(Treize heures trente-deux minutes)
M. Arseneau : Alors, évidemment,
aujourd'hui, il y a la Vérificatrice générale qui a déposé son rapport dans
lequel elle parle de l'accès à un médecin de famille avec des chiffres qui, encore
une fois, nous surprennent et nous déçoivent. Donc, ce qu'on constate c'est que
la situation, plutôt que s'améliorer, elle se détériore. Au cours des trois
dernières années, les listes d'attente pour un médecin de famille... est passée
de 423 000 à 597 000 personnes. C'est une augmentation de
41 %. Et, lorsqu'on regarde les clientèles vulnérables, c'est encore pire,
l'augmentation est de 70 %, 72 %. Et donc c'est vraiment,
véritablement, inquiétant.
Ce qu'on dit essentiellement, c'est que non
seulement le nombre de personnes, des personnes humaines, là, des gens, le
nombre de citoyens qui sont en attente augmente, mais que les cibles que se
fixe le gouvernement lorsqu'il parle de pourcentage, bien, ce n'est pas un bon
indicateur pour savoir si les choses s'améliorent. Donc, les outils pour
vérifier la performance du système ne sont pas les bons selon la Vérificatrice
générale.
Il y a également les délais de prise en
charge qui augmentent. Ils ont doublé au cours de la même période, des trois
dernières années, si bien qu'en décembre dernier, décembre 2019, ils atteignent
près d'un an et demi, 477 jours d'attente. Et pour ce qui est des
personnes vulnérables — vulnérables — on parle de
367 jours d'attente, donc un peu plus d'une année. Et ça, ce qu'il faut
comprendre, c'est que l'objectif du ministère, c'est qu'on attende un maximum
de trois semaines pour les personnes vulnérables. Alors, évidemment, cette
situation-là, elle est inacceptable. En fait, c'est un constat d'échec,
lorsqu'on le regarde sur l'angle de l'engagement de la Coalition avenir Québec
qui promettait l'accès à un médecin de famille pour tous les Québécois, alors
qu'on attend si longtemps que les listes d'attente s'allongent. C'est donc une
situation qui s'empire.
Et non seulement la situation ne
s'améliore pas, mais on n'a aucune façon de vérifier si les sommes qui sont
investies — on parle d'un milliard de dollars, là, pour les trois
dernières années — vont aux bons endroits ou donnent de bons
résultats, parce qu'on n'a pas d'indicateur pour mesurer l'effet de ces
investissements-là. Essentiellement, on ne vérifie pas où va l'argent ou si cet
argent-là est bien investi. C'est une gestion de fonds publics qui est,
évidemment, déficiente.
Et nous, ce qu'on retient de ça, c'est
qu'il faut faire preuve de beaucoup plus de rigueur, lancer des messages au
système de santé de développer des outils qui nous permettent de mesurer les
progrès accomplis ou, du moins, les défis à relever. Et, de notre côté, ça
démontre aussi que le gouvernement, depuis deux ans, n'a pas mis en place les
mesures qu'il souhaitait mettre en oeuvre pour améliorer les choses.
On a parlé, par exemple, de la
rémunération des médecins. On attend encore un projet de loi ou une intention
gouvernementale à cet égard. Donc, on dit qu'on y travaille. On voulait aussi
décloisonner les professions, et c'est d'ailleurs ce qu'on propose, nous aussi.
Mais les résultats, à l'heure actuelle, sont pour le moins désastreux.
Donc, bien sûr, en terminant, on se dira
que des médecins qui prennent leur retraite accentuent le problème, mais est-ce
qu'on se questionne véritablement sur la capacité des médecins actuels de
prendre des médecins... davantage de patients, plutôt? Et, avec des mesures
incitatives, est-ce que ça fonctionne? D'autre part, il y a des gens qui
demandent aussi que les seuils d'admission dans les écoles de médecine soient
augmentés. Il y a toute la reconnaissance aussi, là, des compétences de
médecins et de gens qui viennent au pays, et qui viennent ici, au Québec, et
qui sont encore, là, en attente de voir leurs compétences reconnues.
Alors, voilà pour la déclaration initiale.
Si vous avez des questions, je suis prêt à y répondre.
J'aurais peut-être deux thèmes à aborder, rapidement,
parce que j'allais l'oublier. Il y a aussi une situation qu'on juge inquiétante
puis qu'on voulait mettre au jeu aujourd'hui, c'est qu'est-ce qui se passe dans
les soins préhospitaliers d'urgence juste ici, de l'autre côté du fleuve à
Lévis, alors que depuis quatre ans on sait qu'il y a un problème d'effectifs,
de sous-effectifs dans les ressources, dans les ambulances. Il manque une
ambulance huit heures par semaine pour avoir un service optimal.
Le gouvernement est bien au fait de la
situation, surtout qu'un rapport du coroner, qui a été déposé à la fin juillet,
indique que c'est justement le manque de ressources qui a essentiellement
provoqué les plus longs délais d'intervention dans le sauvetage, qu'on aurait
souhaité, de M. Hugo Saint-Onge, donc, qui était justement un ambulancier
et qui est décédé. Le rapport est déposé depuis plus de deux mois maintenant,
et le gouvernement n'a toujours pas agi. Et là on se lance la balle entre le
CISSS Chaudière-Appalaches qui n'aurait pas fait une demande d'ajout
d'effectifs depuis... avant le 31 juillet.
Puis au gouvernement on a commencé à
s'intéresser au dossier le 20 août dernier. Alors même qu'on étudiait les
crédits de la santé et on demandait au ministre de se prononcer sur la
question, il a déféré le dossier au rapport Doré, donc, un autre rapport.
Pourquoi attendre un autre rapport, alors qu'on a tout en main pour prendre une
décision spécifique à la région de Lévis? Ce matin, il y avait une lettre de
Dessercom, la compagnie qui offre le service dans la région, et plus d'une
centaine d'ambulanciers. Le gouvernement doit agir. Il doit agir avant qu'un
décès évitable survienne.
Et puis, en terminant, je voulais aussi
mentionner... C'est un tableau qui a été présenté à Radio-Canada tout à l'heure
et qui nous démontre encore que le gouvernement Legault ne sait plus quel
argument invoquer pour signaler que la performance du Québec, en ce qui a trait
à la deuxième vague, est satisfaisante. Il refuse de se comparer aux autres
provinces canadiennes, qui ont un bilan de loin plus avantageux que le nôtre, et
là il réfère à toute une série d'États des États-Unis qui auraient une moins
bonne performance que nous.
Et, selon les informations de
Radio-Canada, eh bien, même là, l'information du gouvernement est erronée. Il
n'y a que l'État de l'Illinois qui a une meilleure performance... ou une pire
performance, pardon, que le Québec. Sinon, que l'on parle du Michigan, du
Massachusetts, du New Jersey, de l'État de New York ou encore, évidemment, de l'Ontario,
partout le bilan est meilleur.
Qu'a fait le gouvernement pendant l'été
pour se préparer à la deuxième vague? Et, lorsqu'il nous refuse l'information
sur les projections, sur les avis et ainsi de suite, le gouvernement, s'il ne
suscite pas l'adhésion, c'est parce que son information est incomplète ou
erronée. Et ça, c'est extrêmement décevant.
Mme Crête (Mylène) :
Je voulais savoir : Est-ce que vous considérez que les montants qui ont
été donnés aux médecins pour prendre en charge des patients ont été vains?
M. Arseneau : Absolument. Les
résultats sont évidents, sont noir sur blanc dans le rapport, un rapport, tu
sais, c'est difficile d'entrer dans le fin détail, qui nous dit qu'en 2015 déjà
on a identifié des lacunes dans le calcul de l'assiduité des médecins. Alors, aujourd'hui,
le ministère, dit-on dans le rapport, a des calculs d'assiduité qui pourraient
nous permettre de dire si le nombre d'heures travaillées correspond à
l'augmentation, par exemple, des allocations et si la prise en charge est
effective d'un plus grand nombre de patients. Mais on dit dans le
rapport : Les outils qu'utilise le ministère sont incomplets ou ne sont
pas valides, donc on ne se prononcera pas là-dessus.
Donc, comment savoir si cet argent-là est
bien investi, si on n'a pas les indicateurs pour le démontrer, pour le mesurer?
Et, quand on sait que non seulement ce rapport-ci, le rapport d'aujourd'hui,
nous dit qu'il y a des problèmes, mais qu'il réfère à un rapport de 2015 qui
démontrait déjà qu'il y avait un problème, visiblement le gouvernement fait la
sourde oreille au Vérificateur général, et ça, c'est extrêmement malheureux.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que vous pensez qu'on aurait eu le même résultat sans donner ce type de
prime là?
M. Arseneau : Bien, on peut se
demander, évidemment, ce que ça aurait changé si on avait moins investi d'argent
dans des incitatifs alors que la situation est déjà catastrophique, donc s'est
détériorée. Si on avait mis moins d'argent, est-ce qu'on peut imaginer que la situation
serait encore pire aujourd'hui? Ce n'est pas ce que dit le rapport. Donc,
évidemment, c'est de l'administration fiction.
Sauf que ce qu'on dit, c'est qu'on a
dépensé de l'argent et, plutôt qu'améliorer la situation, on a vu les choses se
détériorer. Et surtout le gouvernement l'a investi en pure perte, sans
savoir... sans exercer un suivi de ces investissements. Alors, à ce moment-là,
c'est une gestion catastrophique des fonds publics. C'est un gaspillage,
essentiellement, de fonds publics, si on met de l'argent sur un poste pour
améliorer les choses et qu'on n'a pas moyen de vérifier les résultats.
Mais, quand les résultats nous arrivent de
la part du Vérificateur général, avec des outils différents de ceux qu'utilise
le gouvernement, je parle ici de la prise en charge, le taux de prise en
charge, là... L'objectif, vous le savez, là, il a été reporté de trois ans, le
85 % de la population qui serait prise en charge par un médecin, on a
reporté les échéances. Mais, on nous dit : Même si on les atteignait, ces
chiffres-là, ce n'est pas le bon indicateur. Alors, on fait fausse route sur
toute la ligne. Ça prend donc un sérieux examen de conscience de la part, là,
du ministère, de ses administrateurs, et ça passe par, je dirais, une directive
claire de la part du ministre qu'il faut que les choses s'améliorent, et que
les choses changent, et que l'administration soit faite de façon rigoureuse.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que le gouvernement devrait rendre l'adhésion à Rendez-vous santé Québec
obligatoire pour les médecins de famille?
M. Arseneau : L'adhésion
obligatoire? Vous parlez du guichet...
Mme Crête (Mylène) :
C'est la prise de rendez-vous, là, le site Web du gouvernement qui permet de
prendre un rendez-vous avec son médecin de famille. Dans le rapport de la VG,
c'est indiqué que ça pourrait être un indicateur pertinent, là, sauf qu'il y a
seulement 6 % des rendez-vous qui sont pris par...
M. Arseneau : Oui. Bien, je
veux savoir, est-ce que vous proposez... ou vous dites : Est-ce que ça
devrait être obligatoire... pour les patients ou pour les médecins?
Mme Crête (Mylène) :
Pour les médecins omnipraticiens. Parce que la fédération ne voulait pas que ça
soit obligatoire, mais est-ce que ça devrait être le cas?
M. Arseneau : Bien, je pense
que le gouvernement doit effectivement trouver des moyens qui lui permettent de
vérifier si les actions qu'il pose sont bénéfiques, et à cet égard je suis
effectivement d'avis que le gouvernement doit se donner des outils qui lui
permettent de mesurer les gains.
Et là, effectivement, il y a une
résistance du côté des médecins, mais, jusqu'à preuve du contraire, ils sont
engagés par le service public. Le payeur, c'est toujours le gouvernement, à
même les fonds publics fournis par les contribuables. Et je pense qu'on peut
dicter un certain nombre de règles plus prescriptives pour s'assurer que le
médecin, même s'il garde son autonomie professionnelle, doive rendre des comptes,
là. On est rendus là.
Mme Crête (Mylène) :
Bien, dans votre réponse, je ne comprends pas : Est-ce que ça devrait être
obligatoire, pour les médecins de famille, d'adhérer à Rendez-vous santé
Québec?
M. Arseneau : Bien, moi, je
pense que le gouvernement doit se donner les moyens, là, de ses objectifs.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que ça, c'est le moyen?
M. Arseneau : Est-ce que c'est
la panacée? Est-ce que c'est le seul moyen? Moi, je pense que c'est une suggestion
et c'est un moyen qui doit être retenu. Est-ce qu'il doit être rendu
obligatoire ou y aller de façon plus graduelle? Honnêtement, je n'ai pas fait
l'étude de ce dossier-là de façon approfondie, mais je pense que le
gouvernement doit certainement explorer la question et voir si, en le rendant
obligatoire, on peut atteindre nos objectifs. Mais moi, je souscrirais à cette
proposition-là.
M. Verville
(Jean-Vincent) : Jean-Vincent Verville, Global
News. Just a general comment on the Auditor General
report.
M. Arseneau : Well, the Auditor General announces today or reveals today that the
situation is getting worse, in
terms of the number of Quebeckers who have access to a doctor, which is obviously sad news when you
consider that the new Government was promising that all Quebeckers would have access to a doctor. Now, we see that the lists are
getting longer and longer and the time before you get to be signed up on a
doctor's list is also increasing, the time… So, we're now a year and a half
further from being taken care of, so it is definitely a failure.
And, moreover, the Government has invested a lot of money into
several measures, to increase the results, and the Government has no means of verifying if it works. We know now, we know, the
numbers prove that it doesn't work, but we have no indicators as to whether
this money was entirely a waste or if some of the measures worked.
M. Verville
(Jean-Vincent) : But what are the solutions? You
said that in 2015 the Auditor General said the same thing. What are your
solution or the solution... there's no one solution, but the solution that you
think will work? And who's responsible? The doctor, the politician, both of
them?
M. Arseneau : It's a large question. Some of the solutions we have is opening up the system in terms of
increasing the responsibilities of other people, other than doctors. If doctors
retire and we don't have enough doctors to take care of all the Quebeckers, we should admit it, not promise
that every single Quebecker
will have a doctor, but say: OK, maybe you don't need
to see a doctor every single time that you feel a pain, but you could be seen,
for example, by a nurse, you know, the special nurses. We have a new bill that
will be coming into effect and increasing their responsibilities.
But there are other
professions, too, that we should put to contribution or to help contribute to
alleviate the weight that is put on doctors' shoulders. For example, we've been
talking about allowing psychologists to write
diagnoses. Now, they can only assess the situation, but we still have to go through a doctor to really make diagnoses.
And the Government is hesitant
in allowing psychologists to treat, you know, a certain proportion of people
who would not need to see a doctor, but are obliged to go through. So, there
are different professions that
could be opened up to take the best… to make the best of their competence or
their… yes, their talent.
M. Verville
(Jean-Vincent) : Are we giving too much money to
the doctors? We're not getting what we're expecting. I mean, it's just normal
that every Quebecker would have
a doctor, and it's not the case, and we're giving more money, more money every
year.
M. Arseneau : Yes. Are we giving doctors too much money? I can't say. Are we
getting our money's worth? What the report says is: Definitely not. We've
invested millions of dollars, over the past three years, and the results are
just not there. And one of the problems, that is written in this report, is
that we don't measure whether the money is put towards the right solutions or
the right measures. So, we're basically wasting our money. So, giving more
money to the doctors, in this particular case, didn't give access to more Quebeckers… access to a doctor to more Quebeckers. So, obviously, we've wasted
money there.
M. Verville
(Jean-Vincent) : Thank you.
M. Arseneau : Thank you very much. Merci beaucoup.
(Fin à 13 h 50)