(Dix heures)
Mme Roy
: Alors,
bonjour tout le monde, merci d'être ici. Notre présence, ce matin, est importante.
Vous savez qu'il y a ce Forum social mondial qui se déroule, qui vient de
commencer à Montréal. Alors, la présence de groupes crédibles de nombreux
horizons au Forum social mondial, elle est saine et elle est nécessaire dans le
cadre d'une société libre et démocratique comme la nôtre. Alors, l'événement
qui se déroule actuellement n'est nullement remis en question dans notre
intervention de ce matin, c'est bien important que vous le compreniez.
Comprenez cependant que c'est le jugement du gouvernement Couillard qui est
remis en question ce matin en regard de cet événement et, par surcroît, la
subvention qu'il accorde à cet événement.
Il faut dire que la présence de groupes et
d'individus islamiques et radicaux à cet événement nous interpelle au plus haut
point parce que le gouvernement de M. Couillard a décidé de donner une
subvention de 100 000 $ à cet événement, et ça se fait par le biais
du ministre Coiteux, le ministre Coiteux, qui est le ministre des Affaires
municipales, mais également le ministre de la Sécurité publique. Ce qu'il faut
vous dire, la raison pour laquelle ça nous inquiète, cette subvention donnée
pour cet événement, c'est qu'on sait que le gouvernement fédéral a déjà retiré
son logo en tant que partenaire de l'événement et que certaines pages de
l'événement ont été retirées du site par l'organisation, justement. Mais on
constate que des groupes qui seront invités, que nous entendrons,
éventuellement, au cours de ces journées de forum, font la promotion de
violence envers des minorités, et mon collègue le député de Deux-Montagnes,
M. Benoit Charrette, vous en parlera plus en détail dans un instant.
Moi, je tiens à vous dire qu'un des
groupes qui est présent, qui s'appelle Palestinian House, s'est vu couper son
financement par Ottawa en 2012 en raison de son soutien à l'extrémisme. Ces
gens seront ici, à Montréal. Alors, je vois mal les raisons qui justifient de
s'associer de près ou de loin à une organisation qui endosse le terrorisme. Pourtant,
c'est ce que fait le ministre Coiteux. Alors, c'est un grand manque de
jugement, un grand manque de cohérence, surtout que le ministre Coiteux, ne
l'oublions pas, est le ministre de la Sécurité publique. Alors, comment peut-il
subventionner un événement où l'on sait que des groupes qui ont des liens avec
le terrorisme seront présents sans broncher, sans même avoir vérifié?
Ce que fait actuellement le ministre Coiteux
en donnant 100 000 $ à cet événement alors qu'on sait qu'il y a des
groupes qui ont des liens avec le terrorisme, bien, écoutez, ce n'est pas
compliqué, c'est totalement incohérent et c'est comme le serpent qui se mange
la queue. C'est ce qu'est en train de faire le ministre Coiteux et le gouvernement
Couillard à l'égard de cet événement.
Alors, nous demandons au gouvernement
Couillard de ne pas subventionner, à hauteur de 100 000 $, cet événement.
C'est extrêmement important pour nous. Nous sommes à une époque où il y a des
restrictions budgétaires tout partout, on manque de services, des
enfants — on lisait encore dans les journaux ce matin — n'ont
pas les services auxquels ils auraient droit dans les écoles, on a nos
personnes âgées, en CHSLD, qui en arrachent drôlement, les soins dans les
hôpitaux, les patients qui attendent encore des heures et des heures à
l'urgence, et on donne 100 000 $, le ministre Coiteux, le ministre
des Affaires municipales et de la Sécurité publique a donné 100 000 $
à un événement sans même savoir, sans même savoir qu'il y aurait des groupes
qui ont des liens avec le terrorisme, ce qu'on dénonce et ce pour quoi,
justement, on est en politique, pour lutter contre les terroristes, le
terrorisme islamique. Alors, c'est un manque de jugement et une grande
incohérence à l'égard du gouvernement. On lui demande de retirer cette
subvention de 100 000 $.
Alors, pour vous en dire plus long sur
d'autres groupes qui sont là... parce que je vous souligne que, si vous allez
voir le programme sur le site Internet de l'événement, il y a près de 170 pages — un
peu plus — de conférenciers, d'événements, mais c'est très difficile
de savoir précisément qui sera là et quel sera le contenu des événements. On a
quelques noms, mais nous, on dit : C'est totalement irresponsable de
donner de l'argent sans même savoir qui sera là.
Alors, je passe la parole à mon collègue
M. Benoit Charette, le député de Deux-Montagnes.
M. Charette : Merci, Nathalie.
Bonjour, tout le monde, ça me fait plaisir de vous retrouver. Ma collègue le
mentionnait, le forum lui-même peut apporter des débats intéressants. Au total,
c'est 1 300 activités qui se dérouleront tout au long de la semaine — ça
prend fin à la fin de la semaine — sur le côté de Montréal.
Cependant, parmi ces groupes, il y a effectivement des groupes qui sont
particulièrement inquiétants. Donc, on n'est pas contre le débat, on n'est pas
contre les échanges, mais, parmi ces groupes et parmi les discours qu'ils
mettent de l'avant, clairement, certains remettent en question la cohésion
sociale que l'on défend en tant qu'Assemblée nationale. Et je ne fais pas
référence aux nombreux groupes anarchistes qui sont inscrits, je ne fais pas
non plus référence aux groupes religieux marginaux ou excentriques qui sont
aussi du nombre, mais carrément ceux qui, par leur discours, remettent en question
cette cohésion sociale.
Et il y a une caricature qui, à mon sens,
veut tout dire, qui a été retirée suite aux pressions qui ont été faites ces
derniers jours, mais qui, jusqu'à avant-hier, faisait la promotion du forum et
qui se retrouvait sur le site, même, du Forum social mondial, c'est une caricature
qui présente un groupe qui est conférencier, qui prendra la parole et qui
reprend littéralement la même typographie, le même type d'illustration qu'on
retrouvait, malheureusement, du temps du régime nazi, et avec un caractère clairement,
clairement antisémite. Ce que ce groupe va prôner comme discours lors du forum,
c'est une théorie qui est aussi absurde que ridicule, c'est-à-dire que les
Juifs sont à l'origine de l'État islamique et qu'ils sont derrière le groupe
islamique qui commet des attentats ici et là à travers le monde. Donc, il y a
des théories du complot qui sont mises de l'avant, mais un discours qui est
carrément divisif pour la société québécoise et qui vise particulièrement la
communauté juive, donc rien pour assurer cette cohésion sociale que l'on doit
défendre comme Assemblée nationale.
Aussi, parmi les groupes, une bonne place
de ces groupes ont comme discours principal le mouvement BDS, qui est Boycott,
désinvestissement et sanctions à l'égard d'Israël, et cette partie importante
qui sera consacrée à ce mouvement international va carrément à l'encontre du
consensus, justement, international au niveau de la solution au conflit
israélo-palestinien, c'est-à-dire la solution des deux États pour deux peuples.
Et l'Assemblée nationale — pour illustrer la contradiction, encore
une fois — a voté une motion défendant ce principe, et là,
aujourd'hui, à travers une subvention gouvernementale, on va plutôt prôner le
contraire. Donc, il y a une incohérence qui alimente des préjugés, qui alimente
aussi des dissensions entre différents groupes, et on ne doit pas, d'aucune
façon, s'associer à ce type de discours.
Et ce qui est intéressant, au cours des
derniers jours, le gouvernement du Canada s'est éloigné de l'organisation du
forum. Et j'entendais, pas plus tard que ce matin, le maire Coderre de Montréal,
qui, lui aussi, a pris ses distances. Donc, on demande aujourd'hui au
gouvernement du Québec d'en faire autant, de retirer sa subvention et de se
dissocier de l'événement comme partenaire.
Et, à travers les recherches que l'on a
faites, c'est un petit peu curieux, on a trouvé un texte de Martin Coiteux qui
date de 2011 alors qu'il était professeur et qui déplorait, justement, le
financement public pour des ONG de nature publique, et c'est ce même ministre,
aujourd'hui, qui fait tout le contraire de ce qu'il a fait comme promotion par
le passé. Donc, on lui demande cette cohérence, on lui demande de se calquer
sur la position et de la ville de Montréal et du gouvernement du Canada pour se
dissocier de cet événement qui, malheureusement, risque d'engendrer des
dissensions, ce dont on se doit d'éviter comme parlementaires et comme
Assemblée nationale.
Donc, on est tout à fait disposés à
répondre à vos questions, si vous en avez.
Mme Lajoie (Geneviève) : Si
le gouvernement maintient sa subvention de 100 000 $, selon vous,
est-ce que ça encourage ces idéologies-là?
M. Charette : Eh bien, en fait,
est-ce que ça les encourage? C'est que ça donne une voix à un discours qu'on
doit combattre, comme parlementaires et comme Assemblée nationale. On donne
littéralement une tribune à des groupes que l'on devrait autrement condamner.
Donc, oui, c'est une mauvaise utilisation des fonds publics, certainement, mais
c'est contraire à ce qu'on doit promouvoir comme société responsable.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce que vous ne vous trouvez pas à pénaliser la grande majorité des
organismes qui seront présents, qui, eux, vont défendre les droits des femmes,
la protection de l'environnement, les droits des autochtones, etc.? Ça, ça ne
vous dérange pas?
M. Charette : À ce niveau-là,
je reprendrais les mots de Martin Coiteux dans sa lettre ouverte qu'il a
publiée en 2011. Ce qu'il mentionnait, c'est qu'il faut faire une distinction,
justement, entre les ONG de services et les ONG de nature politique. Il ne
condamne pas ou ne veut pas faire taire les ONG politiques, mais ce qu'il dit :
Ces organismes-là devraient être financés par des associations, par les
citoyens et non pas à travers des deniers publics. Donc, on ne vise pas à
restreindre la liberté d'expression ou le travail de ces ONG, qui font un
travail important, mais il faut juste se demander qui doit financer quel type
d'ONG et est-ce que c'est à travers de l'argent public. Et, dans le cas
présent, il y a davantage d'ONG de nature politique et avec un discours qui est
contraire à nos valeurs, et c'est là où l'argent public n'est pas approprié
dans le financement. Mais, on l'a dit d'entrée de jeu, autant ma collègue de
Montarville que moi, parmi tous ces groupes, certains, au quotidien, font un
travail tout à fait légitime, donc c'est malheureux.
En fait, le blâme, il est non pas auprès
des organisateurs du forum, parce que c'est un forum que l'on dit autogéré,
donc ce sont les groupes eux-mêmes qui décident de leur propre programmation.
Donc, le blâme n'est pas auprès des organisateurs, il est directement au niveau
du gouvernement, qui a manqué de prévoyance, qui a décidé d'accorder une
subvention sans même questionner la nature des ateliers qui vont avoir lieu. C'est
un petit peu ce que disait une porte-parole du gouvernement fédéral il y a
quelques jours à peine. Donc, il y a une reconnaissance qui doit être faite par
le gouvernement du Québec d'avoir manqué de prudence et de prévoyance dans
l'octroi de cette subvention-là.
Mme Richer (Jocelyne) : Mais
est-ce qu'on peut faire, pour un gouvernement, ce genre de sélection? Prenons
l'exemple de la Francophonie. Le Québec est membre de la Francophonie. Or, on
sait que certains pays membres ne sont pas des exemples sur le plan de la
démocratie ni des droits de la personne. Pourtant, le Québec demeure membre de
la Francophonie. Est-ce qu'il devrait s'en retirer parce que certains États ne
respectent pas ces valeurs?
M. Charette : Je pourrais vous
en parler longtemps, au niveau de la Francophonie, pour être président d'un de
ses comités. Mais, à ce niveau-là, à l'intérieur même de la Francophonie, il y
a un processus de régulation, ce qui fait que les États membres fautifs sont
sanctionnés. On a eu une rencontre, il y a quelques semaines à peine, où des
pays ont été rétablis et d'autres ont été expulsés de la Francophonie. Et ce
type de médiation là ne semble pas se faire au niveau du forum. Le forum est un
forum autogéré, donc il y a des plages horaires, et ce sont les groupes
eux-mêmes qui organisent leurs ateliers, qui invitent leurs conférenciers en
fonction du discours qu'ils veulent promouvoir, donc une place importante au
mouvement BDS, comme je le mentionnais, une place importante à un discours
antisémite. Donc, je ne blâme pas les organisateurs parce que les
organisateurs, dans la programmation elle-même, ne sont pas associés à ces
choix-là. Je blâme et on blâme, encore une fois, davantage le gouvernement, qui,
sans discernement, a octroyé une subvention. Et notre questionnement n'est pas
celui uniquement de la coalition, le gouvernement du Canada et la ville de
Montréal, ce matin, ont pris la même distance que l'on demande aujourd'hui au
gouvernement du Québec. Donc, ce sont...
Mme Lajoie (Geneviève) : Ils
ont pris de la distance, ils se sont dissociés, mais est-ce qu'ils ont toujours
de l'argent impliqué là-dedans? Est-ce qu'ils vont...
M. Charette : En fait, il faut
savoir que, par rapport à Montréal et le gouvernement canadien, la contribution
du gouvernement du Québec est beaucoup plus importante, on parle de
100 000 $. Pour ce qui est de la ville de Montréal, c'est moins
certain, là, mais c'est quelques milliers de dollars seulement, et le
gouvernement fédéral, c'était aussi dans une proportion moindre. Donc, même
s'ils étaient moins liés à l'événement, ils ont pris leurs distances, donc
raison de plus pour le gouvernement du Québec d'en faire autant.
J'écoutais... pas plus tard qu'il y a
quelques minutes, le maire Coderre était en entrevue sur le sujet, condamnait
lui-même le mouvement BDS, condamnait le discours antisémite que l'on retrouve
à travers ce forum-là. Donc, j'aimerais et on aimerait bien entendre autant le
ministre Coiteux que le premier ministre tenir un discours comme celui que nous
avons entendu de la bouche de M. Coderre ce matin, par exemple.
Mme Richer (Jocelyne) : Le
fait que ce genre d'événement là entraîne des retombées économiques
importantes, ça ne compense pas pour le malaise créé sur le plan idéologique,
non?
M. Charette : C'est-à-dire, à
partir du moment où on incite à la division, je ne vois pas comment on pourrait
compenser par des intérêts économiques. C'est la cohésion sociale qui est en
jeu. Et, malgré cet élément économique qu'on pourrait invoquer, tous ont pu
entendre, au cours des derniers jours, que le forum a connu une baisse
importante des inscriptions par rapport aux anticipations, donc on est bien
loin des 50 000 personnes attendues. On était, je pense, à
15 000 ou 16 000 inscriptions — pour la plupart, des
gens de la région de Montréal — donc les retombées économiques, on
peut aussi les remettre en question. Mais jamais la retombée économique ne
pourra être une justification pour un discours qui fait la promotion de
l'antisémitisme, ou de terrorisme, ou un appui à des groupes extrémistes.
Mme Roy
: Et,
justement, si je peux me permettre, c'est que c'est le souci de cohérence
aussi. Si le gouvernement du Québec... Et vous savez qu'actuellement le
gouvernement du Québec, ils ont mis sur la table, l'année dernière — enfin,
en... nous sommes en 2016 — en 2015, des projets de loi pour essayer
de contrer la radicalisation chez les jeunes, le terrorisme, et c'est une
préoccupation planétaire. Alors, comment peut-on être cohérents et à la fois
vouloir avoir un plan d'action pour contrer le terrorisme, appelons-le par son
nom — M. Couillard a commencé à dire «terrorisme islamique»
récemment, d'ailleurs — et comment peut-on vouloir faire la lutte à
ce terrorisme islamique, qui dérange tout le monde, qui est inacceptable dans
une société libre et démocratique comme la nôtre, et, du même souffle, donner à
un événement à l'intérieur duquel il y a des groupes qui sont, justement, des
alliés du terrorisme? Alors, il faut être cohérents, tout simplement. Oui, la
liberté d'expression, mais le gouvernement n'a pas à endosser... ça devient...
on vient légitimer des groupes contre lesquels on tente de lutter. Alors, il
est là ce manque de cohérence, pour nous.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce que c'était une erreur d'accueillir ce forum-là à Montréal?
Mme Roy
: Personnellement,
je ne penserais pas. Mon avis, là — je vous le dis, là, à
brûle-pourpoint, comme ça — non, Montréal est une plateforme, est une
ville ouverte, accueillante, et que les gens puissent s'exprimer, moi, je n'ai pas
de problème avec des idéologies différentes. Je pense qu'il y a beaucoup de
gens extrêmement bien intentionnés qui veulent faire avancer... vous parliez du
droit des femmes, du droit des enfants, de la pauvreté, on en est tous, et je
pense qu'il faut entendre les idées des autres. Cependant, il faut faire
attention, il ne faut pas qu'il y ait de dérapages et de groupuscules qui sont
là avec un agenda qui est, lui, terroriste, terroriste islamique et violence,
et il ne faut pas arriver à faire changer les choses par la violence. Alors, on
va se souhaiter un forum pacifique, dans la paix, dans l'amour, où il y aura
des échanges d'idées. Mais, du même souffle, on ne peut pas subventionner un
événement où des groupes sont là avec un agenda qui va carrément à l'encontre
de cette liberté que nous offre notre démocratie. Il y a cette incohérence, et
c'est la raison pour laquelle on demande au gouvernement de retirer sa subvention.
Mais que des gens s'expriment à Montréal, on n'a aucun problème avec ça.
Mme Lajoie (Geneviève) : Ce
que vous demandez plus précisément, donc : retirer la subvention et aussi
se dissocier de cet événement.
Mme Roy
: Oui, se
dissocier de cet événement. Ce n'est pas au gouvernement du Québec de
subventionner un événement altermondialiste. Nous laissons les gens s'exprimer,
c'est aux citoyens à s'exprimer, puis c'est bien qu'il en soit ainsi. C'est
notre position.
M. Charette : Et on invite M. Coiteux
à reprendre la logique qu'il défendait à travers une lettre ouverte il n'y a
pas si longtemps. Donc, il y a clairement incohérence, là, dans son discours,
pour ce qui est de M. Coiteux lui-même. Merci.
Mme Roy
: Ça va? Merci
à vous.
(Fin à 10 h 17)