(Dix heures quarante-cinq minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour. Aujourd'hui, je veux vous parler de réforme des institutions
démocratiques, de cet idéal qui habite le Parti québécois depuis sa fondation,
et je vais vous parler particulièrement d'un droit important qui est celui de
pétitionner.
Alors, vous savez qu'il y a eu une réforme
en 2009, une réforme qui a inclus l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée
nationale. Le droit de pétitionner, c'est un droit bien établi dans notre
société. Ce droit pour tout citoyen d'adresser une pétition à l'Assemblée
nationale est d'ailleurs inscrit dans la Charte des droits et libertés de la
personne. Cependant, il n'existait auparavant aucun mécanisme pour donner suite
à une pétition présentée à l'Assemblée. La réforme parlementaire de 2009 a
changé définitivement cet état de fait, puis on y a participé activement.
Un des objectifs de la réforme
parlementaire de 2009 visait à rapprocher l'Assemblée nationale des citoyens,
notamment pour une revalorisation du droit de pétitionner. Le citoyen a un rôle
à jouer dans nos politiques, et cette réforme prévoyait notamment que les
commissions parlementaires pourraient se saisir d'une pétition et de procéder à
des auditions. Souvent, on se fait poser la question : Il y a des
pétitions qui circulent, qui relèvent de l'Assemblée nationale, si je la signe,
qu'est-ce qui va arriver après? Alors, on s'est assurés qu'il y avait deux
mécanismes. La commission compétente peut ensuite faire part de ses conclusions
à l'Assemblée en déposant son rapport. Donc, la commission peut se saisir d'un
dossier, l'étudier, et puis le ministère concerné, habituellement, écrit une
réponse à la personne ou au groupe qui ont fait les pétitions.
On a fait une observation depuis le début
de la 41e législature, on a des chiffres à vous donner sur le sens qu'avait
la réforme de 2009 et ses résultats. Alors, dans la 41elégislature,
donc ça fait un peu plus de deux ans, 400 pétitions ont été déposées, 400.
De ces 400, il y a 60 pétitions qui ont été non saisies. Alors, sur les
400, il y a 60 pétitions que les députés ont dit : Bien, on va les
envoyer en commission parlementaire pour qu'on puisse les étudier, les sujets
sont importants. Alors, ça relève de l'initiative du député qui la dépose,
alors on aimerait qu'elle soit étudiée. Il peut arriver qu'il y ait quelques doublons,
mais pas tant que ça. Alors, 60 fois, il y a une pétition qui a été
soumise à une commission parlementaire, les députés ont été convoqués, puis ils
ont étudié la question, puis ils ont décidé d'aller de l'avant ou pas pour un mandat
d'initiative.
Alors, combien, sur 60, ont été retenues?
Une seule, cours d'éducation à la sexualité, proposée par Carole Poirier, députée
d'Hochelaga-Maisonneuve. Donc 1,6 %, taux d'acceptation, ce qui veut dire
que les citoyens et les députés, y compris les députés gouvernementaux,
continuent de déposer des pétitions, mais qu'il n'y a pas vraiment de suivi.
Alors, ça envoie un message très négatif à la participation citoyenne, et ça,
ça nous inquiète.
Ce qui nous inquiète également, c'est que
les députés libéraux qui siègent sur les commissions reçoivent une consigne
très claire de refuser des sujets qui sont importants pour la population du
Québec, et nous, ça nous inquiète quant au rôle du député, quant au rôle du
citoyen dans les affaires du gouvernement du Québec, dans ses propositions
qu'il peut faire, dans ses inquiétudes aussi.
Alors, ce qu'on souhaite, c'est que le
gouvernement du Québec, le Parti libéral soit plus attentif aux pétitions des
citoyens. Il y en a plusieurs qui sont en ligne présentement. On avait
accueilli avec beaucoup d'enthousiasme cet appui unanime des partis en 2009.
C'était le gouvernement libéral qui était en place. Il y avait beaucoup de
promesses qu'on allait pouvoir aller de l'avant. Mais une pétition saisie sur
60, ça démontre que, présentement, ces échanges, qui ont lieu à huis clos,
hein — alors ce n'est pas filmé, ce n'est pas enregistré — systématiquement,
lorsqu'on arrive avec un sujet, bien, on en discute, les députés reçoivent des
lignes qui leur expliquent pourquoi il ne faut pas aller de l'avant, et puis
finalement on passe au vote, et puis c'est toujours majoritaire, alors le Parti
libéral exerce sa majorité pour faire en sorte que les pétitions soient
bloquées.
Et souvent c'est des sujets qui sont un
peu universels. Je vous donne l'exemple, on en a sorti quelques-uns, par
exemple, le don d'organes, c'est un exemple. Est-ce qu'on ne pourrait pas
inverser le fardeau, par exemple, de prendre pour acquis que tout le monde peut
donner ses organes et que, si on veut se retirer de cette procédure-là, bien,
on l'indique? C'est un exemple. Pension d'invalidité pour les gens inaptes à
l'emploi; financement et reconnaissance de l'organisme Jonquière-Médic,
20 000 personnes qui avaient signé, hein; rémunération des internats
en psychologie au Québec, ça n'a pas été traité, 20 000 personnes qui
ont signé; réinvestissement dans les services de garde éducatifs de qualité,
250 000 personnes qui ont signé, ce n'est pas rien; bonification du
programme de remboursement de pompes à insuline pour les diabétiques, déposée
par une députée libérale, Karine Vallières; maintien et développement des
services de transport adapté au Saguenay, déposée par nul autre que Serge
Simard, député de Dubuc; et consentement au don d'organes, dont je viens de
vous parler.
Alors, on peut faire beaucoup mieux. On
peut s'assurer de respecter l'esprit de la réforme de 2009. Et le souhait que
j'exprime comme leader parlementaire de l'opposition officielle, c'est qu'on
écoute davantage les citoyens qui prennent la peine de se mobiliser, de déposer
des pétitions, de les faire signer. C'est important pour nous. Alors, on
demande au gouvernement du Québec, par l'entremise de sa députation, de se
ressaisir et d'écouter les citoyens. Voilà.
M. Salvet (Jean-Marc) :
M. Bérubé, vous avez été au pouvoir pendant 18 mois il n'y a pas si
longtemps. Est-ce que, lors de ces 18 mois, beaucoup de pétitions ont
donné lieu à une commission parlementaire?
M.
Bérubé
:
C'était mieux. C'était mieux, mais c'est perfectible. 40e législature, si
on compare les chiffres — comme si j'anticipais votre question :
304 pétitions ont été déposées, possible qu'il y ait des doublons un peu comme
pour le 400, il y a huit pétitions qui ont été saisies, donc huit pétitions où
les députés, quels qu'ils soient, ont pu envoyer ça en commission parlementaire,
puis, sur les huit, bien, il y en a quatre qui ont été saisies. Donc, 33 %
de taux d'acceptation, quand même, puis je vous les nomme, les quatre sujets
qui ont été retenus lorsqu'on était pouvoir : fluoration de l'eau potable,
d'une députée libérale, Karine Vallières; augmentation des prestations de
l'aide sociale versées aux personnes handicapées seules, Pierre Marsan, un
député libéral, encore une fois; modification des lois régissant l'adoption au
Québec, notre défunte députée Sylvie Roy et collègue; et la loi autorisant une
personne handicapée d'être toujours accompagnée de son chien d'assistance,
Denise Trudel, députée de la CAQ, de Charlesbourg.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Deux questions, si vous permettez, là-dessus. Est-ce que, par exemple, des
fois, le refus n'est pas motivé? Vous avez cité le don d'organes, l'inversement
de la proposition, est-ce que ceux qui sont au pouvoir ne peuvent pas se dire :
Bien, on a déjà statué là-dessus? Il y avait le député Cusano, je pense, il n'y
a pas si longtemps, il y avait déjà eu un débat là-dessus. Est-ce qu'ils
peuvent se dire des fois : Bien, il ne faut pas toujours refaire les
débats, peut-être en amorcer d'autres?
M.
Bérubé
:
Mais j'ai tendance à penser que c'est un système assez récurrent. 60 fois
qu'ils ont été saisis puis une seule fois qu'ils ont dit oui. Il m'apparaît
qu'on pourrait faire preuve de plus d'ouverture. Puis ce n'est pas comme si on
manquait de temps pour légiférer puis siéger en commission, là. Vous regarderez
l'agenda législatif jusqu'à la fin de la session parlementaire, il y a
énormément d'espaces. D'ailleurs, je l'ai évoqué en Chambre, sur le projet de
loi n° 595 sur les cliniques d'avortement, on aurait pu adopter ça assez
rapidement, ce projet de loi qui venait de l'opposition. Alors, ils ont du
temps, mais ils décident systématiquement d'envoyer des lignes aux députés
libéraux, en leur disant : Dites non à cette pétition.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Puis, lors des deux dernières courses à la direction du Parti québécois, des
candidats ont suggéré qu'il y ait un seuil de pétitions à partir duquel il y
aurait, donc, automatiquement ouverture d'une commission parlementaire. Est-ce
qu'il n'y a pas là quelque chose de plus objectif qui ne serait donc pas laissé
à l'appréciation des sujets? Mais ça a été, je pense, proposé... pas je pense,
mais ça a été proposé par des candidats à la direction du Parti québécois,
qu'il y ait un seuil, hein? Je ne sais pas si c'est 100 000 ou...
M.
Bérubé
:
Oui, on est constamment à l'affût des meilleures pratiques possible en matière
démocratique, mais se pose toujours la question suivante, c'est que le véto
revient toujours à la majorité libérale. Puis un autre exemple qui me vient en
tête spontanément, que j'aborderai un peu plus tard avec l'appui, j'espère, des
oppositions, c'est la question de l'étude des crédits. Parce que l'étude des
crédits, c'est un exercice extrêmement important, où on questionne le gouvernement
sur l'ensemble des chiffres, c'est un exercice que vous suivez avec beaucoup
d'attention. Mais le temps disproportionné qu'on accorde aux députés
gouvernementaux pour des questions de complaisance, où les questions et les
réponses sont déjà connues de part et d'autre, je pense que ça ne rend pas
service à l'exercice. Je pense que ça devrait être vraiment la période de
l'opposition, pour poser des questions, là où on a accès aux ministres, aux
sous-ministres, à l'ensemble des dirigeants des sociétés d'État.
Alors, ça démontre qu'à chaque fois,
quelle que soit notre volonté, que ça soit une motion du mercredi, que ça soit
une motion sans préavis, que ça soit un vote sur des questions importantes,
c'est toujours cette majorité qui empêche d'aller de l'avant. Et il suffit
qu'on envoie un message aux députés libéraux, puis il n'y a jamais personne qui
va aller à l'encontre. C'est dommage.
Alors, je suis convaincu que les députés
libéraux, qui seront conscients de ces chiffres-là — 60 pétitions
traitées en commission puis une seule retenue — auront envie de dire
aux autorités de leur parti : Je pense que, comme parlementaires de la 41e législature,
on peut faire mieux, puis nous aussi, on aurait envie de participer aux débats
au nom de nos concitoyens et on aurait des choses à dire. Moi, je suis
convaincu qu'ils sont animés du même idéal de service public que nous. Et je
n'en fais pas une question partisane, j'en fais une question où on peut
améliorer nos pratiques et je donne des chiffres, je pense, qui devraient faire
réagir le gouvernement.
Journaliste
: Sans que
ce soit retenu en commission, est-ce que ça se peut que l'idée ou le concept
soit retenu, en quelque sorte, et incarné dans un projet de loi futur, tu sais,
sans que… Je ne sais pas si vous me suivez, là.
M.
Bérubé
:
Oui, bien, en fait, les pétitions, évidemment, elles sont entendues par les
ministres, elles sont notées par… Dès qu'il y a une pétition qui est déposée,
pour avoir été ministre moi-même, je peux vous dire que, rapidement, on regarde
qu'est-ce qui se fait dans le ministère, quelle réponse on peut y apporter parce
que le ministre doit automatiquement répondre. Il y a une lettre qui doit être
envoyée aux pétitionnaires et qui dit «voici où on en est», ou «c'est déjà fait»,
ou «voici nos pratiques», mais c'est sûr que ça peut influencer le législateur.
Mais, chose certaine, d'avoir un mandat d'initiative, de faire en sorte que ça
soit traité en commission parlementaire, ça nous assure, de un, que les députés
puissent en être saisis puis de lui accorder une importance qui est
proportionnelle à celle que les citoyens lui ont donnée en signant la pétition.
Alors, ce n'est pas un succès. Ce que je
vous dis aujourd'hui, c'est que, depuis 2009, cette politique-là sur les
pétitions, malheureusement, ce n'est pas un succès sous le gouvernement
libéral. Et je crains, moi, que ça décourage des gens de proposer des pétitions
et de les signer, et ce n'est pas de nature à éliminer le cynisme.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Quel regard vous portez sur la nature des réponses, en général, données aux
pétitions? Il y a des réponses écrites, hein, qui sont données à chaque
pétition.
M.
Bérubé
:
Tout le monde a les mêmes documents. Il suffit de tendre un peu le regard, là.
Les libéraux ont déjà des lignes, et puis les réponses…
M. Salvet (Jean-Marc) :
Pardon, je ne parlais pas de la période des questions, je parlais des réponses
lorsqu'il y a une pétition. Deux, trois semaines plus tard, en l'occurrence M. Fournier
va déposer la réponse à telle pétition venant de tel ministère.
M.
Bérubé
:
C'est très général, c'est très général. C'est des propos très généraux qui
engagent très peu le gouvernement, donc c'est rarement à la satisfaction des
pétitionnaires. Je vous donne un exemple. Par exemple, sur les aires protégées,
ça touchait ma circonscription. Bien, on ne dit pas : Voici ce qu'on va
faire pour le projet que vous nous proposez, voici l'objectif qu'on a, voici ce
qu'on déjà fait dans le passé. Donc, ça ressemble beaucoup aux réponses qu'on
entend à la période des questions, alors c'est décevant. Et c'est des sujets
très précis, j'ai donné un exemple. Donc, ça pourrait être beaucoup mieux, et
je suis convaincu que les citoyens sont derrière nous avec ça.
D'autres questions? Activité libre.
(Fin à 11 h 57)