(Seize heures vingt minutes)
M. Khadir
: Bon, ça va?
Je vais essayer d'être bref. C'est sûr que les révélations des dernières heures
nous inquiètent beaucoup, sur le fait que la Sûreté du Québec a obtenu...
j'imagine que la Sûreté du Québec a obtenu des mandats pour épier les
conversations, les communications de journalistes. De toute évidence, c'est une
partie de pêche parce que c'est plusieurs journalistes en même temps. Ça ne
peut pas être un mandat très précis, à cause d'une information très précise, et
je trouve que c'est une pratique qui n'appartient pas au Québec. Ce genre de
pratique appartient à des pays que je n'ose même pas nommer.
On ne s'attend pas à que les citoyens du Québec,
quand ils sont inquiets devant quelque chose... On parle beaucoup de la
protection des lanceurs d'alerte, mais comment est-ce qu'on peut offrir un
minimum de crédibilité au travail qu'on fait ici, à l'Assemblée nationale, pour
protéger les lanceurs d'alerte, alors qu'on est en train de leur dire, au Québec,
là, avec ce qu'on apprend, que, quand ils prennent le téléphone puis ils
parlent à un journaliste, ils n'ont aucune assurance que ce n'est pas épié par quelqu'un
ou quelque chose qui puissent les mettre en danger dans leur travail, dans ce
qu'ils font?
Je voudrais aussi inviter la Sûreté du
Québec à mettre cartes sur table. Est-ce qu'il y a un politicien au Québec qui
est sous écoute aussi? Est-ce qu'il y a des politiciens qui sont sous écoute
aussi? Parce que je le dis, vous le savez, depuis des années, moi aussi, je
mène quelques enquêtes moi aussi, je reçois des appels. J'aimerais pouvoir
donner l'assurance aux citoyens, à mes concitoyens qu'une telle chose ne se
produit pas. En tout cas, si une telle chose existe, j'aimerais interpeller M.
Prud'homme, j'aimerais interpeller les services de police de la ville de Québec
et de la ville de Montréal de mettre cartes sur table dès maintenant, parce
qu'il va falloir faire un grand ménage, il va falloir regarder tout ça puis
encadrer très sérieusement ces pratiques qui minent la confiance du public, qui
minent les principes fondamentaux de la démocratie.
Et ça nous amène à une demande que nous
faisons depuis longtemps. Il faut enfin que les directions des grands services
policiers du Québec soient confiées à... les nominations de ces directions
soient confiées à l'Assemblée nationale, un mécanisme plus indépendant du
pouvoir actuel, que ça soit pour la Sûreté du Québec, pour le gouvernement du
Québec ou que ça soit pour l'administration municipale.
Je vous signale que votre collègue Patrick
Lagacé, qui est au centre, quand même, de quelques controverses, dans un
article qu'il avait pondu il y a quelques jours, je l'avais déjà oublié, ça
date du 29 octobre, en parlant de l'arrestation de ma fille, était étonné
d'entendre le Service de police de la ville de Montréal qui disait ne pas avoir
avisé la Sûreté du Québec de l'arrestation imminente de ma fille parce que le
Service de police de la ville de Montréal était certain, suivant les propos
recueillis par Patrick Lagacé, que la Sûreté du Québec parle au pouvoir : Pas
grave, avait rétorqué mon interlocuteur du service de police de Montréal, la
Sûreté du Québec protège le pouvoir, et, dans son optique, même un député comme
moi, c'est le pouvoir.
Donc, quand vous avez questionné mes
collègues ici, là, tout à l'heure, sur ce qui avait poussé la Sûreté du Québec
à aller chercher ces mandats-là, moi, je trouve que ça ne tient pas la route.
La Sûreté du Québec, pour qu'un ministre du gouvernement libéral au pouvoir
apprenne qu'il y a enquête sur Michel Arsenault, le président de la FTQ, la
Sûreté du Québec n'a pas besoin... on n'a pas besoin d'invoquer une fuite de la
Sûreté du Québec qui aurait informé. La Sûreté du Québec parle au pouvoir.
Donc, si la Sûreté du Québec a obtenu des
mandats pour épier des journalistes, ils devaient avoir d'autres motifs pour
les épier, parce que la Sûreté du Québec parle au pouvoir. Suivant toutes les
indications qu'on a, on parle d'une police, malheureusement, qui est politique
depuis très longtemps à cause de tous les mécanismes dont vous savez les
ressorts.
Donc, il faudra que la Sûreté du Québec
explique mieux le fait d'avoir mis tous ces journalistes sous écoute que sous
le prétexte que c'était pour savoir qui avait informé Raymond Bachand de
l'enquête sur Michel Arsenault. Merci.
M. Vigneault (Nicolas) : Dans
ce contexte-là, ce que le gouvernement a annoncé hier, est-ce que c'est
suffisant?
M. Khadir
: Bien sûr
que non, et ça me désole d'autant plus que ça explique en partie pourquoi hier
le ministre Leitão a refusé les demandes faites par ma collègue Manon Massé de
revoir complètement l'article 6 de la loi qui oblige les lanceurs d'alerte, les
employés du secteur public qui ont quelque chose à dire sur la conduite des
affaires, de d'abord passer par le service de police ou le commissaire... la
Protectrice, je m'excuse, du citoyen avant d'informer les journalistes. Je
pense que ça vient enlever encore une couche de crédibilité à ce que fait le
gouvernement et ce qu'a annoncé le gouvernement.
Là, vous parlez de ce qu'a mis en place le
premier ministre Couillard. Je pense que ça va dépendre de la composition de ce
comité. Si c'est présidé par un policier ou quelqu'un qui a déjà travaillé pour
la police, c'est sûr que ça n'a aucune valeur. Si c'est uniquement quelqu'un
qui vient du milieu judiciaire ou un juge, on voit qu'il y a de graves...
disons, difficultés de compréhension et de perception dans le corps judiciaire.
Le juge Gomery, d'ailleurs, l'a commenté, je pense, ce matin même. De toute
évidence, il y a des juges qui sont très mal formés sur les limites de ces
mandats qu'on donne et les contextes, parce que là, ça semble être distribué à
qui mieux mieux.
Donc, il faut que, dans ce comité, il y ait
des gens qui représentent les citoyens et qui représentent surtout les
journalistes.
M. Croteau (Martin) : M.
Khadir, M. Bergeron, il dit qu'il avait contacté M. Laprise. M. Laprise l'avait
informé qu'il y avait une enquête sur les origines de la fuite entourant M.
Arsenault et que M. Bergeron ignorait tout, là, de l'écoute électronique
ou, enfin, l'écoute des journalistes. Le croyez-vous?
M. Khadir
: Écoutez,
ce que j'ai entendu mon collègue Bergeron dire, c'est dire qu'il a questionné
le directeur de la Sûreté du Québec, M. Laprise, à l'époque, et M. Laprise à
dit : On va faire enquête. Et c'est de là que découleraient ces mandats
suivant, évidemment, la Sûreté du Québec de la vieille version. C'est la
version de la Sûreté du Québec que je crois, moi.
Maintenant, ce que je me serais attendu de
la part de mon collègue qui était alors ministre du PQ, de la Sûreté du Québec,
c'est de protester avec la plus grande véhémence et de mettre des balises très
claires à la Sûreté du Québec que nous ne sommes pas dans un État policier,
qu'il est inacceptable qu'on puisse procéder à d'autres choses si jamais il y a
des informations qui étaient en sa possession comme quoi il y avait mise à
l'écoute des policiers ou que M. Laprise allait procéder par une mise sous
écoute de journalistes.
M. Authier (Philip)
:
Il ne savait pas comment mettre en place. Il ne savait pas que c'était pour
arriver..
M. Khadir
: C'est ça
qui a été dit. Bien, je lui donne le bénéfice du doute là-dessus. Par contre,
je ne l'ai pas entendu dire qu'est-ce que le gouvernement du PQ avait fait pour
s'assurer que des pratiques comme ça, qui nous rapprochent d'un État policier,
sont clairement interdites à nos corps policiers. Et donc je suggère au Parti
québécois, qui vient aujourd'hui, maintenant, se défendre, et se justifier, et,
en quelque sorte, se désoler que ça ait pris cette tournure, je les rappelle
que nous avons des propositions que nous leur avons faites depuis des années.
Nous pensons que la nomination de la direction de la Sûreté du Québec doit être
confiée à l'Assemblée nationale, qu'on doit cesser de faire des nominations
uniquement déterminées par le bureau du premier ministre.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que le gouvernement Marois est responsable de ce que la SQ a fait.
M. Khadir
: Bien, ça,
ça va être une enquête qui va permettre de nous dire. Il va falloir entendre la
direction de la Sûreté du Québec pour savoir jusqu'à quel point le gouvernement
Marois était responsable. Mais c'est sûr qu'en dernière analyse l'État, le
ministre en exercice, est responsable des pratiques qui sont fautives dans la
mesure de ce que le ministre est au courant. Quand on est en exercice puis il
se passe quelque chose dont on est responsable, bien, on agit, les personnes
responsables doivent être sanctionnées, ou, lorsque les fautes commises par
manque de suivi de notre part comme responsable politique sont trop graves, on
démissionne. Bien, tout ça arrive trop tard pour qu'on puisse même, disons, envisager
ce genre de chose là.
Ce que je comprends, et je donne le
bénéfice du doute, c'est que notre ami Bergeron dit : Je n'étais pas au
courant qu'il y avait ce genre d'écoute et je n'étais pas au courant si, oui ou
non, il y avait des journalistes sous écoute ou que ça serait la méthode.
M. Robillard (Alexandre) : Est-ce
que vous seriez rassuré d'apprendre que le ministre de la Sécurité publique,
quel qu'il soit, donne des consignes à la Sûreté du Québec sur la façon doit
elle doit mener ses enquêtes?
M. Khadir
: Bien,
c'est-à-dire que je serais très rassuré de savoir que le ministre de la
Sécurité publique rappelle aux responsables de la Sûreté, aux responsables
policiers, les principes de démocratie élémentaire. Ce n'est pas terminé. Ça,
ça veut dire qu'il faut que le ministre s'emploie à s'assurer que les policiers,
dans leur travail, n'entament la confiance du public, n'empiètent pas sur la
liberté des journalistes, n'empiètent pas sur la liberté et le droit à la
confidentialité des citoyens.
M. Robillard (Alexandre) : Qu'est-ce
qui aurait pu lui faire croire que ça aurait été le cas?
M. Khadir
: On peut
envisager toutes sortes de choses. Dès l'époque, dans toutes sortes d'enquêtes
et de profilages menés par les services policiers à l'endroit des militants,
par exemple, altermondialistes depuis les années 2000, on sait que,
malheureusement, les policiers font de l'infiltration, font de la provocation,
mettent des gens sous écoute, parfois de manière déraisonnable.
Malheureusement, nous ne disposons pas de toutes ces informations pour
illustrer des cas, mais il est évident qu'il y avait des précédents. Nous
avons, à plusieurs reprises, avec la Ligue des droits et libertés, rappelé
l'État, y compris le Parti québécois, à ses devoirs à cette époque. Malheureusement,
ça n'a pas été entendu, c'est évident.
Je vous rappelle que la Sûreté du Québec,
ce faisant, nuit à son propre travail. Une grande partie des réalisations
aujourd'hui de l'UPAC ou de la Sûreté du Québec sont rendues possible parce
qu'il y a des journalistes, parce qu'il y a des citoyens et parce qu'il y a des
députés qui ont pris des risques, qui se sont informés, qui ont posé des
questions ici, à l'Assemblée nationale, identifié des personnes susceptibles
d'agir contre l'intérêt public, et les journalistes qui ont fait les reportages
qui ont mené à la commission Charbonneau et qui ont mené à tout ça.
Là, aujourd'hui, en sapant la confiance du
public dans l'intégrité de leurs communications avec des journalistes, on vient
de rompre ce lien de confiance puis on vient de saboter cette source
inépuisable pour faire le travail d'enquête et de surveillance d'activités du
gouvernement.
Le Modérateur
:
D'autres questions?
M. Khadir
: Merci
beaucoup.
(Fin à 16 h 31)