(Treize heures)
M. Khadir
: Bonjour.
Nous avons entendu, comme tout le monde, comme l'ensemble du Québec, le rapport
de la commission Charbonneau.
D'abord, je comprends la déception de
millions de Québécois qui doivent se dire aujourd'hui : Mais où sont les
personnes responsables? Les gens au pouvoir qui ont instauré, installé tout ça,
là, comment se fait-il que les ministres à 100 000 $, qui aujourd'hui,
par exemple, nous gouvernent : M. Couillard, M. Fournier, M. Hamad, qui
étaient donc des ministres à 100 000 $ du temps de M. Charest, quelle
est leur part de responsabilité? Et quels sont les liens, comme on dit? Et je
suis obligé de dire que j'ai la plus grande admiration pour M. Renaud Lachance,
mais, je suis désolé, je suis en désaccord total avec lui. Il y a bel et bien
un lien direct entre le financement des partis politiques et l'octroi des
contrats publics, entre les partis politiques, les responsables politiques et
l'octroi des contrats publics orienté par des décisions dans l'intérêt des
partis politiques.
La preuve, c'est la première
recommandation de la commission Charbonneau. Quand la commission Charbonneau
insiste aussi lourdement sur la nécessité d'une autorité des marchés publics
pour éloigner les décisions quant aux contrats publics du pouvoir politique et
des ministres, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'elle juge les
appareils politiques au pouvoir tellement corrompus et le lien tellement
dangereux pour l'octroi des contrats publics que la commission recommande de les
séparer.
Alors, je dis très humblement que la
solution véritable à ces problèmes, dans le fond, c'est pourquoi on le dit, on
le répète et on l'a dit depuis des années, que c'est d'éloigner ces appareils
qui ont installé ce que la juge dit un véritable problème au Québec, étendu,
enraciné, c'est-à-dire dans la corruption et la collusion dans l'octroi de
contrats publics, il faut écarter ces appareils-là des partis qui ont fait le
pouvoir, du pouvoir, plutôt que d'écarter les contrats du pouvoir. On peut
simplement s'assurer d'une intégrité en faisant ça.
Maintenant, je note d'abord avec plaisir et
avec satisfaction que, sur 1 600 pages, Québec solidaire, les tiers partis
comme Québec solidaire, comme Option nationale, comme le Parti vert, qui
existent au Québec, sont les seuls à être intègres, jamais entachés par aucune
collusion ou corruption liée au financement des partis politiques. Ceci étant
dit, je note aussi avec un peu de honte pour le Québec... j'ai honte, moi, en
fait, pour le gouvernement actuel de voir avec autant de, je dirais, de
légèreté un ministre à 100 000 $, Jean-Marc Fournier, qui était...
comme avocat, qui était dans une firme d'ingénieurs, après avoir débarqué du
gouvernement, une firme d'ingénieurs, SNC-Lavalin, engluée dans les scandales
de fraude et de pots-de-vin, venir aujourd'hui, en quelque sorte, nier tout.
Ils sont dans la négation totale. À entendre M. Fournier, à entendre M.
Couillard, un autre ministre à 100 000 $ du gouvernement Charest, on
a l'impression qu'ils vont sabrer le champagne ce soir, là. On a l'impression
qu'ils vont sabrer le champagne ce soir. Moi, je trouve que c'est désolant de
constater qu'ils tombent sur la pente glissante du déni. Je le rappelle, pour
triste mémoire, un certain Applebaum qui, lui aussi, a beaucoup nié. J'espère
que le Québec ne se réveillera pas un jour avec des menottes à la main, des
menottes à la main d'un ministre à 100 000 $ de l'époque de M.
Charest.
M. Gentile (Davide) : Mais,
M. Khadir, quand même, dans le rapport, la commission n'arrive pas à faire
de... en fait, conclut qu'elle n'est pas arrivée à faire de lien direct entre
une personne et du financement politique. Donc...
M. Khadir
: Je
reconnais là...
M. Gentile (Davide) : Oui. Donc,
on reconnaît qu'on a contourné l'esprit de la loi, mais il n'y a pas de lien
qui a été fait directement avec des individus. Pourquoi auriez-vous pu espérer
plus que ça?
M. Khadir
: Je
reconnais là toute la rigueur comptable de Renaud Lachance. C'est à son
honneur. Si M. Renaud Lachance, le commissaire, s'attendait à ce qu'un chèque
signifie un contrat, que le gouvernement reçoit un chèque, un ministre, puis
ensuite octroie le contrat directement, et qu'on le voie, et qu'on le filme,
bien, oui, il n'y a pas de lien direct. Mais malheureusement, M. Renaud
Lachance semble ignorer que ça ne passe pas comme ça.
Et on a été des milliers de gens au Québec
qui avons vu, au cours des années, qui avons observé, écouté les rapports faits
par les journalistes, par les émissions d'enquête, les dossiers que nous avons
présentés, les partis politiques, et on comprend très bien qu'il y a un lien
très direct entre le pouvoir politique, et la collusion, et la corruption dans
l'octroi des contrats publics, tellement et si fortement que la première
recommandation du rapport Charbonneau, c'est la création d'une autorité des
marchés publics pour mettre à l'écart les contrats des décideurs publics.
Il y a là une effroyable, je dirais,
ironie, là, il y a une accusation très flagrante. En fait, ça, c'est une
accusation que porte la commission Charbonneau à l'administration publique en
disant : Vous êtes tellement peu fiables, vous êtes tellement vulnérables,
qui est un euphémisme pour dire, dans le fond, vous vous êtes laissé tellement
souvent tenter par la corruption à travers le financement de votre parti, que
là on est rendus à un point qu'il faut mettre à l'écart les contrats de ceux
qui sont supposés... qu'on élit pour gérer et administrer les contrats publics.
M. Gentile (Davide) : Donc,
pour vous, effectivement, vous reconnaissez qu'il n'y a pas de preuve hors de
tout doute raisonnable, mais vous estimez que la preuve circonstancielle aurait
été assez forte pour que M. Lachance...
M. Khadir
: On peut le
dire de diverses manières. Voici une manière que vous venez d'affirmer, mais
moi, je pense qu'on peut aller beaucoup plus loin. Je comprends les limites politiques
de nos commissaires, le titre de la commission : Rapport d'enquête sur
l'octroi de la gestion des contrats publics dans l'industrie de la
construction.
L'industrie de la construction, on ne
parle même pas des firmes de génie-conseil. La réalité, c'est que c'est les
firmes de génie-conseil qui étaient la cheville ouvrière. Le lien que cherche
M. Renaud, c'est là, mais c'est sûr que ce n'est pas dans le mandat de la commission.
Donc, il ne pouvait pas en venir là, dire que c'est les chèques donnés par les
constructeurs, par les Tony Accurso, par les Mielito...
M. Gentile (Davide) :
Milioto.
M. Khadir
:...Milioto
de ce monde qui... non, ça se passait dans des cocktails de financement, ça se
pensait dans les officines du pouvoir, et malheureusement cette culture-là
n'est pas terminée. En Chambre, tout à l'heure... malheureusement, cette
culture-là n'est pas terminée. En Chambre ,tout à l'heure...
M. Gentile (Davide) : Vous
pensez que ça existe encore?
M. Khadir
: ...il y a
d'autres moyens, les partis ont déjà... malheureusement, le Parti libéral a déjà
contourné la loi en Chambre tout à l'heure, dans ma question. Je vais en faire
une démonstration.
M. Zappa (Pierre-Olivier) : Mais,
M. Khadir, en terminant, ce sont ceux que vous qualifiez de ministre à 100 000 $
qui vont être chargés de la mise en application des recommandations du rapport.
Comment ce gouvernement-là, dans votre perspective, peut faire en sorte
d'appliquer, de la façon la plus efficace, les recommandations du rapport
Charbonneau?
M. Khadir
: D'abord,
faire acte de contrition, admettre l'erreur. Il faut qu'il y ait un mea culpa
honnête, sincère, ce que M. Jean-Marc Fournier, je vous rappelle, un ministre à
100 000 $ du temps de Charest, qui était avocat pour une firme qui
s'appelle SNC-Lavalin, avec des milliards de dollars en contrats publics,
accusé aujourd'hui de fraude, cet avocat-là, aujourd'hui, nie tout, n'a pas été
capable de faire un mea culpa, tout à l'heure, en point de presse, à la
question de votre collègue. Donc, d'abord, un mea culpa.
Deuxièmement, commencer immédiatement à
rembourser les millions de dollars frauduleusement acquis. Si le rapport de la
commission n'a pas établi de lien direct entre l'octroi... le financement du
Parti libéral et les contrats octroyés, cependant, elle a démontré que cet
argent-là a été mal acquis. C'était par les prête-noms, d'accord, tout le monde
s'entend là-dessus. Commencer à rembourser... C'est des millions de dollars qui
mettent en doute la légitimité même des élections gagnées avec de l'argent
sale, n'est-ce pas? Dans d'autres pays, lorsqu'une élection est gagnée par de
l'argent sale, on invalide les élections. Vous le savez aussi bien que moi. On
n'a pas ces mécanismes-là, encore aujourd'hui.
Deuxièmement, immédiatement appeler notre
projet de loi sur la protection des sonneurs d'alarme. On l'a déposé
récemment... Manon Massé, ma collègue. C'est le projet de loi le plus poussé,
le plus abouti, le plus complet pour la protection des sonneurs d'alarme. Je
vous rappelle que le False Claims Act, auquel a fait référence Mme Charbonneau,
a plus de 100 ans d'histoire aux États-Unis. 70 % des poursuites engagées
en vertu du False Claims Act, qui ont permis à l'État américain de se faire
rembourser tout près de 40 milliards de dollars juste durant les 25
dernières années, 70 % de ces actions ont été menées par des sonneurs
d'alarme protégés par la loi et auxquels la loi offre la possibilité de
poursuivre, au nom du gouvernement et du public, les compagnies fautives,
notamment les compagnies pharmaceutiques qui arrivent souvent en première
ligne.
M. Gentile (Davide) : Pour
vous, est-ce que c'est suspect que ça prenne autant de temps que ça avant que
le gouvernement dépose, justement, une loi sur les sonneurs d'alarme.
M. Khadir
: Mais nous
avons été très déçus d'abord parce que le PQ, lorsqu'il était dans l'opposition,
avant que Mme Marois arrive au pouvoir, avait déposé un projet de loi, mais ils
ont eu un an et demi... Ça aurait été un des gestes les plus centraux à faire,
beaucoup plus que le reste, hein? On le sait, tout le monde le dit. Regardez
les recommandations de transparence internationale, regardez les
recommandations du bureau canadien de la concurrence, regardez les
recommandations de l'OCDE. Tout le monde dit : La chose centrale à faire,
c'est protéger les dénonciateurs, protéger... de les considérer, comme la juge
l'a dit, non pas comme des traîtres, mais comme des bienfaiteurs publics,
d'accord, les protéger.
Pourquoi le gouvernement libéral n'a rien
fait? Ça fait cinq ans qu'on parle de ces choses-là. Pourquoi le gouvernement
du Parti québécois n'a rien fait? Bon, ça, c'est chose du passé. Aujourd'hui,
l'un et l'autre doivent s'engager à mettre en branle rapidement, immédiatement,
je dirais, les... et on leur donne la possibilité. On a notre projet de loi,
qu'ils se l'approprient, mais qu'on procède. Merci de votre attention.
(Fin à 13 h 11)