(Onze heures deux minutes)
M. Khadir
: Vous
connaissez mon amour pour la langue française et la défense énergique de Québec
solidaire pour que la langue française soit la langue commune de tous les
Québécois, la langue de travail, la langue de nos institutions.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a des
éléments, dans le contexte politique actuel, qui nous préoccupent. Une bonne
partie de la communauté anglophone, qui pourtant est la base d'appui du Parti
libéral, plus de 80 % des anglophones appuient le Parti libéral du Québec,
année après année, élection après élection, une bonne partie d'entre eux, les
trois quarts à peu près, ne savent pas que le Parti libéral a d'importants
problèmes de financement électoral qui a... des scandales qui touchent le
financement du parti.
This is why, en fait, parce
que de la corruption, it's not just in French, the corruption is not just en
français, I've decided to ask a question to the Prime Minister of Québec today,
to ask him : Why is he going to accept to payback millions of illegal
money that was collected by bagmen that were working for Mr. Jean Charest? Under Jean Charest's command, the chief of the Liberal Party, during
years, Charles Rondeau, Marc Bibeau, Franco Fava and probably Mr. Bartlett,
that we have known recently, have gathered millions of dollars of illegal
donations. That was rendered public by the Chief Electoral Officer, Mr. Drouin,
just a few years ago, when he amounted to $13 million the suspected
illegal donations given to all parties, a big chunk of which were given to the
Liberal Party. In fact, the Liberal Party was by far the champion in that
fraudulent collection scheme.
Donc, aujourd'hui, plus que jamais, il est important que notre communautéanglophone soit
mise au courant que ces pratiques illégales leur donne un avantage. For
example, by less than a week now, the Liberal Party can, with all these
millions that are still in the bank accounts of the Liberal Party, again win
another by-election or again even win a general election, because everybody
knows how the money is important, how much risks political parties take to gather money, sometimes
illegal money. And that's why we ask the Couillard Government to refund the
illegal money gathered or to accept the suspension of it's public financement,
because the Liberal Party, today, receives $3.8 million in public funding
each year.
Mme
Lajoie (Geneviève) : Pourquoi vous pensez que… vous dites que les anglophones
ne sont pas au courant de ces aspects-là?
M. Khadir
: Bien, on a
eu un sondage d'opinion qui a été, je pense, publié dans les pages mêmes de
votre journal, mené par Léger Marketing, et qui a posé la question. Bien que beaucoup
de Québécois, y compris des anglophones, soient au courant qu'il y a des
problèmes de corruption, de, peut-être, lobbying, qu'il y a des problèmes qui
entachent, par exemple, le secteur de la construction, le lien avec le Parti
libéral et le financement illégal du Parti libéral n'est pas évident. Ils sont
moins de 25 % d'anglophones qui sont au courant que le Parti libéral a
ramassé des millions de dollars en argent sale.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Pourquoi ne sont-ils pas au courant, selon vous?
M. Khadir
: Bien, tout
peut expliquer ceci. Je vous donne une explication qui est bien simple. La
plupart des grands bulletins de nouvelles qui ouvrent les salons, hein, les
nouvelles dans les salons de nos concitoyens anglophones, c'est des chaînes
nationales, CTV, CBC, qui ne rapportent pas nécessairement les événements au
Québec comme nouvelles principales, c'est-à-dire que les nouvelles québécoises
prennent une dimension beaucoup plus secondaire dans l'information au quotidien
qui atteint ces journaux-là.
Ensuite, bien, c'est sûr qu'il y a plus de
réserve de la part des médias des communautés anglophones pour la sympathie,
hein? Il y a beaucoup de… Quand on aime quelque chose, quand on aime quelqu'un,
on a tendance à nier ses problèmes, on a tendance à se fermer les yeux sur ses
fautes. Alors, il se peut aussi que, dans les médias anglophones, il y ait une
plus grande, je dirais, difficulté à jeter une lumière crue sur la corruption
dans le financement du Parti libéral.
Cependant, j'ai cité, pour M. Couillard
aujourd'hui, la Gazette, j'ai cité la CBC, qui font un travail honnête.
Mais, bon, jusqu'à quel point on réussit, dans les médias anglophones, dans les
communautés anglophones, disons, à ce que l'information se rende? C'est un peu plus
difficile, surtout ce qui touche, par exemple, des coupures en éducation et en
santé. Les communautés anglophones, dans leur milieu, dans les hôpitaux, tout
ça, dans les écoles, apprennent ce qui arrive, sont au courant, puis ça les
touche dans le concret. Mais dans le financement illégal du Parti libéral, ce
qui se passe, là, avec Charles Fava ou Rondeau… j'ai dit Charles Fava… Charles
Rondeau, Marc Fava et compagnie, c'est moins évident. Ça échappe, tu sais, à la
réalité quotidienne des gens, donc c'est pour ça que c'est un peu plus
difficile.
M. Vigneault (Nicolas) : De
vous adresser en anglais, vous pensez que le message va mieux passer?
M. Khadir
: J'espère.
Nous prenons toutes les mesures, tous les moyens rhétoriques modestes qui sont
à notre disposition, y compris, disons, les interventions symboliques, parce
qu'il y a un symbolisme dans ce que j'ai fait aujourd'hui, là. Moi, ça fait
huit ans que je suis ici, moi, je ne me rappelle pas que quelqu'un ait posé une
question en anglais. Il se peut peut-être que M. Kelley, une fois, dans
l'opposition… Si je me souviens bien, c'est à peu près tout, d'accord? En tout
cas, dans mon cas et dans le cas du reste de l'opposition, je ne me souviens
pas.
Pourquoi, donc, je l'ai fait, malgré mon
attachement à la langue française? C'est parce qu'on pense qu'on est rendus là.
On a un devoir… parce qu'à chaque élection, c'est la même chose. L'argent sale
truque les élections en faveur du Parti libéral. Les élections qui ont été
gagnées en 2014, à notre avis, sont largement illégitimes en raison des
millions de dollars d'argent sale qui ont arrosé les comtés, qui ont été
arrosés sur les comtés par le Parti libéral.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, vous avez dit quand même que les médias anglophones, de par leur
proximité ou préférence pour le Parti libéral, peut-être ne rapportent pas
tant… Est-ce que c'est bien ce que je comprends?
M. Khadir
: Quand, un
jour, je serai journaliste et qu'il y aura des scandales entourant Québec
solidaire, je comprends très bien que je serai en conflit d'intérêts émotionnel
et que j'aurai de la difficulté à être aussi incisif, aussi insistant pour
mettre en lumière les problèmes de Québec solidaire. C'est normal. Et, comme on
le sait, le Parti libéral recueille plus de 80 %. Parfois, dans certains comtés,
ça approche les 90 % d'appui du milieu anglophone.
Alors, on comprend que les gens qui sont
issus de ce secteur, y compris les journalistes, il y a des biais de choix. Il
y a ça, mais c'est surtout et avant tout, comme je vous l'ai dit, parce que les
bulletins de nouvelles, dans les grands médias de masse, c'est des bulletins de
nouvelles nationaux et qui ne priorisent pas, qui ne mettent pas nécessairement
tout l'accent sur ce qui se passe au Québec.
Mme Johnson (Maya) : Why did you ask this question in English, today?
M. Khadir
: As I mentioned, because corruption in Québec is not
only en français, because we know that millions of dollars… just one of the
bagmen testified, if you remember, Charles Rondeau, four or five years ago in
commission Bastarache, one of the bagmen testified that he collected around $1.5 million
a year for the Liberal Party. OK? Imagine there are three of four important
bagmen like him that were working for Mr. Jean Charest, that were reported to
Jean Charest, that were doing that to serve Jean Charest. The main one was Marc
Bibeau, linked to the business community in Montréal and in the English
business community.
So I think the
Anglophones ought to know they have a right, because I don't think and I'm sure
that Anglophones, as all honest people in Québec and around the world, don't
like elections, in democracies, be rigged in favor of someone because of
fraudulent money. An important amount of fraudulent money has been gathered by
the Liberal Party. They refused to refund and they win their elections year
after year, election after election, with that money. In Verdun, in a week, if
the Liberals won, it's rigged in their favor because they have millions, they
have hundreds of thousands of dollars fraudulently acquired, of dirty money
that they use to win those elections.
We don't fight on equal
terms. So that's why it's important, I think, the English community, the Québec
Anglophones, as everybody, will, little by little, realize that it's not in the
interest of all of us that we continue supporting such a party unless Mr.
Couillard accepts to turn the page.
Mme Johnson (Maya) : Do you think that the Anglophone media is reporting on these
controversies differently? Not enough?
M. Khadir
: No, no. No, but they… you know, your reports don't
fight the same, prominent place in the news outlets, you know. We have CTV national,
we have CBC national news. They open with important stories all across Canada,
across the world, so what happens here in the corruption scandals related to
the Liberal Party do not reach, on the same level, with the same prominence,
the Anglophone community.
On
some other issues, as I've mentioned, for example, on austerity, on the
cutbacks in the health sector, in the education sector, they feel it because
it's their day-to-day life, OK? They're impacted
directly. But, when we talk about these bagmen who are working under the orders
of Mr. Jean Charest to collect millions of dollars of money, you
know, normal people don't get in contact with these guys, you know, it just
concerns some very few little people in big business, corporate business who
know these guys.
Mme Johnson (Maya) : Are you saying that it doesn't get as much coverage in English
medias?
M. Khadir
: Yes, but it doesn't have the same prominence. When,
for example, a few weeks ago, we heard about what happened around the
scandalous deals of government buildings, it opened premier news of every
French outlet, but, in the CTV national news, or CBC national news, it was
maybe fourth, fifth, or 10th news. So that explains why, on the… you know, in
the general picture after years, this information has not been adequately
reached, was not adequately conveyed in enough importance because the figures
speak by themselves… «sondages», opinion polls showed that only 25% of
Anglophones knew about this illegal financing scandal of the Liberal Party.
M. Robitaille
(Antoine) : Mais que vous sentiez nécessaire de poser une question en
anglais, est-ce que ça ne signifie pas que la langue française, à votre avis, n'est
plus une langue de convergence, que vous deviez absolument vous exprimer en
anglais à l'Assemblée nationale pour rejoindre...
M. Khadir
: Je
pense que l'intérêt de la nation québécoise, l'intérêt du Québec, c'est de
faire en sorte que le Québec ne soit pas soumis aux diktats de l'argent sale
ramassé par le Parti libéral. Alors, pour rencontrer cette exigence démocratique
et de permettre de ne négliger aucune piste, aucun moyen pour que nos
concitoyens anglophones soient plus informés, davantage informés qu'ils ne le
sont, moi, j'estime qu'on est en droit de poser des questions en chinois, en
espagnol, en hindi, en farsi et en anglais.
M. Robitaille (Antoine) :
Non, mais, M. Khadir, autrement dit, désormais, vous allez toujours poser
vos questions dans les deux langues? Est-ce que si vous aviez...
M. Khadir
:
Désormais, qui a dit ça, là? Ça fait huit ans que...
M. Robitaille (Antoine) :
Non, mais, si vous voulez vraiment atteindre les citoyens anglophones, donc...
M. Khadir
: Non,
non. Vous n'étiez pas là quand j'ai mentionné, c'est que nous utilisons tous
les moyens rhétoriques qui sont à notre disposition. Nous avons peu de pouvoir,
hein? Nous sommes ici dans une assemblée où le pouvoir très autoritaire,
l'espèce de dictature entre deux élections que peut constituer un gouvernement
qui ne veut rien entendre de l'opposition, nous neutralise complètement. On est
dans une cage dorée, hein, où on a peu de pouvoirs. Notre seul pouvoir, c'est
la parole, et, de temps en temps, symboliquement, il faut frapper
l'imagination.
Alors, en lien avec ce questionnement que
nous avons tous, comment se fait-il que nos concitoyens anglophones sont si peu
informés sur le scandale du financement illégal du Parti libéral, je me dis :
On a un devoir. Comme je vous l'ai dit, je serai capable de faire des... si
j'avais les capacités physiques à faire des culbutes, s'il le faut, si ça peut
attirer l'attention de mes concitoyens, de tirer la langue et de parler en
français, de parler en anglais, de parler en hindi — malheureusement,
je ne parle pas hindi, mais, si vous voulez, la prochaine question, je la
poserai en persan — pour m'assurer aussi qu'une partie de la
population du Québec, qui vote pourtant à chaque élection et qui ne comprend
peut-être pas tous les «headlines», toutes les premières de nos journaux en
français, sur une question aussi importante, qui fait si mal à l'intérêt de
tous les Québécois et même à la pérennité de la langue française, quand on sait
à quel point ce gouvernement défend mal la langue française, qu'on soit
capables de faire ça.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Peut-être une petite question sur un autre sujet, si vous avez terminé. Sur les
saccages des commerces d'Hochelaga-Maisonneuve, qu'est-ce que vous pensez, M.
Khadir?
M. Khadir
: Pourquoi
est-ce que je devrais en penser quelque chose? Moi, je pense beaucoup de bien
des gens qui remettent en question, beaucoup de bien, beaucoup de bien des gens
qui remettent en question la gentrification de nos quartiers centraux.
Hier, nous avons émis un communiqué pour
dénoncer le fait que certaines artères principales sont en train de devenir de
grandes chambres d'hôtel. On vide la population locale, les résidents qui ont
de faibles moyens, des propriétaires... pas juste des propriétaires uniques,
là. Là, il y a maintenant des fonds d'investissement immobiliers qui viennent
acheter tout un secteur résidentiel pour les transformer en chambres. Donc,
nous travaillons à ça.
Maintenant, les moyens qui sont pris par
des gens qui sont découragés peuvent être des moyens qu'on peut reprocher. Moi,
je ne m'y retrouve pas. Je n'approuve pas qu'on aille saccager le commerce d'un
pauvre commerçant, d'un petit commerçant, qui souvent d'ailleurs sont très
solidaires et sont très sympathiques à la vitalité, et, je dirais, à la
prospérité économie, et à la diversité aussi sociale.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
les condamnez-vous, M. Khadir?
M. Khadir
: Je
condamne les banquiers qui nous volent. Je condamne les politiciens qui nous
volent. Je condamne le capitalisme sauvage qui aujourd'hui détruit nos liens
sociaux, détruit la planète. Donc, dans le registre des condamnations, je
considère que le peuple québécois a suffisamment de choses sur lesquelles
s'indigner pour que quelques erreurs commises par des jeunes bien intentionnés,
là, on ne s'épanche pas davantage là-dessus.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, je comprends que vous ne condamnerez pas ces gestes-là.
M. Khadir
: Je
condamne tout ce qui atteint à la capacité de nos centres urbains, les
quartiers vivants de Montréal ou de Québec, de se développer de manière
harmonieuse. Et là-dessus, les petits commerçants qui ont été attaqués font
partie de la solution et non du problème, puis ceux qui se sont attaqués à ces
petits commerçants se sont radicalement trompés. Mais, comme je vous dis, moi,
je condamne le capitalisme sauvage. Je condamne les banques qui vous volent, qui
nous volent. Je condamne les politiciens corrompus qui nous gouvernent. Merci.
(Fin à 11 h 19)