(Onze heures cinquante-quatre minutes)
Mme Weil
: Hier,
j'ai déposé en Chambre le projet de loi n° 188, qui vise à modifier la loi
électorale afin d'accorder au Directeur général des élections le mandat
d'examiner et d'évaluer les pratiques des partis politiques quant à la
collecte, à l'utilisation, à la communication, à la conservation et aux mesures
de sécurité prises à l'égard des renseignements personnels des électeurs. Ce projet
de loi fait suite à notre engagement en ce sens formulé en avril dernier, dans
la foulée de l'affaire Facebook-Cambridge Analytica.
Il y a quelques instants, j'ai déposé une
motion en Chambre invitant l'ensemble des parlementaires à s'engager à modifier
à Loi électorale afin de donner suite à la suggestion du Directeur général des
élections avant la fin de la présente session parlementaire. Cette motion a malheureusement
été refusée par la Coalition avenir Québec. Je suis évidemment déçue,
extrêmement déçue de la situation, perplexe, je vous dirais. Je tiens à citer,
d'ailleurs, le Directeur général des élections dans sa lettre du 5 avril
dernier envoyée à tous les chefs de partis, qui résume parfaitement l'enjeu
débattu aujourd'hui, et je le cite : «Au coeur de [nos] échanges devrait
se situer une seule [...] préoccupation : de protéger les renseignements personnels
des électrices et électeurs.» C'est la fin de la citation.
Le projet de loi n° 188 est un projet
de loi fort simple de quatre articles seulement qui octroie au Directeur
général des élections, un tiers indépendant, neutre et crédible, les pouvoirs
nécessaires à un examen et une évaluation des pratiques des partis politiques
au sujet des renseignements personnels des électeurs. Le Directeur général des
élections réaliserait son évaluation et son examen, déposerait un rapport à l'Assemblée
nationale d'ici le 1er octobre 2019 et formulerait des propositions
d'encadrement législatif qui seraient étudiées par les parlementaires. Il n'y a
rien de compliqué ici.
Il s'agit définitivement d'un projet de
loi qui peut être adopté cette session-ci si les oppositions y consentent, et
le Parti québécois y consent ainsi que Québec solidaire. Il faut se demander
pourquoi la Coalition avenir Québec refuse une prémisse toute simple, celle
d'un examen et d'une évaluation des pratiques des partis politiques par un
acteur neutre, crédible et indépendant afin que nous puissions collectivement
rassurer les électeurs sur l'usage que font les partis politiques des
renseignements personnels, et ce, évidemment, pour éventuellement adopter les
meilleures pratiques en la matière. Le Québec pourrait faire figure de proue en
la matière. Il y a peu de juridictions, actuellement, au Canada, qui auraient
des dispositions semblables, sauf la Colombie-Britannique.
En se privant de cette vérification, on se
prive aussi des recommandations du Directeur général des élections pour un
encadrement, éventuellement, un encadrement législatif sur cette question.
Je tiens à le réitérer, l'enjeu au coeur de
nos débats ici est la protection de la vie privée et donc des renseignements
personnels des électeurs. L'ensemble des partis s'est exprimé en faveur de la
demande du Directeur général des élections. J'invite la Coalition avenir Québec
à revoir leur position. Il reste du temps dans cette session parlementaire pour
adopter le projet de loi. Merci.
M. Bovet (Sébastien) : À
la question que vous posez à voix haute : Pourquoi la CAQ refuse-t-elle?,
qu'est-ce que vous répondez, vous?
Mme Weil
: Je ne
sais pas. Écoutez, il y a eu quelques rencontres qu'on a eues ensemble, c'est
un comité technique, et je pense qu'il faut leur poser la question. Moi, je ne
peux pas répondre.
M. Bovet (Sébastien) :
Ont-ils des choses à cacher?
Mme Weil
: Je ne
dirais jamais ça. Ce n'est pas à moi de dire pourquoi. Est-ce que c'est des
raisons techniques? Je pense qu'il faut savoir pourquoi — c'est à eux
de répondre — parce qu'il y a une volonté exprimée. D'ailleurs, la
motion a été présentée conjointement avec Gabriel Nadeau-Dubois, donc il y a cette
volonté d'aller de l'avant. Je pense que les autres parlementaires ont bien
compris que le fer est chaud, et, puisque la solution qu'on propose est simple
et rapide, ça nous permettrait de commencer le travail tout de suite, à un
moment très propice. Des élections qui se tiennent, c'est là que les partis
sont actifs à aller chercher des informations pour avoir une relation de
communication avec des électeurs. Donc, toute information... Le diagnostic que
veut faire le Directeur général des élections, c'est maintenant qu'il veut le
faire pour éventuellement, donc, nous faire des propositions pour soit un
encadrement législatif et d'autres mesures qu'il pourrait envisager.
M. Croteau (Martin) :
Comment qualifiez-vous la conduite de la CAQ?
Mme Weil
: Je ne
peux pas... Moi, je garde espoir, je garde espoir. J'ai toujours gardé espoir
dans ce dossier. Là, je vois qu'on a deux partis qui se rallient, c'est du
progrès, c'est intéressant, c'est important. Ce n'est pas du progrès, dans le
sens qu'ils ont refusé, mais on avance. On a un projet de loi sérieux, on a fait
un travail sérieux avec ce projet de loi.
C'est sûr qu'on a tenu compte des
préoccupations qui ont été exprimées dans un autre... pas ici, au Parlement,
directement, mais dans le cadre du Comité consultatif.
Alors donc, moi, j'étais convaincue que c'est
un projet de loi qui allait rallier rapidement tous les partis. Je continue à
vouloir travailler sur cette adhésion de tous. Donc, ils ont la fin de semaine,
et j'espère que, lundi, ils pourront revenir avec une adhésion à l'adoption
d'un projet de loi cette session.
M. Croteau (Martin) :
Mais les changements à la Loi électorale sont généralement, par tradition,
faits par consensus.
Mme Weil
: Oui, c'est
ça.
M. Croteau (Martin) :
Sachant qu'il y a quand même trois des quatre partis qui se montrent favorables
ou plutôt favorables, est-ce que vous excluez... ou est-ce que vous envisagez
de faire adopter ce projet de loi à la majorité simple?
Mme Weil
: Ce
serait un très mauvais précédent, selon moi. Je pense qu'il faut continuer à
travailler avec... Comme la carte électorale, certains, je pense... c'est même
la CAQ qui dit qu'ils iraient de l'avant sans le consentement du Parti libéral.
Moi, je pense que c'est un mauvais précédent. Je pense qu'il faut rallier les
parlementaires, surtout quand on parle des fondements mêmes de la démocratie.
Je pense que tous les députés sont capables de porter jugement, et c'est
vraiment les députés qui doivent prendre, comment dire, la mesure de
l'importance de ce qu'on propose, et c'est pour ça que je pense qu'il faut...
moi, pour moi, là, c'est de continuer. Lundi, on verra, on verra s'ils vont se
rallier, quelle est la raison pour laquelle ils ont refusé leur consentement
aujourd'hui.
M. Bovet (Sébastien) :
Mais, on s'entend, le projet de loi ne peut pas être adopté à moins qu'il y ait
unanimité.
Mme Weil
: Il y a
ça aussi, oui. Bien oui, c'est ça.
Mme Plante (Caroline) :
...de bâillon, c'est ce que vous dites, il n'y aurait pas de bâillon.
Mme Weil
: Non,
non, non. Oui, il y a cet enjeu, évidemment, mais je vous dirais, même si
c'était... le 15, le 17... Dans un cas comme ça, évidemment, c'est un peu plus
ou moins pertinent parce que, de toute façon, on cherche toujours le consensus.
Mais c'est vrai que c'est un élément technique, mais moi, je pense que ce n'est
pas un bon précédent, d'aller de l'avant sans le consentement de tous les
partis politiques.
Mme Plante (Caroline) :
Si le DGEQ ne peut pas commencer son étude pendant la compagne électorale...
Hier, vous mentionniez que c'était un bon temps, là, pour commencer l'étude,
une analyse de cet enjeu pendant la campagne électorale. Alors, s'il ne peut
pas la commencer, il se priverait de... d'information.
Mme Weil
: Oui,
bien, je pense que c'est les Québécois qui seraient très déçus. Tout le monde
serait très déçu. Les électeurs, c'est eux, à la base, électeurs et électrices,
qui sont... C'est leur intérêt qui est en jeu, la protection de leurs
renseignements. Donc, il y a eu... Et d'ailleurs ça continue, c'est un débat
qui continue un peu partout dans le monde actuellement. Il y a des juridictions
qui ont trouvé des solutions, d'autres, non, mais c'est un débat qui est
émergeant ici, au Canada. Et je pense que le Québec a souvent fait figure de
proue en toutes sortes de matières et je pense qu'on a la capacité de faire en
sorte qu'on soit des leaders en la matière pour rassurer les électeurs.
Mme Plante (Caroline) :
Vous semblez surprise, aujourd'hui, du refus de la CAQ de votre motion. Hier, vous
avez dit que vous étiez très confiante que le projet de loi puisse être adopté.
Avez-vous fait un mauvais calcul?
Mme Weil
: Non,
bien... Non, on ne peut jamais faire un calcul sur le consentement, on ne peut
pas faire de calcul. Mais on a quand même la plupart des parlementaires qui
sont d'accord, donc, le gouvernement et le parti de l'opposition, le Parti
québécois, c'est quand même important. On a vraiment l'adhésion de la majorité
des parlementaires. C'est pour ça que je dis : Attendons lundi, attendons
de voir les raisons qu'ils vont mettre de l'avant. Mais j'insisterais pour dire
que c'est maintenant qu'il faut agir.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Peut-être rapidement, qu'est-ce qui fait que vous avez inclus les municipalités
dans votre projet de loi?
Mme Weil
: Oui,
bien, comme vous avez vu, c'est au besoin, et une évaluation sera faite en
temps et lieu par le gouvernement. C'est garder cette porte ouverte.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Mais vous avez des demandes en ce sens ou c'est votre réflexion?
Mme Weil
: C'était
tout simplement parce qu'on ouvre cette partie de la loi et parce qu'il y aura
éventuellement des élections au palier municipal, mais au palier de l'éducation
aussi. C'était tout simplement pour se donner cette marge de manoeuvre. Merci.
(Fin à 12 h 3)