(Douze heures dix-neuf minutes)
M. Cloutier
: Alors, je
vous remercie d'être présents aujourd'hui. Le gouvernement du Québec fait clairement
volte-face dans le dossier de la Loi antiterroriste au gouvernement fédéral. Le
gouvernement du Québec revient sur sa décision et décide finalement
d'intervenir auprès du gouvernement fédéral pour exprimer son inquiétude. Non
seulement le gouvernement du Québec exprime dorénavant son inquiétude, mais
reproche même l'unilatéralisme avec lequel le gouvernement d'Ottawa a procédé
dans ce dossier. Finalement, le gouvernement du Québec a décidé d'intervenir
auprès d'Ottawa par la main de la ministre de la Justice, et ils n'y vont pas
avec le dos de la cuillère.
Ils expliquent concrètement leur grande
préoccupation par rapport aux nouveaux pouvoirs aux services de renseignement
canadiens, aux services secrets. Le gouvernement du Québec réclame dorénavant
que des correctifs importants soient apportés au projet de loi fédéral, énonce
clairement qu'il est malheureux que le gouvernement fédéral ait choisi de
manière unilatérale de procéder sans consultation avec le gouvernement du
Québec et s'inquiète même du caractère confidentiel des données et du partage
d'information. Alors, si je résume, le gouvernement du Québec se range
finalement derrière la position du Parti québécois, que je vous ai exprimée il
y a déjà de cela quelques semaines.
Alors, essentiellement, quelles sont les
principales préoccupations? C'est que, dorénavant, les services secrets ne
fichent pas juste les terroristes, mais s'en prennent à des gens qui, pour toutes
sortes de raisons, se retrouvent dans les filets plus larges que donneront les
nouveaux pouvoirs de la loi fédérale. Le problème est lié à la nouvelle
définition de sécurité du Canada pour y inclure l'intégralité du territoire,
les infrastructures essentielles et même le caractère permanent de la situation
économique du Canada. Donc, avec cette nouvelle définition large, il y a un
risque pour que des individus qui ne sont pas des terroristes se retrouvent
fichés par les services secrets du Canada. J'entends donc, dès demain, déposer
à l'Assemblée nationale une motion unanime pour réclamer — unanime,
je l'espère — les correctifs nécessaires qui doivent être apportés au
projet de loi fédéral.
M. Pépin (Michel)
: Ce
que l'on lit comme préoccupation, si vous me permettez…
M. Cloutier
: Absolument.
M. Pépin (Michel)
: Certainement.
Bon. Allons-y de façon plus globale, peut-être, avant d'y aller dans le
spécifique.
M. Cloutier
: Juste… Je
veux juste avoir ma pochette bleue avec l'ensemble de la documentation. O.K., merci.
Ça va. Je vais prendre votre question.
M. Pépin (Michel)
: Si
je comprends bien, vraiment, le gouvernement, ici, c'est un… manifeste une opposition
assez claire et assez nette par rapport à certaines dispositions de C-51.
M. Cloutier
: Tout à
fait, ce qui est exactement notre position. Je vous rappelle qu'il y a cinq
parties au projet de loi C-51. C'est essentiellement la première partie qui est
plus problématique. Je comprends qu'ils font aussi référence à la lettre des
ex-premiers ministres, des ex-juges de la Cour suprême, des ex-procureurs. On
fait aussi référence au partage d'information. Ça, c'est vraiment la
partie 1, où 17 agences fédérales vont avoir accès aux renseignements
fichés par les services secrets canadiens. Donc, pour la première fois, enfin
le gouvernement du Québec se réveille, prend position dans le dossier et
réclame du gouvernement fédéral que soient modifiées certaines dispositions.
M. Pépin (Michel)
: Et notamment
sur les pouvoirs du SCRS, qui semblent préoccuper particulièrement le gouvernement.
M. Cloutier
: Tout à
fait. Les pouvoirs accrus du SCRS sont inquiétants parce qu'ils vont permettre,
entre autres, à certains agents de poser des gestes qui sont à la fois
contraires à la Charte canadienne des droits, mais aussi contraires à la charte
québécoise des droits et libertés. Le gouvernement du Québec met aussi ça en cause.
M. Pépin (Michel)
:
Comment vous… Est-ce que vous parlez d'un changement de cap de la part du gouvernement…
M. Cloutier
: Bien, c'est
évident.
M. Pépin (Michel)
: …ou
d'une précision, ou… Qu'en est-il à votre avis?
M. Cloutier
: Bien, écoutez,
lorsque j'ai posé ma question à l'Assemblée nationale, j'ai demandé au gouvernement
du Québec s'il avait l'intention d'intervenir, et la réponse, ça a été non.
Alors, de toute évidence, on a changé d'idée. Le seul hic, c'est qu'on le fait
très tardivement : on est en commission parlementaire à Ottawa au moment
où on se parle. J'aurais souhaité une intervention plus musclée il y a déjà
quelques semaines. Nous, au Parti québécois, on a déjà sonné l'alarme.
Entendez-moi bien, on reconnaît la
nécessité de moderniser les règles et les lois antiterroristes, mais encore
faut-il être capables de faire preuve de la mesure et de la justesse nécessaires.
Mais, de toute évidence, on aurait pu se contenter uniquement d'écrire une
lettre à Ottawa pour dénoncer certaines dispositions, mais le gouvernement du
Québec a quand même pris la peine d'ajouter un paragraphe pour dénoncer le
caractère unilatéral et l'absence de consultation du gouvernement du Québec
dans ce dossier-là, ce qui est quand même un changement d'attitude assez
marqué, surtout pour un gouvernement qui, tantôt, avait de la difficulté à
répondre à la question que j'ai posée, alors que, quand on lit la lettre, on
voit bien qu'il y a plusieurs problèmes importants.
M. Gentile (Davide) : Sur un
autre sujet, M. Cloutier, qu'est-ce que vous pensez de l'appui de…
M. Pépin (Michel)
: Je
m'excuse, je finirais, à ce moment-là, ce sujet-là complètement, qui m'apparaît
quand même assez important.
M. Cloutier
: Vous avez
tout à fait raison, c'est un changement majeur qui est en train d'être opéré.
M. Pépin (Michel)
: Et
la question n'est pas… Je ne l'adresse pas à la bonne personne, mais je tente
ma chance quand même. Comment expliquez-vous ce que vous qualifiez ou ce que
vous voyez comme un changement de cap par le gouvernement?
M. Cloutier
: Bien, je
pense qu'il y a quelqu'un au gouvernement, que ce soit la ministre de la
Justice ou à la Sécurité publique, qui a fini par se réveiller, et lire les
dispositions, et les comprendre. Alors, Steven Blaney est tombé à bras raccourcis
sur moi, la semaine dernière, en me disant qu'on avait une compréhension
approximative. Alors, de toute évidence, notre compréhension, du Parti
québécois, devient aussi la préoccupation du gouvernement du Québec, parce que
n'importe qui qui est capable de lire une loi réalise à quel point on donne des
pouvoirs larges et mal définis.
Et je veux aussi rappeler à quel point il
y a eu des dérapages par le passé. Le SCRS n'a pas une histoire sans tache, et
c'est pour ça qu'il y a une nécessité qu'il y ait à la fois de la surveillance,
mais aussi que les pouvoirs qui soient accordés ne soient pas libellés d'une
manière tellement large qui ferait en sorte qu'il y aurait des conséquences
négatives à cette nouvelle disposition-là. Je suis surpris que la ministre de
la Justice ne soit pas sortie avec vous pour vous expliquer le nouveau
positionnement du gouvernement du Québec, je suis surpris que la Sécurité
publique n'ait pas expliqué ce revirement de position. Par contre, je me
réjouis, avec quelques semaines de retard, que le gouvernement se joint finalement
à la position exprimée par l'opposition officielle.
Une voix
: Cher collègue,
désolé.
M. Gentile (Davide) : Pas de
problème. Sur un autre sujet, M. Cloutier, est-ce que vous êtes déçu de
voir que M. Gaudreault se rallie à Bernard Drainville? Est-ce que vous
auriez voulu former un bloc bleuet?
M. Cloutier
: Bien, évidemment,
je souhaite qu'il y ait le plus de gens possible qui se joignent à ma candidature.
Par contre, je suis extrêmement fier de l'appui de Véronique Hivon, de Léo
Bureau-Blouin, de Gaétan Lelièvre, de François Gendron, qui sont des appuis
exceptionnels. Il n'y a pas une journée qui passe sans que je n'aie pas de
nouveaux appuis. Alors, j'ai le vent dans les voiles, je suis rempli d'énergie.
Je fais cette course à la chefferie avec la force de mes convictions. Quand je
me suis lancé dans cette course, je rappelle que j'avais zéro appui, j'avais
zéro pourcentage d'appui dans la population. Je suis en croissance, en
croissance constante, et vous pouvez être assurés que je réserve encore
quelques belles surprises pour la suite.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce que c'est un appui plus important que les autres, celui de M. Gaudreault,
que M. Drainville a eu?
M. Cloutier
: Je vous
laisserai faire l'analyse de qui est plus important.
M. Robillard (Alexandre)
:
Pouvez-vous dire qu'il est aussi important pour lui que Mme Hivon l'a été
pour vous?
M. Cloutier
: Vous
aurez compris que, par respect par mes collègues, je considère chacun de mes
collègues tous aussi importants les uns que les autres. À leur manière, ils
apportent tous un créneau d'expérience, une région, une circonscription, des
appuis circonstanciels. Alors, je n'irai pas plus loin à ce sujet.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce que vous avez eu l'occasion de prendre connaissance du rapport de Commissaire
à l'éthique auquel M. Fournier a fait référence plus tôt, qui concerne les
situations exceptionnelles lors desquelles un membre de l'Assemblée nationale
devrait, même s'il n'est pas membre de l'Exécutif, placer ses actifs dans une
fiducie sans droit de regard?
M. Cloutier
: Je pense
que vous faites plutôt référence au rapport du jurisconsulte.
M. Robillard (Alexandre)
:
Bien, c'est-à-dire qu'il y a le Commissaire à l'éthique, il y a la recommandation 23,
qui parle des situations exceptionnelles. Il y a aussi l'avis du jurisconsulte,
je vous…. Il y a effectivement les deux, là.
M. Cloutier
: J'avais
compris…
M. Robillard (Alexandre)
:
Vous pouvez commenter l'une et l'autre, là. Il a parlé des deux…
M. Cloutier
: Bien, en
fait, vous voyez que ma compréhension… Vous voyez donc que ma compréhension ne
semble pas complète. Alors, je vais prendre la peine… J'avais plutôt compris
qu'il y avait… L'aspect nouveau, c'était le rapport du jurisconsulte, mais vous
me permettrez de prendre…
M. Robillard (Alexandre)
:
Sur le jurisconsulte, est-ce que vous avez quelque chose à dire?
M. Cloutier
: En fait,
je n'ai lu ni un, ni l'autre, et ma compréhension est trop approximative, mais
je suis persuadé qu'au fil de la journée, au débat de ce soir, il y a d'autres
questions qui vont nous être posées.
M. Robillard (Alexandre)
:
Et, à titre de membre de l'Assemblée nationale, est-ce que ça vous apparaît
clair qu'un membre du Conseil exécutif ne peut pas placer ses actifs dans une
fiducie en donnant des consignes?
M. Cloutier
: Bien,
vous aurez compris qu'habituellement je préfère prendre la peine de lire les
recommandations. De toute façon, je sens qu'on va se revoir. Merci.
La Modératrice
:
Questions en anglais?
M. Hicks (Ryan) :So, on Bill C-51, let's just start with what are your main
preoccupations. What are your main worries?
M. Cloutier
: Well, now, my main preoccupations are the same that the Québec Government, obviously. They have
changed their mind, have decided to use our approach. Obviously, they were not
aware of all the legal aspects that are brought by this project of law. And we
have been saying to the Québec
Government, like three weeks ago, that they should entering, they should
express their concern about all the broad power that they are giving to this
agency and we want now that the Québec Government intervene more strongly and express very clearly what
are their recommendations, but obviously they have changed their mind. I am
very happy they did so, but now it is time for the federal Government to adjust
to the recommendations of the Québec Government.
M. Hicks (Ryan) : …of your fears and concerns with the law?
M. Cloutier
: Well, my fear is that the mere definition of security of Canada is
so broad that they might intervene and bring some people under the law that
shouldn't be. I mean, the job is to focus on terrorists and not on the
sovereignists or environmentalists and they have… This is why they should frame
the law to make sure that they don't catch people that have nothing to do with
terrorism in Canada. Merci beaucoup.
(Fin à 12 h 31)