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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice

Version finale

Wednesday, December 7, 2016, 14 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures)

Mme Hivon : Alors, on dit : Enfin et pourquoi. Donc, enfin, une annonce! Enfin, après des mois de demandes, des mois d'inaction, d'immobilisme, enfin, des moyens qui sont annoncés, mais pourquoi? Pourquoi a-t-il fallu attendre que la crise soit hors de contrôle? Pourquoi a-t-il fallu attendre, depuis des mois, non seulement avant l'arrêt Jordan, mais depuis l'arrêt Jordan pour avoir des mesures concrètes? Pourquoi a-t-il fallu attendre à deux jours de la fin de la session pour voir un projet de loi déposé? Vous l'avez vu qu'il est excessivement simple, qu'il tient en quelques articles pour augmenter le nombre de juges, alors que, de l'aveu même de la ministre, c'est des demandes d'augmentation qui datent de mois, qui étaient même présentes à l'ouverture des tribunaux en septembre dernier.

Donc, pourquoi autant d'inertie quand cette crise-là, elle était annoncée, quand cette crise-là était déjà présente depuis des mois? C'est vraiment la manière de faire de ce gouvernement qui attend d'être acculé au pied du mur avant de bouger, qui attend qu'on soit face une crise avant de prendre les moyens que notre système puisse fonctionner correctement, avec toutes les conséquences négatives que cela comporte en termes de perte de confiance de la population parce que je pense qu'on a réellement atteint un point de rupture au niveau de la confiance qui est exprimée par la population envers son système judiciaire.

Qu'est-ce qu'il serait arrivé si on n'avait pas posé toutes ces questions-là? Qu'est-ce qu'il serait arrivé si, il y a neuf jours, jour pour jour, ici même, on n'avait pas interpellé formellement la ministre de la Justice et qu'on avait augmenté la pression pour que quelque chose se passe?

Alors, aujourd'hui, je dois vous dire que c'est assez particulier d'entendre la ministre nous dire que tout ça était en travail depuis des mois, qu'il n'y a aucune improvisation, alors que, vous l'avez vu comme moi, à la suite de notre sortie de lundi dernier, ce sont tous les acteurs qui, tour à tour, sont sortis sur la place publique, y compris les juges en chef, d'une manière complètement sans précédent. Alors, si ces juges-là, si ces partenaires-là de la table justice avaient toutes ces assurances que les choses allaient tellement bien débloquer, allaient tellement bien se passer, comment peut-on expliquer qu'ils ont senti le besoin urgent de se saisir des médias, ce qu'ils ne font jamais?

Donc, ça montre bien sûr qu'il a fallu encore une fois une crise pour qu'il y ait déblocage, enfin, parce qu'on voit qu'il va y avoir, comme on l'a demandé, ajout de juges, ajout de procureurs, de greffiers, de personnel de soutien dans le système, de salles. Donc, ce sont toutes des choses qui commandent des réinvestissements majeurs et à très court terme.

De notre côté, nous allons collaborer clairement à l'adoption de ce projet de loi là avant la fin de la session. Ceci dit, nous souhaitons pouvoir connaître le point de vue des acteurs de la table justice dont on nous parle toujours, donc de ces acteurs de la magistrature, du DPCP, des acteurs, donc, de l'administration de la justice, du Barreau, tout ça, pour être certains que ça répond à leurs demandes parce qu'il faut de la transparence. Et c'est comme ça qu'on va être en mesure de savoir que le projet de loi, pour l'aspect très précis et isolé du projet de loi, peut répondre, là, aux demandes de la magistrature.

Par ailleurs, je dois vous dire qu'il y a des questions importantes qui demeurent. D'abord, qu'est-ce qu'on fait à très court terme? Alors, les juges, de l'aveu même de la ministre, dans le meilleur des cas, ça va prendre trois mois avant qu'on ait des nouveaux juges. Les nouveaux procureurs qui sont annoncés, c'est d'ici l'été. Alors, qu'est-ce qu'on fait à très court terme pour que chaque jour qui passe n'ait pas encore son lot d'arrêts de procédures et d'accusés qui sont libérés? Dans quelle séquence de temps de nouvelles salles vont pouvoir recevoir, donc, des procès? Et, bien sûr, quel est l'état de situation?

Donc, je vous ai entendus poser la question à la ministre. On doit vous dire qu'on est excessivement déçus de ne pas être capables, aujourd'hui, d'avoir un état de situation clair. Pour nous, et on le dit aussi depuis le début de la semaine dernière, pour savoir si les mesures qu'on espérait voir mises de l'avant, ce qu'on a finalement aujourd'hui, sont adéquates, bien sûr qu'il faut savoir l'état de la situation, l'ampleur de la crise des procès qui sont à risque. Il faut faire cet examen-là pour maintenant, pour dans une semaine, dans un mois, dans trois mois, dans six mois. Donc, ça, on le demande de manière pressante à la ministre.

On lui demande : Est-ce qu'elle peut nous garantir qu'avec les annonces qu'elle fait aujourd'hui il n'y aura plus d'arrêt de procédures, qu'il n'y aurait pas plus de procès avortés? On se doute de la réponse, que c'est non. Alors, si elle n'est pas capable de nous garantir ça, est-ce qu'elle peut au moins nous expliquer comment le tri des dossiers est fait, comment on décide, à la Direction des poursuites criminelles et pénales, ce qui est mis de l'avant, ce qui est priorisé entre ce qui est grave, très grave, excessivement grave comme je le dis depuis la semaine dernière? Parce que la direction nous a informés, par la voie de son porte-parole, qu'en ce moment on faisait ce tri-là, ce qui, vous en conviendrez avec moi, n'est pas rassurant du tout pour la population, de savoir qu'en ce moment on est en train de décider ce qu'on conteste, ce qu'on ne conteste pas.

Vous avez vu, hier dans la cause des coaccusés de l'ex-juge d'Outremont, M. Harbour, il n'y a pas eu de contestation, même, de la part du Directeur des poursuites criminelles et pénales, même chose la semaine dernière pour Luigi Coretti tellement la maison brûle.

Alors, on veut savoir comment tout ça se fait. Malheureusement, on n'a pas de réponse de la ministre. Plus largement, on lui demande une reddition de comptes. Donc, on veut qu'à chaque mois elle nous dise où nous en sommes, où nous en sommes, d'une part, en termes de requêtes en arrêt de procédures, en termes de procès qui ont avorté, parce qu'évidemment ce qu'on voit dans les médias n'est qu'un petit nombre, et l'association des procureurs a déclaré elle-même, vendredi dernier, que ce n'était que la pointe de l'iceberg. Donc, on veut l'état de situation le plus exhaustif possible aujourd'hui, ce qu'on n'a toujours pas. Mais ce qu'on veut, c'est vraiment une reddition de comptes pour les prochains mois, à chaque mois, autant du côté d'où on en est dans la gestion de la crise, combien d'arrêts de procédures nous pendent au bout du nez, mais aussi comment ça va dans le recrutement des ressources additionnelles.

Ce qu'on veut aussi, c'est entendre, puisque la ministre ne nous a toujours pas donné cette information-là... C'est elle qui est la responsable, c'est d'elle qu'on l'attend, mais, minimalement, ce qu'on souhaite, c'est pouvoir entendre le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Donc, il va y avoir une demande qui va partir aujourd'hui pour un mandat d'initiative de la Commission des institutions pour que le Directeur des poursuites criminelles et pénales puisse venir s'expliquer sur comment on gère toutes ces demandes d'arrêt de procédures. Si la ministre ne veut pas nous donner l'heure juste, eh bien, on va se tourner vers le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Et on espère que, minimalement, le gouvernement va accepter cette demande-là pour qu'on puisse l'entendre dans les meilleurs délais, compte tenu de l'ampleur de la crise et de l'attention, bien sûr, qui y est accordée.

Et, pour la période, je vous dirais, à laquelle on fait face, les prochains mois, sans que les ressources puissent être injectées parce qu'il y a une période de transition, parce que le gouvernement n'a pas vu venir, on demande que l'examen… j'ai entendu ce que la ministre a dit, mais on demande que la question de l'examen de la clause dérogatoire soit faite très rapidement et qu'elle nous dise, d'ici la fin de la semaine, ce qu'elle entend faire pour éviter qu'il y ait toujours plus de procès qui avortent. Parce que vous savez très bien qu'à partir de la semaine prochaine nous ne siégerons plus, donc nous n'aurons pas la ministre face à nous pour lui poser toutes ces questions-là.

Est-ce qu'une question est demandée, un renvoi, une question va être posée à la Cour suprême, de savoir s'il peut y avoir une période de transition? Je dois vous dire qu'après avoir examiné le jugement, la Cour suprême, dans la majorité, elle est venue dire qu'elle prenait compte du fait qu'il y avait une transition. Donc, elle a déjà parlé de cette question-là. Donc, est-ce que les chances qu'elle puisse se reprononcer là-dessus sont énormes? Je ne le sais pas. Mais on demande à la ministre de nous revenir là-dessus d'ici la fin de la semaine. On comprend qu'elle parle avec ses homologues. On aurait aimé que ces discussions-là aient lieu avant qu'on lui demande formellement la semaine dernière. On aurait aimé que ça fasse des mois que ces discussions-là se tiennent parce que Jordan a été rendu au début du mois de juillet dernier. Mais là on lui demande, d'ici la fin de la semaine, de nous dire ce qu'il en est de ses orientations pour ces questions-là. Voilà.

M. Bovet (Sébastien) : Est-ce que c'est une bonne nouvelle, ce qui est annoncé aujourd'hui?

Mme Hivon : C'est ce qu'il faut faire comme premier pas parce que, comme on le demande, il faut des ressources additionnelles, c'est évident. Et c'est pour ça qu'on dit : Enfin! Enfin, un geste concret après des mois d'immobilisme, enfin qu'il y a quelque chose qui se passe. C'est des mesures qui sont adéquates sur le type de ressources que nous, nous avions demandées, des procureurs, des juges, bien évidemment, des greffiers, du personnel de soutien. Mais c'est très difficile aujourd'hui de pouvoir juger si les montants annoncés, si les mesures qui sont annoncées répondent parfaitement à la crise que l'on vit parce que nous n'avons pas l'heure juste et la pleine transparence sur cette question-là malgré ce que la ministre avait déclaré la semaine dernière, comme quoi elle avait cet état de situation là et qu'en temps et lieu elle allait le dévoiler publiquement. On s'attendait aujourd'hui, bien honnêtement, à ce qu'elle le dévoile. Je ne pense pas que c'est de nature à inquiéter. Au contraire, ce serait de nature à rassurer, de savoir que cet examen-là a été fait, et qu'on y répond adéquatement avec les bonnes mesures, et qu'on nous explique comment on a pu arriver à cette adéquation-là entre les mesures qui sont mises de l'avant et les besoins qui sont ressentis dans le système.

M. Boivin (Simon) : Vous avez dit que c'est une crise qui ne date pas d'hier, c'est un enjeu qui ne date pas d'hier, l'engorgement des tribunaux, puis que la réponse est somme toute assez simple dans un projet de loi de quelques pages. Est-ce que ce n'est pas quelque chose que Bertrand St-Arnaud aurait pu faire quand il était à la tête du ministère de la Justice?

Mme Hivon : Alors, Bertrand St-Arnaud a été un ministre de la Justice excessivement proactif. Il a nommé le plus grand nombre de juges pendant ses 18 mois et il a été très actif au niveau de l'accès à la justice, des nouvelles manières de faire. Et je vous rappelle que la juge Côté, sa sortie date de janvier dernier. Nous n'avions pas eu de telles sorties de juges qui disaient qu'ils en perdaient le sommeil tellement le système était engorgé. Il y a eu vraiment une augmentation, dans les deux dernières années, du nombre de requêtes, notamment à cause des mégaprocès, notamment à cause de la complexification de la justice. Ça, je ne dis pas que c'est la faute du gouvernement, la complexification de la justice, mais ce que je veux dire, c'est que c'est la responsabilité du gouvernement de répondre à une situation qui naît, qui prend naissance, je dirais, avec une ampleur nouvelle pendant son mandat. Et l'arrêt Jordan, il date du mois de juillet. Et cet arrêt-là est venu non seulement mettre une pression énorme, mais il est venu fixer des plafonds, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. Donc, c'est pour ça qu'on est dans une telle situation de crise aujourd'hui.

M. Lecavalier (Charles) : Mme Vallée affirme que les problèmes d'accès à la justice datent de compressions du Parti québécois, je pense... en tout cas, avant 2003, là, je pense, en 1998. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse-là?

Mme Hivon : Mme Vallée est dans un gouvernement qui a été au pouvoir pendant 16 ans depuis 2003. Donc, je trouve ça assez particulier... avec un intermède de 18 mois dans lequel nous avons été très, très actifs. Alors, je trouve ça particulier que... S'il y avait de tels problèmes tellement graves quand ils sont arrivés, en 2003, qu'est-ce qui explique qu'ils attendent au 7 décembre 2016 pour apporter des réponses?

M. Bélair-Cirino (Marco) : La ministre a dit que 10 000 dossiers supplémentaires pourront être traités par année. Il y en aurait 100 000 à l'heure actuelle. Bon, on ne sait pas il y en a combien qui posent problème, là, en vertu de l'arrêt Jordan. Est-ce qu'à la lumière des ressources qui ont été annoncées aujourd'hui ça semble réaliste?

Mme Hivon : Bien, écoutez, c'est très difficile d'évaluer. C'est une bonne chose qu'on nous dise qu'il puisse y avoir 10 000 dossiers de plus de traités, mais quels types de causes? Je veux dire, c'est ça qu'on n'a pas aujourd'hui. Puis il y a eu un problème similaire en Ontario dans les années 90, et il y a eu 50 000 causes qui ont été en jeu et des milliers de causes de facultés affaiblies. Moi, c'est le genre d'information que je veux recevoir de la ministre parce qu'on priorise des causes qui sont plus graves, c'est normal, et puis ce qui tombe souvent, c'est les causes qu'on va remettre parce que le rôle est engorgé. Donc, on va faire passer d'abord... évidemment, une cause d'agression, d'agression sexuelle, de voie de fait, bon, le meurtre, tout ça, ça va au niveau de la Cour supérieure, mais de crimes qui sont jugés objectivement plus graves que, par exemple, du sommaire, bon, des facultés affaiblies. Mais c'est ça qu'on veut savoir. On veut savoir c'est quoi, ce travail-là qui est en train de se faire.

Donc, moi, on me dit 10 000 dossiers. Je dis : Fort bien, mais 10 000 dossiers, c'est quoi? C'est quels dossiers qui vont pouvoir être traduits plus rapidement, qu'on ne va pas échapper? Combien on en échapperait, sinon? C'est ça qu'on n'a pas comme information. Est-ce que c'est parce que la ministre ne l'a pas parce qu'elle ne l'a toujours pas demandée? Parce qu'avec le temps que ça a pris pour réagir, je ne vous cacherai pas qu'on se demande quel travail a été fait avec tous ces partenaires-là pour bien évaluer les choses. Ou bien c'est parce qu'elle l'a puis elle ne veut pas le donner parce que c'est une véritable hécatombe puis elle ne veut pas qu'on le sache?

M. Bélair-Cirino (Marco) : C'est peut-être irresponsable, malhabile de dévoiler ces données-là. Ça pourrait être de l'information stratégique pour, notamment, les avocats de la défense, s'il y avait toute cette ventilation-là.

Mme Hivon : Moi, je pense qu'on est rendus à un point tel que c'est l'inverse qui doit être fait. C'est-à-dire que ce qui serait responsable, c'est de donner l'heure juste à la population. Vous savez, les avocats de la défense ont déclaré publiquement, plusieurs d'entre eux, la semaine dernière, qu'en ce moment depuis l'arrêt Jordan ils n'avaient pas le choix de parler de cette possibilité-là avec leurs clients, que certains de leurs clients pourraient même revenir contre eux s'ils n'évoquaient pas l'arrêt Jordan. Je ne pense pas que c'est ce que la ministre peut nous dire en étant transparente qui va faire en sorte que, soudainement, les avocats de la défense vont se dire : Ah! oui, c'est vrai. On pourrait peut-être évoquer ça.

Je pense, entre vous et moi, que, depuis juillet, ils ont eu le temps de voir que cette option-là supplémentaire était présente, et c'est normal, ce qu'ils déclarent. Mais il faut être conscient que, juste ces requêtes-là, en termes de temps de cour, ça peut être une journée de temps de cour de plaider une requête en arrêt de procédures. Donc, ça, ça fait juste ajouter à l'engorgement.

Alors, c'est ça qui est particulièrement paradoxal en ce moment. Moi, je ne comprends pas que la ministre, dans l'état de crise dans lequel on est, dans les difficultés que ce gouvernement-là a vécues dans les derniers jours pour expliquer où il s'en allait avec ça, qu'aujourd'hui on ne nous donne toujours pas l'heure juste par rapport à ça.

M. Croteau (Martin) : Comment vous vous expliquez ça? Est-ce que c'est parce que c'est embarrassant pour la ministre?

Mme Hivon : Bien, c'est sûr que je pense qu'on a été face à une crise qui était annoncée et qu'on n'a pas été capables de gérer pour qu'elle se résorbe. On a été face à une très mauvaise gestion de crise. Moi, je ne comprends pas que, dès la semaine dernière, on ne se soit pas fait dire très clairement : Il y aura projet de loi. Je veux dire, des fois, le gouvernement nous annonce ça des mois d'avance, là. Le projet de loi qui a été déposé hier en matière municipale, ça faisait des mois qu'on le savait. Comment ça se fait que la ministre de la Justice ne nous a pas dit, il y a des mois, que ça s'en venait ou, minimalement, la semaine dernière, quand on a vraiment demandé des comptes à la ministre, suggéré des avenues, qu'elle ne nous ait pas dit : Regardez, un projet de loi s'en vient, qu'elle ne nous ait pas dit : Il y a des ressources, clairement, qui s'en viennent, il reste juste des petits fils à attacher? Je vous le redis, je comprends que la ministre se défend d'avoir été dans l'immobilisme et l'improvisation, mais comment expliquer que des juges en chef, jeudi et vendredi, soient sortis dans les médias s'ils savaient que cette annonce-là et que ce projet de loi s'en venaient?

M. Croteau (Martin) : Il y avait quelque chose comme 222 requêtes en annulation qui avaient été déposées la semaine passée, on était rendus à 288 cette semaine. Là, comme vous faisiez allusion dans votre présentation, là, on parle de mois avant que les mesures annoncées aujourd'hui entrent en vigueur et commencent à faire effet. Donc, je ne sais pas, qu'est-ce qui va se passer, selon vous, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois? Est-ce qu'on va assister à de nouveaux procès qui vont avorter à cause de ça?

Mme Hivon : Clairement. Clairement. Puis c'est pour ça que, nous, ce qui est annoncé aujourd'hui, je vous dirais que ça répond en partie à des impératifs de crise, mais là on est dans la crise. Puis, nous, lundi dernier, ce qu'on disait, c'est... Les juges suppléants, là, je comprends qu'il y en a eu un certain nombre qui a été rappelé. Est-ce que tous les juges suppléants ont été rappelés? Est-ce qu'il y a des procureurs de la couronne à la retraite qui ont été rappelés? Des greffiers à la retraite? Dans le sens que ça, c'est des gens qui peuvent être efficaces demain matin. On le voit parfois, là, c'est des choses qui se font. Des salles, comment ça va se gérer, ça? Quand ces salles-là vont être disponibles? Nous, on disait : Est-ce que des locaux peuvent être loués, aménagés dans l'intervalle, comme on le fait pour des commissions d'enquête, par exemple, qui siègent, qu'on adapte?

Donc, c'est ça, on veut sentir que le maximum est fait, qu'on prend vraiment acte de l'urgence de la crise sans précédent et que le maximum est fait pour éviter l'hécatombe. Et le maximum, ça veut dire des moyens à très court terme, pour la semaine prochaine, pour dans un mois. C'est pour ça qu'on demande une reddition de comptes aussi périodique, pour savoir où on en est. Puis on demande que les autres moyens soient examinés sur d'autres enjeux, je veux dire, sur d'autres avenues qui peuvent être plus exceptionnelles, mais on est dans une situation exceptionnelle. La disposition de dérogation, la question d'un délai, il y a beaucoup de questions juridiques. Je ne suis pas en train de dire que c'est simple, parce que la question du partage des compétences se pose, mais qui, en ce moment, vit avec tous les effets de ce jugement-là? C'est le Québec, ce sont les provinces. C'est elles qui sont responsables de l'administration de la justice. Donc, qui, en ce moment, est responsable de modifier sa loi, d'amener des ressources supplémentaires? Ce n'est pas de compétence fédérale, tout ça.

Alors, il y a clairement impact, il y a clairement un enjeu d'administration de la justice. Comment on fait ce départage-là? C'est elle qui a les experts pour le faire et nous le dire, mais on lui a demandé lundi dernier puis on n'a pas de réponse.

M. Croteau (Martin) : Est-ce que vous allez appuyer le projet de loi comme tel ou vous allez introduire des amendements?

Mme Hivon : Bien, on va se réserver ça demain. Moi, je vois ça vraiment comme un projet de loi qui est un élément qui est très chirurgical. Le coeur de l'annonce aujourd'hui, je ne pense pas que c'est la loi. Ça doit être les ressources, les moyens, ce qui est mis en place pour faire face à la crise. Donc, en termes de nombre, il va falloir savoir si ça reflète les demandes de la magistrature et qu'on estime que ce sont ces ressources-là, en termes de magistrature, qui sont requises. Donc, nous, on demande ça, d'avoir vraiment une correspondance, un retour des acteurs du milieu pour nous dire si ça répond à la demande. Donc, ce sont eux qui sont bien placés pour nous le dire.

Et puis l'autre chose qu'on demande à la ministre par rapport à ça, c'est : Comment s'assurer que les nominations vont être faites de manière diligente? Donc, tantôt, elle a parlé de trois mois. En moyenne, en ce moment, ça prend neuf mois. Alors, dans le projet de loi, tout ce qu'on a à cet égard-là, c'est un changement pour la publication dans Le Journal du Barreau, là. Donc, ça, ça peut peut-être couper de quelques semaines parce qu'on nous dit que, des fois, la publication est plus tardive, donc tout ça, mais, des fois, on parle de mois. Alors, comment va-t-elle s'assurer qu'on respecte cet horizon-là, du trois mois, quand, en ce moment, la moyenne est de neuf mois? Ça, c'est des questions qu'on va avoir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : À ce moment-ci, avez-vous l'assurance que le processus de nomination des juges sera et demeurera imperméable à toute influence?

Mme Hivon : Oui. C'est évidemment une question qu'on a posée à la ministre. Le processus n'est pas changé. Donc, ce sont les mêmes étapes, la même manière de fonctionner, donc, qui est issue, là, des recommandations de la commission Bastarache et du nouveau règlement qui avait été adopté dans la foulée. Mais l'idée, c'est de comprimer, nous, c'est ce qu'on avait demandé aussi, de voir si on peut comprimer les délais. Par exemple, est-ce que le poste peut être affiché 30 jours? Des fois, il est affiché 60 jours, des fois, il est affiché 30 jours. Je pense que, quand tu sais que tu as le goût de devenir juge, 30 jours, c'est suffisant. Donc, c'est ce type d'éléments là. C'est très technique, mais on se comprend que, là, on est dans une situation où chaque semaine peut faire une différence, puis... que tout ça se mette en branle rapidement.

M. Boivin (Simon) : Est-ce que Mme Vallée et le gouvernement Couillard vont porter directement la responsabilité des arrêts de procédures des prochaines semaines, prochains mois?

Mme Hivon : Moi, je ne ferai pas de déclaration à l'emporte-pièce comme la ministre, qui vient de vous dire que c'est d'avant 2003 que ces problèmes-là, de 2016, sont attribuables. Moi, ce que je vais vous dire, c'est qu'il y a beaucoup d'éléments qui font en sorte qu'aujourd'hui on est dans cette situation-là, mais il y a certainement une partie de ces arrêts de procédures qui aurait pu être évitée si elle avait entendu les cris d'alarme qui lui sont faits autant par l'opposition depuis plus d'un an, autant par la magistrature depuis un an aussi, par le Barreau, par, donc, tous les acteurs du milieu. C'est certain qu'il y a une partie, très clairement, qui était évitable, et malheureusement on n'a vu aucun geste concret posé pendant toute cette dernière année et depuis Jordan. Ça a pris presque six mois pour y arriver.

M. Lecavalier (Charles) : Lorsque vous regardez l'annonce de la ministre et son projet de loi, est-ce que vous avez l'impression que tout ça a été dessiné la semaine dernière?

Mme Hivon : La question qui se pose, c'est : Est-ce que la ministre avait travaillé adéquatement et n'était pas entendue ou est-ce que le travail n'avait pas été fait? Donc, moi, ça, je ne le sais pas. Mais moi, j'ai un très, très grand sentiment d'improvisation, malgré que la ministre s'en défende, là. Je l'ai entendue comme vous. Je ne peux pas m'expliquer qu'on arrive avec un tel projet de loi à deux jours de la fin de la session, je ne peux pas m'expliquer qu'on arrive avec toutes ces mesures-là maintenant, quand ça fait des mois qu'on sait que c'était requis.

Vous savez, ce qui aurait pu être fait, dans la mise à jour économique, il y aurait pu avoir déjà un investissement d'annoncé, quitte à dire : Il va y en avoir d'autres dans un mois ou dans deux mois, on est encore en évaluation. Mais, à partir de juillet, c'était évident que la crise allait prendre une ampleur jamais vue. Donc, il fallait agir dès ce moment-là pour se mettre en marche. Ce n'est pas ça qu'on a vu, puis, je vous le répète, que des juges en chef sortent de leur réserve de cette manière-là, c'est du jamais vu. Pourquoi seraient-ils sortis la semaine dernière s'ils étaient tout confiants que leur demande allait être acceptée?

M. Hicks (Ryan) : Do you think this goes far enough?

Mme Hivon : I think that it's a first step that is really needed, but, at this time, it's very hard to say if it goes far enough because we don't have a clear state of the situation. We've been asking since the beginning of last week, that was our first request to the Minister of Justice, to have all the data that is available to know exactly what is the situation right now as to the stay of proceedings, motions that have been put forward as to the lack of resources, and we still don't have that information.

M. Hicks (Ryan) : Do you get the impression that the Minister and Justice officials or the Minister and the political officials put this all together really last minute?

Mme Hivon : Yes. I really have a feeling that this government really worked on a last minute basis. It's symptomatic of this government. They work when a crisis appears, when something is finally of interest in the media and when the Opposition is really there to push and push. And we've seen this since last Monday, we started to be very, very concerned and asking her to do very specific things and we've been seeing, you know, every thing that was created afterward, the Chief Justice that came in the media.

So, it's really how this Government works, and it doesn't make any sense because, you know, a crisis of this importance that we're going trough, it's going to take months, it can take years to get beyond it. And, in the mean time, it's really the confidence of the people in their justice system that is really being damaged.

M. Hicks (Ryan) : When we ask the Minister about the sign that sent… the message that's sent to have all these judges coming out, she said : Well, they're independent, they are allowed to voice their opinion, that she's not going to judge those comments. But what kind of message did it send you to see these judges coming out when they don't, usually?

Mme Hivon : Like I said in the House last week, it showed that it is, like we've been saying, an unprecedented crisis, you know? You've never seen this, and it's normal. And why those judges? They have tables of discussion, you know. The Minister's always talking about her action plan and the Justice Table. So, they have this forum to be talking. How come they had the need to come out publicly if it was going so well privately, if their requests were heard, if they knew that something was coming?

You know, even last Friday, the Judge Fournier was meeting with the Minister and he said he had no idea what to expect, you know. It's really concerning to see a government in cases, in reality that is so important, that relates to justice… the basic, you know, core responsibility of a State of law being subjected to, you know, how far the opposition will be asking, how far we will go, how loud we will be putting pressure and how far the media will translate all that… So, it's really, really of great concern. And this government just can't keep going handling things like this.

Une voix : Merci.

Mme Hivon : Merci.

(Fin à 14 h 29)

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