère, autre qu'une déclaration de bonnes intentions; c'est celle qui, à mon avis, viserait à dissiper une confusion constante sur ces fameuses étapes vers l'acquisition de nouveaux pouvoirs pour le Québec en matière d'immigration.

En somme, ce que je lui demande, c'est à la suite de sept différents articles que je vais lui citer les uns après les autres, s'il est possible pour lui de nous dégager un échéancier précis, afin que l'on puisse retrouver dans les étapes qui sont, de façon éparse, évoquées à gauche et à droite, comment on va arriver à véritablement donner les pouvoirs que le ministre, tant par sa loi 46, par son discours de présentation en deuxième lecture de

son projet de loi, que, d'ailleurs, par sa déclaration préliminaire à l'étude des présents crédits... comment on va dégager une espèce d'échéancier.

Alors, c'est relié à ma première question. Je lui cite simplement un certain nombre de faits, lentement, s'il veut en prendre note, qui, à mon avis, créent de la confusion et nous empêchent de pouvoir dégager un échéancier vis-à-vis de cette acquisition de nouveaux pouvoirs pour le Québec.

Le premier. M. Marcel Prud'homme, adjoint parlementaire de M. Robert Andras, le ministre fédéral, a annoncé en février 1975 —j e vous réfère, entre autres, au Devoir du 5 février et à la Presse du 4 février — la signature prochaine d'un protocole Canada-Québec ou une entente qu'on appelle maintenant Bienvenue-Andras, pour remplacer l'entente Cloutier-Lang, premier élément.

En second lieu, la conférence, je dis bien, dite nationale, de consultation sur le livre vert fédéral doit avoir lieu en I975 ou au printemps I976. Autre élément qui jette aussi la confusion dans cette possibilité d'envisager un échéancier, et c'est le troisième, le secrétariat fédéral créé par M. Andras pour procéder à la consultation avec les provinces à un mandat de deux ans, c'est-à-dire qu'il doit, ce secrétariat fédéral, on présume, faire rapport durant cette période de deux ans. C'est une information que nous avons tirée du Jour du 4 février I975, si vous me permettez de citer des oeuvres pornographiques aux yeux des libéraux.

M. Bienvenue: Ce n'est pas encore la nuit, je vous permets de citer le Jour.

M. Burns: D'accord. Quatrième élément, le gouvernement fédéral se propose de tenir au printemps 1975 une conférence fédérale-provinciale sur l'immigration, toujours selon M. Marcel Prud'homme et dans un article qui a paru dans la Presse du 4 février.

M. Bienvenue: Est-ce qu'il ne s'agirait pas du même élément que le deuxième?

M. Burns: C'est dans le même article, sauf...

M. Bienvenue: Non, ma question est la suivante: Est-ce qu'il n'y aurait pas confusion, est-ce que cette conférence ne serait pas la même dont il s'agit...

M. Burns: Voyez-vous, c'est que...

M. Bienvenue: ...dans la deuxième étape qu'a mentionnée le député de Maisonneuve?

M. Burns: Dans le livre vert, on parle de I975 ou au printemps I976, alors que M. Prud'homme nous laisse entendre que ça serait au printemps I975.

M. Bienvenue: Je pense qu'il s'agit du même sujet.

M. Burns: Si c'est le même sujet, peut-être que le ministre pourrait — remarquez que je ne lui demande pas de parler au nom du ministre fédéral ni de son adjoint parlementaire — au moins jeter de la lumière sur ce problème...

M. Bienvenue:... printemps I975...

M. Burns: Mais c'est une conférence fédérale-provinciale sur l'immigration, toujours selon M. Prud'homme, qui aurait lieu au printemps I975.

M. Bienvenue: Qui aurait lieu tout de suite.

M. Burns: Actuellement. Moi, je n'en ai pas entendu parler.

M. Bienvenue: Pour moi, c'est la même chose.

M. Burns: Je signale au ministre que le deuxième élément que j'avais mentionné était une conférence de consultation sur le livre vert, alors que selon M. Prud'homme ce serait une conférence fédérale-provinciale sur l'immigration. Si c'est la même chose, c'est peut-être M. Prud'homme qui devrait préciser ses façons de parler.

Cinquième élément, le 9 avril I974, le ministre lui-même disait à l'étude de ses crédits: "Dans quelques jours, je retourne à Ottawa avec un projet précis d'entente fédérale-provinciale." Vous vous rappelez ça, M. le ministre?

M. Bienvenue: Oui.

M. Burns: Sixième élément, le gouvernement fédéral pense pouvoir procéder...

M. Bienvenue: Juste une seconde.

M. Burns: Certainement. Là je me réfère à une déclaration que le ministre a faite le 9 avril 1974.

M. Bienvenue: ... à Ottawa avec un projet précis?

M. Burns: D'entente fédérale-provinciale. M. Bienvenue: Bien.

M. Burns: Le gouvernement fédéral pense pouvoir procéder à la refonte de sa loi sur l'immigration en I976. Autre élément qui ne peut que contribuer à jeter de la confusion dans l'ensemble du dossier.

Finalement, en septième lieu, la Presse du 28 janvier I975, sous la plume de Rhéal Bercier et de Marcel Desjardins, affirme: "A la suite de ce colloque" — il s'agit d'un colloque qui a eu lieu du 31 janvier au 1er février 1975 sur le document Henripin-Harvey — "M. Bienvenue préparera un livre blanc" — vous l'avez mentionné M. le ministre — "c'est-à-dire un énoncé de politiques sur le sujet".

Dans le fond, ce sont tous des éléments épars

devant une situation où on n'est pas sûr — en tout cas moi personnellement comme député de l'Opposition et comme simple citoyen — du pouvoirde recrutement, du pouvoir de sélection. Je ne suis pas sûr même d'une vague approche de droit de veto que le Québec, aux dires mêmes du ministre l'année dernière, voudrait avoir et sur lequel, évidemment, nous serions entièrement d'accord.

Je ne suis pas sûr que devant cette confusion totale, on n'est pas en train tous ensemble de se faire passer un sapin. Je ne suis pas sûr que, devant un budget si peu amélioré au point de vue des moyens financiers, on n'est pas en train de se faire passer un sapin en matière d'immigration.

Je ne suis pas sûr si le ministre lui-même n'est pas victime du cabinet lorsqu'on lui remet un budget de cette nature avec un personnel accru, avec des services diminués et avec une prétention d'augmenter la pénétration, la présence du ministère québécois de l'Immigration.

Pour chacun des points, de même que pour l'ensemble du problème, je demande au ministre — c'est ce à quoi se résumera mon intervention— s'il est possible de mettre de l'ordre dans tout ça, qu'on nous dise exactement ce à quoi on est en droit de s'attendre — encore une fois, pas nécessairement des bonnes intentions, nous sommes tous capables d'en exprimer — de dégager le contenu réel de cet ensemble de raccordement Ottawa-Québec, Québec-Ottawa et même Québec seul et Ottawa seul, de situer l'importance réelle des changements qu'on est en mesure d'attendre de la situation actuelle, s'il y a véritablement quelque chose qui bouge. J'aimerais également que, de façon concrète — je sais que le ministre a mentionné dans son exposé tout à l'heure qu'il n'avait pas l'intention de déposer le document, qu'il soumettrait bientôt à son homologue fédéral, avant de l'avoir soumis, je le comprends très bien, en temps et lieu, tout au moins, de déposer les documents — il nous donne des réponses sur l'attitude supposément ferme du gouvernement québécois en matière d'immigration.

Et enfin, j'aimerais que le ministre nous fasse une espèce de résumé de l'endroit où le ministère de l'Immigration du Québec en est rendu face à chacune de ces étapes, si ces étapes sont envisagées, si cet échéancier est présent dans l'esprit du ministre.

Le Président (M. Séguin): Au point de vue de la procédure, est-ce que le ministre veut répondre tout de suite?

M. Roy: Un instant, M. le Président, il y a une procédure...

Le Président (M. Séguin): C'est justement ce à quoi je voulais en venir. Est-ce qu'on veut répondre tout de suite aux questions du député de Maisonneuve?

M. Bienvenue: Je voudrais ...

Le Président (M. Séguin): Ou si on va passer pour entendre ce que le député de Beauce a à dire.

M. Roy:... parce que j'ai des questions similaires.

M. Bienvenue: Alors, j'ai noté, et je vais changer de page.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud. Et les réponses viendront présumément en même temps.

M. Bienvenue: Oui.

M. Roy: J'ai écouté le ministre tout à l'heure nous faire part de ses commentaires, au début de la commission parlementaire, relativement à l'étude des crédits de son ministère. Je n'ai pu faire autrement que de me référer à la Loi du ministère de l'Immigration qui, comme on le sait, a été sanctionnée au mois de novembre 1968, pour relire les fonctions précises du ministère de l'Immigration.

De 1968 à I975, il y a une période de sept années. Si on veut voir le rôle qu'a joué effectivement le ministère de l'Immigration depuis sa fondation, il s'agit d'examiner le bilan actuel. Je pense que le bilan est quand même un moyen de connaître la situation réelle. Et si on le compare au bilan de l'année précédente, ça peut nous donner les orientations, les projections, comme il est possible, surtout nécessaire d'en avoir lors de l'étude des crédits, pour être en mesure de déterminer quelle est l'orientation réelle d'un ministère donné.

Pour ce qui a trait au ministère de l'Immigration, je regrette mais j'ai nettement l'impression, quand je regarde tout ça et que j'écoute à nouveau le ministre cette année, que nous avons un ministère de prestige, pour donner du prestige au Québec, un ministère de prestige et d'illusion. Et je m'explique.

Quelles sont les réalisations concrètes de notre ministère de l'Immigration au Québec? On nous a bien donné quelques statistiques, on nous a bien expliqué qu'il y a beaucoup d'intentions. D'ailleurs, si je compare le discours que le ministre vient de nous faire à celui que nous faisait ce matin le ministre des Terres et Forêts aux crédits de ce ministère, je constate, là comme ailleurs, qu'il y a beaucoup d'intentions, très peu de réalisations. Il y a beaucoup d'idées, mais il y a peu d'action.

Et je pense qu'il est assez inquiétant de constater qu'après s'être donné un outil qui aurait pu jouer un rôle véritable, pas seulement de négocier ou aller parlotter à une conférence ou à une autre, mais de dire: Voici nos politiques au Québec, nous avons décidé de faire telle chose et nous avons adopté telle attitude face à telle situation...

Quand je regarde les statistiques que me donnait le ministre tout à l'heure, alors qu'on nous disait qu'il y avait eu 33,458 immigrants au Québec, qu'il y avait une bonne augmentation par rapport à

l'année précédente, qui était de 26,871, en me référant aux statistiques fournies par le ministère, et que je constate qu'à la page 13, tel que le ministre nous l'a signalé tout à l'heure: Haïti est arrivé au premier rang des pays d'immigration avec 4,853 personnes contre 2,252 en 1973, au troisième rang; la France, 2,372 contre 1,951 en 1973, au cinquième rang. Si on additionne les chiffres, cela fait environ 7,200 immigrants sur 33,458. Il faut, également, regarder l'immigration totale au Canada. Je n'ai pas les chiffres de 1974 pour l'immigration canadienne, mais je constate que l'immigration québécoise, par rapport à l'immigration canadienne en 1973, n'a été que de 14.6%.

Si on regarde l'immigration française qui s'est faite chez nous, dans le Québec, il reste que le pourcentage est minime, voire même décourageant.

M. le Président, je pense que, si le Québec a jugé nécessaire, à un moment donné, de se donner une loi du ministère de l'Immigration, c'était pour prendre en main, être en mesure de prendre ses politiques, d'adopter ses politiques, les faire connaître et de batailler, vigoureusement, pour les faire adopter. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Actuellement, je pense que, si on veut être objectif et si on veut regarder la situation dans son ensemble, on pourrait se demander où va le Québec, où va la francophonie tout simplement, non seulement dans l'Amérique du Nord, mais dans la province de Québec. Justement, dans le journal Le Devoir de samedi, le 3 mai 1975, une étude, faite par M. Jacques Henripin, disait que la proportion des francophones baissera à 23% et 95% des francophones vivront au Québec. A ce moment, on s'est basé sur des statistiques, évidemment, de l'année dernière. On a tenu compte du taux de natalité, on a tenu compte, également, du taux de l'immigration.

C'est à condition que la situation ne s'aggrave pas, c'est-à-dire qu'on maintienne, qu'il y ait, autrement dit, le maintien du taux de natalité des francophones au Québec tel qu'il est là et qu'on maintienne, également, la population francophone à l'intérieur des frontières du Québec. Lorsque je parle du maintien de la population francophone à l'intérieur du Québec, je songe, évidemment, aux gens de ma région et de la région du sud du Saint-Laurent, qui émigrent en grand nombre vers les Etats-Unis à chaque année, qui contribuent à accroître le déséquilibre.

Si on regarde, au niveau de l'émigration, le peu de politique que nous avons, seulement que des intentions, je pense qu'on n'est même pas capable de tenir les pourcentages actuels. Ceci veut dire que l'étude de M. Henripin risque d'être beaucoup inférieure, comme résultat en l'an 2000, que les résultats qu'on escompte aujourd'hui.

M. le Président, je dis qu'au niveau du ministère de l'Immigration, d'ailleurs, on devrait changer, radicalement, la philosophie du ministère parce qu'il va falloir aller plus loin qu'au niveau de l'immigration si nous voulons survivre comme peuple. Il va falloir un ensemble de politiques. Il va falloir un droit de regard sur les politiques du mi- nistère des Affaires sociales. Il va falloir avoir un droit de regard dans d'autres domaines, dans le domaine de l'éducation, entre autres, tout ce qui a trait à la qualification professionnelle, au niveau du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Actuellement, on ne peut pas se contenter du miniministère de l'Immigration que nous avons. Il va falloir aller plus loin. Je dis que c'est une question de survie nationale. Je vais jusque là.

J'ai ici des statistiques qui vont nous démontrer jusqu'à quel point — je veux attirer l'attention des membres de la commission là-dessus, ainsi que des collaborateurs du ministre — dans quelle direction nous allons sur le plan démographique en tant que peuple. Regardons les statistiques vis-à-vis des Canadiens français sur les régimes confédératifs, Québec par rapport au Canada.

Le taux de natalité en 1932 par rapport au taux de natalité canadien était de 28.1% au Québec par rapport à 22.5% au niveau du Canada. En 1952 — parce qu'en 1932, c'était le temps de la grande noirceur, la grande crise économique — ce taux était de 30.6% pour le Québec, comparativement à 27.9% pour le Canada. En 1957, le taux avait diminué à 29.8% pour le Québec, comparativement à 28.3% pour le Canada. En 1962, pour la première fois dans notre histoire, le taux de natalité au Québec a été inférieur au taux moyen canadien, il a été de 25.2%, comparativement à 25.3% en 1962 pour la moyenne canadienne. En 1967, le taux était réduit à 17.3% comparativement à l'Ontario 17.8%. Pour la première fois dans notre histoire, le taux de natalité du Québec était inférieure à celui de l'Ontario. En 1972, notre taux de natalité est passé de 17.3% à 14%.

M. le Président, ceci nous amène à examiner d'autres statistiques. S'il y a une diminution de la jeunesse, diminution des naissances, il y a automatiquement un pourcentage de vieillissement de la population. C'est là, je pense, que c'est excessivement sérieux. En 1961, 5.8% de la population dépassait l'âge de 65 ans et plus. En 1988, selon les données actuelles, 14% de la population du Québec dépassera l'âge de 65 ans. Ce qui veut dire que sur le plan économique, on ne pourra pas, en 1988, au Québec accorder les bénéfices sociaux qu'on accorde aujourd'hui aux personnes de 65 ans et plus.

Si ce sont les données que nous pouvons prévoir pour I988, quelles seraient celles que nous pourrions obtenir pour l'an 2000? Je pense qu'il est important qu'on prenne le temps de réfléchir pour voir quelles pressions pourront être faites, exercées sur le gouvernement, sur le coût exorbitant de la population non-productive. A ce moment, c'est nous qui ferons partie de la population non-productive. Ce ne seront pas les autres. C'est nous qui serons là. C'est pourquoi, je dis que nous n'avons plus le temps de nous amuser. Il va falloir passer aux actes. Il va falloir que le gouvernement gouverne. Je pense que la loi du ministère de l'Immigration, on se propose de l'amender cette année, tant mieux. Je le dis à l'intention du ministre aujourd'hui. Que le ministre s'organise pour avoir une loi énergique. Il y a dans ce secteur,

comme dans tous les autres secteurs, là où les juridictions sont partagées entre le fédéral et le provincial, des zones grises. Occupons-les les zones grises. Occupons-les en totalité. N'attendons pas que les autres les occupent. Prenons l'initiative de les occuper.

Québec s'est donné par les différents budgets d'autres ministères un réseau d'ambassades. J'appelle cela des ambassades, c'est en quelque sorte des ambassades en réalité. Les maisons du Québec à l'étranger, il y en a une en Belgique, il y en a deux en France, je pense, il y en a une en Italie. Prenons nos maisons du Québec en France, en Belgique, dans les pays francophones, est-ce qu'elles jouent un rôle vraiment positif? Est-ce qu'elles jouent un rôle utile pour ce qui a trait à l'immigration française chez nous au Québec?

Lorsque l'on constate les centaines de milliers de dollars, pour ne pas dire les millions qui sont dépensés pour tâcher de maintenir ces maisons du Québec à l'étranger, je dis que le ministère de l'Immigration devrait prendre toutes les mesures nécessaires, de façon que ces maisons du Québec jouent un rôle important au niveau de l'information, au niveau des contacts.

Que les personnes qui sont là ne se gênent pas pour faire de la propagande, pour inviter des gens francophones à venir s'établir chez nous.

M. le Président, je pourrais discourir davantage dans tous les autres secteurs, revenir sur des questions qu'a posées le ministre, mais je dis que, actuellement, nous n'avons pas le temps de nous amuser à ce que j'appelle de la dentelle, de la décoration. C'est la raison pour laquelle je ne serai pas plus long dans mon intervention. Je veux dire au ministre, aujourd'hui, que ses responsabilités sont grandes, très grandes. C'est une question de survie nationale. Les statistiques, les faits sont là pour le démontrer, pour le prouver.

Or, si le gouvernement veut agir, au niveau d'une loi de l'immigration, cette année, qu'on vise à élargir le cadre de la Loi de l'immigration, mais qu'on fasse en sorte que le ministère soit beaucoup plus qu'un ministère de l'Immigration et qu'on en vienne, en quelque sorte, à un ministère de la population, de façon que nous puissions avoir, au Québec, nos propres outils, capables de décider ce qui peut et ce qui doit être fait, dans l'intérêt de notre population et dans l'intérêt du Québec.

Le Président (M. Lecours): Le député de Crémazie, le ministre de l'Immigration.

M. Bienvenue: Si on me le permet, M. le Président, pour suivre un ordre qui est peut-être illogique, mais qui, au moins, marche avec ma petite mémoire, je voudrais faire quelques remarques à l'adresse du député de Beauce-Sud et, ensuite, revenir aux questions du député de Maisonneuve.

Je veux remercier sincèrement le député de Beauce-Sud pour ce que je qualifie d'excellentes remarques celles qu'il vient de faire, par lesquelles, je le dis sans détour, il me rejoint et rejoint la préoccupation et l'inquiétude du ministère, au complet, que je dirige. Il a cerné un problème extrêmement grave qui est le problème, dans le fond, de la démographie, le problème de la population, le problème de la main-d'oeuvre, des politiques sociale et familiale, il l'a dit, face au taux qui, peut-être, n'en inquiète pas d'autres, mais, je vous l'avoue, qui inquiète celui qui vous parle, le taux de la natalité, actuellement, au Québec, le Québec qui est un pays vaste — j'emploie le mot "pays" dans son sens non politique — qui est un territoire vaste, où il y a de la matière première. Il y a des possibilités, au niveau agricole, entre autres, que connaît bien le député de Beauce-Sud.

Tout ce problème, dans le fond, explique un peu l'obstination à laquelle a fait allusion, précédemment, le député de Maisonneuve, obstination qu'il m'attribuait, que je m'attribue, lorsque je dis que, depuis trois ans, nous avons fait des démarches, dans les réseaux gouvernementaux, pour faire passer cette idée qui, maintenant, est en voie de passer, celle de l'urgente, de l'impérieuse nécessité d'un ministère des ressources humaines ou de la population. Le problème est beaucoup plus grave que l'emploi des mots, je le concède au député de Beauce-Sud. Il est impérieux qu'après nous être souciés d'un tas de domaines, que je respecte, qui sont ceux de l'agriculture, des légumes, des arbres, des forêts, des mines, l'on commence à s'interroger — cela presse — sur le problème de celui dont tout cela est fonction: l'être humain, au Québec, l'être humain qui, suivant les pronostics et les prévisions, sombres mais réelles du député de Beauce-Sud, risque d'être en nombre toujours décroissant, lors des prochaines années, et, notamment, dans les dernières décennies du siècle actuel.

Il est évident que le livre blanc dont on a parlé et que j'ai confié aux mains les plus expertes qui soient, que je connaisse, du moins, au Québec, ceux que j'ai nommés, qui se voudra un énoncé de politiques qu'entendra suivre le gouvernement du Québec, portera sur tous les problèmes qu'a soulignés le député de Beauce-Sud, non seulement sur les problèmes, mais sur les solutions qu'il faudra envisager pour les régler, à court, moyen et long termes, ce qui n'est pas facile.

Il n'est pas question — d'autres l'ont dit avant moi — de procéder par contraintes, par exigences, d'envahir les foyers, de dicter et de diriger les naissances, mais il est question — c'est la responsabilité de tout gouvernement qui se respecte — cependant de faciliter, de faire tomber les obstacles, qui soient d'ordre économique ou autre, à la natalité normale que devrait connaître une région, un territoire, un pays comme le Québec.

Ce livre blanc sur lequel je compte beaucoup, dont mes hauts fonctionnaires et moi avons vendu l'idée au gouvernement du Québec, me fait dire que, puisqu'il porte sur une des zones grises dont a parlé, avec raison, le député de Beauce-Sud — c'est la démographie, cette zone grise et tout ce qu'elle comporte, tous les problèmes qu'elle sous-tend — avec beaucoup de fierté — cela ne choquera personne — que le Québec, à ce moment-ci, est en avance sur son homo-

loque fédéral dans l'étude du problème et des solutions à envisager.

Le problème est tellement vaste qu'il doit sensibiliser ceux mêmes qu'il affecte, c'est-à-dire la population du Québec, les organismes et les individus qui se soucient, comme le député de Beauce-Sud, et comme aussi, je le sais, même s'il n'en a pas été question, le député de Maisonneuve et les députés de cette Chambre et les députés de cette commission qui siègent à ma droite.

C'est sur cela que le livre blanc doit déboucher. C'est notre voeu le plus cher et cela arrivera sur une commission parlementaire vaste, totalement démocratique, à laquelle seront conviés, pour s'y faire entendre, tous ceux, individus ou organismes, que ce problème aigu intéresse, concerne et, surtout, inquiète afin que, après cette étape de consultations, le gouvernement du Québec puisse présenter pour adoption aux membres de l'Assemblée nationale, un projet de loi qui fera plus encore que ce que dit le député de Beauce-Sud. Il ne sera pas seulement question d'amender la loi actuelle du ministère de l'Immigration, parce que, selon la façon dont nous le voyons, ce ministère devra disparaître, purement et simplement, pour devenir une entité, une partie d'un tout beaucoup plus vaste qui regroupera tous les secteurs qui affectent le problème de l'avenir de la population du Québec. Je le répète, l'Immigration, qui est un, c'est un phénomène, comme on le sait, de complémentarité à la population autochtone, à la population déjà installée au Québec, l'Immigration ne sera plus un ministère, mais une direction générale; la démographie sera un autre élément, un autre secteur important de ce futur ministère des ressources humaines, et il serait illogique, je pense, sans connaître l'avenir, de ne pas considérer comme un secteur tout aussi important, la main-d'oeuvre, qui est en fonction directe de la population. D'autres l'ont fait avant nous. On sait que, au gouvernement central, c'est le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration. Les deux sont intimement liés. On peut penser et songer à ajouter tout cela — le député de Beauce-Sud y a fait allusion à certains secteurs sociaux — aux politiques, à certaines politiques sociales et également familiales.

Tout ce qu'il a dit au sujet de la population active, de la population productive, est rigoureusement vrai. Nous partageons ses vues. Je pense qu'il est enfin temps, si cela n'a pas été fait suffisamment dans le passé, dans ce domaine ou dans d'autres, de prévoir, de planifier plutôt que d'essayer de guérir ou d'éteindre les feux. Le mal sera fait à ce moment. Il va de soi que ce qui vaut dans ce domaine, au niveau économique, vaut évidemment, et pour cause, au niveau social et culturel, au niveau linguistique. Cela, c'est manifeste.

Je suis de ceux qui ont déjà dit qu'il faudrait éviter que nous soyons nous-mêmes suicidaires, il faudrait éviter que nous ayons nous-mêmes décidé froidement de nous faire disparaître collectivement. Il est bon d'imputer la faute à d'autres, à ceux qui nous entourent, on sait comment le Québec est un îlot entouré dans une mer anglophone de centaines de millions, il ne faudrait pas pousser le masochisme jusqu'à provoquer nous-mêmes ou accélérer nous-mêmes notre chute ou notre disparition comme peuple.

M. Roy: II ne faudrait pas être les artisans de notre propre génocide.

M. Bienvenue: Voilà! Je remercie à nouveau le député de Beauce-Sud. Je conclus en disant que ses remarques vont rigoureusement dans le sens de nos préoccupations et aussi — le mot est plus fort, mais fondé sur la vérité, il correspond à la réalité — de nos inquiétudes.

Pour ce qui est du député de Maisonneuve, je voudrais d'abord essayer, même si ce n'est pas l'ordre dans lequel il a posé ses questions, d'éclairer, ou donner un éclairage à certaines questions qu'il a posées avec beaucoup d'à-propos. Je sais que pour quelqu'un qui n'est pas dans le champ immédiat de l'immigration, il y a des choses qui prêtent à confusion, surtout au cours de l'année qui vient de s'écouler, tout en rappelant, au point de départ, que ce n'est pas toujours aussi simple, aussi facile que dans certaines matières qui sont clairement délimitées dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, je pense à l'éducation, je pense à la défense nationale. L'immigration est justement un de ces rares domaines qui font l'objet d'un champ de juridiction partagée et, à cause de cela, il y a déjà danger de confusion au départ, je le conçois. Par ailleurs, l'année financière qui vient de s'écouler et la nouvelle qui est commencée ont vu survenir une suite d'événements qui peuvent facilement porter à confusion pour, je le répète, l'individu qui n'est pas toujours près et vivant dans le problème. Je dis qu'il peut y avoir confusion parce que, si on veut parler de livres, ou ce que les anglophones appellent "papers" il y a eu une série et il y a actuellement une série de livres en circulation ou sur le point de l'être au Canada et au Québec. On a entendu parler du livre vert, on a entendu parler du livre brun, on parle de livres blancs, et je conçois facilement que les gens s'interrogent là-dessus.

D'autre part, j'ai dit, il y a un instant, que le gouvernement du Québec, et j'en étais fier avec raison, était en avance sur le gouvernement central au sujet de la démographie. Or, il arrive que cette préoccupation que nous avions, nous, au Québec, depuis deux ou trois ans, je l'ai dit et je me répète, qui était celle de considérer l'immigration dans un tout beaucoup plus enveloppant, beaucoup plus global, beaucoup plus important, qui est celui de la population en général, l'immigration n'étant qu'une des parties constituantes, il arrive qu'au même moment où nous avancions à pas très rapides ici au Québec, à partir de mon ministère pour sensibiliser le public, ce problème de l'immigration n'étant qu'un élément, il arrive qu'au même moment ou à peu près, mais avec un peu de retard, le gouvernement central a finalement ou enfin vu le problème de la même façon.

Donc, il est question, actuellement, aux deux niveaux, d'enquêtes, d'études, d'analyses, de col-

loques sur le problème de la démographie globale. Il en est question au niveau fédéral et il en est question au niveau provincial. Au Québec, ce n'est pas de nature évidemment à faire souvent comprendre les gens davantage, cela porte, au contraire à un peu plus de confusion.

A ce sujet, je voudrais, peut-être pour clarifier ce qu'a soulevé le député de Maisonneuve, donner les grandes étapes de consultations du gouvernement fédéral sur le livre vert, telles que je les ai comprises, et on essaiera de voir s'il n'y a pas confusion dans les sept éléments ou étapes qu'a soulevés le député de Maisonneuve.

Le livre vert du gouvernement fédéral doit être le document de travail à la base de la consultation nationale en vue d'amener une refonte de la loi fédérale de l'immigration.

Donc, il ne faut pas confondre ici avec le Québec, avec le ministère dont j'ai parlé au député de Beauce-Sud et avec les livres brun, blanc, etc. Le fédéral avait annoncé que, d'ici le 16 mai, un comité parlementaire recevrait les mémoires d'individus ou de groupes venant de partout au Canada. Le ministère que je dirige et moi-même avons été invités à aller faire entendre nos commentaires devant ce comité. J'ai refusé, pour ma part, en indiquant — non pas que j'aie quoi que ce soit contre le procédé ou contre la façon — que, contrairement à certains groupes, organismes ou individus, le gouvernement du Québec était un organisme avec un grand O, assez considérable et assez prestigieux pour faire ses commentaires sur le livre vert en question à un autre niveau, soit auprès du ministre lui-même, qui en est le signataire, M. And ras.

Après avoir — je l'ai dit plus tôt — soumis, en janvier 1974, la position préliminaire, antérieure du Québec sur le livre vert à venir, le Québec s'apprête, d'ici quelques semaines, probablement, je l'ai dit, d'ici à la fin de mai, à faire connaître maintenant sa position officielle, entérinée par l'Exécutif, sur le livre vert tel que publié, lu et analysé par les gens de mon ministère, qui y ont consacré énormément de temps, dans un travail tout à fait positif. Donc, au lieu d'aller, nous, devant ce comité parlementaire fédéral, c'est auprès du ministre que je ferai connaître le mémoire du Québec en réponse au livre vert et je le rendrai public immédiatement. On ne le fait pas, évidemment, sur-le-champ, parce que je veux le soumettre aux membres du Conseil exécutif du Québec et à celui à qui il est destiné avant de le livrer au public. Voilà pour la première étape de ce comité parlementaire qui devait siéger d'ici ou avant le 16 mai.

A la fin de mai — je viens de l'indiquer — j'irai rencontrer mon homologue fédéral pour lui présenter la position du Québec, la lui faire connaître. M. Andras, le ministre fédéral, croit ensuite pouvoir envisager une réforme de la Loi de l'immigration fédérale pour l'automne 1975, l'automne qui vient, mais je pense qu'il serait beaucoup plus réaliste de penser en termes du début de l'année 1976, sans parler pour lui, évidemment. La consultation, ensuite, sur cet autre aspect que sont les objectifs démographiques du Canada — donc, pas en vue de la refonte même de la loi particulière et spécifique de l'immigration, mais sur les objectifs à grands volets, à vastes contextes de la démographie au Canada, étude poursuivie par nos homologues fédéraux parallèlement à nous du Québec, sur le plan québécois — se poursuit actuellement et va se poursuivre de façon que les règlements de l'immigration — non pas la loi, mais les règlements — puissent en tenir compte. Ce sont ces objectifs qui doivent être déterminés dans un délai de deux ans, suivant l'échéancier que s'est donné le fédéral, à partir de la date de dépôt du livre vert.

Donc, là, on se comprend. On n'est plus dans le champ précis de l'immigration, mais de la démographie "at large". Par conséquent, si je reviens à certaines des étapes qu'avait annoncées le député de Maisonneuve et qui semblaient créer chez lui une certaine confusion — et je le comprends, parce que tout cela survenant en même temps, il y a de quoi, je pense, s'interroger et il faut s'éclairer ensemble — il parlait, au début, de cette déclaration de M. Prudhornme sur une entente Canada-Québec à venir. Il s'agit manifestement et clairement de celle dont j'ai parlé dans mes notes préliminaires, dont j'ai dit que j'espérais en voir la signature d'ici à quelques semaines. M. Prudhomme en a parlé, je pense que c'est en janvier ou en février dernier, à la télévision. Cette entente va lier deux ordres de gouvernement seulement; le gouvernement central et le gouvernement du Québec. Il y a eu, évidemment, un retard qui n'est pas néfaste à mes yeux.

Ce document a dû franchir différentes étapes à Ottawa dont notamment celle du conseil des ministres, qui, je le sais maintenant, l'a approuvé il n'y a pas très longtemps. Alors, ce document qu'annonçait M. Prud'homme, que, par gentillesse, il a appelé l'entente Bienvenue-Andras et que par un retour de gentillesse j'appelle Andras-Bienvenue, qui pourra porter tout autre nom, je ne veux pas laisser le mien à l'histoire — devrait, je l'espère, se signer dans les semaines à venir à moins que des complications de dernière heure surviennent au niveau du "state of wording".

Cette entente, puisque, par le biais des choses, ça me ramène un peu à une des questions du député de Maisonneuve, va justement être ce jalon très important, cette étape, ce bond considérable en avant, comme je me plais à l'appeler, qui va — je n'aime pas me servir des mathématiques pour expliquer ma pensée — mais qui pourra représenter un pourcentage combien accru du pourcentage de ce que pouvait donner l'entente précédente Lang-Cloutier en termes de résultats concrets pour le Québec.

C'est dans cette entente que l'on retrouvera bien concrétisés et figés les mots: recrutement, sélection et information, qui sont à la base de la loi 46. C'est dans et par cette entente approuvée par le fédéral que les représentants du Québec à l'étranger pourront participer de façon absolument conjointe, étant parfaitement présents à toutes les candidatures de ceux qui se destinent au Québec. Comme je le disais dans mes remarques préliminaires, l'officier du fédéral, qui a, qu'on le

veuille ou pas, dans l'état actuel des choses, le mot final pour ce qui est de la décision de permettre ou de refuser l'entrée, devra prendre en considération l'opinion, le jugement de la partie québécoise.

Si on relit, pour un instant, l'ancienne entente, que je ne critique pas parce qu'il y avait beaucoup de retard et que c'étaient les débuts, la première entente Lang-Cloutier, dans le cadre de ce que je viens d'indiquer, on verra le progrès incroyable qui aura été fait depuis l'époque en question.

M. Burns: Je l'espère. On n'est pas pour signer des ententes pour avoir pire que l'entente Lang-Cloutier. Je l'espère.

M. Bienvenue: Revenant à cette autre étape qu'indiquait le député de Maisonneuve en parlant de conférence, du printemps I975, fédérale-provinciale sur l'immigration et conférence nationale sur le livre vert et consultation fédérale avec les provinces, j'ai essayé tout à l'heure, mais je n'ai peut-être pas été clair, de faire comprendre qu'il y avait deux domaines différents, qui étaient la consultation sur le livre vert proprement dit — ouverte pas seulement aux gouvernements des provinces mais aux organismes, aux individus — et cette consultation beaucoup plus vaste, échelonnée sur une période de deux ans qui porte sur les problèmes démographiques au Canada.

Il se peut que M. Prud'homme, en parlant d'un sujet, ait confondu avec un autre mais je pense que j'ai donné les grandes étapes. Le député de Maisonneuve, me citant le 9 avril I974, me faisait dire, et avec raison, que j'annonçais, à ce moment-là que je retournerais à Ottawa avec un projet précis d'entente fédérale-provinciale. Cette étape a eu lieu, je suis effectivement retourné, dans les jours qui ont suivi, soit au début de mai I974. Après l'avoir annoncé, j'ai forcé le retour à Ottawa de mon homologue, M. Andras, qui était en pleine campagne électorale, à ce moment-là. Je suis allé lui porter précisément et expliquer ce projet d'entente qui est l'entente And ras-Bienvenue dont on parle, sur laquelle s'est penché le gouvernement fédéral avec des retards évidemment normaux. L'élection fédérale a eu lieu un ou deux mois plus tard, il y a eu beaucoup d'autres consultations, d'échanges, beaucoup d'étapes à franchir dans des différents comités ministériels ou interministériels au fédéral.

C'est ce document que j'ai avec moi, qui n'est pas tout à fait final dans sa forme définitive, mais sur le point de l'être, et c'est de celui-là que j'ai parlé en termes d'espoir de quelques semaines.

Le député de Maisonneuve a parlé aussi de la refonte de la loi fédérale. Effectivement, j'ai confirmé que c'était l'échéancier que cela se fasse à l'automne 1975 ou au début de 1976.

Enfin, il y a l'annonce du livre blanc par celui qui vous parle, il y a quelques mois. Ce livre blanc est en train de s'écrire. C'est en l'écrivant que mes proches collaborateurs et les experts qu'ils se sont adjoints réalisent l'ampleur du problème qu'a soulevé le député de Beauce-Sud, parce qu'il s'était fait des choses dans le passé, mais peu, comme l'a souligné le député de Beauce-Sud. Et c'est tout un défi que nous avons relevé.

C'est à partir de nombreux éléments qui étaient dans le livre brun dont on a parlé antérieurement que s'écrit ce livre blanc qui tient compte de l'opinion des experts qui s'étaient réunis au colloque de la fin de janvier et début de février sur le livre brun.

Le député de Maisonneuve a aussi posé une question relativement au budget, aux sommes, aux deniers du ministère, en faisant certains rappels. Il est vrai, il est exact que j'avais déjà parlé d'une demande, auprès de mon premier ministre, de $15 millions supplémentaires. Le député de Maisonneuve...

M. Burns: II voyait cela d'un bon oeil, me disiez-vous.

M. Bienvenue: Le député de Maisonneuve, s'il a de la mémoire visuelle, se rappellera qu'à chaque fois que j'ai parlé de ces demandes de budget, tant au premier ministre qu'au ministre des Finances, j'y mettais un certain sourire et j'employais la méthode dite de hold-up...

M. Burns: C'est ce qui est grave, M. le ministre.

M. Bienvenue: ...mais on verra les résultats que cela a donnés dans un autre temps. J'y mettais un certain sourire que je viens d'assimiler à la méthode dite du hold-up. J'ai employé à quelques reprises — je ne m'en cache pas — un truc que connaît bien mon collègue et confrère, le député de Maisonneuve, qui est avocat, et qu'emploient certains vendeurs ou acheteurs; le truc qui consiste souvent à souffler un peu les montants pour s'assurer d'avoir ceux qu'on veut réellement

Effectivement, j'ai dit tout à l'heure que...

M. Burns: Voulez-vous nous dire que vous demandiez $15 millions pour avoir $10 millions?

M. Bienvenue: C'est-à-dire que non; je parlais de $15 millions pour être sûr d'avoir au moins le nombre que je voulais. J'ai dit tout à l'heure que le montant que nous avions demandé et obtenu du Conseil du trésor correspondait à nos besoins et les satisfaisait. Il faut se rappeler — et c'est pour entrer dans le détail des questions du député de Maisonneuve — à l'occasion de nos crédits actuels, qui sont ceux de 1975/76, que les montants attribués à la catégorie Services sont de l'ordre de $3,509,100, contre, comme le disait le député de Maisonneuve, $5,691,000 pour 1974/75. Cette différence de $2,200,000 provient de ce que ces sommes ont été virées d'abord au poste des salaires, ensuite au poste de l'équipement. Les salaires sont passés de $1,796,600 à $5,910,200, soit une augmentation de $3,110,000.

M. Burns: ...$5 milliards, ce serait vraiment un point de départ de négociations.

M. Bienvenue: L'étude de mes crédits serait déjà terminée. Si on retire, pour les fins du calcul, les $2,100,000 auxquels fait allusion le député de Maisonneuve, dont il a parlé et dont je viens de parler, qui sont destinés, évidemment, aux professeurs et au personnel des COFI que le ministère a maintenant pris sous sa charge, on aura constaté que l'augmentation des salaires est de plus de $1 million et porte sur 100 postes supplémentaires annoncés dans mon introduction.

Je disais, tout à l'heure, 42 postes additionnels pour les programmes d'établissement et d'intégration, 31 postes additionnels pour les bureaux à l'étranger, 16 postes additionnels pour l'encadrement général des actions du ministère et 10 pour la recherche.

Alors les crédits supplémentaires en 1974/75, que le député de Maisonneuve disait que j'avais demandés l'an dernier, à l'étude de mes crédits, nous les avions. Je m'excuse, quand je dis trop souvent je, je voudrais qu'on lise cela comme des nous. Nous les avions obtenus effectivement. Et à la suite des crédits votés en 1974/75, soit $7,976,000 à la fin de l'année, le budget, par ces crédits supplémentaires, a été porté à $8,108,000. C'était là le montant des crédits supplémentaires, $132,000 répartis comme suit: $32,000 pour l'indexation pour compenser l'inflation, $100,000 de crédits supplémentaires, réels ceux-là, pour couvrir les dix postes supplémentaires que nous avions anticipés pour nos postes à l'étranger.

Alors, on retiendra, M. le Président, que nos crédits, qui totalisaient l'année dernière, au moment de l'adoption des crédits, $7,976,000, ont définitivement été portés à la somme que j'indiquais précédemment, soit $11 millions. Je dis au député de Maisonneuve, qui parlait des $10 millions et quelque, $10,650,000 je crois, qu'effectivement c'était bien $11 millions, mais $350,000 ont été virés aux fonds des travaux publics, pour ce que nous avons obtenus d'eux au chapitre des COFI.

M. Burns: Avant que vous changiez de sujet, M. le ministre, avant que vous quittiez le sujet des piastres et des cents, dans les années précédentes, le budget du ministère faisait état de la partie remboursement. Je ne sais pas si cela s'appelait remboursement ou ristourne, je ne sais pas trop quoi,...

M. Bienvenue: Du fédéral, $5 millions à peu près.

M. Burns: Du fédéral. Cette année, cela ne paraît pas dans vos crédits. Est-ce qu'il y a moyen que vous nous donniez de plus amples informations à ce sujet? Quelle est la proportion en somme, sujette...?

M. Bienvenue: Je donne le chiffre pour cette année, tout de suite pour le député de Maisonneuve, $5,325,700 contre, l'an dernier, $5,125,900.

M. Burns: Qui est actuellement intégré tout simplement aux $10 millions?.

M. Bienvenue: Le concept de brut et de net, comme le sait le député de Maisonneuve, a disparu cette année, alors cela ne représente cette année, que 50% contre l'année dernière 64%. Cette partie, cette contribution du fédéral. Alors...

M. Burns: Vous savez qu'il y a bien des municipalités au Québec, des petites municipalités, qui ont un budget plus élevé que la contribution provinciale en matière d'immigration. C'est fantastique!

M. Bienvenue: C'est vrai, mon sous-ministre me dit, je fais mien ses propos pour en rester le parrain pour les fins du journal des Débats, que 30,000 immigrants commençaient à constituer une petite municipalité. Mais je suis fier, comme je le disais tout à l'heure, je suis fier de l'apport quand même, on a parlé en termes de millions tout à l'heure, des immigrants investisseurs, de l'apport de l'ordre de quelque $50 millions cette année. Je pense que c'est bénéfique.

Le député de Maisonneuve avait posé une question générale au début, qui était à peu près la suivante—je reprends ses mots—Qu'est-ce qui s'est passé ou qu'est-ce qui se passe cette année au ministère de l'Immigration?

M. Burns: Vos nouveaux pouvoirs.

M. Bienvenue: Juste au chapitre de ce qui se passe, je veux rappeler brièvement, comme je l'avais fait précédemment pour la loi 46, la prise en charge des COFI, les effectifs qui ont, à toutes fins pratiques, triplé, le budget qui a été augmenté de 33% ou 34%, et les missions conjointes. Cela m'amène à la question du député de Maisonneuve: Quelles sont les nouvelles réalisations ou les nouveaux pouvoirs auprès du fédéral? J'ai parlé des missions conjointes qui étaient une chose impensable et inexistante il y a un peu plus d'un an.

Ces missions conjointes, le Québec y est invité maintenant, chaque fois qu'elles ont lieu, mais il n'y participe pas toujours, parce qu'il est de ces missions dans le coin du globe où le Québec n'est pas particulièrement intéressé au point de vue immigration.

Et il y a surtout comme pouvoir — pas juridique, parce que tout ce que l'on se dit depuis le début est conditionné par cette fameuse entente dont on a beaucoup parlé et que j'attends d'ici quelques semaines — ce pouvoir de recrutement, de sélection et de participation à la décision. Comme je pense l'avoir déjà dit au député de Maisonneuve, mais il est bon de le rappeler, ce pouvoir se pratique dans les faits dans nos postes à l'étranger, et cela depuis un bon moment, au moins depuis un an, au cours de l'année dont a parlé le député de Maisonneuve, avec des résultats combien encourageants. En effet, les représentants du QuéDec en poste à l'étranger me rapportent que, dans peut-être 99% des candidatures étudiées conjointement, la décision finale du fédéral d'émettre ou de refuser le mandat a reçu l'ap-

probation ou fait l'objet du consensus de la partie québécoise.

Or, dans les faits, ce pouvoir s'exerce, mais il n'est pas encore institutionnalisé, pas encore inscrit, pas encore juridique, parce que cette entente n'a pas été signée. Evidemment, si nous avions pu avoir l'étude de nos crédits — mais je ne l'ai pas voulu comme tel; je l'aurais bien souhaité comme tel — dans un mois ou un mois et demi, nous aurions pu mettre sur la table de cette commission cette entente signée avec tout ce qu'elle comporte. Nous aurions eu également les commentaires du Québec sur le livre vert, dans lesquels, je pense, le député de Maisonneuve retrouvera, d'ici trois semaines peut-être, des choses, des recommandations, des demandes, des affirmations de principe qui iront avec plusieurs des idées que je lui connais. Nous avons tenté ou nous tenterons de faire valoir auprès des autorités fédérales nos points de vue qui démontrent bien que le Québec est différent des autres provinces et qu'il est bon, d'ailleurs, qu'il en soit ainsi.

Tout au long de nos commentaires sur le livre vert, nous avons voulu, quand même, être positifs à l'endroit du problème de l'immigration fédérale, qui nous concerne quand même dans l'état actuel de la constitution. Nous avons voulu faire une contribution qui soit la plus positive possible quant à l'ensemble du pays, mais tout en rappelant des prérequis, des positions qui nous sont bien propres et auxquelles nous tenons à tout prix.

Outre les pouvoirs juridiques sur le point de se donner, je n'y peux rien, M. le Président, je le regrette. Je répète que j'aurais souhaité, mais c'est impossible, que ces crédits puissent s'étudier ou se voter dans un mois. Il y a de nouveaux processus, extrêmement intéressants, qui se sont établis entre le pouvoir central et nous par de la consultation a base de beaucoup de bonne volonté et sans éclat, mais qui donnent des résultats combien encourageants.

On me rappelle ici, notamment... Cela aussi, ce sont des premières sur lesquelles on n'a peut-être pas fait assez de publicité. Je sens que ce n'est pas le bon temps, par les jours qui courent, de penser obtenir de la publicité. Il y a un rapport, émanant d'une commission, qui va faire couler plus d'encre que nos crédits dans les journaux.

M. Burns: On a entendu parler de cela.

M. Bienvenue: Je donne l'exemple de 66 entreprises québécoises qui sont passées par notre ministère pour recruter 894, soit près de 900 personnes francophones utiles à l'économie, à l'activité même de ces entreprises. Autrefois, elles passaient par les centres de main-d'oeuvre du Canada. Evidemment, le centre de main-d'oeuvre du Canada s'adressait où il voulait, à ceux qu'il voulait, aux pays qu'il voulait. Maintenant, ces entreprises, le mot s'est répandu, la chose est connue, s'adressent directement à nous qui, par le truchement de nos fonctionnaires en place à Montréal, mais surtout de nos fonctionnaires en poste à l'étranger, acheminons les demandes dans les bassins qui correspondent à nos besoins et à nos aspirations sur le plan socio-culturel. Ce service va en s'amplifiant. Cela me fait un peu penser au service des immigrants investisseurs dont j'ai parlé; cela a fait boule de neige.

Ce ne sont pas, si l'on veut, des pouvoirs écrits, mais dans les faits, on a une collaboration totale des autorités centrales. Je ne vois rien qui répugne à ce qu'un jour, comme document ou comme annexe — et c'est pensable — à l'entente And ras-Bienvenue dont j'ai parlé, des documents, des ententes de ce genre s'ajoutent, qui donnent de plus en plus, dans les faits, un pouvoir de participation au ministère de l'Immigration du Québec. Quand je dis que cela est fait cordialement et avec une intelligente collaboration, c'est que les gens en place là-bas ont réalisé que ce qui était bon, à ce moment, pour le Québec, ce qui était bon sur le plan économique, notamment, était aussi bon pour le pays.

Ces gens, lorsqu'ils viennent ici, paient des impôts aux deux endroits et, bien souvent, nos tâches à l'étranger permettent de diminuer les tâches, les fonctions qui incombent aux représentants du fédéral, et les deux le font.

J'ai vu de ces coins, M. le Président où le fédéral — et Dieu merci, combien cela a changé — est heureux, fort heureux de voir l'agent d'information, l'agent d'orientation du Québec lui prendre une pile de candidatures à l'immigration. Les décisions à ce moment-là se prennent conjointement avec un consensus assez remarquable.

M. Roy: Le ministre nous a parlé des entreprises, tout à l'heure, qui avaient fait appel aux services du ministère. J'aimerais savoir s'il y a des types particuliers d'entreprises, premièrement, puis deuxièmement, ce sont des entreprises de quelles régions, surtout?

M. Bienvenue: D'accord. Les entreprises en question jusqu'à quel point c'est sacramentel, je ne veux pas trop m'aventurer — demandent évidemment qu'on entroure ces demandes d'un minimum de discrétion. Sans aller jusqu'à faire inscrire les détails dans le journal des Débats, avec grand plaisir, tout à l'heure, dans quelques instants, je pourrai faire voir cela au député de Beauce-Sud dont je connais la discrétion. Mais il me plaît de lui dire que si on regarde cette liste, on la regardera ensemble pour la première fois, je le dis au député de Beauce-Sud, à travers d'autres choses...

M. Roy: Si vous n'étiez pas au courant alors, vous devez apprécier la question, cela vous permet de vous mettre au courant.

M. Bienvenue: Excellent, le député de Beauce-Sud m'aura aidé à en apprendre davantage, mais je dis tout de suite...

M. Roy: J'ai toujours pensé que vous n'étiez pas au courant du tout.

M. Bienvenue: II ne faut pas d'ailleurs; il faut en laisser beaucoup à nos hauts fonctionnaires pour qu'ils en aient toujours à nous apprendre. Je vois rapidement qu'il en est d'une foule d'occupations, de métiers ou d'entreprises dans les domaines les plus divers; je l'ai montré tout à l'heure avec plaisir au député de Beauce-Sud. Egalement, je vois qu'il y en a, à toutes fins pratiques, d'à peu près toutes les régions du Québec qui, on le conçoit, on le devine, après avoir tenté d'obtenir ici de la main-d'oeuvre locale, en s'adressant aux centres de main-d'oeuvre du Canada ou par la voie des journaux, aux centres de main-d'oeuvre du Québec, et ne parvenant pas à trouver eux-mêmes ce qu'ils recherchent, s'adressent à nos services pour que nous leur en procurions à l'étranger.

Cette observation est excellente, et cela m'amène à dire qu'un rôle de gardien vigilant, que commence de plus en plus à effectuer le ministère de l'Immigration du Québec, consiste à s'assurer qu'ici même au Québec nous n'avons pas, quelque part, des gens qui pourraient occuper les fonctions pour lesquelles on nous passe des commandes avant que d'aller voir à l'étranger. C'est de la charité bien ordonnée qui commence par nous-mêmes.

Alors, je montrerai la liste avec plaisir au député de Beauce-Sud et aux autres députés, s'ils veulent la voir. Mais on voit que cela couvre pas mal un champ très vaste d'entreprises, de métiers, d'occupations et également de régions à travers la province.

M. Burns: Est-ce que vous voulez nous en faire parvenir une copie simplement. Une photocopie.

M. Bienvenue: C'est parce que ces gens-là nous demandent souvent d'y attacher une certaines confidentialité. On trouvera une façon de s'accommoder.

M. Burns: Moi en tout cas, M. le ministre, je serais satisfait d'avoir participé à ces crédits, cette année, si j'en sortais avec l'assurance d'un geste concret et je vais vous le proposer, je ne sais pas si vous allez être en mesure de l'accepter.

M. Bienvenue: Allez-y.

M. Burns: On peut continuer à dialoguer pendant des heures ici, on peut continuer à se parler des ententes qui vont se faire avec le fédéral, des négociations qui vont se faire, des problèmes de budget et autres. Mais il restera toujours, dans mon esprit à moi, cette réticence que j'avais manifestée lorsque j'ai voté à deux mains, en faveur du projet de loi no 46, à savoir, si les pouvoirs qu'on donnait au ministère de l'Immigration québécoise, dans le projet de loi no 46, n'étaient pas, en définitive, tout simplement des choses à mettre dans une vitrine, et dans le sens que ce sont des beaux pouvoirs qui paraissent bien dans une loi mais qui sont difficilement utilisables. Il y a des personnes beaucoup plus compétentes que moi qui ont constaté cela.

Entre autres, vous avez vous-même, dans votre exposé au départ, parlé de l'équipe solide et prestigieuse de personnes, telles que Jacques Henripin et Pierre Harvey, également le recteur de l'Université de Sherbrooke, Yves Martin, et, évidemment, votre sous-ministre adjoint à la recherche et au développement, M. Bernard Bonin, qui n'est pas, lui non plus, une personne à négliger au point de vue de sa compétence dans ce domaine. Je serais drôlement intéressé si, véritablement, on sortait de cette commission-ci avec l'assurance qu'il va y avoir une consultation, mais pas comme le discours inaugural que vous rapportez dans votre exposé le laisse entendre. Je reviens à cette partie qui dit... Ce n'est pas que je sois contre, remarquez.

M. Bienvenue: Non, non.

M. Burns: II faut bien s'entendre; je vais faire toutes les distinctions qu'il faut. La partie du discours inaugural que vous citiez dit: "L'immigration est un problème qui dépasse le strict champ culturel; elle s'inscrit, en fait, au coeur de la politique démographique d'une société et une intense recherche débouchera sur la publication d'un livre blanc sur les ressources humaines. Ce livre blanc servira de base à une large consultation populaire dans le cadre d'une commission parlementaire de cette Assemblée, etc."

Si je comprends bien, le livre blanc va se diriger ou va nous diriger vers l'élargissement des cadres de l'actuel ministère de l'Immigration. Or, moi, je ne suis pas convaincu que l'actuel ministère de l'Immigration — et je ne suis pas le seul — a véritablement les pouvoirs et est en mesure de les exercer. Là, je me fie aux experts, MM. Bonin, Henripin, Harvey et autres. Dans une nouvelle qui paraissait dans la Presse du 28 janvier dernier, je prends simplement deux énoncés qui, apparemment, sont d'origine de ce comité de personnes prestigieuses, de cette équipe solide, comme vous le dites. Ces gens disent deux choses qui nous portent vraiment à réfléchir. Ce fameux rapport dit: "II ne fait pas de doute que le Québec ne maîtrise pas son immigration." Cela, c'est un énoncé, je pense, qui est de base; on est obligé de prendre cela et dire: Bien, pourquoi on a un ministère de l'Immigration, quand les experts, les démographes, les gens qui s'y connaissent dans le domaine de l'immigration, qui se sont penchés et qui ont fait une étude sur cela, en arrivent à cet énoncé qui semble, en somme, bien simple, qui se résume en une phrase, mais qui contient tout, lorsqu'ils disent: " II ne fait pas de doute que le Québec ne maîtrise pas son immigration." "Mais — continuent ces gens — il reste vrai que le Québec n'aura pas la maîtrise entière de son immigration dans le cadre de la confédération canadienne; la possibilité de migration interprovinciale sans entrave interdit, d'ailleurs, qu'il puisse en être autrement." Partant de la loi 46, partant de cette opinion, partant des pouvoirs que le minis-

tère a maintenant et de cette lacune constatée, je me demande si, avant de faire une consultation sur un livre blanc — encore une fois, ce n'est pas que je sois contre; je serais d'accord qu'à un moment donné on doive élargir les cadres du ministère de l'Immigration et parler de ressources humaines, etc.: ce n'est pas là le problème — il ne faudrait pas que vous, M. le ministre, convoquiez en commission parlementaire un certain nombre de gens, par exemple, M. Bonin, M. Harvey, M. Henripin ou d'autres personnes que les membres de l'Opposition pourraient vous citer, vous indiquer, pour examiner la possibilité, simplement cela, avant de se lancer plus loin, de rendre le ministère de l'Immigration québécois plus efficace, tant au niveau de l'information, du recrutement, de la sélection, etc., par rapport aux problèmes qui sont constatés justement dans le rapport Harvey-Henripin.

M. Bienvenue: D'accord.

M. Burns: Moi, en tout cas, je serais satisfait, je sortirais de cette commission, en disant: Evidemment, on n'a pas changé grand-chose. Je pense bien qu'on pourrait continuer à parler toute la soirée en se disant: On fait des études, on examine, etc.

J'aimerais quand même que les membres de la commission parlementaire soient en mesure de discuter, d'avoir un échange sérieux avec des experts dans ce domaine, entre autres les personnes que vous avez mentionnées dans votre rapport, que je viens de mentionner et d'autres, possiblement, qui pourraient venir nous éclairer. Je ne parle pas de faire une consultation dans tout le Québec. Je parle de gens triés sur le volet qui pourraient nous dire: Voici, il y a moyen, peut-être, ou il n'y a pas moyen du tout de faire du ministère de l'Immigration un véritable ministère avec des pouvoirs, et cette loi, la loi 46 que nous avons adoptée l'année dernière, peut devenir opérante, efficace, permettre au Québec — je le dis pour les fins du journal des Débats, il ne paraîtra pas, mais je le dis avec un certain sourire — d'utiliser un des éléments de la mise sur pied d'une certaine souveraineté culturelle, entre autres.

C'est la suggestion que je vous fais. Je la veux très positive, dans le sens de dire qu'on n'aura pas, cette année, simplement examiné des crédits ensemble; que le ministre ne se sera pas inutilement forcé à nous démontrer l'utilité de son ministère, dont il n'est pas absolument convaincu lui-même, j'en suis sûr, mais on aura au moins...

M. Bienvenue: Pour les fins du journal des Débats, M. le Président, le député de Maisonneuve fait même sourire mes hauts fonctionnaires.

M. Burns: Vous voyez jusqu'à quel point je vise juste à ce moment-là.

M. Roy: Non seulement les hauts fonctionnaires mais le président lui-même.

M. Bienvenue: Tout le monde est de bonne humeur, M. le Président.

M. Burns: Je dis simplement, M. le ministre, que c'est la suggestion que je veux très positive. Je serais satisfait si on sortait de cette commission avec l'assurance, de la part du ministre, qu'il va y avoir une réunion en dehors de l'examen des crédits, simplement sur ce point de consulter des experts. En ce qui me concerne, si jamais vous acceptez cette suggestion, je me ferai fort de vous faire certaines suggestions en dehors des personnes qu'on a déjà nommées qui pourraient venir nous donner leur point de vue relativement à la mise en place d'un véritable ministère de l'Immigration, avec des pouvoirs concrets.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je m'excuse, mais avant que le ministre réponde, si vous le permettez, j'endosse la suggestion du député de Maisonneuve, qui me plaît énormément. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à prendre la parole avant que le ministre ne se prononce au cas où il y aurait certains doutes dans son esprit, en espérant peut-être pouvoir le convaincre davantage. Je crains que l'orientation qu'on semble donner actuellement: un livre blanc à l'automne, des études, des conférences, après, une loi... Depuis 1970,...

M. Bienvenue: ...une loi.

M. Roy: Vous avez une loi avant?

M. Bienvenue: Non, le livre blanc avant.

M. Roy: Oui, c'est ce que je dis. Le livre blanc avant puis des études, des colloques, tout le monde en parle et après arrive une loi. C'est ce que j'ai dit. Mais il y en a eu dans d'autres ministères. Je ne veux pas faire le procès d'un autre ministère, mais je l'apporte à titre d'exemple pour dire qu'on n'a pas le droit de faire la même chose au niveau du ministère de l'Immigration pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, sur lesquelles je n'ai pas l'intention de revenir. Qu'on se rappelle — je le prends à titre d'exemple — le fameux livre blanc sur les politiques forestières, en 1971. Une loi est actuellement déposée devant l'Assemblée nationale, il y en a d'autres à venir et celle qui est déposée devant l'Assemblée nationale ne pourra pas être en force avant 1976.

Si on fait la même chose au niveau du ministère de l'Immigration, si on veut, en quelque sorte, occuper les zones grises — quand je dis occuper les zones grises, c'est toujours en fonction du contrôle par le Québec, de son immigration, c'est ce que nous voulons, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais c'est ce que nous voulons, que le Québec contrôle son immigration — s'il y a des interventions à faire au niveau du fédéral, que le Québec fasse connaître son point de vue, parce qu'il a les moyens de le faire connaître et de l'exi-

ger. Si on s'oriente vers le livre blanc, vers la consultation, il reste que les autres — et je n'ai pas besoin de les identifier — vont occuper les zones pendant ce temps-là et on se retrouvera encore avec des pouvoirs résiduaires. C'est pourquoi je dis que la suggestion du député de Maisonneuve doit être reten ue, et cela devrait se f ai re le pi us tôt possible, même avant l'ajournement pour les vacances d'été. Je vais jusque là, avant l'ajournement de la session pour les vacances d'été, on devrait avoir plus de commissions parlementaires, une, deux ou trois séances si nécessaire, pour que nous examinions cette question.

A la suite de ça, le gouvernement aura en main les données nécessaires pour préparer une loi pour l'automne et on pourra faire quelque chose en 1975. Il n'y aura pas seulement le député de Maisonneuve qui sera satisfait, celui de Beauce-Sud également, et beaucoup d'autres.

J'en vois sourire du côté ministériel...

M. Burns: La collectivité québécoise sera contente.

M. Roy: C'est la collectivité québécoise.

Le Président (M. Séguin): Un instant, M. le ministre si vous voulez; reprenant le commentaire du député de Beauce-Sud où il voit des sourires du côté ministériel, est-ce qu'il y a des commentaires qu'on voudrait faire à ce moment?

Alors, M. le ministre...

M. Roy: Ils sont d'accord sur nos suggestions. Qui ne dit mot consent.

Le Président (M. Séguin): C'est ça.

M. Bienvenue: Laissez-moi dire un mot pour consentir.

Le Président (M. Séguin): Le ministre de l'Immigration.

M. Bienvenue: Je reçois, M. le Président, avec énormément de plaisir la démarche commune de deux membres de l'Opposition, d'allégeance différente, mais qui jouent parfaitement leur rôle. Le député de Maisonneuve a tellement raison de dire, après ceux qui l'ont dit, ceux qu'il a cités, que le Québec ne contrôlait pas son immigration. Il a tellement raison que j'ai déjà dit, je pense, à l'étude de crédits antérieurs ou à l'Assemblée nationale à une autre occasion, qu'il y a à peine un an le Québec, non seulement ne contrôlait pas ou n'avait aucun moyen de regard ni de contrôle sur ceux qui venaient chez lui mais le Québec ignorait même qui entrait chez lui.

Le ministère que je dirige, qui est le porte-parole du gouvernement du Québec au chapitre de l'immigration, ignorait il y a un an qui mettait les pieds à Dorval. Nous l'ignorions totalement. On voit que c'est bien en amont, la question du contrôle. Dieu merci! cette question de les connaître s'est réglée, c'est le fruit d'une concertation in- telligente avec le fédéral; on n'avait jamais pensé de le demander. On l'a demandé et on l'a eu.

Vous avez totalement raison. A force d'entendre dire: Si on pouvait savoir si le Québec va se donner les outils pour contrôler son immigration, les députés de l'Opposition me donnent une tentation folle de sortir, laisser traîner devant eux, si je le pouvais, pendant quelques instants le papier que j'ai dans mes documents. C'est ce projet d'entente qui, je le dis, sans vouloir ne rien trahir, répondrait honnêtement ou alors répondra à leurs attentes, mais hélas les crédits sont venus avant.

Pour ce qui est de la suggestion elle-même, il y aura dans ce livre blanc de larges chapitres sur l'immigration. J'ai bien dit que, même si l'immigration allait devenir une partie de ce nouveau tout qui sera les ressources humaines, il y aura de larges chapitres sur l'immigration, qui conservera toujours son importance combien grande, surtout dans le contexte du problème démographique actuel, du problème du taux de natalité actuel au Québec.

C'est avec infiniment de plaisir — je parle évidemment en mon nom, mais je me chargerai de convaincre ceux du gouvernement auquel j'appartiens, je pense au premier ministre, au leader du gouvernement, dont je ne suis que le faible et pâle adjoint. Je vois d'un très bon oeil...

Une Voix: ...

M. Bienvenue: Je ne suis pas allé en Floride, alors je dis pâle adjoint. Je vois d'un très bon oeil...

M. Roy: ... ne rougit pas.

M. Bienvenue: Avant même que de rendre ce livre blanc accessible dans une commission parlementaire au grand public, pour y faire entendre des organismes, des individus, j'ai toujours été tenant de la théorie que les députés, les membres de l'Assemblée nationale sont prioritaires, font partie d'une assemblée souveraine; ils doivent être consultés les premiers, c'est ma modeste opinion.

Et je pense avec grand plaisir que nous pourrions, même s'il n'était pas dans sa forme complète et définitive, avoir le point de vue des députés de toutes les allégeances politiques qui siègent à l'Assemblée nationale. On pourrait se faire une espèce de petite commission parlementaire, pour nous, entre nous...

M. Roy: Légale.

M. Bienvenue: Oui, légale, pour avoir les premières réactions, entendre les suggestions des députés et du gouvernement et de l'Opposition. Ensuite il y aurait moyen de penser à une étape ultérieure qui serait de l'ouvrir et de consulter sur un plus vaste plan l'opinion publique, les organismes. Est-ce que ça vous irait ça?

M. Burns: Cela m'irait, pour autant que l'une de nos préocupations... C'est cela que je ne veux pas qu'on perde de vue.

M. Bienvenue: Ce serait l'immigration avec les pouvoirs de contrôle et, à ce moment-là...

M. Burns: Exactement.

M. Bienvenue:... le "timing" jouant, je pourrai ne plus parler de tentation, mais vous aurez connu à ce moment-là je l'espère, toute chose aidant, le texte de l'entente.

M. Burns: De l'entente Bienvenue-Andras? M. Bienvenue: D'accord?

M. Burns: En tout cas, cela me plaît beaucoup comme réponse, et pour autant qu'on s'entende bien, je ne veux pas qu'on se perde...

M. Bienvenue: Non.

M. Burns: ... dans le grand problème du futur ministère des ressources humaines. C'est un problème qui paraît peut-être petit mais , à mon avis, dans ce futur ministère des ressources humaines, ce sera une clef de voûte efficace, évidemment, pour autant que les pouvoirs nécessaires seront entre nos mains. Evidemment, avec l'entente et si, comme le ministre le dit, cela répond à certaines de nos inquiétudes, déjà il y aura peut-être beaucoup de choses réglées à ce moment-là.

Je tiens énormément à ce que l'aspect de l'immigration et l'aspect de l'utilisation des pouvoirs du Québec en matière d'immigration fassent l'objet d'une étude particulière, et même après consultation — je suis d'accord — des membres de la commission parlementaire in camera, si l'on veut, et que l'on puisse même faire appel à des experts, telles les personnes que l'on mentionnait tout à l'heure et qui pourraient nous dire: II y a telles choses qui peuvent être faites pour améliorer — comme on le disait — le contrôle que le Québec doit sur son...

M. Bienvenue:... c'est un procédé démocratique, et entendre des gens, consulter des experts. Je ne sais si je l'ai déjà dit mais je dis, après d'autres, que s'il y a un ministère qui ne doit pas être politisé, avec un grand ou un petit p, peu importe, je vous laisse le choix des "p", s'il y a un ministère qui doit nager au-dessus de ces éléments auxquels nous pensons tous, c'est bien celui-là et pour cause. Ces commentaires du ministère de l'immigration du Québec, sur le livre vert fédéral, vont être connus avant l'entente. Je peux assurer les membres de l'Assemblée nationale qu'ils y percevront déjà, de façon assez nette, assez précise, des éléments, des revendications, des principes, des positions clefs et chers au Québec et qui forment la substance, l'ossature de l'entente en question qui pourra suivre, elle, quelques semaines plus tard.

C'est avec plaisir, si mes collègues en sont satisfaits, qu'on a trouvé une espèce d'aménage- ment. Je pourrais le leur transmettre et on pourra même parcourir, parce qu'on se voit à l'Assemblée nationale, de main à main, cette liste complète que me demandait le député de Beauce-Sud, en taisant les noms mais en donnant le détail des régions, du type d'entreprise, du type de métier, etc., tout y sera, si on le veut, sauf les noms. Si, à un moment donné, la curiosité de l'un ou l'autre des députés était piquée et s'ils voulaient aller plus loin, on se verra et vous me soudoierez au bon sens du mot.

M. Roy: Cela me va, M. le Président, je trouve que c'est un arrangement qui est acceptable, d'autant plus que ce n'étaient pas les noms des entreprises comme telles que je désirais obtenir, c'étaient les genres d'emplois, les catégories, les types d'emploi...

M. Bienvenue: C'est cela, les régions.

M. Roy: ...et puis les régions du Québec. C'étaient surtout ces deux points sur lesquels je voulais insister.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, je pécherais par naïveté si je ne vous posais pas, à ce moment-ci, la questions inévitable: Le programme 1 est-il adopté?

M. Burns: Adopté.

Le Président (M. Séguin): Dans le programme 1 , les éléments 1, 2 et 3 sont adoptés.

M. Burns: Adopté.

M. Roy: Adopté avec réserve.

Le Président (M. Séguin): Je dois conclure quand même...

M. Bienvenue: Vous en demandez beaucoup au député de Beauce-Sud, M. le Président. Pourquoi poser des questions comme cela?

Le Président (M. Séguin): Je dis donc que le budget de l'Immigration est adopté.

M. Roy: Adopté avec réserve.

Le Président (M. Séguin): Adopté avec votre réserve mais adopté quand même.

M. Bienvenue: Avec les engagements que j'ai pris tout à l'heure.

M. Burns: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie, messieurs, de votre collaboration.

(Fin de la séance à 19 h 50)

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