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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, May 28, 1985 - Vol. 28 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 20 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à une consultation particulière sur le Livre premier: Des personnes, du projet de loi 20: Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Est-ce qu'il y a des changements chez les membres, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui. M. Gagnon (Champlain) est remplacé par M. Laplante (Bourassa).

Le Président (M. Laplante): Ce sera d'une façon temporaire.

Le Secrétaire: De façon temporaire. Et M. Johnson (Anjou) est remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).

Le Président (M. Laplante): Merci.

M. Marx: Est-ce que le député de Saint-Laurent, M. Leduc, est inscrit?

Une voix: Oui.

M. Marx: II est inscrit. Parfait.

Le Président (M. Laplante): Oui. C'est cela. M. Marx aussi a été inscrit.

M. Marx: Merci.

Livre premier: Des personnes (suite)

Le Président (M. Laplante): Ce matin, on reçoit le Barreau du Québec. Je vous prierais Madame et Messieurs, d'identifier votre organisme et de vous identifier chacun de vous, ceux qui sont à la table, pour les fins du Journal des débats. Messieurs.

Auditions Barreau du Québec

M. Trudel (Clément): M. le Président, mon nom est Clément Trudel. Je suis accompagné de Me André Prévost à mon extrême gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur et de Me Claude Boisclair.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous une entente pour la longueur des mémoires?

M. Marx: Le temps que cela prend.

Le Président (M. Laplante): Le temps que cela prend. C'est bien. On y va, messieurs, madame.

M. Trudel: M. le Président, Mme et MM. les députés, le Barreau du Québec est heureux de participer à l'élaboration de notre nouveau Code civil appelé à remplacer le Code civil du Bas-Canada. Outre la Charte des droits et libertés de la personne, ce code a toujours constitué une pièce législative maîtresse de la société québécoise et demeure encore aujourd'hui le signe distinctif du système juridique québécois, par opposition à tous les autres du continent nord-américain.

Cette place privilégiée occupée par le Code civil dans l'ensemble de la législation québécoise doit être maintenue, voire accentuée, avec le nouveau Code civil du Québec dont l'adoption fournit une occasion de premier choix d'adapter, dans un effort de synthèse et d'harmonisation, les institutions, les droits et les obligations aux exigences nouvelles découlant de l'évolution de notre société.

Le Barreau du Québec a eu maintes fois l'occasion de se prononcer sur l'importance du Code civil dans la hiérarchie législative québécoise, que ce soit dans le cadre de commissions parlementaires, d'interventions publiques ou de rencontres privées avec différents représentants du ministère de la Justice.

Puisqu'il constitue le système juridique de base du Québec en droit privé, le code doit revêtir un caractère d'universalité et de permanence. Or, le processus actuel d'adoption du nouveau code laisse le barreau pour le moins songeur, et je m'explique.

Au moment où les sous-commissions du barreau sur les personnes, les successions et les biens étudiaient les documents de travail ou avant-projets, puis plus tard les projets de loi 106, 107 et 58, elles n'ont disposé d'aucun commentaire, d'aucune source, d'aucune référence pouvant expliquer les politiques législatives retenues; elles n'avaient pas non plus d'outils pour les éclairer sur les modifications au code actuel et aux lois statutaires connexes ou sur les mesures transitoires. Elles n'en avaient guère

davantage pour amorcer l'étude de ce volumineux projet de loi 20. Comment peut-on se prononcer sur des dispositions de droit nouveau sans connaître toutes leurs incidences sur le droit existant? Aura-t-on un rapport décodificateur rattaché au Code civil du Québec? Je ne vous apprends rien en vous signalant que les plaideurs citent encore aujourd'hui le rapport décodificateur de 1866 afin d'apporter quelque éclairage sur certaines dispositions encore obscures du code actuel. Le même exercice se produit fréquemment en ce qui touche le Code de procédure civile de 1965. L'Office de révision du Code civil en avait rédigé un. Puissions-nous espérer de meilleurs outils de travail pour les livres à venir.

J'aimerais également, comme bâtonnier et aussi comme praticien du droit, exprimer mon inquiétude et celle de mes collègues qui ont consacré de longues heures à l'étude du projet de loi face aux courts délais dont dispose la commission pour étudier ces 1164 articles en vue de leur adoption le 21 juin prochain. Un tel bagage législatif ne se digère pas en un mois et il est à craindre que plusieurs amendements devront y être apportés pour combler les vides et corriger les erreurs laissées par une adoption trop rapide, comme ce fut le cas pour le livre sur la famille.

Certains membres du Barreau manifestent également un autre type d'inquiétude engendré par le fait de devoir composer dans leur pratique quotidienne avec un casse-tête juridique dont les pièces sont parfois difficiles à mettre en place. Pour connaître le droit applicable à une date donnée, le juriste doit faire référence au Code civil du Bas-Canada. Il y constate des dispositions encore en vigueur et d'autres abrogées. Faisant référence ensuite au Code civil du Québec, il réalise alors l'existence d'articles en vigueur et d'autres non encore promulgués. On se retrouve devant un fouillis législatif dont les premières victimes sont évidemment les clients consommateurs, vu les fortes possibilités d'erreurs de la part des avocats dans la formulation de leurs opinions. Que dire du grand principe d'accessibilité des lois dans ce contexte où aucun profane ne peut s'y retrouver?

Encore une fois, le Barreau croit devoir s'élever contre cette pratique d'adopter un Code civil à la pièce. Les autres livres et les lois d'application les desservant auraient avantage à être adoptés ensemble pour permettre au Code civil du Québec de représenter l'expression globale de notre droit commun. Peu importe le nombre d'années nécessitées par un tel projet, la justice et les justiciables y gagneront.

Ces réflexions d'ordre général étant faites, je veux vous présenter plus amplement les gens qui m'accompagnent, qui pourront présenter notre mémoire et qui pourront répondre à vos questions. À ma gauche, Me André Prévost, avocat de pratique privée à Montréal, à l'étude Clarkson Tétrault, président de la commission permanente du Barreau sur la révision du Code civil et de la sous-commission sur les droits de la personne; Me Suzanne Vadboncoeur exerce au service de la recherche et de la législation du barreau et elle est secrétaire de la commission permanente et des différentes sous-commissions sur la révision du Code civil; enfin, Me Claude Boisclair, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et membre de la commission sur les droits de la personne. Je demanderais à Me Vadboncoeur de vous présenter notre mémoire.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le bâtonnier. M. le Président, madame et messieurs les députés, j'ai l'impression que très peu d'entre vous ont eu le temps de lire le mémoire, auquel cas je vais procéder non pas à une lecture, mais peut-être à une revue un peu plus détaillée du mémoire. Le mémoire se divise en deux parties: la première comprend des commentaires généraux de fond, alors que la deuxième suggère certaines modifications législatives à des articles précis.

Le premier commentaire touche le rapport des codificateurs dont le bâtonnier a touché un mot tout à l'heure. Je ne reviendrai pas là-dessus, je pense qu'il s'agit d'un outil d'interprétation essentiel du droit que tous les avocats espèrent avoir dans un proche avenir. (10 h 15)

La disposition préliminaire du projet de loi 20. La sous-commission s'interroge sur la pertinence d'avoir une disposition préliminaire du type de celle que l'on a au projet de loi 20. On y fait référence à la Charte des droits et libertés de la personne, on assujettit le code à cette charte, alors qu'une telle disposition ne semble pas nécessaire étant donné la prépondérance de la charte qui elle-même est édictée à l'article 52 de cette même charte.

En plus, le deuxième alinéa mentionne que le Code civil est le fondement des autres lois. Or, il nous apparaît douteux que le Code civil soit effectivement le fondement des lois statutaires. Donc, la sous-commission suggère de retrancher la disposition préliminaire, d'autant plus que le Code civil du Bas-Canada et le Code Napoléon n'en comportent pas et personne n'a eu à s'en plaindre.

Comme troisième commentaire, on touche l'article 7 qui codifie la théorie de l'abus de droit. On a constaté, à la lecture de cet article, que la théorie de l'abus de droit tel que reconnu par la doctrine et la jurisprudence va quand même moins loin que

cet article 7. D'ailleurs, on a plusieurs questions à poser au législateur dans ce projet de loi; on n'a pas toujours les réponses, mais on a bien des questions. On se demande si le législateur a voulu ajouter un élément à la théorie de droit que l'on connaît en ajoutant à cette théorie la notion d'absence d'intention de nuire. Étant donné que l'article 7 mentionne les deux expressions "de manière à" et "en vue de", le "en vue de" peut être considéré comme un élément intentionnel, alors que "de manière à" touche plutôt le résultat sans égard à l'élément intentionnel. Est-ce qu'on veut vraiment ajouter ce nouveau volet à la théorie de l'abus de droit? J'espère que certains membres de la commission pourront répondre à cette question.

Le quatrième commentaire concerne les articles 75 à 85 sur le domicile. Le projet de loi contient une présomption maintenant qui est une présomption de changement de domicile dès qu'il y a changement de résidence. Cela va évidemment changer encore une fois tout le droit qui concerne le domicile, mais le problème majeur se situe particulièrement à l'établissement du régime matrimonial des conjoints, à cause de l'article 84. L'article 84 prévoit désormais que des époux peuvent avoir des domiciles distincts sans que soient violées les règles relatives à la vie commune qui sont incluses dans le Livre deuxième du Code civil du Québec sur le droit de la famille et qui obligent les conjoints à faire vie commune.

Si on a deux conjoints qui sont domiciliés dans des provinces différentes, qui se marient et qui n'établissent pas de domicile à cause de l'éloignement qui peut être engendré par le travail des parties et qu'un décès ou une rupture de mariage survient - on suppose qu'ils n'ont pas de contrat de mariage - quel régime matrimonial va-t-on appliquer à ces conjoints? Au niveau des successions, on peut imaginer les difficultés qu'une telle interrogation peut nécessiter. Est-ce qu'on va considérer le régime matrimonial légal du Québec? Est-ce qu'on va considérer celui de l'Ontario? On ne le sait pas. Depuis la loi 89, évidemment, l'épouse n'a plus son domicile au domicile du mari. Alors, là, il y a un gros point d'interrogation qui se pose et on se demande s'il n'y aurait pas lieu de fixer, enfin, d'adopter une disposition législative sur le domicile matrimonial proprement dit en l'absence de contrat de mariage ou de modifier le chapitre sur les régimes matrimoniaux dans le Livre deuxième du Code civil du Québec pour prévoir, justement, quelque chose. Donc, le problème majeur vient de l'article 84, finalement.

Le cinquième commentaire concerne le registre de l'état civil et est divisé en deux parties. Les articles 109 et suivants du projet de loi nous indiquent que le registre de l'état civil existe en double exemplaire. À l'article 112 nous arrive une troisième version sur support informatique. Jusque-là, cela va bien sauf qu'on se rend compte, dans les articles postérieurs, qu'en cas de perte le directeur de l'état civil peut se servir de l'autre exemplaire et de la version sur support informatique pour reconstituer l'exemplaire détruit ou perdu. Donc, on accorde une certaine valeur authentique à la version sur support informatique et chacun sait que, contrairement au double exemplaire qui est la même version, finalement, parce que le deuxième est une copie microfilmée, cette version sur support informatique peut comporter des erreurs, étant donné l'intervention humaine d'entrer les données sur informatique. Alors, si on veut en faire un exemplaire authentique, il faudrait l'encadrer davantage et prévoir des mesures de contrôle pour s'assurer que cette version sur support informatique est la réplique exacte du double exemplaire. Par contre, si on veut seulement s'en servir à des fins internes, à des fins administratives, il est absolument inutile d'en mentionner l'existence dans le Code civil.

Deuxième sous-thème sur le plan du registre de l'état civil, les actes de naissance. On a un problème à l'article 120 du projet de loi qui dit, entre autres choses, qu'un des parents peut déclarer la filiation de l'enfant, du nouveau-né, à l'égard de l'autre parent dans certaines circonstances, notamment quand l'autre parent est dans l'impossibilité de manifester sa volonté, est parti, est décédé, etc.

Pour des enfants nés hors mariage... On est bien conscient, nous, les gens de la sous-commission, que le Code civil du Québec a voulu enlever toute différence entre enfants légitimes et illégitimes, et c'est très bien ainsi, mais, au point de vue pratique, cette possibilité qu'a un parent de déclarer la filiation de l'enfant à l'égard de l'autre parent peut poser des problèmes pour les enfants nés hors mariage. J'ai simplement indiqué un cas qui peut arriver. Une mère dans le besoin peut déclarer la filiation à l'égard de, finalement, n'importe qui. On peut s'imaginer tout de suite toutes les conséquences que cela peut avoir au point de vue de l'obligation alimentaire et, si le faux parent est décédé, toutes les implications que cela peut avoir sur le plan des successions. Il y aurait lieu de faire attention sur ce plan.

Le sixième commentaire de fond touche la minorité. Il y a une certaine confusion qui est rattachée aux articles 169 à 181, ou autour de, particulièrement en ce qui concerne les articles 176 et 177. Ces articles, d'ailleurs, risquent de chambarder le régime des nullités absolues et des nullités relatives que l'on connaît, à l'heure actuelle, dans le Code civil du Bas-Canada.

On trouve étrange qu'un acte qui est fait par le tuteur sans suivre les formalités prescrites puisse être annulé sans preuve, sans que le mineur ait à subir de préjudice, alors que des actes qui sont commis en excès du mandat, donc qui sont probablement assez lourds de conséquences pour le mineur, peuvent être annulés avec une preuve de préjudice. Il faut que le mineur... Normalement, des actes majeurs, des actes graves devraient être annulés sur simple demande du mineur, puisque le mineur ne peut être lésé.

On suggère, dans la deuxième partie, une modification à l'article 175; enfin, on y reviendra dans la deuxième partie.

Le septième commentaire suggère que le fameux concept de l'émancipation - ce n'est pas la première fois que le Barreau à l'occasion de s'exprimer là-dessus - est une notion qui nous semble complètement dépassée. On a peine à retrouver, d'ailleurs, dans les annales judiciaires, des cas d'émancipation judiciaire qui ont été prononcés depuis les 50 dernières années. Depuis que la majorité a été abaissée à 18 ans, nous considérons que le phénomène d'émancipation n'a plus sa raison d'être et que, pour les cas entré 16 et 18 ans, le régime de capacité du mineur est amplement suffisant pour le laisser agir selon les circonstances qui se présenteront.

Si jamais l'article 403 du Code civil du Québec entre en vigueur, on peut facilement imaginer que le mineur âgé de 16 ans qui demandera une dispense d'âge pour se marier pourrait éventuellement, si jamais on conserve la notion d'émancipation, demander son émancipation judiciaire. Mais c'est à peu près le seul compromis que la sous-commission du barreau serait prête à accepter, d'autant plus que, dans le projet de loi, non seulement on garde la notion d'émancipation, mais on la complique davantage. On a une pleine émancipation, on a une simple émancipation. Cette dernière peut être prononcée quelquefois par le tuteur, quelquefois par le tribunal. On va vraiment à contresens. La sous-commission du Barreau voudrait voir disparaître complètement cette notion de l'émancipation.

À la page 13, on en arrive aux commentaires relatifs au titulaire de l'autorité parentale versus le tuteur à la personne. On s'est demandé, lors de la commission parlementaire de 1983 et on se demande encore - là aussi, on aimerait avoir des réponses - quelle est la différence pratique entre les fonctions du titulaire de l'autorité parentale et celles du tuteur à la personne. Dans les très rares cas où ce sont deux personnes différentes qui assumeront ces fonctions, à qui le mineur va-t-il obéir? Qui sera-t-il obligé d'écouter? Si le titulaire de l'autorité parentale qui a un devoir de garde, de surveillance, d'éducation, dit au jeune: Tu feras cela; par contre, le tuteur à la personne pense qu'il devrait faire autrement, on voit tout de suite le conflit qui peut arriver. De toute façon - justement, je le soulignais tout à l'heure - très rares sont les cas où le titulaire de l'autorité parentale sera une personne différente du tuteur à la personne, d'autant plus qu'avec le projet de loi 20 les parents sont tuteurs légaux. On suggère tout simplement, en ce qui concerne le mineur toutefois, de ne plus parler de tuteur à la personne, mais de parler de titulaire de l'autorité parentale et de tuteur aux biens quand il y aura lieu d'avoir un tuteur aux biens.

D'ailleurs, à cet égard, on peut aussi s'interroger sur la pertinence de la disposition qui prévoit que le directeur de la protection de la jeunesse est tuteur légal de l'enfant jusqu'au jugement final d'adoption. Si on regarde les articles du Code civil du Québec qui sont pertinents à la question, les articles 614, 618, 619 et 621, on ne voit pas du tout ce qu'il vient faire là-dedans, d'autant plus que le tribunal, en prononçant la déclaration d'adoptabilité et en prononçant l'ordonnance de placement, désigne justement le titulaire de l'autorité parentale et, en vertu de l'article 618, cette désignation fait en sorte que l'enfant ne peut plus retourner à son tuteur. S'il ne peut plus retourner à son tuteur, comment se fait-il que le DPJ peut être tuteur? II y a un non-sens là-dedans, il faudrait peut-être vérifier cela. (10 h 30)

L'avant-dernier commentaire touche le conseil de tutelle. On assiste à une réincarnation, même malheureuse, du conseil de famille qui existe actuellement. Quiconque a déjà pratiqué et a déjà mis les pieds dans un palais de justice sait que les conseils de famille s'organisent de façon à tout le moins improvisée. On a de la difficulté à rapailler tous les membres qui doivent composer un conseil de famille et on est obligé, bien souvent, de prendre des gens dans les corridors du palais de justice pour avoir quorum. Le conseil de tutelle, en plus, sera composé soit de cinq personnes, soit de trois personnes, parfois d'une seule personne. Il y aura deux suppléants. Et ce fameux conseil alourdira sûrement le processus décisionnel, d'autant plus que le projet de loi prévoit à l'article 227, auquel d'ailleurs on suggère une modification, que les décisions doivent être prises par le conseil de tutelle et, dans certains cas, par le tribunal. Donc, quand ces décisions seront importantes, elles devront passer par deux étapes. D'abord, il y aura l'assemblée de constitution du conseil de tutelle, qui va ressembler au conseil de famille à l'heure actuelle; il y aura l'assemblée du conseil de tutelle proprement dite. Ensuite, la recommandation sera soumise au tribunal pour fins de décision.

Nous sommes d'avis que ce qu'on avait

suggéré dans le mémoire de 1983 serait beaucoup plus susceptible d'apporter au tribunal toutes les opinions qui doivent être prises en considération par le tribunal avant de prendre une décision. Mes confrères du ministère de la Justice ont sûrement encore ce mémoire dans leurs classeurs. Il s'agissait des proches - ceux qu'on peut trouver - de la personne à protéger, et ces gens-là pourraient être appelés par le tribunal ou par le tuteur, si c'est une décision qui peut être prise par le tuteur sur avis du conseil de tutelle, qui ne sera plus le conseil de tutelle; donc, ces gens-là seraient appelés et, à défaut par eux de se manifester, le tuteur agira et le tribunal, de son côté, pourra prendre la décision; mais au moins, les opinions dissidentes des personnes, des proches de la personne protégée pourront être entendues par le tribunal, ce qui, je pense, est susceptible d'éclairer davantage le tribunal. On me souligne ici que les proches pourraient être pour le majeur le conjoint, les ascendants, les descendants, frères et soeurs majeurs et, pour le mineur, c'est à peu près pareil, sauf le conjoint.

En plus d'alourdir le processus décisionnel, nous pensons que, de toute façon, le tuteur est assujetti à certains contrôles. Il y a d'abord l'obligation de fournir une sûreté si jamais la valeur des biens est supérieure à 7000 $. Il y a également le compte annuel qu'il doit rendre, qu'il pourrait rendre aux proches en question; de toute façon, il le rend au Curateur public. Donc, il y a un contrôle a posteriori. Et il y aura un contrôle éventuellement par le tribunal. Si jamais ce conseil de tutelle était maintenu, il y aurait lieu toutefois de prévoir un registre central des conseils de tutelle pour faciliter le repérage. Il y a peut-être un détail ici que je voulais mentionner: quand le conseil de tutelle ne sera composé que d'une seule personne, on revivra l'institution actuelle qui est le subrogé tuteur et qui n'a absolument aucune dent: il n'existerait pas et cela ne changerait pas grand-chose.

Commentaire final: Des personnes morales. C'est un chapitre qui a été amélioré - on doit le dire - par rapport au projet antérieur, mais il subsiste quand même une certaine confusion dans l'interprétation de ces articles. D'abord, on trouve un peu étrange de voir disparaître un vocabulaire qui est connu, ancré, qui vraiment caractérise le monde des affaires nord-américain, et c'est la notion de corporation. Cela disparaît. On trouve également étrange de subordonner la personnalité morale ou la personnalité juridique - on ne le sait plus, parce que le projet de loi semble employer les deux termes indiféremment; on ne sait pas si le législateur veut faire une distinction entre les deux et il serait peut-être bon de le préciser - à l'immatriculation.

Une personne morale est une personne morale en soi, et l'article 323 confère le titre de personne morale aux sociétés et aux associations. Ensuite, on dit que ces personnes morales n'ont pas la personnalité juridique si elles ne sont pas immatriculées. On peut leur donner la personnalité juridique de façon rétroactive si, avant l'immatriculation, la personne morale a agi comme si elle était une personne morale. Je vous avoue que ce n'est pas tout à fait clair; ce n'est pas très limpide. Si une personne morale est une personne morale, comment peut-elle agir comme une personne morale? Enfin, c'est vraiment quelque chose de confus qu'il faudrait peut-être retravailler.

Ensuite, au niveau de la responsabilité des sociétaires, c'est l'article 336 qui parle de responsabilité; on dit que la personne morale est distincte de ses membres, sauf dans quelques exceptions qui concernent certaines sociétés et associations. On ne sait pas lesquelles. Si la société conserve ses attributs actuels, c'est-à-dire la responsabilité des sociétaires, on se demande pourquoi cette société aurait avantage à être immatriculée. Cela ne changerait pas grand-chose, sauf que cela ajouterait le danger qu'une société civile, par exemple, soit poursuivie sous son nom sociétal et qu'un jugement puisse être exécuté contre les associés, ce qui n'a absolument aucun sens quand lesdits associés ne sont pas appelés à la procédure. Après un rapide coup d'oeil au document de travail qui concerne la loi d'application, on s'est aperçu que notre crainte était fondée, parce qu'à l'article 1837, dont je peux vous faire lecture brièvement, on prévoit précisément ce que je viens d'énoncer: "Le jugement rendu contre la société jouissant de la personnalité morale est exécutoire sur les biens de la société et ce n'est qu'après discussion de ces biens que le jugement peut être exécuté contre les biens des associés déclarés ou non." Cela veut dire qu'un associé qui n'a jamais entendu parler du fait qu'une action était prise contre la société - il y a certains associés qui sont moins actifs quotidiennement dans la société - peut voir, un beau matin, un huissier arriver chez lui et exécuter le jugement sur ses biens personnels. C'est absolument insensé. Il y aurait lieu de retravailler ces articles en particulier. Évidemment, on aura sans doute l'occasion de se revoir au sujet de la loi d'application.

L'article 344 - il y a une erreur à la page 18 - a pour but de codifier la règle très complexe du soulèvement du voile corporatif. Malheureusement, cette règle n'est limitée qu'aux cas de fraude, et Dieu sait si la jurisprudence a reconnu beaucoup d'autres cas que celui de fraude. Alors, de deux choses l'une: ou on n'en parle pas du

tout et on continue de laisser les tribunaux soulever le voile corporatif dans les circonstances qu'il jugera appropriées, ou on élargit de beaucoup cet article 344 qui est absolument insatisfaisant dans l'état actuel des choses.

J'en viens à la partie II du mémoire, qui concerne les modifications législatives et j'irai assez rapidement. L'article 27 prévoit qu'une personne peut être sous garde dans un établissement pour un délai maximal de 48 heures sans consentement. Étant donné la lourdeur administrative et judiciaire qui est maintenant attachée au consentement aux soins, nous sommes d'avis que le délai de 48 heures n'est pas suffisant et qu'il y aurait lieu de maintenir le délai de 96 heures actuellement prévu dans la Loi sur la protection du malade mental. Si, par exemple, quelqu'un arrive dans un établissement à la suite d'une tentative de suicide et qu'il est dans un état comateux, le délai de 48 heures est assez bref. Il faut que le médecin le réanime, fasse l'histoire du cas, essaie de contacter ses proches, l'encontre son avocat, fasse préparer une requête; tout cela dans 48 heures, cela nous paraît assez bref comme délai. Nous suggérons de revenir au délai de 96 heures de la loi actuelle.

L'article 30 du projet de loi nous paraît bien comme il est, sauf qu'il ne prévoit aucune règle pour la révocation du consentement. Nous suggérons donc une disposition qui ajoute à cela.

Dans l'article 36, encore là, c'est un peu plus une question qu'une suggestion proprement dite. Le paragraphe 4° mentionne qu'est considéré comme une atteinte à la vie privée d'une personne le fait de faire surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit. Encore une fois, quiconque a été un peu dans la pratique, et particulièrement en droit de la famille, sait que des enquêteurs privés sont souvent engagés par des parties. Dans le cas des administrateurs de compagnies, on a très souvent des enquêtes de crédit et poussées, à part cela. Est-ce qu'on veut complètement éliminer cela? On ne le sait pas. Si quelqu'un peut nous répondre là-dessus, on aimerait le savoir et, par la suite, faire les commentaires appropriés.

L'article 41 mentionne que la personne, même mineure, peut, dans un but médical ou scientifique, donner son cadavre ou autoriser sur celui-ci le prélèvement d'organes ou tissus. On voit mal comment un mineur de trois ans, de six mois ou de onze ans peut prendre seul cette décision. Le projet de loi crée une semi-capacité pour les mineurs âgés de 14 ans et je pense que cette semi-capacité devrait se retrouver également à cet article. Cette décision devrait être prise par toute personne majeure, évidemment, ou mineure âgée de 14 ans. Pour les mineurs âgés de moins de 14 ans, une telle décision nécessiterait l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale.

Entre les articles 58 et 64, encore là, ce n'est pas la première fois qu'on souligne cette anomalie. L'article 58,3° mentionne que, quand le nom prête au ridicule ou est frappé d'infamie - c'est surtout cette dernière portion qui nous intéresse - le changement de nom peut être fait par voie administrative. Par contre, l'article 64, au paragraphe 3°, donne cette juridiction au tribunal en cas de condamnation de l'un des parents à une peine infamante. Encore une fois, au point de vue pratique, on se demande si le cas de condamnation des parents à une peine infamante ne fait pas en sorte que le nom des descendants est frappé d'infamie. Si c'est le cas - et nous pensons que cela l'est - pourquoi ne pas l'inclure dans le même article et donner la juridiction au tribunal? Ce qui resterait de juridiction administrative à l'article 58.3 serait simplement le cas du nom qui prête au ridicule. (10 h 45)

Ensuite, on va à l'article 73 où on suggère que la demande de changement de la mention du sexe soit confiée à la juridiction du tribunal, étant donné les preuves médicales assez importantes que cela peut requérir.

L'article 82 peut poser des problèmes en cas de garde conjointe. On dit: "Lorsque la tutelle est exercée par les père et mère mais que ceux-ci n'ont pas de domicile commun, le mineur est présumé domicilié chez celui de ses parents avec lequel il réside." En cas de garde conjointe, il réside avec les deux de façon à peu près également partagée dans le temps. À moins que le tribunal n'ait autrement fixé le domicile de l'enfant, ce n'est pas le cas, ou qu'il n'ait attribué la garde à l'autre parent, ce n'est pas le cas non plus. Qu'est-ce qu'on fait au point de vue du domicile de l'enfant dans les cas de garde conjointe? Je pense que ceux qui sont un peu familiers avec le droit familial reconnaîtront que le phénomène de la garde conjointe se répand de plus en plus. Cela peut poser des problèmes pour déterminer le domicile de l'enfant. Il y aurait peut-être lieu de prévoir quelque chose.

On voulait ajouter à l'article 85, qui concerne l'élection de domicile, le troisième alinéa de l'article 85 actuel du Code civil du Bas-Canada, qui est de nature à protéger le consommateur dan3 une élection de domicile. C'est simplement la répétition du troisième alinéa de l'article 85.

Quant à l'article 101, la sous-commission sur le droit des successions a étudié cet article de façon peut-être un petit peu plus approfondie et s'est rendu compte qu'on ne prévoyait pas de dispositions dans le cas où la preuve de la date du décès est postérieure à celle que fixe la

déclaration judiciaire de décès. On suggère une disposition dans ces cas-là.

À l'article 105 on ajoute simplement le paiement de bonne foi, tout paiement qui a été fait de bonne foi aux héritiers ou aux légataires, pour éviter des cas de connivence ou de mauvaise foi qui pourraient arriver, particulièrement dans le cas des paiements d'assurances.

L'article 137, c'est la seule fois dans le projet de loi où on parle d'autres dépositaires du registre de l'état civil. C'est qui, les autres dépositaires? On n'a aucune espèce de précision alors que, dans le Code civil du Bas-Canada, on les mentionne, on sait qui ils sont. Il n'y a rien dans le Code civil du Québec. Cela nous arrive comme un cheveu sur la soupe: les autres dépositaires. Ah! on ne sait pas qui. Il y aurait peut-être lieu de le préciser.

À l'article 177, je vous le mentionnais tout à l'heure, on a cru bon de préciser pour éviter les difficultés d'interprétation que les articles 176 et 177 lus ensemble pouvaient causer. On suggère qu'on précise que l'acte fait seul de l'article 177 ne pouvait viser que l'acte fait seul par le mineur alors qu'il devait être représenté par le tuteur. S'il avait le droit d'agir seul sans être représenté, c'est l'article 171 qui prévoit qu'il ne peut pas être lésé, cela ne peut donc pas viser cette situation-là. Cela ne peut pas être non plus l'acte nul de nullité absolue parce que, encore là, il est régi par un autre article. Il y aurait peut-être lieu de préciser davantage, à moins, évidemment, que le législateur n'ait en tête d'autres cas, mais il faudrait peut-être, à ce moment-là, nous dire quels autres cas cela peut viser.

Notre suggestion vise à ajouter à l'article 181 que le mineur pourrait ratifier non seulement l'acte fait par le tuteur sans avoir suivi les formalités, mais également l'acte fait par le tuteur en excès de son mandat. Le mandant peut le faire dans les règles relatives au mandat. Pourquoi le mineur devenu majeur ne pourrait-il pas ratifier un tel acte?

À l'article 221, encore là, on ne fait pas de modification précise. On mentionne que la nomination d'un tuteur par le tribunal peut difficilement être faite sur avis du conseil de tutelle parce que, dans la plupart des cas, le conseil de tutelle sera nommé après la nomination du tuteur. Il y aurait peut-être un rajustement à faire à ce niveau-là.

À l'article 227, on mentionne qu'à l'heure actuelle, pour les actes qui excèdent la simple administration, le tuteur doit être spécialement autorisé par le conseil de tutelle et, dans certains cas, par le tribunal. Je mentionnais tout à l'heure que cet article signifie que, dans certains cas, le tuteur devra avoir deux autorisations: celle du conseil de tutelle plus celle du tribunal. Je pense qu'il n'y a aucune raison qu'il y ait deux autorisations, d'autant plus qu'il peut arriver qu'elles soient contradictoires. Alors, on suggère plutôt que, pour ces actes-là, le tuteur soit spécialement autorisé par le conseil de tutelle dans les cas où l'autorisation du tribunal ne sera pas requise. Ainsi, il ne risque pas d'y avoir de conflit d'autorisation.

À l'article 257, on suggère que le mineur puisse également demander qu'un tuteur ad hoc soit nommé. Il a le pouvoir, en vertu de l'article 222, de s'adresser au tribunal et de suggérer le nom d'une personne qui serait apte à remplir les fonctions de tuteur. On ne voit pas pourquoi ce même pouvoir ne serait pas accordé au mineur dans le cas d'un tuteur ad hoc.

À l'article 320, la rédaction est fautive lorsqu'on dit, au deuxième alinéa, que le conseil de tutelle doit provoquer la nomination d'un nouveau curateur, tuteur ou conseiller. En lisant les dispositions du projet de loi relatives au conseiller, on constate qu'il n'y a pas de conseil de tutelle pour un conseiller. On ne voit pas comment le conseil de tutelle pourrait provoquer la nomination d'un conseiller. On suggère, d'ailleurs, une modification de texte.

Finalement, relativement aux personnes morales, à l'article 344, - je ne reprendrai, pas le raisonnement que j'ai fait tout à l'heure - cela concerne le soulèvement du voile corporatif que l'on suggère de retrancher ou d'élargir.

C'était, en détail, le mémoire de la sous-commission du Barreau sur le droit des personnes. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur. Me Pineau, vous aviez... Non? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, peut-on demander à Me Trudel ou à quelque autre personne qui l'accompagne s'ils ont des commentaires supplémentaires à nous faire à ce stade-ci?

Mme Vadboncoeur: II y a un détail que j'ai oublié de mentionner tout à l'heure. À la page 12 du mémoire, les quatre dernières lignes du premier paragraphe sont à biffer. Elles se sont retrouvées là par inadvertance.

Mme Harel: Vous dites à la page 12?

Mme Vadboncoeur: Oui, les quatre dernières lignes du premier paragraphe qui commence par "Enfin".

M. Prévost (André): J'aimerais ajouter un commentaire sur les personnes morales et le concept de personnalité morale et de personnalité juridique. J'ai eu l'occasion dernièrement de voir l'avant-projet de loi sur

la loi d'application et, en voyant ces dispositions, cela m'a fait me poser des questions sérieuses en ce qui concerne le réaménagement qu'on tente de faire aux articles 321 et suivants. Si je Ils l'article 323, je dois constater que les associations et sociétés sont des personnes morales. Si je passe ensuite aux articles 326 et 327, je dois constater que je peux ajouter à cette notion de personnalité morale la personnalité juridique pour une société ou une association qui s'est inscrite au registre des sociétés ou associations. Par la suite, quand je révise les dispositions, on semble dire que, si vous êtes une personne morale, vous avez nécessairement la personnalité juridique alors que, quand on lit les articles 323 et 326, on ne peut pas conclure de la même façon.

Si je fais référence à l'avant-projet de loi sur la loi d'application et que je fais plus particulièrement référence, à la page 12, à l'article 81, je m'aperçois que la société peut ne pas être une personne morale, parce qu'on dit: La société, ne jouissant pas de la personnalité morale, est dite simplement contractuelle. J'ai de la difficulté à raccorder ce qui sera maintenant l'article 1832.1 du Code civil du Bas-Canada avec l'article 323.

En plus de cela, je me pose une autre question. Quel sera mon avantage à m'inscrire au registre des sociétés? Ce qui a toujours fait que des gens étaient intéressés à avoir une personnalité morale, et la personnalité morale, en vertu du Code civil du Bas-Canada, c'est donné aux corporations, ce qui intéressait généralement les gens à s'incorporer, c'était le concept de la responsabilité limitée des actionnaires. La corporation qui avait une personnalité juridique distincte, on pouvait la poursuivre et moi, actionnaire, que je sois au courant ou non de la poursuite, mon seul risque, c'était le capital que j'avais investi dans la corporation.

Mais, en vertu des nouvelles règles du code, si on combine ce qu'on met maintenant aux articles 326 et suivants avec ce qu'on a l'intention de mettre comme modification aux sociétés telles qu'elles existent actuellement dans le Code civil du Bas-Canada, je veux dire que, si on poursuit la société et qu'on obtient un jugement contre elle, on n'est pas obligé de me mentionner dans l'action. S'il n'y a pas suffisamment d'actifs dans la société elle-même, on viendra me saisir ma maison, mes biens, mon auto, ce qu'on voudra, sans que j'aie pu être nommé dans l'action et peut-être prendre des dispositions qui s'imposent pour argumenter et faire valoir des droits que j'ai.

Alors, si, demain matin, je devais donner un conseil à mes clients, je dirais: Surtout, ne vous immatriculez pas. Quel est l'avantage de vous immatriculer? C'est que les actions que vous porterez au nom de votre société, vous pourrez les mettre seulement au nom de la société au lieu de donner le nom de tous les sociétaires. Entre vous et moi, si c'est le seul avantage, ce n'est pas tellement grand. Je ne pense pas que cela vaille la peine de se mettre au bâton pour tous nos actifs personnels seulement pour avoir l'occasion de porter les actions en justice au nom de la société. C'était là le commentaire que je voulais peut-être apporter au niveau des personnes morales.

Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du Journal des débats, celui qui vient d'intervenir, c'est Me André Prévost.

M. Prévost: C'est cela. J'aurais peut-être un autre commentaire additionnel. Je ne veux pas y mettre plus d'emphase qu'on n'en a déjà mis, mais je veux vous dire deux mots sur le conseil de tutelle.

J'étais encore au palais il y a un mois. J'ai eu encore un conseil de famille. Je crois, de façon définitive - et le Barreau l'a répété à plusieurs occasions - on ne sait pas pourquoi le législateur tient tant au concept de conseil de famille ou de conseil de tutelle. Quand on a adopté le code en 1866, le concept de la famille était drôlement différent de celui qu'on connaît aujourd'hui. La dynamique familiale était très différente, les gens étaient géographiquement placés dans un "situs" qu'on pouvait bien identifier et la famille était très nombreuse.

Aujourd'hui, on se retrouve avec une famille qui est, plus souvent qu'autrement, très dispersée, très peu nombreuse et, dès lors, on peut se demander pourquoi et comment on peut continuer à faire fonctionner une institution comme le conseil de tutelle qui était le conseil de famille parce que, à vrai dire, on revient à peu près à la même chose. Comment peut-on imaginer continuer à faire fonctionner cette institution alors que, quotidiennement, on voit au palais de justice - je vous ouvre la parenthèse - au palais de justice à Montréal, cela se fait au quatrième, qui est l'étage des cours criminelles, on va chercher nos amis de la famille pour compléter nos conseils de famille? Quand même, il faut... Et même, chez les gens de bonne foi, on essaie de convoquer les conseil de famille en envoyant les avis à une quinzaine de personnes pour être sûr d'en avoir sept. Généralement, on se retrouve avec trois ou quatre.

Là-dessus, je réinvite le législateur à y penser sérieusement, parce que je crois que cela ne répond plus à un contexte actuel de la dynamique familiale.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee. (11 heures)

M. Marx: C'est sur ce dernier point. Si

on n'a pas de conseil de famille, il reste que le Curateur public va intervenir davantage. J'ai beaucoup de plaintes en ce qui concerne le Curateur public. J'ai beaucoup de plaintes. J'en ai reçu une hier. Je pense qu'il faut éviter que l'État n'intervienne. Quel mécanisme va-t-on utiliser si on abolit le conseil de famille?

M. Prévost: Le mécanisme qu'on avait suggéré dans le cadre du projet de loi 106, en 1982, était le suivant: on était tout à fait d'accord avec vous qu'il ne fallait surtout pas ajouter une charge au Curateur public. On sait que le fonctionnement de la Curatelle publique est très difficile. Cela prend beaucoup de temps. Nous, on avait pensé à un système différent. Dans la plupart des cas, on s'est dit que le conseil de tutelle donne un avis et, ensuite, on le soumet au tribunal pour l'autorisation requise et pour que le tuteur agisse en conséquence. On a dit: Pourquoi ne pas sauter l'étape? Si on en appelait pour chaque décision pour laquelle une autorisation du tribunal est nécessaire... Pour les décisions qui dépassent la simple administration, pour les décisions qui sont plus importantes, le tuteur adresse une demande au tribunal pour se faire autoriser. Il doit obligatoirement donner avis de cette demande à ce qu'on appelait un groupe de proches parents qui étaient frères, soeurs, ascendants et descendants, et conjoint si c'était une personne mariée. De cette façon, on se disait: Ceux qui ne sont pas intéressés ou qui sont d'accord avec ce qu'on recherche comme décision du tribunal ne se montreront pas. Ceux, par contre, qui ont un mot à dire et qui ne sont pas d'accord, ou qui ont quelque chose à souligner dans le cadre de cette décision pourront faire valoir, devant le tribunal, leurs positions. Cela avait deux avantages: premièrement, on court-circuite le système du conseil de tutelle qui, comme je vous le disais, ne répond plus à une réalité et qui est une addition dans le processus décisionnel; deuxièmement, la minorité peut se faire entendre par le juge parce que, n'oubliez pas que, dans un conseil de tutelle à cinq personnes, s'il y en a trois qui décident qu'elles sont d'accord pour le point et que les deux autres ne le sont pas, le tribunal, lui, ce qu'il va avoir comme recommandation, c'est le trois, la majorité de trois. On ne fera pas valoir devant lui les arguments de la minorité. On se disait justement: Dans le système que nous, on préconise, la minorité ou les gens qui ont un autre point de vue pourront l'exposer et le tribunal sera bien plus à même de prendre une décision.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Moi, je suis un peu surpris. On nous dit: On a beaucoup de difficultés à réunir sept personnes. Je dois vous dire que, dans notre pratique privée, nous, les notaires... Tout de même, je pense qu'on a une pratique... Moi, personnellement, j'avais une pratique qui était assez intense. On n'a jamais eu de problème à réunir les sept personnes. Chaque fois que vous avez des problèmes, c'est parce que cela se présente en cour, au tribunal, quand c'est fait par le protonotaire. Je dois vous dire qu'au niveau de la pratique privée nous, les notaires, on réunit facilement sept personnes. On a rarement des problèmes. Ce que vous suggérez, c'est qu'on soumette cela au tribunal et qu'ensuite on avise les personnes concernées, les frères, les soeurs, les autres. Je suis certain, vu l'apathie des gens, qu'ils ne répondront même pas. Je ne pense pas que ce soit une trouvaille.

Je suis pour le maintien du conseil de famille, nonobstant qu'on dise: Ce n'est plus la même dynamique, cela a changé. Les familles sont moins nombreuses. Je ne suis pas prêt à dire que ce n'est pas la meilleure formule. Je pense que c'est encore la meilleure. C'est sûr qu'il y a des déficiences parce que peut-être on doit recourir à des amis. Je ne pense pas que ces amis prennent nécessairement de mauvaises décisions ou ne s'intéressent pas à la cause du mineur ou de l'interdit. Je pense que ce qu'il faut surtout, c'est encourager les praticiens, les notaires à tenir des conseils de famille dans le milieu. Si vous les tenez dans le milieu, vous n'aurez pas de problème. Vous allez en avoir du monde. Nous, dans notre pratique - on est tout de même huit, neuf notaires dans notre bureau - on n'a jamais de problème, on en fait tous les jours. Mais, chaque fois - vous avez absolument raison - que cela se tient au tribunal de la Cour supérieure, il y a toujours des problèmes. On court après les membres et on n'est pas capable de les rejoindre. Mais, dans la pratique, je suis obligé de vous dire qu'on n'a pas ces problèmes. Bien sûr qu'on doit recourir, pour compléter le conseil de famille, à des amis. Je n'ai rien contre cela. Qu'on diminue le nombre, peut-être. Peut-être que sept, c'est trop, mais qu'on ne me parle pas d'un conseil de famille d'une personne. Vu que les familles ont diminué, que le nombre soit moins grand, qu'on s'arrête à cinq, je pense que cela peut très bien fonctionner. En tout cas, je suis bien obligé de le mentionner, c'est l'expérience que nous connaissons dans une pratique qui est très intense. Évidemment, vous allez me dire: C'est dans un milieu urbain, c'est dans Saint-Laurent, mais je ne pense pas que le problème se présente tellement dans les régions. C'est peut-être dans les grands centres. On pratique à Montréal et on ne connaît pas ces problèmes-là. Je ne vous dis pas qu'il ne

faut pas faire certains efforts, mais je pense qu'on peut le faire.

M. Marx: M. le Président, la différence, c'est que, lorsque les gens sont appelés par un notaire, ils viennent, mais, quand ils sont appelés par un avocat, ils ne viennent pas.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voulais le dire, mais je ne l'ai pas dit.

M. Marx: Je comprends, parce que... M. Trudel: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Trudel.

M. Trudel: C'est peut-être le son de cloche que je voulais faire valoir. Les notaires, quand ils font des conseils de famille, c'est généralement en matière successorale et on sait qu'en matière successorale les gens sont intéressés à participer à des conseils de famille, à aller chez le notaire, parce que généralement cela se traduit par un bout de papier qui est fort intéressant à recevoir, tandis que les avocats, nous avons souvent à convoquer un conseil de famille pour faire nommer un tuteur à un enfant dans le but de le poursuivre. Vous comprendrez que les gens ne courent pas au tribunal pour se faire nommer. II y a peut-être une autre dimension. Je pratique à Joliette où nous avons un hôpital psychiatrique et nous avons souvent dans notre pratique à faire nommer des tuteurs. Je peux vous dire qu'il y a à peine trois semaines j'ai fait des pieds et des mains pour trouver des parents, surtout à des personnes âgées. Je n'ai pas été capable de trouver quelqu'un pour faire nommer un tuteur de façon décente, parce que je n'aime pas prendre des gens dans les corridors, les amener dans un conseil de famille et leur dire: Voulez-vous dire oui? Venez prêter serment de bien remplir les devoirs de votre charge au meilleur de votre connaissance et de votre capacité et choisir un bon tuteur ou un bon curateur pour cette personne. Même en milieu rural, je peux vous dire par expérience, depuis une vingtaine d'années, que j'ai souvent eu des problèmes à faire nommer des tuteurs ou des curateurs.

La solution que le Barreau propose existe, à toutes fins utiles, actuellement parce que, par exemple, en matière immobilière où l'intérêt de l'incapable dépasse 2000 $, on doit d'abord convoquer un conseil de famille et demander: Êtes-vous d'accord pour vendre l'immeuble? S'ils nous disent: Oui, parfait, on part avec cela, on fait une requête à la cour. Un praticien est nommé, une évaluation de l'immeuble est faite et c'est le tribunal, à toutes fins utiles, qui autorise dans des actes de plus grande importance que les actes d'administration. On pourrait peut-être trouver un moyen terme, mais je pense que le conseil de famille tel qu'il existe actuellement risque de devenir de plus en plus ridicule avec le temps et même en milieu rural.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Trudel. M. le député de D'Arcy McGee, si vous voulez revenir.

M. Marx: Non, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

M. Boisciair (Claude): M. le Président, sur le conseil de tutelle...

Mme Harel: Me Claude Boisciair. M. Boisciair: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Me Claude Boisciair.

M. Boisciair: M. le député nous dit: Ne me parlez pas d'un conseil de famille composé d'une personne. Alors, il faudrait que l'on s'interroge sur la portée de l'article 243 où l'on prévoit que le conseil de tutelle peut être composé d'une personne. Ce conseil de tutelle peut être formé d'une seulepersonne. Il faudrait se demander si ce conseil de tutelle composé d'une seule personne n'est pas l'équivalent de notre subrogé tuteur dans le droit actuel qui a été et qui est encore décrié en raison de son inefficacité, parce que souvent composé d'une personne; si c'est un parent proche, il ne risque pas d'assurer un contrôle considérable.

Il est vrai que le conseil de tutelle aura peut-être des pouvoirs un peu supérieurs à ceux du subrogé tuteur actuel, mais, lorsqu'il est composé d'une personne, je pense que cela rejoint le commentaire du député qui nous dit: Ne me parlez pas d'un conseil composé d'une personne. Or, comme on aura certainement de la difficulté à avoir un conseil de tutelle permanent de trois personnes, parce qu'il faut bien comprendre qu'on parle de deux choses différentes tout le temps: le conseil de famille et le conseil de tutelle sont là, présents... Le conseil de famille sera convoqué uniquement pour élire le conseil de tutelle. Le conseil de tutelle a trois ou cinq personnes, et sera un organisme permanent avec l'obligation d'une réunion une fois par année, de tenir des procès-verbaux, etc. On impose déjà un encadrement qui, à

mon sens, est très sévère pour le conseil de tutelle alors qu'on a de la difficulté à réunir un certain nombre de parents pour un conseil de famille. Au tribunal, non plus, on n'a pas de difficulté à réunir sept parents lorsqu'il s'agit de succession. C'est dans les autres cas qu'on a de la difficulté. Donc, on a un conseil de tutelle à une personne qui rappelle étrangement le subrogé tuteur qu'on voulait éliminer. Partant du principe qu'on fait des changements à une loi lorsqu'il y a un avantage évident à le faire et qu'il n'en résulte pas des inconvénients plus graves que ceux qui existent déjà, ou pour combler un vide juridique... Le conseil de tutelle, évidemment, comme on n'a pas de notes explicatives, on peut penser qu'il s'inspire entre autres du droit français. Mais il faut dire que le droit français a toute une structure avec un juge des tutelles, et cela correspond à une réalité qui existe depuis longtemps. Quant à introduire un changement aussi important que celui-là, il faudrait quand même s'assurer qu'on répond à un besoin véritable.

Enfin, je pense que déjà, pour les actes d'administration, le tuteur devrait pouvoir agir seul, comme c'est le cas, et pour tous les actes importants, de toute façon, le conseil de tutelle devrait se retrouver devant le tribunal. Quel est l'intérêt de mettre cette étape entre eux? Au conseil de famille, je suis partisan, comme on l'a suggéré au Barreau, de dire: Écoutez, on donne des avis et ceux qui ont quelque chose à venir nous dire, qu'ils viennent nous le dire. C'est préférable d'avoir deux personnes intéressées que d'en avoir sept qui n'ont rien à dire et qui vont venir nous dire tout simplement: Vous voulez vendre cela, vendez-le donc! II faut regarder cette réalité en disant: Est-ce qu'on répond vraiment à un besoin ou si on introduit une structure qui peut être satisfaisante pour l'esprit et qui ne correspond peut-être pas à la réalité actuelle? C'est mon intervention sur le conseil de tutelle. J'en aurais peut-être d'autres à faire une fois qu'on aura vidé cette question.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boisclair. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais bien savoir si vous êtes d'accord avec le conseil de tutelle d'une personne. Est-ce que vous favorisez cela? Ai-je bien compris ou ai-je mal compris que vous dites que vous n'êtes pas d'accord?

M. Boisclair: Je ne suis absolument pas d'accord. Cela nous rappelle le subrogé tuteur actuel.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais simplement ajouter que, lorsque vous dites que c'est strictement pour des fins successorales, c'est faux. On organise et on prépare des conseils de famille régulièrement pour des interdictions. Ce n'est nullement que pour des fins successorales, pas du tout. Il arrive qu'on le fasse pour aider des successions, mais pas exclusivement pour cela. Ce n'est pas notre pratique. Notre pratique est très généralisée. Bien sûr que cela peut être un peu plus difficile quand c'est pour poursuivre, comme vous le dites; d'accord, peut-être dans ces cas-là.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Me Trudel.

M. Trudel: J'ai retenu souvent les services d'un notaire pour faire des conseils de famille quand les gens étaient d'accord. À ma connaissance, il n'y a pas un notaire qui est capable de faire nommer un tuteur quand il s'agit de poursuite judiciaire, les avocats non plus, qui ont beaucoup de misère aussi.

Le Président (M. Gagnon): Sur ce sujet, est-ce qu'on a autre chose à ajouter? Cela va? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Me Boisclair, est-ce que vous vouliez intervenir sur un autre sujet avant qu'on intervienne sur les remarques générales?

M. Boisclair. Je voudrais revenir sur un point concernant le domicile et aussi sur l'émancipation, brièvement, et sur l'autorité parentale.

À la page 5 du mémoire, au sujet du domicile, j'aimerais bien qu'on regarde le premier paragraphe. Résumons ou rappelons le droit actuel. Un Québécois, à la naissance, est présumé domicilié au Québec. Le domicile a une importance considérable concernant l'état et la capacité des personnes et cela le suit toute sa vie. On ne peut pas toucher à cette règle aussi fondamentale sans être certain qu'on répond à un besoin. Lorsqu'une personne s'en allait à l'extérieur pour des fins de travail ou pour des fins d'études, que finalement elle demeurait à l'extérieur, qu'elle renouvelait un contrat de deux ans en deux ans en ayant toujours l'intention de revenir et que cette personne décédait dans le droit actuel, on disait: Vous êtes encore présumé domiciliée au Québec et, en cas de doute, on va appliquer cette présomption de conservation du domicile québécois. (11 h 15)

Je ne sais pas si on a examiné la conséquence grave qui va résulter de l'article 78. Actuellement, dès que vous changez de résidence, vous êtes présumé changer de domicile et là on inverse le fardeau de la preuve en disant: Vous, qui avez résidé pendant un certain temps à l'extérieur,

prouvez-nous que vous aviez l'intention de conserver votre domicile d'origine, votre domicile québécois. On a exactement inversé le fardeau de la preuve et je ne vois pas à quel besoin cela répond. Si c'était pour supprimer la preuve difficile de l'intention, on ne fait que déplacer le fardeau de la preuve sur celui qui a acquis une autre résidence. Il y a une foule de personnes, aujourd'hui, qui s'établissent temporairement à l'extérieur, soit à des fins d'études, soit à des fins de travail, soit qu'elles vont en Floride six mois ou un an. Est-ce que ces gens-là vont constamment être présumés -parce qu'ils ont une autre résidence ailleurs - avoir changé de domicile? II est vrai qu'on prévoit un retour raisonnable et prévisible.

Laissez-moi vous donner un seul exemple là-dessus. Voici un ingénieur qui s'en va travailler en Ontario. Il était évident dans son esprit qu'il voulait revenir au Québec, mais, l'intention, c'est à la lumière des faits. On juge cela par rapport à ce qui s'est passé et on dit: Oui, il y avait changement de domicile. Il a toujours renouvelé ses contrats de deux ans en deux ans, mais il a fini par rester là une quinzaine d'années. Jamais on ne lui a offert... Effectivement, cela a été mis en preuve, on lui a offert des contrats de longue durée: dix ans, mais il a toujours refusé. Dans le droit actuel, il est présumé... Il a fini par revenir, il y a eu un divorce, une question de régime matrimonial, etc. Cela a été assez compliqué. On a dit: Vous êtes présumé conserver votre domicile d'origine et c'est à la partie adverse qui le conteste de prouver le contraire.

Avec ce nouvel article-là, cet ingénieur aurait été domicilié en Ontario parce que, après dix ans, on aurait pu dire: Ce n'est pas prévisible, ce n'est pas raisonnable qu'il revienne. Donc, on lui impose ce fardeau de la preuve. Moi, je pense qu'un Québécois devrait être présumé conserver son domicile d'origine, à moins qu'on ne prouve le contraire. Je ne vois pas en quoi cette règle répond à un besoin à travers la jurisprudence. L'intention reste une notion complexe. Si on voulait la supprimer, on ne l'a pas fait, on a tout simplement changé le fardeau de la preuve, transférer le fardeau de la preuve sur les épaules de l'autre. C'est ce que j'avais à dire sur cette question du domicile.

M. Trudel: Je voudrais ajouter un point sur la question du domicile. Cela a des incidences très graves également au niveau des assurances. Quand les enfants vont aux études, ils sont couverts automatiquement par la police d'assurance-responsabilité des parents parce qu'ils sont domiciliés chez leurs parents. Ici, on va avoir des problèmes au niveau des assurances parce que, si les gens demeurent dans une autre résidence, surtout s'ils sont majeurs, ils vont être considérés comme non domiciliés chez leurs parents et ils devront contracter leur propre police d'assurance s'ils veulent être couverts au point de vue de la responsabilité.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ça va? Me Boisclair.

M. Boisclair: Le deuxième point d'intervention, c'est sur l'émancipation. La question qu'on peut se poser, c'est: Comment se fait-il qu'on ait fini par faire disparaître l'émancipation par le mariage? Dans le droit actuel, on a introduit cette nouvelle disposition en se disant qu'il est évident qu'une personne qui se marie devrait être soustraite, d'abord, à l'autorité parentale et devrait pouvoir exercer ses droits civils, puisqu'on dit: Elle a suffisamment de maturité pour se marier. Cette émancipation de plein droit par le mariage disparait et, semble-t-il, à défaut d'indication contraire dans le projet de loi 20, il faudra que la personne qui se marie le demande d'une manière quelconque ou que le tuteur suggère que cette personne-là soit émancipée. Si ce n'est pas fait - cela ne manquera pas d'arriver parce que les gens vont l'oublier -on se retrouvera avec un mineur marié, disons, de 17 ans, qui restera soumis à l'autorité parentale parce qu'il ne sera pas émancipé. Alors, je me demande pourquoi on a supprimé cette règle qui, à mon sens, répondait à un besoin d'émancipation de plein droit par le mariage.

Quant aux deux autres volets - cela a déjà été exposé - la simple émancipation et la pleine émancipation, cela ne répond à rien. S'il y avait eu des problèmes ou des demandes, le seul qui a été porté à ma connaissance, c'est l'émancipation quant à la personne concernant les filles-mères qui voulaient être soustraites à l'autorité parentale pour être capables de s'occuper elles-mêmes de leurs propres affaires avec leur enfant.

II n'y a pas de cas de rapporté. De mémoire, je pense qu'il y en a eu un en 1890 ou quelque chose comme cela ou vers 1900. Il y en a peut-être qui m'échappent. Ceux auxquels je pense avaient été refusés. La majorité est maintenant 18 ans: ce n'est plus 21 ans. Je ne suis pas sûr du tout que vous répondiez à un besoin quelconque concernant l'émancipation en disant: la simple émancipation et la pleine émancipation.

En tout cas, vous vous demanderez à quels besoins vous répondez, parce que l'on n'en trouve pas de notre côté. Si vous supprimiez l'émancipation dans un mariage, on aurait dit: Le mineur marié a la pleine capacité concernant l'exercice de ses droits civils et vous réglez le problème et vous supprimez le chapitre de l'émancipation. Cela ne fera de peine à personne.

Le dernier commentaire que j'aimerais faire porte sur l'autorité parentale. On en a dit un mot tout à l'heure. Là, il faudrait se demander si le législateur se lance dans cette nouvelle façon de légiférer en disant: On va varier le vocabulaire. Cela peut alors devenir extrêmement difficile d'arriver à s'entendre. On a d'abord un tuteur à personne, comme on l'a dit. Cela s'occupe de quoi, un tuteur à personne? Il s'occupe de la personne. Le titulaire de l'autorité parentale, à l'article 647, s'occupe aussi de la personne. Il faudrait finir par s'entendre et savoir qui va s'occuper de qui, ou on ne fait plus confiance aux parents, si jamais il y a un tuteur légal à côté concernant la personne, et cela brise avec tout ce qui existait au Québec depuis toujours.

Si on s'en va en matière d'adoption, comment imaginer que le directeur de la protection de la jeunesse - soit dit en passant, il en a plein les bras actuellement et on veut lui en mettre encore plus - reste tuteur légal - on pense à la personne -jusqu'à l'adoption, alors que le législateur prévoit, à l'article 614, lorsqu'il y a une déclaration d'adoptabilité, qu'on désigne qui va exercer l'autorité parentale?

À l'article 618, on dit: On confère l'autorité parentale aux futurs parents adoptifs. Qui va décider quoi? Mieux encore, à l'article 619 et à l'article 620, si, par hasard, l'adoption n'est pas prononcée, elle est révoquée. On prévoit que le tribunal, même d'office, va désigner qui va exercer l'autorité parentale. Ce ne sera pas nécessaire puisque le directeur de la protection de la jeunesse est tuteur légal. Donc, il faudra vraiment mettre de l'ordre dans la terminologie. On parle d'exercice à un endroit, on confère l'autorité parentale à un autre, alors qu'on devrait, à l'article 618, conférer l'exercice de l'autorité parentale.

Bref, je laisse cela à vos réflexions. Je pense qu'il faudra s'entendre sur une seule terminologie et l'utiliser. Si on veut parler d'exercice, qu'on en parle, mais qu'est-ce qu'on va décider? Soit qu'on ne fasse pas confiance aux futurs parents adoptif3 et qu'on dise: On vous confère l'autorité parentale, mais, attention! le directeur de la protection de la jeunesse pourra décider pour vous ou il pourra intervenir. Si on confère l'autorité parentale, on applique l'article 647. C'est un droit de garde, de surveillance, d'entretien, etc. Ils ne peuvent pas être deux. Dans le droit actuel, on a toujours dit que l'autorité parentale pouvait coexister sans friction avec la tutelle, parce que le tuteur s'occupait des biens, les parents s'occupaient de l'enfant. Ce n'est qu'à titre subsidiaire que le tuteur s'occupait de la personne, lorsque les parents étaient interdits ou ne pouvaient pas s'occuper de l'enfant. Là, on se retrouve dans une situation pour le moins difficile, en tout cas, pour les uns et pour les autres.

C'est le commentaire que j'avais à faire sur l'autorité parentale. Sur le conseil de tutelle, j'ai dit antérieurement ce que j'avais à dire. Cela termine mes propos, à moins que je n'aie des questions là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boisclair. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Me Boisclair, avant de faire nos remarques générales, j'aimerais porter à votre réflexion la question que vous avez soulevée del'émancipation de droit par le mariage et avoir vos commentaires en vous demandant si vous avez pu examiner si cette émancipation de droit ne pouvait pas être contradictoire avec la discrimination fondée sur l'état civil que prohibe la charte des droits.

M. Boisclair: Par rapport à ceux qui vivent ensemble et qui ne sont pas mariés? C'est l'émancipation par le mariage. Par rapport à qui y aurait-il une discrimination?

Mme Harel: En fait...

M. Boisclair: À qui?

Une voix: Ceux qui vivent "accotés".

M. Marx: II n'y a pas" de problème, on va donner préséance au Code civil.

Mme Harel: En fait, c'est que...

M. Boisclair: Je ne vois pas en quoi ce serait discriminatoire et par rapport à qui. Les gens qui se marient...

Mme Harel: Cela octroie, à ce moment-là, une émancipation de plein droit sur un changement d'état civil à la suite du mariage.

M. Boisclair: II résulte justement de cette possibilité qu'on a pour le mineur marié de pouvoir lui-même décider de sa propre vie, avec son conjoint ou avec sa conjointe. C'est là qu'est le but de cette émancipation. Elle est suffisamment ou il est suffisamment mature, puisque les parents doivent consentir. Lorsque l'article 403 sera en vigueur, c'est le tribunal qui va l'autoriser. Ou on dit: On vous autorise à vous marier, mais vous n'êtes pas émancipés. Si on a prévu ça, ce n'est pas pour faire de la discrimination, et là, je ne sais pas à l'égard de qui.

À un moment donné, les gens qui vivent en union libre, on ne sait pas quand ça commence et on ne sait pas quand ça finit. Le mariage, lui, on sait quand il commence et on va savoir aussi quand il finit, mais on sait surtout quand il

commence. Donc, il y a un encadrement juridique. S'il y a de la discrimination à l'égard des personnes qui ne sont pas mariées... Écoutez, le législateur leur offre deux voies. Il dit: On vous offre la voie du mariage, il y a des inconvénients et des avantages, et on vous offre la voie où vous n'avez aucune responsabilité; si vous voulez vivre en union libre, vous vous en irez quand vous voudrez, mais on ne peut pas tirer la couverture des deux côtés. On ne peut pas être dans les deux systèmes en même temps. Le législateur, d'ailleurs, dans la loi 89, l'a dit: On ne veut pas intervenir dans le choix que les gens font, mais, s'ils choisissent le mariage, voici les règles; s'ils ne choisissent pas le mariage, il y a des inconvénients et des avantages là aussi, j'imagine.

La discrimination, j'avoue que j'ai de la difficulté à la voir. Il faudrait qu'on me dise par rapport à qui, peut-être que je pourrais...

Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez, M. le Président, si on considérait qu'il y a une discrimination par rapport aux gens non mariés, tout le Code civil serait de la discrimination à l'égard des gens non mariés, ce n'est pas compliqué. Je pense qu'il faut que ça s'arrête quelque part.

Mme Harel: M. le Président, d'abord, je voudrais vous remercier... M. Boisclair, vous avez encore une remarque à faire?

M. Boisclair: Puis-je me permettre -une fois parti! - une dernière intervention toute petite, qui porte sur l'acte de naissance, à la page 8. C'est tout simplement une précision pour la commission. On a dit qu'on ne devrait pas, comme c'est le cas actuellement, permettre à l'un des conjoints de déclarer la filiation à l'égard de l'autre, et on limite ça aux enfants nés hors mariage. Il ne s'agit pas là de discrimination puisque, dans le cadre du mariage, encore une fois, vous avez une présomption de paternité qui autorise la mère, par exemple, à déclarer, en vertu de cette présomption, que le père est son mari. Et là, on sait quand ça commence, son mariage. Et le faire à l'égard des personnes non mariées, il n'y a pas de présomption de paternité, ça peut être le fait d'une vie commune qui dure, comme l'aventure d'une nuit. Il faut faire attention pour éviter que n'importe qui se mette à déclarer n'importe quoi des personnes sans leur consentement. Cela aussi, c'est le droit actuel. Jamais les tribunaux n'ont accepté qu'une personne non mariée déclare l'autre comme conjoint sans s'assurer que ce conjoint était d'accord.

Je voulais préciser que la discrimination n'existait pas, parce qu'il y a une présomption de paternité qu'on ne fait pas jouer pour les enfants nés hors mariage. C'est tout.

(11 h 30)

Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Boisclair. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier et vous indiquer que le secrétariat de la commission a reçu votre mémoire à 19 heures hier soir. Alors, nous en avions presque tous, je pense, pris connaissance au moment où vous nous en avez fait part, où vous nous avez fait la lecture.

Le secrétariat de la commission va vous remettre dès ce matin, je pense, les amendements qui ont été déposés la semaine dernière et qui peuvent, à certains égards, répondre à certaines interrogations que vous avez soulevées ce matin. Je ne pense pas que vous ayez eu ces amendements. Ils vous seront donc transmis tout de suite après la clôture de nos travaux.

J'ai pris bonne note des difficultés inhérentes au fait qu'il y a eu absence de références et de notes explicatives. Vous savez, cet après-midi, on va procéder à l'étude détaillée. Je veux vous dire, au-delà de ce qu'il est d'usage de faire comme commentaires, que, lors de cette étude détaillée, nous allons le faire avec l'éclairage des recommandations que la Chambre des notaires et que vous-mêmes avez apportées ce matin. Je crois que nous vous sommes très redevables, puisque vous êtes des praticiens chevronnés, des commentaires d'application que vous nous avez faits. Je veux, en fait, vous remercier et vous signaler que nous allons entreprendre cette étude détaillée justement à la lumière des commentaires que vous nous avez apportés.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier le bâtonnier et les membres de la sous-commission du Barreau de leur précieuse collaboration. On compte souvent sur les interventions du Barreau, surtout dans des domaines comme le Code civil. Il va sans dire qu'on va tenir compte de vos commentaires lorsque nous ferons l'étude article par article du projet de loi 20.

Après la discussion d'aujourd'hui et d'autres discussions que nous avons eues à l'Assemblée nationale, je suis bien tenté de dire qu'on aurait dû adopter le projet du Code civil déposé par l'Office de révision du Code civil. Au moins, au aurait eu aujourd'hui un Code civil, avec des modifications qui s'imposent toujours, parce que j'ai l'impression que, même en adoptant le code qu'on prépare aujourd'hui, avant l'entrée en vigueur, on va avoir un paquet d'amendements. Le Barreau viendra ici une

autre fois, ainsi que la Chambre des notaires, et ainsi de suite. De temps en temps, je rêve qu'on n'aura pas de Code civil avant le XXIe siècle. Comme on procède maintenant, il faudra encore 15 ou 20 ans, mais...

Une voix: Quand on sera au pouvoir, cela ne sera pas long.

Mme Harel: ...aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Marx: On va donner toutes les chances au gouvernement de revenir un jour pour terminer le code.

En ce qui concerne la remarque sur la préséance du Code civil sur la charte des droits, c'était pour taquiner un peu le gouvernement, parce que je suis contre ces clauses de dérogation dans les chartes, mais c'est là une autre question.

J'ai beaucoup apprécié les réflexions d'ordre général du bâtonnier. Nous sommes d'accord avec ces réflexions générales. Je pense qu'il a touché les points importants. Par exemple, la bâtonnier a parlé du rapport du codificateur de 1866 qui a encore été cité aujourd'hui et du rapport du codificateur qui a été fait en 1965. J'ai demandé au ministre et à l'adjointe parlementaire que, lorsqu'on fera l'étude article par article de ce projet de loi, il y ait des commentaires, les plus complets possible, sur chaque article pour que quelqu'un qui consulte ces débats puisse savoir quel en est l'objet, ce qu'on a voulu faire, etc. Cela peut être utile dans l'avenir. J'espère qu'on va avoir les commentaires les plus complets possible.

J'aimerais juste poser une question au bâtonnier: Comment voyez-vous la mise en application de notre nouveau Code civil? Est-ce que vous pensez qu'il faut attendre que tout le code soit adopté et mis en vigueur à une seule date? Qu'est-ce que vous voyez comme échéance?

M. Boisclair: Me Marx, je ne voudrais pas adopter de positions contradictoires parce que je sais que d'autres gens m'ont précédé à ce poste, mais je pense que ce qui a déjà été suggéré, c'est de procéder à l'étude livre par livre et de se rendre au stade de la sanction pour voir quel sera le paysage d'ensemble, et, quand on aura cela, peut-être essayer d'éviter des problèmes de concordance et de le faire entrer en vigueur dans un bloc.

M. Marx: Tout le code?

M. Boisclair: Je pense que oui.

M. Marx: Vous pensez que oui? Parce que, maintenant, je pense que les plans sont de mettre en vigueur le projet de loi 20 sans avoir adopté les autres livres. Je pense que c'est le projet du gouvernement aujourd'hui, mais cela pourrait changer dans les mois à venir. On ne sait jamais, parce qu'on a une nouvelle adjointe parlementaire et...

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous le permettez...

M. Marx: J'aimerais vous remercier de nouveau et vous assurer qu'on va tenir compte de vos commentaires de ce matin qui sont très pertinents.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, un simple commentaire. Est-ce que vous considérez que l'adoption du droit de la famille, la loi 89, a été une erreur?

M. Boisclair: Je ne sais pas si.. Vas-y donc, Suzanne.

Mme Vadboncoeur: M. le Président, je pense que la mise en vigueur de la loi 89 a causé et cause encore des problèmes, oui. De toute façon, on peut constater - et vous êtes les premiers à pouvoir le constater - que la loi 89 a dû être amendée plusieurs fois pour combler des trous, pour corriger des erreurs qui ont été faites. On vit du droit transitoire qui amène des problèmes et c'est là le but de la demande du Barreau qui a été faite d'ailleurs depuis la commission de 1983 et celle de l'an dernier, de 1984. On le répète encore: le gros problème, c'est le droit transitoire et, si on passe son temps à fouiller d'un code à l'autre, à s'apercevoir qu'à une date précise - parce que les proclamations se font par miettes - tel article n'était plus en vigueur ou n'était pas encore promulgué, cela cause des problèmes épouvantables. Vous pouvez vous imaginer que, si on arrive avec ces trois livres, après cela, on va arriver avec les obligations, après cela, on va arriver avec les sûretés, après cela, on va arriver avec la preuve, le droit international privé, en tout cas, tous les autres livres du Code civil du Bas-Canada qu'il reste à étudier, cela va faire beaucoup de travail pour les avocats, remarquez bien, mais je ne pense pas que ce soit au profit des justiciables.

M. Prévost: Si vous me permettez un mot sur ce dernier point, pour le projet de loi 20 qui comporte environ 1000 articles -cela va jusqu'à 1300, mais on saute le livre 2 - à peu près 900 articles, on a un projet de loi qui sera déposé - là, c'est un avant-projet - qui a 408 articles de dispositions transitoires. Dans ces dispositions transitoires, on a été obligés de faire des modifications à certains articles du Code

civil du Bas-Canada. Prenons, par exemple, comme je le disais tout à l'heure, le titre des sociétés. On modifie le titre des sociétés pour lesquelles on n'a pas encore eu de réforme et, dans deux ou trois ans, on va refaire le titre des sociétés et on va remodifier, évidemment, les dispositions actuelles qui ont été amendées par la loi d'application sur le projet de loi 20. Tout ce que le Barreau a essayé de dire au législateur, c'est que, lorsqu'on a adopté le Code civil la première fois, en 1866, comme quand on a décidé d'adopter un nouveau Code de procédure civile, en 1965, on l'a, fait d'un bloc. Les avocats et les notaires, qui sont les spécialistes en droit, ont de la difficulté à s'y retrouver. Comment pensez-vous que les justiciables, eux, vont se retrouver? C'est le problème majeur d'adopter un nouveau Code civil partie par partie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'endosse la dernière remarque de M. Prévost. Je pense que, pour être juste avec le ministre de la Justice, il nous a déjà cité des exemples de pays où ils ont renouvelé leur Code civil en procédant par étapes. Mais, au Québec, on n'a jamais procédé par étapes, et je suis tout à fait d'accord pour qu'on adopte le Code civil d'un seul bloc.

Pour rassurer tout le monde sur le fait qu'on va avoir d'autres amendements à la loi 89 sur la famille, nous avons reçu l'avant-projet de loi assurant l'application de la réforme du droit des personnes, des successions et des biens et je vois tout de suite qu'il y a d'autres modifications à la loi 89. Donc, cela va continuer d'une session à l'autre, jusqu'à la fin. On ne sait pas si on va en voir la fin.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avez-vous autre chose à ajouter, Mme la députée de Maisonneuve? Cela va? Alors, je voudrais...

M. Boisclair: Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Boisclair: ...avant de terminer, je voudrais remercier la commission d'avoir donné l'occasion au Barreau de venir exprimer son point de vue. C'est toujours un plaisir pour le Barreau de venir aider et d'apporter son concours au gouvernement dans le but d'avoir une meilleure législation. J'offre la collaboration du Barreau pour l'étude article par article, si vous jugez que cette collaboration peut vous être utile.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je voulais aussi vous mentionner que toute information que le Barreau pourrait vouloir nous faire parvenir, par l'entremise du secrétariat de la commission, sera transmise aux membres de la commission. Je voudrais vous remercier, Me Trudel, bâtonnier, Me Boisclair, Me Suzanne Vadboncoeur et Me Prévost ainsi que le Barreau du Québec que vous représentez. Sur ce, nous allons ajourner nos travaux sine die. Nous revenons cet après-midi, après les affaires courantes et les affaires du jour.

M. Marx: J'aimerais qu'on fixe... Pour aujourd'hui, c'est après les affaires du jour, mais, ce soir, ce sera jusqu'à quelle heure?

Le Président (M. Gagnon): Suivant l'ordre de l'Assemblée nationale, ce sera jusqu'à 22 heures, je présume.

M. Marx: Est-ce qu'on a besoin... Oui, mais, en sous-commis3ion, on n'a pas besoin d'ordre de la Chambre. Pourquoi ne pas siéger...

Le Président (M. Gagnon): Je voudrais seulement vous mentionner que, même si c'est une sous-commission, c'est un mandat de la Chambre.

M. Marx: Oui. Peut-on prendre quelques minutes?

Le Président (M. Gagnon); Quelques minutes, oui. Nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions ajourne donc ses travaux sine die, mais on s'entend pour dire qu'après les affaires courantes nous allons revenir en commission. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 15 h 32)

Étude détaillée

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Est-il convenu d'étudier séparément la disposition préliminaire et les articles 1 à 399 du Livre

premier. Des personnes, proposés à l'article premier du projet de loi 20? Est-ce que vous êtes d'accord pour procéder comme cela? Je ne sais pas trop comment commencer. Mme la députée de Maisonneuve, adjointe au ministre, je vous laisse la parole immédiatement.

Disposition préliminaire

Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous allons immédiatement examiner la disposition préliminaire. J'aurais à introduire un amendement. Je pense vous en faire lecture, M. le Président, immédiatement. Je crois qu'il serait peut-être souhaitable que nous procédions de façon à introduire les amendements. Par la suite je lirai les commentaires sur la disposition et ensuite sur l'amendement. Est-ce que cela vous convient?

L'amendement introduit serait le suivant: Au premier alinéa, remplacer les mots et signe: ", les principes généraux du droit privé et les règles du droit international privé" par les mots "et les principes généraux du droit".

Commentaires. L'amendement a pour objet de supprimer la référence au droit international privé. Cette référence est inutile puisque les règles québécoises de droit international privé en matière civile se retrouveront au Livre neuvième du Code civil.

Je relis l'amendement. Au premier alinéa, remplacer les mots et signe: ", les principes généraux du droit privé et les règles du droit international privé" par les mots "et les principes généraux du droit". Donc, cet amendement a pour objet de supprimer la référence au droit international privé.

Sur l'ensemble de la disposition préliminaire, le commentaire est le suivant. Cette disposition préliminaire veut situer et définir d'une façon générale la fonction du Code civil. Elle est de la même nature qu'un préambule. Le premier alinéa rappelle que le Code civil régit les personnes, l'exercice des droits civils, les rapports entre les personnes ainsi que les biens, mais qu'il le fait en harmonie avec les principes de la Charte des droits et libertés de la personne, loi de caractère fondamental qui inspire aussi le Code civil. Cet alinéa rappelle également que le code est aussi en harmonie avec les principes généraux du droit. Cette référence repose sur le fait que les principes généraux du droit ne sont pas tous exprimés au Code.

Le second alinéa est nouveau. Il établit la portée du code comme fondement du droit privé et sa position privilégiée dans l'ensemble de notre système législatif. L'un des objectifs de cet alinéa est de favoriser le recours aux dispositions du Code civil pour interpréter les lois refondues lorsque celles-ci font appel à des matières traitées au code. Cela termine le commentaire.

M. Marx: II n'y a pas d'autre commentaire?

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement sur les dispositions...

Mme Harel: Sur la disposition préliminaire, non.

M. Marx: J'ai juste une petite question au début. M. le Président, c'est bien connu que le Québec ou que l'Assemblée nationale n'a pas toute la compétence voulue pour modifier tous les articles du Code civil, c'est-à-dire que certains articles du Code civil sont en vigueur au Québec à cause de l'article 128 de la constitution de 1867 - je ne suis pas sûr si c'est l'article 128 ou si c'est un autre article - du fait que le Code civil avait été adopté en 1866. Quand vous faites référence à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec c'est parfait. Mais il y a certains articles dans le Code civil du Bas-Canada qui ne peuvent pas être modifiés par le Québec mais seulement par le Parlement fédéral. Ils tombent sous la Charte des droits et libertés du Canada. Je n'ai pas d'objection à ce qu'un des fonctionnaires fasse une intervention. Le professeur Jean Pineau pourrait intervenir sur le plan technique. Je pense que ce serait plus facile pour nous tous.

Mme Harel: Peut-être pourriez-vous nous donner la référence aux articles que vous mentionniez?

M. Marx: Les articles du Code civil? Je n'ai pas mon code.

Une voix: Ce sont sans doute les articles relatifs au mariage et aux annulations...

M. Marx: Au mariage surtout, oui.

Une voix: ...qui sont d'ailleurs restés dans le Code civil du Bas-Canada et qui n'ont pas été mis en vigueur...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse! Moi non plus, je n'ai pas d'objection à ce que d'autres personnes que les députés ou ministres prennent la parole, excepté qu'il va falloir vous identifier pour le Journal des débats. Ça va?

M. Marx: Seulement vous identifier avant de parler.

Le Président (M. Gagnon): Seulement vous identifier pour les fins du Journal des débats.

Mme Harel: II va falloir une certaine rigueur pour vous identifier avant d'intervenir parce que ça va tellement...

Le Président (M. Gagnon): Une fois que cela aura été fait une fois ou deux, je pense qu'on vous reconnaîtra assez bien. Alors, quel est votre nom?

Mme Longtin (Marie-José): Mme Marie-José Longtin.

Je pense que M. le député de D'Arcy McGee faisait référence aux articles qui concernent le mariage et l'annulation du mariage qui sont au Code civil du Bas-Canada. Ceux qui ont été adoptés dans le Livre deuxième sur la famille et qui n'ont pas été mis en vigueur.

M. Marx: II y a certains articles comme l'âge du mariage; cela n'a pas été mis en vigueur. Pourquoi?

Une voix: Parce que le mariage est de juridiction...

M. Marx: Parce qu'on n'est pas certain si c'est de juridiction provinciale ou fédérale. Moi, je pense que c'est de juridiction provinciale de toute façon, mais cela n'a pas été mis en vigueur. Donc, le Code civil du Québec garderait en vigueur les articles du Code civil du Bas-Canada.

M. Cossette (André): Mon nom est André Cossette.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Cossette.

M. Cossette: C'est le cas actuellement. M. Marx: C'est le cas actuellement.

M. Cossette: Ces articles se retrouvent au Code civil du Bas-Canada.

M. Marx: Donc, si on veut être tout à fait exact dans la disposition préliminaire, je pense que ce serait utile de faire référence à la charte canadienne aussi.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Cela supposerait évidemment que ces articles soient mis en vigueur, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Ce sont là des articles qui pourraient ne pas être mis en vigueur jusqu'au moment où il y aurait un accord constitutionnel.

M. Marx: Ces articles sont en vigueur. Le mariage réfère à quels articles, maintenant?

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Ils continuent toujours d'être en vigueur, parce qu'ils n'ont jamais cessé de l'être depuis 1867. Ils sont restés dans le Code civil du Bas-Canada.

M. Marx: Donc, la charte canadienne s'applique à ces articles, parce qu'on ne peut pas se soustraire de l'application de la charte canadienne. Donc, si on veut que la disposition préliminaire soit tout à fait exacte, il faut parler aussi de la charte canadienne, parce que la charte canadienne s'applique à ces articles. Est-ce que i'ai raison de dire cela?

M. Cossette: La disposition préliminaire ne touche que le Code civil du Québec et non pas le Code civil du Bas-Canada.

M. Marx: Donc, on va avoir un code -parce qu'on va avoir un code un jour - où il va y avoir certains articles qui seront régis par la charte québécoise; donc, on en fait mention. Il y en a d'autres qui seront régis par la charte canadienne; on n'en fera pas mention.

C'est quel article, maintenant, sur le mariage, l'âge... Cela change...

M. Cossette: De mémoire, l'article 115 ou 112...

M. Marx: On va prendre cela maintenant.

Mme Harel: Article 115.

M. Marx: Article 115, c'est cela. "L'homme, avant quatorze ans révolus, la femme, avant douze ans révolus, ne peuvent contracter mariage." D'accord, c'est cela, l'article 115. On va avoir le code tel qu'on le prépare maintenant, et on va incorporer cet article, d'accord? Non? Comment est-ce que cela va fonctionner, une fois que tout sera adopté? Est-ce qu'on va vivre avec deux codes jusqu'à la fin de nos jours, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on ait un réaménagement des compétences en matière de mariage?

M. Cossette: Les circonstances constitutionnelles ne nous permettent pas de dire autre chose, c'est-à-dire que, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un accord constitutionnel relativement à la juridiction sur le mariage, il va falloir continuer de vivre avec un Code civil du Bas-Canada qui conserve les anciennes dispositions relatives au mariage qui n'ont pas été abrogées, et un Code civil du Québec qui va comprendre les articles qui n'auront pas été proclamés et qui ne seront pas en vigueur.

M. Marx: On va toujours avoir deux

codes, donc.

M. Cossette: Toujours, c'est peut-être...

Le Président (M. Gagnon); Mme la députée de Maisonneuve.

M. Marx: Toujours, c'est long, ça.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve. (15 h 45)

Mme Harel: Sur ce débat, puisque ça concerne le Code civil du Québec et que le Code civil du Québec doit, en fait, être régi en harmonie avec la charte québécoise des droits et libertés, on pourrait peut-être disposer de cette disposition préliminaire.

M. Marx: Je n'ai pas compris que ce serait comme ça; je pensais que ça aurait être adopté et mis en vigueur d'une façon plus cohérente. Quand on va arriver au chapitre sur le mariage, le titre cinquième, on va avoir un Code civil du Québec mais, pour certains articles du mariage, on va se référer au Code civil du Bas-Canada. On va toujours avoir deux codes.

Mme Harel: "Toujours" reste aléatoire puisqu'on peut souhaiter qu'il n'y ait qu'une seule juridiction. Je vous référerai à l'article 402, au Livre deuxième sur la famille, qui a déjà été adopté et qui stipule qu'on ne peut contracter mariage avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans. Cette disposition n'est pas mise en vigueur et ne le sera pas tant que le Québec n'aura pas compétence en cette matière.

M. Marx: C'est l'incohérence complète, dans le sens que...

Mme Harel: Cela prouve la nécessité d'obtenir une compétence en cette matière.

M. Marx: Ce n'est pas nécessaire. Cela prouve qu'il faut respecter les compétences actuelles, négocier des modifications et, par la suite, modifier le code. Sinon, ce sera la foire encore pendant des années. Chacun a ses responsabilités.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement... Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais soulever la question qui a été abordée par le Barreau ce matin sur la disposition préliminaire.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je peux vous demander à tous de parler un peu plus fort ou d'approcher le micro parce que je sais qu'il y a des gens dans la salle qui sont extrêmement intéressés à nos débats et qui ont de la difficulté actuellement à vous comprendre? Alors il va falloir probablement parler plus près du micro ou parler plus fort. Peut-être que vous pourriez aussi vous approcher un peu plus près à la table des membres de la commission. Je ne pense pas qu'il y ait d'inconvénients à cela. Peut-être que vous pourriez vous placer à la table. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le Barreau, ce matin, a soulevé certaines questions en ce qui concerne la disposition préliminaire.

Mme Harel: Alors, on peut peut-être constater que l'opportunité d'une disposition préliminaire est discutée et que les opinions sont partagées. Certains considèrent nécessaire de resituer le Code civil dans un ensemble législatif; d'autres considèrent qu'il n'est pas besoin de le stipuler, que cela va de soi. Peut-être, M. Cossette, avez-vous quelque chose à ajouter.

M. Cossette: Généralement, je pense qu'on peut dire qu'il est important au Québec, vu le contexte nord-américain dans lequel nous vivons, d'affirmer bien clairement que nous vivons dans un pays de droit civil. Quand il s'agit de matière civile, je pense qu'il est important de ne pas faire référence à des concepts qui nous viennent du "Common Law" ou d'ailleurs. C'est dans le but de faire cette affirmation, parce que les tribunaux ne l'ont pas toujours considéré comme tel, qu'il a été jugé bon de l'affirmer dans un article préliminaire. Il suffit de lire par exemple un magnifique livre que vous connaissez sans doute sur l'interprétation du Code civil, un livre écrit par M. Walton, un ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université McGilI, d'ailleurs. Celui-ci a écrit abondamment sur l'interprétation du Code civil pour se convaincre de la nécessité d'avoir un article comme celui-là.

M. Marx: Oui, il l'a écrit au début du siècle. Nous sommes vers la fin maintenant.

M. Cossette: C'est encore vrai.

M. Marx: II y a beaucoup de jurisprudence depuis.

M. Cossette: Oui, mais malgré tout cela on trouve des jugements de la Cour suprême qui font encore référence à des notions de "Common Law".

M. Marx: À la Cour suprême, maintenant, les jugements en droit civil sont presque exclusivement rendus par les juges du Québec.

M. Cossette: Heureusement!

M. Marx: C'est un banc de cinq: trois juges du Québec et deux d'ailleurs.

M. Cossette: Je mentionne celui-là en particulier. M. le juge Beetz a eu l'occasion encore récemment de rappeler la nécessité de s'en reporter plutôt à notre Code civil, encore que plusieurs des plaideurs avaient fait appel à des notions de "Common Law" pour appuyer leur cause.

M. Marx: Donc, c'est clair. La Cour suprême a déjà dit cela.

M. Cossette: Oui, mais je pense...

M. Marx: Vous pensez qu'il faut répéter ce que la Cour suprême a déjà dit. On peut inclure son jugement dans le code. C'est cela? Je comprends le concept et j'ai toujours tenu pour acquis que c'était implicite. Je ne vois pas vraiment la nécessité de répéter cela dans un article parce qu'on ne sait pas ce qu'on ajoute. C'est cela le problème. On sait ce qu'on a et, quand on commence à ajouter à ce qu'on a mis dans ces deux paragraphes, je pense, comme le bâtonnier et la secrétaire du Barreau l'ont dit ce matin, qu'on peut poser la question: Qu'est-ce qu'on ajoute? On ne sait pas exactement ce qu'on ajoute. On peut avoir des interprétations qu'on ne veut pas avoir. Je pense que c'était le sens de leur intervention de ce matin.

Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin.

Mme Longtin: Oui, en fait, ce qu'ils contestent... Enfin, ils disent que cela pourrait soulever des litiges. Maintenant, on sait qu'une disposition de ce type n'a jamais plus que la valeur d'un préambule. Donc, cela sert tout au plus à indiquer le sens général de l'interprétation qu'on pourrait donner au texte et cela ne peut pas servir de fondement à un litige ou être déterminant dans la solution.

M. Marx: Peut-être que le professeur Pineau aurait des remarques. M. Pineau est bien neutre dans ce débat et va nous dire la vérité. Donc, il peut contredire soit l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice, soit moi-même ou le député de Saint-Laurent. Il a toute la liberté de dire la vérité.

Mme Harel: Je veux lui demander, en préambule, s'il considère le droit comme une science exacte.

M. Pineau (Jean): Non.

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, ai-je bien compris que l'amendement signifiait que cette disposition préliminaire de l'article doit se lire désormais: "Le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit, les personnes, l'exercice des droits civils, les rapports entre les personnes ainsi que les biens."?

Sur ce premier paragraphe, je me demande pourquoi on indique "l'exercice des droits civils", puisque c'est impliqué dans le livre sur les personnes qui traite de la jouissance et de l'exercice des droits civils et de toutes sortes de choses ainsi que des biens et de toutes sortes de choses relatives aux biens. Donc, je ne vois pas l'utilité de "l'exercice des droits civils"; c'est couvert par les personnes. C'est aussi une excellente chose que de supprimer "les règles du droit international privé" parce que, effectivement, ce sont des règles relatives aux personnes et aux biens. Il serait très simple de dire "régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne, les personnes, les rapports entre les personnes ainsi que les biens".

Quant aux deuxième paragraphe, ce qui peut peut-être gêner certains, c'est "il fonde".

M. Marx: C'est cela.

M. Pineau: Fonder, dans le sens second veut dire constituer le fondement. En ce sens, c'est exact, n'est-ce pas? Ne serait-il pas préférable de dire que le code constitue le fondement sur lequel reposent les autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger? Mais c'est le même sens que ce qui est proposé. Il y a aussi l'expression "par implication", "en termes exprès ou par implication". Ne serait-il pas plus simple de dire "de façon implicite"? Ou est-ce que "par implication" a un sens différent de l'expression "de façon implicite"? La définition d'implication, c'est: relation logique consistant en ce qu'une chose comporte de façon implicite une autre chose. Je crois que c'est une façon bien compliquée de dire "d'une façon implicite". Mais c'est uniquement une question de terminologie.

Mme Harel: Vous pourriez peut-être, soit Mme Longtin ou M. Cossette, intervenir immédiatement ou on peut aussi prendre cela en délibéré et suspendre cette disposition pour reprendre...

M. Marx: Le Barreau nous a critiqués dans son mémoire d'il y a deux semaines pour avoir suspendu trop d'articles dans l'adoption des projets de loi. Il trouve cela difficile à suivre par la suite. C'est seulement pour le mentionner parce qu'on va avoir beaucoup de cas difficiles comme ça.

Peut-être pourrions-nous les adopter dans l'ordre, dans la mesure du possible; sinon, on va avoir un problème avec ces 1200 articles. Je pense surtout au président de la sous-commission.

Le Président (M. Gagnon): Oui, effectivement, vous avez raison de penser au président.

Mme Harel: Avez-vous des commentaires, M. Cossette ou Mme Longtin?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je regarde la recommandation du Barreau qui dit: "Ce code est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions, établit le droit; il est complété par les lois particulières." À ce moment-là, on enlève "établit le droit et constitue le fondement des autres lois". Est-ce que cela pourrait être acceptable?

Mme Harel: On pourrait retenir cette modification qui consisterait en ceci: "En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger." Cette rédaction se retrouvait dans le texte orginal du projet de loi 106.

M. Marx: C'était dans mes notes de cours lorsque j'étais étudiant à l'Université de Montréal, à l'époque du professeur Maximilien Caron.

Le Président (M. Gagnon): Je vous ferais une suggestion à ce moment-ci. Vous aviez suggéré de suspendre cet amendement et les dispositions préliminaires pour corriger le texte et y revenir ensuite, non? Ou si on continue...

M. Leduc (Saint-Laurent): On est mieux de disposer...

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...de la disposition préliminaire.

Mme Harel: Tout ce qu'on peut faire tout de suite, il vaut mieux le faire puisqu'on est dans le débat qui peut mener à une rédaction. À ce moment-ci, si c'est possible, on va le faire immédiatement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): D'accord.

Mme Harel: Donc, d'abord, si on peut s'entendre sur le second alinéa, il s'agit, comme amendement, de remplacer le verbe "fonde" par "constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger".

Une voix: À mon sens, c'est de la sémantique.

Le Président (M. Gagnon): Alors, vous remplacez "il fonde les" par la phrase que vous venez de mentionner. Pourrait-on l'avoir par écrit?

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'ai l'impression qu'on joue avec les mots, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Je voudrais savoir de Me Cossette s'il est d'accord avec la phrase qui dit: "En ces matières, il fonde les autres lois." Êtes-vous d'accord pour dire que le Code civil est le fondement des autres lois? Le Barreau dit non, vous dites oui, si je comprends bien.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Marx: C'est spirituel, non pas matériel.

Le Président (M. Gagnon): Cela va devenir assez compliqué pour le Journal des débats. Si on veut s'y retrouver, il va falloir faire attention pour parler au moment où on a la parole. Sans cela, je présume que ce sera difficile pour ceux qui vont vouloir suivre les travaux. M. Cossette, vous avez la parole. (16 heures)

M. Cossette: Je trouverais difficile de donner une réponse à brûle-pourpoint comme cela. D'autant plus qu'il faut lire la totalité du paragraphe qui commence comme ceci: "Le code est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions, établit, en termes exprès", etc. "En ces matières - cela se rapporte aux matières dont on vient de parler - il fonde les autres lois". Sous réserve de ce début de phrase, quand on dit "en ces matières", je pense qu'il faut être d'accord que c'est le fondement des autres lois.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites "se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet"...

M. Cossette: Oui. ...des dispositions du Code civil du Québec.

Le Président (M. Gagnon): Terminé? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je reprends donc cet amendement, M. le Président, et on pourrait en disposer immédiatement.

Le Président (M. Gagnon): Vous parlez

de l'amendement...

Mme Harel: II s'agit de remplacer "fonde les" par "constitue le fondement des".-

Le Président (M. Gagnon): Alors, cela me prend l'amendement écrit.

Mme Harel: ...autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.

Le Président (M. Gagnon): Cela me prend l'amendement écrit. Cela ne sera pas long. En ce qui concerne le premier paragraphe, on y reviendra tantôt, je présume.

Mme Harel: Le premier alinéa.

Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa.

Mme Harel: Sur le retrait de "l'exercice des droits civils", est-ce qu'il y a des commentaires?

Une voix: Je pense qu'on peut l'enlever.

Mme Harel: Alors, on va disposer du premier amendement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, M. le Président, est-ce qu'on ne peut pas dire, en fait, que le Code civil, cela constitue le droit commun? Ensuite, ce doit commun est complété par des lois particulières. Est-ce que c'est ce que cela veut dire?

Mme Harel: Ce qu'on veut certainement dire, c'est qu'il faut éviter de considérer le Code civil comme une loi particulière au même titre que d'autres lois particulières.

Le Président (M. Gagnon): Moi, madame...

Mme Harel: M. le Président, je vais vous transmettre une copie de la rédaction des amendements. Donc, au second alinéa, remplacer, à la quatrième ligne, les mots "fonde les" par les mots "constitue le fondement des". On peut disposer de ce premier amendement.

Le Président (M. Gagnon): En fait, je vois bien ici les quatre amendements, puisque vous avez premièrement, deuxièmement, troisièmement et quatrièmement, qui remplacent ce que l'on voit ici dans la disposition préliminaire. L'amendement que vous proposez, c'est de remplacer la disposition préliminaire par ce que j'ai ici.

Mme Harel: M. le Président, si vous le voulez, on va y aller dans l'ordre des alinéas.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Est-ce que la discussion est terminée sur cela? Est-ce qu'on s'est entendu? Est-ce qu'on est prêt à adopter ces amendements?

M. Marx: Pouvez-vous lire l'article premier tel qu'amendé pour que cela soit bien clair pour tout le monde?

Le Président (M. Gagnon): Je vais demander à Mme la députée de Maisonneuve de le faire.

Mme Harel: Le premier alinéa se lirait comme suit:

Le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne, les principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes ainsi que les biens.

Alors, au premier alinéa, il s'agit de supprimer à la troisième ligne ce qui suit: "l'exercice des droits civils".

J'aimerais le relire pour ajouter un "et" pour la bonne compréhension du texte. Je relis ce premier alinéa tel qu'amendé: "Le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes ainsi que les biens."

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Vous voulez continuer, madame?

Mme Harel: Le second alinéa tel qu'amendé - j'en fais lecture et par la suite je vous donnerai l'amendement - se lirait comme suit: "Le code est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit privé. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger."

Il s'agit, au second alinéa, de remplacer dans la troisième ligne les mots "par implication" par les mots "de façon implicite" et, toujours au second alinéa, il s'agit de remplacer dans la quatrième ligne les mots "fonde les" par les mots "constitue le fondement des".

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que l'article premier tel qu'amendé est adopté?

Mme Harel: C'est la disposition préliminaire qui est adoptée.

Le Président (M. Gagnon): Mais c'est l'article...

Mme Harel: L'Article premier comprend 399 articles.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): C'est la disposition préliminaire tel qu'amendée qui est adoptée. Voilà! On va finir par s'y retrouver, madame.

L'Article premier...

M. Marx: La disposition préliminaire...

Le Président (M. Gagnon): La disposition préliminaire...

M. Marx: ...est adoptée.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! C'est ce que je venais de dire. Où sommes-nous maintenant rendus? Dites-le-moi donc!

Mme Harel: Titre premier, article 1.

De la jouissance et de l'exercice des droits civils

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Titre premier, article 1. Est-ce que l'article 1...

Mme Harel: M. le Président, il y aurait un amendement à introduire à cet article 1. En fait, c'est un amendement purement formel. À la première ligne, remplacer le mot "et" par ce qui suit: "; il". Il se lirait donc comme suit: "Tout être humain possède la personnalité juridique; il a la pleine jouissance des droits civils."

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

Mme Harel: Toujours à l'article 1, M. le Président, un second amendement consiste à supprimer le deuxième alinéa.

Le Président (M. Gagnon): "II jouit aussi des"... C'est cela?

Mme Harel: C'est bien cela. Le deuxième alinéa étant supprimé, l'article 1, tel qu'amendé, se lirait comme suit: "Tout être humain possède la personnalité juridique; il a la pleine jouissance des droits civils."

M. Marx: Qu'est-ce qui vous a amenés à supprimer le deuxième alinéa avant d'avoir même commencé l'étude sur le projet de loi qui a été révisé au moins quatre fois?

Mme Harel: Le commentaire est le suivant, quant à l'amendement. Je vous lirai le commentaire concernant l'article 1. Le commentaire sur l'amendement: La première modification est de pure forme, mais la seconde vise à éviter une confusion puisque les droits et libertés prévus dans la Charte des droits et libertés de la personne n'ont pas besoin d'être réaffirmés au Code civil pour avoir force de loi et que, de plus, la disposition préliminaire du code établit déjà que le code est en harmonie avec la charte.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

Mme Harel: Je vais faire lecture du commentaire concernant l'article 1 - je viens de faire lecture du commentaire concernant l'amendement. Cet article, qui reprend l'article 18 du Code civil du Bas-Canada, reflète une des règles essentielles du droit, la reconnaissance que l'être humain possède, du seul fait de son existence, la personnalité juridique et qu'il est sujet de droit. Cet article reprend également la règle du droit actuel disant que toute personne a la pleine jouissance de ses droits civils. La jouissance des droits se distingue de leur exercice; elle constitue un attribut essentiel de la personnalité qu'un être humain possède, du seul fait de son existence, dont il ne peut se départir et dont on ne peut le priver. L'exercice est par contre une réalité contingente qui peut être limitée par la personne elle-même, par les faits ou par la loi.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): L'article, évidemment, parle de personnalité juridique mais n'indique d'aucune façon quand commence la personnalité juridique. Je voudrais, si on se donne la peine de refaire le Code civil et de le mettre à jour, qu'on indique quand commence la personnalité juridique.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le député de Saint-Laurent, je référerai à la loi 106 qui était rédigée de telle sorte qu'on y lisait que l'être humain est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Plusieurs représentations faites devant cette commission nous amènent à retrancher cette phrase de l'article 1, compte tenu des difficultés d'interprétation. (16 h 15)

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr, je

comprends, mais je voudrais que cela soit indiqué. Je ne pense pas qu'on puisse passer à côté. Si on est d'accord pour dire que l'être humain a des droits, une personnalité juridique depuis sa naissance, on va l'indiquer. Si on n'est pas d'accord, cela veut donc dire qu'il va falloir indiquer autre chose. C'est quoi? Depuis sa conception? Personnellement, je veux qu'on insère qu'il est sujet de droit depuis sa conception. Quand on regarde les sommes colossales que l'on dépense pour essayer de sauver des êtres humains - qu'on pense simplement aux septuplés - on a la Charte des droits et libertés de la personne qui protège la personne, qui protège l'être humain, je pense qu'on doit s'arrêter et prendre une décision là-dessus. Si on est d'accord pour dire que la personne, l'être humain, a une personnalité juridique depuis sa naissance, qu'on l'indique. Si on n'est pas d'accord, qu'on indique autre chose. Je pense qu'on devrait indiquer qu'il est sujet de droit depuis sa conception jusqu'à sa mort. Cela ne sert à rien d'adopter une attitude hypocrite, à mon sens, et de passer à côté. Il y a un choix à faire et c'est à nous de le faire. Si on n'est pas d'accord, on doit l'indiquer. Je ne crois pas qu'on puisse rédiger un nouveau code civil sans établir ce qu'est un être humain, sans établir quand commence la personnalité juridique.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je pense que l'intention du législateur n'est pas de modifier substantiellement le droit actuel, mais de le reformuler et, donc, de recommander de revenir à cette formulation qui est retenue par la doctrine et par la jurisprudence, selon laquelle la jouissance des droits civils est accordée à l'enfant conçu si son intérêt l'exige et à condition qu'il naisse vivant et viable.

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau? Non? M. le député de St-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais qu'on m'indique quand commence la personnalité juridique. C'est cela que je voudrais savoir. Je n'ai pas l'impression qu'on ne fait qu'actualiser le code. Je ne pense pas qu'on ait actualisé le code quand on a mis en vigueur le livre sur la famille. Je pense également que les trois livres que nous avons ici comportent des modifications très importantes, ils ne comportent certainement pas seulement une actualisation. Je pense qu'on a un choix à faire. On peut être ou ne pas être d'accord, mais je ne pense pas qu'on puisse passer à côté. À mon sens, on ne devrait pas passer à côté. Si on est d'accord pour dire que deux minutes avant la naissance l'enfant non encore né n'a aucun droit et, deux minutes après, il a tous les droits, il faut le dire.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je vais à nouveau répéter au député de Saint-Laurent que la personnalité juridique, que la jouissance des droits civils est accordée à l'enfant conçu si son intérêt l'exige et à la condition qu'il naisse vivant et viable. C'est la position retenue par le législateur.

M. Marx: Je pense moi aussi, M. le Président, si le lecteur de ces débats veut vraiment comprendre le fondement de cet article, les changements, et ainsi de suite, qu'il faut se référer aux débats que nous avons eus lors de l'étude des projets de loi 106, 107 et 58, parce qu'on a déjà fait un certain débat sur ces articles dans le cadre des autres lois qui sont fondues maintenant dans le projet de loi 20.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être savoir pourquoi on a enlevé: "il est sujet de droit depuis sa naissance juqu'à sa mort". Pourquoi a-t-on enlevé ce bout de phrase, ce principe qui existait dans le projet de loi 106? Est-ce que vous vous étiez avancés un peu trop?

Mme Harel: Je vous rappellerai, M. le député de Saint-Laurent, que cette position n'était soutenue que par une minorité d'intervenants lors des débats qui ont eu lieu devant cette commission. Nous pensons que c'est un débat qui relève d'une autre juridiction législative qui est, en fait, le débat qui consiste pour certains à protéger d'une façon absolue le droit à naître et que ce n'est pas un débat que nous avons à faire dans le cadre de cette présente loi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut dire, en fait, que le foetus n'a pas de droit, on n'en parle d'aucune façon. Ce n'est pas un être humain, ce n'est pas important qu'on le protège, d'aucune façon. Je voudrais savoir comment vous interprétiez: "il est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort" et pourquoi vous l'enlevez. Vous dites: une minorité qui était favorable. À quoi? Quand vous parlez de minorité, vous dites: II faut dire qu'il y avait une minorité qui était favorable. À quoi?

Mme Harel: M. Cossette.

M. Cossette: Vous demandez pour quelle raison la deuxième partie de l'article 1 du

projet de loi 106 est disparue. En fait, elle est disparue principalement à cause des nombreuses protestations qui ont été faites à l'occasion de la commission parlementaire sur le projet de loi 106 et aussi à cause des représentations qui ont été faites à cette occasion, représentations qui étaient que la rédaction proposée dans l'article 1 limitait les droits de l'enfant à naître par rapport à ce qu'ils étaient dans le Code civil du Bas-Canada. Alors, la nouvelle position du législateur qui se reflète dans le nouvel article 1 du projet de loi 20 est la suivante: c'est tout simplement un retour au droit actuel, c'est-à-dire au droit qui veut que l'être qui est à naître ait les mêmes droits pourvu qu'il naisse vivant et viable. Autrement dit, c'est le statu quo quant à l'enfant à naître.

M. Marx: Sur le statu quo aussi, on respecte la recommandation de l'Office de révision du Code civil.

M. Cossette: Exactement, parce que s'aventurer à déterminer les droits d'un foetus, s'aventurer dans la détermination ou la question de savoir à quel moment un foetus devient un être humain, c'est pour le moins périlleux. D'ailleurs, je pense que toutes les lectures que nous avons faites, et j'ai devant moi, ici, un écrit du Conseil de l'Europe sur, en particulier, les manipulations génétiques, tout ce qu'on peut faire dans cette matière-là, y compris les interventions qu'on peut faire sur les fécondations in vitro... La conclusion de tout cela, c'est qu'il faut laisser faire la science encore un bon bout de temps avant de pouvoir intervenir ou avant de songer à intervenir législativement en cette matière. On dit que c'est le statu quo quant au droit sur l'enfant à naître.

M. Leduc (Saint-Laurent): On peut dire que, pour ses droits patrimoniaux, l'enfant à naître a des droits. Il est protégé. Mais, pour les droits extrapatrimoniaux, il n'y a aucune protection. C'est cela que cela veut dire. Je trouve que c'est inacceptable. Si je comprends bien, j'ai parcouru un peu le projet de loi, en aucun moment on ne va retrouver une disposition protégeant les droits de l'enfant à naître. C'est bien cela. Aucun article ne - je parle des droits extra-patrimoniaux...

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Je pense que oui. Le deuxième alinéa de l'article 206 précise que les père et mère sont également tuteurs de leur enfant conçu qui n'est pas encore né. Ils sont chargés d'agir pour lui dans tous les cas où son intérêt l'exige. Autrement dit, le tuteur pourra exercer les droits de cet enfant conçu dans tous les cas où son intérêt va l'exiger. Quand on dit "tous ses droits", je pense que ce sont tous ses droits.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement à l'article 1 est adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté.

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): J'appelle donc l'article 2.

Mme Harel: Alors, je vais faire lecture du commentaire sur l'article 2. Il n'y a pas d'amendement d'introduit à ce moment-ci. Cet article 2 est nouveau, mais il reprend substantiellement une règle proposée à l'article 4 du rapport de l'Office de révision du Code civil, en consacrant le principe que chaque personne est titulaire d'un patrimoine unique et que donc l'ensemble de ses biens est garant de ses obligations.

S'il ne nous a pas semblé utile de définir la notion discutée de patrimoine, il nous a semblé, par contre, nécessaire de reconnaître, pour autant que la loi le permette, la possibilité d'une division du patrimoine ou d'une affectation de certains biens, division ou affectation que l'on retrouve, notamment, en matière de succession et de fiducie. Cette division ne peut avoir lieu que dans la mesure prévue par la loi afin d'éviter qu'une personne n'affecte ses biens en fraude des droits de ses créanciers.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Au deuxième alinéa, peut-être que ce serait plus clair si on le modifiait afin d'y lire: Celui-ci peut faire l'objet d'une division ou d'une affectation, mais dans la seule mesure prévue par la loi.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous en faites un amendement?

M. Marx: Pas formellement. Le Président (M. Gagnon): Non?

M. Marx: J'ai déjà appris à l'Assemblée nationale que, si ce n'est pas appuyé par le gouvernement, ce ne sera pas adopté. Donc...

M. Cossette: Je dirais même que ce serait peut-être plus élégant de le dire de

cette façon.

Mme Harel: Alors, on introduit l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous me donner par écrit votre amendement?

M. Marx: Par écrit, oui. Voilà! (16 h 30)

Le Président (M. Gagnon): Merci. Alors, je pense que, de toute façon, on peut passer au prochain article puisqu'on est d'accord sur l'amendement. Est-ce que l'amendement proposé par le député de D'Arcy McGee est adopté?

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais peut-être le réentendre.

Le Président (M. Gagnon): Le réentendre?

M. Leduc (Saint-Laurent): S'il vous plaît.

Mme Harel: Le deuxième alinéa se lirait comme suit: "Celui-ci peut faire l'objet d'une division ou d'une affectation, mais dans la seule mesure prévue par la loi."

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, est-ce qu'on ne s'entend pas pour dire que le patrimoine est unique, est indivisible et que ce sont les biens qui sont divisibles?

Mme Harel: II y a plusieurs théories là-dessus, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, je sais. À ce moment, est-ce qu'on ne pourrait pas... Vous dites, en fait, que le patrimoine est divisible. Alors, comment comprenez-vous cela? Comment est-ce que vous l'entendez? Quelle est votre explication? Je m'adresse à M. Cossette.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Qu'un patrimoine soit divisible, je pense que cela va, mais que je puisse l'affecter de différentes façons, c'est peut-être cette partie qui vous inquiète davantage. Supposons que vous ayez l'intention de faire une fondation par voie d'une fiducie, éventuellement. Vous allez affecter une partie de vos biens, disons, au secours des lépreux du Lesotho. Alors, c'est une affectation qui se veut permise par la loi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est bien nécessaire, d'après vous, de mettre le deuxième alinéa?

M. Cossette: C'est peut-être nécessaire aussi pour donner ouverture à d'autres affectations éventuelles qui pourraient être faites, par exemple, dans le cadre des obligations, dans le cadre des sûretés. Je pense que c'est une porte ouverte à des développements nouveaux et je pense aussi qu'il ne faut pas y renoncer. Est-ce que je pourrais vous donner un exemple pour préciser davantage ce à quoi on peut songer?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui.

M. Cossette: Évidemment, cela reste purement théorique ce que je vais vous dire. Je ne voudrais pas trop m'avancer non plus et me compromettre, mais je vous donne un exemple quand même. Supposons, Me Leduc, que demain matin vous ayez une fortune de 200 000 $ à votre disposition et que vous décidiez de consacrer 50 000 $ à l'exploitation d'un commerce quelconque. Alors, aujourd'hui, quant à cette affectation que vous allez faire en vue d'exploiter un commerce avec les 50 000 $ dont vous disposez, vous allez probablement constituer une compagnie de telle sorte que, si vous perdez vos 50 000 $, vos autres 150 000 $ seront préservés. Alors, pourquoi vous oblige-t-on, Me Leduc, à former une compagnie pour en arriver à ces fins? Pourquoi, tout simplement, ne pourriez-vous pas faire une déclaration dans un greffe quelque part disant que vous consacrez 50 000 $ à l'établissement de tel commerce et vous ne consacrez que cette somme de 50 000 $ sans former une personne morale? Cela deviendrait un patrimoine affecté de 50 000 $ consacrés à ces fins. Éventuellement, ce pourrait être cela.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement proposé par le député de D'Arcy McGee est accepté? Adopté. Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

Mme Harel: II s'agit de l'article...

Le Président (M. Gagnon): Pardon?

Mme Harel: ...3.

Des voix: ...2.

Le Président (M. Gagnon): Maintenant, l'article 3, Mme la députée?

Mme Harel: Je vous fais lecture du commentaire sur l'article 3. Cet article est nouveau, mais reprend...

M. Marx: Est-ce que cela ne serait pas une bonne idée aussi de lire l'article avant de faire les commentaires. Si quelqu'un, après, veut lire le Journal des débats, il va avoir l'article et les commentaires. Souvent,

j'ai trouvé cela très difficile de retrouver l'article dans les projets de loi.

Le Président (M. Gagnon): Madame...

Mme Harel: On pourrait le faire rapidement. Très bien. L'article 3 se lit comme suit: "Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. "Ces droits sont incessibles." Cet article est nouveau, mais reprend essentiellement la proposition de l'article 4 du rapport de l'office, à savoir que toute personne est titulaire de droits et devoirs extrapatrimoniaux propres à son état. Il énumère de façon non limitative les principaux droits extrapatrimoniaux dont le Code civil précise la portée et aménage l'exercice. En outre, il précise la règle de l'incessibilité de ces droits. Car, même si en certains cas ces droits ont des incidences sur le patrimoine, ils sont tellement liés à la personnalité qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une cession.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: Je pense que le professeur Pineau a un commentaire sur cet article.

M. Pineau: Je dirai simplement, M. le Président, qu'il est fait mention ici des droits de la personnalité, alors que les droits et obligations extrapatrimoniaux ne se limitent pas à ces droits de la personnalité. Pourquoi parler des droits de la personnalité et non point des droits de famille, par exemple? C'est la seule interrogation. En ce sens, la proposition de l'office était beaucoup plus globale. "Les droits et devoirs extrapatrimoniaux propres à son état" dit vraiment tout. C'est simplement un commentaire.

Mme Harel: M. le Président, si vous me permettez, nous allons prendre en considération ce commentaire puisqu'il s'agit en fait de remplacer les termes "de la personnalité" par "extrapatrimoniaux propres à son état."

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: L'amendement viserait le premier alinéa seulement; le deuxième resterait tel quel.

Mme Harel: Mme Longtin.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Longtin.

Mme Longtin: Tout en gardant cette idée de droits et devoirs extrapatrimoniaux, il nous semble important quand même de faire ressortir la notion de droit de la personnalité puisque, par ailleurs, ce sont principalement ces droits qui sont traités, au livre 1, dans tout le titre et dont l'exercice est aménagé.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Donc, il n'y a pas d'amendement à l'article 3? L'article 3 est-il adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): II est adopté. Article 4?

Mme Harel: J'introduis l'amendement suivant à l'article 4. Au premier alinéa, remplacer les mots "a le" par les mots "est apte au", de façon que le premier alinéa se lise comme suit: "Toute personne est apte au plein exercice des droits civils." Également, au deuxième alinéa, l'amendement consiste à remplacer les mots "elle les exerce" par les mots "elle exerce ses droits civils", de façon que le deuxième alinéa se lise comme suit: "Dans les cas prévus par la loi, elle exerce ses droits civils par un représentant ou avec l'assistance d'un conseiller." Alors, si vous le voulez, M. le Président, je vous relis l'article 4...

Le Président (M. Gagnon): Oui, s'il vous plaît.

Mme Harel: ...tel qu'amendé: "Toute personne est apte au plein exercice des droits civils. "Dans les cas prévus par la loi, elle exerce ses droits civils par un représentant ou avec l'assistance d'un conseiller."

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?

Mme Harel: Le commentaire... Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Harel: ...est le suivant: L'amendement vise à préciser le principe relatif à la capacité d'exercice des droits civils. Il est plus exact d'affirmer que toute personne est, du seul fait de son existence et donc de sa personnalité juridique, apte au plein exercice de ses droits civils. Cette aptitude de principe ne se réalise toutefois pas toujours concrètement, en raison principalement d'une incapacité physique ou mentale due principalement à l'âge ou à la maladie. Dans ces cas, la personne devra être représentée ou conseillée pour agir et il n'est donc pas tout à fait exact de dire qu'elle a concrètement le plein exercice de ses droits civils.

Quant à la seconde modification, elle

est de nature purement formelle.

Je faisais le commentaire sur l'amendement, je ferais maintenant un commentaire d'ordre général.

M. Marx: Sur l'article, oui.

Le Président (M. Gagnon): À l'article 4.

Mme Harel: Cet article codifie une règle fondamentale du droit civil qui est prévue actuellement, quoique de manière indirecte, aux articles 324 et 985 du Code civil du Bas-Canada et que l'Office de révision du Code civil proposait également de codifier. Si la jouissance des droits est inhérente à la personnalité, l'exercice des droits est, pour sa part, lié à la capacité. Aussi, l'article mentionne la façon dont tes mineurs ou les majeurs protégés peuvent, dans certains cas, exercer leurs droits civils par un représentant qui sera un tuteur ou un curateur ou avec l'assistance d'un conseiller.

Quant à la réserve des dispositions expresses de la loi, elle n'est pas exprimée puisque l'article 4 exprime une règle générale qu'une disposition particulière peut toujours modifier dans un contexte précis.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Pineau.

M. Pineau: Ce serait peut-être une simple question de forme. J'ai l'impression qu'on veut éviter d'utiliser le mot "capacité".

Une voix: Oui.

M. Pineau: C'est cela.

M. Cossette: D'éviter de parler de capacité de jouissance et d'exercice en disant que toute personne est apte à exercer ses droits civils.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?

M. Pineau: Alors, une simple question de formulation, peut-être qu'au lieu de dire "toute personne est apte au plein exercice" on pourrait dire "toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils".

Le Président (M. Gagnon): Toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils.

Mme Harel: Alors, on introduit...

Le Président (M. Gagnon): Oui, on va corriger. On est d'accord pour corriger l'amendement...

Mme Harel: ...cet amendement, oui.

Le Président (M. Gagnon): ...qu'on a déjà devant nous.

Mme Harel: Oui. De façon à lire...

Le Président (M. Gagnon): Toute personne est...

Mme Harel: ..."Toute personne est apte...

Le Président (M. Gagnon): ...apte.

Mme Harel: ...à exercer pleinement ses droits civils."

M. Pineau: Est-ce que je peux?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.

M. Pineau: Est-ce que je peux me permettre une autre observation sur le second alinéa? "Dans les cas prévus par la loi, elle exerce ses droits civils par un représentant ou avec l'assistance d'un conseiller." Si je songe au mineur, par exemple, il est inexact, techniquement, de dire que le mineur exerce ses droits civils par un représentant. 11 les exerce éventuellement avec l'assistance d'un conseiller mais, s'il a un tuteur, ce n'est pas lui qui exerce les droits civils, c'est le tuteur qui les exerce au nom et pour le compte du mineur. Alors, techniquement, il est inexact de dire qu'il les exerce par son représentant.

Mme Longtin: On trouve quand même en doctrine les deux formulations parce que, en certains cas, le tuteur exerce pour le mineur; donc, il se substitue à la personne du mineur. C'est un peu dans ce sens-là que c'est formulé. Maintenant... (16 h 45)

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: Vous avez raison lorsqu'il s'agit du mandataire, par exemple. C'est le mandant qui agit par le représentant, par le mandataire. Lorsqu'il s'agit d'un tuteur, il est désigné par la loi; la situation n'est pas tout à fait la même.

Mme Harel: Vous auriez une formulation à nous proposer?

M. Pineau: Je me demande s'il est nécessaire de signaler l'existence d'un représentant ou d'un assistant. Pourquoi ne pas dire: Toute personne ayant à exercer pleinement ses droits civils, sous réserve des dispositions expresses de la loi? Est-il besoin d'annoncer le système de représentation ou d'assistance, d'autant plus que le mineur émancipé a un tuteur qui est un assistant et qui n'est pas un représentant?

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être dire: Elle les exerce selon les modalités ou selon les règles prévues.

M. Pineau; II y a des dispositions expresses de la loi qui prévoient un régime de représentation ou d'assistance, quelque chose comme cela.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Long tin.

Mme Harel: Je demanderais à Mme Longtin et à M. Cossette de faire des commentaires sur la formulation.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Longtin.

Mme Longtin: En fait, je voulais simplement indiquer que, de façon systématique, dans le projet, on n'avait pas utilisé les expressions "sous réserve des dispositions expresses de la loi" ou d'autres parce que, finalement, toutes et chacune des ces dispositions se lisent les unes par rapport aux autres et viennent se compléter. Maintenant, je ne sais pas, quant à votre dernière suggestion, je n'en ai pas pris note.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: J'allais exprimer moi aussi mon opinion sur les "sou3-réserve" parce que, à toutes fins utiles, cela n'annonce rien et cela ne veut à peu près rien dire, dans le cadre d'un Code civil comme celui-là dont toutes les dispositions doivent s'interpréter les unes par les autres. Vous aviez amorcé, Me Pineau, une certaine formulation pour éviter l'écueil de la représentation quand il s'agit du mineur qui semblait intéressante.

M. Pineau: C'est la loi qui prévoit un régime de représentation ou d'a3sistance.

M. Cossette: Oui, d'assistance, c'est certain, en vue d'en arriver à un régime plutôt qu'à...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que quelqu'un va faire une formulation?

M. Pineau: Dans certains cas, la loi prévoit un système de représentation ou d'assistance.

Mme Harel: Est-ce que cela remplacerait le deuxième alinéa?

Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'on devrait réécrire l'amendement et le lire correctement, de façon que ce soit bien clair.

Mme Harel: Quant au premier alinéa, je pense, M. le Président, qu'il se lirait comme suit: "Toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils."

Le Président (M. Gagnon): Cela va pour le premier alinéa?

M. Leduc (Saint-Laurent): Les cas prévus par la loi sont exercés par un représentant ou par un assistant...

Mme Harel: Pour le premier alinéa, M. le Président, on peut en disposer?

Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa, tel qu'il vient d'être lu, c'est l'amendement que j'ai devant moi. Alors, l'amendement est adopté pour le premier alinéa et on peut disposer du premier alinéa. Cela va?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa, tel qu'amendé, est adopté. Là, on en est au deuxième alinéa.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Dans des cas prévus par la loi, ils sont exercés - les droits civils -par un représentant ou avec l'assistance d'un conseiller?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Harel: J'hésite beaucoup à ajouter à cette formulation qui est en train de se rédiger. Si vous le voulez, M. le Président, on pourrait suspendre, le temps qu'une formulation soit rédigée. À moins que cela soit prêt?

Le Président (M. Gagnon): Vous l'avez?

Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer le deuxième alinéa de l'article 4 par "Dans certains cas, la loi prévoit un régime de représentation ou d'assistance."

Le Président (M. Gagnon): Ça va? Est-ce que vous voulez me donner votre...? Est-ce que l'amendement est adopté? M. Cossette?

M. Cossette: Je voudrais demander à Me Pineau si cela serait nécessaire de dire: Dans certains cas, la loi prévoit pour elle -pour la personne - un régime de

représentation ou d'assistance? Est-ce que les mots "pour elle" sont nécessaires? Non?

Le Président (M. Gagnon): Alors, on s'entend sur l'amendement qui remplace le deuxième alinéa de l'article 4 et qui se lit comme suit: "Dans certains cas, la loi prévoit un régime de représentation ou d'assistance." C'est cela? L'amendement est adopté?

Mme Harel: Adopté. M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 5.

Mme Harel: L'article 5 se lit comme suit: "Toute personne exerce ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est constaté dans son acte de naissance." Commentaire. Cet article énonce, comme les articles 56 du Code civil du Bas-Canada et 442 du Code civil du Québec, le principe qu'une personne exerce ses droits civils sous le nom qui est constaté dans son acte de naissance, que ce nom soit celui qui lui a été attribué à la naissance ou à la suite d'un changement de nom." Il est complété par l'article 55 proposé, qui prévoit la responsabilité qui peut résulter de la confusion " ou du préjudice causé par une personne qui utilise un autre nom que le sien.

Le Président (M. Gagnon): L'article 5 est-il adopté?

M. Marx: Oui. Sauf qu'il est évident que la femme mariée pourait utiliser le nom de son mari. Je pense qu'en vertu de...

Mme Longtin: En vertu de l'article 79 du projet de loi 89... Conserver l'usage.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: ...avril 1981.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger quand on dit: Et qui est constaté dans son acte de naissance? Est-ce que cela voudrait dire, à ce moment-là, que la femme ne pourrait pas utiliser le nom de son époux, comme prévu...?

M. Cossette: C'est prévu dans une loi spéciale, c'est-à-dire dans l'article 79, de la loi 89 où il est dit expressément: À partir du 2 avril 1981, la femme mariée conserve le nom qui lui est donné à la naissance. Il n'y a donc pas de problème. Quant aux autres, celles qui se sont mariées avant, elles ont le privilège de pouvoir continuer à utiliser le nom de leur mari.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il ne peut pas y avoir confusion vu que la réforme du Code civil arrive après la loi 89? Est-ce qu'on ne pourrait pas dire qu'on a modifié la loi 89 en disant qu'il faut absolument que ce soit le nom constaté à l'acte de naissance?

Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin.

Mme Longtin: Je pense que le texte ici est quand même conforme au Code civil du Québec et à la politique qui était inscrite aux articles 440 et suivants du Code civil du Québec. Quant à l'article 79 de la loi 89, il n'avait qu'un but, c'était de permettre la conservation de l'usage du nom de leur conjoint pour les femmes qui l'avaient déjà utilisé, sauf qu'il ne se prononçait pas de façon formelle, non plus, sur le droit, à la base, d'exercer ses droits civils sous un autre nom, question qui avait quand même toujours été un peu en discussion. Je pense que, pour plusieurs, l'interprétation qu'on donnait à l'article 56a de l'ancien Code civil du Bas-Canada comprenait le fait que les gens devaient toujours exercer leurs droits civils sous le nom qui était donné à l'acte de naissance. C'était donc une reconnaissance de la coutume qui s'était établie que faisait l'article 79.

M. Leduc (Saint-Laurent): Que dit l'article 79?

Mme Longtin: II dit: "Les époux mariés, avant l'entrée en vigueur de la présente loi -donc ici, c'était le 2 avril 1981 - peuvent, s'ils le désirent, conserver l'usage du nom de leur conjoint." C'est pourquoi on avait expressément parlé de l'usage.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas qu'il y a un risque de confusion avec le nouvel article 5 qui dit "toute personne exerce ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est constaté dans son acte de naissance"? C'est très précis. Cela contredit l'article 79, bien sûr.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Enfin, déjà l'article 56a du Code civil du Bas-Canada stipulait qu'une personne devait exercer ses droits civils sous

le nom qui est constaté dans son acte de naissance, que ce nom lui ait été attribué à la naissance ou à la suite d'un changement de nom. L'article 79 veut que les époux mariés avant le 2 avril 1981 peuvent, s'ils le désirent, conserver l'usage de leur nom.

En fait, c'est une disposition transitoire et l'effet de cette disposition est maintenu puisqu'à partir du 2 avril 1981 les personnes, les époux mariés...

Mme Longtin: Doivent...

Mme Harel: ...doivent dorénavant...

M. Leduc (Saint-Laurent): Ceux mariés avant peuvent utiliser le nom du mari. Or, est-ce que cela veut dire qu'en vertu del'article 5 - j'essaie de comprendre désormais, l'épouse devra utiliser le nom constaté dans son acte de naissance ou...

Mme Longtin: Je pense que la règle de l'article 5 répète essentiellement la règle de l'article 56a qui prévoit que les nom et prénom donnés à une personne qui sont réputés être ses véritables nom et prénom peuvent être changés par une loi de la Législature et ses droits civils ne peuvent être exercés que sous ce nom et sous l'un ou plusieurs de ses prénoms à moins qu'ils n'aient été ainsi changés. Donc, c'est un peu cette confirmation. Lorsque, dans la loi 89, on a respecté l'usage, on ne s'est pas prononcé sur cette question de fond qui était déjà affirmée dans le Code civil et qui est réaffirmée ici.

M. Leduc (Saint-Laurent): En tout cas, cela me semble... Qu'en pensez-vous? Est-ce que...

Une voix: Je suis tout à fait d'accord avec Mme Longtin.

Le Président (M. Gagnon): Alors, cela va? L'article 5 était déjà adopté, c'était des informations qu'on s'échangeaient. Alors, l'article 5 demeure adopté. Article 6?

Mme Harel: L'article 6 se lit comme suit: "Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. Celle-ci se présume toujours." Cet article 6 énonce une nouvelle règle. Il crée l'obligation d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. Cette obligation est le corollaire de l'interdiction d'abuser de ses droits édictée à l'article 7. Cet article reprend, de plus, la présomption de bonne foi prévue à l'article 2202 du Code civil du Bas-Canada. Peut-être pourrions-nous ajouter que cet article s'inspire de l'article 8 proposé par l'Office de révision du Code civil et de l'article 1134 du Code civil français.

M. Marx: La bonne foi se présume surtout en politique et c'est bien connu.

Mme Harel: Dans les relations privées aussi.

M. Marx: L'Assemblée nationale s'est toujours inspirée du Code civil parce qu'il est la base de toutes nos lois et conventions.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Je voulais ajouter tout simplement ceci comme commentaire. C'est peut-être une curiosité historique. On a toujours prétendu que nos codificateurs de 1866 avaient oublié d'inscrire cet article dans le Code civil du Bas-Canada. Alors, on répare un oubli qui a été fait il y a plusieurs années.

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: Dans un mémoire, je pense que c'est celui du Barreau, on indique que la question des exigences est une notion appartenant au droit de la preuve, et on l'a néanmoins maintenue. Mais je crois que ce n'est pas une question de droit de preuve, c'est effectivement un critère d'appréciation de la bonne foi et je pense qu'il est normal que cela soit maintenu.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. L'article 6 est-il adopté? (17 heures)

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 7? Mme la députée.

Mme Harel: L'article 7 se lit comme suit: "Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou, en l'absence d'un intérêt sérieux et légitime, de manière à lui porter préjudice."

Le commentaire est le suivant. Cet article consacre la théorie de l'abus de droit maintenant reconnue tant en doctrine qu'en jurisprudence. Il interdit l'exercice abusif d'un droit qui nuit malicieusement à autrui ou lui porte préjudice sans qu'existe par ailleurs un intérêt sérieux et légitime à l'exercice de ce droit. Comme l'article précédent, il introduit au code une règle reposant sur le respect de valeurs morales et sociales dans l'exercice des droits.

Il semble que cette théorie de l'abus de droit se retrouve dans plusieurs code3 civils récents.

M. Pineau: Est-ce que je peux poser une question, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): Oui. M. Pineau.

M. Pineau: En définitive, est-ce que l'article 7 dit autre chose que ce que la jurisprudence d'aujourd'hui dit, en ce sens qu'il y a abus de droit lorsqu'il y a exercice fautif d'un droit?

M. Cossette: J'hésite toujours à répondre à une question qui demande un peu de réflexion, mais je croirais que oui. Je serais porté à le croire.

M. Pineau: C'est la même chose. Sans intérêt sérieux et légitime.

M. Cossette: Oui.

M. Marx: Ce matin le Barreau avait une objection sérieuse à cet article.

M. Pineau: M. le Président, si vous le permettez.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Pineau: Le Barreau a posé une question ce matin: Y a-t-il une différence entre "en vue de nuire" et "avec l'intention de nuire"? L'article 8 du projet 106 indiquait: "On ne peut exercer un droit avec l'intention de nuire à autrui", et ce nouvel article 7 vient dire: "Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui." Est-ce la même chose ou y a-t-il une différence? C'est l'intention.

M. Cossette: Je pense que cela indique une intention, oui.

Le Président (M. Gagnon): Cela va-t-il?

Mme Harel: C'est ce que l'on retrouve généralement dans la doctrine et dans la jurisprudence, cette formulation qui est proposée.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir au juste ce que cela veut dire. Personnellement, je préférerais la proposition de l'ORCC qui me semble...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent, puis-je vous demander d'approcher un peu votre microphone?

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me semble beaucoup plus logique quand on dit: Nul ne peut exercer un droit en vue de nuire à autrui ou de manière à causer un préjudice hors de proportion avec l'avantage qu'il peut en retirer. D'abord, il faudrait qu'on m'explique l'article 7 et qu'on me donne un exemple. Je ne vous cache pas que j'ai de la difficulté à comprendre cet article. L'article proposé par l'office de révision me semblait très limpide.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Vous voudriez avoir un exemple d'abus de droit, est-ce cela?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

M. Cossette: Je suppose qu'on est des voisins à Charlesbourg. J'ai un terrain de 100 x 100 et vous avez un terrain de 100 x 100. Du côté de ma ligne de division vous avez une magnifique piscine qui est ensoleillée au moment où on se parle mais, parce que j'ai le droit de me construire une magnifique clôture de mon côté, je décide de me construire une clôture de 20 pieds de haut vous privant ainsi du soleil autour de votre piscine. Je pense que le fait pour moi de construire une clôture de 20 pieds serait sans doute considéré par les tribunaux comme étant un abus de mon droit de construire une clôture. On pourrait dire: Vous pourriez arrêter après 4 pieds et cela serait suffisant. C'est un exemple.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me va assez bien. Ensuite, vous dites "ou, en l'absence d'un intérêt sérjeux et légitime, de manière à lui porter préjudice". S'il y a un intérêt sérieux et légitime, à ce moment il n'y a pas de problème.

M. Cossette: À compter du moment où j'ai un intérêt sérieux et légitime, c'est bien sûr que, si je vous poursuis demain matin parce que vous m'avez diffamé ou que vous m'avez frappé indûment, je vais vous porter préjudice parce que vous allez être obligé de me payer, admettons, 25 000 $ en dommages et intérêts, mais, à ce moment, j'ai un intérêt sérieux et légitime à le faire. Vous avez brisé ma réputation, vous m'avez cassé les dents...

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est une question d'évaluation. L'article proposé par l'office de révision parlait d'un préjudice hors de proportion avec l'avantage qu'il peut en retirer. Il mettait certaines balises, alors que l'article 7 n'en a aucune.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve et, après, ce sera M. Pineau?

Mme Harel: En fait, c'est le critère de proportionnalité qui diffère puisqu'il y avait un tel critère entre le préjudice causé et l'avantage qui pouvait en être retiré. Cela pouvait restreindre l'exercice de certains droits plutôt que de le favoriser.

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: Ce sont deux critères d'appréciation qui sont différents. Chacun

d'eux a ses mérites et ses inconvénients mais, en adoptant le critère de l'intérêt sérieux et légitime, qu'en serait-il de l'entreprise qui s'installe avec toutes les autorisations dont elle a besoin et qui produit des fumées polluantes? Est-ce que cette usine a un intérêt sérieux et légitime et, en conséquence, il n'y a pas d'abus de droit?

M. Cossette: Ponctuellement, je vous répondrais par un autre article qui est dans le projet, mais cela ne serait pas correct, je pense.

Mme Longtin: Je pense qu'il pourrait y avoir abus de droit dans la mesure où l'exercice dépasse une certaine limite qu'on appelle la limite inhérente à l'exercice du droit et qui est un critère très flou.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 7 est-il adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 8? Mme la députée.

Mme Harel: L'article 8 se lit comme suit: "On ne peut renoncer à la jouissance des droits civils, mais on peut renoncer à leur exercice- dans la mesure où le permet l'ordre public." Le commentaire est le suivant. Cet article s'inspire de l'article 11 du rapport de l'office et indirectement de l'article 13 du Code civil du Bas-Canada. Il affirme le principe que l'on ne peut renoncer à la jouissance des droits civils puisque cette jouissance est essentiellement liée à la personnalité juridique et à l'existence humaine, et qu'elle ne peut en être dissociée, alors qu'on peut renoncer à l'exercice de ses droits dans les limites permises par l'ordre public.

Par ailleurs, cet article ne reprend pas la notion de bonnes moeurs parce que, d'une part, elle n'a plus la signification et la portée qu'elle avait dans la société québécoise d'autrefois et que, d'autre part, elle est aujourd'hui comprise dans la notion d'ordre public, lorsqu'on se réfère à des conduites illicites ou criminelles.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Pineau? Puis-je vous demander, encore une fois, d'approcher un peu votre micro?

M. Pineau: M. le Président, "On ne peut renoncer à la jouissance des droits civils", je dois dire que je ne saisis pas très bien ce que cela signifie parce que la jouissance des droits civils, c'est quelque chose d'extrêmement vague. Je comprends que, si l'on veut dire que l'on ne peut pas renoncer à la capacité de jouissance générale, c'est exact, mais ce n'est pas exactement ce que l'on dit. Que signifie "renoncer à la jouissance des droits civils"? De la même façon, on dit: On a la pleine jouissance des droits civils. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'on a la capacité de jouissance générale, n'est-ce pas? C'est cela que l'on veut dire, mais il existe ce que certains appellent des incapacités de jouissance spéciales, qui sont des interdictions de contracter.

Alors, on peut renoncer à une incapacité de jouissance spéciale. C'est en ce sens que cet article 8 me paraît quelque peu ambigu. Peut-être qu'on pourrait tout simplement supprimer la première partie de la phrase: "On ne peut renoncer à la jouissance des droits civils", et dire tout simplement: "On peut renoncer à l'exercice des droits civils dans la mesure où le permet l'ordre public." C'est l'ambiguïté de cette renonciation à la jouissance des droits civils, car je peux abandonner un droit.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je souhaiterais que des commentaires soient apportés. Il me semblait que l'économie générale de ce projet consistait à distinguer la capacité de la jouissance sans faire la distinction entre jouissance générale et jouissance spéciale mais, enfin, il y avait peut-être là une mauvaise interprétation de ma part. Alors, je demanderais aux spécialistes d'apporter leurs commentaires.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Longtin.

Mme Longtin: Ce qu'on a voulu exprimer, c'est effectivement relié à l'article 1 où on avait exprimé que tout être humain a la pleine jouissance des droits civils. C'est de reprendre ici en disant qu'il ne peut renoncer à cette jouissance ou à la plénitude de cette jouissance.

M. Pineau: ...à la pleine jouissance des droits civils, peut-être, mais vous voyez le problème de l'incapacité spéciale.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Est-ce que la deuxième partie de la phrase ne permet pas de comprendre la première? La deuxième partie de la phrase se rapporte bien à la renonciation à l'exercice des droits civils.

M. Pineau: Je comprends bien cela, mais le fait qu'on ne veuille pas parler de la capacité de jouissance générale fait que l'expression "avoir la jouissance de ses droits civils", c'est ambigu. Avoir la jouissance de

droits ou la jouissance de biens, on peut penser à l'usufruit.

Mme Harel: Si vous me le permettez, M. le Président, nous allons vous proposer de suspendre l'étude de cet article 8 et nous y reviendrons.

Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous d'accord? Nous suspendons l'étude de l'article 8 et on entreprend l'article 9.

Mme Harel: II y a un amendement qui est introduit et qui se lit comme suit: Supprimer tout ce qui suit les mots "qui intéressent l'ordre public". L'article 9, tel qu'amendé, se lirait donc comme suit: "Dans l'exercice des droits civils, il peut être dérogé aux règles du présent code qui sont supplétives de volonté; il ne peut cependant être dérogé à celles qui intéressent l'ordre public." L'article se termine par un point. Alors, je vous relis?

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!

Mme Harel: L'article 9, tel qu'amendé: "Dans l'exercice des droits civils, il peut être dérogé aux règles du présent code qui sont supplétives de volonté; il ne peut cependant être dérogé à celles qui intéressent l'ordre public."

Le commentaire général est le suivant. Cet article s'inspire de l'article 13 du Code civil du Bas-Canada, à savoir qu'on ne peut déroger dans l'exercice des droits civils aux dispositions qui intéressent l'ordre public. Il complète ce principe en y ajoutant son corollaire, soit qu'on peut déroger aux règles qui sont supplétives de volonté. En second lieu, afin de faciliter l'application du principe... En fait, encore ici, le projet de loi supprime la référence au concept de bonnes moeurs, car l'acte juridique qui porte atteinte aux bonnes moeurs porte généralement atteinte à l'ordre public, et la convention immorale qui déroge à l'ordre public demeure interdite.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Harel: J'aimerais que Mme Longtin ou M. Cossette apporte des commentaires sur l'amendement qui consiste à biffer le dernier membre de l'article 9. C'est à la suite de la rencontre avec Me Crépeau. (17 h 15)

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Non. Ce sont surtout des représentations qui nous ont été faites, en particulier par un juge de la Cour supérieure, qui nous reprochait de ne pas avoir distingué entre des dispositions d'ordre public et des dispositions d'intérêt public. Ce sont évidemment des distinctions qu'il faut faire dans les termes qu'on emploie et qu'on ne faisait pas, dans l'article 9 en particulier. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de se référer à ces distinctions dans le texte de l'article 9 pour qu'il ait la portée qu'on veut bien lui donner, avec ce qu'il en reste.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Est-ce que cela va? Est-ce que l'amendement à l'article 9 est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): L'article 9, tel qu'amendé, est adopté?

M. Marx: Oui. On n'a pas d'autre... Oui.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'on est maintenant prêt à revenir à l'article 8 ou si on le laisse suspendu avant de changer le...

Des voix: Oui.

M. Marx: Je pense que cela serait mieux d'adopter tous les articles d'un même chapitre et de ne pas changer de chapitre parce qu'on va se perdre, vraiment. On peut suspendre les travaux pour trois ou quatre minutes.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous...? On va suspendre les travaux pour trois ou quatre minutes de façon à rédiger...

Mme Harel: Si c'est possible. M. Marx: Oui.

Mme Harel: Alors, on suspend pour quelques minutes et on revient ensuite, s'il est possible de le formuler ou de vous donner notre point de vue.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Une voix: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Alors, les travaux sont suspendus pour trois ou quatre minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Gagnon): À l'article 8, qui était suspendu, je crois que maintenant nous avons l'amendement.

Mme Harel: Oui, M. le Président,

l'article 8 serait remplacé par le texte suivant: "On ne peut renoncer à l'exercice de ses droits civils que dans la mesure où le permet l'ordre public."

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je pourrais avoir cet amendement?

Mme Harel: M. le Président, je reprends pour faire la modification suivante dans l'amendement que j'ai annoncé qui remplace l'article 8 et qui se lit comme suit: "On ne peut renoncer à l'exercice des droits civils que dans la mesure où le permet l'ordre public."

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Cet amendement est-il adopté? L'article 8, tel qu'amendé, est adopté. Article 10?

De certains droits de la personnalité

De l'intégrité de la personne

Mme Harel: L'amendement, de nature purement formelle, introduit à l'article 10 supprime, à la deuxième ligne du deuxième alinéa, le mot "ne", de façon que l'article 10, tel qu'amendé, se lise comme suit: "Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité. "Nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé ou sans que la loi l'autorise."

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Harel: C'est à la suite de recommandations d'un linguiste que cet amendement est apporté.

Mme Longtin: C'est qu'on nous a fait remarquer que nous utilisions assez fréquemment, dans le projet, un "ne" explétif après le "sans que" et que Grévisse nous en fait reproche.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que... Oui...

Mme Harel: M. le Président, si vous me le permettez, je vous lirai le commentaire sur l'article 10.

Le Président (M. Gagnon): ...Mme la députée, oui.

Mme Harel: Cet article reprend le principe de l'inviolabilité de la personne humaine exprimé actuellement à l'article 19 du Code civil du Bas-Canada mais il y ajoute deux nuances: le droit à l'intégrité de la personne et le principe que le consentement doit être libre et éclairé. L'atteinte à l'inviolabilité provient de tierces personnes, alors que l'atteinte à l'intégrité peut provenir de la personne elle-même. Les exceptions légales à l'inviolabilité se justifient d'ailleurs par le droit à l'intégrité. C'est le cas, notamment, aux articles 12, 14 et 15, tel que proposés.

Par ailleurs, même si tout consentement doit être libre et éclairé, il peut être important de préciser ses caractéristiques en raison de l'importance de ces dispositions pour la personne et de la complexité des décisions à prendre en cette matière.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va pour l'article 10, M. Pineau?

M. Pineau: En ce qui concerne la formulation, je trouve que cela résonne assez mai que d'entendre dire "toute personne a droit à son intégrité"; c'est l'intégrité de la personne. Je ne sais pas s'il y a possibilité de le formuler autrement, mais serait-il déraisonnable de dire "l'inviolabilité et l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux"? C'est simplement une question d'oreille: "Toute personne a droit à son intégrité."

M. Cossette: Vous suggérez qu'on enlève le "son", donc "a droit à l'intégrité", est-ce cela?

M. Marx: Non.

M. Pineau: Non. "L'inviolabilité et l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux".

Le Président (M. Gagnon): En fait, vous suggérez de remplacer la première ligne...

M. Pineau: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): ...par la phrase que vous venez de mentionner.

M. Pineau: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): L'inviolabilité...

M. Pineau: "L'inviolabilité et l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux". C'est tout simplement pour avoir "de la personne" à côté d'intégrité. Parce que, lorsqu'on dit "son intégrité", c'est une personne intègre.

M. Marx: Le linguiste a vu l'erreur dans le deuxième alinéa, mais pas dans le premier, c'est cela.

M. Pineau: L'inviolabilité et l'atteinte à l'intégrité, ce sont deux notions distinctes,

effectivement.

Mme Harel: "L'inviolabilité et l'intégrité sont des droits fondamentaux de la personne."

M. Pineau: Non. "L'inviolabilité et l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux."

Mme Harel: II faudrait modifier le deuxième alinéa?

Une voix: Pardon?

Mme Longtin: En fait, la difficulté que je vois à la formulation que vous suggérez, c'est de réaffirmer quelque chose qui est clairement, comme tel, indiqué dans la charte même des droits, puisque, sous le chapitre 1 sur les libertés et droits fondamentaux, le premier article affirme le droit à la vie, à l'intégrité. (17 h 30)

Mme Harel: Je vais faire un commentaire qui n'est pas celui d'une spécialiste. La formulation n'est peut-être pas appropriée, mais elle a l'avantage d'attribuer à la personne ses droits fondamentaux d'inviolabilité et d'intégrité physique, tandis qu'une autre formulation, malgré qu'on puisse en trouver peut-être une qui soit pleinement satisfaisante, qui affirme l'inviolabilité et l'intégrité de la personne comme des droits fondamentaux semble avoir un sens, une nuance qui n'est pas de même nature que celle d'attribuer à la personne l'inviolabilité et l'intégrité.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette. M. Cossette: Je continue de réfléchir.

M. Pineau: Évidemment, cela ressemblerait davantage à une déclaration de principe, effectivement, plutôt qu'à une règle de droit. Vous avez peut-être raison.

Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce qu'on s'en tient...

Mme Harel: Le chapitre premier s'intitule "De l'intégrité de la personne." Ma crainte serait que cela puisse être intéressant, une affirmation de droits fondamentaux, mais il y a là une nuance...

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Cela serait peut-être le rôle de la doctrine de les qualifier de cette façon éventuellement.

M. Pineau: Quant au fond, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Gagnon): Alors, on s'en tient à la formulation, si je peux voir.

M. Marx: On va laisser la formulation et...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Harel: Qui consiste à supprimer le "ne" au deuxième alinéa.

M. Marx: Oui, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que c'est adopté?

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): L'article 10, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 11?

Mme Harel: L'article 11 se lit comme suit: "Nul ne peut soumettre une personne à des soins médicaux ou autres sans son consentement, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitements ou d'autres interventions." Cet article constitue une des applications les plus fréquentes et importantes du droit à l'inviolabilité et à l'intégrité de la personne. Même si ce principe n'est pas codifié actuellement, il est conforme au principe du droit et à la pratique médicale au Québec.

En commentaire supplémentaire, peut-être est-ce utile d'ajouter que l'article emploie le mot "soins" dans un sens générique pour recouvrir toute espèce d'examens, de prélèvements, de traitements ou d'interventions de nature médicale, psychologique ou sociale requis ou non par l'état de santé physique ou mental.

M. Marx: Ce n'était pas ce matin, c'était la semaine passée que la Chambre des notaires a déposé son mémoire. Il y avait une objection à l'article 11 et je pense que...

Une voix: Et à l'article 12.

M. Marx: Aux articles 11 et 12, d'accord. Ils ont mis les deux ensemble, les articles 11 et 12.

Le Président (M. Gagnon): L'article 11 est-il adopté?

M. Pineau: Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Pineau: Simplement, je me demande si les mots "sans son consentement" c'est le consentement de la personne, de sorte que je me demande si on ne doit pas dire "sans le consentement de celle-ci". Est-ce que "son consentement" ne se rattache pas au sujet qui est "nul"? Nul ne peut soumettre une personne à des soins médicaux ou autres sans le consentement de celle-ci, sans le consentement de la personne, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, traitements ou autres interventions ou bien sans qu'elle y consente.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

Mme Harel: Sans qu'elle y consente, est-ce que c'est une formulation qui serait...

M. Pineau: Sans le consentement de celle-ci.

Mme Harel: Sans le consentement de celle-ci.

Une voix: C'est beau comme cela.

Le Président (M. Gagnon): C'est beau, oui. Est-ce que je peux avoir un petit bout de papier? "Sans le consentement de celle-ci". Cet amendement sera-t-il adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Une voix: Qui va nous le faire parvenir?

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau est en train de l'écrire.

M. Marx: Mme Longtin va...

Le Président (M. Gagnon): Alors, l'amendement est adopté et l'article 11, tel qu'amendé, est adopté. Article 12?

Mme Harel: L'article 12 se lit comme suit: "Le consentement aux soins médicaux n'est pas requis en cas d'urgence lorsque la vie de la personne est en danger, à moins que ceux prévus ne soient inusités ou inutiles et que leurs conséquences puissent être intolérables pour la personne. "Il en est de même en cas d'urgence lorsque l'intégrité de la personne est en danger et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile."

Commentaires. Cet article reprend partiellement le principe de l'article 43 de la Loi sur la protection de la santé publique en établissant qu'aucun consentement n'est requis pour donner des soins ou traitements lorsque la vie d'une personne est en danger. Cependant, afin de préserver la dignité humaine, certaines exceptions sont prévues. Il s'agit des cas où les traitements prévus sont inusités ou inutiles et que leurs conséquences peuvent être intolérables pour la personne concernée. Ce sera le cas, en particulier, lorsqu'un traitement est inutile parce qu'une personne est dans la phase terminale d'une maladie réputée mortelle et que la mort est certaine. Dans ce3 cas, les établissements respectent généralement la volonté d'une personne qui demande d'abandonner les traitements et lui prodiguent les seuls soins nécessaires pour diminuer les souffrances. Les autres exceptions visent à protéger la personne contre un traitement inusité auquel elle n'a pas consenti. L'importance de la souffrance, le caractère inusité et le risque d'échec du traitement nous semblent devoir justifier une exception à la règle prévue.

Cet article ajoute aux règles actuelles le cas où l'intégrité d'une personne est en danger et qu'il est impossible d'obtenir le consentement en temps utile. Cette modification est conforme à la pratique médicale actuelle et se fonde à la fois sur le droit à l'intégrité et sur le droit à l'inviolabilité puisqu'on devra respecter le refus de traitement manifesté en temps utile.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez un amendement, Mme la députée?

Mme Harel: II y a un amendement qui est de pure forme et qui introduit à la deuxième ligne du premier alinéa, en remplacement du mot "ceux", les mots "les soins" de façon que le deuxième alinéa se lise comme suit, tel qu'amendé: "II en est de même en cas d'urgence - à la deuxième ligne du premier alinéa... Donc l'article se lirait comme suit: "Le consentement aux soins médicaux n'est pas requis en cas d'urgence lorsque la vie de la personne est en danger, à moins que les soins prévus ne soient inusités ou inutiles".

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que cet amendement est adopté? Adopté?

M. Marx: Un instant. Est-ce que la députée de Maisonneuve a tenu compte des représentations de la Chambre des communes...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Marx: ...de la Chambre des notaires? Je veux que cela soit supprimé des débats! J'aimerais juste lire les commentaires de la Chambre des notaires sur les articles 11 et 12 et peut-être peut-on réfléchir sur ces commentaires. Je cite: "Le comité

reconnaît que la nouvelle version du premier alinéa de l'article 12 prévoit toujours une exception importante à la règle voulant que le consentement aux soins médicaux ne soit pas requis en cas d'urgence ou lorsque la vie de la personne est en danger. Cette version laisse néanmoins subsister des cas où les traitements médicaux pourraient être imposés à une personne majeure contre sa volonté. Le comité estime qu'une telle règle est inacceptable car elle porte atteinte au principe de l'inviolabilité de la personne humaine. La seule exception à ce principe devrait, à notre avis, être le cas où il est impossible en cas d'urgence d'obtenir en temps utile le consentement de la personne concernée. C'est pourquoi nous recommandons la suppression du premier alinéa de l'article 12 du projet."

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Si vous me le permettez, j'aimerais peut-être vous faire rapidement la lecture du commentaire qui est préparé à la suite de cette représentation qui a été faite.

M. Marx: Parfait. Oui.

Mme Harel: Des groupes entendus en commission parlementaire sur une disposition semblable du projet de loi 106 ont suggéré de respecter le refus de traitement d'un majeur doué de discernement, même en cas d'urgence, lorsque sa vie est en danger. Autrement dit, ces groupes recommandent d'établir la même règle que dans les cas où l'intégrité de la personne est en danger: procéder aux soins sans consentement lorsque ce consentement ne peut être obtenu en temps utile, mais respecter toutefois le refus de traitement dans tous les cas où une personne est en état de poser un choix libre et éclairé. Selon eux, leur position respecte l'opinion dominante au Québec et correspond à la pratique médicale. Elle est fondée sur les principes de l'inviolabilité de la personne, du respect de sa liberté et sur la primauté qu'il faut accorder au principe de la qualité de la vie sur celui de sauver la vie humaine à tout prix, malgré le refus de la personne. Cependant, la doctrine, la jurisprudence et, sans doute, l'opinion ne sont pas unanimes sur ce point. Ainsi, dans trois cas récents, la Cour supérieure a autorisé un établissement de santé à pratiquer les interventions médicales nécessaires au maintien de la vie d'une personne malgré le refus de la personne elle-même ou des personnes habilitées à consentir pour elle. Par ailleurs, plusieurs groupes entendus en commission parlementaire n'ont pas manifesté d'opposition au principe contenu à l'article proposé. Quant à la Commission de réforme du droit du Canada, dans ses études consacrées à la qualité de la vie, elle maintient la criminalité des actes d'euthanasie et d'aide au suicide. Elle accepte cependant qu'un médecin qui aurait respecté le refus d'une personne de se soumettre à un traitement ne pourrait être poursuivi en vertu du Code criminel. La commission n'affirme donc pas le droit absolu de refuser un traitement, même lorsque la vie est en danger, mais elle aborde la question par le biais de la responsabilité criminelle du médecin.

Si vous me le permettez, M. Cossette pourrait peut-être ajouter un supplément d'explications.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Je voudrais dire que ce qu'on trouve dans l'article 12, c'est un choix. C'est un choix entre deux thèses, ou deux théories si on veut, l'une favorisant la vie et l'autre favorisant davantage la liberté. Le choix qu'on a fait a été un choix pour la vie. Si, dans les circonstances suivantes, par exemple, j'allais dire à mon médecin: Laissez-moi mourir, j'ai les deux bras cassés, les deux jambes cassées, l'estomac défoncé, laissez-moi mourir...

M. Marx: Je pense qu'il devra vous écouter!

M. Cossette: Je ne pense pas!

M. Marx: Non, n'est-ce pas?

(17 h 45)

M. Cossette: Je pense qu'il faut soigner cette personne. D'autres disent: Non, laissez-la mourir si c'est sa volonté. Je ne suis pas convaincu qu'une personne, dans de telles circonstances, ait tout l'éclairage voulu pour donner un consentement valable et pour exprimer une opinion valable. Elle est sous l'effet d'un choc. Elle est souventefois sous l'effet d'une piqûre. J'accepterais difficilement qu'on me laisse mourir malgré la volonté que j'exprime à ce moment-là, volonté qui n'est pas ma volonté réelle. D'ailleurs, une expérience nous a été racontée pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours. C'est le cas d'un clochard de Montréal qui est entré à l'hôpital parce qu'un bon policier l'a ramassé et l'a transporté à l'hôpital. Après examen, on en a conclu qu'il fallait couper les deux jambes de cet homme parce que la médecine voulait que, si on ne les lui coupait pas, il allait mourir. Effectivement, il a exprimé à son médecin la volonté de mourir. Il a dit: Moi, je suis clochard, je suis tanné d'être clochard, etc. Malgré sa volonté, on est allé chercher une autorisation à la Cour supérieure de Montréal, qui l'a accordée. On lui a coupé les deux jambes et cet homme, aujourd'hui, est en bonne santé, il est très

heureux et il remercie ses médecins de l'avoir soigné.

M. Marx: Oui, mais c'est...

M. Cossette: Ce qu'on retrouve dans l'article 12, c'est cette option. Je pense que c'est la bonne, personnellement, mais on peut avoir des opinions contraires.

M. Marx: Si c'est la bonne, le médecin sera capable, à chaque fois, de vous sauver la vie et ce n'est pas sûr et certain, cela. On va forcer quelqu'un à subir certains soins et, deux jours ou quelques heures plus tard, cette personne va mourir. J'ai vu cela à l'hôpital, où on fait tout pour la personne qui veut mourir, on prend toutes les mesures nécessaires pour la sauver et elle décède quelques heures plus tard. Je comprends qu'on veuille protéger la vie des personnes contre elles-mêmes, le cas échéant, mais... C'est le problème d'imposer des soins médicaux contre la volonté d'une personne qui est attachée à des machines quand ce sont les machines qui la font vivre.

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Non, pour cette partie, je pense que...

M. Marx: Cela ne concerne pas cet article.

M. Cossette: Dans le 12, on dit que, si les soins sont devenus inutiles, à ce moment-là, on peut débrancher et cela règle le problème.

M. Marx: Oui, mais "inutiles"... Le médecin pourrait bien dire: Ce n'est pas inutile, c'est utile.

M. Cossette: Oui mais, habituellement, le médecin consulte les membres de la famille avant de le faire.

M. Marx: II y a le droit de mourir d'une façon... Tout le monde va mourir, à un moment donné, et...

M. Cossette: Mais personne ne veut mourir.

M. Marx: Oui, c'est cela. On va laisser le médecin choisir le moment. Pardon?

M. Leduc (Saint-Laurent): II y en a qui ne sont pas pressés.

Mme Demers (Laurence): ...au ministère des Affaires sociales.

Mme Harel: Peut-être faudrait-il que vous vous identifiiez.

Le Président (M. Gagnon): Oui, madame.

Mme Demers: Je suis Laurence Demers, du ministère des Affaires sociales.

Le Président (M. Gagnon): Laurence Demers.

Mme Demers: Oui.

M. Marx: Du ministère des Affaires sociales, c'est cela?

Le Président (M. Gagnon): Oui, vous avez la parole.

Mme Demers: Pour répondre à M. Marx, actuellement, il y a beaucoup de médecins qui nous font valoir qu'une des raisons pour lesquelles il y a de l'acharnement thérapeutique et qu'ils font des opérations et des traitements quand les personnes peuvent décéder quelques heures après, c'est qu'ils ne sont pas protégés par la loi, actuellement. Ils disent: On n'a rien; alors, on ne le sait pas. Si on ne fait pas tout pour sauver la vie, même si c'est peut-être un traitement inutile, qu'on sait qu'il est inutile, on se sent "insecure" face à la législation. Certains médecins que j'ai consultés nous disent: Un texte comme celui-là va nous rassurer; on va se sentir moins obligés d'intervenir si c'est inutile et même si cela a des conséquences - c'est une autre expression qui est employée. Souvent, ils nous disent: L'acharnement thérapeutique, c'est souvent à cause des conséquences qu'on craint. Si on ne fait pas tout pour sauver la vie, on craint d'être poursuivi par la famille, on craint d'être blâmé par les autorités des établissements de santé. C'est surtout cela.

Mme Harel: En fait..

M. Marx: C'est un autre son de cloche.

Mme Harel: Oui. Le point de vue, c'est comment éviter l'acharnement thérapeutique, d'une part; et, d'autre part, permettre, lorsque la personne est dans la phase terminale d'une maladie mortelle, qu'elle puisse éviter des soins qui lui apparaissent intolérables ou inutiles.

M. Marx: Bon.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? Oui.

M. Marx: Bon.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté. Est-ce que l'article 12, tel qu'amendé, est adopté?

M. Marx: Oui.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 13?

Mme Harel: L'article 13 se lit comme suit: "Le mineur de quatorze ans peut consentir seul aux soins exigés par son état de santé. "Toutefois, si son état requiert qu'il soit gardé dans un établissement de santé ou de services sociaux pendant plus de douze heures, le titulaire de l'autorité parentale ou son tuteur doit en être avisé."

Commentaire sur l'article 13. Cet article reprend l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique et établit, d'une part, qu'un enfant de quatorze ans, doué de discernement, peut consentir seul aux examens et traitements requis par son état de santé et, d'autre part, que les parents doivent être avisés si le mineur doit être gardé plus de douze heures en établissement.

Il modifie cependant le droit actuel en n'obligeant plus le médecin ou l'établissement à aviser les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur lorsque l'adolescent est soumis à des traitements prolongés. Cette modification se justifie par le fait que la nécessité de traiter l'adolescent, en particulier dans les cas de maladies vénériennes ou de narcomanie, prime les pouvoirs et responsabilités du titulaire de l'autorité parentale et du tuteur.

L'approche préconisée par l'article 13 permet aussi d'assurer, en conformité avec l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, le secret de la confidence faite par le mineur au professionnel à qui il se confie.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? M. Pineau.

M. Pineau: Je me suis posé la question suivante: Que se passe-t-il si ce mineur de quatorze ans refuse de se faire soigner? Est-ce que c'est terminal? Je me demande si la modification qui est apportée à l'article 16, alinéa 2, vient répondre à la question. L'article 16, alinéa 2, qui serait ajouté par un amendement que vous allez apporter, dit: L'autorisation du tribunal est aussi requise si un mineur ou un majeur privé de discernement exprime clairement son refus de recevoir des soins. Est-ce que cet alinéa 2 répond à cela?

M. Cossette: Règle votre objection? M. Pineau: Oui.

M. Marx: Je ne suis pas d'accord avec cela. Cela me choque un petit peu, parce que j'ai des enfants; peut-être que ceux qui n'ont pas d'enfant, cela les choque moins. J'ai une fille de quinze ans. Si elle était soignée par un médecin, je pense que je devrais en être avisé tout de suite. Je pense que j'ai une certaine responsabilité envers ma fille; donc, je veux être informé tout de suite.

M. Cossette: Non, parce que, si elle sait que vous êtes informé, elle n'ira pas se faire soigner parce que, si elle a une maladie vénérienne, par exemple, elle ne vous en parlera pas.

Mme Harel: C'est un souhait qui vous honore, M. le député de D'Arcy McGee. J'ai aussi une fille de dix ans et j'espère bien qu'elle m'en informerait. Mais la question est de savoir quelle est la situation où elle peut recevoir les soins, où on peut lui garantir les soins et c'est là que le problème se pose.

M. Cossette: Je pense que les Affaires sociales ont beaucoup d'expérience, peut-être, de ce côté-là.

Mme Demers: Cette disposition...

Le Président (M. Gagnon): Mme

Demers.

Mme Demers: ...c'est-à-dire, la disposition qu'on retrouve à cet article, on l'a déjà dans la Loi sur la protection de la santé publique. La seule modification qui y est faite, ce sont les traitements prolongés. Quand cette disposition a été introduite, il y a plusieurs années, disons que cela visait, à ce moment-là, l'alcoolisme, la toxicomanie et les maladies transmises sexuellement.

M. Marx: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela. Je pense qu'on est mineur mais on est majeur... Il y a tellement d'exceptions que, si on veut faire état de toutes les exceptions, quelqu'un qui a quatorze ans sera majeur.

M. Cossette: ...médical.

M. Marx: Non, mais il y a d'autres articles qui touchent d'autres choses et ainsi de suite. Je pense...

M. Cossette: En fait, la...

M. Marx: ...qu'il nous reste quelque chose comme la famille. Est-ce que c'est... Je pense qu'il y a une valeur d'avoir des familles et que les parents soient responsables de leurs enfants, que les enfants aient un certain devoir vis-à-vis de leurs parents. Dans l'ancien Code civil que j'ai étudié, c'était cela. Maintenant, tout le monde pour soi-même, tout le monde peut

garder ses secrets, à quatorze ans, à treize ans, à douze ans, pour chaque adolescent, il y a une autre règle. Je pense que, si un enfant de quatorze ans est malade, ce serait une bonne idée que ses parents soient mis au courant. Cela, c'est "the old school", c'est la vieille école, mais je pense que cela va revenir parce que le pendule est en train de revenir, peut-être un peu.

Je pense que, si ma fille est malade, je veux savoir qu'elle est malade. C'est comme si ma femme est malade, je veux le savoir. J'espère qu'ils aimeraient savoir que, moi, je suis malade. Le cas échéant, je vais ajouter cela. Non, mais je pense qu'il y a une responsabilité vis-à-vis de chacun dans la famille et si c'est comme cela, que l'enfant de quatorze ans a droit à ses secrets maintenant, je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela.

Mme Harel: Je pense qu'on peut justement souhaiter ne pas être, comme parent, d'accord avec cette disposition mais, en tant que législateur, la question à se poser, c'est: Doit-on chercher d'abord à ce que les parents soient informés ou doit-on chercher d'abord à ce que ces enfants de quatorze ans, ces adolescents soient soignés? En posant la question de cette façon, je pense qu'il y a des inconvénients et c'est un peu la balance des inconvénients qu'on doit évaluer. Je conçois qu'on n'apporte pas nécessairement la même réponse. On ne la souhaite pas dans ses relations privées comme parent, cette réponse qu'on peut apporter comme législateur. Mais, entre le désir légitime que vous avez d'être informé et celui d'autant plus légitime que vous pouvez avoir que la personne de quatorze ans et plus soit soignée... Et, si le fait d'être informé l'écartait de l'accessibilité à des soins, qu'est-ce que vous choisiriez?

M. Marx: Je veux juste être informé et aider la personne, le cas échéant. Un enfant de quatorze ans peut aller et être soigné par un médecin X mais, si les parents sont au courant que l'enfant est malade, on peut, par exemple, consulter des spécialistes, consulter d'autres médecins. Ce n'est pas juste une question d'être informé, c'est une question que les parents ont plus d'expérience...

Le Président (M. Gagnon): Je vais vous faire une suggestion, M. le député de D'Arcy McGee. On aura tout le temps d'ici à 20 heures pour réfléchir à cela. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures. Nous nous réunirons à 20 heures à la salle 91.

Mme Harel: Est-ce que l'ajournement est déjà effectif? J'aurais aimé déposer le projet de loi portant réforme...

Le Président (M. Gagnon): On peut rouvrir seulement pour ce dépôt. Oui.

Mme Harel: Si vous me permettez, cela me permettrait de faire le dépôt des amendements, dans leur version anglaise, au projet de loi 20, de la version anglaise définitive. Alors, M. le Président, je fais le dépôt de cette version anglaise.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions poursuit ses travaux afin de faire l'étude détaillée du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.

À la suspension, nous en étions rendus à discuter de l'article 13 du chapitre premier. Je ne me souviens plus de qui avait la parole. Ah, on devait faire une séance de travail pour discuter... À ce moment, on n'est pas obligé d'enregistrer les débats.

M. Marx: On va suspendre pour deux minutes.

Le Président (M. Gagnon): On va suspendre deux ou trois minutes pour voir si on s'entend sur le calendrier de travail qui a été proposé.

(Suspension de la séance à 20 h 8)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 13 faisait l'objet de la discussion avant l'heure du dîner. M. le député de D'Arcy McGee, je crois que vous aviez la parole.

M. Marx: C'est cela, M. le Président. Je pense que les enfants ont des devoirs et des responsabilités comme leurs parents. Peut-être que ce sont les parents qui ont des responsabilités et des devoirs, mais je trouve tout à fait normal que le médecin avise les parents des soins nécessaires pour l'enfant. Est-ce qu'un enfant de quatorze ans peut vraiment choisir les soins nécessaires? Il y a aussi la question de choisir un spécialiste, de magasiner pour avoir le bon spécialiste, le cas échéant. 11 y a toutes sortes de décisions à prendre. Lorsque l'enfant est malade, il ne va pas seulement voir n'importe quel médecin sur n'importe quelle rue avec sa carte-soleil et cela s'arrête là. Je pense qu'il y a des choix à faire. Si c'est au médecin

ou au parent de choisir, pour moi, le parent serait mieux placé pour prendre une décision. Ce serait la même chose pour un parent qui ne peut pas décider et pour qui quelqu'un doit choisir; j'aimerais plutôt que ce soit mon enfant que mon médecin. Je pourrais mieux me fier à mes enfants ou à mes parents qu'à un étranger. Franchement, les médecins sont loin d'être des dieux. Je trouve cela comment dirais-je...

Il y a la responsabilité parentale. Est-ce que les articles 1053 et 1054 existent encore? Si l'enfant commet une faute, les parents sont responsables. Si j'ai un enfant qui est malade, je veux être le premier à le savoir parce que, si c'est une maladie contagieuse, étant donné que cet enfant habite chez moi, j'aimerais être au courant. Je pense que cela pourrait être important. Si c'est une maladie qui se tranmet facilement, cela peut être transmis à un autre enfant dans la famille. Je pense que tout cela, c'est utile. Ici, on dit: II n'y a aucune responsabilité parentale; un enfant qui est malade peut aller voir n'importe quel médecin, n'importe où et ce n'est pas nécessaire que les parents soient mis au courant. Je trouve que c'est une mauvaise politique, surtout pour la famille.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Le problème, M. le député de D'Arcy McGee, c'est que ce choix que vous posez entre une décision des parents, de préférence à celle du médecin ou du professionnel de la santé, peut ne rester que théorique puisqu'il y a eu plusieurs représentations devant la commission à savoir que bien des adolescents refuseraient de se faire traiter, soit pour des maladies vénériennes ou pour des problèmes de drogue, s'ils apprenaient que cette information serait donnée à leurs parents ou de peur qu'elle ne soit donnée à leurs parents. Ce choix reste bien théorique.

Dans le projet de loi 106, il y avait, je pense, une disposition qui faisait obligation d'aviser les parents.

M. Marx: C'est une obligation de... Mme Harel: D'aviser les parents. M. Marx: Oui.

Mme Harel: II y a eu beaucoup d'intervenants du milieu médical qui sont venus faire des représentations...

M. Marx: Cela fait leur affaire.

Mme Harel: ...pour retrancher cette obligation, des intervenants du milieu des urgences sociales, en faisant valoir qu'il y avait certainement des inconvénients. Il y a sûrement des problèmes relationnels entre les parents et les enfants dans la mesure où les enfants ne portent pas à la connaissance de leurs parents les difficultés qu'ils rencontrent, et qu'il valait mieux assurer aux enfants ou aux adolescents de plus de quatorze ans, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, de bénéficier des soins appropriés ou des traitements appropriés.

M. Marx: Si l'enfant a treize ans et sept mois, le médecin va-t-il dire: Je vais téléphoner tout de suite à vos parents pour vous? Oui? On semble dire oui.

Mme Harel: C'est ce qui est requis par la loi.

M. Marx: C'est ce que dit l'article, oui.

Mme Harel: C'est ce qui est requis par la loi.

M. Marx: Oui. Je suis d'accord. Les médecins qui se sont présentés en commission - je me souviens vaguement de cela - avaient-ils des statistiques, des données? Je me souviens qu'ils ont parlé dans ce sens. De toute façon, je trouve difficile d'accepter cela. On est en train de dire que la famille est irresponsable, qu'on ne peut pas se fier aux parents et que les parents ne peuvent pas se fier aux enfants. Si on ne veut pas valoriser la famille, l'article 13 est bien placé. C'est un choix à faire.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous savez, M. le député de D'Arcy McGee, que c'est la pratique médicale actuelle, puisque c'est la disposition de la Loi sur la protection de la santé publique, à l'article 42, qui est reprise. Je ne fais pas erreur de penser que dans le projet de loi 106 il y avait quand même l'obligation d'aviser, tandis que la on reprend simplement l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique. Je pense que cette loi est adoptée depuis 1972 et que c'est de la pratique médicale depuis un très grand nombre d'années.

M. Marx: Je n'étais probablement pas d'accord en 1972, mais je n'étais pas ici pour m'opposer. S'il y a un problème de drogue et s'il est question de maladie vénérienne, peut-être peut-on spécifier que ce soit cela. C'est là le problème. On veut couvrir deux maladies, mais on couvre tout. Je ne suis pas d'accord avec cela. De toute façon, je vois que je suis un peu seul ici avec le président qui ne va pas intervenir.

Le Président (M. Gagnon): Je dois vous dire que j'aurais le droit d'intervenir maintenant dans nos nouvelles commissions parlementaires. Le point qu'a soulevé Mme la députée de Maisonneuve est, justement, celui qu'il faut soulever, c'est que des mineurs refusent de se faire soigner par crainte que les parents ne soient avisés et ainsi de suite. En même temps, je comprends très bien ce que vous mentionnez. Mais il est important qu'on leur donne cette protection.

M. Marx: Si c'est pour les deux raisons que la députée de Maisonneuve a données, on a juste à changer l'article pour dire: Le mineur de quatorze ans peut consentir seul aux soins exigés par les maladies... et lister les deux. Mais apparemment ce n'est pas uniquement cela. Qu'y a-t-il d'autre?

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être savoir quelle est la proposition que vous faites, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Quant à moi, je ne mettrais pas cet article.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que vous mettriez?

M. Marx: Je pense que les parents doivent être avisés en tout temps. S'il y a un problème spécifique pour deux maladies, je ferais cette concession pour les deux maladies, mais on n'est pas prêt à faire cela. On dit que ce sont ces deux maladies, mais il y a aussi d'autre chose.

Une voix: La SIDA.

Mme Harel: M. le député de D'Arcy McGee, j'hésiterais beaucoup à jouer aux apprentis sorciers en définissant le type de traitements ou de maladies.

M. Marx: Oui, je sais, mais si le problème est là, supposons que ce soit une maladie facilement transmissible, je veux savoir si quelqu'un dans ma famille est malade, parce que je vis avec cette personne et que je ne veux pas que ce soit transmis soit à moi ou à d'autres personnes de la famille. Cela est élémentaire.

Mme Harel: C'est tout à fait légitime que, comme parent, vous cherchiez à vous enquérir de l'état de santé, au sens large, de vos enfants. À ce moment, c'est par la situation relationnelle que vous allez entretenir et non pas en tant que législateur.

M. Marx: II ne faut pas que cela soit une maladie qui soit transmise facilement. Supposons que j'aie sept enfants. Si l'enfant de quatorze ans a une maladie qui se transmet facilement - ce n'est pas nécessaire de me le dire! Cela peut être attrapé par les six autres, mais cela n'est pas important! Je pense que c'est cela, le problème.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 13 sera adopté? M. le député de Saint-Laurent?

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais avoir une autre explication. Pourquoi avez-vous modifié la rédaction de l'article 16 du projet de loi 106? L'article 16 disait: "Le mineur de quatorze ans doué de discernement..."

Mme Harel: C'est la question du consentement aux soins. On va y revenir.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, c'est la même chose: "...peut consentir seul à un examen ou à un traitement exigé." C'est au même effet.

Mme Harel: C'est à la suite des représentations de l'Association des centres de services sociaux et également de l'AHPQ, l'Association des hôpitaux. Ce sont des représentations qui ont été faites, puisque dans le traitement prolongé - si on fait référence à des maladies liées à la toxicomanie, à la drogue ou à des maladies vénériennes - il est possible que ce soient des traitements ou des thérapies qui ne nécessitent pas d'être gardés dans un établissement; alors, on ne couvre que lorsque l'adolescent est gardé dans un établissement pendant plus de douze heures.

Le Président (Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: Je pense que dans l'article 13 on a enlevé l'expression "doué de discernement" parce que dans l'article 14 on nous dit: "Le consentement du mineur de moins de quatorze ans ou non doué de discernement." Donc, l'article 14 couvre ce que l'on a enlevé dans l'article 13.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, l'article est au même effet, sauf que c'était prévu à l'article 14.

Mme Harel: Je pensais, M. le député de Saint-Laurent, que vous faisiez référence au fait qu'avait été écarté le fait que, lorsque l'adolescent est soumis à des traitements prolongés, il y ait avis. Des traitements prolongés, cela peut-être une thérapie.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Est-ce que l'article 13 sera adopté?

M. Marx: Adopté, mais, quant à moi, je ne suis pas d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Mais, vous

l'adoptez.

M. Marx: Je ne peux pas arrêter le soi-disant progrès, mais je ne suis pas d'accord.

Le Président (M. Gagnon): L'article 13 est adopté. L'article 14?

M. Marx: Oui, M. le notaire Cossette.

M. Cossette: Je voulais, tout simplement, que Me Demers, qui est ici, vous donne des renseignements additionnels au sujet de l'obligation du médecin de soigner un enfant qui est atteint d'une maladie transmise sexuellement ou encore qui aurait contracté une maladie qui peut dégénérer en une épidémie, par exemple, je pense à la variole, à la varicelle ou à des choses comme cela.

Mme Demers: La Loi sur la protection de la santé publique prévoit certaines maladies qui sont décrétées par règlement et qui sont à traitement obligatoire. Cela veut dire que la personne, dès que le diagnostic est établi, doit se faire traiter. Si elle ne se fait pas traiter, il y a une déclaration qui est produite au ministre et transmise au CLSC de la région et à ce moment les mesures sont prises; il y a des poursuites pénales. Dans la Loi sur la protection de la santé publique, il y a certaines maladies à traitement obligatoire. (20 h 30)

M. Marx: À traitement obligatoire, mais pas...

Mme Demers: À déclaration au ministre des Affaires sociales, mais pas aux parents.

M. Marx: Pas aux parents, c'est cela.

Mme Demers: II n'y a pas de distinction entre les mineurs et les majeurs, à ce moment-là.

M. Marx: L'enfant peut avoir une maladie qui...

Mme Demers: L'enfant de quatorze ans et plus est traité comme un adulte à ce moment-là. S'il a une maladie à traitement obligatoire, les parents ne sont pas davantage avertis.

M. Marx: Un enfant de quatorze ans peut avoir une maladie qui peut être transmise facilement à toute la famille et le médecin n'est pas obligé d'aviser les parents.

Mme Demers: Non. Sauf que la personne doit se faire traiter si c'est une maladie à traitement obligatoire.

M. Marx: Elle doit se faire traiter.

Mais comment va-t-on la forcer? Supposons que l'enfant aille chez le médecin aujourd'hui et n'y retourne pas, que va-t-il arriver? Quelles seront les contraintes? Est-ce qu'on va mettre l'enfant en prison si elle ou il ne reçoit pas les soins prévus par la loi?

Je vois le problème. Mais ce n'est pas nécessaire de traiter du problème "at large" pour couvrir tout et n'importe quoi. Si vous voulez me dire qu'il y a une ou deux maladies qui font problème, on couvre une ou deux choses qui font problème dans la Loi sur la protection de la santé publique. Pour moi, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Ça va?

L'article 14 est-il adopté?

Mme Harel: 11 y a un amendement; je vais faire lecture de l'amendement. Aux première et deuxième lignes, remplacer les mots "non doué" par le mot "privé". L'article 14 tel qu'amendé se lirait comme suit: "Le consentement du mineur de moins de quatorze ans ou privé de discernement à des soins exigés par son état de santé est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par son tuteur."

Cet amendement vise à préciser le sens du concept d'absence de discernement. L'expression "non doué" peut être interprétée comme une absence de discernement qui existe depuis la naissance: la personne n'a jamais eu de discernement. En revanche, le mot "privé" peut signifier aussi bien une absence de discernement depuis la naissance qu'une perte de discernement, voire même une perte temporaire.

Le commentaire sur l'article 14 est le suivant: Cet article reprend l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique qui prévoit que le titulaire de l'autorité parentale consent pour le mineur âgé de moins quatorze ans. Il ajoute, cependant, deux choses à la règle du droit actuel. D'une part, il prévoit le cas du mineur non doué de discernement et, d'autre part, il prévoit, vu le nouveau rôle du tuteur au projet de loi, que le tuteur peut également donner ce consentement. En effet, l'article précédent prévoit que le mineur de quatorze ans peut consentir seul à des soins requis par l'état de santé. Sous-jacent à cette règle existe le principe que ce mineur est présumé, de prime abord, capable de consentir. Cependant, s'il est manifestement non doué de discernement suffisant pour consentir, la règle de l'article 14 trouvera application.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Marx: Le but de l'amendement qui dit "privé"?

Mme Harel: "Privé", puisque, en fait, le

mot "privé" peut signifier aussi bien une absence temporaire qu'une absence définitive de discernement. L'expression "non doué" serait interprétée comme une absence qui existe depuis la naissance.

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: M. le Président, voilà une locution "doué de discernement" ou "privé de discernement" qui revient très souvent dans le projet et je me demande si ce ne sera pas là une source de litiges parce que qu'est-ce que le discernement? Qui a le discernement? Quand a-t-on du discernement? J'ai relevé un mot de La Bruyère "Après l'esprit de discernement, ce qu'il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles." Alors, cela fait un peu peur, n'est-ce pas?

Un enfant peut très bien être capable de discerner certaines choses, le bien du mal, le noir du blanc, et être inapte à donner un consentement valable. Or, ce qui est important ici, c'est qu'il soit apte ou inapte à donner un consentement valable. Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux parler d'aptitude à donner un consentement, plutôt que de discernement. Je ne sais pas si je m'exprime clairement.

Une voix: Oui.

M. Pineau: On peut avoir l'esprit de discernement. Chaque enfant, à chaque âge, a un certain discernement, mais il n'est pas nécessairement apte à donner un consentement valable. Alors, je me demande si on ne pourrait pas dire, par exemple: Le consentement est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur, lorsque le mineur a moins de quatorze ans ou qu'il est inapte à consentir seul à des soins exigés par son état de santé.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je pense qu'on aurait peut-être avantage à reprendre la suggestion de Me Pineau.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ce serait possible? Est-ce que vous l'avez écrite?

M. Pineau: Oui, mais je l'ai mal écrite. Le consentement est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur lorsque le mineur a moins de quatorze ans ou qu'il est inapte à consentir seul à des soins exigés par son état de santé.

Mme Harel: Si j'ai bien compris, vous proposez que nous lisions dorénavant, en concordance, les articles en remplaçant "non doué de discernement" par "inapte à consentir seul à des soins exigés par son état de santé", par exemple à l'article 15 et aux suivants.

M. Pineau: Oui. Il y aurait, à ce moment-là, des ajustements à faire. À l'article 15, on pourrait lire...

Le Président (M. Gagnon): Aux articles 15, 16...

M. Pineau: ...Lorsque le majeur est inapte à consentir à des soins exigés par son état de santé, le consentement est omis. Oui, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): ...17, 18.

M. Marx: Est-ce que le mot "discernement" se retrouve dans le Code civil du Bas-Canada?

Une voix: Non. M. Marx: Non.

M. Pineau: Capable de discerner le bien du mal, mais c'est différent.

Une voix: Oui, oui.

Mme Longtin: C'est un concept qui a déjà été utilisé lorsqu'on a fait, en 1971, je pense, le titre sur la jouissance des droits civils, aux articles 18 et suivants. Par exemple, à l'article 20, on dit: "Un majeur peut consentir par écrit à l'aliénation entre vifs." On utilise, par rapport au mineur, l'expression "doué de discernement". On la retrouve aussi à l'article 21. Donc, effectivement, c'est en reprenant cette notion qu'on a rédigé ces articles. Enfin, vous nous demandez, comme cela, de changer un peu de registre dans...

M. Marx: Comment les juges ont-ils défini ces mots ou ces articles?

M. Frénette (Aidée): II n'y a pas eu de problème en jurisprudence, sauf que là, c'est peut-être un cercle vicieux. Si on dit "une personne apte ou non à consentir", c'est qu'elle est douée de discernement ou pas. On ne va pas plus loin, je pense, en ayant l'aptitude à consentir. Quand les tribunaux vont essayer d'établir si la personne est apte à consentir, ils vont regarder si elle a le discernement suffisant pour consentir à des soins.

Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du Journal des débats...

M. Frénette: Je m'excuse, Aidée Frénette.

Le Président (M. Gagnon): ...le dernier intervenant était M. Frenette.

M. Frenette: Parce qu'il y a au moins un groupe qui avait suggéré l'aptitude, une personne apte à consentir, je pense que c'était l'association des handicapés.

M. Leduc (Saint-Laurent): Dans l'ancien code, on retenait surtout la notion d'incapable. Un incapable, c'était quelqu'un qui n'était pas doué de discernement, à mon sens.

Mme Longtin: C'est une expression qui est entrée dans le code avec les articles 18 à 21 parce qu'auparavant - lorsqu'on arrive à l'article 986, on parle de personne aliénée ou souffrant d'aberration temporaire ou de faiblesse d'esprit - on n'utilisait pas le concept "doué de discernement". C'est simplement aux articles 18 à 21 qu'il est utilisé. L'office de révision, évidemment, utilisait les expressions "doué de discernement" ou "privé de discernement".

Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce qu'on a un amendement ou si on n'en a pas?

Mme Harel: "Doué de discernement", effectivement, était utilisé par l'office aussi. Alors, à moins qu'il y ait une suggestion formelle, je pense qu'on pourrait peut-être revenir au texte de l'article 14 tel que rédigé.

M. Marx: On laisse la décision à la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Gagnon): Oui, voilà. Est-ce que l'amendement à l'article 14...

M. Marx: Même s'il y a deux députés...

Mme Harel: II y a une présomption qui joue en faveur de la rédaction.

M. Marx: ...libéraux et seulement un député péquiste, on laisse le... Un péquiste pèse plus lourd que deux libéraux dans cette commission, ce soir.

Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce...

Mme Harel: On peut peut-être invoquer des arguments en faveur, disons, de la continuité du droit et des propositions de l'office.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Est-ce qu'on maintient votre amendement, Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Afin de remplacer...

Le Président (M. Gagnon): Les mots "non doué" par le mot "privé".

Mme Harel: ...les mots "non doué" par le mot "privé".

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Oui. Est-ce que l'amendement à l'article 14 est adopté? Mme la députée de Maison-neuve.

Mme Harel: M. le Président, peut-être pourrions-nous le mettre en réserve et faire l'exercice de voir quelles seraient les concordances à faire de façon à bienexaminer ce remplacement du terme "non doué de discernement" par celui de "inapte à consentir seul". Nous pourrions, en fait, le rediscuter, peut-être à la fin de cette semaine ou la semaine prochaine.

M. Marx: On peut adopter l'article tel que proposé par la députée de Maisonneuve, quitte à y revenir. On peut toujours modifier l'article plus tard.

Le Président (M. Gagnon): Cela voudra dire que, si vous changez le terme, comme on le retrouve à plusieurs articles, celaprendrait un article de concordance qui fait que partout où se retrouve ce terme...

M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais quelle est la définition de "non doué de discernement"?

M. Marx: Quelqu'un qui est incapable. Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

Mme Harel: Enfin, il y a plusieurs interprétations.

M. Leduc (Saint-Laurent): Un enfant de dix ans est capable de donner un consentement, mais peut-être qu'il n'est pas en mesure de discerner.

Mme Harel: Cela peut être une absence de discernement. La question est de savoir si cela fait référence à une absence qui est définitive, permanente ou temporaire. De là venait cette proposition d'amendement afin de remplacer les mots "non doué" par "privé".

M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a pas une grosse différence, à mon sens, entre "non doué" ou "privé". Je pense bien qu'on joue sur les mots. Le mot important, c'est

"discernement".

M. Marx: Mais, si...

M. Leduc (Saint-Laurent): Me Cossette, quelle est, d'après vous, la définition de "doué" ou "non doué de discernement"?

M. Marx: Je m'excuse, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ...je vais répondre à la question du député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Excusez-moi, j'aurais dû vous poser la question. (20 h 45)

M. Marx: Je me suis posé la même question, mais, dans ses remarques, la députée de Maisonneuve a dit: "Sous-jacent à cette règle existe le principe que ce mineur est présumé, de prime abord, capable de consentir. Cependant, s'il est manifestement non doué de discernement suffisant pour consentir, la règle de l'article 14 trouvera application." "Non doué du discernement", cela veut dire qu'il est incapable de consentir. Je pense que c'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est un incapable mental?

Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.

M. Cossette: Quand on emploie l'expression "mineur doué de discernement", je comprends que c'est un mineur qui est capable de distinguer entre prendre un verre d'eau et un verre de médicament. Il sait que ceci va le soigner, tandis que cela va le désaltérer. C'est être capable de distinguer l'eau d'un remède, de distinguer aussi le bien du mal et de distinguer différentes choses.

Une voix: C'est cela.

M. Pineau: Vous apportez de l'eau à mon moulin parce que, s'il est capable de distinguer l'eau, le...

Une voix: Bien oui.

Le Président (M. Gagnon): Un à la fois. Est-ce que vous avez terminé?

M. Cossette: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: Si l'enfant est capable de discerner le verre d'eau du verre rempli de médicament, cela ne veut pas dire, pour autant, qu'il est apte à donner un consente- ment valable. S'il sait distinguer le vin rouge de l'eau, c'est excellent pour lui, mais cela ne veut pas dire, pour autant, qu'il soit apte à passer un contrat. Quand on dit discernement, on pense immédiatement aux facultés mentales. Alors, vis-à-vis du majeur protégé, on comprend mieux cette expression mais vis-à-vis du mineur... Un mineur est doué de ce discernement, sur le plan pénal, à sept ans, dit-on.

Mme Harel: Évidemment, il faut toujours lire cette expression dans le contexte où c'est "non doué de discernement à des soins exigés par son état de santé." L'interprétation ne peut se faire qu'en regard de l'article.

M. Marx: Cela a déjà été dit, on retrouve ce mot dans le Code civil du Bas-Canada. Est-ce que c'est interprété? Est-ce que les juges l'ont appliqué? Il n'y a pas de jurisprudence.

Mme Longtin: En fait, implicitement...

Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin, oui.

Mme Longtin: ...je pense que les tribunaux, semble-t-il, ont quand même presque accepté... C'est toujours une notion qui est implicite dans les jugements, lorsqu'on dit: Tel enfant était capable de savoir ce qu'il faisait dans telle circonstance, lorsqu'il a accepté, par exemple, de donner telle chose à son frère; je pense aux greffes de moelle osseuse, entre autres. Peut-être que le concept que M. Pineau nous suggère est équivalent parce que peut-être qu'implicitement, lorsqu'on dit "doué de discernement", on dit: Doué du discernement suffisant pour consentir à l'égard de telle chose qui lui est proposée. Sauf que, comme je le mentionnais, on nous propose de changer de registre dans une expression qu'on utilise depuis un certain temps. Finalement, je pense que la proposition de Mme la députée était de dire: Continuons de travailler avec "doué de discernement" pour l'instant et, pendant ce temps, nous, on va faire l'exercice mental de transposition.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, juste une autre question: Qu'est-ce qu'on trouve dans la doctrine sur ce mot? Est-ce qu'on essaie de tout définir dans la doctrine? Est-ce qu'on a défini "discernement" dans la doctrine? Cela n'avancera pas la discussion. D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, on accepte la suggestion de Mme la députée de Maisonneuve d'adopter

l'article tel quel et on continue la réflexion; s'il y avait des changements dans les termes, on pourrait faire la concordance plus tard. Cela va?

M. Marx: Oui.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'on l'adopte tel qu'amendé...

M. Marx: Oui.

Mme Harel: ...en remplaçant les mots "non doué" par le mot "privé".

Le Président (M. Gagnon): D'abord, on va accepter l'amendement. Est-ce que l'amendement est adopté? Et, par la suite, l'article 14 est adopté, tel qu'amendé.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: Oui.

Mme Harel: Étant entendu que nous allons faire l'exercice de voir quel est l'effet, en fait, d'un remplacement.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Article 15?

Mme Harel: L'article 15. L'amendement, à la première ligne, consiste à remplacer les mots "non doué" par le mot "privé" et c'est une modification de concordance avec l'amendement apporté à l'article 14.

L'article 15 se lit comme suit: "Le consentement du majeur non doué de discernement à des soins exigés par son état de santé est donné par son tuteur ou curateur. S'il ne peut être ainsi représenté en temps utile ou si l'absence de discernement est temporaire, le consentement est donné par le conjoint ou, à défaut de conjoint ou en cas d'empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier." J'aurais dû lire, M. le Président, "le consentement du majeur privé de discernement", etc.

Le Président (M. Gagnon): D'accord, "privé de discernement".

Mme Harel: Alors, le commentaire. Cet article est nouveau et vient clarifier le droit actuel considéré comme plutôt ambigu sur cette question. En effet, peu nombreux sont les majeurs non doués de discernement pourvus d'un curateur. Souvent, ils sont gardés en établissement et un certain nombre d'entre eux considérés malades mentaux se retrouvent sous Curatelle publique à la suite de la délivrance d'un certificat médical attestant qu'ils sont incapables d'administrer leurs biens. Même si, en pratique, le Curateur public consent au traitement à la place de ces personnes gardées en établissement et non pourvues d'un curateur privé, la loi n'établit pas clairement cette responsabilité.

Par ailleurs, dans bien d'autres cas, des majeurs non doués de discernement de façon constante ou temporaire ne sont pas sous Curatelle privée ou publique. Or, qui peut consentir pour eux? Le droit actuel est silencieux. Cet article vise donc à permettre que le majeur non doué de discernement, de la même façon que le mineur, puisse bénéficier du consentement libre et éclairé d'un représentant qui soit son tuteur ou son curateur.

Cependant, comme il n'est pas toujours possible de faire nommer un représentant en temps utile ou que l'absence de discernement peut être temporaire, l'article prévoit aussi que dans ces cas le consentement peut être donné par le conjoint, un proche parent ou une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier.

La modification proposée se justifie par le principe de protection du majeur non doué de discernement et est cohérente avec l'obligation des établissements de dispenser les soins.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Avant d'avoir consulté toutes ces personnes, j'ai bien l'impression que la personne va avoir le temps de mourir. Il va falloir, d'abord, vérifier s'il est tuteur ou curateur, sinon on va s'adresser au conjoint, sinon, on va s'adresser à un proche parent ou à une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. Qui va déterminer que cette personne démontre pour le majeur un intérêt particulier? J'ai l'impression que ce sont des mots, mais en pratique, comment cela va-t-il se produire? Comment cela va-t-il se dérouler?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: D'abord, je pense qu'il faut noter, M. le député de Saint-Laurent, que c'est justement pour résoudre le problème qui se pose lorsqu'il n'est pas possible de nommer un représentant en temps utile, soit parce qu'il n'est justement pas possible de le nommer en temps utile ou parce que l'absence de discernement est temporaire. Ce n'est que dans ces cas qu'intervient le consentement d'un proche parent, d'un

conjoint ou d'une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. Alors, cela vient plutôt simplifier que complexifier, puisque lorsqu'il n'y a pas de représentant, il pourrait y avoir, à ce moment, un consentement qui puisse venir des proches.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux bien, mais qui va établir qu'il a un intérêt particulier? Qui va déterminer cela? Disons qu'il n'y a pas de conjoint, il n'y a pas de parent et là, il faut essayer de trouver quelqu'un qui a un intérêt particulier. Cela veut dire quoi, avoir un intérêt particulier? Qui va déterminer qu'une personne a un intérêt particulier?

M. Cossette: Je vous donnerais tout simplement un exemple comme réponse. J'imagine deux vieux garçons qui ont 75 ans. Ils demeurent ensemble depuis 40 ans et ils se sont toujours bien entendus. À un moment donné, il y en a un des deux qui tombe malade. Je pense que c'est un exemple.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez le cas le plus facile.

M. Cossette: Non, non, mais c'en est un. Je pourrais vous en donner d'autres.

Mme Harel: Cela pourrait être la personne qui conduit le majeur non doué de discernement dans un établissement, qui lui prodigue...

M. Leduc (Saint-Laurent): Prenons le cas du clochard.

M. Cossette: Cela pourrait être...

M. Leduc (Saint-Laurent): Cas moins facile, disons, le clochard.

M. Cossette: Un autre exemple plus facile qui me vient à l'esprit est celui du curé pour sa bonne de maison. Cela pourrait être un exemple aussi.

Des voix: Ah! Ah!

M. Cossette: J'imagine.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Longtin.

Mme Longtin: Disons que, pour un clochard, cela peut être les gens qui sont responsables assez souvent des maisons d'accueil et qui n'ont pas de lien de parenté avec ces personnes, sauf que, comme ils les hébergent probablement de façon assez régulière, ils pourraient quand même avoir un intérêt pour leur santé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, cela me va bien, madame. Je veux savoir qui va déterminer que cette personne a un intérêt. C'est ce qu'il m'intéresse de savoir. Évidemment, il y a des soins à donner. Celui qui les donnera fera-t-il cette enquête, à savoir que c'est le curé et sa bonne ou bien que ce sont deux vieux garçons? Est-ce qu'il va vérifier s'il y a un intérêt ou non? Le texte est là, je le vois bien. Je ne dis pas que le texte est mauvais, mais, en pratique, celui qui donne les soins, à qui va-t-il demander le consentement?

Mme Longtin: Je pense qu'il n'y a pas une obligation...

M. Leduc (Saint-Laurent): II va aller au tribunal?

Mme Longtin: ...absolue. Il va avoir une obligation de moyen par rapport aux circonstances qui sont devant lui et à ce qu'il peut obtenir comme information.

M. Leduc (Saint-Laurent): II est protégé s'il a fait une certaine démarche?

Mme Longtin: Je ne pense pas qu'on lui demande de faire une enquête stricte, mais par une interrogation rapide comme on fait dans les formulaires, on arrive à ces réponses.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me semble une formule assez tordue.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à l'article 15 est adopté?

Mme Harel: En fait, évidemment, dans la pratique actuelle, l'administration hospitalière cherche à requérir le consentement des parents à défaut du conjoint de la personne qui, le plus souvent, généralement, accompagne la personne dans un établissement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Elle va faire une enquête, elle va s'enquérir s'il y a un lien de parenté et, sinon, s'il y a un intérêt. Comment se fait cette enquête? Est-ce qu'on lui demande s'il a un intérêt? Il va dire oui.

M. Marx: Avec la conception de la famille qu'on retrouve dans le Code civil d'aujourd'hui, j'imagine que, si la mère téléphone à son enfant pour lui dire qu'elle est malade, l'enfant va appeler un taxi pour aller chercher sa mère et l'amener à l'hôpital. C'est cela, non?

Mme Harel: Si on pouvait reprendre, M. le député de Saint-Laurent, un peu la pratique pour, tout d'abord, se rappeler que, s'il y a un curateur ou un tuteur, son consentement doit être requis à ce moment.

Si le majeur privé de discernement ne peut pas être représenté en temps utile - il y a d'abord cette condition - ou si son absence de discernement est temporaire, à ce moment, intervient d'abord le conjoint. Mais, à défaut de conjoint, intervient un proche parent. L'enquête est bien simple. S'il s'agit d'un proche parent, il s'agit simplement d'obtenir le degré de parenté. À défaut, d'un proche parent, il y a alors une personne qui démontre, pour le majeur, un intérêt particulier, j'imagine - c'est ce qu'on me dit - que, dans la pratique, c'est la personne qui l'accompagne dans l'établissement.

M. Marx: C'est le chauffeur de taxi.. Des voix: Ahl Ah!

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 15 est adopté, parce qu'il est de concordance, de toute façon.

M. Leduc (Saint-Laurent): II a intérêt, il veut se faire payer.

Le Président (M. Gagnon): L'article 15 tel qu'amendé est-il adopté?

Mme Harel: Alors, à l'article 16...

Le Président (M. Gagnon): Article 16? (21 heures)

Mme Harel: ...l'amendement suivant est introduit.

Le Président (M. Gagnon): Cela doit être le même.

Mme Harel: À la deuxième ligne, remplacer les mots "non doué" par le mot "privé", toujours pour faire concordance. À la dernière ligne, supprimer le mot "ne", c'est donc un amendement de nature purement formelle. Enfin, ajouter l'alinéa suivant - je vous tais lecture de l'alinéa - "Elle est aussi requise si un mineur ou si un majeur privé de discernement exprime clairement son refus de recevoir des soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins usuels ou qu'il n'y ait urgence."

Le commentaire sur ce troisième amendement qui ajoute l'alinéa est le suivant. Il s'agit d'une modification substantielle puisque l'autorisation du tribunal est maintenant exigée pour passer outre au refus clairement exprimé par un majeur privé de discernement ou un mineur, sauf s'il s'agit de soins usuels ou qu'il y ait urgence. Cette règle vise à consacrer davantage les principes de la primauté de la personne et du respect de sa liberté.

Je vous Ils le commentaire concernant l'article 15: Ce texte reprend en substance le droit actuel tel qu'exprimé au deuxième alinéa de l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique, ainsi que la recommandation de l'office exprimée à l'article 122 de son rapport. Il y est prévu cependant, pour compléter l'article précédent, le cas du majeur non doué de discernement. Cet article vise donc à assurer la protection du majeur privé de discernement ou du mineur en lui permettant de bénéficier d'examens et de traitements exigés par son état de santé, malgré un refus de la part de la personne habilitée à consentir lorsque ce refus n'est pas justifié par son intérêt ou encore en cas d'impossibilité d'obtenir le consentement de la personne. Les articles 19 et 20 prévoient les critères qui devront servir de guides au tribunal pour décider d'une demande d'autorisation et mentionnent les personnes qu'il devra consulter.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.

M. Pineau: M. le Président, sur le deuxième alinéa que l'on ajoute: "Elle est aussi requise si un mineur ou si un majeur privé de discernement exprime clairement son refus...", il s'agit d'une personne qui est privée de discernement et qui va exprimer clairement son refus. II y a quelque chose qui me gêne un peu, mais je pense qu'on arrangerait les choses en disant: "Si un majeur privé de discernement refuse catégoriquement de recevoir des soins."

Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous d'accord, Mme la députée?

Mme Harel: Toujours, M. le Président, sous réserve des commentaires des personnes qui m'accompagnent.

M. Marx: C'est prudent.

Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin va maintenant faire...

Mme Harel: La sagesse, c'est une vertu à cultiver.

Mme Longtin: Effectivement, c'est une très bonne suggestion.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce qu'on pourrait avoir...

Mme Harel: Cet amendement est donc retenu.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Harel: II consiste à remplacer "exprime clairement son refus de recevoir" par "refuse catégoriquement", de façon que l'alinéa modifié se lise maintenant comme suit: "Elle est aussi requise si un mineur ou

ai un majeur privé de discernement refuse catégoriquement de recevoir des soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins usuels ou qu'il n'y ait urgence."

Le Président (M. Gagnon); On considère que la correction - ce n'est pas un deuxième amendement - a été faite à l'amendement que vous avez proposé. Cela va?

M. Marx: Elle est aussi requise...

Le Président (M. Gagnon); M. le député de D'Arcy McGee.

M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 16, quand on parle de mineur, est-ce le mineur de moins de quatorze ans?

M. Marx: Je ne le sais pas. Est-ce qu'un enfant de sept ans peut catégoriquement refuser? C'est le mineur de quatorze ans dont on parle ici au deuxième alinéa. C'est cela?

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait le dire, sûrement; Un mineur, habituellement, quand on ne le qualifie pas, c'est une personne de moins de dix-huit ans.

Mme Harel: Mme Longtin.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Longtin.

Mme Longtin: La proposition visait tous les mineurs. C'était dans le sens du respect de l'inviolabilité, même si cela peut être un mineur qui a huit, neuf, dix ou douze ans, s'il refuse catégoriquement des soins et qu'on n'a pas réussi à le convaincre de la nécessité de ces soins. L'amendement est dans ce sens.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela ne répond pas à ma question.

Mme Harel: Oui. Cela couvre tous les mineurs.

Mme Longtin: Tous les mineurs.

M. Leduc (Saint-Laurent): Tous les mineurs?

Mme Harel: Oui. Cela couvre tous les mineurs.

M. Leduc (Saint-Laurent): Dix-huit ans et moins?

Le Président (M. Gagnon): M. Frenette avait quelque chose à ajouter.

M. Frenette: Ce que je voulais ajouter, c'est que cela exclut, évidemment, les cas d'urgence et les cas où la vie ou l'intégrité peut être menacée ou en danger, ce qui veut dire que c'est quand même des cas moins graves.

Mme Harel: II ne s'agit pas de soins usuels; il ne s'agit pas, non plus, de cas d'urgence. II faut penser peut-être à des conflits conjugaux où les enfants sont parfois un peu les otages des parents et, dans le cas de conflits, à des points de vue familiaux différents sur les soins à ne pas donner ou à donner à un enfant.

M. Marx: Si on va à l'hôpital avec un enfant de cinq ans qui commence à crier, qui ne veut pas être traité, donc je comprends que c'est un refus catégorique, cela s'arrête là. C'est cela? Est-ce que c'est ce que cela veut dire? Je veux le savoir, parce que, quand ma mère m'a amené a l'hôpital, j'ai souvent refusé catégoriquement et cela ne m'a pas aidé beaucoup. Je veux savoir ce que cela veut dire ici pour un enfant de cinq, six, sept ans ou même de trois ans: si l'enfant crie assez fort, cela peut-il être interprété comme un refus catégorique?

Mme Harel: D'abord, il faut bien lire cette disposition; elle ne s'applique pas si ce ne sont que des soins usuels ou s'il y a urgence.

M. Cossette: Et il s'agit aussi de personnes privées de discernement.

M. Marx: Je comprends cela. Quelqu'un privé de discernement. Un majeur privé de discernement: peut-être qu'il y a une distinction à faire entre une telle personne et un enfant de cinq ans.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Marx: On attend des explications.

Mme Harel: Peut-être que si nous relisions cet article... Il faut voir d'abord qu'il y a refus ou impossibilité de la part de la personne qui peut consentir. Il faut bien lire. Il s'agit du deuxième alinéa de l'article 16. Donc, prenons le cas d'un mineur; il y a une personne qui peut consentir, mais cette personne "est dans l'impossibilité de donner son consentement ou refuse de le faire sans que son refus ne soit justifié par l'intérêt de la personne concernée". À ce moment-là, l'autorisation du tribunal est requise.

Elle est aussi requise s'il y a un refus catégorique de la part du mineur ou de la personne majeure, mais qui est privée de discernement, à moins que ce ne soient des soins usuels ou qu'il n'y ait défaut. S'il y a un refus catégorique du mineur, l'autorisation du tribunal est requise.

Mais, il faut voir qu'il ne pourrait y

avoir refus catégorique d'un enfant que dans la mesure où les points de vue des personnes qui sont en autorité auprès de lui sont très partagés, toujours sur les soins qui ne sont pas urgents ni usuels, mais sur le type d'intervention, qui pourrait être chirurgicale ou autre, à apporter dans un cas, je le répète encore, où il n'y a pas urgence et où ce ne sont pas des soins usuels.

Là, il peut y avoir des points de vue qui diffèrent de la part des personnes qui sont en autorité sur ce mineur. Il peut y avoir des points de vue différents de la part du père ou de la mère, ou des familles. Je pense qu'il faut lire l'article dans ce contexte. L'autorisation du tribunal est requise si le mineur refuse catégoriquement, parce qu'il y aurait argumentation d'un des membres de sa famille qui lui ferait valoir l'inutilité d'une telle intervention. Je crois que c'est vraiment dans ce contexte qu'il faut lire cet article.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'essaie de comprendre, si vous le permettez, M. le Président. On dit: Ou si une personne privée de discernement exprime clairement son refus.

Mme Harel: Refuse catégoriquement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comment une personne privée de discernement peut-elle...

Le Président (M. Gagnon): Cela a été corrigé.

M. Leduc (Saint-Laurent) ...s'exprimer? Est-ce que cela a du sens qu'une personne privée de discernement s'exprime clairement?

Mme Harel: Oui, parce qu'il y a des personnes qui sont privées de discernement, mais qui peuvent être sensibles à des valeurs morales qui leur sont présentées. Je pense, par exemple, à une ligature de trompes ou a quelque autre intervention qui pourrait être proposée à un majeur privé de discernement, mais qui peut procéder dans la vie courante. J'en connais et peut-être en connaissez-vous également qui font des travaux parfois rémunérateurs, qui se déplacent. Ils peuvent être invités par un de leurs parents à recevoir un tel type d'intervention, qu'un autre parent peut contester ou qu'un organisme auquel ils appartiennent - on peut penser à un organisme religieux ou autre -conteste. Il peut s'avérer que le majeur privé de discernement refuse ce type d'intervention au nom de valeurs morales qui lui ont été inculquées.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais quand on dit "privé de discernement", est-ce qu'il est sous un régime de protection?

Mme Harel: Pas nécessairement. M. Cassette: Pas toujours.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pas dans ce cas-ci, pas nécessairement.

M. Cossette: S'il a un curateur, je pense que le consentement va être donné par ce dernier, normalement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui. En fait, il est privé de discernement, mais il n'est pas sous un régime de protection. Qui évalue qu'il est non doué de discernement à ces fins?

M. Cossette: Prenons comme exemple le fou du village; il y en avait un peu dans tous les villages. Alors, tout le monde savait qu'il n'était pas fin. Par contre, rendu à 60 ans, le monsieur a toujours fumé, a toujours bien mangé. À un moment donné, on s'aperçoit que ses artères sont bouchées et qu'il serait peut-être nécessaire de lui couper une jambe, ou même les deux, pour lui permettre de survivre. Évidemment, on n'est pas dans un cas d'urgence, ni dans un cas de soins usuels. C'est un peu extraordinaire, mais, lui, il a toujours marché dans le village depuis 60 ans. Alors, il ne veut pas perdre ses deux jambes. Alors, il exprime catégoriquement un refus.. 11 ne veut pas perdre ses deux jambes. Par contre, il serait nécessaire, pour le faire survivre, de lui en couper deux. Alors, c'est peut-être un exemple d'une personne douée de discernement...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez toujours des exemples faciles.

M. Cossette: ...le fou du village, qui exprime catégoriquement son refus de se voir couper les deux jambes. C'est peut-être un petit peu farfelu, mais c'est un exemple.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez un exemple facile, encore là.

M. Cossette: Non, non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Tout le monde du village le connaît.

M. Cossette: C'est un bel exemple.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais est-ce que, dans les villes, c'est comme cela que cela se passe? J'ai des doutes.

M. Marx: Cela dépend des villages.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui. Pour le majeur privé de discernement, un refus catégorique, je comprends ce que l'on veut atteindre par cette disposition. Mais, en ce qui concerne l'enfant de cinq ans qui émet un refus catégorique, je suis un peu perdu avec l'objet de cette disposition. (21 h 15)

Mme Harel: La recommandation était venue de la Commission des droits de la personne, mais elle couvrait le majeur privé de discernement.

Une voix: Pardon?

Mme Harel: Elle ne couvrait que le majeur...

M. Marx: Oui, c'est cela.

Mme Harel: ...privé de discernement. Peut-être pourrions-nous suspendre cet article, mais il m'apparaît qu'il peut se produire des cas d'interventions, M. le député de D'Arcy McGee. Pensons à un enfant mineur de dix ou douze ans, ou de quatorze ou quinze ans. Il faut voir que c'est une intervention qui n'est pas nécessitée par l'urgence et qui peut être controversée puisque la médecine n'est pas, non plus, une science exacte.

M. Marx: Est-ce que c'est un problème aujourd'hui? Il ne faut pas essayer de régler des choses qui ne se produisent pas. Le médecin ne va pas faire des expériences avec des enfants. Il y a cela aussi. Il y a quelques minutes qu'on a adopté l'article 13, qu'on a dit: Les médecins sont tout à fait responsables et ce n'est pas nécessaire qu'ils avisent les parents. Mais, si on tombe dans la situation inverse où on ne se fie pas aux parents ni au médecin, on donne l'impression de se fier à l'enfant de cinq ans qui va répéter: Non, non, quinze fois et cela sera un refus catégorique. C'est ce que cet article veut dire.

Mme Harel: Non, puisqu'il peut y avoir des points de vue différents sur les diagnostics et les traitements donnés qui peuvent être partagés par la famille différemment. Mais, si vous le voulez, on va retirer "à l'article 16...

Le Président (M. Gagnon): Retirer l'amendement?

M. Marx: Non. Si je comprends bien ce que la députée de Maisonneuve a dit, c'est la Commission des droits de la personne qui a proposé cet alinéa en ce qui concerne le majeur privé de discernement et le ministère a ajouté le cas du mineur. On veut vraiment s'assurer que c'est nécessaire d'ajouter le mineur dans cet article.

Mme Harel: Nous allons proposer à la commission de retirer cet article de nos travaux. Nous y reviendrons demain matin. Nous allons suspendre aussi l'alinéa...

Le Président (M. Gagnon): Oui, voilà. Mme Harel: ...tout simplement.

Le Président (M. Gagnon): Ce que je vous propose plutôt, c'est de retirer l'amendement et de suspendre l'article.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Alors, on va retirer l'amendement pour ce soir, suspendre l'article et vous reviendrez demain. Donc, l'amendement à l'article 16 est retiré pour le moment et l'article 16 est suspendu. Nous allons entreprendre l'article 17. L'article 17, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, il y a un amendement qui remplace la première...

M. Marx: Voudriez-vous lire l'article aussi, après?

Mme Harel: Après l'amendement. Je vais introduire l'amendement et je vais lire l'article tel qu'amendé.

M. Marx: S'il vous plaît, merci!

Mme Harel: Je vais d'abord lire le premier alinéa: "Le majeur peut aliéner entre vifs une partie de son corps ou se soumettre à des soins qui ne sont pas exigés par son état de santé ainsi qu'à une expérimentation, pourvu que le risque couru ne soit pas hors de proportion avec le bienfait espéré."

L'amendement remplace la première phrase du deuxième alinéa par la suivante. "Le mineur de quatorze ans le peut également si l'aliénation entre vifs d'une partie de son corps, les soins ou l'expérimentation sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet majeur et permanent; cependant, le mineur de moins de quatorze ans ne le peut sans avoir obtenu l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur."

Alors, le commentaire sur l'amendement est le suivant: L'amendement a pour but de permettre au mineur de quatorze ans doué de discernement, comme en matière de soins requis par l'état de santé, de consentir seul, en certains cas, à l'aliénation entre vifs d'une partie de son corps à des soins non requis par son état de santé et à une expérimentation. Contrairement aux soins requis par l'état de santé, l'amendement encadre toutefois ce droit de trois conditions: qu'il s'agisse d'actes mineurs,

n'entraînant aucun risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent. Cette modification est fondée sur l'objectif d'accorder graduellement une plus grande autonomie au mineur à mesure qu'il acquiert de la maturité.

M. Marx: Est-ce que vous avez un commentaire sur le premier alinéa?

Mme Harel: J'y viens. Le commentaire est le suivant: Le premier alinéa de cet article reprend substantiellement le premier alinéa de l'article 20 du Code civil du Bas-Canada, sauf que l'article proposé prévoit aussi le cas des soins qui ne sont pas exigés par l'état de santé de la personne.

M. Marx: Voilà.

Mme Harel: Cette modification vise à éviter l'intervention du tribunal pour des actes mineurs ou sans effet permanent et majeur comme une simple chirurgie esthétique ou une greffe de moelle osseuse.

M. Marx: Je ne vois pas la nécessité de cet amendement. Franchement, je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de prévoir dans le Code civil que le mineur de quatorze ans peut aliéner entre vifs une partie de son corps ou se soumettre à des expérimentations dites mineures. Je ne vois pas la nécessité de cela. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il est nécessaire d'avoir une telle disposition dans notre Code civil?

Cela peut être mineur dans la tête d'un médecin, mais cela peut être très majeur dix ans plus tard. Il y a des femmes qui ont pris des pilules et les médecins ont dit, pendant des années: II n'y a rien là. Maintenant, ces femmes sont atteintes de maladies sérieuses. Leurs enfants sont atteints de maladies sérieuses. Ce qui est mineur pour un médecin peut être majeur pour la personne concernée. Je ne vois pas l'intérêt public de cet amendement.

Mme Harel: II s'agit, M. le député de D'Arcy McGee, d'une disposition qui est prévue, depuis 1972, à l'article 20 du Code civil et qui était reprise par une disposition qu'on retrouvait dans le rapport de l'office de révision.

M. Marx: Non, mais ce n'est pas la même chose. L'article 20 du Code civil prévoit, au deuxième alinéa, que le mineur doué de discernement le peut également avec l'autorisation d'un juge de la Cour supérieure et le consentement du titulaire de l'autorité parentale, à condition qu'il n'en résulte pas un risque sérieux pour sa santé. Mais, ici, on va plus loin. On dit: Le mineur de quatorze ans peut le faire lui-même.

Mme Harel: En fait, on pense à un exemple. Cela pourrait être un mineur qui serait invité à donner du sang dans le cadre d'une clinique de sang. On peut peut-être revenir à l'article 17 tel que rédigé où il est prévu que l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur est nécessaire.

M. Marx: Je pense que c'est une amélioration, quoiqu'on aille plus loin que l'article 20 du Code civil du Bas-Canada où cela prend l'autorisation d'un juge de la Cour supérieure. Je n'ai pas vu beaucoup d'enfants de quatorze ans qui donnent du sang. Je n'en ai pas vu beaucoup et, pour ce qui est des trois pintes de sang qu'on pourrait avoir à Montréal, je ne pense pas que cela mérite un amendement au Code civil. Je pense qu'il faut protéger les mineurs le plus possible et ici, on est en train d'enlever une certaine protection qui se trouve dans le Code civil du Bas-Canada.

Il y a des pays où des enfants donnent du sang et où les parents reçoivent une rémunération. Je sais que ce serait contre le Code civil actuel et ainsi de suite, mais une fois qu'on permet aux mineurs de prendre des décisions, tel que prévu à l'article 17, je pense qu'il y a des risques et je ne vois pas les bénéfices.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le problème, c'est de savoir si c'est mineur ou majeur et j'ai l'impression qu'on va le constater a posteriori. Qui va établir avant, a priori, que cela n'a pas d'effet majeur et permanent?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vu qu'il peut consentir lui-même.

Le Président (M. Gagnon): ...vous avez accepté, je pense, de retirer l'amendement. C'est cela?

Mme Harel: Oui. Je pense qu'il nous faudrait maintenant revenir au texte tel que rédigé de l'article 17. Je vais faire lecture...

Le Président (M. Gagnon): Oui. Mme Harel: ...du deuxième alinéa...

M. Leduc (Saint-Laurent): On met de côté...

Le Président (M. Gagnon): Mais l'amendement est retiré.

Mme Harel: ...puisque nous allons retirer l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Voilà!

Mme Harel: Voilà! Alors, le deuxième alinéa se lit comme suit: "Le mineur doué de discernement le peut également avec l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur si les soins ou l'expérimentation sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet majeur et permanent. Dans les autres cas, l'autorisation du tribunal est requise."

Je pense qu'il faut que cela puisse éviter une intervention du tribunal pour des actes mineurs.

M. Marx: Le Code civil du Bas-Canada, au deuxième alinéa de l'article 20 se lit comme suit: "Le mineur doué de discernement le peut également avec l'autorisation d'un juge de la Cour supérieure et le consentement du titulaire de l'autorité parentale à la condition qu'il n'en résulte pas un risque sérieux pour la santé." Ici, il y a plus de protection pour l'enfant parce que cela prend une autorisation d'un juge et le consentement des parents, c'est-à-dire que jusqu'à maintenant on a voulu vraiment protéger le mineur. On parle ici d'une aliénation de son corps, ce n'est pas quelque chose qui est nécessaire ou même utile.

Mme Longtin: Si on revient à l'article 17 tel qu'il est dans le projet de loi 20, le deuxième alinéa, à mon avis, ne s'applique pas à l'aliénation entre vifs d'une partie du corps, il ne vise que les soins et l'expérimentation.

M. Marx: Pour moi...

Mme Longtin: Par rapport aux soins, je pense qu'il faut, évidemment, tenir compte du fait qu'il y a tous les soins qui ne sont pas exigés par l'état de santé, qui peuvent être différentes interventions, comme on l'a vu, sociales ou psychologiques ou, encore, des questions de greffe esthétique. Il serait quand même assez difficile d'aller devant le tribunal pour ce type de questions. (21 h 30)

M. Marx: Est-ce que vous dites que l'alinéa 2 ne couvre pas l'aliénation entre vifs d'une partie de son corps?

M. Leduc (Saint-Laurent): L'article est mal rédigé, quand on dit "le peut".

M. Marx: "Le mineur doué de discernement le peut également."

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas clair.

M. Marx: Franchement, M. le Président, je suis en faveur de garder l'alinéa qu'on trouve dans le Code civil du Bas-Canada. Je ne vois pas la nécessité de faire en sorte que ce soit plus facile pour le mineur de poser de tels actes; je n'en vois pas la nécessité.

Mme Harel: II faut bien lire cet article en distinguant les deux alinéas puisque, dans le cas du majeur, l'expérimentation, l'aliénation d'une partie de son corps ou les soins qui ne sont pas exigés par l'état de santé sont possibles, n'est-ce pas, tandis que, dans le cas du mineur, cela ne l'est que "si les soins ou l'expérimentation sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent." Il faut voir qu'il y a une protection dans le cas du mineur doué de discernement. Cette protection consiste à ne procéder à ce qui est prévu au premier alinéa que dans la mesure où cela n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé, dans la mesure où ces soins ou l'expérimentation sont mineurs et dans la mesure où il n'y a pas d'effet majeur et permanent.

M. Marx: Qu'est-ce que c'est "mineurs"? Qu'est-ce que cela veut dire "n'entraîne aucun risque sérieux"? Je ne veux pas faire l'histoire de la médecine au Canada, mais on sait que les femmes ont reçu des pilules de médecins, pendant des années, et tout le monde a dit: II n'y a aucun risque. On s'est retrouvé, plus tard, avec des enfants qui ont souffert de...

Une voix: Thalidomide.

M. Marx: ...thalidomide, voilà! Ce n'était pas sérieux, c'était mineur, etc. Je pense qu'il y a un danger. Il y a des gens, aujourd'hui, qui sont contre l'expérimentation sur des animaux et qui font des campagnes partout. Je pense que, au lieu d'élargir la règle, il faut la resserrer le plus possible. Il faut donner, au moins aux enfants, le plus de protection possible.

M. Cossette: Est-ce que je comprends bien en disant que vous voudriez qu'on enlève du deuxième alinéa "l'expérimentation" pour ne s'en tenir qu'aux soins?

M. Marx: Pour s'en tenir à quoi?

M. Cossette: Pour s'en tenir aux soins seulement.

M. Marx: Je suis prêt à accepter, disons, l'alinéa 2 tel qu'on le retrouve dans le Code civil du Bas-Canada.

Mme Harel: C'est-à-dire que vous tenez à ce qu'il y ait à la fois le consentement du titulaire...

M. Marx: C'est cela.

Mme Harel: ...et l'autorisation d'un juge.

M. Marx: Là, il y a vraiment plus de...

Mme Harel: Je vous rappellerai que, dans cette disposition du Code civil, il n'y avait pas de distinction entre des soins mineurs, il n'y avait pas de qualification de soins qui "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent."

M. Marx: On disait: S'il y a "un risque sérieux pour la santé."

Mme Harel: Mais, là, on va beaucoup plus loin, on dit, en fait, qu'il s'agirait de soins mineurs, pas seulement de soins qui ne provoquent pas de risques sérieux, mais de soins mineurs.

M. Marx: D'accord. Donc, on peut prendre le deuxième alinéa tel que proposé et ajouter le consentement d'un juge de la Cour supérieure à l'autorité parentale.

Mme Harel: Dans le dernier membre de la phrase, vous avez "Dans les autres cas, l'autorisation du tribunal est requise".

M. Marx: J'aimerais qu'elle soit requise pour...

Mme Harel: Vous pensez qu'il faudrait que cette autorisation soit requise dans tous les cas où les soins sont mineurs, où cela n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent?

M. Marx: "Le mineur doué de discernement le peut également"; "le peut également", qu'est-ce que cela veut dire? Aliéner une partie de son corps.

M. Leduc (Saint-Laurent): La rédaction n'est pas correcte. "Le peut", qu'est-ce que c'est? Cela veut dire "aliéner". Cela veut dire se soumettre à des soins et à une expérimentation. Il faudrait rédiger le deuxième paragraphe autrement.

M. Marx: Pour les soins, c'est une autre situation, si on a l'autorité parentale. "Le peut également", cela veut dire aliéner une partie de son corps.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr que c'est cela.

M. Marx: Pour l'aliénation du corps d'un enfant ou pour l'expérimentation, il me semble que ce serait souhaitable qu'on ait le consentement des parents et d'un juge de la Cour supérieure. Ce sont des soins non exigés par l'état de santé, au deuxième alinéa.

Mme Harel: On va suspendre cet article.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.

M. Pineau: M. le Président, si vous me le permettez, je pourrais simplement vous dire que les universités ont adopté des règles d'éthique à cet égard sur l'expérimentation. C'est parfois difficile de faire accepter cela par des hommes de science, mais on a été amené à se montrer extrêmement prudent à cet égard parce que ce qui peut paraître mineur à un homme de science ne l'est pas nécessairement pour le citoyen ordinaire. Actuellement, l'article 20 du Code civil du Bas-Canada, alinéa 2, fait en sorte qu'il ne peut pas y avoir d'expérimentation sur des mineurs doués de discernement, parce qu'on ne va pas aller devant le tribunal pour demander cette autorisation. C'est simplement un commentaire.

M. Marx: C'est cela. C'est théoriquement possible, mais pratiquement très difficile ou impossible.

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous suspendre l'article?

Mme Harel: M. le Président, nous allons, en fait, suspendre également cet article 17.

Le Président (M. Gagnon): D'accord.

Mme Harel: Comme l'article 16, nous en reprendrons l'étude demain.

Le Président (M. Gagnon): Alors, l'article 17 est suspendu. J'appelle l'article 18.

Mme Harel: L'article 18 introduit un amendement à la première ligne du premier alinéa. Remplacer les mots "non douée" par le mot "privée". Il s'agit toujours d'une modification de concordance avec l'amendement apporté à l'article 14 on introduit un deuxième amendement afin d'insérer à la première ligne du premier alinéa, après le mot "discernement" les mots et signes: "majeure ou mineure,". Également, à la première ligne du deuxième alinéa, il 3'agit de supprimer la virgule qui suit les mots "à des soins" et d'insérer ce qui suit: "ou à une expérimentation," de façon que l'article 18 amendé se lise comme suit: "La personne privée de discernement, majeure ou mineure, ne peut, sans l'autorisation du tribunal, aliéner entre vifs une partie de son corps, être soumise à des soins qui ne sont pas exigés par son état de santé, ni être soumise à des expérimentations. "Toutefois, le tuteur ou le curateur

peut consentir à des soins ou à une expérimentation, s'ils sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent."

Le commentaire est le suivant: La troisième modification est substantielle. Elle permet de soumettre en certains cas à une expérimentation une personne privée de discernement avec le consentement du curateur ou du tuteur, mais sans l'autorisation du tribunal. Ces expérimentations devront toutefois satisfaire aux trois conditions suivantes: qu'il s'agisse d'actes mineurs, n'entraînant pas de risques sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent. Cet amendement vise à éviter l'intervention trop fréquente des tribunaux en matière principalement de chimiothérapie où on expérimente quotidiennement de nouveaux médicaments.

Le commentaire général sur l'article 18 est le suivant: Le droit actuel n'établit pas de règle spécifique pour le mineur et le majeur non doués de discernement. Comme ils ne sont pas capables de consentir eux-mêmes, on peut conclure qu'ils ne peuvent aliéner entre vifs une partie de leur corps, ni être soumis à une expérimentation. Cependant, la doctrine et la jurisprudence sont partagées sur ce point et, en pratique, il arrive que des tribunaux donnent une autorisation ou que le représentant consente à la place d'un majeur privé de discernement.

Cet article vise donc à clarifier la situation. L'article pose le principe que la personne privée de discernement ne peut aliéner une partie de son corps, ni être soumise à une expérimentation ou à des soins non requis par son état de santé sauf dans deux cas. Le premier est celui où la loi permet au tuteur ou au curateur de consentir à un acte mineur et sans risque sérieux ou effet majeur, tels une chirurgie esthétique mineure ou le don du sang. Le second, c'est celui où le tuteur ou le curateur ne pouvant consentir alors même qu'il y va de l'intérêt de la personne, il faut obtenir l'autorisation du tribunal.

Dès lors, l'aliénation entre vifs d'une partie du corps, une expérimentation ou une intervention qui n'est pas exigée par l'état de santé pourrait être autorisée malgré son caractère majeur et permanent ou le risque qu'elle peut comporter. Cette règle pourrait permettre au tribunal, conformément aux exigences des articles 19 et 20, d'autoriser des actes telles une stérilisation, l'expérimentation d'un médicament ou une transplantation d'organe en vue de sauver le vie d'un membre de la famille d'un majeur ou d'un mineur non doué de discernement.

M. Marx: Je pense que cela pose les mêmes problèmes que les articles 16 et 17. Je pense qu'on devrait suspendre cet article avec l'article 17, parce que cela pose les mêmes problèmes.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a des commentaires que vous aimeriez apporter avant que nous le suspendions?

Mme Longtin: En fait, les commentaires, c'est tout simplement, peut-être, de rappeler la difficulté qu'on voit dans la règle telle qu'elle est formulée au projet de loi 20, qui reprenait, dans ce sens-là, la proposition du projet de loi 106. C'est que, pour plusieurs médecins, semble-t-il, dans les hôpitaux, la notion d'expérimentation entre en jeu dès qu'on utilise pour une première fois, après les premiers tests, un médicament à l'égard de certaines personnes. Là, on se dit: Est-ce que, toutes les fois qu'on va arriver avec un nouveau traitement dont les effets bénéfiques sont quasi certains, on va toujours devoir aller chercher une autorisation du tribunal? Finalement, c'est le juge qui entre dans la vie médicale. C'est un peu leur point de vue. C'est ce qu'ils faisaient valoir pour la modification, surtout qu'en matière psychiatrique, semble-t-il, on traite beaucoup par...

Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.

M. Pineau: Oui, je comprends parfaitement, M. le Président, ce qui vient d'être dit. Je pense que les chercheurs font la différence entre l'expérimentation thérapeutique et l'expérimentation non thérapeutique. L'expérimentation thérapeutique est sans aucun doute admissible, tandis que l'expérimentation non thérapeutique est peut-être plus sujette à caution. Or, le texte ne fait pas la différence entre l'expérimentation thérapeutique et celle qui ne l'est pas.

M. Marx: Puis-je suggérer qu'on suspende cet article aussi pour revoir l'ensemble de ces articles demain?

Mme Harel: Nous suspendons...

Le Président (M. Gagnon): Alors, nous allons retirer l'amendement à l'article 18...

Mme Harel: ...l'article 18.

Le Président (M. Gagnon): ...et nous allons suspendre l'article 18. Est-ce cela?

Mme Harel: C'est bien cela.

Le Président (M. Gagnon): L'article 19?

Mme Harel: L'article 19 se lit comme suit: "Le tribunal qui doit statuer sur une demande d'autorisation relative à l'aliénation d'une partie du corps à des soins ou à une expérimentation prend l'avis d'experts, du

titulaire de l'autorité parentale, du tuteur ou du curateur et du conseil de tutelle. Il peut aussi prendre l'avis de toute personne qui manifeste un intérêt particulier pour la personne concernée par la demande. "Il doit aussi, sauf impossibilité, recueillir l'avis de la personne concernée et, à moins de motif grave, respecter son refus."

Le commentaire sur l'article 19 est le suivant: Cette disposition est nouvelle et vise, d'une part, à assurer que les atteintes à l'inviolabilité des personnes qui ne peuvent consentir elles-mêmes ne surviennent qu'après une audition complète de tous les intéressés, de tous ceux qui peuvent éclairer le tribunal. C'est pourquoi elle prévoit, outre l'avis d'experts et l'audition du représentant, la possibilité d'entendre des tiers qui ont manifesté un intérêt pour la personne, des membres d'associations, parrains civiques, travailleurs en milieux sociaux ou le Curateur public. (21 h 45)

D'autre part, elle vise aussi à préserver le droit de la personne concernée à se faire entendre et à manifester son refus, refus que le tribunal devra respecter dans sa décision à moins qu'un motif grave ne justifie d'y passer outre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Cet article a du bon sens, par rapport aux autres qui ont précédé, parce qu'ici il me semble qu'on donne plus de protection aux personnes.

Mme Harel: Puisque le tribunal n'intervient que dans les cas d'expérimentation, de soins majeurs, pas des soins donnés à des majeurs, mais de soins qui ont un effet majeur...

M. Marx: Oui, mais il doit y avoir beaucoup de causes où on est sur la ligne entre des effets majeurs et mineurs. Cette ligne mince laisse peut-être beaucoup de marge à celui qui va décider.

Le Président (M. Gagnon): Oui, monsieur...

M. Pineau: M. le Président, simple observation en ce qui concerne le commentaire et l'article 20 lui-même. Il est question de l'aliénation, des soins, de l'expérimentation faits dans l'intérêt de la personne concernée...

Une voix: Nous sommes à l'article 19. M. Pineau: Pardon? Oui, excusez-moi. Le Président (M. Gagnon): Nous sommes à l'article 19.

M. Pineau: Oui, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 19 est adopté? Cela va?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 20?

Mme Harel: L'article 20...

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, l'article 20 se lit comme suit: "Le tribunal doit, avant de statuer sur la demande d'autorisation, s'assurer que l'aliénation d'une partie du corps, les soins ou les expérimentations sont dans l'intérêt de la personne concernée et qu'ils sont opportuns dans les circonstances; il doit aussi s'assurer que le risque présenté par ces actes n'est pas hors de proportion avec le bienfait qu'on en espère ou qu'ils sont bénéfiques pour la personne, malgré leurs effets majeurs et permanents."

M. Marx: Est-ce qu'il y a un commentaire?

Mme Harel: II y a un commentaire. J'en fais lecture. Cet article est de droit nouveau et complète l'article précédent. Il a pour but de s'assurer que l'aliénation d'une partie du corps, les soins ou les expérimentations sont non seulement opportuns dans les circonstances soumises au tribunal, mais qu'ils sont aussi dans l'intérêt de la personne concernée. À cet effet, l'article prévoit certains critères d'appréciation afin d'aider le tribunal dans cette tâche.

M. Pineau: Le seul point, M. le Président, c'est dans l'hypothèse où le tribunal serait amené à autoriser des soins non thérapeutiques, non nécessaires. L'article 20 ne pourrait pas s'appliquer en cette situation parce que le tribunal doit statuer dans l'intérêt de la personne concernée. Cela ne peut pas intéresser la personne concernée si les soins n'ont pas un but thérapeutique.

Le Président (M. Gagnon): M. Frenette.

M. Frenette: Cela pourrait être un don d'organe, par exemple, où l'intervention comme telle d'enlever un organe à quelqu'un n'est pas nécessaire. En apparence, cela n'est pas dans son intérêt, mais cela pourrait être son intérêt psychologique de sauver la vie de son frère ou de sa petite soeur. C'est un intérêt différent, mais c'est toujours dans l'intérêt de la personne, un certain intérêt.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je n'ai pas d'objection à cet article, mais il y a quelques minutes la députée de Maisonneuve, quand on a parlé des aliénations d'une partie du corps d'un mineur, a parlé de don de sang. Je me demande quel bienfait un enfant peut espérer retirer en faisant un don de sang. Être remercié par la Croix-Rouge? Peut-être avoir un verre de lait et un beignet? À part cela...

Mme Harel: Vous savez, M. le député de D'Arcy McGee, il peut se produire des cas rares où des transfusions sanguines d'un type particulier sont nécessaires. Je ne faisais pas nécessairement référence à des cliniques générales, mais à des cas particuliers où il peut être utile...

M. Marx: C'est cela. Si ce sont des cas si rares que cela, comme je l'ai dit auparavant, il serait souhaitable d'avoir un jugement de la Cour supérieure et on sera sûr et certain qu'on a pris toutes les précautions nécessaires pour protéger l'enfant qui est en train d'aliéner une partie de son corps. Si c'était rare, il n'y aurait pas tellement d'appels à la Cour supérieure.

Pour l'article 20, adopté.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? C'est adopté? Article 21?

Mme Harel: II se lit comme suit. "Le consentement à l'aliénation entre vifs d'une partie du corps, à des soins qui ne sont pas exigés par l'état de santé ou à des expérimentations doit être donné par écrit. "Il peut toujours être révoqué, même verbalement.".

Le commentaire est le suivant. L'article 20 du Code civil du Bas-Canada prévoyait que le consentement devait être donné par écrit et qu'il devait être révoqué de la même façon. L'article proposé conserve l'exigence de l'écrit lorsqu'il s'agit de donner le consentement, mais il modifie cependant le droit actuel en permettant dans tous les cas la révocation verbale, ceci afin de mieux respecter la volonté de la personne et son droit à l'inviolabilité et à l'intégrité.

Nous n'avons pas retenu la recommandation de l'Office de révision du Code civil d'exiger que la révocation verbale soit faite en présence de la personne chargée de faire l'intervention. Cette exigence aurait souvent rendu l'article inopérant, puisque la personne n'est généralement plus en état de manifester sa volonté lorsqu'arrive le moment de l'intervention.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 21 est-il adopté?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Article 22?

M. Marx: À l'article 21, on était plus conscient de protéger les droits des personnes que dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. D'accord?

Mme Harel: C'est-à-dire que l'office de révision prévoyait une révocation...

M. Marx: C'est cela. La révocation... Je souligne qu'on a pensé plus, dans ces articles, à protéger les personnes que dans les articles 15, 16, 17 et 18. D'accord?

Mme Harel: Je pense que le souci était le même dans l'ensemble des articles, mais peut-être que l'exercice ne vous semble pas aussi fructueux.

M. Marx: J'essaie de vous donner des choses sur lesquelles réfléchir durant la nuit.

Le Président (M. Gagnon): L'article 22, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: II se lit comme suit: "L'aliénation d'une partie du corps humain non susceptible de regénération doit être gratuite. "L'aliénation d'une partie du corps ne peut être répétée si elle présente un risque pour la santé.".

Le commentaire est le suivant. Le premier alinéa de cet article reprend le troisième alinéa de l'article 20 du Code civil du Bas-Canada et le troisième alinéa de l'article 16 proposé par l'Office de révision du Code civil.

Le second alinéa est cependant nouveau et il vise à protéger la santé du donneur et à éviter les abus dans l'aliénation à titre gratuit ou onéreux d'une partie du corps humain, même susceptible de regénération.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Si je comprends bien, quelqu'un qui fait don de son sang peut être rémunéré. C'est le droit actuel. Est-ce qu'il y a autre chose...

M. Cossette: Les cheveux également, les ongles.

M. Marx: Les cheveux, cela ne me touche pas. Il me reste les ongles et le sang. Est-ce que l'on vend des ongles et des

cheveux?

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article...

Une voix: Des cheveux, oui.

M. Marx: Pardon? Des cheveux, oui?

Une voix: Des cheveux, oui.

Une voix: Cela sert pour faire des...

M. Marx: Est-ce que les gens sont payés pour donner du sang au Québec? Je ne pense pas. Dans certains pays - en Haïti -les gens vendent leur sang.

Le Président (M. Gagnon): L'article 22 est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que l'on entreprend la section II, ou si on ajourne nos travaux à demain?

M. Marx: II reste deux minutes, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous êtes consentants à ajourner nos travaux à demain, 10 heures? Demain, 10 heures, à la salle 81, celle qu'on avait cet après-midi.

(Fin de la séance à 21 h 57)

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