(Dix-huit heures)
M. Marceau
: Alors,
bonsoir. Écoutez, donc je voulais réagir au budget fédéral. Tout d'abord, quelques
constats. Le budget fédéral confirme qu'il y a plusieurs dossiers, qui
concernent à la fois le Québec et le gouvernement fédéral, qui n'avancent pas.
Il y a le dossier de la main-d'oeuvre, là, la négociation qui a été entreprise
sur l'EMT, l'entente sur le marché du travail, et donc pas de progrès et même
une menace voilée, qui est que, s'il n'y a pas eu d'entente au 1er
avril, le fédéral va agir de manière unilatérale.
Dans le domaine des infrastructures, pas
de progrès non plus, que ce soit dans le domaine de la taxe sur l'essence ou
dans Chantiers Canada. Vous savez que les échéanciers sont désormais très près.
C'est le 1er avril, là… le 31 mars que les programmes actuels
viennent à échéance. On aurait dû renouveler pour le 1er avril, ça
n'a pas été fait, on n'a pas été consultés, et donc pas de progrès là non plus.
Sur le pont Champlain, le budget fédéral
confirme le caractère unilatéral des travaux qui sont faits par le gouvernement
fédéral qui s'entête dans le péage en particulier, malgré le consensus
métropolitain contre ce péage. Et, écoutez, il va falloir un jour que le
fédéral nous parle, discute avec nous, parce que ce pont-là, en principe, il
devrait déboucher sur des routes québécoises, en tout cas j'espère que c'est
leur projet, alors j'imagine qu'un jour ils vont nous parler de cela.
Dernier point, là, quand je disais que ça
n'avance pas ou on fait du surplace, il y a tout le dossier des valeurs
mobilières. Le fédéral, là aussi, s'entête avec son projet, là, de commission
unique de valeurs mobilières. Par ailleurs, il y a une petite nouveauté, le gouvernement
fédéral a annoncé qu'il entendait encadrer les produits dérivés négociés par
les banques. Il va faire ça à l'intérieur de la Loi sur les banques, loi
fédérale effectivement. Cependant, il faut comprendre que les produits dérivés,
ce sont des produits financiers qui sont encadrés par des lois. Entre autres,
au Québec, on a une loi sur les produits dérivés, et donc il va y avoir des
conflits de juridiction sur ces produits dérivés, sur les règles qui
s'appliquent quant à la négociation de ces produits dérivés. Évidemment, il est
encore tôt, mais je peux vous dire que je m'attends à des difficultés de ce
côté-là.
Deuxième point que je veux mettre en
lumière, c'est le fait que le gouvernement fédéral multiplie les initiatives
dans des domaines de compétence du Québec. Il y a des initiatives en recherche
et en enseignement supérieur, il y a de nombreuses initiatives en formation de
la main-d'oeuvre, il y a des initiatives même en santé, dans le secteur de la
santé.
Et, troisième élément de mon intervention,
je veux vous parler de la situation budgétaire fédérale. Bien sûr, vous avez pu
constater comme moi que des surplus se dessinent à l'horizon. Évidemment, c'est
correct, mais je dois rappeler que cela résulte en partie, certainement, de
mesures qui ont été imposées dans les transferts aux provinces, entre autres le
plafonnement à la péréquation, entre autres la réduction du taux de croissance
du transfert en santé. Et donc ce qu'on constate, c'est que le gouvernement
fédéral a mis en place un environnement dans lequel les pressions qui vont
s'exercer sur lui vont être réduites. Le fédéral se désengage, réduit ses
transferts financiers, et, en même temps, il y a ces nouvelles intrusions, dont
je viens de parler, dans des domaines de compétence du Québec. On peut donc
parler de fédéralisme prédateur.
Et pendant ce temps-là, j'aimerais vous le
rappeler, les pressions sont très fortes sur les finances publiques du Québec.
Vous savez les pressions qu'exerce le secteur de la santé sur les finances
publiques du Québec. Et vous savez comment ça s'appelle, ce que je viens de
vous dire, c'est-à-dire un monde dans lequel le fédéral se désengage, dans
lequel il multiplie les initiatives dans des secteurs de compétence du Québec,
par exemple, la santé ou l'éducation. Et, en même temps, nous, on vit des
pressions très fortes puis on a de la difficulté à répondre à toutes les
attentes. On appelle ça le déséquilibre fiscal et donc on assiste à un retour
du déséquilibre fiscal.
M. Laforest (Alain)
:
Comment vous le qualifiez, ce budget-là, M. Marceau?
M. Marceau
: Décevant.
Décevant, parce qu'encore une fois il y a ces constats que j'ai faits sur
différents dossiers que j'aurais voulu voir progresser et, par ailleurs,
inquiétant aussi, parce qu'effectivement moi, je constate ces intrusions, alors
que, comme je vous dis, le fédéral a pris les moyens de se désengager envers
les provinces, et puis, nous, on subit des pressions… multiplie, donc il se
désengage puis, en même temps, multiplie les initiatives dans nos domaines de
compétence.
M. Caron (Régys)
: Le
fait qu'il investisse 500 millions dans l'automobile en Ontario, est-ce
que ce n'est pas une constante et ce serait peut-être, ça, au détriment du
Québec, M. Marceau?
M. Marceau
: Oui,
aussi. Oui, vous avez raison. Je ne l'ai pas… Ça apparaît dans notre
communiqué. Mais, effectivement, il y a, encore une fois, beaucoup pour
l'automobile, et puis c'est très maigre pour le Québec, pour la forêt. Ça a été
le cas depuis plusieurs années, et, effectivement, il y a une constante
là-dedans.
Mme Richer (Jocelyne)
:
M. Marceau, dans quelle mesure ce budget-là aura un impact sur celui que vous
préparez?
M. Marceau
: Bien,
écoutez, il n'y avait pas là-dedans de nouvelles particulières à court terme,
mais, à long terme, il y en a. À long terme, je viens de vous dire, on assiste,
selon moi, à un retour du déséquilibre fiscal. Les effets sont déjà… par
exemple, pour les transferts en santé, là, vous savez que ça va croître de
6 % pendant trois ans, mais, après ça, ça va être plafonné au taux de
croissance du PIB. Ça veut dire que, pour le fédéral, il n'y aura plus de
pression. Eux autres, ils se sont mis en place des moyens pour qu'il n'y ait
plus de pression sur eux, alors que nous, les pressions vont s'accélérer, vont
s'accroître avec le vieillissement de la population.
Et, en même temps, il y a des mesures
spécifiques en santé, hein, des programmes particuliers que le fédéral est en
train de mettre en place, et moi, ça m'embête beaucoup. Moi, j'ai le goût de
leur dire : Laissez-nous nous occuper de la santé, transférez-nous les sommes
qui correspondent, et puis on va s'arranger avec ça.
M. Lafille (Julien)
:
Est-ce que vous avez vu des bonnes mesures là-dedans pour le Québec?
M. Marceau
: Écoutez,
des bonnes mesures, je ne peux pas dire que... Je vous répète, j'ai vu... il y
a un certain nombre de... Moi, écoutez, ce que je peux vous dire, il y a eu
des... mes collègues Alexandre Cloutier et Stéphane Bergeron en ont parlé hier,
il y a eu une entente sur Mégantic, qui a été... qui n'apparaît pas dans le
budget. Alors, si elle s'y était retrouvée, j'aurais été le plus heureux. Elle
n'y est pas, et je pense que c'est simplement parce que ça fait 48 heures, là.
Ça, c'est bien, et puis je suis prêt à reconnaître que des fois il y a des
choses qui se font bien. Maintenant, la teneur du budget ne me plaît pas.
M. Lessard (Denis)
:
Justement, si on parle d'équilibre ou à peu près, ils ont 3 milliards de
déficit puis ils ont une caisse de 3 milliards en banque, qui, on le
sait...
M. Marceau
: Oui, ils
ont des réserves pour éventualités, vous avez raison. Vous avez raison, et puis,
en fait, dès l'an prochain, là, ils reviennent à une période de surplus plus
importants.
M. Lessard (Denis)
:
Ils sont en équilibre cette année. Comment ça se fait... nous expliquer qu'ils
n'ont pas les mêmes problèmes de recette que vous avez connus, qui vous ont
amené à 2,5 milliards?
M. Marceau
: O.K. Ils
vivent… Probablement, ils ont vécu des problèmes de revenus, mais moins
importants que les nôtres, et le fait que leurs revenus aient été moins
affectés par la faible inflation, ça s'explique entre autres par les ressources
naturelles desquelles ils tirent des profits aussi, l'activité économique dans
l'Ouest. Il y a eu des problèmes d'inflation plus forts au centre du Canada que
dans l'Ouest, et ça explique une partie de cela. Par ailleurs, il y a aussi eu
des réductions des dépenses plus importantes que prévu là-bas. C'est ce qui
leur a permis d'arriver là où ils sont rendus.
M. Séguin (Rhéal)
: M.
Marceau, sur la question de la formation de la main-d'oeuvre, avez-vous obtenu «l'opting
out» que vous recherchez?
M. Marceau
: Non, pas à
ce jour, non. C'est ce que nous souhaitons obtenir et nous ne l'avons pas
obtenu. Mais, en fait, vous irez lire le libellé qu'on retrouve dans le budget
fédéral, et je pourrais peut-être vous le sortir, mais essentiellement ça dit
que, si, d'ici le 1er avril... Tenez, je suis tombé dessus, je vais vous le
lire : «Les administrations qui n'auront pas conclu d'entente à compter du
1er avril...»
Je recommence. «Pour ce qui est des
administrations qui n'auront pas conclu d'ententes, à compter du 1er avril
2014, le gouvernement du Canada versera la subvention canadienne pour l'emploi
directement par l'entremise de Service Canada.» C'est donc dire, que si on
n'est pas parvenus à s'entendre, ils vont aller... ils vont procéder de façon
unilatérale. C'est ce qu'ils nous disent dans le budget. Et donc, nous, on
avait espérance, là. Vous savez que Mme... ma collègue Agnès Maltais a déjà...
a été en négociation. On avait espoir, et là ce qu'on... je pense qu'on nous
met un couteau sur la gorge, là.
M. Séguin (Rhéal)
: là,
le montant exact, c'est 70 millions. C'est ça? Avec le 116 millions…
M. Marceau
: C'est 116,
il y a 70 millions qui seraient repris par le fédéral. Alors, plutôt que...
Nous, ce qu'on dit au fédéral, c'est : Laissez-nous 70, on va continuer à
gérer, on a des programmes qui fonctionnent bien. Eux, le fédéral nous dit :
On va reprendre le 70, puis on en va faire à notre tête, puis on va verser des subventions
directement aux entreprises. C'est ce qui est dit dans... C'est ce qui est dit
là.
Maintenant, écoutez, ce qui va se passer
puis le résultat des négociations dans les prochaines semaines, je ne sais pas,
mais ce que je peux vous dire, c'est qu'essentiellement on est rendus dans le
monde des menaces, là.
M. Séguin (Rhéal)
: …comme
une menace, une menace de...
M. Marceau
: Bien oui,
écoutez, nous autres, on a négocié de bonne foi puis on veut s'entendre.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Et,
dans ces négociations-là, est-ce que vous allez insister sur le droit de
retrait ou vous allez...
M. Marceau
: Absolument,
absolument.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais s'il l'exclut... Ottawa exclut le droit de retrait.
M. Marceau
: Écoutez,
ce sont des compétences du Québec, on a des programmes qui fonctionnent très
bien. C'est du dédoublement, on ajoute. Imaginez, là, déjà, les entreprises qui
veulent s'entendre pour des programmes de formation font affaire avec le gouvernement
du Québec, et là on va leur demander d'aller cogner à une autre porte pour
aller chercher une autre subvention, celle-là du fédéral. Si on me faisait la
démonstration que nos programmes ne fonctionnent pas bien, je serais malheureux
puis je me dirais : Je vais corriger mes problèmes… programmes. Mais ce
n'est même pas le cas. Puis, par ailleurs, c'est une compétence du Québec, et
donc il n'y a pas de négociation à y avoir là-dessus.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...ça marque... le budget Flaherty marque le retour en force du déséquilibre
fiscal. Vous auriez...
M. Marceau
: Bien, on
le voit par la multiplication des initiatives qu'on... Je vous l'ai dit, là,
recherche, enseignement supérieur, santé, formation de la main-d'oeuvre, il y
en a beaucoup. Il y en a beaucoup. Je vous invite à parcourir les pages, là, il
y en a beaucoup. Il y a même, dans le secteur de la santé, puis, écoutez, ce
n'est pas parce que je suis contre cela, mais il y a des mesures, par exemple,
pour les aidants naturels. Écoutez, moi, j'en suis, mais c'est une compétence
du Québec, là, pas une compétence du gouvernement fédéral. Qu'il nous verse l'argent,
puis on va s'arranger avec nos programmes.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais est-il temps, selon vous, qu'ils abaissent encore une fois la TPS ou vous
donnent un plus grand terrain de jeu afin d'augmenter les impôts ici tout en
diminuant les impôts du côté fédéral?
M. Marceau
: Écoutez,
c'est sûr qu'un transfert d'espace fiscal, ce serait le meilleur moyen de
corriger la situation. Ça a toujours été notre vision. Maintenant, à la limite,
là, qu'on ajuste les transferts puis qu'on cesse de créer des nouvelles
initiatives dans notre secteur. On peut commencer comme ça.
M. Laforest (Alain)
: Est-ce
que le gouvernement fédéral est en train de vous traiter comme une municipalité?
M. Marceau
: En tout
cas, disons que le comportement du gouvernement fédéral à notre endroit n'est
pas respectueux. S'ils veulent que nous soyons des partenaires, bien, ça prend
de la discussion, ça prend de la négociation, ça prend de la flexibilité dans
la discussion, et on ne voit pas ça.
La Modératrice
: En
anglais, Kevin Dougherty.
M. Dougherty (Kevin)
: Yes. Mr. Marceau, you are
against the federal job skills training plan, all the provinces are against it.
Can't you just get together and tell them? I mean, everyone's…
M. Marceau
: I think this has been done.
It has been done a few times, I can tell you, although Québec has been negotiating on its side and we've been having discussions.
But, you're perfectly right, all provinces are not satisfied with what was
proposed by the federal Government. We think that an opting out from law would
be the simplest way to satisfy… If other provinces want to have the federal Government
in their field of competence, that's their… I mean, I'm going to leave to them
to make that decision, but this is a field of competence for us and opting out
would be the easiest thing to do.
M. Dougherty (Kevin)
: So there's no solution.
M. Marceau
: We don't know. I mean, this is basically a threat that is appearing
in dark ink in the budget. We'll see what happens now.
Mme Montgomery
(Angelica)
: How do you feel Québec is being
treated in this budget?
M. Marceau
: Again, I'm not satisfied with it because there are no progress on a
number of very important files that we've been pushing and trying to get
solutions for. Nothing. And that's the case for training, that's the case for
the securities commission,
that's the case for infrastructures. So no progress and even some steps
backwards, I would say. And second, I cannot help noticing all those intrusions
in our fields of competence and the financial… the fact that the federal Government
has put in place an environment in which there will be no financial pressure on
it, on itself but there will be a lot of pressure on us. So this is the world
we're living in now.
Mme Montgomery (Angelica)
: It seems to me, and correct me if I'm wrong, but it seems as though
none of your demands were answered in this budget.
M. Marceau
: Well, you're right. The only one I was saying to your colleague
earlier on is that we finally reached an agreement regarding Lac-Mégantic. That
was achieved recently, and I suppose that the budget had already been sent for
printing, so that's the reason why it's not appearing there. So that's one good
news.
Mme Montgomery
(Angelica)
: But how do you explain…
How do explain that Québec was not able to get more?
M. Marceau
: I think it's the case for all provinces, by the way. What I'm
saying, those problems with infrastructures, OK, the fact that no progress has
been achieved, that's a problem for Québec but that's also a problem for other
provinces. I know that other provinces are not satisfied with the fact that no
progress has been achieved. On training, as Kevin was saying, we don't have any
progress there either. We want opting out, other provinces want other things
but the ultimate thing is that nobody's satisfied. On the securities
commission, well, there are two provinces that are satisfied, I would say,
maybe Ontario and B.C., but as for the rest of the provinces, they're not
satisfied with what's taking place.
M. Séguin (Rhéal)
: Can we expect your budget on February 20th?
M. Marceau
: I'm working on that budget.
M. Séguin (Rhéal)
: Is that too early for you?
Journaliste : La consultation
est-u terminée au moment où on se parle?
M. Marceau
: Non, pas
encore.
(Fin à 18 h 15)