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Version finale

25th Legislature, 2nd Session
(November 13, 1957 au February 21, 1958)

Monday, February 17, 1958

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du lundi 17 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Loi de l’impôt sur le revenu

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le gouvernement apportera, avant la deuxième lecture, un léger amendement au texte de l’article 3 de la loi 42, qui amende celle de l'impôt sur le revenu1.

Le gouvernement fédéral a récemment porté de 10 % à 13 % la part de l’impôt personnel fédéral que pouvaient recevoir les provinces. Dans le Québec, où le gouvernement provincial perçoit son propre impôt depuis 1954, les contribuables déduisent 10 % de leur impôt fédéral, pour fins provinciales.

L’impôt provincial équivaut à environ 15 % de l’impôt fédéral. Avec la hausse du montant déductible pour 1958, les Québécois pourront déduire 13 % de leur impôt fédéral.

La province de Québec doit profiter du fait que le gouvernement fédéral abandonne 3 % de son impôt sur le revenu, pour exercer son droit de taxation dans ce domaine. Personne ne songera sûrement à la blâmer d’occuper cette partie du champ d’imposition. Il serait inconcevable qu’elle ne le fasse pas.

En vertu de la loi, aucun contribuable du Québec ne paiera, pour 1958, un sou de plus qu’il ne paye maintenant sur son impôt total. Je puis même affirmer que, même avec cette nouvelle loi, aucun contribuable canadien ne paiera moins d’impôt sur le revenu que les contribuables du Québec. Ceux-ci, dans bien des cas, paieront en effet moins que les autres.

Quoi qu’il en soit, la nouvelle loi provinciale contiendra des bases d’exemption plus généreuses et signifiera une réduction des versements d’impôt au fédéral et au provincial. Il ne faut pas oublier que le 3 % ou le 1.5 % seront calculés sur l'impôt fédéral tel que diminué, par suite de ces exemptions nouvelles.

Allocations aux mères nécessiteuses

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 50 concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants.

Il s'agit, affirme-t-il, d'une loi bienfaisante de l'Union nationale pour augmenter de nouveau les allocations accordées aux mères nécessiteuses et à leurs enfants, en amendant de nouveau la loi portant sur ces allocations.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Commissions scolaires au Lac-Saint-Jean

M. Ducharme (Laviolette) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 97 modifiant la loi concernant les commissions scolaires de Saint-Joseph-d’Alma, de Naudville, de Riverbend et d’Isle-Maligne.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il s'agit d'un projet de loi au sujet d'une situation scolaire particulière. À Saint-Joseph d'Alma, la population comprend de nombreux employés de deux grandes compagnies, Price Brothers et l'Aluminium Company of Canada.

Il y a quelques années, le Parlement a légiféré pour imposer une taxe spéciale payable par Price Brothers et l'Aluminium Co., pour contribuer aux dépenses de la Commission scolaire de Saint-Joseph d’Alma, parce que les employés de ces compagnies demeuraient en grande majorité dans cette ville du lac Saint-Jean, cependant que les propriétés de l’Alcan et de Price se trouvaient à Riverbend et à l’Isle-Maligne.

La loi va expirer en juillet; on veut prolonger son application tout en changeant les pourcentages payables par les compagnies, afin de tenir compte de l'augmentation de valeur des propriétés de l'Aluminium. L'Aluminium paiera désormais 64 %, au lieu de 58 %, et Price 36 %, au lieu de 40 %.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Allocations aux mères nécessiteuses

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre, à sa prochaine séance, se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 50 concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants.

Adopté.

Commémoration de la fondation de Québec

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 41 autorisant la contribution de la province à la célébration du 350e anniversaire de la fondation de Québec.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Bertrand (Missisquoi)

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose: 1. Que le lieutenant-gouverneur en conseil sera autorisé à contribuer financièrement, de la manière et aux conditions qu'il déterminera et jusqu'à concurrence d'une somme de cent mille dollars, aux fêtes et aux cérémonies qui auront lieu à Québec en 1958 à l'occasion de la célébration du trois cent cinquantième anniversaire de la fondation de Québec.

Adopté.

2. Que, en outre, le lieutenant-gouverneur en conseil, à l'occasion de ce mémorable anniversaire, pourra affecter une somme additionnelle n'excédant pas cinquante mille dollars pour faire sculpter, et installer dans des niches encore inutilisées des murs extérieurs du parlement provincial, des statues de personnages qui ont illustré l'histoire canadienne.

Adopté.

3. Que les dépenses occasionnées par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions seront payées à même le fonds consolidé du revenu.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues et agréées.

Il est ordonné que ces résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d’étudier le bill 41 autorisant la contribution de la province à la célébration du 350e anniversaire de la fondation de Québec.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 41 autorisant la contribution de la province à la célébration du 350e anniversaire de la fondation de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

La ville de Québec, dit-il, célébrera cette année un événement de la plus haute importance, le 350e anniversaire de sa fondation par Samuel de Champlain. Cette célébration que l’on prépare est nécessaire à bien des points de vue, notamment pour manifester la gratitude de ceux qui bénéficient largement du travail et du dévouement de nos aïeux, en particulier Champlain. Il est bon de nous rappeler souvent que, si nous sommes quelque chose aujourd'hui, nous le devons aux sacrifices, au sens de responsabilité personnelle de ces aïeux qui savaient placer les valeurs spirituelles au-dessus des valeurs matérielles.

Il y a une catégorie de gens qui disent: "Il ne faut pas regarder en arrière, il faut toujours regarder en avant...", comme s’il était permis à des hommes de cœur d'oublier l'œuvre bâtie solidement par leurs devanciers pour le bénéfice de la génération présente et des générations futures.

C'est pourquoi nous avons décidé de mettre d'abord de côté une somme de $100,000 pour les célébrations du 350e anniversaire, somme qui servira aux organisateurs, et de consacrer une somme additionnelle de $50,000 pour placer des statues dans les niches vides de la façade du parlement.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Les célébrations ne doivent pas être uniquement l'occasion de faire des discours de la Saint-Jean-Baptiste. On a souvent parlé du miracle de la survivance française. Ce n'est pas un miracle dont il s'agit, mais le résultat de luttes homériques très longues et très dures livrées par nos ancêtres lointains et ceux qui les ont suivis, luttes qui ont eu d'abord un caractère guerrier, puis un caractère parlementaire.

Je ne puis penser à tout ce qui s'est dit sur l'épopée d'autres rameaux de l'arbre français, qu’on a souvent vantée, par exemple sur l'épopée de l'Alsace-Lorraine, sans faire la réflexion que la lutte ici a été encore bien plus héroïque. Nous avons le droit de le proclamer hautement, sans tomber dans le lyrisme de ce que j'ai appelé tout à l'heure des discours de Saint-Jean-Baptiste.

Avec la somme indiquée dans le projet de loi, je crois que nous pourrons faire suffisamment de bruit afin d’être entendu outre-mer, pour qu’on en sache davantage sur nous et notre histoire, et n’être pas toujours obligé de rappeler à la mère patrie l'épopée canadienne-française.

Il convient donc que le gouvernement vienne en aide financièrement aux organisateurs de ces fêtes pour assurer à celles-ci une ampleur convenable. Je suis très heureux de voter en faveur du projet de loi.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le colonel Gilbert2 a suggéré, avec raison, que le 350e anniversaire soit une occasion de compléter la collection de statues qui décorent la façade du parlement. En France, on érige des monuments pour rappeler des pages d'histoire; or, ici au Québec, il y a eu des personnages héroïques qui ont joué un rôle considérable; leurs noms sont gravés sur la façade du parlement devant des niches vides. En mettant des statues dans les niches qui n'en ont pas, on participera de façon efficace aux fêtes du 350e anniversaire, puisqu’on honorera la mémoire de héros qui ont contribué à l'édification de la patrie canadienne-française.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 41 sans l’amender.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Vente des terres publiques et droits de surface

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 47 concernant la vente des terres publiques et droits de surface soit maintenant lu une deuxième fois.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): En 1940, le gouvernement Godbout a acheté, pour la province, le domaine du baron Empain, l'Esterel, à Sainte-Marguerite, au nord de Montréal. L'achat fut fait par arrêté ministériel autorisant la signature d'un acte de vente notarié.

Des avocats ont émis des doutes sur la validité du procédé. Ils ont cru que les titres n’étaient peut-être pas suffisamment clairs en ayant procédé de cette façon.

Pour éviter tout doute, la présente loi est présentée à la Chambre disant que cette transaction de vente de terres publiques et de droits de surface peut être faite aussi bien par acte notarié que par lettres patentes. Cette loi a un effet rétroactif au 1er janvier 1940, afin de couvrir le cas du domaine de l’Esterel.

Adopté, après division. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 47 sans l’amender.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Société des Salésiens du Québec

M. Gérin (Stanstead) propose que le bill 128 constituant en corporation la Société des Salésiens du Québec ayant pour but la propagation d’œuvres religieuses, les droits ordinaires et additionnels que les promoteurs de ce bill ont payés, ou qui sont encore dus, leur soient remboursés, après déduction de tous frais d’impression et de traduction.

Adopté.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

 

En comité:

Présidence de M. Bertrand (Missisquoi)3

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas trois cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Chemins de mines (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas douze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Dépenses diverses et imprévues (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): De quelle façon le premier ministre interprète-t-il l'article 11d de la loi 10 George VI4, 1946, chapitre 42, qui se lit comme suit, relativement à la révision de la rente annuelle (de la Hollinger North Shore Exploration Company qui exploite des gisements miniers dans le Nouveau-Québec): "Tous les dix ans, à compter du 1er juillet 1958, la rente annuelle pourra être révisée par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre des Mines."

On peut se poser la question, en lisant la loi, de savoir si ce texte veut dire que la rente annuelle sera révisée cette année, à partir du 1er juillet 1958, ou seulement dans 10 ans, à compter du 1er juillet de l'année courante. Le gouvernement du Québec révisera-t-il bientôt les clauses financières de l’entente?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La loi originale a été adoptée en 1946, alors que M. Godbout était chef de l'opposition et qu'il y avait des représentants du Bloc populaire en Chambre. C'était une loi claire, basée sur le fait qu'elle permettait le développement d'une immense région de 311,000 milles carrés que l'on désignait, jusqu'à là, sous le nom de "Terre de Caïn". Pour assurer le développement de cette région, la compagnie devait construire un chemin de fer de 360 milles de longueur, de Sept-Îles à Knob Lake, devenu par la suite Schefferville en l'honneur du vicaire apostolique du golfe Saint-Laurent.

Dans le temps, l'opposition a combattu la loi. Pas une seule loi n'a force, si elle n'est pas approuvée par le Conseil législatif. Or, cette loi a été soumise au Conseil législatif alors composé de 20 libéraux et de quatre représentants de l'Union nationale. Si le Parti libéral avait réellement été opposé à cette loi, sa majorité au Conseil législatif l'aurait tuée.

Au contraire, le Conseil législatif, à majorité libérale, a approuvé à la fois le principe et les grandes lignes de cette loi. Bien plus, c'est le leader libéral au Conseil législatif, l'honorable Hector Laferté, qui a proposé l'amendement sur lequel le chef de l'opposition demande maintenant des éclaircissements, amendement par lequel le lieutenant-gouverneur en conseil était autorisé, tous les 10 ans, à compter du 1er juillet 1958, sur la recommandation du ministre des Mines, à réviser la rente annuelle imposée à la compagnie par la loi originale. La majorité libérale au Conseil législatif a adopté l'amendement qui fut ensuite accepté unanimement par l'Assemblée législative, y compris les libéraux et les membres du Bloc populaire. Et la loi a été sanctionnée et les travaux ont été commencés.

Mais, au lieu de coûter $125,000,000 tel que prévu, la construction du chemin de fer et autres installations ont nécessité un déboursé du double, soit $250,000,000. Si la compagnie avait connu le coût à l’avance, il n’y aurait pas eu de développement. Par la suite, des élections générales ont eu lieu en 1948, en 1952 et en 1956, avec le résultat que l'on sait.

En résumé, il s'agit d'un amendement proposé par l'honorable Hector Laferté qui manifestait une grande confiance dans le gouvernement de l'Union nationale, à qui il rendait un magnifique témoignage, puisqu'il confiait au lieutenant-gouverneur en conseil le soin de réviser la rente annuelle tous les 10 ans.

Maintenant, le chef de l'opposition veut savoir si cet amendement signifie que la rente sera révisée cette année ou seulement dans 10 ans? Ce n’est pas moi qui ai rédigé l’amendement. Je ne veux pas faire de déclaration définitive. Tout ce que je sais, c’est que l’amendement dit: "Tous les dix ans, à compter du 1er juillet 1958." Le texte m’en paraît tout à fait clair. À mon avis, la date à partir de laquelle on peut calculer ces périodes de 10 ans, c’est clairement le 1er juillet 1958 et la révision ne pourra se faire que dans 10 ans. À tout événement, nous avons obtenu déjà de nombreux avantages pour la province. Quoi qu'il arrive, la Chambre et la province peuvent être certaines que nous continuerons à travailler pour en obtenir de nouveaux.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Si j’ai bien compris le premier ministre, ceci signifie que le gouvernement n'entend pas toucher au 1er juillet de cette année à ce que la loi appelle la "rente annuelle"?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je n’ai pas dit ça. J'ai dit que je serais obligé de prendre la loi telle qu'elle est. D’ailleurs, le chef de l'opposition oublie que la rente annuelle de $100,000 ne représente qu'une fraction des avantages que la province tire de l’exploitation de ce minerai de fer par la compagnie Iron Ore. Ainsi, la compagnie est assujettie à l'impôt provincial de 9 % sur les profits, ce qui rapporte au moins $1,000,000 par année à la province. Il faut compter aussi la recherche minière, les investissements nombreux, le chemin de fer de 360 milles construit en entier aux frais de la compagnie sur un terrain marécageux et montagneux. Il n'a pas coûté un seul sou à la province.

Il ne s'est pas bâti un seul chemin de fer au Canada, sans que le pays ou la province ne donne des octrois sous forme de pouvoirs d'eau ou de concessions forestières. Dans le cas de l'Ungava, tous les risques ont été assumés par la compagnie. Il a fallu tout transporter en avion, tout jusqu'à la dernière lisse d'acier. Récemment, la compagnie Javelin a obtenu du gouvernement de Terre-Neuve une garantie de $1,500,000 du mille pour la construction d'un chemin de fer de 16 milles de longueur. Imagine-t-on ce que cela aurait représenté pour une province un chemin de fer de 360 milles de longueur?

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je suis d'avis que la rente annuelle devrait et pourrait être révisée dès cette année.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne me suis pas prononcé là-dessus.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Lors de la discussion de la loi, en 1946, si l’adoption de l’amendement a été unanime, c’est que l'opposition avait dit: "Mieux vaut un petit pain que pas de pain du tout". Il semble qu'à l'époque, tout le monde avait compris que la révision de la rente pourrait se faire pour la première fois en juillet 1958. Si tel n'est pas le cas, je considère que les conditions qu'on a faites à la province dans l'Ungava sont encore plus mauvaises.

Le premier ministre, en réponse à des motions inscrites par moi au Feuilleton de la Chambre, a dit qu'aucun document n'avait été échangé entre l'Iron Ore et le gouvernement provincial relativement à la révision de cette rente annuelle?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le sous-ministre des Mines, M. Dufresne, me dit qu'il n'a reçu aucun document à ce sujet. Quant à moi, je n'en ai pas reçu non plus.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Le minerai de fer touche au problème général de l'utilisation de nos ressources naturelles. Si on parle surtout du fer, c'est qu'il occupe une place à nulle autre pareille dans le monde actuellement.

Pour avoir parlé de ces questions il y a quelques années à Victoriaville, je m'étais fait dire que je ferais un nouvel Iran avec la province de Québec. Et pourtant, je n’avais fait que citer un éditorialiste du Montréal-Matin, M. Roger Duhamel, qui avait écrit que l'Angleterre ne doit pas croire que les richesses naturelles d'un pays doivent indéfiniment bénéficier à une puissance étrangère, même sous le couvert d'une grande œuvre civilisatrice à accomplir5.

À la même époque, le grand écrivain français André Siegfried6 publiait son volume Canada, puissance internationale, dans lequel il s'effraie de voir le Canada laisser partir ses richesses naturelles vers d'autres pays à l'état brut. Inutile d'insister sur le fait que l'exportation de richesses naturelles à l'état brut n'a jamais enrichi un pays.

Nous avons du minerai de fer, où va-t-il? Il cite un article publié dans Le Soleil. Actuellement, dit-il, notre minerai de fer alimente les grandes aciéries américaines. Non seulement nous exportons la majeure partie de notre minerai canadien, mais nous l'exportons au point d'être obligés d'en importer pour nos propres aciéries, c’est-à-dire pour les aciéries qui existent dans d’autres endroits du Canada.

Il cite un article de L'actualité économique7: "Nous utilisons seulement 10 % de notre minerai de fer. Le reste est exporté pour les trois quarts aux États-Unis et pour un quart vers les pays de l'Ouest et au Japon. Le Canada est devenu le deuxième plus grand exportateur de minerai de fer au monde."

Nos aciéries tirent leur minerai de fer partiellement de leurs propres mines, 10 %, achètent 16 % de leurs approvisionnements au Canada, 68 % aux États-Unis et 2 % ailleurs. Il est étrange que le minerai de fer du Québec alimente l’industrie de l’acier américaine quand les aciéries de Dosco et d’Algoma doivent importer leur propre minerai respectivement du Brésil, du Libéria et des États-Unis.

Voilà une situation bien curieuse, d'autant plus que nous avons ici l’une des plus grosses réserves de fer au monde et qu'on nous répète que nous n'avons pas de place pour une industrie sidérurgique, alors que nous allons chercher notre fer ailleurs.

Les réserves de Mesabi aux États-Unis sont à peu près épuisées. Au point que vers la fin de la guerre, les Américains se demandaient comment ils pourraient continuer leur effort si le conflit se prolongeait encore deux ou trois ans. Ils ont alors envoyé des émissaires partout dans le monde, aux endroits où l'on espérait trouver du minerai de fer, notamment au Nouveau-Québec et au Venezuela.

Quand la loi de 1946 a été passée, il y avait déjà bien longtemps qu'on parlait au Canada de la canalisation du Saint-Laurent; mais toujours le projet s'était heurté à une opposition systématique des Américains. Quand il fut découvert qu'on avait besoin du minerai de fer du Nouveau-Québec, l'opposition des Américains à la canalisation du Saint-Laurent a subitement cessé. C'est qu'il devenait vital pour eux de pouvoir s'approvisionner en minerai de fer sur le continent même. C'était pour eux une question de vie ou de mort.

C’est pourquoi au Venezuela, qui se trouve pourtant à des milliers de milles de distance des États-Unis, les intérêts américains ont investi des montants encore plus considérables qu'au Nouveau-Québec. Il a fallu creuser un fleuve sur une distance considérable. Tout cela parce qu'il fallait absolument trouver du fer.

Le minerai de Mesabi a rapporté des sommes énormes à l'État du Minnesota, aux villes et à toute la population de la région concernée. Au Venezuela, on a dépensé aussi des centaines de millions pour des travaux d'équipement, des développements urbains, des hôpitaux, des centres communautaires.

Et notre minerai de fer à nous, que nous a-t-il rapporté? Le premier ministre parlait tout à l'heure d'un chemin de fer. Or, ce chemin de fer n'appartient pas à la province, mais à la compagnie; tandis que les travaux de canalisation faits au Venezuela restent la propriété de l'État. Où en sommes-nous, au moment où nous croyons que nous sommes en droit de faire la révision de la rente annuelle? Pourquoi continuerions-nous à donner notre minerai de fer pour une somme insignifiante?

D'après le rapport du ministère des Mines, on en est rendu à tirer plus de 13,000,000 de tonnes de minerai par année du Nouveau-Québec. Le Devoir a calculé qu'en additionnant toutes les taxes possibles payées par l'Iron Ore, toutes les contributions et tous les cadeaux, le Québec retire seulement environ 30 cents de taxes et de droits de chaque tonne de minerai extraite, alors que c’est entre $1.00 et $1.25 la tonne qu'on retire aux États-Unis. On agrandit les aciéries des États-Unis pour des sommes se situant entre $150,000,000 et $800,000,000, mais il y a peu d’indices d’une volonté de construire des aciéries au Québec.

D'après une nouvelle parue dans les journaux du 29 septembre 1953, l'Iron Ore aurait payé $1,000,000 pour un gisement découvert un peu par hasard au nord de Havre-Saint-Pierre par le capitaine Paul Lapointe et son copilote. C’est plus que ce que retirait à ce moment-là le gouvernement de Québec pour les gisements de l'Ungava.

Ce problème me paraît extrêmement grave, car l'exploitation à l'état brut des richesses naturelles n'a jamais enrichi aucun pays, d'après M. André Siegfried. Au contraire, dès qu'un pays décide d'ouvrer chez lui les ressources naturelles, c'est tout de suite une rapide ascension vers le progrès.

Depuis plusieurs années, nous souffrons d'une pénurie d'acier au Canada. De grands travaux publics ont dû être retardés à cause d'une pénurie d'acier. Le gouvernement de Québec lui-même souffre de cette pénurie. Les chambres de commerce reviennent constamment à la charge pour réclamer l'établissement chez nous d'une industrie sidérurgique. Je serais prêt, pour ma part, à oublier les conditions faites à l'Iron Ore si, au moins, notre minerai servait à alimenter d'abord une industrie de l'acier chez nous, le surplus seulement étant expédié à l'étranger, afin que le minerai de fer brut du Québec ne nous passe pas sous le nez pour alimenter les aciéries des États-Unis.

La compagnie Iron Ore, qui extrait de notre sol des milliers de tonnes de riche minerai de fer, devrait construire une fonderie ici. Nos propres industries de l’acier investissent un montant de $500,000,000 dans un programme de développement. Le marché serait assez vaste pour absorber l’acier fourni par une nouvelle usine. La chose est possible, puisque des pays économiquement plus faibles que le nôtre, comme l'Espagne, sont en voie de se donner des industries sidérurgiques. Des ingénieurs français en ont établi une en Amérique du Sud. Il est fortement question que la Colombie-Britannique ait bientôt la sienne. Et nous, qui possédons en quantité illimitée du minerai d'une teneur incomparable, nous n’avons encore rien. Serons-nous les seuls à ne pas avoir d’aciéries?

Le Parti conservateur fédéral s'est déjà prononcé dans le même sens que l'opposition québécoise sur cette question. M. Drew8 a préconisé l'utilisation sur place de nos ressources naturelles et M. Balcer9 a même enchéri en proclamant que notre pays ne devait pas devenir une autre "république de bananes".

Le premier ministre dit qu'il y a déjà eu des élections là-dessus. Mais il y a tellement de problèmes complexes dans une élection qu'on ne peut jamais dire exactement sur quoi la population a voté. On ne s'entend pas sur les raisons qui ont amené le renversement du gouvernement libéral à Ottawa. Il nous faut une industrie sidérurgique dans le Québec et toutes les élections au monde ne pourront jamais me faire changer d'avis sur ce sujet.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La Chambre constatera que nous avons accordé beaucoup de latitude au chef de l'opposition, pour discuter une question qui n'était pas susceptible d'être soulevée à ce stade de la procédure parlementaire. Je crois que le chef de l'opposition est de bonne foi et qu'il exprime des opinions dans lesquelles il a foi. Je crois aussi qu'il a le droit de se tromper, étant donné "qu'errare humanum est".

Cette question a provoqué diverses attitudes chez les adversaires du gouvernement. Ceux qui ont mené une campagne contre les clauses du contrat entre la compagnie Iron Ore du Canada et le gouvernement ont été aveuglés par la rage, l’envie et une partisanerie politique aveugle. À l’époque de l’entente conclue entre le Québec et la compagnie Iron Ore, cette dernière aurait tout aussi bien pu aller à Terre-Neuve, où il existe une grosse réserve de bon minerai de fer disponible.

Dans son discours, le chef de l'opposition a sacrifié la logique, le bon sens, et démontré qu'il n'avait pas une connaissance exacte de la situation. Le présent gouvernement a toujours été et est encore en faveur de la mise en valeur et de l’utilisation de nos ressources naturelles dans la province de Québec, partout où c’est possible. La politique adoptée jusqu'ici par l’Union nationale le prouve abondamment. C'est ainsi que le gouvernement actuel a exigé que le bois de nos forêts soit ouvré dans la province de Québec.

Dans le cas de l’Ungava, le gouvernement a obligé la compagnie Iron Ore à fournir la quantité de minerai de fer nécessaire à toute industrie qui viendrait s’établir dans le Québec.

C’est d’abord le cas de la Quebec Titanium, dont l’entreprise se trouve au lac Allard, à quelques milles de Havre Saint-Pierre, sur la Côte-Nord, où l’on a repéré environ 76,000,000 de tonnes de fer titane. Il s'est fait là un vaste développement qui donne de l'ouvrage à des centaines d'ouvriers canadiens qui, auparavant, comptaient sur la pêche pour vivre. Le minerai extrait au lac Allard est envoyé à Sorel pour y subir plusieurs transformations, afin de servir à la fabrication de divers produits. De là, il est dirigé vers une nouvelle usine, à Varennes, pour une deuxième transformation. Il sert à la fabrication d'une peinture blanche de haute teneur, ainsi qu'à la fabrication d'un acier très résistant et presque aussi léger que l'aluminium. C'est l'Union nationale qui a fait cela. Quand une chose a du bon sens, nous la faisons.

Dans une région boisée de la Gaspésie, on a repéré des gisements de cuivre à Murdochville. La Gaspe Copper Mines y exploite une mine de quelque 75,000,000 de tonnes. Là aussi d'immenses développements ont été faits. Une nouvelle ville a surgi dans une région inhabitée. Le minerai de cuivre est d'abord traité à Murdochville pour le débarrasser de la pierre. Une deuxième opération a pour but de le faire fondre. Le produit ainsi obtenu est alors envoyé à Montréal-Est où on le transforme en cuivre. Enfin, dans une autre usine, on fabrique du fil de cuivre. L'Union nationale s'est rendue compte que pareils développements avaient du bon sens et les a réalisés.

À Asbestos, une compagnie extrait l'amiante du sol. Au cours d'une deuxième opération, le produit extrait du sol est traité pour donner la fibre d'amiante. Dans une troisième usine, cette fibre est transformée en divers produits, tels que bandes de freins, bardeaux de toiture, matériel pour revêtement de tuyaux conducteurs de chaleur. La compagnie utilise même les déchets de bois qui, alliés à l’amiante, forment une excellente planche murale. Et tout cela donne du travail à des milliers d'ouvriers. De plus, nous avons réussi à faire utiliser le bois de déchets que l'on emploie, avec l'amiante, pour faire un produit à l'épreuve du feu.

Ce qui prouve que, lorsque la chose a du bon sens et est logique, nous avons chez nous nos usines de transformation.

Dans son discours, le chef de l'opposition a répété ce qu'il a déjà dit, mais il a oublié des choses importantes. Il a oublié de nous parler des déclarations de l’ex-chef, grand chef du Parti libéral, M. Saint-Laurent. Comme il était le chef du parti, il était supposé être d'une intelligence supérieure. Et le 26 février 1951, M. Saint-Laurent déclarait, sur le parquet de la Chambre des communes, que certains de ses amis avaient reproché à l'administration provinciale l’accord qu'elle avait conclu pour la mise en valeur des ressources de l'Ungava. "Pour ma part, ajoutait-il, je crois qu'il faut plutôt la féliciter de ce marché. Je suis convaincu que l’administration provinciale a conclu des ententes qui marqueront le début de l’exploitation des richesses minières de cette région"10.

M. Saint-Laurent est retourné dans l'Ungava quelques années plus tard, en 1955. À son retour, il a fait une nouvelle déclaration. Son impression a alors été qu'il s'agissait d'un développement colossal et merveilleux, qu’il s’agissait de l’une des plus grandes choses qui soient arrivées au Québec, l’une des plus grandes entreprises de l’univers, et qu’elle contribuerait à la paix du monde. Va-t-on reprocher à l'Union nationale d'avoir assuré un développement qui contribue à la paix du monde?

L’opposition devrait regarder au-delà du montant payé par la compagnie pour son bail et examiner ce que l’exploitation en Ungava signifie pour l’économie de toute la province. En 1946, il n’existait pas beaucoup d’installations dans l'Ungava à l’époque où l’entente a été conclue. Une compagnie vient nous voir et nous lui avons accordé un permis d’exploration que sur un territoire de 300 milles carrés, soit une fraction du territoire de 311,000 milles carrés de l’Ungava. Cette compagnie a dépensé $150,000,00011 pour construire un chemin de fer, $280,000,000 pour ses autres installations12, sans que la province n'ait fourni un sou. Et l'on dit que cela n'est rien.

En vertu de la loi des mines, la compagnie est assujettie au paiement de droits qui vont de 4 % à 7 %. Cette taxe rapporte plus de $3,000,000. La compagnie paie un intérêt de 9 % sur les profits, sans compter la rente, les droits de recherches, et autres déboursés de toutes sortes. Il faut être juste. Si le chef de l'opposition étudiait le problème sans parti pris, il constaterait que le dépôt minier est situé sur la frontière de Terre-Neuve et que cette frontière n'a jamais été délimitée. Et quand on parle d’un volume global de tonnes, il faut comprendre qu’il s’agit de ce qui a été repéré dans les deux provinces.

Sur son territoire de 300 milles carrés, la compagnie a employé 6,900 personnes pendant la construction, 4,000 hommes de façon saisonnière et 2,850 à l'année longue. Elle a payé $103,000,000 en salaires et en gages. Parmi ses employés se trouvent bon nombre de jeunes Canadiens français qui occupent des positions clés. En trois ans, elle a acheté pour $64,000,000 de matériaux et de marchandises dans la province. Elle a construit 115 maisons à Sept-Îles à ses propres frais, et dépense $1,000,000 pour aider les ouvriers à devenir propriétaires de leur propre maison au moyen de prêts à un taux d’intérêt de 1 %. À Schefferville, elle a construit 465 maisons, aménagé un système d’égouts et d’aqueduc. Elle a construit des écoles et une église. Elle a payé $1,120,000 en taxes sur l’essence, $1,052,000 en taxe de vente13, $903,000 en taxes municipales.

Et l'on dit que ce n'est rien tout cela? La compagnie a construit un hôpital à Sept-Îles entièrement à ses frais et a contribué pour un montant de $150,000 à un autre hôpital. Elle a dépensé $500,000 pour un centre civique pour les ouvriers. C'est par millions qu'elle a dépensé de l'argent dans la province. Soyons donc sérieux.

Le chef de l'opposition prétend que nous devrions obliger la compagnie à construire une usine sidérurgique. La construction d’une usine sidérurgique sur les rives du fleuve Saint-Laurent est peu réaliste présentement. C’est bien beau de parler de la construction d’une usine sidérurgique. Le chef de l’opposition dit que cela peut se faire pour une somme de $16,000,000. Les spécialistes évaluent à environ $200,000,000 le montant minimum requis pour la construction d’une usine sidérurgique.

Si le gouvernement du Québec essayait d’obliger l’Iron Ore à construire aujourd’hui une fonderie au Québec, une des deux choses suivantes arriverait. La compagnie, considérant que la province a brisé les clauses de son contrat, pourrait accuser le gouvernement de manquer à sa parole. Elle fermerait et abandonnerait toutes ses installations. Et ceci aurait des conséquences désastreuses pour toute l’économie du Québec.

Ou, si la fonderie était construite, qu'arriverait-il? Il faut alors trouver un marché pour l’acier. Ce marché n’existe certainement pas au Canada, et quelle garantie avons-nous que nous pourrons expédier l’acier aux États-Unis? Ils s'empresseraient de mettre une barrière tarifaire sur l’acier canadien et pourraient refuser de l’acheter. D'ailleurs, le marché canadien ne justifie pas présentement la construction d'une usine sidérurgique. Le bon sens nous dit qu'il n'y a pas du fer uniquement dans la province de Québec. On en trouve dans toutes les parties du monde. Il y en a des quantités considérables au Brésil, au Venezuela et à Terre-Neuve, et on peut obtenir là les réserves nécessaires.

Nos exportations du minerai aux États-Unis contribuent à stabiliser la monnaie canadienne et l’économie du pays tout entier en contribuant à équilibrer la valeur de nos exportations et la valeur des marchandises américaines importées dans notre pays.

Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux et nous voulons plus. Nous sommes pour l'utilisation la plus complète possible de nos ressources, mais qu'on ouvre les yeux et qu'on ne nie pas les faits. Le problème le plus important est celui d’avoir un marché intérieur suffisamment développé.

L’établissement de cette entreprise et les développements de Schefferville sont une des grandes œuvres de l'Union nationale. Nous avons la conviction d’avoir fait tout notre devoir, d’avoir conclu un marché qui apporte à la province des avantages énormes, qui contribue à assurer de l’emploi permanent à des milliers de personnes et à stabiliser la monnaie canadienne. En un mot, nous avons fait un marché de prévoyance, de patriotisme, d'efficacité et d'avantages exceptionnels.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): J’ai parlé, au début de mes remarques, de la rente annuelle de la province provenant de l'exploitation minière. Comme cette rente doit être révisée cette année, le gouvernement devrait prendre des dispositions pour que le minerai de fer rapporte le plus possible.

Le premier ministre a parlé de balance commerciale. Que dit-il du retour du fer en acier qui se trouve à débalancer cette balance commerciale? En Colombie-Britannique, on construira une industrie sidérurgique d'abord. Le marché intérieur est suffisant.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce n'est pas fait. On va attendre.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Jamais le chef libéral national n'a approuvé les modalités de la transaction conclue par la province avec l’Iron Ore. M. Saint-Laurent a peut-être approuvé le principe de l’exploitation de la mine par un étranger, comme tout le monde l’a fait, mais il n’a certainement pas jugé les conditions selon lesquelles cela devait se faire. Tout le monde est en faveur de l’exploitation de nos ressources naturelles. Le seul désaccord réside dans les conditions de cette exploitation. Il est nécessaire de répéter ces choses.

On a pris pour acquis que la révision des conditions de location s’effectuerait en 1958. Quoi qu’en pense le gouvernement, nous pourrions obtenir bien davantage de notre minerai de fer. Ces conditions sont pires que j’avais pensé qu’elles l’étaient. Il viendra un moment où de gens viendront se vanter d'avoir établi une industrie sidérurgique dans la province de Québec.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 3. Qu'un crédit n'excédant pas deux millions de dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Construction de chemins de mines, ponts, etc. (Mines), pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce): Est-ce qu’une partie de cette somme sera consacrée à la région de Chibougamau?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je crois qu’il y a certains faits qu’il ne faut pas passer sous silence quand on parle de la région de Chibougamau, qui existe depuis que la province existe. Cette région, avant l'Union nationale, était improductive. Des pionniers courageux avaient réussi, de peine et de misère, à s’y rendre pour se livrer à la prospection, mais elle s'y faisait dans des conditions impossibles.

Il n’y avait aucune route. On savait depuis longtemps qu’il y avait d’importantes richesses dans la région de Chibougamau, mais aucune compagnie de chemin de fer ne voulait faire le nécessaire pour rendre ces richesses accessibles. Une sorte de conspiration existait entre les deux compagnies de chemins de fer intéressées pour déprécier la région et la Consolidated Smelter avait même publié un rapport disant qu'il n'y avait rien là-bas. Cette propagande, en s’ajoutant à la difficulté de pénétration dans Chibougamau faute de routes, a fait que la région est restée inexploitée.

Pendant que l'honorable Onésime Gagnon était ministre des Mines, vers 1937, des ingénieurs et des prospecteurs l’ont saisi du problème qu’offrait alors Chibougamau. Ils lui ont demandé d’ouvrir un chemin vers cette région, en disant qu’ils étaient convaincus qu’elle recelait des richesses minières immenses.

Or, M. Gagnon, dans un moment d’inspiration géniale, a décidé de faire aménager une route d’hiver au coût de $150,00014. Cette initiative a permis, pendant quatre mois de l’année, de transporter à Chibougamau la machinerie lourde nécessaire aux travaux d’exploration et de faire une étude approfondie des gisements miniers.

On en est venu à la conclusion par la suite qu’il y avait là, hors de tout doute, de très riches gisements miniers. Le fait est que Chibougamau est, aujourd’hui, l’une des régions minières les plus importantes de la province.

C’est alors que M. Gagnon a décidé de faire construire une véritable route, qui va de Saint-Félicien à Chibougamau, au coût de $4,000,000 à $5,000,000, sur une distance de 150 milles. Ce fut pour cette région nouvelle le signal d’un essor. Depuis ce temps, la région n’a cessé de se développer et compte maintenant plusieurs entreprises minières et des villes bien organisées. Cette route a ouvert à la province un nouvel empire minier et les développements miniers n’y font que commencer.

En outre, Saint-Félicien a bénéficié de la construction de la route en voyant son importance économique s’accroître constamment. Elle se développe à vue d’œil.

Il était donc juste de rendre ici un témoignage d’appréciation et de gratitude à l’honorable Onésime Gagnon, l’initiateur de cette œuvre, l’artisan principal de ce développement merveilleux. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de donner à la route de Chibougamau le nom de "boulevard Onésime-Gagnon".

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 4. Qu'un crédit n'excédant pas un million huit cent cinquante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service civil (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) s’informe de la santé du ministre du Travail (l’honorable M. Barrette) que l'on n'a pas vu en Chambre depuis le début de l'année.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le ministre va bien maintenant. L'effort qu'il a fourni et le dévouement qu'il a déployé n'ont pas été de nature à raffermir son état de santé. Il m'a demandé de défendre ses crédits à sa place, et je lui ai répondu que ça me faisait plaisir de le faire.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Ça fait toujours plaisir au premier ministre de prendre la place d'un de ses ministres.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Est-ce que le chef de l'opposition voudrait prendre ma place?

M. Lapalme (Montréal-Outremont) pose une question sur le nombre d’employés au ministère du Travail.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le ministère compte 1,639 employés, y compris ceux de la Commission du travail15.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 5. Qu'un crédit n'excédant pas cinq cent trente mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de voyage (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

6. Qu'un crédit n'excédant pas cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de bureau (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

À 6 heures, le comité suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 heures16

En comité:

Présidence de M. Bertrand (Missisquoi)

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 7. Qu'un crédit n'excédant pas quinze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Conseil supérieur du travail (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Les agissements de cet organisme n'ont pas beaucoup de répercussions et son activité ne semble pas très grande depuis plusieurs années. Le Conseil doit jouer un rôle effectif dans la réalité encore plus que dans la coulisse. Il me semble que ses suggestions concernant l'étude de la législation devraient être au moins suivies.

Nous ne savons pas ce que le Conseil suggère au point de vue politique du travail. Nous voudrions qu'il soit un organisme qui ait plus d'influence sur la question de la législation. Le Conseil devrait s’intéresser au moins à l’étude de la législation ouvrière. Il pourrait exercer une influence très salutaire sur cette législation. Je me demande si je vais obtenir du premier ministre une profession de foi concernant le Conseil supérieur du travail...

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le Conseil a déjà rendu des services, mais je crois qu'il ne peut pas rendre tous les services qu'on est en droit d'attendre de lui à l’heure actuelle, parce que certains de ses membres sont trop cantonnés dans leurs opinions respectives. Le comité des relations industrielles peut rendre plus de services.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Il pourrait jouer un rôle, mais il ne se réunit qu'une fois par année pour changer la loi. Nous recevons chaque année des mémoires des mouvements syndicaux, industriels et autres. Les députés pourraient apporter leur petite part à la législation. Le Conseil supérieur est un organisme permanent: c'est un grand corps silencieux dans le domaine du travail. Mais j'attends toujours la profession de foi du premier ministre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le Conseil est toujours utile. Il nous indique l'endroit où nous ne devons et où ne pouvons pas aller.

M. Hamel (Saint-Maurice): Quand le Conseil a-t-il siégé pour la dernière fois?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): En 1954.

M. Hamel (Saint-Maurice): Quels en sont les membres?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il n'y en a pas.

M. Hamel (Saint-Maurice): Des problèmes sérieux se posent en matière de travail. Il est difficile d'en arriver à une entente dans les moments de conflits. J'ai demandé, en 1952, que l'on établisse un comité de relations industrielles. Il y en a eu un. Il a siégé deux ou trois fois. On a fait venir les représentants de la classe ouvrière et on a demandé d'augmenter les taux de la Commission des accidents du travail. On n'a pas étudié sérieusement. Le comité des relations industrielles devrait se réunir au moins tous les ans. Je suis convaincu que, lorsqu'il n'y a pas de conflit immédiat, il y a moyen de discuter avec beaucoup plus de sérénité.

Quand le rapport du Conseil supérieur du travail sortira-t-il? Il ne doit tout de même pas être assez mauvais pour le mettre à l'index.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Pas à l'index... aux oubliettes!

M. Hamel (Saint-Maurice): N'y a-t-il pas moyen d'en avoir une copie?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les réunions du comité des relations industrielles sont très utiles. Il y en a eu échange de vues. Je suis convaincu que ce comité pourrait rendre plus de services que le Conseil supérieur du travail. Mais lorsqu'il y a des conflits devant les tribunaux, on ne peut pas les discuter. Quant au rapport, il s'agit d'un rapport au sujet de Code du travail et je suis convaincu que le député de Saint-Maurice en a eu un.

M. Hamel (Saint-Maurice): Non!

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): En a-t-il eu des extraits?

M. Hamel (Saint-Maurice): Je réponds que non!

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pourquoi les ouvriers ne vous en ont-ils pas donné?

M. Hamel (Saint-Maurice): Parce que c'est un rapport public.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est ce que je voulais faire dire au député.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Quand nous avons discuté de ces choses en Chambre, le ministre du Travail (l’honorable M. Barrette) était convaincu qu'on avait ces rapports. Nous n'avons jamais su ni vu la portée du rapport sur le Code du travail.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je vais consulter le ministre du Travail et je vous donnerai la réponse.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): On m'a dit que c'était un rapport confidentiel. Mais je me demande toujours si le premier ministre va faire sa profession de foi au sujet du Conseil supérieur du travail.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est l'intention du gouvernement de réformer dès cette année les cadres du Conseil.

M. Hamel (Saint-Maurice): Est-ce que l'ancien conseil boude?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Non, des membres seulement, et je ne sais pas s'ils boudent encore.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Il y en a qui ont boudé?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): D'après la rumeur, oui. Nous attendons des suggestions. Nous n'avons pas encore eu de représentations de la part des organisations ouvrières.

M. Hamel (Saint-Maurice) Est-ce que le ministre du Travail les a consultées17?

M. Parent (Hull): Combien y a-t-il de membres au Conseil supérieur du travail?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y en a 24.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 8. Qu'un crédit n'excédant pas cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Relations patronales ouvrières (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): En août dernier, des journaux canadiens annonçaient que, sur recommandation du ministre du Travail, le Conseil des ministres avait adopté un arrêté en conseil abolissant le décret de convention collective accordé aux chauffeurs de taxi à Montréal. On y disait que le décret avait été obtenu sous de fausses représentations.

Pourquoi le gouvernement a permis la création d’un comité paritaire du taxi, puis est revenu sur sa décision?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): En vertu de la loi, la convention collective est accordée lorsque, dans l’opinion du ministre, il y a prépondérance des requérants. Mais on ne s’entend pas toujours sur le sens de ce mot. Il y en a qui prétendent que c’est la majorité des organismes, d’autres que c’est la majorité des intéressés, et d’autres, enfin, que c’est question d’intérêt public.

Dans le cas des chauffeurs de taxi, on a présenté au ministre du Travail des documents permettant de croire et même aboutissant à la conclusion que la majorité des chauffeurs étaient en faveur de la convention collective et voulaient un décret. La convention a été accordée et un comité-paritaire a été formé.

Après l’adoption du décret, les intéressés se sont réveillés en se rendant compte des sommes qu’il leur faudrait débourser annuellement. On nous a fait remarquer que la majorité sur laquelle on avait basé la requête était fictive, et c’est alors que le ministre du Travail a chargé son sous-ministre adjoint, Me Donat Quimper, un homme désintéressé, de procéder à une enquête qui a permis de constater qu’en fait, c’est une minorité qui voulait imposer ses vues à la majorité. M. Quimper s’est prononcé contre la requête. Dans ces conditions, le décret de la convention collective a été rescindé.

Les conventions collectives coûtent quelque $2,500,000 par année aux employeurs et employés.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Le premier ministre a employé l’expression "sous de fausses représentations". Cela signifie qu’il s’est passé des choses graves. À l’époque, j’ai interrogé les chauffeurs de taxi, et je me suis aperçu qu’il y avait de l’embrouillement. Des actes de vandalisme ont été commis et des attaques contre les personnes ont eu lieu. Cela prouve que ces fausses représentations étaient des choses graves.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les représentations étaient fausses parce qu’on nous a dit que les requérants étaient la majorité. L’enquête a prouvé le contraire.

M. Hamel (Saint-Maurice): Qui a présenté la requête?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) ne répond pas.

M. Parent (Hull): Est-ce que ce ne serait pas un nommé Fournier, le frère de l’autre18?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ils étaient plusieurs.

M. Hamel (Saint-Maurice): Est-ce le Fournier de la Canada Food?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Connais pas.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 9. Qu'un crédit n'excédant pas trois cent cinquante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Aide à l'apprentissage (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

10.   Qu'un crédit n'excédant pas cent vingt-cinq mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Contribution à la construction des centres d'apprentissage des métiers du bâtiment (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

11.   Qu'un crédit n'excédant pas quinze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Subventions (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Couturier (Rivière-du-Loup): Depuis quelque temps, la Commission des accidents du travail tarde à répondre aux demandes.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il ne faut pas oublier que la Commission a quelque 100,000 cas à examiner tous les ans. De plus, elle doit s'occuper de la rééducation des accidentés. Les indemnités ont été considérablement augmentées. Le salaire de base a été porté à $4,000, et l'indemnité à 75 %. Les veuves reçoivent plus. Et l'on a accru l'aide pour le paiement des frais funéraires. De plus, le gouvernement actuel a rendu aux accidentés le droit de choisir leur médecin. Je promets au député de Rivière-du-Loup de faire part de sa remarque au président de la Commission, le juge Joachim Grenier.

M. Couturier (Rivière-du-Loup) cite le cas d'un ouvrier qui a attendu cinq semaines pour se faire opérer d'une hernie, parce que la Commission ne répondait pas. Il parle des difficultés rencontrées par les ouvriers blessés au chantier et soignés par des infirmiers dans des camps quand, par la suite, dit-il, ils veulent obtenir l'aide de la Commission... Il faudrait aussi différents barèmes pour les cas d'incapacité partielle temporaire; le cas d'un manœuvre n'est pas le même que celui d'un employé de magasin ou de banque. Enfin, certains manœuvres ne recevraient pas l'attention qu'il faudrait pour leur réadaptation; la Commission devrait s'attacher davantage au travail fait par le patient.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Un certificat émis par un infirmier n'a pas la même valeur qu'un certificat de médecin. L'accidenté reçoit une indemnité du fait de l'accident, qu'il y ait faute ou pas faute, à moins qu'il ne s'agisse d'une faute grave. La Commission verse $7,000,000 d'indemnités par année.

M. Hamel (Saint-Maurice) cite le cas d'un ouvrier qui, affirme-t-il, souffrirait d'une incapacité temporaire de 50 % mais qui, à cause de cette incapacité, ne pourrait pas trouver de travail. Il faudrait que cet accidenté soit dédommagé à 100 % et non pas seulement à 50 %.

Il demande que le rapport des médecins, sur lequel les commissaires se basent pour prendre une décision, ne soit pas confidentiel pour le principal intéressé, c'est-à-dire l'accidenté. La façon dont on procède actuellement, déclare-t-il, est contraire à nos principes de justice, en vertu desquels il est nécessaire d'entendre l'autre partie. En fait, actuellement, c'est la même personne qui paie, qui juge, qui dédommage. Ce sont des questions comme celle-là qui devraient être examinées par le comité des relations ouvrières.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La Commission ne paie pas avec son argent, mais avec l'argent prélevé sur un fonds collectif. Ce sont des experts, des médecins expérimentés comme le Dr Bellemare, spécialistes des maladies industrielles, qui décident. Les rapports des médecins sont en général confidentiels.

La Commission a été fondée pour mettre fin à des enquêtes et à des procès; il ne faut pas remplacer ces derniers par d'autres.

Les députés engagent un débat sur la difficulté de juger certains cas, par exemple, la question des hernies.

M. Couturier (Rivière-du-Loup): Il devrait être obligatoire pour un employeur de faire examiner par un médecin l'employé qu'il embauche; cela aplanirait par la suite bien des difficultés.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 12. Qu'un crédit n'excédant pas trente mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service de recherches (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est l'intention du ministre du Travail (l’honorable M. Barrette) de recourir aux services d’économistes de l'extérieur pour leur confier certaines études. Le gouvernement n'ira toutefois pas les chercher aux sciences sociales de Laval. Ceux dont il retiendra les services recevront une rémunération fixe pour un travail donné.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Malgré le montant minime qui apparaît au budget, ce service devrait devenir l'un des plus importants du ministère.

Il regrette toutefois l'allusion du premier ministre à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. D'où sortent généralement les économistes, dit-il, si ce n'est de nos universités?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous voulons des gens qui, à la théorie, joignent un sens pratique et humanitaire.

Ces experts pourront renseigner le gouvernement sur l'exactitude des dires, tant des syndicats ouvriers que des patrons, à propos de tel ou tel problème donné.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Dans les relations ouvrières-patronales, on devrait attacher beaucoup plus d’importance à l’aspect humanitaire qu’à l’aspect juridique.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le côté juridique est aussi important. La loi protège la propriété, le public et même les conventions collectives.

Le premier ministre et le chef de l’opposition discutent sur le genre d'études qui pourraient être confiées à ces économistes et sur la valeur que l'on pourrait attribuer à ces études.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) demande une enquête sur le chômage.

Une telle enquête ferait ressortir les conditions économiques et sociologiques qui prévalent à certains endroits, tels que les villes minières, dont certaines sont considérées comme "fermées".

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chômage qui sévit actuellement fait à mon avis partie d’un processus de réajustement, rendu nécessaire par les erreurs de la part des employeurs et des employés.

Les profits comme les salaires doivent être raisonnables, mais il est impossible d’augmenter les salaires et de réduire la production, tout en espérant que nos produits seront concurrentiels sur les marchés mondiaux.

Le chômage actuel est empiré par les déclarations pessimistes de ceux qui voient tout en noir et minent, par conséquent, la confiance et la foi nécessaires pour vaincre la récession.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): De toute façon, les travaux de ces gens pourraient sûrement être utiles pour guider le ministre du Travail (l’honorable M. Barrette) et le gouvernement, dans la législation ouvrière qu'il a à soumettre aux Chambres.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 13. Qu'un crédit n'excédant pas six mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Dépenses diverses et imprévues (Travail)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières)19: Les ouvriers ne manquent pas de privilèges, puisqu’ils peuvent s’unir pour fixer leurs salaires. La loi fédérale défend aux manufacturiers de s’unir pour fixer des prix, alors que les ouvriers réunis en syndicat peuvent même prendre le vote de grève. Il s’agit là d’un autre privilège.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Les barbiers peuvent eux aussi s’unir pour fixer le prix d’une coupe de cheveux. Ce que je trouve extraordinaire, c’est que je paie le même prix que le premier ministre20!

La résolution est adoptée21.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Ajournement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre s’ajourne maintenant.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. L’article 3, révèle Le Nouvelliste du 18 février 1958, à la page 1, prévoyait, dans la première version du projet de loi, que le contribuable, dont l’impôt provincial excédait 10 % mais ne dépassait pas 13 % de l’impôt fédéral sur le revenu, devait remettre à la province une somme équivalente entre son impôt calculé et le montant correspondant à 13 % de l’impôt fédéral. Dans l’amendement proposé par le premier ministre, le 13 % est remplacé par 11 %. La première moitié du 3 % sera par conséquent remboursable au gouvernement provincial pour la catégorie de contribuables concernée par cet article.

2. Le lieutenant-colonel Oscar Gilbert est membre du comité organisateur des fêtes de commémoration. M. Gilbert, ancien organisateur d’Ernest Lapointe, ministre de la Justice dans le cabinet du premier ministre libéral King (1935-1941), occupe également le fauteuil de président des quotidiens Le Soleil et L’Événement.

3. Les sources ne confirment pas la présence de M. Bertrand comme président du comité des subsides, mais nous supposons qu’il remplit ce rôle puisqu’il préside tous les autres comités pléniers de la séance.

4. Le chef de l’opposition fait référence à la loi pour faciliter le développement minier et industriel dans le Nouveau-Québec, sanctionnée le 17 avril 1946.

5. À l’été 1951, le chef de l’opposition réagissait en effet à Victoriaville à l’éditorial intitulé "Les puits iraniens", publié dans l’édition du 21 juin 1951 du Montréal-Matin.

6. Économiste, géographe et historien, membre de l’Académie française et commandeur de la Légion d’honneur, M. Siegfried a notamment, au cours de sa carrière, occupé des fonctions au sein de la Société des Nations, l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies, fondée officiellement le 26 juin 1945.

7. Il s’agit d’un texte de Jacques Parizeau intitulé "Commerce du minerai de fer et sidérurgie au Canada" (XXXIIIe année, 3 (octobre-décembre 1957), pages 501-514).

8. Chef du Parti conservateur du Canada, de 1948 à 1956.

9. Député conservateur de Trois-Rivières et Solliciteur général, à cette époque, dans le cabinet du gouvernement Diefenbaker.

10. Cette déclaration de M. Saint-Laurent, note Georges-Émile Lapalme dans le tome 2 de ses Mémoires, "fut, sur le plan purement politique, l’événement le plus désespérant de ma carrière comme chef de parti". Insistant sur l’importance de la bataille menée par son parti contre les accords conclus par l’Union nationale avec l’Hollinger North Shore Exploration Company, M. Lapalme raconte en quelques pages cet épisode qui, parce qu’il survint presque un mois jour pour jour après l’effondrement du pont Duplessis à Trois-Rivières, constitua une "bouée de sauvetage" inespérée pour le gouvernement de l’Union nationale. Voir Georges-Émile Lapalme, Mémoires (T. 2: Le vent de l’oubli), Ottawa, Léméac, 1970, pages 84-94. (Coll. Vies et mémoires).

11. Le Montréal-Matin du 18 février 1958, à la page 19, avance plutôt le chiffre de $140,000,000. L’Événement du 18 février 1958, à la page 14, soumet un chiffre identique à celui du Soleil, notre source.

12. The Quebec Chronicle Telegraph du 18 février 1958, à la page 3, affirme que ce montant a été versé en taxe sur le capital. Le même jour, Le Soleil, à la page 11, et L’Action catholique, à la page 15, écrivent plutôt qu’il a servi pour "autres dépenses", tandis que L’Événement, à la page 14, attribue également l’utilisation du montant de $280,000,000 au financement des autres installations de la compagnie.

13. Le 18 février, le Montréal-Matin, à la page 19, et The Quebec Chronicle Telegraph, à la page 3, font état d’un montant de $1,022,000. L’Action catholique, à la page 15, La Presse, à la page 10, et L’Événement, à la page 14, proposent une version semblable à celle du Soleil, notre source.

14. Le Montréal-Matin du 18 février 1958, à la page 4, mentionne des coûts de construction de $250,000. Le Temps du 19 février, à la page 6, fait cependant état lui aussi d’un coût de $150,000.

15. Le Soleil du 18 février 1958, à la page 3, révèle que cet échange sur le nombre d’employés du ministère est le seul à survenir lors de l’adoption des crédits des trois premiers postes budgétaires du ministère du Travail.

16. Parmi les sources, seul le Montréal-Matin du 18 février 1958, à la page 2, mentionne qu’il y aurait eu ajournement de la séance en fin d’après-midi. Nous ne pouvons situer cet ajournement avec exactitude.

17. La Chambre n'obtient aucun éclaircissement à ce propos, précise Le Soleil du 18 février 1958, à la page 11.

18. L’autre désigne sans doute le maire de Montréal de l’époque, le sénateur Sarto Fournier.

19. L’échange suivant, selon Le Nouvelliste du 18 février 1958, à la page 15, survient alors que la Chambre s’apprête à compléter l’étude des crédits du ministère du Travail.

20. Le chef de l’opposition est chauve, d’où cette boutade.

21. À peine trois heures ont été nécessaires pour procéder à l’adoption de l’ensemble des crédits du ministère du Travail, déclare Le Soleil du 18 février 1958, à la page 3.