(Quinze heures trente-trois minutes)
M. Barrette : Alors, bonjour, tout
le monde. Merci d'être venus pour faire une mise au point sur une quantité
incroyable de données, qui sont tout à fait inexactes, qui sont véhiculées aujourd'hui
par la Coalition avenir Québec par la bouche du député de Lévis, François
Paradis, qui, à son habitude, prend des chiffres et n'en fait pas l'analyse
correcte. Et je trouve ça, évidemment, extrêmement déplorable parce que ça
inquiète la population. Et je tiens à le dire d'emblée : L'utilisation des
blocs opératoires au Québec n'est pas totale, mais elle n'est certainement pas
à la hauteur qui a été véhiculée par M. Paradis.
Alors, mettons les pendules à l'heure.
M. Paradis a soulevé des données qui sont non vérifiées et dont je vais
vous donner, évidemment... je vais vous donner avec plus de précision. Alors, au
moment où on se parle, au Québec, et de façon historique, le nombre de salles
d'opération qui sont inscrites aux permis des établissements sont le nombre de
salles d'opération qui sont là à l'origine. Et on comprendra qu'au fil du temps
il y a des salles d'opération qui, pour toutes sortes de raisons, notamment de
vétusté, ne sont plus utilisées. Ça va?
Alors, par-dessus ça, en plus, la norme
utilisée par M. Paradis est une norme qui n'a jamais été appliquée au Québec,
et je vous explique : le pourcentage d'utilisation des salles d'opération
qu'a rapporté M. Paradis est basé sur un nombre idéal d'heures d'opération
utilisées, qui est de 10 heures par jour et de quatre heures le samedi.
Or, ce sont des normes européennes, qui ne sont pas utilisées au Québec parce
que nous n'avons pas, au Québec, des quarts de travail de 10 heures. Ce
n'est pas une norme utilisée par le ministère de la Santé et des Services
sociaux, c'est une norme qui apparaît dans un document du Commissaire à la
santé et au bien-être, qui a choisi, et c'est son propre arbitre, d'utiliser
une norme qui ne correspondait aucunement aux horaires de travail du Québec.
Conséquemment, quand on regarde le taux d'utilisation de salles, c'est-à-dire
le nombre d'heures d'utilisation de salles sur un nombre idéal d'heures, évidemment
que, si ce nombre-là est trop grand, bien, ça ne peut pas fonctionner.
Je vais être plus précis. M. Paradis
a regardé le nombre de salles d'opération au Québec. Il a constaté que, dans
les salles... dans les hôpitaux du Québec, il y en avait 554 au permis. Or, il
y en a 61, au Québec, qui ne sont pas utilisées, ce sont des salles de
rangement, c'est des garde-robes. Je peux vous amener dans un hôpital, vous
allez ouvrir une porte devant laquelle c'est marqué «salle n° 5», on va
ouvrir la porte, et vous allez voir des boîtes. Alors, ça existe, ces
salles-là, et elles sont comptabilisées. Il reste donc, au net, 493 salles
au Québec.
Les salles d'opération au Québec, selon un
idéal... et un idéal, c'est utiliser toutes les salles d'opération du Québec
10 heures par jour, cinq jours par semaine et quatre heures la fin de
semaine. C'est la norme utilisée par notre Commissaire à la santé et au
bien-être, et cette norme-là n'est pas utilisée au Québec parce que nous
n'avons pas des horaires de travail de 10 heures par jour. Mais,
par-dessus ça, est-ce que quelqu'un, et M. Paradis en premier... est-ce
que quelqu'un s'imagine qu'au Québec, les salles d'opération ou quoi que ce
soit est utilisé à pleine capacité 52 semaines par année? La réponse est évidemment
non. Alors, il y a ce que l'on appelle l'été, au Québec, où il y a un
ralentissement dans les hôpitaux, et on le comprend, à moins que M. Paradis
considère que le personnel de nos blocs opératoires ne travaille pas suffisamment.
Moi, je pense qu'ils travaillent en masse et je pense qu'ils méritent leurs
vacances.
Prenons l'exemple de Noël et du jour de
l'An. Est-ce que les gens pensent qu'actuellement dans ces périodes-là, on
travaille exactement à la pleine capacité? La réponse est évidemment non.
Alors, le taux d'utilisation utilisé par... rapporté par M. Paradis est
basé sur une norme qui n'existe pas au Québec sur un nombre de salles qui est
surévalué et non vérifié. Il aurait très bien pu, M. Paradis, faire la
vérification, mais il a choisi de ne pas le faire et il fait, évidemment,
abstraction de l'organisation du travail du Québec, notamment en ce qui a trait
au nombre d'heures travaillées par jour au Québec et au nombre de semaines de
vacances que le personnel doit prendre, qui fait en sorte qu'il y a évidemment
un nombre d'heures d'utilisation qui est inférieur à l'idéal, l'idéal étant
52 semaines par année à pleine capacité. Et, par-dessus ça, par-dessus ça,
M. Paradis fait abstraction du fait que nous devons, au Québec, rendre des
soins chirurgicaux disponibles en tout temps sur tout le territoire. Et tout le
monde comprendra, là, qu'à Sainte-Anne-des-Monts le bloc opératoire ne fonctionne
pas 10 heures par jour, 52 semaines par année. En réalité, il fonctionne
quelques heures par mois. Mais nous avons choisi, collectivement, d'assurer à
la population de toutes les régions une disponibilité chirurgicale à la semaine
longue. Alors, on peut dire la même chose de Ville-Marie, on peut dire la même
chose de Gaspé, de Chandler, de Matane.
Alors, le Québec a choisi d'avoir des
salles d'opération qui ne seront jamais utilisées à pleine capacité, certainement
pas selon la norme européenne de 10 heures par jour, cinq jours par semaine. C'est
comme ça, c'est de même, et ce serait absolument irréaliste de penser le
contraire. Pourtant, c'est exactement ce que François Paradis vous a rapporté.
François Paradis a dit : Voici, il y a tant d'heures d'utilisation au
total au Québec pour tant de salles d'opération, et, si ces salles d'opération
là étaient opérées 10 heures par jour pendant 52 semaines, ça ferait
53 % de temps d'utilisation. Or, qu'en est-il quand on regarde les normes
du Québec? Le Québec, les employés travaillent au bloc opératoire huit heures
par jour avec des heures un peu étendues parce que tout ne finit pas à l'heure.
Le calcul, il est simple à faire, et, quand on regarde le taux d'utilisation de
salles avec un montant idéal, un nombre d'heures idéal, ou plutôt constaté,
aujourd'hui à 8,5 heures par jour, le taux d'utilisation des salles
d'opération du Québec en entier, je le répète, en entier, selon ce que l'on a
comme organisation du travail au Québec, est de 77 %, avec des variations
d'une région à l'autre pour les raisons que je vous ai indiquées tout à
l'heure.
Il est bien évident que, dans une petite
ville, une petite municipalité où on choisit — et c'est ce que l'on
doit faire — de garder disponible un bloc opératoire... Je vais vous
nommer Amqui, par exemple, bien, on a un bloc opératoire qui est tout le temps
disponible. Non, il n'est pas utilisé 10 heures par jour, sept jours par
semaine, par exemple. Alors, à partir du moment où nous devons — nous
devons — rendre à la population disponibles des services
chirurgicaux, il y a donc des endroits qui sont sous-utilisés et, à l'opposé,
lorsqu'on est dans une zone plus urbaine, on a des endroits qui sont utilisés
jusqu'à 90 %.
Alors, François Paradis a
choisi — c'est son choix — de désinformer la population,
d'inquiéter la population, même d'insinuer que le travail, que le personnel
dans les blocs opératoires n'est pas à la hauteur de sa pleine capacité. Bien,
moi, je vais vous dire une chose, là : Les gens travaillent dans notre
réseau. Ce n'est peut-être pas l'organisation idéale, et c'est ce sur quoi on
s'attarde au moment où on se parle, mais il est totalement faux de dire que le
taux d'utilisation des salles d'opération du Québec est de 53 %. C'est
basé sur des chiffres qui sont faux, non vérifiés et présentés d'une façon,
évidemment, orientée pour faire quoi? Ameuter la population et gagner des
points électoraux présentés dans un comté qui va bientôt être en élection
partielle. Je trouve ça, mesdames et messieurs, déplorable, je trouve ça
déplorable. La population n'a pas besoin de politiciens incapables de donner
correctement des faits à la population. La transparence est quelque chose qui,
pour moi, est important, et les chiffres sont ceux que je vous dis aujourd'hui
et ils sont vérifiables.
Et j'irai plus loin. Alors, la réalité est
telle que le député de Lévis, François Paradis, a fait une demande d'accès à l'information
à laquelle nous avons répondu en ce sens que l'information qu'il cherchait
était locale, dans chaque institution, donc dans chaque CISSS et chaque CIUSSS
du Québec, et normalement il aurait dû faire la corrélation adéquate, ce qu'il
a choisi de ne pas faire.
Alors, je termine là-dessus avant de
passer aux questions. Le taux d'utilisation des salles d'opération au Québec,
si on prend une norme qui n'est même pas l'organisation moyenne du travail au Québec,
qui est de huit heures par jour — je l'ai pris à 8,5 heures par
jour parce qu'il y a toujours un peu de débordement — est de
77 %. Si j'appliquais la règle de huit heures par jour, qui est le nombre
d'heures que sont les quarts de travail du Québec, le taux d'utilisation des
salles d'opération, pour tout le territoire du Québec, serait de 81 %.
Alors, j'ai mis une marge de manoeuvre parce qu'évidemment rien ne finit
exactement à l'heure dans un bloc opératoire, tout le monde le comprendra, et
tout le monde comprendra aujourd'hui la manoeuvre tout à fait inacceptable de
François Paradis et de la CAQ qu'il représente. Maintenant, je vais passer aux
questions.
M. Caron (Régys) : M. Barrette,
vous avez dénoncé la sous-utilisation des salles d'opération en 2012. Elle
était à combien à ce moment-là?
M. Barrette : Tout à fait. Alors,
en 2012, l'utilisation... je n'ai pas fait la vérification, aujourd'hui, de
2012, mais, en 2012, si on prend le calcul inapproprié de la CAQ, on constate
qu'on s'est amélioré approximativement de 5 %. Ce que j'ai dit, en 2012...
M. Caron (Régys) : ...pour
cent?
M. Barrette : Non, de
5 %.
M. Caron (Régys) : Non, mais
ça veut dire qu'il y a une amélioration de 5 %, on était à 72 % par
rapport...
M. Barrette : Je n'ai pas fait
la vérification, mais, théoriquement, là, quand on le regarde
macroscopiquement, ça devrait être ça. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison
qu'effectivement dans le passé j'ai dénoncé la sous-utilisation de certains
blocs opératoires, et c'est la raison pour laquelle j'ai participé, dans le
passé, à une tournée des blocs opératoires. On avait constaté que, dans
certains blocs, pas tous, il y avait de la marge de manoeuvre. Il y a des
endroits où cette marge de manoeuvre là n'est pas utilisable, je prends
l'exemple que j'ai donné tantôt.
Moi, quand bien même, à Gaspé, je voudrais
que le bloc opératoire fonctionne cinq jours sur cinq à pleine capacité, il n'y
a pas la clientèle localement. Et quand bien même je voudrais que les gens de
Montréal aillent se faire opérer à Gaspé, je ne pense pas que les gens vont aller
à Gaspé, par exemple, hein? Mais, à Gaspé, et à Chandler, et à
Sainte-Anne-des-Monts, et à Maria, il y a des blocs opératoires.
Il y a trois salles d'opération à Maria,
jamais les trois salles d'opération ne vont être utilisées à pleine capacité
pour des raisons évidentes de densité de population, mais ces chiffres-là, là,
de ces salles d'opération là, ils sont entrés dans le total du Québec, alors il
est bien évident que ça baisse la moyenne. Mais, même quand on prend ces
chiffres-là et qu'on les applique correctement à notre parc de salles
d'opération du Québec, on est, au Québec, à 77 %, en prenant un point de
référence adéquat, pas des quarts de travail de 10 heures comme en Europe,
mais bien de huit heures, et, moi, ici, j'applique 8 h 30 min.
M. Caron (Régys) : Compte
tenu de ce que vous venez de dire, là, bon, la faible clientèle en région, est-ce
qu'il y a une marge d'amélioration qui peut être faite encore, là? Je comprends
qu'à 77 % on est peut-être au maximum, mais, d'après vous, de combien... à
combien on peut le monter, le taux d'utilisation?
M. Barrette : La réponse, c'est
oui. Y a-t-il encore de la marge de manoeuvre dans nos blocs opératoires
urbains — parce que c'est comme ça qu'il faut le dire? La réponse, c'est
oui. Moi, aller utiliser la marge de manoeuvre qu'on a à Gaspé ou à Ville-Marie,
c'est assez difficile parce qu'on ne va pas demander aux gens de se déplacer si
loin, on ne peut pas. Il y a des limites à tout dans la vie, là. Y a-t-il de la
marge dans les zones urbaines? La réponse, c'est oui. Et nous, on pense,
particulièrement dans la région de Montréal, qu'il y a une marge significative
à utiliser, et c'est le mandat que j'ai donné aux administrations de la grande
région de Montréal, de Québec, de Sherbrooke, les grandes régions pour faire en
sorte qu'on aille chercher les quelques milliers de chirurgies annuelles qui
sont en attente au-dessus de six mois.
M. Dutrisac (Robert) : Quel
objectif avez-vous, là, selon vos normes à vous, là? Vous voulez porter ça à
combien?
M. Barrette : Écoutez, sur cet
élément-là, je vais attendre un à autre moment pour vous en faire une présentation
parce qu'au moment où on se parle il y a un exercice qui est en train d'être
fait.
La raison première pour laquelle nous
avons un projet pilote de trois cliniques où on va envoyer des patients qui
sont sur la liste d'attente sont exactement pour faire en sorte que la
clientèle du Québec n'ait plus d'attente intempestive, comme on en voit
aujourd'hui, au-dessus d'un an, au-dessus de neuf mois, au-dessus de six mois. Pour
arriver à ça, il faut utiliser le projet pilote que j'ai mis en place ainsi que
la marge de manoeuvre qu'on a dans le réseau des hôpitaux de la grande région
de Montréal et de la région de Québec. Je vous dirais que le problème de la
région de Québec est moins criant que dans la grande région de Montréal, c'est
pour ça que c'est dans la grande région de Montréal qu'on a fait les projets
pilotes.
Mais de dire, encore une fois, comme
François Paradis l'a dit, que notre taux d'utilisation est de 53 %, c'est
de choisir de ne pas informer la population correctement, et ça, ce n'est pas
acceptable.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
est-ce que vous pourriez, par exemple, augmenter à 10 heures par jour
l'efficacité ou l'utilisation des blocs opératoires, par exemple?
M. Barrette : Bien, je vous
invite à aller poser cette question-là aux représentants syndicaux de ces corps
professionnels là, hein, je vous invite à aller leur poser la question. Est-ce
que le personnel va choisir ou accepter de travailler 10, 12 heures par
jour au bloc opératoire? Maintenant, je vais vous donner un élément supplémentaire
que ça pose : plus on fait de cas au bloc opératoire d'un hôpital, plus il
faut des lits, plus il faut des lits de soins intensifs, plus il faut de, de et
de. Moi, je peux… Vous pourriez très bien me poser la question : Est-ce
qu'on peut fonctionner au bloc opératoire pendant 16 heures par jour? La
réponse, c'est oui, à la condition que ce soient des courts séjours, des gens
qui partent quatre heures après.
M. Caron (Régys) : M. Barrette,
vous avez dit que les chiffres de M. Paradis sont faussés par 61 salles
d'opération qui ont été transformées en garde-robes, dites-vous. Mais comment
se fait-il qu'il y a 61 salles d'opération qui sont comptabilisées quelque part
comme des salles d'opération, alors que ce n'est pas ça?
M. Barrette : Bien, je vous
l'ai expliqué, c'est une question de… c'est comme les lits aux permis, c'est
comme en CHSLD, les lits aux permis, c'est une question de permis, si vous me
le permettez, comme expression. Ce n'est pas un permis comme tel, mais c'est
l'inscription historique des salles d'opération sur les données statistiques
des hôpitaux.
M. Caron (Régys) : Donc, ça
vient fausser les données.
M. Barrette : Bien, ça vient
fausser les données. M. Paradis devrait savoir ça. Il devrait savoir ça.
François Paradis, il a choisi deux choses : il a choisi de ne pas vérifier
ses chiffres et il a choisi d'utiliser une norme qui n'existe pas au Québec.
C'est ça, qu'il a choisi de faire. La norme qui…
M. Caron (Régys) : C'est
quand même invoqué par le Commissaire à la santé.
M. Barrette : Bien oui, mais
la norme invoquée par le Commissaire à la santé et au bien-être, c'est une
norme qui n'est pas appliquée au Québec. Nous n'avons pas une norme qui fait en
sorte que nous évaluons le taux d'utilisation des salles d'opération à un taux
de 10 heures par jour d'utilisation pour toutes les salles. Il n'y a pas
un seul endroit au Québec où, dans les 50 dernières années, toutes les
salles d'opération ont fonctionné au rythme de 10 heures par jour. Ça
n'existe pas. Alors, pourquoi utiliser une norme qui ne correspond à rien dans
la réalité?
M. Caron (Régys) : Y a-t-il
corrélation entre les listes d'attente pour des chirurgies et le taux
d'utilisation des salles d'opération?
M. Barrette : Bien, la
réponse, c'est oui. Il y a une corrélation entre l'attente et le taux
d'utilisation à partir du moment où on fixe un objectif d'opérer tout le monde
en dedans de six mois. Moi, je vous le dis tout de suite, là, s'il faudrait
opérer tout le monde, au Québec, en dedans d'un mois, il faudrait que j'augmente
au moins de 50 % le nombre d'hôpitaux au Québec. Est-ce que j'ai le moyen,
moi, de faire ça? Est-ce que nous, collectivement, au Québec, on a les moyens
de faire ça? Alors, poser la question c'est y répondre. Alors, je ne l'ai pas,
cette capacité-là, et nous ne l'aurons pas demain. Avons-nous la volonté
d'utiliser notre parc opératoire à pleine capacité pour faire en sorte que les
gens soient opérés en dedans de six mois? C'est un objectif qui m'apparaît tout
à fait raisonnable et faisable. On travaille à ça, mais ça, ça demande de l'organisation
du travail.
Est-ce qu'on pourrait passer de six mois à
trois mois? Bien, ça, ce serait assez difficile avec le parc actuel
d'équipement parce qu'encore une fois les personnes qui sortent de la salle
d'opération — pas tous, mais pour une grande partie — ils
doivent aller dans un lit quelque part, soit un lit de soins intensifs, soit un
lit d'hospitalisation, soit un lit de court séjour.
M. Caron (Régys) : Mais,
M. Barrette, ce n'est pas ça, une des limites les plus importantes,
l'incapacité de mettre des lits disponibles pour les gens qui sortent des
salles opératoires?
M. Barrette : Bien, alors,
voilà la question. Alors, à ce moment-là, posons-nous collectivement la
question. Ça, c'est constructif. C'est beaucoup plus constructif de se poser
cette question-là que d'arriver puis de dire n'importe quoi à la population
comme l'a fait aujourd'hui François Paradis, hein? Est-ce que François Paradis,
dans son programme, est prêt à augmenter le budget de la santé et des services
sociaux de 25 %, par exemple? Est-ce qu'il est prêt à rajouter
10 milliards, 5 milliards, 6 milliards? C'est combien que lui
pense, là, lui qui est dans un parti éminemment comptable, un parti dont le
chef est un comptable, un parti qui nous a vanté le ménage des finances
publiques, un parti qui ne parle que de la richesse du Québec, à quelle hauteur
la richesse du Québec peut-elle nous permettre d'aller en termes hospitaliers?
Est-ce que François Paradis est capable de nous dire ça? Est-ce que son chef
comptable est capable de nous dire ça, hein?
Un hôpital, ça coûte cher, et on doit
maximiser, évidemment, cette ressource-là. C'est clair qu'on doit la maximiser
et c'est ce que l'on fait au Québec. Est-ce qu'on va, par exemple, pour améliorer
les statistiques... Je peux faire ça demain matin, est-ce que François Paradis
nous suggère de fermer des salles d'opération à Gaspé, dire à la population de
Chandler : On ferme votre bloc opératoire parce qu'on veut améliorer nos
statistiques? Au lieu d'être opéré à Chandler, là, vous allez faire 45 minutes
d'auto puis vous allez aller à Gaspé en permanence, comme ça on va bien
utiliser Gaspé et on va améliorer nos statistiques. On va fermer deux salles
d'opération puis ça va être parfait comme ça. Est-ce que... Puis il pourrait
demander la question au Parti québécois. Moi, j'ai entendu le Parti québécois
monter aux barricades parce qu'on a pensé optimiser une salle d'opération à
Amqui par rapport à Rivière-du-Loup ou à Rimouski. Non, il n'en est pas
question, il faut rendre le service disponible. C'est correct. Il faut occuper
le territoire et rendre le service disponible.
Qu'est-ce qu'il veut, François Paradis?
Est-ce qu'il veut simplement ameuter la population en disant, essentiellement,
presque n'importe quoi ou il veut avoir une discussion constructive et basée
sur la réalité budgétaire du Québec?
M. Vigneault (Nicolas) :
Votre marge de manoeuvre — bon, vous dites c'est six mois, là, la
norme actuelle — quelle est-elle et comment vous allez faire pour
réduire, peut-être, ce temps-là?
M. Barrette : Alors, je vais
répéter une chose, là : Au
Québec, 94 % des gens qui sont sur la liste d'attente en chirurgie sont
opérés en dedans de six mois. Il y a plus de 450 000 chirurgies effectuées
par année au Québec. Et, oui, c'est vrai qu'il y en a à peu près 17 000
qui sont au-delà de six mois, c'est vrai. Mais il y en a quand même
450 000, plus, qui sont opérés en dedans de six mois, et il y a des gens
qui dépassent les six mois par choix, ça aussi, ça existe. Et il y a des gens
qui sont les listes d'attente qui ne devraient pas y être parce que... Écoutez,
moi, sur la liste d'attente que j'ai épurée récemment, là, il y avait une
césarienne de 42 mois. Alors, on comprend-tu que ça ne se peut pas, là?
Alors, il y a des chiffres, là, qui n'ont pas de sens puis on est en train de
faire cette épuration-là.
Alors, François Paradis choisit de
maquiller la réalité pour en faire un spectacle électoral. Je trouve ça
déplorable.
M. Dutrisac (Robert) : Bon, j'ai
une question sur un autre sujet, mais, avant ça, j'aimerais... Vous faites un
lien entre les listes d'attente tel qu'elles sont présentement et le budget de
la Santé, qui devra augmenter considérablement si on veut avoir des listes
d'attente moindre. Je peux comprendre que, si on fait un rattrapage, ça prend
de l'argent, mais, si vous n'avez pas assez suffisamment d'argent, là, à
l'heure actuelle, pour faire des opérations, il y aurait une augmentation des
temps d'attente, des délais. Si vous maintenez, à l'heure actuelle... Autrement
dit, c'est : Une fois qu'est résorbée la liste d'attente, là, qu'on a fait
cet effort-là, bien là on est sur notre erre d'aller, non? Sinon...
M. Barrette : Exact, vous avez
tout à fait raison. Ce que je vous ai dit, je vais le répéter. Si vous me
demandez, O.K... si vous me demandiez de faire en sorte que tout le monde au
Québec ne soit pas opéré en dedans de six mois mais en dedans d'un mois, il
faut que je construise un grand nombre d'hôpitaux. Je n'ai pas la capacité de
le faire.
M. Dutrisac (Robert) : Mais
pourquoi ça? Parce que c'est le même nombre de gens qu'on opère. Une fois que
la liste d'attente, elle est correcte...
M. Barrette : Non, parce
que... Non, la raison, c'est parce que, si vous opérez quelqu'un, il y a une
suite à ça. Si je vous opère, je vous fais une chirurgie majeure,
O.K. — on va prendre quelque chose de spectaculaire, je vous opère
pour le coeur — vous ne vous en allez pas chez vous après, me
suivez-vous? Vous vous en allez aux soins intensifs, et après vous vous en
allez à l'étage, et après, si tout va bien, vous vous en allez à la maison,
n'est-ce pas? Alors, quand bien même je fais marcher un bloc opératoire le
soir, si je n'ai pas plus de lits de soins intensifs, pas plus de lits
d'hospitalisation... et, si ces lits de soins intensifs et d'hospitalisation
là...
M. Dutrisac (Robert) : Bon, c'est
bon pour le rattrapage, ce que vous expliquez parce que le nombre d'opérations
à coeur ouvert...
M. Barrette : Non, non, non,
ce n'est pas bon pour le rattrapage. Là, vous ne m'avez pas suivi, là. Ce que
je vous dis — je vais le répéter — si vous me demandez de
réduire la liste d'attente de six mois à un mois, il faudrait que je construise
des hôpitaux. Si vous me demandez d'opérer, là, tout le monde en dedans de six
mois, bien, il faut que le bloc opératoire actuel performe un peu plus. C'est ce
sur quoi on travaille, c'est ce sur quoi on travaille.
M. Dutrisac (Robert) : Moi,
j'aurais une question...
M. Caron (Régys) : Il y a quand
même des chirurgies d'un jour aussi, Dr Barrette.
M. Barrette : Mais vous avez
raison, et c'est exactement ce que je vous dis. C'est exactement ce que je vous
dis. Il y a quand même des chirurgies d'un jour, et les chirurgies d'un jour,
c'est ce à quoi on travaille, O.K.? Des chirurgies d'un jour, il s'en fait en
dehors des heures aussi. Et le projet pilote que je mets en place, c'est pour
des chirurgies d'un jour.
M. Caron (Régys) : Dans les
cliniques privées?
M. Barrette : Dans les
cliniques qui vont être payées par le public. Et c'est exactement ça que je
fais. C'est exactement ça que je fais. Je demande deux choses au réseau, deux
choses, et aux chirurgiens, et aux citoyens. Je leur demande, un, de performer
plus dans le système actuel. La marge que l'on a dans le système actuel, il
faut aller la chercher, ça va baisser la liste d'attente. Le projet pilote va
baisser encore plus la liste d'attente. On demande aux chirurgiens de
participer et on demande à la population d'accepter de se déplacer à l'endroit
qui sera approprié. Mais ce que je vous dis, c'est que de vouloir ramener ça, par
exemple, à un mois, à deux mois dans la capacité que l'on a dans notre réseau,
pour les raisons que je vous ai expliquées, c'est une chose qui n'est pas
faisable.
Aujourd'hui, est-ce que le taux
d'utilisation réel selon les normes organisationnelles du Québec est à 53 %?
C'est non. Il est de 77 %, et c'est ça, la réalité. Et elle est... Ce
n'est pas... C'est noir et blanc, là. Le 53 %, c'est faux. Le 77 %,
c'est la réalité selon nos normes. Et n'oubliez pas une chose : le
53 %, encore une fois, de François Paradis, là, c'est basé sur une
utilisation idéale à 52 semaines par années, à 54 heures
d'utilisation de chaque salle au Québec, incluant à Gaspé, à Chandler puis à
Sainte-Anne-des-Monts. Écoutez, là, y a-tu quelqu'un qui pense que ça a du
sens, ça? Est-ce que quelqu'un s'attend à ce qu'à Sainte-Anne-des-Monts la
salle d'opération qui est là soit utilisée 10 heures par jour,
5 jours par semaine et 4 heures par jour la fin de semaine? Est-ce
qu'il y a quelqu'un qui pense ça au Québec? Bien oui, il y en a une, personne :
François Paradis.
M. Dutrisac (Robert) : Juste
une dernière question, là, sur un autre sujet. La ministre fédérale de la Santé
a dit aujourd'hui...
M. Barrette : Posez... On va
parler du hors sujet après la fin du point de presse, si vous voulez.
Mme Fletcher (Raquel) : Bien,
c'est un autre sujet aussi.
M. Barrette : Vous aussi,
c'est un autre sujet?
Mme Fletcher (Raquel) : Oui.
M. Barrette : Bon, autre
sujet.
M. Dutrisac (Robert) : La ministre
fédérale de la Santé a déclaré aujourd'hui que les médecins étaient mal protégés
par les lois provinciales. Moi, on me résume la déclaration...
M. Barrette : Je l'ai
entendue.
M. Dutrisac (Robert) : Vous
l'avez entendue? Est-ce que vous pourriez nous commenter ça? Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Qu'est-ce que vous pensez de cette déclaration?
M. Barrette : Bien, moi, je
peux dire une chose, et je l'ai dite à plusieurs reprises, je vais la répéter cet
après-midi avec le plus grand des plaisirs. Je dis aux médecins du Québec :
Si vous avez à faire face à une demande d'aide médicale à mourir dans l'état
actuel du droit, prenez votre décision en fonction de la loi québécoise. Si
vous prenez votre décision en fonction de la loi québécoise, vous êtes blindés parce
que la Cour suprême l'a dit, parce que nous sommes à l'intérieur de ce que la
loi fédérale actuelle, dans son état, permet. Comprenons toujours bien une
chose : ce que C-14 fait, ça établit le point le plus loin où on peut
aller. Ça n'oblige pas les provinces à aller jusque-là, ça dit aux provinces :
Faites vos lois en fonction de la limite qu'on vous donne, O.K.? Ça dit aux
provinces, C-14 : Vous pouvez rouler jusqu'à 100 kilomètres-heure,
mais vous pouvez mettre votre limite de vitesse à 80, mais, si vous voulez
aller à 100, là, vous avez le droit d'y aller.
M. Dutrisac (Robert) : De
toute façon, même par rapport à C-14, vous êtes en deçà de ça.
M. Barrette : Actuellement,
c'est sûr qu'on est en deçà de C-14, mais C-14 nous emmène sur un terrain qui
est, pour les médecins — puisque vous prenez l'angle des
médecins — dangereux. C-14, avec son article de «raisonnablement
prévisible», de «mort raisonnablement prévisible», c'est quelque chose qui est
tellement flou que, là, compte tenu de ce que l'on a vu dans le débat passé, je
n'invite pas les médecins à aller là parce que cet élément-là entraîne un
élément flou qui pourrait mettre les médecins à risque, ainsi que les
infirmières, ainsi que les pharmaciens. Alors, aujourd'hui, là, nous n'allons
pas changer notre loi, aujourd'hui, tant que les travaux au fédéral ne seront
pas terminés, donc tant que le Sénat n'aura pas statué et tant que le Parlement
fédéral n'aura pas répondu aux commentaires, propositions, critiques qui vont
venir du Sénat.
M. Dutrisac (Robert) : Bien,
c'est ça, mais, pour résumer, si un médecin se conforme à la loi québécoise, il
est blindé contre...
M. Barrette : Il n'a pas de
problème. Absolument. Ça, c'est blindé. Ça, la Cour suprême l'a dit, nous
sommes... Écoutez, la loi fédérale, elle est essentiellement une copie de la
loi québécoise, mais plus étendue. Elle est étendue de deux manières :
elle est plus étendue parce qu'elle s'adresse à des personnes qui n'ont pas des
maladies en fin de vie — comme les personnes handicapées, des choses comme
ça — et elle est plus étendue en ce sens que, là, on a une espèce de
flou qui est la mort naturelle raisonnablement prévisible. C'est un concept,
ça... Parce qu'ils ne disent pas... Elle ne dit pas, la loi fédérale, «la mort
naturelle raisonnablement prévisible due à la maladie qui fait souffrir la
personne», elle dit «la mort raisonnablement prévisible sans
égard — parce que c'est un petit peu plus loin, le texte,
là — aux pronostics établis pour la maladie». Écoutez,
là, ça, c'est n'importe quoi, là.
Mme Fletcher (Raquel) : Emergency doctors, including the Canadian Association for Emergency
Physicians, have come out against your plan for superclinics. They say that it
could actually extend the wait times in emergency rooms, and instead they are
asking for you to have a four-hour rule to make the limit for wait times be
four hours. What do you say in response to that?
M. Barrette : I've answered that many times during the weekend. They are wrong on
this, they are obviously wrong on this. Emergency physicians themselves they
say that up to 60% of all patients seen in an ER in Canada are for medical conditions that should have been seen outside ER.
So, I fail to understand why it would be wrong to increase the services offered
to citizens outside the hospital, unless their position is to keep the
emergency room open to all those patients for revenues, income or… I don't
know. There is no logic in their position because, when we address the ER issue,
it's always two faults : it is the input and the output. The input is
about those who have to be there. So, I fail to see the logic in their
reasoning by which it is fine for low priority patients to go to the emergency
room as opposed to go to their own physicians or a superclinic. I fail to see
the logic regarding to that aspect.
For the other part, yes,
it is true that we need to improve the… but, when you have to be in the ER and
you have to get a bed within an hospital on a ward, that is true, there has to
be increased… improvement in terms of fluidity. That, there's no doubt about
that. But, for the first part, it's absolutely… its so illogic. I fail to see
on what basis they are saying that.
Mme Fletcher (Raquel) :OK. Would you… They've
invited you to come sit down with them and meet them and… toward hospitals. Is that
something that you would consider?
M. Barrette : I don't get the point. I have plenty of hospitals in Québec where they go to. I don't see the
point. I really don't see the point.
C'est tout? Merci.
(Fin à 16 h 6)