(Onze heures deux minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bien,
merci d'être là tout le monde. Je pense qu'il est opportun de réagir à ce qui a
été une crise extrêmement importante. Moi, je me souviens, janvier, là, lorsqu'on
a annoncé la fermeture du centre Mélaric — le centre Mélaric, le plus
grand centre de thérapie au Québec — je me souviens fort bien des
gens, trémolo dans la voix, des larmes, qui exprimaient leur détresse parce
qu'on se dit : Où on s'en va, maintenant?
Alors, aujourd'hui, je pense que c'est important
d'intervenir pour dire, évidemment, que, bon, heureux de la réouverture du
centre, je salue en même temps l'engagement de M. Robert Piché, mais,
au-delà de ça, c'est une crise qui a été déclenchée par le gouvernement, qui a
été déclenchée par le gouvernement. Puis le gouvernement a dû, après de longues
semaines, en se rendant à l'évidence qu'il fallait faire quelque chose parce
que ces gens-là font partie de la clientèle la plus vulnérable… Il aura donc
fallu que des gens aillent encore une fois sur la place publique pour dire :
Ce que vous faites, là, ce n'est pas humain, pour que le gouvernement décide de
réparer les pots cassés qu'il a cassés lui-même. Alors, il y a vraiment une
problématique là-dedans.
Je l'ai toujours dit et je le répète :
Il y a une espèce de logique mathématique dans des décisions, puis on oublie
souvent la logique humaine. Et, dans cette logique-là, dans ce dossier-là,
c'était évident. Et je dirai qu'au-delà de ça, de dire et de faire en sorte
qu'on répare une coche mal taillée par le gouvernement lui-même en oubliant
tout l'impact humain d'une décision annoncée, comme celle-là, en janvier, bien,
il va se passer quoi pour les autres? Parce que je vous rappellerai qu'au terme
de l'exercice l'association provinciale des organismes en dépendance avait dit :
Cette fermeture — en parlant de Mélaric — annonce
des jours encore plus sombres pour plusieurs autres centres qui sont au bord du
gouffre. Alors, il y en a aussi qui sont encore menacés, il y en a qui se
questionnent, il y en a qui n'ont peut-être pas de réponse à leurs questions,
puis il y en a aussi qui devront continuer à se battre pour survivre. Que fera
le gouvernement à ce chapitre-là?
Entre-temps, bien, ce bout
de temps là aura fait en sorte qu'on aura déraciné des hommes et des femmes qui
avaient besoin de soutien et qui aujourd'hui vont retrouver un réconfort, mais
qu'on a brisés dans leur routine. Et, dans des contextes comme ceux-là, ce
n'est vraiment pas évident.
Mme Delainey
(Marie-Laurence) : La directrice générale du
centre a dit que ce qui se passait aujourd'hui, ça venait presque complètement
effacer ce qui avait été fait lors de la fermeture.
M. Paradis (Lévis) : Effacer dans le sens où maintenant on reprend pour tout va très bien
ou effacer dans le sens : Il y a des efforts qui avaient été faits, puis
on va être obligés de reprendre à zéro avec des clients qui ont été déracinés
puis envoyés ailleurs? Il est là, le drame, hein?
On est dans un processus
d'appui à une clientèle vulnérable. Ces gens-là, déjà, doivent faire un effort
pour vouloir et avoir le désir de s'en sortir. Toute rupture dans le
traitement, toute rupture dans la continuité fait en sorte qu'on ébranle et la
confiance et l'aboutissement. Puis c'est vrai que ça, ça aurait été évitable
puis qu'il aurait été drôlement plus préférable de faire en sorte que des gens
qui avaient décidé de se prendre en main puissent continuer à avoir les
services qui leur étaient offerts. Et les gens l'on dit. Moi, je me rappelle,
larmes aux yeux, les gens disaient : Vous m'enlevez ma famille. Les
employés disaient : Vous m'enlevez ma famille, vous êtes en train de
débâtir ce en quoi j'ai confiance. Là, aujourd'hui, on va être obligés de
recasser, de… Tu sais, un pot cassé recollé, là, ça n'a jamais tout à fait le
même aspect. On peut se réjouir du fait qu'il puisse encore servir, mais ça n'a
jamais le même aspect. J'ose espérer que ces gens-là vont pouvoir retrouver
leurs racines dans la mesure où ils seront capables de le faire, mais tout ça,
ce qu'il faut comprendre, c'est que ça aurait été évitable pour des gens qui
sont manifestement parmi les plus vulnérables.
Mme Delainey
(Marie-Laurence) : Qu'est-ce qu'on fait
maintenant? Est-ce qu'on augmente les ressources? C'est quoi, la solution?
Est-ce qu'il y a assez de ressources en hébergement au Québec?
M. Paradis (Lévis) : Bien là, le gouvernement vient de se rendre compte que la gaffe de
janvier a créé des problèmes majeurs, devra se rendre compte que d'autres
centres sont aussi interpellés, puis devra se rendre compte puis faire en sorte
qu'on ne répète pas un drame humain comme celui qui s'est passé à ce moment-là.
Réjouissons-nous de la réouverture de celui-là, mais j'ose espérer que le
gouvernement va tirer leçon de sa décision, de sa mauvaise décision. Il pourra
maintenant s'adresser à tous les autres centres qui craignent également pour
leur survie, en n'oubliant jamais que, derrière des cas comme ceux-là et des
décisions comme celles-là, il reste qu'il y a des êtres humains.
M. Vigneault (Nicolas) : Est-ce qu'on devrait tenter de récupérer aussi les gens qui ont abandonné
leur thérapie? Parce que ça, c'est une inquiétude. Il y a des gens qui se
retrouvent à l'extérieur, qui ne retourneront peut-être jamais au centre et
qu'on échappe comme ça.
M. Paradis (Lévis) : Et ça, ce n'est pas facile. Et ça, je pense que, dans une décision
comme celle-là, il doit rester cette espèce de souvenir là : Qui
a-t-on échappé? Qui n'y retournera pas? À qui on a brisé les racines suffisamment
pour qu'il n'ait plus l'intention de continuer dans un processus comme
celui-là, un procédé de guérison pour des gens qui veulent réintégrer une société
puis devenir des gens actifs? Ce n'est pas une démarche facile, là. Ce n'est
pas une démarche facile. Alors, toute rupture dans cette continuité-là menace
la survie de ces gens-là. Alors, oui, peut-être qu'on va en échapper, oui on en
aura peut-être échappés. J'ose espérer que ceux et celles qui ont quitté ce
chemin-là se disent aujourd'hui : Il y a peut-être espoir. Mais
rappelons-nous qu'on les aura peut-être échappés puis on aurait pu éviter de le
faire.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
est-ce qu'on devrait prendre des mesures pour récupérer ces gens-là?
M. Paradis (Lévis) : Il va
falloir qu'on s'adresse à eux. Ça reste à travers celui-là même qui voudra
entreprendre une démarche. Parce qu'une démarche de ce type-là, en soin de
dépendance ou de polytoxicomanie, suppose que l'intéressé veuille s'investir
pleinement.
Mais, je vous le répète, on a provoqué une
crise en janvier, on a brisé des liens, on a brisé la détermination de
certaines personnes à se rendre jusqu'au bout du chemin. Maintenant, oui, il
faudrait faire en sorte qu'on puisse s'adresser à eux puis dire : Revenez,
on est là pour vous. Mais, encore une fois, on a des choses à rebâtir.
(Fin à 11 h 7)