(Quinze heures quarante-six minutes)
M. Cloutier : Je vous remercie
d'être présent aujourd'hui. Alors, on a un ministre de l'Éducation qui
visiblement est dépassé par les événements, une gestion à courte vue de la
crise du gonflement des résultats scolaires au Québec. Je veux quand même
rappeler que la première fois que je me suis levé à l'Assemblée nationale pour
interpeler le ministre sur la question de la manipulation des résultats
scolaires, sa réponse initiale, ça a été de nier le problème, de dire que ça
n'existait pas, que le ministère n'était pas impliqué et que, dans le fond,
s'il y en a qui soulevaient cet enjeu, de s'adresser directement au ministère.
Alors, le lendemain, le ministre a changé
son fusil d'épaule et a été obligé d'admettre que finalement, au sein de son
propre ministère, les résultats ministériels de 58 %, 59 % étaient
automatiquement modifiés à la hauteur de 60 %. Après, on est revenus à la
charge, on a à nouveau interpelé le ministre puis on lui a dit : Non, mais
la problématique ne concerne pas juste le ministère de l'Éducation. En fait,
elle est généralisée au sein des commissions scolaires, au sein des directions
d'établissement et visiblement, la problématique, elle est nettement plus large
et générale.
Alors, ce que nous avons réclamé, c'est de
donner la parole au réseau de l'éducation, aux enseignants, aux directions
d'école, aux élus scolaires, pour venir nous exprimer la problématique et l'ampleur
du problème au Québec, parce que, si on veut poser un diagnostic qui est clair
sur la réussite scolaire, encore faut-il avoir les bons résultats sur
l'évaluation de nos jeunes.
Or, ce que vient nous dire le ministre,
c'est que là, il dépose à l'Assemblée nationale des directives devant les élus
sans même nous dire quelle est l'ampleur du problème. Lorsqu'il vous a répondu
tout à l'heure : On a fait des évaluations... Ah bon! Lesquelles? Quels
sont les résultats de ces obligations... de ces évaluations, pardon? Combien de
jeunes sont impliqués dans un tel processus de manipulation des résultats
scolaires? Quels sont les impacts sur la réussite scolaire? Quels sont les
impacts sur les matières obligatoires pour l'obtention d'un diplôme? Et quelles
vérifications il a faites? Il a dit : Je suis en lien avec le réseau d'éducation.
Bien, c'est un peu normal pour le ministre de l'Éducation, mais quelles sont
les vérifications réelles? Il est resté sans réponse.
Alors, on a un portrait qui est faussé de
la réalité québécoise, et la seule façon de lever le voile sur ce portrait
faussé, c'est d'entendre le réseau et qu'on vienne nous dire et nous expliquer
quelle est la situation qui est vécue un peu partout sur le territoire
québécois.
Il y un journaliste qui a aussi posé la
question : Mais est-ce qu'il y a d'autres cas? Le ministre vous a répondu :
Non, il n'y a rien d'autre que ce que vous avez lu dans le journal. Bien, c'est
complètement faux. Vous avez juste besoin d'aller sur ma page Facebook là, je
pourrais vous en lire des dizaines et des dizaines de témoignages, et, si on
interpelait le milieu de l'éducation aujourd'hui pour continuer à nous partager
des témoignages, on en aurait d'autres.
Alors, ce que j'essaie de vous dire, c'est
que la seule façon d'avoir un portrait de la situation, bien, c'est d'entendre
le réseau puis qu'ensuite on pose un diagnostic et qu'on apporte des mesures.
Dans le fond, j'ai lu en détail les directives ministérielles. En gros, ce que
le ministre dit aujourd'hui, c'est : Respectez la loi. Bien, le premier
constat, c'est : Ah bon! elle n'était pas respectée? O.K. Puis maintenant,
combien de jeunes sont directement impliqués là-dedans? Voilà.
Mme Porter (Isabelle) :
...pour ce qui est... j'imagine que vous réclamez toujours une commission, là.
M. Cloutier : Absolument.
Mme Porter (Isabelle) : Bon,
mais on peut comprendre que ça serait un peu embêtant pour un professeur de
venir dénoncer son directeur devant les élus puis tout ça. Tu sais, c'est un
point qu'avait soulevé le ministre dans le passé. C'est vraiment le bon format
pour ça?
M. Cloutier : Bien, j'ai envie
de vous répondre simplement que, si les professeurs, avec leur nom véritable,
prennent la peine d'écrire des longs témoignages sur les médias sociaux, où ma
page, elle est publique et accessible à l'ensemble de la population québécoise,
j'imagine qu'ils pourraient également témoigner à nouveau et exprimer ce qu'ils
ont déjà exprimé sur les médias sociaux. Après, il y a une question d'agenda,
de disponibilité, mais on peut témoigner par commission... c'est-à-dire par
mémoire déposé.
Mais il faut donner la chance au milieu de
s'exprimer parce qu'à la question : Avez-vous fait des évaluations?, la
réponse, elle est restée évasive. On n'a aucune idée du cas réel, du nombre de
personnes réellement, du nombre de jeunes réellement impliqués. Puis je veux
quand même dire qu'il y a eu des sondages, là. La FAE a dit que 20 % des
enseignants avaient été impliqués dans un tel scénario. Ça commence à être du
monde. 20 % des profs, oui, O.K., mais combien d'élèves?
Alors ces questions-là doivent être
répondues, parce que, vous savez, vous n'êtes pas sans savoir que le taux de
diplomation au Québec est de loin inférieur à ce qui se fait autour de nous.
Alors, lorsque vient le temps de poser un diagnostic réel sur la réussite,
bien, il faut avoir un portrait qui est juste.
M. Bellerose (Patrick) : Comment
expliquez-vous que le ministre soit resté évasif sur les sanctions possibles à
la directive si elle n'est pas appliquée?
M. Cloutier : Aujourd'hui, il
a essayé de souffler le chaud et le froid. Il a dit : Bien, il y a un problème,
on va agir, mais, du même souffle, le problème n'est pas si grave, puis, dans
le fond, on ne connaît pas vraiment l'ampleur du problème. Alors, il y avait
une espèce de message contradictoire et, visiblement, il ne connaît pas la situation
réelle, les paramètres réels de la problématique sur le territoire québécois, et
c'est ce qu'on lui reproche.
Une voix
: …
M. Cloutier : Pardon?
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, vous dites, c'est une menace qui est vide ou qu'il n'y a pas de sanctions
qui vont venir derrière?
M. Cloutier : Bien, en fait, c'est
une opération politique d'image publique, mais ça n'aura pas la portée escomptée
dans la mesure où on ne connaît toujours pas l'ampleur du problème. On a plein
de témoignages, on en reçoit des dizaines, voire des centaines, en fait, mais c'est
au ministère de nous dire, en bout de course, le nombre réel.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
qu'en tenant compte de ces pratiques le taux de diplomation ou le taux de
qualification des élèves québécois est faussé, selon vous?
M. Cloutier : Bien, c'est
inévitable, je veux dire, dans la mesure où il y a des centaines de
témoignages, puis le ministre reconnaît qu'il doit émettre une directive, chose
qu'il ne fait pas sur une base régulière. Par définition, il y a des jeunes qui
ont vu leurs résultats augmentés, bonifiés, d'autres jeunes qui n'avaient pas
les acquis qui ont vu quand même progresser dans le cheminement scolaire. Alors,
c'est sûr que…
Maintenant, c'est l'ampleur du phénomène
qu'on doit savoir. C'est certain qu'il y a des jeunes où les résultats ont été
bonifiés à la hausse. Ceci étant dit, quel est l'impact réel sur la
diplomation, sur le taux de succès, etc.? C'est ça qu'on veut savoir.
Mme Porter (Isabelle) : Quel
genre de sanction devrait-on imposer, selon vous?
M. Cloutier : Bien, d'abord,
avant d'arriver avec les solutions, habituellement, on a un état, un portrait
de la situation, puis c'est ce qu'on réclame. Puis je veux quand même vous dire
que j'ai écrit à Mme Filomena Rotiroti, notre collègue de l'Assemblée
nationale, qui est présidente de la Commission de la culture et de l'éducation,
et puis la commission devrait se tenir probablement la semaine prochaine, et c'est
lors de cette commission-là que le gouvernement va nous répondre formellement
sur notre demande de commission pour entendre les intervenants du réseau du
milieu de l'éducation.
Puis je veux quand même vous rappeler
qu'on vient de le faire en commission parlementaire sur la pesée des jeunes. Ce
n'était pas prévu à l'agenda du gouvernement. Pourtant, ils ont accepté,
effectivement, d'avoir une journée, une commission où on a entendu la Coalition
Poids puis d'autres intervenants. Puis, en bout de course, la ministre de
l'Enseignement supérieur et le ministre de l'Éducation ont émis des directives
ou se sont ajustés quant à la pesée au cégep, dans les universitéspuis aussi au
primaire, secondaire.
Ce que j'essaie de vous dire, c'est que,
quand il y a une volonté gouvernementale d'entendre sur une problématique, ils
peuvent le faire, même si ce n'était pas prévu.
M. Bellerose (Patrick) :
Juste pour une précision. La commission parlementaire pourrait avoir lieu la
semaine prochaine ou c'est la décision de la tenir?
M. Cloutier : Bien, en fait, la
commission parlementaire va se pencher sur ma demande de commission pour
entendre la semaine prochaine.
Mme Porter (Isabelle) : Sur un
autre sujet, pouvez-vous nous parler de ce que vous pensez des 1 500
embauches qui ont été annoncées plus tôt aujourd'hui.
M. Cloutier : Bien, en fait,
oui, je peux vous en dire un mot. On est très sceptiques quant à la faisabilité
de la mesure pour septembre prochain. Ce n'est pas sans nous rappeler les
mesures budgétaires qui sont annoncées au mois d'octobre, novembre, puis quand
on arrive à la fin de l'année, en mars, là, ce qu'on réalise, c'est que les
sommes n'ont jamais été dépensées et qu'on n'a jamais été en mesure de
rencontrer les objectifs qui avaient été annoncés.
Alors, là aussi, on s'inquiète pour que ça
ne soit pas, en bout de course, qu'une simple mesure de relation de presse et
que les 1 500 embauches soient réelles et ne soient pas reportées à
l'année subséquente. Écoutez, on est à la veille de la planification des
effectifs pour la rentrée scolaire de septembre prochain. Force est de
constater que ça aurait déjà dû être lancé, mis en oeuvre, etc. Alors, bref, on
a de sérieux doutes quant à la faisabilité de la mise en oeuvre de la mesure.
Merci beaucoup.
(Fin à 15 h 55)