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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de
procéder à une consultation particulière sur le Livre
premier: Des personnes, du projet de loi 20: Loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.
Est-ce qu'il y a des changements chez les membres, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui. M. Gagnon (Champlain) est
remplacé par M. Laplante (Bourassa).
Le Président (M. Laplante): Ce sera d'une façon
temporaire.
Le Secrétaire: De façon temporaire. Et M. Johnson
(Anjou) est remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Laplante): Merci.
M. Marx: Est-ce que le député de Saint-Laurent, M.
Leduc, est inscrit?
Une voix: Oui.
M. Marx: II est inscrit. Parfait.
Le Président (M. Laplante): Oui. C'est cela. M. Marx aussi
a été inscrit.
M. Marx: Merci.
Livre premier: Des personnes (suite)
Le Président (M. Laplante): Ce matin, on reçoit le
Barreau du Québec. Je vous prierais Madame et Messieurs, d'identifier
votre organisme et de vous identifier chacun de vous, ceux qui sont à la
table, pour les fins du Journal des débats. Messieurs.
Auditions Barreau du Québec
M. Trudel (Clément): M. le Président, mon nom est
Clément Trudel. Je suis accompagné de Me André
Prévost à mon extrême gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur et
de Me Claude Boisclair.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous une entente pour la
longueur des mémoires?
M. Marx: Le temps que cela prend.
Le Président (M. Laplante): Le temps que cela prend. C'est
bien. On y va, messieurs, madame.
M. Trudel: M. le Président, Mme et MM. les
députés, le Barreau du Québec est heureux de participer
à l'élaboration de notre nouveau Code civil appelé
à remplacer le Code civil du Bas-Canada. Outre la Charte des droits et
libertés de la personne, ce code a toujours constitué une
pièce législative maîtresse de la société
québécoise et demeure encore aujourd'hui le signe distinctif du
système juridique québécois, par opposition à tous
les autres du continent nord-américain.
Cette place privilégiée occupée par le Code civil
dans l'ensemble de la législation québécoise doit
être maintenue, voire accentuée, avec le nouveau Code civil du
Québec dont l'adoption fournit une occasion de premier choix d'adapter,
dans un effort de synthèse et d'harmonisation, les institutions, les
droits et les obligations aux exigences nouvelles découlant de
l'évolution de notre société.
Le Barreau du Québec a eu maintes fois l'occasion de se prononcer
sur l'importance du Code civil dans la hiérarchie législative
québécoise, que ce soit dans le cadre de commissions
parlementaires, d'interventions publiques ou de rencontres privées avec
différents représentants du ministère de la Justice.
Puisqu'il constitue le système juridique de base du Québec
en droit privé, le code doit revêtir un caractère
d'universalité et de permanence. Or, le processus actuel d'adoption du
nouveau code laisse le barreau pour le moins songeur, et je m'explique.
Au moment où les sous-commissions du barreau sur les personnes,
les successions et les biens étudiaient les documents de travail ou
avant-projets, puis plus tard les projets de loi 106, 107 et 58, elles n'ont
disposé d'aucun commentaire, d'aucune source, d'aucune
référence pouvant expliquer les politiques législatives
retenues; elles n'avaient pas non plus d'outils pour les éclairer sur
les modifications au code actuel et aux lois statutaires connexes ou sur les
mesures transitoires. Elles n'en avaient guère
davantage pour amorcer l'étude de ce volumineux projet de loi 20.
Comment peut-on se prononcer sur des dispositions de droit nouveau sans
connaître toutes leurs incidences sur le droit existant? Aura-t-on un
rapport décodificateur rattaché au Code civil du Québec?
Je ne vous apprends rien en vous signalant que les plaideurs citent encore
aujourd'hui le rapport décodificateur de 1866 afin d'apporter quelque
éclairage sur certaines dispositions encore obscures du code actuel. Le
même exercice se produit fréquemment en ce qui touche le Code de
procédure civile de 1965. L'Office de révision du Code civil en
avait rédigé un. Puissions-nous espérer de meilleurs
outils de travail pour les livres à venir.
J'aimerais également, comme bâtonnier et aussi comme
praticien du droit, exprimer mon inquiétude et celle de mes
collègues qui ont consacré de longues heures à
l'étude du projet de loi face aux courts délais dont dispose la
commission pour étudier ces 1164 articles en vue de leur adoption le 21
juin prochain. Un tel bagage législatif ne se digère pas en un
mois et il est à craindre que plusieurs amendements devront y être
apportés pour combler les vides et corriger les erreurs laissées
par une adoption trop rapide, comme ce fut le cas pour le livre sur la
famille.
Certains membres du Barreau manifestent également un autre type
d'inquiétude engendré par le fait de devoir composer dans leur
pratique quotidienne avec un casse-tête juridique dont les pièces
sont parfois difficiles à mettre en place. Pour connaître le droit
applicable à une date donnée, le juriste doit faire
référence au Code civil du Bas-Canada. Il y constate des
dispositions encore en vigueur et d'autres abrogées. Faisant
référence ensuite au Code civil du Québec, il
réalise alors l'existence d'articles en vigueur et d'autres non encore
promulgués. On se retrouve devant un fouillis législatif dont les
premières victimes sont évidemment les clients consommateurs, vu
les fortes possibilités d'erreurs de la part des avocats dans la
formulation de leurs opinions. Que dire du grand principe
d'accessibilité des lois dans ce contexte où aucun profane ne
peut s'y retrouver?
Encore une fois, le Barreau croit devoir s'élever contre cette
pratique d'adopter un Code civil à la pièce. Les autres livres et
les lois d'application les desservant auraient avantage à être
adoptés ensemble pour permettre au Code civil du Québec de
représenter l'expression globale de notre droit commun. Peu importe le
nombre d'années nécessitées par un tel projet, la justice
et les justiciables y gagneront.
Ces réflexions d'ordre général étant faites,
je veux vous présenter plus amplement les gens qui m'accompagnent, qui
pourront présenter notre mémoire et qui pourront répondre
à vos questions. À ma gauche, Me André Prévost,
avocat de pratique privée à Montréal, à
l'étude Clarkson Tétrault, président de la commission
permanente du Barreau sur la révision du Code civil et de la
sous-commission sur les droits de la personne; Me Suzanne Vadboncoeur exerce au
service de la recherche et de la législation du barreau et elle est
secrétaire de la commission permanente et des différentes
sous-commissions sur la révision du Code civil; enfin, Me Claude
Boisclair, professeur titulaire à la Faculté de droit de
l'Université de Sherbrooke et membre de la commission sur les droits de
la personne. Je demanderais à Me Vadboncoeur de vous présenter
notre mémoire.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le bâtonnier. M. le
Président, madame et messieurs les députés, j'ai
l'impression que très peu d'entre vous ont eu le temps de lire le
mémoire, auquel cas je vais procéder non pas à une
lecture, mais peut-être à une revue un peu plus
détaillée du mémoire. Le mémoire se divise en deux
parties: la première comprend des commentaires généraux de
fond, alors que la deuxième suggère certaines modifications
législatives à des articles précis.
Le premier commentaire touche le rapport des codificateurs dont le
bâtonnier a touché un mot tout à l'heure. Je ne reviendrai
pas là-dessus, je pense qu'il s'agit d'un outil d'interprétation
essentiel du droit que tous les avocats espèrent avoir dans un proche
avenir. (10 h 15)
La disposition préliminaire du projet de loi 20. La
sous-commission s'interroge sur la pertinence d'avoir une disposition
préliminaire du type de celle que l'on a au projet de loi 20. On y fait
référence à la Charte des droits et libertés de la
personne, on assujettit le code à cette charte, alors qu'une telle
disposition ne semble pas nécessaire étant donné la
prépondérance de la charte qui elle-même est
édictée à l'article 52 de cette même charte.
En plus, le deuxième alinéa mentionne que le Code civil
est le fondement des autres lois. Or, il nous apparaît douteux que le
Code civil soit effectivement le fondement des lois statutaires. Donc, la
sous-commission suggère de retrancher la disposition
préliminaire, d'autant plus que le Code civil du Bas-Canada et le Code
Napoléon n'en comportent pas et personne n'a eu à s'en
plaindre.
Comme troisième commentaire, on touche l'article 7 qui codifie la
théorie de l'abus de droit. On a constaté, à la lecture de
cet article, que la théorie de l'abus de droit tel que reconnu par la
doctrine et la jurisprudence va quand même moins loin que
cet article 7. D'ailleurs, on a plusieurs questions à poser au
législateur dans ce projet de loi; on n'a pas toujours les
réponses, mais on a bien des questions. On se demande si le
législateur a voulu ajouter un élément à la
théorie de droit que l'on connaît en ajoutant à cette
théorie la notion d'absence d'intention de nuire. Étant
donné que l'article 7 mentionne les deux expressions "de manière
à" et "en vue de", le "en vue de" peut être
considéré comme un élément intentionnel, alors que
"de manière à" touche plutôt le résultat sans
égard à l'élément intentionnel. Est-ce qu'on veut
vraiment ajouter ce nouveau volet à la théorie de l'abus de
droit? J'espère que certains membres de la commission pourront
répondre à cette question.
Le quatrième commentaire concerne les articles 75 à 85 sur
le domicile. Le projet de loi contient une présomption maintenant qui
est une présomption de changement de domicile dès qu'il y a
changement de résidence. Cela va évidemment changer encore une
fois tout le droit qui concerne le domicile, mais le problème majeur se
situe particulièrement à l'établissement du régime
matrimonial des conjoints, à cause de l'article 84. L'article 84
prévoit désormais que des époux peuvent avoir des
domiciles distincts sans que soient violées les règles relatives
à la vie commune qui sont incluses dans le Livre deuxième du Code
civil du Québec sur le droit de la famille et qui obligent les conjoints
à faire vie commune.
Si on a deux conjoints qui sont domiciliés dans des provinces
différentes, qui se marient et qui n'établissent pas de domicile
à cause de l'éloignement qui peut être engendré par
le travail des parties et qu'un décès ou une rupture de mariage
survient - on suppose qu'ils n'ont pas de contrat de mariage - quel
régime matrimonial va-t-on appliquer à ces conjoints? Au niveau
des successions, on peut imaginer les difficultés qu'une telle
interrogation peut nécessiter. Est-ce qu'on va considérer le
régime matrimonial légal du Québec? Est-ce qu'on va
considérer celui de l'Ontario? On ne le sait pas. Depuis la loi 89,
évidemment, l'épouse n'a plus son domicile au domicile du mari.
Alors, là, il y a un gros point d'interrogation qui se pose et on se
demande s'il n'y aurait pas lieu de fixer, enfin, d'adopter une disposition
législative sur le domicile matrimonial proprement dit en l'absence de
contrat de mariage ou de modifier le chapitre sur les régimes
matrimoniaux dans le Livre deuxième du Code civil du Québec pour
prévoir, justement, quelque chose. Donc, le problème majeur vient
de l'article 84, finalement.
Le cinquième commentaire concerne le registre de l'état
civil et est divisé en deux parties. Les articles 109 et suivants du
projet de loi nous indiquent que le registre de l'état civil existe en
double exemplaire. À l'article 112 nous arrive une troisième
version sur support informatique. Jusque-là, cela va bien sauf qu'on se
rend compte, dans les articles postérieurs, qu'en cas de perte le
directeur de l'état civil peut se servir de l'autre exemplaire et de la
version sur support informatique pour reconstituer l'exemplaire détruit
ou perdu. Donc, on accorde une certaine valeur authentique à la version
sur support informatique et chacun sait que, contrairement au double exemplaire
qui est la même version, finalement, parce que le deuxième est une
copie microfilmée, cette version sur support informatique peut comporter
des erreurs, étant donné l'intervention humaine d'entrer les
données sur informatique. Alors, si on veut en faire un exemplaire
authentique, il faudrait l'encadrer davantage et prévoir des mesures de
contrôle pour s'assurer que cette version sur support informatique est la
réplique exacte du double exemplaire. Par contre, si on veut seulement
s'en servir à des fins internes, à des fins administratives, il
est absolument inutile d'en mentionner l'existence dans le Code civil.
Deuxième sous-thème sur le plan du registre de
l'état civil, les actes de naissance. On a un problème à
l'article 120 du projet de loi qui dit, entre autres choses, qu'un des parents
peut déclarer la filiation de l'enfant, du nouveau-né, à
l'égard de l'autre parent dans certaines circonstances, notamment quand
l'autre parent est dans l'impossibilité de manifester sa volonté,
est parti, est décédé, etc.
Pour des enfants nés hors mariage... On est bien conscient, nous,
les gens de la sous-commission, que le Code civil du Québec a voulu
enlever toute différence entre enfants légitimes et
illégitimes, et c'est très bien ainsi, mais, au point de vue
pratique, cette possibilité qu'a un parent de déclarer la
filiation de l'enfant à l'égard de l'autre parent peut poser des
problèmes pour les enfants nés hors mariage. J'ai simplement
indiqué un cas qui peut arriver. Une mère dans le besoin peut
déclarer la filiation à l'égard de, finalement, n'importe
qui. On peut s'imaginer tout de suite toutes les conséquences que cela
peut avoir au point de vue de l'obligation alimentaire et, si le faux parent
est décédé, toutes les implications que cela peut avoir
sur le plan des successions. Il y aurait lieu de faire attention sur ce
plan.
Le sixième commentaire de fond touche la minorité. Il y a
une certaine confusion qui est rattachée aux articles 169 à 181,
ou autour de, particulièrement en ce qui concerne les articles 176 et
177. Ces articles, d'ailleurs, risquent de chambarder le régime des
nullités absolues et des nullités relatives que l'on
connaît, à l'heure actuelle, dans le Code civil du Bas-Canada.
On trouve étrange qu'un acte qui est fait par le tuteur sans
suivre les formalités prescrites puisse être annulé sans
preuve, sans que le mineur ait à subir de préjudice, alors que
des actes qui sont commis en excès du mandat, donc qui sont probablement
assez lourds de conséquences pour le mineur, peuvent être
annulés avec une preuve de préjudice. Il faut que le mineur...
Normalement, des actes majeurs, des actes graves devraient être
annulés sur simple demande du mineur, puisque le mineur ne peut
être lésé.
On suggère, dans la deuxième partie, une modification
à l'article 175; enfin, on y reviendra dans la deuxième
partie.
Le septième commentaire suggère que le fameux concept de
l'émancipation - ce n'est pas la première fois que le Barreau
à l'occasion de s'exprimer là-dessus - est une notion qui nous
semble complètement dépassée. On a peine à
retrouver, d'ailleurs, dans les annales judiciaires, des cas
d'émancipation judiciaire qui ont été prononcés
depuis les 50 dernières années. Depuis que la majorité a
été abaissée à 18 ans, nous considérons que
le phénomène d'émancipation n'a plus sa raison
d'être et que, pour les cas entré 16 et 18 ans, le régime
de capacité du mineur est amplement suffisant pour le laisser agir selon
les circonstances qui se présenteront.
Si jamais l'article 403 du Code civil du Québec entre en vigueur,
on peut facilement imaginer que le mineur âgé de 16 ans qui
demandera une dispense d'âge pour se marier pourrait
éventuellement, si jamais on conserve la notion d'émancipation,
demander son émancipation judiciaire. Mais c'est à peu
près le seul compromis que la sous-commission du barreau serait
prête à accepter, d'autant plus que, dans le projet de loi, non
seulement on garde la notion d'émancipation, mais on la complique
davantage. On a une pleine émancipation, on a une simple
émancipation. Cette dernière peut être prononcée
quelquefois par le tuteur, quelquefois par le tribunal. On va vraiment à
contresens. La sous-commission du Barreau voudrait voir disparaître
complètement cette notion de l'émancipation.
À la page 13, on en arrive aux commentaires relatifs au titulaire
de l'autorité parentale versus le tuteur à la personne. On s'est
demandé, lors de la commission parlementaire de 1983 et on se demande
encore - là aussi, on aimerait avoir des réponses - quelle est la
différence pratique entre les fonctions du titulaire de
l'autorité parentale et celles du tuteur à la personne. Dans les
très rares cas où ce sont deux personnes différentes qui
assumeront ces fonctions, à qui le mineur va-t-il obéir? Qui
sera-t-il obligé d'écouter? Si le titulaire de l'autorité
parentale qui a un devoir de garde, de surveillance, d'éducation, dit au
jeune: Tu feras cela; par contre, le tuteur à la personne pense qu'il
devrait faire autrement, on voit tout de suite le conflit qui peut arriver. De
toute façon - justement, je le soulignais tout à l'heure -
très rares sont les cas où le titulaire de l'autorité
parentale sera une personne différente du tuteur à la personne,
d'autant plus qu'avec le projet de loi 20 les parents sont tuteurs
légaux. On suggère tout simplement, en ce qui concerne le mineur
toutefois, de ne plus parler de tuteur à la personne, mais de parler de
titulaire de l'autorité parentale et de tuteur aux biens quand il y aura
lieu d'avoir un tuteur aux biens.
D'ailleurs, à cet égard, on peut aussi s'interroger sur la
pertinence de la disposition qui prévoit que le directeur de la
protection de la jeunesse est tuteur légal de l'enfant jusqu'au jugement
final d'adoption. Si on regarde les articles du Code civil du Québec qui
sont pertinents à la question, les articles 614, 618, 619 et 621, on ne
voit pas du tout ce qu'il vient faire là-dedans, d'autant plus que le
tribunal, en prononçant la déclaration d'adoptabilité et
en prononçant l'ordonnance de placement, désigne justement le
titulaire de l'autorité parentale et, en vertu de l'article 618, cette
désignation fait en sorte que l'enfant ne peut plus retourner à
son tuteur. S'il ne peut plus retourner à son tuteur, comment se fait-il
que le DPJ peut être tuteur? II y a un non-sens là-dedans, il
faudrait peut-être vérifier cela. (10 h 30)
L'avant-dernier commentaire touche le conseil de tutelle. On assiste
à une réincarnation, même malheureuse, du conseil de
famille qui existe actuellement. Quiconque a déjà pratiqué
et a déjà mis les pieds dans un palais de justice sait que les
conseils de famille s'organisent de façon à tout le moins
improvisée. On a de la difficulté à rapailler tous les
membres qui doivent composer un conseil de famille et on est obligé,
bien souvent, de prendre des gens dans les corridors du palais de justice pour
avoir quorum. Le conseil de tutelle, en plus, sera composé soit de cinq
personnes, soit de trois personnes, parfois d'une seule personne. Il y aura
deux suppléants. Et ce fameux conseil alourdira sûrement le
processus décisionnel, d'autant plus que le projet de loi prévoit
à l'article 227, auquel d'ailleurs on suggère une modification,
que les décisions doivent être prises par le conseil de tutelle
et, dans certains cas, par le tribunal. Donc, quand ces décisions seront
importantes, elles devront passer par deux étapes. D'abord, il y aura
l'assemblée de constitution du conseil de tutelle, qui va ressembler au
conseil de famille à l'heure actuelle; il y aura l'assemblée du
conseil de tutelle proprement dite. Ensuite, la recommandation sera soumise au
tribunal pour fins de décision.
Nous sommes d'avis que ce qu'on avait
suggéré dans le mémoire de 1983 serait beaucoup
plus susceptible d'apporter au tribunal toutes les opinions qui doivent
être prises en considération par le tribunal avant de prendre une
décision. Mes confrères du ministère de la Justice ont
sûrement encore ce mémoire dans leurs classeurs. Il s'agissait des
proches - ceux qu'on peut trouver - de la personne à protéger, et
ces gens-là pourraient être appelés par le tribunal ou par
le tuteur, si c'est une décision qui peut être prise par le tuteur
sur avis du conseil de tutelle, qui ne sera plus le conseil de tutelle; donc,
ces gens-là seraient appelés et, à défaut par eux
de se manifester, le tuteur agira et le tribunal, de son côté,
pourra prendre la décision; mais au moins, les opinions dissidentes des
personnes, des proches de la personne protégée pourront
être entendues par le tribunal, ce qui, je pense, est susceptible
d'éclairer davantage le tribunal. On me souligne ici que les proches
pourraient être pour le majeur le conjoint, les ascendants, les
descendants, frères et soeurs majeurs et, pour le mineur, c'est à
peu près pareil, sauf le conjoint.
En plus d'alourdir le processus décisionnel, nous pensons que, de
toute façon, le tuteur est assujetti à certains contrôles.
Il y a d'abord l'obligation de fournir une sûreté si jamais la
valeur des biens est supérieure à 7000 $. Il y a également
le compte annuel qu'il doit rendre, qu'il pourrait rendre aux proches en
question; de toute façon, il le rend au Curateur public. Donc, il y a un
contrôle a posteriori. Et il y aura un contrôle
éventuellement par le tribunal. Si jamais ce conseil de tutelle
était maintenu, il y aurait lieu toutefois de prévoir un registre
central des conseils de tutelle pour faciliter le repérage. Il y a
peut-être un détail ici que je voulais mentionner: quand le
conseil de tutelle ne sera composé que d'une seule personne, on revivra
l'institution actuelle qui est le subrogé tuteur et qui n'a absolument
aucune dent: il n'existerait pas et cela ne changerait pas grand-chose.
Commentaire final: Des personnes morales. C'est un chapitre qui a
été amélioré - on doit le dire - par rapport au
projet antérieur, mais il subsiste quand même une certaine
confusion dans l'interprétation de ces articles. D'abord, on trouve un
peu étrange de voir disparaître un vocabulaire qui est connu,
ancré, qui vraiment caractérise le monde des affaires
nord-américain, et c'est la notion de corporation. Cela disparaît.
On trouve également étrange de subordonner la personnalité
morale ou la personnalité juridique - on ne le sait plus, parce que le
projet de loi semble employer les deux termes indiféremment; on ne sait
pas si le législateur veut faire une distinction entre les deux et il
serait peut-être bon de le préciser - à
l'immatriculation.
Une personne morale est une personne morale en soi, et l'article 323
confère le titre de personne morale aux sociétés et aux
associations. Ensuite, on dit que ces personnes morales n'ont pas la
personnalité juridique si elles ne sont pas immatriculées. On
peut leur donner la personnalité juridique de façon
rétroactive si, avant l'immatriculation, la personne morale a agi comme
si elle était une personne morale. Je vous avoue que ce n'est pas tout
à fait clair; ce n'est pas très limpide. Si une personne morale
est une personne morale, comment peut-elle agir comme une personne morale?
Enfin, c'est vraiment quelque chose de confus qu'il faudrait peut-être
retravailler.
Ensuite, au niveau de la responsabilité des sociétaires,
c'est l'article 336 qui parle de responsabilité; on dit que la personne
morale est distincte de ses membres, sauf dans quelques exceptions qui
concernent certaines sociétés et associations. On ne sait pas
lesquelles. Si la société conserve ses attributs actuels,
c'est-à-dire la responsabilité des sociétaires, on se
demande pourquoi cette société aurait avantage à
être immatriculée. Cela ne changerait pas grand-chose, sauf que
cela ajouterait le danger qu'une société civile, par exemple,
soit poursuivie sous son nom sociétal et qu'un jugement puisse
être exécuté contre les associés, ce qui n'a
absolument aucun sens quand lesdits associés ne sont pas appelés
à la procédure. Après un rapide coup d'oeil au document de
travail qui concerne la loi d'application, on s'est aperçu que notre
crainte était fondée, parce qu'à l'article 1837, dont je
peux vous faire lecture brièvement, on prévoit
précisément ce que je viens d'énoncer: "Le jugement rendu
contre la société jouissant de la personnalité morale est
exécutoire sur les biens de la société et ce n'est
qu'après discussion de ces biens que le jugement peut être
exécuté contre les biens des associés
déclarés ou non." Cela veut dire qu'un associé qui n'a
jamais entendu parler du fait qu'une action était prise contre la
société - il y a certains associés qui sont moins actifs
quotidiennement dans la société - peut voir, un beau matin, un
huissier arriver chez lui et exécuter le jugement sur ses biens
personnels. C'est absolument insensé. Il y aurait lieu de retravailler
ces articles en particulier. Évidemment, on aura sans doute l'occasion
de se revoir au sujet de la loi d'application.
L'article 344 - il y a une erreur à la page 18 - a pour but de
codifier la règle très complexe du soulèvement du voile
corporatif. Malheureusement, cette règle n'est limitée qu'aux cas
de fraude, et Dieu sait si la jurisprudence a reconnu beaucoup d'autres cas que
celui de fraude. Alors, de deux choses l'une: ou on n'en parle pas du
tout et on continue de laisser les tribunaux soulever le voile
corporatif dans les circonstances qu'il jugera appropriées, ou on
élargit de beaucoup cet article 344 qui est absolument insatisfaisant
dans l'état actuel des choses.
J'en viens à la partie II du mémoire, qui concerne les
modifications législatives et j'irai assez rapidement. L'article 27
prévoit qu'une personne peut être sous garde dans un
établissement pour un délai maximal de 48 heures sans
consentement. Étant donné la lourdeur administrative et
judiciaire qui est maintenant attachée au consentement aux soins, nous
sommes d'avis que le délai de 48 heures n'est pas suffisant et qu'il y
aurait lieu de maintenir le délai de 96 heures actuellement prévu
dans la Loi sur la protection du malade mental. Si, par exemple, quelqu'un
arrive dans un établissement à la suite d'une tentative de
suicide et qu'il est dans un état comateux, le délai de 48 heures
est assez bref. Il faut que le médecin le réanime, fasse
l'histoire du cas, essaie de contacter ses proches, l'encontre son avocat,
fasse préparer une requête; tout cela dans 48 heures, cela nous
paraît assez bref comme délai. Nous suggérons de revenir au
délai de 96 heures de la loi actuelle.
L'article 30 du projet de loi nous paraît bien comme il est, sauf
qu'il ne prévoit aucune règle pour la révocation du
consentement. Nous suggérons donc une disposition qui ajoute à
cela.
Dans l'article 36, encore là, c'est un peu plus une question
qu'une suggestion proprement dite. Le paragraphe 4° mentionne qu'est
considéré comme une atteinte à la vie privée d'une
personne le fait de faire surveiller sa vie privée par quelque moyen que
ce soit. Encore une fois, quiconque a été un peu dans la
pratique, et particulièrement en droit de la famille, sait que des
enquêteurs privés sont souvent engagés par des parties.
Dans le cas des administrateurs de compagnies, on a très souvent des
enquêtes de crédit et poussées, à part cela. Est-ce
qu'on veut complètement éliminer cela? On ne le sait pas. Si
quelqu'un peut nous répondre là-dessus, on aimerait le savoir et,
par la suite, faire les commentaires appropriés.
L'article 41 mentionne que la personne, même mineure, peut, dans
un but médical ou scientifique, donner son cadavre ou autoriser sur
celui-ci le prélèvement d'organes ou tissus. On voit mal comment
un mineur de trois ans, de six mois ou de onze ans peut prendre seul cette
décision. Le projet de loi crée une semi-capacité pour les
mineurs âgés de 14 ans et je pense que cette semi-capacité
devrait se retrouver également à cet article. Cette
décision devrait être prise par toute personne majeure,
évidemment, ou mineure âgée de 14 ans. Pour les mineurs
âgés de moins de 14 ans, une telle décision
nécessiterait l'autorisation du titulaire de l'autorité
parentale.
Entre les articles 58 et 64, encore là, ce n'est pas la
première fois qu'on souligne cette anomalie. L'article 58,3°
mentionne que, quand le nom prête au ridicule ou est frappé
d'infamie - c'est surtout cette dernière portion qui nous
intéresse - le changement de nom peut être fait par voie
administrative. Par contre, l'article 64, au paragraphe 3°, donne cette
juridiction au tribunal en cas de condamnation de l'un des parents à une
peine infamante. Encore une fois, au point de vue pratique, on se demande si le
cas de condamnation des parents à une peine infamante ne fait pas en
sorte que le nom des descendants est frappé d'infamie. Si c'est le cas -
et nous pensons que cela l'est - pourquoi ne pas l'inclure dans le même
article et donner la juridiction au tribunal? Ce qui resterait de juridiction
administrative à l'article 58.3 serait simplement le cas du nom qui
prête au ridicule. (10 h 45)
Ensuite, on va à l'article 73 où on suggère que la
demande de changement de la mention du sexe soit confiée à la
juridiction du tribunal, étant donné les preuves médicales
assez importantes que cela peut requérir.
L'article 82 peut poser des problèmes en cas de garde conjointe.
On dit: "Lorsque la tutelle est exercée par les père et
mère mais que ceux-ci n'ont pas de domicile commun, le mineur est
présumé domicilié chez celui de ses parents avec lequel il
réside." En cas de garde conjointe, il réside avec les deux de
façon à peu près également partagée dans le
temps. À moins que le tribunal n'ait autrement fixé le domicile
de l'enfant, ce n'est pas le cas, ou qu'il n'ait attribué la garde
à l'autre parent, ce n'est pas le cas non plus. Qu'est-ce qu'on fait au
point de vue du domicile de l'enfant dans les cas de garde conjointe? Je pense
que ceux qui sont un peu familiers avec le droit familial reconnaîtront
que le phénomène de la garde conjointe se répand de plus
en plus. Cela peut poser des problèmes pour déterminer le
domicile de l'enfant. Il y aurait peut-être lieu de prévoir
quelque chose.
On voulait ajouter à l'article 85, qui concerne l'élection
de domicile, le troisième alinéa de l'article 85 actuel du Code
civil du Bas-Canada, qui est de nature à protéger le consommateur
dan3 une élection de domicile. C'est simplement la
répétition du troisième alinéa de l'article 85.
Quant à l'article 101, la sous-commission sur le droit des
successions a étudié cet article de façon peut-être
un petit peu plus approfondie et s'est rendu compte qu'on ne prévoyait
pas de dispositions dans le cas où la preuve de la date du
décès est postérieure à celle que fixe
la
déclaration judiciaire de décès. On suggère
une disposition dans ces cas-là.
À l'article 105 on ajoute simplement le paiement de bonne foi,
tout paiement qui a été fait de bonne foi aux héritiers ou
aux légataires, pour éviter des cas de connivence ou de mauvaise
foi qui pourraient arriver, particulièrement dans le cas des paiements
d'assurances.
L'article 137, c'est la seule fois dans le projet de loi où on
parle d'autres dépositaires du registre de l'état civil. C'est
qui, les autres dépositaires? On n'a aucune espèce de
précision alors que, dans le Code civil du Bas-Canada, on les mentionne,
on sait qui ils sont. Il n'y a rien dans le Code civil du Québec. Cela
nous arrive comme un cheveu sur la soupe: les autres dépositaires. Ah!
on ne sait pas qui. Il y aurait peut-être lieu de le préciser.
À l'article 177, je vous le mentionnais tout à l'heure, on
a cru bon de préciser pour éviter les difficultés
d'interprétation que les articles 176 et 177 lus ensemble pouvaient
causer. On suggère qu'on précise que l'acte fait seul de
l'article 177 ne pouvait viser que l'acte fait seul par le mineur alors qu'il
devait être représenté par le tuteur. S'il avait le droit
d'agir seul sans être représenté, c'est l'article 171 qui
prévoit qu'il ne peut pas être lésé, cela ne peut
donc pas viser cette situation-là. Cela ne peut pas être non plus
l'acte nul de nullité absolue parce que, encore là, il est
régi par un autre article. Il y aurait peut-être lieu de
préciser davantage, à moins, évidemment, que le
législateur n'ait en tête d'autres cas, mais il faudrait
peut-être, à ce moment-là, nous dire quels autres cas cela
peut viser.
Notre suggestion vise à ajouter à l'article 181 que le
mineur pourrait ratifier non seulement l'acte fait par le tuteur sans avoir
suivi les formalités, mais également l'acte fait par le tuteur en
excès de son mandat. Le mandant peut le faire dans les règles
relatives au mandat. Pourquoi le mineur devenu majeur ne pourrait-il pas
ratifier un tel acte?
À l'article 221, encore là, on ne fait pas de modification
précise. On mentionne que la nomination d'un tuteur par le tribunal peut
difficilement être faite sur avis du conseil de tutelle parce que, dans
la plupart des cas, le conseil de tutelle sera nommé après la
nomination du tuteur. Il y aurait peut-être un rajustement à faire
à ce niveau-là.
À l'article 227, on mentionne qu'à l'heure actuelle, pour
les actes qui excèdent la simple administration, le tuteur doit
être spécialement autorisé par le conseil de tutelle et,
dans certains cas, par le tribunal. Je mentionnais tout à l'heure que
cet article signifie que, dans certains cas, le tuteur devra avoir deux
autorisations: celle du conseil de tutelle plus celle du tribunal. Je pense
qu'il n'y a aucune raison qu'il y ait deux autorisations, d'autant plus qu'il
peut arriver qu'elles soient contradictoires. Alors, on suggère
plutôt que, pour ces actes-là, le tuteur soit spécialement
autorisé par le conseil de tutelle dans les cas où l'autorisation
du tribunal ne sera pas requise. Ainsi, il ne risque pas d'y avoir de conflit
d'autorisation.
À l'article 257, on suggère que le mineur puisse
également demander qu'un tuteur ad hoc soit nommé. Il a le
pouvoir, en vertu de l'article 222, de s'adresser au tribunal et de
suggérer le nom d'une personne qui serait apte à remplir les
fonctions de tuteur. On ne voit pas pourquoi ce même pouvoir ne serait
pas accordé au mineur dans le cas d'un tuteur ad hoc.
À l'article 320, la rédaction est fautive lorsqu'on dit,
au deuxième alinéa, que le conseil de tutelle doit provoquer la
nomination d'un nouveau curateur, tuteur ou conseiller. En lisant les
dispositions du projet de loi relatives au conseiller, on constate qu'il n'y a
pas de conseil de tutelle pour un conseiller. On ne voit pas comment le conseil
de tutelle pourrait provoquer la nomination d'un conseiller. On suggère,
d'ailleurs, une modification de texte.
Finalement, relativement aux personnes morales, à l'article 344,
- je ne reprendrai, pas le raisonnement que j'ai fait tout à l'heure -
cela concerne le soulèvement du voile corporatif que l'on suggère
de retrancher ou d'élargir.
C'était, en détail, le mémoire de la
sous-commission du Barreau sur le droit des personnes. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur. Me
Pineau, vous aviez... Non? Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, peut-on demander à Me
Trudel ou à quelque autre personne qui l'accompagne s'ils ont des
commentaires supplémentaires à nous faire à ce
stade-ci?
Mme Vadboncoeur: II y a un détail que j'ai oublié
de mentionner tout à l'heure. À la page 12 du mémoire, les
quatre dernières lignes du premier paragraphe sont à biffer.
Elles se sont retrouvées là par inadvertance.
Mme Harel: Vous dites à la page 12?
Mme Vadboncoeur: Oui, les quatre dernières lignes du
premier paragraphe qui commence par "Enfin".
M. Prévost (André): J'aimerais ajouter un
commentaire sur les personnes morales et le concept de personnalité
morale et de personnalité juridique. J'ai eu l'occasion
dernièrement de voir l'avant-projet de loi sur
la loi d'application et, en voyant ces dispositions, cela m'a fait me
poser des questions sérieuses en ce qui concerne le
réaménagement qu'on tente de faire aux articles 321 et suivants.
Si je Ils l'article 323, je dois constater que les associations et
sociétés sont des personnes morales. Si je passe ensuite aux
articles 326 et 327, je dois constater que je peux ajouter à cette
notion de personnalité morale la personnalité juridique pour une
société ou une association qui s'est inscrite au registre des
sociétés ou associations. Par la suite, quand je révise
les dispositions, on semble dire que, si vous êtes une personne morale,
vous avez nécessairement la personnalité juridique alors que,
quand on lit les articles 323 et 326, on ne peut pas conclure de la même
façon.
Si je fais référence à l'avant-projet de loi sur la
loi d'application et que je fais plus particulièrement
référence, à la page 12, à l'article 81, je
m'aperçois que la société peut ne pas être une
personne morale, parce qu'on dit: La société, ne jouissant pas de
la personnalité morale, est dite simplement contractuelle. J'ai de la
difficulté à raccorder ce qui sera maintenant l'article 1832.1 du
Code civil du Bas-Canada avec l'article 323.
En plus de cela, je me pose une autre question. Quel sera mon avantage
à m'inscrire au registre des sociétés? Ce qui a toujours
fait que des gens étaient intéressés à avoir une
personnalité morale, et la personnalité morale, en vertu du Code
civil du Bas-Canada, c'est donné aux corporations, ce qui
intéressait généralement les gens à s'incorporer,
c'était le concept de la responsabilité limitée des
actionnaires. La corporation qui avait une personnalité juridique
distincte, on pouvait la poursuivre et moi, actionnaire, que je sois au courant
ou non de la poursuite, mon seul risque, c'était le capital que j'avais
investi dans la corporation.
Mais, en vertu des nouvelles règles du code, si on combine ce
qu'on met maintenant aux articles 326 et suivants avec ce qu'on a l'intention
de mettre comme modification aux sociétés telles qu'elles
existent actuellement dans le Code civil du Bas-Canada, je veux dire que, si on
poursuit la société et qu'on obtient un jugement contre elle, on
n'est pas obligé de me mentionner dans l'action. S'il n'y a pas
suffisamment d'actifs dans la société elle-même, on viendra
me saisir ma maison, mes biens, mon auto, ce qu'on voudra, sans que j'aie pu
être nommé dans l'action et peut-être prendre des
dispositions qui s'imposent pour argumenter et faire valoir des droits que
j'ai.
Alors, si, demain matin, je devais donner un conseil à mes
clients, je dirais: Surtout, ne vous immatriculez pas. Quel est l'avantage de
vous immatriculer? C'est que les actions que vous porterez au nom de votre
société, vous pourrez les mettre seulement au nom de la
société au lieu de donner le nom de tous les sociétaires.
Entre vous et moi, si c'est le seul avantage, ce n'est pas tellement grand. Je
ne pense pas que cela vaille la peine de se mettre au bâton pour tous nos
actifs personnels seulement pour avoir l'occasion de porter les actions en
justice au nom de la société. C'était là le
commentaire que je voulais peut-être apporter au niveau des personnes
morales.
Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du Journal des
débats, celui qui vient d'intervenir, c'est Me André
Prévost.
M. Prévost: C'est cela. J'aurais peut-être un autre
commentaire additionnel. Je ne veux pas y mettre plus d'emphase qu'on n'en a
déjà mis, mais je veux vous dire deux mots sur le conseil de
tutelle.
J'étais encore au palais il y a un mois. J'ai eu encore un
conseil de famille. Je crois, de façon définitive - et le Barreau
l'a répété à plusieurs occasions - on ne sait pas
pourquoi le législateur tient tant au concept de conseil de famille ou
de conseil de tutelle. Quand on a adopté le code en 1866, le concept de
la famille était drôlement différent de celui qu'on
connaît aujourd'hui. La dynamique familiale était très
différente, les gens étaient géographiquement
placés dans un "situs" qu'on pouvait bien identifier et la famille
était très nombreuse.
Aujourd'hui, on se retrouve avec une famille qui est, plus souvent
qu'autrement, très dispersée, très peu nombreuse et,
dès lors, on peut se demander pourquoi et comment on peut continuer
à faire fonctionner une institution comme le conseil de tutelle qui
était le conseil de famille parce que, à vrai dire, on revient
à peu près à la même chose. Comment peut-on imaginer
continuer à faire fonctionner cette institution alors que,
quotidiennement, on voit au palais de justice - je vous ouvre la
parenthèse - au palais de justice à Montréal, cela se fait
au quatrième, qui est l'étage des cours criminelles, on va
chercher nos amis de la famille pour compléter nos conseils de famille?
Quand même, il faut... Et même, chez les gens de bonne foi, on
essaie de convoquer les conseil de famille en envoyant les avis à une
quinzaine de personnes pour être sûr d'en avoir sept.
Généralement, on se retrouve avec trois ou quatre.
Là-dessus, je réinvite le législateur à y
penser sérieusement, parce que je crois que cela ne répond plus
à un contexte actuel de la dynamique familiale.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee. (11 heures)
M. Marx: C'est sur ce dernier point. Si
on n'a pas de conseil de famille, il reste que le Curateur public va
intervenir davantage. J'ai beaucoup de plaintes en ce qui concerne le Curateur
public. J'ai beaucoup de plaintes. J'en ai reçu une hier. Je pense qu'il
faut éviter que l'État n'intervienne. Quel mécanisme
va-t-on utiliser si on abolit le conseil de famille?
M. Prévost: Le mécanisme qu'on avait
suggéré dans le cadre du projet de loi 106, en 1982, était
le suivant: on était tout à fait d'accord avec vous qu'il ne
fallait surtout pas ajouter une charge au Curateur public. On sait que le
fonctionnement de la Curatelle publique est très difficile. Cela prend
beaucoup de temps. Nous, on avait pensé à un système
différent. Dans la plupart des cas, on s'est dit que le conseil de
tutelle donne un avis et, ensuite, on le soumet au tribunal pour l'autorisation
requise et pour que le tuteur agisse en conséquence. On a dit: Pourquoi
ne pas sauter l'étape? Si on en appelait pour chaque décision
pour laquelle une autorisation du tribunal est nécessaire... Pour les
décisions qui dépassent la simple administration, pour les
décisions qui sont plus importantes, le tuteur adresse une demande au
tribunal pour se faire autoriser. Il doit obligatoirement donner avis de cette
demande à ce qu'on appelait un groupe de proches parents qui
étaient frères, soeurs, ascendants et descendants, et conjoint si
c'était une personne mariée. De cette façon, on se disait:
Ceux qui ne sont pas intéressés ou qui sont d'accord avec ce
qu'on recherche comme décision du tribunal ne se montreront pas. Ceux,
par contre, qui ont un mot à dire et qui ne sont pas d'accord, ou qui
ont quelque chose à souligner dans le cadre de cette décision
pourront faire valoir, devant le tribunal, leurs positions. Cela avait deux
avantages: premièrement, on court-circuite le système du conseil
de tutelle qui, comme je vous le disais, ne répond plus à une
réalité et qui est une addition dans le processus
décisionnel; deuxièmement, la minorité peut se faire
entendre par le juge parce que, n'oubliez pas que, dans un conseil de tutelle
à cinq personnes, s'il y en a trois qui décident qu'elles sont
d'accord pour le point et que les deux autres ne le sont pas, le tribunal, lui,
ce qu'il va avoir comme recommandation, c'est le trois, la majorité de
trois. On ne fera pas valoir devant lui les arguments de la minorité. On
se disait justement: Dans le système que nous, on préconise, la
minorité ou les gens qui ont un autre point de vue pourront l'exposer et
le tribunal sera bien plus à même de prendre une
décision.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Moi, je suis un peu surpris. On nous
dit: On a beaucoup de difficultés à réunir sept personnes.
Je dois vous dire que, dans notre pratique privée, nous, les notaires...
Tout de même, je pense qu'on a une pratique... Moi, personnellement,
j'avais une pratique qui était assez intense. On n'a jamais eu de
problème à réunir les sept personnes. Chaque fois que vous
avez des problèmes, c'est parce que cela se présente en cour, au
tribunal, quand c'est fait par le protonotaire. Je dois vous dire qu'au niveau
de la pratique privée nous, les notaires, on réunit facilement
sept personnes. On a rarement des problèmes. Ce que vous
suggérez, c'est qu'on soumette cela au tribunal et qu'ensuite on avise
les personnes concernées, les frères, les soeurs, les autres. Je
suis certain, vu l'apathie des gens, qu'ils ne répondront même
pas. Je ne pense pas que ce soit une trouvaille.
Je suis pour le maintien du conseil de famille, nonobstant qu'on dise:
Ce n'est plus la même dynamique, cela a changé. Les familles sont
moins nombreuses. Je ne suis pas prêt à dire que ce n'est pas la
meilleure formule. Je pense que c'est encore la meilleure. C'est sûr
qu'il y a des déficiences parce que peut-être on doit recourir
à des amis. Je ne pense pas que ces amis prennent nécessairement
de mauvaises décisions ou ne s'intéressent pas à la cause
du mineur ou de l'interdit. Je pense que ce qu'il faut surtout, c'est
encourager les praticiens, les notaires à tenir des conseils de famille
dans le milieu. Si vous les tenez dans le milieu, vous n'aurez pas de
problème. Vous allez en avoir du monde. Nous, dans notre pratique - on
est tout de même huit, neuf notaires dans notre bureau - on n'a jamais de
problème, on en fait tous les jours. Mais, chaque fois - vous avez
absolument raison - que cela se tient au tribunal de la Cour supérieure,
il y a toujours des problèmes. On court après les membres et on
n'est pas capable de les rejoindre. Mais, dans la pratique, je suis
obligé de vous dire qu'on n'a pas ces problèmes. Bien sûr
qu'on doit recourir, pour compléter le conseil de famille, à des
amis. Je n'ai rien contre cela. Qu'on diminue le nombre, peut-être.
Peut-être que sept, c'est trop, mais qu'on ne me parle pas d'un conseil
de famille d'une personne. Vu que les familles ont diminué, que le
nombre soit moins grand, qu'on s'arrête à cinq, je pense que cela
peut très bien fonctionner. En tout cas, je suis bien obligé de
le mentionner, c'est l'expérience que nous connaissons dans une pratique
qui est très intense. Évidemment, vous allez me dire: C'est dans
un milieu urbain, c'est dans Saint-Laurent, mais je ne pense pas que le
problème se présente tellement dans les régions. C'est
peut-être dans les grands centres. On pratique à Montréal
et on ne connaît pas ces problèmes-là. Je ne vous dis pas
qu'il ne
faut pas faire certains efforts, mais je pense qu'on peut le faire.
M. Marx: M. le Président, la différence, c'est que,
lorsque les gens sont appelés par un notaire, ils viennent, mais, quand
ils sont appelés par un avocat, ils ne viennent pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voulais le dire, mais je ne l'ai pas
dit.
M. Marx: Je comprends, parce que... M. Trudel: M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Trudel.
M. Trudel: C'est peut-être le son de cloche que je voulais
faire valoir. Les notaires, quand ils font des conseils de famille, c'est
généralement en matière successorale et on sait qu'en
matière successorale les gens sont intéressés à
participer à des conseils de famille, à aller chez le notaire,
parce que généralement cela se traduit par un bout de papier qui
est fort intéressant à recevoir, tandis que les avocats, nous
avons souvent à convoquer un conseil de famille pour faire nommer un
tuteur à un enfant dans le but de le poursuivre. Vous comprendrez que
les gens ne courent pas au tribunal pour se faire nommer. II y a
peut-être une autre dimension. Je pratique à Joliette où
nous avons un hôpital psychiatrique et nous avons souvent dans notre
pratique à faire nommer des tuteurs. Je peux vous dire qu'il y a
à peine trois semaines j'ai fait des pieds et des mains pour trouver des
parents, surtout à des personnes âgées. Je n'ai pas
été capable de trouver quelqu'un pour faire nommer un tuteur de
façon décente, parce que je n'aime pas prendre des gens dans les
corridors, les amener dans un conseil de famille et leur dire: Voulez-vous dire
oui? Venez prêter serment de bien remplir les devoirs de votre charge au
meilleur de votre connaissance et de votre capacité et choisir un bon
tuteur ou un bon curateur pour cette personne. Même en milieu rural, je
peux vous dire par expérience, depuis une vingtaine d'années, que
j'ai souvent eu des problèmes à faire nommer des tuteurs ou des
curateurs.
La solution que le Barreau propose existe, à toutes fins utiles,
actuellement parce que, par exemple, en matière immobilière
où l'intérêt de l'incapable dépasse 2000 $, on doit
d'abord convoquer un conseil de famille et demander: Êtes-vous d'accord
pour vendre l'immeuble? S'ils nous disent: Oui, parfait, on part avec cela, on
fait une requête à la cour. Un praticien est nommé, une
évaluation de l'immeuble est faite et c'est le tribunal, à toutes
fins utiles, qui autorise dans des actes de plus grande importance que les
actes d'administration. On pourrait peut-être trouver un moyen terme,
mais je pense que le conseil de famille tel qu'il existe actuellement risque de
devenir de plus en plus ridicule avec le temps et même en milieu
rural.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Trudel. M. le
député de D'Arcy McGee, si vous voulez revenir.
M. Marx: Non, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Boisciair (Claude): M. le Président, sur le conseil de
tutelle...
Mme Harel: Me Claude Boisciair. M. Boisciair: Oui, c'est
cela.
Le Président (M. Gagnon): Me Claude Boisciair.
M. Boisciair: M. le député nous dit: Ne me parlez
pas d'un conseil de famille composé d'une personne. Alors, il faudrait
que l'on s'interroge sur la portée de l'article 243 où l'on
prévoit que le conseil de tutelle peut être composé d'une
personne. Ce conseil de tutelle peut être formé d'une seulepersonne. Il faudrait se demander si ce conseil de tutelle composé
d'une seule personne n'est pas l'équivalent de notre subrogé
tuteur dans le droit actuel qui a été et qui est encore
décrié en raison de son inefficacité, parce que souvent
composé d'une personne; si c'est un parent proche, il ne risque pas
d'assurer un contrôle considérable.
Il est vrai que le conseil de tutelle aura peut-être des pouvoirs
un peu supérieurs à ceux du subrogé tuteur actuel, mais,
lorsqu'il est composé d'une personne, je pense que cela rejoint le
commentaire du député qui nous dit: Ne me parlez pas d'un conseil
composé d'une personne. Or, comme on aura certainement de la
difficulté à avoir un conseil de tutelle permanent de trois
personnes, parce qu'il faut bien comprendre qu'on parle de deux choses
différentes tout le temps: le conseil de famille et le conseil de
tutelle sont là, présents... Le conseil de famille sera
convoqué uniquement pour élire le conseil de tutelle. Le conseil
de tutelle a trois ou cinq personnes, et sera un organisme permanent avec
l'obligation d'une réunion une fois par année, de tenir des
procès-verbaux, etc. On impose déjà un encadrement qui,
à
mon sens, est très sévère pour le conseil de
tutelle alors qu'on a de la difficulté à réunir un certain
nombre de parents pour un conseil de famille. Au tribunal, non plus, on n'a pas
de difficulté à réunir sept parents lorsqu'il s'agit de
succession. C'est dans les autres cas qu'on a de la difficulté. Donc, on
a un conseil de tutelle à une personne qui rappelle étrangement
le subrogé tuteur qu'on voulait éliminer. Partant du principe
qu'on fait des changements à une loi lorsqu'il y a un avantage
évident à le faire et qu'il n'en résulte pas des
inconvénients plus graves que ceux qui existent déjà, ou
pour combler un vide juridique... Le conseil de tutelle, évidemment,
comme on n'a pas de notes explicatives, on peut penser qu'il s'inspire entre
autres du droit français. Mais il faut dire que le droit français
a toute une structure avec un juge des tutelles, et cela correspond à
une réalité qui existe depuis longtemps. Quant à
introduire un changement aussi important que celui-là, il faudrait quand
même s'assurer qu'on répond à un besoin
véritable.
Enfin, je pense que déjà, pour les actes d'administration,
le tuteur devrait pouvoir agir seul, comme c'est le cas, et pour tous les actes
importants, de toute façon, le conseil de tutelle devrait se retrouver
devant le tribunal. Quel est l'intérêt de mettre cette
étape entre eux? Au conseil de famille, je suis partisan, comme on l'a
suggéré au Barreau, de dire: Écoutez, on donne des avis et
ceux qui ont quelque chose à venir nous dire, qu'ils viennent nous le
dire. C'est préférable d'avoir deux personnes
intéressées que d'en avoir sept qui n'ont rien à dire et
qui vont venir nous dire tout simplement: Vous voulez vendre cela, vendez-le
donc! II faut regarder cette réalité en disant: Est-ce qu'on
répond vraiment à un besoin ou si on introduit une structure qui
peut être satisfaisante pour l'esprit et qui ne correspond
peut-être pas à la réalité actuelle? C'est mon
intervention sur le conseil de tutelle. J'en aurais peut-être d'autres
à faire une fois qu'on aura vidé cette question.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boisclair. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais bien savoir si vous
êtes d'accord avec le conseil de tutelle d'une personne. Est-ce que vous
favorisez cela? Ai-je bien compris ou ai-je mal compris que vous dites que vous
n'êtes pas d'accord?
M. Boisclair: Je ne suis absolument pas d'accord. Cela nous
rappelle le subrogé tuteur actuel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais simplement ajouter que,
lorsque vous dites que c'est strictement pour des fins successorales, c'est
faux. On organise et on prépare des conseils de famille
régulièrement pour des interdictions. Ce n'est nullement que pour
des fins successorales, pas du tout. Il arrive qu'on le fasse pour aider des
successions, mais pas exclusivement pour cela. Ce n'est pas notre pratique.
Notre pratique est très généralisée. Bien sûr
que cela peut être un peu plus difficile quand c'est pour poursuivre,
comme vous le dites; d'accord, peut-être dans ces cas-là.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Me Trudel.
M. Trudel: J'ai retenu souvent les services d'un notaire pour
faire des conseils de famille quand les gens étaient d'accord. À
ma connaissance, il n'y a pas un notaire qui est capable de faire nommer un
tuteur quand il s'agit de poursuite judiciaire, les avocats non plus, qui ont
beaucoup de misère aussi.
Le Président (M. Gagnon): Sur ce sujet, est-ce qu'on a
autre chose à ajouter? Cela va? Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Me Boisclair, est-ce que vous vouliez intervenir sur
un autre sujet avant qu'on intervienne sur les remarques
générales?
M. Boisclair. Je voudrais revenir sur un point concernant le
domicile et aussi sur l'émancipation, brièvement, et sur
l'autorité parentale.
À la page 5 du mémoire, au sujet du domicile, j'aimerais
bien qu'on regarde le premier paragraphe. Résumons ou rappelons le droit
actuel. Un Québécois, à la naissance, est
présumé domicilié au Québec. Le domicile a une
importance considérable concernant l'état et la capacité
des personnes et cela le suit toute sa vie. On ne peut pas toucher à
cette règle aussi fondamentale sans être certain qu'on
répond à un besoin. Lorsqu'une personne s'en allait à
l'extérieur pour des fins de travail ou pour des fins d'études,
que finalement elle demeurait à l'extérieur, qu'elle renouvelait
un contrat de deux ans en deux ans en ayant toujours l'intention de revenir et
que cette personne décédait dans le droit actuel, on disait: Vous
êtes encore présumé domiciliée au Québec et,
en cas de doute, on va appliquer cette présomption de conservation du
domicile québécois. (11 h 15)
Je ne sais pas si on a examiné la conséquence grave qui va
résulter de l'article 78. Actuellement, dès que vous changez de
résidence, vous êtes présumé changer de domicile et
là on inverse le fardeau de la preuve en disant: Vous, qui avez
résidé pendant un certain temps à l'extérieur,
prouvez-nous que vous aviez l'intention de conserver votre domicile
d'origine, votre domicile québécois. On a exactement
inversé le fardeau de la preuve et je ne vois pas à quel besoin
cela répond. Si c'était pour supprimer la preuve difficile de
l'intention, on ne fait que déplacer le fardeau de la preuve sur celui
qui a acquis une autre résidence. Il y a une foule de personnes,
aujourd'hui, qui s'établissent temporairement à
l'extérieur, soit à des fins d'études, soit à des
fins de travail, soit qu'elles vont en Floride six mois ou un an. Est-ce que
ces gens-là vont constamment être présumés -parce
qu'ils ont une autre résidence ailleurs - avoir changé de
domicile? II est vrai qu'on prévoit un retour raisonnable et
prévisible.
Laissez-moi vous donner un seul exemple là-dessus. Voici un
ingénieur qui s'en va travailler en Ontario. Il était
évident dans son esprit qu'il voulait revenir au Québec, mais,
l'intention, c'est à la lumière des faits. On juge cela par
rapport à ce qui s'est passé et on dit: Oui, il y avait
changement de domicile. Il a toujours renouvelé ses contrats de deux ans
en deux ans, mais il a fini par rester là une quinzaine d'années.
Jamais on ne lui a offert... Effectivement, cela a été mis en
preuve, on lui a offert des contrats de longue durée: dix ans, mais il a
toujours refusé. Dans le droit actuel, il est présumé...
Il a fini par revenir, il y a eu un divorce, une question de régime
matrimonial, etc. Cela a été assez compliqué. On a dit:
Vous êtes présumé conserver votre domicile d'origine et
c'est à la partie adverse qui le conteste de prouver le contraire.
Avec ce nouvel article-là, cet ingénieur aurait
été domicilié en Ontario parce que, après dix ans,
on aurait pu dire: Ce n'est pas prévisible, ce n'est pas raisonnable
qu'il revienne. Donc, on lui impose ce fardeau de la preuve. Moi, je pense
qu'un Québécois devrait être présumé
conserver son domicile d'origine, à moins qu'on ne prouve le contraire.
Je ne vois pas en quoi cette règle répond à un besoin
à travers la jurisprudence. L'intention reste une notion complexe. Si on
voulait la supprimer, on ne l'a pas fait, on a tout simplement changé le
fardeau de la preuve, transférer le fardeau de la preuve sur les
épaules de l'autre. C'est ce que j'avais à dire sur cette
question du domicile.
M. Trudel: Je voudrais ajouter un point sur la question du
domicile. Cela a des incidences très graves également au niveau
des assurances. Quand les enfants vont aux études, ils sont couverts
automatiquement par la police d'assurance-responsabilité des parents
parce qu'ils sont domiciliés chez leurs parents. Ici, on va avoir des
problèmes au niveau des assurances parce que, si les gens demeurent dans
une autre résidence, surtout s'ils sont majeurs, ils vont être
considérés comme non domiciliés chez leurs parents et ils
devront contracter leur propre police d'assurance s'ils veulent être
couverts au point de vue de la responsabilité.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ça va? Me
Boisclair.
M. Boisclair: Le deuxième point d'intervention, c'est sur
l'émancipation. La question qu'on peut se poser, c'est: Comment se
fait-il qu'on ait fini par faire disparaître l'émancipation par le
mariage? Dans le droit actuel, on a introduit cette nouvelle disposition en se
disant qu'il est évident qu'une personne qui se marie devrait être
soustraite, d'abord, à l'autorité parentale et devrait pouvoir
exercer ses droits civils, puisqu'on dit: Elle a suffisamment de
maturité pour se marier. Cette émancipation de plein droit par le
mariage disparait et, semble-t-il, à défaut d'indication
contraire dans le projet de loi 20, il faudra que la personne qui se marie le
demande d'une manière quelconque ou que le tuteur suggère que
cette personne-là soit émancipée. Si ce n'est pas fait -
cela ne manquera pas d'arriver parce que les gens vont l'oublier -on se
retrouvera avec un mineur marié, disons, de 17 ans, qui restera soumis
à l'autorité parentale parce qu'il ne sera pas
émancipé. Alors, je me demande pourquoi on a supprimé
cette règle qui, à mon sens, répondait à un besoin
d'émancipation de plein droit par le mariage.
Quant aux deux autres volets - cela a déjà
été exposé - la simple émancipation et la pleine
émancipation, cela ne répond à rien. S'il y avait eu des
problèmes ou des demandes, le seul qui a été porté
à ma connaissance, c'est l'émancipation quant à la
personne concernant les filles-mères qui voulaient être
soustraites à l'autorité parentale pour être capables de
s'occuper elles-mêmes de leurs propres affaires avec leur enfant.
II n'y a pas de cas de rapporté. De mémoire, je pense
qu'il y en a eu un en 1890 ou quelque chose comme cela ou vers 1900. Il y en a
peut-être qui m'échappent. Ceux auxquels je pense avaient
été refusés. La majorité est maintenant 18 ans: ce
n'est plus 21 ans. Je ne suis pas sûr du tout que vous répondiez
à un besoin quelconque concernant l'émancipation en disant: la
simple émancipation et la pleine émancipation.
En tout cas, vous vous demanderez à quels besoins vous
répondez, parce que l'on n'en trouve pas de notre côté. Si
vous supprimiez l'émancipation dans un mariage, on aurait dit: Le mineur
marié a la pleine capacité concernant l'exercice de ses droits
civils et vous réglez le problème et vous supprimez le chapitre
de l'émancipation. Cela ne fera de peine à personne.
Le dernier commentaire que j'aimerais faire porte sur l'autorité
parentale. On en a dit un mot tout à l'heure. Là, il faudrait se
demander si le législateur se lance dans cette nouvelle façon de
légiférer en disant: On va varier le vocabulaire. Cela peut alors
devenir extrêmement difficile d'arriver à s'entendre. On a d'abord
un tuteur à personne, comme on l'a dit. Cela s'occupe de quoi, un tuteur
à personne? Il s'occupe de la personne. Le titulaire de
l'autorité parentale, à l'article 647, s'occupe aussi de la
personne. Il faudrait finir par s'entendre et savoir qui va s'occuper de qui,
ou on ne fait plus confiance aux parents, si jamais il y a un tuteur
légal à côté concernant la personne, et cela brise
avec tout ce qui existait au Québec depuis toujours.
Si on s'en va en matière d'adoption, comment imaginer que le
directeur de la protection de la jeunesse - soit dit en passant, il en a plein
les bras actuellement et on veut lui en mettre encore plus - reste tuteur
légal - on pense à la personne -jusqu'à l'adoption, alors
que le législateur prévoit, à l'article 614, lorsqu'il y a
une déclaration d'adoptabilité, qu'on désigne qui va
exercer l'autorité parentale?
À l'article 618, on dit: On confère l'autorité
parentale aux futurs parents adoptifs. Qui va décider quoi? Mieux
encore, à l'article 619 et à l'article 620, si, par hasard,
l'adoption n'est pas prononcée, elle est révoquée. On
prévoit que le tribunal, même d'office, va désigner qui va
exercer l'autorité parentale. Ce ne sera pas nécessaire puisque
le directeur de la protection de la jeunesse est tuteur légal. Donc, il
faudra vraiment mettre de l'ordre dans la terminologie. On parle d'exercice
à un endroit, on confère l'autorité parentale à un
autre, alors qu'on devrait, à l'article 618, conférer l'exercice
de l'autorité parentale.
Bref, je laisse cela à vos réflexions. Je pense qu'il
faudra s'entendre sur une seule terminologie et l'utiliser. Si on veut parler
d'exercice, qu'on en parle, mais qu'est-ce qu'on va décider? Soit qu'on
ne fasse pas confiance aux futurs parents adoptif3 et qu'on dise: On vous
confère l'autorité parentale, mais, attention! le directeur de la
protection de la jeunesse pourra décider pour vous ou il pourra
intervenir. Si on confère l'autorité parentale, on applique
l'article 647. C'est un droit de garde, de surveillance, d'entretien, etc. Ils
ne peuvent pas être deux. Dans le droit actuel, on a toujours dit que
l'autorité parentale pouvait coexister sans friction avec la tutelle,
parce que le tuteur s'occupait des biens, les parents s'occupaient de l'enfant.
Ce n'est qu'à titre subsidiaire que le tuteur s'occupait de la personne,
lorsque les parents étaient interdits ou ne pouvaient pas s'occuper de
l'enfant. Là, on se retrouve dans une situation pour le moins difficile,
en tout cas, pour les uns et pour les autres.
C'est le commentaire que j'avais à faire sur l'autorité
parentale. Sur le conseil de tutelle, j'ai dit antérieurement ce que
j'avais à dire. Cela termine mes propos, à moins que je n'aie des
questions là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boisclair. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Me Boisclair, avant de
faire nos remarques générales, j'aimerais porter à votre
réflexion la question que vous avez soulevée del'émancipation de droit par le mariage et avoir vos commentaires en
vous demandant si vous avez pu examiner si cette émancipation de droit
ne pouvait pas être contradictoire avec la discrimination fondée
sur l'état civil que prohibe la charte des droits.
M. Boisclair: Par rapport à ceux qui vivent ensemble et
qui ne sont pas mariés? C'est l'émancipation par le mariage. Par
rapport à qui y aurait-il une discrimination?
Mme Harel: En fait...
M. Boisclair: À qui?
Une voix: Ceux qui vivent "accotés".
M. Marx: II n'y a pas" de problème, on va donner
préséance au Code civil.
Mme Harel: En fait, c'est que...
M. Boisclair: Je ne vois pas en quoi ce serait discriminatoire et
par rapport à qui. Les gens qui se marient...
Mme Harel: Cela octroie, à ce moment-là, une
émancipation de plein droit sur un changement d'état civil
à la suite du mariage.
M. Boisclair: II résulte justement de cette
possibilité qu'on a pour le mineur marié de pouvoir
lui-même décider de sa propre vie, avec son conjoint ou avec sa
conjointe. C'est là qu'est le but de cette émancipation. Elle est
suffisamment ou il est suffisamment mature, puisque les parents doivent
consentir. Lorsque l'article 403 sera en vigueur, c'est le tribunal qui va
l'autoriser. Ou on dit: On vous autorise à vous marier, mais vous
n'êtes pas émancipés. Si on a prévu ça, ce
n'est pas pour faire de la discrimination, et là, je ne sais pas
à l'égard de qui.
À un moment donné, les gens qui vivent en union libre, on
ne sait pas quand ça commence et on ne sait pas quand ça finit.
Le mariage, lui, on sait quand il commence et on va savoir aussi quand il
finit, mais on sait surtout quand il
commence. Donc, il y a un encadrement juridique. S'il y a de la
discrimination à l'égard des personnes qui ne sont pas
mariées... Écoutez, le législateur leur offre deux voies.
Il dit: On vous offre la voie du mariage, il y a des inconvénients et
des avantages, et on vous offre la voie où vous n'avez aucune
responsabilité; si vous voulez vivre en union libre, vous vous en irez
quand vous voudrez, mais on ne peut pas tirer la couverture des deux
côtés. On ne peut pas être dans les deux systèmes en
même temps. Le législateur, d'ailleurs, dans la loi 89, l'a dit:
On ne veut pas intervenir dans le choix que les gens font, mais, s'ils
choisissent le mariage, voici les règles; s'ils ne choisissent pas le
mariage, il y a des inconvénients et des avantages là aussi,
j'imagine.
La discrimination, j'avoue que j'ai de la difficulté à la
voir. Il faudrait qu'on me dise par rapport à qui, peut-être que
je pourrais...
Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez, M. le Président, si
on considérait qu'il y a une discrimination par rapport aux gens non
mariés, tout le Code civil serait de la discrimination à
l'égard des gens non mariés, ce n'est pas compliqué. Je
pense qu'il faut que ça s'arrête quelque part.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je voudrais vous
remercier... M. Boisclair, vous avez encore une remarque à faire?
M. Boisclair: Puis-je me permettre -une fois parti! - une
dernière intervention toute petite, qui porte sur l'acte de naissance,
à la page 8. C'est tout simplement une précision pour la
commission. On a dit qu'on ne devrait pas, comme c'est le cas actuellement,
permettre à l'un des conjoints de déclarer la filiation à
l'égard de l'autre, et on limite ça aux enfants nés hors
mariage. Il ne s'agit pas là de discrimination puisque, dans le cadre du
mariage, encore une fois, vous avez une présomption de paternité
qui autorise la mère, par exemple, à déclarer, en vertu de
cette présomption, que le père est son mari. Et là, on
sait quand ça commence, son mariage. Et le faire à l'égard
des personnes non mariées, il n'y a pas de présomption de
paternité, ça peut être le fait d'une vie commune qui dure,
comme l'aventure d'une nuit. Il faut faire attention pour éviter que
n'importe qui se mette à déclarer n'importe quoi des personnes
sans leur consentement. Cela aussi, c'est le droit actuel. Jamais les tribunaux
n'ont accepté qu'une personne non mariée déclare l'autre
comme conjoint sans s'assurer que ce conjoint était d'accord.
Je voulais préciser que la discrimination n'existait pas, parce
qu'il y a une présomption de paternité qu'on ne fait pas jouer
pour les enfants nés hors mariage. C'est tout.
(11 h 30)
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Boisclair. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
vous remercier et vous indiquer que le secrétariat de la commission a
reçu votre mémoire à 19 heures hier soir. Alors, nous en
avions presque tous, je pense, pris connaissance au moment où vous nous
en avez fait part, où vous nous avez fait la lecture.
Le secrétariat de la commission va vous remettre dès ce
matin, je pense, les amendements qui ont été
déposés la semaine dernière et qui peuvent, à
certains égards, répondre à certaines interrogations que
vous avez soulevées ce matin. Je ne pense pas que vous ayez eu ces
amendements. Ils vous seront donc transmis tout de suite après la
clôture de nos travaux.
J'ai pris bonne note des difficultés inhérentes au fait
qu'il y a eu absence de références et de notes explicatives. Vous
savez, cet après-midi, on va procéder à l'étude
détaillée. Je veux vous dire, au-delà de ce qu'il est
d'usage de faire comme commentaires, que, lors de cette étude
détaillée, nous allons le faire avec l'éclairage des
recommandations que la Chambre des notaires et que vous-mêmes avez
apportées ce matin. Je crois que nous vous sommes très
redevables, puisque vous êtes des praticiens chevronnés, des
commentaires d'application que vous nous avez faits. Je veux, en fait, vous
remercier et vous signaler que nous allons entreprendre cette étude
détaillée justement à la lumière des commentaires
que vous nous avez apportés.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier le
bâtonnier et les membres de la sous-commission du Barreau de leur
précieuse collaboration. On compte souvent sur les interventions du
Barreau, surtout dans des domaines comme le Code civil. Il va sans dire qu'on
va tenir compte de vos commentaires lorsque nous ferons l'étude article
par article du projet de loi 20.
Après la discussion d'aujourd'hui et d'autres discussions que
nous avons eues à l'Assemblée nationale, je suis bien
tenté de dire qu'on aurait dû adopter le projet du Code civil
déposé par l'Office de révision du Code civil. Au moins,
au aurait eu aujourd'hui un Code civil, avec des modifications qui s'imposent
toujours, parce que j'ai l'impression que, même en adoptant le code qu'on
prépare aujourd'hui, avant l'entrée en vigueur, on va avoir un
paquet d'amendements. Le Barreau viendra ici une
autre fois, ainsi que la Chambre des notaires, et ainsi de suite. De
temps en temps, je rêve qu'on n'aura pas de Code civil avant le XXIe
siècle. Comme on procède maintenant, il faudra encore 15 ou 20
ans, mais...
Une voix: Quand on sera au pouvoir, cela ne sera pas long.
Mme Harel: ...aujourd'hui, n'est-ce pas?
M. Marx: On va donner toutes les chances au gouvernement de
revenir un jour pour terminer le code.
En ce qui concerne la remarque sur la préséance du Code
civil sur la charte des droits, c'était pour taquiner un peu le
gouvernement, parce que je suis contre ces clauses de dérogation dans
les chartes, mais c'est là une autre question.
J'ai beaucoup apprécié les réflexions d'ordre
général du bâtonnier. Nous sommes d'accord avec ces
réflexions générales. Je pense qu'il a touché les
points importants. Par exemple, la bâtonnier a parlé du rapport du
codificateur de 1866 qui a encore été cité aujourd'hui et
du rapport du codificateur qui a été fait en 1965. J'ai
demandé au ministre et à l'adjointe parlementaire que, lorsqu'on
fera l'étude article par article de ce projet de loi, il y ait des
commentaires, les plus complets possible, sur chaque article pour que quelqu'un
qui consulte ces débats puisse savoir quel en est l'objet, ce qu'on a
voulu faire, etc. Cela peut être utile dans l'avenir. J'espère
qu'on va avoir les commentaires les plus complets possible.
J'aimerais juste poser une question au bâtonnier: Comment
voyez-vous la mise en application de notre nouveau Code civil? Est-ce que vous
pensez qu'il faut attendre que tout le code soit adopté et mis en
vigueur à une seule date? Qu'est-ce que vous voyez comme
échéance?
M. Boisclair: Me Marx, je ne voudrais pas adopter de positions
contradictoires parce que je sais que d'autres gens m'ont
précédé à ce poste, mais je pense que ce qui a
déjà été suggéré, c'est de
procéder à l'étude livre par livre et de se rendre au
stade de la sanction pour voir quel sera le paysage d'ensemble, et, quand on
aura cela, peut-être essayer d'éviter des problèmes de
concordance et de le faire entrer en vigueur dans un bloc.
M. Marx: Tout le code?
M. Boisclair: Je pense que oui.
M. Marx: Vous pensez que oui? Parce que, maintenant, je pense que
les plans sont de mettre en vigueur le projet de loi 20 sans avoir
adopté les autres livres. Je pense que c'est le projet du gouvernement
aujourd'hui, mais cela pourrait changer dans les mois à venir. On ne
sait jamais, parce qu'on a une nouvelle adjointe parlementaire et...
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous le permettez...
M. Marx: J'aimerais vous remercier de nouveau et vous assurer
qu'on va tenir compte de vos commentaires de ce matin qui sont très
pertinents.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, un simple commentaire. Est-ce que
vous considérez que l'adoption du droit de la famille, la loi 89, a
été une erreur?
M. Boisclair: Je ne sais pas si.. Vas-y donc, Suzanne.
Mme Vadboncoeur: M. le Président, je pense que la mise en
vigueur de la loi 89 a causé et cause encore des problèmes, oui.
De toute façon, on peut constater - et vous êtes les premiers
à pouvoir le constater - que la loi 89 a dû être
amendée plusieurs fois pour combler des trous, pour corriger des erreurs
qui ont été faites. On vit du droit transitoire qui amène
des problèmes et c'est là le but de la demande du Barreau qui a
été faite d'ailleurs depuis la commission de 1983 et celle de
l'an dernier, de 1984. On le répète encore: le gros
problème, c'est le droit transitoire et, si on passe son temps à
fouiller d'un code à l'autre, à s'apercevoir qu'à une date
précise - parce que les proclamations se font par miettes - tel article
n'était plus en vigueur ou n'était pas encore promulgué,
cela cause des problèmes épouvantables. Vous pouvez vous imaginer
que, si on arrive avec ces trois livres, après cela, on va arriver avec
les obligations, après cela, on va arriver avec les
sûretés, après cela, on va arriver avec la preuve, le droit
international privé, en tout cas, tous les autres livres du Code civil
du Bas-Canada qu'il reste à étudier, cela va faire beaucoup de
travail pour les avocats, remarquez bien, mais je ne pense pas que ce soit au
profit des justiciables.
M. Prévost: Si vous me permettez un mot sur ce dernier
point, pour le projet de loi 20 qui comporte environ 1000 articles -cela va
jusqu'à 1300, mais on saute le livre 2 - à peu près 900
articles, on a un projet de loi qui sera déposé - là,
c'est un avant-projet - qui a 408 articles de dispositions transitoires. Dans
ces dispositions transitoires, on a été obligés de faire
des modifications à certains articles du Code
civil du Bas-Canada. Prenons, par exemple, comme je le disais tout
à l'heure, le titre des sociétés. On modifie le titre des
sociétés pour lesquelles on n'a pas encore eu de réforme
et, dans deux ou trois ans, on va refaire le titre des sociétés
et on va remodifier, évidemment, les dispositions actuelles qui ont
été amendées par la loi d'application sur le projet de loi
20. Tout ce que le Barreau a essayé de dire au législateur, c'est
que, lorsqu'on a adopté le Code civil la première fois, en 1866,
comme quand on a décidé d'adopter un nouveau Code de
procédure civile, en 1965, on l'a, fait d'un bloc. Les avocats et les
notaires, qui sont les spécialistes en droit, ont de la
difficulté à s'y retrouver. Comment pensez-vous que les
justiciables, eux, vont se retrouver? C'est le problème majeur d'adopter
un nouveau Code civil partie par partie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'endosse la dernière remarque de M.
Prévost. Je pense que, pour être juste avec le ministre de la
Justice, il nous a déjà cité des exemples de pays
où ils ont renouvelé leur Code civil en procédant par
étapes. Mais, au Québec, on n'a jamais procédé par
étapes, et je suis tout à fait d'accord pour qu'on adopte le Code
civil d'un seul bloc.
Pour rassurer tout le monde sur le fait qu'on va avoir d'autres
amendements à la loi 89 sur la famille, nous avons reçu
l'avant-projet de loi assurant l'application de la réforme du droit des
personnes, des successions et des biens et je vois tout de suite qu'il y a
d'autres modifications à la loi 89. Donc, cela va continuer d'une
session à l'autre, jusqu'à la fin. On ne sait pas si on va en
voir la fin.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avez-vous autre chose
à ajouter, Mme la députée de Maisonneuve? Cela va? Alors,
je voudrais...
M. Boisclair: Si vous permettez, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Boisclair: ...avant de terminer, je voudrais remercier la
commission d'avoir donné l'occasion au Barreau de venir exprimer son
point de vue. C'est toujours un plaisir pour le Barreau de venir aider et
d'apporter son concours au gouvernement dans le but d'avoir une meilleure
législation. J'offre la collaboration du Barreau pour l'étude
article par article, si vous jugez que cette collaboration peut vous être
utile.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je voulais aussi vous
mentionner que toute information que le Barreau pourrait vouloir nous faire
parvenir, par l'entremise du secrétariat de la commission, sera
transmise aux membres de la commission. Je voudrais vous remercier, Me Trudel,
bâtonnier, Me Boisclair, Me Suzanne Vadboncoeur et Me Prévost
ainsi que le Barreau du Québec que vous représentez. Sur ce, nous
allons ajourner nos travaux sine die. Nous revenons cet après-midi,
après les affaires courantes et les affaires du jour.
M. Marx: J'aimerais qu'on fixe... Pour aujourd'hui, c'est
après les affaires du jour, mais, ce soir, ce sera jusqu'à quelle
heure?
Le Président (M. Gagnon): Suivant l'ordre de
l'Assemblée nationale, ce sera jusqu'à 22 heures, je
présume.
M. Marx: Est-ce qu'on a besoin... Oui, mais, en sous-commis3ion,
on n'a pas besoin d'ordre de la Chambre. Pourquoi ne pas siéger...
Le Président (M. Gagnon): Je voudrais seulement vous
mentionner que, même si c'est une sous-commission, c'est un mandat de la
Chambre.
M. Marx: Oui. Peut-on prendre quelques minutes?
Le Président (M. Gagnon); Quelques minutes, oui. Nous allons
suspendre les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 43)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions ajourne donc ses travaux sine die, mais on s'entend pour dire
qu'après les affaires courantes nous allons revenir en commission.
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 46)
(Reprise à 15 h 32)
Étude détaillée
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La sous-commission des institutions se réunit avec le
mandat de procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du
droit des personnes, des successions et des biens. Est-il convenu
d'étudier séparément la disposition préliminaire et
les articles 1 à 399 du Livre
premier. Des personnes, proposés à l'article premier du
projet de loi 20? Est-ce que vous êtes d'accord pour procéder
comme cela? Je ne sais pas trop comment commencer. Mme la députée
de Maisonneuve, adjointe au ministre, je vous laisse la parole
immédiatement.
Disposition préliminaire
Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous allons
immédiatement examiner la disposition préliminaire. J'aurais
à introduire un amendement. Je pense vous en faire lecture, M. le
Président, immédiatement. Je crois qu'il serait peut-être
souhaitable que nous procédions de façon à introduire les
amendements. Par la suite je lirai les commentaires sur la disposition et
ensuite sur l'amendement. Est-ce que cela vous convient?
L'amendement introduit serait le suivant: Au premier alinéa,
remplacer les mots et signe: ", les principes généraux du droit
privé et les règles du droit international privé" par les
mots "et les principes généraux du droit".
Commentaires. L'amendement a pour objet de supprimer la
référence au droit international privé. Cette
référence est inutile puisque les règles
québécoises de droit international privé en matière
civile se retrouveront au Livre neuvième du Code civil.
Je relis l'amendement. Au premier alinéa, remplacer les mots et
signe: ", les principes généraux du droit privé et les
règles du droit international privé" par les mots "et les
principes généraux du droit". Donc, cet amendement a pour objet
de supprimer la référence au droit international
privé.
Sur l'ensemble de la disposition préliminaire, le commentaire est
le suivant. Cette disposition préliminaire veut situer et définir
d'une façon générale la fonction du Code civil. Elle est
de la même nature qu'un préambule. Le premier alinéa
rappelle que le Code civil régit les personnes, l'exercice des droits
civils, les rapports entre les personnes ainsi que les biens, mais qu'il le
fait en harmonie avec les principes de la Charte des droits et libertés
de la personne, loi de caractère fondamental qui inspire aussi le Code
civil. Cet alinéa rappelle également que le code est aussi en
harmonie avec les principes généraux du droit. Cette
référence repose sur le fait que les principes
généraux du droit ne sont pas tous exprimés au Code.
Le second alinéa est nouveau. Il établit la portée
du code comme fondement du droit privé et sa position
privilégiée dans l'ensemble de notre système
législatif. L'un des objectifs de cet alinéa est de favoriser le
recours aux dispositions du Code civil pour interpréter les lois
refondues lorsque celles-ci font appel à des matières
traitées au code. Cela termine le commentaire.
M. Marx: II n'y a pas d'autre commentaire?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement sur
les dispositions...
Mme Harel: Sur la disposition préliminaire, non.
M. Marx: J'ai juste une petite question au début. M. le
Président, c'est bien connu que le Québec ou que
l'Assemblée nationale n'a pas toute la compétence voulue pour
modifier tous les articles du Code civil, c'est-à-dire que certains
articles du Code civil sont en vigueur au Québec à cause de
l'article 128 de la constitution de 1867 - je ne suis pas sûr si c'est
l'article 128 ou si c'est un autre article - du fait que le Code civil avait
été adopté en 1866. Quand vous faites
référence à la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec c'est parfait. Mais il y a certains articles dans le
Code civil du Bas-Canada qui ne peuvent pas être modifiés par le
Québec mais seulement par le Parlement fédéral. Ils
tombent sous la Charte des droits et libertés du Canada. Je n'ai pas
d'objection à ce qu'un des fonctionnaires fasse une intervention. Le
professeur Jean Pineau pourrait intervenir sur le plan technique. Je pense que
ce serait plus facile pour nous tous.
Mme Harel: Peut-être pourriez-vous nous donner la
référence aux articles que vous mentionniez?
M. Marx: Les articles du Code civil? Je n'ai pas mon code.
Une voix: Ce sont sans doute les articles relatifs au mariage et
aux annulations...
M. Marx: Au mariage surtout, oui.
Une voix: ...qui sont d'ailleurs restés dans le Code civil
du Bas-Canada et qui n'ont pas été mis en vigueur...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse! Moi non plus, je
n'ai pas d'objection à ce que d'autres personnes que les
députés ou ministres prennent la parole, excepté qu'il va
falloir vous identifier pour le Journal des débats. Ça va?
M. Marx: Seulement vous identifier avant de parler.
Le Président (M. Gagnon): Seulement vous identifier pour
les fins du Journal des débats.
Mme Harel: II va falloir une certaine rigueur pour vous
identifier avant d'intervenir parce que ça va tellement...
Le Président (M. Gagnon): Une fois que cela aura
été fait une fois ou deux, je pense qu'on vous reconnaîtra
assez bien. Alors, quel est votre nom?
Mme Longtin (Marie-José): Mme Marie-José
Longtin.
Je pense que M. le député de D'Arcy McGee faisait
référence aux articles qui concernent le mariage et l'annulation
du mariage qui sont au Code civil du Bas-Canada. Ceux qui ont été
adoptés dans le Livre deuxième sur la famille et qui n'ont pas
été mis en vigueur.
M. Marx: II y a certains articles comme l'âge du mariage;
cela n'a pas été mis en vigueur. Pourquoi?
Une voix: Parce que le mariage est de juridiction...
M. Marx: Parce qu'on n'est pas certain si c'est de juridiction
provinciale ou fédérale. Moi, je pense que c'est de juridiction
provinciale de toute façon, mais cela n'a pas été mis en
vigueur. Donc, le Code civil du Québec garderait en vigueur les articles
du Code civil du Bas-Canada.
M. Cossette (André): Mon nom est André
Cossette.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Cossette.
M. Cossette: C'est le cas actuellement. M. Marx: C'est le
cas actuellement.
M. Cossette: Ces articles se retrouvent au Code civil du
Bas-Canada.
M. Marx: Donc, si on veut être tout à fait exact
dans la disposition préliminaire, je pense que ce serait utile de faire
référence à la charte canadienne aussi.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Cela supposerait évidemment que ces articles
soient mis en vigueur, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Ce sont
là des articles qui pourraient ne pas être mis en vigueur jusqu'au
moment où il y aurait un accord constitutionnel.
M. Marx: Ces articles sont en vigueur. Le mariage
réfère à quels articles, maintenant?
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Ils continuent toujours d'être en vigueur,
parce qu'ils n'ont jamais cessé de l'être depuis 1867. Ils sont
restés dans le Code civil du Bas-Canada.
M. Marx: Donc, la charte canadienne s'applique à ces
articles, parce qu'on ne peut pas se soustraire de l'application de la charte
canadienne. Donc, si on veut que la disposition préliminaire soit tout
à fait exacte, il faut parler aussi de la charte canadienne, parce que
la charte canadienne s'applique à ces articles. Est-ce que i'ai raison
de dire cela?
M. Cossette: La disposition préliminaire ne touche que le
Code civil du Québec et non pas le Code civil du Bas-Canada.
M. Marx: Donc, on va avoir un code -parce qu'on va avoir un code
un jour - où il va y avoir certains articles qui seront régis par
la charte québécoise; donc, on en fait mention. Il y en a
d'autres qui seront régis par la charte canadienne; on n'en fera pas
mention.
C'est quel article, maintenant, sur le mariage, l'âge... Cela
change...
M. Cossette: De mémoire, l'article 115 ou 112...
M. Marx: On va prendre cela maintenant.
Mme Harel: Article 115.
M. Marx: Article 115, c'est cela. "L'homme, avant quatorze ans
révolus, la femme, avant douze ans révolus, ne peuvent contracter
mariage." D'accord, c'est cela, l'article 115. On va avoir le code tel qu'on le
prépare maintenant, et on va incorporer cet article, d'accord? Non?
Comment est-ce que cela va fonctionner, une fois que tout sera adopté?
Est-ce qu'on va vivre avec deux codes jusqu'à la fin de nos jours,
c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on ait un réaménagement
des compétences en matière de mariage?
M. Cossette: Les circonstances constitutionnelles ne nous
permettent pas de dire autre chose, c'est-à-dire que, tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas un accord constitutionnel relativement à la
juridiction sur le mariage, il va falloir continuer de vivre avec un Code civil
du Bas-Canada qui conserve les anciennes dispositions relatives au mariage qui
n'ont pas été abrogées, et un Code civil du Québec
qui va comprendre les articles qui n'auront pas été
proclamés et qui ne seront pas en vigueur.
M. Marx: On va toujours avoir deux
codes, donc.
M. Cossette: Toujours, c'est peut-être...
Le Président (M. Gagnon); Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Marx: Toujours, c'est long, ça.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve. (15 h 45)
Mme Harel: Sur ce débat, puisque ça concerne le
Code civil du Québec et que le Code civil du Québec doit, en
fait, être régi en harmonie avec la charte
québécoise des droits et libertés, on pourrait
peut-être disposer de cette disposition préliminaire.
M. Marx: Je n'ai pas compris que ce serait comme ça; je
pensais que ça aurait être adopté et mis en vigueur d'une
façon plus cohérente. Quand on va arriver au chapitre sur le
mariage, le titre cinquième, on va avoir un Code civil du Québec
mais, pour certains articles du mariage, on va se référer au Code
civil du Bas-Canada. On va toujours avoir deux codes.
Mme Harel: "Toujours" reste aléatoire puisqu'on peut
souhaiter qu'il n'y ait qu'une seule juridiction. Je vous
référerai à l'article 402, au Livre deuxième sur la
famille, qui a déjà été adopté et qui
stipule qu'on ne peut contracter mariage avant d'avoir atteint l'âge de
18 ans. Cette disposition n'est pas mise en vigueur et ne le sera pas tant que
le Québec n'aura pas compétence en cette matière.
M. Marx: C'est l'incohérence complète, dans le sens
que...
Mme Harel: Cela prouve la nécessité d'obtenir une
compétence en cette matière.
M. Marx: Ce n'est pas nécessaire. Cela prouve qu'il faut
respecter les compétences actuelles, négocier des modifications
et, par la suite, modifier le code. Sinon, ce sera la foire encore pendant des
années. Chacun a ses responsabilités.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement... Oui,
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais soulever la question qui a été
abordée par le Barreau ce matin sur la disposition
préliminaire.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je peux vous demander
à tous de parler un peu plus fort ou d'approcher le micro parce que je
sais qu'il y a des gens dans la salle qui sont extrêmement
intéressés à nos débats et qui ont de la
difficulté actuellement à vous comprendre? Alors il va falloir
probablement parler plus près du micro ou parler plus fort.
Peut-être que vous pourriez aussi vous approcher un peu plus près
à la table des membres de la commission. Je ne pense pas qu'il y ait
d'inconvénients à cela. Peut-être que vous pourriez vous
placer à la table. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le Barreau, ce matin, a soulevé certaines
questions en ce qui concerne la disposition préliminaire.
Mme Harel: Alors, on peut peut-être constater que
l'opportunité d'une disposition préliminaire est discutée
et que les opinions sont partagées. Certains considèrent
nécessaire de resituer le Code civil dans un ensemble législatif;
d'autres considèrent qu'il n'est pas besoin de le stipuler, que cela va
de soi. Peut-être, M. Cossette, avez-vous quelque chose à
ajouter.
M. Cossette: Généralement, je pense qu'on peut dire
qu'il est important au Québec, vu le contexte nord-américain dans
lequel nous vivons, d'affirmer bien clairement que nous vivons dans un pays de
droit civil. Quand il s'agit de matière civile, je pense qu'il est
important de ne pas faire référence à des concepts qui
nous viennent du "Common Law" ou d'ailleurs. C'est dans le but de faire cette
affirmation, parce que les tribunaux ne l'ont pas toujours
considéré comme tel, qu'il a été jugé bon de
l'affirmer dans un article préliminaire. Il suffit de lire par exemple
un magnifique livre que vous connaissez sans doute sur l'interprétation
du Code civil, un livre écrit par M. Walton, un ancien doyen de la
Faculté de droit de l'Université McGilI, d'ailleurs. Celui-ci a
écrit abondamment sur l'interprétation du Code civil pour se
convaincre de la nécessité d'avoir un article comme
celui-là.
M. Marx: Oui, il l'a écrit au début du
siècle. Nous sommes vers la fin maintenant.
M. Cossette: C'est encore vrai.
M. Marx: II y a beaucoup de jurisprudence depuis.
M. Cossette: Oui, mais malgré tout cela on trouve des
jugements de la Cour suprême qui font encore référence
à des notions de "Common Law".
M. Marx: À la Cour suprême, maintenant, les
jugements en droit civil sont presque exclusivement rendus par les juges du
Québec.
M. Cossette: Heureusement!
M. Marx: C'est un banc de cinq: trois juges du Québec et
deux d'ailleurs.
M. Cossette: Je mentionne celui-là en particulier. M. le
juge Beetz a eu l'occasion encore récemment de rappeler la
nécessité de s'en reporter plutôt à notre Code
civil, encore que plusieurs des plaideurs avaient fait appel à des
notions de "Common Law" pour appuyer leur cause.
M. Marx: Donc, c'est clair. La Cour suprême a
déjà dit cela.
M. Cossette: Oui, mais je pense...
M. Marx: Vous pensez qu'il faut répéter ce que la
Cour suprême a déjà dit. On peut inclure son jugement dans
le code. C'est cela? Je comprends le concept et j'ai toujours tenu pour acquis
que c'était implicite. Je ne vois pas vraiment la
nécessité de répéter cela dans un article parce
qu'on ne sait pas ce qu'on ajoute. C'est cela le problème. On sait ce
qu'on a et, quand on commence à ajouter à ce qu'on a mis dans ces
deux paragraphes, je pense, comme le bâtonnier et la secrétaire du
Barreau l'ont dit ce matin, qu'on peut poser la question: Qu'est-ce qu'on
ajoute? On ne sait pas exactement ce qu'on ajoute. On peut avoir des
interprétations qu'on ne veut pas avoir. Je pense que c'était le
sens de leur intervention de ce matin.
Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin.
Mme Longtin: Oui, en fait, ce qu'ils contestent... Enfin, ils
disent que cela pourrait soulever des litiges. Maintenant, on sait qu'une
disposition de ce type n'a jamais plus que la valeur d'un préambule.
Donc, cela sert tout au plus à indiquer le sens général de
l'interprétation qu'on pourrait donner au texte et cela ne peut pas
servir de fondement à un litige ou être déterminant dans la
solution.
M. Marx: Peut-être que le professeur Pineau aurait des
remarques. M. Pineau est bien neutre dans ce débat et va nous dire la
vérité. Donc, il peut contredire soit l'adjoint parlementaire du
ministre de la Justice, soit moi-même ou le député de
Saint-Laurent. Il a toute la liberté de dire la
vérité.
Mme Harel: Je veux lui demander, en préambule, s'il
considère le droit comme une science exacte.
M. Pineau (Jean): Non.
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, ai-je bien
compris que l'amendement signifiait que cette disposition préliminaire
de l'article doit se lire désormais: "Le Code civil du Québec
régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la
personne et les principes généraux du droit, les personnes,
l'exercice des droits civils, les rapports entre les personnes ainsi que les
biens."?
Sur ce premier paragraphe, je me demande pourquoi on indique "l'exercice
des droits civils", puisque c'est impliqué dans le livre sur les
personnes qui traite de la jouissance et de l'exercice des droits civils et de
toutes sortes de choses ainsi que des biens et de toutes sortes de choses
relatives aux biens. Donc, je ne vois pas l'utilité de "l'exercice des
droits civils"; c'est couvert par les personnes. C'est aussi une excellente
chose que de supprimer "les règles du droit international privé"
parce que, effectivement, ce sont des règles relatives aux personnes et
aux biens. Il serait très simple de dire "régit, en harmonie avec
la Charte des droits et libertés de la personne, les personnes, les
rapports entre les personnes ainsi que les biens".
Quant aux deuxième paragraphe, ce qui peut peut-être
gêner certains, c'est "il fonde".
M. Marx: C'est cela.
M. Pineau: Fonder, dans le sens second veut dire constituer le
fondement. En ce sens, c'est exact, n'est-ce pas? Ne serait-il pas
préférable de dire que le code constitue le fondement sur lequel
reposent les autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y
déroger? Mais c'est le même sens que ce qui est proposé. Il
y a aussi l'expression "par implication", "en termes exprès ou par
implication". Ne serait-il pas plus simple de dire "de façon implicite"?
Ou est-ce que "par implication" a un sens différent de l'expression "de
façon implicite"? La définition d'implication, c'est: relation
logique consistant en ce qu'une chose comporte de façon implicite une
autre chose. Je crois que c'est une façon bien compliquée de dire
"d'une façon implicite". Mais c'est uniquement une question de
terminologie.
Mme Harel: Vous pourriez peut-être, soit Mme Longtin ou M.
Cossette, intervenir immédiatement ou on peut aussi prendre cela en
délibéré et suspendre cette disposition pour
reprendre...
M. Marx: Le Barreau nous a critiqués dans son
mémoire d'il y a deux semaines pour avoir suspendu trop d'articles dans
l'adoption des projets de loi. Il trouve cela difficile à suivre par la
suite. C'est seulement pour le mentionner parce qu'on va avoir beaucoup de cas
difficiles comme ça.
Peut-être pourrions-nous les adopter dans l'ordre, dans la mesure
du possible; sinon, on va avoir un problème avec ces 1200 articles. Je
pense surtout au président de la sous-commission.
Le Président (M. Gagnon): Oui, effectivement, vous avez
raison de penser au président.
Mme Harel: Avez-vous des commentaires, M. Cossette ou Mme
Longtin?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je regarde la recommandation du Barreau
qui dit: "Ce code est constitué d'un ensemble de règles qui, en
toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet
de ses dispositions, établit le droit; il est complété par
les lois particulières." À ce moment-là, on enlève
"établit le droit et constitue le fondement des autres lois". Est-ce que
cela pourrait être acceptable?
Mme Harel: On pourrait retenir cette modification qui
consisterait en ceci: "En ces matières, il constitue le fondement des
autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger."
Cette rédaction se retrouvait dans le texte orginal du projet de loi
106.
M. Marx: C'était dans mes notes de cours lorsque
j'étais étudiant à l'Université de Montréal,
à l'époque du professeur Maximilien Caron.
Le Président (M. Gagnon): Je vous ferais une suggestion
à ce moment-ci. Vous aviez suggéré de suspendre cet
amendement et les dispositions préliminaires pour corriger le texte et y
revenir ensuite, non? Ou si on continue...
M. Leduc (Saint-Laurent): On est mieux de disposer...
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...de la disposition
préliminaire.
Mme Harel: Tout ce qu'on peut faire tout de suite, il vaut mieux
le faire puisqu'on est dans le débat qui peut mener à une
rédaction. À ce moment-ci, si c'est possible, on va le faire
immédiatement, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): D'accord.
Mme Harel: Donc, d'abord, si on peut s'entendre sur le second
alinéa, il s'agit, comme amendement, de remplacer le verbe "fonde" par
"constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter
au code ou y déroger".
Une voix: À mon sens, c'est de la sémantique.
Le Président (M. Gagnon): Alors, vous remplacez "il fonde
les" par la phrase que vous venez de mentionner. Pourrait-on l'avoir par
écrit?
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'ai
l'impression qu'on joue avec les mots, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Je
voudrais savoir de Me Cossette s'il est d'accord avec la phrase qui dit: "En
ces matières, il fonde les autres lois." Êtes-vous d'accord pour
dire que le Code civil est le fondement des autres lois? Le Barreau dit non,
vous dites oui, si je comprends bien.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Marx: C'est spirituel, non pas matériel.
Le Président (M. Gagnon): Cela va devenir assez
compliqué pour le Journal des débats. Si on veut s'y retrouver,
il va falloir faire attention pour parler au moment où on a la parole.
Sans cela, je présume que ce sera difficile pour ceux qui vont vouloir
suivre les travaux. M. Cossette, vous avez la parole. (16 heures)
M. Cossette: Je trouverais difficile de donner une réponse
à brûle-pourpoint comme cela. D'autant plus qu'il faut lire la
totalité du paragraphe qui commence comme ceci: "Le code est
constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières
auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions,
établit, en termes exprès", etc. "En ces matières - cela
se rapporte aux matières dont on vient de parler - il fonde les autres
lois". Sous réserve de ce début de phrase, quand on dit "en ces
matières", je pense qu'il faut être d'accord que c'est le
fondement des autres lois.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites "se rapportent la lettre,
l'esprit ou l'objet"...
M. Cossette: Oui. ...des dispositions du Code civil du
Québec.
Le Président (M. Gagnon): Terminé? Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je reprends donc cet amendement, M. le
Président, et on pourrait en disposer immédiatement.
Le Président (M. Gagnon): Vous parlez
de l'amendement...
Mme Harel: II s'agit de remplacer "fonde les" par "constitue le
fondement des".-
Le Président (M. Gagnon): Alors, cela me prend
l'amendement écrit.
Mme Harel: ...autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter
au code ou y déroger.
Le Président (M. Gagnon): Cela me prend l'amendement
écrit. Cela ne sera pas long. En ce qui concerne le premier paragraphe,
on y reviendra tantôt, je présume.
Mme Harel: Le premier alinéa.
Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa.
Mme Harel: Sur le retrait de "l'exercice des droits civils",
est-ce qu'il y a des commentaires?
Une voix: Je pense qu'on peut l'enlever.
Mme Harel: Alors, on va disposer du premier amendement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, M. le
Président, est-ce qu'on ne peut pas dire, en fait, que le Code civil,
cela constitue le droit commun? Ensuite, ce doit commun est
complété par des lois particulières. Est-ce que c'est ce
que cela veut dire?
Mme Harel: Ce qu'on veut certainement dire, c'est qu'il faut
éviter de considérer le Code civil comme une loi
particulière au même titre que d'autres lois
particulières.
Le Président (M. Gagnon): Moi, madame...
Mme Harel: M. le Président, je vais vous transmettre une
copie de la rédaction des amendements. Donc, au second alinéa,
remplacer, à la quatrième ligne, les mots "fonde les" par les
mots "constitue le fondement des". On peut disposer de ce premier
amendement.
Le Président (M. Gagnon): En fait, je vois bien ici les
quatre amendements, puisque vous avez premièrement, deuxièmement,
troisièmement et quatrièmement, qui remplacent ce que l'on voit
ici dans la disposition préliminaire. L'amendement que vous proposez,
c'est de remplacer la disposition préliminaire par ce que j'ai ici.
Mme Harel: M. le Président, si vous le voulez, on va y
aller dans l'ordre des alinéas.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Est-ce que la
discussion est terminée sur cela? Est-ce qu'on s'est entendu? Est-ce
qu'on est prêt à adopter ces amendements?
M. Marx: Pouvez-vous lire l'article premier tel qu'amendé
pour que cela soit bien clair pour tout le monde?
Le Président (M. Gagnon): Je vais demander à Mme la
députée de Maisonneuve de le faire.
Mme Harel: Le premier alinéa se lirait comme suit:
Le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte
des droits et libertés de la personne, les principes
généraux du droit, les personnes, les rapports entre les
personnes ainsi que les biens.
Alors, au premier alinéa, il s'agit de supprimer à la
troisième ligne ce qui suit: "l'exercice des droits civils".
J'aimerais le relire pour ajouter un "et" pour la bonne
compréhension du texte. Je relis ce premier alinéa tel
qu'amendé: "Le Code civil du Québec régit, en harmonie
avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes
généraux du droit, les personnes, les rapports entre les
personnes ainsi que les biens."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Vous voulez
continuer, madame?
Mme Harel: Le second alinéa tel qu'amendé - j'en
fais lecture et par la suite je vous donnerai l'amendement - se lirait comme
suit: "Le code est constitué d'un ensemble de règles qui, en
toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet
de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon
implicite, le droit privé. En ces matières, il constitue le
fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y
déroger."
Il s'agit, au second alinéa, de remplacer dans la
troisième ligne les mots "par implication" par les mots "de façon
implicite" et, toujours au second alinéa, il s'agit de remplacer dans la
quatrième ligne les mots "fonde les" par les mots "constitue le
fondement des".
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que
l'article premier tel qu'amendé est adopté?
Mme Harel: C'est la disposition préliminaire qui est
adoptée.
Le Président (M. Gagnon): Mais c'est l'article...
Mme Harel: L'Article premier comprend 399 articles.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): C'est la disposition
préliminaire tel qu'amendée qui est adoptée. Voilà!
On va finir par s'y retrouver, madame.
L'Article premier...
M. Marx: La disposition préliminaire...
Le Président (M. Gagnon): La disposition
préliminaire...
M. Marx: ...est adoptée.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! C'est ce que je
venais de dire. Où sommes-nous maintenant rendus? Dites-le-moi donc!
Mme Harel: Titre premier, article 1.
De la jouissance et de l'exercice des droits
civils
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Titre premier,
article 1. Est-ce que l'article 1...
Mme Harel: M. le Président, il y aurait un amendement
à introduire à cet article 1. En fait, c'est un amendement
purement formel. À la première ligne, remplacer le mot "et" par
ce qui suit: "; il". Il se lirait donc comme suit: "Tout être humain
possède la personnalité juridique; il a la pleine jouissance des
droits civils."
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
Mme Harel: Toujours à l'article 1, M. le Président,
un second amendement consiste à supprimer le deuxième
alinéa.
Le Président (M. Gagnon): "II jouit aussi des"... C'est
cela?
Mme Harel: C'est bien cela. Le deuxième alinéa
étant supprimé, l'article 1, tel qu'amendé, se lirait
comme suit: "Tout être humain possède la personnalité
juridique; il a la pleine jouissance des droits civils."
M. Marx: Qu'est-ce qui vous a amenés à supprimer le
deuxième alinéa avant d'avoir même commencé
l'étude sur le projet de loi qui a été
révisé au moins quatre fois?
Mme Harel: Le commentaire est le suivant, quant à
l'amendement. Je vous lirai le commentaire concernant l'article 1. Le
commentaire sur l'amendement: La première modification est de pure
forme, mais la seconde vise à éviter une confusion puisque les
droits et libertés prévus dans la Charte des droits et
libertés de la personne n'ont pas besoin d'être
réaffirmés au Code civil pour avoir force de loi et que, de plus,
la disposition préliminaire du code établit déjà
que le code est en harmonie avec la charte.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
Mme Harel: Je vais faire lecture du commentaire concernant
l'article 1 - je viens de faire lecture du commentaire concernant l'amendement.
Cet article, qui reprend l'article 18 du Code civil du Bas-Canada,
reflète une des règles essentielles du droit, la reconnaissance
que l'être humain possède, du seul fait de son existence, la
personnalité juridique et qu'il est sujet de droit. Cet article reprend
également la règle du droit actuel disant que toute personne a la
pleine jouissance de ses droits civils. La jouissance des droits se distingue
de leur exercice; elle constitue un attribut essentiel de la
personnalité qu'un être humain possède, du seul fait de son
existence, dont il ne peut se départir et dont on ne peut le priver.
L'exercice est par contre une réalité contingente qui peut
être limitée par la personne elle-même, par les faits ou par
la loi.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): L'article, évidemment, parle de
personnalité juridique mais n'indique d'aucune façon quand
commence la personnalité juridique. Je voudrais, si on se donne la peine
de refaire le Code civil et de le mettre à jour, qu'on indique quand
commence la personnalité juridique.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le député de Saint-Laurent, je
référerai à la loi 106 qui était
rédigée de telle sorte qu'on y lisait que l'être humain est
sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Plusieurs
représentations faites devant cette commission nous amènent
à retrancher cette phrase de l'article 1, compte tenu des
difficultés d'interprétation. (16 h 15)
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr, je
comprends, mais je voudrais que cela soit indiqué. Je ne pense
pas qu'on puisse passer à côté. Si on est d'accord pour
dire que l'être humain a des droits, une personnalité juridique
depuis sa naissance, on va l'indiquer. Si on n'est pas d'accord, cela veut donc
dire qu'il va falloir indiquer autre chose. C'est quoi? Depuis sa conception?
Personnellement, je veux qu'on insère qu'il est sujet de droit depuis sa
conception. Quand on regarde les sommes colossales que l'on dépense pour
essayer de sauver des êtres humains - qu'on pense simplement aux
septuplés - on a la Charte des droits et libertés de la personne
qui protège la personne, qui protège l'être humain, je
pense qu'on doit s'arrêter et prendre une décision
là-dessus. Si on est d'accord pour dire que la personne, l'être
humain, a une personnalité juridique depuis sa naissance, qu'on
l'indique. Si on n'est pas d'accord, qu'on indique autre chose. Je pense qu'on
devrait indiquer qu'il est sujet de droit depuis sa conception jusqu'à
sa mort. Cela ne sert à rien d'adopter une attitude hypocrite, à
mon sens, et de passer à côté. Il y a un choix à
faire et c'est à nous de le faire. Si on n'est pas d'accord, on doit
l'indiquer. Je ne crois pas qu'on puisse rédiger un nouveau code civil
sans établir ce qu'est un être humain, sans établir quand
commence la personnalité juridique.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense que l'intention du
législateur n'est pas de modifier substantiellement le droit actuel,
mais de le reformuler et, donc, de recommander de revenir à cette
formulation qui est retenue par la doctrine et par la jurisprudence, selon
laquelle la jouissance des droits civils est accordée à l'enfant
conçu si son intérêt l'exige et à condition qu'il
naisse vivant et viable.
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau? Non? M. le
député de St-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais qu'on m'indique quand
commence la personnalité juridique. C'est cela que je voudrais savoir.
Je n'ai pas l'impression qu'on ne fait qu'actualiser le code. Je ne pense pas
qu'on ait actualisé le code quand on a mis en vigueur le livre sur la
famille. Je pense également que les trois livres que nous avons ici
comportent des modifications très importantes, ils ne comportent
certainement pas seulement une actualisation. Je pense qu'on a un choix
à faire. On peut être ou ne pas être d'accord, mais je ne
pense pas qu'on puisse passer à côté. À mon sens, on
ne devrait pas passer à côté. Si on est d'accord pour dire
que deux minutes avant la naissance l'enfant non encore né n'a aucun
droit et, deux minutes après, il a tous les droits, il faut le dire.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je vais à nouveau
répéter au député de Saint-Laurent que la
personnalité juridique, que la jouissance des droits civils est
accordée à l'enfant conçu si son intérêt
l'exige et à la condition qu'il naisse vivant et viable. C'est la
position retenue par le législateur.
M. Marx: Je pense moi aussi, M. le Président, si le
lecteur de ces débats veut vraiment comprendre le fondement de cet
article, les changements, et ainsi de suite, qu'il faut se
référer aux débats que nous avons eus lors de
l'étude des projets de loi 106, 107 et 58, parce qu'on a
déjà fait un certain débat sur ces articles dans le cadre
des autres lois qui sont fondues maintenant dans le projet de loi 20.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être savoir
pourquoi on a enlevé: "il est sujet de droit depuis sa naissance
juqu'à sa mort". Pourquoi a-t-on enlevé ce bout de phrase, ce
principe qui existait dans le projet de loi 106? Est-ce que vous vous
étiez avancés un peu trop?
Mme Harel: Je vous rappellerai, M. le député de
Saint-Laurent, que cette position n'était soutenue que par une
minorité d'intervenants lors des débats qui ont eu lieu devant
cette commission. Nous pensons que c'est un débat qui relève
d'une autre juridiction législative qui est, en fait, le débat
qui consiste pour certains à protéger d'une façon absolue
le droit à naître et que ce n'est pas un débat que nous
avons à faire dans le cadre de cette présente loi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut dire, en fait, que le foetus
n'a pas de droit, on n'en parle d'aucune façon. Ce n'est pas un
être humain, ce n'est pas important qu'on le protège, d'aucune
façon. Je voudrais savoir comment vous interprétiez: "il est
sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort" et pourquoi vous
l'enlevez. Vous dites: une minorité qui était favorable. À
quoi? Quand vous parlez de minorité, vous dites: II faut dire qu'il y
avait une minorité qui était favorable. À quoi?
Mme Harel: M. Cossette.
M. Cossette: Vous demandez pour quelle raison la deuxième
partie de l'article 1 du
projet de loi 106 est disparue. En fait, elle est disparue
principalement à cause des nombreuses protestations qui ont
été faites à l'occasion de la commission parlementaire sur
le projet de loi 106 et aussi à cause des représentations qui ont
été faites à cette occasion, représentations qui
étaient que la rédaction proposée dans l'article 1
limitait les droits de l'enfant à naître par rapport à ce
qu'ils étaient dans le Code civil du Bas-Canada. Alors, la nouvelle
position du législateur qui se reflète dans le nouvel article 1
du projet de loi 20 est la suivante: c'est tout simplement un retour au droit
actuel, c'est-à-dire au droit qui veut que l'être qui est à
naître ait les mêmes droits pourvu qu'il naisse vivant et viable.
Autrement dit, c'est le statu quo quant à l'enfant à
naître.
M. Marx: Sur le statu quo aussi, on respecte la recommandation de
l'Office de révision du Code civil.
M. Cossette: Exactement, parce que s'aventurer à
déterminer les droits d'un foetus, s'aventurer dans la
détermination ou la question de savoir à quel moment un foetus
devient un être humain, c'est pour le moins périlleux. D'ailleurs,
je pense que toutes les lectures que nous avons faites, et j'ai devant moi,
ici, un écrit du Conseil de l'Europe sur, en particulier, les
manipulations génétiques, tout ce qu'on peut faire dans cette
matière-là, y compris les interventions qu'on peut faire sur les
fécondations in vitro... La conclusion de tout cela, c'est qu'il faut
laisser faire la science encore un bon bout de temps avant de pouvoir
intervenir ou avant de songer à intervenir législativement en
cette matière. On dit que c'est le statu quo quant au droit sur l'enfant
à naître.
M. Leduc (Saint-Laurent): On peut dire que, pour ses droits
patrimoniaux, l'enfant à naître a des droits. Il est
protégé. Mais, pour les droits extrapatrimoniaux, il n'y a aucune
protection. C'est cela que cela veut dire. Je trouve que c'est inacceptable. Si
je comprends bien, j'ai parcouru un peu le projet de loi, en aucun moment on ne
va retrouver une disposition protégeant les droits de l'enfant à
naître. C'est bien cela. Aucun article ne - je parle des droits
extra-patrimoniaux...
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Je pense que oui. Le deuxième alinéa
de l'article 206 précise que les père et mère sont
également tuteurs de leur enfant conçu qui n'est pas encore
né. Ils sont chargés d'agir pour lui dans tous les cas où
son intérêt l'exige. Autrement dit, le tuteur pourra exercer les
droits de cet enfant conçu dans tous les cas où son
intérêt va l'exiger. Quand on dit "tous ses droits", je pense que
ce sont tous ses droits.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement
à l'article 1 est adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 1, tel
qu'amendé, est adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle donc l'article 2.
Mme Harel: Alors, je vais faire lecture du commentaire sur
l'article 2. Il n'y a pas d'amendement d'introduit à ce moment-ci. Cet
article 2 est nouveau, mais il reprend substantiellement une règle
proposée à l'article 4 du rapport de l'Office de révision
du Code civil, en consacrant le principe que chaque personne est titulaire d'un
patrimoine unique et que donc l'ensemble de ses biens est garant de ses
obligations.
S'il ne nous a pas semblé utile de définir la notion
discutée de patrimoine, il nous a semblé, par contre,
nécessaire de reconnaître, pour autant que la loi le permette, la
possibilité d'une division du patrimoine ou d'une affectation de
certains biens, division ou affectation que l'on retrouve, notamment, en
matière de succession et de fiducie. Cette division ne peut avoir lieu
que dans la mesure prévue par la loi afin d'éviter qu'une
personne n'affecte ses biens en fraude des droits de ses créanciers.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Au deuxième alinéa, peut-être que ce
serait plus clair si on le modifiait afin d'y lire: Celui-ci peut faire l'objet
d'une division ou d'une affectation, mais dans la seule mesure prévue
par la loi.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous en faites un
amendement?
M. Marx: Pas formellement. Le Président (M. Gagnon):
Non?
M. Marx: J'ai déjà appris à
l'Assemblée nationale que, si ce n'est pas appuyé par le
gouvernement, ce ne sera pas adopté. Donc...
M. Cossette: Je dirais même que ce serait peut-être
plus élégant de le dire de
cette façon.
Mme Harel: Alors, on introduit l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous me donner par
écrit votre amendement?
M. Marx: Par écrit, oui. Voilà! (16 h 30)
Le Président (M. Gagnon): Merci. Alors, je pense que, de
toute façon, on peut passer au prochain article puisqu'on est d'accord
sur l'amendement. Est-ce que l'amendement proposé par le
député de D'Arcy McGee est adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais peut-être le
réentendre.
Le Président (M. Gagnon): Le réentendre?
M. Leduc (Saint-Laurent): S'il vous plaît.
Mme Harel: Le deuxième alinéa se lirait comme suit:
"Celui-ci peut faire l'objet d'une division ou d'une affectation, mais dans la
seule mesure prévue par la loi."
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, est-ce qu'on ne
s'entend pas pour dire que le patrimoine est unique, est indivisible et que ce
sont les biens qui sont divisibles?
Mme Harel: II y a plusieurs théories là-dessus, M.
le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, je sais. À ce moment,
est-ce qu'on ne pourrait pas... Vous dites, en fait, que le patrimoine est
divisible. Alors, comment comprenez-vous cela? Comment est-ce que vous
l'entendez? Quelle est votre explication? Je m'adresse à M.
Cossette.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Qu'un patrimoine soit divisible, je pense que cela
va, mais que je puisse l'affecter de différentes façons, c'est
peut-être cette partie qui vous inquiète davantage. Supposons que
vous ayez l'intention de faire une fondation par voie d'une fiducie,
éventuellement. Vous allez affecter une partie de vos biens, disons, au
secours des lépreux du Lesotho. Alors, c'est une affectation qui se veut
permise par la loi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est bien
nécessaire, d'après vous, de mettre le deuxième
alinéa?
M. Cossette: C'est peut-être nécessaire aussi pour
donner ouverture à d'autres affectations éventuelles qui
pourraient être faites, par exemple, dans le cadre des obligations, dans
le cadre des sûretés. Je pense que c'est une porte ouverte
à des développements nouveaux et je pense aussi qu'il ne faut pas
y renoncer. Est-ce que je pourrais vous donner un exemple pour préciser
davantage ce à quoi on peut songer?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui.
M. Cossette: Évidemment, cela reste purement
théorique ce que je vais vous dire. Je ne voudrais pas trop m'avancer
non plus et me compromettre, mais je vous donne un exemple quand même.
Supposons, Me Leduc, que demain matin vous ayez une fortune de 200 000 $
à votre disposition et que vous décidiez de consacrer 50 000 $
à l'exploitation d'un commerce quelconque. Alors, aujourd'hui, quant
à cette affectation que vous allez faire en vue d'exploiter un commerce
avec les 50 000 $ dont vous disposez, vous allez probablement constituer une
compagnie de telle sorte que, si vous perdez vos 50 000 $, vos autres 150 000 $
seront préservés. Alors, pourquoi vous oblige-t-on, Me Leduc,
à former une compagnie pour en arriver à ces fins? Pourquoi, tout
simplement, ne pourriez-vous pas faire une déclaration dans un greffe
quelque part disant que vous consacrez 50 000 $ à l'établissement
de tel commerce et vous ne consacrez que cette somme de 50 000 $ sans former
une personne morale? Cela deviendrait un patrimoine affecté de 50 000 $
consacrés à ces fins. Éventuellement, ce pourrait
être cela.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement
proposé par le député de D'Arcy McGee est accepté?
Adopté. Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est
adopté?
Mme Harel: II s'agit de l'article...
Le Président (M. Gagnon): Pardon?
Mme Harel: ...3.
Des voix: ...2.
Le Président (M. Gagnon): Maintenant, l'article 3, Mme la
députée?
Mme Harel: Je vous fais lecture du commentaire sur l'article 3.
Cet article est nouveau, mais reprend...
M. Marx: Est-ce que cela ne serait pas une bonne idée
aussi de lire l'article avant de faire les commentaires. Si quelqu'un,
après, veut lire le Journal des débats, il va avoir l'article et
les commentaires. Souvent,
j'ai trouvé cela très difficile de retrouver l'article
dans les projets de loi.
Le Président (M. Gagnon): Madame...
Mme Harel: On pourrait le faire rapidement. Très bien.
L'article 3 se lit comme suit: "Toute personne est titulaire de droits de la
personnalité, tels le droit à la vie, à
l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au
respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. "Ces
droits sont incessibles." Cet article est nouveau, mais reprend essentiellement
la proposition de l'article 4 du rapport de l'office, à savoir que toute
personne est titulaire de droits et devoirs extrapatrimoniaux propres à
son état. Il énumère de façon non limitative les
principaux droits extrapatrimoniaux dont le Code civil précise la
portée et aménage l'exercice. En outre, il précise la
règle de l'incessibilité de ces droits. Car, même si en
certains cas ces droits ont des incidences sur le patrimoine, ils sont
tellement liés à la personnalité qu'ils ne peuvent faire
l'objet d'une cession.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: Je pense que le professeur Pineau a un commentaire sur
cet article.
M. Pineau: Je dirai simplement, M. le Président, qu'il est
fait mention ici des droits de la personnalité, alors que les droits et
obligations extrapatrimoniaux ne se limitent pas à ces droits de la
personnalité. Pourquoi parler des droits de la personnalité et
non point des droits de famille, par exemple? C'est la seule interrogation. En
ce sens, la proposition de l'office était beaucoup plus globale. "Les
droits et devoirs extrapatrimoniaux propres à son état" dit
vraiment tout. C'est simplement un commentaire.
Mme Harel: M. le Président, si vous me permettez, nous
allons prendre en considération ce commentaire puisqu'il s'agit en fait
de remplacer les termes "de la personnalité" par "extrapatrimoniaux
propres à son état."
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: L'amendement viserait le premier alinéa
seulement; le deuxième resterait tel quel.
Mme Harel: Mme Longtin.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Longtin.
Mme Longtin: Tout en gardant cette idée de droits et
devoirs extrapatrimoniaux, il nous semble important quand même de faire
ressortir la notion de droit de la personnalité puisque, par ailleurs,
ce sont principalement ces droits qui sont traités, au livre 1, dans
tout le titre et dont l'exercice est aménagé.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Donc, il n'y a pas
d'amendement à l'article 3? L'article 3 est-il adopté?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): II est adopté. Article
4?
Mme Harel: J'introduis l'amendement suivant à l'article 4.
Au premier alinéa, remplacer les mots "a le" par les mots "est apte au",
de façon que le premier alinéa se lise comme suit: "Toute
personne est apte au plein exercice des droits civils." Également, au
deuxième alinéa, l'amendement consiste à remplacer les
mots "elle les exerce" par les mots "elle exerce ses droits civils", de
façon que le deuxième alinéa se lise comme suit: "Dans les
cas prévus par la loi, elle exerce ses droits civils par un
représentant ou avec l'assistance d'un conseiller." Alors, si vous le
voulez, M. le Président, je vous relis l'article 4...
Le Président (M. Gagnon): Oui, s'il vous plaît.
Mme Harel: ...tel qu'amendé: "Toute personne est apte au
plein exercice des droits civils. "Dans les cas prévus par la loi, elle
exerce ses droits civils par un représentant ou avec l'assistance d'un
conseiller."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?
Mme Harel: Le commentaire... Le Président (M. Gagnon):
Oui.
Mme Harel: ...est le suivant: L'amendement vise à
préciser le principe relatif à la capacité d'exercice des
droits civils. Il est plus exact d'affirmer que toute personne est, du seul
fait de son existence et donc de sa personnalité juridique, apte au
plein exercice de ses droits civils. Cette aptitude de principe ne se
réalise toutefois pas toujours concrètement, en raison
principalement d'une incapacité physique ou mentale due principalement
à l'âge ou à la maladie. Dans ces cas, la personne devra
être représentée ou conseillée pour agir et il n'est
donc pas tout à fait exact de dire qu'elle a concrètement le
plein exercice de ses droits civils.
Quant à la seconde modification, elle
est de nature purement formelle.
Je faisais le commentaire sur l'amendement, je ferais maintenant un
commentaire d'ordre général.
M. Marx: Sur l'article, oui.
Le Président (M. Gagnon): À l'article 4.
Mme Harel: Cet article codifie une règle fondamentale du
droit civil qui est prévue actuellement, quoique de manière
indirecte, aux articles 324 et 985 du Code civil du Bas-Canada et que l'Office
de révision du Code civil proposait également de codifier. Si la
jouissance des droits est inhérente à la personnalité,
l'exercice des droits est, pour sa part, lié à la
capacité. Aussi, l'article mentionne la façon dont tes mineurs ou
les majeurs protégés peuvent, dans certains cas, exercer leurs
droits civils par un représentant qui sera un tuteur ou un curateur ou
avec l'assistance d'un conseiller.
Quant à la réserve des dispositions expresses de la loi,
elle n'est pas exprimée puisque l'article 4 exprime une règle
générale qu'une disposition particulière peut toujours
modifier dans un contexte précis.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Pineau.
M. Pineau: Ce serait peut-être une simple question de
forme. J'ai l'impression qu'on veut éviter d'utiliser le mot
"capacité".
Une voix: Oui.
M. Pineau: C'est cela.
M. Cossette: D'éviter de parler de capacité de
jouissance et d'exercice en disant que toute personne est apte à exercer
ses droits civils.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?
M. Pineau: Alors, une simple question de formulation,
peut-être qu'au lieu de dire "toute personne est apte au plein exercice"
on pourrait dire "toute personne est apte à exercer pleinement ses
droits civils".
Le Président (M. Gagnon): Toute personne est apte à
exercer pleinement ses droits civils.
Mme Harel: Alors, on introduit...
Le Président (M. Gagnon): Oui, on va corriger. On est
d'accord pour corriger l'amendement...
Mme Harel: ...cet amendement, oui.
Le Président (M. Gagnon): ...qu'on a déjà
devant nous.
Mme Harel: Oui. De façon à lire...
Le Président (M. Gagnon): Toute personne est...
Mme Harel: ..."Toute personne est apte...
Le Président (M. Gagnon): ...apte.
Mme Harel: ...à exercer pleinement ses droits civils."
M. Pineau: Est-ce que je peux?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.
M. Pineau: Est-ce que je peux me permettre une autre observation
sur le second alinéa? "Dans les cas prévus par la loi, elle
exerce ses droits civils par un représentant ou avec l'assistance d'un
conseiller." Si je songe au mineur, par exemple, il est inexact, techniquement,
de dire que le mineur exerce ses droits civils par un représentant. 11
les exerce éventuellement avec l'assistance d'un conseiller mais, s'il a
un tuteur, ce n'est pas lui qui exerce les droits civils, c'est le tuteur qui
les exerce au nom et pour le compte du mineur. Alors, techniquement, il est
inexact de dire qu'il les exerce par son représentant.
Mme Longtin: On trouve quand même en doctrine les deux
formulations parce que, en certains cas, le tuteur exerce pour le mineur; donc,
il se substitue à la personne du mineur. C'est un peu dans ce
sens-là que c'est formulé. Maintenant... (16 h 45)
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: Vous avez raison lorsqu'il s'agit du mandataire, par
exemple. C'est le mandant qui agit par le représentant, par le
mandataire. Lorsqu'il s'agit d'un tuteur, il est désigné par la
loi; la situation n'est pas tout à fait la même.
Mme Harel: Vous auriez une formulation à nous
proposer?
M. Pineau: Je me demande s'il est nécessaire de signaler
l'existence d'un représentant ou d'un assistant. Pourquoi ne pas dire:
Toute personne ayant à exercer pleinement ses droits civils, sous
réserve des dispositions expresses de la loi? Est-il besoin d'annoncer
le système de représentation ou d'assistance, d'autant plus que
le mineur émancipé a un tuteur qui est un assistant et qui n'est
pas un représentant?
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être dire: Elle
les exerce selon les modalités ou selon les règles
prévues.
M. Pineau; II y a des dispositions expresses de la loi qui
prévoient un régime de représentation ou d'assistance,
quelque chose comme cela.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Long tin.
Mme Harel: Je demanderais à Mme Longtin et à M.
Cossette de faire des commentaires sur la formulation.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Longtin.
Mme Longtin: En fait, je voulais simplement indiquer que, de
façon systématique, dans le projet, on n'avait pas utilisé
les expressions "sous réserve des dispositions expresses de la loi" ou
d'autres parce que, finalement, toutes et chacune des ces dispositions se
lisent les unes par rapport aux autres et viennent se compléter.
Maintenant, je ne sais pas, quant à votre dernière suggestion, je
n'en ai pas pris note.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: J'allais exprimer moi aussi mon opinion sur les
"sou3-réserve" parce que, à toutes fins utiles, cela n'annonce
rien et cela ne veut à peu près rien dire, dans le cadre d'un
Code civil comme celui-là dont toutes les dispositions doivent
s'interpréter les unes par les autres. Vous aviez amorcé, Me
Pineau, une certaine formulation pour éviter l'écueil de la
représentation quand il s'agit du mineur qui semblait
intéressante.
M. Pineau: C'est la loi qui prévoit un régime de
représentation ou d'a3sistance.
M. Cossette: Oui, d'assistance, c'est certain, en vue d'en
arriver à un régime plutôt qu'à...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que quelqu'un va faire
une formulation?
M. Pineau: Dans certains cas, la loi prévoit un
système de représentation ou d'assistance.
Mme Harel: Est-ce que cela remplacerait le deuxième
alinéa?
Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'on devrait
réécrire l'amendement et le lire correctement, de façon
que ce soit bien clair.
Mme Harel: Quant au premier alinéa, je pense, M. le
Président, qu'il se lirait comme suit: "Toute personne est apte à
exercer pleinement ses droits civils."
Le Président (M. Gagnon): Cela va pour le premier
alinéa?
M. Leduc (Saint-Laurent): Les cas prévus par la loi sont
exercés par un représentant ou par un assistant...
Mme Harel: Pour le premier alinéa, M. le Président,
on peut en disposer?
Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa, tel
qu'il vient d'être lu, c'est l'amendement que j'ai devant moi. Alors,
l'amendement est adopté pour le premier alinéa et on peut
disposer du premier alinéa. Cela va?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Le premier alinéa, tel
qu'amendé, est adopté. Là, on en est au deuxième
alinéa.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Dans
des cas prévus par la loi, ils sont exercés - les droits civils
-par un représentant ou avec l'assistance d'un conseiller?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Harel: J'hésite beaucoup à ajouter à
cette formulation qui est en train de se rédiger. Si vous le voulez, M.
le Président, on pourrait suspendre, le temps qu'une formulation soit
rédigée. À moins que cela soit prêt?
Le Président (M. Gagnon): Vous l'avez?
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer le
deuxième alinéa de l'article 4 par "Dans certains cas, la loi
prévoit un régime de représentation ou d'assistance."
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Est-ce que vous
voulez me donner votre...? Est-ce que l'amendement est adopté? M.
Cossette?
M. Cossette: Je voudrais demander à Me Pineau si cela
serait nécessaire de dire: Dans certains cas, la loi prévoit pour
elle -pour la personne - un régime de
représentation ou d'assistance? Est-ce que les mots "pour elle"
sont nécessaires? Non?
Le Président (M. Gagnon): Alors, on s'entend sur
l'amendement qui remplace le deuxième alinéa de l'article 4 et
qui se lit comme suit: "Dans certains cas, la loi prévoit un
régime de représentation ou d'assistance." C'est cela?
L'amendement est adopté?
Mme Harel: Adopté. M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 5.
Mme Harel: L'article 5 se lit comme suit: "Toute personne exerce
ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est
constaté dans son acte de naissance." Commentaire. Cet article
énonce, comme les articles 56 du Code civil du Bas-Canada et 442 du Code
civil du Québec, le principe qu'une personne exerce ses droits civils
sous le nom qui est constaté dans son acte de naissance, que ce nom soit
celui qui lui a été attribué à la naissance ou
à la suite d'un changement de nom." Il est complété par
l'article 55 proposé, qui prévoit la responsabilité qui
peut résulter de la confusion " ou du préjudice causé par
une personne qui utilise un autre nom que le sien.
Le Président (M. Gagnon): L'article 5 est-il
adopté?
M. Marx: Oui. Sauf qu'il est évident que la femme
mariée pourait utiliser le nom de son mari. Je pense qu'en vertu
de...
Mme Longtin: En vertu de l'article 79 du projet de loi 89...
Conserver l'usage.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: ...avril 1981.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il n'y a pas un certain
danger quand on dit: Et qui est constaté dans son acte de naissance?
Est-ce que cela voudrait dire, à ce moment-là, que la femme ne
pourrait pas utiliser le nom de son époux, comme prévu...?
M. Cossette: C'est prévu dans une loi spéciale,
c'est-à-dire dans l'article 79, de la loi 89 où il est dit
expressément: À partir du 2 avril 1981, la femme mariée
conserve le nom qui lui est donné à la naissance. Il n'y a donc
pas de problème. Quant aux autres, celles qui se sont mariées
avant, elles ont le privilège de pouvoir continuer à utiliser le
nom de leur mari.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il ne peut pas y avoir
confusion vu que la réforme du Code civil arrive après la loi 89?
Est-ce qu'on ne pourrait pas dire qu'on a modifié la loi 89 en disant
qu'il faut absolument que ce soit le nom constaté à l'acte de
naissance?
Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin.
Mme Longtin: Je pense que le texte ici est quand même
conforme au Code civil du Québec et à la politique qui
était inscrite aux articles 440 et suivants du Code civil du
Québec. Quant à l'article 79 de la loi 89, il n'avait qu'un but,
c'était de permettre la conservation de l'usage du nom de leur conjoint
pour les femmes qui l'avaient déjà utilisé, sauf qu'il ne
se prononçait pas de façon formelle, non plus, sur le droit,
à la base, d'exercer ses droits civils sous un autre nom, question qui
avait quand même toujours été un peu en discussion. Je
pense que, pour plusieurs, l'interprétation qu'on donnait à
l'article 56a de l'ancien Code civil du Bas-Canada comprenait le fait que les
gens devaient toujours exercer leurs droits civils sous le nom qui était
donné à l'acte de naissance. C'était donc une
reconnaissance de la coutume qui s'était établie que faisait
l'article 79.
M. Leduc (Saint-Laurent): Que dit l'article 79?
Mme Longtin: II dit: "Les époux mariés, avant
l'entrée en vigueur de la présente loi -donc ici, c'était
le 2 avril 1981 - peuvent, s'ils le désirent, conserver l'usage du nom
de leur conjoint." C'est pourquoi on avait expressément parlé de
l'usage.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas qu'il y a un risque
de confusion avec le nouvel article 5 qui dit "toute personne exerce ses droits
civils sous le nom qui lui est attribué et qui est constaté dans
son acte de naissance"? C'est très précis. Cela contredit
l'article 79, bien sûr.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Enfin, déjà l'article 56a du Code civil
du Bas-Canada stipulait qu'une personne devait exercer ses droits civils
sous
le nom qui est constaté dans son acte de naissance, que ce nom
lui ait été attribué à la naissance ou à la
suite d'un changement de nom. L'article 79 veut que les époux
mariés avant le 2 avril 1981 peuvent, s'ils le désirent,
conserver l'usage de leur nom.
En fait, c'est une disposition transitoire et l'effet de cette
disposition est maintenu puisqu'à partir du 2 avril 1981 les personnes,
les époux mariés...
Mme Longtin: Doivent...
Mme Harel: ...doivent dorénavant...
M. Leduc (Saint-Laurent): Ceux mariés avant peuvent
utiliser le nom du mari. Or, est-ce que cela veut dire qu'en vertu del'article 5 - j'essaie de comprendre désormais, l'épouse
devra utiliser le nom constaté dans son acte de naissance ou...
Mme Longtin: Je pense que la règle de l'article 5
répète essentiellement la règle de l'article 56a qui
prévoit que les nom et prénom donnés à une personne
qui sont réputés être ses véritables nom et
prénom peuvent être changés par une loi de la
Législature et ses droits civils ne peuvent être exercés
que sous ce nom et sous l'un ou plusieurs de ses prénoms à moins
qu'ils n'aient été ainsi changés. Donc, c'est un peu cette
confirmation. Lorsque, dans la loi 89, on a respecté l'usage, on ne
s'est pas prononcé sur cette question de fond qui était
déjà affirmée dans le Code civil et qui est
réaffirmée ici.
M. Leduc (Saint-Laurent): En tout cas, cela me semble... Qu'en
pensez-vous? Est-ce que...
Une voix: Je suis tout à fait d'accord avec Mme
Longtin.
Le Président (M. Gagnon): Alors, cela va? L'article 5
était déjà adopté, c'était des informations
qu'on s'échangeaient. Alors, l'article 5 demeure adopté. Article
6?
Mme Harel: L'article 6 se lit comme suit: "Toute personne est
tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. Celle-ci
se présume toujours." Cet article 6 énonce une nouvelle
règle. Il crée l'obligation d'exercer ses droits civils selon les
exigences de la bonne foi. Cette obligation est le corollaire de l'interdiction
d'abuser de ses droits édictée à l'article 7. Cet article
reprend, de plus, la présomption de bonne foi prévue à
l'article 2202 du Code civil du Bas-Canada. Peut-être pourrions-nous
ajouter que cet article s'inspire de l'article 8 proposé par l'Office de
révision du Code civil et de l'article 1134 du Code civil
français.
M. Marx: La bonne foi se présume surtout en politique et
c'est bien connu.
Mme Harel: Dans les relations privées aussi.
M. Marx: L'Assemblée nationale s'est toujours
inspirée du Code civil parce qu'il est la base de toutes nos lois et
conventions.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Je voulais ajouter tout simplement ceci comme
commentaire. C'est peut-être une curiosité historique. On a
toujours prétendu que nos codificateurs de 1866 avaient oublié
d'inscrire cet article dans le Code civil du Bas-Canada. Alors, on
répare un oubli qui a été fait il y a plusieurs
années.
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: Dans un mémoire, je pense que c'est celui du
Barreau, on indique que la question des exigences est une notion appartenant au
droit de la preuve, et on l'a néanmoins maintenue. Mais je crois que ce
n'est pas une question de droit de preuve, c'est effectivement un
critère d'appréciation de la bonne foi et je pense qu'il est
normal que cela soit maintenu.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. L'article 6 est-il
adopté? (17 heures)
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 7? Mme la
députée.
Mme Harel: L'article 7 se lit comme suit: "Aucun droit ne peut
être exercé en vue de nuire à autrui ou, en l'absence d'un
intérêt sérieux et légitime, de manière
à lui porter préjudice."
Le commentaire est le suivant. Cet article consacre la théorie de
l'abus de droit maintenant reconnue tant en doctrine qu'en jurisprudence. Il
interdit l'exercice abusif d'un droit qui nuit malicieusement à autrui
ou lui porte préjudice sans qu'existe par ailleurs un
intérêt sérieux et légitime à l'exercice de
ce droit. Comme l'article précédent, il introduit au code une
règle reposant sur le respect de valeurs morales et sociales dans
l'exercice des droits.
Il semble que cette théorie de l'abus de droit se retrouve dans
plusieurs code3 civils récents.
M. Pineau: Est-ce que je peux poser une question, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui. M. Pineau.
M. Pineau: En définitive, est-ce que l'article 7 dit autre
chose que ce que la jurisprudence d'aujourd'hui dit, en ce sens qu'il y a abus
de droit lorsqu'il y a exercice fautif d'un droit?
M. Cossette: J'hésite toujours à répondre
à une question qui demande un peu de réflexion, mais je croirais
que oui. Je serais porté à le croire.
M. Pineau: C'est la même chose. Sans intérêt
sérieux et légitime.
M. Cossette: Oui.
M. Marx: Ce matin le Barreau avait une objection sérieuse
à cet article.
M. Pineau: M. le Président, si vous le permettez.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Pineau: Le Barreau a posé une question ce matin: Y
a-t-il une différence entre "en vue de nuire" et "avec l'intention de
nuire"? L'article 8 du projet 106 indiquait: "On ne peut exercer un droit avec
l'intention de nuire à autrui", et ce nouvel article 7 vient dire:
"Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui."
Est-ce la même chose ou y a-t-il une différence? C'est
l'intention.
M. Cossette: Je pense que cela indique une intention, oui.
Le Président (M. Gagnon): Cela va-t-il?
Mme Harel: C'est ce que l'on retrouve généralement
dans la doctrine et dans la jurisprudence, cette formulation qui est
proposée.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir au juste ce que cela
veut dire. Personnellement, je préférerais la proposition de
l'ORCC qui me semble...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent, puis-je vous demander d'approcher un peu votre microphone?
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me semble beaucoup plus logique
quand on dit: Nul ne peut exercer un droit en vue de nuire à autrui ou
de manière à causer un préjudice hors de proportion avec
l'avantage qu'il peut en retirer. D'abord, il faudrait qu'on m'explique
l'article 7 et qu'on me donne un exemple. Je ne vous cache pas que j'ai de la
difficulté à comprendre cet article. L'article proposé par
l'office de révision me semblait très limpide.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Vous voudriez avoir un exemple d'abus de droit,
est-ce cela?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
M. Cossette: Je suppose qu'on est des voisins à
Charlesbourg. J'ai un terrain de 100 x 100 et vous avez un terrain de 100 x
100. Du côté de ma ligne de division vous avez une magnifique
piscine qui est ensoleillée au moment où on se parle mais, parce
que j'ai le droit de me construire une magnifique clôture de mon
côté, je décide de me construire une clôture de 20
pieds de haut vous privant ainsi du soleil autour de votre piscine. Je pense
que le fait pour moi de construire une clôture de 20 pieds serait sans
doute considéré par les tribunaux comme étant un abus de
mon droit de construire une clôture. On pourrait dire: Vous pourriez
arrêter après 4 pieds et cela serait suffisant. C'est un
exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me va assez bien. Ensuite, vous
dites "ou, en l'absence d'un intérêt sérjeux et
légitime, de manière à lui porter préjudice". S'il
y a un intérêt sérieux et légitime, à ce
moment il n'y a pas de problème.
M. Cossette: À compter du moment où j'ai un
intérêt sérieux et légitime, c'est bien sûr
que, si je vous poursuis demain matin parce que vous m'avez diffamé ou
que vous m'avez frappé indûment, je vais vous porter
préjudice parce que vous allez être obligé de me payer,
admettons, 25 000 $ en dommages et intérêts, mais, à ce
moment, j'ai un intérêt sérieux et légitime à
le faire. Vous avez brisé ma réputation, vous m'avez cassé
les dents...
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est une question d'évaluation.
L'article proposé par l'office de révision parlait d'un
préjudice hors de proportion avec l'avantage qu'il peut en retirer. Il
mettait certaines balises, alors que l'article 7 n'en a aucune.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve et, après, ce sera M. Pineau?
Mme Harel: En fait, c'est le critère de
proportionnalité qui diffère puisqu'il y avait un tel
critère entre le préjudice causé et l'avantage qui pouvait
en être retiré. Cela pouvait restreindre l'exercice de certains
droits plutôt que de le favoriser.
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: Ce sont deux critères d'appréciation qui
sont différents. Chacun
d'eux a ses mérites et ses inconvénients mais, en adoptant
le critère de l'intérêt sérieux et légitime,
qu'en serait-il de l'entreprise qui s'installe avec toutes les autorisations
dont elle a besoin et qui produit des fumées polluantes? Est-ce que
cette usine a un intérêt sérieux et légitime et, en
conséquence, il n'y a pas d'abus de droit?
M. Cossette: Ponctuellement, je vous répondrais par un
autre article qui est dans le projet, mais cela ne serait pas correct, je
pense.
Mme Longtin: Je pense qu'il pourrait y avoir abus de droit dans
la mesure où l'exercice dépasse une certaine limite qu'on appelle
la limite inhérente à l'exercice du droit et qui est un
critère très flou.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 7 est-il
adopté?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 8? Mme la
députée.
Mme Harel: L'article 8 se lit comme suit: "On ne peut renoncer
à la jouissance des droits civils, mais on peut renoncer à leur
exercice- dans la mesure où le permet l'ordre public." Le commentaire
est le suivant. Cet article s'inspire de l'article 11 du rapport de l'office et
indirectement de l'article 13 du Code civil du Bas-Canada. Il affirme le
principe que l'on ne peut renoncer à la jouissance des droits civils
puisque cette jouissance est essentiellement liée à la
personnalité juridique et à l'existence humaine, et qu'elle ne
peut en être dissociée, alors qu'on peut renoncer à
l'exercice de ses droits dans les limites permises par l'ordre public.
Par ailleurs, cet article ne reprend pas la notion de bonnes moeurs
parce que, d'une part, elle n'a plus la signification et la portée
qu'elle avait dans la société québécoise
d'autrefois et que, d'autre part, elle est aujourd'hui comprise dans la notion
d'ordre public, lorsqu'on se réfère à des conduites
illicites ou criminelles.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Pineau? Puis-je vous
demander, encore une fois, d'approcher un peu votre micro?
M. Pineau: M. le Président, "On ne peut renoncer à
la jouissance des droits civils", je dois dire que je ne saisis pas très
bien ce que cela signifie parce que la jouissance des droits civils, c'est
quelque chose d'extrêmement vague. Je comprends que, si l'on veut dire
que l'on ne peut pas renoncer à la capacité de jouissance
générale, c'est exact, mais ce n'est pas exactement ce que l'on
dit. Que signifie "renoncer à la jouissance des droits civils"? De la
même façon, on dit: On a la pleine jouissance des droits civils.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'on a la capacité de
jouissance générale, n'est-ce pas? C'est cela que l'on veut dire,
mais il existe ce que certains appellent des incapacités de jouissance
spéciales, qui sont des interdictions de contracter.
Alors, on peut renoncer à une incapacité de jouissance
spéciale. C'est en ce sens que cet article 8 me paraît quelque peu
ambigu. Peut-être qu'on pourrait tout simplement supprimer la
première partie de la phrase: "On ne peut renoncer à la
jouissance des droits civils", et dire tout simplement: "On peut renoncer
à l'exercice des droits civils dans la mesure où le permet
l'ordre public." C'est l'ambiguïté de cette renonciation à
la jouissance des droits civils, car je peux abandonner un droit.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je souhaiterais que des commentaires soient
apportés. Il me semblait que l'économie générale de
ce projet consistait à distinguer la capacité de la jouissance
sans faire la distinction entre jouissance générale et jouissance
spéciale mais, enfin, il y avait peut-être là une mauvaise
interprétation de ma part. Alors, je demanderais aux spécialistes
d'apporter leurs commentaires.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Longtin.
Mme Longtin: Ce qu'on a voulu exprimer, c'est effectivement
relié à l'article 1 où on avait exprimé que tout
être humain a la pleine jouissance des droits civils. C'est de reprendre
ici en disant qu'il ne peut renoncer à cette jouissance ou à la
plénitude de cette jouissance.
M. Pineau: ...à la pleine jouissance des droits civils,
peut-être, mais vous voyez le problème de l'incapacité
spéciale.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Est-ce que la deuxième partie de la phrase ne
permet pas de comprendre la première? La deuxième partie de la
phrase se rapporte bien à la renonciation à l'exercice des droits
civils.
M. Pineau: Je comprends bien cela, mais le fait qu'on ne veuille
pas parler de la capacité de jouissance générale fait que
l'expression "avoir la jouissance de ses droits civils", c'est ambigu. Avoir la
jouissance de
droits ou la jouissance de biens, on peut penser à
l'usufruit.
Mme Harel: Si vous me le permettez, M. le Président, nous
allons vous proposer de suspendre l'étude de cet article 8 et nous y
reviendrons.
Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous d'accord? Nous
suspendons l'étude de l'article 8 et on entreprend l'article 9.
Mme Harel: II y a un amendement qui est introduit et qui se lit
comme suit: Supprimer tout ce qui suit les mots "qui intéressent l'ordre
public". L'article 9, tel qu'amendé, se lirait donc comme suit: "Dans
l'exercice des droits civils, il peut être dérogé aux
règles du présent code qui sont supplétives de
volonté; il ne peut cependant être dérogé à
celles qui intéressent l'ordre public." L'article se termine par un
point. Alors, je vous relis?
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!
Mme Harel: L'article 9, tel qu'amendé: "Dans l'exercice
des droits civils, il peut être dérogé aux règles du
présent code qui sont supplétives de volonté; il ne peut
cependant être dérogé à celles qui
intéressent l'ordre public."
Le commentaire général est le suivant. Cet article
s'inspire de l'article 13 du Code civil du Bas-Canada, à savoir qu'on ne
peut déroger dans l'exercice des droits civils aux dispositions qui
intéressent l'ordre public. Il complète ce principe en y ajoutant
son corollaire, soit qu'on peut déroger aux règles qui sont
supplétives de volonté. En second lieu, afin de faciliter
l'application du principe... En fait, encore ici, le projet de loi supprime la
référence au concept de bonnes moeurs, car l'acte juridique qui
porte atteinte aux bonnes moeurs porte généralement atteinte
à l'ordre public, et la convention immorale qui déroge à
l'ordre public demeure interdite.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Harel: J'aimerais que Mme Longtin ou M. Cossette apporte des
commentaires sur l'amendement qui consiste à biffer le dernier membre de
l'article 9. C'est à la suite de la rencontre avec Me Crépeau.
(17 h 15)
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Non. Ce sont surtout des représentations qui
nous ont été faites, en particulier par un juge de la Cour
supérieure, qui nous reprochait de ne pas avoir distingué entre
des dispositions d'ordre public et des dispositions d'intérêt
public. Ce sont évidemment des distinctions qu'il faut faire dans les
termes qu'on emploie et qu'on ne faisait pas, dans l'article 9 en particulier.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de se référer
à ces distinctions dans le texte de l'article 9 pour qu'il ait la
portée qu'on veut bien lui donner, avec ce qu'il en reste.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Est-ce que cela
va? Est-ce que l'amendement à l'article 9 est adopté?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 9, tel
qu'amendé, est adopté?
M. Marx: Oui. On n'a pas d'autre... Oui.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'on est
maintenant prêt à revenir à l'article 8 ou si on le laisse
suspendu avant de changer le...
Des voix: Oui.
M. Marx: Je pense que cela serait mieux d'adopter tous les
articles d'un même chapitre et de ne pas changer de chapitre parce qu'on
va se perdre, vraiment. On peut suspendre les travaux pour trois ou quatre
minutes.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous...? On va
suspendre les travaux pour trois ou quatre minutes de façon à
rédiger...
Mme Harel: Si c'est possible. M. Marx: Oui.
Mme Harel: Alors, on suspend pour quelques minutes et on revient
ensuite, s'il est possible de le formuler ou de vous donner notre point de
vue.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Une voix:
D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Alors, les travaux sont
suspendus pour trois ou quatre minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M. Gagnon): À l'article 8, qui
était suspendu, je crois que maintenant nous avons l'amendement.
Mme Harel: Oui, M. le Président,
l'article 8 serait remplacé par le texte suivant: "On ne peut
renoncer à l'exercice de ses droits civils que dans la mesure où
le permet l'ordre public."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je pourrais avoir cet
amendement?
Mme Harel: M. le Président, je reprends pour faire la
modification suivante dans l'amendement que j'ai annoncé qui remplace
l'article 8 et qui se lit comme suit: "On ne peut renoncer à l'exercice
des droits civils que dans la mesure où le permet l'ordre public."
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Cet amendement est-il
adopté? L'article 8, tel qu'amendé, est adopté. Article
10?
De certains droits de la personnalité
De l'intégrité de la personne
Mme Harel: L'amendement, de nature purement formelle, introduit
à l'article 10 supprime, à la deuxième ligne du
deuxième alinéa, le mot "ne", de façon que l'article 10,
tel qu'amendé, se lise comme suit: "Toute personne est inviolable et a
droit à son intégrité. "Nul ne peut lui porter atteinte
sans son consentement libre et éclairé ou sans que la loi
l'autorise."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est
adopté?
Mme Harel: C'est à la suite de recommandations d'un
linguiste que cet amendement est apporté.
Mme Longtin: C'est qu'on nous a fait remarquer que nous
utilisions assez fréquemment, dans le projet, un "ne" explétif
après le "sans que" et que Grévisse nous en fait reproche.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que... Oui...
Mme Harel: M. le Président, si vous me le permettez, je
vous lirai le commentaire sur l'article 10.
Le Président (M. Gagnon): ...Mme la députée,
oui.
Mme Harel: Cet article reprend le principe de
l'inviolabilité de la personne humaine exprimé actuellement
à l'article 19 du Code civil du Bas-Canada mais il y ajoute deux
nuances: le droit à l'intégrité de la personne et le
principe que le consentement doit être libre et éclairé.
L'atteinte à l'inviolabilité provient de tierces personnes, alors
que l'atteinte à l'intégrité peut provenir de la personne
elle-même. Les exceptions légales à l'inviolabilité
se justifient d'ailleurs par le droit à l'intégrité. C'est
le cas, notamment, aux articles 12, 14 et 15, tel que proposés.
Par ailleurs, même si tout consentement doit être libre et
éclairé, il peut être important de préciser ses
caractéristiques en raison de l'importance de ces dispositions pour la
personne et de la complexité des décisions à prendre en
cette matière.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va pour
l'article 10, M. Pineau?
M. Pineau: En ce qui concerne la formulation, je trouve que cela
résonne assez mai que d'entendre dire "toute personne a droit à
son intégrité"; c'est l'intégrité de la personne.
Je ne sais pas s'il y a possibilité de le formuler autrement, mais
serait-il déraisonnable de dire "l'inviolabilité et
l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux"? C'est
simplement une question d'oreille: "Toute personne a droit à son
intégrité."
M. Cossette: Vous suggérez qu'on enlève le "son",
donc "a droit à l'intégrité", est-ce cela?
M. Marx: Non.
M. Pineau: Non. "L'inviolabilité et
l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux".
Le Président (M. Gagnon): En fait, vous suggérez de
remplacer la première ligne...
M. Pineau: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): ...par la phrase que vous venez
de mentionner.
M. Pineau: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): L'inviolabilité...
M. Pineau: "L'inviolabilité et l'intégrité
de la personne sont des droits fondamentaux". C'est tout simplement pour avoir
"de la personne" à côté d'intégrité. Parce
que, lorsqu'on dit "son intégrité", c'est une personne
intègre.
M. Marx: Le linguiste a vu l'erreur dans le deuxième
alinéa, mais pas dans le premier, c'est cela.
M. Pineau: L'inviolabilité et l'atteinte à
l'intégrité, ce sont deux notions distinctes,
effectivement.
Mme Harel: "L'inviolabilité et l'intégrité
sont des droits fondamentaux de la personne."
M. Pineau: Non. "L'inviolabilité et
l'intégrité de la personne sont des droits fondamentaux."
Mme Harel: II faudrait modifier le deuxième
alinéa?
Une voix: Pardon?
Mme Longtin: En fait, la difficulté que je vois à
la formulation que vous suggérez, c'est de réaffirmer quelque
chose qui est clairement, comme tel, indiqué dans la charte même
des droits, puisque, sous le chapitre 1 sur les libertés et droits
fondamentaux, le premier article affirme le droit à la vie, à
l'intégrité. (17 h 30)
Mme Harel: Je vais faire un commentaire qui n'est pas celui d'une
spécialiste. La formulation n'est peut-être pas appropriée,
mais elle a l'avantage d'attribuer à la personne ses droits fondamentaux
d'inviolabilité et d'intégrité physique, tandis qu'une
autre formulation, malgré qu'on puisse en trouver peut-être une
qui soit pleinement satisfaisante, qui affirme l'inviolabilité et
l'intégrité de la personne comme des droits fondamentaux semble
avoir un sens, une nuance qui n'est pas de même nature que celle
d'attribuer à la personne l'inviolabilité et
l'intégrité.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette. M. Cossette:
Je continue de réfléchir.
M. Pineau: Évidemment, cela ressemblerait davantage
à une déclaration de principe, effectivement, plutôt
qu'à une règle de droit. Vous avez peut-être raison.
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce qu'on s'en
tient...
Mme Harel: Le chapitre premier s'intitule "De
l'intégrité de la personne." Ma crainte serait que cela puisse
être intéressant, une affirmation de droits fondamentaux, mais il
y a là une nuance...
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Cela serait peut-être le rôle de la
doctrine de les qualifier de cette façon éventuellement.
M. Pineau: Quant au fond, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Gagnon): Alors, on s'en tient à la
formulation, si je peux voir.
M. Marx: On va laisser la formulation et...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est
adopté?
Mme Harel: Qui consiste à supprimer le "ne" au
deuxième alinéa.
M. Marx: Oui, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que c'est
adopté?
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 10, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 11?
Mme Harel: L'article 11 se lit comme suit: "Nul ne peut soumettre
une personne à des soins médicaux ou autres sans son
consentement, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de
traitements ou d'autres interventions." Cet article constitue une des
applications les plus fréquentes et importantes du droit à
l'inviolabilité et à l'intégrité de la personne.
Même si ce principe n'est pas codifié actuellement, il est
conforme au principe du droit et à la pratique médicale au
Québec.
En commentaire supplémentaire, peut-être est-ce utile
d'ajouter que l'article emploie le mot "soins" dans un sens
générique pour recouvrir toute espèce d'examens, de
prélèvements, de traitements ou d'interventions de nature
médicale, psychologique ou sociale requis ou non par l'état de
santé physique ou mental.
M. Marx: Ce n'était pas ce matin, c'était la
semaine passée que la Chambre des notaires a déposé son
mémoire. Il y avait une objection à l'article 11 et je pense
que...
Une voix: Et à l'article 12.
M. Marx: Aux articles 11 et 12, d'accord. Ils ont mis les deux
ensemble, les articles 11 et 12.
Le Président (M. Gagnon): L'article 11 est-il
adopté?
M. Pineau: Si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Pineau: Simplement, je me demande si les mots "sans son
consentement" c'est le consentement de la personne, de sorte que je me demande
si on ne doit pas dire "sans le consentement de celle-ci". Est-ce que "son
consentement" ne se rattache pas au sujet qui est "nul"? Nul ne peut soumettre
une personne à des soins médicaux ou autres sans le consentement
de celle-ci, sans le consentement de la personne, qu'il s'agisse d'examens, de
prélèvements, traitements ou autres interventions ou bien sans
qu'elle y consente.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
Mme Harel: Sans qu'elle y consente, est-ce que c'est une
formulation qui serait...
M. Pineau: Sans le consentement de celle-ci.
Mme Harel: Sans le consentement de celle-ci.
Une voix: C'est beau comme cela.
Le Président (M. Gagnon): C'est beau, oui. Est-ce que je
peux avoir un petit bout de papier? "Sans le consentement de celle-ci". Cet
amendement sera-t-il adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Une voix: Qui va nous le faire parvenir?
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau est en train de
l'écrire.
M. Marx: Mme Longtin va...
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'amendement est
adopté et l'article 11, tel qu'amendé, est adopté. Article
12?
Mme Harel: L'article 12 se lit comme suit: "Le consentement aux
soins médicaux n'est pas requis en cas d'urgence lorsque la vie de la
personne est en danger, à moins que ceux prévus ne soient
inusités ou inutiles et que leurs conséquences puissent
être intolérables pour la personne. "Il en est de même en
cas d'urgence lorsque l'intégrité de la personne est en danger et
que son consentement ne peut être obtenu en temps utile."
Commentaires. Cet article reprend partiellement le principe de l'article
43 de la Loi sur la protection de la santé publique en
établissant qu'aucun consentement n'est requis pour donner des soins ou
traitements lorsque la vie d'une personne est en danger. Cependant, afin de
préserver la dignité humaine, certaines exceptions sont
prévues. Il s'agit des cas où les traitements prévus sont
inusités ou inutiles et que leurs conséquences peuvent être
intolérables pour la personne concernée. Ce sera le cas, en
particulier, lorsqu'un traitement est inutile parce qu'une personne est dans la
phase terminale d'une maladie réputée mortelle et que la mort est
certaine. Dans ce3 cas, les établissements respectent
généralement la volonté d'une personne qui demande
d'abandonner les traitements et lui prodiguent les seuls soins
nécessaires pour diminuer les souffrances. Les autres exceptions visent
à protéger la personne contre un traitement inusité auquel
elle n'a pas consenti. L'importance de la souffrance, le caractère
inusité et le risque d'échec du traitement nous semblent devoir
justifier une exception à la règle prévue.
Cet article ajoute aux règles actuelles le cas où
l'intégrité d'une personne est en danger et qu'il est impossible
d'obtenir le consentement en temps utile. Cette modification est conforme
à la pratique médicale actuelle et se fonde à la fois sur
le droit à l'intégrité et sur le droit à
l'inviolabilité puisqu'on devra respecter le refus de traitement
manifesté en temps utile.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez un amendement, Mme la
députée?
Mme Harel: II y a un amendement qui est de pure forme et qui
introduit à la deuxième ligne du premier alinéa, en
remplacement du mot "ceux", les mots "les soins" de façon que le
deuxième alinéa se lise comme suit, tel qu'amendé: "II en
est de même en cas d'urgence - à la deuxième ligne du
premier alinéa... Donc l'article se lirait comme suit: "Le consentement
aux soins médicaux n'est pas requis en cas d'urgence lorsque la vie de
la personne est en danger, à moins que les soins prévus ne soient
inusités ou inutiles".
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que cet
amendement est adopté? Adopté?
M. Marx: Un instant. Est-ce que la députée de
Maisonneuve a tenu compte des représentations de la Chambre des
communes...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Marx: ...de la Chambre des notaires? Je veux que cela soit
supprimé des débats! J'aimerais juste lire les commentaires de la
Chambre des notaires sur les articles 11 et 12 et peut-être peut-on
réfléchir sur ces commentaires. Je cite: "Le comité
reconnaît que la nouvelle version du premier alinéa de
l'article 12 prévoit toujours une exception importante à la
règle voulant que le consentement aux soins médicaux ne soit pas
requis en cas d'urgence ou lorsque la vie de la personne est en danger. Cette
version laisse néanmoins subsister des cas où les traitements
médicaux pourraient être imposés à une personne
majeure contre sa volonté. Le comité estime qu'une telle
règle est inacceptable car elle porte atteinte au principe de
l'inviolabilité de la personne humaine. La seule exception à ce
principe devrait, à notre avis, être le cas où il est
impossible en cas d'urgence d'obtenir en temps utile le consentement de la
personne concernée. C'est pourquoi nous recommandons la suppression du
premier alinéa de l'article 12 du projet."
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Si vous me le permettez, j'aimerais peut-être
vous faire rapidement la lecture du commentaire qui est préparé
à la suite de cette représentation qui a été
faite.
M. Marx: Parfait. Oui.
Mme Harel: Des groupes entendus en commission parlementaire sur
une disposition semblable du projet de loi 106 ont suggéré de
respecter le refus de traitement d'un majeur doué de discernement,
même en cas d'urgence, lorsque sa vie est en danger. Autrement dit, ces
groupes recommandent d'établir la même règle que dans les
cas où l'intégrité de la personne est en danger:
procéder aux soins sans consentement lorsque ce consentement ne peut
être obtenu en temps utile, mais respecter toutefois le refus de
traitement dans tous les cas où une personne est en état de poser
un choix libre et éclairé. Selon eux, leur position respecte
l'opinion dominante au Québec et correspond à la pratique
médicale. Elle est fondée sur les principes de
l'inviolabilité de la personne, du respect de sa liberté et sur
la primauté qu'il faut accorder au principe de la qualité de la
vie sur celui de sauver la vie humaine à tout prix, malgré le
refus de la personne. Cependant, la doctrine, la jurisprudence et, sans doute,
l'opinion ne sont pas unanimes sur ce point. Ainsi, dans trois cas
récents, la Cour supérieure a autorisé un
établissement de santé à pratiquer les interventions
médicales nécessaires au maintien de la vie d'une personne
malgré le refus de la personne elle-même ou des personnes
habilitées à consentir pour elle. Par ailleurs, plusieurs groupes
entendus en commission parlementaire n'ont pas manifesté d'opposition au
principe contenu à l'article proposé. Quant à la
Commission de réforme du droit du Canada, dans ses études
consacrées à la qualité de la vie, elle maintient la
criminalité des actes d'euthanasie et d'aide au suicide. Elle accepte
cependant qu'un médecin qui aurait respecté le refus d'une
personne de se soumettre à un traitement ne pourrait être
poursuivi en vertu du Code criminel. La commission n'affirme donc pas le droit
absolu de refuser un traitement, même lorsque la vie est en danger, mais
elle aborde la question par le biais de la responsabilité criminelle du
médecin.
Si vous me le permettez, M. Cossette pourrait peut-être ajouter un
supplément d'explications.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Je voudrais dire que ce qu'on trouve dans l'article
12, c'est un choix. C'est un choix entre deux thèses, ou deux
théories si on veut, l'une favorisant la vie et l'autre favorisant
davantage la liberté. Le choix qu'on a fait a été un choix
pour la vie. Si, dans les circonstances suivantes, par exemple, j'allais dire
à mon médecin: Laissez-moi mourir, j'ai les deux bras
cassés, les deux jambes cassées, l'estomac défoncé,
laissez-moi mourir...
M. Marx: Je pense qu'il devra vous écouter!
M. Cossette: Je ne pense pas!
M. Marx: Non, n'est-ce pas?
(17 h 45)
M. Cossette: Je pense qu'il faut soigner cette personne. D'autres
disent: Non, laissez-la mourir si c'est sa volonté. Je ne suis pas
convaincu qu'une personne, dans de telles circonstances, ait tout
l'éclairage voulu pour donner un consentement valable et pour exprimer
une opinion valable. Elle est sous l'effet d'un choc. Elle est souventefois
sous l'effet d'une piqûre. J'accepterais difficilement qu'on me laisse
mourir malgré la volonté que j'exprime à ce
moment-là, volonté qui n'est pas ma volonté réelle.
D'ailleurs, une expérience nous a été racontée pas
plus tard qu'il y a une dizaine de jours. C'est le cas d'un clochard de
Montréal qui est entré à l'hôpital parce qu'un bon
policier l'a ramassé et l'a transporté à l'hôpital.
Après examen, on en a conclu qu'il fallait couper les deux jambes de cet
homme parce que la médecine voulait que, si on ne les lui coupait pas,
il allait mourir. Effectivement, il a exprimé à son
médecin la volonté de mourir. Il a dit: Moi, je suis clochard, je
suis tanné d'être clochard, etc. Malgré sa volonté,
on est allé chercher une autorisation à la Cour supérieure
de Montréal, qui l'a accordée. On lui a coupé les deux
jambes et cet homme, aujourd'hui, est en bonne santé, il est
très
heureux et il remercie ses médecins de l'avoir soigné.
M. Marx: Oui, mais c'est...
M. Cossette: Ce qu'on retrouve dans l'article 12, c'est cette
option. Je pense que c'est la bonne, personnellement, mais on peut avoir des
opinions contraires.
M. Marx: Si c'est la bonne, le médecin sera capable,
à chaque fois, de vous sauver la vie et ce n'est pas sûr et
certain, cela. On va forcer quelqu'un à subir certains soins et, deux
jours ou quelques heures plus tard, cette personne va mourir. J'ai vu cela
à l'hôpital, où on fait tout pour la personne qui veut
mourir, on prend toutes les mesures nécessaires pour la sauver et elle
décède quelques heures plus tard. Je comprends qu'on veuille
protéger la vie des personnes contre elles-mêmes, le cas
échéant, mais... C'est le problème d'imposer des soins
médicaux contre la volonté d'une personne qui est attachée
à des machines quand ce sont les machines qui la font vivre.
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Non, pour cette partie, je pense que...
M. Marx: Cela ne concerne pas cet article.
M. Cossette: Dans le 12, on dit que, si les soins sont devenus
inutiles, à ce moment-là, on peut débrancher et cela
règle le problème.
M. Marx: Oui, mais "inutiles"... Le médecin pourrait bien
dire: Ce n'est pas inutile, c'est utile.
M. Cossette: Oui mais, habituellement, le médecin consulte
les membres de la famille avant de le faire.
M. Marx: II y a le droit de mourir d'une façon... Tout le
monde va mourir, à un moment donné, et...
M. Cossette: Mais personne ne veut mourir.
M. Marx: Oui, c'est cela. On va laisser le médecin choisir
le moment. Pardon?
M. Leduc (Saint-Laurent): II y en a qui ne sont pas
pressés.
Mme Demers (Laurence): ...au ministère des Affaires
sociales.
Mme Harel: Peut-être faudrait-il que vous vous
identifiiez.
Le Président (M. Gagnon): Oui, madame.
Mme Demers: Je suis Laurence Demers, du ministère des
Affaires sociales.
Le Président (M. Gagnon): Laurence Demers.
Mme Demers: Oui.
M. Marx: Du ministère des Affaires sociales, c'est
cela?
Le Président (M. Gagnon): Oui, vous avez la parole.
Mme Demers: Pour répondre à M. Marx, actuellement,
il y a beaucoup de médecins qui nous font valoir qu'une des raisons pour
lesquelles il y a de l'acharnement thérapeutique et qu'ils font des
opérations et des traitements quand les personnes peuvent
décéder quelques heures après, c'est qu'ils ne sont pas
protégés par la loi, actuellement. Ils disent: On n'a rien;
alors, on ne le sait pas. Si on ne fait pas tout pour sauver la vie, même
si c'est peut-être un traitement inutile, qu'on sait qu'il est inutile,
on se sent "insecure" face à la législation. Certains
médecins que j'ai consultés nous disent: Un texte comme
celui-là va nous rassurer; on va se sentir moins obligés
d'intervenir si c'est inutile et même si cela a des conséquences -
c'est une autre expression qui est employée. Souvent, ils nous disent:
L'acharnement thérapeutique, c'est souvent à cause des
conséquences qu'on craint. Si on ne fait pas tout pour sauver la vie, on
craint d'être poursuivi par la famille, on craint d'être
blâmé par les autorités des établissements de
santé. C'est surtout cela.
Mme Harel: En fait..
M. Marx: C'est un autre son de cloche.
Mme Harel: Oui. Le point de vue, c'est comment éviter
l'acharnement thérapeutique, d'une part; et, d'autre part, permettre,
lorsque la personne est dans la phase terminale d'une maladie mortelle, qu'elle
puisse éviter des soins qui lui apparaissent intolérables ou
inutiles.
M. Marx: Bon.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? Oui.
M. Marx: Bon.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
Est-ce que l'article 12, tel qu'amendé, est adopté?
M. Marx: Oui.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 13?
Mme Harel: L'article 13 se lit comme suit: "Le mineur de quatorze
ans peut consentir seul aux soins exigés par son état de
santé. "Toutefois, si son état requiert qu'il soit gardé
dans un établissement de santé ou de services sociaux pendant
plus de douze heures, le titulaire de l'autorité parentale ou son tuteur
doit en être avisé."
Commentaire sur l'article 13. Cet article reprend l'article 42 de la Loi
sur la protection de la santé publique et établit, d'une part,
qu'un enfant de quatorze ans, doué de discernement, peut consentir seul
aux examens et traitements requis par son état de santé et,
d'autre part, que les parents doivent être avisés si le mineur
doit être gardé plus de douze heures en établissement.
Il modifie cependant le droit actuel en n'obligeant plus le
médecin ou l'établissement à aviser les titulaires de
l'autorité parentale ou le tuteur lorsque l'adolescent est soumis
à des traitements prolongés. Cette modification se justifie par
le fait que la nécessité de traiter l'adolescent, en particulier
dans les cas de maladies vénériennes ou de narcomanie, prime les
pouvoirs et responsabilités du titulaire de l'autorité parentale
et du tuteur.
L'approche préconisée par l'article 13 permet aussi
d'assurer, en conformité avec l'article 9 de la Charte des droits et
libertés de la personne, le secret de la confidence faite par le mineur
au professionnel à qui il se confie.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? M.
Pineau.
M. Pineau: Je me suis posé la question suivante: Que se
passe-t-il si ce mineur de quatorze ans refuse de se faire soigner? Est-ce que
c'est terminal? Je me demande si la modification qui est apportée
à l'article 16, alinéa 2, vient répondre à la
question. L'article 16, alinéa 2, qui serait ajouté par un
amendement que vous allez apporter, dit: L'autorisation du tribunal est aussi
requise si un mineur ou un majeur privé de discernement exprime
clairement son refus de recevoir des soins. Est-ce que cet alinéa 2
répond à cela?
M. Cossette: Règle votre objection? M. Pineau:
Oui.
M. Marx: Je ne suis pas d'accord avec cela. Cela me choque un
petit peu, parce que j'ai des enfants; peut-être que ceux qui n'ont pas
d'enfant, cela les choque moins. J'ai une fille de quinze ans. Si elle
était soignée par un médecin, je pense que je devrais en
être avisé tout de suite. Je pense que j'ai une certaine
responsabilité envers ma fille; donc, je veux être informé
tout de suite.
M. Cossette: Non, parce que, si elle sait que vous êtes
informé, elle n'ira pas se faire soigner parce que, si elle a une
maladie vénérienne, par exemple, elle ne vous en parlera pas.
Mme Harel: C'est un souhait qui vous honore, M. le
député de D'Arcy McGee. J'ai aussi une fille de dix ans et
j'espère bien qu'elle m'en informerait. Mais la question est de savoir
quelle est la situation où elle peut recevoir les soins, où on
peut lui garantir les soins et c'est là que le problème se
pose.
M. Cossette: Je pense que les Affaires sociales ont beaucoup
d'expérience, peut-être, de ce côté-là.
Mme Demers: Cette disposition...
Le Président (M. Gagnon): Mme
Demers.
Mme Demers: ...c'est-à-dire, la disposition qu'on retrouve
à cet article, on l'a déjà dans la Loi sur la protection
de la santé publique. La seule modification qui y est faite, ce sont les
traitements prolongés. Quand cette disposition a été
introduite, il y a plusieurs années, disons que cela visait, à ce
moment-là, l'alcoolisme, la toxicomanie et les maladies transmises
sexuellement.
M. Marx: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela. Je
pense qu'on est mineur mais on est majeur... Il y a tellement d'exceptions que,
si on veut faire état de toutes les exceptions, quelqu'un qui a quatorze
ans sera majeur.
M. Cossette: ...médical.
M. Marx: Non, mais il y a d'autres articles qui touchent d'autres
choses et ainsi de suite. Je pense...
M. Cossette: En fait, la...
M. Marx: ...qu'il nous reste quelque chose comme la famille.
Est-ce que c'est... Je pense qu'il y a une valeur d'avoir des familles et que
les parents soient responsables de leurs enfants, que les enfants aient un
certain devoir vis-à-vis de leurs parents. Dans l'ancien Code civil que
j'ai étudié, c'était cela. Maintenant, tout le monde pour
soi-même, tout le monde peut
garder ses secrets, à quatorze ans, à treize ans, à
douze ans, pour chaque adolescent, il y a une autre règle. Je pense que,
si un enfant de quatorze ans est malade, ce serait une bonne idée que
ses parents soient mis au courant. Cela, c'est "the old school", c'est la
vieille école, mais je pense que cela va revenir parce que le pendule
est en train de revenir, peut-être un peu.
Je pense que, si ma fille est malade, je veux savoir qu'elle est malade.
C'est comme si ma femme est malade, je veux le savoir. J'espère qu'ils
aimeraient savoir que, moi, je suis malade. Le cas échéant, je
vais ajouter cela. Non, mais je pense qu'il y a une responsabilité
vis-à-vis de chacun dans la famille et si c'est comme cela, que l'enfant
de quatorze ans a droit à ses secrets maintenant, je ne suis pas tout
à fait d'accord avec cela.
Mme Harel: Je pense qu'on peut justement souhaiter ne pas
être, comme parent, d'accord avec cette disposition mais, en tant que
législateur, la question à se poser, c'est: Doit-on chercher
d'abord à ce que les parents soient informés ou doit-on chercher
d'abord à ce que ces enfants de quatorze ans, ces adolescents soient
soignés? En posant la question de cette façon, je pense qu'il y a
des inconvénients et c'est un peu la balance des inconvénients
qu'on doit évaluer. Je conçois qu'on n'apporte pas
nécessairement la même réponse. On ne la souhaite pas dans
ses relations privées comme parent, cette réponse qu'on peut
apporter comme législateur. Mais, entre le désir légitime
que vous avez d'être informé et celui d'autant plus
légitime que vous pouvez avoir que la personne de quatorze ans et plus
soit soignée... Et, si le fait d'être informé
l'écartait de l'accessibilité à des soins, qu'est-ce que
vous choisiriez?
M. Marx: Je veux juste être informé et aider la
personne, le cas échéant. Un enfant de quatorze ans peut aller et
être soigné par un médecin X mais, si les parents sont au
courant que l'enfant est malade, on peut, par exemple, consulter des
spécialistes, consulter d'autres médecins. Ce n'est pas juste une
question d'être informé, c'est une question que les parents ont
plus d'expérience...
Le Président (M. Gagnon): Je vais vous faire une
suggestion, M. le député de D'Arcy McGee. On aura tout le temps
d'ici à 20 heures pour réfléchir à cela. Je
suspends les travaux jusqu'à 20 heures. Nous nous réunirons
à 20 heures à la salle 91.
Mme Harel: Est-ce que l'ajournement est déjà
effectif? J'aurais aimé déposer le projet de loi portant
réforme...
Le Président (M. Gagnon): On peut rouvrir seulement pour
ce dépôt. Oui.
Mme Harel: Si vous me permettez, cela me permettrait de faire le
dépôt des amendements, dans leur version anglaise, au projet de
loi 20, de la version anglaise définitive. Alors, M. le
Président, je fais le dépôt de cette version anglaise.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions poursuit ses travaux afin de faire l'étude
détaillée du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes, des successions et des
biens.
À la suspension, nous en étions rendus à discuter
de l'article 13 du chapitre premier. Je ne me souviens plus de qui avait la
parole. Ah, on devait faire une séance de travail pour discuter...
À ce moment, on n'est pas obligé d'enregistrer les
débats.
M. Marx: On va suspendre pour deux minutes.
Le Président (M. Gagnon): On va suspendre deux ou trois
minutes pour voir si on s'entend sur le calendrier de travail qui a
été proposé.
(Suspension de la séance à 20 h 8)
(Reprise à 20 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 13 faisait
l'objet de la discussion avant l'heure du dîner. M. le
député de D'Arcy McGee, je crois que vous aviez la parole.
M. Marx: C'est cela, M. le Président. Je pense que les
enfants ont des devoirs et des responsabilités comme leurs parents.
Peut-être que ce sont les parents qui ont des responsabilités et
des devoirs, mais je trouve tout à fait normal que le médecin
avise les parents des soins nécessaires pour l'enfant. Est-ce qu'un
enfant de quatorze ans peut vraiment choisir les soins nécessaires? Il y
a aussi la question de choisir un spécialiste, de magasiner pour avoir
le bon spécialiste, le cas échéant. 11 y a toutes sortes
de décisions à prendre. Lorsque l'enfant est malade, il ne va pas
seulement voir n'importe quel médecin sur n'importe quelle rue avec sa
carte-soleil et cela s'arrête là. Je pense qu'il y a des choix
à faire. Si c'est au médecin
ou au parent de choisir, pour moi, le parent serait mieux placé
pour prendre une décision. Ce serait la même chose pour un parent
qui ne peut pas décider et pour qui quelqu'un doit choisir; j'aimerais
plutôt que ce soit mon enfant que mon médecin. Je pourrais mieux
me fier à mes enfants ou à mes parents qu'à un
étranger. Franchement, les médecins sont loin d'être des
dieux. Je trouve cela comment dirais-je...
Il y a la responsabilité parentale. Est-ce que les articles 1053
et 1054 existent encore? Si l'enfant commet une faute, les parents sont
responsables. Si j'ai un enfant qui est malade, je veux être le premier
à le savoir parce que, si c'est une maladie contagieuse, étant
donné que cet enfant habite chez moi, j'aimerais être au courant.
Je pense que cela pourrait être important. Si c'est une maladie qui se
tranmet facilement, cela peut être transmis à un autre enfant dans
la famille. Je pense que tout cela, c'est utile. Ici, on dit: II n'y a aucune
responsabilité parentale; un enfant qui est malade peut aller voir
n'importe quel médecin, n'importe où et ce n'est pas
nécessaire que les parents soient mis au courant. Je trouve que c'est
une mauvaise politique, surtout pour la famille.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Le problème, M. le député de
D'Arcy McGee, c'est que ce choix que vous posez entre une décision des
parents, de préférence à celle du médecin ou du
professionnel de la santé, peut ne rester que théorique puisqu'il
y a eu plusieurs représentations devant la commission à savoir
que bien des adolescents refuseraient de se faire traiter, soit pour des
maladies vénériennes ou pour des problèmes de drogue,
s'ils apprenaient que cette information serait donnée à leurs
parents ou de peur qu'elle ne soit donnée à leurs parents. Ce
choix reste bien théorique.
Dans le projet de loi 106, il y avait, je pense, une disposition qui
faisait obligation d'aviser les parents.
M. Marx: C'est une obligation de... Mme Harel: D'aviser
les parents. M. Marx: Oui.
Mme Harel: II y a eu beaucoup d'intervenants du milieu
médical qui sont venus faire des représentations...
M. Marx: Cela fait leur affaire.
Mme Harel: ...pour retrancher cette obligation, des intervenants
du milieu des urgences sociales, en faisant valoir qu'il y avait certainement
des inconvénients. Il y a sûrement des problèmes
relationnels entre les parents et les enfants dans la mesure où les
enfants ne portent pas à la connaissance de leurs parents les
difficultés qu'ils rencontrent, et qu'il valait mieux assurer aux
enfants ou aux adolescents de plus de quatorze ans, puisque c'est d'eux qu'il
s'agit, de bénéficier des soins appropriés ou des
traitements appropriés.
M. Marx: Si l'enfant a treize ans et sept mois, le médecin
va-t-il dire: Je vais téléphoner tout de suite à vos
parents pour vous? Oui? On semble dire oui.
Mme Harel: C'est ce qui est requis par la loi.
M. Marx: C'est ce que dit l'article, oui.
Mme Harel: C'est ce qui est requis par la loi.
M. Marx: Oui. Je suis d'accord. Les médecins qui se sont
présentés en commission - je me souviens vaguement de cela -
avaient-ils des statistiques, des données? Je me souviens qu'ils ont
parlé dans ce sens. De toute façon, je trouve difficile
d'accepter cela. On est en train de dire que la famille est irresponsable,
qu'on ne peut pas se fier aux parents et que les parents ne peuvent pas se fier
aux enfants. Si on ne veut pas valoriser la famille, l'article 13 est bien
placé. C'est un choix à faire.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Vous savez, M. le député de D'Arcy
McGee, que c'est la pratique médicale actuelle, puisque c'est la
disposition de la Loi sur la protection de la santé publique, à
l'article 42, qui est reprise. Je ne fais pas erreur de penser que dans le
projet de loi 106 il y avait quand même l'obligation d'aviser, tandis que
la on reprend simplement l'article 42 de la Loi sur la protection de la
santé publique. Je pense que cette loi est adoptée depuis 1972 et
que c'est de la pratique médicale depuis un très grand nombre
d'années.
M. Marx: Je n'étais probablement pas d'accord en 1972,
mais je n'étais pas ici pour m'opposer. S'il y a un problème de
drogue et s'il est question de maladie vénérienne,
peut-être peut-on spécifier que ce soit cela. C'est là le
problème. On veut couvrir deux maladies, mais on couvre tout. Je ne suis
pas d'accord avec cela. De toute façon, je vois que je suis un peu seul
ici avec le président qui ne va pas intervenir.
Le Président (M. Gagnon): Je dois vous dire que j'aurais
le droit d'intervenir maintenant dans nos nouvelles commissions parlementaires.
Le point qu'a soulevé Mme la députée de Maisonneuve est,
justement, celui qu'il faut soulever, c'est que des mineurs refusent de se
faire soigner par crainte que les parents ne soient avisés et ainsi de
suite. En même temps, je comprends très bien ce que vous
mentionnez. Mais il est important qu'on leur donne cette protection.
M. Marx: Si c'est pour les deux raisons que la
députée de Maisonneuve a données, on a juste à
changer l'article pour dire: Le mineur de quatorze ans peut consentir seul aux
soins exigés par les maladies... et lister les deux. Mais apparemment ce
n'est pas uniquement cela. Qu'y a-t-il d'autre?
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être savoir
quelle est la proposition que vous faites, M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Quant à moi, je ne mettrais pas cet article.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que vous mettriez?
M. Marx: Je pense que les parents doivent être
avisés en tout temps. S'il y a un problème spécifique pour
deux maladies, je ferais cette concession pour les deux maladies, mais on n'est
pas prêt à faire cela. On dit que ce sont ces deux maladies, mais
il y a aussi d'autre chose.
Une voix: La SIDA.
Mme Harel: M. le député de D'Arcy McGee,
j'hésiterais beaucoup à jouer aux apprentis sorciers en
définissant le type de traitements ou de maladies.
M. Marx: Oui, je sais, mais si le problème est là,
supposons que ce soit une maladie facilement transmissible, je veux savoir si
quelqu'un dans ma famille est malade, parce que je vis avec cette personne et
que je ne veux pas que ce soit transmis soit à moi ou à d'autres
personnes de la famille. Cela est élémentaire.
Mme Harel: C'est tout à fait légitime que, comme
parent, vous cherchiez à vous enquérir de l'état de
santé, au sens large, de vos enfants. À ce moment, c'est par la
situation relationnelle que vous allez entretenir et non pas en tant que
législateur.
M. Marx: II ne faut pas que cela soit une maladie qui soit
transmise facilement. Supposons que j'aie sept enfants. Si l'enfant de quatorze
ans a une maladie qui se transmet facilement - ce n'est pas nécessaire
de me le dire! Cela peut être attrapé par les six autres, mais
cela n'est pas important! Je pense que c'est cela, le problème.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 13 sera
adopté? M. le député de Saint-Laurent?
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais avoir une autre
explication. Pourquoi avez-vous modifié la rédaction de l'article
16 du projet de loi 106? L'article 16 disait: "Le mineur de quatorze ans
doué de discernement..."
Mme Harel: C'est la question du consentement aux soins. On va y
revenir.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, c'est la même chose:
"...peut consentir seul à un examen ou à un traitement
exigé." C'est au même effet.
Mme Harel: C'est à la suite des représentations de
l'Association des centres de services sociaux et également de l'AHPQ,
l'Association des hôpitaux. Ce sont des représentations qui ont
été faites, puisque dans le traitement prolongé - si on
fait référence à des maladies liées à la
toxicomanie, à la drogue ou à des maladies
vénériennes - il est possible que ce soient des traitements ou
des thérapies qui ne nécessitent pas d'être gardés
dans un établissement; alors, on ne couvre que lorsque l'adolescent est
gardé dans un établissement pendant plus de douze heures.
Le Président (Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: Je pense que dans l'article 13 on a enlevé
l'expression "doué de discernement" parce que dans l'article 14 on nous
dit: "Le consentement du mineur de moins de quatorze ans ou non doué de
discernement." Donc, l'article 14 couvre ce que l'on a enlevé dans
l'article 13.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, l'article est au même
effet, sauf que c'était prévu à l'article 14.
Mme Harel: Je pensais, M. le député de
Saint-Laurent, que vous faisiez référence au fait qu'avait
été écarté le fait que, lorsque l'adolescent est
soumis à des traitements prolongés, il y ait avis. Des
traitements prolongés, cela peut-être une thérapie.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Est-ce que l'article 13
sera adopté?
M. Marx: Adopté, mais, quant à moi, je ne suis pas
d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Mais, vous
l'adoptez.
M. Marx: Je ne peux pas arrêter le soi-disant
progrès, mais je ne suis pas d'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 13 est adopté.
L'article 14?
M. Marx: Oui, M. le notaire Cossette.
M. Cossette: Je voulais, tout simplement, que Me Demers, qui est
ici, vous donne des renseignements additionnels au sujet de l'obligation du
médecin de soigner un enfant qui est atteint d'une maladie transmise
sexuellement ou encore qui aurait contracté une maladie qui peut
dégénérer en une épidémie, par exemple, je
pense à la variole, à la varicelle ou à des choses comme
cela.
Mme Demers: La Loi sur la protection de la santé publique
prévoit certaines maladies qui sont décrétées par
règlement et qui sont à traitement obligatoire. Cela veut dire
que la personne, dès que le diagnostic est établi, doit se faire
traiter. Si elle ne se fait pas traiter, il y a une déclaration qui est
produite au ministre et transmise au CLSC de la région et à ce
moment les mesures sont prises; il y a des poursuites pénales. Dans la
Loi sur la protection de la santé publique, il y a certaines maladies
à traitement obligatoire. (20 h 30)
M. Marx: À traitement obligatoire, mais pas...
Mme Demers: À déclaration au ministre des Affaires
sociales, mais pas aux parents.
M. Marx: Pas aux parents, c'est cela.
Mme Demers: II n'y a pas de distinction entre les mineurs et les
majeurs, à ce moment-là.
M. Marx: L'enfant peut avoir une maladie qui...
Mme Demers: L'enfant de quatorze ans et plus est traité
comme un adulte à ce moment-là. S'il a une maladie à
traitement obligatoire, les parents ne sont pas davantage avertis.
M. Marx: Un enfant de quatorze ans peut avoir une maladie qui
peut être transmise facilement à toute la famille et le
médecin n'est pas obligé d'aviser les parents.
Mme Demers: Non. Sauf que la personne doit se faire traiter si
c'est une maladie à traitement obligatoire.
M. Marx: Elle doit se faire traiter.
Mais comment va-t-on la forcer? Supposons que l'enfant aille chez le
médecin aujourd'hui et n'y retourne pas, que va-t-il arriver? Quelles
seront les contraintes? Est-ce qu'on va mettre l'enfant en prison si elle ou il
ne reçoit pas les soins prévus par la loi?
Je vois le problème. Mais ce n'est pas nécessaire de
traiter du problème "at large" pour couvrir tout et n'importe quoi. Si
vous voulez me dire qu'il y a une ou deux maladies qui font problème, on
couvre une ou deux choses qui font problème dans la Loi sur la
protection de la santé publique. Pour moi, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 14 est-il adopté?
Mme Harel: 11 y a un amendement; je vais faire lecture de
l'amendement. Aux première et deuxième lignes, remplacer les mots
"non doué" par le mot "privé". L'article 14 tel qu'amendé
se lirait comme suit: "Le consentement du mineur de moins de quatorze ans ou
privé de discernement à des soins exigés par son
état de santé est donné par le titulaire de
l'autorité parentale ou par son tuteur."
Cet amendement vise à préciser le sens du concept
d'absence de discernement. L'expression "non doué" peut être
interprétée comme une absence de discernement qui existe depuis
la naissance: la personne n'a jamais eu de discernement. En revanche, le mot
"privé" peut signifier aussi bien une absence de discernement depuis la
naissance qu'une perte de discernement, voire même une perte
temporaire.
Le commentaire sur l'article 14 est le suivant: Cet article reprend
l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique qui
prévoit que le titulaire de l'autorité parentale consent pour le
mineur âgé de moins quatorze ans. Il ajoute, cependant, deux
choses à la règle du droit actuel. D'une part, il prévoit
le cas du mineur non doué de discernement et, d'autre part, il
prévoit, vu le nouveau rôle du tuteur au projet de loi, que le
tuteur peut également donner ce consentement. En effet, l'article
précédent prévoit que le mineur de quatorze ans peut
consentir seul à des soins requis par l'état de santé.
Sous-jacent à cette règle existe le principe que ce mineur est
présumé, de prime abord, capable de consentir. Cependant, s'il
est manifestement non doué de discernement suffisant pour consentir, la
règle de l'article 14 trouvera application.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Marx: Le but de l'amendement qui dit "privé"?
Mme Harel: "Privé", puisque, en fait, le
mot "privé" peut signifier aussi bien une absence temporaire
qu'une absence définitive de discernement. L'expression "non
doué" serait interprétée comme une absence qui existe
depuis la naissance.
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: M. le Président, voilà une locution
"doué de discernement" ou "privé de discernement" qui revient
très souvent dans le projet et je me demande si ce ne sera pas là
une source de litiges parce que qu'est-ce que le discernement? Qui a le
discernement? Quand a-t-on du discernement? J'ai relevé un mot de La
Bruyère "Après l'esprit de discernement, ce qu'il y a au monde de
plus rare, ce sont les diamants et les perles." Alors, cela fait un peu peur,
n'est-ce pas?
Un enfant peut très bien être capable de discerner
certaines choses, le bien du mal, le noir du blanc, et être inapte
à donner un consentement valable. Or, ce qui est important ici, c'est
qu'il soit apte ou inapte à donner un consentement valable. Je me
demande s'il ne vaudrait pas mieux parler d'aptitude à donner un
consentement, plutôt que de discernement. Je ne sais pas si je m'exprime
clairement.
Une voix: Oui.
M. Pineau: On peut avoir l'esprit de discernement. Chaque enfant,
à chaque âge, a un certain discernement, mais il n'est pas
nécessairement apte à donner un consentement valable. Alors, je
me demande si on ne pourrait pas dire, par exemple: Le consentement est
donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur,
lorsque le mineur a moins de quatorze ans ou qu'il est inapte à
consentir seul à des soins exigés par son état de
santé.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je pense qu'on aurait
peut-être avantage à reprendre la suggestion de Me Pineau.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ce serait possible?
Est-ce que vous l'avez écrite?
M. Pineau: Oui, mais je l'ai mal écrite. Le consentement
est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le
tuteur lorsque le mineur a moins de quatorze ans ou qu'il est inapte à
consentir seul à des soins exigés par son état de
santé.
Mme Harel: Si j'ai bien compris, vous proposez que nous lisions
dorénavant, en concordance, les articles en remplaçant "non
doué de discernement" par "inapte à consentir seul à des
soins exigés par son état de santé", par exemple à
l'article 15 et aux suivants.
M. Pineau: Oui. Il y aurait, à ce moment-là, des
ajustements à faire. À l'article 15, on pourrait lire...
Le Président (M. Gagnon): Aux articles 15, 16...
M. Pineau: ...Lorsque le majeur est inapte à consentir
à des soins exigés par son état de santé, le
consentement est omis. Oui, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): ...17, 18.
M. Marx: Est-ce que le mot "discernement" se retrouve dans le
Code civil du Bas-Canada?
Une voix: Non. M. Marx: Non.
M. Pineau: Capable de discerner le bien du mal, mais c'est
différent.
Une voix: Oui, oui.
Mme Longtin: C'est un concept qui a déjà
été utilisé lorsqu'on a fait, en 1971, je pense, le titre
sur la jouissance des droits civils, aux articles 18 et suivants. Par exemple,
à l'article 20, on dit: "Un majeur peut consentir par écrit
à l'aliénation entre vifs." On utilise, par rapport au mineur,
l'expression "doué de discernement". On la retrouve aussi à
l'article 21. Donc, effectivement, c'est en reprenant cette notion qu'on a
rédigé ces articles. Enfin, vous nous demandez, comme cela, de
changer un peu de registre dans...
M. Marx: Comment les juges ont-ils défini ces mots ou ces
articles?
M. Frénette (Aidée): II n'y a pas eu de
problème en jurisprudence, sauf que là, c'est peut-être un
cercle vicieux. Si on dit "une personne apte ou non à consentir", c'est
qu'elle est douée de discernement ou pas. On ne va pas plus loin, je
pense, en ayant l'aptitude à consentir. Quand les tribunaux vont essayer
d'établir si la personne est apte à consentir, ils vont regarder
si elle a le discernement suffisant pour consentir à des soins.
Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du Journal des
débats...
M. Frénette: Je m'excuse, Aidée
Frénette.
Le Président (M. Gagnon): ...le dernier intervenant
était M. Frenette.
M. Frenette: Parce qu'il y a au moins un groupe qui avait
suggéré l'aptitude, une personne apte à consentir, je
pense que c'était l'association des handicapés.
M. Leduc (Saint-Laurent): Dans l'ancien code, on retenait surtout
la notion d'incapable. Un incapable, c'était quelqu'un qui
n'était pas doué de discernement, à mon sens.
Mme Longtin: C'est une expression qui est entrée dans le
code avec les articles 18 à 21 parce qu'auparavant - lorsqu'on arrive
à l'article 986, on parle de personne aliénée ou souffrant
d'aberration temporaire ou de faiblesse d'esprit - on n'utilisait pas le
concept "doué de discernement". C'est simplement aux articles 18
à 21 qu'il est utilisé. L'office de révision,
évidemment, utilisait les expressions "doué de discernement" ou
"privé de discernement".
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce qu'on a un
amendement ou si on n'en a pas?
Mme Harel: "Doué de discernement", effectivement,
était utilisé par l'office aussi. Alors, à moins qu'il y
ait une suggestion formelle, je pense qu'on pourrait peut-être revenir au
texte de l'article 14 tel que rédigé.
M. Marx: On laisse la décision à la
députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Gagnon): Oui, voilà. Est-ce que
l'amendement à l'article 14...
M. Marx: Même s'il y a deux députés...
Mme Harel: II y a une présomption qui joue en faveur de la
rédaction.
M. Marx: ...libéraux et seulement un député
péquiste, on laisse le... Un péquiste pèse plus lourd que
deux libéraux dans cette commission, ce soir.
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce...
Mme Harel: On peut peut-être invoquer des arguments en
faveur, disons, de la continuité du droit et des propositions de
l'office.
Le Président (M. Gagnon): Oui. Est-ce qu'on maintient
votre amendement, Mme la députée de Maisonneuve?
Mme Harel: Afin de remplacer...
Le Président (M. Gagnon): Les mots "non doué" par
le mot "privé".
Mme Harel: ...les mots "non doué" par le mot
"privé".
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Oui. Est-ce que
l'amendement à l'article 14 est adopté? Mme la
députée de Maison-neuve.
Mme Harel: M. le Président, peut-être pourrions-nous
le mettre en réserve et faire l'exercice de voir quelles seraient les
concordances à faire de façon à bienexaminer ce
remplacement du terme "non doué de discernement" par celui de "inapte
à consentir seul". Nous pourrions, en fait, le rediscuter,
peut-être à la fin de cette semaine ou la semaine prochaine.
M. Marx: On peut adopter l'article tel que proposé par la
députée de Maisonneuve, quitte à y revenir. On peut
toujours modifier l'article plus tard.
Le Président (M. Gagnon): Cela voudra dire que, si vous
changez le terme, comme on le retrouve à plusieurs articles, celaprendrait un article de concordance qui fait que partout où se
retrouve ce terme...
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais quelle est la définition de
"non doué de discernement"?
M. Marx: Quelqu'un qui est incapable. Le Président (M.
Gagnon): M. Cossette.
Mme Harel: Enfin, il y a plusieurs interprétations.
M. Leduc (Saint-Laurent): Un enfant de dix ans est capable de
donner un consentement, mais peut-être qu'il n'est pas en mesure de
discerner.
Mme Harel: Cela peut être une absence de discernement. La
question est de savoir si cela fait référence à une
absence qui est définitive, permanente ou temporaire. De là
venait cette proposition d'amendement afin de remplacer les mots "non
doué" par "privé".
M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a pas une grosse
différence, à mon sens, entre "non doué" ou
"privé". Je pense bien qu'on joue sur les mots. Le mot important,
c'est
"discernement".
M. Marx: Mais, si...
M. Leduc (Saint-Laurent): Me Cossette, quelle est, d'après
vous, la définition de "doué" ou "non doué de
discernement"?
M. Marx: Je m'excuse, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: ...je vais répondre à la question du
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Excusez-moi, j'aurais dû vous
poser la question. (20 h 45)
M. Marx: Je me suis posé la même question, mais,
dans ses remarques, la députée de Maisonneuve a dit: "Sous-jacent
à cette règle existe le principe que ce mineur est
présumé, de prime abord, capable de consentir. Cependant, s'il
est manifestement non doué de discernement suffisant pour consentir, la
règle de l'article 14 trouvera application." "Non doué du
discernement", cela veut dire qu'il est incapable de consentir. Je pense que
c'est cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est un incapable
mental?
Le Président (M. Gagnon): M. Cossette.
M. Cossette: Quand on emploie l'expression "mineur doué de
discernement", je comprends que c'est un mineur qui est capable de distinguer
entre prendre un verre d'eau et un verre de médicament. Il sait que ceci
va le soigner, tandis que cela va le désaltérer. C'est être
capable de distinguer l'eau d'un remède, de distinguer aussi le bien du
mal et de distinguer différentes choses.
Une voix: C'est cela.
M. Pineau: Vous apportez de l'eau à mon moulin parce que,
s'il est capable de distinguer l'eau, le...
Une voix: Bien oui.
Le Président (M. Gagnon): Un à la fois. Est-ce que
vous avez terminé?
M. Cossette: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Si l'enfant est capable de discerner le verre d'eau du
verre rempli de médicament, cela ne veut pas dire, pour autant, qu'il
est apte à donner un consente- ment valable. S'il sait distinguer le vin
rouge de l'eau, c'est excellent pour lui, mais cela ne veut pas dire, pour
autant, qu'il soit apte à passer un contrat. Quand on dit discernement,
on pense immédiatement aux facultés mentales. Alors,
vis-à-vis du majeur protégé, on comprend mieux cette
expression mais vis-à-vis du mineur... Un mineur est doué de ce
discernement, sur le plan pénal, à sept ans, dit-on.
Mme Harel: Évidemment, il faut toujours lire cette
expression dans le contexte où c'est "non doué de discernement
à des soins exigés par son état de santé."
L'interprétation ne peut se faire qu'en regard de l'article.
M. Marx: Cela a déjà été dit, on
retrouve ce mot dans le Code civil du Bas-Canada. Est-ce que c'est
interprété? Est-ce que les juges l'ont appliqué? Il n'y a
pas de jurisprudence.
Mme Longtin: En fait, implicitement...
Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin, oui.
Mme Longtin: ...je pense que les tribunaux, semble-t-il, ont
quand même presque accepté... C'est toujours une notion qui est
implicite dans les jugements, lorsqu'on dit: Tel enfant était capable de
savoir ce qu'il faisait dans telle circonstance, lorsqu'il a accepté,
par exemple, de donner telle chose à son frère; je pense aux
greffes de moelle osseuse, entre autres. Peut-être que le concept que M.
Pineau nous suggère est équivalent parce que peut-être
qu'implicitement, lorsqu'on dit "doué de discernement", on dit:
Doué du discernement suffisant pour consentir à l'égard de
telle chose qui lui est proposée. Sauf que, comme je le mentionnais, on
nous propose de changer de registre dans une expression qu'on utilise depuis un
certain temps. Finalement, je pense que la proposition de Mme la
députée était de dire: Continuons de travailler avec
"doué de discernement" pour l'instant et, pendant ce temps, nous, on va
faire l'exercice mental de transposition.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, juste une autre question: Qu'est-ce qu'on trouve
dans la doctrine sur ce mot? Est-ce qu'on essaie de tout définir dans la
doctrine? Est-ce qu'on a défini "discernement" dans la doctrine? Cela
n'avancera pas la discussion. D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, on accepte
la suggestion de Mme la députée de Maisonneuve d'adopter
l'article tel quel et on continue la réflexion; s'il y avait des
changements dans les termes, on pourrait faire la concordance plus tard. Cela
va?
M. Marx: Oui.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'on l'adopte tel
qu'amendé...
M. Marx: Oui.
Mme Harel: ...en remplaçant les mots "non doué" par
le mot "privé".
Le Président (M. Gagnon): D'abord, on va accepter
l'amendement. Est-ce que l'amendement est adopté? Et, par la suite,
l'article 14 est adopté, tel qu'amendé.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: Oui.
Mme Harel: Étant entendu que nous allons faire l'exercice
de voir quel est l'effet, en fait, d'un remplacement.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Article 15?
Mme Harel: L'article 15. L'amendement, à la
première ligne, consiste à remplacer les mots "non doué"
par le mot "privé" et c'est une modification de concordance avec
l'amendement apporté à l'article 14.
L'article 15 se lit comme suit: "Le consentement du majeur non
doué de discernement à des soins exigés par son
état de santé est donné par son tuteur ou curateur. S'il
ne peut être ainsi représenté en temps utile ou si
l'absence de discernement est temporaire, le consentement est donné par
le conjoint ou, à défaut de conjoint ou en cas
d'empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par une personne qui
démontre pour le majeur un intérêt particulier." J'aurais
dû lire, M. le Président, "le consentement du majeur privé
de discernement", etc.
Le Président (M. Gagnon): D'accord, "privé de
discernement".
Mme Harel: Alors, le commentaire. Cet article est nouveau et
vient clarifier le droit actuel considéré comme plutôt
ambigu sur cette question. En effet, peu nombreux sont les majeurs non
doués de discernement pourvus d'un curateur. Souvent, ils sont
gardés en établissement et un certain nombre d'entre eux
considérés malades mentaux se retrouvent sous Curatelle publique
à la suite de la délivrance d'un certificat médical
attestant qu'ils sont incapables d'administrer leurs biens. Même si, en
pratique, le Curateur public consent au traitement à la place de ces
personnes gardées en établissement et non pourvues d'un curateur
privé, la loi n'établit pas clairement cette
responsabilité.
Par ailleurs, dans bien d'autres cas, des majeurs non doués de
discernement de façon constante ou temporaire ne sont pas sous Curatelle
privée ou publique. Or, qui peut consentir pour eux? Le droit actuel est
silencieux. Cet article vise donc à permettre que le majeur non
doué de discernement, de la même façon que le mineur,
puisse bénéficier du consentement libre et éclairé
d'un représentant qui soit son tuteur ou son curateur.
Cependant, comme il n'est pas toujours possible de faire nommer un
représentant en temps utile ou que l'absence de discernement peut
être temporaire, l'article prévoit aussi que dans ces cas le
consentement peut être donné par le conjoint, un proche parent ou
une personne qui démontre pour le majeur un intérêt
particulier.
La modification proposée se justifie par le principe de
protection du majeur non doué de discernement et est cohérente
avec l'obligation des établissements de dispenser les soins.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Avant d'avoir consulté toutes
ces personnes, j'ai bien l'impression que la personne va avoir le temps de
mourir. Il va falloir, d'abord, vérifier s'il est tuteur ou curateur,
sinon on va s'adresser au conjoint, sinon, on va s'adresser à un proche
parent ou à une personne qui démontre pour le majeur un
intérêt particulier. Qui va déterminer que cette personne
démontre pour le majeur un intérêt particulier? J'ai
l'impression que ce sont des mots, mais en pratique, comment cela va-t-il se
produire? Comment cela va-t-il se dérouler?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: D'abord, je pense qu'il faut noter, M. le
député de Saint-Laurent, que c'est justement pour résoudre
le problème qui se pose lorsqu'il n'est pas possible de nommer un
représentant en temps utile, soit parce qu'il n'est justement pas
possible de le nommer en temps utile ou parce que l'absence de discernement est
temporaire. Ce n'est que dans ces cas qu'intervient le consentement d'un proche
parent, d'un
conjoint ou d'une personne qui démontre pour le majeur un
intérêt particulier. Alors, cela vient plutôt simplifier que
complexifier, puisque lorsqu'il n'y a pas de représentant, il pourrait y
avoir, à ce moment, un consentement qui puisse venir des proches.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux bien, mais qui va
établir qu'il a un intérêt particulier? Qui va
déterminer cela? Disons qu'il n'y a pas de conjoint, il n'y a pas de
parent et là, il faut essayer de trouver quelqu'un qui a un
intérêt particulier. Cela veut dire quoi, avoir un
intérêt particulier? Qui va déterminer qu'une personne a un
intérêt particulier?
M. Cossette: Je vous donnerais tout simplement un exemple comme
réponse. J'imagine deux vieux garçons qui ont 75 ans. Ils
demeurent ensemble depuis 40 ans et ils se sont toujours bien entendus.
À un moment donné, il y en a un des deux qui tombe malade. Je
pense que c'est un exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez le cas le plus facile.
M. Cossette: Non, non, mais c'en est un. Je pourrais vous en
donner d'autres.
Mme Harel: Cela pourrait être la personne qui conduit le
majeur non doué de discernement dans un établissement, qui lui
prodigue...
M. Leduc (Saint-Laurent): Prenons le cas du clochard.
M. Cossette: Cela pourrait être...
M. Leduc (Saint-Laurent): Cas moins facile, disons, le
clochard.
M. Cossette: Un autre exemple plus facile qui me vient à
l'esprit est celui du curé pour sa bonne de maison. Cela pourrait
être un exemple aussi.
Des voix: Ah! Ah!
M. Cossette: J'imagine.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Longtin.
Mme Longtin: Disons que, pour un clochard, cela peut être
les gens qui sont responsables assez souvent des maisons d'accueil et qui n'ont
pas de lien de parenté avec ces personnes, sauf que, comme ils les
hébergent probablement de façon assez régulière,
ils pourraient quand même avoir un intérêt pour leur
santé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, cela me va bien, madame. Je veux
savoir qui va déterminer que cette personne a un intérêt.
C'est ce qu'il m'intéresse de savoir. Évidemment, il y a des
soins à donner. Celui qui les donnera fera-t-il cette enquête,
à savoir que c'est le curé et sa bonne ou bien que ce sont deux
vieux garçons? Est-ce qu'il va vérifier s'il y a un
intérêt ou non? Le texte est là, je le vois bien. Je ne dis
pas que le texte est mauvais, mais, en pratique, celui qui donne les soins,
à qui va-t-il demander le consentement?
Mme Longtin: Je pense qu'il n'y a pas une obligation...
M. Leduc (Saint-Laurent): II va aller au tribunal?
Mme Longtin: ...absolue. Il va avoir une obligation de moyen par
rapport aux circonstances qui sont devant lui et à ce qu'il peut obtenir
comme information.
M. Leduc (Saint-Laurent): II est protégé s'il a
fait une certaine démarche?
Mme Longtin: Je ne pense pas qu'on lui demande de faire une
enquête stricte, mais par une interrogation rapide comme on fait dans les
formulaires, on arrive à ces réponses.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela me semble une formule assez
tordue.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 15 est adopté?
Mme Harel: En fait, évidemment, dans la pratique actuelle,
l'administration hospitalière cherche à requérir le
consentement des parents à défaut du conjoint de la personne qui,
le plus souvent, généralement, accompagne la personne dans un
établissement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Elle va faire une enquête, elle
va s'enquérir s'il y a un lien de parenté et, sinon, s'il y a un
intérêt. Comment se fait cette enquête? Est-ce qu'on lui
demande s'il a un intérêt? Il va dire oui.
M. Marx: Avec la conception de la famille qu'on retrouve dans le
Code civil d'aujourd'hui, j'imagine que, si la mère
téléphone à son enfant pour lui dire qu'elle est malade,
l'enfant va appeler un taxi pour aller chercher sa mère et l'amener
à l'hôpital. C'est cela, non?
Mme Harel: Si on pouvait reprendre, M. le député de
Saint-Laurent, un peu la pratique pour, tout d'abord, se rappeler que, s'il y a
un curateur ou un tuteur, son consentement doit être requis à ce
moment.
Si le majeur privé de discernement ne peut pas être
représenté en temps utile - il y a d'abord cette condition - ou
si son absence de discernement est temporaire, à ce moment, intervient
d'abord le conjoint. Mais, à défaut de conjoint, intervient un
proche parent. L'enquête est bien simple. S'il s'agit d'un proche parent,
il s'agit simplement d'obtenir le degré de parenté. À
défaut, d'un proche parent, il y a alors une personne qui
démontre, pour le majeur, un intérêt particulier, j'imagine
- c'est ce qu'on me dit - que, dans la pratique, c'est la personne qui
l'accompagne dans l'établissement.
M. Marx: C'est le chauffeur de taxi.. Des voix: Ahl
Ah!
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
15 est adopté, parce qu'il est de concordance, de toute
façon.
M. Leduc (Saint-Laurent): II a intérêt, il veut se
faire payer.
Le Président (M. Gagnon): L'article 15 tel
qu'amendé est-il adopté?
Mme Harel: Alors, à l'article 16...
Le Président (M. Gagnon): Article 16? (21 heures)
Mme Harel: ...l'amendement suivant est introduit.
Le Président (M. Gagnon): Cela doit être le
même.
Mme Harel: À la deuxième ligne, remplacer les mots
"non doué" par le mot "privé", toujours pour faire concordance.
À la dernière ligne, supprimer le mot "ne", c'est donc un
amendement de nature purement formelle. Enfin, ajouter l'alinéa suivant
- je vous tais lecture de l'alinéa - "Elle est aussi requise si un
mineur ou si un majeur privé de discernement exprime clairement son
refus de recevoir des soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins usuels
ou qu'il n'y ait urgence."
Le commentaire sur ce troisième amendement qui ajoute
l'alinéa est le suivant. Il s'agit d'une modification substantielle
puisque l'autorisation du tribunal est maintenant exigée pour passer
outre au refus clairement exprimé par un majeur privé de
discernement ou un mineur, sauf s'il s'agit de soins usuels ou qu'il y ait
urgence. Cette règle vise à consacrer davantage les principes de
la primauté de la personne et du respect de sa liberté.
Je vous Ils le commentaire concernant l'article 15: Ce texte reprend en
substance le droit actuel tel qu'exprimé au deuxième
alinéa de l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé
publique, ainsi que la recommandation de l'office exprimée à
l'article 122 de son rapport. Il y est prévu cependant, pour
compléter l'article précédent, le cas du majeur non
doué de discernement. Cet article vise donc à assurer la
protection du majeur privé de discernement ou du mineur en lui
permettant de bénéficier d'examens et de traitements
exigés par son état de santé, malgré un refus de la
part de la personne habilitée à consentir lorsque ce refus n'est
pas justifié par son intérêt ou encore en cas
d'impossibilité d'obtenir le consentement de la personne. Les articles
19 et 20 prévoient les critères qui devront servir de guides au
tribunal pour décider d'une demande d'autorisation et mentionnent les
personnes qu'il devra consulter.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.
M. Pineau: M. le Président, sur le deuxième
alinéa que l'on ajoute: "Elle est aussi requise si un mineur ou si un
majeur privé de discernement exprime clairement son refus...", il s'agit
d'une personne qui est privée de discernement et qui va exprimer
clairement son refus. II y a quelque chose qui me gêne un peu, mais je
pense qu'on arrangerait les choses en disant: "Si un majeur privé de
discernement refuse catégoriquement de recevoir des soins."
Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous d'accord, Mme la
députée?
Mme Harel: Toujours, M. le Président, sous réserve
des commentaires des personnes qui m'accompagnent.
M. Marx: C'est prudent.
Le Président (M. Gagnon): Mme Longtin va maintenant
faire...
Mme Harel: La sagesse, c'est une vertu à cultiver.
Mme Longtin: Effectivement, c'est une très bonne
suggestion.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce qu'on pourrait
avoir...
Mme Harel: Cet amendement est donc retenu.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Harel: II consiste à remplacer "exprime clairement son
refus de recevoir" par "refuse catégoriquement", de façon que
l'alinéa modifié se lise maintenant comme suit: "Elle est aussi
requise si un mineur ou
ai un majeur privé de discernement refuse catégoriquement
de recevoir des soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins usuels ou
qu'il n'y ait urgence."
Le Président (M. Gagnon); On considère que la
correction - ce n'est pas un deuxième amendement - a été
faite à l'amendement que vous avez proposé. Cela va?
M. Marx: Elle est aussi requise...
Le Président (M. Gagnon); M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 16, quand on parle
de mineur, est-ce le mineur de moins de quatorze ans?
M. Marx: Je ne le sais pas. Est-ce qu'un enfant de sept ans peut
catégoriquement refuser? C'est le mineur de quatorze ans dont on parle
ici au deuxième alinéa. C'est cela?
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait le dire, sûrement; Un
mineur, habituellement, quand on ne le qualifie pas, c'est une personne de
moins de dix-huit ans.
Mme Harel: Mme Longtin.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Longtin.
Mme Longtin: La proposition visait tous les mineurs.
C'était dans le sens du respect de l'inviolabilité, même si
cela peut être un mineur qui a huit, neuf, dix ou douze ans, s'il refuse
catégoriquement des soins et qu'on n'a pas réussi à le
convaincre de la nécessité de ces soins. L'amendement est dans ce
sens.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela ne répond pas à ma
question.
Mme Harel: Oui. Cela couvre tous les mineurs.
Mme Longtin: Tous les mineurs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Tous les mineurs?
Mme Harel: Oui. Cela couvre tous les mineurs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Dix-huit ans et moins?
Le Président (M. Gagnon): M. Frenette avait quelque chose
à ajouter.
M. Frenette: Ce que je voulais ajouter, c'est que cela exclut,
évidemment, les cas d'urgence et les cas où la vie ou
l'intégrité peut être menacée ou en danger, ce qui
veut dire que c'est quand même des cas moins graves.
Mme Harel: II ne s'agit pas de soins usuels; il ne s'agit pas,
non plus, de cas d'urgence. II faut penser peut-être à des
conflits conjugaux où les enfants sont parfois un peu les otages des
parents et, dans le cas de conflits, à des points de vue familiaux
différents sur les soins à ne pas donner ou à donner
à un enfant.
M. Marx: Si on va à l'hôpital avec un enfant de cinq
ans qui commence à crier, qui ne veut pas être traité, donc
je comprends que c'est un refus catégorique, cela s'arrête
là. C'est cela? Est-ce que c'est ce que cela veut dire? Je veux le
savoir, parce que, quand ma mère m'a amené a l'hôpital,
j'ai souvent refusé catégoriquement et cela ne m'a pas
aidé beaucoup. Je veux savoir ce que cela veut dire ici pour un enfant
de cinq, six, sept ans ou même de trois ans: si l'enfant crie assez fort,
cela peut-il être interprété comme un refus
catégorique?
Mme Harel: D'abord, il faut bien lire cette disposition; elle ne
s'applique pas si ce ne sont que des soins usuels ou s'il y a urgence.
M. Cossette: Et il s'agit aussi de personnes privées de
discernement.
M. Marx: Je comprends cela. Quelqu'un privé de
discernement. Un majeur privé de discernement: peut-être qu'il y a
une distinction à faire entre une telle personne et un enfant de cinq
ans.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Marx: On
attend des explications.
Mme Harel: Peut-être que si nous relisions cet article...
Il faut voir d'abord qu'il y a refus ou impossibilité de la part de la
personne qui peut consentir. Il faut bien lire. Il s'agit du deuxième
alinéa de l'article 16. Donc, prenons le cas d'un mineur; il y a une
personne qui peut consentir, mais cette personne "est dans
l'impossibilité de donner son consentement ou refuse de le faire sans
que son refus ne soit justifié par l'intérêt de la personne
concernée". À ce moment-là, l'autorisation du tribunal est
requise.
Elle est aussi requise s'il y a un refus catégorique de la part
du mineur ou de la personne majeure, mais qui est privée de
discernement, à moins que ce ne soient des soins usuels ou qu'il n'y ait
défaut. S'il y a un refus catégorique du mineur, l'autorisation
du tribunal est requise.
Mais, il faut voir qu'il ne pourrait y
avoir refus catégorique d'un enfant que dans la mesure où
les points de vue des personnes qui sont en autorité auprès de
lui sont très partagés, toujours sur les soins qui ne sont pas
urgents ni usuels, mais sur le type d'intervention, qui pourrait être
chirurgicale ou autre, à apporter dans un cas, je le
répète encore, où il n'y a pas urgence et où ce ne
sont pas des soins usuels.
Là, il peut y avoir des points de vue qui diffèrent de la
part des personnes qui sont en autorité sur ce mineur. Il peut y avoir
des points de vue différents de la part du père ou de la
mère, ou des familles. Je pense qu'il faut lire l'article dans ce
contexte. L'autorisation du tribunal est requise si le mineur refuse
catégoriquement, parce qu'il y aurait argumentation d'un des membres de
sa famille qui lui ferait valoir l'inutilité d'une telle intervention.
Je crois que c'est vraiment dans ce contexte qu'il faut lire cet article.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'essaie de comprendre, si vous le
permettez, M. le Président. On dit: Ou si une personne privée de
discernement exprime clairement son refus.
Mme Harel: Refuse catégoriquement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment une personne privée de
discernement peut-elle...
Le Président (M. Gagnon): Cela a été
corrigé.
M. Leduc (Saint-Laurent) ...s'exprimer? Est-ce que cela a du sens qu'une
personne privée de discernement s'exprime clairement?
Mme Harel: Oui, parce qu'il y a des personnes qui sont
privées de discernement, mais qui peuvent être sensibles à
des valeurs morales qui leur sont présentées. Je pense, par
exemple, à une ligature de trompes ou a quelque autre intervention qui
pourrait être proposée à un majeur privé de
discernement, mais qui peut procéder dans la vie courante. J'en connais
et peut-être en connaissez-vous également qui font des travaux
parfois rémunérateurs, qui se déplacent. Ils peuvent
être invités par un de leurs parents à recevoir un tel type
d'intervention, qu'un autre parent peut contester ou qu'un organisme auquel ils
appartiennent - on peut penser à un organisme religieux ou autre
-conteste. Il peut s'avérer que le majeur privé de discernement
refuse ce type d'intervention au nom de valeurs morales qui lui ont
été inculquées.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais quand on dit "privé de
discernement", est-ce qu'il est sous un régime de protection?
Mme Harel: Pas nécessairement. M. Cassette: Pas
toujours.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pas dans ce cas-ci, pas
nécessairement.
M. Cossette: S'il a un curateur, je pense que le consentement va
être donné par ce dernier, normalement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui. En fait, il est privé de
discernement, mais il n'est pas sous un régime de protection. Qui
évalue qu'il est non doué de discernement à ces fins?
M. Cossette: Prenons comme exemple le fou du village; il y en
avait un peu dans tous les villages. Alors, tout le monde savait qu'il
n'était pas fin. Par contre, rendu à 60 ans, le monsieur a
toujours fumé, a toujours bien mangé. À un moment
donné, on s'aperçoit que ses artères sont bouchées
et qu'il serait peut-être nécessaire de lui couper une jambe, ou
même les deux, pour lui permettre de survivre. Évidemment, on
n'est pas dans un cas d'urgence, ni dans un cas de soins usuels. C'est un peu
extraordinaire, mais, lui, il a toujours marché dans le village depuis
60 ans. Alors, il ne veut pas perdre ses deux jambes. Alors, il exprime
catégoriquement un refus.. 11 ne veut pas perdre ses deux jambes. Par
contre, il serait nécessaire, pour le faire survivre, de lui en couper
deux. Alors, c'est peut-être un exemple d'une personne douée de
discernement...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez toujours des exemples
faciles.
M. Cossette: ...le fou du village, qui exprime
catégoriquement son refus de se voir couper les deux jambes. C'est
peut-être un petit peu farfelu, mais c'est un exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous prenez un exemple facile, encore
là.
M. Cossette: Non, non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Tout le monde du village le
connaît.
M. Cossette: C'est un bel exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais est-ce que, dans les villes, c'est
comme cela que cela se passe? J'ai des doutes.
M. Marx: Cela dépend des villages.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui. Pour le majeur privé de discernement, un
refus catégorique, je comprends ce que l'on veut atteindre par cette
disposition. Mais, en ce qui concerne l'enfant de cinq ans qui émet un
refus catégorique, je suis un peu perdu avec l'objet de cette
disposition. (21 h 15)
Mme Harel: La recommandation était venue de la Commission
des droits de la personne, mais elle couvrait le majeur privé de
discernement.
Une voix: Pardon?
Mme Harel: Elle ne couvrait que le majeur...
M. Marx: Oui, c'est cela.
Mme Harel: ...privé de discernement. Peut-être
pourrions-nous suspendre cet article, mais il m'apparaît qu'il peut se
produire des cas d'interventions, M. le député de D'Arcy McGee.
Pensons à un enfant mineur de dix ou douze ans, ou de quatorze ou quinze
ans. Il faut voir que c'est une intervention qui n'est pas
nécessitée par l'urgence et qui peut être
controversée puisque la médecine n'est pas, non plus, une science
exacte.
M. Marx: Est-ce que c'est un problème aujourd'hui? Il ne
faut pas essayer de régler des choses qui ne se produisent pas. Le
médecin ne va pas faire des expériences avec des enfants. Il y a
cela aussi. Il y a quelques minutes qu'on a adopté l'article 13, qu'on a
dit: Les médecins sont tout à fait responsables et ce n'est pas
nécessaire qu'ils avisent les parents. Mais, si on tombe dans la
situation inverse où on ne se fie pas aux parents ni au médecin,
on donne l'impression de se fier à l'enfant de cinq ans qui va
répéter: Non, non, quinze fois et cela sera un refus
catégorique. C'est ce que cet article veut dire.
Mme Harel: Non, puisqu'il peut y avoir des points de vue
différents sur les diagnostics et les traitements donnés qui
peuvent être partagés par la famille différemment. Mais, si
vous le voulez, on va retirer "à l'article 16...
Le Président (M. Gagnon): Retirer l'amendement?
M. Marx: Non. Si je comprends bien ce que la
députée de Maisonneuve a dit, c'est la Commission des droits de
la personne qui a proposé cet alinéa en ce qui concerne le majeur
privé de discernement et le ministère a ajouté le cas du
mineur. On veut vraiment s'assurer que c'est nécessaire d'ajouter le
mineur dans cet article.
Mme Harel: Nous allons proposer à la commission de retirer
cet article de nos travaux. Nous y reviendrons demain matin. Nous allons
suspendre aussi l'alinéa...
Le Président (M. Gagnon): Oui, voilà. Mme Harel:
...tout simplement.
Le Président (M. Gagnon): Ce que je vous propose
plutôt, c'est de retirer l'amendement et de suspendre l'article.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Alors, on va
retirer l'amendement pour ce soir, suspendre l'article et vous reviendrez
demain. Donc, l'amendement à l'article 16 est retiré pour le
moment et l'article 16 est suspendu. Nous allons entreprendre l'article 17.
L'article 17, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, il y a un amendement qui
remplace la première...
M. Marx: Voudriez-vous lire l'article aussi, après?
Mme Harel: Après l'amendement. Je vais introduire
l'amendement et je vais lire l'article tel qu'amendé.
M. Marx: S'il vous plaît, merci!
Mme Harel: Je vais d'abord lire le premier alinéa: "Le
majeur peut aliéner entre vifs une partie de son corps ou se soumettre
à des soins qui ne sont pas exigés par son état de
santé ainsi qu'à une expérimentation, pourvu que le risque
couru ne soit pas hors de proportion avec le bienfait
espéré."
L'amendement remplace la première phrase du deuxième
alinéa par la suivante. "Le mineur de quatorze ans le peut
également si l'aliénation entre vifs d'une partie de son corps,
les soins ou l'expérimentation sont mineurs ou s'ils n'entraînent
aucun risque sérieux pour la santé ni effet majeur et permanent;
cependant, le mineur de moins de quatorze ans ne le peut sans avoir obtenu
l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur."
Alors, le commentaire sur l'amendement est le suivant: L'amendement a
pour but de permettre au mineur de quatorze ans doué de discernement,
comme en matière de soins requis par l'état de santé, de
consentir seul, en certains cas, à l'aliénation entre vifs d'une
partie de son corps à des soins non requis par son état de
santé et à une expérimentation. Contrairement aux soins
requis par l'état de santé, l'amendement encadre toutefois ce
droit de trois conditions: qu'il s'agisse d'actes mineurs,
n'entraînant aucun risque sérieux pour la santé, ni
effet majeur et permanent. Cette modification est fondée sur l'objectif
d'accorder graduellement une plus grande autonomie au mineur à mesure
qu'il acquiert de la maturité.
M. Marx: Est-ce que vous avez un commentaire sur le premier
alinéa?
Mme Harel: J'y viens. Le commentaire est le suivant: Le premier
alinéa de cet article reprend substantiellement le premier alinéa
de l'article 20 du Code civil du Bas-Canada, sauf que l'article proposé
prévoit aussi le cas des soins qui ne sont pas exigés par
l'état de santé de la personne.
M. Marx: Voilà.
Mme Harel: Cette modification vise à éviter
l'intervention du tribunal pour des actes mineurs ou sans effet permanent et
majeur comme une simple chirurgie esthétique ou une greffe de moelle
osseuse.
M. Marx: Je ne vois pas la nécessité de cet
amendement. Franchement, je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de
prévoir dans le Code civil que le mineur de quatorze ans peut
aliéner entre vifs une partie de son corps ou se soumettre à des
expérimentations dites mineures. Je ne vois pas la
nécessité de cela. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il est
nécessaire d'avoir une telle disposition dans notre Code civil?
Cela peut être mineur dans la tête d'un médecin, mais
cela peut être très majeur dix ans plus tard. Il y a des femmes
qui ont pris des pilules et les médecins ont dit, pendant des
années: II n'y a rien là. Maintenant, ces femmes sont atteintes
de maladies sérieuses. Leurs enfants sont atteints de maladies
sérieuses. Ce qui est mineur pour un médecin peut être
majeur pour la personne concernée. Je ne vois pas l'intérêt
public de cet amendement.
Mme Harel: II s'agit, M. le député de D'Arcy McGee,
d'une disposition qui est prévue, depuis 1972, à l'article 20 du
Code civil et qui était reprise par une disposition qu'on retrouvait
dans le rapport de l'office de révision.
M. Marx: Non, mais ce n'est pas la même chose. L'article 20
du Code civil prévoit, au deuxième alinéa, que le mineur
doué de discernement le peut également avec l'autorisation d'un
juge de la Cour supérieure et le consentement du titulaire de
l'autorité parentale, à condition qu'il n'en résulte pas
un risque sérieux pour sa santé. Mais, ici, on va plus loin. On
dit: Le mineur de quatorze ans peut le faire lui-même.
Mme Harel: En fait, on pense à un exemple. Cela pourrait
être un mineur qui serait invité à donner du sang dans le
cadre d'une clinique de sang. On peut peut-être revenir à
l'article 17 tel que rédigé où il est prévu que
l'autorisation du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur est
nécessaire.
M. Marx: Je pense que c'est une amélioration, quoiqu'on
aille plus loin que l'article 20 du Code civil du Bas-Canada où cela
prend l'autorisation d'un juge de la Cour supérieure. Je n'ai pas vu
beaucoup d'enfants de quatorze ans qui donnent du sang. Je n'en ai pas vu
beaucoup et, pour ce qui est des trois pintes de sang qu'on pourrait avoir
à Montréal, je ne pense pas que cela mérite un amendement
au Code civil. Je pense qu'il faut protéger les mineurs le plus possible
et ici, on est en train d'enlever une certaine protection qui se trouve dans le
Code civil du Bas-Canada.
Il y a des pays où des enfants donnent du sang et où les
parents reçoivent une rémunération. Je sais que ce serait
contre le Code civil actuel et ainsi de suite, mais une fois qu'on permet aux
mineurs de prendre des décisions, tel que prévu à
l'article 17, je pense qu'il y a des risques et je ne vois pas les
bénéfices.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le problème, c'est de savoir si
c'est mineur ou majeur et j'ai l'impression qu'on va le constater a posteriori.
Qui va établir avant, a priori, que cela n'a pas d'effet majeur et
permanent?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vu qu'il peut consentir
lui-même.
Le Président (M. Gagnon): ...vous avez accepté, je
pense, de retirer l'amendement. C'est cela?
Mme Harel: Oui. Je pense qu'il nous faudrait maintenant revenir
au texte tel que rédigé de l'article 17. Je vais faire
lecture...
Le Président (M. Gagnon): Oui. Mme Harel: ...du
deuxième alinéa...
M. Leduc (Saint-Laurent): On met de côté...
Le Président (M. Gagnon): Mais l'amendement est
retiré.
Mme Harel: ...puisque nous allons retirer l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Voilà!
Mme Harel: Voilà! Alors, le deuxième alinéa
se lit comme suit: "Le mineur doué de discernement le peut
également avec l'autorisation du titulaire de l'autorité
parentale ou du tuteur si les soins ou l'expérimentation sont mineurs ou
s'ils n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni
effet majeur et permanent. Dans les autres cas, l'autorisation du tribunal est
requise."
Je pense qu'il faut que cela puisse éviter une intervention du
tribunal pour des actes mineurs.
M. Marx: Le Code civil du Bas-Canada, au deuxième
alinéa de l'article 20 se lit comme suit: "Le mineur doué de
discernement le peut également avec l'autorisation d'un juge de la Cour
supérieure et le consentement du titulaire de l'autorité
parentale à la condition qu'il n'en résulte pas un risque
sérieux pour la santé." Ici, il y a plus de protection pour
l'enfant parce que cela prend une autorisation d'un juge et le consentement des
parents, c'est-à-dire que jusqu'à maintenant on a voulu vraiment
protéger le mineur. On parle ici d'une aliénation de son corps,
ce n'est pas quelque chose qui est nécessaire ou même utile.
Mme Longtin: Si on revient à l'article 17 tel qu'il est
dans le projet de loi 20, le deuxième alinéa, à mon avis,
ne s'applique pas à l'aliénation entre vifs d'une partie du
corps, il ne vise que les soins et l'expérimentation.
M. Marx: Pour moi...
Mme Longtin: Par rapport aux soins, je pense qu'il faut,
évidemment, tenir compte du fait qu'il y a tous les soins qui ne sont
pas exigés par l'état de santé, qui peuvent être
différentes interventions, comme on l'a vu, sociales ou psychologiques
ou, encore, des questions de greffe esthétique. Il serait quand
même assez difficile d'aller devant le tribunal pour ce type de
questions. (21 h 30)
M. Marx: Est-ce que vous dites que l'alinéa 2 ne couvre
pas l'aliénation entre vifs d'une partie de son corps?
M. Leduc (Saint-Laurent): L'article est mal rédigé,
quand on dit "le peut".
M. Marx: "Le mineur doué de discernement le peut
également."
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas clair.
M. Marx: Franchement, M. le Président, je suis en faveur
de garder l'alinéa qu'on trouve dans le Code civil du Bas-Canada. Je ne
vois pas la nécessité de faire en sorte que ce soit plus facile
pour le mineur de poser de tels actes; je n'en vois pas la
nécessité.
Mme Harel: II faut bien lire cet article en distinguant les deux
alinéas puisque, dans le cas du majeur, l'expérimentation,
l'aliénation d'une partie de son corps ou les soins qui ne sont pas
exigés par l'état de santé sont possibles, n'est-ce pas,
tandis que, dans le cas du mineur, cela ne l'est que "si les soins ou
l'expérimentation sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun risque
sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent." Il faut
voir qu'il y a une protection dans le cas du mineur doué de
discernement. Cette protection consiste à ne procéder à ce
qui est prévu au premier alinéa que dans la mesure où cela
n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé, dans la
mesure où ces soins ou l'expérimentation sont mineurs et dans la
mesure où il n'y a pas d'effet majeur et permanent.
M. Marx: Qu'est-ce que c'est "mineurs"? Qu'est-ce que cela veut
dire "n'entraîne aucun risque sérieux"? Je ne veux pas faire
l'histoire de la médecine au Canada, mais on sait que les femmes ont
reçu des pilules de médecins, pendant des années, et tout
le monde a dit: II n'y a aucun risque. On s'est retrouvé, plus tard,
avec des enfants qui ont souffert de...
Une voix: Thalidomide.
M. Marx: ...thalidomide, voilà! Ce n'était pas
sérieux, c'était mineur, etc. Je pense qu'il y a un danger. Il y
a des gens, aujourd'hui, qui sont contre l'expérimentation sur des
animaux et qui font des campagnes partout. Je pense que, au lieu
d'élargir la règle, il faut la resserrer le plus possible. Il
faut donner, au moins aux enfants, le plus de protection possible.
M. Cossette: Est-ce que je comprends bien en disant que vous
voudriez qu'on enlève du deuxième alinéa
"l'expérimentation" pour ne s'en tenir qu'aux soins?
M. Marx: Pour s'en tenir à quoi?
M. Cossette: Pour s'en tenir aux soins seulement.
M. Marx: Je suis prêt à accepter, disons,
l'alinéa 2 tel qu'on le retrouve dans le Code civil du Bas-Canada.
Mme Harel: C'est-à-dire que vous tenez à ce qu'il y
ait à la fois le consentement du titulaire...
M. Marx: C'est cela.
Mme Harel: ...et l'autorisation d'un juge.
M. Marx: Là, il y a vraiment plus de...
Mme Harel: Je vous rappellerai que, dans cette disposition du
Code civil, il n'y avait pas de distinction entre des soins mineurs, il n'y
avait pas de qualification de soins qui "n'entraînent aucun risque
sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent."
M. Marx: On disait: S'il y a "un risque sérieux pour la
santé."
Mme Harel: Mais, là, on va beaucoup plus loin, on dit, en
fait, qu'il s'agirait de soins mineurs, pas seulement de soins qui ne
provoquent pas de risques sérieux, mais de soins mineurs.
M. Marx: D'accord. Donc, on peut prendre le deuxième
alinéa tel que proposé et ajouter le consentement d'un juge de la
Cour supérieure à l'autorité parentale.
Mme Harel: Dans le dernier membre de la phrase, vous avez "Dans
les autres cas, l'autorisation du tribunal est requise".
M. Marx: J'aimerais qu'elle soit requise pour...
Mme Harel: Vous pensez qu'il faudrait que cette autorisation soit
requise dans tous les cas où les soins sont mineurs, où cela
n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé, ni effet
majeur et permanent?
M. Marx: "Le mineur doué de discernement le peut
également"; "le peut également", qu'est-ce que cela veut dire?
Aliéner une partie de son corps.
M. Leduc (Saint-Laurent): La rédaction n'est pas correcte.
"Le peut", qu'est-ce que c'est? Cela veut dire "aliéner". Cela
veut dire se soumettre à des soins et à une
expérimentation. Il faudrait rédiger le deuxième
paragraphe autrement.
M. Marx: Pour les soins, c'est une autre situation, si on a
l'autorité parentale. "Le peut également", cela veut dire
aliéner une partie de son corps.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr que c'est cela.
M. Marx: Pour l'aliénation du corps d'un enfant ou pour
l'expérimentation, il me semble que ce serait souhaitable qu'on ait le
consentement des parents et d'un juge de la Cour supérieure. Ce sont des
soins non exigés par l'état de santé, au deuxième
alinéa.
Mme Harel: On va suspendre cet article.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Pineau.
M. Pineau: M. le Président, si vous me le permettez, je
pourrais simplement vous dire que les universités ont adopté des
règles d'éthique à cet égard sur
l'expérimentation. C'est parfois difficile de faire accepter cela par
des hommes de science, mais on a été amené à se
montrer extrêmement prudent à cet égard parce que ce qui
peut paraître mineur à un homme de science ne l'est pas
nécessairement pour le citoyen ordinaire. Actuellement, l'article 20 du
Code civil du Bas-Canada, alinéa 2, fait en sorte qu'il ne peut pas y
avoir d'expérimentation sur des mineurs doués de discernement,
parce qu'on ne va pas aller devant le tribunal pour demander cette
autorisation. C'est simplement un commentaire.
M. Marx: C'est cela. C'est théoriquement possible, mais
pratiquement très difficile ou impossible.
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous suspendre
l'article?
Mme Harel: M. le Président, nous allons, en fait,
suspendre également cet article 17.
Le Président (M. Gagnon): D'accord.
Mme Harel: Comme l'article 16, nous en reprendrons l'étude
demain.
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'article 17 est
suspendu. J'appelle l'article 18.
Mme Harel: L'article 18 introduit un amendement à la
première ligne du premier alinéa. Remplacer les mots "non
douée" par le mot "privée". Il s'agit toujours d'une modification
de concordance avec l'amendement apporté à l'article 14 on
introduit un deuxième amendement afin d'insérer à la
première ligne du premier alinéa, après le mot
"discernement" les mots et signes: "majeure ou mineure,". Également,
à la première ligne du deuxième alinéa, il 3'agit
de supprimer la virgule qui suit les mots "à des soins" et
d'insérer ce qui suit: "ou à une expérimentation," de
façon que l'article 18 amendé se lise comme suit: "La personne
privée de discernement, majeure ou mineure, ne peut, sans l'autorisation
du tribunal, aliéner entre vifs une partie de son corps, être
soumise à des soins qui ne sont pas exigés par son état de
santé, ni être soumise à des expérimentations.
"Toutefois, le tuteur ou le curateur
peut consentir à des soins ou à une
expérimentation, s'ils sont mineurs ou s'ils n'entraînent aucun
risque sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent."
Le commentaire est le suivant: La troisième modification est
substantielle. Elle permet de soumettre en certains cas à une
expérimentation une personne privée de discernement avec le
consentement du curateur ou du tuteur, mais sans l'autorisation du tribunal.
Ces expérimentations devront toutefois satisfaire aux trois conditions
suivantes: qu'il s'agisse d'actes mineurs, n'entraînant pas de risques
sérieux pour la santé, ni effet majeur et permanent. Cet
amendement vise à éviter l'intervention trop fréquente des
tribunaux en matière principalement de chimiothérapie où
on expérimente quotidiennement de nouveaux médicaments.
Le commentaire général sur l'article 18 est le suivant: Le
droit actuel n'établit pas de règle spécifique pour le
mineur et le majeur non doués de discernement. Comme ils ne sont pas
capables de consentir eux-mêmes, on peut conclure qu'ils ne peuvent
aliéner entre vifs une partie de leur corps, ni être soumis
à une expérimentation. Cependant, la doctrine et la jurisprudence
sont partagées sur ce point et, en pratique, il arrive que des tribunaux
donnent une autorisation ou que le représentant consente à la
place d'un majeur privé de discernement.
Cet article vise donc à clarifier la situation. L'article pose le
principe que la personne privée de discernement ne peut aliéner
une partie de son corps, ni être soumise à une
expérimentation ou à des soins non requis par son état de
santé sauf dans deux cas. Le premier est celui où la loi permet
au tuteur ou au curateur de consentir à un acte mineur et sans risque
sérieux ou effet majeur, tels une chirurgie esthétique mineure ou
le don du sang. Le second, c'est celui où le tuteur ou le curateur ne
pouvant consentir alors même qu'il y va de l'intérêt de la
personne, il faut obtenir l'autorisation du tribunal.
Dès lors, l'aliénation entre vifs d'une partie du corps,
une expérimentation ou une intervention qui n'est pas exigée par
l'état de santé pourrait être autorisée
malgré son caractère majeur et permanent ou le risque qu'elle
peut comporter. Cette règle pourrait permettre au tribunal,
conformément aux exigences des articles 19 et 20, d'autoriser des actes
telles une stérilisation, l'expérimentation d'un
médicament ou une transplantation d'organe en vue de sauver le vie d'un
membre de la famille d'un majeur ou d'un mineur non doué de
discernement.
M. Marx: Je pense que cela pose les mêmes problèmes
que les articles 16 et 17. Je pense qu'on devrait suspendre cet article avec
l'article 17, parce que cela pose les mêmes problèmes.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a des commentaires que vous aimeriez
apporter avant que nous le suspendions?
Mme Longtin: En fait, les commentaires, c'est tout simplement,
peut-être, de rappeler la difficulté qu'on voit dans la
règle telle qu'elle est formulée au projet de loi 20, qui
reprenait, dans ce sens-là, la proposition du projet de loi 106. C'est
que, pour plusieurs médecins, semble-t-il, dans les hôpitaux, la
notion d'expérimentation entre en jeu dès qu'on utilise pour une
première fois, après les premiers tests, un médicament
à l'égard de certaines personnes. Là, on se dit: Est-ce
que, toutes les fois qu'on va arriver avec un nouveau traitement dont les
effets bénéfiques sont quasi certains, on va toujours devoir
aller chercher une autorisation du tribunal? Finalement, c'est le juge qui
entre dans la vie médicale. C'est un peu leur point de vue. C'est ce
qu'ils faisaient valoir pour la modification, surtout qu'en matière
psychiatrique, semble-t-il, on traite beaucoup par...
Le Président (M. Gagnon): M. Pineau.
M. Pineau: Oui, je comprends parfaitement, M. le
Président, ce qui vient d'être dit. Je pense que les chercheurs
font la différence entre l'expérimentation thérapeutique
et l'expérimentation non thérapeutique. L'expérimentation
thérapeutique est sans aucun doute admissible, tandis que
l'expérimentation non thérapeutique est peut-être plus
sujette à caution. Or, le texte ne fait pas la différence entre
l'expérimentation thérapeutique et celle qui ne l'est pas.
M. Marx: Puis-je suggérer qu'on suspende cet article aussi
pour revoir l'ensemble de ces articles demain?
Mme Harel: Nous suspendons...
Le Président (M. Gagnon): Alors, nous allons retirer
l'amendement à l'article 18...
Mme Harel: ...l'article 18.
Le Président (M. Gagnon): ...et nous allons suspendre
l'article 18. Est-ce cela?
Mme Harel: C'est bien cela.
Le Président (M. Gagnon): L'article 19?
Mme Harel: L'article 19 se lit comme suit: "Le tribunal qui doit
statuer sur une demande d'autorisation relative à l'aliénation
d'une partie du corps à des soins ou à une expérimentation
prend l'avis d'experts, du
titulaire de l'autorité parentale, du tuteur ou du curateur et du
conseil de tutelle. Il peut aussi prendre l'avis de toute personne qui
manifeste un intérêt particulier pour la personne concernée
par la demande. "Il doit aussi, sauf impossibilité, recueillir l'avis de
la personne concernée et, à moins de motif grave, respecter son
refus."
Le commentaire sur l'article 19 est le suivant: Cette disposition est
nouvelle et vise, d'une part, à assurer que les atteintes à
l'inviolabilité des personnes qui ne peuvent consentir elles-mêmes
ne surviennent qu'après une audition complète de tous les
intéressés, de tous ceux qui peuvent éclairer le tribunal.
C'est pourquoi elle prévoit, outre l'avis d'experts et l'audition du
représentant, la possibilité d'entendre des tiers qui ont
manifesté un intérêt pour la personne, des membres
d'associations, parrains civiques, travailleurs en milieux sociaux ou le
Curateur public. (21 h 45)
D'autre part, elle vise aussi à préserver le droit de la
personne concernée à se faire entendre et à manifester son
refus, refus que le tribunal devra respecter dans sa décision à
moins qu'un motif grave ne justifie d'y passer outre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Cet article a du bon sens, par rapport aux autres qui
ont précédé, parce qu'ici il me semble qu'on donne plus de
protection aux personnes.
Mme Harel: Puisque le tribunal n'intervient que dans les cas
d'expérimentation, de soins majeurs, pas des soins donnés
à des majeurs, mais de soins qui ont un effet majeur...
M. Marx: Oui, mais il doit y avoir beaucoup de causes où
on est sur la ligne entre des effets majeurs et mineurs. Cette ligne mince
laisse peut-être beaucoup de marge à celui qui va
décider.
Le Président (M. Gagnon): Oui, monsieur...
M. Pineau: M. le Président, simple observation en ce qui
concerne le commentaire et l'article 20 lui-même. Il est question de
l'aliénation, des soins, de l'expérimentation faits dans
l'intérêt de la personne concernée...
Une voix: Nous sommes à l'article 19. M. Pineau: Pardon?
Oui, excusez-moi. Le Président (M. Gagnon): Nous sommes à
l'article 19.
M. Pineau: Oui, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 19 est
adopté? Cela va?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 20?
Mme Harel: L'article 20...
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, l'article 20 se lit comme suit: "Le tribunal
doit, avant de statuer sur la demande d'autorisation, s'assurer que
l'aliénation d'une partie du corps, les soins ou les
expérimentations sont dans l'intérêt de la personne
concernée et qu'ils sont opportuns dans les circonstances; il doit aussi
s'assurer que le risque présenté par ces actes n'est pas hors de
proportion avec le bienfait qu'on en espère ou qu'ils sont
bénéfiques pour la personne, malgré leurs effets majeurs
et permanents."
M. Marx: Est-ce qu'il y a un commentaire?
Mme Harel: II y a un commentaire. J'en fais lecture. Cet article
est de droit nouveau et complète l'article précédent. Il a
pour but de s'assurer que l'aliénation d'une partie du corps, les soins
ou les expérimentations sont non seulement opportuns dans les
circonstances soumises au tribunal, mais qu'ils sont aussi dans
l'intérêt de la personne concernée. À cet effet,
l'article prévoit certains critères d'appréciation afin
d'aider le tribunal dans cette tâche.
M. Pineau: Le seul point, M. le Président, c'est dans
l'hypothèse où le tribunal serait amené à autoriser
des soins non thérapeutiques, non nécessaires. L'article 20 ne
pourrait pas s'appliquer en cette situation parce que le tribunal doit statuer
dans l'intérêt de la personne concernée. Cela ne peut pas
intéresser la personne concernée si les soins n'ont pas un but
thérapeutique.
Le Président (M. Gagnon): M. Frenette.
M. Frenette: Cela pourrait être un don d'organe, par
exemple, où l'intervention comme telle d'enlever un organe à
quelqu'un n'est pas nécessaire. En apparence, cela n'est pas dans son
intérêt, mais cela pourrait être son intérêt
psychologique de sauver la vie de son frère ou de sa petite soeur. C'est
un intérêt différent, mais c'est toujours dans
l'intérêt de la personne, un certain intérêt.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je n'ai pas d'objection à cet article, mais il y
a quelques minutes la députée de Maisonneuve, quand on a
parlé des aliénations d'une partie du corps d'un mineur, a
parlé de don de sang. Je me demande quel bienfait un enfant peut
espérer retirer en faisant un don de sang. Être remercié
par la Croix-Rouge? Peut-être avoir un verre de lait et un beignet?
À part cela...
Mme Harel: Vous savez, M. le député de D'Arcy
McGee, il peut se produire des cas rares où des transfusions sanguines
d'un type particulier sont nécessaires. Je ne faisais pas
nécessairement référence à des cliniques
générales, mais à des cas particuliers où il peut
être utile...
M. Marx: C'est cela. Si ce sont des cas si rares que cela, comme
je l'ai dit auparavant, il serait souhaitable d'avoir un jugement de la Cour
supérieure et on sera sûr et certain qu'on a pris toutes les
précautions nécessaires pour protéger l'enfant qui est en
train d'aliéner une partie de son corps. Si c'était rare, il n'y
aurait pas tellement d'appels à la Cour supérieure.
Pour l'article 20, adopté.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? C'est adopté?
Article 21?
Mme Harel: II se lit comme suit. "Le consentement à
l'aliénation entre vifs d'une partie du corps, à des soins qui ne
sont pas exigés par l'état de santé ou à des
expérimentations doit être donné par écrit. "Il peut
toujours être révoqué, même verbalement.".
Le commentaire est le suivant. L'article 20 du Code civil du Bas-Canada
prévoyait que le consentement devait être donné par
écrit et qu'il devait être révoqué de la même
façon. L'article proposé conserve l'exigence de l'écrit
lorsqu'il s'agit de donner le consentement, mais il modifie cependant le droit
actuel en permettant dans tous les cas la révocation verbale, ceci afin
de mieux respecter la volonté de la personne et son droit à
l'inviolabilité et à l'intégrité.
Nous n'avons pas retenu la recommandation de l'Office de révision
du Code civil d'exiger que la révocation verbale soit faite en
présence de la personne chargée de faire l'intervention. Cette
exigence aurait souvent rendu l'article inopérant, puisque la personne
n'est généralement plus en état de manifester sa
volonté lorsqu'arrive le moment de l'intervention.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 21 est-il
adopté?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Article 22?
M. Marx: À l'article 21, on était plus conscient de
protéger les droits des personnes que dans le rapport de l'Office de
révision du Code civil. D'accord?
Mme Harel: C'est-à-dire que l'office de révision
prévoyait une révocation...
M. Marx: C'est cela. La révocation... Je souligne qu'on a
pensé plus, dans ces articles, à protéger les personnes
que dans les articles 15, 16, 17 et 18. D'accord?
Mme Harel: Je pense que le souci était le même dans
l'ensemble des articles, mais peut-être que l'exercice ne vous semble pas
aussi fructueux.
M. Marx: J'essaie de vous donner des choses sur lesquelles
réfléchir durant la nuit.
Le Président (M. Gagnon): L'article 22, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: II se lit comme suit: "L'aliénation d'une
partie du corps humain non susceptible de regénération doit
être gratuite. "L'aliénation d'une partie du corps ne peut
être répétée si elle présente un risque pour
la santé.".
Le commentaire est le suivant. Le premier alinéa de cet article
reprend le troisième alinéa de l'article 20 du Code civil du
Bas-Canada et le troisième alinéa de l'article 16 proposé
par l'Office de révision du Code civil.
Le second alinéa est cependant nouveau et il vise à
protéger la santé du donneur et à éviter les abus
dans l'aliénation à titre gratuit ou onéreux d'une partie
du corps humain, même susceptible de regénération.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee?
M. Marx: Si je comprends bien, quelqu'un qui fait don de son sang
peut être rémunéré. C'est le droit actuel. Est-ce
qu'il y a autre chose...
M. Cossette: Les cheveux également, les ongles.
M. Marx: Les cheveux, cela ne me touche pas. Il me reste les
ongles et le sang. Est-ce que l'on vend des ongles et des
cheveux?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article...
Une voix: Des cheveux, oui.
M. Marx: Pardon? Des cheveux, oui?
Une voix: Des cheveux, oui.
Une voix: Cela sert pour faire des...
M. Marx: Est-ce que les gens sont payés pour donner du
sang au Québec? Je ne pense pas. Dans certains pays - en Haïti -les
gens vendent leur sang.
Le Président (M. Gagnon): L'article 22 est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que l'on
entreprend la section II, ou si on ajourne nos travaux à demain?
M. Marx: II reste deux minutes, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous êtes
consentants à ajourner nos travaux à demain, 10 heures? Demain,
10 heures, à la salle 81, celle qu'on avait cet après-midi.
(Fin de la séance à 21 h 57)