(Neuf heures trente et une minutes)
Mme Lamarre : Bonjour. Nous
sommes en compagnie, ce matin, de deux personnes très intéressantes : Mme
Josiane Jauniaux, qui est candidate au doctorat en psychologie et qui
représente ce qu'on appelle la FIDEP, c'est-à-dire la fédération interuniversitaire
des étudiants en psychologie, et on est accompagnées également, je suis
accompagnée également par Jessica Ruel-Laliberté, qui représente, elle, la Fédération
médicale des étudiants du Québec, donc les étudiants en médecine des cinq
facultés du Québec.
Alors, on est en étude de crédits aujourd'hui.
On commence. Il y a un enjeu majeur qui préoccupe les Québécois, c'est l'accès
aux services et aux soins en santé mentale. On l'a vu dans son plan d'action,
le ministre prévoit 70 millions sur cinq ans, mais il n'y a rien avant
2018. Donc, il a confirmé qu'il n'y avait pas un sou avant 2018. C'est majeur. Il
y a des urgences actuellement, il y a des conditions assez dramatiques, je
dirais, en termes de besoins d'accès en santé mentale.
Et, dans le cadre des études de crédits,
je vous invite à nous suivre, on a des données qu'on a obtenues pour les délais
d'accès en santé mentale. Mais, si je peux vous donner une information déjà,
une personne sur quatre doit attendre plus de 30 jours pour avoir son premier
rendez-vous en santé mentale. Alors, en santé mentale comme dans d'autres
enjeux, il y a des urgences. Si ces patients-là étaient en hémorragie, on ne
les ferait pas attendre 30 jours. Or, il y a des patients, dans ces patients,
qui ont des urgences en santé mentale, dont la vie peut être menacée, entre
autres, par risque de suicide.
Alors, on est ici parce que tout le monde
s'entend pour dire qu'on a besoin d'avoir davantage de psychologues dans notre
système public. Actuellement, on en manque, on en manque de façon marquée, et
les internes en psychologie ont une solution à présenter, solution qui ferait
en sorte que, s'ils avaient accès à une certaine rémunération, comme plusieurs
autres... en médecine, les infirmières praticiennes spécialisées, les
pharmaciens qui font leur maîtrise ont accès à une rémunération modeste pour
leur stage.
Alors, on pense que cette action-là pourrait
avoir un impact, pourrait favoriser éventuellement aussi une plus grande
rétention des gens, parce qu'avec la rémunération on pourrait s'assurer que les
candidats qui obtiennent leurs diplômes de psychologue peuvent rester dans le
système de santé public. Alors, il y a certainement quelque chose de très
intéressant à faire, les besoins sont nombreux. Santé mentale, ça touche
énormément d'enjeux, la schizophrénie, mais également les troubles dépressifs,
anxieux, les troubles de déficit de l'attention, les déficiences
intellectuelles, les troubles du spectre de l'autisme. On a des besoins criants
importants. Tout le monde, au Québec, connaît des gens qui ont ces besoins-là.
Alors, je pense qu'on a besoin de prioriser, de faire en sorte que les
psychologues restent.
Et la raison pour laquelle j'ai réuni ces
gens-là, c'est qu'au moment même où j'ai rencontré Josiane, eh bien, quelques
jours après, j'ai reçu une lettre de la fédération des étudiants en médecine
qui disait : Nous, on veut, on fait une demande parce qu'on veut avoir
plus de psychologues qui travaillent avec nous. On a besoin de travailler en
collaboration. Alors, je trouve que, dans un contexte un peu triste au niveau
de l'accès, où les Québécois ne voient pas de différence, bien, le ministre
propose une approche qui est très traditionnelle, qui est un peu dépassée. Et
nous, on croit que la participation de plusieurs professionnels, mais vraiment
bien intégrés dans notre système public, est une garantie.
Alors, ce qu'on propose, c'est une
solution concrète qui aurait des impacts rapides. En moins d'un an, on pourrait
avoir des impacts au niveau de la rétention des psychologues dans le système
public. Donc, je pense que c'est une solution que le ministre devra considérer
et, s'il ne la considère pas, que nous, on s'engage, en tout cas, à promouvoir
à travers ça.
Alors, je vais vous laisser... je laisse
la parole d'abord à Josiane Jauniaux et puis ensuite à Jessica Ruel-Laliberté,
qui vont présenter chacune leur point de vue, toujours dans la perspective
d'améliorer l'accès des Québécois à des services en psychologie.
Mme Jauniaux (Josiane) :
Merci, Mme Lamarre. Merci à tous et à toutes. La FIDEP, la Fédération
interuniversitaire des doctorants et doctorantes en psychologie, se préoccupe sincèrement
de l'accès public aux soins psychologiques et neuropsychologiques au Québec. Le
manque d'accès à ces services engendre des conséquences sur la vie des
personnes qui souffrent de troubles mentaux et leurs proches.
On le sait, on l'apprend rapidement
pendant nos études, les troubles en santé mentale, quand ils ne sont pas
traités adéquatement, se complexifient et deviennent chroniques. Ceux-ci
entraînent des impacts sur la vie personnelle, familiale, professionnelle et
sociale, en plus d'occasionner des coûts importants financiers pour les
individus, mais aussi pour la société en général. Et ça, c'est sans compter la
souffrance que peuvent vivre ces personnes.
Traiter la santé mentale, c'est très
complexe. Ça demande aux professionnels de la santé mentale, notamment les
psychologues, d'être hautement formés pour traiter adéquatement les patients.
Depuis 2006, un doctorat est obligatoire pour devenir psychologue au Québec
comme partout ailleurs au Canada. On doit effectuer au moins sept années d'université,
700 heures de stage, en plus de tous nos cours et nos activités de recherche.
Et, pour conclure la formation, on doit compléter un internat de 1 600
heures. C'est un an à temps plein, 35 heures semaine, à offrir des services à
la population.
Les internes, rendus à cette étape-ci de
leur parcours, font 80 % du travail du psychologue et sont les seuls, à
l'heure actuelle, au Canada, à ne pas être rémunérés. Quel message on envoie
aux jeunes psychologues après autant d'années d'efforts, de sacrifices dédiés à
se former pour prendre soin de la santé mentale des Québécois? Les jeunes
psychologues sont donc contraints à se tourner vers le privé, et finalement ce
sont les patients qui en paient le prix.
Ce que nous souhaitons et ce que nous
avons proposé au ministre de la Santé, c'est une solution simple pour améliorer
l'accès aux soins psychologiques, soit de rémunérer les internes en
psychologie. On a documenté à la FIDEP que 90 % des doctorants seraient
plus intéressés à travailler dans le secteur public une fois diplômés s'ils
étaient rémunérés pendant leur internat. Il faut donc les retenir dès le début
de leur carrière pour que les soins en santé mentale ne soient pas un luxe,
mais considérés comme un soin essentiel à tous. D'ailleurs, on a obtenu de la
Fédération des familles et des amis de la personne atteinte de maladie mentale
leur appui à la FIDEP et on les remercie chaleureusement.
Mme Ruel-Laliberté (Jessica) :
Merci, Mme Lamarre. Merci, tout le monde, d'être ici aujourd'hui. Donc, je suis
Jessica Ruel-Laliberté de la Fédération médicale étudiante du Québec. Donc, les
étudiants en médecine du Québec, on s'est positionnés en faveur de
l'amélioration du programme d'accès à la psychothérapie dans le régime public.
Il faut savoir qu'actuellement les listes d'attente sont beaucoup trop longues
pour avoir accès à de la psychothérapie, que ce soit en CLSC ou dans les
centres hospitaliers. Donc, nous, on trouve, en tant que futurs médecins, futurs
médecins de famille entre autres, que ça nous place dans l'embarras parce que
nos patients n'ont pas accès aux services dont ils ont besoin. Donc, la FMEQ
défend une approche interdisciplinaire en santé mentale, et on souhaite, entre
autres, s'assurer que nos patients aient accès à des services de psychothérapie
lorsqu'ils en ont besoin.
Il faut savoir actuellement que la santé
mentale, les problèmes de santé mentale, c'est la deuxième cause d'indemnité au
Québec, puis c'est pour ça qu'on pense qu'investir en santé mentale, c'est
payant, payant pour le Québec parce qu'ainsi on paie moins de congés
d'assurance maladie puis on perçoit plus d'impôt.
Donc, ce qu'on veut aujourd'hui, c'est un
plan d'action clair du ministre pour savoir comment on pourrait augmenter
l'accès en psychothérapie du Québec. Les étudiants en médecine, on demande que
plus de postes soient offerts en santé mentale, entre autres par les
psychologues, dans le système de santé public. On pense, entre autres, aussi
que de rémunérer les internes en psychologie, ça permettrait possiblement de
les garder par la suite dans le système de santé public, puis c'est pourquoi on
appuie aussi cette solution.
Donc, je vous remercie, puis, si vous avez
des questions, on est disponibles.
M. Vigneault (Nicolas) : Mme
Lamarre, combien ça pourrait coûter évidemment de rémunérer ces gens-là? Parce
qu'évidemment il y a un coût à tout, là. Est-ce que vous l'avez évalué?
Mme Lamarre : Oui. Ils sont
environ 250 candidats doctorants. On parle de gens, là, qui ont 20 ans de
scolarité, hein, alors sept ans d'université, on a bien compris. Et, si on
mettait un an, leur période, autour de... en fait, le chiffre qu'eux évoquent,
et moi, je n'ai pas de lien vrai, mais le chiffre qui serait évoqué, mettons
qu'on irait à 40 000 $ par année, ça fait 10 millions. Ça fait
10 millions de dollars, et, si on prend un modèle qui existe déjà avec
d'autres étudiants, on sait que, quand il y a ce genre de soutien de l'État aux
étudiants, bien, on peut très souvent lier après un engagement pour une période
de deux ans, trois ans dans le secteur public.
Alors, c'est une façon intéressante. Ce
qu'on voit quand on les rencontre, ces jeunes diplômés, ils disent : Moi,
la pratique dans le système public, c'est celle que j'aime le plus, mais ce
n'est tellement pas rentable, il n'y a tellement pas d'ouvertures et je suis
tellement endetté que je dois travailler dans le secteur privé parce que, là,
je peux charger des montants plus importants lors des consultations. Or, le
secteur public, on l'a vu, et je pense que et Jessica et Josiane ont très bien
présenté, quand on ne traite pas, quand on n'a pas une bonne offre de service
dans le secteur public, il y a des conséquences, il y a des hospitalisations,
il y a des coûts de médicaments, il y a du désespoir et il y a des pertes
d'accompagnement et de suivi appropriés.
Donc, on pense que c'est un très bon
investissement, très raisonnable. Toutes les autres provinces le font, et il y
a déjà des précédents au Québec avec d'autres disciplines.
M. Vigneault (Nicolas) : Et
vous dites qu'il y a une personne sur quatre qui doivent attendre plus de 30
jours...
Mme Lamarre : Plus de 30
jours...
M. Vigneault (Nicolas) :
...pour avoir des soins. Est-ce que cette solution-là, pour vous, vous allez
l'évaluer? Parce que, j'imagine, c'est un peu théorique, là, mais à combien on
pourrait réduire ce délai d'attente là?
Mme Lamarre : C'est un petit
peu difficile, à ce moment-ci, d'extrapoler de façon plus précise, mais, sur
cette moyenne-là, je vous dirais que, dans les crédits tantôt, vous allez tout
voir, mais on a des hôpitaux qui nous ont envoyé... des établissements qui nous
ont démontré... là, par exemple, au Centre hospitalier Pierre-Boucher, pour les
troubles psychotiques, on a jusqu'à 171 jours d'attente. C'est presque six
mois.
Alors, écoutez, il y a vraiment des
besoins urgents d'améliorer l'accès, et l'intérêt, avec la proposition des
étudiants actuellement, bien, c'est que cette rétention-là, elle pourrait
commencer dès l'an prochain. Alors, on est vraiment dans du concret. On est vraiment
dans quelque chose qui peut changer. On pourrait maintenir beaucoup plus de
postes dans le système public dès l'an prochain si on avait une décision claire
du ministre qui va dans la reconnaissance de la valeur de cet investissement-là.
On parle de gens qui ont sept ans d'université, alors je pense qu'à un moment
donné il faut utiliser mieux toutes les ressources, là. Les Québécois ont payé
depuis 20 ans, ils ont investi dans ces jeunes, dans ces compétences-là, et, au
moment où le système public devrait en tirer les avantages, bien, il y a une orientation
vers le privé qui fait qu'on maintient ça seulement à quelques privilégiés qui
ont les moyens de se payer les consultations. C'est bon? Merci beaucoup.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 43)