(Onze heures cinquante-deux minutes)
M. Traversy
: Merci
beaucoup de vous être déplacés aujourd'hui. Vous avez vu que nous avons débuté
la période de questions concernant la vente de permis de garderies privées
subventionnées au Québec, des ventes qui semblent dépasser maintenant les 2 à
3 millions de dollars pour des permis octroyés par le gouvernement à des
prix dérisoires, sinon presque gratuits, lors de l'octroi du permis.
On a questionné la ministre ce matin pour
lui demander si elle trouvait ça raisonnable de laisser une situation comme
celle-ci se produire. À notre grande surprise, on a quasiment trouvé qu'elle
semblait voir cette situation presque normale se dérouler dans la société
québécoise à l'heure actuelle, une situation qui, clairement, là, laisse tracer,
dans le fond, une spéculation financière, là, sur le dos de nos enfants, donc
un marché qui… dans le fond, sur les services de garde et les garderies.
Alors, l'opposition officielle, le Parti
québécois, a demandé ce matin que la Commission des relations avec les citoyens
se penche sur l'étude, très rapidement, des mécanismes entourant la vente des
garderies privées subventionnées. On veut essayer de resserrer certaines
règles, réfléchir à voir si on ne pourrait pas améliorer la situation, parce
que les places qui sont présentement disponibles au Québec sont limitées, et on
souhaite, évidemment, là, que les permis puissent rester entre les mains de
gens qui puissent offrir le meilleur service à nos enfants.
On veut également garder un certain
contrôle sur l'octroi de ces permis qui sont donnés par le ministère de la
Famille. Je vous rappelle que ce matin on avait également l'information que le ministère
n'avait aucune idée des transactions qui pouvaient être faites au Québec en
cette matière. Donc, on veut plus de transparence, on veut que le ministère de
la Famille puisse mieux encadrer la chose et resserrer certains points.
Un autre aspect, aussi, inquiétant que
vous avez vu, c'est que ces places en garderie, qui sont des fois, donc,
vendues avec un bâtiment ou non, octroyées par le ministère de la Famille sont
maintenant rendues disponibles sur des sites Internet. On l'avait mentionné en
crédits il y a quelques semaines, des garderies en vente sur Kijiji; là,
aujourd'hui, c'est sur un autre site de revente, des garderies subventionnées,
cette fois-ci, qui sont disponibles. Donc, on trouve la situation
déraisonnable, on veut que la ministre bouge et on l'encourage, donc, à nous
donner des solutions concrètes.
Présentement, ce qui nous déçoit,
actuellement, au Parti québécois, c'est que la ministre semble lancer plusieurs
ballons, mais ne répond pas de façon concrète à des solutions. Vous l'avez vu
il y a quelques jours, là, sur la sécurité dans nos services de garde, on demandait
un resserrement, un encadrement dans les services de garde subventionnés et non
régis de l'État. La ministre se dit très ouverte, mais on n'a pas d'échéancier.
On ne sait pas de quelle façon elle va le faire, on n'a aucun début de piste de
solution qui nous est proposée.
Aujourd'hui, on voit pour… la vente des
garderies privées subventionnées qui se font à des millions de dollars, qui
sont extrêmement rentables, on parle quasiment d'une loterie à vie. Lorsque
vous octroyez un permis de garderie subventionnée, vous pouvez être sûr que
vous vivrez bien jusqu'au restant de vos jours si vous faites, évidemment, un
travail correct. Et donc à cet égard non plus la ministre ne nous donne pas le
début d'une solution pour le moins, là, tangible. Alors, on l'encourage à aller
en ce sens et on espère d'avoir des questions de sa part le plus rapidement
possible.
On est disponibles pour répondre à vos questions.
M. Lavallée (Hugo)
: En
quoi est-ce que c'est une spéculation qui se fait sur le dos des enfants? Parce
que, tant que le propriétaire respecte les règlements, que ce soit un qui soit
propriétaire ou l'autre qui ait acheté, ça ne change rien à la prestation du
service comme tel.
M. Traversy
: Bien, la
prestation du service est offerte, là, d'une façon tout à fait professionnelle.
La question, c'est qu'on ne sait pas à qui elle va être transmise, et évidemment
la valeur de ce permis est en lien avec la rareté sur le marché, là, des places
subventionnées pour nos enfants. Donc, à cet égard, on trouve que certains
profitent généreusement de la situation, là, pour se faire des profits relativement
très faramineux. Quand qu'on parle entre 2 et 3 millions de dollars pour
la vente d'un permis qui a été donné quasi gratuitement, on peut donc se questionner
à savoir si ça ne peut pas, peut-être, des fois tomber dans de la dérive, et
c'est là-dessus qu'on veut éclaircir les mécanismes, là, pour la suite des
choses.
M. Lavallée (Hugo)
: Quel
genre de mécanisme vous souhaiteriez qui soit mis de l'avant, précisément?
M. Traversy
: Bien, la
meilleure personne, pour nous, déjà, à faire des propositions, c'est la ministre
de la Famille, avec ses fonctionnaires, mais je pense qu'on peut déjà réfléchir
à des questions. Est-ce qu'un permis peut être vendu de gré à gré à un autre
entrepreneur qui décide de vouloir reprendre la relève de cette garderie ou
est-ce que le permis ne devrait pas, exemple, revenir au ministère de la
Famille? Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un montant limite pour vendre un
tel permis ou est-ce qu'on laisse ça selon les lois du marché, alors que c'est
un service qui est financé par l'État, je vous rappelle, en grande partie?
Alors, là-dessus, c'est tout plein de questions
auxquelles il faudrait essayer de trouver des réponses. Évidemment, on veut
consulter les partenaires du milieu, qui sont les mieux placés pour nous faire
des recommandations. On veut surtout, aussi, peut-être avoir davantage de
transparence, donc être capables de recenser les transactions qui sont faites
dans le milieu des garderies et voir de quelle manière, là, dans le fond, elles
se déploient.
M. Chouinard (Tommy)
:
Proposez-vous que, lorsqu'un propriétaire d'une garderie privée subventionnée
souhaite se départir de son entreprise, qu'il vende, au fond, l'immeuble en
question, mais que, pour ce qui est des places subventionnées, ce soit rapatrié
au gouvernement du Québec puis qu'il y ait un nouvel appel d'offres pour
répartir, donc, retourner ces places-là?
M. Traversy
: Bien,
écoutez, moi, c'est le genre de discussion que j'aimerais avoir, là, dans le
cadre, là, de la Commission des relations avec le citoyen, parce qu'il doit
avoir des pour et des contres. Je ne suis pas fermé à en discuter.
Maintenant, en même temps, les gens qui
gèrent présentement des garderies privées subventionnées sont des
entrepreneurs. Ils le font, en grande partie, là, avec un professionnalisme et
une qualité, là, exemplaires. Et on s'entend que, lorsqu'ils se sont lancés
dans cette aventure, c'était pour se faire du profit, et c'est le concept même
des garderies privées, donc je ne peux pas leur en vouloir d'en faire. La question,
c'est de savoir : Est-ce qu'on peut peut-être mieux baliser la suite des
choses et quel genre de profit est raisonnable, vu le financement étatique qui
lui est attribué, serait peut-être pensable pour la suite des choses ou la
manière dont les transactions se font actuellement? Moi, je pense que la question
mérite d'être posée. La ministre devrait nous répondre.
M. Chouinard (Tommy)
:
Donc, sur le profit, il pourrait y avoir… suggérez-vous, donc, une quote-part
retournée à l'État, au fond?
M. Traversy
: Bien, les
garderies privées subventionnées semblent être très lucratives, à l'heure
actuelle, selon les données qu'on voyait aujourd'hui, là, dans LeJournal
de Montréal. On comprend que c'est en moyenne 370 000 $ de
surplus, là, qui sont faits… de profit par année pour ces garderies. Donc, à
cet… et ça, c'est après avoir payé l'immobilisation, après avoir payé les frais
de fonctionnement, évidemment. Donc, ça me semble être quelque chose, là,
d'assez rentable. Est-ce qu'on peut réfléchir à essayer de trouver une voie
raisonnable où le but premier reste quand même le service de qualité aux
enfants plus que la recherche de profit ou tomber dans des dérapages où
certains pourraient, par exemple, utiliser des prête-noms pour essayer
d'agrandir, là, ce profit, comme on l'a vu il y a quelques mois au Québec?
Donc, pour essayer de limiter les
dérapages, mieux baliser, mieux contrôler, on demande à la ministre de nous
faire des suggestions, de s'asseoir avec les partenaires et essayer d'être plus
proactive sur la question, parce qu'il me semble que c'est déraisonnable à
l'heure actuelle.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais les bénéfices nets non répartis des garderies privées, ça fait quand même
des années qu'on en parle. Puis, lorsqu'il y a des compressions, on leur
demande, justement, de piger dans ces surplus-là — on appelle ça des
surplus dans le cas des CPE, dans le cas des garderies privées, c'est des
bénéfices nets non répartis — donc le gouvernement doit poursuivre
sur la récupération des surplus, donc, des bénéfices nets non répartis des
garderies privées pour l'avenir, non?
M. Traversy
: Non, pas
nécessairement. Moi, c'est plus sur l'explosion des coûts de la vente des
permis que je me concentre actuellement. On me dit que ça a triplé voire
quadruplé depuis les dernières années. Donc, ce qui pouvait se vendre autour de
500 000 $, 600 000 $ il y a quelques années pour un permis
de 80 places, aujourd'hui semble être disponible pour 2 millions,
3 millions de dollars, ce qui commence à être assez faramineux. Le fait
aussi de retarder le développement des places doit créer une rareté, là, qui
est très avantageuse, là, pour les gens qui détiennent des permis, en tout cas,
visiblement, de ce qu'on a vu ce matin.
Moi, je demande simplement à ce qu'on
puisse regarder pour voir si nos règles sont les plus optimales possible en la
matière et si on est toujours dans le raisonnable étant donné le service
étatique qui est fourni.
La Modératrice
: Martin
Ouellet.
M. Chouinard (Tommy)
:
Oui, je vais en avoir une autre après.
M. Ouellet (Martin)
:
Excusez, je ne voulais pas déranger l'entrevue. La plus-value d'un permis, c'est
l'aide de l'État, c'est les subventions par tête, hein, c'est ça? C'est ça qui
fait qu'une garderie commerciale est intéressante au niveau du… tu sais, au
niveau… pour l'acheter, là. C'est l'avantage que procure le fait d'avoir une
subvention par jeune qui fait en sorte que c'est un marché intéressant, c'est
un achat intéressant pour un entrepreneur.
M. Traversy
: Les
risques sont presque quasi nuls.
M. Ouellet (Martin)
:
Exact. Mais c'est l'État qui paie pour ça, alors que des entrepreneurs font la
spéculation, font… Je ne sais pas si je m'égare, là, dans... J'essaie de mettre
ça droit, là. Excuse-moi, tu m'as dérangé, là.
M. Traversy
: C'est
encore Tommy, c'est…
M. Ouellet (Martin)
:
Mais ce que je veux dire, c'est que l'État a une part là-dedans, a payé pour
ça, a payé pour la valeur de la garderie. Est-ce qu'il n'est pas normal que
l'État en récupère une partie lors de la vente?
M. Traversy
: Vous
voyez, c'est ce genre de question qui pourrait être posée dans le cadre de la
commission. La bonne nouvelle, c'est qu'on va pouvoir poser ce genre de
question d'ici la fin de la session pour avoir, évidemment, un éclairage très
rapide. Mais ça fait partie de l'ensemble, là, de la discussion qu'on doit
avoir avec les partenaires du milieu.
Et c'est clair, vous avez raison, les
risques associés à une garderie qui est subventionnée par l'État sont très
minimes. Du moment que le travail est professionnel et que les services sont de
qualité, les banques sont prêtes à ouvrir, là, les coffres pour aider au
financement. Et la rareté des places fait en sorte que les listes d'attente
sont très longues, il n'y a pas de problème, non plus, d'achalandage.
M. Ouellet (Martin)
:
Mais l'État devrait mettre... devrait prendre une partie de cet argent-là, de
cette plus-value à la fin dans une transaction?
M. Traversy
: Bien, c'est
le genre de question qu'on pourrait poser en commission. Moi, je demande à la
ministre, là, tu sais, de nous amener toutes les informations qu'on a besoin
pour prendre la décision la plus éclairée, de consulter aussi beaucoup les
partenaires. Je suis venu souvent devant vous pour vous mentionner à quel point
on travaillait en collaboration avec les gens du milieu. Moi, je constate des
situations qui me semblent un peu aberrantes, là, ce matin. Je demande à ce
qu'on essaie de trouver la voie de passage pour les rendre beaucoup plus
acceptables. Surtout dans le contexte de serrage de ceinture qu'on connaît
actuellement, je pense que ça serait d'adon de baliser certains points
concernant la vente des permis de services de garde subventionnés qui sont
octroyés par le ministère de la Famille.
Mme Plante (Caroline)
:
Françoise David de Québec solidaire, ce matin, ici, dans le «hot room», disait
que la situation profitait aux amis des libéraux. Est-ce que c'est une analyse
que vous partagez?
M. Traversy
: Bien,
oui, en grande partie, parce que vous vous rappellerez que, dans un passé pas
si lointain, le Parti québécois avait dénoncé le scandale des places en
garderie libérales. Ce qu'on constate, c'est que les places qui ont été
octroyées par des garderies... par le ministère de la Famille en garderies
privées subventionnées à des donateurs du Parti libéral — qui les ont
reçus, visiblement, par ce qu'on a compris, là, grâce à des donations à une
formation politique — bien, c'est ces gens-là qui aujourd'hui s'enrichissent
sur le dos des contribuables québécois. C'est ces gens-là qui vont faire, dans
le fond, fortune en vendant ou en agrandissant, dans le fond, leur nombre de
garderies privées subventionnées. Alors, à cet égard-là, c'est clair que l'ère
Tomassi, là, est encore en filigrane de la situation dont on parle. Par contre,
ce n'est pas l'ensemble non plus, là, des partenaires du milieu, là, des
garderies privées subventionnées qui sont touchées par cette situation, mais il
y en a, et c'est pour ça que je pense qu'on mériterait aussi, là, de clarifier
certaines choses.
M. Ouellet (Martin)
:
La ministre protège les amis du parti?
M. Traversy
: Bien, en
tout cas, ce matin j'ai trouvé qu'elle était très, très floue, très, très en
recul de la situation. On n'a pas compris si elle était scandalisée, si elle
l'acceptait ou non. On voit qu'elle est ouverte à en parler, mais aucune
solution concrète pour réussir à corriger le tir. Donc, je n'ai pas senti que
sa préoccupation était immense à cet égard. On sent qu'elle est forcée de
devoir réagir à la situation, mais que, si on n'avait pas été là ce matin, bien,
elle aurait pu facilement laisser les choses couler comme elles le sont.
M. Chouinard (Tommy)
:
...analyse que ce flou-là, ou ce recul, ou cette prudence est née, donc, de
liens que vous faites entre des propriétaires de garderies privées et le Parti
libéral?
M. Traversy
: Je ne
veux pas faire de liens, mais je pense que se poser la question est tout à fait
plausible. Pourquoi la ministre est aussi tiède dans ses réponses? Qu'a-t-elle
à défendre? Je pense que le gros bon sens voudrait qu'on puisse revoir un peu
les mécanismes, là, de vente qui sont attribués parce qu'on ne contrôle pas le
coût des transactions, parce que l'État est un partenaire majeur, parce que...
vous avez vu qu'elles sont maintenant disponibles sur des sites de revente
comme Kijiji ou d'autres. Donc, là-dessus, il y a un certain... il y a
une mise à jour à faire, et la ministre, là, devrait être beaucoup plus
proactive. Sa tiédeur peut nous laisse penser à plusieurs hypothèses.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais la valeur — juste une dernière chose — de la revente
des places subventionnées, ça fait quand même des années que ça existe. À ma connaissance,
l'appel d'offres qui avait été lancé par le gouvernement Marois, ça incluait
des places pour des garderies privées, n'est-ce pas?
M. Traversy
: Oui, sauf
que…
M. Chouinard (Tommy)
: Oui.
Donc, dans quelle mesure est-ce que l'État, dont le Parti québécois, n'est pas lui-même
responsable de l'état de situation actuel?
M. Traversy
: Le Parti
québécois, vous savez, a toujours priorisé davantage les centres de la petite
enfance, qui sont des organismes à but non lucratif qui ne peuvent pas être
vendus par la suite, qui appartiennent à l'État et à la collectivité. D'ailleurs,
dans l'appel d'offres que vous mentionnez, 85 % des places étaient en centres
de la petite enfance, il y avait un 15 % en garderies privées
subventionnées. Je pense que le travail des garderies privées subventionnées
est de qualité, c'est des gens qui sont très professionnels. Je connais
plusieurs éducatrices, plusieurs éducateurs qui sont dans ces milieux qui
offrent un très bon service aux enfants.
La question dont on parle aujourd'hui, c'est
au niveau de la revente. Est-ce qu'avec les informations que nous avons,
l'explosion des coûts, la rareté qui va s'accentuer jusqu'en 2020‑2021 — alors
que le Parti québécois voulait développer les places disponibles pour les
parents dès 2016 — ne mériteraient pas qu'on puisse revoir les
mécanismes pour la revente de ces dits permis? Merci beaucoup.
(Fin à12 h 6)