(Treize heures quarante-cinq minutes)
Mme Samson : C'est ma première
expérience en étude de crédits et force m'est
de constater… ça confirme, en tout cas, mes doutes. Premièrement, le budget,
qui inclut des coupures importantes dans le domaine
de la culture, a été fait — et ça
nous a été confirmé ce matin — sans aucune étude d'impact et
sans aucune consultation, donc à l'aveugle. Par la suite, quand on pose des
questions sur l'avenir, les différents dossiers qui relèvent du ministère de la
Culture et les budgets, encore là, force m'est
de constater que la ministre, après presque trois
mois, ne maîtrise peu ou pas aucun des dossiers importants, que ce soit
le doublage, les impacts qu'aura la coupe des crédits d'impôt sur le volume de
production québécois, sur les emplois qui y sont liés
et sur le filet social que la Loi du statut de l'artiste donne aux
artistes. Alors, il y a un problème là aussi.
Et, à la question importante : Quels
sont les trois objectifs principaux de la ministre et de son ministère pour
l'année qui vient?, elle nous a confirmé ce matin que ses objectifs découlaient
du plan stratégique du ministère de la Culture 2012‑2016, qui a été élaboré par
le Parti québécois. Donc, elle adhère à ce plan-là et elle maintient ces
objectifs-là pour elle et son ministère. Il faut savoir que, dans ce plan
stratégique là 2012‑2016, le premier objectif est simple, il s'agit de
confirmer l'autorité du Québec en matière culturelle, et l'élément et le moyen
de mesurer l'atteinte de cet objectif-là est de rapatrier au Québec les
pouvoirs du fédéral en matière de culture, c'est-à-dire le Conseil des arts du
Canada, Téléfilm Canada, tout ce qui est financement par le gouvernement
fédéral. Alors, comme vous le savez, je suis la porte-parole en matière de
culture pour la deuxième opposition, notre
temps d'intervention est limité, mais la vraie question suite à cette affirmation-là de la ministre, c'est… Si elle entend
rapatrier du fédéral toutes les ressources et les argents disponibles consentis
par le fédéral, de les rapatrier au Québec, la vraie question, c'est :
Comment va-t-elle faire ça et à quelle échéance? Dans quel échéancier
compte-t-elle le faire?
Alors, je n'en sais pas beaucoup plus sur
les objectifs, que ce soit dans des décisions
de la Régie du cinéma, sur l'industrie du doublage, sur Télé-Québec, où on a
très peu d'information, le fameux plan… Bon, là, on nous a dit qu'en septembre
on aurait les réponses concernant le 100 millions du plan numérique, de
quelle façon ça allait se déployer.Et tout va aller en septembre, donc j'ai
l'impression que les gens du ministère vont travailler très fort cet été.
Le Modérateur
: On va
prendre les questions.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Sur la question des crédits d'impôt, vous sembliez,
ce matin, être très pessimiste quant aux
impacts sur l'emploi, sur le filet de sécurité sociale
des artistes. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus?
Mme Samson : Bon. Alors, vous
voyez, au Québec, on a la Loi sur le statut de l'artiste, qui prévoit que les
productions, règle générale, en cinéma et en télévision doivent être régies par
des conventions collectives qui sont négociées entre les associations
patronales et les syndicats qui se voient attribuer des champs d'expertise,
comme l'UDA, pour l'Union des artistes, l'Association
des réalisateurs, les techniciens, tout le
monde a une convention collective. Lorsqu'on coupe les crédits d'impôt... Là, toutes les productions, jusqu'au 31 août, vont
être grand-périsées. Donc, l'impact, on ne le sentira pas tellement sur
la télévision qu'on va regarder au mois de septembre,
mais, pour les productions qui vont... qui devraient se faire à partir
de septembre et qui sont destinées à l'an prochain ou à des tournages de longs
métrages qui vont se faire à l'automne ou à l'hiver
prochain, là il est évident qu'il y aura moins de longs métrages qui
vont se faire. Ça équivaut à peu près... À mon avis, la SODEC va pouvoir
supporter entre trois, quatre ou cinq films de moins
l'an prochain parce que le trou que ça crée, le crédit d'impôt, il faut
que quelqu'un l'assume, cette dépense-là. Alors... Et
les... En télévision, ce ne sont certainement
pas les télédiffuseurs… On voit les coupures à Radio-Canada, Télé-Québec
qui est déficitaire, ce n'est certainement pas les radiodiffuseurs qui vont
ramasser la facture. Donc, ça va se traduire en une baisse du volume de
production d'émissions québécoises de télévision. Si on en produit moins, bien,
il est évident qu'il y a des postes qui sont perdus,
là. Ce sont majoritairement des travailleurs autonomes qui ont pour seul
filet social celui qui est inclus dans les conventions collectives. Or, on va certainement
être témoins — et là vous pouvez l'écrire, là, c'est sûr que ça va se produire — d'une augmentation des
productions qu'on qualifie dans l'industrie comme
étant «non-union», c'est-à-dire des productions probablement de moins
grande qualité, mais qui ne seront pas faites en... sous l'ombrelle des
conventions collectives reconnues et organisées, ce qui veut dire que les
travailleurs autonomes vont probablement se voir devant la situation où ils
devront accepter de travailler dans des moins bonnes conditions de travail
parce que le financement ne sera tout simplement plus là.
Mme Richer (Jocelyne)
: Ça veut dire plus de précarité pour les artistes et
pour les travailleurs dans l'industrie?
Mme Samson : Certainement plus
de précarité, bien entendu, et, dans le contexte où…
bon, on a vu ce matin encore des coupures qui arrivent à Radio-Canada, comme je
vous disais, Télé-Québec qui est déficitaire, qui ne voit pas son budget
augmenter, le manque à gagner, là... Il n'y a pas eu d'étude d'impact ni de consultation,
alors que c'était... il est évident que quiconque connaît le moindrement l'industrie
de la télévision et du cinéma sait qu'il va y avoir un impact sur la main-d'oeuvre,
sur le financement et sur la qualité de la télévision.
On est toujours fiers de dire qu'on fait
des choses de grande qualité, mais encore faut-il qu'on puisse les financer
adéquatement. Et, au Québec, là — on va se dire les vraies choses — avec
une population de 8 millions, si on ne la supporte pas, la culture, aussi
bien s'asseoir et la regarder complètement disparaître. Il n'y a pas de doute
que notre marché ne peut pas se suffire à lui-même. L'exploitation commerciale
est impossible, contrairement à d'autres marchés, là. On est unique, là, dans
un univers anglophone et américain, alors c'est essentiel.
Et, cela dit, là, je ne prétends pas que
le ministère de la Culture ne doive pas faire un effort, mais la culture, c'est
une bête à part. Et pour être capables de
faire les sacrifices qu'il faut faire, il faut maîtriser complètement le
domaine et être capables de bien anticiper,
pour chaque geste que l'on pose, l'impact réel, sinon
ce sont des coupures atroces et que je qualifierai de non intelligentes.Mais encore faut-il être capables de bien mesurer et assumer les impacts que vont
générer nos décisions. Or, moi, ce matin, je n'ai pas senti que toute cette donne-là était bien maîtrisée, et c'est malheureux, et c'est une obligation. On ne peut pas
traiter la culture comme bien d'autres disciplines, dans un gouvernement.
M. Dutrisac (Robert)
:
Juste un point d'explication pour que je comprenne bien, l'histoire du statut
de l'artiste. Je comprends bien... Pourquoi il y aurait plus de productions en
dehors du parapluie du... et des conventions collectives et pourquoi c'est...
Est-ce que c'est un phénomène qui existe, à l'heure actuelle? Est-ce que...
Mme Samson : C'est un
phénomène qui existe et qui a toujours existé, qui n'est pas très courant, mais
il existe. Mais, à partir du moment où les diffuseurs ne ramasseront pas la
facture du manque à gagner, il va falloir couper dans les budgets de
production. Or, dans les budgets de production, si on veut continuer de faire
des émissions qui ont de l'allure, puis qui se passent ailleurs que dans les
cuisines, puis qu'on veut du tournage extérieur, etc., on va couper dans les
salaires. Et, quand on va couper dans les salaires, le raccourci le plus facile
à prendre, c'est de travailler hors des conventions
collectives parce que, déjà là, vous allez... n'importe qui va économiser
13 % de bénéfices marginaux, entre 10 % et 13 %.
M. Dutrisac (Robert)
:
Mais ce n'est pas permis?
Mme Samson : C'est permis, il
n'y a rien... La loi protège... la loi vise à protéger les travailleurs
autonomes et à leur donner des régimes négociés de conditions
de travail minimales, mais il n'y a rien dans la loi qui interdit à
quelqu'un de travailler hors du cadre. Donc, le personnel, là, quand vous êtes un
artisan de la télévision et que le producteur vous appelle, ou le directeur de
production, puis qu'il dit : Bon, bien
là, là, j'ai tant d'argent pour le faire, et puis on va le faire «non-union» parce que je n'ai pas les moyens de payer
tes bénéfices marginaux. Bien, ce travailleur autonome là aussi a une
hypothèque à payer, puis une famille à nourrir, puis des dépenses, puis il faut
qu'il paie ses taxes, puis tout ça, donc,
souvent, il va être d'accord pour se priver de son régime d'assurance, de son
fonds de pension pour pouvoir... Mais c'est à
très courte vue, là, je suis d'accord avec vous, mais
il n'y a rien dans la loi qui empêche un producteur ou un diffuseur d'acquérir
une émission qui a été produite à l'extérieur des conventions collectives. Et
c'est un phénomène qu'on connaît, qui existe et qui existe de plus en plus.
Et il faut se rappeler que, dans l'industrie,
là, de la production, il y a un nouveau courant émergent de jeunes producteurs
qui ont moins l'habitude, qui comprennent peut-être un peu moins les impacts à long
terme de travailler hors union, mais c'est un phénomène qu'on va voir en
croissance, très certainement.
M. Bovet (Sébastien)
:
Si vous me permettez, un commentaire, sur Radio-Canada...
Mme Samson : Oui, bien sûr.
M. Bovet (Sébastien)
:
...qui annonce l'abolition... l'élimination de 25 % de sa main-d'oeuvre
d'ici 2020, un virage vers le numérique, vers l'information au détriment,
peut-être, des variétés et des productions. Quel effet ça peut avoir sur la
culture québécoise?
Mme Samson : Radio-Canada a de
tout temps été un incontournable en matière d'expression culturelle de langue
française, c'est indéniable. De tout temps, elle l'a été.
Là, Radio-Canada est dans une situation où
elle doit faire des choix épouvantables qu'on peut déplorer, certainement. Il
faut espérer que Radio-Canada aura la sagesse de
faire les bons choix parce qu'effectivement un choix douteux pourrait
avoir un impact très important sur l'expression culturelle québécoise.
Si, par exemple, Radio-Canada décide, bon,
d'abolir ou de mettre fin à ses émissions de variétés... Quand on connaît
l'extrême fragilité de l'industrie de la musique et
des artistes-interprètes de la musique, s'ils perdent une fenêtre comme
celle qu'est Radio-Canada, c'est épouvantable pour cette section... ce secteur-là des industries culturelles, énormément.Si Radio-Canada décide de se désinvestir des
téléromans, des téléséries, des séries dramatiques, qui sont sûrement le
produit culturel auquel les Québécois s'identifient
le plus... et c'est tout le... tout le
secteur dramatique, c'est le symbole de notre star-système québécois, qui est unique au Canada — ce
star-système là n'existe nulle part ailleurs au pays — alors ça pourrait avoir un impact important sur toute
l'industrie culturelle, de façon très importante.
M. Bovet (Sébastien)
:
Merci.
Le Modérateur
:
Merci...
Mme Samson : Merci beaucoup.
Journaliste
: Mme Samson,
un petit commentaire en anglais, peut-être, pour nos collègues de la télé anglophone?
Mme Samson :Thank
you very much. First of all, that's my first experience
in the process of studying the credits of the ministries' budgets. It was not an easy morning as it
became very difficult to get answers from the Minister of Culture. Obviously, the last budget was done without any study of the effects of the cuts; they had no idea of the effects of the cuts. Obviously, the future is pretty much
improvised as we… as I was… it was very
difficult to get any answers on any issues, may it be the national broadcaster,
the… whatever is going to happen with Télé-Québec, the national broadcaster,
the different departments and programs that are
under the Minister's authority. It seems like there is no vision. We agreed
that there needs to be a restraint on government expenses, we were all for that, but in…
as far as culture is involved you need to possess a full comprehension of the
different sectors and aspects of the industries so that you can measure ahead the impact of your moves and your
decisions. Obviously, it is not the case here. So,
we'll see… The Minister promised to do a lot of work all through summer
with her staff, so that some answers would be
made available in the fall. We'll have to wait until the fall.
Des voix
:
Merci.
(Fin à 13 h 59)