(Douze heures vingt minutes)
M. Jolin-Barrette :
Alors, bonjour, tout le monde. En réaction à ce que la ministre de la Justice
vient d'annoncer... Écoutez, la ministre nous a dit : Moi, je n'ai pas
perdu le sommeil, et je dors très bien avec les actions que j'ai prises. Écoutez,
la juge Côté et le juge Fournier disaient, eux, qu'ils avaient de la misère à
dormir. Je pense que ça a pris du temps avant que la ministre de la Justice se
réveille pour réaliser l'ampleur de l'état du système de justice, à quel point
la justice était malade au Québec, et ça a pris énormément de mois avant de
réaliser et de prendre des actions concrètes. Et là on arrive finalement, 12 mois
plus tard, hein — après la création de sa Table Justice au mois de
janvier, on est rendus au mois de décembre, 12 mois plus tard — avec
certaines mesures. Écoutez, elle a déposé un projet de loi... les gens vont
aller à la messe de minuit bientôt, le feuillet paroissial est plus épais que
le projet de loi de la ministre. Si ça fait des mois qu'elle travaille dessus,
comment ça se fait que le projet de loi n'a qu'une seule page?
Ceci étant dit, on ajoute des ressources au
niveau de la magistrature, notamment à la Cour supérieure et à la Cour d'appel.
Cependant, ce qu'il faut dire, et la ministre l'a mentionné en point de presse,
ce n'est pas attaché avec le gouvernement fédéral. Donc, le provincial, la ministre
de la Justice annonce des postes de juges supplémentaires. Par contre, ça ne
veut pas dire qu'au bout de la ligne la ministre de la Justice fédérale va
nommer rapidement ces juges-là. Déjà, en 2014‑2015, il y avait trois postes de
juges supplémentaires de la Cour supérieure qui avaient été annoncés et ils ne
sont toujours pas comblés. Donc, la ministre de la Justice Vallée doit attacher
ça avec la ministre fédérale, et là elle n'a pas de garantie encore que le fédéral
va procéder aux nominations et que surtout que c'est eux qui vont payer les
juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel.
L'autre élément, on annonce 69 procureurs
au DPCP. Écoutez, j'ai fait venir la DPCP l'an passé en novembre 2015, elle
nous avait dit, suite à nos questions répétées : Non, je peux faire le
travail, j'ai suffisamment de procureurs de la couronne. La ministre de la
Justice, au mois de mars dernier, je lui ai posé la question également : Est-ce
que les ressources sont suffisantes au niveau du DPCP? Elle nous avait dit :
Oui, il n'y a pas de problème. Et manifestement on constate qu'elle a erré
parce qu'il y avait une crise dans le système de justice. On disait qu'il
manquait d'effectifs, et là elle réalise enfin qu'il manquait d'effectifs au
DPCP.
Donc, l'autre élément important à noter,
c'est que, dans la dernière mise à jour économique, il n'y avait pas de
ressources supplémentaires au niveau du ministère de la Justice, il n'y avait
pas de budget qui était consacré davantage. Et là, à la onzième heure, à la
dernière minute, la ministre de la Justice réalise que c'est important
d'investir, et donc elle fait ça de façon précipitée, à la va-vite suite à la
sortie des juges en chef qui sont sortis la semaine dernière.
Donc, écoutez, la situation était déjà
criante avant l'arrêt Jordan. Il y a eu l'arrêt Jordan, on est cinq mois plus
tard, et là enfin elle réagit. Ceci étant dit, les actions auraient dû être
prises beaucoup plus rapidement et on constate que c'est un travail qui est
fait de façon précipitée, à la dernière semaine, et surtout on dépose le projet
de loi dans la dernière semaine de la session. On est rendu mercredi. Si la
ministre de la Justice était si prévoyante, avait travaillé, comment ça se fait
que ça a pris autant de temps? Comment ça se fait qu'on légifère à la dernière
minute, à la pièce, comme ça, sans réflexion? Donc, écoutez, nous, de notre
côté, on va collaborer, comme on l'a toujours fait, avec les intervenants, mais
ceci étant dit, ça semble être improvisé.
L'autre élément également, sur le rapport
du Commissaire à l'éthique relativement au dossier Yvon Nadeau-Laurent Lessard.
Écoutez, le rapport soulève des questions inquiétantes quand même dans le
projet. On voit que M. Nadeau et M. Lessard ont été, tout le long de
leur relation, sur un fil de fer. On constate que, dans le rapport, le
Commissaire à l'éthique dit : M. Nadeau était supposé mettre en place
un mur de Chine, hein? Et il n'a même pas informé le ministre Lessard de ce
fait-là, que le Commissaire à l'éthique lui avait dit : C'est important de
mettre un mur de Chine pendant vos activités à la fois chez M. Lessard en
tant que conseiller politique et à la fois vos activités chez Innoltek. Donc,
le ministre Lessard n'a même pas été informé, c'est ce qui ressort du rapport.
L'autre élément important aussi, puis le Commissaire
à l'éthique soulève des questions — et moi, je n'ai eu aucune
réponse, le Commissaire à l'éthique n'a eu aucune réponse : Est-ce que M. Nadeau
travaillait à temps partiel, à temps plein? Est-ce que l'argent des
contribuables a servi à le rémunérer à temps plein, à temps partiel? Est-ce que
c'est possible de faire ça? Le Commissaire à l'éthique n'a pas eu réponse à
cette question-là relativement au salaire.
Et donc nous, on aurait voulu entendre
Laurent Lessard et Yvon Nadeau en commission parlementaire, comme on l'a fait,
mais les libéraux ont refusé, parce qu'il reste tout de même des questions à se
poser relativement à ce dossier-là. Et je pense que le rapport est quand même
inquiétant, ça soulève des questions. Et surtout le Commissaire à l'éthique n'a
pas pu faire l'enquête sur l'ensemble parce qu'il est limité par certaines
règles de sa loi constitutive, notamment qu'il n'a pas juridiction sur M. Nadeau
au-delà d'une année.
M. Laforest (Alain) :
Est-ce que vous êtes déçu du rapport?
M. Jolin-Barrette : Du
rapport du Commissaire à l'éthique? Bien, écoutez, il y a des questions qui
sont soulevées. On constate que le commissaire a eu certaines réponses, mais
pas complètement, puis lui-même soulève des interrogations. Donc, nous,
l'important, c'est que le Commissaire à l'éthique fasse son travail, mais il
demeure à tout le moins des questions, puis c'est pour ça qu'on maintient notre
demande d'entendre M. Lessard et M. Nadeau en commission
parlementaire, parce qu'il y a des questions qui demeurent, puis je pense
qu'ils devraient y répondre pour éclaircir le tout, notamment par rapport à
Innoltek.
M. Gagnon (Marc-André) :
Pour vous, est-ce que M. Nadeau et M. Lessard sont blanchis aujourd'hui,
et hier, avec les deux rapports qui ont été, donc, publiés?
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce n'est pas une question d'être blanchi ou non. Comme je vous le dis,
ils ont été sur un fil de fer tout le long, puis le Commissaire à l'éthique
soulève lui-même des questions qui sont importantes. Pourquoi est-ce qu'il n'y
a pas eu de mur de Chine? Pourquoi M. Nadeau n'a pas informé M. Lessard
qu'il devait mettre en place un mur de Chine pendant qu'il travaillait chez
lui, notamment par rapport à Innoltek? Comment ça se fait que le ministre Lessard
ne soit pas informé de ça? Comment ça se fait aussi que la Commissaire à
l'éthique n'est pas capable de dire : Bien, écoutez, M. Nadeau
travaille à temps plein ou à temps partiel...
M. Laforest (Alain) :
Ça, on l'a vu, M. Barrette, dans le rapport, là. Ce qu'on veut savoir,
c'est : Considérez-vous que ce rapport-là clôt l'histoire, ou vous
considérez que le Commissaire à l'éthique a fait un rapport bâclé, ou qu'il
n'était pas capable, en mesure de la loi qui lui donne l'autorité, de
solutionner les questions qui lui étaient posées?
M. Jolin-Barrette : Le
Commissaire à l'éthique a fait son travail dans la mesure de ce qui est prévu
par la loi. Donc, il n'a pas pu enquêter sur certains éléments et il n'a pas pu
aller au-delà d'un an parce qu'il n'avait plus juridiction. Donc, c'est pour ça
qu'il y a des questions qui demeurent puis c'est pour ça qu'on voudrait
entendre...
M. Laforest (Alain) : Donc,
pour vous, M. Lessard n'est pas blanchi.
M. Jolin-Barrette : Le
rapport du commissaire dit qu'il n'a pas constaté de manquement.
M. Laforest (Alain) :
Selon vous, il est-u blanchi? Parce que vous voulez avoir M. Nadeau.
M. Jolin-Barrette : Il y
a des questions qui subsistent, puis c'est pour ça qu'on veut entendre M. Lessard
et M. Nadeau en commission parlementaire, comme on l'avait demandé
l'automne passé.
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Par rapport à l'ajout de nouveaux procureurs, de juges, 175 millions de
dollars au cours des quatre prochaines années, est-ce que vous vous engagez à
collaborer pour que le projet de loi, aussi, sur les juges soit adopté d'ici la
fin de la session vendredi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, de notre côté... moi, j'adopte toujours une approche de collaboration
avec mes vis-à-vis qui sont au gouvernement. Ceci étant dit, puis je l'ai
mentionné tout à l'heure, le projet de loi, c'est un projet de loi qui est plus
mince qu'un feuillet paroissial, donc on constate qu'il a été fait à la
dernière minute. Si la ministre de la Justice y réfléchissait depuis longtemps,
on se questionne à savoir pourquoi elle l'a déposé la dernière semaine de la
session parlementaire. Mais, dans tous les cas et dans les projets de loi sur
lesquels je siège, j'offre mon entière collaboration pour avoir le meilleur
projet de loi possible.
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Sur l'argent, sur le 175 millions, c'est suffisant?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, il faut évaluer les besoins, mais on constate que ce n'était pas
dans la mise à jour économique, hein, du mois de novembre dernier et que, là,
c'est une annonce à la va-vite, à la dernière minute, hein? Parce que, juste
avant les fêtes, il a fallu que les trois juges en chef sortent de leurs
réserves et mettent de la pression sur la ministre de la Justice pour dire :
Ça n'a aucun bon sens.
Aujourd'hui, là, le résultat qu'on a, là,
dans le système de justice, on le savait depuis longtemps que le système de
justice était malade, et il a fallu mettre tellement de pression sur la
ministre de la Justice pour qu'elle réalise la gravité de la situation. Écoutez,
ce n'est pas nouveau, là. Ce n'est pas Jordan qui a fait en sorte que le
système de justice est embourbé, qu'on avait besoin d'une «shot» de Drano pour
le désengorger. Mais là la ministre de la Justice vient de réaliser, puis elle
nous dit : Moi, je n'ai pas de problème à dormir. Mais par contre les acteurs
du milieu, la juge Côté, le juge Fournier, eux avaient de la misère à dormir
parce qu'eux se préoccupaient du système de justice et de régler la situation.
Il a fallu une crise, il a fallu Jordan pour qu'elle réalise qu'on avait besoin
d'argent supplémentaire.
Et je vous rappellerais qu'aux crédits de
2016 qu'on a faits au mois de mars dernier tout allait bien, selon elle, puis
répondait très bien à la réalité des dossiers dans les cours du Québec. Et
aussi, au DPCP, il n'y avait pas de problème aussi à ce moment-là, malgré nos
questions. Donc, écoutez, laissez-nous être sceptiques par rapport au moment où
la ministre de la Justice a réalisé la gravité de la situation.
M. Robillard (Alexandre) :
Qu'est-ce que ça vous inspire ou ça vous révèle sur sa façon de gérer le
dossier, qu'elle dise que tout ce que vous constatez, que les magistrats qui
représentent les divers tribunaux au Québec... Qu'est-ce que ça signifie
qu'elle dise qu'elle dort bien malgré tout, selon vous?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, deux choses. Je pense qu'il a fallu que l'opposition mette
énormément de pression puis fasse prendre conscience de la gravité de la
situation.
L'autre élément, c'est que le gouvernement
libéral gère à la petite semaine, gère à courte vue et n'est pas capable de
voir quels sont les véritables problèmes. Et, de semaine en semaine, on
constate que c'est crise après crise et qu'il n'y a pas de capitaine, puis on
ne réalise pas l'importance du système de justice pour notre démocratie. Donc,
on en est arrivés là.
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce qu'elle a trop bien dormi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, je ne peux pas qualifier la nature du sommeil. Ceci étant dit,
je pense que les mesures auraient dû être prises beaucoup plus rapidement, et
ce, même avant Jordan. Et, même si on prend le point de départ de l'arrêt Jordan,
on est en juillet; maintenant on est en décembre, dernière semaine de la
session parlementaire. On va collaborer pour le projet de loi, mais, encore une
fois, on voit que la ministre de la Justice a été dépassée par les événements
et que sa décision, c'est une décision qui est récente, et le projet de loi le
démontre aussi.
M. Bovet (Sébastien) :
Collaborer sur un projet de loi, ça veut dire quoi pour vous?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, pour nous, c'est important de donner les ressources
supplémentaires...
M. Bovet (Sébastien) :
Donc, de l'adopter...
M. Jolin-Barrette :
Bien, on va avoir une discussion avec la ministre tout à l'heure, à
12 h 30. On va voir quelles sont les modalités proposées. Mais ceci
étant dit, et vous l'avez entendue lors de sa conférence presse tout à l'heure,
ce n'est pas attaché avec le gouvernement fédéral. Donc, ça démontre, encore
une fois, que le plan de la ministre, ça ne fait pas très longtemps qu'il est
en place, parce que, oui, on annonce cinq juges supplémentaires à la Cour
supérieure à Montréal, mais je vous rappellerais que, déjà en 2014‑2015, il y avait
trois nouveaux postes de juges à la Cour supérieure, qui ne sont toujours pas
comblés et que la nomination du fédéral n'a toujours pas été faite. Puis, dans
notre système, les juges de la Cour supérieure sont rémunérés par le fédéral
puis c'est le fédéral qui nomme les juges aussi. Donc, son annonce n'est même
pas attachée avec sa collègue de la Justice. Puis ce qu'elle fait, Mme Vallée,
tout à l'heure, elle dit : Écoutez, j'espère que la ministre de la Justice
fédérale est aussi conscientisée que moi. Bien, écoutez, le travail aurait dû
être fait il y a très longtemps. Et là on annonce quelque chose aujourd'hui
d'une façon unilatérale, et ce n'est pas attaché avec le gouvernement fédéral.
Donc, je trouve ça malheureux un petit peu, à la fois à la Cour supérieure, à
la fois à la Cour d'appel. Nous, on fait notre bout de chemin, mais c'est à la ministre
de la Justice québécoise de convaincre son homologue fédérale, vraiment, de
pourvoir les postes le plus rapidement possible.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Craignez-vous que tous ces postes à pourvoir, postes de juges à la Cour du Québec,
donnent une occasion au gouvernement de, disons, placer certaines personnes,
certains amis à ces postes et dérogent aux principes, là, qui ont été rappelés
par la commission Bastarache?
M. Jolin-Barrette : Il
ne le faut surtout pas. Depuis la commission Bastarache, il y a eu des
modifications qui ont été effectuées au processus de nomination des juges. Ceci
étant dit, les libéraux, comme à leur habitude, ils prennent ce que ça leur
tente dans le rapport.
La commission Bastarache, une des
recommandations-phares, c'était de sortir le secrétariat à la sélection des
juges du ministère de la Justice puis d'en faire un secrétariat indépendant.
Ils ne l'ont pas fait, puis, encore une fois, la ministre de la Justice ne le
fait pas aujourd'hui. Dans le projet de loi, le règlement n'est pas modifié, à
l'exception du délai et de la publication par rapport au Journal du Barreau.
Le comité est beaucoup mieux qu'il l'était
dans le passé. Ceci étant dit, il y aurait quand même des améliorations à
apporter et à appliquer les recommandations de la commission Bastarache en
intégralité.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais justement pourriez-vous profiter, disons, de la volonté du gouvernement
d'adopter ce projet de loi là d'ici vendredi pour marchander un appui un projet
de loi n° 125 en échange de modifications qui sortiraient le secrétariat
du ministère de la Justice?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
hier, je l'ai dit très clairement lors de notre rencontre, j'ai dit que c'était
une opportunité pour la ministre de la Justice d'instaurer ce secrétariat-là.
On va voir comment elle va réagir. Mais, très certainement, je pense qu'on a
une belle occasion de le faire. Mais, ceci étant dit, pour nous, on va avoir
des discussions avec eux, mais c'est important quand même d'envoyer un message
à la Cour du Québec notamment pour qu'il y ait des juges supplémentaires. Mais,
ceci étant dit, la ministre de la Justice peut très bien le faire, peut très
bien présenter un projet de loi, si ce n'est pas maintenant, mais le faire très
rapidement, pour sortir le secrétariat et appliquer les recommandations de la commission
Bastarache.
M. Croteau (Martin) :
Comment vous qualifiez la conduite de la ministre Vallée dans ce dossier-là
depuis le début?
M. Jolin-Barrette : Je
vous dirais que c'est une conduite qui est attentiste, qu'on a attendu que le
bouchon saute avant d'agir. On est la dernière semaine de la session parlementaire.
On attend à la dernière heure pour annoncer les mesures, pour présenter un projet
de loi. Si, là, la Table Justice fonctionnait si bien que ça, s'il y avait du leadership,
s'il y avait de l'action, on n'aurait pas attendu 11 mois après la
création de cette table-là. On a un projet de loi d'une page qui ajoute des ressources.
Les juges de la Cour d'appel, le juge en chef de la Cour supérieure, la juge en
chef de la Cour du Québec savent très bien quels sont leurs besoins, et ce,
depuis longtemps. Ce n'est pas nouveau, les délais en matière de justice. Oui, il
y a eu l'arrêt Jordan en matière criminelle, mais, en matière civile, en
matière familiale, on le sait depuis des années.
Donc, écoutez, la ministre de la Justice a
attendu que ça explose avant d'agir et surtout avant d'aller défendre ses
crédits à l'intérieur de son propre gouvernement. Il faut, au Québec, qu'on ait
une ministre de la Justice qui prend la justice à coeur, qui est capable
d'aller chercher de l'argent. Je vous rappellerais qu'en mars 2016, lors de
l'étude des crédits, elle ne s'est pas battue pour avoir de l'argent
supplémentaire. Et la DPCP également disait : Oui, j'accepte d'avoir une
coupure de 4,2 millions. Et manifestement, déjà à l'époque, comme on
l'avait soulevé, il y avait des problèmes. Il y avait des lacunes, il manquait
de personnel, il manquait de procureurs pour poursuivre les accusés qui
commettent des infractions criminelles.
M. Croteau (Martin) : Puis
là, entre l'annonce d'aujourd'hui et l'entrée en vigueur ou l'embauche de ces
nouvelles ressources et leur entrée en fonction, il va s'écouler quand même
plusieurs mois. Qu'est-ce que vous souhaitez du gouvernement pour ces prochains
mois, ces prochaines semaines, puisque, manifestement, le nombre de requêtes en
annulation n'est pas en train de diminuer en ce moment?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, notamment pour les procureurs de la couronne, je pense que c'est
important que le temps supplémentaire soit autorisé. Vous savez, les procureurs
de la couronne, généralement, sont sur une semaine de 37,5 heures ou
certains sur 40 heures. S'il y a du temps supplémentaire à être autorisé,
s'il faut que les procureurs travaillent davantage pour sauver tous les
dossiers, pour avoir des dates plus rapprochées, bien, il faut que le temps
soit autorisé, le temps des procureurs soit autorisé. Il faut mobiliser les
ressources, mais aussi il faut mettre tout en oeuvre pour qu'on n'échappe pas
de dossiers pour des questions de délais.
Donc, je pense que c'est ça, le mot
d'ordre qui va être annoncé, puis ça devrait faire partie des ressources
financières qui sont attribuées au ministère de la Justice, notamment.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
qu'il est trop tard? C'est-à-dire, est-ce que vous prévoyez qu'il va y avoir
une cascade de procès qui vont avorter malgré l'annonce d'aujourd'hui?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
ça, je ne peux pas vous dire, là, chaque...
M. Croteau (Martin) : À
la lumière des chiffres qui circulent, là? On était à 222...
M. Jolin-Barrette : À
282.
M. Croteau (Martin) :
...là on en est rendus à 288. Tu sais, manifestement, le mouvement ne ralentit
pas, là.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Ça ne veut pas dire que, dans tous les dossiers, les requêtes en arrêt des
procédures vont être accordées. Ceci étant dit, je pense qu'on doit être
vigilants puis je pense que le ministère public puis le DPCP doit faire tout en
son possible pour, un, plaider les requêtes, hein, pour ne pas laisser tomber
les accusations... Parce que, comme dans le cas du dossier Coretti de la
semaine dernière ou d'il y a deux semaines, qu'il y a un arrêt des procédures,
le DPCP n'a même pas plaidé dans le dossier, n'a même pas contesté la requête.
Donc, je pense que, lorsqu'il y une accusation criminelle, c'est grave, c'est important,
puis le DPCP doit faire son travail.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mme Vallée
a dit qu'il était malhabile de dévoiler le nombre de dossiers à risque. Le
gouvernement ontarien a mentionné 6 000 cas la semaine dernière.
Est-ce qu'elle a raison?
M. Jolin-Barrette : Non.
Je pense que le droit à l'information, c'est important. Les gens ont le droit
de savoir aussi quel est l'état de la justice au Québec, donc savoir le nombre de
requêtes qui sont présentées. Je pense que c'est important de le savoir.
Le Modérateur
: Charles
Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) :
La ministre Vallée dit que ça ne serait pas responsable de dévoiler ces
chiffres-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec son analyse?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, le nombre de requêtes en arrêt des procédures, je pense qu'à
partir du moment où la requête, elle est déposée, ça devient public, ça devient
au plumitif. Donc, c'est de l'information à laquelle vous avez accès, le ministère
de la Justice a accès. Je pense que c'est l'état en soi du système de justice.
Je pense que les gens doivent le savoir.
M. Bovet (Sébastien) :
Je peux vous poser une question sur Pyrobiom et le rapport du Commissaire à
l'éthique?
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Bovet (Sébastien) :
Je sais que vous avez commenté sur le fond la question de M. Lessard, mais
j'ai une question. Le Commissaire à l'éthique prend la peine de rappeler les
devoirs et obligations des députés à l'Assemblée nationale en citant les
articles du code de déontologie. Est-ce que vous avez manqué de retenue quand
vous avez impliqué la femme de M. Nadeau, des entreprises aussi qui
pouvaient avoir des difficultés parce que leur nom circule dans les médias?
Est-ce que vous avez manqué à votre devoir de retenue dans ce cas-ci?
M. Jolin-Barrette : De
la part des députés?
M. Bovet (Sébastien) :
Oui, vous et les députés de l'opposition?
M. Jolin-Barrette : Vous
faites référence à Mme Donato, qui travaillait à la fois pour le cabinet
de Laurent Lessard et à la fois, par la suite, pour...
M. Bovet (Sébastien) : Oui.
Parce que je pense que le Commissaire à l'éthique prend la peine de rappeler
les devoirs et obligations des députés dans ces circonstances.
M. Jolin-Barrette : Pas
du tout. C'est de l'information qui était publique, qui était dans le journal.
Je pense qu'à partir du moment où les députés de l'Assemblée nationale sont
saisis d'un tel dossier qui soulève des questions par rapport à de l'argent des
contribuables, le fait d'écrire au Commissaire à l'éthique et de lui soumettre
ces informations-là, nous, on fait notre devoir pour s'assurer que le tout est
fait selon les règles. Et vous pouvez être sûr que, de notre côté, on respecte
les règles et les valeurs de l'Assemblée nationale.
M. Bovet (Sébastien) :
Mais c'est plus que d'écrire au Commissaire à l'éthique, c'est de diffuser le
nom lors des débats à l'Assemblée nationale ou dans des points de presse aussi,
avec des conséquences qui peuvent être douloureuses pour ces personnes-là et sans
avoir nécessairement de preuves hors de tout doute au sujet de l'implication de
ces gens-là et de malversations possibles de ces gens-là. Est-ce qu'il n'y a
pas là matière à réflexion?
M. Jolin-Barrette : Il
n'y a aucune accusation qui a été portée de notre part à l'endroit de Mme Donato,
notamment. Les médias d'information ont véhiculé l'information qu'elle avait
changé d'emploi et qu'elle se retrouvait désormais dans une compagnie qui avait
reçu 3 millions de dollars. Ça soulève des questions, et je pense que le
devoir des parlementaires à l'Assemblée nationale, c'est de soulever toutes les
questions qui sont d'intérêt public, et cette question-là était d'ailleurs d'intérêt
public.
Mme Plante (Caroline) : Is it clear in your mind that Laurent
Lessard and Yvon Nadeau have been cleared by the Ethics
Commissioner and the Lobbyists Commissioner?
M. Jolin-Barrette : No because, when we read the report of the Commissaire
à l'éthique, we see that himself he has some unanswered questions because,
first of all, the law by which he is governed doesn't give him the power to
look over a year about the employment engagement about Mr. Nadeau. So,
there are some missing questions. And the other thing is the fact that
Mr. Saint-Laurent, Commissaire à l'éthique, asked… I don't have answer
about why he was working part-time job or full-time job with Mr. Lessard
at his cabinet beside his job at Pyrobiom, as president of Pyrobiom. So, we still
have questions and the Commissaire à l'éthique himself still has some
questions. So, I don't think that report cleared Mr. Nadeau and Mr. Lessard.
There are still some questions.
And the other important
fact is why Mr. Nadeau didn't tell Mr. Lessard that the Ethics Commissioner
asked him to put a China Wall between his asking for money for his company and
the work he was doing at the Laurent Lessard cabinet. So there's still some
questions about that, and Mr. Lessard didn't know that the Commissaire à
l'éthique asked Mr. Nadeau to do that.
Mme Plante (Caroline) : And about the number of jobs that he had, do you agree that the
Ethics Commissioner, in his report, raised some serious questions about «le cumul des fonctions»?
M. Jolin-Barrette : Yes, he raised some questions, but the Commissaire à l'éthique also said : I don't have the
power to judge about that. I asked some questions, I put that in the report. But Commissaire à l'éthique doesn't have
answers about that, he said : Well, there's no law about that, but it
gives us some questions about…
do the political employee can have many jobs at the same time and how the
public funds are spent with their income.
Le Modérateur
: Je vais prendre une dernière question de
Maya, parce qu'on est en retard pour la rencontre avec
la ministre, c'est pour ça.
Mme Johnson (Maya) : I just wanted to know about Mrs. Vallée's announcement. You
seem to be saying that it was a very hasty announcement. What's your reaction
on the announcement and do you think that Mrs. Vallée is still the right
person for the job?
M. Jolin-Barrette : Well, Mr. Vallée said, in press conference…
Une voix
: You said «Mr. Vallée».
M. Jolin-Barrette : … — Mrs. Vallée,
sorry : I have no problem
to sleep. But, during the same time, Justice Côté and Justice Fournier said :
We cannot sleep because we are too much worried about the justice system. So,
the announcement of Mrs. Vallée is really late. She waited to have the Jordan
decision of the Supreme Court. But we knew before that we need some extra money
in the justice system. Also, we asked her in March last year, when we were
doing the budget, and she was
saying : Everything is fine, everything is OK. Same thing for the DPCP, we said we need more prosecutors and the
DPCP said : No, it's OK.
And now we see that we were right about that and we were conscious about all
the… «tous les défis» of the Justice Minister and the
fact that we need more money, more resources about that.
Mme Plante (Caroline) : I have one last one, sorry, Maya. But,
about Lessard and Nadeau, is the case closed? Where do we go from here?
M. Jolin-Barrette : No, the case is not closed. We received the two reports, but we
still have our questions and we
still want that Mr. Nadeau and Mr. Lessard have to come in parliamentary commission because all the light is not made
on that case. So, we still want a parliamentary commission.
Mme Plante (Caroline) : And you're saying that you'll most likely collaborate with adopting
this bill by Friday?
M. Jolin-Barrette : Yes. We will see what the Justice Minister will say to us, but it's important for us to have extra resources. But we need to do the work seriously, and I always give my collaboration on all the
law projects.
(Fin à 12 h 45)