(Onze heures quarante minutes)
M.
Bonnardel
: Alors,
le premier ministre a fait un aveu important aujourd'hui, à savoir... premièrement,
vous le savez, il était important de savoir qui avait négocié, initié les
possibles rencontres avec Air Canada versus le fait qu'on a abandonné une
poursuite avec Aveos, où, avec deux cours, nous avions déjà gagné en première
instance et en deuxième instance. Et le premier ministre a avoué aujourd'hui :
Oui, j'ai eu des discussions avec le P.D.G. d'Air Canada. Bon.
Est-ce que la discussion ou les
discussions sont allées plus loin? On ne le sait pas, il n'a pas voulu
répondre. Il a dit : C'est des gens d'affaires qui ont négocié pour le gouvernement.
Est-ce qu'il y a des ministres qui y ont participé? On ne le sait pas, et, pour
nous, c'est important de savoir qu'il y a une loi qui existe, et c'est celle du
Registre des lobbyistes. Bien, quand je suis allé vérifier en date du 3... la
dernière inscription, en date du 3 février, du Registre des lobbyistes, il y a
quatre mandats d'Air Canada présentement et il n'y en a aucun, aucun pour
l'abandon aux discussions sur le cas Aveos.
Alors, il serait important que le premier
ministre nous dise la vérité. Qui a participé à ces négociations? Qui a joué le
jeu d'Air Canada d'acheter ses avions et qu'en échange on abandonne la
poursuite d'Aveos? C'est quand même 1 800 emplois? Et là-dessus, avec ce
que je vous mentionne depuis ce matin puis avec les aveux du premier ministre, bien,
pour nous, il est important qu'il y ait une enquête et que le Commissaire au
lobbyisme soit mandaté pour enquêter sur cette situation entre Air Canada et le
gouvernement.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais, M. Bonnardel, qu'est-ce qui vous permet de croire qu'Air Canada fait du
lobbyisme auprès du gouvernement du Québec, alors que les faits que vous
exposez, c'est plutôt l'inverse. On parle plutôt des... qui sollicitent des
gens du secteur privé, ce qui n'est pas couvert par la loi. Donc, j'aimerais
savoir, là, pourquoi vous portez ces accusations-là.
M.
Bonnardel
:
Bien, premièrement, des accusations... ce sont des vérifications, une enquête
parce que la situation comme telle, vous le savez, on pose des questions depuis
deux semaines sur le fait que Bombardier ait acheté, donc... qu'Air Canada ait
acheté des avions Bombardier, que le gouvernement ait retiré sa cause. Puis
dans ces conditions, pour nous, il est important de savoir qui a négocié tout
ça, qui a participé à ces négociations. Puis vous le savez très bien, vous êtes
ici depuis longtemps, ces gens d'Air Canada doivent s'enregistrer s'ils ont à
négocier quoi que ce soit avec le gouvernement. Je ne peux pas prétendre de
rien, mais je pense qu'il va de soi aujourd'hui avec les affirmations du
premier ministre...
M. Lacroix (Louis) : Mais, si
c'est le gouvernement qui appelle? Si c'est le gouvernement qui initie la
demande?
M.
Bonnardel
:
Oui, mais ça, on ne l'a pas... On ne le sait pas, M. Lacroix. Le premier
ministre nous a dit : J'ai eu une discussion. Mais, par la suite, qui a
participé à ces discussions? Est-ce que, donc, des dirigeants d'Air Canada ont
communiqué avec la ministre Anglade, le ministre Daoust? C'est la question
qu'on se pose. Vous ne me ferez pas croire que ce sont des gens d'affaires à
l'extérieur du Parlement qui ont négocié ça au nom du gouvernement du Québec.
Est-ce que c'est Daniel Johnson? La question se pose.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais peut-être que c'est simplement des avocats, peut-être que c'est juste au
niveau de...
M.
Bonnardel
:
Bon, bien, écoutez. Air Canada aurait négocié tout ça juste avec des avocats.
Si c'est le cas, bien, le Commissaire au lobbyisme pourra nous le confirmer.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais c'est pour ça que je reviens à ma question. Qu'est-ce qui vous permet de
croire qu'Air Canada a fait du lobbyisme auprès du gouvernement pour en arriver
à l'entente concernant le retrait de la poursuite?
M.
Bonnardel
:
Bien, vous savez, dans un cas comme celui-là, où deux instances supérieures,
des cours ont dit : Vous avez perdu votre cause; on allait se rendre en
Cour suprême, bien, je crois précisément que des téléphones en haut lieu ont dû
être faits. Et des téléphones en haut lieu, bien, ce n'est pas nécessairement
un adjoint ici et là du président d'Air Canada qui va appeler un autre adjoint
du gouvernement. Je pense que ça a dû se faire en haut lieu, puis c'est pour ça
qu'on veut savoir qui a participé à ces négociations, qui les a faites et si
Air Canada était bien enregistrée.
M. Robillard (Alexandre) :
Puis qu'est-ce qui vous a motivé à demander au premier ministre s'il avait
initié le contact avec M. Rovinescu? Pourquoi vous avez insisté sur cet
aspect-là?
M.
Bonnardel
:
Des informations, M. Robillard, que...
M. Robillard (Alexandre) :
Oui, mais ça signifie quoi quand le premier ministre appelle le P.D.G. d'Air
Canada?
M.
Bonnardel
:
Bien, le président d'Air Canada a discuté avec le premier ministre, vice versa,
qui... bon, M. Couillard a semblé dire que c'était lui qui avait parlé. Dans
quelle situation, on ne le sait pas. Est-ce que c'est au téléphone? Est-ce que c'est
un face-à-face? Je pense que ça mérite des éclaircissements puis c'est pour ça
aujourd'hui qu'avec le deal qu'Air Canada a signé avec Bombardier versus la
cause retirée du gouvernement du Québec et la perte de 1 800 emplois, bien,
je pense qu'on mérite...
M. Robillard (Alexandre) :
Mais est-ce que c'est grave, selon vous, que le premier ministre téléphone à un
P.D.G. d'entreprise pour lui demander d'acheter des avions de Bombardier?
M.
Bonnardel
:
Bien là, écoutez, le premier ministre peut appeler qui il veut. Il peut appeler
qui il veut, mais de là à savoir quelles étaient les teneurs des discussions
versus... Le premier ministre va dire quoi, là? Il va dire : Air Canada,
vous devez acheter des avions de Bombardier? Puis l'autre va dire : En
échange de... Écoutez, là, c'est en haut lieu, je comprends, parce que le premier
ministre peut ne pas faire ça, au contraire, sauf que, par la suite, ces négociations,
si c'est le P.D.G. d'Air Canada lui-même qui a entrepris des négociations un à un
avec le premier ministre, il y a un problème, là.
M. Lacroix (Louis) : Oui,
mais vous ne le savez pas. Regardez, vous ne le savez pas, là.
M.
Bonnardel
:
M. Lacroix, moi, ce que je peux juste vous affirmer, c'est que le dernier document
en date du 3 février sur le registre, il y a quatre mandats d'Air Canada puis
il n'y en a pas un...
M. Lacroix (Louis) : O.K.
Est-ce qu'à votre avis, si le premier ministre appelle, par exemple, Air Canada
pour initier des démarches, est-ce que ça va à l'encontre de l'intérêt des Québécois?
M.
Bonnardel
:
Pas du tout. Le ministre a le droit d'appeler le président de Bombardier, le BC
Hydro, peu importe. Il a le droit d'appeler qui il veut, sauf que si, par la
suite, il y a des négociations qui se font et que, là, il y a des rencontres un
à un, bien, vous comprendrez que, là, la loi doit être respectée, la loi qui
confirme que le registre doit mentionner qu'une compagnie doit s'enregistrer. À
la fin de tout ça, le commissaire pourra y répondre si Air Canada a enfreint la
loi. Puis au final qui... on le souhaite, là. Le premier ministre, là,
s'il nous écoute, qu'il nous donne des informations. Qui a participé à cette
entente puis qui a sacrifié 1 800 jobs? C'est juste ça qu'on veut savoir.
M. Croteau (Martin) : M.
Bonnardel, un commentaire sur le rififi qu'il y a eu en Chambre aujourd'hui.
Qu'est-ce que vous pensez de tout ça?
M.
Bonnardel
:
Je ne peux pas vous parler de la teneur des discussions qui ont eu lieu dans le
bureau du président, sauf que ce n'était pas un beau moment de notre
législature. Il y a un règlement qui a été adopté par nous tous, les députés de
l'Assemblée nationale, et les gens qui nous ont vu ou qui risquent de nous voir
ce soir aux nouvelles, bien, je m'excuse, ce n'est pas... Je m'excuse pour ce
qui s'est passé dans le sens où je n'ai même pas... Ce n'est même pas ma formation
politique, c'est le Parti libéral qui a, tout d'un trait, décidé de défendre un
député. J'ai vu le leader du gouvernement s'excuser aussi puis dire que ça ne
devait pas se passer comme ça. Maintenant, je pense que ce n'était pas un beau
moment de notre parlementarisme.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que ça veut dire qu'à partir de maintenant... Est-ce qu'il devrait y avoir une
forme de conséquence pour le leader du gouvernement? Qu'est-ce qui arrive
exactement?
M.
Bonnardel
:
Écoutez, on s'est entendus. Je pense que le leader vous l'a dit, il regrette ce
qui s'est passé. Maintenant, c'est une discussion — vous avez vu la
période des questions — entre le leader de l'opposition et le leader
du gouvernement. Je pense qu'on est loin de la fidèle poignée de main qu'il y
avait eu entre les deux, là, mais, au final, il y a un règlement comme tel. On
doit respecter le décorum puis on doit respecter le règlement qui nous amenait
à ne pas applaudir après chaque question.
M. Lacroix (Louis) : Mais est-ce
que ça ne démontre pas justement la limite de ce règlement-là? Parce que, là,
le président ne peut pas sanctionner l'ensemble du gouvernement, tout le monde
s'est levé en Chambre.
M.
Bonnardel
:
Bien, M. Lacroix, ça, c'est le président. Dire un avis pour tous les députés du
Parti libéral, c'est à lui de décider par la suite. Il va vous donner sa pensée
en revenant après la période de la relâche, dans une semaine et demie. On
pourra évaluer, mais écoutez, oui, j'avoue que ce n'était vraiment pas un beau
moment de parlementarisme aujourd'hui.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que la ligne de questions du Parti québécois à l'égard du député des
Îles-de-la-Madeleine était inappropriée? Est-ce que, vous, vous appelez, comme
formation politique, à ce que M. Chevarie soit exclu du caucus du Parti
libéral?
M.
Bonnardel
:
Regardez, il y a une forme de respect entre les députés de l'Assemblée
nationale. Ce n'était pas la première question de Bernard Drainville sur ce
dossier, ce n'était pas la première, là, et jamais le président de la Chambre
ne s'est levé pour dire que Bernard pouvait enfreindre l'article 35 3° ou
l'article 35 5°. Alors, suite à ça, le leader du gouvernement s'est fâché, et
les députés se sont levés tout d'un bloc pour applaudir, ce qui est interdit.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais est-ce que vous partagez la préoccupation du Parti québécois à l'égard du
maintien de M. Chevarie au sein du caucus libéral?
M.
Bonnardel
:
Écoutez, je ne veux pas embarquer dans cette discussion là. Ça, c'est une
discussion entre les deux vieux partis, là. Bernard avait, pour lui, de bonnes
questions. C'est l'opposition qui décide des questions. Ce n'est pas le gouvernement
à choisir nos questions, là, puis je pense que là-dessus Bernard était légitimé
de poser ses questions, c'est l'opposition, puis c'est au président de décider
s'il avait enfreint le règlement comme tel. Le président ne s'est pas levé.
M. Robillard (Alexandre) : Je
comprends, mais, sur la pertinence de la question, pour la CAQ, vous logez où
par rapport à…
M.
Bonnardel
:
Bien, écoutez, ça, pour nous… Non, non, ça, pour nous, on n'embarque pas dans
ce débat-là. On n'embarque pas dans ce débat-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais vous dites en même temps que les questions étaient légitimes.
M.
Bonnardel
:
Oui, parce que le président ne s'est pas levé pour dire : M. le leader,
vous ne respectez pas le règlement 35 3°, 35 5°. Il ne s'est pas levé.
Des voix
: Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 50)