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Point de presse de Mme Agnès Maltais, porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité

Version finale

Tuesday, May 17, 2016, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente minutes)

Mme Maltais : Alors, bonjour à tous et à toutes. Parce que la liberté d'expression est fondamentale pour une démocratie, je suis ici ce matin pour demander, au nom du Parti québécois, le retrait du projet de loi n° 59 sur le discours haineux.

Le projet de loi n° 59 a été remis malgré lui à l'avant-plan avec la saga entourant la censure d'un numéro lors du récent Gala des Olivier. En effet, une compagnie d'assurance a demandé le retrait d'un numéro d'humour parce que le risque de poursuite était trop grand. Il s'agit d'un avant-goût amer du sort réservé au débat public si le projet de loi n° 59 était adopté.

Ce projet de loi interdit les discours haineux et permet à toute personne ou organisme, même s'il n'est pas visé directement par le discours, de porter plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour qu'elle impose des amendes sévères, des milliers de dollars, non seulement aux auteurs de ces discours, mais à toute personne qui, et je cite la loi, agit de manière à ce qu'un tel discours soit tenu. Il s'agit d'un élargissement considérable du concept de diffamation.

Nos lois sur la diffamation et le Code criminel interdisant les discours incitant à la haine sont déjà suffisants pour baliser les discours publics sans pour autant créer un climat d'autocensure. Je veux citer Julius Grey et Julie Latour, deux avocats qui nous disaient en fin de semaine, dans un média bien connu, que le projet de loi n° 59 aggraverait considérablement la situation en mettant une chape de plomb sur la liberté d'expression. Le projet de loi, d'après nous aussi, ouvrira la porte à une judiciarisation extrême du débat public.

Selon le projet de loi n° 59, dans l'état des discussions où on en est, à ce qu'on comprend, toute personne ou organisme, même s'il n'est pas visé directement par les propos, pourra saisir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en toute confidentialité, confidentialité, d'une plainte pour déclencher une enquête sur l'auteur d'un discours. Une plainte pourra même être déposée avant que le discours soit tenu. Les mineurs sont assujettis à la loi, malgré les plaidoyers qu'on a faits pour soutirer les mineurs de cette loi-là. Et, selon les amendements proposés par la ministre — parce qu'elle va vous dire : J'ai proposé des amendements — il reviendra à la commission des droits de la personne, après enquête, de décider si leur dossier doit être transmis aux tribunaux ou à la DPJ. Rappelons les délais d'enquête de plus d'un an à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Une plainte pourra viser toute personne qui permettrait la tenue d'un discours dérangeant, incluant le propriétaire d'une salle de spectacle, et cela, la ministre l'a précisé en commission parlementaire. Il ne s'agit pas... Par exemple, vous engagez un humoriste. Cet humoriste, vous connaissez son propos. À la fin du propos, à la fin du spectacle, quelqu'un décide de poursuivre l'humoriste. Comme propriétaire, locateur de salle de spectacles, comme diffuseur, tout le monde peut être poursuivi, du moment où, après le fait, une personne juge que le propos est haineux.

Cette responsabilité élargie, notamment pour des discours qui n'auront pas été tenus, imposera un climat d'autocensure encore plus grand et néfaste que ne l'est la situation actuelle. Le Parti libéral nous propose un régime de police de la pensée. Toute personne sera constamment susceptible d'être poursuivie par les défenseurs autoproclamés de la rectitude politique.

Je vous rappelle que les délais d'enquête à la commission des droits de la personne et de la jeunesse s'étendent sur plus d'un an et qu'il n'y a pas de ressources additionnelles actuellement qui n'ont été dégagées aux crédits pour faire face à l'augmentation de poursuites qui résultera de l'adoption du projet de loi n° 59.

Le projet de loi n° 59 exigera de protéger la confidentialité du plaignant, ce qui favorisera l'activisme judiciaire et la multiplication des recours. La répression judiciaire n'est pas la solution. Les organismes sont venus dire : Agissez par la prévention. Et la grande majorité des analystes judiciaires et politiques déclarent que ce projet de loi n° 59 ne devrait pas exister.

Alors, c'est la liberté d'expression elle-même, en permettant d'argumenter et de débattre pour contrer et écarter les discours haineux, qui demeure la solution, non la censure et les amendes dissuasives. Les lois en matière de diffamation et le Code criminel sont suffisants pour contrer les discours incitant à la violence et les discours haineux. Le véritable danger actuellement au Québec, c'est la radicalisation de nos jeunes qui partent combattre en Syrie et mettent ainsi leur vie en danger.

Le projet de loi n° 59 ne contribue en rien à combattre cette radicalisation et à protéger nos jeunes. Nous demandons donc à la ministre de la Justice d'abandonner le projet de loi n° 59 et de s'attaquer à la radicalisation plutôt qu'à la liberté d'expression.

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais est-ce que, Mme Maltais, cette police de la pensée que vous dénoncez, est-ce qu'elle n'existe pas déjà selon vous? Certains plaideraient ceci puisqu'il y a eu ce qui s'est passé avec les humoristes...

Mme Maltais : Vous avez raison. Il existe déjà des mécanismes pour lutter contre la diffamation, pour lutter contre les propos haineux et tout.

M. Salvet (Jean-Marc) : Certains s'en plaignent déjà. Certains se plaignent de ça.

Mme Maltais : Certains s'en plaignent déjà, mais imaginez-vous donc que le gouvernement libéral veut ajouter une couche là-dessus. Ils veulent ajouter une nouvelle possibilité de plaintes auxquelles ils ajoutent la confidentialité de l'auteur de la plainte. Et pas seulement la plainte pour la personne touchée, mais toute personne membre d'un groupe qui se sent touchée peut poursuivre. Tout organisme qui représente un groupe qui se sent touché peut poursuivre en confidentialité, avec des amendes à la clé, avec des délais d'enquête d'un an.

Écoutez, là, c'est ajouter un univers d'autocensure. C'est ce que tout le monde est venu dire en commission parlementaire, et plus on étudie la loi, plus on la fouille, plus c'est évident qu'on se dirige vers ça.

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais la ministre Vallée plaide, si je ne m'abuse, que son projet de loi vise à protéger les groupes vulnérables. Est-ce qu'il ne faut pas protéger les groupes vulnérables?

Mme Maltais : Les groupes vulnérables sont protégés aussi par les lois sur la diffamation et sur les discours haineux qui sont déjà prévues dans le Code criminel. On ajoute une couche à ce qui existe déjà, là. On n'est pas... On invente, dit-on, un droit nouveau, mais ce droit-là, il existe déjà dans le Code criminel et il existe déjà dans les travaux sur la diffamation. Il y a vraiment un problème.

M. Caron (Régys) : Mais, Mme Maltais, vous aviez demandé, à l'été, de retirer une partie du projet de loi, mais pas au complet.

Mme Maltais : Oui. Tout à fait.

M. Caron (Régys) : Pourquoi, là, tout le projet de loi, il doit passer à la trappe?

Mme Maltais : Je ne fais pas de nuance. On avait demandé une scission à l'époque où on pouvait encore faire des scissions. Ça a été retiré, ça a été refusé systématiquement par le gouvernement. Alors, à ce moment-là, il nous reste à demander le retrait de la loi, puisqu'ils ne veulent pas retirer la scission, pour en ramener peut-être une nouvelle sur des impacts, par exemple, sur des sujets qui sont importants, comme mariage forcé et autres choses.

M. Dutrisac (Robert) : Oui, c'est ça. Donc, si vous étiez d'accord pour une partie du projet de loi...

Mme Maltais : Oui, oui, on est encore d'accord avec une partie du projet de loi, mais là le gouvernement ne veut pas scinder. Alors, il faut qu'ils retirent s'ils ne veulent pas scinder.

M. Salvet (Jean-Marc) : Pardon, mais il ne voudra pas non plus retirer le projet de loi, vraisemblablement. Qu'est-ce qui va se passer avec ce projet de loi? Comment vous voyez les choses aller? Parce qu'il est en commission parlementaire depuis belle lurette déjà. Vraisemblablement, qu'est-ce qui peut se passer à partir de maintenant?

Mme Maltais : Je pense qu'il faut poser la question à la ministre. D'ailleurs, j'ai commencé à la poser en commission parlementaire, si vous... Les dernières séances n'étaient pas télédiffusées, je ne peux pas vous demander de retourner les voir. Mais j'ai commencé à dire : Écoutez, où est-ce qu'on s'en va? Il ne peut pas y avoir de bâillon sur la liberté d'expression. Il faut que le gouvernement...

M. Salvet (Jean-Marc) : ...

Mme Maltais : Oui, je l'ai répété pendant quelques heures. Il faut que le gouvernement s'entende avec les oppositions. Or, systématiquement, elle n'amène que des arrangements mineurs. Il faut absolument que le gouvernement s'assoie avec les oppositions ou au moins écoute les oppositions et introduise des amendements qui vont vraiment faire un changement sérieux, là, très sérieux.

Mme Biron (Martine) : Mais est-ce que c'est possible d'amener des amendements, là? Vous demandez le retrait, vous...

Mme Maltais : On est obligés de demander le retrait parce qu'il faut repartir sur une planche à dessin vierge. On ne peut pas repartir à partir de l'article 1 tel qu'il est adopté, actuellement. On ne peut pas repartir à partir de l'article 2 qui dit que tu peux poursuivre le propriétaire d'une salle de spectacle en toute confidentialité. Tu sais, vous savez, il y a des impacts, là, démesurés à cette loi-là qui s'annoncent à chaque fois.

Mme Biron (Martine) : Mais est-ce que finalement vous n'êtes pas en train d'annoncer que, de toute façon, vous ne ferez pas ce qu'il faut pour qu'il passe? Vous demandez qu'il aille aux poubelles, alors...

Mme Maltais : Ah, mais c'est clair que la bataille que nous engageons, elle est sérieuse, là. Je n'ai jamais vu, moi... Écoutez, je n'ai jamais vu une bataille aussi sérieuse à l'Assemblée nationale. On est sur les fondements d'une démocratie. C'est la liberté d'expression.

M. Caron (Régys) : Vous êtes rendus à quel article dans l'étude détaillée?

Mme Maltais : 2.

M. Caron (Régys) : Article 2 sur combien, déjà?

Mme Maltais : Oh, il y en a... Dans la première partie, il y en a à peu près 25 puis une vingtaine dans l'autre. Donc, 45, à peu près. Il y en a eu un autre qui a été adopté, il y a eu un article adopté dans l'autre, donc on a trois articles d'adoptés.

M. Caron (Régys) : Donc, c'est paralysé, Mme Maltais.

Mme Maltais : À toutes fins pratiques, on peut l'exprimer ainsi, mais j'aimerais ça entendre la ministre sur les solutions qu'elle veut nous proposer.

M. Salvet (Jean-Marc) : Vous avez dit que vous faisiez, je pense, à un moment, de l'obstruction...

Mme Maltais : Intelligente.

M. Salvet (Jean-Marc) : Intelligente, c'est votre expression. Combien de temps ça peut durer, ça, techniquement? Est-ce que ça peut durer trois ans?

Mme Maltais : Techniquement, oui. Techniquement, oui, mais ce n'est pas ce qu'on souhaite. On souhaite qu'elle le retire puis qu'on revienne avec des éléments ensemble sur lesquels on aura consensus, parce que ce n'est pas vrai que le gouvernement va s'en aller attaquer la liberté d'expression sans l'aval des oppositions. Remarquez que, là-dessus, j'ai aussi... nous avons été chercher l'appui de la CAQ maintenant, qui, au début, a essayé d'amender la loi, mais, devant les refus répétés de la ministre d'amender la loi, maintenant s'exprime vertement contre la loi.

M. Caron (Régys) : Donc, ça va être un blocage systématique, Mme Maltais, que vous annoncez, là.

Mme Maltais : Non. Écoutez, qu'ils retirent leur loi, tout simplement.

M. Caron (Régys) : Oui, mais, vous savez, ils peuvent...

Journaliste : S'ils ne la retirent pas, vous allez bloquer?

Mme Maltais : S'ils ne la retirent pas, je vais continuer le travail que je fais, de conviction et de plaidoyer, ce que j'appelle une obstruction intelligente. C'est que j'ai encore espoir que, de l'autre côté, on entende quelque chose.

M. Salvet (Jean-Marc) : Ça empêche la neutralité religieuse de redescendre et d'être débattue?

Mme Maltais : Ça empêche ça, effectivement, alors ça commence à empêcher beaucoup de lois de redescendre. Les ordres professionnels sont à la Commission des institutions, le Code d'éthique est à la Commission des institutions.

Là, actuellement, là, je ne comprends pas les calculs du leader du gouvernement. J'ai été leader, vous le savez, je connais un peu ce match-là. Actuellement, dans le pipeline de la Commission des institutions, il y a d'importants projets de loi qui sont bloqués. Pourquoi? Je ne comprends pas pourquoi ces projets de loi sont bloqués actuellement pour simplement une loi qui n'a absolument aucun appui, à peu près, à toutes fins utiles, aucun appui dans la société. Le gouvernement fait cavalier seul.

Mme Plante (Caroline) : Mrs. Maltais, do you have any indication that the Government wants to go ahead and use closure on this bill?

Mme Maltais : We really don't know what the Government wants to do. We do actually demand… we request that they… comment dit-on retirer?

Journaliste : Drop.

Mme Maltais : OK. We do hope that they will drop this bill, yes, which is really bad for a society, for an advanced society, bad for the democracy.

Mme Plante (Caroline) : What would be the consequences of using closure on this type of legislation?

Mme Maltais : Of?

Mme Plante (Caroline) : What would be the consequences of using «le bâillon», closure, on this type of bill?

Mme Maltais : Ah! Closure. It's impossible to use the closure on this type of bill because it's on the basics of democracy. You cannot… Vous ne pouvez pas museler la liberté d'expression sans l'aval des oppositions.

Mme Johnson (Maya) : Why do you find this «projet de loi», this bill to be so offensive and so counter to values of a democratic society?

Mme Maltais : C'est très difficile pour moi de vous répondre en anglais là-dessus parce que c'est de multiples raisons et je n'ai pas tout le vocabulaire nécessaire.

Mme Johnson (Maya) : Je comprends, mais peut-être juste une petite phrase, est-ce que ce serait possible? You were saying, in French, that it is...

Mme Maltais : Well, in fact, it adds a new rule, a new way to «poursuivre»… it adds a new way to make in place «poursuites». Bon, écoutez, c'est pour ça que je ne veux pas vous répondre en anglais, je n'ai pas un très bel accent. Merci beaucoup.

(Fin à 13 h 43)

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