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Version finale

25th Legislature, 2nd Session
(November 13, 1957 au February 21, 1958)

Wednesday, February 19, 1958

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Première séance du mercredi 19 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 11 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Dossiers d’entreprises d’affaires

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 51 concernant les dossiers d’entreprises d’affaires dans la province.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Congregation Shomrim Laboker-Beth Yehudah

M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce) propose que le bill 254 concernant Congregation Shomrim Laboker-Beth Yehudah n’ayant pas été présenté dans les délais prescrits à cause de circonstances incontrôlables, les droits additionnels seulement que les promoteurs de ce bill ont payés leur soient remboursés.

Adopté.

Chiropratique au Québec

M. Chartrand (L’Assomption) propose que le bill 216 sur la chiropratique dans la province de Québec n’ayant pas été adopté, les droits ordinaires que les promoteurs de ce bill ont payés leur soient remboursés, après déduction de tous frais d’impression et de traduction.

Adopté.

Loi de l’impôt sur le revenu

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 42 modifiant la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements soit maintenant lu une deuxième fois.

Il s'agit donc, dit-il, d'une loi qui est la réaffirmation des droits essentiels de la province, une loi qui manifeste l'avance additionnelle dans le chemin conduisant à la récupération intégrale des prérogatives provinciales, une loi qui met en lumière l'indispensabilité des prérogatives fiscales dans le domaine gouvernemental, sous un régime de gouvernement responsable.

On ne pourra jamais trop répéter certaines vérités fondamentales qui sont trop souvent oubliées. L'année de 1760 fut une année fatidique pour la race canadienne-française et la province de Québec. Lorsque le vieux drapeau trempé de pleurs amers1 retraversa les mers, 60,000 seulement Canadiens d'origine française et catholique demeuraient en terre d'Amérique entourés d'ennemis de toutes sortes, et ne possédant aucuns moyens humains de poursuivre la tâche qu'ils avaient assumée de fonder un nouveau pays de culture française et catholique. Et, pendant des années, ils furent en butte à des persécutions et à des guerres sans nombre. Ils durent lutter non seulement pour leur existence matérielle, mais pour la conservation de leur langue et de leur foi. Et même, ils eurent à faire face à une loi qui interdisait l'usage du français, ainsi qu'à une loi scolaire destinée à extirper de la terre d'Amérique le rameau français.

Ils eurent à traverser des périodes très dures, demandant un grand héroïsme et un sens développé de la responsabilité personnelle. Pendant des années, ils n'avaient que le droit de payer les taxes sur lesquelles ils n'exerçaient aucun contrôle. Ils avaient à faire face à des ennemis nombreux, puissants par leurs richesses matérielles et par leur expérience. Et, malgré tout cela, nos aïeux ont fini par gagner un gouvernement responsable, c'est-à-dire non seulement possédant le droit de faire des lois, mais possédant les moyens financiers indispensables pour exercer ce droit. Ces luttes, cet héroïsme, ce dévouement, qui projettent sur le présent et loin dans l'avenir des reflets encourageants, mettent en lumière un héritage de force, de grandeur qui nous a été légué et que nous devons conserver en le faisant fructifier.

Après avoir essayé différentes formules, on en est venu à établir un gouvernement responsable en unissant deux provinces, le Bas et le Haut-Canada. Mais cela n'a pas duré longtemps. On s'est aperçu que ça ne pouvait pas marcher, parce que le mariage entre sœurs est contre nature. C'est alors que se sont réunis à Charlottetown et à Québec des hommes politiques de toutes les croyances et de toutes les opinions politiques pour trouver au pays un mode de gouvernement qui correspondrait aux besoins de l'heure, tout en respectant les parties composantes. On en est venu à la décision de former la Confédération et à faire une constitution, l'Acte de l'Amérique britannique du Nord.

La Confédération de 1867 n’a pas conféré de droits à nos aïeux. La Constitution n'a fait que reconnaître dans la loi ces droits conquis auparavant de haute lutte, qui lui sont acquis depuis nombre d’années. Parmi ces droits, il y en a d'importance vitale comme la juridiction exclusive dans le domaine de l'éducation, dans le champ du droit civil, au point de vue municipal, en ce qui concerne la propriété et la santé publique et dans une foule de domaines énumérés à l'article 92 de l'Acte de l'Amérique britannique du Nord. Il est évident que la constitution, suivant l'Union du Bas et du Haut-Canada, n'a pas été faite pour assimiler, mais pour l'association d'entités distinctes.

Mais il n'est pas possible de gouverner, dans aucun de ces domaines, sans pouvoirs fiscaux adéquats. Les Pères de la Confédération ont compris que, pour exercer ses droits, les provinces devaient posséder les pouvoirs fiscaux correspondants. Ils n'ont donné aux autorités centrales que deux taxes: la taxe d'accise et les droits de douane. Et cela prouve bien qu'à ce moment-là, ils n'avaient pas l'intention de remplacer toutes les autres taxes par des subsides; sinon ils l'auraient mentionné clairement. Les provinces ont le droit exclusif d'imposer des taxes directes pour des fins provinciales. C'est clair comme l'eau de roche. On peut diverger d’opinion sur certains points, mais on doit au moins reconnaître aux provinces un droit concurrent à celui d’Ottawa en matière d’impôt direct et nier à Ottawa tout droit à l’impôt direct pour des fins provinciales. Personne d'autre n'a donc le droit d'imposer des taxes directes pour des fins provinciales.

Ce pouvoir fiscal, c'est la clé de la maison paternelle; c'est, pour le peuple, la seule façon de jouir de sa majorité, d'être débarrassé de la tutelle, de la curatelle. Dans la province de Québec, ce pouvoir fiscal, c'est d'être capable de respirer librement l'air pur des vastes horizons, au lieu d'être obligé de respirer sous la tente à oxygène fédérale; c'est le droit d'avoir les cordeaux et de n'être pas mené par d'autres. Nous ne voulons pas que personne ne nous conduise et nous ne voulons pas non plus conduire les autres. Nous voulons nous occuper de nos propres affaires.

La province de Québec n'est pas une province comme les autres. Elle possède des caractéristiques particulières, des traditions, une langue, une religion. Sir Wilfrid Laurier2 déclarait que la forme fédérative avait été adoptée pour garder au Québec toutes ces choses. Mais bien que la province de Québec ne soit pas comme les autres, elle n'a jamais été inférieure à qui que ce soit, pour ce qui est de la loyauté envers son pays et ses engagements. Or, depuis quelques années, mais d'une manière particulièrement tenace et suivie depuis 15 ou 16 ans, on assiste à des assauts répétés contre les droits des provinces, et particulièrement de la province de Québec, surtout dans le domaine fiscal. On a tendance à vouloir remplacer le droit de taxation, donc le droit de vivre comme gouvernement responsable, par des subsides.

Depuis quelques années, on a traité les provinces en parias, on a considéré les provinces comme des êtres inexistants et, on l’a déjà dit, comme des corps municipaux glorifiés. On semble vouloir les faire disparaître en tarissant leurs sources de revenus. Pendant des années, la province de Québec a eu à subir des assauts qui rappellent les persécutions dont nos aïeux ont été l'objet depuis 1760.

Sous la dictée des bureaucrates, le gouvernement central a travaillé à faire disparaître les provinces en tarissant leurs sources de revenus. Pendant sept ou huit ans, le Québec a été ostracisé par le fédéral. On a cependant fini par reconnaître une partie des droits et des prérogatives que la province réclamait sans flancher.

La taxe sur les profits des corporations est une taxe directe qui appartient en premier lieu aux provinces, et ensuite, à Ottawa, tout comme l'impôt direct sur le revenu personnel. Je suis convaincu que le gouvernement du Québec a priorité dans ces deux champs de taxation, pour des fins provinciales. Il ne peut pas y avoir discussion à ce sujet. Si c’est un droit concurrent, comme d’aucuns l’affirment, il est logique de penser que lorsqu'il y a deux propriétaires concurrents, l'un ne doit pas accaparer les droits de l'autre. Or, la taxe sur les successions est essentiellement provinciale, car elle découle du Code civil, et il est clair que si on donne à Ottawa le droit de taxer les successions, il obtient en même temps le droit de changer l'ordre des successions.

Ottawa a pénétré pour la première fois dans le domaine de l'impôt successoral en 1941, en donnant comme raison qu'il fallait taxer les successions pour se rendre compte si le défunt avait bien payé son impôt sur le revenu. Il n’a pourtant aucun droit dans ce domaine. Ce n'était pas logique d'attendre la mort de quelqu'un pour l'attaquer, sachant bien qu'il ne pouvait pas se défendre. C'était une taxe injuste, arbitraire, inhumaine et anticonstitutionnelle.

L’attitude acharnée du Québec a finalement eu des résultats. En 1955, le gouvernement fédéral a enfin reconnu à la province de Québec et autres provinces canadiennes le droit à 10 % de l'impôt sur le revenu personnel, à 9 % de l'impôt sur les profits des corporations et à 50 % des droits sur les successions. C’était peu, mais c’était quelque chose. C'était un commencement, mais ce n'était pas complet, car même s’il s’agit de droits concurrents, l’une des parties ne peut pas prendre pour elle seule 90 %, 91 % et 50 % des droits de l'autre.

Il explique comment sont calculés les paiements de péréquation, en prenant comme base le revenu des trois taxes dans les provinces d'Ontario et de la Colombie-Britannique. Il faut, poursuit-il, avoir une mentalité de centralisateurs pour mettre en doute le droit de la province de Québec d'accepter ces montants du fédéral.

Tous les ans, dans le temps de Pâques, je reçois, à titre de premier ministre, des montants d’argent de citoyens qui sentent le besoin de les restituer au Trésor provincial, pour obtenir la paix de leur conscience. Comme vous le savez, les gens vont se confesser pendant la Semaine sainte et, quelquefois, leur conscience les tracasse. Ils envoient donc de l’argent au gouvernement pour rembourser des montants d’argent qu’ils doivent. Je n’essaie pas de découvrir d’où provient cet argent ou à quoi il sert. Je le rends simplement au ministère des Finances et il va au fonds consolidé du revenu. Je n’envoie aucun accusé de réception. C’est une restitution.

Ottawa est dans la peau de l’homme qui va se confesser et qui décide de rendre ce qui appartient aux autres gouvernements. Le gouvernement central nous restitue, par ces paiements de péréquation, une partie de ce qu'il nous a pris, une partie de notre butin, sans que nous soyons obligés de donner des reçus. Nous avons le droit, et c’est notre devoir de le faire, de prendre cet argent comme celui d’une personne qui restitue le montant dont elle a pillé le Trésor provincial, sans infirmer en aucune façon les droits de la province de Québec.

Ce n’est qu’une restitution partielle cependant. La province de Québec ne demande ni concessions, ni faveur. La politique d’Ottawa est une politique de confiscation. Nous protestons et demandons restitution.

Pour sa part, le gouvernement central a qualifié de "paiement de péréquation" ces restitutions du bien pris aux provinces. Quand on nous restitue une partie de l’argent qui nous a été pris illégalement, nous la prenons. Je ne pose aucune question, mais nous ne donnons ni reçu, ni quittance. Je le prends, et je verse simplement le tout dans le Trésor du peuple.

Cette année, le nouveau gouvernement Diefenbaker a fait un pas de plus dans la bonne voie puisque, en l'espace de sept mois, il a augmenté la part des provinces à l’impôt sur le revenu personnel en leur accordant 3 %, alors que le gouvernement précédent n'avait remis que 5 % en sept ans3. Mais c'est encore loin d'être ni complet, ni satisfaisant. Tout de même, cela nous appartient et on le prend, sans rien céder de nos droits. La province ne peut manquer cette occasion d’affirmer ses droits en n’occupant pas cette partie vacante du champ de l’imposition. Je ne vois pas pourquoi le Québec ne devrait pas accepter de tels paiements, malgré son refus des subventions fédérales par le passé.

La loi actuellement soumise à l'Assemblée législative a pour objet de permettre au gouvernement provincial de récupérer le 3 % de l'impôt sur le revenu abandonné par Ottawa. Certaines gens diront qu'il s'agit d'une double taxation. Cela existe toujours avec notre régime actuel. La double taxation demeurera dans certains cas, soit pour ceux dont les salaires sont les plus élevés, mais, s’il faut blâmer quelqu’un de cet état de choses, c’est plutôt le gouvernement qui perçoit 87 % de l’impôt que celui qui n’en retire que 13 %.

Tant que le monde existera, il y aura double, triple, quadruple imposition en certains milieux. Dès qu’on admet qu’il doit y avoir un gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et municipaux, des commissions scolaires, des corps de syndics, on ne peut éviter un tel état de choses. Il n'y aurait qu'un moyen d'éviter cela: n'avoir qu'un seul gouvernement etune seule taxe, ce qui est ridicule et impossible à penser.

Le Québec est la seule province au Canada où l'impôt sur le revenu n'est pas payé par un célibataire qui gagne moins de $1,500, ou par les hommes mariés gagnant moins de $3,000, alors que, partout ailleurs, l'exemption des célibataires est de $1,000, et celle des gens mariés, de $2,000. De toute façon, 350,000 citoyens du Québec ne paient pas d'impôt provincial sur le revenu, et le gouvernement de la province de Québec, en présentant sa première loi d'impôt sur le revenu personnel, en 1954, s'est rendu à l'appel de NN. SS. les évêques qui voulaient une exemption de base de $1,500 et de $3,000 pour ces deux classes respectivement.

En vertu de la nouvelle loi, en dépit du fait que le gouvernement de Québec récupère le 3 % abandonné par Ottawa, pas un seul contribuable du Québec ne paiera un sou de plus qu’avant. Bien plus, il y aura certaines gens qui paieront moins.

En vertu de cette loi, les gens qui paient à Québec un montant équivalent à 5 %, 6 %, 7 %, 8 % ou 9 % de l’impôt fédéral vont continuer à payer le même pourcentage. Mais le 3 % qu’Ottawa abandonne, qui représente une partie de notre butin, la province va le prendre à son compte. Quant à ceux qui paient 15 %, 16 % ou 17 % de l’impôt fédéral, ils sauveront 1 %, 1.5 %. C'est donc une amélioration considérable et un changement favorable à la province de Québec.

La Chambre basse discute en ce moment le principe du bill. Ce principe est clair. Il s'agit de savoir si la province de Québec va exercer ses droits et affirmer ses droits inaliénables dans ce domaine vital, et continuer sa marche en avant, pour obtenir finalement la récupération complète de ses prérogatives essentielles et de tous ses biens. Ceux qui sont en faveur que la province continue cette marche dans la voie de la récupération voteront en faveur de la loi. D'ailleurs, c'est conforme à la saine tradition libérale que le fait pour Québec d'exercer ses pouvoirs fiscaux dans toute leur plénitude. Sir Wilfrid Laurier, qui fut le plus grand des chefs libéraux, a déclaré et répété que c'est un principe vicieux et mauvais, celui selon lequel le gouvernement perçoit des taxes, tandis qu’un autre gouvernement prend et dépense l’argent ainsi perçu. Un sénateur libéral, M. Hayden, disait au Sénat, le 30 janvier dernier, ce qui suit: "C’est nier le principe du gouvernement responsable que de permettre au gouvernement fédéral de percevoir des impôts pour les remettre aux gouvernements provinciaux."

En somme, la doctrine de l'Union nationale à ce sujet rejoint la doctrine libérale, celle de Sir Wilfrid Laurier. En ce qui me concerne, il aurait été plus facile pour moi d'accepter les subsides d'Ottawa que d'entreprendre cette lutte longue et ardue. Mais il s'agit d’une question de vie ou de mort pour la province de Québec et nous ne reculerons pas. Je réaffirme nos opinions et elles ne changeront jamais, peu importe la couleur du gouvernement au pouvoir à Ottawa. Nous sommes favorables à rendre justice à tous, à vivre en harmonie avec les autres provinces, pour le bien du pays et du Québec en particulier. Notre attitude n'a jamais été inspirée par les prochaines élections, mais par les prochaines générations4.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): J'aurais préféré que nous eussions les derniers amendements du gouvernement avant d'entreprendre l'étude de la loi. Cela n'en modifie pas le principe, mais ils nous auraient permis de faire des calculs plus exacts pour voir si le gouvernement a raison de prétendre qu'aucun contribuable ne paiera plus d'impôts qu'actuellement.

On me permettra de ne pas insister sur le "vieux drapeau trempé de pleurs amers" dont a parlé le premier ministre. Je passerai aussi rapidement sur l'évolution constitutionnelle, avant 1867, car c'est véritablement de l'Acte confédératif que partent les difficultés que les législateurs fédéraux et provinciaux ont rencontrées depuis. J'ajoute que, sur ces problèmes, nous rencontrerons probablement d'autres difficultés pour des années à venir. Elles ne sont pas près de finir. Des parlementaires et des universitaires ont étudié ces questions, qui sont tellement complexes que l'on peut se demander quand se signera le traité de paix, dans le domaine fiscal, entre Ottawa et les provinces.

Les hommes politiques qui ont préparé la Confédération ne pouvaient pas prévoir quelle serait l'évolution économique du pays. C'est même frappant de constater qu'après la promulgation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, du vivant même de ceux qui y avaient travaillé, les difficultés ont commencé entre les signataires de ce document. Il n'est donc pas étonnant qu'en 1958, la Constitution soit encore l'objet d'études, de discussions, de législation.

Je ne veux pas prendre position pour ou contre ceux qui, depuis 1867, ont exprimé des opinions sur le fond du débat.

Le premier ministre a déclaré que des gens ont déjà comparé les gouvernements provinciaux à des administrations municipales. Je lui dirai que la personne qui a donné le plus de retentissement à cette fausseté, c'est M. Beauchesne, ancien greffier de la Chambre des communes, homme dont j'ai dénoncé les théories centralisatrices et qui a déjà été sur la liste de paye de la province de Québec.

Il ne fait pas de doute que, dès 1867, la province de Québec était considérée comme jouant un rôle spécial au Canada. Il y avait encore présent à l'esprit de tous les Canadiens français des souvenirs pénibles. On a d'ailleurs admis que l'apport du Bas-Canada à la Confédération était essentiel. Deux articles de la Constitution sont importants entre tous, ce sont ceux qui établissent en quelque sorte le droit général entre Ottawa et les provinces. C'est au sujet de ces deux articles qu'on a le plus discuté. Plus près de nous, des hommes politiques comme Mercier et Gouin5 ont fait preuve d'un grand souci d'assurer à la province les revenus nécessaires.

L'industrialisation du tournant du siècle a complètement transformé la situation et a pour la première fois posé sérieusement le problème des taxes directes et indirectes. Le problème a pris encore plus d'acuité à la faveur des deux dernières Grandes Guerres de 1917 et 1939, alors que le gouvernement fédéral, aux prises avec des dépenses sans précédent, a envahi ce qu'on a appelé le domaine du droit civil et le domaine de l'impôt sur le revenu des individus. On a prétendu que cela ne serait que temporaire, mais jamais cela ne s'est produit nulle part qu'un impôt aussi important soit ensuite abandonné.

À la fin de la guerre, Ottawa a fait des propositions pour assurer ce qu'il disait être le retour à la paix et l'embauchage intégral. C'est là qu'est née la véritable bataille constitutionnelle. J'ai personnellement pris position contre l'envahissement des pouvoirs provinciaux en matière des droits des successions. J’ai déclaré, ce que qui n'a pas fait plaisir à tous mes amis, qu'Ottawa n'a rien à voir à ce domaine qui ne lui appartient pas et que Québec devrait en garder la maîtrise exclusive.

Mais les provinces sont divisées, quand elles se présentent à Ottawa. Et cela fait leur faiblesse. On devrait multiplier les conférences interprovinciales. Il importerait que les provinces commencent à agir selon une ligne de pensée commune, en autant que le particularisme de chacune puisse le leur permettre. Nous avons eu le spectacle de provinces refusant ou acceptant les offres du fédéral, en tout ou en partie.

Lors de la présentation de la loi provinciale de l’impôt sur le revenu, à la session 1953-1954, nous nous sommes opposés à ce qu'un contribuable paie la même taxe, en même temps, à deux gouvernements.

Le fédéral n’allouait alors qu’un abattement de 5 %, et rien ne laissait prévoir un abattement plus considérable pour des années à venir. L’impôt provincial, fixé à 15 % de celui d’Ottawa, constituait donc une double taxation pour les contribuables du Québec.

Nous avons dit, à l’époque, que si nous avions l’assurance qu’une déduction fédérale était accordée, nous ne nous opposerions pas à la mesure. Nous avons reconnu que la province avait le droit d’imposer le revenu personnel. Nous avons admis le principe, mais non la double taxation. C’est contre cette double taxation que nous avons votée.

L'année suivante, le gouvernement fédéral a porté cette déduction de 5 % à 10 %. Cette même réduction vient d’être portée à 13 %. Les circonstances ont donc changé considérablement, et comme les libéraux n’ont jamais été opposés au fait que la province impose le revenu des particuliers pour affirmer ses droits dans ce domaine, nous votons aujourd’hui pour le principe de la loi.

Sur le problème de l'impôt provincial, j’ai accepté le point de vue de la Chambre de commerce de Montréal. Par la suite, le rapport Tremblay a recommandé le mode de règlement proposé par la Chambre de commerce de Montréal, puis par la Chambre de commerce de la province.

Nous devrions discuter les problèmes constitutionnels avec plus d'ampleur que nous le faisons généralement. C'est ainsi que, dans son rapport, la Chambre de commerce accusait les provinces de n'avoir pas occupé le champ de l'assurance-santé et d'avoir laissé Ottawa prendre les devants. Le gouvernement fédéral a empiété sur plusieurs domaines de juridiction provinciale, et surtout sur le secteur du bien-être social, mais c’est parce que la province ne s’en est pas occupé plus tôt. Aujourd'hui, il serait difficile de changer la situation. Cela démontre que nous devrions convoquer assez fréquemment des conférences interprovinciales pour discuter nos problèmes communs.

Au sujet des paiements de péréquation, je ne partage pas l'avis du premier ministre, quand celui-ci dit qu'il s'agit de restitution. Je suis d'opinion que ces paiements de péréquation ont surtout pour but premier de répartir la richesse du pays. Dans ce domaine, je m'accorde encore avec la Chambre de commerce de Montréal. Par suite de sa politique, la province de Québec, pendant sa bataille des 15 dernières années avec les autorités fédérales, a subi des pertes de $300,000,000 de revenus en subsides. Je ne voudrais pas qu'on considère les paiements de péréquation comme une restitution des $300,000,000, comme une récupération partielle de ces montants. Le gouvernement provincial ne devrait pas abandonner son droit de revendiquer cette somme dans le futur, en décrivant constamment les paiements de péréquation comme une restitution de ce qui est dû aux provinces. Je veux que ces paiements soient considérés comme des montants dont on se servira pour préparer l'avenir.

Nous pouvons poser des actes unilatéraux, mais j'en reviens toujours à ce que j'ai déclaré tout à l'heure. Nous ne pouvons agir seuls, lorsqu'il est question de faire des réclamations. Il faudrait que les provinces s'entendent, et il appartiendrait à la province de Québec de prendre l'initiative de convoquer des conférences interprovinciales pour se consulter et présenter un front uni devant le gouvernement fédéral.

L'opposition reconnaît à la province le droit d'intervenir dans le champ de l'impôt, tout en nous réservant d’en discuter les modalités. Quant au principe de la présente mesure, il est admis. Sur le droit que possède la province de prélever son propre impôt sur le revenu et sur la nécessité de conserver les pouvoirs fiscaux qui nous sont attribués par la Constitution, nous sommes pleinement d'accord avec le gouvernement. Étant donné que l’argent ira aux mères nécessiteuses, l’opposition ne présentera pas d’amendement et s’opposera à ce bill. Mais en comité, je voudrais avoir des détails sur la deuxième partie. Le premier ministre a dit qu'il n'y aura pas d'impositions nouvelles. C'est ce qui reste à voir, quand nous discuterons les modalités. Mais je le répète, sur le principe, nous sommes d'accord; mais nous insistons sur la nécessité pour les provinces de s'entendre entre elles sur la stratégie générale à suivre, au lieu de se présenter devant Ottawa avec des réclamations contradictoires, en vue d’obtenir une plus grande part de la taxe sur le revenu national, si elles ne sont pas d’accord quant à leurs exigences.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Il me semble que La Presse et le Montreal Daily Star de Montréal ont clairement fait ressortir le principe de ce bill dans les titres dont ils coiffaient leurs nouvelles au sujet de cet impôt, le 13 février. La Presse disait: "Dégrèvement fédéral annulé par Québec"; le Star écrivait: "Quebec tax changes bring disappointment" ("Les modifications à l'impôt provincial provoquent un désappointement").

Le journal anglais continuait que les contribuables québécois qui avaient espéré bénéficier des dégrèvements accordés par Ottawa avaient vu rapidement leurs illusions dissipées. En somme, Ottawa était prêt à accorder ce 3 % aux contribuables, pour réduire la marge de la double taxation dans le Québec. La province est intervenue. Elle a dit à ces mêmes contribuables: vous ne bénéficierez qu'en partie de ce retrait du fédéral.

En effet, ceci signifie que vous, malheureux peuple du Québec qui avez payé la double taxation et qui avez prié pour avoir une exonération, n’obtiendrez qu’une partie de l’exonération offerte par Ottawa, mais vous devrez aussi nous en donner une partie.

Le principe du bill en discussion reste la double taxation. J’appuie les concessions faites à la province par Ottawa dans le domaine de l’impôt sur le revenu, mais je crois que, quand Ottawa fait de telles concessions, ces dernières devraient profiter au payeur de taxes québécois et non pas être interceptées rapidement par le gouvernement provincial. Québec aurait dû laisser à ses contribuables tout le bénéfice du geste posé par Ottawa, au lieu de garder la ristourne fédérale toute ou en partie pour lui.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Des conférences interprovinciales sont une chose impraticable. Deux conférences des provinces ont été convoquées par Mercier et Gouin, et ce fut un fiasco. La représentation était très faible. Il n’y a eu qu’une seule conférence de tous les premiers ministres, à Québec, et elle a été convoquée par le premier ministre actuel.

Il existe déjà actuellement un comité permanent des conférences fédérales-provinciales. Les représentants des provinces qui siègent sur ce comité se rencontrent à l'occasion pour se consulter et échangent des vues entre les conférences intergouvernementales canadiennes.

Mais il est puéril de suggérer à Québec de prendre l'initiative de convoquer les conférences interprovinciales. Si les députés de l’opposition avaient assisté à une petite partie seulement des conférences d’Ottawa, ils auraient constaté qu’il n’y avait pas d’erreur plus grande pour le Québec que celle de donner l’impression qu’elle veut s’organiser avec les autres provinces contre l’autorité centrale. Ce serait un mythe, une chimère de convoquer des conférences interprovinciales.

Ceux qui connaissent le moindrement l'atmosphère qui règne à Ottawa savent très bien que les autorités fédérales verraient dans un tel geste une sorte de défi, une provocation contre Ottawa et une tentative d’ingérence dans les affaires des autres provinces. Au point de vue pratique, les résultats seraient nuls.

D'ailleurs, il y a des premiers ministres d'autres provinces qui ont sur ces problèmes des idées qu'on ne changera pas. Nous ne voulons mener personne, à Québec. Et Québec, de son côté, qui n'est pas une province comme les autres, n'entend être menée par personne non plus.

Au contraire, le gouvernement actuel préfère continuer dans la ligne de conduite qu'il a suivie jusqu'ici. Celle-ci doit être bonne, puisqu'elle a suscité des appuis comme celui du sénateur Hayden, de certains premiers ministres provinciaux, et du sous-ministre fédéral des Finances, M. Douglas Taylor, qui me déclarait à une conférence fédérale-provinciale que la seule province à tenir une attitude logique était Québec. Les moyens que nous avons pris sont les meilleurs et, depuis quelques années, ils ont donné des résultats concrets, et nous allons continuer dans la même voie.

Mais encore une fois, on ne peut invoquer l'exemple de Mercier et Gouin, au sujet des conférences interprovinciales. Elles n'ont rien donné...

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Lors de la dernière conférence interprovinciale, Laurier a félicité les premiers ministres provinciaux...

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Mais ça été un fiasco.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Pas un fiasco total.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): De toute façon, le gouvernement actuel s'inspire de l'attitude même de Laurier en matière d'autonomie provinciale et il continuera à le faire. L’attitude et l’opinion du gouvernement actuel de la province en cette matière, qui a permis à la province de récupérer déjà une partie appréciable de ses droits et prérogatives, n’ont pas changé et ne changeront pas. Nous les maintiendrons intégralement, ni par entêtement, ni par partisanerie politique, et peu importe la couleur du gouvernement au pouvoir à Ottawa. Nous voulons vivre en harmonie avec tous les gouvernements, dans le respect des droits de chacun, mais en exigeant la reconnaissance des droits essentiels d’une province qui n’est pas comme les autres. C’est une politique qui nous est inspirée non en vue des prochaines élections, mais pour les prochaines générations.

Il demande d’enregistrer le vote sur la deuxième lecture.

La motion est mise aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Auger, Barré, Beaulieu, Bellemare, Bernard, Bernatchez, Bertrand, Boudreau, Bourque, Brown, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Cottingham, Courcy, Couturier (Gaspé-Nord), Couturier (Rivière-du-Loup), Custeau, Desjardins, Dionne, Dozois, Ducharme, Duplessis, Earl, Élie, Fortin, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Richelieu), Gagnon (Matapédia), Galipeault, Gérin, Gosselin, Guillemette, Hanley, Hébert, Hyde, Johnson, Johnston, Labbé, Laberge, Ladouceur, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Larouche, Lavallée, Leclerc, Levesque, Lorrain, Maltais, Miquelon, Ouellet (Jonquière-Kénogami), Ouellet (Saguenay), Parent, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot (Gaspé-Sud), Pouliot (Laval), Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Rochette, Rochon, Ross, Roy, Russell, Saint-Pierre, Samson, Schmidt, Somerville, Talbot, Théberge, Thibeault, Tremblay, Turpin, Vachon, 79.

Contre: 06.

Ainsi, la motion est adoptée. Le bill 42 est, en conséquence, lu une deuxième fois.

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 42 modifiant la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose: 1. Que l'article 31 de la loi 2-3 Elizabeth II, chapitre 17, soit modifié:

a. en remplaçant, dans la première ligne du paragraphe 3o, le mot "quatre" par le mot "cinq";

b. en remplaçant, dans la première ligne du paragraphe 4o, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante";

c. en remplaçant, dans la deuxième ligne du paragraphe 5o, le mot "quatre" par le mot "cinq";

d. en remplaçant, dans la deuxième ligne du paragraphe 6o, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante".

2. Que l'article 36 de ladite loi soit modifié:

a. en remplaçant, dans la cinquième ligne, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante";

b. en remplaçant, dans la sixième ligne, le mot "quatre" par le mot "cinq".

3. Que ladite loi soit modifiée en y ajoutant, après l'article 41, le suivant:

"41a. Pour les fins du présent article,

a. "impôt fédéral sur le revenu" signifie impôt visé au chapitre 148 des Statuts révisés du Canada, 1952;

b. "contribuable" désigne toute personne ou société tenue de payer l'impôt décrété par le chapitre 17 de la loi 2-3 Elizabeth II;

c.   "déduction" désigne la déduction additionnelle de trois pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu pour l'année 1958.

Pour l'année d'imposition 1958, le montant de la déduction définie au paragraphe c, ou une partie de cette déduction, suivant le cas, est ajouté au montant de l'impôt du contribuable calculé suivant l'article 41, et cela, dans les proportions suivantes:

1o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial n'excède pas dix pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: le montant de cette déduction;

2o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède dix pour cent mais n'excède pas treize pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: une somme équivalente à la différence entre son impôt calculé suivant l'article 41 et le montant correspondant à treize pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu;

3o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède treize pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: cinquante pour cent de cette déduction."

La loi actuelle, déclare-t-il, est en vigueur pour l’année 1958. L'impôt provincial n'est pas basé sur l'impôt fédéral de l'an dernier, mais sur celui de cette année. En d’autres termes, le calcul de l’impôt provincial s’appliquera au montant de l’impôt de cette année avec les réductions. Avec les nouveaux dégrèvements que la loi apporte, l’exemption pour un enfant à la charge de ses parents, et qui est éligible aux allocations familiales, passera de $150 à $250. L’exemption actuelle pour un enfant à la charge de ses parents, mais non admissible aux allocations familiales, est portée de $400 à $500. Il s'agit là d'une réduction d’impôt dont les gens de Québec vont bénéficier pour au-delà de $1,000,000.

La taxe commence à courir à partir de $1,500 au Québec, alors qu'elle commence à $1,000 à Ottawa. Pour les personnes mariées, cette taxe commence à $3,000 au Québec, comparativement à $2,000 pour l'impôt fédéral. La province de Québec est donc la seule où sont exempts d’impôt les célibataires gagnant moins de $1,500 et les personnes mariées gagnant moins de $3,000. En vertu de la nouvelle loi, un père de famille de quatre enfants ayant droit aux allocations familiales jouira d’une exemption d'impôt provincial jusqu’à concurrence de $4,000. Dans le cas d’une personne mariée ayant à sa charge quatre personnes n'ayant pas droit aux allocations, l’exemption d’impôt comptera jusqu’à concurrence de $6,0007.

Bref, loin d’apporter une augmentation d’impôt, la loi actuelle constitue une réduction de taxes pour un grand nombre de contribuables de la province. À l’heure actuelle, 350,000 contribuables du Québec n’ont pas à payer l’impôt provincial. La plupart d’entre eux bénéficieront de la déduction de 13 % autorisée par Ottawa.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Pour quel montant cette réduction profitera-t-elle aux contribuables?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pour $1,000,000. à $1,200,000.

Il explique un amendement apporté aux paragraphes 2 et 3 de l'article 41a du bill.

Ces paragraphes devront se lire comme suit:

2. dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède dix pour cent mais n'excède pas onze et demi pour cent (au lieu de treize) de l'impôt fédéral sur le revenu: une somme équivalente à la différence entre son impôt calculé suivant l'article 41 et le montant correspondant à treize pour cent de l'impôt fédéral retenu sur le revenu;

3.  dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède onze et demi pour cent (au lieu de treize) de l'impôt fédéral sur le revenu: cinquante pour cent de cette réduction.

Il ne s'agit pas là d'une augmentation, mais d'une diminution de taxes. C'est une amélioration. On paiera à Québec, au lieu de payer à Ottawa. Le citoyen de la province de Québec devrait être content.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Sur la résolution no 3 (concernant l'article 41a), combien en coûtera-t-il aux contribuables de la province?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pas un contribuable de la province ne paiera un sou de plus. Mais un grand nombre paiera moins.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Je répète que je parle de la résolution no 3.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les contribuables de Québec vont bénéficier de plusieurs millions de réduction. Nous aurons ici les contribuables qui paieront le moins d’impôts au Canada, et le plus grand nombre de contribuables qui ne paieront rien du tout. Une augmentation des exemptions représente une perte de $1,200,000 par année pour le gouvernement provincial, mais nous estimons pouvoir retirer de la déduction de 3 % environ $3,000,000, pour payer le surplus qui servira à payer l’augmentation de l’allocation aux mères nécessiteuses. Cet estimé n'est pas définitif. L’allocation de base pour une mère nécessiteuse avec un enfant demeure à $60 par mois, mais l’allocation pour chaque enfant additionnel est portée de $3 à $10.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Sur les contribuables qui vont payer ces $3,000,000, combien y en a-t-il qui vont profiter d'une réduction d'impôt?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Presque tous.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Les contribuables, et non la province, devraient bénéficier de la réduction de 3 %.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Québec ne perçoit que 13 % des taxes de toute nature, comparativement à 87 % pour Ottawa.

Le député de Westmount-Saint-Georges (M. Hyde) critique parce qu’il a peur de faire dommage à son ami Marler8.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Il est ordonné que le comité siège de nouveau à la prochaine séance.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill       43    autorisant l’aide financière de la province aux victimes de l’inondation dans le comté de Beauce en décembre 1957;

- bill       46    concernant la garantie des emprunts des pêcheurs.

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 33 modifiant la loi de l’assistance publique de Québec, avec l’amendement suivant qu’il la prie d’agréer:

L’article 6 est biffé.

Et les articles 7 et 8 deviennent les articles 6 et 7.

 

Projets de loi:

Loi de l’assistance publique

La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 33 modifiant la loi de l’assistance publique de Québec.

L’amendement est lu et accepté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.

 

Ajournement

M. l’Orateur prononce l’ajournement.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 19 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Loi de l’impôt sur le revenu

Conformément à l’ordre du jour, la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le projet de résolutions relatives au bill 42 modifiant la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

Le comité poursuit l’étude du projet de résolutions soumis par le représentant de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) à la séance précédente, et dont le texte se lit comme suit:

1. Que l'article 31 de la loi 2-3 Elizabeth II, chapitre 17, soit modifié:

a. en remplaçant, dans la première ligne du paragraphe 3o, le mot "quatre" par le mot "cinq";

b. en remplaçant, dans la première ligne du paragraphe 4o, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante";

c. en remplaçant, dans la deuxième ligne du paragraphe 5o, le mot "quatre" par le mot "cinq";

d. en remplaçant, dans la deuxième ligne du paragraphe 6o, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante".

2. Que l'article 36 de ladite loi soit modifié:

a. en remplaçant, dans la cinquième ligne, les mots "cent cinquante" par les mots "deux cent cinquante";

b. en remplaçant, dans la sixième ligne, le mot "quatre" par le mot "cinq".

3. Que ladite loi soit modifiée en y ajoutant, après l'article 41, le suivant:

"41a. Pour les fins du présent article,

a. "impôt fédéral sur le revenu" signifie impôt visé au chapitre 148 des Statuts révisés du Canada, 1952;

b. "contribuable" désigne toute personne ou société tenue de payer l'impôt décrété par le chapitre 17 de la loi 2-3 Elizabeth II;

c. "déduction" désigne la déduction additionnelle de trois pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu pour l'année 1958.

Pour l'année d'imposition 1958, le montant de la déduction définie au paragraphe c, ou une partie de cette déduction, suivant le cas, est ajouté au montant de l'impôt du contribuable calculé suivant l'article 41, et cela, dans les proportions suivantes:

1o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial n'excède pas dix pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: le montant de cette déduction;

2o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède dix pour cent mais n'excède pas onze et demi pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: une somme équivalente à la différence entre son impôt calculé suivant l'article 41 et le montant correspondant à treize pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu;

3o   dans le cas d'un contribuable dont l'impôt provincial excède onze et demi pour cent de l'impôt fédéral sur le revenu: cinquante pour cent de cette déduction."

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Combien de contribuables tombent dans chacune des catégories prévues par le bill?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Dans la province de Québec, il y a 950,000 contribuables qui paient l'impôt fédéral sur le revenu ou l'impôt provincial. Mais, sur ce nombre, 350,000 ne paient pas l'impôt provincial sur le revenu, à cause des exemptions plus généreuses accordées par la loi provinciale. Il reste donc 600,000 contribuables qui paient l'impôt provincial. La majeure partie de ces gens ont un impôt provincial inférieur à 13 % de l'impôt fédéral. Seulement 500 ou 600 personnes paient un impôt supérieur à 13 %.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): D'après les chiffres du gouvernement, le bill devrait accroître de $3,000,000 environ les revenus de la province. Une grande partie de cette somme sera dépensée en 1958-1959 alors qu'elle ne figure pas dans le budget. De même, le gouvernement doit dépenser, au cours de l'exercice, $3,000,000 pour les mères nécessiteuses, et cette somme n'apparaît pas non plus dans le budget. En établissant le budget, on aurait dû tenir compte de ces sommes comme des autres prévisions budgétaires9.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) donne quelques précisions sur la loi des mères nécessiteuses. Elles seront 53,000 à en bénéficier, dit-il.

Les résolutions sont adoptées.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que ces résolutions soient maintenant agréées.

La motion est mise aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Auger, Barré, Beaulieu, Bellemare, Bernard, Bernatchez, Bertrand, Boudreau, Bourque, Brown, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Cottingham, Courcy, Couturier (Gaspé-Nord), Couturier (Rivière-du-Loup), Custeau, Desjardins, Dionne, Dozois, Ducharme, Duplessis, Earl, Élie, Fortin, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Richelieu), Gagnon (Matapédia), Galipeault, Gérin, Gosselin, Guillemette, Hanley, Hébert, Hyde, Johnson, Johnston, Labbé, Laberge, Ladouceur, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Larouche, Lavallée, Leclerc, Levesque, Lorrain, Maltais, Miquelon, Ouellet (Jonquière-Kénogami), Ouellet (Saguenay), Parent, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot (Gaspé-Sud), Pouliot (Laval), Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Rochette, Rochon, Ross, Roy, Russell, Saint-Pierre, Samson, Schmidt, Somerville, Talbot, Théberge, Thibeault, Tremblay, Turpin, Vachon, 79.

Contre: 0.

Ainsi, la motion est adoptée. Les résolutions relatives au bill 42 sont, en conséquence, agréées.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 42 modifiant la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements soit maintenant lu une troisième fois.

La motion est mise aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Auger, Barré, Beaulieu, Bellemare, Bernard, Bernatchez, Bertrand, Boudreau, Bourque, Brown, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Cottingham, Courcy, Couturier (Gaspé-Nord), Couturier (Rivière-du-Loup), Custeau, Desjardins, Dionne, Dozois, Ducharme, Duplessis, Earl, Élie, Fortin, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Richelieu), Gagnon (Matapédia), Galipeault, Gérin, Gosselin, Guillemette, Hanley, Hébert, Hyde, Johnson, Johnston, Labbé, Laberge, Ladouceur, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Larouche, Lavallée, Leclerc, Levesque, Lorrain, Maltais, Miquelon, Ouellet (Jonquière-Kénogami), Ouellet (Saguenay), Parent, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot (Gaspé-Sud), Pouliot (Laval), Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Rochette, Rochon, Ross, Roy, Russell, Saint-Pierre, Samson, Schmidt, Somerville, Talbot, Théberge, Thibeault, Tremblay, Turpin, Vachon, 79.

Contre: 0.

Ainsi, la motion est adoptée. Le bill 42 est, en conséquence, lu une troisième fois.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

 

Questions et réponses:

The Canadian Johns Manville Ltd.

M. Lafrance (Richmond): 1. Quelle somme la compagnie The Canadian Johns Manville Limited a-t-elle versée au gouvernement de la province de Québec au cours de l'exercice financier 1956-1957 à titre:

a. De redevance pour permis spécial de recherches minières?

b. De rente annuelle?

c. De droits sur ses profits annuels en vertu de la loi des mines de Québec?

d. De taxe en vertu de la loi de l'impôt sur les corporations?

2. Le lieutenant-gouverneur en conseil a-t-il exigé le triple des droits ordinaires sur les profits annuels de cette compagnie en vertu du paragraphe 2 de l'article 13 de la loi des mines de Québec visant le cas de minerais transportés hors de la province pour y être traités?

3. Combien de tonnes de minerai ont été expédiées par cette compagnie au cours de l'année ci-dessus mentionnée?

Les honorables M. Bourque (Sherbrooke) et M. Cottingham (Argenteuil): À la connaissance du ministère des Finances et du ministère des Mines, aucune compagnie désignée sous le nom ci-dessus n'existe dans la province.

 

Projets de loi:

Allocations aux mères nécessiteuses

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 50 concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants soit maintenant lu une deuxième fois.

Il s’agit là, explique-t-il, d’une législation améliorée de nouveau par l’Union nationale, après les élections, législation d’une haute portée sociale qui fut établie en 1938 par l’Union nationale.

Il reproche aux libéraux d’avoir partiellement saboté cette loi, de 1939 à 1944, en réduisant les allocations, mais, affirme-t-il, l’Union nationale a rétabli les choses après 1944 et, l’an dernier, le gouvernement portait à $60 par mois les pensions de $35 et $40, soit l’allocation de base prévue pour la mère et son premier enfant, plaçant la ville et la campagne sur le même pied à ce sujet.

Aujourd’hui, par ce bill 50, le gouvernement propose d’augmenter de $3 à $10 par mois les allocations payées à chacun des enfants d’une mère nécessiteuse, en plus du premier. La mesure profitera à 53,000 mamans et entraînera un déboursé de $3,000,000 de plus au gouvernement cette année. Cette dépense sera cependant compensée par les nouvelles recettes provenant de la déduction de 3 % cédée par le gouvernement fédéral sur l’impôt sur le revenu.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): À entendre le premier ministre faire l'éloge de son parti à l'occasion de cette loi, il m’est venu à l'esprit que si les mères nécessiteuses n'existaient pas, il faudrait les inventer.

Je suis d’autant plus heureux d’approuver la loi que, de 1950 à 1956, la députation libérale, à chaque session, à cause de l'augmentation du coût de la vie, n’a cessé de réclamer au gouvernement des augmentations d’allocations pour les mères nécessiteuses. Chaque fois, le premier ministre nous servait une grande leçon de morale, et c'est en ces circonstances qu'il a inventé sa phrase fameuse: "l'opposition suscite des appétits stériles". De 1950 à 1956, l'opposition libérale s'est fait dire qu'elle faisait de la démagogie à même les besoins de la population.

Ce qui nous importait alors, c'était que, depuis l'époque de la première loi, il s'était passé un tas de choses, et que ce qui était alors suffisant ne suffisait plus. C'est pourquoi nous réclamions une hausse des allocations, parce que nous savions qu’il était impossible à une mère nécessiteuse de vivre avec ses enfants. Ce n'était donc pas susciter des appétits stériles, car si l'augmentation avait été accordée il y a six ans, au moment où nous la réclamions, nous aurions voté pour, tout comme nous voterons cette fois-ci pour la hausse accordée, parce que, dans les deux cas, elle était ou est nécessaire. La preuve qu’il ne s’agissait pas d’appétits stériles, c’est qu’ils seront désormais comblés.

À entendre le discours du premier ministre, on se demande s'il n'est pas plus intéressé à la gloriole de son parti qu'aux mères nécessiteuses.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J’ai deux proverbes pour décrire l'attitude de l'opposition. Ces deux dictons sont: "l'histoire est un éternel recommencement" et "grattez un Russe et vous allez trouver un Cosaque".

L'opposition a toujours été généreuse en paroles, mais désastreuse au pouvoir, tandis que l'Union nationale exerce sa générosité en passant des lois bienfaisantes, comme celle des mères nécessiteuses. L'opposition a la bouche en cœur pour promettre exactement le contraire de ce qu'elle a fait au pouvoir. Quant à l'Union nationale, c'est elle qui a constitué les allocations aux mères nécessiteuses en 1938. Les libéraux ne l'ont pas fait, malgré 40 ans de régime. Cette réforme de l'Union nationale a été sabotée par l'opposition lorsqu'elle est revenue au pouvoir, le gouvernement Godbout a réduit les allocations aux mères nécessiteuses de plusieurs centaines de milliers de dollars. En revenant au pouvoir en 1944, non seulement nous avons rétabli les allocations comme elles étaient avant, mais nous les avons augmentées à deux reprises par la suite.

Les mères nécessiteuses ont coûté à la province $15,350,000 l'an dernier. Il s'agissait là d'une augmentation de $3,200,000. Cette année, l'augmentation supplémentaire sera de quelque $3,000,000, ce qui fera en tout $6,200,000 de plus.

La motion est adoptée. Le bill est lu une deuxième fois.

Il est ordonné que le bill soit lu une troisième fois au cours de la présente séance.

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 50 concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose: 1. Que l'article 10a de la loi de l'assistance aux mères nécessiteuses (Statuts refondus, 1941, chapitre 180), édicté par l'article 1 de la loi 5-6 Elizabeth II, chapitre 5, soit remplacé par le suivant:

"10a. La base des allocations accordées en vertu de la présente loi est de soixante dollars par mois dans le cas d'une mère gardant avec elle un enfant plus, le cas échéant, une allocation mensuelle de dix dollars pour chacun de ses autres enfants à charge."

Adopté.

2. Que la loi qui sera basée sur les présentes résolutions aura effet à compter du 15 mars 1958.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté deux résolutions, lesquelles sont lues et agréées.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre adopté précédemment, que le bill 50 concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

 

Voies et moyens:

Débat sur le budget 1958-1959 (suite)

Conformément à l’ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné mardi le 18 février courant, sur la motion du représentant de Sherbrooke (l’honorable M. Bourque) proposant que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. Brown (Brome): Le gouvernement se vante d’avoir établi de très belles écoles spécialisées. Mais nous n’avons encore aucune école où l’on enseignerait la technique de la construction aéronautique. Nous avons pourtant dans la province de grandes avionneries, comme celle de Canadair, qui emploie à elle seule 10,300 employés. Nous avons besoin aussi d’un personnel spécialisé dans l’entretien des appareils. Comme l’aviation ne cesse de se développer, il est temps que nous ayons dans le Québec des écoles où l’on enseigne les techniques spécialisées utilisées dans cette industrie.

L’attitude du premier ministre à l’endroit du régime conservateur de M. Diefenbaker semble des plus complaisantes, et il semble qu’à peu près tous les députés de l’Union nationale attendent la fin de la présente session pour se lancer dans la mêlée et prêter main-forte à leurs amis conservateurs.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Le premier geste officiel de notre nouveau lieutenant-gouverneur, l’honorable Onésime Gagnon, a été de rendre visite, aussitôt après son assermentation, à Son Excellence Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec et primat du Canada. Je trouve que ce geste est très significatif, puisqu’il exprime l’excellente collaboration qui existe en notre province entre les autorités civiles et religieuses.

Cette collaboration se traduit notamment sur le plan de l’éducation. Et puisqu’on fait souvent appel au témoignage des évêques de l’autre côté de la Chambre, il me paraît opportun de rappeler les paroles que Son Excellence Mgr Giovanni Panico10 a prononcées à Sherbrooke pour louer cette belle collaboration de l’Église et de l’État chez nous et féliciter le premier ministre de l’esprit de tolérance et de liberté qu’il fait régner dans le domaine de l’éducation.

L’opposition cherche à représenter le gouvernement et le premier ministre comme des ennemis des ouvriers. Rien n’est plus contraire aux faits. Ainsi, dans les métiers du bâtiment, par exemple, les salaires payés à Montréal sont en général plus élevés qu’à Toronto. Ils sont même plus élevés qu’aux États-Unis. Dernièrement, 65 briqueteurs se sont rendus à New York, dans l’espoir d’y trouver des conditions de travail plus avantageuses. Ils sont tous revenus, après avoir constaté que les salaires à New York n’étaient que de $60 à $70 par semaine, alors qu’ils étaient de $100 à Montréal.

Dans l’industrie de l’amiante, c’est grâce à une intervention personnelle du premier ministre qu’une augmentation automatique de $0.40 par point a été insérée dans les contrats de travail, pour hausser les salaires au même rythme que le coût de la vie. Avec la conséquence que le salaire horaire moyen payé par cette industrie a plus que doublé en quelques années, pour devenir le plus haut du Canada. Il est actuellement de $1.96 l’heure.

Il parle de l’œuvre merveilleuse des centres d’apprentissage et des centres de réhabilitation. Il n’existe nulle part au monde, dit-il, de centres mieux équipés. En 10 ans, il s’est donné 2,057,553 traitements dans les centres de réhabilitation, et 6,568 patients, sur un total de 8,415, ont vu leur état considérablement amélioré.

Il parle des organisations de loisirs.

Nous avons dans le Québec, suivant les termes employés par le président du Montreal Stock Exchange, des administrateurs de grande classe.

M. Couturier (Rivière-du-Loup) réclame une meilleure organisation des loisirs pour les enfants. Pour, dit-il, procurer des loisirs sains aux enfants et prévenir la criminalité juvénile, il faut commencer par réformer la famille, lorsque celle-ci oublie ses devoirs. Les parents devraient rester à la maison et s’intéresser à leurs enfants. Aujourd’hui, malheureusement, nombre de parents sont attirés par les villes, et ce qui les attire surtout dans les villes, ce sont les débits de boisson. Je ne suis pas Lacordaire, mais je puis dire au député de Montréal-Mercier (M. Thibeault): qu’il fasse fermer les débits de boisson, et il aura largement contribué à garder les parents à la maison et à régler le problème des loisirs.

Il réclame un plan d’assurance-hospitalisation qu’on pourrait établir, affirme-t-il, sur une base analogueà celle des pensions de vieillesse. Les gens peu fortunés, à moins de pouvoir bénéficier de l’assistance publique, n’osent plus se faire traiter. Une longue maladie peut les endetter pour des années. Je comprends que la session tire à sa fin, mais on devrait faire quelque chose à ce sujet dès l’an prochain.

M. Dionne (Rimouski) parle des travaux de voirie qui s’imposent dans son comté. Il réclame tout particulièrement la suppression de deux courbes à 90 degrés et d’un passage à niveau, au Bic. Il demande également au gouvernement de continuer les travaux du boulevard qui contournera la ville de Rimouski, ajoutant, dit-il, que le ministre de la Voirie (l’honorable M. Talbot) pourrait s’entendre avec Ottawa pour le prolongement du mur de protection. Le ministre a promis de payer le contracteur qui a fait du remplissage.

L’honorable M. Talbot (Chicoutimi): Je n’ai jamais rien promis. Ce sont les autorités de Rimouski et non le gouvernement qui ont fait des ententes avec le contracteur.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): On reprend un débat antérieur, ce qui est défendu par les règlements.

M. l’Orateur maintient le point de vue du premier ministre.

M. Dionne (Rimouski) parle de l’entretien des chemins d’hiver et réclame l’amélioration des routes du haut du comté, où se trouvent, dit-il, des paroisses centenaires et qui méritent qu’on s’occupe d’elles.

Je veux parler d’un projet qui ferait gagner des millions en salaires et dont la réalisation serait avantageuse à maints points de vue: le barrage du détroit de Belle-Isle entre Terre-Neuve et le Labrador.

M. l’Orateur: Le député de Rimouski s’engage sur un terrain international. La discussion d’un tel projet ne peut être faite sur le budget.

M. Parent (Hull) regrette que les employés civils du Québec aient un salaire trop bas. On devrait leur permettre, soutient-il, d’avoir une convention collective avec le gouvernement et créer une commission du service civil qui soit opérante, au lieu d’être une commission au service du parti au pouvoir. Si cette commission était réellement opérante, elle produirait chaque année un rapport annuel au Parlement, comme c’est le cas en Ontario.

De plus, les ouvriers manuels qui travaillent pour la province devraient avoir droit aux prestations de chômage, quand ils perdent leur place.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La loi de l’assurance-chômage ne peut s’appliquer au gouvernement de la province de Québec.

M. Parent (Hull): Le premier ministre semble moins prompt à intervenir devant les indélicatesses d’Ottawa à l’endroit des provinces. Je me demande si la chose ne s’expliquerait pas par la présence à Ottawa d’un gouvernement qui lui est plus sympathique.

À lire les annonces électorales, on constate que les ministériels s’intéressent de très près à la campagne fédérale, et d’une manière qui n’est pas du tout à l’avantage des droits provinciaux. Ainsi, on n’a pas encore entendu aucun commentaire de la part du gouvernement sur le projet de M. Diefenbaker de transiger directement avec les municipalités, alors que celles-ci relèvent exclusivement des provinces. Pourquoi le gouvernement de Québec n’a pas protesté publiquement quand M. Diefenbaker a proposé de réunir une conférence fédérale-municipale pour étudier les problèmes des municipalités? C’est sans doute parce que l’Union nationale ne veut pas nuire à l’élection des candidats conservateurs.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je n’ai jamais changé d’attitude et je continue de revendiquer les droits provinciaux avec la même détermination qu’auparavant. J’ai souvent protesté, au contraire, auprès de M. Saint-Laurent et de M. Diefenbaker contre toute tentative de passer par-dessus la tête des provinces, pour traiter avec les municipalités.

Je ne peux pas, cependant, empêcher qu’un ancien ministre libéral, devenu maire de Québec (M. Wilfrid Hamel), et les maires des autres grandes villes d’aller à Ottawa discuter des problèmes intéressant leur ville, comme celui qui a trait au site du prochain bureau de poste de Québec.

J’ai dit et j’ai répété à maintes reprises que les corporations municipales tiennent leurs pouvoirs des provinces et qu’Ottawa doit respecter la Constitution sur ce point comme sur les autres. L’Union nationale n’a pas changé d’idée à ce sujet.

M. Parent (Hull): Si les villes sentent maintenant le besoin de s’adresser à la tête, au gouvernement du pays, c’est que les gouvernements des provinces font preuve d’inertie dans le règlement des problèmes municipaux, qui sont très graves actuellement.

Il répète une suggestion qu’il a déjà faite concernant la convocation d’une conférence entre le gouvernement provincial, les municipalités et les commissions scolaires, pour discuter avec eux les problèmes qui concernent le partage des sources de revenus entre la province et les administrations locales suivant les tâches de chacun.

Le premier ministre, sur la question des relations fédérales-provinciales, se contente toujours des mêmes formules vagues, imprécises, depuis des années. Il lui reproche de ne pas avoir revendiqué avec assez de force les droits de la province au cours de la Conférence d’Ottawa11. L’augmentation de 10 % à 13 % dans la déduction de l’impôt sur le revenu n’est qu’une victoire partielle, déclare-t-il. Il faut arriver à obtenir 100 % de nos droits.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C’est le but que l’Union nationale poursuit!

M. Parent (Hull) demande la tenue d’une conférence interprovinciale et l’établissement d’un bureau permanent des provinces pour organiser la lutte contre Ottawa. Les provinces y gagneraient à se rencontrer périodiquement pour établir une stratégie commune.

M. Desjardins (Gatineau)12: M. l'Orateur, je propose l’ajournement du débat.

M. Parent (Hull): Je n’ai pas encore terminé mon discours, dit-il.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous étiez assis...

M. Parent (Hull): Si j’ai repris mon siège, c’est que je croyais que le député de Gatineau (M. Desjardins) faisait une intervention, soit pour soulever un point d’ordre, soit pour autre chose. C’est pour cela que j’ai repris mon siège, comme l’exigent les règlements de la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): En reprenant son fauteuil, le député de Hull a perdu automatiquement son droit de parole. Il aurait dû demeurer debout jusqu’à ce qu’il fût sûr qu’il s’agissait bien d’un point d’ordre.

Le député de Hull (M. Parent) et le député de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) engagent un débat.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) appuie la mise au point du représentant de Hull. Un député doit reprendre son siège quand un autre membre de la Chambre se lève, affirme-t-il. Le député de Gatineau s’étant levé, le député de Hull devait reprendre son siège.

M. l’Orateur: Je n’ai pas vu le député de Gatineau se lever, parce qu’il ne se trouvait pas dans mon rayon visuel. Tout ce que j’ai constaté, c’est que le député de Hull, à un moment donné, avait repris son siège. Ce n’est qu’à ce moment que j’ai entendu le député de Gatineau proposer l’ajournement. Je me suis aperçu que le député de Gatineau était debout quand je l’entendis dire: M. l'Orateur.

Il décide de prendre cette affaire en délibéré et de ne rendre son jugement qu’à la reprise de la séance, à 8 h 15.

Le débat est suspendu.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 h 15

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill       38    modifiant la loi des marchés agricoles du Québec;

- bill       41    concernant la contribution de la province à la célébration du trois cent cinquantième anniversaire de la fondation de Québec;

- bill       47    concernant la vente des terres publiques et droits de surface;

- bill       48    pour venir en aide aux victimes du sinistre dans le comté de Mégantic au mois d’août 1957.

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 271 concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal, avec les amendements suivants qu’il la prie d’agréer:

1. L'article 16 est modifié en ajoutant, aux huitième et neuvième lignes, après les mots "loi 54 Victoria, chapitre 53 et ses amendements, ainsi que" ce qui suit: "l'article 564h tel qu'inséré dans le chapitre 58 de la loi 62 Victoria, par".

2. L'article 19 est modifié à la page 8:

a.   en biffant les deux paragraphes commençant par "Chaque acheteur devra" et "Toute personne résidant";

b.   en insérant, aux onzième et douzième lignes du troisième paragraphe, après les mots "par le recensement", le mot "fait";

c.   en ajoutant à la suite du troisième paragraphe se terminant par le mot "définitive", ce qui suit:

"Le recensement prévu à l'alinéa précédent est fait, sur tout le territoire assujetti audit impôt, conjointement par la Commission des écoles catholiques de Montréal et par le Bureau métropolitain des écoles protestantes de Montréal. En cas de divergence, la décision du surintendant est finale. Les frais encourus par ces deux organismes constituent, subordonnément à l'approbation du surintendant de l'instruction publique, une créance privilégiée sur le produit de la taxe."

d.   en remplaçant, à la première ligne du dernier paragraphe, les mots "Nonobstant l'alinéa qui précède, l'impôt" par ce qui suit:

"Nonobstant les alinéas qui précèdent, l'impôt".

3. Ce qui suit est ajouté après l'article 19 comme articles 20, 21 et 22:

"20. Nonobstant toute disposition législative inconciliable avec la présente, la taxe de un dollar dans le cent dollars d'évaluation qui serait autrement perçue dans la cité de Montréal pour les fins de la Commission des écoles catholiques de Montréal par l'application des lois 32 Victoria, chapitre 16, et 34 Victoria, chapitre 12, et leurs amendements est réduite pour l'année financière 1958-1959 et les quatre années financières suivantes de ladite commission, à quatre-vingts cents dans le cent dollars d'évaluation. Cette taxe, pour lesdites années financières, est basée sur l'évaluation de la cité de Montréal alors en vigueur et elle est imposée, perçue et remise de la manière et au temps prescrits par ces lois.

Les obligations de la cité de Montréal envers la Commission des écoles catholiques de Montréal à l'égard de cette taxe sont modifiées en conséquence pour les années financières susdites de la commission.

"21. Les articles 4 et 5 du chapitre 80 de la loi 14 George VI, tels que remplacés par les articles 4 et 5 du chapitre 102 de la loi 15-16 George VI, sont abrogés.

Sous réserve de tout jugement déjà rendu par un tribunal compétent et de toute action institués avant le 5 février 1958, les décisions prises en vertu du Règlement numéro 54, tel qu'adopté le 19 février 1952 par la Commission sont valides, obligatoires et incontestables, et les articles susdits ont toujours conféré à la Commission des écoles catholiques de Montréal le pouvoir de se réserver, par règlement, entière discrétion pour refuser ou accorder les avantages qui y sont prévus à tout instituteur ou institutrice ayant démissionné avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

"22. L'article 16 de la loi 15 George V, chapitre 45, modifié par la loi 16 George V, chapitre 47, article 1, et remplacé par les lois 17 George V, chapitre 42, article 2, et 18 George V, chapitre 51, article 1; et de nouveau modifié par les lois 18 George V, chapitre 52, article 1; 18 George V, chapitre 53, article 1; 19 George V, chapitre 48, article 2, et 20 George V, chapitre 60, article 1, est de nouveau remplacé par la loi 21 George V, chapitre 65, article 2, et de nouveau modifié par les lois 24 George V, chapitre 43, article 3; 1 Édouard VIII, chapitre 17, article 1; 2 George VI, chapitre 120, article 1, et 11 George VI, chapitre 81, article 8, et modifié par 1-2 Elizabeth II, chapitre 116, article 2, par 4-5 Elizabeth II, chapitre 124, article 11, et par 5-6 Elizabeth II, chapitre 129, article 4, est de nouveau modifié en y ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant:

"Le taux de cette taxe sera de un dollar soixante-cinq dans le cent dollars pour l'année 1958-1959, nonobstant toute disposition législative, résolution ou règlement inconciliable avec la présente disposition."

4. L'article 20 devient l'article 23.

 

Projets de loi:

Commission des écoles catholiques de Montréal

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 271 concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Les amendements sont lus et acceptés.

Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.

Taxes scolaires à Montréal

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du bill 49 concernant le taux des taxes scolaires à Montréal.

L’honorable M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) propose que l'ordre qui vient d'être lu soit révoqué.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Québec n’aura pas besoin de légiférer pour assurer que la taxe scolaire des neutres à Montréal ne soit pas haussée de $1.65 à $1.75. J’ai communiqué avec les autorités des deux commissions. La Commission catholique et la Commission protestante ont accepté de rescinder la résolution par laquelle elles avaient décidé de hausser le taux de cette taxe. En conséquence, le gouvernement retire la loi qu’il avait préparée à cet effet.

Aucune augmentation de la taxe sur les immeubles n’est nécessaire d’après la législation adoptée précédemment qui autorisait les Commissions de Montréal à augmenter la taxe sur les ventes au détail de 1 % à 2 %. Les taxes provinciale, municipale et scolaire à Montréal totalisent 6 %.

Adopté. Ledit bill est alors retiré.

 

Voies et moyens:

Débat sur le budget 1958-1959 (suite et fin)

Conformément à l’ordre du jour, la Chambre reprend le débat, suspendu ce jour, sur la motion du représentant de Sherbrooke (l’honorable M. Bourque) proposant que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. l’Orateur: Il y a lieu d’appliquer l’article 282 des règlements de la Chambre. En vertu de ce règlement, un député qui reprend son siège perd son droit de parole. Il suggère, toutefois, que la Chambre, du consentement unanime, pouvait ignorer l’article en question et laisser le député de Hull (M. Parent) continuer son discours.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) signifie qu’il n’est pas opposé et donne le consentement des ministériels.

M. Parent (Hull) répond au discours du ministre du Bien-être social et de la Jeunesse (l’honorable M. Sauvé), notamment au sujet des bons du Trésor qui se chiffraient à $240,750,000 pour l’année 1957-1958, dont $236,000,000 ont été remboursés. Le ministre du Bien-être social et de la Jeunesse, rappelle-t-il, a déclaré que l’Hydro, ayant trop d’argent, le prête au gouvernement. Si c’est vrai, pourquoi l’Hydro emprunte-t-elle si souvent sur le marché de New York? Pourquoi ne pas diminuer ses taux de l’électricité à l’avantage des contribuables au lieu de les augmenter, si sa situation financière est aussi brillante qu’on le dit?

Il accuse le gouvernement d’avoir augmenté les taxes.

L’honorable M. Prévost (Montmorency) félicite le nouveau ministre des Finances (l’honorable M. Bourque) pour son brillant exposé de la situation financière de la province. Il témoigne de sa reconnaissance pour le prédécesseur du nouveau ministre, M. Onésime Gagnon.

J’ai été, dit-il, l’associé du lieutenant-gouverneur pendant 10 ans au cours desquels j’ai pu apprécier sa droiture. Cette probité a, d’ailleurs, marqué non seulement la carrière professionnelle de M. Gagnon, mais sa vie publique. Il a accompli une tâche immense. Je lui souhaite santé, bonheur et longue vie ainsi qu’à son épouse distinguée.

Il décrit la situation financière du Québec, telle que dépeinte, affirme-t-il, par le ministre des Finances qui s’est basé sur les Comptes publics. Or, l’opposition n’a mis en doute aucun des chiffres contenus dans ces Comptes publics, établis selon les règles de la comptabilité.

Les Comptes publics établissent clairement qu’il y a eu de très considérables surplus, chaque année, au compte ordinaire, dans les livres du gouvernement depuis 12 ans. En 1956-1957, l’exercice financier s’est terminé par un surplus de $86,000,000 au compte ordinaire; l’année précédente, le surplus était de $76,000,000; le chef de l’opposition parle néanmoins de déficit.

Prenons un établissement de gestion qui aurait $100,000 de revenus annuels et $80,000 de dépenses; il lui resterait $20,000 de bénéfices à la fin de l’exercice; mais si cet établissement construit un immeuble de $40,000 et paie la moitié de cet immeuble avec ses $20,000 de bénéfices, elle devra $20,000; d’après la thèse du chef de l’opposition, pour cet établissement, l’année s’est terminée par un déficit de $20,000, alors qu’en réalité, il y a eu un surplus de $20,000.

Le chef de l’opposition veut absolument charger les immobilisations pour trouver des déficits. Est-ce un déficit que le pont des chutes Montmorency qui est bâti pour 50 ans?

Est-ce un déficit que le boulevard de Sainte-Anne, ou que la nouvelle côte de la Miche, ou que le nouveau viaduc au-dessus du C.N.R. (Canadian National Railway) à Beaupré? Oui, si l’on adopte la thèse du chef de l’opposition. Non, si l’on fait appel au bon sens.

Le chef de l’opposition n’admet pas qu’on emploie les surplus annuels à des immobilisations au bénéfice des générations futures. Quand on veut être juste pour le gouvernement, il faut présenter les chiffres en faisant les distinctions qui s’imposent.

Les surplus du gouvernement depuis 12 ans se sont élevés à $617,778,000 au compte ordinaire; ils ont servi à payer une grande partie des dépenses d’équipement, se montant à $726,685,000 pour la construction de routes, de ponts, d’édifices, constituant un actif. Or, malgré les surplus, l’opposition reproche au gouvernement des déficits.

Il reproche au chef de l’opposition de n’avoir parlé que de la dette obligataire qui ne reflète qu’un aspect de la situation. Prenons la dette consolidée, déclare-t-il. Elle comprend la dette obligataire, les bons du Trésor et les autres obligations que la province assume. Cette dette consolidée était de $359,562,000, le 31 mars 1945 et de $359,101,000, le 31 mars 1957; loin d’avoir augmenté, elle a diminué de plus de $400,000 en 12 ans.

Le chef de l’opposition s’est limité à la dette obligataire... pour pouvoir, par exemple, laisser de côté les bons du Trésor qui, le 31 mars 1945, s’élevaient à $31,000,000, alors qu’il n’y en avait que pour $4,000,000 le 31 mars 1957.

Voyons maintenant quelle est la dette nette. Cette dette nette s’établit en prenant tout le passif à longue échéance, à court terme, les bons du Trésor, la dette obligataire et les emprunts, et en retranchant l’actif réalisable. Or, cette dette nette qui était de $308,243,000, le 31 mars 1945, n’était plus que de $247,000,000, le 31 mars 1957. Elle avait diminué de $60,000,000 en 12 ans.

Comment expliquer cette diminution? C’est que l’actif réalisable de la province a augmenté grâce à la prévoyance du premier ministre qui s’est efforcé de payer plus vite que nos dépenses, même d’immobilisations, afin de n’avoir pas recours à l’emprunt.

Le chef de l’opposition s’est encore trompé quand il a prétendu additionner les revenus et les dépenses de 1945 à 1958, pour trouver un déficit de $241,000,000. Il y a là une erreur de $155,000,000. Et c’est drôle: chaque fois qu’il s’est trompé, c’est toujours au soutien de sa thèse, jamais en faveur du gouvernement et de la vérité. Le total qu’il a trouvé pour les revenus, c’est $3,445,000,000. Or, le chiffre exact, c’est $3,598,140,000. Pour la même période, le total des dépenses ordinaires a été de $2,980,362,000, ce qui laisse un surplus de $617,778,000. Le gouvernement a fait, en outre, des immobilisations pour $726,685,000. Même en additionnant les immobilisations aux dépenses ordinaires, on ne peut jamais arriver à un déficit de $241,000,000. Il y a évidemment là une erreur.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Ce n’est pas une erreur, mais une différence d’interprétation.

L’honorable M. Prévost (Montmorency): Le chef de l’opposition s’est encore trompé, quand il a additionné les revenus provenant des ressources naturelles pour la même période de 12 ans. Il arrive au chiffre de $265,000,000. C’est $29,278,268 de moins que la vérité. Et j’ai cru découvrir la source de l’erreur: il a oublié de tenir compte des revenus encaissés par le fonds de l’éducation des entreprises forestières et hydroélectriques pour les années 1946-1947 et 1951-1952.

Autre erreur: il a dit que les contribuables avaient dû payer $107,000,000 en taxes de vente, alors que la province n’a reçu que $56,000,000, le reste étant perçu pour le compte des municipalités et des corporations scolaires. Quand on parle d’une taxe provinciale de vente de 5 %, ce n’est pas vrai. C’est 2 % de taxe provinciale, 2 % de taxe municipale et 1 % de taxe scolaire.

Le chef de l’opposition a encore parlé de revenus supplémentaires spéciaux au montant de $54,000,000, qui auraient été perçus et dépensés par les divers départements en dehors du budget. Ça aussi, c’est absolument inexact. Car tous ces revenus sont clairement indiqués et votés dans le budget. Ainsi, en ce qui concerne le secrétariat provincial, nous votons par exemple $176,000 pour l’Imprimeur de la reine, moins $70,000 de recettes à recevoir en abonnements à la Gazette officielle, vente de Statuts, etc. Ce qui laisse une dépense nette de $106,000. Mais qu’on ne vienne pas dire que nous avons dépensé $70,000 de plus que ce qui a été voté. Pour ma part, non seulement je n’ai pas dépassé les montants votés dans mon budget, mais j’ai même retourné au Trésor, à la fin de l’année, une somme de $794,00013 qui n’avait pas été dépensée.

Le chef de l’opposition se trompe quand il prend les $36,000,000 de revenus différés pour des sommes qui auraient été dépensées à même le revenu de l’année suivante. C’est au contraire un revenu que nous percevons dans l’année, mais que nous gardons en réserve pour ne le dépenser que l’année suivante, parce que c’est là qu’il est imputable. Ainsi, les locations de camps payées d’avance, les licences d’automobiles payées en décembre, janvier ou février, les impôts acquittés par anticipation doivent être portés au revenu de l’exercice suivant, ce que nous faisons. Pourquoi dire alors que nous vivons de plus en plus à même les revenus futurs?

Le chef de l’opposition mentionne des revenus de $268,000,000 et déclare que le gouvernement n’a payé que $59,000,000 à même le fonds de l’éducation. La réalité, c’est qu’en plus du $59,000,000, le gouvernement a pris dans ce fonds une somme additionnelle de $209,000,000 pour fins d’éducation dans la province de Québec.

En 1944-1945, les subventions du gouvernement dans le revenu des commissions scolaires représentaient 20.6 %. En 1955-1956, ces contributions atteignaient 29.2 %. Le gouvernement, réaliste, accroît sa part d’année en année.

Et si on se rappelle que le gouvernement dépensait $16,000,000, soit $100,000,000 de plus dans un espace de 14 ans, on concédera que le gouvernement donne un magnifique exemple à tous les responsables, y compris les parents, et à la population du Québec.

J’en aurais encore pour deux heures. À l’an prochain14.

La motion est mise aux voix et adoptée. La Chambre se forme de nouveau en comité des voies et moyens.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)15

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: Que, pour pourvoir au paiement des subsides qui ont été accordés à Sa Majesté pour la dépense de l'année financière se terminant le 31 mars 1959, il sera permis de tirer, du fonds consolidé du revenu de la province, une somme ne dépassant pas $299,445,400.

L’étude de la résolution est suspendue.

 

Rapport du comité des voies et moyens:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Il est ordonné que le comité des voies et moyens siège de nouveau à la prochaine séance.

 

Ajournement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre s’ajourne maintenant.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. Allusion à un vers de Louis Fréchette dans La légende d’un peuple.

2. Premier ministre libéral du Canada de 1896 à 1911, et premier premier ministre francophone du pays.

3. Le Devoir du 20 février 1958, à la page 1, écrit 22 ans, ce qui donnerait à penser que le premier ministre Duplessis ne s’en prend pas au seul gouvernement libéral du premier ministre Saint-Laurent mais aussi à celui de son prédécesseur, William Lyon Mackenzie King. L’Action catholique du 20 février 1958, à la page 3, et Le Temps du 26 février 1958, à la page 7, proposent une version semblable à celle du Soleil, notre source.

4. La Presse du 19 février 1958, à la page 12, note que cet exposé du premier ministre a duré près d’une heure.

5. Honoré Mercier et Lomer Gouin, respectivement premier ministre du Québec du 29 janvier 1887 au 30 juin 1890 et du 23 mars 1905 au 8 juillet 1920, le premier au sein du Parti national, le deuxième du Parti libéral.

6. Plusieurs journaux rapportent que c’est la première fois que l’opposition libérale vote en faveur de l’impôt provincial sur le revenu. Les libéraux ont en effet refusé de voter, à la session de 1953-1954, la loi instituant un tel impôt pour une durée de trois ans (la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements). Lorsqu’un second bill, la loi prolongeant l’application de la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements (5-6 Elizabeth II, chapitre 20), a été soumis à la Chambre trois ans plus tard, pour prolonger l’application du premier de cinq ans, les membres de l’opposition, alors dirigés par René Hamel, se sont retirés au moment du vote, le 18 novembre 1956, en déclarant qu’ils ne pouvaient se prononcer sans avoir consulté le rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, qui n’avait pas encore été distribué par le gouvernement. Le Montréal-Matin du 20 février 1958, à la page 3, ajoute que le député de Saint-Maurice (M. Hamel) n’est pas présent en Chambre ce jour-là. Pour plus de détails - et de nuances - sur l’attitude des libéraux face à ce projet de loi, voir notamment la "Lettre de Québec" du journaliste Pierre Laporte de l’édition du Devoir du 20 février 1958, à la page 3.

7. Le Nouvelliste du 21 février 1958, à la page 4, donne des explications différentes. Selon le journaliste Jean-Jacques Saint-Onge, un père de famille gagnant $4,000 par année et ayant à sa charge quatre enfants touchant les allocations familiales ne paiera pas d’impôt provincial. Un père de famille gagnant $6,000 et ayant à sa charge quatre personnes ne pouvant retirer les allocations familiales ne paiera pas non plus d’impôt provincial. L’Action catholique du 20 février 1958, à la page 11, et le Montréal-Matin du 20 février 1958, à la page 6, proposent une version identique à celle du Soleil, notre source.

8. Chef intérimaire du Parti libéral du Québec du 22 juillet 1949 au 20 mai 1950 et chef de l’opposition du 4 novembre 1948 au 18 novembre 1953.

9. Le 20 février 1958, La Presse, à la page 13, ajoute que le chef de l’opposition, probablement en dehors de la Chambre, s’est dit heureux de l’usage que l’on se proposait de faire de ce surplus. Il a également déclaré que cette précision l’avait incité à laisser tomber un amendement qu’il aurait peut-être apporté autrement en troisième lecture. D’après La Tribune du 20 février, à la page 1, le chef de l’opposition aurait plutôt affirmé que son parti se devait de voter pour la mesure, la somme additionnelle devant être versée aux mères nécessiteuses.

10. Délégué apostolique du pape au Canada.

11. Cette Conférence réunissant tous les premiers ministres des provinces et le premier ministre Diefenbaker portait sur la révision des accords fiscaux. Elle s’est déroulée les 25 et 26 novembre 1957.

12. M. Desjardins se lève alors que M. Parent n’a pas encore terminé son discours. Il est alors environ 5 h 55 ou 5 h 56, selon Le Soleil du 20 février 1958, à la page 6.

13. La Presse du 20 février 1958, à la page 29, fait plutôt mention du montant de $794,999. Aucune autre source ne rapporte cet extrait. Il s’agit sans doute, dans l’un ou l’autre des cas, d’une erreur typographique.

14. Le Soleil du 20 février 1958, à la page 6, précise que le ministre s’exprime depuis une heure, soit le temps maximum qui lui est alloué par les règlements.

15. Les sources ne confirment pas la présence du député de Bagot à titre de président du comité des voies et moyens, mais nous supposons qu’il occupe ce siège, puisqu’il a présidé tous les autres comités pléniers de la journée.