(Neuf heures trente et une minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bonjour tout
le monde. D'abord, je vais vous dire, parce que je faisais un petit survol, on
est en interpellation ce matin vis-à-vis la ministre des Aînés, Mme Charbonneau,
et je faisais un petit survol, une de mes premières questions, voire la première
question que j'ai posée, c'était fin novembre, fin novembre dernier, je venais
d'arriver tout juste, et ça concernait des problèmes de soins d'hygiène.
Je vous rappelle seulement
Rita Couturier, une dame qui avait été laissée sans bain pendant neuf
mois, et, à partir de ce moment-là, bien, est parti tout le dossier des bains
au noir par la suite. Mais je vous dirai que j'ai parlé à la fille
Mme Couturier, puis, depuis qu'elle a changé d'établissement, elle reçoit
ses bains. Que tous se rassurent, pas de bain pendant neuf mois, tu changes d'établissement,
maintenant, ça va bien, ses filles sont contentes. Alors, il y a moyen de
régler des choses. Alors, depuis, il y a eu la situation des bains au noir,
puis c'est collectivement… Je pense que, collectivement, on a pris conscience, tout
le monde, de cette problématique-là, un problème à régler, le problème des
soins d'hygiène fondamentaux.
Aujourd'hui, on a une interpellation, c'est
l'occasion de demander à la ministre d'éclairer, de faire davantage sur la situation
parce qu'il y a des questions qui restent sans réponse et qui sont, ma foi,
inquiétantes. Je vous rappelle seulement que la Coalition avenir Québec
continue à réclamer une norme officielle parce qu'il n'y en a pas en matière de
soins d'hygiène, qu'on trouve toujours qu'un bain par semaine ce n'est pas
assez, qu'on doit faire des choix collectivement. Les aînés réclament ça. Et d'ailleurs
on l'a vu à travers les sondages qui ont été publiés partout, les Québécois
disent qu'il faut davantage, qu'on va bien plus loin que deux bains par
semaine.
Le ministre a admis qu'il y avait un
problème, qu'il allait jeter un oeil là-dessus puis il a proposé quelque chose
en… bien, je présume que c'est en attendant qu'on bouge davantage, ce qu'on souhaite.
C'est notamment qu'on fasse appel aux entreprises d'économie sociale. On le
disait, en passant par les entreprises d'économie sociale, on règle le
problème, on peut avoir un deuxième bain qui ne sera pas au noir. Deux
problèmes.
Le Protecteur du citoyen, en 2014, nous
signale que, sur les 102 entreprises d'économie sociale au Québec, il y en
a à peu près 50 % qui offrent ce qu'on appelle l'assistance aux activités
quotidiennes. Ça, c'est laver, manger, s'habiller. 50 %. Ça veut dire que
l'offre n'est pas égale partout à travers le Québec. Ça veut dire qu'il y a des
endroits où on ne peut pas, même par le biais de ces entreprises-là, avoir de
l'hygiène supplémentaire. Alors, c'est évident qu'on va demander à la ministre
quelles sont les entreprises qui offrent ces services-là, où sont-elles, est-ce
que les aînés ont recours à ces services-là.
Autre problème, le coût. 23 $, c'est à
peu près le coût d'un bain donné par une entreprise d'économie sociale, une
fois que les crédits d'impôt ont permis d'alléger la facture. 23 $, si on
fait le calcul, ce n'est pas trop, trop compliqué, à un bain de plus par
semaine, c'est 1 200 $ par année, 92 $ par mois. Le ministre a
reculé sur l'idée qu'ils avaient de hausser les contributions de frais
d'hébergement, ce fameux 4 % dont on parlait, qui aurait donné
850 $de plus par année. Pour un bain de plus, si on passe par les
entreprises d'économie sociale, c'est 1 200 $, 92 $ par mois. On
est en CHSLD. Les aînés n'ont pas les moyens de payer. Alors, on revient à
notre base en bonifiant l'offre qu'on doit offrir aux aînés au nom de l'équité
et de l'égalité.
L'autre proposition, c'était de revoir les
plans d'intervention en disant : Bien, écoutez, il y a peut-être moyen…
Mon père, ma mère aurait besoin d'un deuxième bain. Combien ont demandé à
revoir leur plan d'intervention? J'aimerais que la ministre me réponde. Combien
ont obtenu satisfaction? Combien d'aînés dans nos CHSLD, au moment où l'on se
parle, ont deux bains par semaine, ce qui est norme minimale, très en deçà de
que les Québécois réclament pour leurs parents et généralement?
Puis, pour avoir fait quelques contacts,
je vous raconterai une histoire qui m'a fait frissonner. Une dame qui
souhaitait un deuxième bain pour sa mère dans un CHSLD, qui me raconte
l'histoire — je lui conserve son anonymat — mais qui se
surprend de voir que, dans sa section, des aînés ont obtenu, dans leur plan
d'intervention, un deuxième bain. Elle se demande pourquoi sa mère n'en a pas.
Il semblerait que sa mère, l'odeur est supportable. Moi, quelque part, ça me
fait frissonner. Et je ne sais pas... j'espère qu'on n'est pas rendu à offrir
un soin comme celui-là en fonction de l'odeur de nos aînés. Et moi, ça me
dérange.
Alors, je veux que, pour me rassurer, nous
rassurer, on puisse être en mesure de faire en sorte qu'on sache où on en est
rendus dans ce dossier-là parce qu'il est loin d'être réglé. On a comme
l'impression que, pour l'instant, tout est beau. C'est loin d'être réglé. Je
vous rappellerai également que des directeurs d'entreprise d'économie sociale
nous disent : Attention, là, ce n'est pas un automatisme, c'est complexe.
Si une entreprise d'économie sociale, aux dires même de dirigeants de ces
entreprises-là, décide de faire affaire avec des CHSLD, il faut convenir de façons
de faire, l'utilisation des équipements, à quel moment. Il y a des choses à
négocier, ce n'est pas simple et, pour l'usager, ce n'est pas plus simple non
plus, ce n'est pas un automatisme. Alors, il faut, à ce moment-là, revoir le
plan d'intervention, parler avec le CHSLD, rencontrer la famille. Ce n'est pas
un automatisme, on ne commande pas automatiquement. C'est complexe. Est-ce que
c'est méconnu? De fait, il y a une problématique, parce que plusieurs entreprises
d'économie sociale nous disent : On n'en a pas eu, d'appel. Et pourtant
les aînés nous disent : On manque de services.
Alors, je demande à la ministre ce matin
de faire en sorte qu'on puisse avoir des réponses à ces questions. Je pense que
l'inéquité liée aux coûts, l'offre inégale de ces services-là, aux dires même
du Protecteur du citoyen, le processus bureaucratique lourd, les familles, où
ce n'est pas facile non plus, ça expose le problème dans son ensemble. Il faut,
encore une fois, et je le demanderai, bonifier l'offre de services de soins
d'hygiène pour nos aînés au Québec.
La Modératrice
: On va prendre
les questions.
M. Gagné (Louis) : Vous
demandez qu'on ait la... Vous demandez l'implantation d'une norme officielle,
là, pour les bains, tout ça. C'est quoi… Vous, là, vous dites que deux bains,
ce n'est pas assez par rapport à ce que les Québécois demandent. Avez-vous un
chiffre, admettons, qu'est-ce qui serait acceptable, là, en moyenne, là?
M. Paradis (Lévis) : Écoutez,
si je me fie à ce que les Québécois souhaitent à travers les sondages qu'on a
vus, hein, plusieurs disaient : Ce serait un bain par jour, quatre bains
par semaine. Là, actuellement, il n'y en a pas de norme. Alors, c'est laissé
aux établissements. Alors, ce n'est même pas un, là, il n'y a pas de norme
officielle. Ça en prend une. Nous, on dit : Ça prend deux bains par
semaine. Un, ce n'est pas suffisant.
M. Laforest (Alain)
:
Est-ce qu'on n'est pas condamnés, M. Paradis, compte tenu de l'inversion de la
courbe démographique, à voir ces problèmes-là s'amplifier, là? Parce qu'on est
au début de l'arrivée des baby-boomers dans les CHSLD, puis ça va exploser, là.
M. Paradis (Lévis) : D'où
l'importance de ce que vous dites, se pencher puis retrouver nos
cibles et nos valeurs également. La courbe nous explique que la problématique
va aller en s'accroissant, et d'ailleurs le Protecteur du citoyen, en 2014,
lorsqu'il nous dit que 50 % des entreprises d'économie sociale offrent le
service, notamment, de ce qu'on appelle des activités quotidiennes, là, assistance
aux activités quotidiennes... Assistance aux activités quotidiennes, ce n'est
pas compliqué, parce que tu en as deux là-dedans : tu as assistance aux
activités quotidiennes puis assistance aux activités domestiques. C'est pour ça
qu'ils disent que la moitié offre les quotidiennes. Quotidiennes, c'est laver,
s'habiller, manger. Domestique, bien, c'est aide à la cuisine, faire le ménage
et le reste, là.
Alors, oui, il y a un problème, et
d'ailleurs le Protecteur du citoyen l'adresse en 2014 en disant : Il va
falloir qu'on revoie puis qu'on se donne des moyens d'offrir davantage et
surtout de ne pas creuser le fossé entre ceux qui peuvent se permettre puis
ceux qui ne peuvent pas se permettre, pas sur des soins de ce type-là. Oui, il
y en a un problème. Il va falloir qu'on s'adresse collectivement à ce
problème-là puis qu'on prenne des décisions au nom de nos aînés. Je pense que,
dans ma tête à moi, c'est une priorité.
M. Caron (Régys)
: Le
gouvernement demande un effort budgétaire important à tous les réseaux, y
compris celui de la santé, et soutient que les services ne sont pas touchés.
Est-ce qu'il est déconnecté de la réalité?
M. Paradis (Lévis) : Les
services... On le sent de partout. En tout cas, les appels qu'on a... Les
services sont coupés, il y en a moins. Là, est-ce qu'on a besoin de se rappeler
les problématiques que l'on vit? L'histoire des bains au noir, c'était quelque
chose qui a enclenché des scandales dont on a maintenant entendu parler également.
Pas besoin de vous rappeler le plus récent, de cette dame qui a été deux ans,
elle, sans avoir de bain, et pourtant, là, soudainement, on a trouvé la
solution.
Alors, ça permet, ce que l'on fait là,
d'adresser des problèmes spécifiques. Mais là on est en train de gérer en
fonction des scandales uniques. Le problème est plus répandu que ça. Le
problème, c'est que les aînés, je le répète, je vous l'ai déjà dit, ne
parlent pas. Le problème, c'est que tous les aînés n'ont pas de famille pour
veiller au grain. Moi, il y a des gens qui me racontent aider dans les CHSLD
parce que, manifestement, les préposés, pleins de bonne volonté, n'ont pas le
temps de tout faire ce qu'ils souhaiteraient faire, puis il y a des gens qui
disent : Moi, M. Paradis, je m'occupe de ma mère puis je me suis fait dire
que je suis dans les jambes, je prends trop de place. Mais il est là pour
aider. Ça fait que, là, il va falloir, à un moment donné, qu'on s'aligne. Il y
a l'assistance de la famille, il y a le bénévolat, il y a ce qu'on peut donner
comme services, mais assurément on a un problème à ce niveau-là, puis ils sont
plus importants qu'on pense, on ne les connaît peut-être pas tous.
M. Gagné (Louis) : Vous avez
dit, M. Paradis, là… vous avez parlé de 1 200 $ par année simplement
pour un bain supplémentaire par aîné. Avec le refus du ministre, finalement,
d'augmenter les tarifs des centres d'hébergement au-delà de l'inflation, où
est-ce que vous trouvez l'argent? Est-ce qu'il y a des économies d'échelle à
faire à d'autres endroits? Est-ce que vous demandez un réinvestissement?
M. Paradis (Lévis) : Bien, il
y a assurément des économies à faire à d'autres endroits, il y a assurément de
la bureaucratie qui peut nous permettre d'économiser puis de redistribuer, il y
a assurément de l'amélioration de services qui est potentiellement faisable.
Puis je ne veux pas revenir sur des
chiffres, vous les connaissez également, mais j'en prendrai un pareil pour les
besoins de la cause. Je vous dis 1 200 $ par année, 92 $
par mois, tarif de 23 $, entreprise d'économie sociale, après le crédit
d'impôt. Mettons 37 000 aînés, faisons une règle de calcul relativement
simple, 37 000 aînés, un bain de plus donné par un préposé, qui n'est pas
à 23 $ parce que c'est sur son tarif horaire… quoi, prendre un bain, je ne
le sais pas, tu sais, il y a des données qu'on n'a pas. Ça prend combien de
temps : une demi-heure, trois-quarts d'heure, etc.? Faisons le calcul,
potentiellement, une vingtaine de millions, admettons.
Je veux revenir sur un chiffre que vous
connaissez déjà, abolir les élections scolaires, ça, on vient de sauver
1 million. Qu'est-ce que c'est qu'on fait avec ça? On le met où? Tu sais,
puis on pourrait prendre mille et un…
M. Caron (Régys)
: …les
commissions scolaires, c'est de l'argent qui reste à l'éducation…
M. Paradis (Lévis) : Non,
comprenez-vous… Non, non, mais c'est ça, je comprends, M. Caron, mais, à
travers ça, il y a des priorités, puis on doit se les donner également. C'est
sûr qu'il y a des besoins en éducation, il y a des besoins en santé, il y a de
la bureaucratie, tout le monde nous en parle. Il y a des employés qui se
cherchent actuellement… après la loi n° 10, là, alors que le ministre dit :
On a tout simplifié, vous voyez des gens qui sont encore à se demander où ils
vont travailler, puis, pour l'instant, ils se tournent les pouces, tu sais.
Alors, oui, il y a des économies à faire,
mais des priorités collectives, il faut se les donner également. Puis, dans ma
tête à moi, les aînés demeurent une priorité collective, à tel point que le gouvernement,
sur deux décisions potentielles, il a décidé de reculer. Il n'a pas le choix parce
que les Québécois réclament davantage de respect pour leurs aînés puis davantage
de dignité dans leur vie, pas rien que dans leur mort.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 9 h 42)