(Quinze heures quarante-cinq minutes)
M. Khadir
: Merci. En
Chambre, j'ai posé une question tout à l'heure à la première ministre ou, en
fait, à l'équipe gouvernementale à propos du projet de Pétrolia et de Junex
d'exploiter le pétrole de schiste sur Anticosti. Bien sûr que pour Québec
solidaire, pour des raisons environnementales, pour des raisons économiques, c'est
irrationnel de dilapider les fonds publics en prenant de tels risques. J'attirais
l'attention de quelques journalistes sur le fait que, il y a une certaine
époque, on a donné les permis d'exploration pour rien, en fait, à très faible
prix, pratiquement gratuitement, sous prétexte que les entreprises prenaient
des risques. Or, aujourd'hui, on prend ces risques-là à la place des
entreprises privées, parce que, judicieusement, le secteur privé ne trouve
aucun intérêt à prendre de tels risques. Alors, là-dedans, on se fait deux fois
avoir. Non seulement on a donné les droits d'exploitation pour un prix
dérisoire en liquidant la SOQUIP en 1998 et, plus tard, les droits en 2006, 2008,
mais, en plus, on est aujourd'hui… on remplace le secteur privé qui ne veut pas
prendre ces risques-là.
Mais au-delà de tout ça, ce qui est
dangereux et qui met à risque la réputation du Québec et l'argent qu'on
investit là-dedans, c'est que le gouvernement s'est associé à des entreprises
comme Pilatus ou encore Maurel & Prom, deux entreprises qui sont impliquées
dans le montage financier derrière Pétrolia et Junex. Ces deux entreprises là
ont été fondées par des gens comme Loïk Le Floch-Prigent ou Jean-François
Hénin. Ces deux personnes là ont été emprisonnées à plusieurs reprises,
condamnées pour escroquerie, pour fraude, pour détournement de fonds, pour
mensonges aux autorités américaines, pour lesquelles, d'ailleurs, M. Hénin a
été interdit de séjour pendant cinq ans aux États-Unis. C'est des personnes
avec de graves antécédents judiciaires en matière de manquement à l'intégrité
financière et publique. Et le gouvernement, en violation des propres principes
qu'il a émis au début de son mandat, comme quoi, en matière de tolérance et… en
matière d'intégrité, ça serait tolérance zéro, bien, il a fermé les yeux, le
gouvernement, sur ces antécédents de ses partenaires financiers et industriels.
Ça, c'est très dangereux pour l'argent des contribuables, c'est très dangereux
pour la réputation du Québec.
De plus, j'aimerais attirer votre
attention que sur le conseil d'administration de Pétrolia siège M. Albert
Wildgen. Albert Wildgen, c'est un Luxembourgeois. Le Luxembourg est un paradis
fiscal. Albert Wildgen est le principal associé d'un cabinet d'avocats expert
en matière de fiscalité d'entreprise. En termes clairs, on le sait, au Luxembourg,
la fiscalité d'entreprise consiste à aider des entreprises à fuir leurs
responsabilités fiscales, à cacher leurs profits de toutes sortes de manières.
C'est un paradis pour ça.
En plus, M. Albert Wildgen, sur le site de
Pétrolia, est présenté comme associé-gérant de l'étude d'avocats que je viens
de mentionner, mais aussi au conseil d'administration de nombreuses sociétés,
holdings et sociétés de financement de multinationales et de groupes bancaires
du Moyen-Orient, ce qui fait penser et dire à plusieurs que M. Wildgen agit
souvent comme prête-nom derrière des financiers aux sources douteuses, et on
soupçonne même qu'il y ait de l'argent, justement, pour blanchir l'évasion
fiscale, qui est utilisé à travers les actions du groupe de M. Wildgen.
Tout ceci, c'est des hypothèses qui
circulent alentour de ces entrepreneurs, et moi, je demande au gouvernement de
nous dire qu'est-ce qu'ils ont fait pour éclaircir ce dossier-là, parce que,
dans le Québec qu'on connaît aujourd'hui, avec tout ce qu'on a fait et on fait aujourd'hui
pour corriger les graves accrocs à l'intégrité de la gestion des contrats
publics et de l'argent du public, on n'a pas le droit de se tromper. On n'a pas
le droit d'escamoter des vérifications, on n'a pas le droit de fermer les yeux
et on n'a pas le droit surtout de s'associer à des filous et à des escrocs.
M. Gagné (Louis) : Est-ce que,
d'après vous, la décision de s'associer avec ces compagnies-là va à l'encontre
de la loi sur l'intégrité? Il y a des causes comme quoi normalement, pour les
contrats publics, on n'est pas censé faire affaire…
M. Khadir
: Pour les
contrats publics, c'est ça, la passe. C'est que je souhaite maintenant, à la
lumière de ce qu'on vient de voir, que le gouvernement respecte l'esprit de sa
propre loi, sauf que la lettre de la loi ne concerne que les contrats publics.
Ici, il ne s'agit pas de contrat public, il s'agit d'un partenariat d'affaires,
mais je demande au gouvernement pourquoi est-ce qu'il devrait y avoir une autre
attitude en partenariat d'affaires.
Et je rappelle au gouvernement, contrairement
à ce qui a été dit, oui, on va être le principal actionnaire de ces deux
montages financiers, mais on est toujours en minorité quand on est à 35 %
ou 40 %. Et, si nos partenaires privés, c'est des filous qui, par intérêt,
s'arrangent entre eux par collusion pour nous escroquer, bien, on ne sera pas
avancés même si on est à 40 % ou à 35 %.
Donc, je rappelle au gouvernement qu'il s'agit
de 115 millions de dollars de l'argent du public dans des conditions qu'on
sait avec des risques considérables. Si, en plus, on n'a rien fait pour
s'assurer qu'on s'associe à des gens intègres, bien, le Québec va être tout
perdant. On va nuire à l'environnement, on va dévaster une île patrimoniale qui
est au coeur de l'identité du Québec, on va augmenter gravement nos émissions
de gaz à effet de serre puis, en plus, on se fait rouler dans la farine. Merci.
(Fin à 15 h 50)