(Quinze heures cinquante-neuf minutes)
M. Marceau
: O.K.,
alors, bonjour. Donc, je viens réagir à la mise à jour qui a été présentée aujourd'hui
par le ministre des Finances. Alors, tout d'abord, le gouvernement, vous l'avez
constaté, semble en voie de parvenir à égaliser la colonne des revenus avec
celle des dépenses et d'enregistrer, pour l'année en cours, 2015‑2016, un solde
budgétaire nul. Je dis «semble en voie», parce qu'évidemment ça ne sera
confirmé que dans un an. On ne saura que dans un an, lorsque les comptes
publics seront rendus publics, justement, si 2015‑2016 se sera conclue par un
solde budgétaire nul.
Alors, tout d'abord, je voudrais rappeler
comment cela a été réalisé ou comment cela est en voie de se réaliser,
puisqu'encore une fois ce n'est pas encore acquis. Alors, tout d'abord, il y a
eu une austérité sévère du côté des dépenses avec des coupures dans les
services aux plus vulnérables, avec des coupures en éducation, dans les
services sociaux, et aussi par une hausse du fardeau fiscal, une hausse
importante du fardeau fiscal, des hausses d'impôt, de taxes et de tarifs, qui,
pour une famille de la classe moyenne, s'élèvent à 1 500 $. Il y a
aussi une hausse du fardeau fiscal des entreprises, essentiellement par des
resserrements aux crédits d'impôt. Et, si vous voulez vous en convaincre, vous
irez voir dans le document, à la page A.19, et vous verrez que les revenus
autonomes, en proportion de l'économie, atteignent un sommet cette année à
20 %. Donc, c'est très clairement par des ponctions supplémentaires dans
les poches des Québécois qu'on arrive à cette... à ce solde budgétaire nul, qui
ne sera confirmé, encore une fois, seulement que dans un an.
Alors, le fait d'en arriver à un solde nul
pourrait donner l'impression que la santé de nos finances publiques s'est améliorée.
Il s'agit d'une illusion. En fait, la mesure étalon pour mesurer la santé de
nos finances publiques, c'est le ratio dette sur le PIB, c'est la mesure qui
est utilisée par les agences de notation, entre autres, par les investisseurs,
donc c'est le ratio dette-PIB qui fait foi de tout. Et ce ratio, il a augmenté,
et donc cela nous indique une détérioration de la santé de nos finances
publiques.
Et je pourrai vous distribuer, tout à
l'heure, à vous tous un tableau qui présente les cibles... enfin, les ratios
dette-PIB tels qu'ils étaient en mars 2015 et tels qu'ils sont
aujourd'hui, et vous verrez que ces ratios ont augmenté de façon significative,
ce qui indique une détérioration de la santé de nos finances publiques. Et il
faut voir que le solde budgétaire nul, c'est simplement un moyen pour arriver à
contrôler notre dette et que, dans ce cas-ci, ça n'a pas fonctionné. Et
pourquoi ça n'a pas fonctionné? Parce que la performance économique du Québec
n'a pas été au rendez-vous, parce que... quand je vous dis «dette sur PIB», si
le PIB ne croît pas rapidement, bien, on a un problème. Et effectivement la
croissance économique au Québec a été très lente pour 2015, on parle de
2,4 %. Alors, la croissance économique est très lente, et tout laisse
croire aussi qu'elle le demeurera, et qu'en conséquence il y aura d'autres
détériorations de nos finances publiques.
J'aimerais dire clairement que la
croissance économique très lente s'explique au moins en partie par des choix
gouvernementaux. Les choix posés par le gouvernement du Parti
libéral — c'est-à-dire des compressions très fortes et une hausse
importante du fardeau fiscal — ont effectivement ralenti notre
économie, et, comme ils ont ralenti notre économie, ça a fait augmenter le
ratio dette-PIB.
Pierre Fortin a calculé que les choix gouvernementaux
soustrayaient à la croissance. Il y a d'autres économistes à travers le monde
qui disent même que les politiques d'austérité... le terme anglais c'est sont
«self-defeating», sont autodestructices. Et on est un peu là-dedans au Québec :
en 2015‑2016, on prévoit un équilibre budgétaire, on prévoit un zéro, un solde
budgétaire nul, et, malgré tout, le ratio dette/PIB se détériore de façon
significative.
La croissance, donc, je le disais, elle
est moins forte à cause des choix du gouvernement. Et un signe de la
détérioration économique, c'est que l'emploi, vous le savez, il est stagnant, une
création de seulement 6 600 emplois à temps plein depuis 19 mois.
Aujourd'hui, dans la mise à jour, on nous dit que le taux de chômage augmente,
en fait, il est révisé de 7,5 % à 7,7 %. Et, quant aux
250 000 emplois de la campagne électorale, ils étaient une promesse,
ils sont par la suite devenus une cible et ils sont aujourd'hui un mythe.
Je rappelle aussi que le gouvernement n'a
pas de politique économique, il navigue à vue. On sait — puis là je
me permets d'ouvrir cette longue parenthèse — que la croissance
économique ne s'accélérera pas naturellement en raison d'un accroissement du
nombre de travailleurs, puisque la population en âge de
travailler — les 15-64 ans — a commencé à décroître,
le vieillissement nous frappe. Et, dans ce contexte, la seule manière
d'améliorer notre performance économique, c'est de faire croître notre
productivité, ce qui peut être fait grâce à deux choses : des progrès sur
le plan de la scolarisation, mais vous savez comme moi toutes les coupures qui
ont été imposées au monde de l'éducation, des coupures importantes qui vont
avoir des conséquences sur les enfants qui ont des difficultés présentement, sur
les plus vulnérables. Et vous allez me dire : On a annoncé un
investissement de 20 millions aujourd'hui pour l'année 2015‑2016 et de
80 millions pour 2016‑2017. Je vous dirai qu'aujourd'hui même on a appris
des coupes de 120 millions dans les CPE, et essentiellement ce qu'on fait,
c'est qu'on prend au petit frère pour donner à la grande soeur.
Essentiellement, c'est ça, il n'y a pas d'argent neuf en éducation.
Deuxième chose qui pourrait permettre de
faire croître la productivité au Québec, évidemment, c'est les investissements,
c'est une accélération des investissements. Et, là aussi, il y a échec du
gouvernement. Je ne vais pas... Je vous donnerai tout à l'heure... j'ai apporté
la publication la plus récente de l'Institut de la statistique du Québec, qui
montre que l'investissement privé l'an dernier a baissé de 9,7 %, puis que
cette année on prévoit une autre baisse de 2,4 %. L'investissement privé,
c'est le coeur de la croissance économique future, avec la scolarisation, et,
dans les deux cas, on a un gouvernement qui ne fait pas le travail.
Du côté des finances publiques, je veux y
retourner, j'aimerais le redire, là, d'une part, on a un indicateur de la santé
de nos finances publiques, qui s'est détériorée. D'autre part, j'aimerais que
les gens comprennent bien que rien n'est réglé quant aux pressions qui
s'exercent sur les finances publiques du Québec, rien n'est réglé, et je vais
les prendre une par une, les plus importantes.
Du côté des infrastructures, on le sait,
ce qui a contribué beaucoup à l'alourdissement… à la croissance des dépenses du
gouvernement du Québec dans les dernières années, c'est les dépenses
d'amortissement et d'intérêts pour les immobilisations parce qu'on avait
investi beaucoup. Là-dessus, ce qu'il faut faire... et puis je vais me
permettre de dire que c'est ce que nous avions fait, nous, on avait apporté des
améliorations en réduisant de 1,5 milliard de dollars par année les
dépenses en infrastructures et en passant la loi n° 1, qui avait pour
objectif... et puis je pense que c'est l'objectif que doit se donner le
gouvernement, l'objectif, ça doit être de faire en sorte que chaque dollar
dépensé nous donne plus d'infrastructures. Et là-dessus je constate que le
gouvernement n'a rien fait. Peut-être qu'à la suite du rapport de la commission
Charbonneau il y aura des gestes qui seront posés, mais, à ce jour, il n'y a
rien de cela qui a été fait.
Deuxième source de très forte pression sur
les finances publiques au sujet de laquelle le gouvernement n'a rien
fait — puis je le rappelle, puis ça ne sera pas nouveau pour
vous — c'est la rémunération des médecins. La rémunération des
médecins a explosé dans les 10 dernières années. Le gouvernement libéral
actuel en a rajouté, il faut voir qu'ils en ont rajouté. Ils ont cette croyance
que les problèmes de santé vont se régler en ajoutant de l'argent, en
augmentant la rémunération des médecins, ce qui est complètement ridicule. C'est
tout à fait l'inverse. Ce qu'il faut, c'est arriver à améliorer… enfin, à
offrir des soins de santé, une plus grande quantité, une meilleure qualité à
des coûts plus faibles. Et, en augmentant la rémunération des médecins, on va
exactement dans la direction opposée. Alors, tous les problèmes, là, de
surdiagnostic, par exemple, dont on sait qu'ils existent et qui sont bien
documentés, rien n'est fait du côté du gouvernement.
Je vais ajouter un dernier point, quand je
vous parle de pression sur les finances publiques qui continuent à s'exercer :
les coupures qui ont été enregistrées, enfin, qui ont été imposées cette année
dans différents secteurs sur les plus vulnérables, que ce soit dans les
services sociaux, que ce soit en éducation, bien, les clientèles qui ont été
coupées par ces services-là ont encore des besoins. Ils avaient des besoins
cette année et ils vont en avoir encore l'an prochain. Et le gouvernement, donc,
va devoir… va faire face à des pressions parce qu'effectivement ce qui était
inacceptable et irresponsable cette année va continuer à l'être dans les
prochaines années.
Alors, moi, ce que je vous dis, c'est que
les vrais problèmes de finances publiques que sont la santé, les
infrastructures, il n'y a rien qui a été fait de significatif là-dessus. Au
contraire, je pense qu'on a détérioré la situation du côté des médecins. Et
donc les problèmes… les défis ne sont pas relevés, et donc on a une situation
où on a un équilibre budgétaire qui pourrait donner à croire que ça va mieux,
mais, en pratique, l'indicateur, l'étalon numéro un s'est détérioré,
c'est-à-dire le ratio dette-PIB, et les grandes sources de pression continuent
à exister, puis il n'y a rien qui a été fait pour améliorer les choses.
Le pire, dans tout ça, je pense, puis je
pense qu'il faut le dire, c'est le cynisme de la démarche du gouvernement. Puis
j'aimerais vous rappeler que le gouvernement, ce gouvernement ne vise pas le
simple équilibre budgétaire, il vise à faire du Québec une province canadienne
comme les autres et à pouvoir offrir des cadeaux électoraux en 2018. Alors, les
libéraux sont donc en train de tout briser, de ralentir notre économie, de
détériorer la santé de nos finances publiques pour pouvoir financer leur stratégie
électorale de 2018. Les cadeaux de 2018 nécessitent en effet une marge de
manoeuvre qui ne se matérialisera qu'en allant au-delà de l'équilibre budgétaire.
Une telle perspective donne froid dans le dos quand on constate l'ampleur des
dégâts que les libéraux ont déjà causés.
Et, quand on parlera de baisses d'impôt en
2018, il faudra se rappeler qu'on a commencé à payer ces baisses d'impôt dès
2014 par une hausse du fardeau fiscal de 1 500 $ des familles de la
classe moyenne puis par des coupes sévères dans les services publics
fondamentaux. Il ne faut donc pas être dupes, les baisses d'impôt promises pour
2018 par les libéraux ne seront qu'un début de remboursement de toutes les
hausses d'impôt, de taxes et tarifs déjà subies par les familles du Québec
depuis 2014. Il faudra évidemment aussi se rappeler des coupes en éducation,
qui font mal à nos jeunes et qui font mal à notre économie en même temps.
J'arrête là-dessus et je suis prêt à
prendre vos questions.
Mme Dufresne (Julie)
:
M. Marceau, le 100 millions qu'on annonce pour l'éducation, est-ce
que c'est un investissement substantiel, à votre avis? Est-ce que ça peut
corriger des lacunes dont les parents se plaignent actuellement?
M. Marceau
: Écoutez,
on parle de 20 millions cette année et 80 millions l'an prochain. Je
vous rappelle ce que je vous ai dit tout à l'heure quant aux CPE, hein, donc a
annoncé en même temps qu'on coupait 120 millions dans les CPE, les CPE qui
permettent, là, de préparer les enfants à leur entrée à l'école, CPE dans
lesquels on détectait les problèmes d'apprentissage de certains enfants. Et je
veux simplement vous rappeler les rondes de coupures qu'il y a eu dans le
secteur des cégeps et des universités, j'ai ça ici : on a coupé, en 2014‑2015,
200 millions dans les universités, 40 millions dans les cégeps;
70 millions en 2015‑2016, et 45 millions dans les cégeps. Je vous
laisse deviner si je trouve que c'est suffisant et acceptable. Puis je veux
simplement, là-dessus, vous dire que c'est quand même assez drôle aussi que le
ministre de l'Éducation a trouvé qu'il serait maladroit d'investir en… de
réinvestir en éducation et puis qu'aujourd'hui le ministre des Finances nous
dit que c'est judicieux. Mais cela étant, les montants ne sont pas à la hauteur
des coupures qui ont été faites et des besoins qui ne sont absolument pas
satisfaits par ce gouvernement.
Le Modérateur
: En
anglais?
Une voix
: Déjà?
M. Hicks (Ryan) : What is your… Why do you call this a… Finance Minister Carlos
Leitão called «control over spending», he says : We now have control over our finances. You call it an illusion.
M. Marceau
: Yes.
M. Hicks (Ryan) : Why?
M. Marceau
: I think… Well, because the measure which is… I mean, the one
measure that is used by financial analysts is not whether you have a zero
deficit or not; what is used, what is the appropriate measure is your
debt-to-GDP ratio. And it's quite obvious, when you look at those ratios, that
they have deteriorated, and not only for this year, by the way, for all the
years to come. And the reason why
that is happening is because there's no economic growth, economic growth is
extremely slow. And let me just point out that growth for this year… for last
year, 2.5%. I mean, I am talking about nominal GDP. This year, 2.4%, and then,
suddenly, by magic, it will be 3,3% next year. I mean, this is not serious.
Most people in the… that are looking, that are making forecasts think that it's
almost impossible to get over 3% in the next few years. So, the idea of deteriorating
more the economy, of cutting growth by making choices like those that have been
made by the Government is absolutely irresponsible, so they will lead to a
further deterioration of the health of our public finances.
M. Hicks (Ryan) : What do you think about what they are calling a reinvestment in
education?
M. Marceau
: Well, I think it's a bit funny because today we learned that they
were cutting 120 million in our kindergarten system. So, they are taking
money from the little sister to give it to the grand brother.
M. Hicks (Ryan) : And what about… you talked about the Liberals wanting to do this
kind of budget and and deal with spending this way so they can give out… stuff
like that?
M. Marceau
: Oh! yes, yes. Well, I think… a few things to say on that, but just
to make clear, Quebeckers, I
mean, the burden…
OK, let me start over : Revenue have increased… have been
increased by increases in taxes, tariffs, in the income tax; it's around $1,500
for a family of… for the average family. When you look at revenue in terms of
GDP, they have reached a peak, there are at 20% this year. I mean, historically,
it's a peak. If you look over the last 15 years, it's never been that high. So, they got it… what they will do, in 2018, is to reimburse
Quebeckers for the increase in taxes and tariffs that they will have imposed in
2014, 2015, and so on.
And I think it is very
cynical to increase taxes now and to reimburse later and to call that a tax
cut. Merci.
(Fin à 16 h 16)