(Onze heures quinze minutes)
M. Lisée
: Mesdames et
messieurs, merci d'être ici en si grand nombre, parce qu'effectivement il y a
quelque chose d'assez désolant qui vient de se passer à l'Assemblée nationale.
J'ai posé, au ministre de la Santé, des
questions sur le rationnement des soins à domicile. Ça, ça veut dire qu'il y a
des gens qui ont besoin d'un certain nombre d'heures d'aide pour pouvoir
fonctionner dans la vie. Et une personne en particulier, Michel Pigeon, qui est
un handicapé de ma circonscription de Rosemont et dont le cas est devenu un peu
célèbre parce qu'il était dans les journaux au cours des derniers mois,
travaille — alors, handicapé qui travaille — tous les jours
à temps plein dans un centre d'appels. Et il a besoin d'un certain nombre
d'heures pour l'aider à se déplacer, se laver, se nourrir, mais il est
exactement le genre de handicapé dont on veut l'insertion dans la société et
qui fonctionne très bien.
Alors, parce qu'il n'y a pas assez de sous
pour des soins à domicile — il y en a beaucoup pour les médecins,
mais il n'y en a pas assez pour les soins à domicile — le ministère
de la Santé, le CIUSSS local, lui a dit : Bien, écoutez, M. Pigeon, on va
réduire du tiers le nombre d'heures qui va vous être dévolu. Alors, il avait
dit : Bien, je ne pourrai pas continuer à travailler dans ce cas-là.
Et il a demandé à la Protectrice du
citoyen de vérifier si c'était même envisageable. La Protectrice du citoyen a
fait enquête et a ordonné au CIUSSS de rétablir les heures. Elle a dit deux
choses : Faites la démonstration que c'est possible, parce que moi, je
regarde ça, et c'est impossible, en coupant le tiers de ses heures, qu'il
puisse aller travailler. Alors, rétablissez toutes les heures puis, pendant ce
temps-là, faites cette démonstration-là. Le CIUSSS a répondu : Non, on a
regardé ça, on peut peut-être rétablir 15 minutes par semaine. Et là la
protectrice a réécrit en disant : Non, ça ne se peut pas. Rétablissez les
heures et faites la démonstration que c'est possible. Et on en est là.
Alors là, écoutez, le cas de M. Pigeon,
là, il doit y en avoir 1 000, 2 000, 4 000 comme celui-là, mais
M. Pigeon a eu la résilience, la volonté de rendre son cas public. Le ministre
est au courant du cas parce que je lui en ai déjà parlé. Il connaît la lettre
que M. Pigeon a reçue des autorités de la Santé, disant qu'ils le coupaient
entre autres pour raison d'équité. Ça veut dire : On n'en a pas assez pour
tout le monde, ça fait qu'on coupe tout le monde. Et imaginez que là le
ministre de la Santé est questionné à l'Assemblée nationale sur ce cas-là, on
lui dit que la protectrice demande le rétablissement des heures, il dit non.
Alors, ça veut dire qu'on est dans un rationnement systémique.
Normalement, là, en politique, là, quand il
y a un cas qui devient célèbre, bien, le ministère dit : On va régler ce
cas-là en espérant que les autres ne se plaignent pas. Mais là il ne règle même
pas le cas du gars qui se plaint, il ne règle même pas le cas du gars qui est
appuyé par la Protectrice du citoyen. Vous savez, quand la Protectrice du
citoyen donne une recommandation, dans 97 % des cas, c'est appliqué. Là,
on est dans le 3 %. Et donc, si ça continue, comme la protectrice l'a dit,
si les coupures continuent, parce que c'est graduel, ils sont en train de
réduire de ses heures, bien, il ne pourra plus aller travailler. Ça me dépasse.
Questions?
M. Caron (Régys) : M. Lisée,
le ministre lui-même a reconnu devant vous, tout à l'heure, qu'il n'est pas
capable de répondre à tous les besoins en soins à domicile. Il répète à
l'envie, à tout le monde qui veut bien l'entendre, que le fédéral ne donne pas
l'argent promis. Alors, on est dans un cul-de-sac, là.
M. Lisée
: Bien,
d'abord, très bonne question parce que...
M. Caron (Régys) : Votre
critique s'adresse-t-elle à M. Barrette ou au gouvernement fédéral?
M. Lisée
: Non, non,
elle s'adresse à M. Barrette, parce qu'il y a quelques mois il niait qu'il y
avait un rationnement. Il disait : Non, tous les besoins sont satisfaits,
et c'est sûr que les besoins vont aller en augmentant, donc on va rajouter de
l'argent. Donc, il y a une volte-face importante, et puis on retrouvera, si
vous voulez, les réponses où il disait que ça n'existait pas, le rationnement.
Maintenant, il dit : Bien oui, il n'y
a pas assez d'argent pour tout le monde, mais c'est quand même lui qui a fait
en sorte de doubler le salaire de 20 000 personnes au Québec, les
médecins, les médecins spécialistes, en leur donnant 3 milliards de
dollars pour 20 000 personnes. Vous savez, 3 milliards de dollars de
dollars pour 20 000 personnes, là, si on les avait mis sur les soins à
domicile, là, il n'y en aurait pas eu de problème, parce qu'il a dit :
C'est 900 millions que ça prend pour la totalité. 900 millions, ce
n'est même pas le tiers de l'augmentation des médecins. Alors, ce n'est pas le
fédéral, le problème.
M. Caron (Régys) : Est-ce que
vous suggérez au ministre de couper les salaires des médecins?
M. Lisée
: Bien, moi,
vous savez, dans la campagne au leadership, j'ai dit qu'il n'était pas question
qu'on continue les augmentations de salaire. Si on continue, là, il va y avoir
un autre 2,4 milliards de donnés à 20 000 personnes, en plus du
reste. Alors, moi, je m'engage, si je suis élu chef du Parti québécois, premier
ministre, à geler la rémunération des médecins, à réorganiser cette
rémunération pour donner plus de soins. Mais c'est sûr que si aujourd'hui M.
Pigeon se fait couper ses heures, c'est parce que le gouvernement libéral a
décidé que l'argent, il fallait l'envoyer ailleurs, aux médecins. Merci.
(Fin à 11 h 21)